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By Stéphane Mallarmé

The Project Gutenberg Etext of Pages, by Stéphane Mallarmé

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Title: Pages

Author: Stéphane Mallarmé

Release Date: November, 2003 [Etext #4688]
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[This file was first posted on March 2, 2002]

Edition: 10

Language: French


The Project Gutenberg Etext of Pages, by Stéphane Mallarmé
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STÉPHANE   MALLARMÉ

PAGES




TABLE

I.     Le Phénomène futur
II.    Plainte d'Automne
lII.   Frisson d'Hiver
IV.    Le Démon de l'Analogie
V.     Pauvre Enfant Pâle
VI.    La Pipe
VII.   Un Spectacle Interrompu
VIII.  Réminiscence
IX.    La Déclaration Foraine
X.     Le Nénufar Blanc
XI.    La Gloire
XII.   L'Ecclésiastique
XIII.  Morceau pour me résumer Vathek
XIV.   Divagation

       _Crayonné au Théâtre_

XV.    Hamlet.
XVI.   Ballets
XVII.  Le Genre, ou des Modernes
XVIII. Un principe des Vers
XIX.   Lassitude

XX.    Richard Wagner. Rêverie d'un Poète Français




Le Phénomène Futur


Un ciel pâle, sur le monde qui finit de décrépitude, va peut-être
partir avec les nuages: les lambeaux de la pourpre usée des
couchants déteignent dans une rivière dormant à l'horizon
submergé de rayons et d'eau.  Les arbres s'ennuient; et, sous leur
feuillage blanchi (de la poussière du temps, plutôt que de celle
des chemins), monte la maison en toile du Montreur de choses
Passées: maint réverbère attend le crépuscule et ravive les
visages d'une malheureuse foule, vaincue par la maladie
immortelle et le péché des siècles, d'hommes près de leurs
chétives complices enceintes des fruits misérables avec lesquels
périra la terre.  Dans le silence inquiet de tous les yeux
suppliant là-bas le soleil qui, sous l'eau, s'enfonce avec le
désespoir d'un cri, voici le simple boniment: «Nulle enseigne ne
vous régale du spectacle intérieur, car il n'est pas maintenant
un peintre capable d'en donner une ombre triste.  J'apporte,
vivante (et préservée à travers les ans par la science
souveraine) une Femme d'autrefois.  Quelque folie, originelle et
naïve, une extase d'or, je ne sais quoi!  par elle nommé sa
chevelure, se ploie avec la grâce des étoffes autour d'un visage
qu'éclaire la nudité sanglante de ses lèvres.  A la place du
vêtement vain, elle a un corps; et les yeux, semblables aux
pierres rares!  ne valent pas ce regard qui sort de sa chair
heureuse: des seins levés comme durs d'un lait éternel/la pointe
vers le ciel, aux jambes lisses qui gardent le sel de la mer
première.» Se rappelant leurs pauvres épouses, chauves, morbides
et pleines d'horreur, les maris se pressent: elles aussi par
curiosité, mélancoliques, veulent voir.


Quand tous auront contemplé la noble créature, vestige de quelque
époque déjà maudite, les uns indifférents, car ils n'auront pas
eu la force de comprendre, mais d'autres navrés et la paupière
humide de larmes résignées, se regarderont; tandis que les poëtes
de ces temps, sentant se rallumer des yeux éteints,
s'achemineront vers leur lampe, le cerveau ivre un instant d'une
gloire confuse, hantés du Rythme et dans l'oubli d'exister à une
époque qui survit à la beauté.



Plainte d'Automne


Depuis que Maria m'a quitté pour aller dans une autre étoile--
laquelle, Orion, Altaïr; est-ce toi verte Vénus?--j'ai toujours
chéri la solitude.  Que de longues journées j'ai passées seul avec
mon chat.  Par _seul_, j'entends sans un être matériel et mon chat
est un compagnon mystique, un esprit.  Je puis donc dire que j'ai
passé de longues journées avec mon chat, et, seul, avec un des
derniers auteurs de la décadence latine; car depuis que la
blanche créature n'est plus, étrangement et singulièrement j'ai
aimé tout ce qui se résumait en ce mot: chute.  Ainsi, dans
l'année, ma saison favorite, ce sont les derniers jours alanguis
de l'été, qui précèdent immédiatement l'automne, et dans la
journée l'heure où je me promène est quand le soleil se repose
avant de s'évanouir, avec des rayons de cuivre jaune sur les murs
gris et de cuivre rouge sur les carreaux.  De même la littérature
à laquelle mon esprit demande une volupté triste sera la poésie
agonisante des derniers moments de Rome, tant, cependant, qu'elle
ne respire aucunement l'approche rajeunissante des barbares et ne
bégaie point le latin enfantin des premières proses chrétiennes.


Je lisais donc un de ces chers poèmes (dont les plaques de fard
ont plus de charme sur moi que l'incarnat de la jeunesse) et
plongeais une main dans la fourrure du pur animal, quand un orgue
de Barbarie chanta languissamment et mélancoliquement sous ma
fenêtre, îl jouait dans la grande allée de peupliers dont les
feuilles me paraissent jaunes même au printemps, depuis que Maria
a passé là avec des cierges, une dernière fois.  L'instrument des
tristes, oui, vraiment: le piano scintille, le violon ouvre à
l'âme déchirée la lumière, mais l'orgue de Barbarie, dans le
crépuscule du souvenir, m'a fait désespérément rêver.  Maintenant
qu'il murmurait un air joyeusement vulgaire et qui mit la gaîté
au coeur des faubourgs, un air suranné, banal: d'où vient que sa
ritournelle m'allait au rêve et me faisait pleurer comme une
ballade romantique?  Je la savourai lentement et je ne lançai pas
un sou par la fenêtre de peur de me déranger et de m'apercevoir
que l'instrument ne chantait pas seul.



Frisson d'Hiver


Cette pendule de Saxe, qui retarde et sonne treize heures parmi
ses fleurs et ses dieux, à qui a-t-elle été?  Pense qu'elle est
venue de Saxe par les longues diligences, autrefois.

(De singulières ombres pendent aux vitres usées.)

Et ta glace de Venise, profonde comme une froide fontaine, en un
rivage de guivres dédorées, qui s'y est miré?  Ah!  je suis sûr que
plus d'une femme a baigné dans cette eau le péché de sa beauté;
et peut-être verrais-je un fantôme nu si je regardais longtemps.

--Vilain, tu dis souvent de méchantes choses..

(Je vois des toiles d'araignées au haut des grandes croisées.)

Notre bahut encore est très vieux: contemple comme ce feu rougit
son triste bois; les rideaux amortis ont son âge, et la
tapisserie des fauteuils dénués de fard, et les anciennes
gravures des murs, et toutes nos vieilleries?  Est-ce qu'il ne te
semble pas, même, que les bengalis et l'oiseau bleu ont déteint
avec le temps.

(Ne songe pas aux toiles d'araignées qui tremblent au haut des
grandes croisées.)

Tu aimes tout cela et voilà pourquoi je puis vivre auprès de
toi.  N'as-tu pas désiré, ma soeur au regard de jadis, qu'en un de
mes poèmes apparussent ces mots: «la grâce des choses fanées»?
Les objets neufs te déplaisent; à toi aussi, ils font peur avec
leur hardiesse criarde, et tu te sentirais le besoin de les user,
--ce qui est bien difficile à faire pour ceux qui ne goûtent pas
l'action.

Viens, ferme ton vieil almanach allemand, que tu lis avec
attention, bien qu'il ait paru il y a plus de cent ans et que les
rois qu'il annonce soient tous morts, et, sur l'antique tapis
couché, la tête appuyée parmi tes genoux charitables dans ta robe
pâlie, ô calme enfant, je te parlerai pendant des heures; il n'y
a plus de champs et les rues sont vides, je te parlerai de nos
meubles..  Tu es distraite?

(Ces toiles d'araignées grelottent au haut des grandes croisées.)



Le Démon de l'Analogie


Avez-vous jamais eu des paroles inconnues chantant sur vos lèvres
les lambeaux maudits d'une phrase absurde?

Je sortis de mon appartement avec la sensation propre d'une aile
glissant sur les cordes d'un instrument, traînante et légère, que
remplaça une voix prononçant les mots sur un ton descendant: «La
Pénultième est morte», de façon que

                                    _La Pénultième_

finit le vers et

             _Est morte_

                                     se détacha de la suspension
fatidique plus inutilement en le vide de signification.  Je fis
des pas dans la rue et reconnus en le son _nul_ la corde tendue
de l'instrument de musique, qui était oublié et que le glorieux
Souvenir certainement venait de visiter de son aile ou d'une
palme et, le doigt sur l'artifice du mystère, je souris et
implorai de voeux intellectuels une spéculation différente.  La
phrase revint, virtuelle, dégagée d'une chute antérieure de plume
ou de rameau, dorénavant à travers la voix entendue jusqu'à ce
qu'enfin elle s'articula seule, vivant de sa personnalité.
J'allais (ne me contentant plus d'une perception) la lisant en
fin de vers et, une fois, comme un essai, l'adaptant à mon
parler; bientôt la prononçant avec un silence après «Pénultième»,
dans lequel je trouvais une pénible jouissance: «La
Pénultième--», puis la corde de l'instrument, si tendue en
l'oubli sur le son _nul_, cassait sans doute, et j'ajoutais en
manière d'oraison: «Est morte».  Je ne discontinuai pas de tenter
un retour à des pensées de prédilection, alléguant, pour me
calmer, que, certes, pénultième est le terme du lexique qui
signifie l'avant-dernière syllabe des vocables, et son
apparition, le reste mal abjuré d'un labeur de linguistique par
lequel quotidiennement sanglote de s'interrompre ma noble faculté
poétique: la sonorité même et l'air de mensonge assumé par la
hâte de la facile affirmation étaient une cause de tourment.
Harcelé, je résolus de laisser les mots de triste nature errer
eux-mêmes sur ma bouche, et j'allai murmurant avec l'intonation
susceptible de condoléance: «La Pénultième est morte, elle est
morte, bien morte, la désespérée Pénultième», croyant par là
satisfaire l'inquiétude, et non sans le secret espoir de
l'ensevelir en l'amplification de la psalmodie quand,
effroi!--d'une magie aisément déductible et nerveuse--je sentis
que j'avais, ma main réfléchie par un vitrage de boutique y
faisant le geste d'une caresse qui descend sur quelque chose, la
voix même (la première, qui indubitablement avait été l'unique).

Mais où s'installe l'irrécusable intervention du surnaturel, et
le commencement de l'angoisse sous laquelle agonise mon esprit
naguère seigneur, c'est quand je vis, levant les yeux, dans la
rue des antiquaires instinctivement suivie, que j'étais devant la
boutique d'un luthier vendeur de vieux instruments pendus au mur,
et, à terre, des palmes jaunes et les ailes, enfouies en l'ombre,
d'oiseaux anciens.  Je m'enfuis, bizarre, personne condamnée à
porter probablement le deuil de l'inexplicable Pénultième.



Pauvre Enfant Pâle..


Pauvre enfant pâle, pourquoi crier à tue-tête dans la rue ta
chanson aiguë et insolente, qui se perd parmi les chats,
seigneurs des toits?  car elle ne traversera pas les volets des
premiers étages, derrière lesquels tu ignores de lourds rideaux
de soie incarnadine.

Cependant tu chantes fatalement, avec l'assurance tenace d'un
petit homme qui s'en va seul par la vie et, ne comptant sur
personne, travaille pour soi.  As-tu jamais eu un père?  Tu n'as
pas même une vieille qui te fasse oublier la faim en te battant,
quand tu rentres sans un sou.

Mais tu travailles pour toi: debout dans les rues, couvert de
vêtements déteints faits comme ceux d'un homme, une maigreur
prématurée et trop grand à ton âge, tu chantes pour manger, avec
acharnement, sans abaisser tes yeux méchants vers les autres
enfants jouant sur le pavé.

Et ta complainte est si haute, si haute, que ta tête nue qui se
lève en l'air à mesure que ta voix monte, semble vouloir partir
de tes petites épaules.

Petit homme, qui sait si elle ne s'en ira pas un jour, quand,
après avoir crié longtemps dans les villes, tu auras fait un
crime?  un crime n'est pas bien difficile à faire, va, il suffit
d'avoir du courage après le désir, et tels qui..  Ta petite
figure est énergique.

Pas un sou ne descend dans le panier d'osier que tient ta longue
main pendue sans espoir sur ton pantalon: on te rendra mauvais et
un jour tu commettras un crime.

Ta tête se dresse toujours et veut te quitter, comme si d'avance
elle savait, pendant que tu chantes d'un air qui devient
menaçant.

Elle te dira adieu quand tu paieras pour moi, pour ceux qui
valent moins que moi.  Tu vins probablement au monde vers cela et
tu jeûnes dès maintenant, nous te verrons dans les journaux.

Oh!  pauvre petite tête!



La Pipe


Hier, j'ai trouvé ma pipe en rêvant une longue soirée de travail,
de beau travail d'hiver.  Jetées les cigarettes avec toutes les
joies enfantines de l'été dans le passé qu'illuminent les
feuilles bleues de soleil, les mousselines et reprise ma grave
pipe par un homme sérieux qui veut fumer longtemps sans se
déranger, afin de mieux travailler: mais je ne m'attendais pas à
la surprise que préparait cette délaissée, à peine eus-je tiré la
première bouffée, j'oubliai mes grands livres à faire,
émerveillé, attendri, je respirai l'hiver dernier qui revenait.
Je n'avais pas touché à la fidèle amie depuis ma rentrée en
France, et tout Londres, Londres tel que je le vécus en entier à
moi seul, il y a un an, est apparu; d'abord les chers brouillards
qui emmitoufflent nos cervelles et ont, là-bas, une odeur à eux,
quand ils pénètrent sous la croisée.  Mon tabac sentait une
chambre sombre aux meubles de cuir saupoudrés par la poussière du
charbon sur lesquels se roulait le maigre chat noir; les grands
feux!  et la bonne aux bras rouges versant les charbons, et le
bruit de ces charbons tombant du seau de tôle dans la corbeille
de fer, le matin--alors que le facteur frappait le double coup
solennel, qui me faisait vivre!  J'ai revu par la fenêtre ces
arbres malades du square désert--j'ai vu le large, si souvent
traversé cet hiver-là, grelottant sur le pont du steamer mouillé
de bruine et noirci de fumée--avec ma pauvre bien aimée errante,
en habits de voyageuse, une longue robe terne couleur de la
poussière des routes, un manteau qui collait humide à ses épaules
froides, un de ces chapeaux de paille sans plume et presque sans
rubans, que les riches dames jettent en arrivant, tant ils sont
déchiquetés par l'air de la mer et que les pauvres bien-aimées
regarnissent pour bien des saisons encore.  Autour de son cou
s'enroulait le terrible mouchoir qu'on agite en se disant adieu
pour toujours.



Un Spectacle Interrompu


Que la civilisation est loin de procurer les jouissances
attribuables à cet état!  on doit par exemple s'étonner qu'une
association entre les rêveurs, y séjournant, n'existe pas, dans
toute grande ville, pour subvenir à un journal qui remarque les
événements sous le jour propre au rêve.  Artifice que la
_réalité_, bon à fixer l'intellect moyen entre les mirages d'un
fait; mais elle repose par cela même sur quelque universelle
entente: voyons donc s'il n'est pas, dans l'idéal, un aspect
nécessaire, évident, simple, qui serve de type.  Je veux, en vue
de moi seul, écrire comme elle frappa mon regard de poète, telle
'Anecdote, avant que la divulguent des _reporters_ par la foule
dressés à assigner à chaque chose son caractère commun.

Le petit théâtre des PRODIGALITÉS adjoint l'exhibition d'un
vivant cousin d'Atta Troll ou de Martin à sa féerie classique _la
Bête et le Génie_; j'avais, pour reconnaître l'invitation du
billet double hier égaré chez moi, posé mon chapeau dans la
stalle vacante à mes côtés, une absence d'ami y témoignant du
goût général à esquiver ce naïf spectacle.  Que se passait-il
devant moi?  rien, sauf que: de pâleurs évasives de mousseline se
réfugiant sur vingt piédestaux en architecture de Bagdad,
sortaient un sourire et des bras ouverts à la lourdeur triste de
l'ours: tandis que le héros, de ces sylphides évocateur et leur
gardien, un clown, dans sa haute nudité d'argent, raillait
l'animal par notre supériorité.  Jouir comme la foule du mythe
inclus dans toute banalité, quel repos et, sans voisins où verser
des réflexions, voir l'ordinaire et splendide veille trouvée à la
rampe par ma recherche assoupie d'imaginations et de symboles.
Etranger à mainte réminiscence de pareilles soirées, l'accident,
le plus neuf!  suscita mon attention: une des nombreuses salves
d'applaudissements décernées selon l'enthousiasme à
l'illustration sur la scène du privilège authentique de l'Homme,
venait, brisée par quoi?  de cesser net, avec, un fixe fracas de
gloire à l'apogée, inhabile à se répandre.  Tout oreilles, il
fallut être tout yeux.  Au geste du pantin, une paume crispée
dans l'air ouvrant les cinq doigts, je compris, qu'il avait,
l'ingénieux!  capté les sympathies par la mine d'attraper au vol
quelque chose, figure (et c'est tout) de la facilité dont est par
chacun prise une idée: et qu'ému au léger vent, l'ours
rythmiquement et doucement levé interrogeait cet exploit, une
griffe posée sur les rubans de l'épaule humaine.  Personne qui ne
haletât, tant cette situation portait de conséquences graves pour
l'honneur de la race: qu'allait-il arriver?  L'autre patte
s'abattit, souple, contre un bras longeant le maillot; et l'on
vit, couple uni dans un secret rapprochement, comme un homme
inférieur, trapu, bon, debout sur l'écartement de deux jambes de
poil, étreindre pour y apprendre les pratiques du génie, et son
crâne au noir museau ne l'atteignant qu'à la moitié, le buste de
son frère brillant et surnaturel: mais qui, lui!  exhaussait, la
bouche folle de vague, un chef affreux remuant par un fil visible
dans l'horreur les dénégations véritables d'une mouche de papier
et d'or.  Spectacle clair, plus que les tréteaux vaste, avec ce
don, propre aux choses de l'art, de durer longtemps: pour le
parfaire je laissai, sans que m'offusquât l'attitude probablement
fatale prise par le mime dépositaire de notre orgueil, jaillir
tacitement le discours interdit au rejeton des sites arctiques:
«Sois bon (c'était le sens), et plutôt que de manquer à la
charité, explique-moi la vertu de cette atmosphère de splendeur,
de poussière et de voix, où tu m'appris à me mouvoir.  Ma
requête, pressante, est juste, que tu ne sembles pas, en une
angoisse qui n'est que feinte, répondre ne savoir; élancé aux
régions de la sagesse, aîné subtil!  à moi, pour te faire libre,
vêtu encore du séjour informe des cavernes où je replongeai, dans
la nuit d'époques humbles, ma force latente.  Authentiquons, par
cette embrassade étroite, devant la multitude siégeant à cette
fin, le pacte de notre réconciliation».  L'absence d'aucun
souffle unie à l'espace, dans quel lieu absolu vivais-je, un des
drames de l'histoire astrale élisant, pour s'y produire, ce
modeste théâtre!  La foule s'effaçait, toute, en l'emblème de sa
situation spirituelle magnifiant la scène: dispensateur moderne
de l'extase, seul, avec l'impartialité d'une chose élémentaire,
le gaz, dans les hauteurs de la salle, continuait un bruit
lumineux d'attente.

Le charme se rompit: c'est quand un morceau de chair, nu, brutal,
traversa ma vision dirigé de l'intervalle des décors, en avance
de quelques instants sur la récompense, mystérieuse d'ordinaire
après ces représentations.  Loque substituée saignant auprès de
l'ours qui, ses instincts retrouvés antérieurement à une
curiosité plus haute dont le dotait le rayonnement théâtral,
retomba à quatre pattes et, comme emportant parmi soi le Silence,
alla de la marche étouffée de l'espèce, flairer, pour y appliquer
les dents, cette proie.  Un soupir, exempt presque de déception,
soulagea incompréhensiblement l'assemblée: dont les lorgnettes,
par rangs, cherchèrent, allumant la netteté de leurs verres, le
jeu du splendide imbécile évaporé dans sa peur; mais virent un
repas abject préféré peut-être par l'animal à la même chose qu'il
lui eût fallu d'abord faire de _notre image_, pour y goûter.  La
toile, hésitant jusque là à accroître le danger ou l'émotion,
abattit subitement son journal de tarifs et de lieux communs.  Je
me levai comme tout le monde, pour aller respirer au dehors,
étonné de n'avoir pas senti, cette fois encore, le même genre
d'impression que mes semblables, mais serein: car ma façon de
voir, après tout, avait été supérieure, et même la vraie.



Réminiscence


Orphelin, j'errais en noir et l'oeil vacant de famille; au
quinconce se déplièrent des tentes de fête, éprouvai-je le futur
et que je serais ainsi, j'aimais le parfum des vagabonds, vers
eux à oublier mes camarades.  Aucun cri de choeurs par la
déchirure, ni tirade loin, le drame requérant l'heure sainte des
quinquets, je souhaitais de parler avec un môme trop vacillant
pour figurer parmi sa race, au bonnet de nuit taillé comme le
chaperon de Dante; qui rentrait en soi, sous l'aspect d'une
tartine de fromage mou, déjà la neige des cimes, le lys ou autre
blancheur constitutive d'ailes au dedans: je l'eusse prié de
m'admettre à son repas supérieur, partagé vite avec quelque aîné
fameux jailli contre une proche toile en train des tours de force
et banalités alliables au jour.  Nu, de pirouetter dans sa
prestesse de maillot à mon avis surprenante, lui, qui d'ailleurs
commença: «Tes parents?»--«Je n'en ai pas.»--«Allons, si tu
savais comme c'est farce, un père..  même l'autre semaine que
bouda la soupe, il faisait des grimaces aussi belles, quand le
maître lançait les claques et les coups de pied.  Mon cher!» et
de triompher en élevant à moi la jambe avec aisance glorieuse,
«il nous épate, papa,» puis de mordre au régal chaste du très
jeune: «Ta maman, tu n'en as pas, peut-être, que tu es seul?  la
mienne mange de la filasse et le monde bat des mains.  Tu ne sais
rien, des parents sont des gens drôles, qui font rire.» La parade
s'exaltait, il partit: moi, je soupirai, déçu tout à coup de
n'avoir pas de parents.



La Déclaration Foraine


Le Silence!  il est certain qu'à mon côté, ainsi que songes,
étendue dans un bercement de promenade sous les roues
assoupissant l'interjection de fleurs, toute femme, et j'en sais
une qui voit clair ici, m'exempte de l'effort à proférer un
vocable: la complimenter haut de quelque interrogatrice toilette,
offre de soi presque à l'homme en faveur de qui s'achève
l'après-midi, ne pouvant à l'encontre de tout ce rapprochement
fortuit, que suggérer la distance sur ses traits aboutie à une
fossette de spirituel sourire.  Ainsi ne consent la réalité; car
ce fut impitoyablement, hors du rayon qu'on sentait avec luxe
expirer aux vernis du landau, comme une vocifération, parmi trop
de tacite félicité pour une tombée de jour sur la banlieue, avec
orage, dans tous sens à la fois et sans motif, du rire strident
ordinaire des choses et de leur cuivrerie triomphale: au fait,
la cacophonie à l'ouïe de quiconque, un instant écarté, plutôt
qu'il ne s'y fond, auprès de son idée, reste à vif devant la
hantise de l'existence.

«La fête de..» et je ne sais quel rendez-vous suburbain!  nomma
l'enfant voiturée dans mes distractions, la voix claire d'aucun
ennui; j'obéis et fis arrêter.

Sans compensation à cette secousse qu'un besoin d'explication
figurative plausible pour mes esprits, comme symétriquement
s'ordonnent des verres d'illumination peu à peu éclairés en
guirlandes et attributs, je décidai, la solitude manquée, de
m'enfoncer même avec bravoure en ce déchaînement exprès et
haïssable de tout ce que j'avais naguères fui dans une gracieuse
compagnie: prête et ne témoignant de surprise à la modification
dans notre programme, du bras ingénu elle s'en repose sur moi,
tandis que nous allons parcourir, les yeux sur l'enfilade,
l'allée d'ahurissement qui divise en écho du même tapage les
foires et permet à la foule d'y renfermer pour un temps
l'univers.  Subséquemment aux assauts d'un médiocre dévergondage
en vue de quoi que ce soit qui détourne notre stagnation amusée
par le crépuscule, au fond, bizarre et pourpre, nous retint à
l'égal de la nue incendiaire un humain spectacle, poignant:
reniée du châssis peinturluré ou de l'inscription en capitales
une baraque, apparemment vide.

A qui ce matelas décousu pour improviser ici, comme les voiles
dans tous les temps et les temples, l'arcane!  appartînt, sa
fréquentation durant le jeûne n'avait pas chez son possesseur
excité avant qu'il le déroulât comme le gonfalon d'espoirs en
liesse, l'hallucination d'une merveille à montrer (que l'inanité
de son famélique cauchemar); et pourtant, mû par le caractère
frérial d'exception à la misère quotidienne qu'un pré, quand
l'institue le mot mystérieux de fête, tient des souliers nombreux
y piétinant (en raison de cela poind aux profondeurs des
vêtements quelque unique velléité du dur sou à sortir à seule fin
de se dépenser), lui aussi!  n'importe qui de tout dénué sauf de
la notion qu'il y avait lieu pour être un des élus, sinon de
vendre, de faire voir, mais quoi, avait cédé à la convocation du
bienfaisant rendez-vous.  Ou, très prosaïquement, peut-être le
rat éduqué à moins que, lui-même, ce mendiant sur l'athlétique
vigueur de ses muscles comptât, pour décider l'engouement
populaire, faisait défaut, à l'instant précis, comme cela résulte
souvent de la mise en demeure de l'homme par les circonstances
générales.

«Battez la caisse!» proposa en altesse Madame..  seule tu sais
Qui, marquant un suranné tambour duquel se levait les bras
décroisés afin de signifier inutile l'approche de son théâtre
sans prestige un vieillard, que cette camaraderie avec un
instrument de rumeur et d'appel peut-être séduisit à son vacant
dessein; puis, comme si de ce que tout de suite on pût ici
envisager de plus beau, l'énigme, par un bijou fermant la
mondaine, en tant qu'à sa gorge le manque de réponse,
scintillait!  la voici engouffrée, à ma surprise de pitre coi
devant une halte du public qu'empaume l'éveil des ra et des fla
assourdissant mon invariable et obscur pour moi-même d'abord
«Entrez, tout le monde, ce n'est qu'un sou, on le rend à qui
n'est pas satisfait de la représentation.» Le nimbe en paillasson
dans le remerciement joignant deux paumes séniles vidé, j'en
agitai les couleurs, en signal, de loin, et me coiffai, prêt à
fendre la masse debout en le secret de ce qu'avait su faire avec
ce lieu sans rêve l'initiative d'une contemporaine de nos soirs.

A hauteur du genou, elle émergeait, sur une table, des cent
têtes.

Net ainsi qu'un jet égaré d'autre part la dardait électriquement,
éclate pour moi ce calcul qu'à défaut de tout, elle, selon que la
mode, une fantaisie ou l'humeur du ciel circonstanciaient sa
beauté, sans supplément de danse ou de chant, pour la cohue
amplement payait l'aumône exigée en faveur d'un quelconque; et du
même trait je comprends mon devoir en le péril de la subtile
exhibition, ou qu'il n'y avait au monde pour conjurer la
défection dans les curiosités que de recourir à quelque puissance
absolue, comme d'une Métaphore.  Vite, dégoiser jusqu'à
éclaircissement, sur maintes physionomies, de leur sécurité qui,
ne saisissant tout du coup, se rend à l'évidence, même ardue,
impliquée en la parole et consent à échanger son billon contre
des présomptions exactes et supérieures, bref, la certitude pour
chacun de n'être pas refait.

Un coup d'oeil, le dernier, à une chevelure où fume puis éclaire
de fastes de jardins le pâlissement du chapeau en crêpe de même
ton que la statuaire robe se relevant, avance au spectateur, sur
un pied comme le reste hortensia.

Alors:

      _La chevelure vol d'une flamme à l'extrême
       Occident de désirs pour la tout déployer
       Se pose (je dirais mourir un diadème)
       Vers le front couronné son ancien foyer

       Mais sans or soupirer que cette vive nue
       L'ignition du feu toujours intérieur
       Originellement la seule continue
       Dans le joyau de l'oeil véridique ou rieur

       Une nudité de héros tendre diffame
       Celle qui ne mouvant astre ni feux au doigt
       Rien qu'à simplifier avec gloire la femme.

       Accomplit par son chef fulgurante l'exploit,
       De semer de rubis le doute qu'elle écorche
       Ainsi qu'une joyeuse et tutélaire torche_


Mon aide à la taille de la vivante allégorie qui déjà résignait
sa faction, peut-être faute chez moi de faconde ultérieure, afin
d'en assoupir l'élan gentiment à terre: «Je vous ferai observer,
ajoutai-je, maintenant de plein pied avec l'entendement des
visiteurs, coupant court à leur ébahissement devant ce congé par
une affectation de retour à l'authenticité du spectacle
«Messieurs et Dames, que la personne qui a eu l'honneur de se
soumettre à votre jugement, ne requiert pour vous communiquer le
sens de son charme, un costume ou aucun accessoire usuel de
théâtre.  Ce naturel s'accommode de l'allusion parfaite que
fournit la toilette toujours à l'un des motifs primordiaux de la
femme, et suffit, ainsi que votre sympathique approbation m'en
convainc.» Un suspens de marque appréciative sauf quelques
confondants «Bien sûr!» ou «C'est cela!» et «Oui» par les gosiers
comme plusieurs bravos prêtés par des paires de mains généreuses,
conduisit jusqu'à la sortie sur une vacance d'arbres et de nuit
la foule où nous allions nous mêler, n'était l'attente en gants
blanc encore d'un enfantin tourlourou qui les rêvait dégourdir à
l'estimation d'une jarretière hautaine.

--«Merci» consentit la chère, une bouffée droit à elle d'une
constellation ou des feuilles bue comme pour y trouver sinon le
rassérènement, elle n'avait douté d'un succès, du moins
l'habitude frigide de sa voix

«j'ai dans l'esprit le souvenir de choses qui ne s'oublient.»

--«Oh!  rien que lieu commun d'une esthétique..»

--«Que vous n'auriez peut-être pas introduit, qui sait?  mon ami,
le prétexte de formuler ainsi devant moi au conjoint isolement
par exemple de notre voiture--où est-elle--regagnons-la:--mais
ceci jaillit, forcé, sous le coup de poing brutal à l'estomac,
que cause une impatience de gens auxquels coûte que coûte et
soudain il faut proclamer quelque chose fût-ce la rêverie..»

--«Qui s'ignore et se lance nue de peur, en travers du public;
c'est vrai.  Comme vous, Madame, ne l'auriez entendu si
irréfutablement, malgré sa réduplication sur une rime du trait
final, mon boniment d'après un mode primitif du sonnet[*], je le
gage, si chaque terme ne s'en était répercuté jusqu'à vous par de
variés tympans, pour charmer un esprit ouvert à la compréhension
multiple.»

--«Peut-être!» accepta notre pensée dans un enjouement de souffle
nocturne la même.

  [*] Usité à la Renaissance anglaise



Le Nénufar Blanc


J'avais beaucoup ramé, d'un grand geste net et assoupi, les yeux
au dedans fixés sur l'entier oubli d'aller, comme le rire de
l'heure coulait alentour.  Tant d'immobilité paressait que frôlé
d'un bruit inerte où fila jusqu'à moitié la yole, je ne vérifiai
l'arrêt qu'à l'étincellement stable d'initiales sur les avirons
mis à nu, ce qui me rappela à mon identité mondaine.

Qu'arrivait-il, où étais-je?

Il fallut, pour voir clair en l'aventure, me remémorer mon départ
tôt, ce Juillet de flamme, sur l'intervalle vif entre ses
végétations dormantes d'un toujours étroit et distrait ruisseau,
en quête des floraisons d'eau et avec un dessein de reconnaître
l'emplacement occupé par la propriété de l'amie d'une amie, à qui
je devais improviser un bonjour.  Sans que le ruban d'aucune
herbe me retînt devant un paysage plus que l'autre, chassé avec
son reflet en l'onde par le même impartial coup de rame, je
venais échouer dans quelque touffe de roseaux, terme mystérieux
de ma course, au milieu de la rivière: où tout de suite élargie
en fluvial bosquet, elle étale un nonchaloir d'étang plissé des
hésitations à partir qu'a une source.

L'inspection détaillée m'apprit que cet obstacle de verdure en
pointe sur le courant, masquait l'arche unique d'un pont
prolongé, à terre, d'ici et de là, par une haie clôturant des
pelouses.  Je me rendis compte.  Simplement le parc de Madame..,
l'inconnue à saluer.

Un joli voisinage, pendant la saison, la nature d'une personne
qui s'est choisi retraite aussi humidement impénétrable ne
pouvant être que conforme à mon goût.  Sûr, elle avait fait de ce
cristal son miroir intérieur, à l'abri de l'indiscrétion
éclatante des après-midis; elle y venait et la buée d'argent
glaçant des saules ne fut bientôt que la limpidité de son regard
habitué à chaque feuille.

Toute je l'évoquais lustrale.

Courbé dans la sportive attitude où me maintenait de la
curiosité, comme sous le silence spacieux de ce que s'annonçait
l'étrangère, je souris au commencement d'esclavage dégagé par une
possibilité féminine: que ne signifiaient pas mal les courroies
attachant le soulier du rameur au bois de l'embarcation, comme on
ne fait qu'un avec l'instrument de ses sortilèges.

--«Aussi bien une quelconque..» allais-je terminer.

Quand un imperceptible bruit, me fit douter si l'habitante du
bord hantait mon loisir, ou inespérément le bassin.

Le pas cessa, pourquoi?

Subtil secret des pieds qui vont, viennent, conduisent l'esprit
où le veut la chère ombre enfouie en de la batiste et les
dentelles d'une jupe affluant sur le sol comme pour circonvenir
du talon à l'orteil, dans une flottaison, cette initiative par
quoi la marche s'ouvre, tout au bas et les plis rejetés en
traîne, une échappée, de sa double flèche savante.

Connaît-elle un motif à sa station, elle-même la promeneuse: et
n'est-ce, moi, tendre trop haut la tête, pour ces joncs à ne
dépasser et toute la mentale somnolence où se voile ma lucidité,
que d'interroger jusque-là le mystère!

--«A quel type s'ajustent vos traits, je sens leur précision,
Madame, interrompre chose installée ici par le bruissement d'une
venue, oui!  ce charme instinctif d'en dessous que ne défend pas
contre l'explorateur la plus authentiquement nouée, avec une
boucle en diamant, des ceintures.  Si vague concept se suffit; et
ne transgresse point le délice empreint de généralité qui permet
et ordonne d'exclure tous visages, au point que la révélation
d'un (n'allez point le pencher, avéré, sur le furtif seuil où je
règne) chasserait mon trouble, avec lequel il n'a que faire.»

Ma présentation, en cette tenue de maraudeur aquatique, je la
peux tenter, avec l'excuse du hasard.

Séparés, on est ensemble: je m'immisce à de sa confuse intimité,
dans ce suspens sur l'eau où mon songe attarde l'indécise, mieux
que visite, suivie d'autres, ne l'autorisera.  Que de discours
oiseux en comparaison de celui que je tins pour n'être pas
entendu, faudra-t-il, avant de retrouver aussi intuitif accord
que maintenant, l'ouïe au ras de l'acajou vers le sable entier
qui s'est tu!

La pause se mesure au temps de sa détermination.

Conseille, ô mon rêve, que faire.

Résumer d'un regard la vierge absence éparse en cette solitude
et, comme on cueille, en mémoire d'un site, l'un de ces magiques
nénufars clos qui y surgissent, tout à coup, enveloppant de leur
creuse blancheur un rien, fait de songes intacts, du bonheur qui
n'aura pas lieu et de mon souffle ici retenu dans la peur d'une
apparition, partir avec: tacitement, en déramant peu à peu, sans
du heurt briser l'illusion ni que le clapotis de la bulle visible
d'écume enroulée à ma fuite ne jette aux pieds survenus de
personne la ressemblance transparente du rapt de mon idéale
fleur.

Si, attirée par un sentiment d'insolite, elle a paru, la
Méditative ou la Hautaine, la Farouche, la Gaie, tant pis pour
cette indicible mine que j'ignore à jamais!  car j'accomplis
selon les règles la manoeuvre: me dégageai, virai et je
contournais déjà une ondulation du ruisseau, emportant comme un
noble oeuf de cygne, tel que n'en jaillira le vol, mon imaginaire
trophée, qui ne se gonfle d'autre chose sinon de la vacance
exquise de soi qu'aime, l'été, à poursuivre, dans les allées de
son parc, toute dame, arrêtée parfois et longtemps, comme au bord
d'une source à franchir ou de quelque pièce d'eau.



La Gloire


«La Gloire!  je ne la sus qu'hier, irréfragable, et rien ne
m'intéressera d'appelé par quelqu'un ainsi.

»Cent affiches s'assimilant l'or incompris des jours, trahison de
la lettre, ont fui, comme à tous confins de la ville, mes yeux au
ras de l'horizon par un départ sur le rail traînés avant de se
recueillir dans l'abstruse fierté que donne une approche de forêt
en son temps d'apothéose.

»Si discord parmi l'exaltation de l'heure, un cri faussa ce nom
connu pour déployer la continuité de cimes tard évanouies,
Fontainebleau, que je pensai, la glace du compartiment violentée,
du poing aussi étreindre à la gorge l'interrupteur: Tais-toi!  Ne
divulgue pas du fait d'un aboi indifférent l'ombre ici insinuée
dans mon esprit, aux portières de wagons battant sous un vent
inspiré et égalitaire, les touristes omniprésents vomis.  Une
quiétude menteuse de riches bois suspend alentour quelque
extraordinaire état d'illusion, que me réponds-tu?  qu'ils ont,
ces voyageurs, pour ta gare aujourd'hui quitté la capitale, bon
employé vociférateur par devoir et dont je n'attends, loin
d'accaparer une ivresse à tous départie par les libéralités
conjointes de la Nature et de l'Etat, rien qu'un silence prolongé
le temps de m'isoler de la délégation urbaine vers l'extatique
torpeur de ces feuillages là-bas trop immobilisés pour qu'une
crise ne les éparpille bientôt dans l'air; voici, sans attenter à
ton intégrité, tiens, une monnaie.

»Un uniforme inattentif m'invitant vers quelque barrière, je
remets sans dire mot, au lieu du suborneur métal, mon billet.

»Obéi pourtant, oui, à ne voir que l'asphalte s'étaler nette de
pas, car je ne peux encore imaginer qu'en ce pompeux octobre
exceptionnel!  du million d'existences étageant leur vacuité en
tant qu'une monotonie énorme de capitale dont va s'effacer ici la
hantise avec le coup de sifflet sous la brume, aucun furtivement
évadé que moi n'ait senti qu'il est, cet an, d'amers et lumineux
sanglots, mainte indécise flottaison d'idée désertant les hasards
comme des branches, tel frisson et ce qui fait penser à un
automne sous les cieux.

»Personne et, les bras de doute envolés comme qui porte aussi un
lot d'une splendeur secrète, trop inappréciable trophée pour
paraître!  mais sans du coup m'élancer dans cette diurne veillée
d'immortels troncs au déversement sur un d'orgueils surhumains
(or ne faut-il pas qu'on en constate l'authenticité?) ni passer
le seuil où des torches consument, dans une haute garde, tous
rêves antérieurs à leur éclat répercutant en pourpre dans la nue
l'universel sacre de l'intrus royal qui n'aura eu qu'à venir:
j'attendis, pour l'être, que lent et repris du mouvement
ordinaire, se réduisît à ses proportions d'une chimère puérile
emportant du monde quelque part, le train qui m'avait là déposé
seul.»



L'Ecclésiastique


Les printemps poussent l'organisme à des actes qui, dans une
autre saison, lui sont inconnus et maint traité d'histoire
naturelle abonde en descriptions de ce phénomène, chez les
animaux.  Qu'il serait d'un intérêt plus plausible de recueillir
certaines des altérations qu'apporte l'instant climatérique dans
les allures d'individus faits pour la spiritualité!  Mal quitté
par l'ironie de l'hiver, j'en retiens, quand à moi, un état
équivoque tant que ne s'y substitue pas un naturalisme absolu ou
naïf, capable de poursuivre une jouissance dans la
différentiation de plusieurs brins d'herbes.  Rien dans le cas
actuel n'apportant de profit à la foule, j'échappe, pour le
méditer, sous quelques ombrages environnant d'hier la ville: or
c'est de leur mystère presque banal que j'exhiberai un exemple
saisissable et frappant des inspirations printanières.

Vive fut tout-à-l'heure, dans un endroit peu fréquenté du
Bois-de-Boulogne, ma surprise quand, sombre agitation basse, je
vis, par les mille interstices d'arbustes bons à ne rien cacher,
total et des battements supérieurs du tricorne s'animant jusqu'à
des souliers affermis par des boucles en argent, un
ecclésiastique, qui à l'écart de témoins, répondait aux
sollicitations du gazon.  A moi ne plût (et rien de pareil ne
sert les desseins providentiels) que, coupable à l'égal d'un faux
scandalisé se saisissant d'un caillou du chemin, j'amenasse par
mon sourire même d'intelligence, une rougeur sur le visage à deux
mains voilé de ce pauvre homme, autre que celle sans doute
trouvée dans son solitaire exercice!  Le pied vif, il me fallut,
pour ne produire par ma présence de distraction, user d'adresse;
et fort contre la tentation d'un regard porté en arrière, me
figurer en esprit l'apparition quasi diabolique qui continuait à
froisser le renouveau de ses côtes, à droite, à gauche et du
ventre, en obtenant une chaste frénésie.  Tout, se frictionner ou
jeter les membres, se rouler, glisser, aboutissait à une
satisfaction: et s'arrêter, interdit du chatouillement de quelque
haute tige de fleur à de noirs mollets, parmi cette robe spéciale
portée avec l'apparence qu'on est pour soi tout même sa femme.
Solitude, froid silence épars dans la verdure, perçus par des
sens moins subtils qu'inquiets, vous connûtes les claquements
furibonds d'une étoffe; comme si la nuit absconse en ses plis en
sortait enfin secouée!  et les heurts sourds contre la terre du
squelette rajeuni; mais l'énergumène n'avait point à vous
contempler.  Hilare, c'était assez de chercher en soi la cause
d'un plaisir ou peut-être d'un devoir, qu'expliquait mal un
retour, devant une pelouse, aux gambades du séminaire.
L'influence du souffle vernal doucement dilatant les immuables
textes inscrits en sa chair, lui aussi, enhardi de ce trouble
agréable à sa stérile pensée, était venu reconnaître par un
contact avec la Nature, immédiat, net, violent, positif, dénué de
toute curiosité intellectuelle, le bien être général; et
candidement, loin des obédiences et de la contrainte de son
occupation, des canons, des interdits, des censures, il se
roulait, dans la béatitude de sa simplicité native, plus heureux
qu'un âne.  Que le but de sa promenade atteint, se soit, droit et
d'un jet, relevé non sans secouer les pistils et essuyer les sucs
attachés à sa personne, le héros de ma vision, pour rentrer,
inaperçu, dans la foule et les habitudes de son ministère, je ne
songe à rien nier; mais j'ai le droit de ne point considérer
cela.  Ma discrétion vis-à-vis d'ébats d'abord apparus n'a-t-elle
pas pour récompense d'en fixer à jamais comme une rêverie de
passant se plût à la compléter, l'image marquée d'un sceau
mystérieux de modernité, à la fois baroque et belle?



Morceau

POUR RÉSUMER VATHEK


Qui n'a regretté le manquement à une visée sublime de l'écrit en
prose le plus riche et le plus agréable, travesti naguère comme
par nous métamorphosé?  Voile mis, pour les mieux faire
apparaître, sur des abstractions politiques ou morales que les
mousselines de l'Inde au XVIIIme siècle, quand régna le CONTE
ORIENTAL; et, maintenant, selon la science, un tel genre suscite
de la cendre authentique de l'histoire les cités avec les hommes,
éternisé par le _Roman de la Momie_ et _Salammbo_.  Sauf en la
_Tentation de saint Antoine_, un idéal mêlant époques et races
dans une prodigieuse fête, comme l'éclair de l'Orient expiré,
cherchez!  sur des bouquins hors de mode; aux feuillets desquels
ne demeure de toute synthèse qu'effacement et anachronisme,
flotte la nuée de parfums qui n'a pas tonné.  La cause: mainte
dissertation et au bout je crains le hasard.  Peut-être qu'un
songe serein et par notre fantaisie fait en vue de soi seule,
atteint aux poèmes: leur rythme le transportera au delà des
jardins, des royaumes, des salles; là où l'aile de péris et de
djinns fondue en le climat ne laisse de tout évanouissement voir
que pureté éparse et diamant, comme les étoiles à midi.

Un livre qui en plus d'un cas, son ironie d'abord peu dissimulée,
tient à l'ancien ton et, par le sentiment et le spectacle vrais
au roman évocatoire moderne, m'a quelquefois contenté; en tant
que bien la transition ou comme produit original.  Le manque de
maint effort vers le type tout à l'heure entrevu ne m'obsède pas
à la lecture de ces cent et quelques pages; dont plus d'une,
outre la préoccupation double de parler avec esprit et sur tout à
bon escient, révèle chez qui l'écrivit un besoin de satisfaire
l'imagination d'objets rares ou grandioses.  Le millésime, tantôt
séculaire, placé sous le titre reste à ce compte, pour l'érudit,
une date; mais je voudrais auparavant séduire le rêveur.

L'histoire du Calife Vathek commence au faîte d'une tour d'où se
lit le firmament, pour finir bas dans un souterain enchanté; tout
le laps de tableaux graves ou riants et de prodiges séparant ces
extrêmes.  Architecture magistrale de la fable et son concept non
moins beau!  Quelque chose de fatal ou comme d'inhérent à une loi
hâte du pouvoir aux enfers la descente faite par un prince,
accompagné de son royaume; seul, au bord du précipice: il a voulu
nier la religion d'Etat à laquelle se lasse l'omnipotence d'être
conjointe du fait de l'universelle génuflexion, pour des
pratiques de magie, alliées au désir insatiable.  L'aventure des
antiques dominations tient dans ce drame, où agissent trois
personnages qui sont une mère perverse et chaste, proie
d'ambitions et de rites, et une nubile amante; en sa singularité
seul digne de s'opposer au despote, hélas!  un languide, précoce
mari, lié par de joueuses fiançailles.  Ainsi répartie et entre
de délicieux nains dévots, des goules puis d'autres figurants
qu'elle accorde avec le décor mystique ou terrestre, de la
fiction sort un appareil insolite: oui, les moyens méconnus
autrefois de l'art de peindre, tels qu'accumulation d'étrangetés
produite simplement pour leur caractère unique ou de laideur, une
bouffonnerie irrésistible et ample, montant en un crescendo quasi
lyrique, la silhouette des passions ou de cérémonials et que
n'ajouter pas?  A peine si la crainte de s'attarder à de ces
détails, y perdant de vue le dessin de tel grand songe surgi à la
pensée du narrateur, le fait par trop abréger; il donne une
allure cursive à ce que le développement eût accusé.  Tant de
nouveauté et la _couleur locale_, sur quoi se jette au passage le
moderne goût pour faire comme, avec, une orgie, seraient peu, en
raison de la grandeur des visions ouvertes par le sujet; où cent
impressions, plus captivantes même que des procédés, se dévoilent
à leur tour.  Les isoler par formules distinctes et brèves, le
faut-il?  et j'ai peur de ne rien dire en énonçant _la tristesse
de perspectives monumentales très-vastes_, jointe _au mal d'un
destin supérieur_; enfin _l'effroi_ causé par _des arcanes_ et
_le vertige_ par _l'exagération orientale des nombres; le
remords_ qui s'installe _de crimes vagues ou inconnus; les
langueurs virginales de l'innocence et de la prière; le
blasphème, la méchanceté, la foule_[*]..  Une poésie (que
l'origine n'en soit ailleurs ni l'habitude chez nous) bien
inoubliablement liée au livre apparaît dans quelque étrange
juxtaposition d'innocence quasi idyllique avec les solennités
énormes ou vaines de la magie: alors se teint et s'avive, comme
des vibrations noires d'un astre, la fraîcheur de scènes
naturelles, jusqu'au malaise; mais non sans rendre à cette
approche du rêve quelque chose de plus simple et de plus
extraordinaire.

  [*] Citations.



Divagation


Un désir indéniable à mon temps est de séparer comme en vue
d'attributions différentes le double état de la parole, brut ou
immédiat ici, là essentiel.

Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun
suffirait peut-être, pour échanger la pensée humaine, de prendre
ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce de
monnaie, l'emploi élémentaire du discours dessert l'universel
_reportage_ dont, la Littérature exceptée, participe tout entre
les genres d'écrits contemporains.

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa
presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole,
cependant, si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche
ou concret rappel, la notion pure?

Je dis: une fleur!  et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun
contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus,
musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous
bouquets.

Au contraire d'une fonction de numéraire facile et représentatif,
comme le traite d'abord la foule, le Dire, avant tout, rêve et
chant, retrouve chez le poëte, par nécessité constitutive d'un
art consacré aux fictions, sa virtualité.

Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf,
étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement
de la parole: niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux
termes malgré l'artifice de leur retrempe alternée en le sens et
la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir ouï jamais
tel fragment ordinaire delocution, en même temps que la
réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.




Crayonné au Théatre



I

HAMLET


Loin de tout et du temps où se cherchent dans le trouble nos
cités, la Nature, en automne, prépare son Théâtre, sublime et
pur, attendant pour éclairer, dans la solitude, de significatifs
prestiges, que l'unique oeil lucide qui en puisse pénétrer le
sens (ainsi notoire le destin de l'homme), un Poëte, soit rappelé
à des plaisirs et à des soucis médiocres.

Me voici, renfermant l'amertume d'une rêverie interrompue, de
retour et prêt à noter, en vue de moi-même et de quelques-uns
aussi, nos impressions issues de banals Soirs que le plus seul
des isolés ne peut, comme il vêt l'habit séant à tous, omettre de
considérer: pour l'entretien d'un malaise et, connaissant, en
raison de certaines lois non satisfaites, que ce n'est plus ou
pas encore l'heure de choses, même sociales, extraordinaires.


      .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
      _Et cependant, enfant sevré de gloire,
      Tu sens courir par la nuit dérisoire,
      Sur ton front pâle aussi blanc que du lait,
      Le vent qui fait voler ta plume noire
      Et te caresse, Hamlet, ô jeune Hamlet!_
                       (THÉODORE DE BANVILLE)

L'adolescent évanoui de nous aux commencements de la vie et qui
hantera les esprits hauts ou pensifs par le deuil qu'il se plaît
à porter, je le reconnais, qui se débat sous le mal d'apparaître:
parce qu'Hamlet extériorise, sur des planches, ce personnage
unique d'une tragédie intime et occulte, son nom même affiché
exerce sur moi, sur toi qui le lis, une fascination, parente de
l'angoisse.  Je sais gré aux hasards qui, contemplateur dérangé
de la vision imaginative du théâtre de nuées et de la vérité pour
en revenir à quelque scène humaine, me présentent, comme thème
initial de causerie, la pièce que je crois celle par excellence;
tandis qu'il y avait lieu d'offusquer aisément des regards trop
vite déshabitués de l'horizon pourpre, violet, rose et toujours
or.  Le commerce de cieux où je m'identifiai cesse, sans qu'une
incarnation brutale contemporaine occupe, sur leur paravent de
gloire, ma place tôt renoncée (adieu les splendeurs d'un
holocauste d'année élargi à tous les temps pour que ne s'en
juxtapose à personne le sacre vain,) mais survient _le seigneur
latent qui ne peut devenir_, juvénile ombre de tous, ainsi tenant
du mythe.  Son solitaire drame!  et qui, parfois, tant ce
promeneur d'un labyrinthe de trouble et de griefs en prolonge les
circuits avec le suspens d'un acte inachevé, semble le spectacle
même pourquoi existent la rampe ainsi que l'espace doré quasi
moral qu'elle défend, car il n'est point d'autre sujet, sachez
bien: l'antagonisme de rêve chez l'homme avec les fatalités à son
existence départies par le malheur.

Toute la curiosité, il est vrai, dans le cas d'aujourd'hui, porte
sur l'interprétation, mais en parler, impossible sans la
confronter au concept.

L'acteur mène ce discours[*].

  [*] ou M Mounet-Sully (octobre 1886)


A lui seul, par divination, maîtrise incomparable des moyens et
aussi une foi de lettré en la toujours certaine et mystérieuse
beauté du rôle, il a su conjurer je ne sais quel maléfice comme
insinué dans l'air de cette imposante représentation.  Non, je ne
blâme rien à la plantation du magnifique site ni au port
somptueux de costumes, encore que selon la manie érudite
d'à-présent, cela date, trop _à coup sûr_; et que le choix exact
de l'époque Renaissance spirituellement embrumée d'un rien de
fourrures septentrionales, ôte du recul légendaire primitif,
changeant par exemple les personnages en contemporains du
dramaturge: Hamlet, lui, évite ce tort, dans sa traditionnelle
presque nudité sombre un peu à la Goya.  L'oeuvre de Shakespeare
est si bien façonnée selon le seul théâtre de notre esprit,
prototype du reste, qu'elle s'accommode de la mise en scène de
maintenant, ou s'en passe, avec indifférence.  Autre chose me
déconcerte que de tels menus détails infiniment malaisés à régler
et discutables: un mode d'intelligence particulier au lieu
parisien même où s'installe Elseneur et, comme dirait la langue
philosophique, _l'erreur du Théâtre-Français_.  Ce fléau est
impersonnel et la troupe d'élite acclamée, dans la circonstance,
multiplia son minutieux zèle: jouer Shakespeare, ils le veulent
bien, et ils veulent le bien jouer, certes.  A quoi le talent ne
suffit pas, mais le cède devant certaines habitudes invétérées de
comprendre.  Voici Horatio, non que je le vise, avec quelque
chose de classique et d'après Molière dans l'allure: mais
Laertes, ici j'étreins mon sujet, joue au premier plan et pour
son compte comme si voyages, double deuil pitoyable, étaient
d'intérêt spécial.  Les plus belles qualités (au complet),
qu'importe dans une histoire éteignant tout ce qui n'est un
imaginaire héros, à demi mêlé à de l'abstraction; et c'est trouer
de sa réalité, ainsi qu'une vaporeuse toile, l'ambiance, que
dégage l'emblématique Hamlet.  Comparses, il le faut!  car dans
l'idéale peinture de la scène tout se meut _selon une réciprocité
symbolique des types entre eux ou relativement à une figure
seule_.  Magistral, un, infuse l'intensité de sa verve franche à
Polonius en une sénile sottise empressée d'intendant de quelque
jovial conte, je goûte, mais oublieux alors d'un ministre tout
autre qui égayait mon souvenir, figure comme découpée dans
l'usure d'une tapisserie pareille à celle où il lui faut rentrer
pour mourir: falot, inconsistant bouffon d'âge, de qui le cadavre
léger n'implique, laissé à mi-cours de la pièce, pas d'autre
importance que n'en donne l'exclamation brève et hagarde «un
Rat!» Qui erre autour d'un type exceptionnel comme Hamlet, n'est
que lui, Hamlet: et le fatidique prince qui périra au premier pas
dans la virilité, repousse mélancoliquement, d'une pointe vaine
d'épée, hors de la route interdite à sa marche, le tas de loquace
vacuité gisant que plus tard il risquerait de devenir à son tour,
s'il vieillissait.  Ophélie, vierge enfance objectivée du
lamentable héritier royal, reste d'accord avec l'esprit de
conservatoires moderne: elle a du naturel, comme l'entendent les
ingénues, préférant à s'abandonner aux ballades introduire tout
le quotidien acquis d'une des savantes d'entre nos comédiennes;
chez elle éclate non sans grâce, telle intonation parfaite, dans
les pièces du jour, là où l'on vit de la vie: Alors je surprends
en ma mémoire, autres que les lettres qui groupent ce mot
Shakespeare, voleter de récents noms qu'il est sacrilège même de
taire, car on les devine.

Quel est le pouvoir du Songe!

Le je ne sais quel effacement subtil et fané et d'imagerie de
jadis, qui manque à des maîtres-artistes aimant à représenter un
fait comme il en arrive, clair, battant neuf!  lui Hamlet,
étranger à tous lieux où il poind, le leur impose à ces vivants
trop en relief, par l'inquiétant ou funèbre envahissement de sa
présence: l'acteur, sur qui se taille un peu exclusivement à
souhait la version française, remet tout en place seul par
l'exorcisme d'un geste annulant l'influence pernicieuse de la
Maison en même temps qu'il épand l'atmosphère du génie
shakespearien, avec un tact dominateur et du fait de s'être miré
naïvement dans le séculaire texte.  Son charme tout d'élégance
désolée accorde comme une cadence à chaque sursaut: puis la
nostalgie de la prime sagesse inoubliée malgré les aberrations
que cause l'orage battant la plume délicieuse de sa toque, voilà
le caractère peut-être et l'invention du jeu de ce contemporain
qui tire de l'instinct parfois indéchiffrable à lui-même des
éclairs de scoliaste.  Ainsi pour la première fois, m'apparaît
rendue au théâtre, la dualité morbide qui fait le cas d'Hamlet,
oui, fou en dehors et sous la flagellation contradictoire du
devoir, mais s'il fixe en dedans les yeux sur une image de soi
qu'il y garde intacte autant qu'une Ophélie jamais noyée, elle!
prêt toujours à se ressaisir.  Joyau intact sous le désastre!

Mime, penseur, le tragédien interprète Hamlet en souverain
plastique et mental de l'art et surtout comme Hamlet existe par
l'hérédité en les esprits de la fin de ce siècle: il convenait,
une fois, après l'angoissante veille romantique, de voir aboutir
jusqu'à nous résumé le beau démon, au maintien demain peut-être
incompris, c'est fait.  Avec solennité, un acteur lègue élucidée,
quelque peu composite mais très d'ensemble, comme authentiquée du
sceau d'une époque suprême et neutre, à un avenir qui
probablement ne s'en souciera pas mais ne pourra du moins
l'altérer, une ressemblance immortelle.



II

BALLETS


La Cornalba me ravit, qui danse comme dévêtue; c'est-à-dire que
sans le semblant d'aide offert à un enlèvement ou à la chute par
une présence volante et assoupie de gazes, elle paraît, appelée
dans l'air, s'y soutenir, du fait italien d'une moelleuse tension
de sa personne.

Tout le souvenir, non!  du spectacle à l'Eden, faute de Poésie:
ce qu'on nomme ainsi, au contraire, y foisonne, débauche aimable
pour l'esprit libéré de la fréquentation des personnages à robes,
habit et mots célèbres.  Seulement le charme est aux pages du
livret, il ne passe pas dans la représentation.  Les astres,
eux-mêmes, lesquels j'ai pour croyance que rarement il faut
déranger et pas sans raisons considérables de méditative gravité
(vrai qu'ici, selon l'explication, l'Amour les meut et les
assemble), je feuillette et j'apprends qu'ils sont de la partie;
et l'incohérent manque hautain de signification qui scintille en
l'alphabet de la Nuit va consentir à tracer le mot VIVIANE,
enjôleurs nom de la fée et titre du poème, selon quelques coups
d'épingle stellaires en une toile de fond bleue: car le corps de
ballet, total, ne figurera autour de _l'étoile_ (la peut-on mieux
nommer!)  la danse idéale des constellations.  Point!  de là on
partait, vous voyez dans quels mondes, droit à l'abîme de l'art.
La neige aussi dont chaque flocon ne revit pas au va-et-vient
d'un blanc ballabile ou selon une valse, ni le jet vernal des
floraisons: tout ce qui est, en effet, la Poésie, ou nature
animée, ne sort du texte que pour se figer en des manoeuvres de
carton et l'éblouissante stagnation des mousselines lie et feu.
Aussi dans l'ordre de l'action, j'ai vu un cercle magique par
autre chose dessiné que le tour continu ou les lacs de la fée
même: etc.  Mille détails piquants d'invention, sans qu'aucun
atteigne à une importance de fonctionnement avéré et normal, dans
le rendu.  A-t-on jamais, notamment au cas sidéral précité, avec
plus d'héroïsme passé outre la tentation de reconnaître en même
temps que des analogies solennelles, cette loi, que le premier
sujet, hors cadre, de la danse soit une synthèse mobile, en son
incessante ubiquité, des attitudes de chaque groupe: comme elles
ne la font que détailler, en tant que fractions, à l'infini.
Telle, une réciprocité, dont résulte, l'in-individuel, chez la
coryphée et dans l'ensemble, de l'être dansant, jamais
qu'emblème, point quelqu'un...

Le jugement, ou l'axiome, à affirmer en fait de ballet!

A savoir que la danseuse _n'est pas une femme qui danse_, pour
ces motifs juxtaposés qu'elle _n'est pas une femme_ mais une
métaphore résumant un des aspects élémentaires de notre forme,
glaive, coupe, fleur, etc., et _qu'elle ne danse pas_, suggérant,
par le prodige de raccourcis ou d'élans, avec une écriture
corporelle ce qu'il faudrait des paragraphes en prose dialoguée
autant que descriptive, pour exprimer, dans la rédaction: poème
dégagé de tout appareil du scribe.

Après une légende, la Fable point comme l'entendit le goût
classique ou machinerie d'empyrée, mais selon le sens restreint
d'une transposition de notre caractère, ainsi que de nos façons,
au type simple de l'animal.  Le jeu aisé consistait à
_re_-traduire à l'aide de personnages, il est vrai, plus
instinctifs comme bondissants et muets que ceux à qui un
conscient langage permet de s'énoncer dans la comédie, les
sentiments humains donnes par le fabuliste à d'énamourés
volatiles.  La danse est ailes, il s'agit d'oiseaux et des
départs en l'à-jamais, des retours vibrants comme flèche: à qui
scrute la représentation des DEUX PIGEONS apparaît par la vertu
du sujet, cela, une obligatoire suite des motifs fondamentaux du
Ballet.  L'effort d'imagination pour le trouveur de ces
similitudes ne s'annonce pas ardu, niais c'est quelque chose que
d'apercevoir une parité médiocre même, et le résultat intéresse,
en art.  Leurre!  sauf dans le premier acte, une jolie
incarnation des ramiers en l'humanité mimique ou dansante des
protagonistes.

     _Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre_

deux ou plusieurs, par paire, sur un toit, ainsi que la mer, vu
en l'arceau d'une ferme thessalienne, et vivants, ce qui est,
mieux que peints, dans la profondeur et d'un juste goût.  L'un
des amants à l'autre les montre puis soi-même, langage initial,
comparaison.  Tant peu à peu les allures du couple acceptent de
l'influence du pigeonnier becquètements ou sursauts, pâmoisons,
que se voit cet envahissement d'aérienne lascivité sur lui
glisser, avec des ressemblances éperdues.  Enfants, les voici
oiseaux, ou le contraire, d'oiseaux enfants, selon qu'on veut
comprendre l'échange dont toujours et dès lors, lui et elle,
devraient exprimer le double jeu: peut-être, toute l'aventure de
la différence sexuelle!  Or je cesserai de m'élever à aucune
considération, que suggère le Ballet, adjuvant et le paradis de
toute spiritualité, d'autant qu'après cet ingénu prélude, rien
n'a lieu, sauf la perfection des exécutants, qui vaille un
instant d'arrière-exercice du regard, rien...  Fastidieux de
mettre le doigt sur l'inanité quelconque issue d'un gracieux
motif premier.  Voilà la fuite du vagabond, laquelle prêtait, du
moins, à cette espèce d'extatique impuissance à disparaître qui
délicieusement attache aux planchers la danseuse; puis quand
viendra, dans le rappel du même site ou le foyer, l'heure
poignante et adorée du rapatriement, après intercalation d'une
fête à quoi tout va tourner sous l'orage, et que les déchirés,
pardonnante et fugitif, s'uniront: ce sera...  Conçoit-on l'hymne
de danse final et triomphal où diminue jusqu'à la source de leur
joie ivre l'espace mis entre les fiancés par la nécessité du
voyage!  Ce sera...  comme si la chose se passait, Madame ou
Monsieur, chez l'un de vous avec quelque baiser très indifférent
en Art, toute la Danse n'étant de cet acte que la mystérieuse
interprétation sacrée.  Seulement, songer ainsi, c'est à se faire
rappeler par un trait de flûte le ridicule de son état
visionnaire quant au contemporain banal qu'il faut, après tout,
représenter, par condescendance pour le fauteuil d'Opéra.

A l'exception d'un rapport perçu avec netteté entre l'allure
habituelle du vol et maints effets chorégraphiques, puis le
transport au Ballet, non sans tricherie, de la Fable, demeure
quelque histoire d'amour; il faut que virtuose sans pair à
l'intermède du Divertissement (rien n'y est que morceaux et
placage) l'émerveillante Mademoiselle Mauri résume le sujet par
sa divination mêlée d'animalité trouble et pure à tous propos
désignant les allusions non mises au point, ainsi qu'avant un pas
elle invite, avec deux doigts, un pli frémissant de sa jupe et
simule une impatience de plumes vers l'idée.

Un art tient la scène, historique avec le Drame; avec le Ballet,
autre, emblématique.  Allier, mais ne confondre; ce n'est point
d'emblée et selon un traitement commun qu'il faut joindre deux
attitudes jalouses de leur silence respectif, la mimique et la
danse, tout à coup étrangères si l'on en force le rapprochement.
Un exemple illustre ce propos: a-t-on pas tout à l'heure, pour
rendre une identique essence, celle de l'oiseau, chez deux
interprètes, imaginé d'élire une mime à côté d'une danseuse,
c'est confronter trop de différence!  l'autre, si l'une est
colombe, devenant j'ignore quoi, la brise par exemple.  Au moins,
très judicieusement, à l'Eden, employant les deux modes d'art
exclusifs, un homme de théâtre expérimenté a pris pour thème
l'antagonisme que chez son héros participant du double monde,
homme déjà et enfant encore, installe la rivalité de la femme qui
marche (même à lui, sur des tapis de royauté) avec celle, non
moins chère du fait de sa voltige seule, la primitive et fée.  Le
trait distinctif de chaque genre théâtral mis en contact ou
opposé se trouve commander l'oeuvre qui emploie le disparate à
son architecture même.  Resterait à trouver une communication.
Le librettiste ignore d'ordinaire que la danseuse, qui s'exprime
par des pas, ne comprend d'éloquence autre, même le geste.

A moins du génie disant «La Danse figure le caprice à l'essor
rythmique--voici, avec leur nombre, les quelques équations
sommaires de toute fantaisie--or la forme humaine dans sa plus
excessive mobilité, ou vrai développement, ne les peut
transgresser, en tant, je le sais, qu'incorporation visuelle de
l'idée»: cela, puis un coup d'oeil jeté sur un ensemble de
chorégraphie!  personne à qui ce moyen convienne d'établir un
ballet.  Connue la tournure d'esprit contemporaine, chez ceux
mêmes, aux facultés ayant pour fonction de se produire
miraculeuses; il y faudrait substituer je ne sais quel
impersonnel ou fulgurant regard absolu, comme l'éclair qui
enveloppe, depuis quelques ans, la danseuse d'Edens, fondant une
crudité électrique à des blancheurs extra-charnelles de fards, et
en fait bien l'être prestigieux reculé au-delà de toute vie
possible.

L'unique entraînement Imaginatif consistera, aux heures
ordinaires de fréquentation dans les lieux de Danse, sans visée
quelconque préalable, patiemment et passivement à se demander
devant tout pas, chaque attitude si étranges, et pointes et
taquetés, allongés ou ballons "Que peut signifier ceci?" ou
mieux, d'inspiration le lire.  A coup sûr on opérera en pleine
rêverie, mais adéquate; vaporeuse, nette et ample, ou restreinte,
telle seulement que l'enferme en ses circuits ou la transporte
par une fugue la ballerine illettrée se livrant aux jeux de sa
profession.  Oui, celle-là (serais-tu perdu en une salle,
spectateur très étranger, Ami) pour peu que tu déposes avec
soumission à ses pieds d'inconsciente révélatrice, ainsi que les
rosés qu'enlevé et jette en la visibilité de régions supérieures
un jeu de ses chaussons de satin pâle vertigineux, la Fleur
d'abord _de ton poétique instinct,_ n'attendant de rien autre la
mise en évidence et sous le vrai jour des mille imaginations
latentes: alors, par un commerce dont son sourire paraît verser
le secret, sans tarder elle te livre à travers le voile dernier
qui toujours reste, la nudité de tes concepts et silencieusement
écrira ta vision à la façon d'un Signe, qu'elle est.



III

_LE GENRE ou DES MODERNES_[*]


  [*] Incomplet: sans Augier, Dumas.


Ici, succincte, une parenthèse.

Le Théâtre est d'essence supérieure.

Autrement, évasif desservant du culte qu'il faut l'autorité d'un
dieu ou un acquiescement entier de foule pour installer selon le
principe, s'attarderait-on à lui dédier ces Notes!

Nul poëte jamais ne put à une telle objectivité des jeux de l'âme
se croire étranger: admettant qu'une obligation traditionnelle,
par temps, lui blasonnât le dos de la pourpre du fauteuil de
critique, ou très singulièrement sommé au fond d'un exil,
incontinent d'aller voir ce qui se passe chez lui, dans son
palais.

L'attitude, d'autrefois à cette heure, diffère.

Mis devant le triomphe immédiat et forcené du monstre ou
Médiocrité qui parada au lieu divin, j'aime Gautier appliquant à
son regard las la noire jumelle comme une volontaire cécité et
«_C'est un art si grossier...  si abject_» exprimait-il, devant
le rideau; mais comme il ne lui appartenait point, à cause d'un
dégoût, d'annuler chez soi des prérogatives de voyant, ce fut
encore, ironique, la sentence «_Il ne devrait y avoir qu'un
vaudeville?--on ferait quelques changements de temps en
temps._»[*] Remplacez Vaudeville par Mystère, soit une tétralogie
multiple elle-même se déployant parallèlement à un cycle d'ans
recommencé et tenez que le texte en soit incorruptible comme la
loi: voilà presque!

  [*] Lire le merveilleux _Journal des Goncourt_, tome 1er.


Maintenant que suprêmement on ouït craquer jusque dans sa
membrune définitive la menuiserie et le cartonnage de la bête, il
est vrai, fleurie, comme en un dernier affollement, de
l'éblouissant paradoxe de la chair et du chant; ou qu'imagination
pire et sournoise pour leur communiquer l'assurance que rien
n'existe qu'eux, demeurent sur la scène seulement des gens
pareils aux spectateurs: maintenant, je crois qu'en évitant de
traiter l'ennemi de face vu sa feinte candeur et même de lui
apprendre par quoi ce devient plausible de le remplacer (car la
vision neuve de l'idée, il la vêtirait pour la nier, comme le
tour perce déjà dans le Ballet), véritablement on peut harceler
la sottise de tout cela!  avec rien qu'un limpide coup d'oeil sur
tel point hasardeux ou sur un autre.  A plus vouloir, on perd sa
force qui gît dans l'obscur de considérants tus sitôt que
divulgués à demi, où la pensée se réfugie: or décréter abject un
milieu de sublime nature, parce que l'époque nous le montra
dégradé: non, je m'y sentirais trop riche en regrets de ce dont
il restait beau et point sacrilège de simplement suggérer la
splendeur.

Notre seule magnificence, la scène, à qui le concours d'arts
divers scellés par la poésie attribue selon moi quelque caractère
religieux ou officiel, si l'un de ces mots a un sens, je constate
que le siècle finissant n'en a cure, ainsi comprise: et que cet
assemblage miraculeux de tout ce qu'il faut pour façonner de la
divinité, sauf la clairvoyance de l'homme, sera pour rien.

Au cours de la façon d'interrègne pour l'Art, ce souverain, où
s'attarde notre époque tandis que doit le génie discerner mais
quoi?  sinon l'afflux envahisseur et inexpliqué des forces
théâtrales exactes, mimique, jonglerie, danse et la pure
acrobatie, il ne se passe pas moins que des gens adviennent,
vivent, séjournent en la ville: phénomène qui ne couvre,
apparemment, qu'une intention d'aller quelquefois au spectacle.

La scène est le foyer évident des plaisirs pris en commun, aussi
et tout bien réfléchi, la majestueuse ouverture sur le mystère
dont on est au monde pour envisager la grandeur, cela même que le
citoyen, qui en aurait une idée, se trouve en droit de réclamer à
un État, comme compensation de l'avilissement social.  Se
figure-t-on l'entité gouvernante autrement que gênée (eux, les
royaux pantins du passé, à leur insu répondaient par le muet
boniment de ce qui crevait de rire en leur personnage enrubanné;
mais de simples généraux maintenant) devant une prétention de
malappris, à la pompe, au resplendissement, à quelque
solemnisation auguste du Dieu qu'il sait être!  Après un coup
d'oeil, regagne le chemin qui t'amena dans la cité médiocre et
sans conter ta déception ni t'en prendre à personne, fais-toi,
hôte présomptueux de l'heure, reverser par le train dans quelque
coin de rêverie insolite; ou bien reste, nulle part ne seras-tu
plus loin qu'ici, puis commence à toi seul, selon la somme
amassée d'attente et de songes, ta nécessaire représentation.
Satisfait d'être arrivé dans un temps où le devoir qui lie
l'action multiple des hommes, existe mais à ton exclusion, (ce
pacte déchiré parce qu'il n'exhiba point de Sceau.)

Que firent les Messieurs et les Dames issus à leur façon pour
assister, en l'absence de tout fonctionnement de majesté et
d'extase selon leur unanime désir précis, à une pièce de théâtre;
il leur fallait s'amuser nonobstant; ils auraient pu, tandis que
riait en train de sourdre la Musique, y accorder quelque pas
monotone de salons.  Le jaloux orchestre ne se prête à rien
d'autre que signifiances idéales exprimées par la scénique
sylphide.  Conscients d'être la pour regarder, sinon le prodige
de Soi ou la Fête!  du moins eux-mêmes ainsi qu'ils se
connaissent dans la rue ou à la maison, voilà au piteux lever
d'aurorale toile peinte, qu'ils envahirent, les plus impatients,
le proscenium, agréant de s'y comporter ainsi que quotidiennement
et partout: ils salueraient, causeraient à voix superficielle de
riens dont avec précaution est faite leur existence, durant quoi
les autres demeurés en la salle se plairaient, détournant leur
tête la minute de laisser scintiller des diamants d'oreilles qui
babillent _Je suis pure de cela qui se passe sur la scène_ ou la
barre de favoris couper d'ombre une joue comme par un _Ce n'est
pas moi dont il est ici question_, conventionnellement et
distraitement à sourire à l'intrusion sur le plancher divin;
lequel, lui, ne la pouvait endurer avec impunité, à cause d'un
certain éclat subtil, extraordinaire et brutal de véracité que
contiennent ses becs de gaz mal dissimulés et aussitôt
illuminant, dans des attitudes générales de l'adultère ou du vol,
les imprudents acteurs de ce banal sacrilège.

Je comprends.

La danse seule, du fait de ses évolutions, avec le mime me paraît
nécessiter un espace réel, ou la scène.

A la rigueur un papier suffit pour évoquer toute pièce: aidé de
sa personnalité multiple chacun pouvant se la jouer en dedans, ce
qui n'est pas le cas quand il s'agit de pirouettes.

Ainsi je fais peu de différence, prenant un exemple insigne,
entre l'admiration que garde depuis plusieurs années ma mémoire
d'une lecture de la comédie de M. Becque, les HONNÊTES FEMMES, et
le plaisir tiré de sa reprise hier.  Que l'actrice réveille le
spirituel texte ou si c'est ma vision de liseur à l'écart, voilà
(comme les autres ouvrages de ce rare auteur) un chef-d'oeuvre
moderne dans le style de l'ancien théâtre.  La phrase chante sur
les voix si bien d'accord que sont celles du Théâtre-Français sa
mélodie de bon sens, je ne l'en perçois pas moins écrite, dans
l'immortalité de la brochure.  Aucune surprise que je n'aie
goûtée d'avance, ni déception: mais un délice d'amateur à
constater que la notation de vérités ou de sentiments pratiqués
avec une justesse presque abstraite, ou simplement littéraire
dans le vieux sens du mot, trouve, à la rampe, vie.

S'il tarde d'en venir à rassembler à-propos de gestes et de pas,
quelques traits d'esthétique nouveaux, je ne laisserai du moins
cet acte parfait dans une autre manière, sans marquer qu'il a,
comme le doit tout produit même exquisement moyen et de fiction
plutôt terre-à-terre, par un coin, aussi sa puissante touche de
poésie inévitable: dans l'instrumentale conduite des timbres du
dialogue, interruptions, répétitions, toute une technique qui
rappelle l'exécution en musique de chambre de quelque fin concert
de tonalité un peu neutre; et (je souris) du fait du symbole.
Qu'est-ce, sinon une allégorie bourgeoise, délicieuse et vraie,
prenez la pièce ou voyez-la!  que cette apparition à l'homme qui
peut l'épouser, d'une jeune fille parée de beaux enfants
d'autrui, hâtant le dénouement par un tableau de maternité
future.

A tout le théâtre faussé par une thèse ou aveuli jusqu'à
l'étalage de chromolithographies, bref le contraire, cet Auteur
Dramatique par excellence (pour reproduire la mention des bustes
de foyer) oppose l'harmonie des types et de l'action.  Ainsi les
ameublements indiquant l'intimité de ce siècle, louches, tels,
prétentieux!  dans de récentes années revint se substituer le ton
bourgeois et pur du style dernier, le Louis XVI.  Analogie qui me
prend: s'il n'existe de revoir mieux approprié à l'état
contemporain que les soieries de robe aux bergères avec
alignement d'acajou discret, cela noble, familier (où le regard,
jamais trompé par les similitudes de quelque allusion décorative
aveuglante, ne risque d'accrocher à leur crudité puis d'y
confondre selon des torsions le bizarre luxe de sa propre
chimère), je sens une sympathie pour l'ouvrier d'un oeuvre
restreint et parfait, mais d'un oeuvre parce qu'un art y tient,
lequel me charme par une fidélité à tout ce qui fut une rare et
superbe tradition, et ne gêne ni ne masque pour mon oeil
l'avenir.

Le malentendu qui toutefois peut s'installer entre la badauderie
et le maître, si quelqu'un n'y coupe court en vertu d'une
admiration, provient de ce que, dans un souhait trouble de
nouveau, on attende un art inventé de toutes pièces: tandis que
voici un aboutissement imprévu, glorieux et neuf de l'ancien
genre classique, en pleine modernité, avec notre expérience ou je
ne sais quel désintéressement cruel qu'on n'a pas employé tout à
nu, avant le siècle.  Autre chose que la PARISIENNE notamment,
c'est présumer mieux qu'un chef-d'oeuvre, tant le savoir de
l'écrivain brille en cette production de sa verte maturité; ou
surpassera-t-il les CORBEAUX?  Je ne le désire presque, et me
défierais.  Une à une reprenez sur quelque scène officielle et
comme exprès rétrospective ces pièces déjà qui du premier soir
furent évidentes, pour que le travailleur groupe à l'entour maint
exemplaire du genre dont il a, par un fait historique très
spécial, dégagé sur le tard de notre littérature, la vive ou
sobre beauté.  Ne pas feindre l'impatience d'une surprise quand
elle a eu lieu et qu'il s'agit d'un art achevant ainsi avec un
plus strict éclat qu'un des génies antérieurs eût pu l'allumer,
sa révélation, ou notre comédie de moeurs française.

Comme je goûte par exemple la farce, aiguë, autant que profonde
sans prendre jamais un ton soucieux vu que c'est trop si la vie
l'affecte envers nous, rien n'y valant que s'enfle
l'orchestration des colères, du blâme ou de la plainte!
partition ici tue selon un rythmique équilibre dans la structure,
elle se répond, par opposition de scènes contrastées et
retournées, d'un acte à l'autre où c'est une voltige, allées,
venues, en maint sens, de la fée littéraire unique, la Fantaisie,
qui efface d'un pincement de sa jupe, ou montre, une transparence
d'allusions répandue sur fond, d'esprit: enveloppant dans le
tourbillon de joie la réalité folle et contradictoire puis la
piquant de ses pointes, avant de s'arrêter sur ce sourire qui est
le jugement suprême et en dernier lieu de la sagesse parisienne
et indéniablement le trait de M. Meilhac.

Ainsi dans un ouvrage dramatique savant réapparaît; visible au
regard critique et certain, _etre aux ailes de gaze_, à qui sont
les planches.

L'hiver[*] est à la prose.

  [*] 1886


Avec l'éclat automnal cessa le Vers, qui autorise le geste et un
miraculeux recul: c'était, la dernière, fanfare si magistralement
lancée que j'ai dans l'oreille, du fait de M. Richepin, au succès
interrompu par le départ de Scapin en personne[*]: farce où le
tréteau s'est agrandi par ses arts seuls jusqu'à la scène, comme
il le faillit aux siècles d'imitation antique.

  [*] M. Coquelin


Figurativement, ainsi tout se passe, même en la comédie, la rampe
se prêtant à l'éclair métaphorique de verités.

A une distance d'un mois et plus, un effet, par exemple,
prodigieux, simple me hante, entre mille de MONSIEUR SCAPIN,
c'est la fuite, nulle part mais accomplie en dernière ressource,
avec férocité, de celle qui échappe à tout, à des dupes, à leurs
cris, au châtiment, selon son commerce surnaturel et une mauvaise
innocence, seulement en se dérobant, la Courtisane[*] A peine se
demande-t-on si c'est la brute représentation d'un fait, qu'on
voit là ou la mise au point du sens de ce fait.  La pièce du
vivace poëte abonde, avec gaîté, en des visions qui, moins que
celle-là peut-être car je la tiens pour unique, s'imposent: et je
voudrais d'elle et d'autres citer, pour les parfaire,
l'accompagnement ou des tirades développant comme un rire vaste
envolé loin, mais je manque d'une belle mémoire.  Le vers à
pleine voix, viril, jeté clair, séduit comme strictement théâtral
attendu qu'il s'adapte par sa combinaison d'images et de verve
haute précisément au site de toiles peintes sous des lumières, le
décor, ainsi qu'à ce naturel instrument, l'acteur, qui indiquent
l'état actuel de l'art.

  [*] Au 3e acte, personnage de Rafa.

Le silence, seul luxe après les rimes, un orchestre ne faisant
avec son or, ses frôlements de soirs et de cadence, qu'en
détailler la signification à l'égal d'une ode tue et que c'est au
poëte, suscité par un défi, de traduire le silence que depuis je
cherche aux après-midi de musique, je l'ai trouvé avec
contentement aussi, devant la réapparition toujours inédite comme
lui-même de Pierrot c'est-à-dire du clair et sagace mime Paul
Legrand.

Ainsi ce PIERROT ASSASSIN DE SA FEMME composé et rédigé par
M. Paul Margueritte, tacite soliloque que tout du long à soi-même
tient et du visage et des gestes le fantôme blanc comme une page
pas encore écrite.  Un tourbillon de pensées naïves ou neuves
émane, qu'il plairait de saisir avec sûreté, et dire.  Toute
l'esthétique du genre situé plus près des principes qu'aucun
autre rien, en cette région de la fantaisie ne pouvant contrarier
l'instinct simplificateur et direct.

Voici.  «La scène n'illustre que l'idée, non une action
effective, par un hymen (d'où procède le Rêve), vicieux mais
sacré, entre le désir et l'accomplissement, la perpétration et
son souvenir: ici devançant, là remémorant, au futur, au passé,
_sous une apparence fausse de présent_.  Tel opère le Mime, dont
le jeu se borne à une perpétuelle allusion: il n'installe
autrement un milieu pur de fiction.» Ce rôle, moins qu'un millier
de lignes, qui le lit comprendra les règles ainsi que placé
devant un tréteau, leur dépositaire humble.  La surprise aussi,
accompagnant l'artifice d'une notation de sentiments par des
phrases point proférées, est que, dans ce seul cas peut-être avec
authenticité, entre les feuillets et le regard s'établit ce
silence, délice de la lecture.

Mais où poind, et je l'exhibe avec dandysme, mon incompétence, au
sujet d'autre chose que l'absolu, c'est le doute qui d'abord
abominer, un intrus apportant sa marchandise différente de
l'extase et du faste, ou le prêtre vain qui endosse un néant
d'insignes pour cependant officier.

Avec l'impudence de faits divers ou du trompe-l'oeil emplir le
théâtre et exclure la Poésie, ses jeux, sublimités (espoir
toujours chez un spectateur), ne me semble besogne pire que la
montrer en tant que je ne sais quoi de spécial au bâillement; ou,
instaurer cette déité dans tel appareil balourd et vulgaire est
peut-être méritoire à l'égal de l'omettre.

La chicane, la seule que j'oppose à un Odéon, n'est pas qu'il
tienne ici pour une alternative plutôt que l'autre, la sienne va
à ses pseudo-attributions et dépend d'une architecture: mais
bien, temple d'un culte factice, entretenant une vestale pour
alimenter sur un trépied à pharmaceutique flamme _le grand art
quand même!_ de recourir méticuleusement et sans se tromper à la
mixture conservant l'inscription exacte _Ponsard_ comme à quelque
chose de fondamental et de vrai.  Un déni de justice à l'an qui
part ou commence, ici s'affirme, en tant que la constatation, où
je ne puis voir sans déplaisir mettre un cachet national, que
notre âge soit infécond en manifestations identiques, comme
portée et rendu par exemple au LION AMOUREUX, c'est-à-dire à
combler avec ce qui simule exister le vide de ce qu'il n'y a pas.
Au contraire, en ces Notes d'abord, nous sommes aux grisailles et
vous n'aviez, prêtresse d'une crypte froide, pas à mettre la main
sur une des fioles avisées qui se parent en naissant, une fois
pour toutes et dans un but d'économie, de la poussière de leur
éternité.  Ce Ponsard, puisque soufflant par un des buccins du
jour, je suis sujet à répéter son nom, n'agite mon fiel, si ce
n'est que, sa gloire vient de là!  il paya d'effronterie, inouie,
hasardée, extravagante et presque belle en persuadant à une
clique, qu'il représentait, dans le manque de tout autre éclat,
au théâtre la Poésie, quand en resplendissait le dieu.  Je
l'admire pour cela, avoir sous-entendu Hugo, dont il dut, certes,
s'apercevoir, à ce point que né humble, infirme et sans
ressources, il joua l'obligation de frénétiquement surgir, faute
de quelqu'un; et se contraignit après tout à des efforts qui sont
d'un vigoureux carton.  Malice un peu ample, et drôle!  dont nous
étions plusieurs nous souvenant; mais en commémoration de quoi il
n'importait de tout à coup sommer la génération nouvelle.
Combien, pour ma part, ayant l'âme naïve et juste, je nourris une
autre prédilection, sans désirer qu'on les ravive néanmoins au
détriment d'aucun contemporain, pour ces remplaçants authentiques
du Poëte qui encoururent notre sourire, ou le leur peut-être
s'ils en avaient un, à seule fin pudiquement de nier, au laps
d'extinction totale du lyrisme, comme les Luce de Lancival,
Campistron ou d'autres ombres, cette vacance néfaste: ils ont, à
ce qu'était leur âme, ajusté pour vêtement une guenille usée
jusqu'aux procédés et à la ficelle plutôt que d'avouer le voile
de la Déesse en allé dans une déchirure immense ou le deuil.  Ces
larves demeureront touchantes et je m'apitoie à l'égal sur leur
descendance que l'Odéon, ce soir, frustre, pareille à des gens
qui garderaient l'honneur d'autels résumé en le désespoir de
leurs poings fermés aussi peut-être par la somnolence.  Tous, je
les juge instructifs non moins que grotesques, leurs imitateurs
et les devanciers, attendu que d'un siècle ils reçoivent, en
manière de sacré dépôt, pour le transmettre à un autre, ce qui
précisément n'est pas, ou que si c'était, mieux vaudrait ne pas
savoir!  le résidu de l'art, axiomes, formule, rien.

Quelques romans ont, de pensée qu'ils étaient, en ces temps
repris corps, voix et chair, et cédé leurs fonds de coloris
immatériel, à la toile, au gaz.

Le roman, je ne sais le considérer au pouvoir des maîtres ayant
apporté à sa forme un changement si beau (quand il s'agissait
naguère d'en fixer l'esthétique), sans admirer qu'à lui seul il
débarrasse l'art, d'abord sur la scène, de l'instrusion du
moderne personnage, désastreux et nul comme se gardant d'agir
plus que de tout.

Quoi!  le parfait écrit récuse jusqu'à la moindre allusion à une
aventure, pour se complaire dans son évocation chaste, sur le
tain de souvenirs, comme l'est cette extraordinaire _Chérie_,
d'une figure, à la fois éternel fantôme et la vie!  c'est qu'il
ne se passe rien d'immédiat et d'en dehors dans un présent qui
joue à l'effacé pour couvrir de plus hybrides dessous.  Si notre
extérieure agitation choque, en l'écran de feuillets imprimés, à
plus forte raison sur les planches, matérialité dressée dans une
obstruction gratuite.  Oui, le Livre ou cette monographie qu'il
devient d'un type (superposition des pages comme un coffret,
défendant contre le brutal espace une délicatesse reployée
infinie et intime de l'être en soi-même) suffit avec maints
procédés si neufs analogues en raréfaction à ce qu'a de subtil la
vie.  Par une mentale opération et point d'autre, lecteur je
m'adonne à abstraire telle physionomie, sans ce déplaisir d'un
visage exact penché, hors la rampe, sur ma source ou âme.  Les
traits réduits à des mots, un maintien le cédant à quelque
identique disposition de phrase, tout ce pur résultat atteint
pour ma noble délectation, s'effarouche de la réalité d'une
interprète, qu'il sied d'aller voir en tant que public, à
l'Odéon, si l'on n'aime rouvrir, comme moi, chaque hiver, un des
plus exquis et poignants ouvrages de MM. de Goncourt, RENÉE
MAUPERIN, car vous devinez, quoique traîne et recule au plus loin
de la cadence ordinaire une conclusion relative à l'un des
princes des lettres contemporaines, tout cet artifice dilatoire
de respect vise la si intéressante, habile et quasi originale
adaptation qu'a faite du chef-d'oeuvre, une tolérance amicale l'y
invitant, M. _Céard_.  Au manque de goût aisé de chuchoter des
vérités que mieux trompette l'oeuvre éclatant du romancier, cette
atténuation: je réclame, pas selon une vue théâtrale à moi, pour
l'intégrité du génie littéraire, à cause simplement du milieu
peut-être plus grossier encore, s'il le restitue, même
scéniquement, à l'existence, après l'en avoir tiré par le fait
des procédés délicieux, fuyants, de l'analyse.

Et...  et...  je parle d'après quelque perception aussi qu'a de
l'atmosphère un poëte transposé même dans le monde, répondez, si
demeure un rapport satisfaisant ou quelconque entre la façon
d'exister et de dire forcément soulignée des comédiens en
exercice, et le caractère tout d'insaisissable finesse de la vie.
Conventions!  et vous implanterez, au théâtre, avec plus de
vraisemblance les paradis, qu'un salon.

M. Daudet entreprend lui-même sa tâche, je crois sans
préconception mais en consultant à mesure que se fait l'éveil de
textes à la scène, ses dons, pour servir à tel effet ou le nier,
dans le sens apparu et selon pas d'esthétique que la loi de son
impeccable tact.  Toujours avec lui, surveillant cette opération
en critique détaché a-t-on chance de saisir, fortuitement, sur le
fait, des résultats certains.  Art qui inquiète et séduit comme
ce que je perçois vrai derrière mon incompétence car s'établit
une ambiguïté entre l'écrit et le joué, des deux aucun, elle
verse, le volume presque omis, l'impression qu'on n'est pas tout
à fait devant la rampe.  Si je détaillais le charme, voici: sans
le nécessaire talisman de la page (présent perfide d'humble
aspect qui cache mon asservissement à la pensée d'autrui, plus!
à son écriture) on ne se croit, d'autre part, le captif du vieil
enchantement redoré d'une salle, ce spectacle comportant je ne
sais quoi de direct ou encore cette qualité de provenir de nous à
la façon d'une libre vision spirituelle.  Ainsi l'acteur n'y
scande point sur les planches son pas appuyé à la ritournelle
dramatique mais se meut dans un milieu simple et le silence, ici
comme au figuré, de tapis sur le sonore tremplin rudimentaire de
la marche et du bond: il n'y a, tel détail ou un autre, jusqu'à
cet enguirlandement de comparses en la farandole, lequel ne
prenne une grâce de mentale fresque.  Morcellement surtout de ce
qu'il faudrait, en contradiction avec une formule célèbre,
appeler la scène à ne pas faire du moins dans la modernité où
personne ne choie qu'une préoccupation, pendant ses heures de la
nuit et du jour, rayant tous les codes passés, «ne jamais rien
accomplir ou proférer qui puisse exactement se copier au
théâtre».  Le choc d'âme sans que s'y abandonne le héros comme il
le peut dans le seul poème, a lieu par brefs moyens, un cri, ce
sursaut la minute d'y faire allusion, avec une légèreté de touche
autant que la clairvoyance d'un artiste qui a exceptionnellement
dans le regard notre monde.  Ce faire si curieux et qui apparaît
à l'état de résultante comme virtuelle d'une tentative, la plus
haute d'à présent, ne se dément pas au long de la pièce: il
éclate intense et significatif, à suspendre même l'afflux des
bravos avant la chute du rideau et fournît ce tableau à demi dans
la plastique du théâtre mais déjà aussi dans l'optique pure,
d'une chambre avec tous les éléments famiiliaux de la vie, on y
va mourir bientôt, on y vient presque de naître, plus poignant
que des fiançailles aussi un rapprochement conjugal s'y noua, or
tout est vain et ne garde d'intérêt que pour le spectateur..  à
travers la croisée, impersonnel comme l'être vu de dos et repris
par sa folie du dehors et de bruit, s'agite dans quelque
harangue, au balcon, inentendue qu'importé, il parle!  gesticule
et continue sa fatalité, NUMA ROUMESTAN: c'est, à l'esprit, dans
un au-delà de vitrage et son cadre, jusqu'à l'instant suprême
différée la totale apparition de l'incorrigible, elle conclut en
même temps que se perd en le futur.

Nouveaux, concis, lumineux traits, que le Livre dût-il y perdre,
enseigne à un théâtre borné.

L'intention, quand on y pense, gisant aux sommaires plis de la
tragédie française ne fut pas l'antiquité ranimée dans sa cendre
blanche mais de produire en un milieu nul ou à peu près les
grandes poses humaines et comme notre plastique morale.

Statuaire égale à l'interne opération par exemple de Descartes et
si le tréteau significatif d'alors avec l'unité de personnage,
n'en profita, joignant les planches et la philosophie, il faut
accuser le goût notoirement érudit d'une époque retenue
d'inventer malgré sa nature prête, dissertatrice et neutre, à
vivifier le type abstrait.  Une page à ces grécisants, ou même
latine, servait, dans le décalque.  La figure d'élan idéal ne
dépouilla pas l'obsession scolaire ni les modes du siècle.

Seul l'instinctif jet survit, qui a dressé une belle musculature
de fantômes.

Si je précise le dessin contraire ou pareil de cet homme de vue
si simple _M. Zola_ acceptant la modernité pour l'ère définitive
(au-dessus de quoi s'envola, dans l'héroïque encore, le camaieu
Louis XIV), il projette d'y établir comme en quelque terrain,
général et stable, le drame, en soi et hors d'aucune fable que
les cas de notoriété.  Le moyen de sublimation de poëtes nos
prédécesseurs avec un vieux vice charmant, trop de facilité à
dégager la rythmique élégance d'une synthèse, approchait la
formule souhaitée, laquelle diffère par une brisure analytique
multipliant la vraisemblance ou les heurts du hasard.

Vienne le dénouement d'un orage de vie, gens de ce temps,
rappelons-nous avec quel souci de parer jusqu'à une surprise de
geste ou de cri dérangeant notre sobriété nous nous asseyons,
simplement, pour un entretien.  Ainsi et selon cette tenue,
commence en laissant s'agiter chez le spectateur le sourd
orchestre des dessous et me subjugue RENÉE..  A demi-mot se
résout posément chaque état sensitif par les personnages même su,
le propre de notre attitude maintenant, ou celle humaine suprême,
étant de ne parler jamais qu'après décision, loin de fournir la
primauté au motif sentimental même le plus cher: alors s'établit
en nous l'impersonnalité des grandes occasions.

Loi, exclusive de tout art traditionnel, non!  elle dicta le
théâtre classique, à l'éloquent débat ininterrompu: aussi par ce
rapport mieux que par les analogies d'un sujet même avec la
Phèdre dix-septième siècle, le théâtre de moeurs récent confine à
l'ancien!

Voyez que vous-même, après coup ou d'avance mais sciemment,
toujours traitez la situation: un contemporain essaie de
l'élucider par un appel pur à son jugement, comme à propos de
quelque autre et sans se mettre en jeu.  Le triple contrat entre
Saccard et le père de l'héroïne, puis Renée, résolvant en affaire
le sinistre préalable, illustre cela, au point que ne
m'apparaisse d'ouverture dramatique plus strictement moderne, à
cause d'une maîtrise anticipée et nette de soi.

Ce volontaire effacement extérieur qui particularise notre façon,
toutefois, ne peut sans des accès se prolonger et la succincte
foudre qui servira de détente à tant de contrainte et d'inutiles
précautions contre l'acte magnifique de vivre, marque d'un jour
violent le malheureux, comme pris en faute dans une telle
interdiction de se montrer à même.

Voilà une théorie tragique actuelle ou, pour mieux dire, celle de
la _pièce:_ le drame, latent, ne s'y manifeste que par une
déchirure affirmant l'irréductibilité de nos instincts.

L'adaptation, par le romancier, d'un tome de son oeuvre, la
CURÉE, accru de la nouvelle NANTAS, cause, sur qui prend place en
désintéressé, un effet de pièce succédant à celles fournies par
le théâtre dit de genre, sauf la splendeur à tout coup de
qualités élargies jusqu'à valoir un point de vue; affinant la
curiosité en intuition qu'existé de cela aux choses
quotidiennement jouées et pas d'aspect autres, une différence.

Absolue..

Ce voile conventionnel qui, ton, concept, etc., erre dans toute
salle, accrochant aux cristaux perspicaces eux-mêmes son tissu de
fausseté et ne découvre que banale la scène, il a comme flambé au
gaz!  et ingénus, morbides, sournois, brutaux avec une nudité
d'allure bien dans la franchise classique se montrent des
caractères.

Cependant non loin, le lavage à grande eau musical du Temple,
qu'effectue devant ma stupeur, l'orchestre avec ses déluges de
gloire ou de tristesse versés, ne l'entendez-vous pas?  dont la
Danseuse restaurée mais encore invisible à de préparatoires
cérémonies, semble la mouvante écume suprême.

Il fut un théâtre, le seul où j'allais de mon gré, l'Eden,
significatif de l'état d'aujourd'hui, avec son apothéotique
résurrection italienne de danses offerte à notre vulgaire
plaisir, tandis que par derrière attendait le monotone promenoir.
Une lueur de faux cieux électrique baigna la récente foule, en
vestons, à saccoche; puis à travers l'exaltation, par les sons,
d'un imbécile or et de rires, arrêta sur la fulgurence des
paillons ou de chairs l'irrémissible lassitude muette de ce qui
n'est pas illuminé des feux d'abord de l'esprit.  Parfois j'y
considérai, au sursaut de l'archet, comme sur un coup de baguette
légué de l'ancienne Féerie, quelque cohue multicolore et neutre
en scène soudain se diaprer de graduels chatoiements ordonnée en
un savant ballabile, effet rare véritablement et enchanté; mais
de tout cela et de l'éclaircie faite dans la manoeuvre de masses
selon de subtils premiers sujets!  le mot restait aux finales
quêteuses mornes de là-haut entraînant la sottise polyglotte
éblouie par l'exhibition de moyens de beauté et pressée de
dégorger cet éclair, vers quelque reddition de comptes
simplificatrice: car la prostitution en ce lieu, et c'était là un
signe esthétique, devant la satiété de mousselines et de nu
abjura jusqu'à l'extravagance puérile de plumes et de la traîne
ou le fard, pour ne triompher, que du fait sournois et brutal de
sa présence devant d'incomprises merveilles.  Oui, je me
retournais, à cause de ce cas flagrant qui occupa toute ma
rêverie comme l'endroit; en vain!  sans la musique telle que nous
la savons égale des silences et le jet d'eau de la voix, ces
revendicatrices d'une idéale fonction, la Zucchi, la Cornalba, la
Laus avaient de la jambe écartant le banal conflit, neuves,
enthousiastes, désigné avec un pied suprême au delà des vénalités
de l'atmosphère, plus haut même que le plafond de Clairin,
quelque astre.

Très instructive exploitation, adieu.

A défaut du ballet y expirant dans une fatigue de luxe voici que
ce local singulier deux ans déjà par des vêpres dominicales de la
symphonie purifié bientôt intronise, non pas le cher mélodrame
français agrandi jusqu'à l'accord du vers et du tumulte
instrumental ou leur lutte (prétention aux danses parallèle chez
le poëte) mais un art, le plus compréhensif de ce temps, tel que
par l'omnipotence d'un total génie encore archaïque il échut et
pour toujours aux commencements d'une race rivale de nous: avec
_Lohengrin_ de Richard Wagner.

O plaisir et d'entendre là dans un recueillement trouvé à l'autel
de tout sens poétique ce qui est jusque maintenant la vérité;
puis, de pouvoir, à propos d'une expression même étrangère à nos
propres espoirs, émettre, cependant et sans malentendu, des
paroles.



IV

UN PRINCIPE DES VERS


Jamais soufflet tel à l'élite soucieuse de recueillement pour
s'installer en l'esprit des splendeurs, que celui donné par la
crapule exigeant la suppression, avec ou sans le gouvernement ou
d'accord avec le chef-d'oeuvre affolé lui-même, de LOHENGRIN: ce
genre de honte possible n'avait été encore envisagé par moi, et
est acquis, au point que quelque tempête d'égout qui maintenant
s'insurge contre de la supériorité et y crache, j'aurai vu pire,
et rien ne produira qu'indifférence.

Certaine incurie des premières représentations pour ne pas dire
un éloignement peut-être de leur solennité, où une présence
avérée devant tout l'éclat scénique commande, au lieu de ces
légères Notes d'un coin prises par côté et n'importe quand à
l'arrière vibration d'un soir, mon attention pleine et de face,
orthodoxe, à des plaisirs que je sens médiocrement; aussi
d'autres raisons diffuses, même en un cas exceptionnel m'avaient
conduit (et la certitude pour la critique d'ici de compter, en
faveur du drame lyrique, sur l'éloquente bravoure de mon conjoint
musical[*]) à négliger les moyens d'être de ce lever angoissant
du rideau français sur Wagner.  Mal m'en a pris; on sait le reste
et comment c'est en fuyant la patrie que dorénavant il faudra
satisfaire de beau notre âme.

  [*] M. de Fourcaud.

Voilà, c'est fini, pour des ans...

Que de sottise et notamment au sens politique envahissant tout,
si bien que j'en parle!  d'avoir perdu une occasion élémentaire,
tombée des nuages et sur quoi s'abattre, nous de manifester à une
nation hostile la courtoisie qui déjoue de hargneux faits divers;
quand il s'agissait d'en saluer le Génie dans son aveuglante
gloire.

Tous, de nouveau nous voici, quiconque recherche le culte d'un
art en rapport avec le temps (encore à mon avis que celui
d'Allemagne accuse de la bâtardise pompeuse et neuve), obligés de
prendre, matériellement, le chemin de l'étranger non sans ce
déplaisir subi, par l'instinct simple de l'artiste, à quitter le
sol du pays; dès qu'il y a lieu de s'abreuver à un jaillissement
voulu par sa soif.

Un de ces soirs manqués d'initiation et de joie j'ouvrais, en
quête de bonne compensation, le radieux écrit LE FORGERON pour y
apprendre de solitaires vérités.

Que tout poème composé sinon pour obéir au vieux génie du vers,
n'en est pas un...  On a pu, antérieurement à l'invitation de la
rime ici extraordinaire parce qu'elle ne fait qu'un avec
l'alexandrin qui, dans ses poses et la multiplicité de son jeu,
semble par elle dévoré tout entier comme si cette fulgurante
cause de délice y triomphait jusqu'à l'initiale syllabe; avant le
heurt d'aile brusque et l'emportement, on a pu, cela est même
l'occupation de chaque jour, posséder et établir une notion du
concept à traiter, mais indéniablement pour l'oublier dans sa
façon ordinaire et se livrer ensuite à la seule dialectique du
Vers.  Lui en dieu jaloux auquel le songeur céda la maîtrise, il
ressuscite au degré glorieux ce qui, tout sûr, philosophique,
imaginatif et éclatant que ce fût, comme dans le cas présent, une
vision céleste de l'humanité!  ne resterait, à son défaut que les
plus beaux discours émanés de notre bouche; à travers un nouvel
état, pur, il y a recommencement sublime des conditions ainsi que
des matériaux naturels de la pensée sis habituellement chez nous
pour un devoir de prose, comme des vocables eux-mêmes, après
cette différence et l'essor au-delà, atteignant leur vertu.

Personne, ostensiblement, depuis qu'étonna le phénomène poétique,
ne le résume avec audacieuse candeur que peut-être un esprit
immédiat ou originellement doué, _Théodore de Banville_ et
l'épuration, par les ans, de son individualité en le vers,
désigne aujourd'hui cet être à part, primitif et buvant tout seul
à une source occulte et éternelle; car rajeuni dans le sens
admirable par quoi l'enfant est plus près de rien et limpide, ce
n'est plus comme d'abord son enthousiasme qui l'enlève à des
ascensions continues du chant ou de l'idée, bref le délire commun
aux lyriques: hors de tout souffle perçu grossier, virtuellement
la juxtaposition entre eux des mots appareillés d'après une
métrique absolue et ne réclamant de quelqu'un, le poëte dissimulé
ou son lecteur, que la voix modifiée suivant une qualité de
douceur ou d'éclat, pour parler.

Ainsi lancé de soi le principe qui n'est rien, que le Vers!
attire non moins que dégage pour son jaloux épanouissement
(l'instant qu'ils y brillent et meurent dans une fleur rapide,
sur quelque transparence comme d'éther) les mille éléments de
beauté pressés d'accourir et de s'ordonner dans leur valeur
essentielle.  Signe!  au gouffre central d'une spirituelle
impossibilité que quelque chose soit divin exclusivement à tout,
le numérateur sacré du compte de notre apothéose, vers enfin
suprême qui n'a pas lieu en tant que moule d'aucun objet qui
existe; mais il emprunte, pour y aviver son sceau nul, tous
gisements épars, ignorés et flottants selon quelque richesse, et
les forger.

Voilà, constatation à quoi je glisse, comment, dans notre langue,
les vers ne vont que par deux ou à plusieurs, en raison de leur
accord final, soit la loi mystérieuse de la Rime, qui se révèle
avec la fonction de gardienne du sanctuaire et d'empêcher
qu'entre tous, un n'usurpe, ou ne demeure péremptoirement: en
quelle pensée fabriqué celui-là!  peu m'importe, attendu que sa
matière aussitôt, gratuite, discutable et quelconque, ne
produirait de preuve à se tenir dans un équilibre momentané et
double à la façon du vol, identité de deux fragments constitutifs
remémorée extérieurement par une parité dans la consonnance[*].

  [*] Là est la suprématie des modernes vers sur ceux antiques
  formant un tout et ne rimant pas; qu'emplissait une bonne fois
  le métal employé à les faire, au lieu que, chez nous, ils le
  prennent et le rejettent, incessamment deviennent, procèdent
  musicalement: en tant que Stance, ou le distique.

Chaque page de la brochure annonce et jette haut comme des traits
d'or vibratoire ces saintes règles du premier et dernier des
Arts.  Spectacle intellectuel qui me passionne: l'autre, tiré de
l'affabulation ou le prétexte, lui est comparable.

Vénus du sang de l'Amour issue et aussitôt convoitée par les
Olympiens dont Jupiter: sur l'ordre de celui-ci ni vierge ni à
tous, afin de réduire ses ravages elle portera la chaîne de
l'hymen avec un, Vulcain, ouvrier latent des chefs-d'oeuvre, que
la femme ou beauté humaine, les synthétisant, récompense par son
choix (car il faut en le moins de mots à côté, vu que les mots
sont la substance même employée ici à l'oeuvre d'art, en dire
l'argument).

Quelle représentation!  le monde y tient; un livre, dans notre
main, s'il énonce quelque idée auguste, supplée à tous les
théâtres, non par l'oubli qu'il en cause mais les rappelant
impérieusement, au contraire.  Le ciel métaphorique qui se
propage à l'entour de la foudre du vers, artifice évocateur par
excellence au point de simuler peu à peu et d'incarner les héros
eux-mêmes (juste dans ce qu'il faut apercevoir pour n'être pas
gêné de leur présence, bref le mouvement), ce spirituellement et
magnifiquement illuminé fond d'extase, c'est, c'est bien le pur
de nous-mêmes par nous porté, toujours, prêt à jaillir à
l'occasion qui dans l'existence ou hors l'art fait toujours
défaut.  Musique certes que l'instrumentation d'un orchestre tend
à reproduire seulement et à feindre.  Admirez dans sa toute
puissante simplicité ou foi en un moyen vulgaire et supérieur,
l'élocution, puis la métrique l'affinant à une expression
dernière, comme quoi un esprit, qui se réfugia au vol de
plusieurs feuillets, défie la civilisation négligeant de
construire à son rêve, motif qu'elles aient lieu, la Salle
prodigieuse et la Scène.  Le mime absent et finales ou préludes
aussi par les bois, des cuivres et les cordes, il attend, cet
esprit, placé au-delà des circonstances, l'accompagnement
obligatoire d'arts ou s'en passe.  Seul venu à l'heure parce que
l'heure est sans cesse aussi bien que jamais, à la façon d'un
messager, du geste il apporte le livre, ou sur ses lèvres, avant
que de s'effacer; et l'être qui retint l'éblouissement général,
le multiplie chez tous, du fait de la communication,

La merveille d'un haut poème comme ici me semble que, naissent
des conditions pour en autoriser le déploiement visible et
l'interprétation, d'abord il s'y prêtera et ingénument au besoin
ne remplace tout que faute dé tout.

J'imagine que la cause de s'assembler, dorénavant, en vue de
fêtes inscrites au programme humain, ne sera pas le théâtre,
borné ou incapable tout seul de répondre à de très subtils
instincts, ni la musique du reste trop fuyante pour ne pas
décevoir la foule; mais à soi fondant ce que ces deux isolent de
vague ou de brutal, l'Ode, dramatisée par des effets de coupe
savants: ces _Scènes Héroïques_ sont une ode à plusieurs voix.

Oui, le culte promis à des cérémonials, songez quel il peut être,
réfléchissez!  Simplement l'ancien ou de tous temps, que l'afflux
par exemple de la symphonie récente des concerts a cru mettre
dans l'ombre, au lieu que c'est l'affranchir, installé mal sur
les planches et l'y faire régner: aux convergences des autres
arts située, issue d'eux et les gouvernant, la Fiction ou Poésie.

Chez Wagner, déjà, qu'un poëte, le plus superbement français,
console de ne pas étudier au long de ces Notes, je ne vois plus,
dans l'acception correcte, le théâtre (sans conteste on
invoquerait mieux, au point de vue dramatique, dans la Grèce ou
Shakespeare) mais la vision légendaire qui suffit sous le voile
des sonorités et s'y mêle; pas plus que sa partition du reste,
comparée à du Beethoven ou du Bach, n'est, strictement, la
musique.  Quelque chose de spécial et complexe résulte, à
n'appeler somme toute autrement que poétique, malgré que
l'enchanteur Allemand plutôt aille vers la littérature qu'il n'en
provient.

Une oeuvre du genre de celle qu'octroie en pleine sagesse et
vigueur notre Théodore de Banville est littéraire dans l'essence,
mais ne se replie pas toute au jeu du mental instrument par
excellence, le livre!  Que l'acteur insinué dans l'évidence des
attitudes prosodiques y adapte son verbe, et vienne parmi les
repos de la somptuosité orchestrale qui traduirait les rares
lignes en prose précédant de pierreries et de tissus, étalés
mieux qu'au regard, chaque scène comme un décor ou un site
certainement idéals, cela pour diviniser son approche de
personnage appelé à ne déjà que transparaître à travers le recul
fait par l'amplitude ou la majesté du lieu!  j'affirme que, sujet
le plus fier et comme un aboutissement à l'ère moderne,
esthétique et industrielle, de tout le jet forcément par la
Renaissance limité à la trouvaille technique; et clair
développement grandiose et persuasif!  cette récitation, car il
faut bien en revenir à ce terme quand il s'agit de vers,
charmera, instruira, malgré l'origine classique mais envolée en
leurs types purs des vieux dieux (en sommes-nous plus loin,
maintenant, en fait d'invention mythique?) et par dessus tout
émerveillera le Peuple: en tous cas rien de ce que l'on sait ne
présente autant le caractère de texte pour des réjouissances ou
fastes officiels dans le vieux goût et contemporain, comme
l'Ouverture d'un Jubilé, notamment de celui au sens figuratif
qui, pour conclure un cycle de l'Histoire, me semble exiger le
ministère du Poëte, en 1889.



V

LASSITUDE


Le désespoir en dernier lieu de mon Idée, qui s'accoude à quelque
balcon lavé à la colle ou de carton-pâte, regards perdus, traits
à l'avance fatigués du néant, c'est que, pas du tout!  après peu
de mots au tréteau par elle dédaigné si ne le bat sa seule
voltige, immanquablement la voici qui chuchotte dans un ton de
sourde angoisse et me tendant le renoncement au vol, agité
longtemps, de son caprice «Mais c'est très bien, c'est parfait--à
quoi semblez-vous prétendre encore, mon ami?» puis d'une main
vide de l'éventail «Allons-nous en (signifie-t-elle)
cependant--on ne s'ennuierait même pas et je craindrais de ne
pouvoir rêver autre chose.--L'auteur ou son pareil, ce qu'ils
voulaient faire, ils l'ont fait et je défierais qui que ce soit
de l'exécuter mieux ou différemment.»

--Que souhaitaient-ils donc accomplir, ô mon âme?  réplique-je
une fois et toujours interloqué ou éludant la responsabilité
d'avoir conduit ici une si exquise dame anormale: car ce n'est
pas elle, sûr!  s'il y faut voir une âme ou bien notre idée (à
savoir la divinité présente à l'esprit de l'homme) qui
despotiquement me proposa: «Viens».

Mais un habituel manque inconsidéré chez moi de prévoyance.

--«Ce qu'ils voulaient faire?» ne prit-elle pas le soin de
prolonger vis-à-vis d'une feinte curiosité «je ne sais pas, mais
si, le voilà...» réprimant, ô la pire torture ne pouvoir que
trouver très bien et pas même abominer ce au-devant de quoi l'on
vint et se fourvoya!  un bâillement, qui est la suprême, presque
ingénue et la plus solitaire protestation mais dont le lustre aux
mille cris suspend comme un écho l'horreur radieuse et visible,

--«...Peut-être ceci.»

Elle expliqua et approuva en effet la tentative ordinaire de gens
qui avec un talent indiscuté et même de la bravoure si leur
inanité était consciente, remplissent mais des éléments de
médiocre puisés dans leur spéciale notion du public, le trou
magnifique ou l'attente qui, comme une faim, se creuse chaque
soir, au moment où brille l'horizon, dans l'humanité, ainsi que
l'ouverture de gueule de la Chimère méconnue et frustrée à grand
soin par l'agencement social.

Autre chose paraît inexact et en effet que dire?  Il en est de la
mentale situation comme des méandres d'un drame et son
inextricabilité veut qu'en l'absence là de ce dont il n'y a pas
lieu de parler, ou la Vision même, quiconque s'aventure dans un
théâtre contemporain et réel soit puni du châtiment de toutes les
compromissions; si c'est un homme de goût, par son incapacité à
n'applaudir.  Je crois, du reste, pour peu qu'intéressé de
rechercher des motifs à la placidité d'un tel personnage, ou
Vous, Moi, que le tort initial a consisté à se rendre au
spectacle avec son Ame--_with Psyché, my soul_[*]: qu'est-ce!  si
tout s'augmente, selon le banal malentendu d'employer comme par
nécessité sa pure faculté de jugement à l'évaluation de choses
entrées déjà censément dans l'art ou de seconde main, bref à des
oeuvres..

  [*] _Ulalume_ (strophe II) par EDGAR POE.


La Critique, dans son intégrité, n'est, n'a de valeur, ou n'égale
presque la Poésie à qui apporter une noble opération
complémentaire, que si elle vise directement et superbement aussi
les phénomènes ou l'univers: mais à cause de cela, soit de sa
qualité de primordial instinct placé au secret de nos replis (un
malaise divin), cède-t-elle à l'attirance du théâtre qui montre
seulement une représentation à l'usage de ceux n'ayant point à
voir les choses à même!  de la pièce écrite au folio de nature ou
du ciel et mimée avec le geste de ses passions, par l'Homme.

A côté de lasses erreurs qui se débattent, voyez!  déjà l'époque
apprête telle transformation plausible; ainsi ce qu'on appela
autrefois la critique dramatique ou le feuilleton, qui n'est plus
à faire, abandonne très correctement la place au reportage des
premiers soirs, télégrammatique ou sans éloquence autre que n'en
comporte la fonction de parler au nom d'une unanimité de muets.
Ajoutez l'indiscrétion, ici les coulisses, riens de gaze ou de
peau attrapés entre les chassis en canevas à la hâte mis pour la
répétition (délice d'une multitude où chacun veut être dans le
secret de quelque chose ne fût-ce que de la redite perpétuelle)
et voilà ce qu'au théâtre peut consacrer la presse de
fait-divers.  Le paradoxe de l'écrivain supérieur longtemps fut,
avec clés fugues ou points d'orgue imaginatifs, se le
rappelle-t-on, d'occuper le genre littéraire créateur de quoi la
prose relève, ou la Critique, à marquer les fluctuations d'un
article d'esprit ou de mode.

Aussi quand ne s'afficha rien, incontestablement, qui valut
d'aller d'un pas allègre se jeter dans la gueule du monstre et
par ce jeu perdre tout droit à le narguer, soi le seul ridicule!
n'y a-t-il occasion même de proférer quelques mots de coin du
feu; vu que si le vieux secret de nos ardeurs et splendeurs qui
s'y tord, sous notre fixité, évoque, par la forme éclairée de
l'âtre, l'obsession d'un théâtre encore réduit et minuscule ou
lointain, c'est ici gala intime.

Méditatif:

II est (tisonne-t-on), un art, l'unique ou pur qu'énoncer sera
produire: il hurle ses démonstrations par le fait de sa
pratique. L'instant qu'en éclaterait le miracle, ajouter que ce
fut cela et pas autre chose, même l'infirme, tant il n'admet de
lumineuse évidence sinon d'exister.  Il consentit à prendre pour
matériaux la parole: de celle-ci rien ne reste après
l'édification mais il a épuisé jusqu'aux chuchotements.  Seul, le
sanglot, survivant à toute expression; ou ce suspens devenu la
larme sublimée de nos yeux.

Les flammes de l'été, hélas et d'autres![*] Civilisation qui veux
des théâtres, tu ne sais, à défaut d'un art y officiant, les
construire[**], si bien que comme l'effroyable langue du silence
gardé le feu se darde et s'exagère puis change en une cendre
tragique la badauderie des villes; tout (à cette heure de
clôture) communique la désuétude de la scène.  Nos prochains
fastes publics ou un fastidieux anniversaire s'il n'exulte par
quelque démonstration comme de modernes Jeux!  ainsi que toujours
se produiront sans allusion à un embrasement idéal, que les
couleurs patriotiques aux étages claquetant dans la brise
d'insignifiance.

  [*] Incendie de l'Opéra-Comique.

  [**] Une salle doit surtout être machinée et mobile, à
  l'ingénieur, avant l'architecte, en revient la construction:
  que ce héros du moderne répertoire se montre un peu!


L'occasion de rien dire n'a surgi et je n'allègue, pour la
vacuité de cette étude dernière ou de toutes, plaintes discrètes!
l'année nulle: mais plutôt le défaut préalable de coup d'oeil
apporté à l'entreprise de sa besogne par le littérateur oublieux
qu'entre lui et l'époque existe une incompatibilité.  «Allez-vous
au théâtre?--Non, presque jamais»: à mon interrogation cette
réponse, par quiconque, de race, singulier, artiste choie sa
chimère hors des vulgarités et se suffit, femme ou homme du
monde, avec l'instinctif bouquet de son âme à nu dans un
intérieur.  «Au reste, moi, non plus!» aurais-je pu intervenir si
la plupart du temps mon désintéressement ici ne le criait à
travers les lignes jusqu'au blanc final.

Alors pourquoi..

Pourquoi!  autrement qu'à l'instigation du pas réductible démon
de la Perversité que je promulgue ainsi «faire ce qu'il ne faut,
sans avantage exprès à tirer, que la gêne vis-à-vis de choses (à
quoi l'on est par nature étranger) de feindre y porter un
jugement: alors que le joint dans l'appréciation échappe et
qu'empêché une pudeur l'exposition à faux jour de suprêmes et
intempestifs principes.» Risquer, dans des efforts vers une
gratuite médiocrité, de ne jamais qu'y faillir, rien n'obligeant
du reste à cette contradiction que le charme peut-être inconnu en
littérature d'éteindre strictement une à une toute vue qui
éclaterait avec pureté, ainsi que de raturer jusqu'à de certains
mots dont la seule hantise continue chez moi la survivance d'un
coeur, et que c'est en conséquence une vilenie de servir mal à
propos.  Le sot bavarde sans rien dire, mais ainsi pêcher à
l'exclusion d'un goût notoire pour la prolixité et précisément
afin de ne pas exprimer quelque chose, représente un cas spécial,
qui aura été le mien: il vaut que je m'exhibe (avant de cesser)
en l'exception de ce ridicule, comme un pitre monologuiste des
cafés-concerts où le feuillage nous sert une halte entre le
Théâtre et la Nature, ces deux termes distincts et superbes de
l'antinomie proposée à une Critique.

J'aurais aimé, avec l'injonction de circonstances, mieux que
finir oisivement, ici noter quelques traits fondamentaux.

Le ballet ne donna que peu: c'est le genre imaginatif.  Quand
s'isole pour le regard un signe de l'éparse beauté générale,
fleur, onde, nuée et bijou, etc., si chez nous le moyen exclusif
de le savoir consiste à en juxtaposer l'aspect à notre nudité
spirituelle afin qu'elle le sente analogue et se l'adapte selon
quelque confusion exquise d'elle avec cette forme envolée, rien
qu'au travers du rite là énoncé de l'Idée est-ce que ne paraît
pas la danseuse à demi l'élément en cause, à demi humanité apte à
s'y confondre, dans la flottaison de rêverie?  Voilà l'opération
poétique par excellence d'où le théâtre.  Immédiatement le ballet
résulte allégorique: il enlacera autant qu'animera, pour en
marquer chaque rythme, toutes corrélations ou Musique d'abord
latentes entre ses attitudes et maint caractère, tellement que la
représentation figurative des accessoires terrestres par la Danse
contient une expérience relative à leur degré esthétique.  Temple
initial ouvert sur les vrais temps, un sacre s'y effectue en tant
que la preuve de nos trésors, ainsi.  A déduire le point
philosophique auquel est située l'impersonnalité de la danseuse,
entre sa féminine apparence et quelque chose mimé, pour cet
hymen!  elle le pique d'une sûre pointe, le pose acquis; puis
déroule notre conviction en le chiffre de pirouettes prolongé
vers un autre motif, attendu que tout, dans l'évolution par où
elle illustre le sens de nos extases et triomphes entonnés à
l'orchestre, est, comme le veut l'art même, au théâtre, _fictif
ou momentané_.

Seul principe!  et ainsi que resplendit le lustre c'est-à-dire,
lui-même, l'exhibition prompte, sous toutes les facettes, de quoi
que ce soit et notre vue adamantine, une oeuvre dramatique montre
la succession des extériorités de l'acte sans qu'aucun moment
garde de réalité et qu'il se passe en fin de compte rien.

Le vieux Mélodrame qui, conjointement à la Danse et sous la régie
aussi du poëte, occupe la scène, s'honore de satisfaire à cette
loi.  Apitoyés, le perpétuel suspens d'une larme qui ne peut
jamais toute se former ni choir (encore le lustre) scintille en
mille regards, or un ambigu sourire déride ta lèvre par la
perception de moqueries aux chanterelles ou dans la flûte
refusant leur complicité à quelque douleur emphatique de la
partition et y perçant des fissures de jour et d'espoir:
avertissement et fil jamais rompu même si malignement il cesse,
tu n'omets d'attendre ou de suivre; au long du labyrinthe de
l'angoisse que complique l'art non pour vraiment t'accabler comme
si ce n'était point assez de ton sort!  spectateur assistant à
une Fête, mais te replonger de quelque part dans le peuple que tu
sois au saint de la Passion de l'Homme et t'en libérer selon
quelque source mélodique de l'âme.  Pareil emploi de la Musique
la tient prépondérante comme magicienne attendu qu'elle emmêle et
rompt ou conduit un fil divinatoire, bref dispose de l'intérêt,
la façonne seul au théâtre: il instruirait les compositeurs
prodigues au hasard et sans l'exacte intuition de leur glorieux
don de sonorité.  Nulle inspiration ne perdra à étudier l'humble
et profonde sagacité qui règle en vertu d'un besoin populaire les
rapports de l'orchestre et des planches dans ce genre génial et
français.  Les axiomes s'y lisent, inscrits par personne; un
avant tous les autres!  que chaque situation insoluble, comme
elle le resterait, en supposant que le drame fût autre chose que
semblant ou piège à notre irréflexion, refoule, dissimule, et
toujours contient le rire sacré qui le dénouera.  Ce jeu perpétué
par les Pixérécourt et les Bouchardy de cacher dans le geste
d'apparat dévolu au tragédien le doigté subtil d'un jongleur,
c'est toute la science.  La funèbre draperie de leur imagination
ne s'obscurcit jamais ou point d'ignorer que l'énigme derrière ce
rideau n'existe sinon grâce à une hypothèse tournante peu à peu
résolue ici et là par notre lucidité: mieux que le gaz ou
l'électricité la gradue l'accompagnement instrumental,
dispensateur du Mystère.

A part la curiosité issue de l'intrusion du livre et,
puisqu'après tout il s'agit de littérature et de vie maintenant
repliées aux feuillets, un désir, en ceux-ci, de se déverser à la
rampe, ainsi que vient de le faire le Roman: je ne sais.  Il ne
convient pas même de dénoncer par un verbiage le fonctionnement
du redoutable Fléau omnipotent...  l'ère a déchaîné, légitimement
vu qu'en la foule ou l'amplification majestueuse de chacun gît
abscons le rêve!  chez une multitude la conscience de sa
judicature ou de l'intelligence suprême, sans préparer de
circonstances neuves ni le milieu mental identifiant la scène et
la salle.  Toujours est-il qu'avant, la célébration des poèmes
étouffés dans l'oeuf de quelque future coupole manquant (si une
date s'accommodera de l'état actuel ou ne doit poindre, doute) il
a fallu formidablement au devant de l'infatuation contemporaine,
ériger entre le gouffre de leur vaine faim et les générations un
simulacre approprié au besoin immédiat, ou l'art officiel qu'on
peut aussi appeler vulgaire; indiscutable, prêt à contenir par le
voile basaltique du banal la poussée de cohue jubilant pour peu
qu'elle aperçoive une imagerie brute de sa divinité.  Machine
crue provisoire pour l'affermissement de quoi!  à mon sens
institution plutôt vacante et durable me convainquant par son
opportunité, l'appel a été fait à tous les cultes artificiels et
poncifs; elle fonctionne en tant que les salons annuels de
Peinture et de Sculpture, quand chôme l'engrenage théâtral.
Tordant à la fois comme au rebut chez le créateur le jet délicat
et vierge, et une jumelle clairvoyance directe du simple, qui
peut-être avaient à s'accorder encore.  Héroïques, soit!
artistes de ces jours, plutôt que peindre une solitude de cloître
à la torche de votre immortalité ou sacrifier devant l'Idole de
vous-mêmes, mettez la main à ce monument, indicateur non moins
énorme que des blocs d'abstention laissés par quelques âges qui
jadis ne purent que charger le sol d'un vestige négatif et
considérable.




Richad Wagner

RÊVERIE D'UN POËTE FRANÇAIS


Un poëte français contemporain, exclu de toute participation aux
déploiements de beauté officiels, en raison de motifs divers,
aime, ce qu'il garde de sa tâche pratiqué ou raffinement
mystérieux du vers pour de solitaires Fêtes, à réfléchir aux
pompes souveraines de la Poésie, comme elles ne sauraient exister
concurremment au flux de banalité charrié par les arts dans un
faux-semblant de civilisation.--Cérémonies d'un jour qui git au
sein inconscient de la foule: presque un Culte!

La certitude de n'être impliqué, lui ni personne de ce temps,
dans aucune entreprise pareille, l'affranchit de toute
restriction apportée à son rêve par le sentiment d'une impéritie
et par l'écart des faits.

Sa vue d'une droiture introublée se jette au loin.

A son aise et c'est le moins, qu'il accepte pour exploit de
considérer, seul, dans l'orgueilleux repli des conséquences, le
Monstre, Qui ne peut Etre!  Attachant au lâche flanc ignare la
blessure d'un regard affirmatif et pur.

Omission faite de coups d'oeil sur le faste extraordinaire mais
inachevé aujourd'hui de la figuration plastique, dont se détache,
au moins, dans sa perfection de rendu, la Danse seule capable,
par son écriture sommaire, de traduire le fugace et le soudain
jusqu'à l'Idée (pareille vision comprend tout, absolument tout le
Spectacle futur,) cet esthéticien, s'il envisage l'apport de la
Musique au Théâtre fait pour en mobiliser la splendeur, ne songe
pas longtemps à part soi..  déjà, de quels bonds que parte sa
pensée, elle ressent la colossale approche d'une Initiation, qui
surgit plus haute, signifiant par des voix d'adeptes: Ton souhait
d'auparavant, de bientôt, ici, là, vois, chétive, s'il n'est pas
exécuté.

Singulier défi qu'aux poëtes dont il a usurpé le devoir avec la
plus candide et étincelante bravoure, inflige Richard Wagner!

Le sentiment se complique envers cet étranger, émerveillement,
enthousiasme, vénération, aussi d'un malaise à la notion que tout
soit fait, autrement qu'en irradiant, par un jeu direct, du
principe littéraire même.

Doutes et nécessité (pour un jugement strict) de discerner les
circonstances que rencontra, au début, l'effort du Maître.  Il
surgit au temps d'un théâtre, le seul qu'on peut appeler caduc,
tant la Fiction en est fabriquée d'un élément grossier:
puisqu'elle s'impose à même et tout d'un coup, commandant de
croire à l'existence du personnage et de l'aventure, de croire,
simplement, rien de plus.  Comme si cette foi exigée du
spectateur ne devait pas être précisément la résultante par lui
tirée du concours de tous les arts suscitant le miracle,
autrement inerte et nul, de la scène!  Vous avez à subir un
sortilège, pour l'accomplissement duquel ce n'est trop d'aucun
moyen d'enchantement impliqué par la magie musicale, afin de
violenter votre raison aux prises avec un simulacre, et d'emblée
on proclame: Supposez que cela a lieu véritablement et que vous y
êtes!

Le Moderne dédaigné d'imaginer; mais expert à se servir des arts,
il attend que chacun l'entraîne jusqu'où éclate sa puissance
spéciale d'illusion, puis consent.

Il le fallait bien, que le Théâtre d'avant la Musique partit d'un
concept autoritaire et naïf, quand ne disposaient pas de cette
ressource nouvelle d'évocation ses chefs-d'oeuvres, hélas!
gisant aux feuillets pieux du livre, sans l'espoir, pour aucun,
d'en jaillir à nos solennités.  Son jeu reste inhérent au passé,
tel que le répudierait, à cause de cet intellectuel despotisme,
une représentation populaire, la foule y voulant, selon la
suggestion des arts, être maîtresse de sa créance.  Une simple
adjonction orchestrale change du tout au tout, annulant son
principe même, l'ancien théâtre, et c'est comme strictement
allégorique, que l'acte scénique maintenant, vide et abstrait en
soi, impersonnel, a besoin, pour s'ébranler avec vraisemblance,
de l'emploi du vivifiant effluve qu'épand la Musique.

Sa présence, rien de plus!  à la Musique, est un triomphe, pour
peu qu'elle ne s'applique point, même comme leur élargissement
sublime, à d'antiques conditions, mais éclate la génératrice de
toute vitalité: un auditoire éprouvera cette impression que, si
l'orchestre cessait de déverser son influence, l'idole en scène
resterait, aussitôt, statue.

Pouvait-il, quoique le Musicien et même le proche confident du
secret de son Art, en simplifier l'attribution jusqu'à cette
visée initiale?  Semblable métamorphose s'indique au
désintéressement du critique qui n'a pas derrière soi, prêt à se
ruer d'impatience et de joie, l'abîme d'exécution musicale ici le
plus tumultueux qu'homme ait contenu de son limpide vouloir.

Lui, fit ceci.

Allant au plus pressé il concilia toute une tradition intacte
dans sa désuétude prochaine avec ce que de vierge et d'occulte il
devinait sourdre, en ses partitions.  A défaut d'une acuité de
regard (qui n'eût été la cause que d'un suicide stérile), si
vivace abonda l'étrange don d'assimilation de ce créateur quand
même, que des deux éléments de beauté qui s'excluent ou, tout au
moins, l'un l'autre s'ignorent, le drame personnel et la musique
idéale, il effectua l'hymen.  Oui, à j'aide d'un harmonieux
compromis, suscitant une phase exacte du théâtre, laquelle
répond, comme par surprise, à la disposition de sa race!

Quoique philosophiquement elle ne fasse encore là que se
juxtaposer, la Musique (je somme qu'on insinue d'où elle poind,
son sens premier et sa fatalité,) pénètre et enveloppe le Drame
de par l'éblouissante volonté du jongleur inclus dans le mage; de
fait, on peut dire qu'elle s'y allie: pas d'ingénuité ou de
profondeur qu'avec un éveil enthousiaste il ne prodigue dans ce
dessein, sauf que le principe même de la Musique échappe.

Le tact est merveille qui, sans totalement en transformer aucune,
opère, sur la scène et dans la symphonie, la fusion de ces formes
de plaisir disparates.

Maintenant, en effet, une musique qui n'a de cet art que
l'observance des lois très complexes, seulement d'abord le
flottant et l'infus, confond les couleurs et les lignes du
personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus
riche de Rêverie que tout air d'ici-bas, déité costumée aux
invisibles plis d'un tissu d'accords; ou va l'enlever de sa vague
de Passion, au déchaînement trop vaste vers un seul, le
précipiter, le tordre: et le soustraire à sa notion, perdue
devant cet afflux surhumain, pour lui la faire ressaisir quand il
domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la
pensée inspiratrice.  Toujours ce héros, qui foule une brume
autant que notre sol, se montrera dans un lointain que comble la
vapeur des plaintes, des gloires, et de la joie émises par
l'instrumentation, reculé ainsi à des commencements.  Il n'agit
qu'entouré, à la Grecque, de la stupeur mêlée d'intimité
qu'éprouvé une assistance devant des mythes qui n'ont presque
jamais été, tant leur instinctif passé s'isole!  sans cesser
cependant d'y bénéficier des familiers dehors de l'individu
humain.  Même certains satisfont à l'esprit par ce fait de ne
sembler pas dépourvus de toute accointance avec de hasardeux
symboles.

Voici à la rampe intronisée la Légende.

Avec une piété antérieure, un public, pour la seconde fois depuis
les temps, hellénique d'abord, maintenant germain, jouit
d'assister au secret représenté de ses origines.  Quelque
singulier bonheur neuf et barbare l'asseoit à considérer, se
mouvant d'après toute la subtilité savante de l'orchestration, la
figure solennelle d'idées qui ont présidé à sa genèse.

Tout se retrempe au ruisseau primitif: pas jusqu'à la source.

Si l'esprit français, strictement imaginatif et abstrait, donc
poétique, jette un éclat, ce ne sera pas ainsi: il répugne, en
cela d'accord avec l'Art dans son intégrité, qui est inventeur, à
toute Légende.  Voyez le des jours abolis ne garder aucune
anecdote énorme et fruste, comme par une prescience de ce qu'elle
apporterait d'anachronisme dans une représentation théâtrale,
Sacre d'un des actes de la Civilisation[*].  A moins que cette
Fable, vierge de tout, lieu, temps et personne sus, ne se dévoile
empruntée au sens latent de la présence d'un peuple, celle
inscrite sur la page des Cieux et dont l'Histoire même n'est que
l'interprétation, vaine, c'est-à-dire un Poème, l'Ode.  Quoi!  le
siècle, ou notre pays qui l'exalte, ont dissous par la pensée les
Mythes, ce serait pour en refaire!  Le Théâtre les appelle, non!
pas de fixes, ni de séculaires et de notoires, mais un, dégagé de
personnalité, car il figure notre aspect multiple: que, de
prestiges correspondant au fonctionnement de l'existence
nationale, évoque l'Art, pour le mirer en tous.  Type sans
dénomination préalable, pour qu'en émane la surprise, son geste
résume vers soi nos rêves de sites ou de paradis, qu'engouffra
l'antique scène avec une prétention vide à les contenir ou à les
peindre.  Lui, quelqu'un!  ni cette scène, quelque part (l'erreur
connexe, décor stable et acteur réel, du Théâtre manquant de la
Musique): est-ce qu'un fait spirituel, l'épanouissement de
symboles ou leur préparation, nécessite l'endroit, pour s'y
développer, autre que le fictif foyer de vision dardé par le
regard d'une foule!  Saint des Saints, mais mental..  alors y
aboutissent, dans quelque éclair suprême, d'où s'éveille la
Figure que Nul n'est, chaque attitude mimique prise par elle à un
rythme inclus dans la symphonie, et le délivrant!  Alors viennent
expirer comme aux pieds de cette incarnation, non sans qu'un lien
ceitain les apparente ainsi à son humanité, ces raréfactions et
ces sommités naturelles que la Musique rend, arrière prolongement
vibratoire de tout ainsi que la Vie.

  [*] Exposition, Transmissions de Pouvoirs, etc.: t'y vois-je,
  Brünnhilde ou: qu'y ferais-tu, Sigfrid!


L'Homme, puis son authentique séjour terrestre, échangent une
réciprocité de preuves.

Ainsi le Mystère,

La Cité, qui donna à cette expérience sacrée un théâtre, imprime
à la terre le Sceau universel.

Quant à son peuple, c'est bien le moins qu'il ait témoigné du
fait auguste, j'atteste la Justice qui ne peut que régner là!
puisque cette orchestration de qui tout-à-l'heure sortit
l'évidence du dieu ne synthétise jamais autre chose que les
délicatesses et les magnificences, immortelles, innées, qui sont
à l'insu de tous dans le concours d'une muette assistance.

Voilà pourquoi, Génie!  moi, l'humble qu'une logique éternelle
asservit, ô Wagner, je souffre et me reproche, aux minutes
marquées par la lassitude, de ne pas faire nombre avec ceux qui,
ennuyés de tout afin de trouver le salut définitif, vont droit à
l'édifice de ton Art, pour eux le terme du chemin.  Il ouvre, cet
incontestable portique, en des temps de jubilé qui ne le sont
pour aucun peuple, une hospitalité contre l'insuffisance de soi
et la médiocrité des patries; il exalte des fervents jusqu'à la
certitude: pour eux ce n'est pas l'étape la plus grande jamais
ordonnée par un signe humain, qu'ils parcourent, avec toi pour
conducteur, mais comme le voyage fini de l'humanité vers un
Idéal.  Au moins, voulant ma part du délice, me permettras-tu de
goûter, dans ton Temple, à mi-côte de la montagne sainte, dont le
lever de vérités le plus compréhensif encore trompette la coupole
et invite à perte de vue du parvis les gazons que le pas de tes
élus foule, un repos: c'est comme l'isolement, pour l'esprit, de
notre incohérence qui le pourchasse, autant qu'un abri contre la
trop lucide hantise de cette cîme menaçante d'absolu, devinée
dans le départ de nuées là haut, fulgurante, nue, seule: au delà
et que personne ne semble devoir atteindre.  Personne!  ce mot
n'obsède pas d'un remords le passant en train de boire à ta
conviviale fontaine.








The Project Gutenberg Etext of Pages, by Stéphane Mallarmé
***This file should be named 8pgsm10.txt or 8pgsm10.zip***

Corrected EDITIONS of our etexts get a new NUMBER, 8pgsm11.txt
VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 8pgsm10a.txt

Produced by Carlo Traverso, Robert Rowe, Charles Franks
and the Online Distributed Proofreading Team.

More information about this book is at the top of this file.

We are now trying to release all our etexts one year in advance
of the official release dates, leaving time for better editing.
Please be encouraged to tell us about any error or corrections,
even years after the official publication date.

Please note neither this listing nor its contents are final til
midnight of the last day of the month of any such announcement.
The official release date of all Project Gutenberg Etexts is at
Midnight, Central Time, of the last day of the stated month.  A
preliminary version may often be posted for suggestion, comment
and editing by those who wish to do so.

Most people start at our Web sites at:
https://gutenberg.org or
http://promo.net/pg

These Web sites include award-winning information about Project
Gutenberg, including how to donate, how to help produce our new
etexts, and how to subscribe to our email newsletter (free!).


Those of you who want to download any Etext before announcement
can get to them as follows, and just download by date.  This is
also a good way to get them instantly upon announcement, as the
indexes our cataloguers produce obviously take a while after an
announcement goes out in the Project Gutenberg Newsletter.

http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext03 or
ftp://ftp.ibiblio.org/pub/docs/books/gutenberg/etext03

Or /etext02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90

Just search by the first five letters of the filename you want,
as it appears in our Newsletters.


Information about Project Gutenberg (one page)

We produce about two million dollars for each hour we work.  The
time it takes us, a rather conservative estimate, is fifty hours
to get any eBook selected, entered, proofread, edited, copyright
searched and analyzed, the copyright letters written, etc.   Our
projected audience is one hundred million readers.  If the value
per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2
million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text
files per month:  1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+
We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002
If they reach just 1-2% of the world's population then the total
will reach over half a trillion eBooks given away by year's end.

The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks!
This is ten thousand titles each to one hundred million readers,
which is only about 4% of the present number of computer users.

Here is the briefest record of our progress (* means estimated):

eBooks Year Month

    1  1971 July
   10  1991 January
  100  1994 January
 1000  1997 August
 1500  1998 October
 2000  1999 December
 2500  2000 December
 3000  2001 November
 4000  2001 October/November
 6000  2002 December*
 9000  2003 November*
10000  2004 January*


The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created
to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium.

We need your donations more than ever!

As of February, 2002, contributions are being solicited from people
and organizations in: Alabama, Alaska, Arkansas, Connecticut,
Delaware, District of Columbia, Florida, Georgia, Hawaii, Illinois,
Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiana, Maine, Massachusetts,
Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New
Hampshire, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, Ohio,
Oklahoma, Oregon, Pennsylvania, Rhode Island, South Carolina, South
Dakota, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginia, Washington, West
Virginia, Wisconsin, and Wyoming.

We have filed in all 50 states now, but these are the only ones
that have responded.

As the requirements for other states are met, additions to this list
will be made and fund raising will begin in the additional states.
Please feel free to ask to check the status of your state.

In answer to various questions we have received on this:

We are constantly working on finishing the paperwork to legally
request donations in all 50 states.  If your state is not listed and
you would like to know if we have added it since the list you have,
just ask.

While we cannot solicit donations from people in states where we are
not yet registered, we know of no prohibition against accepting
donations from donors in these states who approach us with an offer to
donate.

International donations are accepted, but we don't know ANYTHING about
how to make them tax-deductible, or even if they CAN be made
deductible, and don't have the staff to handle it even if there are
ways.

The most recent list of states, along with all methods for donations
(including credit card donations and international donations), may be
found online at https://www.gutenberg.org/donation.html

Donations by check or money order may be sent to:

Project Gutenberg Literary Archive Foundation
PMB 113
1739 University Ave.
Oxford, MS 38655-4109

Contact us if you want to arrange for a wire transfer or payment
method other than by check or money order.


The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been approved by
the US Internal Revenue Service as a 501(c)(3) organization with EIN
[Employee Identification Number] 64-622154.  Donations are
tax-deductible to the maximum extent permitted by law.  As fund-raising
requirements for other states are met, additions to this list will be
made and fund-raising will begin in the additional states.

We need your donations more than ever!

You can get up to date donation information at:

https://www.gutenberg.org/donation.html


***

If you can't reach Project Gutenberg,
you can always email directly to:

Michael S. Hart 

Prof. Hart will answer or forward your message.

We would prefer to send you information by email.


**The Legal Small Print**


(Three Pages)

***START**THE SMALL PRINT!**FOR PUBLIC DOMAIN ETEXTS**START***
Why is this "Small Print!" statement here? You know: lawyers.
They tell us you might sue us if there is something wrong with
your copy of this etext, even if you got it for free from
someone other than us, and even if what's wrong is not our
fault. So, among other things, this "Small Print!" statement
disclaims most of our liability to you. It also tells you how
you may distribute copies of this etext if you want to.

*BEFORE!* YOU USE OR READ THIS ETEXT
By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm
etext, you indicate that you understand, agree to and accept
this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive
a refund of the money (if any) you paid for this etext by
sending a request within 30 days of receiving it to the person
you got it from. If you received this etext on a physical
medium (such as a disk), you must return it with your request.

ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM ETEXTS
This PROJECT GUTENBERG-tm etext, like most PROJECT GUTENBERG-tm etexts,
is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. Hart
through the Project Gutenberg Association (the "Project").
Among other things, this means that no one owns a United States copyright
on or for this work, so the Project (and you!) can copy and
distribute it in the United States without permission and
without paying copyright royalties. Special rules, set forth
below, apply if you wish to copy and distribute this etext
under the "PROJECT GUTENBERG" trademark.

Please do not use the "PROJECT GUTENBERG" trademark to market
any commercial products without permission.

To create these etexts, the Project expends considerable
efforts to identify, transcribe and proofread public domain
works. Despite these efforts, the Project's etexts and any
medium they may be on may contain "Defects". Among other
things, Defects may take the form of incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other
intellectual property infringement, a defective or damaged
disk or other etext medium, a computer virus, or computer
codes that damage or cannot be read by your equipment.

LIMITED WARRANTY; DISCLAIMER OF DAMAGES
But for the "Right of Replacement or Refund" described below,
[1] Michael Hart and the Foundation (and any other party you may
receive this etext from as a PROJECT GUTENBERG-tm etext) disclaims
all liability to you for damages, costs and expenses, including
legal fees, and [2] YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE OR
UNDER STRICT LIABILITY, OR FOR BREACH OF WARRANTY OR CONTRACT,
INCLUDING BUT NOT LIMITED TO INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE
OR INCIDENTAL DAMAGES, EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE
POSSIBILITY OF SUCH DAMAGES.

If you discover a Defect in this etext within 90 days of
receiving it, you can receive a refund of the money (if any)
you paid for it by sending an explanatory note within that
time to the person you received it from. If you received it
on a physical medium, you must return it with your note, and
such person may choose to alternatively give you a replacement
copy. If you received it electronically, such person may
choose to alternatively give you a second opportunity to
receive it electronically.

THIS ETEXT IS OTHERWISE PROVIDED TO YOU "AS-IS". NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, ARE MADE TO YOU AS
TO THE ETEXT OR ANY MEDIUM IT MAY BE ON, INCLUDING BUT NOT
LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR A
PARTICULAR PURPOSE.

Some states do not allow disclaimers of implied warranties or
the exclusion or limitation of consequential damages, so the
above disclaimers and exclusions may not apply to you, and you
may have other legal rights.

INDEMNITY
You will indemnify and hold Michael Hart, the Foundation,
and its trustees and agents, and any volunteers associated
with the production and distribution of Project Gutenberg-tm
texts harmless, from all liability, cost and expense, including
legal fees, that arise directly or indirectly from any of the
following that you do or cause:  [1] distribution of this etext,
[2] alteration, modification, or addition to the etext,
or [3] any Defect.

DISTRIBUTION UNDER "PROJECT GUTENBERG-tm"
You may distribute copies of this etext electronically, or by
disk, book or any other medium if you either delete this
"Small Print!" and all other references to Project Gutenberg,
or:

[1]  Only give exact copies of it.  Among other things, this
     requires that you do not remove, alter or modify the
     etext or this "small print!" statement.  You may however,
     if you wish, distribute this etext in machine readable
     binary, compressed, mark-up, or proprietary form,
     including any form resulting from conversion by word
     processing or hypertext software, but only so long as
     *EITHER*:

     [*]  The etext, when displayed, is clearly readable, and
          does *not* contain characters other than those
          intended by the author of the work, although tilde
          (~), asterisk (*) and underline (_) characters may
          be used to convey punctuation intended by the
          author, and additional characters may be used to
          indicate hypertext links; OR

     [*]  The etext may be readily converted by the reader at
          no expense into plain ASCII, EBCDIC or equivalent
          form by the program that displays the etext (as is
          the case, for instance, with most word processors);
          OR

     [*]  You provide, or agree to also provide on request at
          no additional cost, fee or expense, a copy of the
          etext in its original plain ASCII form (or in EBCDIC
          or other equivalent proprietary form).

[2]  Honor the etext refund and replacement provisions of this
     "Small Print!" statement.

[3]  Pay a trademark license fee to the Foundation of 20% of the
     gross profits you derive calculated using the method you
     already use to calculate your applicable taxes.  If you
     don't derive profits, no royalty is due.  Royalties are
     payable to "Project Gutenberg Literary Archive Foundation"
     the 60 days following each date you prepare (or were
     legally required to prepare) your annual (or equivalent
     periodic) tax return.  Please contact us beforehand to
     let us know your plans and to work out the details.

WHAT IF YOU *WANT* TO SEND MONEY EVEN IF YOU DON'T HAVE TO?
Project Gutenberg is dedicated to increasing the number of
public domain and licensed works that can be freely distributed
in machine readable form.

The Project gratefully accepts contributions of money, time,
public domain materials, or royalty free copyright licenses.
Money should be paid to the:
"Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

If you are interested in contributing scanning equipment or
software or other items, please contact Michael Hart at:
[email protected]

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*END THE SMALL PRINT! FOR PUBLIC DOMAIN ETEXTS*Ver.10/04/01*END*

End of the Project Gutenberg Etext of Pages, by Stéphane Mallarmé