Missions au Sahara, tome 2: Sahara soudanais

By René Chudeau

The Project Gutenberg eBook of Missions au Sahara, tome 2: Sahara soudanais
    
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Title: Missions au Sahara, tome 2: Sahara soudanais

Author: René Chudeau

Release date: July 22, 2024 [eBook #74093]

Language: French

Original publication: Paris: Armand Colin, 1909

Credits: Galo Flordelis (This file was produced from images generously made available by Bibliothèque de Sorbonne Université/SorbonNum)


*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MISSIONS AU SAHARA, TOME 2: SAHARA SOUDANAIS ***

                          MISSIONS AU SAHARA
                               * * * * *

                           =SAHARA SOUDANAIS=


                        LIBRAIRIE ARMAND COLIN
                               * * * * *

         =MISSIONS AU SAHARA=, par E.-F. GAUTIER et R. CHUDEAU

TOME I : =Sahara Algérien=, par E.-F. GAUTIER, chargé de cours à
l’École supérieure des Lettres d’Alger. Un volume in-8o raisin, 65
figures et cartes dans le texte et hors texte, dont 2 cartes _en
couleur _, et _96 phototypies hors texte _, broché           15 fr.

Onomastique. — Les Oueds et les dunes. — Ethnographie saharienne. — La
Zousfana. — Régions de la Saoura. — Gourara et Touat. — Tidikelt et
Mouidir-Ahnet. — Appendices.

TOME II : =Sahara Soudanais=, par R. CHUDEAU, chargé de mission en
Afrique Occidentale Française. Un volume in-8o raisin, 83 figures
et cartes dans le texte et hors texte, dont 1 carte _en couleur, 72
phototypies et 2 photogravures hors texte _, br.            15 fr.

                               * * * * *
          1396-08. — Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD. — 4-09.




                          MISSIONS AU SAHARA
                                  par
                      E.-F. GAUTIER et R. CHUDEAU
                               * * * * *

                                TOME II
                          =SAHARA SOUDANAIS=

                                  PAR
                             =R. CHUDEAU=
          Chargé de mission en Afrique Occidentale Française

                               * * * * *

  _83 figures et cartes dans le texte et hors texte, dont 1 carte
     en couleur, 72 phototypies et 2 photogravures hors texte _

[Décoration]

                                 PARIS
                        LIBRAIRIE ARMAND COLIN
                         5, RUE DE MÉZIÈRES, 5
                               * * * * *
                                 1909

   Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.




                                PRÉFACE
                               * * * * *


Au début du premier volume de cet ouvrage, E.-F. Gautier a indiqué
à l’appui de quelles personnalités nous avions dû de pouvoir
réunir les subventions nécessaires à notre voyage à travers
le Sahara ; nous avons pu nous mettre en route grâce à MM. Paul
Bourde, Le Châtelier, Étienne, le regretté Dr Hamy, MM. Levasseur
et Michel Lévy.

En cours de route, nous avons trouvé partout et auprès de tous
le meilleur accueil. Dans le territoire des Oasis, je dois des
remerciements particuliers au colonel Laperrine à qui la connaissance
du Sahara est redevable de tant de progrès, ainsi qu’au commandant
Dinaux qui fut mon compagnon de route depuis l’Ahnet jusqu’à
Iférouane. Le père de Foucauld, qui a toutes les indulgences,
me pardonnera de le nommer parmi ceux de qui la conversation m’a
été le plus profitable.

Dès que la nouvelle de mon arrivée en Afrique Occidentale fut
parvenue à Dakar, M. le Gouverneur général Roume voulut bien
donner les ordres nécessaires pour que mon voyage soit rendu facile ;
je lui en suis profondément reconnaissant. Je dois remercier aussi
M. le Gouverneur général Ponty qui a bien voulu, en me confiant
de nouvelles missions en Afrique, me permettre de continuer les
études entreprises.

Grâce à l’obligeance des officiers et des administrateurs
que j’ai rencontrés au hasard de mon itinéraire, j’ai pu
recueillir dans tous les postes du Soudan où je suis passé, de
nombreux renseignements ; je suis particulièrement l’obligé
du commandant Gadel et du commandant Lefébvre qui sont venus me
chercher à Iférouane, allongeant ainsi de plus de 500 kilomètres
la tournée qu’ils avaient projetée. J’ai beaucoup appris
au cours des longues conversations que j’ai pu avoir avec eux,
pendant plusieurs semaines d’étapes faites en commun et pendant
mes séjours à Zinder, où j’ai été leur hôte.

Conformément au plan que Gautier et moi avions adopté, je me suis
chargé, dans ce second volume, de rédiger les résultats relatifs
aux régions que je connaissais le moins mal ; ces monographies de
pays font l’objet des deux premiers chapitres.

Dans les chapitres suivants, j’ai cherché au contraire à exposer
quelques questions relatives à l’ensemble du Sahara ; l’état
encore très lacunaire de nos connaissances sur cette partie de
l’Afrique, malgré les gros efforts et les rapports précis[1]
des officiers des Oasis et du Soudan, a obligé à systématiser,
outre mesure, les faits connus d’une manière positive ; on a
dû trop souvent extrapoler. Cette méthode, malgré ses dangers,
a paru la seule convenable pour poser nettement les problèmes. Elle
présente encore un autre avantage : bien des gens qui, sans cela,
garderaient le silence, se feront un plaisir de corriger des erreurs ;
grâce à leur concours, bien des détails seront précisés, les
cartes seront rectifiées et les hypothèses pourront serrer de plus
près la réalité.

La division du Sahara que nous avons adoptée, Sahara algérien et
Sahara soudanais, résulte des itinéraires que des circonstances
parfois imprévues nous ont permis de suivre chacun de notre côté ;
il se trouve qu’elle est partiellement justifiée au point de vue
géologique, comme au point de vue humain.

Dans le Sahara algérien, l’arabe est la langue dominante ; dans le
Sahara soudanais (auquel il conviendrait de joindre le Mouidir-Ahnet),
les langues et les usages berbères ont mieux résisté aux diverses
poussées de l’Islam. Ces faits, d’ordre historique, ne peuvent
pas être complètement indépendants de la géographie.

Des terrains sédimentaires récents, horizontaux en général,
d’altitude peu élevée, jouent le premier rôle dans le Nord ;
les importants massifs de dunes qui les recouvrent y assurent des
pâturages presque continus, qui rendent assez faciles les relations
entre les diverses palmeraies.

Les roches cristallines anciennes, habituellement verticales,
qui constituent le massif central du Sahara sont le plus souvent
d’une stérilité désolante. L’altitude en est trop élevée
pour que le sable ait pu y donner naissance à des ergs importants ;
les tanezroufts, à peine indiqués plus au Nord, y occupent une place
considérable. Seuls, pour des causes en quelque sorte accidentelles,
quelques districts se prêtent un peu à la vie des hommes. Entre
ces parties presque habitables du Sahara touareg les communications
sont difficiles : cet isolement, qu’imposent la météorologie
et l’architecture du sol, a vraisemblablement facilité la
conservation, au milieu du Sahara, d’une société berbère.

Enfin, au sud du désert, existe une longue bande qui reproduit à peu
près les conditions géologiques du Sahara algérien : peu importe
en effet que les strates horizontales y soient un peu plus jeunes
et les dunes un peu plus vieilles. Mais cette bande n’appartient
plus au désert ; elle a une saison des pluies insuffisante mais
régulière. Cette zone sahélienne forme véritablement, au point
de vue humain, comme Barth l’a indiqué autrefois, la transition
entre le Sahara et le Soudan. Les Touaregs y sont actuellement
les maîtres, mais les souverains noirs de Gao et du Bornou y ont
longtemps commandé.

Vers l’ouest, cette zone sahélienne se relie à la Mauritanie et
par suite au Maroc ; elle a permis à la langue arabe de tourner le
Sahara central et de s’avancer dans la vallée du Niger jusqu’au
Télemsi.

J’aurais voulu pouvoir donner une illustration homogène ;
j’avais pris, en cours de route, de nombreuses photographies,
mais la durée de mon voyage a été trop longue et, à mon arrivée
en France, aucun de mes clichés n’était utilisable ; quelques
croquis, pris au hasard des stations, ne pouvaient suppléer que
d’une façon insuffisante à cette grave lacune. Mais j’ai eu,
pour certaines régions tout au moins, la bonne fortune de trouver
d’intéressantes photographies que leurs auteurs ont bien voulu
mettre complètement à ma disposition. Je dois au colonel Laperrine
quelques clichés relatifs à l’Ahaggar et à l’Adr’ar’ des
Ifor’as. Les capitaines Pasquier et Posth m’ont prêté de belles
séries provenant surtout des terrains de parcours des Oulimminden
et de l’Aïr ; le capitaine Cauvin m’a permis de donner quelques
vues de l’Azaouad et de Taoudenni.

Grâce à leur obligeance, j’ai pu remplacer largement les documents
qui me faisaient défaut.

Je dois aussi remercier mon vieil ami A. Dereims qui a bien voulu
revoir de près toutes les épreuves.


[Note 1 : En dehors des notes citées au cours du volume, j’ai
largement utilisé quelques-unes de mes publications antérieures,
notamment les suivantes :

R. Chudeau, _Sur la géologie du Sahara_, in _C. R. Acad. Sc._,
CXLI, 1905, p. 566-567. — _Nouvelles observations sur la Géologie
du Sahara_, _id._, CXLII, 1906, p. 241-243. — _D’Iférouane à
Zinder_, _id._, CXLII, 1906, p. 530-531. — _De Zinder au Tchad_,
_id._, CXLIII, 1906, p. 193-195. — _Le Lutétien au Sahara et
au Soudan_, _id._, CXLIV, 1907, p. 811-813. — _La Géologie du
Sahara Central_, _id._, CXLIV, 1907, p. 1385-1387. — _Sur les
roches alcalines de l’Afrique occidentale_, _id._, CXLV, 1907,
p. 82-85. — _D’Alger à Tombouctou, par l’Ahaggar, l’Aïr et
le Tchad_, in _La Géographie_, XV, 1907, p. 261-270. — _L’Aïr et
la région de Zinder_, _id._, XV, 5, 1907, p. 321-336, pl. IV (carte
géologique au 1250000e). — _D’In Zize à In Azaoua_, _id._, XV,
6, 1907, p. 401-420, pl. V (carte géologique au 1250000e). — _Le
commerce du Sahara_, _id._, XVI, 5, 1907, p. 325-329. — _Excursion
géologique au Sahara et au Soudan_, in _Bull. Soc. Géologique de
France_ [4] VII, 1907, p. 319-347, pl. XI (coupes géologiques). —
_Géologie du Sahara central_, _Ass. française Av. des Sciences_,
36, Reims, 1907, p. 380-389. — _Phénomènes actuels et phénomènes
récents au Sahara_, _id._, p. 389-400. — _Études sur le Sahara et
le Soudan_, in _Annales de Géographie_, XVIII, 1908, p. 34-55, pl. I.

J’ai puisé aussi, sans toujours le citer, dans plusieurs notes
de Gautier :

E.-F. Gautier, _A travers le Sahara français_, in _La Géographie_,
XV, 1 et 2, 1907, p. 1-29 et p. 103-120, pl. I (carte géologique au
1250000e). — _Études sahariennes_, in _Annales de Géographie_,
XVI, 1906, p. 46-69 et p. 117-138.]




                           SAHARA SOUDANAIS
                               * * * * *

                              CHAPITRE I

                   LA PÉNÉPLAINE CENTRALE DU SAHARA

=I. Constitution géologique.= — Archéen. — Silurien. —
Dévonien. — Carbonifère. — Extension des terrains anciens vers
le Sud. Rebroussement des plis.

=II. Les Régions.= — Les Tanezrouft. Leurs points d’eau. —
L’Ahaggar : Orographie. Hydrographie. Les villages. Les nomades. —
L’Adr’ar’ des Ifor’as : Orographie. Hydrographie. Les
villages. Les Ifor’as. — Adr’ar’ Tiguirit. — L’Aïr :
Orographie. Hydrographie. Les villages. Histoire. Les habitants.


                    I. — =CONSTITUTION GÉOLOGIQUE=


La majeure partie du Sahara central est formée de terrains anciens,
le plus souvent cristallins. Ces terrains ont été énergiquement
plissés avant le dépôt des grès dévoniens, qui constituent
les Tassili du nord. A cette époque reculée, ils formaient un
massif montagneux qui, par son âge, se rapproche de celui dont
les débris se retrouvent en Scandinavie et en Écosse et que,
pour cette raison, on a appelé la chaîne calédonienne. Il
est intéressant de constater la symétrie avec laquelle se sont
groupés les grands accidents tectoniques de part et d’autre de
la Méditerranée. Au nord les Alpes avec leurs annexes, au sud les
plissements de l’Afrique mineure, datant du Tertiaire, la bordent
immédiatement. A une distance un peu plus grande, la Bretagne,
le Plateau Central, le Plateau Rhénan, la Bohême jalonnent les
traces de la chaîne hercynienne, qui date de la fin des temps
primaires : Flamand avait signalé, et Gautier a décrit (t. I)
les plissements du même âge que l’on peut suivre du Tidikelt
jusqu’au Maroc et au Sud-Algérien. Plus extérieure encore et
enveloppant la précédente, se retrouve en Europe comme en Afrique
les traces d’une chaîne de montagnes, datant de la fin du Silurien.

Malgré cette symétrie, il y a peut-être quelqu’inconvénient à
donner un même nom, d’origine géographique, à des plissements
aussi éloignés les uns des autres que ceux de l’Écosse et du
Sahara : rien ne prouve jusqu’à présent qu’ils se raccordent.

On peut même observer[2] que, tandis que, au nord de la
Méditerranée, la chaîne hercynienne et la chaîne calédonienne
accusent, au moins sur une partie de leurs parcours, un certain
parallélisme, il y a, dans le Sahara central, croisement plutôt
que juxtaposition des plis antédévoniens et des plis carbonifères.

La région où les deux systèmes de plissements se rencontrent,
au sud du Tidikelt et à l’ouest de la Saoura [t. I, p. 241 et
p. 232], paraît singulièrement compliquée. Si l’on ajoute
que la stratigraphie du Sahara est encore trop mal connue pour que
l’on puisse affirmer que les plis antédévoniens sont bien du
même âge, au nord et au sud de la Méditerranée, on comprendra
facilement que M. E. Suess (in litteris) soit d’avis d’employer,
pour la région qui nous occupe, au lieu de système calédonien,
le terme de plissements sahariens (ou saharides) qui a au moins
l’avantage de ne rien préjuger.

Il est assez difficile de fixer l’âge de ces terrains cristallins
d’une manière rigoureuse : de l’Ahnet au tassili des Azdjer, ils
sont recouverts en discordance par les grès, restés horizontaux, du
Dévonien inférieur. Plus au sud ils présentent les mêmes relations
avec les plateaux gréseux, à peu près certainement dévoniens, qui
s’étendent d’Achourat jusqu’au voisinage d’In Azaoua. Les
seuls fossiles siluriens que l’on connaisse au Sahara sont des
Graptolithes (Silurien supérieur) qui ont été trouvés en deux
points[3], au Tindesset sur le versant S. du Tassili des Azdjer et à
Hassi El Kheneg entre In Salah et le Mouidir. Malheureusement on ne
sait rien de précis sur les conditions de gisement de ces fossiles ;
leurs relations avec les terrains voisins sont inconnues.

Au point de vue géographique toutefois, le plus important dans
l’espèce, on peut distinguer nettement deux termes dans les
terrains antédévoniens du Sahara.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                 PL. I.

[Illustration : Cliché Laperrine

1. — CHAOS GRANITIQUE. ADR’AR’ DES IFOR’AS.

A gauche, un dôme archéen. — L’homme en sentinelle indique
l’échelle.]

[Illustration : Cliché Posth

2. — GRANITE PORPHYROÏDE A IFÉROUANE (Aïr).

A droite, auprès de la case du kébir, El Hadj Mohammed, des charges
de chameau.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. II.

[Illustration : Cliché Pasquier

3. — ADR’AR’ DES IFOR’AS. TERRAIN ARCHÉEN.

Méharistes soudanais et sahariens à Timiaouin (28-30 avril 1907).]

[Illustration : Cliché Chudeau

4. — ADR’AR’ DES IFOR’AS. LE PLI COUCHÉ DE L’OUED TESAMAK.

Au premier plan, quartzites cannelées.]


=Archéen.= — Des massifs de granite et de gneiss granitoïde qui
se présentent par grandes masses, couvrent des districts parfois
accidentés de dômes hauts de 50 à 300 mètres. Ces dômes
correspondent aux parties de la roche qui ont le mieux résisté
aux agents d’érosion et ne présentent aucun alignement net ;
il n’y a pas de directions privilégiées dans ces massifs. Ce
n’est certainement pas le lieu de discuter ici la genèse de ces
formations granitiques dont l’origine, dans les pays les mieux
connus, est encore obscure ; on peut les désigner, provisoirement
tout au moins, sous le nom d’Archéen[4], en restreignant ce
terme aux seuls noyaux granitiques et en excluant formellement les
micaschistes et les roches analogues.

Les terrains archéens forment quelques affleurements importants :
El Eglab, à l’ouest du Touat, a été vu par Lenz et plus
récemment par Mussel ; le volcan d’In Zize repose sur un socle de
granite. L’Adr’ar’ des Ifor’as, les contreforts sud-ouest
de la Coudia appartiennent en partie à la même formation. Vers
l’est, du moins entre l’Ahaggar et l’Aïr, l’Archéen ne joue
plus qu’un rôle subordonné et ne forme plus que des îlots peu
étendus. Le sergent Lacombe a envoyé tout récemment au Muséum,
des environs de Fachi (région de Bilma), des granites qui montrent
que la pénéplaine ancienne, parfois recouverte par des sédiments
récents, se continue vers le Tibesti. Dans la carte géologique,
je n’ai pu marquer que peu d’Archéen en dehors de ma route : les
descriptions d’itinéraire, quelque précises qu’elles soient à
d’autres points de vue, ne permettent que bien rarement de pouvoir
séparer l’Archéen du Silurien métamorphique.

[Illustration : Fig. 1. — Blocs de granite porphyroïde près du
cimetière d’Iférouane (Aïr).]

[Illustration : Fig. 2. — Archéen. Massif granitique sur la rive
gauche de l’oued Tyout (nord de l’Aïr).]

Quel que soit le pays où on les rencontre, les régions granitiques
ont partout le même aspect (fig. 1 et 2) : elles sont semées
d’énormes blocs arrondis, souvent entassés en grand nombre :
c’est ce qu’on appelle en France des « Chaos » et au Sahara
des « Erouakib » (Nieger). (Pl. I, phot. 1 et 2). La présence
des dômes y est aussi fréquente (Pl. IV, phot. 8).

On a souvent observé, en Bretagne par exemple, que ces paysages
granitiques font une impression de hautes montagnes, fût-ce au
niveau de la mer ; l’illusion est peut-être encore plus forte au
Sahara : en France il y a presque toujours un peu de terre entre
les blocs et la végétation masque partiellement la roche ; au
désert tout cela est à nu, les points de repère font défaut
qui permettraient d’estimer les distances ; le mirage, presque
journalier, surélève le moindre objet ; aussi, quoique partout
les massifs archéens forment des mamelons bas et diffus dont les
points culminants se dégagent à peine, la plupart sont appelés
des Adr’ar’, comme s’ils étaient de véritables montagnes.


=Silurien.= — Entre ces massifs archéens, des terrains dont
l’origine sédimentaire ne peut être contestée sont constitués
par des strates le plus souvent verticales, bien parallèles,
épaisses de quelques mètres, parfois de quelques décimètres.

On y trouve, en bandes alternantes et indéfiniment récurrentes,
des gneiss, des micaschistes, des phyllades, plus rarement des
quartzites, des cipolins et parfois des poudingues. J’ai observé
à plusieurs reprises, dans les quartzites, des ripple-marks et des
traces d’annélides (des tubes plus ou moins en U), notamment dans
l’Adr’ar’ Ahnet et au sud de l’Aïr, près de Bidei. Toutes
ces assises sont injectées de nombreuses roches éruptives.

Cet ensemble, qui joue un rôle très considérable au Sahara, m’a
paru bien homogène ; tout au plus peut-on remarquer que, vers le
nord, dans le Bled El Mass et l’Adr’ar’ Ahnet, le caractère
cristallin est moins accentué que dans la majeure partie du désert ;
autour des massifs archéens, les cipolins et les quartzites, rares
ailleurs, deviennent abondants : les récifs à polypiers et les
grès, forme première des cipolins et des quartzites, ne prennent
naissance qu’à peu de distance des rivages et la distribution
de ces sédiments est probablement une preuve que l’Archéen
formait déjà un continent ou des îlots lors de leurs dépôts ;
il y aurait discordance entre les deux terrains.

Malgré ces différences de détail, il est impossible, pour le
moment, d’établir une coupure dans cet ensemble que l’on peut
désigner provisoirement sous le nom de Silurien, tout en admettant
qu’il y aura lieu sans doute, lorsqu’il sera mieux connu, de
distinguer à la base un étage précambrien. Cette distinction
serait actuellement prématurée.

Le fait que, en bien des points du tassili du nord, l’Éodévonien
repose en discordance sur les strates siluriennes redressées et
arasées, indique une lacune entre les deux formations ; au Bled El
Mass notamment le Silurien formait une pénéplaine avant le dépôt
du Dévonien ; dans l’oued Amdja, la table d’Adafar repose aussi
sur des schistes cristallins complètement nivelés ; les relations
stratigraphiques sont analogues (fig. 15) dans les tassili du sud
(Timissao, oued Tagrira).

Il faut donc admettre que, pendant le Silurien supérieur, la mer
où se sont déposées les couches à Graptolithes, n’existait
qu’au nord du tassili, et que, dans la majeure partie du Sahara,
le Silurien n’est représenté que par ses termes inférieurs.

Dans une note récente[5], à propos des terrains que Voinot
a observés entre le Mouidir et l’Anahef, Flamand, qui a eu
tous les échantillons entre les mains, rapporte tout ce massif au
Cristallophyllien que, en aucun point, ne viendraient pas interrompre
des dépôts paléozoïques. Les descriptions si claires de Voinot,
celles un peu plus anciennes de Guilho Lohan, ne permettent pas de
douter de l’identité des formations géologiques, à l’est
et à l’ouest de la Coudia ; Foureau a signalé les mêmes
terrains dans le sud-est de l’Anahef. Je ne crois pas que le
mot Cristallophyllien puisse être conservé autrement que pour
désigner des terrains sédimentaires, d’âge très variable,
modifiés par métamorphisme. C’est un terme qui ne nous renseigne
que sur l’aspect pétrographique d’un échantillon et qu’il
n’y a avantage à conserver que lorsque l’âge est complètement
indéterminé. Au Sahara il est possible de préciser davantage :
le Cristallophyllien y est antérieur au Dévonien ; il est donc
certainement d’âge paléozoïque.

Le Silurien, bien que formé de roches très métamorphiques et le
plus souvent aussi cristallines que des granites, donne naissance
à des régions qui se distinguent au premier coup d’œil des
régions archéennes : formé de bandes de duretés différentes
et naturellement parallèles comme il convient à des roches
sédimentaires, il donne naissance à une série de crêtes et de
collines dont la direction est celle même des assises, le plus
souvent nord-sud ; cette direction subméridienne dont Flamand
a signalé l’importance au Tidikelt, est de beaucoup la plus
fréquente au Sahara et semble dominer dans toute l’Afrique. Les
crêtes les plus élevées, qui dominent souvent de plus de cent
mètres la pénéplaine voisine, sont formées habituellement de
quartzites, la roche la plus dure et la moins altérable de la série
(fig. 3).

La direction des affleurements et par suite celle des rangées de
collines est en général déviée autour des noyaux archéens :
au S. d’In Zize elle est est-ouest ; dans l’Adr’ar’ des
Ifor’as, l’Adr’ar’ Tidjem dessine une cuvette synclinale très
nette ; la même disposition se retrouve entre Tit et Abalessa. Cette
allure particulière des plissements est peut-être encore une preuve
d’une discordance entre les deux terrains, et, quoiqu’il soit
possible de l’interpréter autrement, il convient de la rapprocher
de l’abondance relative des cipolins et des quartzites autour des
massifs granitiques.

Les plissements qui ont redressé les couches siluriennes ont
été fort énergiques et reproduisent les traits que l’on est
accoutumé à observer dans les régions montagneuses. Dans le
nord de l’Adr’ar’ des Ifor’as, une colline qui domine la
rive gauche de l’oued Tesamak montre sur son flanc oriental des
bancs de quartzites presque verticaux, et dont la surface couverte
de cannelures (Pl. II, phot. 4) porte des traces incontestables
de charriage ; au sommet de la colline les mêmes quartzites sont
horizontales et un peu plus à l’ouest on en trouve des lambeaux
épars reposant sur l’Archéèn. Nous aurions donc la racine d’un
pli couché et déversé vers l’ouest.

[Illustration : Fig. 3. — Crêtes siluriennes (quartzites) à
direction subméridienne. Rive droite de l’oued Takaraft (nord
de l’Aïr).]

La colline qui présente ce phénomène est l’extrémité nord
d’une série de crêtes orientées suivant le méridien et dont
la principale (Raz Taoundart) est un des points les plus élevés
de l’Adr’ar’ ; toutes ces crêtes sont des quartzites et
jalonnent un contact entre l’Archéen et le Silurien. Je n’ai
malheureusement pu les voir de près que dans l’oued Tesamak.

Le contact du Silurien et du massif éruptif de l’Adr’ar’
Igherran, près de Timiaouin, est aussi anormal ; il y a des traces
de charriage.

J’ai pu noter en outre dans la vallée de l’oued Aflisés, au
voisinage de l’Adr’ar’ Denat, entre In Ouzel et Tin Zaouaten,
un pli couché que j’ai pu suivre pendant six à sept kilomètres.

Il ne saurait être question, au cours d’une marche rapide comme
celle que l’on est obligé de faire au Sahara, et surtout en
l’absence de cartes topographiques détaillées, de chercher à
débrouiller des accidents tectoniques aussi compliqués ; la chose
serait sans intérêt pour le moment.

Il est bon toutefois de remarquer que le régime tabulaire qui,
l’Atlas mis à part, semble être la règle en Afrique, n’y a
pas toujours dominé, et que des plissements très nets ont autrefois
donné naissance à une véritable chaîne de montagnes, en bordure
du massif archéen africano-brésilien.

Ces schistes cristallins ont une grande extension dans le Sahara
central et la carte (hors texte) montrera que, à part une courte
interruption causée par les tassili du sud, le Silurien forme la
majeure partie des terrains qui, depuis le Mouidir et l’Ahnet,
s’étendent jusqu’à 17° de latitude.

Ils sont également bien développés dans le Rio de Oro, entre
l’Atlantique et la sebkha d’Idjil (fig. 4).

[Illustration : Fig. 4. — Coupe géologique du Rio de Oro, de Villa
Cisneros à la sebkha d’Idjil (370 km.). — D’après Quiroga,
_Revista de Geografia comercial_, 15 déc. 1886, p. 77.

1, Granite formant des pénéplaines avec dômes de 40 m. à
50 m. ; 2, Gneiss, plaine à peine accidentée ; 3, Schistes
cristallins (Micaschistes, amphibolites et granulites) ; 4,
Paléozoïque (Quartzites, Schistes et Calcaires) ; 5, Tertiaire
(en partie Miocène, d’après Font y Sagué) ; 6, Quaternaire
(100 m.) (Calcaires argileux et grès à Hélix ; F, faille).]


=Dévonien.= — On a décrit en détail, dans le Sahara Algérien,
les plateaux de grès dévoniens qui constituent l’Ahnet et le
Mouidir (I, p. 292-298). De nombreux fossiles y ont été rencontrés
et leur âge est rigoureusement fixé.

Au sud de la Coudia, des plateaux très comparables, encore assez mal
connus sauf en quelques points, commencent un peu à l’est d’In
Azaoua et s’étendent vers l’ouest jusqu’au nord de Tombouctou.

Dans la région de Timissao (tassili Tan Adr’ar’), ils sont
constitués par des grès de couleur claire à patine foncée,
que l’érosion a souvent découpés en colonnes et en obélisques
(Pl. III) ; leur puissance est d’une centaine de mètres, beaucoup
moindre que dans l’Ahnet où l’Éodévonien a 300 mètres
d’épaisseur. De plus le niveau argileux qui, intercalé au milieu
des grès joue un rôle assez considérable dans le plateau du
Nord, n’a ici aucun représentant, sauf peut-être à l’oued
El R’essour. Quelques Bilobites à l’entrée de la gorge de
Timissao et d’autres beaucoup plus à l’est, près d’Assiou
(Foureau), sont des documents paléontologiques un peu maigres pour
affirmer l’âge dévonien de toute cette formation ; ils confirment
cependant l’impression que donne l’identité d’aspect avec les
grès de l’Ahnet. De plus, au cours de la tournée à Taoudenni
qui a suivi longtemps la bordure nord de ces plateaux, Mussel[6]
a trouvé à Bekati El Bess, près de Sounfat, quelques fossiles
(_Productus_, _Rhynchonella_, _Spirifer_) que Flamand considère
comme dévoniens. L’âge de ces grès peut donc être considéré
comme assez bien établi.

[Illustration : Fig. 5. — Gours dévoniens, dans le Tiniri, au
sud d’In Azaoua.]

Ces tassili forment une longue bande, limitée vers le nord par une
falaise ; elle est interrompue et découpée en plusieurs plateaux
(Timissao-Tirek-In Ameggui-Tin Ghaor) autour de l’Adr’ar’
des Ifor’as qui, grâce à son altitude élevée (1000 mètres)
a été un centre hydrographique important : l’érosion fluviale
explique la formation des témoins que nous venons d’indiquer.

La bordure méridionale de ce très long plateau est encore mal
connue : dans la région d’In Azaoua, il n’y a pas de falaise
continue, mais une série de gours isolés (fig. 5). Foureau
[_Doc. Sc._, I, 191, et Cartes, Pl. III] a figuré des paysages
identiques dans le Tagharba, au nord d’In Azaoua. De Timiaouin
jusqu’au Timetrin, le capitaine Cauvin me signale une série de
plateaux gréseux qui, vers le Nord, vont rejoindre ceux qu’a vus
le colonel Laperrine.

Les grès dévoniens qui constituent ces plateaux sont horizontaux
dans l’ensemble, avec quelques dérangements locaux, comme dans
le tassili du nord dont ils reproduisent l’allure stratigraphique.

L’un des plus nets se trouve à une journée de marche au sud de
Timissao : deux failles parallèles, orientées presque exactement
est-ouest et distantes d’un kilomètre à peine, ont surélevé
un lambeau de Silurien, dont le sommet a été porté à hauteur du
tassili. Ce Silurien est surmonté de quelques aiguilles de grès
bien visibles au sud des r’edir de Tin Azaoua, r’edir dont il
est la condition.

C’est une dénivellation d’une cinquantaine de mètres au
moins. L’oued Tichek a profité de ces failles pour creuser sa
vallée et il a mis a nu de belles surfaces de grès dévoniens
parfois polies comme un miroir, plus souvent cannelées ou
striées. Sur le plateau, en amont de l’oued Tichek, la faille
est bien jalonnée par une brèche de friction, large de quelques
décimètres [Cf. _Bull. S. Géol. de Fr._, VII, 1907, p. 325].

Ces failles se prolongent à l’ouest de l’oued En Nefis où
l’on voit une gara dévonienne portée par un socle silurien en
saillie notable.

Le tassili de Timissao est limité presque partout par une falaise
à pic formée de couches horizontales ; cependant au point où la
piste de Tin Azaoua à Silet descend du plateau, pendant une centaine
de mètres, le Dévonien plonge de 45° vers l’ouest : grâce
à ce petit accident la descente de la falaise est singulièrement
facilitée ; presque partout ailleurs elle forme une haute muraille
infranchissable qu’il faut contourner ; les petits oueds qui en
descendent l’ont à peine entaillée et leurs rives ne sont pas
praticables ; le petit lac de Tamada, situé dans l’un d’eux,
est d’un abord difficile pour les chameaux.

Dans le tassili de l’oued Tagrira, les failles et les diaclases sont
particulièrement abondantes et ce plateau est une véritable chebka ;
il y a eu aussi bossellement de la surface, et l’aguelman de
l’oued El R’essour occupe le centre d’une cuvette synclinale ;
les plongements ne dépassent pas d’ailleurs quelques degrés.

On retrouve les mêmes caractères tectoniques dans les tassili
du nord.

Vers l’est, d’après les indications de Nachtigal [_Sahara et
Soudan_, p. 283], le Dévonien du tassili des Azdjer se prolongerait
jusqu’au Tibesti et au Kaouar.

Le commandant Gadel[7] donne quelques détails sur le plateau qui,
à quelque distance à l’est, domine d’une centaine de mètres
l’oasis de Bilma (Kaouar). La muraille qui la limite serait formée
de grès et de schistes ; entre les blocs éboulés se trouvent de
nombreuses cavernes qui, en cas d’alerte, servent de refuge aux
habitants de l’oasis.

Ces renseignements ne permettent sûrement pas d’affirmer que
l’on a bien affaire à du Dévonien ; j’ai cependant maintenu
l’indication du Dévonien sur la carte auprès de Bilma, ne
serait-ce que pour rappeler l’existence de ce plateau et les
questions qu’il soulève. Parmi les échantillons que le sergent
Lacombe a, tout récemment, envoyés au Muséum, quelques grès
blancs à ciment siliceux, provenant des hauteurs voisines de Fachi,
rappellent, par leur aspect, les roches éodévoniennes.

Beaucoup plus à l’ouest le Dévonien est connu. Dans son
exploration en Mauritanie, Dereims, d’après les renseignements
oraux qu’il a bien voulu me donner, l’a rencontré dans
l’Adr’ar’ Tmar dont l’oasis d’Atar occupe le centre. Ce
Dévonien est fossilifère : Dereims y avait recueilli des
Spirifères, que la fin malheureuse de l’expédition l’a
empêché de rapporter en Europe. Il est constitué comme celui
de Timissao par des grès légèrement ferrugineux ; les sections
fraîches sont de couleur claire, rougeâtre, mais la roche en place
est couverte d’une patine noire. Lorsque l’on vient de l’Ouest,
on quitte les terrains quaternaires vers Touizikt, à 150 kilomètres
du littoral atlantique. La marche se poursuit pendant 200 kilomètres
sur des gneiss, des micaschistes, des phyllades, des quartzites et de
rares cipolins, d’affleurements nord-sud. Ces assises siluriennes,
lardées de diabases, d’abord presque verticales, n’ont plus
qu’un plongement assez faible vers l’est, au pied de la muraille
d’Atar ; elles forment une pénéplaine qui ne diffère que par
sa moindre altitude et son ensablement du tanezrouft d’In Zize et
qui se prolonge vers le nord au moins jusqu’au Rio de Oro.

La muraille d’Atar est une falaise, haute d’au moins 120 mètres
et qui, du nord au sud, se poursuit sur une très grande longueur ;
on la retrouve peut-être plus au sud, dans le Tagant ; elle est
constituée par les grès dévoniens. Dereims y signale quelques
bancs plus schisteux et plusieurs niveaux calcaires.

Cette haute falaise franchie, on arrive sur un plateau formé de
couches légèrement inclinées vers l’est, d’une quinzaine
de degrés. Au point le plus bas se trouve l’oasis d’Atar. Un
peu plus loin, une seconde falaise, due sans doute à une faille,
délimite à l’ouest un second plateau sur lequel se dresse
l’oasis de Chingueti.

Cette région d’Atar est bien encore une région tabulaire ;
les plissements hercyniens ne s’y sont pas fait sentir.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. III.

[Illustration : Cliché Laperrine

5. — GRÈS DÉVONIENS A TIN GHAOR.]

[Illustration : Cliché Laperrine

6. — GRÈS DÉVONIENS A TIN GHAOR.

Tassili du Sud.]


Dans la région du Cap Blanc et dans le Rio de Oro, le Dévonien
est inconnu ; le grès fondamental que Gruvel a signalé près de
Port-Étienne, est quaternaire ou pliocène ; d’autres grès sont
miocènes (Font y Sagué). Il ne semble pas qu’il y en ait de plus
anciens, près de l’Atlantique.


=Carbonifère.= — Entre l’Adr’ar’ Tmar et les tassili
touaregs, il semble que le Dévonien fait défaut ; du moins entre
Taoudenni et le Touat, le Carbonifère repose directement sur le
Silurien.

Lenz avait signalé des calcaires paléozoïques dans la région de
l’erg Chach. Au cours de la fructueuse tournée des méharistes
à Taoudenni, Mussel a pu recueillir d’importants matériaux qui
permettent de préciser les indications un peu trop vagues de Lenz.

[Illustration : Fig. 6. — Coupe schématique d’El Khenachiche
à Taoudenni. — D’après Mussel, _Renseignements coloniaux
publiés par le Comité de l’Afrique Française_, juin 1907,
p. 151 et 152. Les altitudes sont mal connues.

1, Schistes cristallins et Quartzites ; 2, Calcaires gris
fossilifères ; 3, Calcaires rosés non fossilifères (15 à 18 m.) ;
4, Calcaires bleuâtres ou violacés, fossilifères au sommet (13
m.) ; 5, Argiles gypsifères (Infracrétacé ?) ; 6, Grès rouges
(Infracrétacé ?) ; 7, Conglomérats siliceux ; 8, Atterrissements
quaternaires, sebkha.]

D’El Eglab où elles s’appuient sur l’Archéen, jusqu’au
voisinage de la falaise d’El Khenachiche, des couches très
plissées, que Mussel rapproche des assises siluriennes du Bled
El Mass (au nord de l’Ahnet), forment partout le sous-sol ; dans
l’Aoukarr qui est une véritable chebka, ces schistes cristallins
et ces quartzites ne sont guère recouverts que par des dunes ou
des atterrissements récents. Mais plus au sud ils sont surmontés
d’un plateau calcaire, de structure tabulaire, la hammada El Haricha
(fig. 6). Ces couches presque horizontales débutent par des calcaires
gris de puissance mal déterminée, parfois légèrement gréseux et
contenant _Productus semi-reticulatus_ Mart, _Pr._ aff. _Flemingi_
Sow., _Spirifer_ aff. _cuspidatus_ Mart. Au-dessus, 15 à 18 mètres
de calcaires, verts et 10 mètres de calcaires violets n’ont
fourni aucun fossile. Ces couches stériles sont surmontées de 3
mètres de calcaires violacés que termine parfois un niveau siliceux
(0,60). Flamand y signale les formes suivantes :

_Productus_ aff. _africanus_ Stoch.

_Lithostrotion irregulare_ Ph.

_L._ » _Martini_. M. Edw. et Haime.

C’est donc incontestablement du Carbonifère ; mais le nombre
des fossiles est trop restreint, leur état de conservation trop
médiocre pour qu’il soit possible de préciser davantage le niveau.

En tout cas, il importe de bien mettre en évidence que la hammada
El Haricha repose directement sur les schistes siluriens et que
rien ne semble représenter le Dévonien ; cette transgression du
Carbonifère, qui manque dans la majeure partie du Sahara soudanais,
est un fait important.

Les calcaires d’El Biar et de Taoudenni supportent, en discordance,
quelques zones gréseuses (Crétacé inférieur ?) ; ils forment un
dôme anticlinal peu marqué : du côté de Taoudenni les couches
plongent de 5° vers l’ouest ; le pendage ne dépasse pas 10°
vers le sud-est, entre El Biar et El Khenachiche.


=Extension des terrains anciens vers le sud.= — A hauteur du 17°
de latitude nord, ces formations primaires disparaissent sous des
sédiments beaucoup plus récents, horizontaux, du Crétacé et du
Tertiaire (fig. 68). Cette interruption est de courte durée.

Elles réapparaissent sur le Niger à Tosaye, d’où le capitaine
Aymard, d’après les renseignements inédits qu’il a bien voulu
me communiquer, a pu les suivre vers le Sud jusqu’à la mare de
Doro ; Aymard mentionne, le long de l’itinéraire, des lignes de
collines, de gneiss ou de schistes, émergeant du sable et note
à chaque instant la présence de quartz ; les cipolins et les
serpentines que l’on exploite près de Hombori, à Dakoa, pour la
confection des bracelets, ne diffèrent pas des roches siluriennes
qui, dans tout le Sahara, sont employées au même usage ; Desplagnes
[_Le Plateau Central Nigérien_, Pl. XIV] figure une exploitation
semblable à Belia.

La continuité de cette arête silurienne entre Tosaye et Hombori
n’est donc pas douteuse.

On retrouve avec une grande netteté, entre Ansongo et Say, le
Silurien dans le lit du Niger, où il est la cause de nombreux
rapides. Comme partout ailleurs, ce Silurien est injecté de
nombreuses roches éruptives.

Plus à l’ouest, Desplagnes a recueilli des quartzites auprès de
Sumpi ; il a rapporté, de la région du Faguibine, des arkoses qui
prouvent la proximité de roches feldspathiques et font pressentir
que les roches cristallines sont à peu de distance. La carte de Lenz
[_Petermann’s Mitt._, 1882, I] indique le Silurien à mi-chemin
entre Taoudenni et le Niger.

A l’est enfin, le massif de Zinder est en partie constitué par
des bancs verticaux de quartzites et de micaschistes, à affleurement
subméridien, qui appartiennent au même ensemble.

Au sud de ces régions du nord du Soudan, où les roches anciennes ne
se montrent que dans d’étroites boutonnières, l’Archéen et le
Silurien reprennent un rôle considérable. Desplagnes[8] mentionne,
au sud de Bammako, dans la région aurifère des sources du Bakoy,
des micaschistes et des schistes cristallins ainsi que des diabases.

[Illustration : Fig. 7. — Profil de Tobré à Boubon.

q, Quaternaire ; 3, Grès du Niger ; 2, Grès du Gourma ; 1,
Quartzites siluriennes ; M, Micaschistes ; γ, Gneiss granitoïdes.

(D’après Hubert, _La Géographie_, XVII, 1908, Pl. 4.)]

Chautard[9] signale, sous des grès horizontaux, des terrains
sédimentaires plissés, très métamorphiques (quartzites et
schistes amphiboliques) en Guinée et dans le Fouta Djalon ; des
roches éruptives, des diabases surtout, les accompagnent. Quelques
régions, comme le massif de Dinguiraye, sont constituées par des
granites qui se présentent le plus souvent sous forme de dômes ou
d’affleurements lenticulaires au milieu des sables. Chevalier[10]
indique des formations semblables à la Côte d’Ivoire. Dans
le gros travail qu’il vient de consacrer au Dahomey, Hubert[11]
a décrit des formations bien analogues : « le village de Tchetti
(un peu au sud du 8° de latitude nord) est au milieu d’un groupe
de dômes sans orientation générale précise et dont les cinq
plus importants ont une hauteur de commandement variant de 40 à
100 mètres. Ils sont constitués par un granit à grain assez
fin. De Tchetti à Bassila (vers le 9° de latitude) et même au
delà, on trouve, abondamment répartis dans tout le pays, des
dômes isolés, analogues comme aspect à ceux déjà signalés »
(p. 308). Hubert rapporte provisoirement au Silurien un important
massif de quartzites que, à travers le Togo, on peut suivre, sur
800 kilomètres, depuis Akkra (Gold Coast) jusqu’au Niger, où
leur présence a conditionné la formation d’un double coude, le
W, en aval de Say. Il me semble cependant difficile d’admettre la
nomenclature de Hubert : la dépendance étroite de ces quartzites
de l’Atacora, très métamorphisées et riches en minéraux de
fumerolles, et des schistes cristallins en concordance avec eux, est
signalée à plusieurs reprises : en l’absence de fossiles, rien
ne justifie donc, au point de vue stratigraphique, la séparation de
ces deux roches ; la réunion du granite et du gneiss fondamental,
dont l’origine est douteuse, avec les gneiss et les micaschistes
certainement sédimentaires est bien contestable. Malgré ces
divergences dans la nomenclature, il est aisé de reconnaître les
grandes analogies que présentent les terrains cristallins du Dahomey
avec ceux du Sahara. On trouvera dans Hubert d’assez nombreux
détails sur les régions voisines de celle qu’il a étudiée,
et sur la bibliographie.

[Illustration : Fig. 8. — Coupe schématique N.-S. vers 16° 30′
de Long. E., de Fort de Possel à Boli.

(Par Courtet.)]

[Illustration : Fig. 9. — Les Grès du Gourma à Tambarga.

(D’après Hubert, _Thèse_, Pl. VIII, p. 160.)]

Au sud du Tchad, Courtet[12] mentionne dans le pays de N’dellé
notamment, de rares micaschistes et des quartzites abondantes,
en couches verticales ; ces quartzites contiennent souvent du
disthène qui leur donne une coloration bleue ; un peu plus au
nord, les affleurements granitiques sont fréquents. De la région
de Fort Crampel, déjà vue par la mission Chevalier, Bruel[13]
a rapporté avec des granites, des gneiss, des micaschistes et des
quartzites. La coupe inédite ci-jointe (fig. 8) que je dois à
l’obligeance de Courtet, donnera une idée de la constitution
géologique des terrains qui s’étendent de l’Oubangui à
l’Ouadai ainsi que du peu d’importance des reliefs. — Barrat
[Sur la Géologie du Congo Français, _Annales des Mines_, VII,
1895] et Cornet [Les dislocations du bassin du Congo, _Annales de
la Soc. Géol. de Belgique_, XXXII, 1904-1905] ont montré la grande
extension de ces formations anciennes, vers le Sud.

Complétant l’analogie avec ce que l’on observe dans le Nord,
des grès horizontaux, reposant en discordance sur les terrains
cristallins, forment d’importantes séries de plateaux.

[Illustration : Fig. 10. — Grès de Hombori. Pic de Botha (20
km. N.-E. de Douentza).

(D’après Desplagnes, _Le Plateau Nigérien_, p. 8.)]

Un premier groupe, qui semble très homogène, s’étend du Gourma
jusqu’à Hombori et Bandiagara, en passant par le nord de la Gold
Coast. Les grès qui les forment sont à ciment siliceux, souvent
recouverts d’une patine foncée ; leur puissance peut atteindre
500 à 600 mètres. Bien qu’horizontaux dans l’ensemble, ils ont
subi quelques accidents tectoniques et sont parfois, localement,
presque verticaux. L’érosion les a profondément découpés et
Barth a dès longtemps figuré quelques-uns des aspects les plus
pittoresques qu’ils présentent ; les croquis ci-joints (fig. 9,
10 et 11), empruntés à Desplagnes et à Hubert, donnent une idée
de leur allure, en même temps qu’ils préciseront l’identité
des paysages dans le Gourma et le Hombori.

Dans le bassin du Chari, Lœffler, Bruel et Courtet[14] ont
rencontré des grès turriformes en général horizontaux, à peine
métamorphiques et qui semblent bien analogues à ceux du Gourma et
de Bandiagara.

La coupe ci-jointe (fig. 12) que Courtet a relevée aux environs de
N’dellé, et qu’il a bien voulu me communiquer, précise assez
bien leur allure. Les parties basses du pays forment une pénéplaine
où l’on trouve des granites et des gneiss glanduleux, dessinant
une chaîne de mamelons peu élevés, nord-ouest sud-est ; sur l’un
d’entre eux est établi le fort français ; puis viennent des
quartzites souvent micacées passant parfois aux micaschistes. Ces
quartzites sont presque verticales ; elles semblent appartenir à
un pli en éventail.

[Illustration : Fig. 11. — Mont Tombori, près Douentza.

(D’après Desplagnes, p. 6.)]

Elles supportent en discordance des grès horizontaux, puissants
d’une soixantaine de mètres. Ces grès de couleur claire,
jaunâtres, ou rougeâtres, sont à grain extrêmement variable ;
ils sont d’ordinaire à grain fin, mais ils passent souvent à
de véritables poudingues contenant des galets de quartzite de 20
centimètres de long. Vers la base de ces grès, Courtet a noté un
banc d’argile puissant de 0 m. 15 ; les conditions qui ont présidé
à la formation de ces assises ont donc été très variables. Le
plateau auquel ils donnent naissance, et qui porte la ville de
N’dellé, est fréquemment couvert de formations ferrugineuses
d’origine continentale et qui sont si communes à cette latitude.

Ces grès s’étendent très loin vers le Sud et, le long de la
rivière Kotto, on peut les suivre pendant 400 kilomètres du Nord
au Sud jusqu’à l’Oubangui. Leur limite orientale est inconnue.

[Illustration : Fig. 12. — Coupe près de N’Dellé, vers 8°
30′ Lat, 18° 20′ Long., par Courtet.

5, Alluvions actuelles ; 4, Grès ferrugineux superficiels
(latérite) ; 3, Grès horizontaux et Poudingues ; 2, Quartzites
redressées, en éventail ; 1, Granite et Gneiss.]

Bien que les détails précis fassent encore défaut, il est
à peu près certain que des grès semblables se rencontrent en
d’autres points du bassin du Chari ; le capitaine Lœffler décrit
en particulier [_l. c._, p. 240] la région rocheuse de Bouar,
dans la haute Sanga (vers 13° longitude est, 6° latitude nord),
comme formée d’énormes amas de rochers qui forment de multiples
cavernes, refuge à peu près inviolable des populations du pays. Des
cavernes semblables existent dans tous les grès anciens du Soudan ;
il y en a à N’dellé, à Bilma et dans le Hombori. Cette indication
ne suffirait certainement pas à affirmer l’identité des deux
formations, mais Courtet a pu causer avec le capitaine Lœffler,
et les éclaircissements complémentaires qu’il a ainsi obtenus
lui paraissent amplement justifier le rapprochement qu’il m’a
indiqué.

Dans l’Ennedi, des grès, curieusement découpés, affectant
aussi un faciès ruiniforme, ont été vus récemment par le Cte
Bordeaux[15] ; leur coloration va du blanc au noir, en passant
par toute la gamme des bleus, des rouges et des violets. Les
détails donnés ne permettent cependant pas d’affirmer qu’ils
appartiennent au même groupe.

Il est assez difficile pour le moment d’attribuer un âge à ces
grès ; les plissements qu’ils ont subis par place, permettent de
croire qu’ils sont anciens. On les a souvent classés dans le Trias
par analogie avec une formation semblable, mais bien éloignée,
celle du Karoo dans l’Afrique australe. Il vaudrait mieux,
ce semble, les rapprocher des grès des tassili du Sahara dont
ils reproduisent l’allure tectonique. La distance qui sépare,
géographiquement, les grès dévoniens de Timissao et de l’oued
Tagrira, des plateaux du Gourma et de Bandiagara, est encore bien
considérable, même si l’on attribue au Dévonien la bande de
grès, plongeant de 45° vers le sud, que Gautier a vue au sud de
l’Adr’ar’ des Ifor’as entre les terrains cristallins et le
Crétacé, les grès horizontaux injectés de filons de quartz qui
reposent sur le Silurien à Tosaye, et les schistes, interstratifiés
de grès, que j’ai signalés dans le lit du Niger, à Labezzanga,
où ils dessinent un synclinal à axe est-ouest.

Les analogies d’aspect et cette demi-continuité géographique ne
permettent guère, cependant, d’affirmer l’âge dévonien des
grès horizontaux anciens du Soudan. Les indices paléontologiques,
les seuls valables, sont encore bien rares : ils se réduisent,
je crois, à une affirmation unique ; le Dr Boussenot[16] signale,
dans la région de Dori, une empreinte de trilobite dans les strates
gréseuses, et parle de Dévonien. Cette affirmation aurait besoin
d’être précisée, mais en tout cas elle est précieuse parce
qu’elle prouve que, au moins par place, les grès du Gourma sont
fossilifères.

D’autres grès ont été signalés dans la région de Goundam ;
ils semblent se relier à ceux de Bammako et de Guinée et sont
probablement beaucoup plus jeunes que ceux dont il vient d’être
question ; nous aurons à revenir plus tard (chap. II) sur ce point.


=Rebroussement des plis.= — Il a déjà été indiqué à propos
du Silurien que, dans la majeure partie du Sahara, les affleurements
étaient orientés nord-sud, et cette direction sub-méridienne
paraît jouer en Afrique un rôle considérable : la mer Rouge
et le long chapelet des lacs de l’Afrique orientale sont dus
à des cassures de même orientation. Remarquons cependant que
l’Atacora[17], la bande de Tosaye, et les schistes du Bakoy
affleurent suivant des lignes dirigées à peu près nord-est,
sud-ouest. Au nord de l’Atacora, Hubert fait observer que les axes
des plis font un angle de plus en plus ouvert avec le méridien. Ceci
est exact et dans certains cas même, comme à Labbezzanga, la
direction est franchement est-ouest ; il y a donc trace d’un
rebroussement des plis, qui coïncide justement avec la zone,
parallèle à l’équateur, que devaient envahir beaucoup plus
tard les mers du Crétacé supérieur et du Tertiaire. Encore une
question que l’imperfection de nos connaissances ne permet pas
d’approfondir (V. fig. 68, p. 225).


                          II. — =LES RÉGIONS=


Si nous revenons maintenant au Sahara, les deux formations
cristallines qui y dominent, Archéen et Silurien, ont un défaut
grave, particulièrement au désert : elles sont imperméables ;
l’eau des rares orages qui éclatent au Sahara ne peut que ruisseler
à leur surface où le soleil a tôt fait de l’évaporer. Elles
correspondent donc en général à des régions particulièrement
désolées et stériles, les tiniri et les tanezrouft que les
caravanes traversent à marche forcée ; l’eau y manque d’une
façon absolue, et il est de toute nécessité de gagner rapidement
les points où des roches perméables (grès dévonien des tassili,
roches volcaniques d’In Zize) ont permis à l’eau de s’accumuler
à l’abri de l’évaporation. Dans les tanezrouft ce n’est
que de loin en loin et accidentellement, à la suite d’un orage,
que l’on trouve de maigres pâturages ; il faut souvent, pour les
traverser, emporter des fourrages pour les chameaux et le peu de
bois que nécessite la cuisine sommaire du Sahara.

Heureusement que ce n’est pas impunément qu’un pays est
aussi vieux ; la pénéplaine du Sahara central est antérieure au
Dévonien ; elle a dû subir le contre-coup des mouvements hercyniens,
bien qu’il soit difficile, dans l’état encore si lacunaire
de nos connaissances, de dire ce qui, dans la structure actuelle,
revient aux mouvements de la fin du Primaire.

[Illustration : Fig. 13. — Croquis hypsométrique de l’Afrique
septentrionale et centrale.]

A coup sûr l’important effort orogénique qui, en Europe, achevait
la construction des Alpes, s’est fait sentir jusque dans l’Afrique
centrale ; il en est résulté un rajeunissement du relief dont les
effets sont encore bien visibles. Certains compartiments ont été
surélevés et par les cassures qui résultaient de ces mouvements,
pénétraient de nombreuses roches éruptives : ces volcans en
même temps qu’ils augmentaient le relief, favorable à la pluie,
accroissaient le manteau de roches perméables et permettaient la
mise en réserve d’une plus grande quantité d’eau.

Trois importants massifs surtout, d’altitude élevée, forment ainsi
au Sahara des districts moins stériles ; au centre, l’Ahaggar
doit à ses montagnes, dont quelques-unes dépassent certainement
2000 mètres, de recevoir accidentellement des pluies en toutes
saisons. L’Adr’ar’ des Ifor’as (1000 m.) et l’Aïr
(1700 m.) sont aux confins de la zone des pluies tropicales ; leur
relief est assez élevé pour que quelques tornades y éclatent
régulièrement chaque année pendant l’hivernage.

Dans la pénéplaine cristalline, qui forme le Sahara central, les
régions naturelles, dont la définition doit tenir grand compte des
conditions d’habitabilité humaine, seront donc caractérisées par
leur altitude, plutôt que par la nature lithologique ou géologique
de leur sol.


                            Les Tanezrouft.


=Les Tanezrouft.= — Les hautes régions mises à part, tout le
reste du Sahara Central est d’une sécheresse extrême et rentre
dans cette catégorie de régions que les Touaregs appellent des
_Tanezrouft_. Leur langue, le Tamahek, semble avoir une nomenclature
géographique très riche, richesse nécessaire d’ailleurs puisque
la connaissance exacte et précise de grandes étendues de pays est
pour les nomades, quelle que soit leur langue, qui habitent ces
régions déshéritées une question vitale ; cette nomenclature
parait basée sur deux ordres de considérations ; les unes,
topographiques, permettent de désigner clairement, par un seul mot,
un accident de terrain ; aucun terme, par exemple, ne peut traduire
montagne ou colline dans leur sens général ; le dictionnaire[18]
de Motylinski énumère une quinzaine d’expressions, dont chacune
s’applique à une sorte de hauteur caractérisée par sa forme,
la nature de son sol, sa couleur, etc. ; en Mauritanie, il y a au
moins une dizaine de mots pour désigner les différents aspects
des dunes. Avec une nomenclature aussi étendue, il devient facile
de décrire un itinéraire avec précision et de fournir tous les
renseignements désirables.

Les autres expressions, plus utilitaires, se rapportent aux conditions
de la vie habituelle aux nomades : toute une série de termes par
exemple permettent de définir, d’un seul mot, la nature et la
richesse d’un pâturage.

Tanez’rouft[19] rentre dans cette seconde catégorie ;
c’est bien un nom commun ; Motylinski indique son pluriel,
tinez’raft. Tanezrouft désigne, quelle que soit la structure de
leur sol, les parties du Sahara vraiment stériles, celles où les
caravanes ne rencontrent, pendant au moins trois ou quatre jours,
ni eau ni pâturage ; c’est le désert au sens le plus rigoureux du
mot : le fond de chott desséché, la sebkha de l’oued Botha, qui
isole le Tidikelt du Mouidir et de l’Ahnet, est un tanezrouft, qui
avec les mêmes caractères se continue vers l’ouest (Azzelmati),
probablement jusqu’au voisinage de Taoudenni.

Tiniri n’est pas un synonyme ; ce mot veut dire la plaine ;
le tanezrouft d’In Azaoua est un tiniri parce que la marche des
caravanes y est facile ; il n’y a aucun ravin à franchir, aucune
falaise à escalader.

Ces parties stériles du Sahara, ces tanezrouft commencent à être
assez bien délimités ; ils jouent un rôle insignifiant dans
le Sahara algérien où la prédominance des ergs assure presque
partout quelques pâturages ; dans le Sahara soudanais, au contraire,
ils forment une bande ininterrompue qui, de l’est à l’ouest,
s’étend sur une grande longueur au nord de la zone sahélienne
(cf. fig. 58), et que l’on pourra sans doute suivre du voisinage de
l’Atlantique jusqu’aux confins de l’Égypte ; cette bande est
singulièrement large au sud de l’Ahaggar ; seules les inflexions
qu’imposent, vers le nord, à la limite des pluies tropicales,
l’Adr’ar’ des Ifor’as et l’Aïr, en facilitent heureusement
la traversée.

[Illustration : Fig. 14. — Zone inhabitée du Sahara central.]

Cette bande aride, déserte et désolée n’est pas homogène et
la structure de son sol paraît très variable ; le seul caractère
constant des tanezrouft est un caractère climatique, l’absence
ou, tout au moins, la très grande rareté et la très grande
irrégularité des pluies, qui peuvent manquer complètement pendant
de longues années.

Le tanezrouft de l’Ahnet est une pénéplaine silurienne, avec
quelques massifs archéens ; on lui donne habituellement pour
limite In Zize et Timissao (190 km.), mais en réalité, le parcours
est très pénible, après quelques années de sécheresse, entre
l’oued Amdja qui contient les derniers pâturages de l’Ahnet, et
In Ouzel, le premier puits de l’Adr’ar’ des Ifor’as. C’est
une traversée de 500 kilomètres, pendant laquelle on ne rencontre
que quelques pâturages insignifiants. Le détachement du capitaine
Dinaux a pu cependant effectuer ce voyage en onze étapes avec un
convoi assez lourd, au milieu de juin 1905, pendant le mois le plus
chaud[20], à une époque où les caravanes touaregs ne le tentent
jamais ; les pertes furent insignifiantes : sur 170 chameaux que
comportait le détachement, deux seulement, fatigués au départ,
succombèrent.

Vers l’ouest, le tanezrouft s’élargit : d’Ouallen à Tombouctou
(21 étapes) la route directe est très dure et les points d’eau
douteux[21] : Hassi Azenazen (4e étape) cesse d’avoir de l’eau
sept ans après la pluie ; on ne peut guère compter sur les puits
de Tin Diodin et de Tin Daksen (7e et 8e étapes), qui sont à sec
au bout de deux ou trois ans ; le dixième jour seulement, on arrive
à un puits permanent (Hassi Achourat), situé à la limite nord des
tassili méridionaux. Ce tanezrouft, à la limite méridionale duquel
abondent des atterrissements quaternaires riches en Melanies (?),
n’est probablement, d’après les renseignements indigènes, que la
continuation d’Azz el matti. Ce serait une région sans relief où
dominent les sebkhas quaternaires coupées de quelques bras d’ergs.

Ces renseignements sont assez vraisemblables : entre In Zize et
Timissao, le reg qui correspond aux vallées des oueds Takouiat
et Seheb El Arneb, a une cinquantaine de kilomètres de largeur ;
un peu plus à l’ouest, ce reg s’élargit encore et s’étend
presque d’In Zize jusqu’à hauteur de Timissao ; un pareil
épanouissement des vallées, et la réunion de leurs alluvions en
un tout continu, semble bien indiquer que l’on est tout à fait
au voisinage des embouchures des fleuves qui descendaient naguère
d’In Zize et de l’Ahaggar. Le tanezrouft d’Ouallen serait le
fond du lac ou du marais où ils se déversaient autrefois.

De Taoudenni au Touat[22], le rapport du colonel Laperrine indique
fort peu de pâturages malgré l’abondance des dunes ; il n’y
a que trois puits sérieux pour 550 kilomètres. Encore l’eau de
l’un d’eux, Tin Haïa, est-elle toxique.

Mais pour la partie nord de cette route tout au moins, celle qui
traverse l’erg Chache, il semble que les difficultés rencontrées
tiennent à des causes accidentelles. Il n’y a que dix-huit
jours de marche de caravane entre le Touat et Taoudenni, et cette
piste a été autrefois très fréquentée par des marchands ;
l’erg Chache était habité par des nomades, les Ouled Moulat,
qui leur servaient de guides. A la suite de difficultés avec les
Kountah et les Berabiche de l’Azaouad, une harka, commandée par
Abidin El Kounti, parvint à surprendre vers 1885, les campements
de l’erg Chache. Les quelques survivants qui échappèrent à
ce désastre se réfugièrent au Maroc ; depuis, il n’y a plus
de guides connaissant le pays et c’est presque par hasard que le
colonel Laperrine put en rencontrer un, assez sûr de la route pour
le ramener directement à Adr’ar’ (Touat).

L’erg Chache doit encore contenir de beaux pâturages et les puits
y sont probablement nombreux ; le pays est sillonné de pistes,
mais en l’absence de guides, la reconnaissance du pays devient
difficile et dangereuse ; elle nécessitera un grand effort.


La route que le capitaine Cauvin[23] a suivie entre Taoudenni et
Tombouctou, est également des plus pénibles, au moins jusqu’à
Araouan qui semble à la limite méridionale du tanezrouft : il y a
350 kilomètres entre Araouan et le puits d’Ounan, qui est parfois
à sec ; il en reste 150 pour arriver aux salines, où l’on est
certain de trouver de l’eau et des vivres. Pendant cette longue
marche de 500 kilomètres, on ne trouve aucun bon pâturage.

A l’est de l’itinéraire Ahnet-In Ouzel, le tanezrouft, sur
lequel empiètent les contreforts de l’Ahaggar, n’est pas
trop large de Timissao à Silet ; les r’edir de Tin Azaoua,
l’aguelman Tamada, récemment reconnu sur la lisière est du
tassili de Timissao, rendent plus facile encore cette traversée ;
le tassili de Tin Ghaor fournit aussi, par une route différente,
assez d’eau pour une caravane peu nombreuse.

Au sud de l’Ahaggar, le tanezrouft s’élargit à nouveau et sa
limite méridionale se place sur le 18° latitude, aux confins de
l’Adr’ar’ Tiguerrit. Sa traversée de l’est à l’ouest est
pénible : entre Tin Zaouaten (Adr’ar’ des Ifor’as) et Aguellal
(Aïr) les renseignements indiquent une route de cinq étapes avec un
seul point d’eau sérieux à In Guezza, que Duveyrier avait déjà
signalé. D’après les indigènes qu’a pu interroger le capitaine
Pasquier, « In Guezza est un puits, profond de 4 mètres, situé au
pied d’une grande montagne ; la région où il se trouve est une
région de montagnes élevées, isolées, rapprochées les unes des
autres[24] ». Cette description, un peu vague, peut s’appliquer
à une région de dômes volcaniques, comme l’Aïr, ou à une
région de dômes archéens, comme il en existe tant au Sahara.

Adoptant l’opinion de Duveyrier, j’avais pensé que l’abondance
de l’eau à In Guezza était une preuve que l’oued Taffassasset,
le plus important de la région, y passait, d’où le tracé indiqué
pour ce fleuve sur la carte hypsométrique (carte hors texte). Des
renseignements plus récents, recueillis par les officiers du poste
d’Agadez, indiquent que, en aval d’In Azaoua, le Taffassasset se
dirige directement vers le sud et vient passer tout contre l’Aïr,
à la plaine de Talak, renommée dans tout le Sahara pour sa richesse
en pâturages. Ce tracé, probablement plus correct, est indiqué
sur la carte géologique (Pl. II).

L’indication qu’avait recueillie Villate[25], que l’oued Tin
Zaouaten aboutissait à la plaine de Talak, est peut-être exacte ;
c’est à tort qu’elle m’avait paru impossible dans une note
antérieure.

Dans toute sa partie ouest, au moins jusqu’à l’Adr’ar’
Tiguérit, ce tanezrouft est en majeure partie une pénéplaine
cristalline ; sur sa partie orientale les renseignements font
défaut ; il semble cependant que le long de l’Aïr, les terrains
crétacés et tertiaires remontent assez haut vers le nord : la plaine
de Talak correspondrait peut-être à une fosse d’effondrement
subméridienne, aujourd’hui partiellement comblée.

Le tanezrouft s’étend très loin vers l’est de l’Ahaggar ;
la piste que nous avons suivie entre Tamanr’asset et Iférouane,
piste sur laquelle Barth[26] avait déjà donné des renseignements
très précis, contient des points d’eau nombreux et toujours
sûrs (oued Zazir, oued Tagrira, In Azaoua[27], Zelim ou Tar’azi),
mais le pays change complètement d’aspect à partir du tassili
de l’oued El Guessour. Au lieu d’une pénéplaine moyennement
accidentée, constituée par l’Archéen et le Silurien, tous deux
imperméables, cette nouvelle partie du tanezrouft se montre formée
de grès horizontaux d’âges divers, en majeure partie dévoniens
autour d’In Azaoua, beaucoup plus jeunes probablement entre l’Aïr
et Bilma.

La haute plaine que forment ces grès est très unie ; la marche
y est facile et les Touaregs complètent la définition de cette
partie du tanezrouft, en disant qu’elle est un _Tiniri_. Je n’en
ai vu qu’un fragment restreint et les itinéraires de Barth, de
von Bary et de Foureau sont, autour d’In Azaoua, trop voisins du
mien pour permettre d’étendre sur des descriptions positives cette
plaine jusqu’au Kaouar ; mais les itinéraires par renseignements,
la continuité qu’ils accusent avec la haute plaine du Tegama,
le nom d’une des rivières, qui de l’Aïr se dirige vers Bilma
(Kori de Ténéré), ne laissent guère douter que cette région
soit constituée par des grès horizontaux ; Barth et de Bary ont
d’ailleurs mentionné expressément, à la lisière orientale de
l’Aïr, des plateaux gréseux dont quelques-uns sont recouverts
de coulées volcaniques. A l’est de Bilma, le pays devient plus
accidenté et il semble qu’une série de plateaux et de hauteurs
préparent le Tibesti. Même un mamelon granitique, le mont Fosso,
est signalé entre Fachi et Bilma, tout contre la première oasis.

Malgré la perméabilité du sol, peut-être vaut-il mieux dire à
cause d’elle, les points d’eau y sont plus rares encore que dans
le tanezrouft de l’ouest : l’eau ne reste pas à la surface et
forme probablement une nappe profonde que l’outillage rudimentaire
du pays ne permet pas d’atteindre ; on ne peut songer à attaquer
avec des pioches de fer (l’acier est inconnu des Sahariens) que
des roches très tendres ou des nappes d’alluvion.

Nulle part, dans ce tiniri, des accidents de relief ne viennent
faciliter la recherche de l’eau. C’est un des déserts les plus
abominables que l’on puisse rencontrer, un de ceux où il est le
plus nécessaire d’emporter du bois et des fourrages. De l’oued
Tiser’irin, où il y a une douzaine de talah (Acacia), jusqu’à
In Azaoua, pendant au moins une centaine de kilomètres, il n’y a
absolument aucune végétation : le sol est partout rigoureusement
dénudé ; on ne voit que du sable et des grès.

Les routes qui, de l’Aïr, conduisent vers Bilma, sont aussi
mauvaises. Celle qui part d’Agadez comporte, de Beurkot à Fachi,
quatre grands jours de marche, de dix-huit à vingt heures chacun,
pendant lesquels on ne trouve rien ; les routes d’Affassez et
de Tafidet ne sont pas meilleures. Aussi n’est-ce que pendant
l’hiver, que les Kel Oui vont chercher le sel du Kaouar ; leurs
caravanes sont organisées longtemps à l’avance et, dès le mois
d’octobre, on peut voir dans toutes les vallées de l’Aïr les
bottes de foin, soigneusement faites, qui sont nécessaires pour
effectuer, sans trop de risques, cette dangereuse traversée au
bout de laquelle les Touaregs ont souvent trouvé une bataille avec
les Tebbous.

Malgré leur aridité, tanezrouft et tiniri n’opposent pas un
obstacle bien sérieux aux relations entre humains ; les profondes
encoches qu’y font l’Aïr et l’Adr’ar’ des Ifor’as en
facilitent le passage, que les chameaux peuvent, à la rigueur,
faire en toute saison ; le désert n’est une barrière ni pour les
caravanes de marchands, ni pour les rezzou : presque chaque année,
des pillards venus du sud marocain arrivent à Taoudenni.

Pendant l’hiver même, les moutons et les bœufs peuvent franchir
ces mauvais pays : les caravanes d’Ifor’as qui affluent en
février et en mars au Touat et au Tidikelt y amènent plusieurs
milliers de chèvres et de moutons, qu’elles échangent contre des
étoffes et des dattes. Chèvres et moutons qui, pendant l’automne,
ont pu se bien nourrir dans les pâturages de l’Adr’ar’, sont
à ce moment en belle forme et peuvent rester, pendant le voyage,
cinq à six jours sans boire ni manger.

Les bœufs sont dans le même cas ; un troupeau de dix têtes, acheté
dans l’Adr’ar’, est arrivé en mars 1905 à In Salah sans aucun
déchet [Dinaux, _l. c._, p. 108]. Les Kel-Ahaggar renouvellent leurs
troupeaux dans l’Aïr : les bœufs passent facilement de la plaine
de Talak à Tarahaouthaout, au sud de la Coudia.


=Points d’eau.= — Ces traversées sont d’ailleurs facilitées
par un certain nombre de points d’eau. Les plus nombreux se trouvent
dans les grès dévoniens.

Le tassili du sud ou des Ahaggar « est un plateau rocheux, sans eau,
sans végétation, presque inconnu des indigènes eux-mêmes tant il
est inhospitalier ». Cette indication de Duveyrier [_Les Touaregs
du Nord_, p. 17] a besoin d’être réformée.

Le tassili du sud est bien connu maintenant au nord de l’Adr’ar’
des Ifor’as, où il comprend plusieurs plateaux isolés. Une
échancrure du plus grand contient le puits de Timissao, un des
meilleurs du désert. Les environs de ce puits ont été autrefois
habités comme en témoignent de nombreuses inscriptions, dont
l’une, mentionnée par Duveyrier, serait bien écrite en caractères
koufiques d’après M. Benhazera[28].

Sur le même plateau, à une journée au sud-est de Timissao,
se trouvent les r’edir de Tin Azaoua, qui contiennent toujours
assez d’eau pour une troupe de quelques chameaux et qui, après
une tornade heureuse, suffisent à de fortes caravanes. Un peu
plus au sud, le petit lac, l’aguelman de Tamada, d’accès assez
difficile, est un point d’eau très sûr ; il est entouré d’un
très beau pâturage, où l’on peut séjourner en toute saison. Ce
n’est qu’en 1907 que ce point a été reconnu et son importance
exceptionnelle explique que les Touaregs nous l’aient caché aussi
longtemps qu’ils ont pu[29].

Les autres plateaux situés au nord ou à l’est de l’Adr’ar’
(Tirek, In Ameggui, Tin Ghaor[30]) sont de médiocre surface et ne
contiennent que des points d’eau secondaires. On ne connaît, des
plateaux qui s’étendent à l’ouest de l’Adr’ar’, presque
jusqu’au méridien de Tombouctou, que des noms (Timetr’in, etc.) ;
seuls quelques points d’eau à la périphérie (puits d’Achourat,
Ksar Mabrouka) ont été vus par des Européens.

A l’extrémité orientale de la même bande dévonienne, le
tassili de l’oued Tagrira est nettement limité vers le nord par
une falaise haute d’une soixantaine de mètres ; vers le sud, sa
limite est moins marquée. Le puits d’In Abeggui est, paraît-il,
très sûr ; les r’edir, assez nombreux en septembre 1905, ne
sont pas tout à fait permanents. Il y a quelques pâturages dans
la gorge de l’oued el R’essour, à son entrée dans le plateau ;
l’oued Tagrira, où se trouvent quelques dunes basses, est couvert
de graminées (drinn) assez abondantes pour permettre aux caravanes
qui vont à In Azaoua, d’emporter les fourrages nécessaires à
cette mauvaise traversée. Un groupe de méharistes du Tidikelt a
pu y séjourner en juillet 1908.

[Illustration : Fig. 15. — Coupe du tassili Tan Tagrira, suivant
la vallée de l’oued El R’essour. Il y a une dizaine de km. de
A à l’aguelman.

A, Granite porphyroïde ; B, Granulite rose ; 1, Silurien
métamorphique ; 2, Grès (40m) en partie masqués par les éboulis ;
3, Grès grossiers et Psammites à ciment ferrugineux, en bancs bien
lités (20m) ; 4, Grès fins, blanchâtres, formant des aiguilles
(15m).]

Ce tassili, toujours étroit (20 à 25 km.), se prolonge vers
l’ouest avec quelques aguelman, jusqu’à la région de Tin Ghaor
et de Timissao. On ne sait pas encore si les oueds qui le traversent,
Igharghar, Zazir, le franchissent tous par d’étroits cañons comme
l’oued El R’essour qui, de loin, ne semble pas interrompre la
continuité de la falaise, ou par des vallées plus larges, découpant
le plateau en plusieurs tronçons, comme au nord de l’Adr’ar’.

En tous cas, quelques-uns de ces oueds sont alimentés, largement
pour le Sahara, par les orages qui tombent sur les contreforts de
l’Ahaggar ; il est possible, paraît-il, de suivre, à travers le
tanezrouft, l’oued Zazir jusque chez les Oulimminden.

Le puits d’In Azaoua, un des nœuds de routes les plus importants du
désert, se trouve à l’extrémité orientale de ce même plateau ;
mais il est probable que l’eau que l’on y trouve en abondance
vient de plus loin, du haut pays des Azdjer et de l’Anahef où
prennent leur source le Taffassasset et ses principaux affluents.

De ces tassili dévoniens, dont les principaux fournissent des points
d’eau au tanezrouft, on peut, au point de vue de la Géographie
humaine, rapprocher le massif d’_In Zize_. Son sommet, élevé de
300 mètres au-dessus de la pénéplaine, son grand diamètre qui
dépasse 30 kilomètres, le font reconnaître de très loin et il
est difficile, même à un guide médiocre, de manquer l’aguelman
qui a rendu In Zize célèbre au Sahara.

On comprend que sur ce massif élevé (800 m.) les orages soient
moins rares que dans le tanezrouft voisin (500 m.).

Il y a plusieurs points d’eau dans ce massif montagneux ; nous
en avons vu deux. Le premier est au pied d’une cascade : il est
nettement une marmite de géants. Le second, l’aguelman permanent
d’In Zize (Pl. XXXV, p. 258), à quelques kilomètres en amont du
premier, a bien probablement la même origine ; en tout cas, s’il
est une diatrème, un cratère d’explosion, il n’est qu’un
appareil adventif de faible importance ; le cratère principal du
volcan doit être cherché beaucoup plus à l’est, entre In Zize
et Tihimati.

Cet aguelman est alimenté surtout par les eaux souterraines qui
circulent à travers les laves ; Gautier a vu deux fois In Zize, en
1903 et en 1905 : à son premier voyage les acacias, dans l’oued,
étaient desséchés et l’aguelman d’aval était vide. En 1905,
l’oued avait reverdi, mais le niveau de l’eau dans l’aguelman
principal avait baissé de deux mètres, preuve qu’il n’est pas
alimenté directement par l’eau des orages ruisselant à la surface,
eau qui avait revivifié les talah, mais par une nappe plus profonde.

Tout à côté, l’Adrar Nahlet possède aussi un aguelman,
complété par une source à faible débit. Je n’ai vu ce massif que
de nuit ; son relief est trop marqué pour qu’il soit bien vieux,
et sa silhouette rappelle In Zize.

Dans toutes les parties où il est formé de roches cristallines
imperméables, le tanezrouft paraît incurable : des travaux de
sondage n’y donneraient rien. Tout au plus peut-on songer à
améliorer les voies d’accès à certains points d’eau, et à
mieux aménager quelques puits : ce travail a été commencé par
la compagnie du Tidikelt.

Les tanezrouft formés de hautes plaines gréseuses, perméables,
ceux que les Touaregs appellent des tiniri, semblent au contraire
pouvoir être améliorés ; des forages y donneraient probablement
des résultats ; mais l’entretien, en plein désert, d’un
chantier suffisant pour creuser un puits profond, serait une très
forte dépense, peu en rapport avec l’utilité de quelques points
d’eau de plus, dont les caravanes n’ont nullement besoin.


                              L’Ahaggar.


=Orographie.= — La partie culminante de massif touareg (Atakor
n’Ahaggar, Coudia) n’a été vue jusqu’à présent de près
que par un petit nombre d’Européens. De Taourirt, de Tit ou
de Tamanr’asset, elle se présente sous des aspects analogues
(fig. 17) : un plateau en saillie de quelques cents mètres sur
les régions voisines ; ce plateau est surmonté de quelques
aiguilles granitiques dont la plus célèbre est l’Ilamane et
de masses tabulaires comme le Tahat, dont le profil fait songer à
un plateau basaltique. L’existence de roches volcaniques n’est
d’ailleurs pas douteuse sur la Coudia ; Guilho-Lohan a ramassé
au pied de l’Ilamane un basalte et Motylinski [_Bull. du Com. de
l’Af. Française_, oct. 1907] a noté et figuré sur ses carnets,
à maintes reprises, des colonnades basaltiques.

Vers l’est, l’aspect est le même : au sud de la Tifedest,
d’après Voinot, la Coudia s’élève par gradins jusqu’à
son sommet, en forme de plateau. Du sud, entre Aïtoklane et
Tarahaouthaout, on la voit s’étager en replats successifs, entre
lesquelles la transition se fait sans trop de brusquerie. Cette
apparence est pleinement confirmée par les indications de
Motylinski qui a traversé l’Atakor de l’ouest à l’est, à
la hauteur de l’Ilamane ; pour arriver sur le plateau, en partant
de Tamanr’asset, on fait une longue marche en montée pénible,
à travers la montagne ; la descente, à la chaîne de Tanget, est
donnée, elle aussi, comme difficile ; Voinot[31] note, qu’au sud
d’Idelés, on s’élève rapidement, de 700 mètres, jusqu’au
premier gradin.

Une fois arrivé sur le plateau, la marche entre les gours est en
général facile ; les vallées y sont le plus souvent assez larges ;
il y a cependant à noter quelques ravins étroits dont la traversée
demande des précautions : il faut mettre pied à terre. D’après
Voinot, entre Tazerouk et Aïtoklane, le dessus du plateau est
extrêmement tourmenté ; c’est une véritable chebka où les
sentiers, peu nombreux, sont d’un abord difficile.

Le plateau de la Coudia est assez dénudé ; en tous cas les arbres
y sont très rares ; Motylinski mentionne près d’In Djeran le
premier arbre, un djedari (_Rhus oxyacanta_ ?), qu’il ait vu depuis
l’Ilamane, situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest.

[Illustration : Fig. 16. — Essai de schéma du Massif Central
saharien.]

Duveyrier avait déjà indiqué l’existence d’eau courante sur
la Coudia ; Motylinski confirme cette indication, et mentionne une
cascade ; la haute vallée de l’Igharghar contient également
quelques ruisseaux et Voinot y signale même un marécage
difficilement abordable à Inikeren [_l. c._, p. 112].

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. IV.

[Illustration : Cliché Laperrine

7. — AHAGGAR. UN CONFLUENT PRÈS D’IN AMDJEL.

Prairie de diss. Quelques arbres dans le lit des oueds.]

[Illustration : Cliché Laperrine

8. — AHAGGAR, VILLAGE DE TIT.

Au fond, le Tinesi, dôme granitique (60 mètres).]

L’altitude du Plateau Central saharien est mal connue ; elle
dépasse certainement 2000 mètres. Les observations barométriques
sont encore rares, mais elles sont nettement confirmées par les
indications du thermomètre ; sur la Coudia, Motylinski a noté
les températures suivantes : le 20 août 1906, 5° à six heures
du matin, 20° à six heures du soir, le 21, 8° au matin, 18° à
six heures du soir ; le père de Foucauld notait les mêmes jours,
à Tamanr’asset, le 20, minimum 15°, maximum 35°, à six heures
du soir 29° ; le 21, minimum 15°, maximum 36°, et à six heures
du soir 30°. Voinot, à l’abankor de Tazzeit, près d’Idelès,
a noté le 15 mars 1906, minimum de la nuit 11°,8, à une heure de
l’après-midi 23°,6 ; le 18 mars, à Tazerouk, le minimum était
de 1°,6 ; à une heure, la température atteignait seulement
18°,2. Il y a donc une différence d’une dizaine de degrés
entre les températures de la Coudia et celles de Tamanr’asset
et d’Idelès qui sont, l’un et l’autre, au voisinage de 1300
mètres. On s’explique facilement que les Touaregs nobles aient
choisi la région de Tazerouk comme station estivale. Le haut plateau
est d’ailleurs peu étendu et atteint à peine 70 kilomètres dans
ses plus grandes dimensions ; Tazerouk (2000 m.) n’est pas encore
sur le gradin le plus élevé, que la route directe de Tazerouk à
Tarahaouthaout laisse à une trentaine de kilomètres au nord. Il
est vrai que les contreforts de la Coudia, vers l’est, sont bien
plus élevés que ceux de l’ouest, quoique leur relief au-dessus
des oueds soit assez faible.

[Illustration : Fig. 17. — Ahaggar. La Coudia, vue de l’oued
Sirsouf, près Tamanr’asset. L’Eisekran et l’Ikaraguen sont
des plateaux basaltiques.]

Les contreforts de ce haut massif ont des limites assez indécises
(Pl. III, profils III et IV) : du pied du plateau de Timissao (550
m.), à Tit (1120 m.), il y a un peu moins de 300 kilomètres ; la
pente est d’environ 2/1000. Jusqu’aux environs de Silet surtout
(760 m.), on monte très doucement : dans le tanezrouft, les pentes
des oueds Tamanr’asset et Silet sont voisines de 1/1000. Entre Silet
et Abalessa, les restes de volcan qui constituent l’Adr’ar’
Ouan R’elachem, obligent à passer par un col à l’altitude de
900 mètres ; les sommets voisins s’élèvent à 1000 mètres. A
l’ouest d’Abalessa (880 m.) l’Adr’ar’ Aberaghetan,
formé de quartzites siluriennes et non de roches volcaniques,
comme il est indiqué sur un croquis publié dans _La Géographie_
[XIII, 1906, p. 53], atteint une altitude supérieure (1700 m.) ;
cette chaîne étroite se prolonge vers le nord jusqu’au massif
de Taourirt. D’Abalessa à Tit (30 km.), on suit la lisière sud
d’une cuvette silurienne ; l’oued Tit, avec une pente d’environ
8/1000, est nettement torrentiel. De Tit à Tamanr’asset (1300m.),
on franchit plusieurs vallées ; la pente moyenne n’a pas de
signification. Dans ces deux derniers tronçons, la piste traverse
une région de basses montagnes ou plutôt une pénéplaine encore
accidentée.

De Tamanr’asset vers In Azaoua, la descente est assez rapide
jusqu’au tassili de l’oued Tagrira (4/1000). La route, coupant
toutes les rivières sous un angle marqué, ne suit cependant pas la
ligne de plus grande pente. Jusqu’à l’oued Igharghar tout au
moins, le pays reste très accidenté : le paysage doit son aspect
particulier à des plateaux basaltiques comme l’Adjellela (fig. 72)
ou le Debenat, ou à des filons de roches éruptives formant muraille,
comme l’Adr’ar’ Arigan (fig. 18).

Vers le nord, un contrefort important, la Tifedest, est un massif
vraiment montagneux et d’un relief moyen de plus de 1000 mètres ;
c’est une chaîne d’accès difficile, où les cols sont rares
et que traversent fort peu de sentiers.

A l’extrémité septentrionale de la Tifedest, avec des contours
plus flous et séparé de la chaîne principale par un col
qu’utilise une piste, se dresse le massif d’Oudan[32] presque
impraticable. Il se termine par un plateau célèbre au Sahara :

« A la pointe nord de l’Oudan, se dresse la célèbre Garet el
Djenoun, royaume des génies, interdit aux humains. Il est certain
que la table plate du sommet, d’un relief voisin de 1300 mètres et
bordée de tous côtés par des parois à pic, n’est pas accessible
avec les moyens dont on dispose au Sahara... L’Oudan ne paraît
pas être un ancien volcan, ainsi que l’avaient fait supposer
à Duveyrier des renseignements indigènes. » Cette description,
due à Voinot, semble cependant indiquer un plateau basaltique,
analogue à l’Adjellela.

La Tifedest se continue sur la rive gauche de l’Igharghar,
jusqu’à hauteur du Mouidir, par une série de massifs isolés
dont le plus important est l’Edjelé, qui se dresse à une altitude
notable au milieu du reg.

[Illustration : Fig. 18. — L’Adr’ar’ Arigan, dyke éruptif
dans les contreforts méridionaux de l’Ahaggar.

Du point d’eau de l’oued Zazir.]

Sur la rive droite de l’Igharghar, au nord de la Tifedest,
l’Edjéré (ou Eguéré) arrive au voisinage du tassili des Azdjer ;
c’est un massif de grande étendue qui, de loin, figure vaguement
un cône très aplati. Son point culminant, le Toufriq, atteint 1560
mètres. Sa structure est analogue à celle de la Coudia ; comme elle,
l’Edjéré est un plateau surmonté de formations volcaniques ;
les cratères ébréchés y sont nombreux, et les bombes volcaniques
y abondent.

Les vallées étroites de ce massif sont, certaines années, couvertes
de beaux pâturages, où se réunissent parfois les Azdjer et les
Ahaggar ; les points d’eau y sont assez espacés, mais de fort
débit et peu profonds ; les puits ne dépassent pas 4 mètres.

Ce massif se prolonge vers le sud par la petite chaîne de Torha qui
n’est séparée de la Tifedest que par la vallée de l’Ighargar ;
vers l’est, le massif de Torha se termine brusquement au-dessus
de la haute plaine d’Amadr’or.

L’Anahef est un plateau très semblable à la Coudia, qu’il
prolonge vers l’est ; comme elle, il est surmonté de gours,
derniers témoins d’un étage disparu et d’aiguilles granitiques
dont la plus remarquable semble être le Tihi n’Kalan. L’Anahef,
que traversent quelques pistes allant de l’Ahaggar à R’at,
paraît d’un accès peu facile ; les points d’eau, situés
au pied de la montagne, sont peu nombreux ; Voinot en mentionne
seulement quatre, sur le versant Atlantique.

La partie sud de l’Anahef qu’a explorée Foureau [_Doc. Sc._,
p. 345 et 614] lorsqu’il a été reconnaître le point où est
mort Flatters, ne semble pas différente de celle qu’a vue Voinot.

A son extrémité orientale, l’Anahef se relie à une série de
hauteurs qui, se dirigeant vers le nord, viennent à peu de distance
de Tir’ammar et du tassili des Azdjer. Elles se terminent par les
deux massifs importants d’Adr’ar’ (1700) et d’Admar (1400).

Le tassili des Azdjer est formé de grès horizontaux, d’âge
dévonien, et reproduit exactement les formes de terrain de l’Ahnet
ou du Mouidir, dont il est la suite.

Entre ce tassili et les massifs anciens qui dépendent de l’Ahaggar,
il existe, au moins depuis l’Igharghar jusqu’à l’Admar, une
zone en général assez déprimée, qui offre des communications
faciles entre l’est et l’ouest ; la piste qui y passe est souvent
suivie par les rezzou.

Au centre du paquet montagneux que forme la Coudia et ses annexes
s’étend une immense plaine dont l’origine est assez ambiguë. La
haute plaine d’Amadr’or n’est pas une sebkha, mais bien un
immense reg, long d’environ 120 kilomètres du nord au sud et
d’une largeur moyenne de 60 kilomètres. Cette plaine peut être
considérée comme horizontale ; la différence d’altitude atteint
à peine 100 mètres entre le nord et le sud ; quelques gours isolés
et insignifiants de granite rose font seuls saillie sur le reg. La
végétation y fait en général défaut et il n’y existe aucun
point d’eau. Le cours de l’oued Amadr’or et de ses affluents
n’est plus indiqué que par quelques cuvettes à peine perceptibles
et qui, depuis longtemps, ont cessé de communiquer entre elles ;
quelques-unes sont marquées par une très maigre végétation
d’éthels et de guétaf. Au cours d’un orage qui a duré deux
jours, Voinot a pu voir toute l’eau tombée se rassembler en flaques
stagnantes dont chacune correspondait à l’un de ces bas-fonds ;
ce n’est que plus au nord, grâce à l’Edjéré, que l’oued
Amadr’or, sous le nom d’oued Tidjert, reprend un peu de vie et
redevient continu.

Il existe bien du sel dans la plaine d’Amadr’or, mais il est
localisé en un point unique : la sebkha d’Amadr’or se réduit à
une petite dépression, située à 5 kilomètres au nord de Tissint.

Le sel, qui s’y présente en cristaux cubiques, est facile à
extraire ; pour le purifier tout à fait, on souffle légèrement
dessus et ce vannage rudimentaire suffit à obtenir un produit d’un
beau blanc et d’excellente qualité, qui a grande réputation au
Soudan : on l’exporte jusqu’à Zinder, où il a une haute valeur.

Cette petite sebkha d’Amadr’or n’est pas loin de l’extrémité
méridionale de l’Edjéré ; près d’elle se dresse une gara
basaltique et tout le reg qui l’avoisine est jonché de débris de
laves. Le sel provient probablement du lavage des roches volcaniques.

A part le reg d’Amadr’or, toutes les parties du Massif Central
saharien se ressemblent. On prendra une idée moins incomplète des
aspects du pays en consultant, outre les photographies, et les croquis
joints à ce volume, ceux qu’ont donné le commandant Dinaux, le
capitaine Arnaud et le lieutenant Cortier[33]. Mais le soleil leur
fait défaut : « Ces vues du massif de la Coudia, déchiqueté et
fantastique, donnent l’impression d’un pays noir et lugubre.

« Au contraire, l’ensemble des paysages reste clair ; ce sont
des pastels délicats, des jeux variés de lumière sur les blocs
de granite rose, les plateaux de grès (?) pâles, les coulées
grises des laves ; une richesse de tons, une délicatesse de
nuances, exagérées encore par la limpidité et la profondeur de
l’atmosphère.

« La Coudia est un massif informe, sans harmonie et sans ligne ;
c’est un squelette décharné, mais les couleurs le transforment
en décor féérique. » (Dinaux). C’est le soir et le matin
surtout, que les couleurs sont merveilleuses ; dans l’après-midi,
la lumière du soleil est trop écrasante, les nuances perdent toute
délicatesse ; toutes les couleurs deviennent des gris.


=Hydrographie.= — Ce haut massif a été un centre hydrographique
important. Naissant près d’Idélès, l’Igharghar, accru d’assez
nombreux affluents, traversait le tassili des Azdjer près d’Amguid
et allait aboutir au chott Melr’ir. Ce fleuve important et son
affluent principal, l’oued Mia, descendu du Tadmaït, fertilisent
encore les principales oasis du Sud constantinois. Duveyrier le
premier avait pu mettre en évidence l’importance de ce bassin
dont les recherches patientes de Foureau ont bien fait connaître
les parties moyennes ; les officiers de Tidikelt nous en ont fait,
plus récemment, connaître le bassin supérieur.

Vers l’ouest, un grand nombre de ruisseaux, descendus de la Coudia
et de la Tifédest, se réunissent en deux troncs principaux, l’oued
Takouiat et l’oued Tamanr’asset, que coupe le medjebed d’In
Zize à Timissao. On sait que ces deux fleuves coulent encore parfois
assez loin et que leurs crues se font sentir jusqu’au méridien
de Timissao. Ces crues doivent être violentes, puisqu’elles
suffisent à entraîner des scories basaltiques au nord du tassili
Tan Adr’ar’.

Le Tamanr’asset et le Takouiat n’ont pas été suivis bien loin
vers l’ouest ; on ne sait pas comment ils vont se perdre dans
le tanezrouft qui relie Azzelmatti à Sounfat ; on ignore quelles
relations exactes ils ont avec Taoudenni et les oueds qui descendent
du nord de l’Adr’ar’ des Ifor’as ou du Timetr’in, et dont
l’oued Ilok semble être le principal collecteur.

Au sud, l’oued Zazir, l’Igharghar[34], l’oued Tagrira, le Tin
Tarabin vont se joindre presque certainement au Taffassasset, qui se
rattache actuellement au bassin du Niger. Les cours supérieurs de
ces rivières sont seuls connus ; il subsiste entre l’Adr’ar’
des Ifor’as et l’Aïr un blanc considérable ; mais elles
ne peuvent aboutir qu’au Niger, ou à un bassin fermé inconnu,
dont rien d’ailleurs ne permet de prévoir l’existence (V. carte
géologique hors texte).

Les rivières qui descendent de l’est de la Coudia ou de ses
contreforts ont une histoire plus obscure. Il n’y a pas de doute
pour l’oued Tadent qui est sûrement un affluent du Tin Tarabin. Les
origines du Taffassasset sont moins claires. L’oued Falezlez,
ou Afahlehle, a été coupé par Barth et par von Bary vers le 7°
longitude est ; en ce point il se dirige vers le sud-est et von Bary
indique, d’après ses informateurs indigènes, qu’il aboutit
à Bilma. Barth et plus tard Duveyrier ont cru au contraire que le
Falezlez était la tête du Taffassasset ; une carte récente[35]
du Sahara a adopté cette opinion. Il en résulte, pour le tracé
du fleuve, un coude bizarre que rien jusqu’à présent ne vient
justifier, sauf peut-être l’importance du Taffassasset à In
Azaoua qui permet de supposer un vaste bassin. En tous cas, toutes
les rivières qui, au sud de Tadent, se dirigent vers l’est et qui
ont été reconnues par Barth, vont aboutir au Taffassasset. Foureau
[_Doc. Sc._, p. 247] a donné un schéma de ce bassin hydrographique.


=Les villages.= — La pluie n’est pas très rare sur la Coudia, et
les rivières qui en descendent présentent une structure qui permet
à l’eau de se conserver assez longtemps dans certaines vallées.

Les rivières des contreforts de l’Ahaggar sont, en effet,
d’ordinaire encaissées et assez indépendantes de la direction
des affleurements de roches imperméables, au milieu desquels elles
ont creusé leur lit ; la vallée, souvent assez large, se rétrécit
toutes les fois qu’elle rencontre un seuil rocheux plus résistant,
quartzite silurienne ou filon éruptif : si ces rivières coulaient,
elles présenteraient des rapides. Cette structure en chapelet est
très nette presque partout.

Entre deux barrages successifs, chaque bief présente une pente
notable et l’eau tend à s’accumuler contre le seuil d’aval,
de sorte que la nappe aquifère est d’autant moins profonde que
l’on se rapproche de ce seuil ; aussi les pâturages, situés
à l’amont des barrages, sont fréquents et permettent souvent
l’élevage de troupeaux assez nombreux.

De plus, l’eau, arrêtée à chaque barrage, est à un niveau
un peu plus élevé que le bief suivant de la vallée ; cette
particularité des oueds a été le plus souvent utilisée pour
la création des petits centres de culture qui caractérisent les
contreforts de l’Ahaggar.

Dans certains cas, les plus fréquents, on va chercher, par des
foggaras longues de 5 à 6 kilomètres, l’eau en amont d’un
barrage ; des seguias surélevées permettent une irrigation facile
dans les parties plus basses ; c’est ce procédé qui est employé
à Tamanr’asset, à Tit et à Tin Amensar, toutes les fois que les
alluvions humides, véritables mines d’eau, sont dans une vallée
trop étroite pour permettre facilement l’établissement de jardins,
toutes les fois surtout que des crues violentes sont à craindre,
qui enlèveraient toutes les cultures.

Parfois, dans le haut pays, il y a des ruisseaux permanents ; les
foggaras deviennent alors inutiles et de simples seguias suffisent
à assurer l’irrigation.

Quant aux jardins, ils sont établis dans les vallées les plus
larges, dans celles où le lit de l’oued est creusé au milieu
d’une plaine d’alluvion : on les cultive sur le lit majeur de
l’oued quaternaire ; en général, dans ces vallées élargies,
la nappe aquifère est profonde et c’est pour cette cause que
l’on va chercher l’eau dans un bief supérieur.

Plus rarement la vallée est large, l’eau abondante à fleur de
sol ; c’est ce qui arrive à Abalessa. Tous les oueds qui descendent
du versant occidental de la Coudia coulent d’abord dans une région
déprimée, une cuvette synclinale, que limite à l’ouest la chaîne
élevée de l’Adr’ar’ Aberaghettan. Cette haute sierra, formée
de quartzites, a résisté à l’érosion qui n’a pu réussir à y
creuser que quelques gorges resserrées, quelques brèches exiguës ;
la plus importante livre un étroit passage à l’oued Endid, formé
de la réunion d’une dizaine d’oueds ou de ruisseaux dont les
plus notables, l’oued Outoul, l’oued Tit et l’oued Ir’eli,
viennent tous converger à Abalessa.

La brèche qui donne passage à tous ces oueds arrête les eaux et,
à ses abords immédiats, pendant quelques cents mètres, se trouve un
véritable fourré où dominent les tamarix ; c’est, comme arbres,
un des plus beaux coins de l’Ahaggar.

Lorsque, venant de Silet, on a traversé la région chauve et
dénudée de l’Adr’ar’ Ouan R’elachem, au sommet du dernier
col, la vue d’une telle profusion de ferzig et d’ethel est une
joyeuse surprise. Les arbres sont accompagnés de nombreux arbustes et
de nombreuses graminées ; il y a même quelques fleurs. Plusieurs
hectares sont réellement couverts d’une véritable verdure :
pareil spectacle est vraiment rare au Sahara.

L’Adr’ar’ Aberaghettan, barrant un ensemble de vallées, ne fait
que reproduire en plus grand la disposition des seuils transversaux
qui, dans chaque oued de l’Ahaggar, accroissent, vers l’aval
du bief, l’humidité des alluvions, et dont l’effet se traduit
habituellement par un accroissement des pâturages et l’apparition
d’arbres plus serrés.

Rarement cette structure est autant marquée qu’à Abalessa,
et peu de villages sont aussi riches.

A Abalessa, on a pu creuser, dans chaque jardin, des puits peu
profonds (2 à 3 m.). Ce sont souvent des puits à bascule, type
classique dans les oasis, comme aussi en Anjou ; parfois l’outre à
manche et à double corde, tirée par un âne, comme dans le M’zab
ou à Iférouane, vient simplifier le travail du haratin. Il y a de
plus quelques foggaras et, en fait, dans la plupart des ar’érem,
les deux systèmes, puits et foggaras, coexistent : tout l’effort
des cultivateurs a porté sur l’exploitation de l’eau, et la
meilleure façon de l’avoir en abondance.

Parfois d’autres causes sont intervenues, qui rendent possible
l’établissement de jardins ; à Silet, par exemple, la vallée
est largement ouverte : une coulée de basalte, descendue de
l’Adr’ar’ Ouan R’elachem recouvre les alluvions de l’oued
Ir’ir’i ; la vallée de l’oued Silet est, en amont du ksar,
probablement elle aussi dans le même cas [Villatte, _loc. cit._,
p. 221] ; l’eau, protégée contre l’évaporation, est très
abondante et pendant plusieurs kilomètres, en aval du front de
la coulée, il suffit de creuser légèrement (0 m. 20-0 m. 30)
dans l’oued, pour trouver le niveau aquifère. La vallée est
couverte d’une très belle végétation ; les _Salvadora persica_
forment un véritable taillis qui s’étend à plusieurs kilomètres
de Tibegehin.

Silet et Tibegehin sont les plus belles palmeraies de
l’Ahaggar. Malheureusement, malgré leur richesse en eau et leur
abondance en dattiers, les deux villages jumeaux ont du être
abandonnés : on se contente de venir y cueillir les dattes,
lorsqu’elles sont mûres, dans la première quinzaine du mois
d’août. Le reste du temps tout est à l’abandon ; on ne coupe
jamais les palmes desséchées et les hautes tiges des dattiers
sont couvertes d’un manchon de djerids jaunes et desséchées qui
pendent misérablement vers le sol ; ces palmes forment, il est vrai,
avec leurs épines, un obstacle difficile à franchir et protègent
les régimes contre le vol d’un passant.

Il ne reste à Silet que les ruines d’un ksar et des traces
de seguia, longues de 300 mètres, qui partent de la coulée
de basalte. Malgré les facilités de culture, Silet était
mal placée. Située à la limite de l’Ahaggar, à la porte du
tanezrouft, Silet ne pouvait savoir ce qui se passait dans l’ouest :
les pâturages font défaut dans le tanezrouft, et nul berger ne
pouvait assurer la couverture du village : les rezzou y tombaient
à l’improviste ; l’insécurité trop grande a causé son
abandon. On peut espérer que le calme relatif que nous imposons au
Sahara permettra à ce petit centre de renaître et de se développer.

Les villages de culture de l’Ahaggar, assez nombreux, sont peu
importants ; Motylinski en dénombre trente-cinq. L’expression
d’oasis, qui évoque toujours l’idée d’une palmeraie, ne
leur convient pas : la culture des dattiers manque dans la plupart
d’entre eux ; elle est insignifiante dans les autres. La première
place appartient aux céréales. Aussi vaut-il mieux conserver
à ces centres de jardinage du pays Touareg, leur nom berbère de
ar’érem ; l’orthographe en a été longtemps douteuse (arrem,
agherim) ; on trouve même une variante qui a longtemps servi
à désigner, à l’ouest de Bilma, les jardins de Fachi qui,
depuis Barth, sont souvent appelés Oasis Agram, même sur des
cartes récentes.

Ces villages se ressemblent tous : ils sont formés de quelques huttes
rondes ou carrées, construites en terre ou en diss, mélangeant
les formes soudanaises aux formes des ksour ; les plus peuplés ont
à peine cent habitants. Le tableau suivant, emprunté surtout à
Voinot, permettra de se rendre compte du peu d’importance de la
plupart des ar’érem.

  +---------------+-----+-------+------+------+-------+-----+------------+
  |               |HEC- |NOMBRE |HOMMES|FEMMES|ENFANTS|HABI-|            |
  |               |TARES|  DE   |      |      |       |TANTS|            |
  |               |     |JARDINS|      |      |       |     |            |
  |               +-----+-------+------+------+-------+-----+            |
  |In Amdjel      |     |       |      |      |       | 120 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Idélés         |6 à 8|       |      |      |       |  45 |112         |
  |               |     |       |      |      |       |     |palmiers.   |
  |               |     |       |      |      |       |     |Quelques    |
  |               |     |       |      |      |       |     |figuiers.   |
  |               |     |       |      |      |       |     |3 pieds de  |
  |               |     |       |      |      |       |     |vigne.      |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tazerouk       | 30  |       |  38  |  29  |  16   |  83 {140         |
  |               |     |       |      |      |       |     {hectares    |
  |Tebirbirt      | 3-4 |       |      |      |       |     {d’anciennes |
  |               |     |       |      |      |       |     {cultures    |
  |               |     |       |      |      |       |     {abandonnées |
  |               |     |       |      |      |       |     {entre       |
  |               |     |       |      |      |       |     {Tazerouk et |
  |               |     |       |      |      |       |     {Tebirbirt.  |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Aïtoklane      |  3  |       |      |      |       |     |abandonné   |
  |               |1/2 ?|       |      |      |       |     |depuis 1902.|
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tin Tarabin    | 11  |       |  20  |  17  |   4   |  41 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tarahaouthaout | 34  |       |  39  |  29  |  22   |  90 |2 figuiers, |
  |               |     |       |      |      |       |     |4 bœufs.    |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tamanr’asset   | 15  |  24   |  24  |  15  |   3   |  42 |5 foggaras, |
  |               |     |       |      |      |       |     |la nappe    |
  |               |     |       |      |      |       |     |d’eau à     |
  |               |     |       |      |      |       |     |1m,50       |
  |               |     |       |      |      |       |     |ou 2 m.     |
  |               |     |       |      |      |       |     |Motylinski  |
  |               |     |       |      |      |       |     |indique 52  |
  |               |     |       |      |      |       |     |habitants.  |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tin Ghellet    |  8  |       |  11  |   6  |   6   |  23 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Outoul         |  2  |   3   |   3  |   3  |   2   |   8 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tahert         |  2  |   3   |   2  |   2  |   4   |   8 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Saliski        | 3,5 |   5   |      |      |       |   5 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tarhananet     |  2  |       |   3  |   1  |   2   |   6 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tit            | 16  |  23   |  23  |  17  |  10   |  50 |1 palmier,  |
  |               |     |       |      |      |       |     |13          |
  |               |     |       |      |      |       |     |figuiers.   |
  |               |     |       |      |      |       |     |Raisin.     |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tin Amensar    |     |       |  21  |  18  |  11   |     |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |   { Amont     |     |   6   |      |      |       |  16 |            |
  |   {           |     |       |      |      |       |     |            |
  |   { Centre    | 13  |   6   |      |      |       |  11 |            |
  |   {           |     |       |      |      |       |     |            |
  |   { Aval      |     |   7   |      |      |       |  23 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Endid          |     |       |      |      |       |     |94 palmiers |
  |               |     |       |      |      |       |     |(abandonné).|
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Abalessa       | 18  |  26   |  25  |  29  |  10   |  64 |40          |
  |               |     |       |      |      |       |     |palmiers,   |
  |               |     |       |      |      |       |     |12          |
  |               |     |       |      |      |       |     |figuiers,   |
  |               |     |       |      |      |       |     |8 bœufs,    |
  |               |     |       |      |      |       |     |1 pied de   |
  |               |     |       |      |      |       |     |vigne.      |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tefaghiz       |  6  |       |  17  |   8  |   6   |  31 |4 bœufs.    |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Iguelen        |  7  |       |  10  |   9  |   ?   |  19 |2 bœufs.    |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Tifert         |5 1/2|       |   5  |   5  |   2   |  12 |            |
  |               |     |       |      |      |       |     |            |
  |Silet-Tibegehin|     |       |      |      |       |     |300         |
  |               |     |       |      |      |       |     |palmiers.   |
  |               +-----+       |      |      |       +-----+            |
  |               | 188 |       |      |      |       | 697 |            |
  +---------------+-----+-------+------+------+-------+-----+------------+

Toutes les tribus importantes possèdent quelques-uns de ces jardins ;
le plus grand nombre semble appartenir aux Kel R’ela et aux Dag
R’ali. On trouvera le détail dans Motylinski et surtout dans
Benhazera.

Malgré leur état misérable, les ar’érem impriment cependant à
l’Ahaggar un cachet particulier : la vie sédentaire est possible
dans les hautes régions du Sahara.

Tout incomplet qu’il soit, ce tableau nous donne quelques
renseignements intéressants ; il confirme l’état misérable des
cultures ; il nous apprend que chaque jardin, cultivé par un chef
de case, a une surface restreinte, variant d’un demi-hectare à un
hectare ; il nous montre enfin combien la population en est anormale :
les hommes sont de beaucoup les plus nombreux (46,2 p. 100) ; il y
a peu de femmes (35,4 p. 100) et à peine d’enfants (17,5 p. 100).

Ces villages sont de création récente ; ils n’existaient pas,
il y a un siècle, d’après les renseignements recueillis par le
capitaine Dinaux [_Bull. Com. Afr. fr._, mars 1907, p. 65] ; ils ont
été établis avec le concours, souvent involontaire, des haratins
du Tidikelt et du Touat et la collaboration, toujours forcée, des
esclaves achetés ou razziés au Soudan. Les cultivateurs n’ont
aucune racine dans le pays ; ce sont des immigrés de date récente
à peine installés dans l’Ahaggar.

Leur situation n’est cependant pas très mauvaise ; le terrain
appartient aux Touaregs, qui assurent tant bien que mal la
sécurité. En principe, chacun peut cultiver toute terre inoccupée
en payant une légère redevance au maître du sol. Dans la pratique
il n’y a que des fermiers : il faut un propriétaire pour conserver
les provisions et faire des avances aux haratins, incapables par
eux-mêmes de la moindre prévoyance.

Les conditions faites au fermier sont habituellement les suivantes :
pour sa nourriture, il touche annuellement une charge en hiver (180
litres) et une demi-charge en été moitié en dattes, moitié en
grains (bechna de l’Aïr) et dix taz’ioua (environ trente litres)
des mêmes denrées à chaque labour. L’établissement d’un
nouveau puits, les grosses réparations aux foggaras donnent lieu
aussi à une rétribution. Le maître fournit de plus aux haratins
les outils de jardinage et le bétail (âne ou bœuf) nécessaires
pour tirer l’eau des puits ; il donne tous les ans la semence. Le
haratin a encore pour lui tout ce qu’il peut planter dans les
séguias, autour du bassin d’arrosage et dans neuf plate-bandes
qui lui sont réservées ; ces plate-bandes (agemoun) ont chacune
la dimension d’une planche moyenne d’un potager français.

Le reste du jardin est planté en blé et en petit mil (bechna) ;
on sème habituellement dans chaque jardin (70 ares en moyenne
d’après Voinot), 12 mesures de blé (36 litres) et 2 de bechna (6
litres). Si l’arrosage est suffisant, le blé rapporte au moins 20
fois et le bechna 60 fois ou même 80 fois la semence. Dans les oasis,
le blé rapporte beaucoup moins : 4 à 5 fois la semence à Sali ; 8
à 9, à Tit (Tidikelt) ; aussi y est-il peu cultivé et la première
place revient-elle à l’orge qui ne joue qu’un rôle insignifiant
dans les ar’érem de l’Ahaggar. Quant au bechna, son rendement
est médiocre sur la Coudia ; au Soudan, il rapporte jusqu’à 400
fois la semence ; il est vrai que le bechna de l’Ahaggar est de
qualité supérieure et s’échange à volume égal contre le blé ;
le mil est ici à la limite altitudinale extrême de son habitat
et dans les villages élevés de l’Ahaggar, à Taz’erouk par
exemple (2000 m.), on fait deux récoltes successives de blé, sans
alternance de mil. Le blé est semé fin novembre à Tamanr’asset
(1300 m.) et récolté en mai ; en juin, on sème le bechna qui est
mûr en octobre.

Les principaux légumes cultivés sont des courges (pastèques et
plusieurs variétés à cuire), les tomates, oignons, carottes, choux,
lentilles, fèves et quelques autres légumineuses, enfin la menthe,
qui sert à préparer des infusions ; elle remplace ou complète le
thé. — Tous ces légumes reviennent aux haratins.

Les arbres fruitiers sont quelques dattiers, les figuiers et la vigne,
cette dernière surtout à Tit. Le raisin mûrit au commencement
d’août ; c’est une petite clairette ronde à peau fine, plus
proche des raisins de France que de ceux d’Algérie ; cette vigne
pousse à l’état sauvage dans les fourrés de roseaux et de tamarix
qui couvrent l’oued Tit et l’on ne s’en occupe qu’au moment
de la récolte. Les Touaregs n’ont pas le souvenir qu’elle
ait été plantée. La vigne est un vieil habitant du bassin de
la Méditerranée, où on la connaît dans les tufs quaternaires
et pliocènes ; elle pourrait être spontanée dans l’Ahaggar,
comme elle semble l’être au sud du Caucase.

Les procédés de culture sont les mêmes qu’aux oasis : la houe et
un panier suffisent à tous les travaux. Le plus souvent, dans les
ar’érem importants, un champ est partagé entre six haratins ;
ce nombre est imposé par le mode de distribution de l’eau :
chaque chef de case a droit, pour la portion qu’il cultive, à
l’eau pendant un jour et une nuit par semaine ; ce groupement par
six existe certainement à Tamanr’asset où les foggaras sont très
développées ; à Abalessa, où les puits sont abondants, les jardins
sont plus isolés et le partage de l’eau est peut-être différent.

Il est visible, pour qui connaît le pays, que les cultures de
l’Ahaggar pourraient être beaucoup plus étendues qu’elles ne
le sont, malgré les périodes de sécheresse qui ne deviennent
dangereuses que lorsqu’elles dépassent trois années ; de
nombreux symptômes font espérer un accroissement rapide. Les
haratins semblent s’intéresser aux plantes que nous cherchons
à introduire ; lors de la tournée Laperrine en 1904, des graines
leur avaient été distribuées ; la betterave surtout les avait
enchantés, et, en 1905, ils en redemandaient des graines dont le
P. de Foucauld avait une bonne provision.

Les Touaregs, qui, comme tous les pasteurs, voyaient dans les jardins,
placés toujours dans les oueds les plus fertiles, un obstacle,
une entrave au libre parcours de leurs troupeaux, se rendent
compte que l’ère des rezzou sera bientôt close complètement ;
les bénéfices qu’assuraient les expéditions au Soudan et dans
l’Aïr font dès maintenant défaut. Aussi songent-ils à reprendre
les jardins abandonnés et à étendre les cultures.

L’aménokal Moussa a déjà fait creuser quelques foggaras nouvelles
et commence d’importantes constructions à Tamanr’asset.

En particulier le dattier semble ne pas occuper, dans les ar’érem
de l’Ahaggar, une place suffisante. Les quelques palmiers qui y
existent déjà, malgré l’absence d’entretien, donnent un produit
de qualité acceptable ; il y a, au peu de développement de cette
culture si importante pour les nomades, une double cause. Lorsque
des dattiers existent dans un jardin, tous leurs produits reviennent
entièrement aux propriétaires du sol ; les fermiers n’ont aucun
intérêt à planter de nouveaux arbres ni à soigner les anciens ;
il est facile de modifier cette fâcheuse coutume. La datte est au
Tidikelt un des principaux articles d’exportation et donne lieu
chaque année à des échanges importants avec le bétail touareg ;
les Ahl Azzi et tous les Ksouriens des oasis ont toujours cherché
à persuader aux Kel Ahaggar que le climat de leurs montagnes ne
convenait pas au développement du palmier. L’expérience montre
cependant qu’il n’en est rien.

[Illustration : Fig. 19. — Ahaggar. Le volcan démantelé de
l’Haggar’en avec son point culminant, le Tin Hamor. — Le
plateau basaltique (rhyolithe œgyrinique) d’Hadrian, entaillé
par la brèche d’Élias. — De Tamanr’asset.]

Quoiqu’il en soit des accroissements possibles, les bénéfices
actuels paraissent suffire aux jardiniers, qui y ajoutent la récolte
de quelques plantes sauvages. La plupart semblent satisfaits de
leur sort ; fort peu ont demandé, depuis l’occupation française,
à retourner au Tidikelt. On ne voit pas d’ailleurs chez eux ces
poitrines décharnées, ces exemples de maigreur excessive et de
profonde misère physiologique, qui sont si fréquents au Touat et
au Gourara.

L’industrie de l’Ahaggar est encore plus misérable que la
culture ; partout on travaille le bois pour faire des écuelles et
quelques ustensiles aussi simples ; le bois de tamarix, peu dur,
paraît le plus employé ; la confection des nattes et des paniers en
tiges de graminées ou en feuilles de palmier, la préparation du cuir
sont familières à tous, sédentaires ou nomades. On fait un peu de
poterie à Abalessa. Des forgerons vivent au milieu des principaux
groupements touaregs ; ils forment une caste à part ; ce sont des
noirs qui ne comptent dans aucun tribu ; ils se marient entre eux
et dédaignent les esclaves et les haratins. Ces forgerons ne font
guère que de menues réparations et, parfois, un peu de bijouterie.

Les objets un peu compliqués (selles de méhari, sabres, lances)
viennent du Soudan par l’intermédiaire de l’Aïr ; les
instruments de culture dont se servent les haratins sont achetés
aux oasis.


=Les Nomades.= — Les maîtres du pays, les Touaregs, sont
exclusivement des éleveurs ; leur nombre est peu considérable.

Les Kel Ahaggar se partagent en trois groupes, placés chacun sous
l’autorité d’une tribu noble, dont le chef a pour insigne de
commandement un tambour, un « tobol » qui sert, en théorie du
moins, à donner le signal d’alarme.

La tribu des Taïtok habite l’Ahnet et a été étudiée par Gautier
[V. t. I, p. 330] ; des descendants de Tin Hinan, l’ancêtre
marocaine ; des Kel Ahaggar, il ne reste dans l’Ahaggar que les
Kel R’ela et les Tedjéhé Mellet. Les indications de Benhazera
permettent d’établir les statistiques suivantes :

                        =Tobol des Kel R’ela.=

  +----------------+-------+---------+---------+----------+---------+
  |                |TENTES |GUERRIERS|CHAMEAUX | MOUTONS  |BŒUFS[36]|
  |                |       |         |         |ET CHÈVRES|         |
  |                +-------+---------+---------+----------+---------+
  |Kel R’ela       |55 à 60|    50   |1000-1200|   2500   |   30    |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Dag R’ali       | 40-50 |    60   |  1000   |   2000   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Adjouh n’Taheli | 40-50 |    60   |   800   |   1800   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Aït Loaïn       |   25  |    50   |   400   |   1200   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |R’elaïddine     |   25  |    30   |   400   |   1500   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Kel In R’ar     |   30  |    50   |   800   |   1500   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Kel Amdjid      |   20  |    30   |   250   |   1000   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Kel Tifedest    |   15  |    20   |   200   |    600   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Kel Tazoulet    |   35  |    50   |   600   |   1500   |         |
  |                |       |         |         |          |         |
  |Yheaouen Hadn   |   20  |    30   |   400   |    600   |         |
  |                +-------+---------+---------+----------+---------+
  |                |  335  |   430   |  5050   |  14200   |   30    |
  +----------------+-------+---------+---------+----------+---------+

Quelques tribus, appartenant au même tobol, nomadisent dans le
Mouidir ; ce sont les suivantes :

  +-------------+--------+-----------+----------+------------+
  |             | TENTES | GUERRIERS | CHAMEAUX |  MOUTONS   |
  |             |        |           |          | ET CHÈVRES |
  |             +--------+-----------+----------+------------+
  | Kel Immidir | 35-40  |     50    |   300    |    1200    |
  |             |        |           |          |            |
  | Isselamaten | 12-15  |           |    40    |     400    |
  |             |        |           |          |            |
  | Ireguenaten |        |     50    |    ?     |     ?      |
  |             +--------+-----------+----------+------------+
  |             | 47-55  |    100    |   340    |    1600    |
  +-------------+--------+-----------+----------+------------+

Enfin, les Ibottenaten, qui peuvent mettre sur pied une centaine
d’hommes, habitent d’ordinaire l’Adr’ar’ des Ifor’as.

                      =Tobol des Tedjehé Mellet.=

  +---------------+------+---------+--------+----------+
  |               |TENTES|GUERRIERS|CHAMEAUX| MOUTONS  |
  |               |      |         |        |ET CHÈVRES|
  |               +------+---------+--------+----------+
  |Tedjéhé Mellet |  20  |    ?    |   450  |   800    |
  |               |      |         |        |          |
  |Kel Ohat       |  30  |   40    |   400  | 6 à 700  |
  |               |      |         |        |          |
  |Kel Terourirt  |  15  |   25    |   300  |   800    |
  |               +------+         +--------+----------+
  |               |  65  |         |  1150  |2200-2300 |
  +---------------+------+---------+--------+----------+

Les Kel Terourirt nomadisent habituellement dans le tassili des
Azdjer.

Quelques fractions du tobol des Taïtok habitent d’ordinaire
l’Ahaggar ; les Ikechammaden, une quinzaine d’hommes à peu
près, vivent avec le Dag R’ali ; les palmiers de Silet leur
appartiennent. Les Tedjehé n’Efis sont plus disséminés ; un
tiers, à peu près une dizaine de tentes, nomadisent aux environs
de Tamanr’asset ; le reste habite l’Aïr et l’Adr’ar’
des Ifor’as.

Benhazera [_l. c._, p. 140-143] donne, pour 54 tentes des Kel R’ela,
une statistique détaillée, nominative. Si j’ai bien compté,
il y a 39 hommes, 42 femmes et 82 enfants (41 fils, 41 filles) ;
une veuve, Tazza oult Doua, a 8 enfants ; 4 familles en ont 5 ;
5 ménages sont sans enfants.

Les fortunes sont restreintes ; on cite les Touaregs, nobles ou
imr’ad, qui ont une centaine de chameaux ; Moussa ag Amastane,
en a possédé 200. Sidi ag Keradji, l’ancien chef de l’Ahnet,
un des guerriers les plus célèbres du Sahara, ne vit guère que
de mendicité.

On trouvera de nombreux détails dans Benhazera sur l’organisation
et les mœurs de ces tribus et sur les impôts que les imr’ad
paient aux nobles.

Malgré tous ces chiffres précis, il est difficile de fixer la
population de l’Ahaggar. La liste des Kel R’ela donne à peu
près 3 habitants par tente ; il y aurait donc environ 1350 Touaregs,
hommes, femmes et enfants dans tout l’Ahaggar ; ce chiffre est
d’accord avec ce qu’indique le combat de Tit (avril 1902) :
les Touaregs, dont la mobilisation avait été aussi complète que
possible, avaient pu rassembler environ 300 guerriers. Il ne faut
pas oublier que les Kel Ahaggar sont la confédération la plus
importante des Touaregs du nord.

Les haratins sont moins d’un millier ; il faudrait y joindre les
nègres et les négresses qui vivent avec les nomades et qui sont
probablement plus nombreux que leurs maîtres ; pour ces serviteurs,
les chiffres font totalement défaut. Malgré cette incertitude,
il est douteux que la population totale de l’Ahaggar et de ses
annexes dépasse 5 ou 6000 habitants pour une superficie grande
comme le quart de la France.

Un fait assez surprenant est que les Touaregs sont peu nomades de
tempérament ; pendant son voyage de l’Adr’ar’ à Gao, Gautier
avait été frappé par leurs instincts casaniers. Tout confirme
cette impression qui n’est paradoxale qu’à première vue.

Chez eux la transhumance n’existe pas ; ils ne font pas de voyages
réguliers, fixés par les saisons, comme les pâtres d’Espagne ou
du midi de la France ; leurs terrains de parcours sont limités à
quelques vallées, d’où ils ne s’éloignent habituellement pas ;
dans la majeure partie de l’Ahaggar, les coups de main sont peu à
craindre et les troupeaux paissent sans gardiens ; le maître fait
de temps à autre une tournée pour savoir où sont ses bêtes ;
il est d’ailleurs renseigné sur elles par tous les passants.

Aussi beaucoup de Touaregs ne connaissent-ils que les quelques
vallées qu’ils parcourent habituellement ; sur le reste du pays
ils ne savent que ce qu’ils ont appris par ouï dire. Pour une
expédition un peu lointaine, il est difficile de trouver un guide,
sauf pour quelques pistes que suivent habituellement les rezzou.

En somme, chez les Touaregs, la stabilité est la règle ; elle
seule convient à leur caractère ; tous aiment se réunir ; il
y a chez eux des nécessités en quelque sorte mondaines ; les
soirées musicales, l’ahal, sont journalières et sont toujours
fréquentées. Ce besoin de relation de voisinage est difficilement
compatible avec une vie errante.

Aussi n’est-ce que contraints et forcés que les Kel Ahaggar,
comme les Kel Ahnet, se décident à se déplacer ; la cause la plus
habituelle de ces migrations est la sécheresse ; quand, pendant
plusieurs années, la pluie a manqué au Sahara, les pâturages
habituels disparaissent et tout le monde se déplace en bloc. On
est parfois obligé d’aller fort loin chercher des régions plus
favorisées.

A la suite d’une longue période sans pluie et des ravages des
sauterelles (1906), tous les habitants de l’Ahnet ont dû se
réfugier dans l’Adr’ar’ ; plus récemment (1908), toutes
les tribus de l’Ahaggar ont été forcées, pour le même motif,
d’abandonner leurs montagnes et d’aller installer leur troupeau
entre l’Aïr et l’Adr’ar’.


                        L’Adr’ar’ des Ifor’as.


A peine connu il y a quelques années, l’Adr’ar’ des
Ifor’as[37] est maintenant une des parties les mieux étudiées
du Sahara.

Il y a à cela d’excellentes raisons. L’Adr’ar’ est, sur la
route d’In Salah à Gao, c’est-à-dire de l’Algérie au Niger,
la seule région où l’on soit certain de rencontrer, en toute
saison, des pâturages suffisants. En cas de sécheresses prolongées,
les Touaregs de l’Ahaggar et de l’Ahnet viennent s’y réfugier
avec leurs troupeaux. Les mêmes causes géographiques ont obligé
à plusieurs reprises les méharistes du Tidikelt, au cours de leurs
longues randonnées sahariennes, à y séjourner pour refaire leurs
animaux. Cette nécessité leur a permis de faire œuvre politique
utile, puisqu’ils ont toujours trouvé dans l’Adr’ar’
des tentes dépendant des tribus soumises à leur commandement ;
elle leur a permis aussi d’y rencontrer, à plusieurs reprises,
les troupes du Soudan de qui relève l’Adr’ar’, et qui,
elles aussi, y nomadisent volontiers. Ces jonctions fréquentes,
qui montrent à tous l’accord complet d’Alger et de Dakar,
sont du meilleur effet sur l’esprit des nomades.

Ces séjours de détachements, venus du nord et du sud, ont été
l’occasion de nombreux itinéraires, tous levés avec soin ;
un canevas d’observations astronomiques assez serré est venu
accroître leur précision ; la carte que vient de donner de ce pays
le lieutenant Cortier peut être considérée comme définitive ;
il n’y manque plus que quelques indications hypsométriques.

Personnellement je n’ai vu que le nord-est du pays, en suivant le
contour du triangle In Ouzel, Timiaouin, Tin Zaouaten ; ce qui suit
sera surtout un résumé des notes de Gautier[38], qui a traversé
l’Adr’ar’ d’In Ouzel à la vallée du Telemsi, du rapport
de Dinaux et de l’ouvrage de Cortier[39] qui, pendant plus d’un
mois, a parcouru la région sans autre préoccupation que des études
géographiques et astronomiques. La bonne monographie de Cortier
rend inutile un long chapitre.

A l’ouest, comme au sud, les limites de l’Adr’ar’ sont très
nettes ; elles sont marquées par une bande de calcaires fossilifères
(Crétacé supérieur, Éocène), que jalonnent des puits profonds ;
grâce à la perméabilité du sol, les eaux ne séjournent pas à
la surface de ces calcaires ; elles disparaissent en profondeur dans
des miniatures d’aven, des entonnoirs de quelques centimètres
de diamètre ; cette bande est, aux dimensions près, un karst. Les
Touaregs sont très conscients de la stérilité de cette zone et de
ses causes ; ils distinguent nettement, des territoires avoisinants,
cette plaine aride qu’ils appellent l’Adjouz. On peut la suivre
au moins jusqu’au Mabrouka, au sud du Timetr’in ; elle borde
l’Adr’ar’ à l’ouest et au sud, et s’étend très loin
vers l’est (cf. carte géologique hors texte).

Cet Adjouz est une région déshéritée, où l’extrême
perméabilité du sol annihile l’influence heureuse d’une
saison de pluies régulières ; elle sépare par sa stérilité les
pâturages de l’Adr’ar’ des hautes plaines argilo-gréseuses
du bassin du Niger, où nomadisent les Kountah et les Oulimminden.

L’Adr’ar’ des Ifor’as n’est pas très différent, au point
de vue géologique, des régions qui l’avoisinent au nord et à
l’est. Comme le tanezrouft d’In Zize, il est essentiellement
constitué par les terrains silurien et archéen ; il y a tout au plus
à remarquer que l’Archéen qui, dans le tanezrouft, n’occupe
qu’une assez faible surface et joue un rôle subordonné, prend
la première place dans l’Adr’ar’, surtout dans sa partie
occidentale. Il en résulte, pour l’ensemble du pays, un aspect
plus massif et plus confus.

Malgré ces analogies géologiques, l’individualité de
l’Adr’ar’ des Ifor’as est cependant bien tranchée ;
par sa latitude, il devrait être un tanezrouft ; son relief,
récemment rajeuni, lui assure une saison des pluies régulières,
qui le rattache à la zone fertile de la brousse à mimosées ;
les pâturages y sont permanents, et les habitants presque
sédentaires. Ses limites sont très précises ; à part la large
route fertile de la vallée du Tilemsi, qui le relie au Niger,
l’Adr’ar’ est entouré sur toutes ses faces par le désert ;
au nord et à l’est, le redouté tanezrouft le sépare de l’Ahnet
et de l’Ahaggar ; à l’ouest et au sud, l’Adjouz aux puits
profonds l’isole de la zone sahélienne.


=Orographie.= — L’Adr’ar’ est, dans l’ensemble, un
plateau dont l’altitude est voisine de 800 mètres ; quelques
paquets granitiques, à structure massive, atteignent un millier de
mètres. Ces reliefs montagneux à contours arrondis, surmontés
parfois de coupoles en dômes, se pressent surtout à l’ouest
du plateau où ils forment une bande presque continue de Tessalit
à Es-Souk, bande dont l’Adr’ar’ Terrarar occupe le centre ;
ils sont beaucoup plus espacés dans le reste de l’Adr’ar’. Il
résulte de cette disposition une certaine dyssymétrie : la pente
générale du plateau est vers le sud-ouest et les plus hauts massifs
sont à l’ouest ; tandis que par ses trois faces nord, est et sud,
l’Adr’ar’ se relie sans rupture de pente aux pays voisins,
il est limité à l’ouest par une dénivellation assez brusque.

Des hauteurs qui, d’une centaine de mètres, dominent Tessalit, on
découvre à l’est et vers le sud un plateau élevé, à structure
informe, où nul sommet ne se détache nettement. Vers l’ouest,
à 500 mètres tout au plus, l’Adr’ar’ cesse brusquement :
à perte de vue, s’étend une immense plaine couverte de
maigres pâturages et d’où n’émergent aucune colline, aucun
rocher. Toute la frontière occidentale de l’Adr’ar’ est
partout aussi clairement définie.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                 PL. V.

[Illustration : Cliché Pasquier

9. — ADR’AR’ DES IFOR’AS.

Un col au sud de Timiaouin.]

[Illustration : Cliché Laperrine

10. — UN OUED DE L’ADR’AR’ DES IFOR’AS.]


=Hydrographie.= — De cette structure hétérogène de
l’Adr’ar’ résultent pour les oueds deux aspects très
différents : dans la montagne, les oueds sont encaissés et
serpentent parfois dans de véritables gorges ; la pente est
d’ordinaire assez forte et les crues violentes. Le lit est tapissé
de gravier, souvent coupé de roches, et la végétation arborescente
seule à pu s’y développer. Dans ces vallées étroites, il
y a quelques aguelmans et parfois des puits permanents profonds
d’une dizaine de mètres au plus. Combemorel a donné [_l. c._]
des détails précis sur ces oueds encaissés.

Sur le plateau, au contraire, les oueds ont une tout autre allure ;
Gautier a vu l’oued Etambar couler le 23 juillet 1905 et l’a
traversé pendant la crue ; le lit, avec des ramifications très
compliquées, avait plusieurs kilomètres d’un bord à l’autre,
et il a fallu, à la petite caravane, patauger pendant plus d’une
heure dans une étendue indéfinie d’eau sans profondeur ;
l’énorme masse liquide était animée d’un mouvement de
translation insensible : c’était une pellicule d’eau n’ayant
nulle part les allures vives d’une rivière. Deux jours après,
l’oued Etambar était à sec.

Cet état de l’oued, pendant la crue, aide à comprendre l’aspect
de l’oued à sec, dans son état normal.

L’oued normal est une plaine alluviale plantée d’une savane,
et il n’est que cela. Dans cette plaine, il existe en certains
points des ravinements nettement circonscrits, sans continuité ; ce
sont les traces de remous ou de tourbillons locaux le plus souvent
en relation avec quelque saillie granitique. Nulle part l’oued
n’est encadré entre des berges, il n’a même pas de rives ;
ses limites sont tout à fait incertaines et on se trouve l’avoir
quitté sans s’en apercevoir.

L’oued ainsi défini est démesurément large ; il s’étale sur
plusieurs centaines de mètres et souvent dépasse le kilomètre. Les
alluvions sont très fines, sans galets ni cailloutis ; l’ensemble
est limoneux. La surface est très horizontale et très lisse ; elle
contraste singulièrement avec les oueds sahariens où la végétation
et le sable se livrent un combat désordonné, oueds encombrés de
dunes en miniature qui montent à l’assaut des moindres touffes :
dans l’Adr’ar’, les alluvions, pendant les neuf mois de la
saison sèche, restent assez imbibées d’eau pour n’offrir aucune
prise aux actions éoliennes. Pendant la saison des pluies, après un
trajet assez bref dans les ravins de la montagne, les eaux des orages
se trouvent réunies dans une immense plaine bien nivelée et s’y
présentent sous la forme d’une nappe mince, presque pelliculaire,
cheminant à peine (0 m. 25 par minute) et bien vite absorbée par
la masse des alluvions. Jamais l’ensemble de ce réseau ne coule,
jamais une crue ne cheminera pendant des centaines de kilomètres
comme il arrive au Sahara : l’Adr’ar’ garde toutes ses pluies
pour sa consommation personnelle.

Cette structure anormale du réseau hydrographique tient à la
dyssymétrie du relief de l’Adr’ar’ ; presque tous les oueds ont
leur source vers l’est ; ils s’épandent d’abord largement sur
le plateau d’où ils ne peuvent s’échapper qu’en franchissant
les massifs granitiques, accumulés surtout vers l’ouest de la
pénéplaine : ils reprennent alors pour un moment leur allure de
cours d’eau de montagnes. Cette discontinuité dans la pente des
rivières prouve aussi la jeunesse du relief de l’Adr’ar’.

Tout cela fait à l’Adr’ar’ une physionomie géographique facile
à schématiser : de grandes plaines d’alluvions fertiles, couvertes
de graminées et de quelques arbres, autour desquelles s’élèvent
quelques blocs de roches dénudées, d’aspect franchement saharien.

Les massifs rocheux appartiennent encore au désert : granite,
porphyres et gneiss sont couverts d’un vernis noir et luisant
qui est la marque des climats secs ; les oueds qui les traversent
ne contiennent que quelques arbres assez maigres, des acacias,
des asabay ; ils ne diffèrent pas, à première vue, des ravins
d’In Zize.

Quant aux plaines d’alluvions, elles doivent leur richesse à
une graminée spéciale, non encore déterminée, l’alemouz. Elle
lève quelques semaines après les premières tornades ; pendant la
saison sèche, elle persiste, sous forme de chaume haut de vingt à
trente centimètres, jusqu’à la saison des pluies suivantes :
la première crue en détruit les derniers restes. Les arbres qui
font de ces plaines d’alluvions des savanes sont ceux de la zone
sahélienne ; quelques lianes les accompagnent.

Les points d’eau de l’Adr’ar’ sont de plusieurs types :
dans la montagne les r’edirs abondent ; leur accès est souvent
difficile et fort peu sont permanents.

Les puits véritables, les « anou », ne dépassent jamais une
douzaine de mètres de profondeur ; ils se rencontrent en général
sur la berge de l’oued, hors des atteintes de la crue, près
du débouché de l’oued dans les plaines d’alluvions, au pied
des massifs montagneux ; leur débit est d’ordinaire assez bon et
permet d’alimenter au moins une quinzaine de chameaux à l’heure
(un chameau boit de 70 à 80 litres, parfois davantage). Ces puits
sont à large orifice et l’eau y est puisée au moyen d’un
simple seau, d’un simple délou [t. I, pl. VII] : nulle part,
on ne se sert de poulies, ni on n’utilise la traction animale.

Pendant la saison des pluies, toutes les plaines d’alluvion sont
semées d’eau stagnante : ce sont le plus souvent de simples flaques
de quelques mètres carrés de superficie, mais qui, pendant plusieurs
mois, suffisent aux besoins des troupeaux et des indigènes.

Comparé à l’Ahaggar, l’Adr’ar’ est un pays riche ;
l’élevage du bœuf à bosse, du zébu, s’y fait en grand
et les bêtes y sont bien nourries toute l’année ; des zébus
abattus en juillet, pour le ravitaillement de la colonne Dinaux,
quelques semaines seulement après les premières pluies, étaient
en excellent état, ce qui laisse à supposer qu’ils n’avaient
pas trop souffert de la saison sèche.

La plupart des habitants de l’Adr’ar’ donnent l’impression de
gens qui mangent habituellement à leur faim ; ce signe de richesse
ne manque pas d’impressionner quand on vient du nord, non plus
que le développement de poitrine des femmes Ifor’as, chez qui
l’on trouve souvent le type de nos nourrices. Moins sveltes et
moins adroites que les targuiates de l’Ahaggar, moins entraînées
aussi à une vie active, les femmes de l’Adr’ar’, sauf deux
ou trois, ont renoncé au méhari ; et, dans leurs déplacements,
qui sont rarement plus longs qu’une demi-journée, elles usent
d’une monture moins noble et se contentent de l’âne. Elles
n’ont pas cependant l’embonpoint prodigieux des femmes de
la boucle du Niger qui, à force de graisse, deviennent presque
impotentes et qu’il faut, en cas de déplacement, charger comme
des colis sur de robustes bœufs.

Le cheptel de l’Adr’ar’ est abondant ; on rencontre en route
de nombreux troupeaux ; et, à défaut de statistique, le bas prix
du bétail prouve combien il est commun : une chèvre vaut 3 fr. 15,
une vache de 35 à 50 francs ; dans l’Ahaggar, les bœufs sont
introuvables et une chèvre vaut de 7 à 12 francs[40].


=Villages.= — Comme dans l’Ahaggar, il existe, dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, quelques jardins, mais encore plus
exigus ; Cortier en énumère six.

A Tessalit, il y a près de 200 palmiers qu’il n’est pas
nécessaire d’arroser, la nappe d’eau étant peu profonde ;
ils produisent au plus 40 charges de dattes de qualité médiocre ;
presque tous appartiennent au marabout Baï qui a en plus, dans
l’ar’erem, une case carrée en pierres et six ou sept gourbis
où habitent ses haratins. Baï n’est pas seul propriétaire
de Tessalit : Mohammed Illi, amr’ar des Ifor’ass, y possède
quelques palmiers et un nègre chargé de les surveiller. Les puits
de Tessalit ont de 5 à 6 mètres de profondeur et permettent de
cultiver, à l’ombre des dattiers, des oignons, du tabac, etc.

Teleyet ou Telia a été pendant longtemps ce que l’on pourrait
appeler le centre religieux de l’Adr’ar’ : Sidi Amer, marabout
kounta, acheta aux Tara Mellet l’oued Telia et ses puits au prix
de 15 chèvres ; il y fonda une kasbah et y installa sa zaouïa. Son
fils aîné, Sidi Mohammed, lui succéda et à sa mort (1895) fut
remplacé par Baï son frère qui, secondé par d’autres frères
et des neveux, prit la direction de la zaouïa.

Depuis la venue des Français à Teleyet (colonne Théveniaux,
1904), Baï a abandonné sa kasbah et vit maintenant sous la tente,
mais sans jamais s’éloigner beaucoup de son ancienne résidence.

Baï est un homme d’une quarantaine d’années qui a une grande
réputation de sainteté et de science : sa bibliothèque est
célèbre au Sahara ; elle représente, dit-on, la charge de trois
ou quatre chameaux.

L’influence de Baï est considérable et il l’a toujours employée
à faire régner la paix ; son élève le plus marquant est Moussa ag
Amastane, Aménokal des Kel Ahaggar ; c’est en suivant les conseils
pieux de son maître que Moussa s’est acquis un grand renom de
sagesse et de bonté chez les Touaregs ; c’est aussi d’après
les avis du marabout qu’il a poussé ses compagnons d’armes à
se soumettre à nous après le combat de Tit (avril 1902).

Malgré le grand rôle que Baï a joué dans la pacification du
Sahara, il a toujours évité, jusqu’à présent, d’entrer
en relations directes avec nous, comme d’ailleurs avec tous les
étrangers au pays, même musulmans.

En dehors de son importance politique, Teleyet est un village
insignifiant ; on y cultive un peu de blé, d’orge et de mil, des
oignons et du tabac ; il y a une vingtaine de doums, hauts de 8 à 15
m. et un seul dattier. Il y a à Téleyet une demi-douzaine de puits
dont les plus profonds ont 7 mètres ; quelques-uns d’entre eux,
en mars 1904, contenaient plus de 1 mètre d’eau.

In Tebdoq est un peu moins pauvre ; il appartient à Mohammed Illi :
une vingtaine de dattiers à peine donnent, annuellement, trois ou
quatre charges de mauvaises dattes ; on y cultive du blé, du mil,
du tabac, des piments et des oignons. Il y aurait quatre maisons et
six gourbis. Malgré le nom du village, le coton (tebdoq) n’y est
pas cultivé, d’après Cortier ; Combemorel (1904) y mentionne
cependant quelques plants de coton.

Ir’acher, avec quelques dattiers, qui produisent annuellement 15
à 20 charges ; Ararebba, où il n’y a que des jardins maraîchers,
que suffisent à arroser deux puits, sont encore habités.

Kidal, où l’eau est abondante, est en ruines ; les palmiers y sont
assez nombreux et les dattes de Kidal passent pour les meilleures
de l’Adr’ar’.


=Les Ifor’as.= — A traverser le pays, on a l’impression que
la population y est plus dense que dans l’Ahaggar ; mais les
chiffres précis font défaut. Cortier énumère 7 tribus nobles
qui, à elles toutes, comptent 56 tentes notables. Au moment de
son passage, les tribus imr’ads, dont il énumère une dizaine,
avaient presque toutes émigré vers le sud. D’autres tribus ont
leurs campements habituels vers l’ouest, dans les plateaux gréseux
qui, vers le Timetr’in, prolongent le tassili de Timissao. Il est
pour le moment impossible de chercher à dresser une statistique.

Malgré sa proximité du Soudan, l’Adr’ar’ est, ou du moins,
a été au point de vue politique une dépendance de l’Ahaggar ;
on se rend facilement compte des liens d’intérêt qui rattachent
les Ifor’as aux Touaregs du nord. Le climat du Mouidir-Ahnet et
de l’Ahaggar est encore bien mal connu, mais on sait cependant
que les pluies y sont irrégulières et que la sécheresse oblige
fréquemment les nomades à de grands déplacements : à ce point de
vue, les Kel Ahaggar ont impérieusement besoin de l’Adr’ar’
pour sauver leurs troupeaux pendant les mauvaises années.

D’autre part, les Ifor’as ont avec le nord à peu près toutes
leurs relations économiques ; leurs caravanes fréquentent les
marchés du Touat et du Tidikelt où elles achètent des dattes et
vendent des moutons ; les Ifor’as ne possèdent pas de chevaux ;
ce sont des méharistes, outillés pour le désert, non pour les
bords du Niger où en certaines saisons le chameau ne peut vivre. Le
seul article d’échange important que possèdent les Ifor’as
est le bétail, et ils ne peuvent songer à le vendre vers le sud :
les rives du Niger sont largement peuplées de tribus qui se livrent
à l’élevage. Les 300 kilomètres qui les séparent du fleuve
rendront toujours aux Ifor’as la concurrence impossible.

Enfin ils sont séparés du fleuve par les Maures Kountah, différents
de langue, de mentalité, peut-être de race, et leurs ennemis de
longue date. La limite ouest de l’Adr’ar’ est une frontière
sanglante ; c’est de là que viennent les dangers possibles,
contre lesquels la protection des Touaregs du nord peut être
indispensable ; on se rend compte ainsi que les Ifor’as aient
accepté assez volontiers la suprématie de l’Ahaggar et consenti
à payer l’impôt à l’amenokal du nord, malgré le tanezrouft
qui est une sérieuse barrière naturelle entre les deux pays.

Le peu que l’on sait de l’histoire du pays confirme la nécessité
de cette alliance. Pendant de longs siècles l’Adr’ar’ a
été disputé entre les Touaregs, les Maures et l’empire noir
Sonr’ai. Les traditions des indigènes, toujours suspectes, sont
confirmées par l’existence de plusieurs villes en ruines ; on en
cite une dizaine, dont la plus importante est Es Souk ; R. Arnaud
croit cette orthographe mauvaise et inventée par les Arabes,
voulant interpréter le nom (Es Souk = Le Marché) ; il faudrait
écrire Assouk, qui serait à rapprocher d’Azaouak, nom d’une
région voisine. Cependant Gautier indique Tademka comme nom berbère
d’Es Souk.

Des renseignements assez confus et contradictoires recueillis par
Gautier, Arnaud et Cortier[41], il semble qu’Es Souk, créée
peut-être par les Sonr’ai qui en ont été les maîtres à
plusieurs reprises, a été aussi en la possession des Berbères
et d’une tribu maraboutique, les Kel Essouk, qui se donne comme
d’origine arabe : elle descendrait d’un disciple de Sidi Okba. Ces
Kel Essouk, habituellement instruits, sont actuellement disséminés
dans un grand nombre de campements, chez les Oulimminden surtout ;
ils apprennent à lire aux enfants.

Les ruines d’Es Souk sont assez importantes ; elles indiquent une
ville ouverte, bâtie en pierres sèches, pouvant avoir contenu
2 à 3000 habitants ; on y voit les restes de trois mosquées et
d’un marché dont le nom, la Koceilata, rappelle le vieux héros
de l’indépendance berbère.

Le nom des Ifor’as figure déjà dans Duveyrier, mais sa
signification est encore assez obscure.

Il est porté par une petite tribu qui nomadise au voisinage
d’Ansongo, sur le Niger, au sud de Gao, et dont les liens
de parenté avec les Ifor’as de l’Adr’ar’ ne sont pas
clairs. On le retrouve dans l’Aïr, où une tribu d’Ifor’as
dépend du chef des Kel Férouan ; ces Ifor’as de l’Aïr sont
assez nombreux, 400 environ ; ils campent habituellement dans le nord
du Damergou. On les répute, en Aïr, comme des hommes nobles, mais
pauvres et déconsidérés : ils seraient issus de la tribu des Kel
Antassar (Touaregs de la région de Tombouctou) et seraient venus,
il y a une cinquantaine d’années seulement[42], s’installer
sur les terres du sultan d’Agadez.

Enfin chez les Azdjer, il existe des tribus Ifor’as (une centaine
de tentes) qui y passent aussi pour étrangères. D’après Duveyrier
[_l. c._, p. 359] elles seraient originaires d’Es Souk.

Aucun de ces groupes d’Ifor’as, sauf peut-être le dernier,
ne semble se rattacher de bien près à ceux de l’Adr’ar’.

Les Ifor’as de l’Adr’ar’ ne seraient pas de vrais nobles ;
leur pays appartiendrait en droit aux Oulimminden qui l’ont habité
longtemps et à qui les Ifor’as payaient tribut.

Le départ des Oulimminden pour le sud aurait rendu les Ifor’as
maîtres du pays ; tout ceci est peu clair, car, jusqu’en ces
dernières années, jusqu’à l’occupation française, les
Ifor’as étaient tributaires des Kel Ahaggar et leur payaient
l’impôt.


=Adr’ar’ Tiguirirt.= — A une assez grande distance
de l’Adr’ar’ des Ifor’as (125 kilomètres au sud-est)
et séparé de lui par un tanezrouft de roches cristallines, se
trouve un autre paquet montagneux, l’Adr’ar’ Tiguirirt, que le
capitaine Pasquier a eu l’occasion de traverser. Sa constitution
paraît analogue à celle de l’Adr’ar’ des Ifor’as ; les
roches cristallines y jouent un grand rôle et l’abondance du mica
y est remarquable, d’après les renseignements que Pasquier a bien
voulu me communiquer.


                                L’Aïr.


Pour les habitants du pays, l’Aïr[43] est extrêmement vaste ; il
désigne tous les territoires qui dépendent du sultan d’Agadez ;
il comprend tous les terrains de parcours des Kel Gress et s’étend
jusqu’au voisinage de Sokoto.

Les géographes européens ont pris l’habitude de réserver ce nom
à la région montagneuse qui s’étend d’Agadez à Iférouane
et c’est cet usage que nous suivrons. Le mot Aïr (ou Ahir) est
employé par les Arabes et les Touaregs ; il a un synonyme haoussa :
Asbin.


=Orographie.= — L’Aïr est contigu au sud, et probablement
à l’est, à une haute plaine formée de grès et d’argile
appartenant probablement au Crétacé inférieur (argiles et grès
du Tegama). A l’ouest, une région déprimée, la plaine de
Talak qui dans sa partie méridionale contient quelques lambeaux
éocènes, lui fournit une limite assez précise ; vers le nord il
se relie au tanezrouft : une pénéplaine silurienne, avec de rares
îlots archéens, commence à une cinquantaine de kilomètres au sud
d’In Azaoua ; les collines basses qui la recouvrent sont alignées
d’ordinaire suivant une direction méridienne. Entre Assodé et
Aoudéras, cette pénéplaine atteint une altitude voisine de 800
mètres ; elle s’abaisse au voisinage de 500 au nord comme au sud.

Sur cette pénéplaine sont venus se greffer des accidents volcaniques
importants qui donnent à l’Aïr sa physionomie si spéciale,
et justifient presque le nom d’« Alpes Sahariennes » qui lui a
été parfois attribué.

Il y a une assez grande analogie entre l’Aïr et l’Adr’ar’ :
tous deux qui, par leur latitude, devraient être des tanezrouft,
forment, grâce à leur altitude, en plein désert, des sortes de
péninsules demi-fertiles ; ils appartiennent, par leur climat et
leur végétation, à la zone sahélienne.

Dès le 20° de latitude, les deux massifs jumeaux de Tar’azi et
de Zelim annoncent l’Aïr ; l’un et l’autre se dressent, assez
à l’improviste, au milieu de la pénéplaine qu’ils dépassent
de 500 mètres. Tous deux contiennent des points d’eau permanents,
des r’edirs analogues à celui d’In Zize, mais leur caractère
volcanique reste à démontrer.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. VI.

[Illustration : Cliché Posth

11. — KORI TIN TEBOIRAK (SAISON D’HIVERNAGE).

25 km. à l’Est d’Agadez.]

[Illustration : Cliché Posth

12. — UNE CASCADE PRÈS D’AOUDÉRAS.

Après un orage.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. VII.

[Illustration : Cliché Posth

13. — LE KORI D’AOUDÉRAS, APRÈS L’ORAGE]

[Illustration : Cliché Posth

14. — PRÈS D’AOUDÉRAS (AÏR).

Au premier plan, une repousse de C. thebaïca, simulant un
palmier-nain.

Au fond, le massif d’Aoudéras.]

Ces deux massifs sont assez accidentés, ils contiennent des
pâturages suffisants pour quelques montures, et sont le repaire
habituel de Tebbous ou d’Azdjer, coupeurs de route, qui enlèvent
souvent quelques chameaux aux caravanes mal gardées. D’après le
kébir d’Iférouane, El Hadj Mohammed, une tente touareg y était
installée presque à demeure, tout au moins ces années dernières,
et prélevait ouvertement un droit de passage sur les marchands de
R’at qui descendaient à Zinder et à Kano.

Les massifs volcaniques sont nombreux et pressés surtout entre
l’oued Sersou et Aoudéras. Beaucoup de sommets dépassent 1000
mètres ; quelques-uns atteignent 1400 et le pic majeur du Timgué
s’élève à environ 1700, dominant de près de 1000 mètres la
vallée d’Iférouane.

Cette surimposition, à une vieille pénéplaine usée, de massifs
éruptifs jeunes, donne à l’Aïr un aspect surprenant, presque
paradoxal : les vallées sont des vallées de plaine, souvent larges,
parfois bordées de prairies, à pente assez faible ; le travail
de l’érosion y est insignifiant ; leur fond est tapissé de
sable, les galets y sont rares : les sommets qui, d’un seul jet,
s’élèvent à 5 ou 600 mètres au-dessus des rivières, font
songer à un pays de montagnes et de ravins : on s’étonne de ne
pas voir des lits de torrents descendus des hauteurs ; on cherche,
au pied des escarpements, les cônes de déjection.

[Illustration : Fig. 20. — L’Adr’ar’ Adesnou, vu de la gorge
de l’oued Kadamellet.]

Cet aspect singulier est dû à la juxtaposition de deux formations
que l’érosion n’a pas eu le temps de raccorder. Les parois des
dômes sont trop dures, trop abruptes et trop jeunes pour que, dans
un pays où la pluie est rare, le ruissellement ait pu y créer un
bassin de réception. Les orages coulent en nappe sur leurs flancs ;
nulle part les eaux ne se réunissent en masses assez considérables
pour pouvoir remanier sérieusement les parties basses, les lambeaux,
non recouverts par les laves, de la pénéplaine restée presque
horizontale, lambeaux qui forment entre les massifs volcaniques
comme un réseau de couloirs où les caravanes passent aisément.

L’Aïr fournit d’excellents exemples de ces montagnes créées par
une accumulation de matériaux, accumulation assez rapide pour que
la part de l’érosion dans la production de ces formes de terrain
soit négligeable. Ces montagnes que l’eau n’a pas sculptées,
n’ont jamais formé de chaînes ; elles ont toujours été isolées
les unes des autres.

La sécheresse du climat est évidemment pour beaucoup dans le rôle
insignifiant qu’il convient d’attribuer à l’érosion ; mais
il faut aussi faire sa part au facteur géologique : la plupart
des masses éruptives de l’Aïr rentrent dans la catégorie
des cumulo-volcans et des dômes que l’éruption de Giorgios,
en 1866, à Santorin, avait permis à Fouqué d’entrevoir et que,
tout récemment, les dernières éruptions de la Martinique nous ont
appris à mieux connaître[44] : des crêtes, comme l’Adr’ar’
Ohrsane (fig. 74) sont inexplicables par l’érosion ; on ne peut
les comprendre que formées par la juxtaposition d’aiguilles,
analogues à celles de la montagne Pelée : elles sont le résultat
à peu près inchangé d’un phénomène de construction.

Parfois cependant, dans l’Aïr, les éruptions ont été d’un
type plus banal ; à Aoudéras, de belles coulées de basaltes sont
accompagnées de projections et de bombes volcaniques ; un bassin
de réception a pu se créer dans les cinérites (fig. 73) et la
rivière qui en sort s’est creusé, dans le plateau d’alluvions
qui porte le village d’Aoudéras, un lit qui est en contre-bas de
5 ou 6 mètres.

La plupart des montagnes de l’Aïr sont de couleur foncée comme
celles de l’Adr’ar’ ; ce vernis du désert qui couvre d’une
pellicule noire la plupart des roches, quelle que soit leur couleur
propre, est extrêmement brillant ; à certaines heures, les massifs
d’Asbin ont presque l’éclat métallique. La présence de cette
patine foncée n’est pas constante : l’Ohrsane est rose et
jette une teinte claire sur le paysage ; jusqu’au sud de l’Aïr,
les tons de quelques rochers restent assez variés et ces taches de
couleur vive contrastent assez gaiement avec les montagnes sombres
qui forment les masses principales. Malheureusement, le ciel est
souvent brumeux et l’on ne voit que rarement dans l’Aïr ces jeux
de lumière éclatants qui font le charme de l’Ahaggar. Parfois
cependant, après une averse qui a nettoyé l’atmosphère, le
spectacle devient magnifique ; le 22 septembre 1905, du campement de
l’oued Kadamellet, au coucher du soleil, l’Adr’ar’ Adesnou
(fig. 20) semblait une masse de bronze qui se détachait puissamment
sur un ciel lie de vin, la teinte sensible des physiciens ; quelques
nuages bleu indigo ajoutaient, à la magie de la couleur, une nuance
imprévue.

La pénéplaine silurienne et archéenne qui sert de socle à
l’Aïr se relie très graduellement au tanezrouft qui lui fait
suite au nord ; les massifs de Timgué (1700), d’Aguellal,
(1100) d’Akelamellen (1200) et d’Agalac (1400) reposent sur
cette partie basse de la pénéplaine. Entre les puits d’Agalac et
d’Aourarène la piste est obligée de franchir une falaise d’une
quarantaine de mètres, orientée est-ouest, au nord du volcan
d’Aggatane ; on accède ainsi à un plateau qui porte le Bilat
(1400), le Tchemia, le Baghazan (1400) et le massif d’Aoudéras
(1400). Sur la route d’Aoudéras à Agadez la descente est
à peu près continue, sauf quelques marches de 3 à 4 mètres,
et je n’avais pas d’abord attribué à ce plateau du sud de
l’Aïr une importance suffisante. Des renseignements nouveaux,
dus à l’amabilité du capitaine Posth, qui a bien voulu mettre à
ma disposition ses levés d’itinéraires (fig. 22) et de nombreux
documents manuscrits, montrent que ce plateau d’Aoudéras est un
trait tout à fait important dans la structure de l’Aïr. La région
montagneuse s’étend beaucoup plus au sud que ne l’indiquent
les cartes les plus récentes ; les Alpes Sahariennes descendent
jusqu’à la latitude d’Agadez ; leur limite est assez nette
et peut être tracée avec précision ; le rebord méridional de
ce plateau est indiqué non pas par une falaise continue, mais par
une série de mamelons, hauts de 10 à 20 mètres, que l’on peut
suivre pendant longtemps au nord d’une importante vallée qui
le sépare du Tegama. Ces premiers contreforts de l’Aïr avaient
été aperçus, de loin, dès 1902, par Cauvin qui avait escorté,
jusqu’à 50 km. à l’est d’Agadez, une forte caravane.

[Illustration : Fig. 21. — Aïr. L’Adr’ar’ Timgué ou de
l’oued Tidek.

Iférouane est au pied du dernier piton au S.W.]

Sur la partie méridionale de ce plateau, qui serait à peu près à
600 mètres, se dressent un certain nombre de massifs montagneux ;
le plus important est le Taraouadji qui contient dans sa partie nord
quelques sommets dont l’altitude varie de 800 à 900 mètres ;
quelques-uns approchent de 1000 mètres ; la montagne de Tassamakal
et celle de Tsilefin atteignent 800 ou 900 mètres.

Tous ces massifs paraissent en majeure partie granitiques, autant
que l’on en peut juger par les photographies du capitaine Posth
et les échantillons qu’il a rapportés, et qui sont à l’étude
au Muséum. Il est vrai que le pourtour seul des Taraouadji a été
parcouru ; d’après les renseignements des guides, ce massif ne
forme pas une masse compacte ; il est coupé par un grand nombre
de vallées souvent assez larges, du type habituel aux koris de
l’Aïr. Les Taraouadji sont donc très habitables ; en fait, ils
ont souvent servi, en cas de surprise, de refuge aux nomades de la
région d’Agadez, et l’on comprend le peu d’empressement que
les gens du pays aient eu à nous faire connaître leur citadelle.

[Illustration : RÉGION MÉRIDIONALE DE L’AÏR

Fig. 22. — Région méridionale de l’Aïr, d’après les
itinéraires et les renseignements du capitaine Posth.]


=Hydrographie.= — Ce haut massif de l’Aïr qui, de l’Ohrsane
au Kori d’Idelioua, se développe sur environ 260 kilomètres
avec une largeur qui en atteint parfois 75, donne naissance à de
nombreuses rivières qui, toutes, coulent trois ou quatre fois par
an. Les Haoussa les appellent des koris[45], le nom est peut-être
bon à conserver : elles sont beaucoup plus vivantes que les
oueds sahariens ; dans quelques-uns de ces koris la végétation
est presque forestière, au sens qu’a ce mot en Europe ; le
plus souvent, le kori est couvert d’un tapis de graminées avec
quelques arbres isolés. Dans l’Adr’ar’, comme dans l’Aïr,
la formation végétale qui domine dans les vallées se rattache à
la savane ou à la brousse à mimosées ; les hauteurs dénudées
appartiennent au type saharien ; mais à côté de cette ressemblance
générale il y a des différences nombreuses ; les larges plaines
d’alluvions argileuses sur lesquelles s’épandent en couches
minces les eaux de l’Adr’ar’, n’ont pas d’équivalents
dans l’Aïr ; les vallées sont plus étroites, plus resserrées
entre les massifs montagneux ; leur fond est occupé par des arènes
granitiques ou du sable assez grossier ; il y a parfois des galets ;
assez fréquemment on peut distinguer un lit mineur avec des berges
de quelques décimètres et qui se continue sur tout le parcours de
la rivière ; la pente des vallées, plus forte dans l’Aïr que
dans l’Adr’ar’, explique suffisamment ces divergences.

Les crues doivent être parfois très violentes : dans le haut Teloua,
qui est encaissé, des graminées et des branches charriées par la
crue étaient accrochées à des arbres à 3 mètres du sol.

J’ai vu l’Ir’azar couler à Iférouane, le 7 octobre 1905 ;
il avait plu dans la nuit sur le Timgué ; au matin il y avait dans
le ruisseau, large d’une dizaine de mètres, 0 m. 25 d’eau qui
coulait rapidement : on en entendait le bruit à 100 mètres ;
à neuf heures et demie, il restait quelques flaques isolées,
qui disparurent avant midi. L’Adrar Timgué est imperméable,
d’où le peu de durée de la crue.

A Aoudéras, la montagne est formée de coulées de basalte et de
cinérites ; aussi, quand il a plu, le très mince filet d’eau
courante qui passe au pied du village persiste plus longtemps ; nous
l’avons vu le 23 octobre ; il avait à peine 1 mètre de large
et 2 ou 3 centimètres de profondeur : les habitants d’Aoudéras
comptaient qu’il ne serait à sec qu’une quinzaine de jours
après la tornade. Il y aurait même sur le Baghazam un ruisseau
presque permanent.

[Illustration : Fig. 23. — Aïr. Extrémité nord du massif
d’Akelamellen. — Du puits d’Agalac.]

La plupart des belles photographies que Posth a rapportées d’Aïr
ont été prises après des orages. Les ruisseaux et les cascades
qu’elles figurent, donnent du pays une représentation qui n’est
que très accidentellement exacte.

Je n’ai pas vu de r’edir, mais il y en a sûrement dans la
montagne ; ils sont d’accès difficile et les puits sont assez
fréquents, assez peu profonds (18 mètres au plus) pour que l’on
puisse négliger les autres ressources.

A part deux ou trois koris, connus seulement par renseignements,
K. de Tafidet, de Ténéré, qui se dirigent vers l’est et
appartiennent au bassin de Bilma, toutes les eaux de l’Aïr
aboutissent, théoriquement au moins, au bassin du Niger ; il
est douteux qu’une seule goutte d’eau tombée en Asbin arrive
aussi loin, mais l’ancien cours de l’Ir’azar d’Agadez est
jalonné par une série de puits peu profonds, dont quelques-uns sont
comblés aujourd’hui ; celui d’Assaouas (10 m.), à 50 kilomètres
d’Agadez, est encore bien vivant ; à Teguidda n’Adrar, il y a
plusieurs mares, alimentées par des sources qui donnent naissance
à de courts ruisseaux. Les puits suivants : Sekkaret (7 à 8 m.),
Tamat Tédret (2 m.), Tamayeur (1-2 m.), Inerider (4 m.), Manetass
(4-6 m.), Gessao (1-2 m.) se succèdent assez régulièrement vers
l’ouest. A Tenekart, le fleuve, qui a pris le nom d’Azaouak,
est bien marqué ; la vallée, nettement encaissée, a 6 ou 7
kilomètres de large. A ce point, l’Azaouak change de direction
et va tout droit vers le sud en passant par Filingué, Sandiré ;
dans cette dernière partie de son cours, il devient le Dallol Bosso,
affluent du Niger[46].

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. VIII.

[Illustration : Cliché Posth

15. — CASES DU VILLAGE D’AGUELLAL (AÏR)]

[Illustration : Cliché Posth

16. — LE MASSIF ET LE VILLAGE D’AOUDÉRAS (AÏR).]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. IX.

[Illustration : Cliché Posth

17. — LE PUITS DE TINCHAMANE, A AGADEZ.

Remarquer l’outre à manche et la double corde.]

[Illustration : Cliché Posth

18. — LES “ DOUM ” (CUCIFERA THEBAÏCA DEL.) DANS UN KORI
D’AÏR.]

De Tenekart à Assaouas tous les puits mentionnés se trouvent sur la
route de Gao à Agadez, route qui a été suivie par d’importantes
caravanes au temps de la splendeur de l’empire Sonr’aï.

Pratiquement la masse principale des eaux s’arrête beaucoup
plus près de l’Aïr. Presque toutes les rivières qui prennent
naissance dans la partie méridionale du massif montagneux, dans
les Taraouadji notamment, se dirigent vers le sud et aboutissent à
une région déprimée, allongée de l’est à l’ouest, comprise
entre le rebord du plateau d’Aoudéras et la falaise de Tigueddi ;
le long du cours du kori d’Abrik qui recueille les eaux de cette
dépression, se trouvent plusieurs mares d’hivernage importantes,
et des pâturages permanents, assez fréquentés ; le kori d’Abrik
vient rejoindre, à Assaouas, l’Ir’azar d’Agadez.

Mais la grande majorité des rivières de l’Aïr le traversent de
l’est à l’ouest et vont rejoindre l’Ir’azar d’Iférouane
qui, à deux jours de marche des montagnes, s’épand en une vaste
plaine, la plaine de Talak[47], très riche en eau et en pâturages ;
d’après les derniers renseignements que j’ai pu avoir sur ces
régions, le Taffassasset viendrait lui aussi passer dans cette
région du Talak.

Cette plaine de Talak serait un vaste cirque entouré de hauteurs,
surtout vers l’est ; l’eau de source y est abondante et
excellente. Les pâturages y sont beaux ; on parle même d’une
forêt vierge, impénétrable par place. En tous cas, cette région de
Talak semble jouer un rôle très important dans la vie des nomades de
l’Aïr ; les villages de la partie montagneuse, simples entrepôts
commerciaux, ne vivent que de produits achetés au dehors ; dans
l’Aïr même, les vallées se dessèchent parfois et les troupeaux
ne trouvent pas toujours à y paître ; dans la plaine de Talak,
au contraire, l’élevage est toujours possible ; les tentes y sont
souvent rassemblées.

Ces deux dépressions recueillent, en somme, presque toutes les eaux
des montagnes de l’Aïr, qu’elles limitent très nettement à
l’ouest et au sud ; ce sont parfois, à la saison des pluies, de
véritables fleuves qui coulent pendant quelques heures. Ces fleuves
se réunissent ou plutôt se réunissaient autrefois, lorsqu’il
pleuvait au Sahara, vers l’ouest, au delà des Teguidda, à Tamat
Tédret et contribuaient tous deux à former l’Azaouak.


=Les villages.= — Comme l’Ahaggar et l’Adr’ar’ des
Ifor’as, l’Aïr est habité par des nomades et par des
sédentaires.

Mais la plupart des villages y ont un caractère commercial très
particulier : l’Aïr s’est trouvé de tout temps sur le passage
obligé des caravanes qui, de Tripolitaine ou de l’Ahaggar,
vont commercer dans les territoires plus riches de Kano et de
Zinder. Aussi tous les villages de l’Aïr sont-ils surtout des
relais pour les chameaux, des entrepôts pour les marchandises ;
il n’existe de jardins, de cultures, que dans un très petit
nombre d’entre eux. Depuis que la traite a été supprimée dans
les possessions européennes, les grands convois d’esclaves ont
disparu ; n’ayant plus à échanger contre les produits de la
Méditerranée que quelques plumes d’autruche et des peaux de
filali, les chefs noirs ont dû singulièrement restreindre leurs
achats et le commerce est tombé presque à rien. Aussi tous les
centres de l’Aïr sont en pleine décadence, et tous donnent une
fâcheuse impression de ruine et de misère.

La capitale, Agadez, avait 7000 habitants vers 1850, d’après
l’évaluation de Barth ; c’est aujourd’hui une ville
bien déchue : l’étendue de ses ruines, l’importance de ses
cimetières, la hauteur de son minaret dénotent un centre autrefois
florissant. Ce minaret (Pl. XI) est une pyramide élevée de 20 à
25 mètres, au sommet de laquelle on accède par un plan incliné
en colimaçon ; c’est certainement une belle construction en terre
sèche, qui, d’après la légende, aurait neuf cent quatre-vingts
ans d’âge et daterait d’Almou Bari, second sultan d’Aïr, à
qui les Kel Gress l’auraient offerte. Il ne reste plus aujourd’hui
à Agadez que 200 chefs de cases : tous ont été réunis un jour,
pour un palabre, dans une des pièces du poste militaire ; il a
été facile de les compter. Cela fait tout au plus 1500 habitants
pour la ville.

Une certaine industrie existe dans la ville ; on y fait de fort belles
sparteries, d’un travail soigné : la matière première est fournie
par les palmiers doums dont les feuilles, coupées en lanières fines,
sont bouillies dans l’eau pour en accroître la souplesse. Ces
lanières sont teintes en jaune avec de l’ocre ; en rouge acajou
avec des feuilles de mil ; pour les teindre en noir, on les fait rouir
dans certaines mares dans lesquelles on jette des scories de forge ;
le tannin est fourni par les feuilles. Ces trois couleurs, jointes
à la teinte paille des feuilles séchées, permettent d’obtenir
des dessins géométriques d’une réelle élégance.

Comme les fabricants de nattes, les bijoutiers d’Agadez ont une
certaine réputation au Soudan ; ils savent ciseler l’argent
avec quelque finesse et le couvrir d’ornements de bon goût. —
L’industrie de la poterie est également développée.

A Agadez même, la culture est insignifiante : les puits sont
éloignés et profonds, celui du poste français (Tinchamane) est à
1500 mètres d’Agadez et dépasse 21 mètres ; à Agadez même les
puits, dont l’eau est mauvaise, ont un débit insignifiant. Dans ces
conditions, l’irrigation est pénible, presqu’impossible. Mais
à quelques kilomètres au nord, dans la vallée du Téloua, à
Alar’sess, l’eau est à fleur de sol ; les puits à bascule
vont chercher l’eau dans de simples tilmas. La culture y est
assez développée, quoique peu soignée ; les seguias sont mal
entretenues et les planches des potagers, où tout est semé un peu
pêle-mêle, n’ont pas la belle ordonnance des jardins des Oasis
ou de l’Ahaggar où la culture est aussi correcte que chez nos
maraîchers parisiens. Cependant, depuis la décadence du commerce
et la gêne qui en résulte pour les habitants, la culture tend à
se développer. C’est un symptôme heureux qui est assez général
au Sahara.

A Alar’sess on cultive fort peu de céréales (mil, maïs, etc.),
mais surtout des légumes qui sont les mêmes que dans l’Ahaggar
(courges, tomates, etc.). Les principales cultures sont l’oignon et
la carotte ; cette dernière plante serait d’introduction récente
dans l’Aïr ; les premières graines auraient été données aux
jardiniers par Foureau (1900) [Jean, _l. c._, p. 145].

Les animaux domestiques sont peu nombreux ; les chevaux, les zébus,
les moutons existent à peine. Les chèvres sont assez communes ;
beaucoup d’habitants ont des poules, des pintades et des pigeons ;
quelques autruches domestiques sont élevées dans les cases. Il y
a quelques chiens et, en 1905, le sultan possédait un chat.

Aoudéras (200 habit.) a, au plus, une soixantaine de cases en
terre et en paille, et quelques tentes en sparterie. Le tissage des
nattes y paraît assez développé. Des puits à bascule permettent
d’irriguer quelques jardins ; l’abondance des coulées de basalte
au voisinage, entretient l’humidité des alluvions et, le long de
l’oued, il y a environ 850 dattiers et autant de doums.

Beaucoup de caravanes passent à Aoudéras ; la plupart des tribus
nomades de l’Aïr y ont une maison où elles déposent leurs
provisions de céréales et leurs objets de valeur, confiés à la
garde de quelques bellah.

Assodé est historiquement la capitale de l’Aïr montagneux, la
patrie du chef des Kel Oui, l’anastafidet Yato. Il y a actuellement
69 maisons habitées et peut-être 200 habitants[48]. Gadel y
a compté 337 maisons démolies ; la plupart étaient bâties en
pierres et de forme carrée. Un minaret, comparable peut-être
autrefois à celui d’Agadez, est en ruines aujourd’hui ; il
aurait été construit il y a un millier d’années d’après les
informations indigènes et se serait écroulé il y a 4 siècles.

Ceci n’est guère d’accord avec les indications de Barth, qui
place en 1420 la fondation d’Assodé.

Assodé est aujourd’hui en pleine décadence ; l’anastafidet y
a toujours sa demeure officielle, mais il y vient à peine passer
quelques jours par an et réside habituellement dans le Damergou.

Il n’y a pas de cultures à Assodé.

Aguellal mérite à peine d’être cité ; il n’y a que quelques
cases et huttes, des greniers à mil, et une mosquée sans apparence ;
les jardins font défaut. Aguellal est cependant le centre religieux
le plus important de l’Asbin ; le marabout, El Hadj Sliman, y
aurait une centaine d’élèves ; sa bibliothèque, la plus riche
du pays, est évaluée à un millier de volumes. Il appartient à
la confrérie des Quâdria, la seule importante en Aïr, où les
Senoussistes ont peu d’influence.

Iférouane, plus connu dans le pays sous le nom d’Ir’azar, est,
à qui vient du nord, le premier village du Soudan ; il y existe
quelques cases carrées en terre, mais les paillottes rondes à toit
conique y dominent déjà ; elles existent seules dans quelques
hameaux de bergers, voisins d’Iférouane, dont ils ne sont que
les faubourgs. Chaque case, qu’elle soit de terre ou de paille,
est habituellement accompagnée de constructions auxiliaires dont
la plus fréquente est une sorte de vérandah, simple toit posé sur
quatre pieux à deux mètres du sol et que l’on retrouve dans tout
le Soudan. Toutes les constructions qui appartiennent à un même
chef de familles ont encloses d’une palissade commune formée le
plus souvent de branches de korunka. Tout cela est bien nègre.

Les cultures d’Iférouane ont un développement moyen ; une maigre
palmeraie (4250 palmiers) s’y meurt (Pl. XI, phot. 21). Les
céréales, le mil, le blé, un peu d’orge et de maïs, n’y
donnent de récolte que les années humides. Seuls, quelques légumes
(tomates, oignons, concombres, pastèques et menthe, etc.) y sont
d’un produit assuré. Les puits ont une dizaine de mètres de
profondeur et l’eau en est tirée dans des outres à manche,
auxquelles sont attelés des zébus.

Iférouane est surtout un marché, quelque chose comme un centre
d’affaires ; les notables y ont seulement un pied à terre ; ils
n’y viennent qu’en passant, pour assurer le trafic ; leur vraie
résidence est le village de Tintar’odé qui est situé dans la
montagne, à une quinzaine de kilomètres au sud-est, et où sont
déposées leurs réserves. La population stable serait d’une
centaine d’habitants.

[Illustration : Fig. 24. — L’Adr’ar’ Timgué, vu d’Iférouane.]

Il existe dans le sud de l’Aïr, dans le Baghazam, des villages
peu importants comme nombre de cases[49] (Elnoulli, Akari, Tassassat)
où se fait un peu de culture maraîchère. Mais la raison d’être
de ces villages est différente ; situés en dehors des routes
commerciales, en des points d’accès difficile, ils servent,
en cas d’attaque, de dernier refuge : la légende raconte que
les Kel Aïr y résistèrent, pendant trois ans, à un puissant
sultan du Bornou, qui dut finalement lever le siège, et regagna à
grand’peine ses États. Bien à l’abri des rezzou, ils servent
surtout d’entrepôts, et l’on y trouve toujours des provisions
considérables de mil, de dattes et de sel.

Il est probable que le cas du Baghazam et de Tintar’odé n’est
pas isolé et qu’à côté des villages de commerce, situés sur
les routes caravanières, il existe de nombreuses retraites dans
la montagne ; c’est une nécessité que la peur a inspirée aussi
bien à l’Aïr qu’à l’Adr’ar’ et à l’Ahaggar.

On pourrait allonger cette liste de quelques noms de villages
encore habités ; on trouvera dans Jean une nomenclature plus
complète. Beaucoup de points sont complètement délaissés, qui ont
été importants : d’Agalac, il reste un cimetière et les débris
de quelques cases ; Tin Telloust, où Barth a résidé, est abandonné
de même que Tafidet. Tin Telloust et Tafidet étaient à la lisière
orientale de l’Aïr, sans protection contre les Tebbous ; cette
insécurité a causé leur ruine : même les pasteurs hésitent à
profiter des beaux pâturages de cette partie de l’Aïr.


_In Gall._ — Bien qu’il soit en dehors de l’Aïr proprement
dit, il convient de mentionner ici, parce qu’il dépend du sultan,
le petit ksar d’In Gall, situé à l’extrémité occidentale
de la falaise de Tigueddi, dans l’Azaouak, à une centaine de
kilomètres à l’ouest d’Agadez. In Gall aurait été fondé au
commencement du XVIIIe siècle par les Icherifan (Posth)[50].

C’est un marché important pour le commerce du sel, qui provient
de Teguidda n’Tecum, situé à 80 kilomètres au N. Les Kel Gress
et les Oulimminden le fréquentent ; il est sur la route directe
de Tahoua à Agadez. L’eau d’In Gall est très bonne, et il y
a une assez belle palmeraie (4000 palmiers).

On a cru longtemps que les dattes d’In Gall étaient de qualité
inférieure, car, par crainte de pillage, les propriétaires les
cueillaient dès qu’elles commençaient à mûrir ; depuis que
la présence de tirailleurs permet d’attendre la maturité, on
a pu s’assurer que les dattes étaient bonnes. En 1907, le grain
ayant manqué, la récolte a été assez abondante pour nourrir la
population pendant trois mois (Posth).

Cette localité, plus petite qu’Agadez, n’est pas délabrée comme
elle ; les maisons y ont leurs façades et leurs terrasses ornées de
motifs d’architecture d’assez bon goût ; elles voisinent avec de
bonnes paillottes, à toit conique surmonté d’œufs d’autruches,
du type habituel aux villages noirs.

D’après Gadel, il y aurait une centaine de maisons et 300 habitants
à In Gall ; 800, d’après Posth. Un poste de tirailleurs y a été
installé pendant quelques mois en 1904 ; il a été rétabli en 1907.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                 PL. X.

[Illustration : Cliché Posth

19. — UN PUITS A BASCULE DANS LA PALMERAIE D’AOUDÉRAS.

Soir d’orage.]

[Illustration : Cliché Posth

20. — UN KORI D’AÏR]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. XI.

[Illustration : Cliché Posth

21. — LA PALMERAIE D’IFÉROUANE (AÏR)

Il n’y a pas de culture sous les dattiers.]

[Illustration : Cliché Posth

22. — LA MOSQUÉE D’AGADEZ.

Le minaret a une vingtaine de mètres.]


=Histoire.= — L’Aïr est beaucoup plus peuplé que
l’Ahaggar et l’Adr’ar’ des Ifor’as ; sa population est
aussi moins homogène, et l’organisation politique y est très
compliquée. Quelques renseignements historiques (?) sont nécessaires
pour l’éclaircir un peu.

Quelques tribus nomades, Kel Fédé, Kel Gress, Kel Ferouan, Kel
R’arous, Hoggar, etc., sont blanches et appartiennent aux races
méditerranéennes ; mais la plupart des Touaregs de l’Aïr sont
des noirs ou des mûlatres, apparentés de près aux Haoussas qui
auraient été les premiers habitants du pays.

La langue haoussa est très répandue dans tout l’Aïr ; elle
est comprise généralement de tous et paraît employée dans les
villages de préférence au tamachek. On la retrouve dans les noms
propres où « dan », fils, en haoussa, tient la place du « ben »
des Arabes ou du « ag » des Berbères : Yato dan Kasseri est le
nom d’un des principaux chefs du pays, l’anastafidet.

Agadez et In Gall ont été des colonies de Gao au temps de sa
splendeur et la langue sonr’ai y est encore parlée ou tout au
moins comprise (Lt Jean). Quant aux conquêtes bornouannes, dont la
légende a conservé le souvenir, elles paraissent avoir été sans
influence sur le pays.

Avant notre installation, toute récente[51], dans l’Aïr, le
sultan d’Agadez, le serki n’Asbin des Haoussas, commandait,
théoriquement au moins, aux Kel Gress et aux Kel Oui ainsi qu’à
une fraction des Oulimminden.

Le lieutenant Jean a recueilli, avec grand soin, les traditions
historiques des Asbinaoua ; les Kel Gress et les Kel Oui auraient
quitté, vers le VIIIe siècle, le Fezzan devenu trop peuplé (?) ;
ils se seraient installés dans l’Aïr, les premiers à l’ouest,
les seconds à l’est de la route d’Iférouane à Agadez. Les
Kel Gress restèrent peu de temps au contact des Kel Oui ; ils
continuèrent leur migration vers le sud et s’étendirent jusqu’au
Sokoto, où ils seraient arrivés à la fin du XVIIIe siècle.

Quant au sultan, il serait d’origine étrangère : naguère, las
des luttes incessantes qui déchiraient les tribus, les plus sages
des Touaregs décidèrent d’aller demander à Constantinople un
chef qui pût les mettre d’accord. La députation qui partit
comprenait surtout des Itessehen, appartenant au groupe des Kel
Gress et actuellement fixés dans le Sokoto ; pour cette raison,
jusqu’à notre établissement dans le pays, les chefs des Itessehen
sont restés les grands électeurs du sultan.

Le Commandeur des Croyants leur donna un de ses fils, Ihounés,
né d’une femme captive, qui partit accompagné de quelques
esclaves, ancêtres de tous les ministres actuels. Dès le début,
l’intervention de six sœurs, sultanes imenanes, provenant
d’une tribu de l’Ahaggar, amena la séparation des Kel Oui
en deux fractions principales : trois d’entre elles, les plus
jeunes, restèrent à Agadez et furent les mères des tribus qui
dépendent directement du sultan ; les trois aînées retournèrent
à Iférouane et eurent pour descendants les Kel Oui proprement dits,
qui dépendent de l’anastafidet, le véritable chef de l’Aïr
et son intermédiaire auprès du sultan. Tout ceci est évidemment
en partie légendaire, mais il est intéressant de retrouver les
Imenan, qui sont des Cheurfa, descendants probables des premiers
missionnaires musulmans qui vinrent en pays touareg, jouer un
rôle en Aïr ; chez les Touaregs du nord, ils ont été longtemps
les chefs de toute la confédération et ont eu une très grande
importance ; ils ont provoqué récemment les guerres qui ont mis aux
prises les Ahaggar d’Aïtar’el et les Azdjer d’Ikhenoukhen,
l’ami de Duveyrier, guerres qui auraient amené, à la demande
d’Ikhenoukhen, l’installation d’une garnison turque à R’at
(1877 ?) [Benhazera, _Six mois chez les Touaregs_, p. 101-122].

De l’ambassade à Constantinople et de la démarche des six
sultanes, est résulté un protocole extrêmement précis et très
compliqué qui se manifeste à l’élection de chaque sultan et,
tous les ans, à la réunion des chefs, à la « sansanié », où,
sous la présidence du serki, la justice est rendue. On trouvera le
détail de ces cérémonies dans Gadel et dans Jean : l’étiquette
y est très ridicule, très stricte et aurait certainement satisfait
la Palatine, juge difficile et sévère.

Il est peu aisé de fixer une date à l’établissement de la
dynastie d’Agadez ; on connaît le nom d’une centaine de sultans
et, d’après les marabouts instruits d’Aïr, le premier serait
arrivé à Agadez vers 1420, la prise de Constantinople par les Turcs
est de 1453[52] ; il y a donc contradiction flagrante entre la date
indiquée et la légende d’Ihounés qui paraît cependant reposer
sur des faits positifs.


=Les habitants.= — Les habitants de l’Aïr se partagent en un
certain nombre de castes, analogues à celles que l’on trouve chez
les Touaregs du nord.

Il y a d’abord des tribus nobles, les Imajeran, puis les Ifor’as,
récemment venus en Aïr, et dont la noblesse n’est pas certaine ;
les Imr’ad, qui sont analogues à ceux de l’Ahaggar, comme eux
libres, mais vassaux des Imajeran.

Les Irraouellan sont des affranchis ou des descendants d’anciens
captifs ; les enfants d’un Touareg libre et d’une esclave sont de
droit Irraouellan, en même temps que la mère est affranchie. Ces
affranchis (_bouzou_, pluriel _bougajié_ en haoussa) sont
extrêmement nombreux ; quelques-uns sont établis dans le Haoussa
où ils se livrent à la culture et à l’élevage ; jusqu’à
notre arrivée, ils payaient un léger tribut à leurs anciens
maîtres. D’autres sont restés en Aïr et vivent surtout du
commerce et des caravanes ; ils seraient 4 ou 5000.

Enfin les captifs (_bellah_ en haoussa, _iklan_ en tamachek), dont
quelques-uns vivent auprès de leurs maîtres, tandis que le plus
grand nombre gardent au loin les troupeaux et sont en fait à peu
près libres, forment la dernière caste.

Beaucoup de ces esclaves sont très attachés à leurs patrons
et ne veulent pas être libérés ; captifs, ils n’ont pas à se
préoccuper de leur nourriture ; la sécurité et le repos d’esprit
qui en résultent pour eux compensent largement l’absence de
liberté : un usage très humain de l’Asbin autorise les marabouts
à s’opposer à l’affranchissement d’un esclave lorsqu’il est
infirme ou âgé, ou bien, pour une cause quelconque, hors d’état
de gagner sa vie. Ce manque d’enthousiasme pour une vaine liberté
s’observe dans les États noirs aussi bien qu’en Aïr.

Les données de Jean permettent d’établir les statistiques
suivantes :

               =Tribus dépendant directement du Sultan.=

  [NOM. TRIB : NOMBRE DE TRIBUS
   POP. TOTALE : POPULATION TOTALE]

  +----------+-----+--------+------+--------+-------+-----+----+-------+
  |          |NOM. |        | POP. |        |       |     |    |CHÈVRES|
  |          |TRIB.|TOUAREGS|TOTALE|CHAMEAUX|CHEVAUX|BŒUFS|ÂNES|  ET   |
  |          |     |        |      |        |       |     |    |MOUTONS|
  |          +-----+--------+------+--------+-------+-----+----+-------+
  |Immakitane|  7  |   95   |  460 |   400  |   19  |  20 | 100|  2000 |
  |          |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |Kel Tadek |  3  |  100   |  470 |   300  |    5  |  30 |  20|  1800 |
  |          |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |Amazegzel |  3  |   30   |  125 |     0  |   50  |   0 |  30|   500 |
  |          |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |Kel       | 14  |  685   | 4320 |  3000  |  120  |1100 | 900| 11000 |
  |Ferouan   |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |          |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |Tribus    | 13  |  520   | 2830 |  4500  |   90  | 450 | 600|  9000 |
  |non       |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |groupées  |     |        |      |        |       |     |    |       |
  |          +-----+--------+------+--------+-------+-----+----+-------+
  |          | 40  | 1430   | 8205 |  8200  |  284  |1600 |1650| 24300 |
  +----------+-----+--------+------+--------+-------+-----+----+-------+

Les Kel Ferouan seraient arrivés en Asbin avec le sultan Ihounés,
qui, à la demande d’une jeune fille noble de la tribu (Ibouzahil
ou Izoubahil, Isabelle ?), aurait consenti à installer les Kel
Ferouan autour d’Agadez et à faire de leurs guerriers sa garde
particulière, garde d’une indépendance souvent dangereuse. Les
Kel Ferouan ont toujours conservé une grande liberté ; leur chef
entretient à Agadez, auprès du sultan, une sorte d’ambassadeur,
le Rastamala (Pl XXXI, phot. 59).

             =Tribus Kel Oui dépendant de l’anastafidet.=

  [NOM. TRIB : NOMBRE DE TRIBUS
   POP. TOTALE : POPULATION TOTALE
   CHAM. : CHAMEAUX
   CHEV. : CHEVAUX]

  +-------------+-----+--------+------+-----+-----+-----+----+-------+
  |             |NOM. |        | POP. |     |     |     |    |CHÈVRES|
  |             |TRIB.|TOUAREGS|TOTALE|CHAM.|CHEV.|BŒUFS|ÂNES|  ET   |
  |             |     |        |      |     |     |     |    |MOUTONS|
  |             +-----+--------+------+-----+-----+-----+----+-------+
  |Kel Oui      | 13  |   312  | 1795 | 1800|  30 | 170 | 250|  4000 |
  |             |     |        |      |     |     |     |    |       |
  |Kel Tafidet  |  8  |   305  | 2555 | 1350|  40 | 300 | 160|  6000 |
  |             |     |        |      |     |     |     |    |       |
  |Azanières    |  6  |   160  | 1080 | 1800|  30 | 100 | 140|  2000 |
  |             |     |        |      |     |     |     |    |       |
  |Ikaskazan[53]| 15  |   480  | 3170 | 7000| 160 | 320 | 640|  6000 |
  |             +-----+--------+------+-----+-----+-----+----+-------+
  |             | 42  |  1257  | 8600 |11950| 260 | 890 |1190| 18000 |
  +-------------+-----+--------+------+-----+-----+-----+----+-------+

Il y aurait d’après cela, en Aïr, environ 20000 habitants dont
3000 guerriers. Leur fortune en troupeau serait, en chiffre rond,
de 20000 chameaux, 600 chevaux, 3000 ânes, 2600 bœufs et 45000
chèvres ou moutons.

Un rapport manuscrit du capitaine Posth permet de préciser ou
de rectifier quelques points ; il confirme le chiffre de 20000
habitants, mais augmente sensiblement le nombre des tribus ; chez
les nobles surtout, la pulvérisation est poussée à l’extrême
et certaines fractions ne comptent que trois ou quatre tentes ;
l’une d’entre elles même, celle des Kel Taguei, du groupe des
Ikaskazan, n’a plus qu’un seul représentant (en 1907).

Les 20000 habitants comprendraient 8 à 10000 Touaregs (Imajeran,
Ifor’as et Imr’ad) ; 4 à 5000 Iraouellen ; 2500 à 3000
sédentaires (Agadez et région des Teguidda) et 2 à 3000 captifs.

J’avais noté, à Agadez, que les guerriers comprenaient 2149
hommes libres et 827 bellah.

Tous ces renseignements sont assez concordants, de sorte que le
chiffre de la population peut être considéré comme exact.

Quant au bétail, Posth l’estime beaucoup plus nombreux que les
statistiques de Jean ; 400000 chèvres et moutons, et 60000 chameaux.

Les Kel Gress qui nomadisent surtout entre In Gall, Sokoto et Kano
ne sont pas compris dans les statistiques précédentes. Ils tendent
de plus en plus à s’installer avec leurs nombreux troupeaux dans
le Tessaoua et le Gober ; ils ne paraissent plus à Agadez que pour
les fêtes officielles ; ils y passent aussi pour aller chercher du
sel et des dattes à Bilma.

Ils compteraient 46 tribus ; leur nombre serait d’environ 20000.

Quant aux Oulimminden de l’est, ce ne serait que depuis le XIVe
ou le XVe siècle qu’ils auraient eu des rapports avec l’Aïr,
rapports très lâches d’ailleurs et très intermittents. 7 à 8000
individus, partagés entre une dizaine de tribus qui nomadisent dans
la région de Tahoua, payaient seuls l’impôt à Agadez ; l’autre
fraction des Oulimminden forme une confédération indépendante qui
habite surtout l’est de Gao et fréquente la région des mares de
Menaka et de l’Azaouak, sous la direction de l’amenokal Fihroun ;
Pasquier, dans un rapport resté inédit, donne la statistique
suivante pour les Touaregs qui dépendant de Fihroun : Imochar
(nobles), 350 tentes ; Imrad, 600 ; bellah, 900. Soit à peine 2000
hommes ; les Oulimminden, dépendant d’Agadez, formeraient à peu
près la moitié du groupe.

Par sa position géographique et la pointe qu’il fait vers
le nord au milieu des tanezrouft, l’Aïr a toujours eu une
grande importance : les routes qui vont des États haoussas à la
Méditerranée sont obligées d’y passer. Relativement au bassin
du Niger, l’Adr’ar’ a une fonction analogue. L’originalité
humaine de l’Aïr tient à une autre cause : les Touaregs qui
l’habitent ne sont pas tous de vrais Touaregs ; la plupart des Kel
Oui ne sont pas des Méditerranéens, mais des Haoussas. L’Aïr
est probablement la région la plus septentrionale d’Afrique où
vive actuellement, en liberté, à l’état spontané, un rameau
des races noires.

Ces Touaregs blancs et ces Touaregs noirs sont d’ailleurs
extrêmement mélangés ; toutefois les blancs se trouvent surtout
dans les tribus qui dépendent du Sultan et qui vivent presque
constamment dans l’Aïr, les noirs dominent dans les tribus de
l’anastafidet qui sont en relations très suivies avec les États
haoussas.

Cette dualité de races explique sans doute les guerres incessantes
dont l’Aïr a été le théâtre ; elle explique aussi les demandes
d’intervention qui se sont manifestées à maintes reprises à
Zinder : c’est à la demande formelle des tribus noires et du
sultan qu’Agadez a été occupé.

Les Touaregs blancs, les véritables nomades de l’Asbin, sont
des éleveurs qui, vivant surtout de laitage, peuvent se passer
de relations régulières et suivies avec les pays producteurs de
mil. Leurs qualités guerrières leur permettaient d’ailleurs, en
cas de disette, de trouver, par la force, dans le sud, le complément
nécessaire.

Les Kel Oui, au contraire, sont peu guerriers ; on prétend dans
l’Ahaggar que, pour aller chez eux, il suffit d’être armé d’un
bâton : le guide qui nous avait amenés à Iférouane, en 1905,
a profité de son passage dans ce village pour s’approvisionner
de beaucoup de choses utiles ; la terreur que le nom de sa tribu
inspirait à tous, lui a fait donner tout ce dont il avait besoin ;
et, par crainte de représailles venant de lui ou de ses contribules,
ce n’est que plusieurs jours après son départ, que j’ai été
avisé de ses manœuvres. Les Kel Oui vivent surtout de commerce ; ils
assurent le passage des caravanes jusqu’à Zinder et à Kano ; ils
leur vendent des céréales et entreposent leurs marchandises. Pour
eux, les bonnes relations avec le sud et la sécurité des routes
sont des conditions nécessaires : on comprend qu’ils soient
venus rapidement à nous ; la soumission des vrais Touaregs, qui ne
gagnaient rien d’immédiat, a été plus difficile à obtenir.


[Note 2 : Haug, _C. R. Ac. Sciences_, 7 août 1905.]

[Note 3 : Haug, in Foureau, _Documents scientifiques_, 1905, p. 753 ;
Flamand, _C. R. Ac. Sc._, 3 avril 1905.]

[Note 4 : Ce terme d’Archéen ne serait tout à fait correct que
s’il était établi que les noyaux granitiques sont antérieurs
au Silurien. Quelques faits rendent cette antériorité probable,
mais, jusqu’à présent, les preuves positives font défaut.]

[Note 5 : Voinot, _Bull. Comité Afr. fr._, mars, avril, août,
sept., oct., 1908, p. 218.]

[Note 6 : _Rens. col. Comité Afr. fr._, juin 1907, p. 142-155.]

[Note 7 : _Revue coloniale_, 1907, p. 361-386.]

[Note 8 : _La Géographie_, XVI, 1907, p. 225.]

[Note 9 : _Études sur la Géographie physique et la Géologie de
Fouta Djalon._ — Thèse, 1905.]

[Note 10 : _La Géographie_, XVII, 1908, p. 201.]

[Note 11 : _Contribution à l’étude de la Géographie physique
du Dahomey_, thèse, 1908.]

[Note 12 : In Chevalier, _L’Afrique centrale française_, 1908,
p. 646.]

[Note 13 : Gentil et Lemoine, _Bull. du Comité de
l’Afr. française, Rens. col._, avril 1908, p. 98-100.]

[Note 14 : Bruel, _Renseignements coloniaux du Comité de l’Afrique
française_, avril 1908, p. 98, — Lœffler, _ibid._, sept. 1907,
p. 224. — Lancrenon, _Bull. du Comité de l’Afr. française_,
janvier 1908, p. 18 ; _Rens. col._, _Id._, p. 38.]

[Note 15 : _La Géographie_, XVIII, 1908, p. 219.]

[Note 16 : Notice géologique sur la région de Dori, _Rev. des
troupes coloniales_, 1904, p. 228.]

[Note 17 : Quelques-uns des détails donnés par Hubert sur les
quartzites de l’Atacora, semblent indiquer des surfaces de
charriage et des plis couchés. L’analogie avec le Jura paraît
bien contestable.]

[Note 18 : Motylinski et Basset, _Grammaire, Dialogues et Dictionnaire
Touaregs_, Alger, 1908.]

[Note 19 : L’alphabet tifinar’ a deux z ; j’indique ici,
d’après Motylinski, l’orthographe exacte de Tanez’rouft,
quitte à la négliger dans le reste de l’ouvrage.]

[Note 20 : Tous les après-midis, le thermomètre a dépassé 45° ;
ces hautes températures n’interrompaient pas la marche.]

[Note 21 : Mussel, _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._, mars 1907,
p. 57.]

[Note 22 : _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._, avril 1907,
p. 90. — Nieger, _La Géographie_, XVI, déc. 1907.]

[Note 23 : Cortier, _De Tombouctou à Taoudenni_, _La Géographie_,
XIX, 1906, p. 317. — Cauvin, _Société de Géographie commerciale
de Paris_, XXX, août-sept. 1908.]

[Note 24 : R. Arnaud, _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._, XVII,
mai 1907, p. 123.]

[Note 25 : _La Géographie_, XII, octobre 1905, p. 218.]

[Note 26 : Barth, _Reisen_, I, p. 333. Les noms sont bien
reconnaissables : Tarhadjit : Tar’azi ; Ne-ssua : In Azaoua ;
Tagerèra : Tagrira ; El Arh-ssul : El R’essour ; vallée
d’Erararem ; Od Igharghar ; Serser : Zazir ; Temârhasset :
Tamanr’asset ; Utul : Outoul. Les distances indiquées sont bonnes :
de l’oued Outoul à In Salah, il y a quelques confusions.]

[Note 27 : Le lieutenant Halphen a récemment reconnu le point d’eau
d’Ilifek, au S.W. d’In Azaoua. Les renseignements détaillés
font encore défaut.]

[Note 28 : _Six mois chez les Touaregs du Ahaggar_, Alger, 1908,
p. 205-208.]

[Note 29 : Dinaux, _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._, mars 1908,
p. 80. — Cortier, _D’une rive à l’autre du Sahara_, Paris,
1908, p. 129.]

[Note 30 : Laperrine, Nieger, _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._,
février 1905. — Villate, _La Géographie_, XII, octobre 1905.]

[Note 31 : Voinot, _Bull. du Com. de l’Afr. fr._, mars, avril,
août, sept., oct. 1908.]

[Note 32 : Sur la carte hypsométrique (Pl. I), l’Oudan a été
marqué par inadvertance à l’est de l’Igharghar.]

[Note 33 : Dinaux, _Rens. col. Comité de l’Afr. fr._, 1908,
p. 76-85. — Arnaud et Cortier, _Nos confins Sahariens_, Paris,
1908.]

[Note 34 : Ce nom d’Igharghar se trouve ainsi deux fois, au nord
et au sud de la Coudia. Il est sans doute une simple variante du
nom commun ir’azar, synonyme berbère de oued.]

[Note 35 : _Esquisse du Sahara Algérien_, à 1/2500000 (Gouvernement
général. Alger, 1907).]

[Note 36 : Les bœufs sont certainement un peu plus nombreux que
ne l’indique ce tableau : Motylinski en a compté 37 dans un seul
troupeau. Il y a une douzaine de chevaux dans l’Ahaggar. Les ânes
sont très nombreux.]

[Note 37 : Les Touaregs du nord prononcent et écrivent Ad’ar’
(Benhazera, _l. c._, p. 191). Mais, les habitants du pays et les
Touaregs du sud en général, écrivent Adr’ar’ (Cortier, _l. c._,
p. 253). Motylinski admet cette dernière orthographe.]

[Note 38 : E.-F. Gautier, _La Géographie_, XV, 1, 1907, p. 1-28.]

[Note 39 : Cortier, _La Géographie_, XVII, 1908, p. 265-280. —
_D’une rive à l’autre du Sahara_, Paris, 1908. — Dinaux,
_Renseignements coloniaux publiés par le Comité de l’Afrique
française_, mars 1908. — Combemorel, _id._, janvier 1909.]

[Note 40 : La valeur de l’argent dans ces pays sera à peu près
fixée par les salaires ; à l’Ahaggar, la journée de travail
d’un jardinier lui est payée au plus 0 fr. 625.]

[Note 41 : Gautier, _l. c._ p. 26. — R. Arnaud, _Renseignements
coloniaux publiés par le Comité de l’Afr. fr._, avril 1907,
p. 93-94. — Cortier, _D’une rive à l’autre..._, p. 203-210
et 378-381.]

[Note 42 : D’après Jean. Posth indique plus d’un siècle pour
leur arrivée en Asbin.]

[Note 43 : Jean, _Les Touaregs du Sud-Est. L’Aïr._ Paris, 1908.]

[Note 44 : Fouqué, _Santorin et ses éruptions_, 1879, p. 41. —
Lacroix, _La Montagne Pelée et ses éruptions_, 1904.]

[Note 45 : Du verbe _koré_, conduire. Le mot _goulbi_ s’applique
aux grandes vallées ou aux grandes masses d’eau, il est
l’équivalent de l’arabe _beh’ar_. _Ir’azar_ ou _ar’azar_
(dialecte d’Aïr) est le synonyme Tamachek de oued ; il devient
_Ir’ahar_ dans l’Ahaggar, et _Ir’achar_ dans l’Adr’ar’.]

[Note 46 : Pasquier, in R. Arnaud, _Rens. col. du Comité Afr. fr._,
mai 1907, p. 123.]

[Note 47 : Talak veut dire argile en Tamachek.]

[Note 48 : Gadel, Notes sur l’Aïr, _Bull. de la Soc. de Géogr. de
l’A. O. F._, t. I, Dakar, 1907.]

[Note 49 : 150 cases en tout. — Il y aurait des citronniers dans
ces villages. Jean, _l. c._, p. 132, 133.]

[Note 50 : Près de Takaredei, à 25 km. N.W. d’Agadez,
un cimetière important serait la dernière trace d’une ville
occupée jadis par les Icherifan et les Iberkoran. A la suite d’un
combat malheureux contre les Kel Gress, les Iberkoran se seraient
réfugiés chez les Oulimminden, les Icherifan à In Gall. D’après
les renseignements que j’avais recueillis, ces faits remonteraient
à l’époque des premiers sultans d’Agadez, à une date beaucoup
plus ancienne que celle qui est indiquée par Posth, qui donne les
Icherifan comme de nouveaux venus en Aïr.]

[Note 51 : Ce n’est que depuis 1906, qu’une garnison est
installée définitivement à Agadez. Les années précédentes,
depuis 1904, les tirailleurs n’y avaient fait que des séjours
de quelques semaines ou de quelques mois (Jean, _l. c._ —
Cauvin. _Bull. de la Soc. de Géogr. commerciale_, 1908).]

[Note 52 : D’après Barth, Agadez aurait été fondé en 1460.]

[Note 53 : Une tribu des Ikaskazan, les Taraouaza, a pour chef une
femme nommée Tekeloui.]




                              CHAPITRE II

                     LES HAUTES PLAINES DU SOUDAN

I. =Structure géologique.= — Crétacé inférieur. — Crétacé
supérieur. — Éocène. — Miocène. — Extension géographique.

II. =Les Pays.= — Nomades. — Adr’ar’ de Tahoua (Djerma). —
Tessaoua. — Demagherim. — Damergou. — Mounio. — Koutous. —
Alakhos. — Manga. — Kaouar. — Fachi. — Les îles du Tchad.


                      I. — =STRUCTURE GÉOLOGIQUE=


Intercalée entre les deux pénéplaines cristallines étudiées dans
le chapitre précédent, se trouve une haute plaine qui se développe,
sans interruptions notables, depuis Koulikoro jusqu’au voisinage
de l’Ouadaï.

Il est commode de la subdiviser de la façon suivante :

1o Entre l’Aïr et Zinder, le Tegama forme une région bien nette
à laquelle il convient de rattacher, au moins provisoirement, les
pays encore mal connus qui s’étendent vers Bilma et le Tchad. Les
terrains crétacés y jouent le principal rôle.

Le Damergou, le Mounio, etc., ne sont que des enclaves de cette
grande région.

2o Entre la coupure du Niger à Tosaye et le sultanat de Tessaoua,
la région des Dallols et le bassin d’Ansongo forment un groupe
dont le caractère commun est d’être recouvert d’un manteau
d’argiles, de grès ou de calcaires éocènes.

3o Enfin à l’est de Tosaye, le bassin de Tombouctou semble
caractérisé par des formations quaternaires marines.

Toutes ces régions ont un trait géologique commun : au nord comme
au sud, dominent des formations anciennes, le plus souvent en strates
redressées, dont la fréquence en Afrique a fait croire longtemps
que, depuis les temps primaires, la mer avait définitivement
abandonné le continent noir. Des découvertes récentes ont
montré qu’il n’en était rien. A la fin des temps secondaires
et correspondant peut-être à la zone de rebroussement des plis
calédoniens qui, vers le 15° de longitude nord, quittent leur
direction subméridienne pour se diriger de l’ouest à l’est,
un affaissement s’est produit, permettant à la mer d’envahir
l’Afrique centrale et d’y laisser des traces incontestables du
Crétacé supérieur et du Tertiaire inférieur, tout au moins. Ces
assises plus jeunes, restées horizontales, caractérisent les hautes
plaines du Soudan.


=Crétacé inférieur.= — La région qui s’étend entre
l’Aïr et Zinder est constituée par des grès et des argiles en
couches horizontales. Ces assises débutent à 6 kilomètres au nord
d’Agadez, auprès du village d’Alar’sess, par un poudingue que
j’ai pu suivre assez longtemps vers l’ouest. Dans la région
où je l’ai vu, ce poudingue repose sur les couches siluriennes
verticales, à affleurements subméridiens ; le littoral était de
type atlantique. Posth a retrouvé les mêmes poudingues auprès de
Tin Taboirak, au contact des terrains anciens des Taraouadji.

Jusqu’à une soixantaine de kilomètres au sud d’Agadez,
on voit assez mal le sol qui est souvent masqué par des dunes,
ou bien, comme dans la région des mares de Teguidda n’Adrar et
de Teguidda n’Taguei, par une formation récente, reste probable
d’un lac tertiaire. Ces dépôts lacustres contiennent quelques
traces de fossiles indéterminables ; on y trouve des grès à
ciment calcaire, riches en débris volcaniques prouvant qu’ils
sont postérieurs aux volcans d’Aïr ; ces grès abondent près
du puits d’Assaouas notamment ; mais les roches dominantes sont
siliceuses : des jaspes et une meulière violette ou brun chocolat
y sont le type le plus commun. L’examen microscopique montre
que cette roche, qui est presque une quartzite, résulte de la
transformation de bancs calcaires (Cayeux). Elle est un très bel
exemple de l’enrichissement en silice des roches superficielles
sous l’influence d’un climat désertique. Ces meulières sont,
par places, couvertes de dunes dont la couleur brune ou violette
indique que les éléments qui les constituent ont été pris sur
place (fig. 25).

Malgré cette couverture, éolienne ou lacustre, on peut s’assurer
cependant que le terrain dominant est formé surtout de grès,
qui sont bien visibles en nombre de points et qui se montrent sur
une dizaine de mètres à la falaise d’érosion sur laquelle est
bâtie Agadez, et d’argiles violettes qui, dans les vallées des
affluents du Teloua, occupent de grandes surfaces ; ces affluents ont
une pente très faible ; leurs berges sont à peines indiquées ;
les parties argileuses de leurs bassins forment, à la saison des
pluies, de véritables fondrières dont la traversée est difficile ;
les chameaux y laissent des empreintes de pas, profondes souvent
d’une vingtaine de centimètres, qui confirment pleinement les
renseignements des guides. Les puits d’Agadez, profonds de 20
mètres (Pl. IX, phot. 17), sont entièrement creusés dans ces
argiles et ces grès.

L’architecture du sol se voit mieux à la falaise de Tigueddi. Cette
falaise, haute d’une soixantaine de mètres, constitue un des
traits les plus remarquables de la structure des hautes plaines
soudanaises ; elle débute auprès d’In Gall et décrit, vers
l’est, un arc de cercle long de près de 200 kilomètres. Je ne
sais comment elle se termine ; les renseignements très précis
que je dois au capitaine Posth, permettent toutefois de compléter
ou de rectifier les indications de la carte au 1250000e que j’ai
données dans _La Géographie_ [XV, 1907, Pl. 2]. A une vingtaine
de kilomètres à l’est d’Agadez, au puits de Tin Taboirak,
commencent à se montrer des roches cristallines qui prolongent
vers le sud le massif ancien de l’Aïr (Pl. VI, phot. 11). Un peu
plus loin, à 60 kilomètres d’Agadez, le massif de schistes et
de granite de Taraouaji est le dernier refuge, en cas de surprise,
des Touaregs de la région. Ces roches anciennes affleurent d’une
manière continue, à part quelques interruptions dues à des laves
récentes, jusqu’à Bidei et Aoudéras. Au delà de ce massif de
Taraouadji, la falaise de Tigueddi semble se continuer ; du moins
Barth indique-t-il quelque chose d’analogue sur son itinéraire
(fig. 22).

[Illustration : Fig. 25. — Bassin lacustre des Teguidda.

1, Grès blancs à patine noire (Infracrétacé ?) ; 2, Jaspes
et meulières violettes ; A, B, C, D, Diaclases. Les sources de
Teguidda n’Taguei sont sur la diaclase D. Les dunes (en pointillé)
sont violettes.]

Quant au massif de Toureyet, il n’a encore été vu par aucun
Européen ; on sait seulement qu’au sud des Taraouadji se trouve
une région déprimée, où viennent se réunir de nombreux koris en
une rivière unique (K. d’Abrik ?) qui présente sur son parcours
quelques mares d’hivernage.

Les Toureyet formeraient, au sud de cette dépression, un petit
massif élevé, simple témoin gréseux détaché du Tegama, ou
dernier contrefort des terrains cristallins d’Aïr. A coup sûr, le
puits de Toureyet est important ; il est situé sur une des grandes
routes qui, de Zinder, vont en Asbin et qui est fréquentée par
les Ikaskazan ; les alentours renferment des pâturages permanents
et il y a toujours des campements au voisinage.

L’origine de cette longue falaise est encore obscure ; elle
est peut-être une falaise d’érosion ; mais son importance,
son allure curviligne rendent plus probable une faille, en relation
avec les éruptions récentes de l’Aïr : de pareils effondrements
circulaires abondent, en effet, dans les régions volcaniques.

Quoi qu’il en soit de cette question, j’ai pu relever la coupe
suivante, prise au cap que forme la falaise, à l’est des puits
de Marandet (fig. 26) :

6. Grès jaunâtres à stratification oblique. Ce sont des
grès grossiers contenant des grains dont le diamètre varie de
1 millimètre à 1 centimètre. Leur puissance est d’environ 3
mètres, mais il n’en reste ici que des lambeaux ; cette assise
augmente rapidement d’importance vers le sud.

5. Grès blancs de même type que les précédents, 5 mètres.

4. Argiles violettes (0 m. 25). Les bois silicifiés abondent dans
cette assise. J’ai trouvé, éboulés dans les ravins, des troncs
de près de 1 mètre de diamètre. Ces arbres sont certainement des
conifères, mais leur très médiocre état de conservation n’a
pas permis à M. Fliche de les déterminer avec certitude. On peut
hésiter entre trois genres, _Araucaryoxylon_ et surtout _Cedroxylon_
ou _Cupressoxylon_ ; ces deux derniers genres ne sont pas connus
avant l’Infracrétacé.

3. Bancs alternant d’argiles violettes et vertes, 10 mètres. Ces
argiles contiennent de nombreux débris de _Dinosauriens_. Le peu de
temps que j’ai pu consacrer à l’étude de ce gisement, ne m’a
pas permis de trouver de pièces déterminables. Celles que j’ai
rapportées, suffisent, en tout cas, à prouver l’âge secondaire
des argiles et des grès.

2. Marnes blanches (0 m. 25).

1. Marnes violettes et vertes visibles sur 10 mètres. La base est
masquée par les éboulis.

A quelque distance au nord, on retrouve dans la plaine (A. fig. 26)
des argiles et des grès analogues à ceux qui constituent la falaise
de Tigueddi. Malheureusement des dépôts quaternaires et des dunes
masquent pendant quelques kilomètres, les relations entre la falaise
et la plaine.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XII.

[Illustration : Cliché Posth

23. — LA FALAISE DE TIGUEDDI.

Limite nord du Tegama.]

[Illustration : Cliché Posth

24. — LE VILLAGE DE DOGON DOUTCHI.

Dallol Maouri, en aval de Matankari.]

Foureau a coupé deux fois cette falaise, à Irhayenne et à
Tigueddi ; les détails qu’il donne indiquent que partout la
coupe est la même ; il a noté aussi de nombreux débris de bois
silicifié[54]. Il y a toutefois à noter à Tigueddi, comme
à Irhayenne, l’existence d’un calcaire travertineux dont
les conditions de gisements, lorsqu’elles seront mieux connues,
permettront peut-être de décider si la falaise de Tigueddi est due
à une faille ou à l’érosion [Foureau, _Doc. Sc._, p. 647-649].

[Illustration : Fig. 26. — Coupe de la falaise de Tigueddi à Marandet.

1, Argiles violettes et vertes visibles sur 10m ; 2, Marnes blanches
(0m25) ; 3, Argiles violettes et vertes (10m), Reptiles ; 4, Marnes
violettes (0,25), Bois silicifiés ; 5, Grès blancs à stratification
oblique (5m) ; 6, Grès jaunes à stratification oblique (3m) ; _q_,
Quaternaire ; 7, Graviers blancs visibles sur 0m20 ; 8, Graviers et
argiles rouges (1m), Sépultures musulmanes ; 9, Argiles et Graviers
avec débris de charbon (1m), entraînés de A, par ruissellement ;
A, Plaine de l’Azaouak (Grès et Argiles) ; C, Vallée quaternaire ;
B, Tilmas et puits de Marandet.]

Cette falaise délimite au nord, avec beaucoup de précision, la
haute plaine du Tegama (Pl. XII, phot. 23). Ce sont les grès,
visibles au sommet de la falaise, qui en forment le sol ; leur
épaisseur s’accroît vers le sud, autant du moins que l’on en
peut juger par l’examen des puits : le puits de Tiou Mousgou a
33 mètres de profondeur ; les deux premiers mètres sont creusés
dans des alluvions que soutient un coffrage en bois ; les 10 mètres
suivants traversent des grès de couleur claire, à grain moyen, avec
quelques intercalations de lits de graviers ; malgré la largeur du
puits, je n’ai pas pu voir plus profondément, mais les déblais
ne montrent non plus que des grès ; l’eau de Tiou Mousgou est
restée très limpide pendant toute la corvée d’abreuvoir, ce
qui ne s’expliquerait pas s’il y avait des argiles au fond du
puits. Un peu plus à l’est, Foureau a vu le puits de Tédalaka
(37 m.) et les détails qu’il donne [_Doc. sc._, p. 650], indiquent
la même structure géologique.

A 3 kilomètres au nord de la mare de Tarka, qui est dans un creux
marqué, quelques ravins, profonds de 3 à 4 mètres, sont creusés
dans des grès tendres, blancs ou noirs avec quelques veinules
d’argile. Au-dessus des grès se montrent quelques blocs de
latérite, la plupart roulés, et qu’il faut rattacher, je pense,
au Crétacé supérieur du Damergou.

Partout, en somme, où on peut voir les terrains qui constituent le
Tegama, on retrouve toujours ces mêmes grès tendres horizontaux. La
surface de la haute plaine est bien horizontale aussi ; il y
a quelques ondulations à grands rayons, mais le modelé du sol
indique constamment un terrain perméable ; le sol partout est
formé de grès tendres, qui dans les sentiers s’est effrité et
transformé en sable.

Les quelques rares mamelons, hauts de 5 à 6 mètres, qui émergent
de la surface, surtout dans la partie méridionale du Tegama, sont
bien probablement des dunes fossiles, fixées par la végétation.

Il paraît légitime de conclure que dans son ensemble le Tegama a,
en tous ses points, la même structure géologique et qu’il est
formé partout de grès horizontaux qui prolongent, vers le sud,
ceux que l’on observe à la falaise de Tigueddi.

Au sud du Damergou on retrouve la même plaine jusqu’au voisinage
d’Ouamè ; les matériaux de déblais des puits sont, à Achaoudden
tout au moins, des grès tendres de couleur claire.

Reste à fixer l’âge des grès du Tegama ; nous avons une limite
supérieure bien nette : dans le Damergou ils sont recouverts,
en concordance, par des assises fossilifères qui appartiennent au
Turonien, probablement même au Turonien inférieur.

Leur sommet, tout au moins, est donc du Crétacé et bien que rien
ne s’oppose d’une manière absolue à ce que, en quelques points,
ces assises aient commencé à se déposer au Trias ou au Jurassique,
leur puissance assez faible ne permet guère de croire qu’ils
puissent représenter de bien longues périodes.

Il semble assez logique, et, en tout cas commode, de les rattacher
au Crétacé inférieur.

Ces puits profonds, si fréquents dans le Tegama, sont extrêmement
remarquables : la tradition les attribue à une race éteinte ou
tout au moins émigrée, les Goberaoua[55] ; ils n’ont, en tous
cas, pu être creusés qu’à une époque de grande tranquillité
et par des sédentaires.

Les indigènes ne connaissent que les outils en fer, de qualité
médiocre, car l’acier manque au Soudan, comme au Sahara ; ils
ne peuvent creuser des puits que dans des roches assez tendres ;
il faut de plus que ces roches aient un peu de tenue et ne soient
pas ébouleuses.

La réunion de ces différents caractères porte à croire que la
plupart des puits profonds que l’on connaît au nord du Soudan,
ont été creusés dans des terrains très analogues entre eux comme
constitution lithologique. Cette remarque nous permettra de suivre
assez loin ces grès vraisemblablement infracrétacés.

D’Alar’sess au voisinage de Zinder, sur plus de 300 kilomètres,
cette formation est facile à observer ; elle est à peine masquée
pendant une vingtaine de kilomètres par le Turonien du Damergou.

Vers l’est, on la suit facilement jusqu’à l’Alakhos et
au Koutous.

Les puits ordinairement très profonds de ces deux pays sont creusés
dans un terrain identique à celui du Tegama : le puits de Guesket a
65 mètres ; les déblais forment, autour de son orifice, un talus
haut de près de 5 mètres : ces déblais sont presque uniquement
des grès ; il y a cependant un peu d’argile. Le talus seul est
soutenu par un coffrage de bois.

Au nord du Koutous, la ligne des puits de Tassr, Boulloum, Dalguian,
semble jalonner une vallée en contre-bas du plateau d’une trentaine
de mètres. Cette vallée est d’ailleurs très ensablée et couverte
de dunes ; les puits y ont une quinzaine de mètres, soit 45 mètres
depuis le plateau ; l’aspect du sol, lorsqu’il apparaît entre
les dunes, est bien celui du Tegama.

A l’est de l’Aïr, Barth et von Bary ont signalé des grès
formant des plateaux horizontaux, dont quelques-uns recouverts d’une
nappe de basalte. Les itinéraires par renseignements entre Agadez
et Fachi n’indiquent qu’une immense plaine.

Près de Fachi, on signale un mamelon rocheux (granitique) et des
plateaux gréseux à patine noire (sergent Lacombe) et à l’est
du Kaouar, des grès peut-être dévoniens. Mais, au sud de Bilma,
le Crétacé supérieur marin est connu et autorise, sans trop
d’invraisemblance, à étendre les grès du Tegama jusqu’au
voisinage de Bilma.

Au sud du Koutous, les grès du Tegama se prolongent jusqu’au
Mounio dont ils entourent au moins la partie nord : ce point est
important parce qu’il donne une indication précise sur l’âge
des granites alcalins de Gouré.

A peu de distance à l’est de Gouré, commence un erg qui s’étend
jusqu’auprès de Chirmalek : entre Chirmalek et le Tchad, comme
dans la région des mares à natron de Gourselik (Manga), on retrouve
une plaine dont la surface rappelle singulièrement le Tegama ; à
l’est du lac, le Kanem reproduit les mêmes traits. J’ai déjà
indiqué ailleurs que tout le bassin du Tchad était probablement
infracrétacé, tout en signalant des divergences notables entre le
Tegama et la région du Tchad.

La végétation n’est plus exactement la même ; le Kalgo (_Bauhinia
reticulata_) et quelques autres arbres disparaissent à l’est
de Gouré ; le _Salvadora persica_, absent du Tegama, s’y montre
abondant. Les termitières disparaissent en même temps que le Kalgo ;
elles manquent aussi dans le Kanem et le Chittati : on ne les retrouve
que dans la partie méridionale du Tchad. Leur absence est complète,
ce qui permet aux indigènes de conserver leur mil dans des silos,
procédé inapplicable dès que se montre le dangereux insecte. Il
ne semble pas que le climat puisse expliquer ces quelques faits,
qui tiennent probablement à une particularité de la nature du sol.

Dans le Tegama, il existe un réseau hydrographique mal dessiné,
mais reconnaissable ; les lits des rivières, à berges peu ou pas
marquées, sont jalonnés par des mares d’hivernage, en chapelet,
qui, lorsque la pluie a été suffisante, se déversent les unes
dans les autres. Dans la région du Manga, à l’est, comme à
l’ouest du Tchad, il n’y a rien de semblable : on y rencontre
fréquemment des cavités à fond plat, profondes d’une dizaine de
mètres et d’un diamètre moyen de 7 à 800 mètres. Les bords sont
probablement abrupts, mais toujours ensablés ; je n’ai pu les voir
nulle part. Dans toutes ces cuvettes, l’ensablement indique que
les vents dominants venaient de l’est ou du nord-est. La falaise
orientale est parfois surmontée d’une dune, haute de 2 à 3 mètres
tout au plus ; la falaise occidentale est affleurée par une pente
douce de sable (fig. 27). Quelques-unes de ces dépressions ont
des affluents que l’on peut suivre sur quelques kilomètres ;
on ne connaît d’effluent à aucune d’entres elles. Parfois,
comme entre Gourselik et Bornoyazu, ces creux ont une tendance
à s’aligner, bien que la liaison ne soit pas évidente entre
eux. Freydenberg[56] a décrit avec soin des accidents semblables,
notamment dans le Chittati [_l. c._, p. 56]. Les cuvettes sont parfois
plus profondes et la falaise qui les limite atteindrait jusqu’à
50 ou 60 mètres. Malgré cette divergence, l’identité des deux
régions n’est pas douteuse : Freydenberg, qui a vu les cuvettes à
l’est et à l’ouest du Tchad, est très affirmatif sur ce point.

Un fait encore semble bien établi : le fond de toutes ces cuvettes
est occupé par des dépôts blanchâtres, identiques à ceux du
Tintoumma et de certains bahr du Tchad. Toutes ces cuvettes auraient,
à une époque indéterminée, été occupées par des eaux ayant
donné naissance à des sédiments identiques.

Freydenberg va plus loin et il suppose qu’il s’agit d’un lac
unique, et que, à l’époque de sa plus grande extension, le Tchad
aurait couvert une immense surface : vers l’ouest sa limite serait
indiquée par Kakara à 200 kilomètres du Tchad, vers le nord par
N’Gourti, à 100 kilomètres de N’Guigmi. Les limons blancs de
toutes les cuvettes seraient, dans cette hypothèse, des dépôts
d’un même lac, en continuité les uns avec les autres. Le plateau
qui les isole serait d’origine éolienne et représenterait une
série de dunes très anciennes, que je ne sais quel agent aurait
exactement nivelées. « Le Chittati a été probablement le premier
pays asséché ; les dunes y sont plus anciennes qu’au Kanem
(profil plus doux) et des dunes transversales ont eu le temps de
se former, bouchant les vallées dunaires » [c’est-à-dire, je
pense, la dépression qui sépare deux dunes] « et donnent à cette
région son aspect de plateau sablonneux, percé d’une quantité de
cuvettes » [_l. c._, p. 63]. Ces cuvettes seraient tout simplement
les points non encore ensablés.

Il est bien certain que le Tchad a été autrefois beaucoup plus
étendu qu’il ne l’est actuellement : les sédiments, amenés par
le Chari et la Komadougou le comblent peu à peu : toutes les terres
qui bordent le sud et l’est du lac, toutes les îles du Tchad
font partie du delta du fleuve. Mais les limites qu’il convient
de donner à l’ancienne extension de la nappe lacustre sont sans
doute beaucoup plus restreintes que ne l’indique Freydenberg ;
j’ai trouvé à mes deux passages (11 février et 12 mars 1906) que
le fond de la cuvette de Myrrh était à une cinquantaine de mètres
au-dessus du Tchad : on ne peut cependant attacher grande importance
à ces indications ; les nivellements que donne un anéroïde que
l’absence d’observations voisines empêche de corriger étant
toujours suspects.

La grosse objection que l’on pourra faire à l’hypothèse de
Freydenberg est, en dehors de l’hypsométrie, la difficulté
d’expliquer comment le nivellement d’un erg peut être assez
parfait pour donner l’illusion d’un plateau. Ni le ruissellement,
ni l’érosion éolienne ne peuvent amener ce résultat et il
semble difficile d’admettre une crue du Tchad assez forte pour
avoir récemment inondé tout le pays.

Freydenberg fait observer que tous les puits de la région sont
creusés dans le même sol ; mais tous les puits sont dans des
dépressions et celui qui a été creusé à Lilloa [_l. c._ p. 69],
sur la pente de l’oued, est beaucoup trop près du fond de la
dépression pour que l’on en puisse tirer une conclusion ferme.

Il me semble qu’un plateau aussi parfait que celui du Manga ne peut
être formé que de couches horizontales. L’absence de réseau
hydrographique prouve que ces couches sont très perméables[57]
comme celles du Tegama : la différence entre les deux pays tient
à leur altitude ; le Tegama, voisin de 500 mètres, reçoit un peu
plus de pluie que le Tchad (moins de 300 m.) qui occupe évidemment
le centre d’une dépression. Grâce à cette moindre sécheresse,
des vallées rudimentaires ont pu se former sur le premier.

[Illustration : Fig. 27. — Coupe schématique d’une cuvette du Manga.

F, Failles hypothétiques ; _a_, Limon noir ; _b_, Limon gris, 3 m. ;
_c_, limon blanc, 2 m.]

Quant aux innombrables cuvettes que l’on rencontre dans le Manga
et les régions voisines, il semble qu’un effondrement, dû à
la dissolution de roches solubles, en soit l’explication la plus
simple. L’abondance des mares à natron et des mares salées
est à l’appui de cette hypothèse. Pour la renverser il aurait
fallu creuser un puits non pas en un point tel que A (fig. 27), mais
beaucoup plus loin, à quelques cents mètres des bords du plateau.

Vers l’ouest, les assises du Tegama disparaissent sous le Crétacé
supérieur et le Tertiaire ; cependant dans la région de Sokoto,
au sud de l’Éocène de Tahoua, le pays est formé de plaines
sableuses où seuls des puits profonds assurent de l’eau en toute
saison ; quelques-uns atteignent 400 pieds (120 m.[58]).

Les puits de Filingué (50 m.) dans le dallol Bosso, et de Lehem
(70 m.) permettent de suivre cette zone vers le nord.

Gautier a signalé, entre l’Adr’ar’ des Ifor’as et Gao,
des puits profonds dont l’orifice est au niveau des calcaires du
Crétacé supérieur[59]. Il a dû choisir, pour y boire, le puits
de Tabankort (35 m.) parce qu’il était, au dire des guides, moins
profond que d’autres. On en cite de 100 mètres, et s’il ne faut
accepter que sous bénéfice d’inventaire des chiffres ronds fournis
par ouï-dire, du moins est-il certain que quelques puits atteignent
de grandes profondeurs, dépassant de plusieurs dizaines de mètres
celle de Tabankort, déjà respectable. Par son grand diamètre (6-7
m.), comme par sa profondeur, ce puits rappelle ceux du Tegama. Il en
diffère cependant par un caractère important ; il serait taillé
en plein calcaire : je ne pense pas que ceci puisse s’entendre de
toute la profondeur, mais seulement de l’orifice ; les calcaires
sont bien durs pour les outils des Soudanais. Il faut cependant
se méfier : les puits de Ghardaïa, profonds de 70 mètres, ont
été creusés dans les calcaires compacts du Crétacé supérieur :
malgré les rapports constants des Mozabites avec la Méditerranée,
il n’est pas certain que leur outillage ait été moins imparfait
que celui des Soudanais.

Quoi qu’il en soit de cette difficulté, les puits profonds se
retrouvent tout le long de la bordure ouest de l’Adr’ar’ où
ils jalonnent, à partir de Teleyet et de Tessalit, une grande plaine
stérile, l’Adjouz, où les calcaires de Tabankort se retrouvent
avec des fossiles, à Asselar’, Mabrouk, El Houz.

Plus à l’ouest encore, jusqu’au méridien de Tombouctou tout au
moins, cette zone des puits profonds est bien indiquée : El Adjou
aurait 70 mètres et Inalaye 90 mètres. La ligne dite des puits,
entre Tombouctou et Ormaïort (210 km.), au nord du Niger, suit un
plateau coupé de quelques dunes ; elle est jalonnée par des puits
situés à un ou deux jours de marche les uns des autres. Ces puits
profonds de 30 à 40 mètres ont un débit important[60].

Ce n’est évidemment que par une induction, peut-être un peu trop
audacieuse, que le sous-sol de ces différentes régions, dont le
seul caractère commun est l’éloignement de la surface de leur
nappe d’eau permanente, peut être rattaché aux grès du Tegama,
c’est-à-dire à l’Infracrétacé.

Il semble cependant que les observations géologiques faites au
cours du raid à Taoudenni du colonel Laperrine, par le lieutenant
Mussel[61], apportent un appui sérieux à cette hypothèse.

Partant du Touat où des grès à sphéroïdes et des argiles
gypsifères multicolores, recouvertes par les calcaires fossilifères
crétacés supérieurs du Tadmaït, représentent l’Infracrétacé,
Mussel a pu suivre de proche en proche cette formation ; il l’a
vue former entre Adr’ar’ (Touat) et Tin Haïa, une série de
gours, de témoins isolés. A El Biar, à Taoudenni, les mêmes
couches bariolées que Lenz avait déjà signalées (grès rouges)
forment quelques mamelons qui témoignent de la continuité de cette
formation (fig. 6, p. 11).

[Illustration : Fig. 28. — Falaise d’El Khenachiche.

D’après Mussel (_Renseign. colon._, 1907, p. 151).

1, Argile rouge avec veines de gypse ; 2, Gypse et Calcaire, 0 m. 50 ;
3, Argiles schisteuses avec gypse, 4 m. ; 4, Conglomérat quartzeux,
1 m.]

Ce même Infracrétacé se montre nettement à la falaise d’El
Khenachiche[62] qui laisse voir des couches horizontales d’argiles
bariolées gypsifères passant parfois à des grès rouges.

Cette haute falaise, que l’on coupe à 100 kilomètres au sud de
Taoudenni, limite vers le sud la dépression au centre de laquelle
se trouvent les salines d’Agorgott ; elle a été coupée sur
la route d’Ounan à Taoudenni par le capitaine Cauvin[63] et 100
kilomètres plus à l’est par le colonel Laperrine ; d’après les
indigènes, les routes de Taoudenni à Oualata et à l’Adr’ar’
Tmar ont à la franchir ; vers l’est elle se rapproche un instant
de la hammada El Haricha (Carbonifère), puis se redressant vers
le nord-est, se développe pendant des centaines de kilomètres à
travers le tanezrouft.

Quelle que soit l’exagération toujours possible des données
des guides, il n’en est pas moins acquis que la falaise d’El
Khenachiche est un des traits les plus remarquables de la région
de Taoudenni, où elle joue un rôle à tout le moins comparable à
la falaise de Tigueddi, au sud de l’Aïr.

Cette haute falaise franchie, on ne trouve plus jusqu’au Niger aucun
relief ; quelques dunes mises à part, les pistes se déroulent sur
une haute plaine où se trouvent les puits profonds déjà signalés
et qui, vers l’est, va se perdre sous les calcaires crétacés de
Mabrouka et de Tabankort.

Tout cela est, en somme, assez concordant : autour du massif ancien
du Sahara central, une série d’assises détritiques de grès et
d’argiles, restées franchement horizontales, forment une ceinture
presque continue ; elles reposent, en discordance, sur les terrains
primaires, Silurien à Alar’sess, Dévonien à l’Aougueroutt,
Carbonifère près de Taoudenni. Les grès à sphéroïdes du Touat,
comme les grès du Tegama, ne présentent presqu’aucun accident
tectonique ; ils sont donc beaucoup plus jeunes que le Dévonien ou le
Carbonifère qui, dans le Sahara du Nord, dans la zone hercynienne,
sont nettement plissés et qui, plus au sud, dans les régions de
structure tabulaire, sont affectés de plis à grands rayons et de
dénivellations brusques, dus à des diaclases ou à des failles.

Ces grès, dans un grand nombre de points (Tadmaït, Mabrouka,
Tabankort, Damergou, Bilma) sont en relation avec des assises
fossilifères, toutes de la fin des temps secondaires. La zone
d’affaissement où ils se sont déposés pendant l’Infracrétacé
a été occupée, un peu plus tard, par les mers du Crétacé
supérieur [cf. t. I, 234].

Il est digne de remarque que, dans l’archipel touatien, cette
région affaissée coïncide avec la région où voisinent les
plissements hercyniens et calédoniens, voisinage qui entraîne
une assez grande complication de la tectonique, et que, au sud,
elle paraisse masquer, à Labezzanga, au nord de Niamey, une zone
de rebroussement des plis calédoniens.

Dans des notes antérieures, j’ai qualifié les grès de Tegama
de formation continentale ; je regrette d’avoir usé de cette
expression équivoque qui devrait être réservée aux dunes, à la
latérite et à quelques autres roches dans la genèse desquelles
l’atmosphère sèche ou humide est le principal facteur.

Les grès du Tegama sont certainement des dépôts qui se sont
formés dans l’eau et même dans la mer ; leur stratification
régulière sur d’immenses surfaces ne saurait laisser aucun
doute. La disposition oblique de certains lits de sables et de
graviers prouve seulement que cette mer était le siège de courants
rapides. Il est bien clair qu’un affaissement, de l’importance de
celui dont il s’agit, amène nécessairement de profonds changements
dans le régime de tous les cours d’eau de la région qui, à
la faveur du déplacement de leur niveau de base, sont obligés
de remanier leur profil ; ils prennent une allure de torrent et
tendent à combler rapidement la dépression nouvellement formée :
les grès souvent grossiers du Tegama indiquent tout simplement
le début d’un cycle de sédimentation. Pour que des lacs comme
le Nyassa ou le Tanganika n’aient pas été comblés au fur et à
mesure que jouait la fracture qui leur a donné naissance, il a fallu
des conditions très spéciales. Penck[64] admet qu’ils n’ont pu
se former que dans une région déserte, où les rivières étaient
des oueds coulant aussi peu que ceux du Sahara.

Après que les fleuves qui se jetaient dans cette zone déprimée
ont eu rectifié leur lit, les courants ont diminué d’importance
et il a pu se déposer des marnes et des calcaires plus favorables
que les grès à la conservation des fossiles.

Il s’agit donc bien d’une formation marine, et l’épithète
malencontreuse que j’ai employée voulait indiquer seulement
qu’il s’agissait d’une aire continentale et que toute trace
de géosynclinal, même de mer moyennement profonde, faisait défaut.


=Crétacé supérieur.= — Au-dessus des grès et argiles du Tegama,
on trouve dans le Damergou une série de collines hautes d’une
trentaine de mètres et constituées par le Crétacé supérieur
avec fossiles marins.

[Illustration : Fig. 29. — Crétacé supérieur du Damergou. —
Près de Danmeli.

1, Grès rouge avec lumachelle à huîtres ; 2, Argiles blanc-verdâtre
avec gypse (3 m.) ; 3, Latérite.]

La base en est formée par des grès rouges contenant quelques bancs
d’une lumachelle à huîtres. Ce niveau est bien visible dans le
flanc d’une vallée à l’ouest de Danmeli, où il est nettement
surmonté par des argiles gypsifères, qui, grâce à la sécheresse,
forment une petite falaise très nette.

Ce niveau inférieur de grès rouges se retrouve tout autour du poste
de Djadjidouna qui semble occuper le centre d’un petit bombement
anticlinal, mais il est beaucoup moins nettement visible qu’à
Danmeli et son existence n’est prouvée que par les nombreux
débris de grès rouge et de lumachelle que l’on trouve dans les
champs de mil et le long des sentiers.

Les assises suivantes sont au contraire mieux visibles autour de
Djadjidouna qu’auprès de Danmeli, où les argiles gypsifères
n’ont que 3 mètres de puissance. La falaise de Béréré montre
les mêmes argiles sur une vingtaine de mètres avec intercalation,
vers leur milieu, de plusieurs bancs de calcaires de 0,10 à 0,20
de puissance.

Ces bancs sont très fossilifères ; les ammonites y abondent[65]
et la forme la plus commune est très voisine de _Vascoceras
Durandi_ Thomas et Peron, du Turonien inférieur de Tunisie. Les
huîtres, très fréquentes elles aussi, appartiennent aux groupes
de _O. Columba_, de _O. Rollandi_ Coquand et de _O. Olissiponensis_
Sharpe[66] ; cette dernière espèce a été longtemps considérée
comme cénomanienne ; les recherches récentes de Choffat montrent
qu’au Portugal elle est turonienne et que, dans l’Angola, elle
existait encore au Sénonien[67]. On retrouve, à quelques kilomètres
autour du poste de Djadjidouna, le même niveau fossilifère en un
grand nombre de points, surtout vers l’ouest.

Les argiles gypsifères sont partout recouvertes d’un manteau de
latérite de puissance variable. Les débris de ce manteau recouvrent
le flanc de la plupart des collines du Damergou, de sorte que,
vues de loin, elles donnent bien l’illusion « d’ondulation
rocheuses uniformément recouvertes de latérites ferrugineuses
rouges ». [Foureau, _Doc. Sc._, II, p. 551.]

[Illustration : Fig. 30. — Damergou. Coupe de Djadjidouna à Béréré.

1, Grès rouge ; 2, Argiles gypsifères ; 3, Calcaires à huîtres
et ammonites ; 4, Argiles gypsifères ; 5, Latérite ; _q_, Vallée
d’un petit affluent du Goulbi n’Kaba ; _d_, Dunes mortes.]

L’une de ces collines, située au nord de Sabankafi, a un relief
plus marqué que les autres ; il est possible qu’elle contienne
des niveaux plus élevés. Je n’ai pu la voir que de loin.

L’existence, au nord de la mare de Tarka, de nombreux débris de
latérite permet de suivre avec quelque certitude vers l’ouest
l’ancienne extension du Turonien. Parmi ces latérites de Tarka se
trouvent de véritables minerais de fer, constitués par des oolithes
de limonite avec ciment de sidérose (carbonate de fer), identiques
à ceux qu’exploitent encore maintenant les forgerons du Damergou.

Pour une raison purement stratigraphique, j’ai rattaché au
Crétacé supérieur des niveaux gréseux qui forment les plateaux
du Koutous et de l’Alakhos, au nord de Gouré, plateaux superposés
au Tegama comme le sont les collines d’argile du Damergou (Planche
de coupes hors texte, fig. VI).

Ces grès, puissants d’une centaine de mètres, sont parfois
gris, plus souvent roses ou violets ; ils sont habituellement de
grain assez fin, quoique partout on y trouve intercalés quelques
bancs de graviers ou de galets. La stratification y est souvent
entrecroisée, témoignant ainsi de courants rapides. Tous sont
tendres et mal cimentés.

Ces grès, suivant la région où on les examine, présentent quelques
différences de détail ; dans le sud, du côté de Kellé surtout,
ils sont plus grossiers ; les débris de quartz et de quartzite,
de la grosseur d’une noix, n’y sont pas rares, non plus que
les poudingues à galets parfois gros comme le poing. J’ai pu
examiner d’assez près un assez grand nombre de ces galets, qui
disparaissent vers le nord : tous proviennent de l’Archéen ou du
Silurien, aucun ne m’a paru attribuable aux granites alcalins de
Zinder ou du Mounio, ce qui donne une indication sur l’âge de
ces derniers, et rend probable l’existence de massifs anciens,
analogues à celui d’Alberkaram, à proximité du Koutous. Le
grand développement des ergs de la région cache presque partout
le véritable sol et empêche de bien voir.

[Illustration : Fig. 31. — Bord du massif d’Alberkaram. 30
kilomètres au nord de Zinder.

A, Quartzites ; B, Roche très altérée, feldspathique ; C, Grès
tendre. Continuation de la plaine du Tegama ; 1, Arkose et poudingues
à galets de 4 à 5 cm. ; 2, Grès fins en bancs bien lités ; 3,
Grès fins.]

Des lambeaux de la même formation se trouvent au nord de Zinder,
à Ouamé (fig. 31) et à l’ouest, vers Tirminy ; entre Tirminy et
l’Adr’ar’ de Tahoua (250 km.) les mêmes grès semblent jouer
un rôle très important ; ils sont bien visibles dans une vallée
très encaissée, entre Kongoumè et Maïjirgui (fig. 32).

Cette vallée, d’abord orientée de l’est vers l’ouest, prend
bientôt une direction méridienne ; Barth l’a rencontrée sur
son itinéraire.

En dehors de cette coupure, le pays est en général très ensablé ;
mais rien à la surface, ni dans l’aspect de la végétation,
n’indique de changement dans la nature du sol ; tout le long de
la route les puits sont nombreux et les matériaux de déblais,
accumulés à leur orifice, ne montrent jamais que des grès. Ce
n’est qu’au voisinage de Gueydoum que des débris latéritiques
indiquent l’approche d’une région différente.

[Illustration : Fig. 32. — Vallée entre Kongoumé et Maïjirgui.

1, Grès gris compact ; 2, Grès tendre jaune, très découpé
(Crétacé supérieur ?) ; 3, Grès superficiel ferrugineux
(latérite) ; 4, Dunes mortes.]

Dans la région de Bilma, le Crétacé supérieur existe aussi d’une
manière authentique ; Rohlf avait signalé, il y a longtemps, au
sud de Bilma des grès riches en fossiles, notamment en empreintes
d’ammonites ; et, auprès d’Agadem, des calcaires, diversement
colorés, très fossilifères ; aucun exemplaire n’était parvenu
en Europe ; dans sa belle traversée du Sahara (1892), le colonel
Monteil a recueilli, à Zau Saghaïr, un oursin qui a été étudié
par V. Gauthier ; le _Noetlingia Monteili_ est voisin d’une
forme du Maestrichtien du Beloutchistan[68]. Bien que, depuis, la
route du Tchad à Bilma ait été parcourue à plusieurs reprises,
aucun nouveau fossile n’a été rapporté ; les matériaux que
le lieutenant Ayasse a recueillis et qui ont été étudiés par
Freydenberg[69] montrent cependant qu’à côté de roches éruptives
variées, il existe des roches sédimentaires, les unes peut-être
anciennes (quartzites), d’autres certainement récentes : des grès
à ciment argileux avec taches rouges ou violettes ont été trouvés
en plusieurs points. Ils sont accompagnés de formations latéritiques
et la petite collection de Ayasse, que j’ai pu voir à la Sorbonne,
indique d’assez grandes analogies avec la région de Zinder. Les
derniers envois du sergent Lacombe au Muséum confirment bien cette
complexité de la région Fachi-Bilma ; il y a des roches granitiques,
des quartzites (Silurien ?) des grès peut-être dévoniens ; les
roches dominantes cependant (grès tendre bariolé, latérite, etc.),
semblent se rapporter au Crétacé ou au Tertiaire.

On connaît encore des terrains du même âge à l’ouest et au
sud de l’Adr’ar’ des Ifor’as. M. Théveniaux a rapporté
de Mabrouka le _Cardita Beaumonti_ ; MM. Combemorel, Desplagnes,
E. Gautier et Cortier ont trouvé, dans la vallée du Telemsi, la
même forme accompagnée de nombreuses huîtres (_O. Pomeli_ Coq.,
_O. Nicaisei_ Coq., _O. Bourguignati_ Coq.), caractéristiques du
Crétacé supérieur d’Algérie.

MM. Arnaud et Pasquier ont rencontré les mêmes huîtres un peu
plus à l’est ; un lamellibranche, probablement le _Roudairia
Drui_ Mun-Chalmas, forme commune dans le Crétacé supérieur
algérien, était représenté dans leur envoi par deux moules
assez médiocres. Ces Roudairia, qui sont connues depuis le Gabon
jusqu’aux Pyrénées, semblent indiquer des communications
faciles à travers le continent africain, entre la Méditerranée
et l’Atlantique.

Cette bande de calcaires fossilifères a été recoupée par la
plupart des itinéraires qui sont maintenant assez nombreux dans
cette région ; Cortier a pu indiquer sa position avec assez de
certitude sur une carte manuscrite qu’il a eu l’obligeance
de me communiquer. Mais elle n’est pas uniquement crétacée
et, dans la plupart des gisements, des fossiles éocènes ont
été recueillis en même temps que les formes secondaires. Dans
la majeure partie de son parcours, cette bande voisine avec les
terrains archéens et primaires, mais les relations du Crétacé
avec ces formations anciennes sont encore énigmatiques ; Lemoine [in
Cortier, _D’une rive à l’autre..._, p. 409] serait disposé à
admettre l’existence d’une faille, perpendiculaire aux plissements
anciens. La chose est possible quoique l’allure de la bande calcaire
soit bien peu rectiligne, mais il reste à l’établir.

Cette zone calcaire, qui est parfois limitée au nord par une falaise
peu élevée, ne s’étend pas vers l’ouest jusqu’au méridien
de Tombouctou ; du moins n’a-t-elle pas été rencontrée par les
reconnaissances qui ont poussé jusqu’à Taoudenni. Elle commence
à l’ouest de Mabrouka et, au sud du Timétr’in, s’étend
d’abord de l’ouest vers l’est ; elle s’infléchit vers le
sud au voisinage de l’Adr’ar’, constituant la plaine désolée
de l’Adjouz, puis vers Tabankort reprend sa direction ouest-est.

A l’ouest de l’Adr’ar’ des Ifor’as, elle est doublée
par une seconde bande calcaire qui vient mourir au voisinage
de Bemba ; près des puits d’In Killa et d’In Akaoual, ces
calcaires sont très fossilifères ; ils contiennent surtout de
petits « cérithes » ? et cette indication semble se rapporter
plutôt à des calcaires éocènes qu’à des couches crétacées ;
ils s’agit probablement de turritelles, fossiles communs dans
l’Éocène de l’Afrique centrale, et dont le capitaine Cauvin
a rapporté des échantillons provenant de régions voisines.

La bande crétacée se poursuit depuis Mabrouka sur plus de 1000
kilomètres ; elle est connue à l’est de Gao, à Azigui et au nord
du puits de Tiguirirt jusqu’au voisinage de 3° de long. orientale,
plus près d’Agadez que du Niger, au centre des terrains de parcours
des Oulimminden.

De Mabrouka jusqu’à l’Adr’ar’ Tiguirirt, ces calcaires
restent au voisinage des terrains anciens ; mais au delà de
cet Adr’ar’, vers leur extrémité orientale, d’après une
obligeante communication du capitaine Pasquier, on trouve, au nord
des calcaires fossilifères, des affleurements de latérite. A
cette latitude, la véritable latérite, produit d’altérations
des roches éruptives, fait défaut, comme en témoignent l’Aïr
et l’Adr’ar’ des Ifor’as ; les grès ferrugineux qui sont le
résultat de la cimentation des dunes semblent eux aussi un peu plus
méridionaux. La latérite du capitaine Pasquier, par la latitude où
elle se rencontre, est plutôt analogue, autant qu’on peut juger
sans échantillons, à celles du Damergou ou de l’Adr’ar’ de
Tahoua qui résultent de l’altération, de la décalcification
surtout des roches sédimentaires : la mer du Crétacé supérieur
aurait pénétré assez loin dans la vallée du Taffassasset où
l’on connaît, d’une manière authentique, l’Éocène jusqu’au
voisinage du 18° de latitude nord, à Tafadek et à Tamalarkat.

Dans les lignes précédentes je n’ai pas cherché à préciser de
niveaux stratigraphiques ; la chose serait prématurée. Les divers
fossiles recueillis semblent indiquer que, depuis le Turonien, les
mers du Crétacé ont occupé, d’une manière continue, le centre
africain qu’elles n’ont abandonné qu’après l’Éocène ;
mais les gisements fossilifères connus sont souvent fort loin
les uns des autres, et sans liens entre eux ; les renseignements
stratigraphiques font défaut sur la plupart des gisements et il
est nécessaire d’attendre de nouvelles recherches sur le terrain
avant de pouvoir systématiser nos connaissances sur le Crétacé
de la région de Gao et de Zinder.

La mer qui, pendant le Crétacé supérieur, recouvrait le
centre africain, se reliait certainement par la basse Égypte
et le désert libyque à celle qui, passant par la Palestine et
la Perse, s’étendait jusqu’au Beloutchistan ; les affinités
avec l’Algérie et la Tunisie sont, elles aussi, bien marquées ;
un bras de mer est peut-être indiqué à l’ouest de l’Aïr
(fig. 68, p. 225).

Un autre bras de mer plus méridional, reliant le Damergou à
l’Atlantique, est bien jalonné entre les roches anciennes du sud du
Tchad et les massifs cristallins de Kano, de Sokoto et du Dahomey ;
vers Gongola (11° latitude nord, 9° longitude est) des ammonites
turoniennes ont été recueillies ; dans le Cameroun, Solger[70]
a décrit une faune du même âge, dont les espèces présentent
les plus grandes analogies avec celles de l’Inde et de la Tunisie.

Enfin au cap Lopez, comme au voisinage de Libreville, les dépôts
du Crétacé supérieur forment, le long du littoral, une bande
parfois assez large.


=Éocène.= — La première mention de l’Éocène dans le centre
africain date déjà de quelques années : le commandant Gadel avait
recueilli à Tamaské un nautile et quatre oursins[71]. L’année
suivante, pendant la mission de délimitation du Sokoto, le capitaine
Moll et le commandant Lelean rapportaient des mêmes régions une
série plus nombreuse qui confirmait les premières indications.

La stratigraphie de l’Adr’ar’ de Tahoua paraît assez simple :
dans son ensemble, la région est un plateau dont les assises
horizontales sont profondément entaillées par des vallées
importantes, les dallols.

[Illustration : Fig. 33. — Coupe de la falaise de Bouza. —
Adr’ar’ de Tahoua.

1, Argiles blanches visibles sur 10 m. ; 2, Banc d’oolithes
ferrugineuses (0,25) ; 3, Argiles blanches, maculées de lie de vin
(10 m.) ; 4, Roche latéritique (1 m.) manquant sur une partie du
premier plateau ; 5, Argiles feuilletées avec gypse (12 m.) ; 6,
Banc calcaire très fossilifère (0,10) ; 7, Argiles feuilletées
avec gypse (3 m.) ; 8, Roche latéritique (0,50).]

J’ai pu relever quelques coupes avec détail.

Près de Bouza, le long de la falaise à laquelle est adossé le
poste[72], on rencontre successivement, de bas en haut, les niveaux
suivants (fig. 33) :

1o Argiles blanches visibles sur une dizaine de mètres, elles
contiennent des traces de grands bivalves.

2o Un banc d’oolithes ferrugineuses, 0,25.

3o Argiles blanches, se maculant de rouge et de lie de vin surtout
vers le sommet (10 m.) Ces argiles contiennent de nombreux grains
de sable quartzeux.

Formations latéritiques (2 m.) ; formation assez complexe ; certaines
veines sont formées d’oolithes ferrugineuses, indiquant un produit
de décalcification ; d’autres, à grain plus fin, contiennent
des empreintes de roseaux.

Cette couche résistante forme le couronnement d’un premier
plateau qui porte le village de Bouza ; elle disparaît rapidement
vers l’est avant la seconde falaise qui se montre à quelques
kilomètres.

5o Argiles feuilletées bleuâtres avec gypse (15 m.). Ces argiles
reposent directement sur 3.

6o Banc calcaire (0,10) très fossilifère. Les fossiles sont
surtout des moules de bivalves et de gastéropodes de petite taille
(_Cardium_, _Turritella_, _Ostrea_, etc.) ; un foraminifère,
_Operculina canalifera_ d’Arch., très caractéristique de
l’Éocène moyen du Soudan, y est rare ; il y a aussi des dents de
poissons, déterminées par Priem [_B. S. G. F._, VII, 1907, p. 334]
qui y a reconnu _Scyllium_, _Aprionodon_, _Cimolichthys_ ?

[Illustration : Fig. 34. — Falaise limitant un dallol près Bouza. —
Adr’ar’ de Tahoua.

Les flancs de la falaise sont formées des couches 1-4 de la figure 33.]

7o Argiles bleuâtres avec gypse, 2 m.

8o Latérite et grès ferrugineux, 0,50.

A quelques kilomètres au nord, à Gamé, le commandant Moll a
rencontré un banc calcaire avec de nombreux fossiles, que j’ai
pu voir au Muséum (Nautile, Oursins, Polypiers) ; les relations de
ce niveau avec ceux de Bouza sont inconnues.

Au sud-est de Keita une falaise, haute d’une centaine de mètres
montre les couches suivantes :

1o Grès à ciment ferrugineux, 0,20.

2o Argiles grises, 10 m.

3o Calcaires blancs, se débitant en rognons, 20 m.

4o Marnes (1 m.). Les oursins (_Linthia_, _Plesiolampas_) sont
abondants à ce niveau.

5o Calcaires blancs (20 m.) Les moules de grandes bivalves
(_Lucina_ ?) y abondent. Ces moules, dont la détermination précise
est impossible, sont très répandus dans l’Éocène de l’Afrique
centrale ; ils ont une valeur stratigraphique locale.

6o Argiles feuilletées blanches (20 m.) contenant des débris de
grands bivalves.

7o Formations latéritiques (3-4 m.). Oolithique ferrugineuse et
grès ferrugineux.

Cette falaise, que je n’ai pu voir qu’en passant, est l’une
des plus hautes de la région ; elle mériterait un examen approfondi.

A Tamaské, la coupe est beaucoup moins complète, et seules
les assises 5, 6 et 7 ne sont pas masquées par les éboulis ;
notons toutefois qu’à mi-chemin entre Keita et Tamaské, on
voit affleurer les argiles maculées de Bouza. Sans qu’il soit
nécessaire d’insister davantage sur le détail des observations,
l’Éocène de la région de Tahoua comprendrait essentiellement les
deux termes suivants : à la base, des argiles blanches maculées
de taches rouges ou lie de vin et qui n’ont fourni jusqu’à
présent que des traces de fossiles indéterminables ; au sommet,
des assises souvent calcaires, d’ordinaire très fossilifères et
que l’ensemble de leur faune rattache nettement à l’Éocène
moyen (Lutétien).

[Illustration : Fig. 35. — Coupe de l’Adr’ar’ de Tahoua.

Il y a environ 110 km. de Tahoua à Bouza. Le trait épais indique
les plateaux couverts de formations latéritiques.]


=Miocène.= — On a signalé[73], au sud de Bouza, vers Boutoutou,
une roche ferrugineuse où abondent les empreintes fossiles ;
M. Douvillé y a reconnu une forme voisine du _Protho rotifera_ du
Miocène français. Au-dessus de ce gisement un schiste sableux,
brun jaunâtre, contient des débris végétaux où M. Zeiller a
signalé des fougères voisines de la Scolopendre et du Polypodium,
des Scitaminées et des Dicotylédones. Ces schistes à végétaux
sont surmontés d’une lumachelle où se rencontrent des _Cardita_,
qui rappellent une forme du Miocène supérieur du Cotentin. La
collection Moll, au Muséum, contient quelques troncs silicifiés
provenant de la partie supérieure du plateau de Bouza. J’ai
recueilli, près de Korema-Alba (50 km. à l’est de Bouza), des
latérites formées d’oolithes de limonite et qui, d’après
Cayeux, semblent provenir de la décalcification d’un calcaire
lacustre. Ces limonites sont probablement au-dessus du Lutétien.

La présence de gypse à plusieurs niveaux, la flore de Boutoutou
permettent de croire que des épisodes lagunaires et lacustres se sont
intercalés à plusieurs reprises au milieu de formations marines[74],
mais il semble acquis que la mer n’a quitté définitivement
l’Afrique centrale que depuis la fin du Miocène.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XIII.

[Illustration : Cliché Posth

25. — LE NIGER A NIAMEY.

Ile granitique au milieu du fleuve. Falaise de grès du Niger,
recouverts d’éboulis latéritiques.]

[Illustration : Cliché Posth

26. — LE PUITS DU VILLAGE D’YENI.

Dallol Bosso, au sud de Sandiré.]


=Extension géographique.= — Il est possible de suivre au loin
une partie de ces formations.

Le Lutétien fossilifère se rencontre encore un peu au sud de
l’itinéraire que j’ai suivi : les fossiles recueillis par le
capitaine Lelean proviennent de Garadoumi. Vers le nord, son extension
est très considérable : le capitaine Allouard m’a signalé deux
gisements fossilifères (avec nautiles) à moitié route entre
In Gall et Tahoua ; le lieutenant Jean a remis à la Sorbonne,
où j’ai pu les étudier, quelques blocs calcaires recueillis
au nord-ouest d’Agadez, à Tamalarkat et à Tafadek ; ces blocs
sont riches en _Operculina ammonea_. M. R. Arnaud, le capitaine
Pasquier et plus récemment le lieutenant Théral ont recueilli,
au voisinage de l’Azaouak, de beaux fossiles éocènes qui sont
déposés au Muséum.

Combemorel, E.-F. Gautier et le lieutenant Cortier ont rapporté
du haut Telemsi toute une faune de même âge, que le capitaine
Cauvin a retrouvée à l’ouest de l’Adr’ar’ des Ifor’ass,
ainsi qu’entre Mabrouka et Bemba ; les gisements fossilifères
commencent à 20 kilomètres au nord de ce poste. Antérieurement,
de Lapparent avait signalé les fossiles éocènes que le lieutenant
Desplagnes avait ramassés dans la région de Bourem.

A Ansongo, parmi les galets des alluvions anciennes sur lesquelles
est bâti le poste, à 7 mètres au-dessus du Niger, et qui sont
surtout formés de quartz et de roches cristallines, se trouvent des
silex jaunâtres, à peine roulés, sur lesquels on peut distinguer
quelques traces de fossiles, notamment des empreintes de turritelles
qui ne paraissent pas différentes de celles que l’on connaît dans
les gisements typiques de la région. Ces silex sont évidemment le
dernier reste d’assises calcaires importantes.

[Illustration : Fig. 36. — Village de Kaouara (40 km. à l’est
de Matankari).

Le campement est sur la dune fixée, au premier plan.]

[Illustration : Fig. 37. — Matankari ; au nord du poste. Au dernier
plan, entre les plateaux, le col où passe la piste de Tougana.

Matankari est à quelques kilomètres en amont de Dogon Doutchi sur
le dallol Maouri.]

Cet Éocène moyen fossilifère de l’Afrique centrale est dès
main tenant bien connu dans ses grandes lignes ; toute sa faune,
par son caractère littoral, indique une mer peu profonde et
cette considération bathymétrique explique l’absence de
nummulites, absence qui ne présente aucune sorte de gravité ;
les relations de cette mer avec les mers éocènes voisines sont
plus obscures. La faune indique des affinités profondes avec le
bassin de la Méditerranée ; il est bien vraisemblable aussi que
les communications qui, pendant le Crétacé supérieur, reliaient
cette mer à celle du Cameroun, persistaient encore à l’époque
lutétienne. Mais la trace précise de ces bras de mer nous fait
jusqu’à présent défaut : j’ai indiqué antérieurement que,
au nord-ouest d’In Azaoua, sur les grès dévoniens du tassili
Tan Tagrira, se trouvaient des grès d’aspect beaucoup plus jeune
et qui pourraient être crétacés ou tertiaires ; les documents
manquent pour suivre cette voie encore hypothétique vers le nord. Les
calcaires à silex, sans fossiles, qui surtout vers l’est couronnent
le Tadmaït, sont attribués par Rolland et Flamand à l’Éocène ;
toutefois ce n’est que beaucoup plus au nord que l’Éocène
est connu d’une manière authentique. Vers l’est, par Bilma,
une communication avec le désert lybique est probable, de même
que vers le sud avec le Cameroun et l’Atlantique par Gongola ;
mais jusqu’à présent à Bilma comme à Gongola, le Crétacé seul
est connu. Une communication vers l’ouest avec le Nummulitique du
Sénégal est possible ; c’est une question qui sera mieux à sa
place dans un chapitre ultérieur.

[Illustration : Fig. 38. — Grès du Niger.

Le Tondibi, sur la rive gauche du fleuve.]

Les argiles bariolées qui, dans l’Adr’ar’ de Tahoua, sont
recouvertes par les couches lutétiennes, ont, elles aussi, une grande
extension ; mais l’absence de fossiles ne permet pas de les suivre
avec autant de sécurité que les assises qui les surmontent.

Ces argiles se prolongent à l’ouest de Tahoua ; et, jusqu’à
Niamey, on les voit à chaque étape, toutes les fois que l’érosion
a fait disparaître le manteau latéritique qui couvre la haute
plaine du Djerma : les figures consacrées à Kaouara, Dinkim,
Matankari (fig. 36, 37, 41), les photographies (Pl. XII, XIV) de
Dogon Doutchi et d’Yéni montrent avec quelle netteté on peut
suivre cette assise ; jusqu’au dallol Bosso (Sandiré-Yéni),
on ne la perd pas de vue.

Une marche de 90 kilomètres sur un plateau couvert de latérites,
parfois ensablé, mais en tout semblable à celui que l’on
suit depuis Tahoua, permet de retrouver à Niamey une formation
analogue. Lorsque l’on remonte le Niger, on voit très fréquemment
sur les deux rives, au moins jusqu’à Bourem, des plateaux, hauts
d’une trentaine de mètres au plus, couverts d’une nappe de
latérite, et dont les flancs montrent des formations sédimentaires
horizontales d’aspect jeune, formées d’ordinaire d’assises de
couleurs claires souvent maculées de rouge. Les croquis (fig. 38 et
39) montreront leur allure au Tondibi et au Kennadji. La photographie
(Pl. XIII), prise à Niamey, permettra de voir quelques détails.

Un plateau tout semblable, le mont Asserarbhou de la carte
au 2000000e du ministère des Colonies, justifie mal cette
dénomination pompeuse : ce plateau a tout au plus 20 mètres de
haut. Depuis le Niger jusqu’à mi-hauteur se montrent des argiles
gréseuses blanches et violettes, surmontées de grès roses. Sur
le couronnement, d’origine latéritique, s’élève le poste de
Bourem. A quelques kilomètres au nord du poste, d’après les
renseignements du lieutenant Barbeyrac, les calcaires à Linthia
apparaissent à la surface du sol, au-dessus des argiles bariolées
que l’on ne peut observer que dans les puits. Les relations
stratigraphiques sont donc les mêmes que dans la région de Tahoua
et cette similitude donne une certaine importance aux fossiles mal
conservés que j’ai signalés à Ansongo.

[Illustration : Fig. 39. — Le plateau de Kennadji (grès du Niger)
sur la rive droite du fleuve.

Au premier plan, une île basse, couverte de végétation ; des
porphyres y affleurent. — Sous les grès du Niger, mamelons
granitiques.]

Ces grès du Niger forment donc, au point de vue géographique,
un ensemble très homogène de Tahoua à Niamey et à Bourem. Leurs
caractères lithologiques varient peu : à Bouza ce sont des argiles
avec quelques grains de quartz, à Dinkim de véritables grès à
ciment argileux ; au voisinage des roches éruptives, comme à Niamey,
des arkoses[75] ; des modifications aussi légères n’enlèvent rien
à l’homogénéité de cette assise : dans les deux seuls points
où son âge peut être fixé, elle est recouverte par l’Éocène
moyen. On doit donc la rattacher à l’Éocène inférieur.

Plus au sud, à Bossia, Hubert signale [_l. c._, p. 365] un certain
nombre de montagnes tabulaires, assez élevées (100 m.), formées
de grès argileux où l’on peut distinguer de nombreuses assises ;
il serait intéressant de les étudier de près et de voir si leur
partie supérieure n’appartiendrait pas à l’Éocène moyen ou
au Miocène.

La limite de cette formation vers l’ouest est inconnue ;
cependant Boussenot [_Revue des troupes coloniales_, 1904, p. 243]
signale auprès de Dori, reposant sur les granites et les schistes
cristallins, des argiles et des sables gréseux qui sont peut-être la
suite des grès du Niger ; les très rares renseignements que j’ai
pu recueillir sur la région des mares qui s’étend au nord de
Dori, indiquent une plaine recouverte de formations ferrugineuses,
qui semble la continuation de ce que l’on observe sur la rive
droite de Niger. Au delà des collines cristallines qui relient
Tosaye à Hombori, on ne signale plus rien de semblable.

Dans toute cette région voisine du Niger, les grès et argiles
bariolées reposent directement sur les terrains anciens et non plus,
comme à l’est de l’Adr’ar’ de Tahoua, sur le Crétacé. Il y
a donc une transgression marquée vers le début des temps tertiaires
ou peut-être à la fin du Crétacé.

A une grande distance à l’ouest, contrastant nettement avec les
grès anciens du plateau de Bandiagara, des grès rigoureusement
horizontaux, reposant souvent sur le Silurien, se rencontrent sur
les bords du Niger, entre Bammako et Koulikoro ; le chemin de fer
de Kayes au Niger permet de les suivre assez loin vers l’ouest ;
vers le nord ils forment tout le Bélédougou ; on les retrouve entre
Mopti et Kabarah ; ils sont bien visibles au lac Débo ; les collines
qui avoisinent Goundam et le Faguibine paraissent appartenir au même
ensemble. Ce sont des grès de dureté variable, passant parfois à
des arkoses (Goundam) à grain souvent assez fin, mais contenant des
bancs de graviers ; la stratification y est souvent entrecroisée
et leur couleur varie du blanc au rouge. Jusqu’à présent, un
seul fossile y a été signalé, entre Bammako et Koulikoro ; il ne
présente malheureusement aucune signification stratigraphique[76].

Chautard a rencontré en Guinée des formations semblables ; au
Sénégal, au cap Rouge, des grès bien voisins d’aspect reposent
sur les calcaires de Rufisque à _Physaster inflatus_.

Cette analogie permettrait d’attribuer provisoirement à ces
grès un âge crétacé supérieur ou éocène : sur le littoral
d’Angola[77], la mer du Crétacé supérieur a laissé, dans des
grès, des fossiles assez nombreux. Mais il y a encore beaucoup
trop de lacunes entre ces diverses formations pour que l’on soit
autorisé à conclure, et à identifier les grès de Bammako et ceux
du Niger.

Les fossiles recueillis dans l’Éocène de l’Afrique centrale sont
surtout des moules internes de gastéropodes ou de lamellibranches
d’une détermination souvent douteuse[78]. Quelques-uns, cependant,
mieux conservés, permettent de ne pas hésiter sur l’âge de
cette formation ; les suivants méritent d’être signalés.

Un nautile, du groupe du _N. Lamarcki_ Deshayes, a été trouvé en
plusieurs points de l’Adr’ar’ de Tahoua et dans le Telemsi ; il
semble se rapporter assez exactement à _Nautilus Deluci_ d’Archiac,
du Nummulitique de l’Inde.

Un grand ovule, du sous-genre _Gisortia_, est voisin de _O. depressa_
Sow. Le capitaine Arnaud l’a recueilli dans le Telemsi et le
capitaine Pasquier, beaucoup plus à l’est, dans la région de
l’Azaouak. On connaît _O. depressa_ en Asie Mineure et dans
l’Inde.

Les moules de _Velates_, _Natica_, _Rostellaria_, _Cypræa_
semblent se rapporter aussi à des formes de l’Inde et de la
Méditerranée. Une turritelle, au moins très voisine de _Mesalia
fasciata_, se rencontre dans la région de Tahoua et à Tenekart ;
le capitaine Cauvin l’a rencontrée à l’ouest de l’Adr’ar’
des Ifor’ass, en allant de Bemba à Timiaouin ; elle se retrouve
probablement sur les silex d’Ansongo.

Parmi les lamellibranches il n’y a guère de vraiment déterminable
qu’une huître, récoltée par R. Arnaud et Pasquier entre Gao et
Menaka ; elle est très voisine de l’_Ostrea elegans_ Deshayes,
et ressemble surtout à des formes de cette espèce recueillies
autrefois par Lemesle dans le Sud tunisien et que M. Douvillé m’a
montrées à l’École des Mines. Une autre huître du même gisement
peut être rapportée à _O. punica_ Thomas.

Le moule d’une grande lucine, de la taille de _L. gigantea_ du
bassin de Paris, mais beaucoup trop épais pour que l’on puisse
le rapprocher de cette espèce, est extrêmement commun ; il permet
de suivre facilement au loin certains niveaux de l’Adr’ar’
de Tahoua.

Les oursins sont en général très bien représentés dans toutes les
récoltes ; les deux espèces que Bather[79] a décrites de Garadoumi
(_Hemiaster sudanensis_, _Plesiolampas Saharæ_) ont été souvent
recueillies ; Lambert a distingué _Plesiolampus Paquieri_ provenant
de l’est de Gao, et il se peut que les matériaux assez nombreux
qui sont actuellement à l’étude permettent d’accroître un
peu cette liste[80].

Parmi les foraminifères, une espèce seule semble jusqu’à
présent importante. L’_Operculina canalifera_ d’Archiac est
abondante à Tamaské et se retrouve, aux confins de l’Aïr, à
Tamalarkat et à Tafadek (lieutenant Jean). C’est une forme du
Lutétien de l’Inde et d’Égypte que l’on connaît aussi de
l’Est africain allemand où elle accompagne _Nummulites Ramondi_
Defr., _N._ cf. _lævigata_ Lam, _N. perforata_ Mont., _Assilina
granulosa_ d’Arch., _A. spira_ de Roissy[81].

Les vertébrés n’ont fourni jusqu’à présent que peu de
débris. R. Arnaud et Pasquier ont recueilli une vertèbre de
Crocodilien qui peut être du Crétacé supérieur ou du Tertiaire
inférieur ; la mission Moll a rapporté de la région de Tamaské
des plaques de tortues. Priem a bien voulu examiner quelques dents
de poissons trouvées près de Bouza ; il y a reconnu _Scyllium_,
_Aprionodon_ et _Cimolichthys_ (?), espèces qui indiquent
certainement le Tertiaire et probablement l’Éocène moyen[82].

Les affinités de cette faune, que l’étude non encore achevée des
nombreux matériaux qui se trouvent à Paris permettra de préciser,
sont très nettes avec l’Inde, l’Asie Mineure, l’Égypte et
le Sud tunisien.

Les autres gisements éocènes des régions voisines, le Cameroun et
le Sénégal[83], bien que présentant des analogies manifestes avec
la même zone méditerranéenne, sont assez distincts des gisements de
Tahoua ; ces divergences entre pays aussi rapprochés tiennent sans
doute à des différences d’âge entre les niveaux fossilifères
explorés ; d’après Oppenheim[84], les fossiles du Cameroun
seraient paléocènes. Cet étage est représenté probablement à
Tahoua par les grès du Niger qui, comme presque tous les grès,
sont pauvres en débris organiques ; des recherches suivies seront
nécessaires pour en connaître la faune.

Nulle part on n’a pu encore relever de coupes continues ;
mais tous les indices portent à croire que depuis le Turonien
inférieur jusqu’à la fin de l’Éocène au moins, la mer n’a
pas abandonné ces régions ; la série doit être complète dans
le centre du bassin.


                           II. — =LES PAYS=


Dans toute cette zone des hautes plaines sédimentaires du Soudan
vit une population assez nombreuse, malgré les ravages qu’y a
faits jusqu’en ces dernières années la traite des esclaves.

Presque partout deux demi-civilisations coexistent ; des villages,
habités par des populations noires, vivent surtout de la culture ;
entre les villages nomadisent des pasteurs sans liens anthropologiques
ou ethniques avec les sédentaires.

Au cours de luttes interminables entre les innombrables sultans
noirs, les villages ont souvent changé de maîtres et fait partie
des groupements les plus divers. Leur longue histoire, sans grand
intérêt probablement, ne pourra guère être débrouillée,
et seulement pour une courte période, que par des gens résidant
longtemps dans le pays.

Le travail a été commencé ; et, aux traditions soigneusement
recueillies par Barth, sont venues s’ajouter quelques monographies
excellentes comme celle que le commandant Gadel a consacrée à
Zinder.

Il est encore impossible cependant de chercher à faire une
synthèse de tous ces renseignements. Il faudra se borner à mettre
en évidence quelques groupements naturels qui ont été imposés
par des conditions géographiques ou géologiques.

Dans l’ensemble, la région de hautes plaines dont nous venons
de chercher à définir la structure géologique, forme d’une
manière très graduelle la transition entre le Sahara où il ne
pleut pas et la région équatoriale où il pleut beaucoup. Dans
leurs parties septentrionales, les plus proches du désert, ces hautes
plaines se prêtent mal à la vie des hommes ; à mesure que l’on
va vers le sud, l’eau devient moins rare et la vie plus aisée ;
les villages apparaissent, localisés surtout, d’abord, dans
quelques districts où des reliefs insignifiants suffisent cependant
à accroître les précipitations atmosphériques et fournissent
de bonnes positions de défense. Plus que la certitude d’avoir de
l’eau facilement, la préoccupation de la sécurité a déterminé
le choix de l’emplacement des villages, non seulement en Afrique,
mais dans le monde entier, comme en témoignent encore tant de vieux
villages français, juchés sur des collines d’accès difficile.


=Nomades.= — A part ces régions favorisées, la zone qui s’étend
du Tchad au Sénégal est habitée surtout par des nomades de
différentes races, qui se pénètrent peu.

A l’est, les Tebbous, fort mal connus, ont leur centre dans
le Tibesti ; depuis des siècles, jusqu’à notre arrivée, ils
étaient en lutte avec les gens de l’Aïr pour la possession de
Bilma ; leurs campements les plus éloignés vers l’ouest sont au
nord du Koutous, à Garagoa ; on les retrouve entre Chirmalek et le
Tchad ; le poste de Mirrh a été établi pour les surveiller. Ils
ne vont que peu au sud de cette ligne, qui forme à peu près la
limite commune à leurs parcours et à ceux des Peuhls.

Entre le Tchad et le Borkou, ils ont été refoulés par une tribu
arabe, les Ouled Sliman venus du Fezzan il y a un petit nombre
d’années ; tribu sur laquelle Nachtigal, et plus récemment Mangin
[_La Géographie_, XV, 1907], ont donné d’assez nombreux détails.

Le domaine des Touaregs commence à l’Aïr ; plus au sud, ils
s’étendent davantage à l’est et campent dans l’Alakhos ;
leurs dernières tentes dans cette région sont à Zéno. On les
retrouve vers l’ouest, après quelques interruptions entre le
Télemsi et Tombouctou, jusqu’à la région du Faguibine. Leur
limite méridionale paraît compliquée et semble décrire de nombreux
crochets : les Kel Gress pénètrent jusqu’à Sokoto ; à l’est
et à l’ouest de l’Adr’ar’ de Tahoua, où les nomades sont
Touaregs, les Peuhls au contraire remontent assez loin vers le nord :
on les rencontre tout au moins à Kankara et à Amashi, comme autour
de Matankari. Je n’ai pas de documents suffisants pour préciser la
limite des deux races ; il semble en tous cas qu’elles ne nomadisent
pas ensemble. De la vallée du Télemsi à Tombouctou, la plaine au
nord du Niger et jusqu’au Timetrin est occupée par des nomades
de langue arabe, Kountah et Berabiches qui séparent les Oulimminden
et les Ifor’as, des Touaregs de Tombouctou (Kel Antassar, etc.[85]).

Parfois les habitats de ces différents peuples correspondent
visiblement à des régions naturelles : l’Adr’ar’ des
Ifor’as arrête les Kountah. Vers l’ouest, le Djouf semble
être la limite extrême des Touaregs ; mais le plus souvent les
limites sont indécises et ne semblent correspondre à aucun accident
géographique notable. Chaque peuplade nomade a quelques districts
montagneux où elle est solidement installée et qui lui servent
de citadelle ; elle s’étend plus ou moins dans la plaine suivant
le hasard des combats : les oasis du Kaouar ont de tout temps été
l’objet de luttes entre les Tebbous du Tibesti et les Touaregs de
l’Aïr. Les premiers y étaient les maîtres au moment du passage
de Nachtigal (1870) ; lors de notre installation à Bilma (1906),
les salines dépendaient des Kel Aïr.

A quelque race qu’ils appartiennent, la vie de tous les nomades
est la même : du Sud algérien aux falaises de Hombori, les nomades
sont à la recherche de bons pâturages pour leurs troupeaux ;
ils ajoutent, aux bénéfices un peu aléatoires de l’élevage,
l’escorte et au besoin le pillage des caravanes et quand ils sont
en contact avec des sédentaires, ils leur imposent une protection
onéreuse : l’histoire du Damergou ou de Tahoua reproduit celle des
Oasis, et cette manière de faire, qui est pour les peuples pasteurs
presque une nécessité, n’est pas spéciale aux bergers africains.

Quant au choix des animaux qui constituent le cheptel, il est
une affaire de météorologie et non pas de race humaine. Partout
l’élevage du mouton et de la chèvre est important ; dans les
pays les plus secs on y ajoute le chameau ; quand la pluie devient
moins rare, le bœuf apparaît à côté du chameau ; un peu plus
loin du désert, en Algérie comme au Soudan, le cheval devient
possible et le dromadaire disparaît d’abord comme monture, puis
comme animal porteur. Ces substitutions progressives se font chez
les Tebbous tout comme chez les Arabes et les Touaregs. Seuls les
Peuhls, qui ne touchent nulle part au Sahara, n’élèvent, comme
animaux de bât ou de selle, que le cheval et le bœuf.

Ce n’est pas le lieu de discuter ici sérieusement la question
controversée de savoir si la vie, nomade ou sédentaire, est un
caractère de race ; les caractères anthropologiques des Africains
sont encore trop mal connus pour qu’ils puissent servir d’appui à
une semblable discussion. Il semble toutefois que les conditions de
milieu ont, plus que les caractères anatomiques, une influence sur
le mode d’existence que chaque groupement humain adopte. Malgré
leur nom, les Kel Oui sont des Haoussas et ils vivent de la vie
des Touaregs ; sur les rives du Niger, il y a des villages de
Peuhls. Quant aux Touaregs véritables, ils sont apparentés de
bien près à des populations sédentaires d’Europe ou d’Afrique
mineure.


=Adr’ar’ de Tahoua.= — Tahoua est le chef-lieu d’une région
bien caractérisée, l’Adr’ar’ de Tahoua, appelé parfois
l’Adr’ar’ Doutchi. Cette expression bizarre est formée du
mot tamachek adr’ar’ et d’un mot haoussa « doutchi » qui
veut dire caillou, rocher ou colline pierreuse. Cet Adr’ar’
est un plateau de calcaires et d’argiles éocènes (fig. 35,
p. 96), protégé le plus souvent par un manteau latéritique ; il
est entaillé par de profondes vallées, les « dallols », souvenir
d’un état hydrographique antérieur. Ces vallées, larges souvent
de 5 à 6 kilomètres, sont flanquées de falaises élevées, hautes
parfois de plus de 100 mètres ; ce sont certainement des vallées
d’érosion, creusées naguère par des fleuves venus de l’Aïr et
de l’Ahaggar, fleuves aujourd’hui décapités (fig. 68, p. 225).

Le fond des dallols a conservé des alluvions, mais le vent y a fait
cependant son œuvre et des dunes nombreuses interrompent la pente
de la vallée ; ces barrages ont favorisé l’établissement de
grands étangs ; celui de Keita (Pl. XX) est presque un lac.

[Illustration : Fig. 40. — Dallols près de Labat.

Adr’ar’ de Tahoua.]

La majorité des villages, pour des raisons défensives, est établie
au bord du plateau, souvent assez loin des puits dont la plupart,
profonds d’une dizaine de mètres, sont creusés dans les alluvions,
vers le milieu des dallols. Quelques villages cependant, comme Kalfou
(Pl. XXVII, phot. 52), sont installés au milieu des plateaux,
dans des cuvettes synclinales où ils ont pu trouver de l’eau.

La culture du mil est la seule importante ; on le sème dans la
première quinzaine de juin et il est mûr quatre mois après ;
il y a aussi quelques champs de coton.

Les sédentaires sont naturellement des noirs, mais le pays est
sous la domination des Touaregs, les Kel Gress vers l’est et
surtout lès Oulimminden, dont la région de parcours est au nord
de l’Adr’ar’ et s’étend jusqu’à Gao. D’après les
traditions locales cette domination remonterait à trois ou quatre
siècles ; elle est vraisemblablement beaucoup plus ancienne ; les
redjems, surtout des basinas, identiques à ceux du Sahara, sont
abondants dans l’Adr’ar’ de Tahoua, comme dans tous les pays
occupés actuellement par les populations berbères[86]. Quoique
aucun d’eux n’ait été fouillé, il semble impossible de
les confondre avec les autres types de sépulture décrits par
Desplagnes [_Le Plateau Central Nigérien_] et qui sont attribuables
à d’autres races.

L’influence targuie est en tous cas bien marquée, même chez les
sédentaires ; habituellement, chez les noirs, ce sont les femmes
qui font toutes les corvées ; dans la région de Tahoua, les hommes
prennent une part active au travail.

La limite orientale de l’Adr’ar’ de Tahoua est très précise :
un peu à l’est de Guidambado commencent les plateaux éocènes
qui débutent par une falaise, au-dessus des grès du Crétacé
supérieur. La plaine que forment ces grès au contact de
l’Adr’ar’ (désert des Mousgou, Gober) est à peine habitée.


=Djerma.= — Vers l’ouest les limites sont beaucoup plus
indécises. Les grès bariolés qui sont à la base de l’Éocène
se continuent jusqu’au Niger, constituant la région du Djerma[87],
région qu’habitent des populations de langue sonr’ai.

[Illustration : Fig. 41. — Matankari, sur le dallol Maouri.

Au premier plan, place du marché.]

Quelques bandes de terrain, très allongées du nord au sud, et larges
de l’est à l’ouest de 70 à 80 kilomètres, manquent d’eau ;
elles sont désignées sur plusieurs cartes par le nom d’Azaoua. On
trouve pour d’autres régions désertes ou tout au moins privées
d’eau, les noms d’Azaouad, d’Azaouak, d’Ahaouak. La langue
touareg présente au moins quatre dialectes, celui des Kel Ahaggar,
celui des Kel Oui, celui des Ifor’as et celui des Oulimminden ;
le premier seul est bien connu. Dans le dialecte des Kel Ahaggar,
Azaoua est le nom d’un arbre, le tamarix, qui, sauf dans la
région du Tchad, manque au Soudan. Il est donc possible que le
mot Azaoua soit inexact : ce serait plutôt Azaouad ou Azaouak,
dont le sens précis est inconnu, qui conviendrait. Quoi qu’il
en soit de cette question philologique, les puits et par suite les
villages sont localisés dans les grandes vallées (dallols Bosso,
Maouri). Il semble que ces bandes désertes ont servi de barrière
à l’extension des langues sonr’ai et haoussa, mais il y a eu,
je crois, quelques pénétrations réciproques : la distribution
géographique de ces deux langues, au voisinage de leur frontière,
serait à préciser sur place.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XIV.

[Illustration : Cliché Posth

27. — LE DALLOL BUSSO, A YENI.]

[Illustration : Cliché Pasquier

28. — LES RUINES DE LA MOSQUÉE DE GAO.

Les bœufs sont au milieu du cimetière musulman.]


=Tessaoua.= — La plupart des pays où les villages sont rapprochés,
sont des régions de collines ou de plateaux bien marqués ; le petit
sultanat de Tessaoua fait exception à cette règle ; il correspond
au point où une vallée importante, affluent du Goulbi n’Sokoto,
reçoit plusieurs rivières. Toutes ces vallées (fig. 32, p. 91),
encaissées de quelques mètres, sont creusées dans des grès ;
à Kongoumé, les falaises, orientées est-ouest, dans la direction
des vents dominants, sont à peine ensablées ; auprès de Tessaoua,
le Goulbi, large de plusieurs kilomètres, coulerait, s’il y avait
de l’eau, du sud au nord, de sorte que les falaises gréseuses ont
à peu près complètement disparu sous un amoncellement de sable ;
l’ensemble de la région forme à peine des collines surbaissées et
d’accès facile ; ce sont de mauvaises conditions de défense, mais
le pays est fertile : à la culture du mil, du coton et de l’indigo
s’ajoutent les cultures maraîchères (oignon, manioc, arachide,
etc.). Le tabac vient également fort bien ; sa préparation est
très soignée et le tabac de Tessaoua, célèbre au loin, est un
des meilleurs que l’on puisse fumer au Soudan.

Cette richesse du sol, qui tient uniquement à l’abondance
de l’eau, a permis à la population de se réunir dans de gros
villages (Maijirgui, 1000 h. — Kanambakachy, 1500 h., etc.), tous
protégés par de fortes palissades. Ces villages sont rapprochés
les uns des autres et les zones débroussaillées qui les entourent,
d’un diamètre de 5 à 6 kilomètres, se rejoignent : on ne voit
partout que des cultures autour de Tessaoua. Habituellement vers le
14° de latitude nord, les villages sont beaucoup plus éloignés
les uns des autres et leurs champs sont séparés par d’épais
massifs de savane ou de brousse à mimosées.

Grâce à sa densité, la population du Tessaoua a pu résister
aux Peuhls qui font paître leurs troupeaux de bœufs vers le sud
et aux Touaregs qui élèvent leurs chameaux vers le nord [Barth,
_Reisen_, II, p. 13 et 10]. Le sultanat de Tessaoua a une soixantaine
de kilomètres du nord au sud, une vingtaine de l’est à l’ouest ;
sa population serait d’environ 70000 habitants.

Depuis notre occupation, la sécurité est devenue plus grande ;
à Tessaoua et dans les gros villages, beaucoup de cases demeurent
inoccupées, les cultivateurs préférant habiter de petits hameaux
au milieu de leurs champs ; cet heureux symptôme de calme et de
prospérité est d’ailleurs assez général au Soudan.

Le Tessaoua est séparé de l’Adr’ar’ de Tahoua par le désert
du Gober ou des Mousgou[88]. Quelques villages seuls, Guidam Moussa
(500 hab.), Kornaka (400 hab.), jalonnent la route d’étapes ;
au nord il n’y a que des nomades et vers le sud, les premiers
villages de la Nigeria sont à plus de 50 kilomètres. Malgré cet
isolement on a pu créer à Amonkay Ouroua, à 23 kilomètres de
Kornaka, un petit village : 4 ou 5 familles de noirs ont osé s’y
installer, tentées par un sol assez fertile et un puits peu profond
(8 m.). Vers l’ouest, les premiers villages de la région de Tahoua
sont séparés d’Amonkay par une soixantaine de kilomètres où
nomadisent des Peuhls.

Je crois qu’il est difficile de trouver un meilleur exemple de la
confiance que les officiers du troisième territoire ont su imposer
à leurs administrés.


=Demagherim.= — Les crêtes siluriennes, flanquées de mamelons
granitiques, qui constituent les massifs d’Alberkaram et de Zinder,
forment une région naturelle, le Demagherim, où la population
sédentaire, de langue haoussa, est assez dense[89].

Les crêtes siluriennes sont constituées par des quartzites
perméables à affleurements nord-sud entre lesquels, formant le
fond de cuvettes ensablées, se trouvent des micaschistes et des
roches éruptives. L’eau se conserve bien dans ces dépressions ;
les mares temporaires sont fréquentes et les puits alimentés par
des pluies régulières sont peu profonds : à la fin de la saison
sèche, on trouve l’eau à une douzaine de mètres au plus.

Dans la plupart des dépressions, il y a des mares d’hivernage où
la végétation arborescente devient fort belle (Daganou-Mazammi) ;
certains arbres, en particulier les gao (_Tamarindus_) y atteignent
une vingtaine de mètres.

Ce massif d’Alberkaram est d’un accès particulièrement
difficile ; les cols sont rares dans les crêtes de quartzites ;
aussi la population, les Kardas, a pu vivre assez isolée et est
restée en majeure partie fétichiste.

Les districts granitiques qui bordent à l’est et à l’ouest
ce massif silurien sont d’un accès plus facile : les hauteurs
sont des mamelons isolés ; toutes les parties basses sont envahies
par des dunes mortes qui, recouvrant des terrains imperméables,
conservent d’abondantes réserves d’eau.

A Merria, l’ancienne capitale, il y a même une source, la seule du
pays, qui donne naissance à un ruisseau permanent. Ce ruisseau qui
coule pendant 5 ou 600 mètres est employé à l’irrigation. La
culture maraîchère (légumes, citrons), très développée à
Merria, alimente Zinder. Le marché hebdomadaire qui s’y tient a
l’importance des marchés d’un chef-lieu de canton de France.

La structure mamelonnée des régions granitiques se prête
admirablement à l’établissement de mares ; quelques-unes sont
de véritables lacs. L’un des plus beaux est à Gidi-Mouni ; il
a plusieurs kilomètres de long et est bordé de dômes granitiques.

Barth [_Reisen_, IV, p. 73] en donne une bonne représentation sous
un nom inexact (Bada-Muni). Sur les bords du lac et dans les canaux
qui en dérivent, la végétation est fort belle, et la culture
très développée ; il y a quelques dattiers et les baobabs, plus
rares au nord, sont abondants.

Dans tout le Demagherim, les villages sont nombreux et rapprochés ;
beaucoup sont importants. Cependant, seule la capitale actuelle,
Zinder, mérite le nom de ville. Zinder est le nom arabe, à peine
connu des indigènes qui désignent l’enceinte fortifiée où
résidait le sultan[90] sous son nom haoussa de Damangara ; à 1500
mètres au nord, le faubourg où résident les marchands et où
s’arrêtent les caravaniers est Zengou.

Zinder est une ville récente qui a remplacé Merria comme capitale
vers 1820 ; elle a été fondée et fortifiée, au commencement
du XIXe siècle, par un chef de bande, d’origine kardas, qui en
a fait surtout une place forte, une citadelle d’où il pouvait
facilement aller piller ses voisins. Les sultans de Zinder ont
reçu longtemps l’investiture du Bornou ; Ahmadou I (1893-1899)
est le premier qui se soit déclaré indépendant.

Cette origine artificielle explique que Zinder se soit peu
développée : l’emplacement a été choisi uniquement au point
de vue du brigandage ; sa population, 10000 habitants, est la même
en 1902 (Gadel) qu’en 1852 (Barth).

L’industrie y est à peu près nulle, le commerce médiocre ;
les chances d’avenir paraissent assez faibles. Kano, beaucoup
mieux située, est une concurrente redoutable, à moins de 100
kilomètres. Il n’y a pas place pour deux villes importantes dans
la même région.


=Damergou.= — Le Damergou forme au milieu du Tegama une région bien
délimitée ; ses dimensions n’excèdent pas 100 kilomètres de
l’est à l’ouest et une trentaine du nord au sud. Cette région
doit son existence aux argiles turoniennes qui forment à sa surface
une série de collines ; malgré leur peu de hauteur, une trentaine
de mètres, ces mamelons suffisent à accroître légèrement les
chances de pluie ; les argiles, entraînées par le ruissellement,
viennent colmater les fonds où abondent les mares d’hivernage. Peu
de ces mares sont permanentes, mais le sol reste assez longtemps
humide pour que la culture puisse donner de bons résultats ; le petit
mil vient fort bien et donne lieu à une exportation importante vers
Agadez et l’Aïr, plus de 10000 charges par an. Le coton y pousse
bien et la culture maraîchère est assez développée.

Jusqu’à ces dernières années, malgré la protection des
Ikazkazan, les sédentaires du Damergou, qui est un pays ouvert,
étaient pillés régulièrement au cours des luttes entre les
Touaregs de l’Aïr[91] ; aussi les habitants cherchaient-ils
à se grouper dans un petit nombre de gros villages vaguement
fortifiés. Depuis l’occupation française, la sécurité plus
grande leur a permis de se disséminer davantage et de créer de
petits hameaux au voisinage des terrains favorables à la culture.

Le commerce est important ; les grandes caravanes transsahariennes
s’arrêtent dans le Damergou et plusieurs marchands de Tripolitaine
y ont, à demeure, des représentants ; en plus de ce mouvement
de transit, les gros villages (Djadjidouna, Sabankafi, Danmeli,
etc.) ont, chaque semaine, leur marché où l’on vend surtout
des céréales, du bétail, des nattes, des poteries et du savon,
ces derniers articles fabriqués sur place.

Les puits sont malheureusement assez médiocres, et la profondeur de
la nappe aquifère empêche de les multiplier ; mais les habitants
savent se contenter de peu : à Achaouadden par exemple, il y a,
près du village, une petite mare qui contient de l’eau pendant deux
mois ; le reste de l’année, il faut aller à des puits dont le plus
proche est à 7 kilomètres. Le village est cependant assez prospère.


=Mounio.= — Le Mounio est formé d’une série de massifs
granitiques qui, à une époque récente (Tertiaire ?) ont été
injectés dans les grès du Tegama. Le relief est médiocre ; les
principaux sommets ne semblent pas dépasser 600 mètres et le chiffre
qu’indique Barth pour le mont Guediyo, 950 m., à l’extrémité
nord-ouest du Mounio, est probablement beaucoup trop fort ; les
dépressions sont au voisinage de 400 mètres.

[Illustration : Fig. 42. — Mamelons de microgranites alcalins du
Mounio, partiellement ensablés.

Du poste de Gouré. — Horizon sud.]

Le pays est assez pittoresque ; les mamelons granitiques sont
enfouis jusqu’à mi-hauteur dans du sable qui, sûrement, a été
amené par le vent ; j’ai pu vérifier à plusieurs reprises que
c’est bien du sable siliceux assez pur et non un amas de minéraux
divers, provenant de la décomposition sur place des granites. Les
fonds sont occupés le plus souvent par des mares habituellement
éphémères, mais qui suffisent à faire croître de grands arbres
parmi lesquels dominent les acacias et les doums, accompagnés
parfois de dattiers. Sur les pentes sableuses, la végétation est
assez dense et les sommets rocheux eux-mêmes sont couverts presque
partout d’euphorbes et d’aderas ; dans les parties dénudées,
le granite est rose ou gris bleu et l’ensemble fait un paysage en
somme agréable (fig. 61, p. 151).

Le Mounio a un aspect jeune ; il est à peine entamé par
l’érosion ; vers la périphérie, on peut suivre les lits de
quelques rivières ; aucune n’a remonté sa source au cœur du
pays ; les différentes cuvettes sont sans lien entre elles et
c’est là une circonstance fâcheuse ; chaque cuvette ne peut
conserver que la pluie qui est tombée sur le petit bassin dont
elle occupe le centre ; nulle part, l’eau ne peut s’accumuler en
quantité assez considérable pour qu’il y ait des puits tout à
fait permanents. Chaque village est à la merci des averses qui,
chaque année, tombent dans son voisinage ; les puits sont peu
profonds (5-10 m.), et la nature imperméable du sous-sol granitique
ne permet pas de croire qu’en les creusant davantage ils auraient
un débit moins inconstant.

Aussi les villages sont-ils d’importance très variable ; la
population est obligée à de fréquents déplacements. Vers 1850,
Barth a évalué la population de Gouré à 9000 habitants ; les cases
ruinées sont assez nombreuses pour confirmer ce chiffre. Vers 1900,
Gouré était presque complètement abandonné ; en 1906, c’était
un village de 600 habitants.

Malgré ces conditions défavorables, le Mounio est toujours resté
assez peuplé ; son relief est trop accentué pour qu’il ne soit
pas facile à défendre ; il est traversé par la grande route,
assez fréquentée, qui, du Tchad et du Bornou, va au Niger, en
sorte que le commerce y a une certaine importance.

[Illustration : Fig. 43. — Mamelons de microgranites alcalins du
Mounio, partiellement ensablés.

Du poste de Gouré. — Horizon ouest.]


=Koutous.= — Le Koutous est essentiellement un plateau gréseux dont
les dimensions n’excèdent pas une cinquantaine de kilomètres ;
son altitude s’abaisse progressivement de l’ouest vers
l’est. Auprès de Guesket, la cote du plateau est voisine de 650 ;
elle n’est plus que de 500 mètres à Guirbo ; plus à l’est,
le Koutous disparaît sous l’erg. Quelques vallées pour la plupart
ensablées, presque des cañons, entaillent profondément le plateau
et en font une chebka ; vers l’ouest leur sol se raccorde avec celui
de la haute plaine voisine et contiguë du Tegama. Les flancs de ces
vallées sont toujours envahis par le sable qui, vers l’ouest, à
Guesket, masque à peine le pied de la falaise ; à mesure que l’on
s’avance vers l’est, on voit le sable arriver à mi-hauteur,
comme à Kellé, et enfin au sommet du plateau comme à Guirbo ;
la distance verticale entre le sommet de la falaise et l’orifice
des puits met bien ce fait en évidence : cette distance est de 120
mètres à Guesket, de 60 à Laraba et de 20 seulement à Guirbo
(Planche de coupes hors texte, coupe VI).

Les puits, creusés dans les grès du Tegama, sont très profonds
surtout vers l’ouest. Sur une carte manuscrite que j’ai pu
consulter à Gouré, le lieutenant Paquette donne les chiffres
suivants :

  Bilakora           70 mètres | Laraba             58 mètres.
                               |
  Boultoum           20   —    | Magadji            46    —
                               |
  Dallacori          54   —    | Malammi            80    —
                               |
  Guesket            65   —    | Marthium           40    —
                               |
  Guirbo             28   —    | Mondoa             18    —
                               |
  Kaokilloum         24   —    | Tiokodda           60    —
                               |
  Kellé              18   —    |

J’ai pu vérifier l’exactitude de quelques-uns de ces nombres[92].

Ces puits ont un diamètre de deux à trois mètres ; tous les
matériaux de déblais sont accumulés autour de l’orifice qui se
trouve ainsi au milieu d’un monticule haut de quelques mètres ;
l’eau en est protégée contre les impuretés ; un coffrage de
bois, formé de pieux enfoncés radialement, protège les parties
ébouleuses du puits. Pour tirer l’eau, on se sert d’un seau
de cuir contenant une quarantaine de litres au moins ; la corde de
traction tirée par un bœuf est le plus souvent en cuir et passe sur
un tronc d’arbre à peine dégrossi que deux fourches soutiennent
à un mètre du sol et qui tient lieu de poulie ; le seau, sorti
du puits, est descendu à bras d’homme au pied du monticule de
déblais et l’eau est versée dans des auges de bois. L’outre
à manche qui se vide toute seule et les canalisations semblent
inconnues dans le Koutous.

[Illustration : Fig. 44. — Les plateaux du Koutous. Du village
de Kellé.

Le fond de la vallée, couvert d’une haute brousse (dasi), est
indiqué en hachures fines.]

La principale occupation des habitants est l’extraction de l’eau
nécessaire à leurs nombreux troupeaux ; jour et nuit, sans aucun
arrêt, on travaille aux puits pour abreuver les zébus, les chèvres
et les moutons qui sont nombreux et en très bel état.

Les pâturages du Koutous sont permanents et toujours bons ;
pendant la saison sèche les troupeaux de chameaux y affluent en
grand nombre ; il en vient de loin, même de la région de Zinder.

La culture du mil réussit assez bien, sans irrigation, de sorte que,
malgré la profondeur de ses puits, le Koutous est un pays moyennement
riche ; mais il a un mauvais voisinage ; au nord et à l’est, les
Tebbous, à l’ouest, les Touaregs le menacent constamment. Aussi
les villages sont-ils presque tous éloignés des puits et établis
au voisinage immédiat du plateau qui, en cas de danger, fournit une
bonne position défensive : les pierres qui le recouvrent donnent
en abondance des munitions qui ont, à maintes reprises, permis aux
habitants du Koutous de repousser de puissants ennemis et de rester
à peu près indépendants. Pour plus de sécurité, les magasins à
mil et à niébé sont établis dans les recoins des falaises, où
des réserves d’eau sont installées en cas de nouvelles alarmantes.

[Illustration : Fig. 45. — Grès du Koutous.

Du puits de Laraba. Le village dont la place est indiquée est
Guéréré. La falaise a une vingtaine de mètres.]

Dans le Koutous et le Mounio réunis, il y aurait environ 20000
habitants (capitaine Chambert), qui font partie du groupe bornouan
et parlent des dialectes béri-béri.


=Alakhos.= — L’Alakhos n’est que la partie occidentale du
Koutous ; l’érosion y est plus avancée et au lieu qu’il soit
un plateau entaillé de vallées, il est constitué par une plaine
parsemée de quelques étroits plateaux, derniers témoins des grès
du Koutous. Les villages assez nombreux de ce district sont tous
adossés à l’un de ces témoins, le plus souvent à mi-côte,
au sommet de la partie ensablée (fig. 60, p. 150) ; ils sont
donc assez souvent éloignés des puits qui sont habituellement
profonds, comme dans toute la zone infracrétacée. Les habitants,
une population noire, de langue béri-béri[93], sont apparentés
à ceux du Koutous. Mais les villages de l’Alakhos, isolés les
uns des autres, n’ont pas pu, comme leurs voisins de l’est,
résister à l’invasion des nomades ; ils sont sous la domination
des Touaregs qui font paître leurs troupeaux dans la plaine entre
les gours. Cette conquête, par une tribu des Ikaskazan, daterait
de la fin du XVIIIe siècle.


=Le Manga.= — Contrastant avec ces différents districts qui
presque tous vivent essentiellement de culture, entre le Mounio et
le Tchad, au nord de la Komadougou-Yobé, s’étend, au milieu de
la brousse à mimosées, une région, le Manga, essentiellement
industrielle ou plutôt minière. Le Manga est dans l’ensemble
une plaine, caractérisée par des dépressions, des cuvettes
à contour elliptique, à parois abruptes taillées comme à
l’emporte-pièce. Au nord, le long de la ligne Gouré, Mirrh,
Woudi, les pluies sont rares ; elles ne suffisent pas pour ramener,
de la profondeur, le sel à la surface du sol. Plus au sud, elles
deviennent plus abondantes ; quelques dépressions sont occupées
par des mares permanentes, d’autres, plus nombreuses, par des mares
temporaires dont la dessiccation laisse, comme résidu, une croûte
saline. Quelques autres ne s’assèchent qu’à moitié et l’eau
y arrive à saturation ; il se forme à leur surface une couche de
sel, scintillant au beau soleil du Soudan et qui donne l’illusion
d’un étang glacé sous un ciel de feu.

Bien que le pays ne présente que de mauvaises dispositions
défensives, que l’eau douce y soit rare et la culture difficile, il
s’est établi dans le Manga un certain nombre de gros villages qui
ont un caractère industriel marqué, comme Garankawa ou Gourselik ;
les exploitations sont loin d’occuper tous les bas-fonds où
elles seraient possibles ; il semble toutefois que leur nombre tend
à s’accroître ; en 1905 un nouveau village, Garé, venait de
s’établir près d’une mare jusqu’alors dédaignée.

Une richesse minérale a permis à des sédentaires de vivre dans
un pays qui convient surtout à l’élevage et où les Peulhs ont
de nombreux troupeaux.


=Kaouar.= — A une grande distance vers le nord, se trouvent les
oasis du Kaouar ; les conditions géologiques qui ont permis leur
création sont encore mal connues. On sait que les terrains crétacés
arrivent au voisinage ; on sait aussi que les roches anciennes s’y
rencontrent. Le sergent Lacombe a rapporté des granites du mont
Fosso, et le Dévonien se trouve probablement à peu de distance à
l’est de Bilma et de Fachi. Il est donc vraisemblable qu’autour
de l’oasis les terrains cristallins (Archéen et Silurien),
imperméables, sont recouverts par un manteau peu épais de grès
crétacé et que l’eau, provenant du Tibesti où, grâce à
l’altitude, il pleut tous les ans, comme dans l’Aïr, se trouve
à une profondeur médiocre ; au centre du bassin, dans sa partie la
plus déprimée, l’eau est à fleur de sol et les oasis du Kaouar
ont pu s’y établir. Ces oasis s’étendent, du nord au sud,
sur environ 80 kilomètres ; la largeur de la bande fertile est
peu considérable ; Nachtigal lui attribuait 8 à 10 kilomètres ;
d’après Gadel elle ne serait que de 4 à 5.

Elle contient une dizaine de villages habités par 2500 Tebbous et
Béribéris (dont 500 captifs) ; le cheptel est négligeable ; il
se réduit à 540 chameaux, 43 chevaux, 252 ânes et 980 chèvres
et moutons. Il y a environ 100000 palmiers, à l’ombre desquels
on cultive des céréales, surtout du blé.

Les habitants ont heureusement pour vivre d’autres ressources que
celle de la culture ; la plus importante est le commerce du sel,
qu’ils peuvent échanger contre du mil. Ils exportent annuellement
peut-être 40000 charges qui, prises sur place, ont une bien faible
valeur ; d’ailleurs les Kel Aïr, qui, ces dernières années,
étaient les maîtres du pays, prétendaient, en cette qualité,
ne rien payer en enlevant le sel.

En dehors du commerce du sel, Bilma a été un point de transit
important ; l’oasis est une halte forcée sur la route de
Tripolitaine au Tchad et aux états Bornouans. Cette route
était suivie, il y a peu d’années encore, par de nombreuses
caravanes. Les attaques trop fréquentes des Tebbous et des Ouled
Sliman l’on fait abandonner. Ce délaissement de la plupart
des routes caravanières par suite de l’insécurité est un fait
constant ; il semble facile d’en indiquer la cause. Au beau temps du
commerce des esclaves, les caravanes étaient nombreuses ; les droits
qu’elles payaient pour s’assurer la protection des nomades, les
chameaux qu’elles leur louaient, procuraient à tous des ressources
suffisantes pour vivre ; ils savaient en général s’en contenter.

Depuis que la traite des noirs est devenue plus difficile, ou
même impossible, ces ressources ont diminué ; la misère s’est
accentuée ; le pourcentage que les nomades touchaient ne les a plus
contentés et ils ont pris le tout. La même cause a produit dans
tout le Sahara les mêmes effets : Flye Sainte-Marie[94] a mis ce
phénomène en évidence pour les routes de l’Iguidi.

A Taoudenni même, la situation est devenue particulièrement
grave. En 1905 et en 1906, les r’ezzou marocains qui jusqu’alors
s’étaient contentés de piller les caravanes venues du sud et
de leur enlever des chameaux, trouvant que leurs prises devenaient
insuffisantes, s’attaquèrent aux commerçants du ksar. L’un
d’eux qui avait vécu en bonne amitié avec les habitants, acceptant
chaque jour la diffa, enleva tous les captifs qui travaillaient aux
salines et ne les rendit à leurs propriétaires que contre une forte
rançon. Ce fait, sans précédents dans l’histoire de la saline,
contraire à toutes les bonnes traditions du désert, scandalisa
fort les commerçants de Taoudenni[95].

L’insécurité au Sahara a été fille de la civilisation ; tout
semble indiquer qu’elle ne sera que passagère.

A Bilma, la raréfaction des caravanes a obligé les habitants à
travailler un peu plus et déjà, au moment du passage d’Ayasse
(1905), beaucoup d’entre eux se rendaient compte de la nécessité
qu’il y avait pour eux à développer les cultures.

Il semble que, depuis fort longtemps, la région de Bilma a formé un
centre ethnique distinct : parmi les outils néolithiques que Ayasse
a rapportés, à côté des types que l’on trouve à l’ouest
et au sud de Bilma, se trouvent quelques pièces très spéciales ;
l’une d’elles est très curieuse ; elle a la forme d’une hache
étroite et épaisse, mais au lieu d’un tranchant, elle présente
à son extrémité la plus large une pointe formée par une sorte
de pyramide triangulaire ; l’une des faces de cette pyramide,
parallèle au plan sagittal de la pièce, est large, les deux autres
beaucoup plus étroites. Jusqu’à présent, on ne connaît aucun
spécimen analogue à cette espèce de gouge.

On peut donc penser que, à l’époque néolithique, « il s’était
constitué en pays tebbou un centre industriel qui, tout en ayant
fait des emprunts aux contrées septentrionales et méridionales,
n’en avait pas moins conservé des caractères propres. Le fait
mérite d’être vérifié, car il permettrait de supposer qu’il
a vécu autrefois en ce point un îlot ethnique particulier qui
avait cependant des relations avec les tribus du nord et avec celles
du sud[96] ».


=Fachi.= — L’oasis de Fachi (oasis Agram) située à 150
kilomètres à l’ouest de Bilma, est beaucoup moins importante ;
elle couvre 14 kilomètres du nord au sud avec une largeur de 3 ou
4 kilomètres.

Sur toute sa longueur, elle est limitée à l’est par une chaîne
rocheuse dont le point le plus élevé est le mont Fosso qui domine
l’oasis d’une centaine de mètres. Entre cette chaîne granitique
(?), surmontée de plateaux gréseux revêtus de la patine du désert,
et l’Aïr, s’étend probablement une plaine formée par les grès
du Tegama où vont se perdre les eaux de quelques koris d’Aïr
(K. Ténéré, K. de Tafidet) ; il est vraisemblable que ce sont
ces koris qui alimentent Fachi.

L’oasis a été vue pour la première fois par des Européens en
octobre 1907 (commandant Mouret, capitaine Martin, sergent Lacombe).


=Les îles du Tchad.= — Les peuplades qui habitent les alentours
du Tchad sont assez nombreuses ; au nord les Tebbous, à l’est
les Ouled Sliman, au sud les Peuhls représentent les principaux
éléments nomades. Les populations du lac sont plus intéressantes ;
elles ont trouvé dans les îles du Tchad un refuge presque assuré
contre les invasions ; même lorsque les eaux sont basses, il reste
dans les bahrs trop de parties marécageuses pour que l’on puisse
s’y aventurer sans risques.

Il semble que deux peuplades différentes au moins occupent ces
îles : les archipels du sud sont occupés par les Kouris ou
Kanembous, qui sont venus probablement du Kanem et se rattachent
peut-être aux Tebbous. Tous sont musulmans. Ils ont de nombreux
troupeaux, mais se déplacent peu ; chez eux l’agriculture est
assez développée et ils sont en réalité sédentaires. D’après
le colonel Destenave[97] ils seraient environ 25000. La population ne
semble pas s’accroître rapidement et l’on a attribué ce fait à
l’abus des mariages consanguins. Chevalier [_L’Afrique centrale
française_, p. 406-410] donne quelques statistiques détaillées ;
dans trois villages il y a en tout 764 habitants dont 292 enfants ;
dans deux d’entre eux, le tiers des unions est stérile ; peu de
familles ont plus de deux enfants.

Les îles du nord du Tchad sont habitées par les Boudoumas (25000)
dont l’origine est obscure ; Destenave, d’après les traditions
qu’il a recueillies, pense qu’ils avaient quitté le Sokoto il y
a trois siècles ; pour Freydenberg[98], qui donne une longue suite
de chefs, ils seraient au contraire venus de l’est, du Chittati. Il
est probable qu’ils doivent rentrer dans les groupes peuhls. Ce
sont presque exclusivement des éleveurs, restés en général
fétichistes et qui ont conservé quelques vieilles coutumes :
les mariages entre gens de même clan sont interdits ; le lévirat,
c’est-à-dire le mariage obligatoire de la veuve avec le frère
aîné du défunt, se retrouve chez les Boudoumas.

Complètement à l’abri dans leurs îles, les habitants du Tchad
ont longtemps profité de leur position presque inexpugnable pour
razzier les caravanes qui passaient sur les bords du lac. Leurs
pirogues en jonc, qui nous semblent cependant bien rudimentaires,
leur permettaient d’aborder la rive bornouanne, ce qui nécessite
deux jours de navigation.


[Note 54 : En Égypte et dans le désert Libyque, on connaît des
grès d’âge albien (Infracrétacé) riches en bois silicifiés
(Grès de Nubie).]

[Note 55 : Le Gober est une région actuellement presque inhabitée
qui s’étend à l’est de l’Adr’ar’ de Tahoua, au sud du
14° Lat. Barth, qui l’a traversé, donne quelques détails sur
son histoire.]

[Note 56 : Freydenberg, _Le Tchad et le bassin de Chari._ Thèse,
1908.]

[Note 57 : Il n’est certainement pas question de couches calcaires,
au moins superficielles (Chevalier).]

[Note 58 : Capitaine Lelean, _Geological Magazine_, I, 1904, p. 290.]

[Note 59 : Le puits de Tabrichat (30 m.), voisin de Tabankort,
contenait 8 mètres d’eau en mars 1904 (Combemorel).]

[Note 60 : Ormaïort est à une demi-journée au nord de
Bémba. Combemorel, _Rens. col. Bull. Comité Afr. fr._, janvier
1909.]

[Note 61 : _Rens. col. Bull. Comité de l’Afr. fr._, 1907.]

[Note 62 : Cortier écrit Lernachiche.]

[Note 63 : Cortier, _La Géographie_, 1906. —
Cauvin. _Bull. Soc. Géogr. commerciale_, 1908.]

[Note 64 : _Amer. Journal of Sc._, XIX, 1905, p. 171.]

[Note 65 : Les premières ont été rapportées par le commandant
Gadel. — De Lapparent, _C. R. Ac. Sc._, CXXXV, 1903, p. 1298. Le
capitaine Cauvin en a donné quelques-unes au Muséum.]

[Note 66 : M. Choffat (_in litteris_) n’ose pas affirmer que
les échantillons que je lui ai soumis rentrent bien dans cette
espèce. Il faudrait, pour être certain, des matériaux abondants.]

[Note 67 : _Nouvelles données sur la zone littorale
d’Angola_. Lisboa, 1905.]

[Note 68 : De Lapparent, _C. R. Ac. Sc._, 1901, CXXXII, 388.]

[Note 69 : _La Géographie_, XVII, 15 février 1908.]

[Note 70 : _Beiträge zur Geologie von Kamerun_. Stuttgard, 1904,
p. 85-241.]

[Note 71 : De Lapparent, _C. R. Ac. Sc._, CXXXVI, 1903, p. 1118.]

[Note 72 : Ce poste est habituellement désigné sous le nom de
Guidambado, village situé à 3 kilomètres à l’est de Bouza.]

[Note 73 : De Lapparent, _C. R. Ac. Sc._, 26 déc. 1904.]

[Note 74 : Au sud de Tahoua, à Mogguer, une dépression importante
est tapissée de concrétions ferrugineuses qui ont peut-être une
origine lacustre.]

[Note 75 : Cette observation de Hubert (_Thèse_, p. 10 et 376) est
exacte, mais le fait a si peu d’importance que j’avais jugé
inutile de le signaler. Le même auteur nie l’âge éocène des
grès du Niger, sans fournir d’arguments sérieux.]

[Note 76 : C’est un débris végétal informe. — Stanislas
Meunier, _C. R. Congrès des Sociétés Savantes_, 1904, p. 156.]

[Note 77 : Choffat, _Nouvelles données sur la zone littorale
d’Angola_, Lisboa, 1905.]

[Note 78 : Bullen Newton, _Ann. and Magazine of Natural History_,
[7], XV, 1905, p. 83-91.]

[Note 79 : Bather, _Geological Magazine_, [5], 1, 1904, p. 292. —
Lambert, _Bull. Soc. Géol. de France_, [4], 6, 1906, p. 693 ;
contrairement à la tendance générale, Lambert place les couches
de Tahoua dans l’Éocène inférieur.]

[Note 80 : Cottreau, _Bull. Soc. Géol. de France_, Séance du 21
déc. 1908.]

[Note 81 : W. Wolff, in Bornhardt, _Zur Oberflächengestaltung und
Geologie Deutsch-Ostafrikas_. Berlin, 1900, p. 572. Wolff fait une
nouvelle espèce (_Op. africana_) qui ne me semble pas distincte de
_O. canalifera_.]

[Note 82 : _Bull. Soc. Géol. de France_, [4], VII, 1907, p. 334.]

[Note 83 : Chautard, _Bull. Soc. Géol. de France_, [4], VI, 1906. —
_État actuel de nos connaissances sur les formations sédimentaires
de l’Afrique occidentale Française_, Dakar, 1906 (extrait du
_Journal officiel de l’A. O. F._, 20 janvier). Bibliographie
étendue.]

[Note 84 : _Beiträge zur Geologie von Kamerun_, p. 245-285, et
communication verbale.]

[Note 85 : On a fort peu de renseignements sur les Touaregs de la
rive droite du Niger, encore à peine soumis.]

[Note 86 : Ces tombeaux se trouvent aussi au nord de Tahoua, dans
la région des mares et dans l’Azaouak (Pasquier).]

[Note 87 : Il faut probablement rapprocher ce mot de Garamante.]

[Note 88 : Les Mousgou ou Kel Azoua sont une tribu des Oulimminden.]

[Note 89 : Gadel, Notice sur la résidence de Zinder, _Revue des
troupes coloniales_, 1903, 2e sem., p. 614.]

[Note 90 : Le dernier sultan, à la suite d’un complot heureusement
étouffé, a été déposé et banni en 1906.]

[Note 91 : Jusqu’en 1906, d’importantes caravanes Kel Oui, de
5 à 6000 chameaux, ont été enlevées à quelques kilomètres du
Damergou. Voir, pour les détails, Jean et Gadel.]

[Note 92 : Ces puits sont la demeure de nombreuses chauves-souris ;
le 18 avril 1906, à Marthium, un peu avant le coucher du soleil,
elles ont mis près de dix minutes à sortir du puits, en vol serré.]

[Note 93 : Le village de Moa, au sud de l’Alakhos, est encore de
langue béribéri ; à l’ouest, commence le domaine du haoussa.]

[Note 94 : Flye Sainte Marie, Le commerce et l’agriculture au
Touat. _Bull. Soc. Géogr. d’Oran_, XXIV, 1904.]

[Note 95 : Nieger, _La Géographie_, XVI, 1907, p. 375.]

[Note 96 : Verneau, _La Géographie_, XVII, 1908, p. 116.]

[Note 97 : Destenave, _Revue Générale des Sciences_, XIV, 1903,
p. 717.]

[Note 98 : Freydenberg, _Le Tchad et le bassin de Chari_, 1908,
p. 155.]




                             CHAPITRE III

                             MÉTÉOROLOGIE

                        Le Climat. — La Brume.


                           I. — =LE CLIMAT=


Un chapitre sur la météorologie du Sahara central ne peut guère
être qu’un constat de carence.

On possède seulement plusieurs séries d’observations, de
trop courte durée en général, et de valeur souvent médiocre,
pour quelques stations du pourtour du désert. Malgré le peu de
sécurité qu’offrent la plupart de ces observations, elles mettent
bien en évidence l’allure essentiellement différente des saisons,
au nord et au sud du Sahara.

[Illustration : Fig. 46. — Moyennes des températures à Ghardaïa.

Les courbes indiquent les moyennes des maxima et des minima.]

Dans la région algérienne ou tunisienne, les courbes thermiques
présentent un seul maximum en juillet, parfois en août ; les
différences entre les moyennes des maxima et celles des minima
sont considérables dans l’intérieur ; les chiffres relatifs
à Ghardaïa sont suffisamment caractéristiques à cet égard ;
la figure se rapporte à la moyenne de cinq années 1887-1892 ;
les températures extrêmes observées pendant cette période
ont été + 50° en juillet 1892 et − 1° en décembre 1889 et
janvier 1891. Ghardaïa (32°,35′ Lat. N., 1°,20′ Lat. E.) est
à 500 mètres d’altitude environ, au fond d’une large vallée,
entourée de plateaux calcaires.

[Illustration : Fig. 47. — Tozeur.

Les courbes indiquent les moyennes des maxima et des minima.]

[Illustration : Fig. 48. — Bizerte.]

Lorsque l’on se rapproche du littoral, l’amplitude des variations
diminue, mais conserve à peu près les mêmes caractères comme en
témoignent les courbes de Tozeur (fig. 47) et de Bizerte (fig. 48)
empruntées à Ginestous[99]. Les températures extrêmes observées
à Bizerte ont été 0° et + 44°,8 ; à Tozeur − 4° et + 49°. A
Paris, les variations journalières sont beaucoup moins amples et
beaucoup moins fixes : si on les calcule, comme dans les exemples
précédents, sur la moyenne des maxima et des minima, on trouve
5°,4 en janvier et 11°,9 en juillet. A Ghardaïa l’amplitude
est toujours supérieure à 20° et approche parfois de 30°.

[Illustration : Fig. 49. — Kayes.]

[Illustration : Fig. 50. — Niamey.]

Au sud du Sahara, les courbes de température présentent une allure
toute différente. A Kayes par exemple (fig. 49) (14°,25′ Lat. N.,
13°,54 Long. W., Alt. 60m.), la moyenne de quatre années (1902-1905)
indique deux maxima, le premier en avril-mai, le second en octobre ;
l’amplitude des variations moyennes passe, en chiffres ronds,
de 10° en août à près de 20° pendant l’hiver ; les chiffres
extrêmes observés ont été de 10° en janvier 1905 ; 47° en
mai 1904. Les courbes de Niamey (fig. 50) (1906) et de Tombouctou
(fig. 51) (1905-1906) sont très analogues ; les quelques chiffres
que l’on possède pour Zinder, Guidambado et le territoire du Tchad
indiquent tous un minimum au mois d’août. Les maxima extrêmes
observés, en mars et avril, sont compris entre 45° et 48° ;
les minima de décembre et de janvier varient habituellement de 4°
à 7°,5 ; Freydenberg a noté − 2° à Kouloa en 1906. La même
courbe subsiste pour Porto-Novo (fig. 52), mais très adoucie par
la proximité de la mer.

[Illustration : Fig. 51. — Tombouctou.]

Le contraste très marqué que présentent les courbes thermiques
des stations situées au nord et au sud du désert, s’explique
facilement par les différences que présente le régime des pluies
dans les deux régions (fig. 53).

[Illustration : Fig. 52. — Porto Novo.

Les courbes indiquent les moyennes des maxima et des minima.]

Dans le bassin méditerranéen, il pleut surtout pendant l’hiver ;
au Soudan, pendant l’été, d’où un abaissement de température
marqué et une moindre amplitude des variations diurnes, l’air
étant moins sec. Comme pour les températures, les chiffres
relatifs à la pluie ne portent en général que sur un petit
nombre d’années d’observations ; les installations sont parfois
médiocres ; les observateurs changent souvent et sont plus ou moins
attentifs ; il serait illusoire de vouloir chercher à serrer d’un
peu près l’étude du climat du Soudan. La géographie botanique
permettra cependant de définir quelques zones, caractérisées,
au fond, par l’abondance relative de la pluie. Cependant les
différentes courbes sont assez d’accord entre elles, assez
conformes à ce que font prévoir les théories météorologiques,
pour que l’on puisse admettre quelles représentent en gros
l’allure du climat du Soudan.

[Illustration : Fig. 53. — Régime des pluies au nord et au sud
du Sahara.

Les hauteurs de pluie sont données en millimètres.]

Dès maintenant il est établi qu’il y a de grandes variations dans
les quantités de pluie que reçoit annuellement chaque station ;
à Kayes on a recueilli 525 mm. 9 en 1902 et 1072 mm. 9 en 1905. A
Tombouctou, d’après Yacouba, la pluie aurait varié depuis une
dizaine d’années entre 150 et 300 millimètres ; les années 1905
avec 230 mm. 6 et 1906 avec 259 mm. 5 peuvent passer pour bonnes[100].

[Illustration : Fig. 54. — Moyennes des températures d’In Salah.

Les courbes indiquent les moyennes des maxima et des minima.]

Au Sahara, on a de bonnes séries pour In Salah (27°,17′
Lat. N., 0°,7′ Long. E., Alt. 280 m.) encore un peu courtes
malheureusement. La figure 54 donne la moyenne des minima et celle
des maxima pour les années 1903, 1904 et 1905 ; les extrêmes
observés ont été − 1°,4, le 19 janvier 1904 ; et 50°,2, le
4 juillet de la même année. C’est bien le même type qu’à
Ghardaïa. Chaque année on a noté quelques jours de pluie (9 en
1903), mais la pluie n’a jamais été mesurable.

Il semble que dans toutes les parties basses du Sahara, le régime des
pluies est le même qu’à In Salah : sur tous les itinéraires on
trouve mentionnés des puits qui cessent de contenir de l’eau deux
ans, trois ans, sept ans, après le dernier orage. On parle même aux
oasis de périodes de dix-huit ou vingt ans sans pluie. Les nomades,
comme les sédentaires, ne tiennent compte dans ces affirmations
que des pluies sérieuses ; celles qui ne mouillent pas le sol,
qui ne sont pas mesurables, sont complètement négligées.

Il ne survient dans la majeure partie du Sahara que des orages
accidentels, parfois très violents ; le printemps 1907 a été
presque partout pluvieux ; le ksar de Noum en Nas, dans le Timmi
(Touat) a été détruit par un torrent descendu du plateau voisin. Le
25 mars 1907[101], un orage de grêle a dévasté l’oasis de
Brinken ; la direction suivie par l’orage était exactement
sud-nord. Son action s’est fait sentir par bandes parallèles
nettement délimitées ; chacune des bandes dévastées était large
de 80 à 150 mètres, les bandes indemnes, où n’est pas tombé
un seul grêlon, étaient plus étroites (15-60 m.).

Au cours de leur rezzou vers l’Ouest en 1906, les Taïtok, au
voisinage des puits d’El Ksaïb, à quatre étapes au nord-ouest
de Taoudenni, ont été sauvés de la soif par un orage qui leur a
permis d’abreuver leurs chameaux et de remplir leurs outres.

Aux oasis ces orages accidentels sont considérés comme un malheur ;
ils empêchent parfois la fécondation des dattiers et peuvent
gravement compromettre la récolte ; ils ramènent, dans les parties
basses, le sel de la profondeur à la surface du sol : après un
orage, les jardins trop voisins d’une sebkha sont perdus pour
plusieurs années ; il faut longtemps pour que l’eau des seguias
puisse en laver la terre. Enfin dans les ksour les constructions en
terre sèche, en « tin », avec leurs terrasses plates, supportent
mal la pluie : chaque averse cause des ruines et nécessite des
réparations. A Tombouctou, où malgré des pluies régulières on a
conservé le type de construction des ksour, les maçons se chargent,
à l’abonnement, de l’entretien des maisons. Chaque année,
à Zinder, à Agadez, etc., il faut faire de grosses réparations
au poste. Dans la zone vraiment pluvieuse, on ne trouve guère que
des toits coniques ; les toits en terrasse disparaissent.

Sur les plateaux et les régions élevées, les pluies sont moins
rares ; on n’a pas de renseignements sur les Eglab, mais les oueds
qui en descendent sont humides et contiennent de nombreux points
d’eau ; le Tadmaït arrose le Touat et le Tidikelt et contribue à
la fertilité du Gourara et des oasis du Sud constantinois ; il faut
donc qu’il y pleuve assez régulièrement. Bien que le Tadmaït soit
assez mal connu, on sait qu’il y existe des daïa, qui contiennent
parfois de l’eau et sont plus souvent couvertes de pâturages.

Les pluies ne sont pas très rares sur la Coudia et dans son voisinage
immédiat ; elles peuvent survenir en toutes saisons ; d’ordinaire,
comme au Soudan, elles arrivent pendant l’été, ou bien parfois,
comme dans le bassin méditerranéen, pendant l’hiver.

En avril 1880 Flatters a noté 7 jours de pluie.

Dans leurs contre-rezzou à l’Ahaggar, Cottenest (printemps 1902)
et Guilho-Lohan (hiver 1902)[102] ont reçu des averses. Du 1er
août au 11 septembre 1905, j’ai noté onze fois de la pluie et
il y avait eu des orages dès le mois de juin. Malheureusement il
y a des années de sécheresse (1903-1904) ; le pays n’en souffre
que peu si la mauvaise série ne dépasse pas trois ans, mais elle
en dure souvent quatre ou cinq.

En 1906, au cours de sa tournée dans l’Ahaggar, Voinot a eu deux
journées entières de pluie (27 et 29 janvier) ; il est tombé
quelques gouttes d’eau le 6, 7, 19 et 21 avril. En décembre
1905 il avait plu entre In Salah et Amgad et il est tombé quelques
averses en mai 1906 dans l’Ahnet. Enfin Cortier mentionne, dans
les contreforts ouest de la Coudia, une petite pluie le 30 mars 1907
et de fortes averses le 31 mars et le 3 avril.

Ces orages sont en général assez brusques et très localisés. Le
4 août 1905, dans l’oued Tit, à 15 kilomètres à l’ouest
d’Abalessa, la matinée avait été belle et sans vent. A midi et
demi, très légère brise du sud-ouest ; à deux heures, tonnerre
vers l’est ; le vent, toujours faible, s’établit entre nord et
nord-ouest ; le ciel est à moitié couvert et le vent, franchement
nord, est devenu grand frais ; à trois heures, toutes nos tentes sont
arrachées et l’orage commence à tomber par très grosses gouttes,
le vent passe au nord-est ; à cinq heures quarante-cinq, la pluie
cesse et il y a une légère brise de l’ouest. La température,
au cours de cet orage, a présenté quelques sauts brusques :

                          Thermomètre   Thermomètre
                             sec.        mouillé.
                             ---           ---
  12h,30m                    43°,5         22°,5

   2 ,                       43°,5         25°

   2 ,50m                    32°,5           «

   3 ,15                     27°,5         23°

   5 ,45                     23°,5         21°,5

   6 ,45                     31°,5         23°,5

Le relèvement de température de six heures quarante-cinq, après
le soleil couché, est remarquable. A Abalessa, il n’était tombé
qu’une averse insignifiante, et cette localisation des tornades
explique que de l’air plus chaud puisse être amené par le moindre
coup de vent au point refroidi par l’orage.

Des observations plus suivies ont été faites à
Tamanr’asset[103] ; elles portent sur une année.

_Août 1905._ Chaleur très modérée ; les températures moyennes
pendant la seconde quinzaine ont été 20°,8 à six heures du matin ;
36°,2 à deux heures et demie ; 30°,5, à six heures du soir.

Cinq ou six forts coups de vent durant quelques heures. Deux ou
trois fortes averses durant de une à quatre heures.

_Septembre._ Température moyenne. Très peu de vent. Un fort orage
avec pluie pendant cinq ou six heures.

_Octobre._ Température moyenne. Très peu de vent, pas de pluie.

_Novembre._ Nuits fraîches, mais non froides ; journées
tempérées. Très peu de vent, pas de pluie.

_Décembre._ Nuits fraîches, mais non froides, journées
tempérées. Dans les premiers jours du mois deux ou trois pluies
légères de trois à quatre heures chacune ; l’oued coule pendant
deux jours à Tamanr’asset.

_Janvier 1906._ Assez froid la nuit, tempéré le jour. Très peu
de vent, pas de pluie. Rosée. Ni glace ni gelée blanche.

_Février._ Froid la nuit, frais le jour. Très peu de vent ; deux
fortes pluies d’environ douze heures chacune dans les premiers
jours du mois. Rosée abondante, ni glace, ni gelée blanche. L’oued
coule pendant quatre jours à Tamanr’asset.

_Mars. Du 1er au 10._ Froid la nuit, frais le jour. Très peu de
vent. Pas de pluie.

_A partir du 10._ La température change brusquement et devient
tempérée le jour ; les nuits, ni chaudes ni froides. Presque tous
les jours grand vent venant du sud et amenant brume et chaleur. Pas
de pluie.

_Avril._ Température moyenne. Presque tous les jours grand vent
venant souvent du sud. Pas de pluie.

_Mai. Du 1er au 20._ Température modérée. De dix heures du matin
au coucher du soleil, grand vent venant ordinairement de l’ouest ;
le reste du temps pas de vent. Le 11, quelques gouttes de pluie ;
le 12 quelques très légères averses.

A partir du 20, la température change brusquement, les journées
deviennent chaudes, les nuits restent tempérées et fraîches. De dix
heures du matin au coucher du soleil, vent modéré venant souvent du
sud ; le reste du temps, pas de vent. Une très petite averse le 30.

_Juin._ La moyenne des températures est 14° à cinq heures, 36° à
midi, 30° à six heures. De dix heures du matin au coucher du soleil
vent modéré, venant souvent du sud ; le reste du temps, pas de vent.

Les 8, 25 et 26, quelques gouttes de pluie. De minuit au lever du
soleil, l’air est souvent humide.

_Juillet._ Moyenne des températures : cinq heures 15° ; midi 37° ;
six heures 31°. De dix heures du matin au coucher du soleil vent
modéré venant souvent de l’est ; le reste du temps, presque pas
de vent. Ciel souvent couvert le jour, ordinairement découvert la
nuit. Le 1er et le 2, quelques gouttes de pluie.

Pour la pluie, l’année 1905-1906 a été exceptionnelle ;
d’ordinaire, il pleut en été plutôt qu’en hiver.

D’après Duveyrier, la neige serait assez fréquente sur la
Coudia et tiendrait parfois trois mois sur l’Ilamane. Au cours
de la période août 1905-juillet 1906, l’absence de neige est
expressément mentionnée sur l’Ilamane qui, de Tamanr’asset, est
très en vue. L’indication de Duveyrier est probablement erronée
et tient à une faute de traduction : le tamahek n’a qu’un seul
mot (ar’eris) pour désigner l’eau solide sous toutes ses formes
(glace, grêle, neige, gelée blanche).

Le sol de l’Ahaggar est d’ordinaire imperméable, de sorte que
toute l’eau tombée se rassemble rapidement dans les vallées et
s’écoule parfois à de grandes distances : les crues de l’oued
Tamanr’asset dépassent parfois Timissao.

Ces crues sont extrêmement brusques : le 5 août 1905, un orage
survint vers trois heures de l’après-midi à notre campement
près de l’oued Tit (15 km. est d’Abalessa) ; vers cinq heures,
l’oued commence à couler avec une vitesse d’environ 2 mètres
par seconde ; il contient 0 m. 25 d’eau ; vers sept heures, il
n’en contient plus que 0,12 et sa vitesse n’est guère que de
1 mètre ; vers neuf heures il est à sec.

Cet exemple est insignifiant ; mais parfois l’eau est assez profonde
pour noyer un homme ; on trouve souvent accrochés aux branches,
à deux ou trois mètres du sol, des débris qui n’ont pu être
amenés que par les crues. A la suite de ces orages, les alluvions
sont largement mouillées et peuvent conserver d’importantes
réserves d’humidité, que la structure du pays rend assez
facilement utilisables.

Plus au sud, les régions élevées comme l’Aïr ou l’Adr’ar’
des Ifor’as appartiennent, par leur climat, au Soudan et présentent
une saison de pluies régulières.

A notre arrivée dans l’Adra’r’, à In Ouzel, le 23 juin
1905, il pleuvait depuis deux ou trois semaines ; l’état de la
végétation herbeuse qui sortait du sol toute fraîche, confirmait
les indications des indigènes ; jusqu’à la fin de notre séjour
(28 juillet) il a été noté 10 jours de pluie.

En 1907[104], le 6 mai, un gros orage forme dans l’oued Tekakand
de beaux aguelmans. Il est probable que cet orage isolé est
exceptionnel et que la saison pluvieuse ne commence régulièrement
qu’un peu plus tard. Voici, pour la première quinzaine de juin,
les observations de Dinaux : le 30 mai, une heure de pluie violente à
quatre heures du soir ; le 2 juin, trois heures de pluie torrentielle
(entre trois heures et huit heures du soir) : l’oued Eferir est
transformé en un marécage de deux kilomètres de large ; le 8 juin,
une demi-heure de pluie violente (trois heures du soir) ; le 9 juin
une heure d’averses intermittentes (quatre heures) ; le 12 juin,
pluie torrentielle de trois à six heures du soir. L’Oued in Ouzel
coula une partie de la nuit.

Le caractère particulier de ces crues a déjà été indiqué ; à
cause de la largeur des vallées, elles ne sont jamais violentes ;
la nappe d’eau n’a pas de profondeur et le courant n’est pas
rapide, sauf peut-être dans quelques oueds de montagne.

Cette saison des pluies de juin, juillet, août paraît très
régulière et chaque région de l’Adr’ar’ reçoit trois
ou quatre grandes tornades chaque année, habituellement dans la
soirée : c’est vers quatre ou cinq heures de l’après-midi que
le ciel commence à se couvrir ; les nuages apparaissent souvent
au sud-est.

Parfois cependant une seconde période pluvieuse se produit deux
mois après la fin des orages réguliers. Les crues qui peuvent
survenir ainsi à la fin d’octobre sont en général redoutées ;
elles détruisent la végétation herbacée qui s’était établie
dans les oueds et restreignent singulièrement les pâturages.

Les observations thermométriques sont encore peu nombreuses ;
cependant, pendant la saison des pluies, les maxima sont relativement
peu élevés ; pendant la première quinzaine de juin 1905, dans le
tanezrouft d’In Zize, la température dépassait tous les jours
45° et approchait parfois de 50° ; dans la seconde quinzaine
de juin et de juillet, dans l’Adr’ar’, le thermomètre a
rarement indiqué plus de 40° ; dix-huit fois sur trente-quatre,
c’est-à-dire dans la majorité des cas, le maximum est resté
inférieur à ce chiffre ; le 9 juillet, il a été de 31° ; la plus
haute température observée (44°) a été notée une seule fois. A
cinq heures du matin les lectures sont en général voisines de 25°.

Il est probable que, si l’on pouvait la construire, la courbe
aurait une allure voisine de celle de Tombouctou ; mais on ne sait
rien sur les températures de l’hiver dans l’Adr’ar’ ; il est
vraisemblable que dans les mois de décembre, janvier et février,
le thermomètre descend parfois au voisinage de 5° ou 6°, mais ce
n’est là qu’une impression.

Dans l’Adr’ar’, comme dans toute la zone sahélienne, l’air
est en général sec ; même pendant la saison des pluies, l’écart
entre les deux thermomètres, sec et humide, atteint facilement 15°
dans l’après-midi ; le matin cependant l’humidité est parfois
sensible ; l’écart entre les deux thermomètres est souvent faible,
4° ou 5° ; il tombe rarement à 2°.

Le climat de l’Aïr est très comparable à celui de
l’Adr’ar’ ; il présente aussi une saison de pluies
régulières, mais plus tardive ; le Teloua, qui passe à Agadez,
coule habituellement, d’après les renseignements qu’a bien voulu
me donner Lefebvre, six à sept fois par an ; les années sèches,
il ne présente que deux ou trois crues ; en 1905, qui a été
une année particulièrement pluvieuse, il a coulé 19 fois. Du 17
septembre 1905, date d’arrivée à l’oued Tidek, jusqu’au 5
novembre, départ d’Agadez, j’ai noté neuf fois de la pluie.

Foureau pendant son séjour dans l’Aïr (mars-juillet 1899)
a noté trente-trois jours de pluie ; pour la plupart des jours,
il s’agit seulement de quelques gouttes d’eau et la Mission
Saharienne n’a reçu que quatre averses sérieuses.

Les températures paraissent les mêmes que dans l’Adr’ar’ ;
du 17 septembre au 5 novembre 1906, j’ai noté deux fois 40°, le 27
septembre dans l’oued Kadamellet et le 26 octobre à Alar’sess ;
une seule fois 43°, le 14 octobre, près d’Iférouane. Les
températures de 38° ou 39° ont été fréquentes. En septembre,
les minima ont toujours été supérieurs à 20° ; en octobre, ils
sont descendus quelquefois à 19°. Le 6 novembre, j’ai observé
13° à quelques kilomètres à l’ouest d’Agadez. Dans l’Aïr
comme partout, un temps couvert s’oppose au rayonnement : le 7
octobre à Iférouane, après une nuit couverte qui avait amené
la pluie sur le Timgué, il y avait 36° à six heures du matin ;
39° à deux heures et 36° à six heures du soir.

L’état hygrométrique a été le même que dans l’Adr’ar’.

La région de Tombouctou, le Télemsi, le Tégama, le bassin du Tchad
qui appartiennent eux aussi à la zone sahélienne, ne se distinguent
guère, au point de vue climatérique, de l’Adr’ar’ ou de
l’Aïr. Du 27 juillet ou 22 août 1905, de Tabankort à Tombouctou,
Gautier a noté dix tornades dont deux d’une extrême violence ;
à Bourem, d’après le lieutenant Barbeyrac, il tombe en moyenne
8 à 9 tornades par an ; il est très remarquable que ces tornades
soient amenées par vent du nord-est ; l’humidité ne peut cependant
provenir que de l’Atlantique. Pendant les reconnaissances qu’il a
exécutées à l’intérieur de la partie nord du Tchad (juin-août
1905), le capitaine Freydenberg a observé dix tornades suivies de
pluie, cinq venant du nord-est et cinq du sud-ouest. Un peu plus au
sud, à Massakory, le lieutenant Deschamps a compté, du 19 mai au
26 septembre 1905, 269 heures de pluies. Du 1er mai au 12 août 1906,
en allant de Zinder à Tombouctou, j’ai suivi jusqu’à Niamey la
limite méridionale de la zone sahélienne ; j’ai reçu, pendant
ce voyage, 28 averses ; à partir du 15 mai surtout, presque chaque
jour on voyait une ou deux tornades à l’horizon. L’année 1906 a
cependant été plutôt sèche, du moins au début de l’hivernage ;
au moment de mon passage dans la région de Tahoua, pendant la
première quinzaine de juin, on n’avait pas encore pu, faute de
pluie, semer le mil ; les indigènes commençaient à être inquiets.

Il pleut d’ailleurs accidentellement, dans tout le Soudan, en
dehors de la saison d’hivernage : en février 1906, on a recueilli
à Tombouctou 2 mm. 3 d’eau ; Foureau, en janvier 1900, a noté
trois ondées au Tchad.

Les tornades de l’été présentent les mêmes caractères dans
toute la zone sahélienne, mais, dans l’Adr’ar’ et dans
l’Aïr, l’horizon est toujours borné, de sorte qu’on voit
mal l’ensemble des phénomènes. Dans les pays de plaine, on les
voit au contraire fort bien ; de loin, les tornades sont nettement
délimitées et on peut les embrasser d’un seul coup d’œil. Elles
sont habituellement d’une violence extrême ; sur le fleuve, les
chalands sont obligés de se mettre à l’abri et malgré cette
précaution, ils sont violemment agités par la houle qui accompagne
le coup de vent ; malgré l’abri que procurent les berges du fleuve,
les vagues embarquent fréquemment. La tornade pousse le plus souvent
devant elle une colonne de poussière que l’on voit s’avancer
de loin comme un grand mur jaunâtre ou rougeâtre et qui semblé
être l’origine des brumes du Soudan. Au-dessus de cette colonne,
on aperçoit souvent un cumulo-nimbus.

Parfois il n’y a pas autre chose et la tornade est sèche ;
souvent aussi elle amène la pluie ; dès qu’il pleut, le vent
change complètement de direction et diminue de vitesse.

Les cyclones (?) qui donnent naissance à ces tornades sont de
très petit diamètre, aussi sont-ils en général sans influence
sur le baromètre.

La plupart de ces tornades sont de courte durée ; elles sont
accompagnées d’ordinaire d’éclairs et de tonnerre et
apparaissent le plus souvent le soir ou la nuit ; parfois aussi
elles commencent à minuit ou une heure du matin.

Ces perturbations violentes et brèves sont certainement les plus
fréquentes dans la zone sahélienne ; cependant la pluie prend
quelquefois un caractère différent. Le 22 juin 1906, à l’est
de Matankari (13°,40′ Lat. N.) tout près de la limite des zones
soudanaise et sahélienne, de huit heures et demie à huit heures
trois quarts du matin, j’ai noté un fort orage, accompagné
de grêle, par vent d’est ; à neuf heures le vent (3)[105]
était passé au sud-est et une pluie fine, très continue et peu
abondante, d’un type familier en Europe, commençait à tomber ;
vers dix heures le vent devenait sud-ouest (2) ; la pluie cessa à
onze heures ; pendant ces deux dernières heures, il n’y a eu ni
éclair ni tonnerre.

Le 26 juin au soir, le vent était assez faible et soufflait du sud ;
vers minuit il passait brusquement à l’ouest ; dès que la pluie,
qui dura de minuit à onze heures du matin, le 27, commença à
tomber, le vent assez faible s’établit à l’est ; à 11 heures,
il était passé au sud-ouest (4) ; toute l’après-midi, il se
maintenait à l’ouest (1).

Dans la majeure partie du Sahara, le vent dominant souffle
du nord-est ; les dunes fournissent à cet égard un excellent
enregistreur et il ne saurait y avoir de doute ; les dunes fossiles
qui s’étendent du Sénégal au Tchad montrent qu’à une
époque antérieure le régime était le même, comme il fallait
s’y attendre puisque les causes qui déterminent les alizés
sont permanentes.

Il y a cependant quelques exceptions. Les unes sont très locales et
probablement négligeables : le bras d’erg qui borde à quelques
cents mètres la falaise orientale du tassili Tan Adr’ar’
indique des vents d’ouest. D’autres sont plus importantes ;
dans la région du Cap Blanc les vents viennent du nord d’une
façon presque constante. La même direction domine entre Araouan et
Taoudenni : les bras d’erg s’étendent de l’est à l’ouest
sur 300 kilomètres et il ne peut être question ici de remous
locaux. Les dunes fossiles entre Araouan et Tombouctou indiquent au
contraire des vents du sud ; l’asséchement du lac de Taoudenni
n’est peut-être pas étranger à ce changement de régime.

D’ailleurs les dunes ne peuvent donner que la résultante du vent ;
les quelques observations que l’on a montrent des variations
saisonnières considérables. Tamanr’asset, d’après les
observations relatées plus haut, en fournit un bon exemple. A In
Salah, en 1905, on a noté 460 fois le vent du nord-est ; 194 fois
du nord ; 84 fois du sud-ouest ; à Tombouctou, 215 fois du nord,
194 fois du nord-est, 188 fois du nord-ouest, 166 fois du sud-ouest
et 146 fois de l’ouest ; les autres directions sont rares. La
même année, à Zinder, le vent dominant a été est-nord-est de
janvier à fin avril ; il a été sud-ouest en mai et juin, variable
en juillet et août ; en septembre et octobre, le vent d’ouest a
été le plus fréquent ; celui d’est, en novembre et décembre.

Ces changements sont évidemment liés à la saison des pluies ;
il semble que l’Adr’ar’ est un centre de pressions basses
pendant l’été, hautes pendant l’hiver. Gautier [cf. t. I,
p. 52] a insisté sur le rôle possible des grands ergs, plus
chauds en été et plus froids en hiver que les hammadas voisines,
dans la distribution des pressions : les hammadas et les ergs
constituent peut-être au Sahara, au point de vue météorologique,
des entités aussi distinctes que, à la surface du globe, les mers
et les continents.

Malgré les nombreux documents déjà connus, il semble qu’un
essai de synthèse serait prématuré.


                           II. — =LA BRUME=


La brume est fréquente au Sahara où elle se présente sous deux
aspects essentiellement différents. Par beau temps, le sol est
surchauffé, la température du sable dépasse souvent 60°. Les
couches d’air voisines du sol acquièrent une température
élevée ; les filets d’air chaud qui s’élèvent à travers
l’air plus froid ne s’y mélangent pas de suite. Les parties
basses de l’atmosphère ne sont pas homogènes et perdent leur
transparence ; les différences entre les indices de réfraction
de l’air chaud et de l’air froid amènent des déformations
des images qui sont le plus souvent très allongées dans le sens
vertical ; une touffe d’herbe prend figure d’un arbre ; un
méhariste simule un peuplier. Ce phénomène extrêmement fréquent
se complique souvent de mirage, dû lui aussi à des différences
de température entre couches d’air voisines.

Cette brume de réfraction et le mirage sont visibles surtout pendant
les heures chaudes de la journée ; un vent moyen ne fait disparaître
ni l’un ni l’autre ; on les observe dans tout le Sahara et dans
le nord du Soudan.

Dans les parties méridionales du Sahara, au sud d’In Zize comme
au sud de l’oued Tagrira, ainsi que dans l’Ahaggar, une brume
d’origine toute différente, et que l’on retrouve au Soudan,
accompagne la saison des pluies tropicales. C’est une brume aussi
opaque que n’importe quel brouillard septentrional, épaisse à ne
pas voir un chameau à 5 mètres ; elle atténue considérablement
l’éclat du soleil qui prend une couleur blanche et ressemble
à la pleine lune ; parfois même la brume est assez épaisse pour
masquer complètement le soleil ; en plein midi, on ne voit même
pas où il est et il devient impossible de s’orienter sans boussole.

Cette brume est souvent presque journalière ; entre Timissao et In
Ouzel, nous l’avons notée les 19, 20, 21 et 22 juin 1905. A cette
dernière date, la caravane a passé au pied de la gara Tirek, sans
pouvoir la distinguer ; des gazelles, habituellement plus farouches,
ont marché quelque temps au milieu du convoi. Cette brume se
manifeste fréquemment la nuit, ce qui montre son indépendance des
phénomènes thermiques : dans la nuit du 23 au 24 juin, à In Ouzel,
un coup de vent d’une violence extraordinaire amène une obscurité
absolue ; on a l’impression de la cécité la plus complète ;
jamais la nuit la plus sombre n’a donné une pareille sensation.

Cette brume n’a rien à voir avec le brouillard ; elle n’est
pas humide ; le 19 juin, en pleine brume, les thermomètres,
sec et humide, indiquent respectivement 27° et 14° ; le 30
juin, 32°,5 et 21° ; le 22 juin, 28° et 18° ; le 30 juillet,
42° et 24°,5. Elle est due à de fines particules argileuses en
suspension dans l’atmosphère ; ces poussières très ténues sont
impalpables ; elles ne décèlent leur présence que par un dépôt
jaunâtre qu’elles laissent sur les vêtements et les cheveux. On
les voit bien surtout lorsqu’il commence à pleuvoir : chaque goutte
de pluie aussitôt évaporée laisse sur la peau une tache de boue.

Parfois la nuée argileuse est nettement visible et les deux
observations suivantes permettront de saisir le mécanisme de sa
formation.

Le 25 juillet 1905, dans la vallée de l’oued En Néfis, au sud de
Timissao, la journée avait été assez belle ; la brume, légère
le matin, avait disparu vers midi ; il y avait eu peu de vent,
sauf une brise légère de l’ouest, vers trois heures.

A six heures et demie un arc-en-ciel double était visible vers
l’est ; vers le sud, il y avait une menace d’orage ; quelques
minutes plus tard un nuage de poussière, couleur terre de Sienne,
bien délimité, venait rapidement sur nous ; il suivait assez
exactement la vallée, large en ce point de 3 km. 5 à peu près
et bordée de falaises hautes d’une quarantaine de mètres. Ce
nuage était amené par un fort coup de vent du sud qui dura une
heure environ. Après une heure de calme, le vent se remettait
à souffler du nord ; il était accompagné de pluie et il y eut
plusieurs averses dans la nuit.

Le lendemain l’atmosphère était claire.

Le 8 août, à Tit, dans l’Ahaggar, la journée avait été belle ;
depuis le lever du soleil jusqu’à midi, un peu de vent d’est
avait atteint sa plus grande intensité vers neuf heures (petite
brise). De midi à trois heures, le vent était venu du sud, pour
repasser à l’est dans la soirée ; il était resté plus faible
que le matin.

[Illustration : Fig. 55. — Un coup de brume, le 25 juillet 1905,
dans la vallée de l’oued en Néfis.

A une demi-journée au sud de Timissao. Les falaises de grès
dévonien qui limitent la vallée ont 40 mètres de hauteur.]

Après le coucher du soleil, le vent s’établissait à nouveau
au sud et devenait frais, 6 de l’échelle de Beaufort ; un nuage
sombre, et très bas sur l’horizon, apparaissait au sud. Vers sept
heures et demie, on en pouvait distinguer le détail (fig. 56) :
la partie supérieure, vivement éclairée par la lune à son
premier quartier, était blanche ; la partie inférieure était
noire, et lançait vers le haut de nombreux tourbillons d’argile :
quelques-uns, comme les trombes de sable, étaient simples et souvent
épanouis en champignon à leur sommet, quelques autres étaient, ou
paraissaient, bifurqués et parfois ramifiés. A neuf heures un quart
le nuage atteignait le piton de Tit, le Tinési, et présentait la
même apparence (fig. 57). Cinq minutes après, il couvrait le camp
situé à un peu plus de 2 kilomètres au nord du piton. Pendant un
quart d’heure, l’obscurité a été complète ; la lune avait
complètement disparu ; vers dix heures et demie ou onze heures, le
vent tombe et le ciel redevient visible ; le lendemain, il y avait une
brume légère, suffisante cependant pour masquer l’Ilamane situé
à une trentaine de kilomètres de Tit. Il n’a pas plu la nuit.

[Illustration : Fig. 56. — Un coup de brume le 8 août 1905 à Tit
(Ahaggar).

Aspect vers 7 h. 1/2. — Le piton de Tit a 60 mètres de haut.]

Ces brumes paraissent avoir une influence marquée sur la variation
diurne des températures ; quand le temps est clair, la température
s’élève rapidement jusque vers neuf heures, croît ensuite
plus lentement jusqu’à son maximum vers deux heures et demie,
et décroît lentement jusqu’au lendemain matin. Le 30 juillet,
dans le tanezrouft de Silet, une brume épaisse, qui s’était
formée la veille au soir, nous a obligé à marcher à la boussole ;
les températures observées ont été les suivantes : six heures,
32° ; sept heures et demie, 34°,5 ; huit heures, 35° ; neuf
heures, 37° ; dix heures, 38° ; onze heures, 41° ; midi, 43° ;
une heure, 42°, 5 ; deux heures, 42° ; trois heures et demie,
42° ; cinq heures, 41°,5 ; six heures, 40°. Le maximum a eu lieu
à midi et la température a à peine varié jusqu’au soir ; le
vent assez faible s’est tenu toute la matinée au sud ; il est
tombé dans l’après-midi. Ces observations de température ont
été faites pendant la marche, mais dans une plaine très plate. Le
déplacement du maximum semble d’ailleurs confirmé par quelques
autres observations moins détaillées.

[Illustration : Fig. 57. — Le coup de brume du 8 août 1905 à Tit.

Aspect vers 8 h. 1/2. — Les collines du second plan sont masquées.]

Les orages secs sont fréquents dans tout le Sahara, mais ce
sont habituellement des orages de sable ; ils charrient de menus
projectiles quartzeux dont le choc est parfaitement perceptible ;
les tourbillons de sable, les djinn valseurs, sont également
fréquents. Mais sous quelque forme qu’ils se présentent, les
nuages de sable s’élèvent peu et disparaissent dès que le vent
tombe ; au contraire, les poussières argileuses sont lentes à se
disperser ; elles restent dans l’atmosphère où elles créent
des brumes épaisses qui persistent tant que l’air n’a pas été
lavé par la pluie.

Pour les Touaregs, l’apparition de ces brumes dans le Tanezrouft est
un signe certain que la saison des pluies est commencée au Soudan ;
la liaison entre les tornades et ces nuages de poussière soulevée
par le vent paraît en effet évidente.

Il semble aussi facile de comprendre pourquoi ces brumes sont
localisées dans la partie méridionale du Sahara : dans le désert,
les alluvions ont depuis longtemps été remaniées par le vent ;
toutes les fines poussières en ont été enlevées et elles sont
allées tomber dans l’Atlantique ; le sable a édifié les dunes ;
il ne reste plus dans les vallées, sur les regs, que du sable
grossier et des cailloux. Si l’on creuse un peu, on trouve,
à une dizaine de centimètres de profondeur, des alluvions plus
normales avec des argiles, mais le manteau de graviers qui les
couvre les met hors d’atteinte du vent. Les crues peuvent bien
remanier ces alluvions, et ramener les poussières au jour ; mais,
loin des régions montagneuses, les crues sont un accident bien rare
et il n’y a guère à en tenir compte.

Dans l’Ad’rar’ des Ifor’as, dans l’Ahaggar, dans l’Aïr,
les alluvions sont restées argileuses ; les oueds y coulent tous
les ans ; la poussière qui a été enlevée de la surface de
leurs vallées par les tornades, est sans cesse renouvelée par
l’action des eaux dont les remous, à chaque crue, ramènent
au jour les parties profondes des alluvions ; soumis à des
alternatives de sécheresse et d’humidité, les feldspaths des
roches cristallines, tous plus ou moins kaolinisés, s’effritent
peu à peu, et préparent ainsi de nouveaux matériaux pour les
brumes que provoquent les tornades.

La liaison entre la pluie et les brouillards secs est très nette
et très profonde.

Les brumes sont fréquentes dans tout le Soudan, et en relation
aussi avec les tornades ; je ne crois pas qu’elles y atteignent
jamais une intensité comparable à celles qu’elles présentent
parfois au désert : on voit toujours assez clair pour se diriger
et pour suivre le guide.

Les cultivateurs noirs ont la plus grande estime pour ces brouillards
secs : « Quand ils ont été fréquents, la récolte est bonne »,
disent-ils. Cette croyance peut très bien ne pas être absurde ;
les années très brumeuses sont sans doute aussi des années très
pluvieuses ; la grande extension des incendies de brousse au Soudan
rend probable que, à l’argile, s’ajoute un bon engrais, les
cendres végétales, dans la formation des nuages de poussière.


[Note 99 : Ginestous, _Études sur le climat de la Tunisie_
(Thèse). Paris, 1906.]

[Note 100 : Marc, La répartition de la pluie au Soudan. _Ann. de
Géogr._, 15 janvier 1909.]

[Note 101 : _Bull. du Comité de l’Afrique française_, mai 1907,
p. 179.]

[Note 102 : R. de Caix, La Reconnaissance du lieutenant Cottenest chez
les Hoggar, _Bull. Comité Afr. fr._, 1902, p. 307. — Guilho-Lohan,
_Renseignements coloniaux_, sept.-octobre 1903.]

[Note 103 : De Motylinski et Basset, _Grammaire et dictionnaire
français-touareg_, Alger, 1908, p. 89-92.]

[Note 104 : Dinaux, _Rens. col. Bull. du Comité Afr. fr._, avril
1908, p. 106.]

[Note 105 : Échelle de Beaufort.]




                              CHAPITRE IV

                              CHOROLOGIE

I. =Géographie botanique.= — Les grandes zones. — Zone
sahélienne. — Zone saharienne. — Les adaptations (les plantes
grasses, les lianes, les graines, défense contre les animaux). —
La culture (cultures irriguées). — Remarques sur quelques espèces.

II. =Géographie zoologique.= — Cœlentérés. — Insectes
(termites, insectes des tanezrouft). — Crustacés. —
Mollusques. — Reptiles et Batraciens. — Oiseaux
(l’autruche). — Mammifères. — La chasse. — Les troupeaux
(moutons et chèvres, bœufs, chevaux, ânes, chameaux). — Les
hommes (les Touaregs, l’habitation).


                      I. — =GÉOGRAPHIE BOTANIQUE=


=I. Les grandes zones.= — Le désert, au point de vue climatique,
est caractérisé par l’absence ou la rareté des pluies ; la
végétation en est le plus souvent rare ou absente, et le Sahara
forme une zone botanique qui peut être limitée avec une certaine
précision.

Il confine au nord au domaine méditerranéen, domaine très étendu
auquel appartiennent la Cyrénaïque et l’Afrique mineure. Les
arbres et arbustes à feuillage toujours vert (olivier, bruyères
arborescentes, chênes verts), de nombreuses conifères (une dizaine
d’espèces, dont les plus notables sont le pin d’Alep, le cèdre,
le callitris et les genèvriers) caractérisent le littoral et les
régions accidentées de la Berbérie ; les steppes à alfa et à
absinthe (chih) des Hauts Plateaux font partie du même domaine.

Bien qu’appartenant à la zone méditerranéenne, le littoral
atlantique du Maroc présente quelques traits particuliers qui
permettent de le mettre un peu à part : des Euphorbes cactoïdes
et l’Arganier (_Sideroxylon_) sont parmi les espèces les plus
caractéristiques.

Dès que, vers le sud, on a dépassé l’Atlas saharien, la
végétation change assez brusquement ; une ligne de dénivellation
sépare le Sahara de la Berbérie et en général il n’y a pas
mélange entre les deux flores. Cette limite est, en gros, jalonnée
par Gafsa, Biskra, Laghouat, Figuig et le cap Noun.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. XV.

[Illustration : Cliché Posth

29. — ZONE SAHELIENNE.

Région du Tegama.]

[Illustration : Cliché Pasquier

30. — ZONE SAHELIENNE.

Région de Gao.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XVI.

[Illustration : Cliché Pasquier

31. — UNE HALTE DANS LA RÉGION DE GAO.

Zone sahelienne.]

[Illustration : Cliché Laperrine

32. — UN “ TAMAT ” [ACACIA ARABICA, WILLD] — ADR’AR’
DES IFOR’AS.

Les branches sont mutilées pour la récolte des fruits, riches
en tannin.]

La frontière botanique méridionale du Sahara est moins nette et
moins précise.

Au nord de la forêt tropicale, où des chutes de pluies supérieures
à 1 m. 50 permettent le développement d’une riche végétation
arborescente, où les arbres atteignent jusqu’à 50 mètres de
haut, où les lianes abondent et rendent la circulation difficile,
on peut, avec Chevalier[106], distinguer plusieurs zones,
grossièrement parallèles entre elles ; leurs limites sont à
peu près ouest-nord-ouest, est-sud-est et correspondent à des
différences dans les quantités annuelles de pluie.

Dans la première, la zone guinéenne, la pluie varie de 0 m. 50 à 1
m. 15 ; le sol est le plus souvent formé de plateaux arides, domaine
de la savane, c’est-à-dire de prairie accompagnée d’arbres ;
mais dans les dépressions apparaissent des bouquets impénétrables
de grands bois avec de nombreuses lianes. Dans les endroits les plus
humides, au bord même du ruisseau, de nombreux palmiers (_Elæis_,
_Raphia_), des dracæna, des pandanées attestent une grande analogie
avec la sylve équatoriale ; ils forment, le long de la vallée, un
rideau de grands arbres. Ainsi caractérisée par ses « galeries
forestières » [on en trouvera un bon schéma dans Chevalier,
l’_Afrique Centrale française_, p. 751], la zone guinéenne qui,
au Dahomey, s’étend jusqu’à l’Atlantique, s’arrête vers
le 12° Lat. N. au sud de Bammako et vers le 8° Lat. N. dans la
région du Chari. Le manioc y est la principale culture vivrière ;
on y trouve déjà le karité et les lianes à caoutchouc.

Au nord de la zone guinéenne, la zone soudanaise est formée surtout,
dans le haut bassin du Niger, par un vaste plateau de grès couvert
de latérite ; dans le bassin du Chari, les alluvions récentes
dominent ; malgré ces différences lithologiques, sa constitution
botanique est assez homogène ; elle est couverte, en général, par
une haute savane où domine un petit nombre d’espèces de graminées
(_Imperata cylindrica_ Pal. Beauv., _Ctenium elegans_ Kunth, plusieurs
_Andropogon_, etc.). Les arbres les plus caractéristiques sont
un palmier, le rônier (_Borassus æthiopicus_ Mart.), les baobabs
(_Adansonia_) et le fromager (_Eriodendron anfractuosum_ D. C.). Le
karité dépasse rarement cette zone, et les lianes à caoutchouc
y atteignent leur limite nord. Cette zone s’arrête sur le Niger
vers Mopti (14°,30 Lat. N. au confluent du Bani) et vers Sansané
Haoussa (14° Lat. N.). Plus à l’est, elle passe au voisinage
de Zinder et coupe l’extrémité sud du Tchad. C’est la zone
des grandes cultures soudanaises : le grand et le petit mil presque
partout, le riz dans les régions plus humides, et l’arachide. Bien
qu’on la rencontre jusqu’au Tchad, cette dernière plante n’est
cultivée en grand qu’au Sénégal, la seule région de la zone
qui, jusqu’à présent, puisse facilement exporter en Europe les
produits de médiocre valeur.

Quoiqu’il en soit isolé par une bande de brousse aride, le Damergou
peut être rattaché à la même province.

Le district levé du Fouta Djalon, qui dépasse souvent 1000 mètres
d’altitude, présente des caractères spéciaux, assez nombreux pour
qu’il soit nécessaire de le mettre à part : certains traits le
rapprochent de l’Abyssinie, et il forme dans les zones guinéenne
et soudanaise un îlot spécial, avec une flore subalpine.

La zone sahélienne est la bordure méridionale du désert ; le
doum (_Cucifera thebaïca_ Del.), rare dans la zone soudanaise,
devient commun et, dans tous les points un peu humides, remplace le
rônier. L’aderas (_Balsamodendron africanum_ Arn.), l’afernane
(_Euphorbia balsaminifera_ Aït.), le tadane (_Boscia senegalensis_
Lam.), le gommier (_Acacia verek_ Guill.), l’_Acacia arabica_
Willd., rares plus au sud, y forment des peuplements importants ;
ils sont souvent accompagnés par le talah (_Acacia tortilis_ Hayne),
l’asabay (_Leptadenia Spartum_ Wight) et quelques autres formes
que l’on retrouve dans une bonne partie du désert. En revanche la
plupart des plantes salées (had, etc.) caractéristiques du Sahara,
manquent dans le Sahel, où il faut donner du sel aux chameaux.

La limite nord de cette zone, voisine du 18° Lat. N. vers
l’Atlantique, s’abaisse dans la région du Tchad vers le 15°
Lat. ; mais elle est loin d’être rectiligne et présente vers le
nord quelques crochets dont deux correspondent à l’Adr’ar’ des
Ifor’as et à l’Aïr à qui leur altitude assez élevée procure
tous les ans quelques tornades ; d’après les renseignements de
Nachtigal, le Tibesti semble appartenir lui aussi à cette zone
sahélienne.

Cette limite paraît correspondre assez rigoureusement à celle des
pluies tropicales régulières ; les précipitations annuelles y
varient probablement entre 150 et 500 millimètres ; plus au nord,
il n’y a plus que des orages accidentels et le désert commence.

Dans la zone sahélienne les pâturages sont abondants ; dans sa
partie méridionale, elle convient fort bien à l’élevage. La
culture n’y est possible que dans des conditions particulières ;
elle nécessité l’irrigation ; sous cette condition, le petit
mil et le blé, et, dans la zone d’inondation du Niger, le riz,
donnent de beaux produits.

Quant au Sahara, compris entre l’Afrique mineure et la
zone sahélienne, il semble que l’on y peut distinguer par
quelques caractères botaniques un Sahara soudanais et un Sahara
algérien. Au-dessus de 1000 mètres, l’Ahaggar paraît y former
une province alpestre assez nette.

[Illustration : Fig. 58. — Zones de végétation de l’Afrique
occidentale.

+++ Limite du Karité ; I, Zone forestière équatoriale ; II, Zone
guinéenne ; III, Zone soudanaise ; IV, Zone sahélienne ; V, VI,
Zone saharienne ; VII, Zone méditerranéenne ; VIII, Région de
l’Ahaggar ; IX, Région du Fouta Djalon.]

Il convient d’ajouter, à ces zones parallèles à l’équateur
et qui sont fonction de la latitude, et à celles que détermine
l’hypsométrie (Fouta-Djalon, Ahaggar), la région littorale qui,
comme partout, présente des caractères particuliers. Le cocotier,
introduit il y a quelques siècles par les Portugais, pousse bien
jusqu’à St-Louis. Le long du littoral de Mauritanie viennent
s’adjoindre, aux formes nettement sahariennes qui constituent
le fond de la végétation, quelques espèces sénégalaises qui
remontent plus haut en latitude sur les côtes de l’Atlantique que
dans l’intérieur ; vers le cap Blanc, quelques formes canariennes
sont à signaler. Enfin les tamarix forment presque des taillis en
un grand nombre de points du littoral, surtout au sud de Nouakchott.

La zone sahélienne et le Sahara[107] méritent une étude un peu
plus détaillée.


=Zone sahélienne.= — La haute plaine du Tegama appartient à cette
zone et semble en présenter nettement les caractères moyens ;
elle forme très nettement la transition entre le désert et les
zones fertiles de l’Afrique centrale.

Lorsque l’on vient d’Agadez, jusqu’à Ekelfi (16° Lat.),
à 40 kilomètres de la falaise de Tigueddi, le sol est souvent à
nu pendant plusieurs kilomètres ; les arbres, des talah surtout,
sont rares et rabougris ; seuls quelques oueds renferment des
graminées. Au sud d’Ekelfi, les grandes clairières disparaissent ;
il y a presque partout des arbres hauts de 2 à 4 mètres, une
cinquantaine à l’hectare. Après Takado (80 kilomètres au
sud d’Ekelfi) les graminées ne sont plus localisées dans les
vallées et forment un tapis continu ; les arbres atteignent souvent
5 à 6 mètres et sont plus rapprochés ; les essences sont aussi
plus variées et il y a parfois des clairières avec de véritables
prairies (Pl. XIX, phot. 35).

Toute cette partie sud du Tegama constitue une excellente région
d’élevage que l’insécurité du pays avait obligé à
abandonner : avant notre arrivée, pendant la saison sèche, les
nomades d’Agadez ne pouvaient utiliser ces très bons pâturages
et étaient obligés d’envoyer leurs troupeaux jusqu’aux pays
haoussa[107].

Plus au sud encore, vers la mare de Tarka (14°,30′ Lat.), comme
entre le Damergou et Ouamé, la brousse devient assez serrée
pour qu’il soit difficile de quitter les sentiers. A l’est de
l’itinéraire que j’ai suivi, d’après les renseignements
concordants de Barth et de Foureau, ainsi que du commandant Gadel,
la transition se fait de la même façon ; il y a à noter toutefois
que la zone dénudée du nord est plus large.

J’ai observé cet aspect en novembre 1905 ; quelques semaines plus
tôt, après la saison des pluies, la poussée des plantes annuelles
doit apporter quelques changements à l’aspect du Tegama.

La transition entre le désert d’un côté et la forêt ou la
prairie de l’autre, se fait très graduellement ; la steppe,
qu’il est aussi classique qu’inexact de décrire comme entourant
le désert, fait ici entièrement défaut.

Le Tegama est en somme un pays sec ; la nappe d’eau y est très
profonde et a peu d’influence sur la végétation. Il y existe
cependant quelques mares permanentes (tin Teborak, Tarka) où
la végétation devient fort belle ; des arbres de haute taille,
l’_Acacia arabica_ surtout, poussent en grand nombre dans les
parties régulièrement inondées, et donnent, à quelques hectares,
l’aspect d’une véritable futaie. Autour de cette végétation
forestière, on observe habituellement une ceinture, large d’une
centaine de mètres, où abondent les teboraq, les jujubiers,
les delga, qui manquent dans les parties plus sèches. Quelques
sous-arbrisseaux à port de bruyère les accompagnent. Enfin, dans
certaines mares tout au moins, comme à Tarka, les plantes aquatiques
abondent : les nénuphars et les utriculaires couvrent de vastes
espaces ; les _Cyperus_, accompagnés d’un grand volubilis à
fleurs rouges (_Ipomæa asarifolia_ ?), forment d’épais massifs
dans les points où l’eau est peu profonde.

L’allure de la végétation dans le Tegama parait bien typique
pour toutes les parties sèches de la zone sahélienne ; Nieger [_La
Géographie_, XVI, p. 369] indique que, au nord du Timétr’in[108],
les gommiers couvrent les thalwegs de certains oueds en fourrés assez
épais pour que, de loin, on puisse croire à de véritables forêts ;
les tribus touaregs, qui nomadisent dans cette région, exigent des
caravanes qu’elles respectent leurs arbres ; E.-F. Gautier [_La
Géographie_, XV, p. 110 et suiv.] insiste sur la continuité de la
brousse à mimosées, tout le long de l’oued Tilemsi, continuité
qui a également frappé Combemorel [_Bull. Comité Afr. Française_,
déc. 1908]. La forêt de gommiers de Tombouctou, qui dessine trois
bandes entre le Niger et Araouan, appartient à la même formation
végétale qui s’étend jusqu’au voisinage de l’Atlantique où
j’ai pu l’observer récemment entre Saint-Louis et Nouakchott ;
vers l’est, de Zinder au Tchad, on retrouve le même aspect :
les arbres n’ont disparu qu’autour de certaines mares à natron
(Garamkawa, Gourselik) dont l’utilisation industrielle exige
beaucoup de combustible.

J’ai déjà indiqué, à propos du Tegama, que les mares créaient
des stations botaniques bien caractérisées ; du Niger au Tchad,
on observe le même fait ; mais parmi les arbres, le doum, qui
manque à peu près complètement dans le Tegama, prend la première
place. Lorsque le bas-fond humide est éloigné de tout village,
les doums deviennent de beaux arbres ; dans le cas contraire, leurs
troncs assez droits étant un des bois les plus utilisés pour la
construction, l’on ne trouve plus que de jeunes pousses formant
d’épais fourrés dont l’aspect rappelle les palmiers nains
d’Algérie. Les postes militaires surtout, avec leurs constructions
assez importantes, ont dû sacrifier de nombreux palmiers qu’il
a souvent fallu aller chercher à une cinquantaine de kilomètres.

J’ai pu suivre en février 1906, à un moment où les eaux du
lac s’étaient retirées, la rive nord du Tchad ; les arbres y
sont rares, sauf sur les dunes, où l’_Acacia tortilis_ et le
_Salvadora persica_ forment de nombreux buissons ; entre les dunes
et le lac, s’étend un terrain plat où dominent les graminées :
le mrokba, dans les points ensablés où il pousse sur des buttes
de sable hautes d’un demi-mètre (nebka), et des graminées plus
humbles qui forment une véritable prairie dans la régions où
les argiles quaternaires sont à nu. Sur les bords mêmes du lac,
le sommet de la berge est occupé par le _Calotropis procera_ auquel
se joignent quelques rares _Leptadenia_ et _Salvadora_ ; plus près
de l’eau des roseaux (_Arundo Phragmites_) et de grands scirpes
forment d’épais fourrés, au milieu desquels on trouve souvent des
buissons de grandes composées et de grandes malvacées ; un acacia,
remarquable par la légèreté de son bois, l’Ambadj (_Hermineria
elaphroxylon_) y est assez commun.

Lors de mon passage, la sécheresse du sol, causée par le retrait
du Tchad, avait amené en bien des points la mort, au moins
apparente, des roseaux dont il ne subsistait plus que des tiges
desséchées. Entre ces tiges, une végétation nouvelle cherchait
à s’établir, où dominaient de jeunes _Calotropis_ ; Chevalier
[_L’Afrique centrale_, p. 416] a observé des faits bien analogues
sur la lisière méridionale du lac, au voisinage de Hadjar El Hamis,
où cependant la végétation est plus variée.

La zone d’inondation du Niger présente aussi quelques caractères
spéciaux parmi lesquels le plus remarquable est l’existence de
prairies aquatiques où domine le _Panicum burgu_ A. Chev.[109].

Ces prairies, qui sont fréquentes surtout entre Segou et Ansongo,
couvrent au moins 250000 hectares ; elles atteignent leur plus beau
développement dans la région du lac Débo ; mais on les trouve aussi
dans les régions lacustres de la boucle du Niger et de Goundam ;
le bourgou est encore répandu dans les mares des Daouna ; il manque
à peu près complètement dans le Faguibine.

Ces grandes graminées, dont les chaumes atteignent 2 mètres
de haut, fournissent un fourrage excellent, et, coupées jeunes,
donnent un foin de bonne qualité. Les indigènes les utilisent
en cas de disette pour leur propre nourriture ; en tout temps,
ils en extraient le sucre qui y est abondant et l’emploient à la
préparation de liqueurs fermentées. On a pu en extraire un alcool
assez pur, produit qui dans ces régions où le bois est rare et
où les combustibles minéraux manquent, peut être appelé, comme
producteur d’énergie, à un grand avenir.

Il semble cependant que pour la fabrication de l’alcool au Soudan,
il vaut mieux s’adresser aux céréales indigènes (riz, mil,
etc.,) dont la culture, facile et bien connue des noirs, peut être
considérablement accrue, et dont le rendement en alcool est certain.

Les mares à natron de la région de Manga montrent quelques
particularités intéressantes ; les nénuphars et quelques autres
plantes d’eau douce y font défaut et sur leurs bords il y a
parfois des tamarix ; mais l’aderas n’y est pas rare, malgré
l’humidité : on a souvent signalé des convergences analogues
entre la flore des régions sèches et celle du bord de la mer.

Les dépressions salées, situées à l’est du Tchad, présentent
les mêmes caractères.

Il existe, dans la zone sahélienne, quelques districts accidentés :
le Koutous et l’Alakhos présentent quelques faits dignes de
remarque (fig. 59 et 60). Dans ces deux régions, qui sont en
somme des plateaux gréseux posés sur la haute plaine du Tegama,
la nappe d’eau qui alimente les puits est trop profonde pour que la
végétation puisse en profiter, aussi le fond de toutes les vallées
est-il occupé par une brousse serrée où dominent les acacias et les
aderas caractéristiques des parties les plus sèches du Tegama ; les
plateaux gréseux et les dunes qui s’y appuient, très perméables,
jouent le rôle d’éponge et emmagasinent l’eau qui tombe assez
régulièrement sur ces régions un peu élevées, situées juste à
la frontière des zones saharienne et sahélienne. Sur les dunes,
des essences à feuillage moins maigre, le _Balanites Ægyptiaca_,
le _Bauhinia reticulata_, le _Salvadora persica_, le _Calotropis
procera_ forment le fond de la végétation spontanée ; c’est
également sur les mêmes dunes que sont établis les champs de mil
et, en quelques points privilégiés, d’ordinaire au contact de la
dune et des grès, les cultures de coton ; sur le plateau reparaissent
les talah et les aderas.

[Illustration : Fig. 59. — Fragment de topographie de l’Alakhos.

Il y a 12 kilomètres de Guidjamon à Ganadja ; le puits de Ganadja
a 40 mètres ; les plateaux gréseux atteignent une centaine de
mètres de hauteur.]

Un peu plus au sud, le Mounio, situé lui aussi sur les confins
de deux zones, présente quelques caractères spéciaux. Auprès
de Gabana, par exemple (fig. 61), le fond de la cuvette (A) est
occupé par des dattiers et des doums ; les sommets rocheux (C)
portent quelques aderas et surtout des euphorbes ; pendant la saison
sèche, ces arbustes sont dépourvus de feuilles : l’aspect est
celui que présentent en hiver les maigres taillis des coteaux de
la Mayenne ou de la coupure de la Meuse ; les pentes ensablées
(B) présentent, en janvier, l’aspect d’un champ de chaume,
où seraient plantés quelques arbres (_Balanites_, _Bauhinia_,
_Salvadora_, _Tamarindus_, _Ziziphus_, _Calotropis_, _Acacia_) ;
ils rappellent assez bien, après les moissons, certains champs de
blé des collines du Perche avec leurs pommiers à cidre. Dans la
partie méridionale du Mounio, les essences sont encore plus variées.

[Illustration : Fig. 60. — Profil de Guidjamon à Ganadja.

_a_, au contact des dunes et des plateaux gréseux, _Balanites
ægyptiaca_. Culture médiocre de coton. _b_, Culture de petit
mil. Arbres à feuilles larges (_Bauhinia reticulata_, etc.) ; _d_,
Graminées. L’arbuste dominant est le Sabera ; _d′_, Graminées
seulement, à cause de la proximité du village ; _e_, Sol du Tegama,
_Balsamodendron africanum_ (Aderas).]

Les plateaux gréseux que Chevalier a décrits dans la région de
Goundam et du Faguibine paraissent se rapprocher beaucoup du Mounio ;
l’_Euphorbia balsaminifera_ y est abondant, et y atteint parfois
une grande taille. Il est accompagné de _Balsamodendron africana_,
haut parfois de 10 mètres, son compagnon habituel dans la région
de Gouré.

Bien que, par sa latitude, il appartienne au désert, l’Aïr,
que Barth, avec un peu d’exagération, a qualifié d’Alpes
sahariennes, doit être rattaché à la zone sahélienne. C’est
en effet à partir de l’oued Tyout que les pluies tropicales
se font sentir tous les ans ; les pâturages y sont souvent fort
beaux. Plus au nord, les tornades deviennent accidentelles et se
produisent, comme partout au Sahara, à des saisons quelconques
et à des périodes toujours éloignées les unes des autres. Au
nord des derniers contreforts de l’Aïr, Tar’azit et Zélim,
il avait plu, dans le Tiniri, peu de temps après le passage de
Foureau (février 1899) ; quand j’ai traversé cette région avec
Dinaux (septembre 1905), le développement des plantes annuelles,
de l’acheb, prouvait quelques averses récentes ; d’après les
renseignements indigènes, il n’avait pas plu dans l’intervalle
des deux passages. Les averses de 1905 avaient d’ailleurs été
très localisées, et à son retour par la route directe d’Aguellal
à In Azaoua, Dinaux a dû faire à partir de l’oued R’arous
(40 kilomètres au nord-ouest d’Iférouane) 250 kilomètres
sans trouver de pâturages : ce ne fut guère qu’en arrivant à
l’Ahaggar que les méharis purent brouter à leur aise.

[Illustration : Fig. 61. — Stations botaniques du Mounio. Du
campement de Gabana, 17 janvier 1906.

A, Fond de cuvette. Dattiers et Doums. — B, Mamelons ensablés. Le
sol est couvert de graminées desséchées, donnant l’aspect
d’un champ de chaume. _Balanites ægyptiaca_ est l’arbre
dominant ; il est accompagné de _Bauhinia reticulata_, _Salvadora
persica_, _Calotropis procera_, _Euphorbia balsaminifera_. Acacia
et jujubier. — C, Mamelon rocheux à pente raide. _Euphorbia
balsaminifera_ et _Balsamodendron africanum_ y forment un taillis
clairsemé haut de 2 à 3 mètres ; en janvier toutes les feuilles
sont tombées. Aspect d’hiver de quelques coteaux arides de
la Mayenne ou de l’Ardenne. Le sommet de C est à 150 mètres
au-dessus du fond de la cuvette A.]

Dans l’oued Tidek, couvert, d’après la carte du service
géographique de l’armée, d’une végétation tropicale,
apparaissent en effet de grands arbres : l’_Acacia arabica_ Willd
est surtout commun ; il porte souvent un beau parasite à fleurs
rouges (_Loranthus Chevalieri_ ?) commun d’ailleurs dans toute
la zone sahélienne, où on le trouve, au moins accidentellement,
sur presque tous les arbres[110].

Cette riche végétation ne quitte jamais les vallées : la section
schématique du kori Teloua (fig. 63) à Salem-Salem (35 kilomètres
au nord-est d’Agadez) montre d’abord le long de la berge de
l’oued (en 1) quelques mousses et hépatiques, notamment des
_Riccia_ ; en 2, il y a surtout des graminées, des aristoloches,
des _Ipomæa_ et quelques _Calotropis_ ; cette zone ne dépasse pas
une largeur d’une dizaine de mètres. Puis vient, s’étendant sur
une largeur qui atteint parfois 100 mètres, une véritable forêt
où les grands arbres sont des doums et des _Acacia arabica_ entre
lesquels croissent des formes plus humbles (_Boscia senegalensis_,
_Salvadora persica_, _Balanites Ægyptiaca_ et des jujubiers ;
des lianes herbacées (Cucurbitacées, Asclépiadées) grimpant
jusqu’au faîte des palmiers, permettent de rapprocher ce rideau
d’arbres des galeries forestières de la zone guinéenne.

[Illustration : Fig. 62. — Aïr. Extrémité nord de l’Adesnou,
vue de l’oued Tidek.

_Acacia arabica_ (10 m.). Ce sont les premiers arbres que l’on voit,
en venant du Nord.]

Au delà des alluvions humides, commencent les roches cristallines où
le sol, le plus souvent dénudé, ne porte plus que quelques touffes
de graminées et de loin en loin un talah (_A. tortilis_). Les parois
abruptes des rochers qui s’élèvent parfois à 5 ou 600 mètres
de haut sont presque toujours à découvert : dans les fentes de
la roche, il pousse cependant quelques graminées et plus rarement
une asclépiadée à port de cactus (_Boucerozia tombuctuensis_
A. Chev. ?). La belle végétation de l’Aïr est étroitement
liée à l’humidité de ses koris.

Le Teloua est une des rivières les plus vivantes de l’Aïr ; à
Salem-Salem, il a déjà reçu plusieurs affluents importants, aussi
son lit est-il bien marqué. Dans un grand nombre d’autres koris,
le lit est à peine creusé ; il n’y a qu’une plaine d’alluvions
presque horizontale ; les zones sont alors moins nettes et les arbres,
moins nombreux, sont plus disséminés ; la vallée est couverte de
graminées avec quelques acacias de loin en loin. Ce n’est plus
l’étroite galerie forestière, mais la savane.

Placé, comme l’Aïr, aux confins du désert et devant aussi à
son altitude des pluies régulières, l’Adr’ar’ des Ifor’as,
ne présente lui aussi de belles végétations que dans ses vallées.

[Illustration : Fig. 63. — Coupe demi-schématique d’une
vallée d’Aïr : le K. Teloua à Salem-Salem (35 km. au nord-est
d’Agadez).

A, Alluvions ; B, Gneiss et Micaschistes ; B′ Roches
éruptives ; 1, berge du Kori. Mousses et hépatiques
(Ricciées) ; 2, zone du _Calotropis procera_. Grandes
graminées. Aristoloche. _Ipomæa_. Gazon de graminées avec
nombreuses dicotylédones herbacées. La largeur très variable
de cette zone ne dépasse pas 10 mètres ; 3, zone des _Cucifera
thebaica_ et _Acacia arabica_, atteignant 8 à 10 mètres de haut. Le
sous-bois, très gazonné, contient des arbustes, _Salvadora persica_,
_Boscia senegalensis_, Jujubier, etc. La largeur de cette galerie
forestière varie de 10 m. à 50 m. ; 4, zone de l’_Acacia tortilis_
(2 à 3 m. de haut). Quelques touffes isolées de Graminées, Cassia,
etc. ; 5, Végétation presque nulle. Quelques graminées dans les
fentes de la roche ; parfois, _Boucerozia_.]

Mais ici les vallées d’alluvions sont parfois fort larges ; elles
peuvent atteindre plusieurs kilomètres et forment à la saison
des pluies de véritables prairies couvertes d’un gazon continu,
parsemé de quelques arbres.

Ce qui domine en somme et de beaucoup, dans cette zone sahélienne,
c’est la brousse à mimosées, variété de la forêt, mieux armée
contre la sécheresse que la prairie ou la steppe. La savane ne s’y
rencontre que très accidentellement dans quelques larges vallées
où les alluvions restent toujours humides ; quant à la véritable
prairie, elle est encore plus rare ; elle ne pousse que dans quelques
bas-fonds inondés l’hiver, bas-fonds qui se couvrent, après les
pluies, d’un gazon épais, haut d’un pied, et au milieu duquel
se montrent quelques grandes fleurs comme dans les prairies de France.

Dans l’étude de la zone sahélienne, un point important reste
encore à élucider ; beaucoup d’espèces végétales connues au
voisinage de l’Atlantique se retrouvent jusqu’en Nubie : sur les
49 espèces ligneuses que Chevalier énumère autour de Tombouctou,
les quatre cinquièmes sont dans ce cas. Il y a donc une grande
uniformité dans la végétation depuis le Sénégal jusqu’à la
mer Rouge. L’_Euphorbia balsaminifera_ cependant n’atteint pas
le Tchad et dépasse peu le Mounio ; quelques autres espèces, qui
s’étendent du bassin du Nil jusqu’à Tombouctou, ne sont pas
connues plus à l’ouest. Il y a donc au moins des indices d’une
subdivision de la zone sahélienne en longitude. Les faits connus
avec précision ne sont malheureusement pas encore assez nombreux
pour que l’on puisse chercher à définir ces régions botaniques,
d’importance évidemment secondaire.


=Zone saharienne.= — Les deux types principaux de végétation,
les forêts et les prairies, qui se partagent la terre exigent tous
deux une certaine abondance d’eau ; le développement des forêts
n’est pas entravé par de longues sécheresses de l’atmosphère,
pourvu qu’il existe toujours, à portée des racines, une nappe
aquifère suffisante. Au contraire, les prairies ont besoin de pluie
pendant la période de végétation.

Forêts et prairies se développent à l’ordinaire sur de vastes
surfaces, les causes climatiques qui les déterminent ne variant
que lentement. La continuité de ces deux formations est parfois
localement interrompue par des détails tenant au sol même (causes
édaphiques[111]) ; par exemple, une coulée volcanique récente
créera au milieu de la forêt de châtaigniers qui couvre les
flancs de l’Etna une bande dépourvue de toute végétation ;
au sud du Massif Central de France, les calcaires fissurés des
Causses permettent à l’eau de descendre rapidement à de grandes
profondeurs : la surface du plateau est presque un désert. De
semblables particularités sont l’accident et les petits déserts
_édaphiques_ qui en résultent n’ont qu’une importance minime
dans l’étude de la géographie botanique de l’Europe.

Au Sahara il en est tout autrement : la rareté des pluies, la haute
température de l’été, les froids de l’hiver, la fréquence
des vents desséchants sont autant de causes qui s’opposent au
développement des plantes.

Quelques points privilégiés comme les dunes, presque toujours
humides en profondeur et où le peu de cohésion du sol permet aux
racines de pousser rapidement, comme les vallées de l’Ahaggar où
des seuils rocheux arrêtent de place en place l’eau qui imprègne
les alluvions, se prêtent à la vie des végétaux. Au Sahara, le
désert est climatique ; c’est l’absence de toute végétation
qui est la règle. La vie ne reparaît que sur des points isolés ;
elle est rendue possible par des causes édaphiques, causes variables
d’un point à un autre et s’opposant à toute description vraiment
générale des types de végétation.

Le désert diffère profondément des deux autres types de formation
végétale dues au climat : il est hostile à toute végétation. La
sécheresse, comme d’ailleurs le froid, atténue les différences
qui séparent d’ordinaire la forêt de la prairie : sous le climat
du désert, le sol est occupé de loin en loin par des végétaux,
herbacés ou ligneux, qui sont adaptés à des conditions aussi
défavorables. La forêt et la prairie sont des formations
« complètes » : le sol est partout productif ; il n’y a pas
de vides ; de nouveaux éléments ne peuvent s’y introduire
que difficilement ; beaucoup de graines peuvent germer, mais la
plupart des jeunes plantes sont étouffées par leurs voisines. Le
désert au contraire est une formation « inachevée » : il y a
toujours des places libres entre les touffes espacées et beaucoup
de plantes meurent sans être remplacées. Les graines qui tombent
sur le sol ne germent pas, ou bien les jeunes plantes succombent sous
l’inclémence du climat. La lutte pour l’existence est dirigée
contre des forces physiques et non plus biologiques.

Comme la zone sahélienne, le Sahara paraît, au point de vue
botanique, en négligeant les quelques plantes venues du nord ou du
sud, très homogène depuis la mer Rouge jusqu’à l’Atlantique :
les 155 plantes du Sahara touareg, que M. Battandier a récemment
étudiées, se décomposent à ce point de la façon suivante : 36
espèces à peu près cosmopolites ; 89 nettement sahariennes, dont
70 sont connues des rives de l’Atlantique jusqu’à l’Égypte
ou l’Arabie.

Cette flore est d’ailleurs très pauvre et il est douteux qu’il
y ait 1000 espèces phanérogames sur toute la surface du désert :
seule, la flore polaire (800 espèces) peut lui être comparée,
encore convient-il d’ajouter que les mousses et les lichens,
qui existent à peine au désert, prennent une importance énorme,
comme nombre d’individus et comme nombre d’espèces, dans les
toundras du Nord. Dès qu’on arrive à des régions plus normales,
le nombre des espèces s’accroît considérablement : le domaine
méditerranéen, dont l’étendue est moindre que celle du désert
compte environ 7000 phanérogames ; il y en a 3000 en Algérie, dont
près de 1500 se trouvent, dans un rayon de quelques kilomètres,
autour de Constantine. En France (4500 espèces), il est peu de
cantons, même dans les régions les plus homogènes, dont le
catalogue n’énumère 7 à 800 espèces, à peu près autant que
dans tout le Sahara.

Cette flore est d’ailleurs encore assez mal connue ; les ouvrages
des botanistes français se réduisent à peu près, pour le Sahara
proprement dit, à : Cosson, _in_ Duveyrier, _Les Touaregs du Nord_,
1864, p. 148-216[112] ; — Battandier, Résultats botaniques de la
mission Flamand, in _Bull. Soc. Bot. de France_, XLVII, 1900, p. 441 ;
— Plantes du Hoggar, récoltées par M. le Prof. Chudeau en 1905,
in _Bull. Soc. Bot. de France_, LIV, 1907, p. XIII-XXXIV ; — Bonnet,
_in_ Foureau, _Documents scientifiques de la Mission Saharienne_,
1905, I, pp. 401-413 (la plupart des plantes proviennent du Soudan) ;
— Abbé Chevalier, Notes sur la flore du Sahara, in _Bull. de
l’herbier Boissier_, II, 3, 1903, p. 669-684 et p. 756-779 ; —
II, 5, 1905, p. 440-444 ; — Ascherson, in Rohlf, _Kufra_, 1881,
p. 386-559, donne plusieurs listes de plantes recueillies au sud de la
Tripolitaine. La liste bibliographique assez étendue qui se trouve
p. 407-408 dans le même ouvrage, sera facile à compléter avec
les indications de Schimper, _Plant Geography upon a physiological
basis_, 1903, p. 649-650.

Malgré l’homogénéité de la flore saharienne, il semble que les
arbres permettent, à première vue tout au moins, d’y distinguer
trois régions. Le talah qui, d’ailleurs vers le sud, atteint
la zone soudanaise, semble se rencontrer partout, de la Mauritanie
à l’Arabie ; quoique plus fréquent dans le Sahara méridional,
on le connaît cependant avec certitude dans le Sud tunisien. Les
tamarix qui viennent du nord, traversent eux aussi tout le désert ;
on les retrouve dans la région du Tchad ; ce n’est cependant que
jusqu’à l’Ahaggar qu’ils sont fréquents, la région littorale
mise à part, bien entendu.

La plupart des autres arbres ou arbustes sont plus étroitement
localisés. Le betoum (_Pistacia atlantica_ Desf.), arbre des
plateaux algériens, se rencontre encore, entre Laghouat et le
M’zab, dans la région des Daya ; il pénètre à peine dans
le désert. Un peuplier à feuilles coriaces et persistantes,
dernier représentant d’un groupe qui a été fort abondant dans
le tertiaire européen, le _Populus Euphratica_ Ol. se trouve encore
en quelques points du domaine méditerranéen (bords de l’Euphrate,
Palestine, Constantine, etc.) ; on le connaît jusqu’au Tadmaït.

Quelques genêts (_Retama Retem_ Webb., par exemple) qui se rattachent
à des formes de la flore de la Méditerranée, jouent un grand
rôle dans le Sahara algérien ; on les trouve dans le Grand Erg et
ils se continuent dans l’Iguidi ; plus au sud, ils disparaissent.

Ces quelques exemples suffisent à expliquer pourquoi les botanistes
qui ont étudié le nord du désert ont été amenés à dire que,
« au point de vue de la composition de sa flore[113], le Sahara
est actuellement une dépendance de la Méditerranée[114] ».

Le teborak (_Balanites Ægyptiaca_ Del.), l’irak (_Salvadora
persica_ L.), l’asabai (_Leptadenia Spartum_ Wight) et quelques
autres, tous communs dans la zone sahélienne, remontent plus ou
moins haut vers le nord ; ils s’arrêtent presque tous au tassili
des Azdjer ou au Tidikelt. Ils permettraient d’affirmer, si on
ne considérait qu’eux seuls, que dans sa partie méridionale,
le Sahara est une dépendance du Soudan. On est donc amené par la
considération des plantes en quelque sorte étrangères au désert,
des plantes immigrées, à distinguer dans le Sahara deux zones,
l’une algérienne au nord, l’autre soudanaise au sud.

La ligne qui les sépare vers le 26° Lat. N. du Tidikelt, se
relève un peu vers l’est, contrairement à ce que l’on observe
pour les limites des zones méridionales. Cosson[115] avait déjà
fait remarquer que le _Cucifera thebaïca_ qui remonte jusqu’au
29° Lat., en Égypte n’est noté par Barth que jusqu’au 21°
Lat. ; le _Cassia obovata_ (le séné) atteint le 30° Lat. au Caire
et seulement le 25° Lat. à R’ât ; dans le sud de l’Ahnet,
24°,30′ Lat., il est commun.

En plein centre du Sahara, l’Ahaggar doit à sa haute altitude de
former une région probablement très distincte. Quelques plantes,
comme le câprier (_Capparis spinosa_ L.), le tataït (_Deverra
fallax_ Batt.), un arbre à port d’olivier, l’oléou, encore
indéterminé, et quelques autres ne se rencontrent qu’au-dessus
de 1000 mètres. Un sedra, voisin du petit jujubier d’Algérie,
le _Zizyphus Saharæ_ Batt., paraît confiné dans l’Ahaggar et
l’Adr’ar’ des Ifor’as. Quelques rosettes de larges feuilles,
rappelant les grandes sauges d’Algérie, indiquent que, au cœur de
l’Ahaggar, il y a quelques ruisseaux permanents et des conditions
climatiques plus voisines de celles du Tell.

Ces apparitions de plantes nouvelles ne sont pas le seul fait
à noter ; l’asabai, le teborak, le korounka, l’irak, si
abondants dans les contreforts de l’Ahaggar, deviennent rares ou
disparaissent à une altitude plus élevée ; le froid probablement
les arrête. Voinot mentionne expressément l’absence de pâturages
à chameaux sur la Coudia, au voisinage d’Idélès, et l’aspect
très particulier de la végétation.

D’après les renseignements de Duveyrier, et les recherches
anatomiques de Tristam, Grisebach[116] a supposé que la Coudia
portait deux ceintures de forêts dont la plus élevée serait une
forêt de conifères. Il n’y a certainement pas de forêts sur
l’Ahaggar ; il ne peut être question que de quelques bouquets
d’arbres isolés comme dans le reste du désert : Motylinski est
très affirmatif sur ce point et signale expressément la rareté
des arbres, presque leur absence sur le haut plateau (cf. p. 30).

Les deux faits qui permettaient de croire à l’existence de
conifères dans l’Ahaggar sont d’abord la présence affirmée à
Duveyrier d’un arbre portant le nom d’_arrar_ qui, en Algérie,
s’applique à un thuya (_Callitris articulata_ Desf.) et à un
genévrier (_Juniperus phœnicea_ L.), puis l’examen anatomique
de quelques ustensiles en bois achetés à des Touaregs. Ces
ustensiles étaient bien en bois de conifères ; il est impossible
que Tristam se soit trompé sur ce point, mais la provenance exacte
du bois est évidemment douteuse. L’absence des conifères en
Afrique, la Barbarie et l’Abyssinie mises à part, donnerait à
la confirmation de l’existence d’un genévrier sur la Coudia
une grande importance.

Motylinski cependant ne mentionne rien de semblable et sa profonde
connaissance du Sahara lui aurait bien probablement fait remarquer,
s’il en avait vu, des formes végétales aussi tranchées.

Malgré le peu de précision de ces renseignements, on a
l’impression très nette que l’Ahaggar s’écarte par un assez
grand nombre de traits du reste du Sahara. Une exploration botanique
sérieuse permettra seule de dire s’il doit être considéré comme
une sous-région du désert, ou s’il doit former une province
botanique plus autonome. Il suffit pour le moment d’attirer
l’attention sur ce point.

Si nous revenons maintenant à l’ensemble du Sahara, je crois
qu’il est impossible d’en faire une dépendance soit de la
Méditerranée, soit du Soudan. A côté de quelques plantes
émigrées, et qui se rattachent aux domaines voisins, il existe
toute une série de formes absolument spéciales au désert, et qui
manquent à l’Afrique mineure comme au Soudan. Un très grand
nombre sont vivaces ; beaucoup ont un aspect sec et rigide très
particulier ; d’autres ont les tiges et les feuilles épaisses et
sont des plantes grasses.

Beaucoup d’espèces et même beaucoup de genres sont spéciaux au
désert et tout indique pour cette flore, à cachet si particulier,
une ancienneté très reculée. Même, pour Schirmer, son existence
serait la meilleure preuve de l’antiquité du Sahara. Mais comme
l’a fait observer M. Battandier[117], cela prouve tout simplement
que depuis fort longtemps il existait en Afrique des pays où
ces plantes spéciales pouvaient vivre : elles ont pu habiter
antérieurement la zone des ergs morts (cf. chap. VI, fig. 69)
et émigrer en même temps que le désert lui-même ; il ne semble
plus possible de douter qu’au début du quaternaire le Sahara ait
été un pays relativement humide, trop humide certainement pour
que les plantes qui l’occupent actuellement, aient pu y vivre :
la concurrence vitale les aurait eu vite éliminées.

Dans les trois subdivisions botaniques du Sahara que nous venons de
chercher à définir, il reste à préciser quelles sont les stations
habituelles des plantes et quel est l’aspect de la végétation
du pays.

Pour le Sahara algérien, les observations précises de Massart
donnent toutes les indications nécessaires. Un premier point est mis
en évidence : aux confins de l’Algérie, « le désert n’est pas
vide, il est seulement monotone. C’est son uniformité qui donne
à la flore saharienne son caractère propre » (p. 227). Dans les
dunes du Souf, en quatre jours de marche, 27 espèces différentes
seulement ont pu être notées : les dunes sont une des parties
riches du désert.

Les stations du Sahara algérien sont en relation immédiate avec
la nature du sol ; les caractères édaphiques sont très nets. On
peut distinguer trois types principaux : les terrains salés, les
dunes et les hammadas.

Dans les chotts et les sebkhas, lorsque le sel est trop abondant, la
végétation fait complètement défaut ; mais parfois, sur le sel,
s’établissent des buttes de sable qui se couvrent de végétation :
à la base, tout contre le sel, des salsolacées à feuilles charnues
(_Suæda_, _Halocnemum_ etc.) ; un peu plus haut, un arbuste tout
couvert de sécrétions salines, le zeita (_Limoniastrum Guyonianum_
Coss. et Dur.), que ses fleurs roses font reconnaître de loin, enfin
tout au sommet de la butte, lorsqu’elle atteint quelques mètres,
des tamarix.

Sur les sols argileux moins salés, domine le guétaf (_Atriplex
halimus_ L.), parfois l’harmel (_Peganum harmala_ L.).

La localisation si précise de ces végétaux est déterminée par
de bien faibles variations dans la salure et l’humidité du sol :
chaque espèce reste strictement cantonnée dans sa zone. Lorsque
les conditions de milieu ne varient pas, une seule espèce se
développe : souvent au Sahara on marche quelques heures au milieu
d’un pâturage, où une seule espèce de plante a pu pousser.

Dans le désert pierreux, sur les hammadas, qui, au Sahara algérien,
sont calcaires, dominent de petits arbrisseaux à feuilles et
à tiges velues. La végétation y est très clairsemée, très
rabougrie ; son revêtement pileux lui donne la teinte grise des
rochers sur lesquels elle pousse. A peu près seuls, le câprier
(_Capparis spinosa_ L.), d’ailleurs assez rare, et une ombellifère
très commune au M’zab, le _Deverra chlorantha_ Coss. et Dur.,
sont glabres ; la seconde est à peine verte ; quant au câprier,
ses feuilles arrondies, de 4 à 5 centimètres de diamètre, le
séparent nettement de presque toutes les plantes sahariennes dont
les organes foliaires sont en général très réduits.

Les dunes sont les parties les plus riches du désert ; cette
richesse est d’ailleurs toute relative et le botaniste n’y fait
que de maigres récoltes. La plante peut-être la plus répandue
dans l’erg est probablement le « drinn » (_Aristida pungens_
P. B.) une graminée qui forme le fond de pâturages excellents. A
part quelques différences dans l’inflorescence, le drinn rappelle
assez bien l’oyat (_Ammophila arenaria_ Rœm.) qui se trouve sur
toutes les dunes maritimes de l’Europe, qu’il contribue à fixer :
ces deux graminées poussent par touffes isolées, avec des feuilles
assez serrées, raides et piquantes et d’un ton un peu glauque.

Les arbrisseaux sont représentés par des légumineuses dont les
rameaux sans feuilles simulent le genêt d’Espagne ; l’une des
plus répandues, le r’tem (_Retama Retem_ Webb.) est couvert en mars
et en avril de belles fleurs blanches ; l’alenda (_Ephedra alata_)
et le harta (_Calligonum comosum_ L’Her.), également dépourvus
de feuilles, sont fréquents aussi dans l’erg.

Dans le Sahara arabe, où dominent les ergs presque toujours couverts
de pâturages, il est rare que la végétation fasse longtemps
défaut ; il n’y a pas, à proprement parler, de tanezrouft.

Au contraire, d’une manière générale, au Sahara touareg,
de même que dans le nord de l’Adr’ar’ des Ifor’as et
de l’Aïr, la végétation, quand elle existe, est limitée aux
oueds. Dans la pénéplaine cristalline, comme dans le Tiniri, cette
limitation est stricte : quelques touffes d’arbrisseaux desséchés
suffisent presque à prouver un thalweg ; dans l’Ahaggar, lorsque
l’on examine d’un point élevé une région étendue, le réseau
hydrographique est nettement dessiné par la végétation qui y est
moins clairsemée que sur les collines voisines ; dans les petits
oueds, dominent des stipées dont les panaches murs simulent un
ruban de soie blanche ; dans les oueds plus larges, la végétation
plus variée donne des tons le plus souvent d’un vert glauque,
avec quelques taches vert franc.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XVII.

[Illustration : 33. — 1. _Mentha sylvestris_ L. (Demi-grandeur.)

_d_, forme saharienne.

_t_, forme des environs de Paris.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XVIII.

[Illustration : 34. — 2. _Veronica Anagallis_ L. — 3. _Cynodon
Dactylon_ Pers. (Demi-grandeur.)

_d_, forme saharienne.

_t_, forme des environs de Paris.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XIX.

[Illustration : Cliché Posth

35. — ZONE SAHELIENNE.

Une prairie de “ Kram-Kram ”, au nord de l’Adr’ar’ de
Tahoua.]

[Illustration : Cliché Pasquier

36. — UNE MARE CHEZ LES OULIMMINDEN.

A l’est de Gao.]

J’ai déjà indiqué la disposition en chapelets de la plupart des
vallées qui descendent de la Coudia ; en aval de chaque barrage,
l’eau est loin de la surface et l’on n’y trouve guère que
quelques talah et iatil, avec quelques touffes de mrokba ; à mesure
que l’on s’approche du seuil inférieur, la nappe aquifère est
moins profonde ; le _Calotropis_, puis plus bas encore le teborak
(_Balanites_) se montrent d’une façon assez régulière. Les
tamarix ne poussent non plus que dans les endroits humides, où ils
forment parfois des fourrés assez épais (Abalessa, tin Gellet,
oued Zazir à 500 mètres en amont du point d’eau). Ils manquent
dans certains oueds ; peut-être la teneur en sel n’est-elle pas
étrangère à leur répartition. Le guétaf les accompagne et forme
le fond des pâturages.

Parfois un seuil est très étroit et la différence de niveau
entre deux barrages successifs est suffisante pour que l’eau
afflue constamment à la surface ; la végétation devient alors
fort belle. J’ai noté, au point d’eau de l’oued Zazir, des
typhas, des joncs, des scirpes, épilobe, menthe, véronique et de
nombreuses graminées, avec quelques beaux arbres.

Dans certaines vallées larges de l’Ahaggar, il existe un lit mineur
bordé de berges d’alluvions hautes parfois de 1 mètre ; les arbres
et le mrokba sont localisés dans ce lit mineur ; le lit majeur est
couvert de diss formant une véritable prairie, assez comparable
aux prés bas des vallées d’alluvion de France (fig. 64).

La photographie (Pl. IV, 7) prise près d’In Amdjel donne une
idée nette de cet aspect.

D’ailleurs le mot de prairie ne convient pas exactement aux
formations de l’Ahaggar. En géographie botanique, les prairies
sont caractérisées par un tapis végétal continu où dominent
les graminées à feuilles molles ; le diss du massif touareg ne
contient que des graminées à feuilles raides et dures, parmi
lesquelles domine l’_Eragrostis cynosuroïdes_ Retz. A cause de
sa végétation sclérophylle, il vaudrait peut-être mieux dire
la steppe, bien que les graminées ne poussent pas par touffes et
forment un véritable gazon.

Les coulées basaltiques sont partout des réserves d’eau
importantes ; en général, à leur contact avec les terrains
imperméables il s’établit une riche végétation de plantes
hygrophiles, parfois à larges feuilles. J’ai noté près de Tit, au
pied de la coulée qui couronne le plateau où se trouvent les belles
tombes représentées dans le premier volume [p. 72, fig. 2, _a_] de
grandes bourraches, à près de vingt mètres au dessus de l’oued.

Avec sa végétation variée, l’Ahaggar n’est qu’un
demi-désert.

On en peut dire autant des tassili : la surface des plateaux est
en général très dénudée, mais il suffit d’une cuvette en
contre-bas de quelques mètres pour que quelques plantes s’y
montrent ; les cañons qui découpent les tassili contiennent tous,
dans leur fond, des pâturages assez variés et souvent riches ;
mais leurs parois sont peu garnies ; elles portent à peine autant de
plantes que celles des Causses ; à première vue on se croirait dans
une région de plateaux calcaires, bien plutôt que dans des grès,
qui par leur perméabilité retiennent facilement l’humidité et,
dans nos climats, sont habituellement plus fertiles.

[Illustration : Fig. 64. — Contreforts méridionaux de l’Ahaggar
vus des oueds Tilenfeda (une journée à l’ouest de l’Arigan).

A gauche, gazon de diss (_Eragrostis_) avec quelques talah. A droite,
quelques teborak auprès du filon de porphyre qui barre partiellement
la vallée. Dans le lit de l’oued, quelques touffes très rares de
mrokba. Si, au lieu d’arbustes, il y avait des arbres, ce serait
une végétation de parc.]

Quant aux tanezrouft, leur caractère propre est la stérilité ;
on n’y trouve rien, si ce n’est, de loin en loin, quelques talah
et quelques herbes rabougries dans le lit d’un oued. L’oued
Takamat qui avait coulé en 1898, sept ans avant notre passage,
contenait encore un maigre pâturage.

Le plus souvent, pour traverser ces régions déshéritées, il
faut emporter des fourrages pour les chameaux et un peu de bois pour
la cuisine.


=Les adaptations.= — Au Sahara, les végétaux n’ont guère à
lutter que contre un seul ennemi, la sécheresse.

Ils y arrivent par de multiples procédés ; l’un des plus simples
est purement physiologique : la plante, au lieu de s’astreindre à
lutter péniblement contre la sécheresse, a pris le parti de vivre
vite : profitant de la moindre averse, la graine germe rapidement,
les fleurs s’épanouissent de suite et de nouvelles graines
arrivent à maturité avant que le sol ait perdu ses dernières
traces d’humidité.

Un certain nombre de plantes annuelles sont dans ce cas ; elles
poussent partout, même en plein tanezrouft, au hasard d’un orage,
et ne fournissent aucun caractère de zone botanique ; elles sont
« hygrophiles » et leur structure anatomique est celle des plantes
de nos climats.

Elles sont souvent en pleines fleurs avant que leurs cotylédons
soient flétris. Cette végétation éphémére d’acheb et de
n’si[118] ne semble guère varier de l’Algérie au Soudan ;
dans l’Adr’ar’ des Ifor’as comme dans l’Aïr, on retrouve
les mêmes espèces, ou tout au moins des formes très voisines,
avec des dimensions plus grandes ; sauf les graminées, toutes ces
plantes rampent sur le sol (elles n’ont pas le temps de lignifier
leurs tissus) ; mais les cercles qu’elles couvrent de leurs rameaux,
portant fleurs et fruits, varient de quelques centimètres de rayon,
lorsque la pluie a été médiocre, à 1 m. 50 et plus lorsque
l’humidité ne fait pas défaut. Ce sont des plantes éphémères,
dont la vie ne dure que quelques semaines.

On peut rattacher à ce mode d’adaptation, le raccourcissement
de la vie, l’exemple du _Malcolmia Ægyptiaca_ Spr. et de
l’_Echinopsilon muricatum_ Moq. qui, habituellement vivaces dans
le bassin de la Méditerranée, deviennent annuels dans les dunes
du Souf (Massart).

On peut encore en rapprocher, comme dépendant immédiatement de la
pluie, un petit nombre de plantes grasses telles que l’_Aizoon
canariense_ L., divers _Mesembryanthemum_, qui excellent à
emmagasiner dans leurs tissus l’eau d’une averse, mais qui
meurent dès que leurs réserves, qu’elles ne savent ou ne peuvent
pas entretenir, sont épuisées.

Plus nombreuses et plus caractéristiques sont les plantes dont la
vie dépend des eaux souterraines[119]. Leurs racines s’enfoncent
profondément dans le sol ; Volkens a souvent essayé d’arracher,
avec toutes leurs racines, quelques plantes du Sahara ; il a toujours
échoué même pour des herbes dont il suivait les racines à 1 ou
2 mètres de profondeur : un petit spécimen de _Calligonum comosum_
L’Her. à peine haut comme la main avait, à 1 m. 50 de profondeur,
des racines encore grosses comme le doigt. Lorsque l’on a creusé
le canal de Suez, on a trouvé, dans le lit du canal, des racines
qui provenaient d’arbres situés sur des mamelons assez éloignés
des travaux.

Quelques plantes, comme la coloquinte, ne semblent avoir d’autre
adaptation que le développement énorme de leur appareil souterrain.

La structure anatomique des plantes sahariennes présente un grand
nombre de caractères de convergence, qui leur imprime à toutes un
aspect analogue : le plus souvent, elle se présentent sous forme
de touffes ligneuses que la sécheresse réduit à l’état de
squelettes grisâtres. Ce sont des momies toujours prêtes à la
résurrection et qui peuvent attendre fort longtemps le retour de
l’humidité : sitôt après les pluies, après les crues ou un
afflux d’eau souterrain, elles se couvrent rapidement de rameaux
verts, en général succulents. Leurs puissantes racines, dont les
vaisseaux sont relativement fort larges, leur permettent de profiter
sans délais de la moindre humidité, en même temps qu’elles les
fixent solidement au sol et empêchent le vent de les en arracher
(Pl. XXIII).

Dans les parties aériennes, au contraire, les vaisseaux sont
étroits ; tout l’épiderme, celui de la tige, comme celui des
feuilles, est organisé pour restreindre l’évaporation ; il
présente partout le même aspect ; le dessus et le dessous des
feuilles sont souvent identiques. Cet épiderme est fréquemment
revêtu d’une cuticule épaisse, parfois d’un manteau pileux,
protection contre les grains de sable charriés par le vent,
protection surtout contre les pertes d’eau. Cette épaisseur de la
cuticule, qui masque la coloration verte de la chlorophylle, donne
aux plantes du désert une teinte vert-grisâtre toute spéciale.

L’épiderme est peu perméable, il est de plus aussi restreint que
possible : beaucoup de plantes sont aphylles ; lorsque les feuilles
existent, elles sont habituellement petites et souvent charnues
de façon à avoir un gros volume sous une faible surface. Dans
les graminées, les feuilles sont en gouttière ou complètement
enroulées. Il n’y a guère que la coloquinte et le calotropis
qui fassent exception à la règle.

Cette réduction de l’appareil foliaire existe même chez les
plantes qui poussent dans les points les plus humides du Sahara,
chez celles qui croissent dans les seguias d’irrigation des
ar’erem. On sait combien ces plantes semi-aquatiques sont en
général cosmopolites ; quelques-unes, qui sont communes dans les
régions tempérées, se retrouvent au Sahara, mais dans le désert,
leur aspect, leur port, est devenu tout différent. M. G. Bonnier
a bien voulu mettre à ma disposition quelques échantillons de
l’herbier de France de la Sorbonne, provenant des environs de Paris,
pour les comparer à ceux que j’avais recueillis au Sahara : les
figures des planches XVII (phot. 33) et XVIII (phot. 34) suffiront
à préciser les résultats de cet examen comparatif. Dans _Mentha
sylvestris_ L. de l’Ahaggar, qui est probablement cultivée[120],
les feuilles sont un peu plus courtes et beaucoup plus étroites
que dans l’exemplaire parisien. La réduction de l’appareil
foliaire est encore plus marquée chez _Veronica Anagallis_ L. Quant
au vulgaire chiendent (_Cynodon Dactylon_ Pers.), les feuilles, plus
petites, sont plus serrées, plus rapprochées dans l’exemplaire
africain, où elles forment une sorte de paquet ; elles sont surtout
enroulées et repliées sur elles-mêmes de façon à restreindre
la surface d’évaporation.

La coloration, la nuance du vert, dans ces trois espèces, diffèrent
franchement entre les formes du désert et celles des régions
tempérées. Malheureusement la photographie ne peut donner aucune
idée de ce caractère différentiel qui est très général.

Ces divergences si manifestes ne peuvent être attribuées au manque
d’eau : toute la partie inférieure de la véronique (Pl. XVIII,
phot. 2d) était immergée dans une seguia et couverte de racines
adventives, bien visibles sur la photographie ; c’est donc à la
sécheresse de l’air, peut-être à l’intensité de la lumière,
que les trois espèces figurées doivent leur aspect si particulier.

Les sucs d’un grand nombre de plantes du désert sont fortement
salés et ceci est encore une défense contre la sécheresse,
les solutions ayant une tension de vapeur inférieure à celle de
l’eau pure. L’existence de ces plantes salées (guetaf, had,
etc.) est très caractéristique de tous les déserts ; elles
disparaissent dans la zone sahélienne et leur absence est très
sensible à l’élevage du chameau : dans l’Adr’ar’ comme dans
l’Aïr, les nomades ont reconnu depuis longtemps la nécessité
de donner de temps à autre du sel à leurs animaux, de la terre
d’ara’ en général ; dans le Tegama, on leur fait faire des
cures aux teguiddas et ceci n’est pas sans amener une certaine
gêne : quand un chameau a absorbé, d’un seul coup, une forte
dose de sel, il ne peut se remettre en route sans danger ; il lui
faut quelques semaines de repos ; cette observation des indigènes
semble confirmée par la pratique du peloton monté de Zinder qui
a toujours perdu des animaux après ses passages aux teguidda.

On a souvent fait ressortir d’assez grandes analogies d’aspect
entre les plantes du désert et celles du littoral maritime : elles
ont à lutter contre les mêmes facteurs : la fréquence du vent est
un trait commun aux deux milieux ; le danger de la sécheresse est
aussi redoutable aux bords de la mer qu’au Sahara : les plantes ne
peuvent supporter qu’une dose limitée de sels ; au-dessus d’une
certaine concentration, leurs sucs deviennent pour elles un poison.

_Les plantes grasses._ — Bien que, au Sahara, les espèces à
feuilles et à tiges épaisses et charnues soient fréquentes,
les plantes grasses les plus typiques, à forme de cactus, semblent
exclues du désert.

Les agaves se sont fort bien acclimatés en Algérie où ils ont
maintenant toutes les allures de végétaux indigènes ; les figuiers
de Barbarie (_Opuntia Cactus Indica_) à cause de leurs fruits
et surtout de la cochenille, dont ils sont le support habituel,
ont été répandus, il y a quelques siècles, dans tout le bassin
de la Méditerranée et aux Canaries ; ils y viennent fort bien,
et se multiplient d’eux-mêmes comme une plante spontanée ; ils
poussent aussi au Sénégal où ils ont assez chétive mine. Ni le
figuier ni l’agave n’ont pénétré au Sahara.

Ce n’est que dans la zone sahélienne que des formes analogues se
rencontrent ; dès l’Adr’ar’ des Ifor’as et l’Aïr, deux
asclépiadées cactoïdes sont assez communes. La plus remarquable,
le _Boucerozia tombuctuensis_ (A. Chev.), passe pour un poison
violent ; elle pousse en touffes hautes parfois de 1 mètre,
avec des tiges épaisses à section carrée, presqu’ailées,
vert pâle, parfois violacées. Les fleurs forment des boules
compactes, d’une dizaine de centimètres de diamètre, d’un
noir pourpre et à odeur de charogne bien marquée. Le _Boucerozia_
paraît commun dans tout le nord de la zone sahélienne, depuis le
littoral mauritanien jusqu’au Koutous. Une espèce très voisine,
probablement une simple race géographique, est connue en Oranie. Le
_Boucerozia_ fait donc le tour du Sahara, mais n’y pénètre nulle
part, malgré ses graines que le vent transporte facilement.

Une autre asclépiadiée de même port, mais plus petite et à tige
ronde, se trouve dans les mêmes régions ; elle est comestible et
les nomades la recherchent au commencement de la saison des pluies ;
dans l’Adr’ar’ des Ifor’as, comme en Mauritanie, elle porte le
nom d’« Abouila ». Il m’a été jusqu’à présent impossible
de la trouver en fleurs ou en fruits et par suite de la déterminer.

Au Maroc, comme au Sénégal et à Koulikoro, on trouve quelques
euphorbes cactoïdes ; aucune d’entre elles ne pénètre au
Sahara. On a cité une forme de ce groupe (_E. crassa_) à Rio de Oro
où elle a pu être plantée ; je ne crois pas qu’il en existe sur
le littoral de Mauritanie, du moins entre Saint-Louis et le cap Blanc.

Les plantes grasses ne se contentent pas d’emmagasiner
l’eau, comme le fait une outre ; elles la conservent combinée
chimiquement à divers produits organiques, tout au moins comme eau
d’hydratation. Cette combinaison exige une assez grande dépense
d’énergie qui suppose des périodes végétatives de quelque
durée. Il est probable que, au Sahara, les conditions de la vie
sont trop dures, et que le travail capable de donner naissance à
de grands organismes, comme les _Cereus_ mexicains, est impossible.

En tout cas, l’absence de ces formes de cactus au Sahara, leur peu
d’importance dans la zone sahélienne contrastent singulièrement
avec ce que l’on connaît des déserts du Sud africain et des
déserts du Nouveau Monde où elles sont un des traits essentiels
du paysage. Cela peut inspirer aussi quelques inquiétudes sur
la réussite des figuiers de Barbarie que l’on a cherché à
introduire en quelques points, en Aïr notamment. Peut-être,
cependant, réussiront-ils à Agadez qui est dans la zone sahélienne.

_Lianes._ — Un fait assez surprenant est la présence au Sahara de
lianes, type végétal qui caractérise habituellement les formations
forestières. Les exemples les plus nets sont fournis par le _Dœmia
cordata_ R. Br., le _Salvadora persica_ L. et quelques autres plantes
dont les rameaux s’enroulent fréquemment les uns autour des
autres ; peut-être la coloquinte, avec ses longues tiges rampantes
et ses vrilles, doit-elle être rattachée à la même catégorie. On
sait, depuis Schenk, qu’il y a parmi les lianes un certain nombre
d’espèces qui sont en train de s’adapter à un nouveau mode
d’existence et qui vivent dans un milieu découvert. Ces lianes,
en régression, se trouvent surtout au voisinage de la forêt ou
tout au moins de la galerie forestière, et l’on en peut conclure
probablement que ces galeries, dont on trouve des traces jusque dans
l’Aïr et l’Adr’ar’, se sont étendues naguère à travers
le Sahara le long des oueds, lorsqu’ils étaient vivants. Ceci
aiderait à comprendre la distribution de certains végétaux ;
une véritable liane, le _Cocculus Leæba_ D. C., une des formes
les plus essentielles de la zone sahélienne et du bassin du Nil,
se retrouve dans le Tidikelt. On ne voit guère comment elle aurait
pu y parvenir dans l’état actuel des choses.

_Les graines._ — Le mode de dissémination des plantes au
Sahara mérite quelques remarques. Les plantes à fruit charnu ont
habituellement leurs semences répandues par les oiseaux frugivores ;
à part quelques vautours, il y a peu d’oiseaux au Sahara ; aussi
les fruits comestibles sont-ils rares ; le _Balanites ægyptiaca_,
le _Salvadora persica_ ne se rencontrent guère que par hasard en
dehors de la zone sahélienne ou de l’Ahaggar ; pratiquement ils
font défaut dans le vrai désert.

Dans les pays où les mammifères sont abondants, nombre de végétaux
ont des fruits accrochants qui se fixent à la fourrure des herbivores
et sont disséminés par eux sur de larges surfaces. Il y a peu de
mammifères au Sahara, partant peu de plantes qui usent de ce mode
de transport et ceci nous fournit une bonne limite pour le désert ;
dès que, remontant vers le nord, on arrive à la lisière des hauts
plateaux, on constate qu’une infinité de graines se fixent après
les vêtements ; au réveil, on trouve, accrochés à ses couvertures,
des fruits d’ægilops, de daucus, de luzerne. Pareil ennui est
inconnu au Sahara. Vers le sud, les choses sont tout aussi nettes ;
aussitôt qu’on aborde la zone sahélienne les graines accrochantes
se multiplient. La plus célèbre, et la plus odieuse aussi, est
l’insupportable kram-kram des Européens, l’ouedja des Touaregs,
le karenguia des Bambaras, l’initi des Maures : cette graminée
(_Cenchrus echinatus_ L., du moins dans la région de Tombouctou et en
Mauritanie) forme des champs entiers, immenses et dont la traversée
à pied quand, après la saison des pluies les graines sont mûres,
est difficile, douloureuse même. Il est impossible de camper
dans une prairie de karenguia, et les rares points de la brousse,
dans le Tegama notamment, où manque ce végétal désagréable,
sont repérés avec soin et sont les points d’arrêt obligés des
caravanes. Une pince qui permet d’arracher les piquants crochus du
fruit des _Cenchrus_, qui, quoiqu’on fasse, se fixent dans la peau,
fait toujours partie de la trousse chirurgicale que tout Touareg du
sud porte sans cesse sur lui, au milieu de ses amulettes.

Au Sahara, le vent est certainement le seul agent important de
dissémination des graines ; il est d’ailleurs un agent fort actif :
le 18 septembre 1906, après un fort coup de vent d’est, en plein
tanezrouft, nous avons été gênés par un vol de moustiques dont
les larves sont, comme on sait, aquatiques : le point d’eau le
plus proche, In Azaoua, était à dix heures de marche ; par temps
calme, ces agaçantes bestioles ne s’éloignent jamais de plus
de quelques cents mètres de leur lieu de naissance. Les graines,
qui ont la vie plus dure, doivent être entraînées plus loin.

Aussi la plupart des graines du Sahara sont-elles munies
d’organes qui favorisent l’action du vent ; ce sont des graines
anémophiles. Chez les stipées (drinn-n’si), une longue arête
plumeuse, le plus souvent à triple branche, couronne la semence ;
dans les tamarix comme chez les asclépiadées, une aigrette plumeuse
est attachée à chaque graine. Dans les _Cassia_ (séné) la gousse,
très aplatie, donne une bonne prise au vent ; les plantes qui,
à la maturité de leurs graines, se dessèchent complètement et
se laissent rouler au moindre souffle, ne sont pas rares non plus :
elles reproduisent le cas, plutôt un peu aberrant en France, du
chardon rolland (_Eryngium_). Dans ce dernier groupe de formes où la
plante entière est le jouet du vent, les capsules qui contiennent
les graines restent souvent closes tant qu’elles sont sèches :
la moindre pluie les fait ouvrir et les graines, bien protégées
jusqu’au moment favorable où elles sont mises en liberté,
germent sitôt échappées du fruit. Les exemples classiques de
ces adaptations désertiques sont la main de Fatma (_Anastatica
hierochuntica_, L.) et la rose de Jéricho (_Asteriscus pygmæus_,
Coss.).

Quant aux champignons[121], des gastéromycètes surtout, qui semblent
avoir en général une aire de répartition très vaste au Sahara,
la petitesse de leurs spores, qui ont seulement quelques millièmes
de millimètre de diamètre, explique leur facile dissémination.

Bien que _a priori_, la chose paraisse peu vraisemblable, il semble
qu’il faille attribuer un certain rôle, dans la distribution
des plantes, aux eaux courantes ; à chaque crue, des graines sont
entraînées au loin et ceci explique probablement l’importance que
les Touaregs attribuent à l’examen botanique dans la reconnaissance
des oueds. Lorsque nous avons traversé le tanezrouft de Tin Azaoua à
l’Ahaggar, la brume nous a obligés à marcher assez longtemps à la
boussole ; arrivés à un thalweg qui, d’après la direction suivie,
ne pouvait être que l’oued Endid ou l’oued Silet, nos guides,
que le peu de transparence de l’air empêchait de voir les hauteurs
qui leur auraient permis de se repérer au premier coup d’œil,
nous ont affirmé que nous étions dans l’oued Silet parce qu’il
y avait quelques irak (_Salvadora persica_). Plus en amont du même
oued, près de Tibegehin, ce bel arbuste forme presque une forêt ;
il manque à Abalessa et dans l’oued Tit dont l’oued Endid
n’est que la prolongation.

_Défense contre les animaux._ — On a souvent supposé que, au
Sahara, la lutte devait être particulièrement dure et acharnée
entre les végétaux et les herbivores ; il ne semble pas qu’elle
présente un caractère d’acuité particulièrement grave ; si la
végétation est très clairsemée au désert, les animaux y sont
encore plus rares.

On a voulu voir dans les épines une défense efficace contre la dent
des mammifères ; en réalité les plantes épineuses ne sont pas
beaucoup plus abondantes au Sahara qu’ailleurs. Les épines sont,
en tous cas, une bien mauvaise défense, et les chameaux mangent
avec grand plaisir les jeunes rameaux du talah : ils prennent la
branche un peu haut et la font passer entre leurs dents comme dans
une filière ; toutes les feuilles sont arrachées et les épines, que
cette manœuvre couche le long de l’écorce, deviennent sans danger.

Il n’y a guère que les plantes vénéneuses qui semblent bien
défendues : elles sont parfois très abondantes dans les points où
passent de nombreuses caravanes ; Massart a fait remarquer que, autour
des villes du M’zab, l’harmel (_Peganum harmala_ L.) prenait
une ampleur inusitée : toutes les plantes comestibles qui poussent
à côté de lui sont impitoyablement mangées par les chameaux, et
ce « sarclage, » constamment renouvelé, lui assure une victoire
facile : à lui seul, il couvre le sol. En quelques points de la zone
sahélienne, l’_Ipomæa asarifolia_ fournit peut-être un exemple
analogue. Il est difficile de savoir jusqu’à quel point ce mode de
protection est efficace : le _Calotropis procera_ a la réputation
d’être toxique ; à Iférouane les chèvres et les bœufs ne le
mangent guère, surtout quand il est sec. Le _Dœmia cordata_, une
asclépiadée, est brouté sans danger en Mauritanie par tous les
chameaux ; dans l’erg, les Chaambas le redoutent. Y a-t-il, dans
certaines régions, accoutumance des chameaux à quelques poisons ou
bien les plantes, comme on en connaît quelques exemples authentiques,
ont-elles modifié la nature chimique de leurs sécrétions ? Il
est difficile de répondre.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                                PL. XX.

[Illustration : Cliché Posth

37. — L’ÉTANG PERMANENT DE KEITA.

Adr’ar’ de Tahoua.]

[Illustration : Cliché Posth

38. — L’ÉTANG PERMANENT DE KEITA.

Adr’ar’ de Tahoua.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XXI.

[Illustration : Cliché Posth

39. — MARE D’HIVERNAGE DANS LA ZONE SAHELIENNE.

Au nord de l’Adr’ar’ de Tahoua.]

[Illustration : Cliché Posth

40. — MARE D’HIVERNAGE DANS LA ZONE SAHELIENNE.

Sud du Tegama.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXII.

[Illustration : Cliché Chudeau

41. — VÉGÉTATION D’“ AFERNANE ” (_Euphorbia balsaminifera_
Aït.).

Littoral de Mauritanie. — Tivourvourt (17° 40′ Lat. N.).]

[Illustration : Cliché Chudeau

42. — PATURAGE D’“ ASKAF ” (_Traganum nudatum_ Del.).

Littoral de Mauritanie. — Bir El Guerb (20° 30′ Lat. N.).]


=Les cultures.= — Dans toutes les régions où les pluies tropicales
tombent en quantité suffisante (500 mm.) pour permettre la culture
régulière des plantes alimentaires, les villages sont nombreux et
chacun d’eux est entouré d’une zone débroussaillée de 4 à
5 kilomètres de rayon où l’on sème les céréales. Les noirs,
avaient sans doute remarqué, dès longtemps, l’appoint apporté
par les légumineuses à la fertilité du sol : en tout cas, dans
le débroussaillement, ils épargnent souvent certains acacias. La
limite de cette zone des cultures régulières coïncide avec la
limite nord de la zone soudanaise.

Dans la région du Tchad, le Dagana est la dernière contrée
dont la production agricole suffise à peu près à la vie des
habitants ; ce Dagana est traversé par un bras du Bahr El Ghazal,
l’oued Massakory, où les puits ne dépassent pas la profondeur de
3 mètres : tous les habitants du pays, 11000 Arabes plus ou moins
métissés et à demi sédentaires, se sont groupés sur les deux
rives de cet oued.

Plus à l’ouest, cette limite passe auprès du poste de Chirmalek ;
autour de ce tout petit village, que nous avons cherché à
reconstituer pour permettre à des fantassins d’aller sans trop
de peine de Gouré au Tchad, les ruines de villages fortifiés sont
nombreuses : depuis quelques années, les habitants ont émigré
vers le sud. Je ne crois pas qu’il faille voir dans ce fait
la preuve d’une péjoration du climat : à la limite de la zone
soudanaise, la pluie n’est pas tous les ans suffisante pour assurer
la récolte ; le mil y produit toujours moins que dans les pays mieux
arrosés. Mais le sédentaire a besoin avant tout de sécurité ;
pour se l’assurer, il ne recule pas devant un surcroît d’effort,
soit en bâtissant sa demeure sur des rochers souvent peu accessibles,
soit en se fixant dans des régions même peu hospitalières, mais
éloignées des bandes de pillards : Rabah avait rendu intenables
les états bornouans et ce n’est que depuis la destruction de sa
puissance à Koussri, le 22 avril 1900, que les villages voisins de
Chirmalek, situés trop au nord, ont été délaissés.

La culture essentielle de ces régions du nord du Soudan est celle
du petit mil (_Bechna_) ; le gros mil ou sorgho (_Gafouli_) n’a
d’importance que plus au sud.

Les procédés de culture sont très simples et très primitifs :
lorsque le sol est sablonneux, ce qui est le cas le plus fréquent
à cause de l’abondance des ergs morts (fig. 69), le cultivateur
se sert d’une sorte de houe dont le manche très long lui évite
la peine de se baisser ; à chaque pas, il laisse retomber son
léger instrument, creusant un trou de quelques centimètres de
profondeur ; l’aide qui le suit, un enfant ou une femme, y jette
quelques graines qu’il enterre avec le pied. Parfois, lorsque le
sol devient argileux et par suite un peu plus résistant, comme dans
les alluvions des dallols du Tahoua, on a recours à une sorte de
ratissoire dont la lame est en croissant. Quelque soit le mode de
culture employé, les noirs évitent avec le plus grand zèle toute
possibilité de surmenage. J’ai traversé l’Adr’ar’ de Tahoua
à l’époque des semis, en juin 1906. Dès la pointe du jour, vers
six heures, on attend que le soleil ait acquis un peu de force ;
il ne sied pas de travailler quand il fait froid. A sept heures,
on se met à l’œuvre ; à huit heures du matin, le soleil est
déjà haut, tout le monde cherche l’ombre d’un arbre pour faire
la sieste qui dure jusque vers cinq heures du soir. A six heures,
le jour tombe et il faut songer à rentrer dîner. A l’époque la
plus chargée de l’année, maîtres et serviteurs travaillent à
peu près deux heures par jour.

Lorsque le mil commence à lever, on fait un vague sarclage ;
lorsque la céréale a pris un peu de force, elle pousse très vite
et étouffe toute mauvaise herbe : il n’y a plus rien à faire.

Malgré le peu de soins apportés à cette culture, le rendement est
superbe ; les diverses variétés de mil, lorsque les conditions sont
favorables, donnent une vingtaine de tiges fertiles et rapportent
jusqu’à quatre cents fois la semence. Avec nos procédés les plus
scientifiquement étudiés, nous sommes très loin, pour le blé,
d’une pareille multiplication.

Quoique le produit soit fort abondant, la moisson n’est pas trop
pénible : en septembre et en octobre, on récolte chaque jour les
épis les plus mûrs ; le gros travail, découpé en une soixantaine
de petites tranches, est aisé à supporter.

La fréquence des termites oblige, pour conserver le grain, à
quelques précautions : les épis, lorsqu’ils sont secs, sont
placés dans de grands récipients, les « canaris », construits
parfois en terre comme ceux que montre la planche XXVII. C’est un
modèle assez répandu au Soudan, avec quelques variantes dans la
forme : au Koutous par exemple, les « canaris » sont beaucoup plus
petits ; leur plus grand diamètre, vers le sommet, ne dépasse pas
1 mètre ; leur hauteur est à peine de 2 mètres ; ils ressemblent
à de gigantesques creusets de chimiste.

Souvent la matière employée change, et le grenier à mil est
construit en nattes et en paillassons. C’est alors un grand
panier facile à transporter quand le village se déplace. Ses
parois seraient un obstacle facile à traverser pour les termites ;
force est de l’éloigner du sol avec quelques branches et quelques
grosses pierres qu’il faut balayer souvent pour empêcher l’ennemi
d’y construire ses galeries.

Les silos sont quelquefois employés pour conserver les céréales,
dans les régions où il n’y a pas de termites (Tchad) ; ils sont
utilisés aussi plus au sud pour conserver les fruits de karité,
mais ces fruits fermentent vite et l’atmosphère d’acide
carbonique qu’ils créent autour d’eux leur est une défense
suffisante : tous les insectes avec leur riche appareil respiratoire
sont particulièrement sensibles à l’asphyxie.

Cette culture du mil suffit largement à l’alimentation des états
haoussa et bornouan ; elle permet même une assez large exportation
vers le nord et l’on connaît, depuis Barth, l’importance du
Damergou par l’alimentation d’Agadez et de l’Aïr. C’est
une question qui sera précisée un peu plus loin (chap. VIII).

Au mil s’ajoutent presque partout quelques cultures accessoires :
une sorte de haricot, le niébé (_Vigna Catjang_, Walp.) craint
peu la sécheresse ; dans le Kanem, qui appartient à la zone
sahélienne, on sème toujours du niébé avec le mil ; si la pluie
est peu abondante le mil qui, les meilleures années, produit quatre
ou cinq fois moins que plus au sud, ne donne rien, mais le niébé
assure toujours une maigre récolte. Sa culture est aussi assez
développée au Koutous.

Une médiocre variété de coton, à soie trop courte, mais cependant
résistante, est très répandue dans tous les villages : j’en ai
vu de forts beaux champs près de N’Guigmi et dans le Koutous ;
un peu plus au sud, il en existe partout.

On a essayé l’introduction de variétés américaines : en 1906,
une centaine de tonnes de ce produit meilleur a pu être expédiée
en France ; c’était déjà un échantillon sérieux ; en 1907,
de plus grandes surfaces ont été ensemencées ; Mademba, le fama,
le roi de Sansanding, s’est particulièrement signalé par le zèle
qu’il a montré dans ses tentatives : il a fait, presque en grand,
la culture du coton.

Quelques difficultés, malheureusement, se sont présentées ; le
coton indigène coûte, sur les marchés nègres, un prix élevé,
plus élevé qu’on ne peut, paraît-il, payer les cotons américains
destinés à l’exportation. Cette différence de prix, jointe à la
routine chère à tous les paysans, explique le peu d’empressement
qu’a rencontré la nouvelle culture.

Ce n’est qu’au voisinage de quelques centres, et pour faire
plaisir aux administrateurs, que l’on a apporté un peu de soin
à cette nouvelle culture.

Les maladies cryptogamiques ont causé dans les plantations de coton
américain des ravages plus importants que dans les champs de coton
indigène ; il semble assez facile de les éviter : le développement
des champignons est lié à la pluie et il est douteux qu’ils soient
à craindre dans les parties sèches du Sahel, au voisinage du Niger,
entre Mopti et Tosaye, où les facilités d’irrigation assureraient
la venue du précieux textile qui a surtout à craindre les années
trop pluvieuses ou les sécheresses prématurées. M. Esnault Pelterie
[_Assoc. Cotonnière_, séance du 17 mars 1908] croit pouvoir assurer
que si, comme en Égypte, on pouvait avoir recours à une irrigation
rationnelle, la production serait au moins doublée.

Il ne faut pas d’ailleurs croire que ces essais puissent aboutir
rapidement ; les États-Unis, qui fournissent actuellement au monde
75 p. 100 de la matière première, ont dû faire des écoles pendant
cinquante ans (1734-1792) avait de pouvoir exporter 70 tonnes de
coton ; en Égypte, les expériences ont duré vingt ans. L’Afrique
occidentale anglaise vient de dépenser, en cinq ans, plus de 6
millions à des cultures expérimentales sur le coton ; en Afrique
occidentale française, beaucoup plus vaste, on a dépensé à peine
1 million dans la même période. Il semble d’ailleurs que, partout
en Afrique, on a été amené à renoncer aux variétés américaines
et que l’on a enfin reconnu que la méthode plus longue de la
sélection des espèces indigènes donnait des résultats meilleurs
et plus certains. La pratique des éleveurs et des cultivateurs de
tous les pays a toujours montré la supériorité de la méthode de
sélection, et il est vraiment curieux que l’on hésite toujours
à l’appliquer. On ne s’y résout que lorsque l’acclimatation
a échoué.

CULTURES IRRIGUÉES. — A ces cultures de la zone riche du Soudan,
succède la culture par irrigation, la seule qui ait quelque
importance au Sahara et au Sahel. On en peut distinguer deux types.

I. _Irrigations naturelles._ — De Mopti à Ansongo (800 kilom.),
le Niger traverse une région où les pluies sont rares ; mais, en
amont de Tosaye surtout, à la faveur du manque de relief, le fleuve
déborde chaque année largement et les terrains qu’il inonde,
irrigués naturellement, se prêtent admirablement à la culture. Il
est bien vrai, comme le fait observer Schirmer [_Le Sahara_, p. 411],
que les parties riches se bornent aux bas-fonds périodiquement
envahis par la crue, mais leur surface est considérable ; il y a
plus de 800 kilomètres de Mopti à Ansongo, et aux rives immédiates
du Niger on doit ajouter la région des lacs voisins de Tombouctou.

Malheureusement si les bords du fleuve sont régulièrement inondés,
ce n’est que par les fortes crues que l’eau atteint le Faguibine
et les dépressions voisines.

Depuis 1894, le Niger n’est pas monté assez haut pour irriguer
les Daounas, et ce n’est que jusqu’en 1897 que les Daounas ont
conservé assez d’humidité pour qu’il ait été possible de les
ensemencer. Dans cette dernière année, relativement défavorable,
il y a été récolté, d’après les renseignements de Villatte,
environ 26000 quintaux de blé ; le mil et le riz avaient eux aussi
donné de forts produits. Il serait intéressant, par quelques
travaux hydrauliques, de régulariser cette production.

[Illustration : Fig. 65. — Le moyen Niger.

Les plateaux de Bandiagara et de Hombori, d’après les indications
du lieutenant Dulac.]

La culture du blé est une exception dans la vallée du Niger et
paraît localisée au nord-ouest de Tombouctou ; les principales
céréales sont le mil, le riz et parfois le maïs. Ces cultures sont
très loin d’avoir l’importance qu’elles peuvent atteindre. Le
pays a été dépeuplé par les conquérants noirs et les ruines
abondent partout. Les quelques Sonr’aï qui subsistent sur les bords
du fleuve, abrutis par la longue insécurité du pays, sont d’une
lâcheté et d’une paresse extraordinaires. Lors du rezzou des Ouled
Djerir en 1904, les Sonr’aï voisins des postes ont refusé de se
laisser armer, prétextant que les jambes avaient été données
à l’homme pour fuir. Les années suivantes, ils avaient semé
une quantité de riz insuffisante pour leur propre consommation,
encore avait-il fallu leur fournir la semence. Pendant près de
six mois, autour du poste de Bourem, les indigènes ont vécu
de bourgou qui heureusement abonde le long du fleuve (lieutenant
Barbeirac). Beaucoup de terres, qu’avant notre établissement
les nomades les obligeaient, par la violence, à cultiver, sont
abandonnées. On peut cependant dès maintenant constater quelques
symptômes de bon augure ; la population se refait, des villages
razziés naguère se relèvent de leurs ruines ; surtout leur nombre
augmente ; la sécurité plus grande que nous imposons au pays
permet aux cultivateurs de vivre par petits hameaux, au voisinage des
bonnes terres ; n’ayant plus d’attaques à craindre, ils ne sont
pas obligés d’habiter tous de gros villages dont l’emplacement
était choisi surtout pour la défense. Chez les noirs comme partout,
l’appât du gain est un bon stimulant et depuis que le _Mage_, un
vapeur de 200 tonnes, fait régulièrement la navette entre Mopti et
Ansongo pendant trois mois, de décembre à février, le commerce
des céréales s’accroît rapidement : dans le cercle de Gao,
d’après une conversation du capitaine Pasquier, la production du
riz a plus que doublé depuis un an.

Cette vallée du Niger a un magnifique avenir : les cultures
vivrières (riz, mil, maïs, peut-être le blé) s’y développent
toutes seules et permettent un accroissement considérable de la
population. Les cultures industrielles[122] (coton) viendront ensuite
et l’on peut prévoir dès maintenant que la batellerie existante
sera bientôt insuffisante pour assurer les transports sur le fleuve.

Une difficulté subsiste encore ; la liaison avec l’Europe est
défectueuse : le Sénégal n’est navigable pour les gros bateaux
que deux mois par an. Lorsque, aux hautes eaux, les vapeurs peuvent
remonter le fleuve jusqu’à Kayes, sans rompre charge, le frêt
de Bordeaux à Kayes est d’une soixantaine de francs la tonne ;
aux basses eaux, il s’élève à 200 francs. Cette nécessité de
s’approvisionner, pour un an, de marchandises européennes et de
ne pouvoir exporter plus d’une fois l’an les produits soudanais,
crée de grosses difficultés commerciales ; cette intermittence
dans les moyens de communication explique fort bien qu’aucune
banque ne se soit établie dans ces régions, où les règlements
à 90 jours sont impraticables. Le chemin de fer de Thiès à Kayes
est poussé activement ; cette régularisation dans les moyens de
transport permettra au commerce de se développer librement et dans
des conditions financières plus normales [François, _Bull. Comité
Afr. fr._, 1908, p. 404-408].

Il reste cependant une question grave à résoudre : à côté de
la culture des sédentaires, l’élevage des nomades est une source
importante de richesse. Pendant la saison des pluies, les troupeaux
trouvent partout des mares d’hivernage et se répandent dans tout
le pays, au nord comme au sud du fleuve ; à la saison sèche, les
mares permanentes étant rares, beaucoup de nomades sont obligés de
se rapprocher du fleuve sur les bords duquel ils séjournent près
de cinq mois, dans les régions les plus propices à la culture.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XXIII.

[Illustration : Cliché Chudeau

43. — LA DUNE DE NOUAKCHOTT (MAURITANIE). — VERSANT EST.

Au premier plan, Euphorbes déchaussées par le vent.]

[Illustration : Cliché Chudeau

44. — BIR EL AIOUDJ (MAURITANIE, 21° 20′ LAT. N.).

Groupe de “ Talah ” (_Acacia tortilis_ Hayne).]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXIV.

[Illustration : Cliché Cauvin

45. — LE POSTE DE BEMBA.]

[Illustration : Cliché Laperrine

46. — PALMIERS “ BOUR ”.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XXV.

[Illustration : Cliché Cauvin

47. — ZONE SAHELIENNE.

Halte sous un “ Gao ” (Tamarindus) dans la région de Goundam.]

[Illustration : Cliché Cauvin

48. — ZONE SAHELIENNE.

Bouquet d’arbres, sur les bords du Niger dans la région de Gao.]

Le conflit ne paraît pas insoluble ; le péril n’est d’ailleurs
pas immédiat et l’on est arrivé, en Algérie tout au moins, à
établir un équilibre à peu près satisfaisant entre les besoins
des agriculteurs et ceux des bergers.

II. _Irrigations artificielles._ — Ce second type exige une
intervention active de l’homme, qui doit capter l’eau nécessaire
aux cultures. Les principaux types d’oasis, peu nombreux, sont bien
connus[123]. Parfois un oued est alimenté assez régulièrement en
eau pour que ses alluvions restent humides à peu de distance de la
surface ; dans ces oasis de rivière, dont Silet est un excellent
exemple, les palmiers poussent sans aucun soin. Dans le Souf, les
conditions sont analogues, quoique un peu moins bonnes : il faut
choisir, entre les dunes, une profonde dépression, enlever le sable
sec, traverser un banc imperméable de gypse épais parfois de un
mètre, sous lequel se trouvent les alluvions humides : un jardin
est une sorte de puits profond de 10 à 15 mètres. Les boutures
de palmier n’ont besoin d’être arrosées que jusqu’à leur
reprise ; le principal travail du cultivateur sera de défendre
son jardin contre le sable qu’y amène chaque coup de vent et
qui aurait tôt fait de combler l’excavation et d’ensevelir
les arbres. Ces jardins du Souf sont forcément très exigus ; les
plus grands contiennent une centaine de palmiers, les plus petits
une demi-douzaine.

Habituellement les travaux nécessaires au captage de l’eau sont
beaucoup plus considérables ; ils nécessitent des puits nombreux,
ordinaires ou artésiens : c’est le type habituel du M’zab
et des oasis du Sud constantinois et l’on sait combien, depuis
l’occupation française, les procédés de forage perfectionnés ont
permis d’accroître la richesse de Touggourt et d’Ouargla. La
même technique a donné quelques résultats intéressants au
Tidikelt ; il y a même un « lac » à Tit [Cortier, _D’une rive
à l’autre..._, p. 63.]

Mais, dans l’archipel touatien, le procédé de captage est en
général différent : de longues canalisations souterraines, les
foggaras, vont chercher l’eau à plusieurs kilomètres en amont
des jardins. Gautier a décrit en détail, dans le premier volume,
ce travail considérable.

Dans les maigres jardins de l’Ahaggar, on trouve encore quelques
foggaras ; plus au sud elles semblent disparaître ; d’ailleurs
en dehors du Sahara algérien, les dattiers, ne donnant plus que des
produits médiocres, sont en petit nombre et la culture par irrigation
devient insignifiante. Elle ne se développe un peu qu’auprès de
certains centres de caractère spécial, où elle est surtout de la
culture maraîchère.

C’est le cas d’Agadez, situé dans un demi-désert suffisant tout
au plus à la vie de nomades, et où des nécessités commerciales ont
réuni un millier d’habitants : les jardins d’Alar’sess leur
fournissent des légumes. C’est aussi le cas de Gourselik, gros
village qui vit de l’industrie du natron : le mil est acheté au
dehors et l’on cultive surtout des patates, des oignons magnifiques,
des tomates et du tabac. Une petite place est réservée au coton et
au maïs, ainsi qu’au blé qui paraît fort négligé, en général,
dans cette partie du Soudan.

_Plantes sauvages._ — Dans tout le Sahara, la récolte des plantes
sauvages joue un rôle important : dans l’Adr’ar’ des Ifor’as,
au début de la saison des tornades (première quinzaine de juin)
les pâturages sont maigres depuis longtemps et le lait devient
rare. La plupart des Ifor’as sont à leur aise et possèdent assez
de troupeaux pour ne pas trop souffrir de cette mauvaise période ;
quelques pauvres cependant ne possèdent qu’un très petit nombre
de chèvres, et ces miséreux vivent alors uniquement des fruits
qui sont mûrs à cette saison.

Une orobanche, le dahnoun (_Phelipæa lutea_ Desf.), souvent
parasite sur le guétaf, est consommée dans tout le Sahara ; dans
l’Ahaggar, la récolte en paraît assez régulière ; elle se fait
en mars. Le dahnoun, réduit en farine et desséché, est conservé
par les haratins ; c’est, d’après Voinot, un aliment amer et
coriace dont seuls un targui ou un nègre peuvent se contenter. On
ramasse en même temps et pour le même usage une sorte d’asperge,
à tissu spongieux, blanc rosé à l’intérieur, rouge foncé à
l’extérieur, l’aokal, qui est bien probablement le _Cynomorium
coccineum_ L.

Chez un grand nombre de nomades sahariens, la récolte des fruits de
graminées sauvages est faite assez régulièrement. Pour la rendre
plus aisée, certains oueds sont interdits : il est défendu d’y
mener paître des troupeaux ; il n’est pas permis à une caravane
de s’y arrêter même quelques heures. Dans les pays riches, comme
l’Adr’ar’, cette interdiction est rare ; elle est fréquente à
l’Ahaggar. Pour le drinn (toulloult en tamahek, _Aristida pungens_)
la récolte a lieu de mai à juin ; pour le mrokba (afez’ou,
_Pennisetum dichotomum_), de juillet à septembre. Les graines ainsi
recueillies sont conservées comme des céréales quelconques.

En cas d’urgence, les nomades les plus pauvres ont recours à un
autre procédé ; ils fouillent certaines fourmilières et en tirent
tout le grain qui y a été rassemblé. Cette pratique est très
répandue dans le Tegama où quelques tribus, très miséreuses,
n’ont même plus de troupeaux et sont obligées, lorsqu’elles
déménagent, de traîner sur des branches d’arbres leur maigre
matériel ; à chaque pas, on trouve des fourmilières éventrées
et vidées.

Cet usage n’est pas spécial au Tegama et on le retrouve, au moins
dans le folk-lore, chez des tribus moins pauvres.

Lorsque la noble ancêtre des Kel R’ela, des Taïtoq et des
Tedjéhé Mellet, l’illustre Tin Hinan, vint du Tafilalet à
l’Ahaggar, elle était accompagnée de Takamat, sa fidèle
suivante. La route était longue, les vivres commençaient à
manquer et la faim devenait pressante, quand Takamat aperçut une
fourmilière. De suite, elle fit baraquer son méhari et alla prendre
le grain que les fourmis avaient péniblement amassé ; elle partagea
son butin avec sa maîtresse qui, comme il convient à une femme de
haut rang, n’avait pas quitté son akhaoui[124]. Le souvenir de
cet incident de voyage s’est conservé, et pour en célébrer la
mémoire, les Dag R’ali et les Kel Ahnet, fils de Takamat, paient
tous les ans, sans murmurer, l’impôt, la tioussé, aux Touaregs
de race noble.


=Remarques sur quelques espèces.= — Duveyrier a écrit une
phrase malheureuse : « J’ai scrupuleusement recueilli les noms
indigènes, en langue arabe et en langue temâhaq, parce que je crois
la connaissance de cette double synonymie nécessaire aux personnes
auxquelles l’avenir réserve des voyages avec les caravanes. Cette
synonymie n’a pas les défauts de celle des noms vulgaires assignés
aux plantes par nos paysans en Europe ; chez les peuples pasteurs,
chacun connaît exactement le nom, les stations et les propriétés
de chaque plante, et les noms, quand les caractères distinctifs
sont bien tranchés, ne varient pas d’une localité à une autre,
mais se conservent tant que la même langue est parlée. Or comme la
langue arabe est connue dans tout le monde musulman, et la langue
berbère, dont le temahaq est un des dialectes, dans tout le nord
du continent africain, il y a presque certitude d’être compris
des indigènes en leur nommant une plante dans l’une de ces deux
langues. » [_Les Touaregs du Nord_, p. 147-148.]

Cette phrase, prise trop à la lettre, a été l’origine de
travaux importants, dont le plus considérable est probablement
l’ouvrage de Foureau[125] ; il est pénible de constater qu’un
semblable catalogue, qui représente un très gros effort, soit à
peu près inutilisable. Certains noms arabes ou berbères, relatifs
à des formes très caractéristiques, semblent avoir une certaine
valeur : le _had_ paraît être toujours le _Cornulaca monacantha_
Del ; le _Calotropis procera_ R. Br. est le _tourha_ des Ahaggar,
le _tourdja_ des Maures ; les Arabes du Sud algérien l’appellent
_korounka_, et en Égypte, il devient l’_oschur_. Ces quatre
noms s’appliquent bien à la même plante. Mais dès que l’on
s’adresse à des formes moins nettement tranchées, la plus grande
confusion règne : l’_halfa_ des hauts plateaux d’Oranie est le
_Stipa_ (_Macrochloa_) _tenacissima_ L. ; en Tripolitaine, et déjà
dans l’Est algérien, ce nom s’applique au _Lygæum Spartum_
L., une graminée toute différente, qui cependant donne lieu à
la même exploitation. En Égypte, d’après Ascherson [in Rohlfs,
_Kufra_, p. 496] tout au moins, l’halfa désigne l’_Eragrostis
cynosuroïdes_ Retz. Quant au _Stipa tenacissima_, il prend en
Tripolitaine le nom de _bechna_ qui, presque partout ailleurs,
désigne une céréale, le petit mil.

Le _diss_ du Tell est l’_Ampelodesmos tenax_ Link, grande graminée
poussant par touffes, à feuilles retombantes, très caractéristique
des côteaux arides de l’Atlas méditerranéen au sud duquel elle
disparaît. Le même nom s’applique à presque toutes les grandes
graminées à feuilles dures que le bétail dédaigne en général ;
quelques-unes poussent dans l’eau comme le cosmopolite _Imperata
cylindrica_ L. qui, à Koufra, prend le nom d’_halfa_ (Ascherson,
_l. c._, p. 503) ; dans les vallées à peine humides d’Abalessa,
les Arabes m’ont désigné comme _diss_ l’_Eragrostis
cynosuroïdes_ (halfa des Égyptiens) ; dans la haute plaine
sèche et aride du Tegama, ils appliquent le même nom à divers
_Andropogon_. D’après Ascherson le _diss_ serait aussi parfois
le _Juncus maritimus_ Lam. [_l. c._, p. 506] ou le _J. subulatus_
Forsk. [_l. c._, p. 543] d’une famille toute différente.

Le _mrokba_ (_oum rokba_, _bou rokba_) n’est guère mieux défini ;
ce nom s’applique à de nombreuses graminées (_Panicum turgidum_
Forsk., _Pennisetum dichotomum_ Forsk., etc.) à tiges d’ordinaire
fasciculées et nettement genouillées aux nœuds : c’est sans
doute à cette particularité qu’elles doivent leur nom arabe[126]
(rokba, genou).

Le _doum_ est en Algérie le nom du palmier nain (_Chamærops
humilis_), en Égypte et au Soudan du _Cucifera thebaïca_. En Syrie,
le doum serait, paraît-il, le fruit d’un jujubier, le _Zizyphus
Spina Christi_.

Il serait facile d’allonger indéfiniment cette liste, mais les
quelques exemples donnés me paraissent suffisants pour montrer
que, pas plus chez les nomades que chez les paysans d’Europe,
les noms vulgaires n’ont un sens bien défini. Quelques plantes,
comme chez nous le chêne ou le châtaignier, sont connues de tous
et sous le même nom ; d’autres qui présentent, au point de vue
utilitaire surtout, quelques caractères communs, sont désignées
sous un nom unique : le _mrokba_ est un bon pâturage, au contraire
du _diss_ dont l’âne seul consent à manger. Dans une description
d’itinéraire, l’emploi de ces noms est sans inconvénient,
et il a le gros avantage de définir assez exactement et en peu de
mots la valeur alimentaire d’un oued ou d’une nebka. Mais cet
emploi devient dangereux dès qu’à côté du nom vulgaire, on
accolle, à coups de dictionnaire, un nom scientifique qui le plus
souvent est choisi à faux, et fait croire que certaines espèces,
très localisées, ont une extension géographique considérable ;
il est impossible d’utiliser, pour des recherches précises, des
indications qui ne reposent pas sur des déterminations faites au
laboratoire par un spécialiste compétent.

L’emploi du nom technique, malgré sa forme souvent ridicule, est
nécessaire et peut seul conduire à des conclusions rigoureuses à
condition qu’il n’ait pas été donné au hasard.

Ceci justifiera, je pense, les quelques remarques[127] qui suivent
sur diverses plantes du Sahara et du Sahel, remarques insuffisantes
toutefois pour une étude précise.

_Atil._ — Une essence qui n’apparaît que vers R’at et dans la
partie méridionale de l’Ahnet est l’iatil (atil, adjar). C’est
un arbre de 4 à 5 mètres de haut à feuilles entières, à branches
dressées, à écorce grise et lisse, qui, chez les Touaregs, a
mauvaise réputation : demeure habituelle des djinns et des éfrits,
il est dangereux la nuit de reposer à son voisinage à moins que
quelques coups frappés violemment sur le tronc n’aient mis le
génie en fuite ; presque tous les iatils ont leur écorce tailladée
de coups de sabre ; souvent, dans les régions sablonneuses, une
grosse pierre, posée religieusement entre les branches de l’arbre,
permet au passant désarmé de célébrer le rite et de dormir sans
crainte. Cette même légende se retrouve au Soudan et en Mauritanie.

Ce nom s’applique au moins à deux arbres différents, appartenant
tous deux à la même famille, et dont le fruit est comestible ;
_Mœrua rigida_ R. Br. et le _Cadaba farinosa_ Forsk. _Mœrua_
(20 espèces) est un genre de l’Afrique tropicale, de l’Arabie
et de l’Inde ; _Cadaba_ (14 espèces) se trouve dans les mêmes
régions, et en plus dans l’Afrique australe.

_Boscia senegalensis_. — Un arbuste à port d’arbousier,
à feuilles luisantes et assez grandes, le _Boscia Senegalensis_
Lam. [_tadan_ (tam.), _berei_ (bambara), _hauza_ (haoussa)] est commun
dans toute la zone sahélienne ; dans l’Adr’ar’ des Ifor’as,
j’ai noté les premiers pieds à une vingtaine de kilomètres
au sud-ouest d’In Ouzel dans l’oued Tessamak ; dans l’Aïr,
il est fréquent autour d’Iférouane. Je ne l’ai jamais vu plus
au nord et je ne sais ce que vaut l’indication de Foureau qui le
signale [_Doc. Sc._, I, p. 498] près de Tadent (23° Lat. N.).

Cet arbuste descend très loin vers le sud, jusqu’au voisinage du
9° de latitude. Son fruit est comestible ; les nomades le récoltent
avec soin et on le vend sur le marché de Tombouctou.

Au genre _Boscia_, appartiennent 3 espèces de l’Afrique tropicale
et australe. — _Cadaba_, _Mœrua_ et _Boscia_, comme le câprier,
sont des Capparidées.

_Baobàb_[128]. — Ce genre comprend plusieurs espèces dont la
mieux connue est l’_Adansonia digitata_ B. Juss. Il est commun
dans presque toute l’Afrique chaude. Il manque cependant dans
les régions élevées (Fouta-Djalon, Ouganda, Abyssinie, etc.) et
dans la forêt équatoriale ; il fait également défaut à l’est
du Chari et ne reparaît que dans le Soudan égyptien. Il n’est
vraiment abondant d’ailleurs qu’au voisinage du littoral où
il forme souvent des peuplements très importants, comme autour
de Thiès. Dans le bassin du Niger, on ne le trouve qu’auprès
des villages et il est bien probable qu’il a été planté : les
noirs font un large usage alimentaire de ses feuilles. Il existe
peu dans la zone sahélienne : la ligne d’étapes de Zinder à
Gouré suit à peu près la limite de son extension ; commun dans
les villages situés au sud de cette ligne, il manque dans ceux
qui sont au nord. Quelques pieds mal venus cependant existent à
Tombouctou. Récemment, le long du littoral de Mauritanie, à 6 ou 7
kilomètres de la côte, j’en ai compté au nord de Saint-Louis,
sur un parcours de 250 kilomètres, une dizaine, dont le dernier
à trois heures de marche au sud de Nouakchott. Ces baobabs n’ont
que quelques mètres de haut et sont en dehors de leur habitat normal.

Le baobab est un des arbres les plus caractéristiques de la savane ;
le volume de son tronc est extrêmement considérable relativement
à l’ensemble des feuilles et lui permet d’emmagasiner des
réserves d’eau importantes. Cette disproportion entre le bois et
l’appareil foliaire est fréquente dans toutes les savanes du monde,
mais elle est loin d’être la règle absolue et nombre d’arbres y
ont assez exactement le port et l’aspect des essences européennes.

_Balsamodendron africanum_. — L’aderas (ar. et tam.) (_Commiphora
africana_ Engl. = _Balsamodendron africanum_ Arn.) joue un grand
rôle dans les parties les plus arides de la zone sahélienne ;
son nom haoussa, daz’i ou dachi, désigne non seulement la plante,
mais aussi la brousse où elle domine ; c’est un arbuste dont les
feuilles rappellent celles de l’aubépine ; le fruit ressemble à
une petite prunelle à noyau rouge.

Il s’en écoule une gomme résine, le « bdellium[129] », le
mounas des Maures, que l’on fait brûler en guise d’encens et qui,
chez les Haoussas tout au moins, remplace dans la correspondance la
cire à cacheter.

Le genre Commiphora renferme une soixantaine d’espèces des régions
sèches de l’Inde, de Madagascar, de l’Arabie et de l’Afrique
tropicale et australe.

_Jujubiers._ — Les jujubiers (_Zizyphus_), [_sedra_ (arabe),
_magaria_, (haoussa), _tabekat_ (tamahek)] font défaut dans le Sahara
proprement dit ; ils ont de vraies feuilles, à faces dissemblables et
ne sont pas adaptés à la sécheresse ; on ne les trouve que dans les
parties élevées du massif central (Ahaggar, Ifetessen, etc.). Ils
sont communs dans la zone sahélienne, dès le nord de l’Adr’a’r
et de l’Aïr. Ils appartiennent à plusieurs espèces, les unes de
petite taille et formant des buissons (_Z. lotus_ Desf., _Z. saharæ_
Batt., etc.), les autres plus élevées et vraiment arborescentes
(_Z. orthacantha_ D. C., etc.). Leurs fruits sont recueillis par
les nomades et parfois vendus sur les marchés.

Le bois des grands _Magaria_ est assez recherché ; il passe pour
inattaquable par les termites.

_Balanites Ægyptiaca_. — Le _Balanites Ægyptiaca_ Del., [_teborak_
(tamahek), _soump_ (wolof), _adoua_ (haoussa)] se rencontre dans la
Sierra Leone et le Sénégal ; dans le bassin du Chari, il apparaît
à Gosso (9°,30). Il est commun dans toute la zone sahélienne et
s’avance assez loin dans le Sahara : sur la route de N’Guigmi
à Bilma, il s’arrête au sud de Beduaram ; Foureau le signale par
27° Lat. N. (tassili des Azdjer) ; on le connaît en quelques points
isolés du Tidikelt et il devient fréquent au sud du 23°. Dans
l’Ahaggar, il ne paraît pas dépasser l’altitude 1000 mètres.

Son fruit, de la grosseur d’une datte, est comestible ; il arrive
à maturité en novembre, dans le Tegama.

_Les légumineuses._ — L’_Acacia arabica_ Willd. = _A. Adansoni_
Guill. et Per. [_tamat_, pluriel _timiouin_ (tamahek), _bagarua_
(haoussa)] est un bel arbre qui, en Afrique, paraît spécial à la
zone sahélienne : il est commun dans l’Adr’ar’ des Ifor’as ;
dans l’Aïr, on le trouve dès l’oued Tidek (fig. 62). Au sud
du Tchad, sa limite méridionale est le lac Iro (10° Lat. N.) ;
il est l’espèce dominante dans le Baguirmi, où on le trouve
dans tous les bas fonds inondés à l’hivernage [Chevalier,
_Afr. centr. franç._, p. 343]. En dehors de cette zone, il est
souvent cultivé dans les oasis (Fezzan, Tripolitaine).

On ne le rencontre que dans les vallées humides et les mares ;
à la mare de Tin Teboraq, les traces laissées sur le tronc par
les crues étaient à un mètre du sol. C’est un bel arbre dont le
tronc atteint 1 mètre de diamètre. Il est facile à distinguer du
talah par ses fleurs qui sont d’un beau jaune d’or et, par son
fruit, non en tire-bouchon, qui, à maturité, se découpe en articles
contenant chacun une graine. Les fruits de l’_A. arabica_ sont très
riches en tanin (jusqu’à 45%) et les indigènes les emploient
pour la préparation des peaux, en particulier des filali. Pour
simplifier la récolte de ces fruits, les nomades coupent souvent
les branches, ce qui donne à l’arbre un port tout particulier
(Pl. XVI, phot. 32).

Le véritable gommier (_Acacia verek_ Guil. et Per. = _A. Senegal_
L.), bien reconnaissable à sa gousse plate, apparaît dans la
zone sahélienne, dès l’Aïr, où il est rare ; il devient très
commun plus au sud et forme le fond de la brousse entre le Mounio
et le Tchad ; il est abondant dans le Kanem (Chevalier) ; il donne
lieu, surtout à l’ouest de Tombouctou, au commerce important de la
gomme. C’est le plus souvent un arbuste de 2 à 4 mètres de haut,
qui en atteint exceptionnellement 7 à 8.

L’_Acacia tortilis_ Hayne [_talah_, (ar.), _abesar’_, (tam.)],
et peut-être d’autres espèces confondues sous ce nom, se trouve
dans tout le désert, depuis le Sud marocain et tunisien jusqu’au
Soudan. Il est très résistant à la sécheresse et se rencontre
dans presque tous les oueds. Souvent de petite taille, il atteint
avec l’aide de l’humidité une taille d’une dizaine de mètres,
et un tronc ’de 0 m. 50 à 0 m. 70 de diamètre.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXVI.

[Illustration : Cliché Cauvin

49. — PATURAGE DANS LA RÉGION D’ARAOUAN.]

[Illustration : Cliché Cauvin

50. — PATURAGE DANS LA RÉGION D’ARAOUAN.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XXVII.

[Illustration : Cliché Posth

51. — CANARIS A MIL. — ANSONGO (RIVE DROITE DU NIGER).

Au premier plan, les trous d’où on a extrait l’argile, pour
les constructions du village.]

[Illustration : Cliché Posth

52. — CANARIS A MIL. — KALFOU (ADR’AR’ DE TAHOUA).]

Son fruit en tire-bouchon permet seul de le reconnaître avec
certitude.

Au Sahara, malgré le vent, il affecte rarement la forme en parasol
qui passe pour fréquente au désert. En réalité, au désert, les
arbres, toujours rabougris, isolés, poussent comme ils peuvent :
chacun d’eux a sa forme propre ; la forme en parasol n’est commune
que dans la zone sahélienne, où les arbres croissent en bouquets :
elle est certainement la plus répandue de beaucoup, entre Chirmalek
et le Tchad, chez l’_A. verek_.

Sur le littoral de Mauritanie, à courte distance du rivage, les
talah poussent en buissons elliptiques hauts de 1 mètre à 1 m. 50,
et de 7 à 8 mètres de diamètre. Cette forme, en bouclier, a été
observée partout au bord de la mer, chez divers végétaux.

Le genre Acacia renferme environ 450 espèces, des régions chaudes
du globe, surtout en Afrique et en Australie.

Le _Bauhinia rufescens_ Lam. [_delga_ (haoussa), _andar_ (maure)]
est un bel arbuste, commun dès le sud de l’Aïr ; on le trouve
dans tous les endroits frais ; il est abondant autour des mares du
Tegama ; on le connaît à Tombouctou et en Mauritanie. Il est facile
à reconnaître à ses belles grappes de fleurs blanches, rappelant
celles de l’acacia d’Europe, à son écorce blanche et surtout à
ses feuilles assez petites et échancrées au sommet. Cet arbre, au
moins en pays touareg, est souvent mutilé : pour savoir quelle sera
la durée de sa vie, le Touareg prend les deux rameaux qui terminent
une branche de delga et cherche à les séparer ; si la branche se
fend, sans rupture, jusqu’au tronc, la mort de l’opérateur est
lointaine ; l’expérience, qui réussit facilement, est fréquente,
si l’on en juge par l’aspect des arbres.

Le _Bauhinia reticulata_ L. (_kalgo_ en haoussa), un peu plus
méridional que le précédent, se rencontre, du Nil au Sénégal,
dans toutes les parties humides de la zone sahélienne qu’il
dépasse largement vers le sud, jusqu’en Mozambique ; il forme
des buissons, hauts de 3 à 4 mètres, avec des feuilles coriaces
et luisantes, à nervures bien marquées, larges comme celles du
lilas, mais en forme de cœur renversé, échancrées au sommet ;
il apparaît dans le Tegama vers le 15° de Lat. N.

Le genre _Bauhinia_ comprend environ 150 espèces des régions
tropicales.

Le genre _Cassia_ renferme de nombreuses espèces (150 ?) surtout
de l’Amérique chaude. Il est représenté au Sahara par quelques
sous-arbrisseaux dont le plus répandu (_C. obovata_ Col.) fournissait
autrefois le séné, toujours usité par les Touaregs. J’ai déjà
indiqué quelle était sa limite nord (p. 157).

Les Genets (_Genista_, dont _Retama_ n’est qu’une section)
sont représentés par 80 espèces environ qui sont répandues
en Europe, dans le nord de l’Afrique et l’ouest de l’Asie ;
vers le sud, ce genre, surtout méditerranéen, ne dépasse guère
le Sahara algérien.

_Tamarix_. — Les _tamarix_, communs en Algérie et dans le Sahara
arabe, sont encore fréquents dans l’Ahnet et les contreforts
de l’Ahaggar ; plus au sud, ils deviennent très rares ; dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, il en existe quelques pieds à Tin
Zaouaten ; vers l’est, ce genre se montre encore près de Tin
Azaoua ; Foureau le signale dans l’Aïr ; je l’ai rencontré
à Nava (100 km. à l’est de Gouré) ; Barth l’indique à
Buné (sud du Mounio). On le connaît aussi à l’est du Tchad,
dans les dépressions de l’Eguei et du Bodelé. Il forme de
véritables forêts, hautes de trois à quatre mètres, sur le
littoral de Mauritanie, au sud de Nouakchott (_T. gallica_ L.,
_T. passerinoïdes_ Del.).

Le genre tamarix compte une vingtaine d’espèces (d’aucuns disent
cinquante) répandues surtout dans le bassin méditerranéen ;
il s’étend fort loin en Asie où il occupe toute la zone des
steppes, des steppes salées surtout ; il est représenté aussi dans
l’Asie tropicale et, comme nous venons de le voir, envoie quelques
représentants assez loin vers le sud en Afrique. Il est, au Sahara,
le seul genre arborescent qui vienne actuellement du nord. Un tamarix
caractériserait, paraît-il, les régions calcaires du désert ;
je n’ai pas assez de documents pour confirmer cette indication. Les
tamarix sont souvent des halophytes, des arbres de régions salées :
les plus beaux peuplements que j’en aie vus sont dans l’oued Tit,
près d’Abalessa, et dans l’oued Tamanr’asset, au pied du Tin
Hamor ; dans l’oued Zazir, au sud de l’Adr’ar’ Aregan et
dans l’oued Igharghar (celui du sud) les tamarix sont abondants ;
il en est de même, d’après Voinot, dans les contreforts orientaux
de la Coudia. Le long de ces différents oueds, on voit souvent
des dépôts de sel provenant du lavage des roches volcaniques :
le guétaf (_Atriplex halimus_ L.) qui est une plante des alluvions
légèrement salées, accompagne habituellement les tamarix.

L’étude de ce genre est très délicate ; Battandier[130]
en indique 12 espèces en Algérie et dans son hinterland ; une
treizième, le _T. senegalensis_ D. C., remonte assez haut sur le
littoral de Mauritanie.

Une seule espèce, _T. articulata_ Vahl, est facile à distinguer
à ses feuilles très courtes, formant autour des rameaux une gaine
complète. C’est un des arbres les plus caractéristiques du
désert ; on le connaît depuis l’Inde et l’Arabie jusqu’au
Sénégal. Il semble que le nom d’_étel_, ar., _tabarekkat_,
tam., lui est habituellement appliqué, bien que Ascherson [_l. c._,
p. 414, p. 465] indique aussi étel pour _T. Gallica_ L. L’étel
produit une galle très recherchée pour la teinture.

Toutes les autres espèces se ressemblent beaucoup et sont confondues
sous les noms de tarfa, ferzig, ou aricha en arabe ; az’aoua ou
taz’aouat en tamahek. Le bois des tamarix est tendre et facile à
travailler : c’est ce bois qu’emploient les Touaregs pour la
confection de leurs ustensiles culinaires (écuelles, cuillères),
d’un travail habituellement très soigné et ornés à la
pyrogravure d’élégants dessins géométriques. Le bois de talah
ou de teborak, beaucoup plus dur, est réservé à la confection
des r’ala, des selles de méharis.

Le plus beau tamarix de l’Ahaggar est sans doute celui de
Tamanr’asset, qui est particulièrement protégé : une branche
coupée entraîne une amende d’un âne (Voinot). Faut-il voir,
dans cet usage, un souvenir des arbres fétiches du Soudan ?

_Ombellifères._ — La famille des ombellifères, répandue surtout
dans les régions tempérées du globe, fournit aux hauts plateaux
de l’Afrique mineure quelques grandes formes (_Thapsia_, etc.) qui
donnent au paysage un élément caractéristique. Quelques-unes,
une quinzaine, pénètrent dans le nord du Sahara algérien.

L’un des genres sahariens de cette famille appartient à une
section, celle des carottes, dont les fruits sont d’ordinaire
accrochants : par exception, les fruits d’_Ammodaucus_ ont perdu
cette particularité et le fait est à rapprocher des exemples
fournis par le kram-kram et les _Ægilops_.

Les _Deverra_ [_guezzah_ (ar.), _tataït_ (tam.)], ombellifères
à odeur forte, sans feuilles et qui ressemblent à des joncs, ont
quelques représentants dans le Tell ; ce genre devient fréquent
dans le Sahara algérien (Mzab,) et une espèce (_D. fallax_ Batt.) se
trouve dans l’Ahaggar, au-dessus de 1000 mètres.

Plus au sud, cette famille disparaît ; elle manque dans la zone
tropicale et se montre à nouveau dans l’Afrique australe.

_Salvadora persica_. — Le _Salvadora persica_ L. [_siouak_, _irak_,
_tihak_, _tichak_, _abesgui_] que l’on rencontre depuis le Sénégal
jusqu’en Syrie, a une distribution assez irrégulière. Duveyrier le
signale dans le tassili des Azdjer ; au sud du Touat, il apparaît
dans l’Ahnet (près de Taloak) et devient très commun dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as. Dans l’Ahaggar, il forme un très
beau peuplement à Silet ; au-dessus de 1000 mètres, j’en ai vu un
seul pied dans une vallée abritée à quelques kilomètres au sud
de Tamanr’asset. Abondant dans l’Aïr et le Tibesti, il manque
dans le Tegama, reste rare dans le Demagherim et redevient fréquent
à nouveau autour du Tchad, où il joue un rôle industriel notable
(préparation de sel par lessivage de ses cendres). Il fait défaut
au sud du lac.

_Salvadora_ est un genre tropical et, comme plusieurs autres plantes
échappées de la zone forestière, _S. Persica_ a certains traits
des lianes : ses branches se tordent parfois ou s’enroulent les
unes autour des autres ; lorsque par hasard il trouve un support,
il profite de son aide pour quitter la forme de buisson et envoyer
quelques rameaux à de grandes hauteurs, où ses grandes feuilles,
d’un vert franc, le font distinguer de loin.

C’est un des rares arbres du Sahara qui donne vraiment de
l’ombre. L’odeur de ses feuilles, très goûtées des chameaux,
est assez forte. Les fruits, longtemps rouges, noircissent à
maturité (vers juin-juillet). Ils forment des grappes ressemblant
à de minuscule raisins, que les nomades pauvres recueillent et font
sécher. Ses feuilles servent à préparer des infusions.

_Asclépiadées._ — Les asclépiadées, famille importante surtout
dans la zone tropicale, doivent, à l’aigrette soyeuse qui couronne
leurs graines, de s’être répandues en grand nombre au Sahara,
où elles forment plus de 3 p. 100 de mes récoltes (Battandier).

En Algérie, les asclépiadées représentent à peu près 1/300 de
la flore phanérogamique ; en France 1/1000.

Deux espèces surtout méritent une mention : le _Calotropis procera_
R. Br. (korounka-oschur-tourha-tourdja) est un arbuste haut de 4
à 5 mètres ; ses grandes feuilles, rappelant celles du chou, ses
fleurs blanches, bordées de violet, et son fruit énorme ont attiré
l’attention de tous les voyageurs. Lorsqu’il est blessé, il
laisse échapper un suc blanc, laiteux, qui passe pour très toxique ;
cette particularité l’a fait souvent confondre avec les euphorbes
et il est désigné sous ce nom très inexact dans un grand nombre
de rapports relatifs au Soudan. On a signalé sa présence dès le
sud de l’Algérie à Methlili [Duveyrier, _l. c._, p. 180].

Il est commun au Touat ; mais dans la région des Oasis, il ne
sort pas des jardins et il n’est pas certain qu’il ne soit pas
introduit : le charbon que l’on en tire passe pour le meilleur
pour faire la poudre, et les indigènes attribuent quelque valeur
thérapeutique à cet arbre. Il est sûrement spontané dans le sud
de l’Ahnet ; les puits de l’oued Amdja (Anou ouan Tourha) doivent
leur nom à une vingtaine de Calotropis qui croissent au voisinage.

Très commun dans l’Adr’ar’ des Ifor’as et dans l’Aïr,
où il forme, près d’Iférouane, un véritable taillis, il ne
semble pas s’élever au delà de 1000 à 1100 mètres dans les
contreforts de l’Ahaggar.

On le retrouve abondant autour du Tchad ; dans le bassin du Chari,
Chevalier le mentionne à partir du Dékariré (11° Lat. N.). Il
est commun autour de Tombouctou et en Mauritanie, jusqu’à
l’Agneitiz ; vers l’est, on le connaît en Égypte, en Arabie
et en Perse.

Il ne pousse que quand la nappe aquifère est peu profonde, aussi
manque-t-il complètement dans le Tegama.

Les deux autres espèces de ce genre sont de l’Asie et de
l’Afrique tropicale.

Le _Leptadenia pyrotechnica_ Del. = _L. Spartum_ Wight (asabai, ena,
abesgui) ressemble absolument par son port au genêt d’Espagne
ou au retem, dont il semble prendre la place à partir de
l’Ahnet. Duveyrier [sub Genista, _l. c._, p. 161] le signale entre
R’at et Mourzouk ; il ne dépasse pas, dans le sud de l’Ahaggar,
l’altitude 1000. _Leptadenia spartum_ est extrêmement répandu
dans toute la zone sahélienne, du Sénégal à l’Arabie, sauf
dans les régions trop sèches comme le Tegama ; il est très commun
entre Mirrh et le Tchad où il atteint 4 ou 5 mètres de haut ; il
est parfois aussi élevé dans l’Adr’ar’ des Ifor’as. Sur le
littoral de Mauritanie, il n’est pas rare au sud de Nouakchott. Les
pêcheurs indigènes le connaissent sous le nom de « titerek »,
et emploient ses fibres à la confection de leurs filets.

L’asabaï s’avance peu dans la zone soudanaise ; au sud du Tchad,
Chevalier indique sa limite au lac Baro (13° Lat.).

Le genre _Leptadenia_ contient une douzaine d’espèces des régions
chaudes de l’ancien continent.

S’appuyant sur des renseignements indigènes, Chevalier [_La
végétation de la région de Tombouctou_, p. 24] avait indiqué avec
doute l’_Henophyton deserti_ Coss. et Dur. au voisinage de Gao,
où il est désigné sous le nom d’asabaï et de ana. Ces deux
noms semblent montrer qu’il y a eu confusion avec le _Leptadenia_
qui est commun partout sur la rive du Niger. Ce n’est que dans le
nord, qu’ils s’appliquent à l’Henophyton.

Quelques détails ont été donnés, dans les pages précédentes,
sur d’autres asclépiadées (_Dœmia_, _Boucerozia_).

_Euphorbes._ — Les euphorbes sont assez abondantes au Sahara ;
dans le Sahara arabe, l’_E. Guyoniana_ Bois. et R. est une herbe
à feuilles rares et couvertes d’un revêtement cireux ; dans
le Sahel, l’espèce la plus notable est l’_E. Balsaminifera_
Aït. [_afernane_ (arabe), _agoua_ (haoussa)]. Elle forme de gros
buissons ligneux, parfois presque des arbres (pl. XXII) et se
trouve depuis les Canaries jusqu’au voisinage du Tchad ; elle
pourrait peut-être caractériser une province occidentale de la
zone sahélienne.

A cause de l’âcreté de son lait, le bétail n’y touche pas et
elle est souvent employée comme clôture ; elle est très facile
à bouturer et il est possible que l’homme ait contribué à sa
dissémination.

Les euphorbes cactoïdes n’existent qu’au voisinage du littoral,
surtout vers le Maroc, et dans la zone soudanaise.

_Palmiers._ — Les palmiers sont surtout des arbres tropicaux et
quatre d’entre eux seulement intéressent les régions qui nous
occupent.

Le palmier nain (_Chamærops humilis_ L.), le doum d’Algérie,
appartient à la partie occidentale du domaine méditerranéen. Nulle
part il ne pénètre au Sahara.

Le palmier d’Égypte, qui porte le même nom indigène (_doum_,
_kaba_ en haoussa) (_Cucifera thebaïca_ Del., _Hyphæna thebaïca_
L.), est facile à reconnaître à son tronc, haut de 5 à 8 mètres,
plusieurs fois bifurqué. Lorsqu’il a été coupé, les repousses
forment des buissons que l’on a parfois confondus avec le palmier
nain. Le palmier d’Égypte est bien caractéristique de la zone
sahélienne ; on le connaît dans l’Adr’ar’ des Ifor’as ;
dans l’Aïr, il y en a quelques pieds à Iférouane (19° Lat. N.),
et de vrais bouquets à partir d’Aoudéras (17° 40′ Lat. N.). Il
existe dans le Tibesti ; sur la route de Mourzouk au Tchad, Nachtigal
le signale à l’oasis de Yât (20°,30′ Lat. N.). Dans la vallée
du Nil, il remonte jusqu’au 27° et atteint le 29° sur la côte
orientale de la presqu’île du Sinaï.

Dans la zone sahélienne, on le trouve partout où l’eau est à
une faible profondeur ; il fait cependant défaut au Tegama, même
autour des mares permanentes. Il est commun dans les dallols, et
plusieurs vallées importantes de la région du Zinder lui doivent
leur nom (Goulbi n’Kaba). On le rencontre dans toutes les mares de
la région du Manga ; l’indication de Monteil [_De Saint-Louis à
Tripoli par le lac Tchad_, Paris, 1895, p. 200] qui donne ce palmier
comme caractéristique des grandes vallées, est, par suite, inexacte.

Vers le sud, il pénètre parfois dans la zone soudanaise ; Chevalier
signale sa première apparition dans le bassin du Chari, près du
village de Palem (9°,30′ Lat. N.).

Son fruit, à peine gros comme le poing, presque sphérique, est
récolté, pour leur nourriture, par les indigènes pauvres ; on le
vend sur le marché de Tombouctou.

Le rônier (_Borassus Æthiopicus_ Mart.) est un bel arbre à tronc
droit et jamais bifurqué ; il appartient à la zone soudanaise dont
il sort rarement.

Ces trois palmiers (palmier-nain, doum, rônier) ont de larges
feuilles en éventail, ce qui les distingue au premier coup d’œil
du dattier (_Phœnix dactylifera_ L.).

Il semble inutile d’insister sur l’importance de la culture du
dattier dans les oasis et sur les nombreuses variétés que l’on
y distingue.

Cosson, à une époque où l’on ne connaissait que le nord du
désert, avait songé à définir le Sahara par la culture en grand
du dattier. Cette idée n’est plus soutenable ; dès le sud du
Tidikelt, dans l’Ahaggar, les dattes ne jouent plus qu’un rôle
insignifiant : toutes les belles oasis sont localisées dans le
Sahara algérien.

Dans la zone sahélienne (Adr’ar’ des Ifor’as, Aïr, Kanem,
Borkou) les palmeraies sont en général d’une exiguïté
ridicule ; elles ne produisent que des fruits peu estimés, tout
juste comestibles ; la chair est sèche et à peine sucrée, le
noyau démesurément gros. Les dattes d’In Gall, de Bilma, de
Kidal, n’ont qu’une réputation locale. La quantité est aussi
médiocre que la qualité : la moindre pluie suffit à entraver la
fécondation et il pleut tous les ans au Sahel.

L’origine du dattier est inconnue[131] et tous ceux que l’on
trouve au Sahara, ont été plantés ; son adaptation n’est pas
réelle ; malgré les traînées de noyaux que laisse derrière elle
chaque caravane, le dattier ne se propage pas en dehors des cultures ;
il a besoin de soins pendant les premières années. Il est vrai que,
devenu grand, il se défend mieux : les palmiers « bour » persistent
longtemps après l’abandon d’une oasis (Pl. XXIV, phot. 46).

En dehors de son importance économique, le dattier a fourni aux
météorologistes d’importantes données sur le climat ancien de la
Méditerranée ; quatre siècles avant Jésus-Christ, à l’époque
de Théophraste, comme de nos jours, le dattier pousse et fructifie
à Athènes, mais ses fruits n’y mûrissent pas. Une température
moyenne plus élevée de un degré permet la maturation des dattes ;
avec un degré de moins, le dattier pousse mal et ne fructifie
pas. Ce fait joint à quelques autres analogues, établit nettement
que depuis vingt-quatre siècles, la température de la Méditerranée
est restée immuable ou tout au moins qu’elle a à peine varié.


                     II. — =GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE=


Les animaux qui habitent le Sahara sont encore moins connus que
les plantes ; il semble cependant que leur étude doive conduire à
des conclusions analogues : aux formes particulières au désert,
répandues de l’Arabie à l’Atlantique, viennent se joindre
quelques immigrés provenant de la Méditerranée ou du Soudan.


=Cœlentérés.= — Les Méduses que l’on a cru longtemps
essentiellement marines, ont été signalées dans quelques lacs de
l’Est africain, en particulier dans le Tanganika. Il en existe
aussi, et presque certainement la même espèce, _Limnocnida
tanganicæ_ Günther, dans le Niger jusqu’à Bamako.

La présence, assez insolite, d’une méduse dans les eaux douces
africaines est une belle confirmation des rapports qui existent, ou
ont existé, entre tous les bassins de l’Afrique tropicale ; elle
vient à l’appui des observations de Pellegrin sur les poissons,
et de Germain et Anthony sur les mollusques, qui, en gros tout au
moins, sont les mêmes du Nil au Sénégal[132].


=Insectes.= — Parmi les insectes on trouve d’abord une série
d’espèces spéciales au désert et ayant en général une large
extension géographique. Les plus frappantes sont des scarabées noirs
(_Tenebrionides_) : les indigènes les désignent sous les noms de
_khanfousa_ (pl. _khanéfis_) en arabe et de _edjéré_ en tamahek ;
ces différents mots sont fréquents dans la toponymie.

L’examen des quelques listes d’insectes déjà publiées[133]
montre qu’à ces formes sahariennes viennent s’ajouter
des espèces méditerranéennes et des espèces du Soudan : le
_Papilio Machaon_ L., nettement paléarctique, a été recueilli
à Tamanr’asset (22°,47′ Lat. N.) ; le _Callidryas Florella_
F. qui habite toute l’Afrique tropicale, remonte jusqu’à
l’oued El R’essour (vers 22° Lat. N.) ; le _Scolia unifasciata_
Cyrill. de la Méditerranée se trouve encore au sud de l’Ahaggar
et l’_Eumenes Caffra_ L., qui habite toute l’Afrique chaude,
a été capturé au nord de l’Aïr (Taghazi, oued Tidek).

Ces quelques faits, qu’il serait facile de multiplier, suffisent
à montrer l’importance du Sahara comme barrière entre la faune
européenne et la faune tropicale : le désert, en laissant de
côté les espèces adaptées spécialement à ses rudes conditions
climatiques, est une sorte de territoire contesté vers le milieu
duquel viennent se joindre les émigrés du nord et les émigrés
du sud. La désignation assez bizarre d’équateur zoologique, que
Pucheran[134] avait donné naguère à la ceinture de déserts qui,
vers le tropique du Cancer, fait le tour du globe, correspond bien
à une ligne de démarcation de premier ordre.

Enfin un Méloïde, de type très spécial, capturé à
Tamanr’asset, est peut-être à rapprocher, au point de vue
géographique, des plantes caractéristiques des hauteurs de
l’Ahaggar.

_Termites._ — Les termites constructeurs, à termitière
monumentale, turriforme, font leur première apparition dans la
zone sahélienne. Leur limite nord n’est connue qu’en quelques
points ; ils dépassent le 18° Lat. N. sur le littoral atlantique ;
dans le Télemsi, ils apparaissent au sud de Tarikent (17°,30′
Lat. N.) ; dans le Tegama, j’ai noté les premiers vers Tin Teborak
(15°,30) ; plus à l’est, leur limite s’infléchit de plus en
plus vers le sud : elle passe à peu de distance au nord du Koutous
(14°,30), puis fait un brusque crochet vers le sud : on voit les
derniers à mi-chemin entre Chirmalek et Kakara ; ils manquent
tout autour de la partie nord du Tchad. Leur distribution dans la
zone qu’ils occupent est assez singulière ; presque toujours ils
abondent dans les bas-fonds et manquent dans les endroits secs ; ils
évitent d’ordinaire les dômes granitiques : le poste de Zinder
en est exempt bien qu’à quelques cents mètres ils deviennent
communs ; cependant auprès de Gouré, dans le Mounio, quelques
termitières sont établies au sommet des mamelons granitiques. Il
y a certainement plusieurs espèces de ces termites constructeurs,
mais leur étude reste à faire.

Quant aux termites souterrains, on les trouve dans tous les points
habitables du Sahara ; autour de Tamanr’asset (1300 m.) leurs
galeries abondent sur un grand nombre d’arbrisseaux.

_Insectes des tanezrouft._ — Les insectes existent dans tout le
Sahara ; ils sont relativement communs dans les pâturages, partout
où il y a des arbres ou des herbes ; dans les tanezrouft ils sont
naturellement plus rares, cependant ils ne font pas complètement
défaut. En mai 1905, pendant les 60 kilomètres de traversée de
la sebkha Mekergan, au nord de l’Achegrad, j’ai compté, du
haut de mon méhari, onze _Eromophila_, genre voisin de la mante
religieuse du sud de l’Europe, et essentiellement carnassier ;
la marche s’est faite surtout de nuit et je ne pouvais voir, dans
la journée, que les insectes qui partaient sous les pieds de mon
chameau. Dans le tiniri d’In Azaoua, la densité des _Eromophila_
est à peu près la même. Les végétaux manquent complètement
dans la sebkha, comme dans le tiniri.

Pour que des insectes carnassiers puissent vivre dans de semblables
conditions, il faut de toute nécessité qu’ils trouvent
des victimes ; ils peuvent, par un coup de vent heureux, être
ravitaillés en sauterelles arrachées à des pâturages éloignés,
mais cette ressource est bien aléatoire et ils doivent trouver sur
place, dans les Mélasomes, les Khanfousa des Arabes, une proie plus
régulière. La présence assez fréquente de Lézards[135] (des
agames et des geckos surtout) est une autre preuve de l’abondance
relative des insectes.

Les Mélasomes sont des coléoptères lourds et sédentaires :
ils meurent où ils sont nés. Ils ne peuvent guère se nourrir,
dans ces régions où il ne pousse rien, que des graines que le vent
dissémine partout ; c’est là un petit point de biologie qu’il
serait intéressant d’élucider, si l’on pouvait séjourner dans
le désert. On peut surtout se demander ce qu’ils boivent. Lameere,
dans le voyage qu’il a fait au Sahara en compagnie de Massart[136],
s’est préoccupé de cette question et semble en avoir donné une
solution satisfaisante. Un premier point est bien clair : l’eau à
l’état libre est l’exception au Sahara ; dans le tanezrouft,
elle n’existe pas ; dans les pâturages, les plantes, par leurs
longues racines, vont chercher l’eau en profondeur ; parfois aussi,
les sels déliquescents qui couvrent leurs feuilles leur permettent
de fixer pendant la nuit un peu de la vapeur d’eau atmosphérique ;
en tous cas, elles contiennent de l’eau dont savent se contenter
les herbivores sahariens, mammifères ou insectes. Cette ressource
fait défaut aux tanezrouft ; les cadavres d’animaux qui viennent
y mourir sont aussitôt momifiés ; la seule nourriture possible
pour les insectes est une nourriture desséchée.

Les Mélasomes, mieux encore que la plupart des insectes, sont
armés pour lutter contre l’évaporation ; leurs téguments sont
imperméables et leur permettent d’interrompre tout échange avec
l’atmosphère : dans un flacon de cyanure, où meurent rapidement,
en quelques minutes, la plupart des insectes, un Mélasome peut vivre
plusieurs jours. J’ai observé un fait analogue pour un scorpion
à Tamanr’asset : après un séjour de plusieurs heures dans une
solution concentrée de sublimé, je le croyais mort : un bain de
soleil de dix minutes a suffi pour le remettre sur pied. Cette
imperméabilité réduit presque à rien la perte d’eau par
évaporation, mais c’est tout ce qu’elle peut faire.

On est donc conduit à admettre, avec Lameere, que l’eau, qui
forme une fraction notable du poids d’un Mélasome, est créée par
l’insecte lui-même : toutes les graines sont riches en matières
amylacées et albuminoïdes qui contiennent de l’hydrogène ; la
respiration transforme cet hydrogène en eau et il faut que cette eau
suffise aux hôtes du tanezrouft. Cette absorption intermoléculaire
d’eau est assez analogue au procédé qu’emploient les microbes
anaérobies pour respirer sans oxygène. Bien que cette hypothèse
paraisse la seule vraisemblable, on aimerait pouvoir l’étayer sur
quelque expérience de laboratoire ; on aimerait aussi à savoir
comment ces animaux, de couleur foncée, peuvent se promener en
plein soleil, sans être tués par la chaleur, sur un sol dont la
température dépasse souvent 60°.

Les autres animaux luttent contre l’échauffement par une
évaporation active ; pendant les mois de juin et de juillet, nous
buvions tous une dizaine de litres d’eau par vingt-quatre heures,
et c’était tout juste suffisant.

Il serait intéressant de savoir si les Mélasomes peuvent fabriquer
assez d’eau pour se livrer à un pareil gaspillage.


=Crustacés.= — Pour ce groupe, il y a à noter seulement la
fréquence des _Apus_ dans les r’edir. Les œufs de ces curieux
animaux ne se développent bien que lorsqu’ils ont été longtemps
desséchés ; les mares de la région saharienne sont à cet égard
dans d’excellentes conditions. Les Apus abondent dans les dayas,
au sud de Laghouat. Mussel en a recueilli dans l’Iguidi. J’en
ai rencontré près de Timissao, dans les r’edir de Tin Azaoua.


=Mollusques.= — Les Mollusques[137] ne présentent pas de formes
particulières au Sahara ; il faut se souvenir cependant que la
Coudia n’a pas été étudiée à ce point de vue : les quelques
ruisseaux permanents que l’on y signale nous réservent peut-être
des surprises.

Les seules espèces connues dans le désert, encore en bien petit
nombre, sont émigrées : descendant des bords de la Méditerranée,
quelques escargots suivent assez loin vers le sud les plateaux
calcaires qui s’étendent jusqu’au Tadmaït (_Helix candidissima_
Drap. par ex.) ; le long du littoral Atlantique, l’_Helix Duroï_
Hid. et une espèce apparentée au paléarctique _H. Pisana_
Mull., pénètrent jusqu’au cap Blanc. Le _Rumina decollata_ L.,
si abondant en Algérie, a été trouvé, subfossile il est vrai,
à l’Ilamane dans l’Ahaggar [Flamand, _Comité de l’Afrique
française_, 1903, p. 268] où Guilho-Lohan en a rencontré
une variété naine ; j’ai recueilli la même variété dans
l’Aouguerout, à Tiberkamine, également dans des tufs.

Les formes terrestres tropicales ne paraissent pas pénétrer
dans le Sahara ; les _Limicolaria_ qui remplacent les _Helix_,
dont l’existence est au moins douteuse dans la majeure partie
de l’Afrique chaude, n’ont pas été vus au nord du Damergou
(15° Lat. N.) où ils sont peu abondants ; la rareté du calcaire
et l’abondance du sable expliquent probablement le fait : les
sables de Fontainebleau forment autour de Paris une barrière qui
a arrêté plusieurs espèces.

Les formes d’eau douce sont plus intéressantes et plus nombreuses :
le _Planorbis salinarum_ Morelet, décrit de l’Angola, remonte
jusqu’à l’Ahaggar (Abalessa) et au Touat ; le _Melanopsis Maresi_
Bourguignat descend jusque dans l’Iguidi où il a été recueilli
par le capitaine Mussel.

La facilité avec laquelle se fossilisent les mollusques permet
dès maintenant d’entrevoir que leur étude donnera la solution
de quelques questions hydrographiques importantes : le _Melania
tuberculata_, Müller, est une espèce nettement tropicale que
l’on connaît déjà dans le Pliocène d’Algérie : il est
assez vraisemblable qu’elle y est venue par le Niger et la Saoura,
autrefois affluents tous les deux de la mer de Taoudenni.

L’_Aetheria elliptica_ Lam. avec ses nombreuses variétés[138],
qui forme actuellement dans tous les fleuves de l’Afrique tropicale
des bancs assez importants[139] pour qu’on les utilise à la
fabrication de la chaux, paraît une nouvelle venue dans le Niger.

On ne la connaît pas au nord de ce fleuve et l’on peut croire
qu’elle n’a pu pénétrer, de la région du Nil, dans l’Afrique
occidentale que depuis la capture du Niger à Tosaye : on la trouve
en effet dans tous les affluents du Tchad, même le Bahr El Ghazal
(Chevalier), et elle existe dans le Quaternaire égyptien.

Il est évidemment prématuré de tirer des conclusions fermes de ces
quelques faits, mais la voie est bonne à suivre : toute récolte
de mollusques, au Sahara ou dans la zone sahélienne, peut donner
de très utiles renseignements.


=Batraciens et reptiles.= — Les batraciens anoures sont assez
fréquents au Sahara ; il y a des grenouilles (?) à El Goléah,
dans les oasis touatiens, dans les ar’rem de l’Ahaggar ;
elles ne sont pas rares dans l’Aïr, ni dans les mares les moins
salées des Teguidda. On sait combien ces animaux sont sensibles à
la sécheresse ; on sait aussi que leurs œufs sont très délicats
et ne peuvent pas être transportés accidentellement, par le vent
ou les oiseaux. En règle générale, il n’y a pas de batraciens
dans les îles océaniques.

Leur existence, en des points isolés comme El Goléah ou l’Ahaggar,
est le témoignage d’un état hydrographique différent, d’une
période où des cours d’eau continus reliaient ces différents
points à d’autres bassins fluviaux. L’étude précise des
différentes espèces pourra permettre d’affirmer des relations
anciennes entre les divers bassins et apportera de nouveaux arguments,
très solides, à la reconstitution des réseaux hydrographiques du
Sahara. Cette étude est encore à faire entièrement.

Quant aux reptiles, il sont nombreux. Le groupe des lézards est
abondamment représenté ; les espèces sont malheureusement encore
indéterminées. Il y a surtout des agames, des geckos, des varans.

On a souvent insisté sur la coloration gris jaunâtre de beaucoup
d’espèces sahariennes ; l’homochromie est en effet assez
fréquente ; cependant, à l’époque de la pariade, beaucoup
de lézards prennent des couleurs très brillantes ; en juillet et
août, dans l’Adr’ar’ et l’Ahaggar, un agame à tête rouge,
avec un corps vert et violet, se distingue de fort loin sur la patine
noire des rochers, où il est d’un effet très décoratif.

Les uromastix (fouette-queues) se rencontrent depuis le Sud algérien
jusqu’à l’Adr’ar’ des Ifor’as et l’Ahaggar. Ils
deviennent presque noirs dans la région basaltique de Silet.

Les tortues sont assez communes dans la zone sahélienne où l’on
en trouve fréquemment une forme voisine de la tortue d’Algérie,
mais beaucoup plus grosse (elle dépasse souvent une longueur de 50
centimètres) et présentant trois ergots aux pattes postérieures.

Les serpents sont communs. Le plus souvent cité, la vipère à
cornes (_Cerastes_), semble ne pas exister partout : très commune
dans le Grand Erg et l’Iguidi, on la retrouve sur le littoral de
Mauritanie ; vers le sud elle abonde dans les dunes de l’Ahnet, au
delà duquel elle disparaît. On ne la trouve ni dans le tanezrouft
d’In Zize, ni dans l’Ahaggar[140] : ses pistes sont tellement
caractéristiques qu’il paraît difficile que sa présence puisse
échapper.

Son existence est très douteuse dans l’Adr’ar’ des Ifor’ass ;
on affirme sa présence dans les dunes qui bordent le Niger ;
je n’ai pu avoir la confirmation de ce fait ni à Bourem ni à
Bemba. Boulenger [_Catalogue of the snakes in the British Museum_,
1896] indique que les deux espèces du genre _Cerastes_ ne se
trouvent que dans la partie septentrionale du désert, de l’Arabie
à l’Atlantique. Leur distribution géographique coïnciderait en
gros avec celle des Ergs vivants (fig. 69, p. 245) [Cf. Mocquart,
_Revue coloniale_, 1905].


=Oiseaux.= — Les oiseaux sont rares au Sahara ; quelques vautours,
de couleur claire, suivent les caravanes ; les « ganga » se trouvent
dans tous les pâturages ; les tourterelles (2 espèces au moins)
et les pigeons sont communs autour de tous les points d’eau. Dès
qu’on arrive à la zone sahélienne, ce monde des oiseaux est
presque entièrement renouvelé et les formes soudanaises se montrent
en grand nombre. J’ai noté les mange-mil, les moineaux du Soudan
(famille des Viduinés)[141], à Timiaouin dans l’Adr’ar’
et à Iférouane dans l’Aïr. Les perroquets se montrent à Tin
Teborak (15°,30′ Lat.), dans le Tegama. La corneille à plastron
(_Corvus scapulatus_ D.) abonde dans toute la zone sahélienne, du
Tchad à l’Atlantique, de même que la grande outarde et la pintade.

La pintade est souvent domestique et l’on en rencontre dans tous
les villages du pays haoussa. Comme il arrive à tous les animaux de
basse-cour, son plumage devient très variable et prend souvent des
couleurs claires ou presque blanches ; c’est probablement, comme
il l’avait pressenti, à ces variétés domestiques d’origine
indigène, qu’appartenaient les pintades signalées par Maclaud
comme provenant du haut Niger [_l. c._, p. 257].

_L’autruche._ — La distribution de l’autruche soulève au moins
une question intéressante ; elle est toujours assez répandue dans
la zone sahélienne à l’état sauvage ; dans un grand nombre de
villages, en pays haoussa comme sur les bords du Niger, on élève
des autruches qui sont assez domestiquées pour qu’on les laisse en
liberté dans les champs voisins. Les autruches sont plumées vers
le mois de juillet ; pendant quelques semaines, ces grandes bêtes,
toutes nues, font un effet hideux dans le paysage. La plupart des
plumes que l’on trouve sur le marché proviennent de cet élevage,
que les noirs savent fort bien pratiquer.

On sait que l’autruche a été commune dans le Sud algérien
d’où elle a disparu depuis quelques années. On a habituellement
expliqué cette disparition par les chasses abusives des officiers
des bureaux arabes. Il peut se faire que cette cause ait contribué à
l’extinction des autruches, mais cette explication cesse d’être
valable plus au sud ; elle est probablement fausse, ou tout au moins
incomplète. Tous les nomades sont d’accord pour dire qu’il
y a une cinquantaine d’années, les autruches étaient communes
dans tout le Sahara ; Duveyrier mentionne expressément que, dans
l’Ahaggar, on ne le chassait pas parce que leurs plumes, usées
contre les rochers, n’avaient pas de valeur marchande, et que les
Touaregs s’abstiennent de la chair des oiseaux.

Les témoignages unanimes des indigènes sont confirmés par la
grande abondance des œufs que l’on trouve souvent, presque
intacts, à la surface du sol, dans toutes les parties du Sahara ;
ces œufs se trouvent aussi bien dans les feidjs entre les dunes
que dans les grands regs du tanezrouft, toujours loin des oasis :
on a souvent dit, et l’on trouve encore dans des manuels récents,
que l’autruche n’habitait pas le désert, qu’elle ne faisait que
le traverser, allant d’oasis en oasis, comme les grands voiliers
de l’Océan vont d’île en île ; ceci est tout à fait inexact
et l’autruche n’a jamais été signalée que loin des centres
habités ; les oasis sont d’ailleurs occupés entièrement par des
jardins soigneusement enclos et nul animal sauvage de forte taille
n’y peut pénétrer. L’autruche a presque disparu de tout le
Sahara ; pendant son beau raid dans l’Iguidi, Flye Sainte-Marie,
en a vu une seule piste ; Voinot a aperçu deux ou trois autruches
dans l’Amadr’or ; les rapports de tous les officiers des oasis
permettraient peut-être d’augmenter ce chiffre de quelques unités
et l’on sait quel nombre colossal de kilomètres ils ont couvert.

Au désert, ce n’est certes pas la chasse que l’on peut invoquer
pour expliquer cette raréfaction. Un changement de climat est
invraisemblable, qui aurait supprimé les points d’eau : notre guide
nous affirmait avoir souvent vu, dans son enfance, des autruches entre
l’Ahaggar et l’Aïr ; la piste n’a pas changé ; la description
que, par renseignements il est vrai, Barth avait recueillie en 1850
est encore parfaitement exacte : ce sont les mêmes puits, et les
mêmes pâturages ; les gazelles et les mohors ne sont pas rares le
long de cette piste et tous ceux que nous avons tués étaient en
fort bon état, preuve qu’ils vivaient largement. Une épidémie,
ou ce qui revient au même, une épizootie, ne se comprend guère
dans une population aussi disséminée que celle du désert et sous
le soleil purificateur du Sahara.

De semblables extinctions, totalement inexpliquées, ont souvent
été signalées en paléontologie : un groupe donné d’animaux
n’aurait qu’une vie limitée, comme chacun des êtres qui le
composent ; il y aurait une mort de l’espèce, comme il y a une
mort de l’individu. Cette explication est peu claire, mais les faits
dont elle prétend rendre compte paraissent indéniables. L’autruche
est certainement un type vieux, un véritable anachronisme ; malgré
l’apparence, elle n’est pas un véritable oiseau ; elle n’a
avec les oiseaux que des rapports de cousinage éloigné ; elle
est un des derniers représentants des grands reptiles, des grands
dinosauriens de l’ère secondaire.

Mais il ne suffit pas qu’un type animal soit vieux pour qu’il
disparaisse ; encore faut-il une cause, autrement il n’y aurait
plus de déterminisme, plus de loi naturelle. Cette disparition de
l’autruche du Sahara prend ainsi une certaine importance ; son
explication permettrait peut-être d’apporter un peu de lumière
dans un des problèmes les plus obscurs de la paléontologie.


=Mammifères.= — L’étude des petits mammifères (gerboises,
lièvres, daman, hérisson, civettes, lynx, etc.) est à peine
ébauchée et l’on ne peut rien dire de certain.

Parmi les grosses espèces, un petit nombre se trouvent un peu partout
dans le Sahara : la gazelle (_G. dorcas_ L.), avec de multiples
variétés encore mal débrouillées, est dans ce cas ; le mohor
(_Gazella mohr_ Bennet) que l’on signale jusqu’au Tafilalet,
ne devient commun qu’au sud de l’Ahaggar ; dans le nord de la
zone sahélienne on le voit plus souvent que la gazelle.

Des fœtus de mohor à terme, provenant de femelles tuées à
N’Guigmi dans la seconde quinzaine de février, avaient la robe
complètement fauve ; on pouvait à peine distinguer une origine de
balsane. Des jeunes de la même espèce, observés en novembre dans le
poste de Djadjidouna (Damergou) et ayant par suite huit à neuf mois,
avaient à peu près exactement la robe de la gazelle commune ; chez
l’adulte, le blanc s’accroît beaucoup, le dos seul reste fauve.

Un peu plus au sud, au voisinage du Tchad et des bords du Niger, de
nombreuses antilopes et la girafe apparaissent ; toutes ces espèces
sont soudanaises ; elles ne s’éloignent jamais beaucoup ni des
mares, ni du fleuve.

L’adax [v. t. I, p. 197], assez commune aux confins de l’Algérie,
devient rare dans le Sahara méridional. Elle existe cependant dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, au moins dans sa partie nord.

Le fenek (_Canis Zerda_ Zim.) est également très répandu ; nous
en avons pris un jeune, dans son terrier, à mi-chemin entre In
Ouzel et Timissao, à 100 km. de tout point d’eau. Les chacals et
les hyènes[142] ne s’éloignent pas autant des puits. Le guépard
(_Cynailurus jubatus_ Zim.) existe probablement dans l’Adr’ar’
des Ifor’as et l’Ahaggar.

Le mouflon (_Ovis tragelaphus_ Desm., ou une race de cette espèce)
se trouve dans toutes les régions montagneuses de l’Afrique
septentrionale ; vers le sud, il ne paraît pas dépasser l’Aïr
(nous en avons vu près d’Iférouane) et l’Adr’ar’ des
Ifor’as : il en a été tué un vieux mâle dans l’Adra’r’
Denat ; Nachtigal le signale dans le Tibesti. Ceci permet de reporter
vers le 18° de latitude la limite méridionale de cette espèce,
que le catalogue de Trouessart[143] fixait au 24° Lat.

Pendant la saison des pluies, le lion remonte jusqu’à
l’Adr’ar’ des Ifor’as ; il habite toute l’année
l’Aïr[144], manque, pendant la saison sèche, dans le Tegama où
les puits sont profonds, et devient commun dès que l’on arrive
à la région des mares.

Les phacochères (_P. africanus_ Gm.) existent dans toute la zone
sahélienne ; on les trouve d’ailleurs jusqu’au Zambèze. Une
espèce de ce genre a été signalée dans le Quaternaire algérien
et figurée par Pomel. J’en ai vu pour ma part, et mangé, dès
Teguidda n’Taguei.

Les singes ont été signalés depuis longtemps dans l’Aïr, et
Cortier en a aperçu et tiré un dans le sud du pays des Ifor’as
[_La Géographie_, avril 1908, p. 278].

Par ses mammifères comme par ses plantes, la zone sahélienne est
bien distincte du Sahara et se rattache au Soudan.

Quelques points méritent encore d’être signalés : on s’étonne
de trouver des hippopotames dans des mares de moyenne étendue,
comme celles de la région de Gourselik. Ce fait, déjà signalé
par Barth, n’est pas douteux ; j’en ai vu des ossements, et
les captures sont, paraît-il, assez fréquentes. Il pourrait être
intéressant de voir si l’exiguité des mares qu’il habite n’a
pas entraîné une modification de la taille de l’hippopotame. —
Les rhinocéros, qui sont surtout de l’Afrique orientale, paraissent
bien décidément venir jusqu’au Tchad ; le colonel Destenave est
très affirmatif ; les indigènes des bords du lac craignent beaucoup
la rencontre de cet animal dangereux souvent caché, paraît-il,
dans les fourrés de roseaux.


=La chasse.= — Dans la zone sahélienne, surtout dans sa partie
méridionale, le gros gibier est abondant et quelques tribus vivent
de la chasse : les chasseurs forcent la girafe à cheval ; pour les
antilopes et les mohor, ils sont assez patients pour ramper pendant
des heures et les approcher d’assez près pour les tuer à la lance.

Au Sahara, les Touaregs forcent quelquefois l’adax à méhari ;
mais la chasse existe à peine chez eux et est abandonnée aux
plus pauvres. Vers la fin de la saison sèche, les plus miséreux
distinguent une saison des pièges, pendant laquelle la seule
ressource est, pour eux, la chasse à la gazelle.

Comme on ne peut songer à la forcer à la course, on emploie
un piège formé d’une couronne tressée, à l’intérieur de
laquelle sont fixées des tiges de bois dur : l’ensemble figure une
sorte de roue sans moyeu ou plutôt d’entonnoir très surbaissé,
d’une vingtaine de centimètres de diamètre. On pose ces pièges
au-dessus d’un trou, la pointe en bas, aux points où fréquentent
les gazelles, et si par hasard l’une d’elles pose le pied dessus,
elle ne peut se débarrasser de cette couronne et est obligée de
fuir en l’entraînant. Parfois un bâton, attaché au piège,
le rend encore plus lourd. L’animal ainsi gêné dans sa course
est facile à attraper.

Voinot a figuré un de ses pièges provenant d’Amdjid [_Comité
de l’Afrique Française_, 1908, _Supplém._, p. 86] ; j’en ai
vu de semblables à Tamanr’asset et sur les bords du Tchad. Ces
derniers, destinés à la capture de plus grosses antilopes, avaient
une quarantaine de centimètres de diamètre.

Dans le Sahara arabe comme aux compagnies de méharistes, le fusil
est trop répandu pour que l’on ait recours à ces modes primitifs
de chasse. Le gibier est en général assez abondant pour fournir
un appoint sérieux pendant les marches ; à El Goléah, la viande
de gazelle coûte moins cher que celle du mouton.


=Les troupeaux.= — Il y a peu de choses à dire sur les animaux
domestiques du Sahara[145].

_Chèvres et moutons._ — Les chèvres et les moutons forment
partout la masse principale du cheptel ; leurs types sont peu variés
et sont les mêmes que dans le Sud algérien. Cependant au damman
(_Ovis longipes_) ou mouton à poil, vient s’ajouter parfois le
mouton à laine ; il y en a quelques-uns dans l’Ahaggar et aussi
dans l’Adr’ar’ mauritanien et le Rio de Oro ; en tous cas,
au Sahara, il est la très rare exception et une peau de mouton
d’Algérie a semblé, aux habitants d’Iférouane, la chose la
plus extraordinaire que l’on puisse voir. Ce n’est qu’au sud
du Niger qu’il prend une certaine importance. Il donne une laine
de médiocre qualité, très jarreuse ; la sélection parviendra
probablement à l’améliorer ; mais il y a peu de temps que la
question est étudiée ; en 1906, à Segou-Sikoro ce commerce était
tout à fait à ses débuts : dès 1907, le haut Sénégal et Niger
a pu exporter 500 tonnes de laine. Il semble que la question de la
laine au Soudan peut devenir rapidement intéressante.

Dans les troupeaux de chèvres, on observe assez souvent des individus
à robe fauve, à cornes infléchies en avant et qui pourraient
bien être des métis de gazelles. Il serait utile d’avoir des
précisions sur ce point.

_Les bœufs._ — Les bœufs à bosse, les zébus, sont très
répandus au Soudan, où ils sont souvent employés comme animaux
de bât. On les retrouve dans l’Adr’ar’ des Ifor’as et dans
l’Aïr, où, malgré la proximité des tanezrouft, ils vivent fort
bien et se maintiennent en excellente forme. Dans l’Ahaggar, il
n’y en a qu’un nombre insignifiant, une cinquantaine au plus,
bien que pendant l’hiver la traversée du Sahara soit pour eux
relativement facile : ils arrivent même au Tidikelt.

Quelques autres races de bœufs, sans bosse, sont connues au Soudan ;
la plupart sont de petite taille. L’une d’elles cependant,
encore assez mal connue, atteint la taille de nos plus forts
taureaux. Ces bœufs « kouri » ont une robe en général claire,
assez souvent blanche, le mufle toujours noir. De face, la tête
est assez étroite, comme d’ailleurs chez la plupart des zébus
du Soudan, mais le chanfrein est nettement bombé, moutonné et les
cornes sont véritablement énormes : chez les mâles, leur diamètre
à la base dépasse 25 centimètres [Freydenberg, thèse, p. 148-149].

Ces bœufs ont d’abord été signalés dans les îles du Tchad où
ils sont fort nombreux ; Destenave évalue leur nombre à 60000. Ce
chiffre est très vraisemblable : les habitants du petit village de
Kalogabé, près du poste de Kouloua, sont au nombre de 200 seulement
et possèdent 4000 bœufs adultes.

Ces bœufs kouri ne sont pas spéciaux à la région du Tchad ;
on les retrouve à plus de 300 kilomètres à l’ouest, chez les
Tebbous dont les campements sont établis au nord du Koutous. Leur
extension vers l’est est inconnue. Nachtigal [_Le voyage... au
Ouadai_, _Bull. du Com. de l’Afr. Fr._, 1903] n’indique à
l’Ouadai (p. 63) que des zébus.

_Les chevaux._ — Les chevaux[146] se rattachent tous, de plus ou
moins près, aux races de Barbarie ; leur élevage se fait surtout
dans le bassin moyen du Niger ; entre le fleuve et le Tchad ils
deviennent moins nombreux. Vers le nord, le désert les arrête,
et leur extension vers le sud est limitée par les trypanosomiases.

Les Touaregs de l’Aïr ont quelques chevaux, 600 environ, parmi
lesquels quelques-uns atteignent une haute valeur, plusieurs milliers
de francs. Ces chevaux « bagazam », ainsi nommés en souvenir
d’un siège célèbre que soutinrent autrefois les Kel Aïr contre
un sultan du Bornou, peuvent rester deux jours sans boire ; cette
particularité, qui semble résulter plutôt d’un dressage spécial
que d’un caractère de race, les rend singulièrement précieux
dans le Tegama où les points d’eau sont rares, et explique leur
prix élevé.

_Les ânes._ — L’âne, qui résiste bien à la soif et qui sait
se débrouiller dans les plus maigres pâturages, se répand de plus
en plus au Soudan : les convois officiels en ont égaré dans tous les
villages, entre Niamey et Zinder, où ils deviennent très nombreux.

Dans toutes les régions habitables du Sahara il en existe des
troupeaux ; c’est toujours un animal de petite taille, contrairement
à l’indication de Duveyrier pour l’Ahaggar. Une autre affirmation
de l’illustre voyageur paraît aussi douteuse. Duveyrier croyait
à l’existence d’ânes sauvages, d’onagres, sur la Coudia ;
sur son autorité renforcée par celle de Flatters [_Journal de
route_, p. 56], l’existence de l’_Equus tæniopus_ d’Abyssinie
a été admise à l’Ahaggar par tous les zoologistes. Il s’agit
en réalité probablement d’ânes marrons et d’un élevage
très spécial ; chaque troupeau a son propriétaire ; il est
vrai que c’est une propriété assez vague ; il faut prendre les
ânes au piège et la plupart du temps, si l’on n’a pas eu la
chance de tomber sur un animal jeune, l’âne habitué à toute sa
liberté est inutilisable. La question paraît d’ailleurs exiger
quelques recherches : de Foucauld maintient, dans son dictionnaire,
la distinction entre l’âne (eihedh) et l’onagre (ahoulil). Les
zébrures sur les canons et les boulets, qui caractérisent l’_Equus
tæniopus_, se trouvent assez fréquemment au Sahara jusque sur le
littoral de Mauritanie, chez des ânes certainement domestiques.

_Les chameaux._ — Le chameau d’Afrique n’a qu’une bosse,
il est toujours un dromadaire, mais personne n’emploie ce mot qui
est réservé aux dictionnaires. Son étude zootechnique n’est
pas faite ; il présente de nombreuses races bien distinctes :
à première vue un nomade sait toujours de quel pays provient un
chameau et, sans être du métier, on arrive vite à saisir des
différences nettes entre les bêtes de différents élevages.

Les chameaux des hauts plateaux d’Algérie, lourds et robustes,
avec leurs poils longs, fauves et souvent foncés, sont d’excellents
animaux de bât dans leur pays ; dans le grand erg, on trouve des
chameaux de forte taille, mais de différents types : les animaux
du sud de la Tripolitaine à rein très long, ne ressemblent pas
aux chameaux des Chaambas, beaucoup plus ramassés ; les mehara de
Methlili, de taille médiocre, sont plus élancés et plus rapides
que la plupart des chameaux de l’erg.

Les meilleurs animaux de selle proviennent de l’élevage touareg. Ce
sont des bêtes à poil ras, à robe claire, souvent blanche, et
d’une grande vitesse. Plus au sud, dans le Sahel, le profil est
différent ; l’œil est souvent vairon ; les robes pies ne sont
pas rares. En Mauritanie, on observe encore d’autres types.

Mais faute de chiffres précis et de photographies systématiques,
il est difficile de débrouiller tous ces groupes ; on ne peut que
signaler l’existence d’un grand nombre de races.

Quelques caractères cependant semblent en relations directes avec
le milieu où a vécu l’animal. Les chameaux d’erg, habitués
à marcher sur le sable, ont la sole assez sensible et se blessent
dans les montagnes du pays touareg ; cette différence se manifeste
nettement sur les pistes : les chameaux de pays rocailleux ont une
sole épaisse et crevassée ; qui laisse sur le sable une empreinte
couverte d’un réseau à larges mailles, très marqué ; celle du
chameau d’erg est lisse.

Les chameaux du Sahara proprement dit, chaamba ou touareg, ont une
bosse nette, bien délimitée : dans toute le zone sahélienne,
la bosse plus basse se raccorde, sans rupture de pente, au reste
du dos ; on ne sait ni où elle commence ni où elle finit. Il est
vraisemblable que, dans le nord du Soudan, où les chameaux trouvent
tous les jours de quoi manger, cet organe de réserve perd de son
importance et commence à s’atrophier. Les bâts, qui servent à
charger les chameaux porteurs ont des formes très différentes au
Sahara et au Soudan : dans le nord, la partie essentielle du bât,
le kteb, est très courte ; elle prend place en avant de la bosse,
qu’entoure un coussin en forme de couronne ; les Berabiches du
Sahel, les Touaregs de l’Aïr utilisent, à quelques détails près,
des haouias analogues.

[Illustration : Fig. 66. — Deux types de bât : à gauche, bât
du chameau saharien ; à droite, bât du chameau sahélien.]

Dans la région du Tchad, le bât se compose de deux arçons situés
l’un en avant l’autre en arrière de la bosse, et reliés par
quelques traverses : l’ensemble occupe tout le dos et ne laisse pas
place pour une bosse bien nourrie ; il serait impossible de placer ce
bât sur un chameau saharien. Nachtigal [_Sahara et Soudan_, p. 260]
en a donné un croquis détaillé. Lorsqu’il a fallu reconduire
à Niamey et au Sénégal les canons amenés jadis péniblement à
Zinder, on a pu utiliser très facilement pour leur transport à
dos de chameaux, les bâts de mulet réglementaires : il a suffi de
modifier un peu le rembourrage ; aux Oasis, le transport des canons
à dos de chameau est toujours difficile.

Le nombre des chameaux indiqué dans les recensements ne doit pas
faire illusion sur les capacités de transport au Sahara. Il y a 20000
chameaux dans l’Aïr, 7000 dans l’Ahaggar : mais un petit nombre
seulement est disponible. Ces chiffres comprennent les chamelles,
les chamelons de trois ans, les bêtes réservées à la boucherie ;
ils comprennent aussi les montures personnelles des Touaregs et les
chameaux employés aux petites caravanes, qui relient constamment
les villages entre eux.

Un grand nombre d’animaux ont déjà un rôle bien défini et ne
peuvent être employés à autre chose. A propos du télégraphe
transsaharien, dont le matériel (fils, poteaux, etc.) représente
environ 6000 charges, une enquête sérieuse a été faite dans
l’Ahaggar pour savoir de combien de chameaux on pourrait disposer
pour ce travail[147] : on peut compter que sur les 7000 animaux du
Sahara central, 500 ou 600 tout au plus, moins du dixième, seraient
utilisables, à moins de troubler profondément les conditions de
la vie habituelle des nomades.

L’existence de races multiples, adaptées chacune à des régions
déterminées, justifie la nécessité de relais pour les caravanes :
les chameaux pourraient se déplacer à de grandes distances, dans
le sens des latitudes, sans que pour eux les conditions de vie soient
sensiblement changées ; mais, en fait, le mouvement commercial a lieu
de la Méditerranée au Soudan, et pour aller du nord au sud il faut
passer des régions de dunes de l’erg, aux régions caillouteuses
de la pénéplaine cristalline ; en même temps que la nature du sol,
la végétation se modifie et le chameau, gros mangeur, mais qui
tient à choisir sa nourriture, et s’habitue difficilement à des
plantes nouvelles, se nourrit mal dans des pâturages nouveaux. Dans
la pratique, les chameaux du nord transportent les charges jusqu’au
Tidikelt ou jusqu’à R’ât ; les chameaux des Ahaggar ou
des Azdjer les remplacent jusqu’au nord de l’Aïr, jusqu’à
Iférouane ; les troupeaux des Kel Oui achèvent la route jusqu’à
Zinder ou Kano. Avec des animaux de choix et des soins constants, on
pourrait faire autrement ; plusieurs longues tournées ont montré de
quoi étaient capables des animaux bien entretenus : quelques mehara
de la tournée Dinaux, ont pu rentrer d’Iférouane à In Salah
(1338 km.) en vingt-neuf jours : ils étaient en route depuis six
mois. Pour obtenir de pareils résultats, sans perte d’animaux,
il faut des précautions incessantes, des soins presque affectueux ;
il faut surtout ne jamais s’occuper de la commodité ou de la
fatigue des hommes, et régler toutes les étapes à l’avantage du
chameau ; on doit en route se résigner à être l’esclave de ses
montures. On trouvera à ce sujet d’intéressants renseignements
dans l’ouvrage du capitaine E. Arnaud et du lieutenant M. Cortier
[_Nos confins sahariens_, Paris, 1908], qui résume tout ce qu’une
expérience déjà longue, complétant les renseignements indigènes,
a suggéré aux officiers des compagnies de méharistes.

Le chameau est encore intéressant à un autre point de vue ; comme
animal de bât, il est employé en Algérie et au Soudan ; comme
animal de selle, son rôle est plus limité. Il est une monture
excellente pour de longues étapes, surtout lorsque l’on est en
troupes : le guide marche en tête et tous les mehara le suivent sans
que l’on ait presque à s’en occuper. Pour de courtes promenades,
surtout lorsque l’on est seul, le chameau est insupportable ; il est
difficile à diriger. Aussi dès que la chose devient possible, dès
que les points d’eau sont assez rapprochés, il est, comme animal
de selle, remplacé par le cheval plus maniable et plus rapide sur les
courtes distances. Cette substitution du cheval au mehari indique, au
nord comme au sud, la limite du désert. Cette limite est évidemment
un peu conventionnelle ; elle est d’ordre ethnographique plutôt
que géographique ; si l’on voulait être strict, le désert,
les régions inhabitées et inhabitables, se confondraient avec les
tanezrouft. Mais si l’on y ajoute les régions à faible densité
de population qui, jointes aux précédentes, forment l’ensemble
du Sahara, l’existence du mehari, comme monture habituelle, est
caractéristique. Les limites qu’elle donne coïncident d’une
manière très satisfaisante avec celles qu’indiquent les zones
végétales, zones qui sont en rapport immédiat avec les quantités
de pluie.

Au surplus, même comme animal de bât, le chameau disparaît dans
les pays fertiles ; l’humidité lui est néfaste ; il ne peut
prospérer, disent les Kel Aïr, dans les pays où pousse bien le
mil. Il manque dans le Tell ; sur les Hauts Plateaux, son élevage
diminue d’importance. Au sud de la zone sahélienne, on ne le trouve
plus qu’accidentellement ; il en existe cependant quelques-uns
qui séjournent constamment dans le Djerma, mais ils sont malingres
et une longue hérédité seule les a mis à peu près en état de
résister aux trypanosomiases.

Les chameaux sont de nouveaux venus dans une partie de l’Afrique ;
connus de tout temps en Tripolitaine, ils n’auraient été
introduits en Algérie que vers le Ve siècle. Ils y existaient
cependant à l’époque quaternaire[148].

L’histoire paléontologique de la famille des Camelidés
est d’ailleurs encore obscure. Cette famille semble avoir pris
naissance en Amérique[149] où elle est encore bien représentée
par les lamas (Auchenia). La présence de ce groupe si spécial, en
Amérique et dans la région méditerranéenne, est un des faits que
l’on a invoqués, à tort sans doute, pour prouver l’existence,
pendant les temps tertiaires, du continent africano-brésilien qui,
occupant en partie la place de l’Atlantique sud, reliait L’Ancien
et le Nouveau Monde.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                            PL. XXVIII.

[Illustration : Cliché Pasquier

53. — GROUPE DE TOUAREGS.

Région de Gao.]

[Illustration : Cliché Pasquier

54. — UN LAMENTIN (MANATUS)

harponné près du poste de Gao.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXIX.

[Illustration : Cliché Posth

55. — FEMMES KEL AKARA.

Imr’ad des Kel Ferouan.]

[Illustration : Cliché Posth

56. — UNE FILLE DE EL HADJ MOUSSA.

Tribu Afagourouel, groupe des Ikazkazan.]


=Les hommes.= — Il semblera peut-être irrévérencieux de placer
ici quelques mots sur les races humaines qui habitent le Sahara et
sa frontière soudanaise. Cette inconvenance paraît nécessaire.

On oublie trop souvent que l’étude des races humaines n’est
qu’un chapitre de la zoologie : les caractères anatomiques
permettent seuls de définir les groupes fondamentaux de
l’humanité. Nul ne songerait à tenir compte, dans l’étude des
races de chevaux, de la forme de la selle ou du type de la bride ;
la couleur du collier n’a jamais servi à distinguer un king-charles
d’un levrier.

L’étude zoologique des races humaines est l’objet propre de
l’anthropologie ; les peuplades et les nations que ces races ont
formées par juxtaposition, n’ont pour caractères communs que
des traits d’ordre psychique, des usages, des traditions et des
légendes dont le classement est le domaine de l’ethnographie qui,
par sa discipline, appartient aux sciences historiques. Parmi les
caractères psychiques communs, l’un des plus faciles à saisir
est le langage, qui sert encore trop souvent à la classification
des groupements humains : tous les nègres des États-Unis parlent
anglais et cet exemple devrait rendre prudent.

On admet aussi bien volontiers, sans discussion, que du contact de
plusieurs races peuvent naître des populations métisses formant
un groupement homogène dont les caractères seraient, en quelque
sorte, la moyenne entre ceux des races dont il est dérivé. Rien
n’est moins certain ; il semble établi que lorsque les races
sont franchement différentes, les populations métisses doivent
être renouvelées presque à chaque génération : les mulâtres
ont disparu de quelques-unes des Antilles, en même temps que les
blancs. Quand les races sont moins éloignées, la question devient
plus douteuse : on a cependant la preuve que, dans l’Europe
occidentale tout au moins, à partir de l’âge du fer, et, pour
préciser, de l’âge de la Tène, les diverses races qui constituent
la population actuelle occupent, à très peu de choses près,
les mêmes territoires ; malgré ce long contact, elles ne sont pas
confondues ; il est possible à un observateur attentif de retrouver
en France, à peine modifiés dans leurs caractères somatiques, les
descendants des hommes qui ont habité, pendant le Quaternaire, nos
différentes provinces. La vieille race du Néanderthal se rencontre
encore dans quelques parties de la Haute-Vienne et de la Dordogne ;
la race de Cro-Magnon habite toujours le Périgord. Il ne semble
pas que les mensurations, si nombreuses et si précises, du Dr
Collignon puissent laisser de doute sur la persistance, pendant un
grand nombre de siècles, de ces races, malgré les possibilités,
souvent réalisées sans doute, de mélanges entre elles et avec
quelques autres.

Il est vrai que pour la race du Néanderthal, comme pour celle de
Cro-Magnon, on a des repères précis ; les crânes et les débris
de squelettes qui sont les types de ces races sont des objets bien
définis, catalogués, dont les moulages authentiques se retrouvent
dans toutes les collections ; tout naturaliste, lorsqu’il emploie
ces mots, sait ce qu’il veut dire ; il n’ignore pas quelle pièce
anatomique peut, en cas de doute, servir à ses comparaisons. On se
reporte toujours à la même norme, au même étalon avec autant de
certitude que s’il s’agissait du mètre et cette précision rend
difficiles les à-peu-près et les bavardages.

En Afrique, nous sommes loin d’une pareille méthode ; aucune
race n’est définie. On en est toujours, pour les populations
noires tout au moins, à une vague classification linguistique. Les
groupements basés sur les caractères du langage ne sont jamais
homogènes même lorsque ce langage est bien connu ; au Soudan, ce
caractère devient particulièrement inquiétant : les noirs n’ont
pas de littérature écrite, et l’usage sur place des manuels et
des vocabulaires les plus récents ne donne pas du tout la certitude
que les auteurs qui les ont faits, connaissaient vraiment, dans
leurs détails, la langue qu’ils ont essayé d’enseigner. Leurs
ouvrages rendent certes de grands services au passant, mais il est
douteux qu’ils permettent une étude du mécanisme grammatical
et des radicaux, assez approfondie pour fixer les affinités des
diverses langues de l’Afrique centrale ; dans la région de Zinder,
les Européens arrivent assez vite à causer en haoussa avec les
Touaregs et les Bellah : ce n’est la langue ni des uns ni des
autres et le petit nègre est toujours intelligible ; avec les vrais
Haoussas, qui doivent savoir leur langue, c’est une autre affaire
et l’interprète devient indispensable.

On a souvent aussi relevé avec soin les différentes modes : la
coiffure, les tatouages ont été décrits, avec grand détail, chez
les principales peuplades ; ils ont suggéré des rapprochements
intéressants, et indiqué des influences manifestes de quelques
religions. Les totems ont fait l’objet d’études étendues et
Desplagnes a cherché, avec peut-être un peu trop d’audace, à
en déduire une histoire générale du Soudan. Il serait absurde
de dénier toute valeur à ces indications ; elles doivent être
utilisées, avec prudence il est vrai, et plusieurs d’entre
elles peuvent éclairer certains faits. Elles n’apportent
malheureusement aucune lumière sur les races elles-mêmes. Avant
de chercher à reconstituer l’histoire de ces races et de leurs
migrations possibles, il semble indispensable de les définir
d’abord elles-mêmes, avec précision. Les chiffres que l’on
possède sont beaucoup trop peu nombreux pour permettre cette
définition. D’après Deniker[150] l’indice céphalique des
Haoussas serait 77,3 ; ce chiffre résulte de 13 mesures seulement
pour une population de plusieurs centaines de mille, répandue
sur de vastes surfaces. Pour les Peuhls qui nomadisent presque
de l’Égypte à l’Atlantique, la série mesurée porte sur 37
individus. Depuis huit ans, les chiffres se sont multipliés, mais
ce ne sont encore que des commencements d’enquêtes, d’où on
ne peut déduire rien de certain. Cependant, tant que les races ne
seront pas définies, on ne pourra rien faire de bien sérieux ; on
ne pourra qu’ajouter de nouvelles pages à tout ce qui a déjà
été écrit : l’énorme amas de documents que l’on possède
est à peu près inutilisable parce que l’on ne sait jamais à
qui les renseignements se rapportent.

Il semble qu’il y a, au Soudan, deux types humains principaux,
distincts à première vue : l’un, massif et lourd, à
cheveux crépus ; l’autre, plus fin, plus élancé, à
cheveux très bouclés, mais ne formant pas toison (Soudaniens
et Noubas-Haoussas[151] des _Crania ethnica_) ; il semble aussi,
d’après les quelques crânes anciens que Desplagnes a rapportés
du moyen Niger, et qui ont été étudiés par le docteur Hamy[152],
que ces deux types coexistent, à de légères variantes près, depuis
longtemps dans les régions où on les trouve aujourd’hui. Mais on
ne sait rien sur les Tebbous (Pl. XXXI, phot. 59), sur les Bouddoumas
du Tchad, sur les Somonos du Niger. Ces derniers, qui vivent de la
pêche, paraissent former des groupements distincts des populations au
milieu desquelles ils vivent ; à Ségou et ailleurs, ils habitent des
quartiers spéciaux et ne se mélangent pas aux autres sédentaires.

Force est donc de s’en tenir à des groupements linguistiques,
tout provisoires, et dont la carte d’Afrique de G. Gerland
[Berghaus, _Physikalischer Atlas_, no 71, 1892] indique suffisamment
la répartition.

Les langues parlées par les diverses populations sédentaires
entre Tombouctou et le Tchad, sont assez nombreuses : les
langues du Bornou, assez mal connues, sont usitées dans le
Mounio, le Koutous, l’Alakhos, et à Moa par les populations
sédentaires ; à l’ouest commence le domaine du haoussa qui
s’étend jusqu’à l’Adr’ar’ de Tahoua. C’est une des
langues les plus importantes de l’Afrique : elle est parlée dans
tous les villages de l’Aïr et comprise, comme langue commerciale,
du Dahomey à la Méditerranée ; il a été possible au capitaine
Leroux d’écrire, en Algérie, une grammaire et un dictionnaire
haoussas, parfaitement utilisables à Zinder.

De Tahoua à Tombouctou domine la langue sonr’aï, plus répandue
encore au temps de la splendeur de Gao ; elle a, paraît-il, laissé
des traces très nettes jusqu’à Agadez.

Ces trois langues fondamentales se subdivisent en un grand nombre
de dialectes, différents parfois d’un village à l’autre,
et qui nécessitent souvent de nombreux interprètes.

_Touaregs._ — La société touareg a déjà fait l’objet
de plusieurs monographies ; celle de Duveyrier est restée
classique ; plus récemment Benhazera et Cortier ont donné des
détails nombreux et précis sur les Kel Ahaggar et les Ifor’as
de l’Adr’ar’[153]. Les Kel Oui viennent d’être étudiés
par Jean ; parmi eux, les Haoussas dominent et ils sont, en partie
au moins, très distincts des véritables Touaregs.

Les monographies des Azdjer, des Ahaggar et des Ifor’as de
l’Adr’ar’, indiquent en général une quasi identité de
mœurs ; il n’y a que des divergences de détail, sans grande
portée. Les Kel Oui sont beaucoup plus différents, comme il fallait
s’y attendre : chez eux, la polygamie est la règle, et ce seul
trait suffit, indépendamment de leur couleur, à les mettre tout
à fait à part.

Dans l’ensemble, la société touareg est franchement berbère ;
le régime démocratique y est la règle et toutes les décisions
importantes sont prises par le conseil des notables de la tribu,
dont l’amr’ar n’est que le président.

Il y a cependant une nuance importante : chez les Touaregs, il
existe une caste noble et un chef commun, un amenokal qui dirige
un grand nombre de tribus. Hanoteau et Letourneux[154] avaient
déjà fait remarquer que cette forme « monarchique », anormale
dans une société berbère, devait pouvoir s’expliquer par des
causes extérieures.

L’épithète « monarchique » n’est pas tout à fait exacte ;
il n’y a pas d’amenokal par droit héréditaire ; le chef est
choisi dans certaines familles seulement, mais entre les compétiteurs
possibles, l’élection prononce en dernier ressort : en 1903,
Ismaguel avait été investi du commandement, chez les Oulimminden
de l’est, par les autorités françaises, bien qu’il n’eût
pas la majorité parmi ses électeurs ; cette méconnaissance
des coutumes locales a réuni autour du tambari[155] Rézi, dont
les partisans étaient plus nombreux, une foule de mécontents,
dont les manœuvres furent longtemps une source de difficultés et
d’inquiétudes pour nos administrateurs.

L’amenokal, pas plus que les autres chefs, n’est nommé à vie ;
lorsqu’il est en désaccord avec ses électeurs, lorsqu’il a
cessé de plaire, il est déposé et remplacé par un chef plus
populaire [Cortier, _D’une rive à l’autre_, p. 282 ; Jean,
_Les Touaregs du S.-E._, p. 159 et 162].

Il n’y a donc pas, à proprement parler, de royauté, mais il
existe à coup sûr une sorte de régime féodal ; on trouve partout
une caste guerrière de qui dépendent, à des degrés divers de
servitude, tous les habitants des terrains de parcours de la tribu
noble. Cette organisation semble être un résultat immédiat
de la pauvreté du pays ; chez les Kabyles, les vallées sont
vraiment fertiles, les villages, qui trouvent facilement de bonnes
positions défensives à portée des cultures, sont assez peuplés
pour n’avoir pas besoin de protection ; les Arabes des Hauts
Plateaux, dont beaucoup sont Berbères, rencontrent presque partout
des pâturages et leurs campements restent assez rapprochés pour
qu’ils se puissent entr’aider. Les habitants du Sahara central
n’ont à leur disposition que quelques oueds à maigre végétation
et éloignés les uns des autres ; ils ne peuvent vivre que par
petits groupes, et doivent profiter de toutes les aubaines. Lorsque
par hasard, un oued du tanezrouft a coulé, ils n’hésitent pas à
s’y installer et savent, lorsque le pâturage est vert, se passer
d’eau pendant plusieurs semaines : une chamelle donne environ six
litres de lait par jour et dans un bon pâturage peut rester plusieurs
mois sans boire ; ce lait suffit à tous les besoins des pasteurs.

Dans ces conditions, il est impossible aux Touaregs du nord, Ahaggar
et Azdjer, de vivre rassemblés et de s’occuper à la fois de
l’élevage et de la défense de leurs troupeaux. La sécurité du
pays ne peut être assurée que par des forces de police toujours
mobiles ; cette méthode est nécessaire, nous avons dû l’adopter
pour nos confins sahariens ; elle justifie amplement l’existence
d’une caste guerrière, toujours en route, chez les Touaregs
du nord.

Parce qu’elle est d’accord avec les conditions géographiques,
la suprématie des tribus nobles et les droits qu’elle entraîne
ne sont guère discutés chez les Ahaggar. Dans les pâturages plus
riches de la zone sahélienne, l’organisation féodale, qui est
moins nécessaire, est supportée avec impatience ; les imr’ad et
les bellah se détachent des nobles et ne veulent plus reconnaître
pour chef que l’autorité française [R. Arnaud, _Rens. col.,
Comité Afr. fr._, 1907, p. 96].

Les caractères ethniques des Touaregs sont assez contradictoires ;
leur genre de vie actuel les rapproche des primitifs, et Gautier
[I, p. 333] les considère, au point de vue social, comme en pleine
sauvagerie. C’est, je crois, une exagération. Leur respect de la
femme, leur curiosité pour les choses nouvelles, même leur vague
littérature indiquent un certain degré de culture et d’évolution.

Le matriarcat est commun chez beaucoup de peuples primitifs, mais il
n’est pas certain que chez les Touaregs il ait le même caractère
que chez les sauvages ; il est lié, chez eux, au mariage individuel
et à la monogamie ; pour les héritages habituels, le partage se
fait entre les enfants du mort. Ce n’est que pour les héritages
politiques, pour le droit au commandement, que la parenté maternelle
intervient nettement. Encore ceci n’est-il pas général : chez
les Ifor’as de l’Adr’ar’, à la mort d’un amenokal, le
choix se porte sur ses frères ou sur ses fils et non sur ses neveux
[Cortier, _l. c._, p. 282]. Ce n’est que chez les Touaregs du
nord que le droit au tobol est transmis uniquement par les femmes
aux fils des sœurs ou des tantes, et cet usage paraît récent ;
il ne remonterait qu’à six générations, d’après l’étude
détaillée que Benhazera [_l. c._, p. 94] a faite de la question,
confirmant ainsi une anecdote que Duveyrier a racontée longuement
[_Les Touaregs du Nord_, p. 398].

Cette coexistence de faits qui rappellent les mœurs primitives
avec d’autres qui indiquent une demi-civilisation peut sans doute
s’expliquer par l’histoire. Des monuments, comme la tombe de Tin
Hinan à Abalessa, comme les constructions funéraires de Tit, sont
la preuve qu’une société berbère assez policée, assez riche, a
vécu autrefois dans l’Ahaggar. Les puits souvent bien aménagés du
Sahara, dont l’établissement serait actuellement à peine possible,
sont, eux aussi, un souvenir de ces temps plus heureux. Réduits à
la misère par l’asséchement progressif de leurs vallées, les
Touaregs se sont contentés de se maintenir vivants, ne conservant
que quelques traits de leur ancienne civilisation ; en même temps
que leur pays devenait moins habitable, leurs mœurs évoluaient,
donnant l’exemple, assez rare en ethnographie, d’une civilisation
régressive.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                               PL. XXX.

[Illustration : Cliché Posth

57. — FEMME KEL TADELÉ.

Imr’ad des Kel Ferouan.]

[Illustration : Cliché Posth

58. — FEMMES HOGGAR.

Imr’ad des Kel R’arous.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXXI.

[Illustration : Cliché Posth

59. — LE RASTAMALA, REPRÉSENTANT DU CHEF DES KEL FEROUAN AUPRÈS
DU SULTAN D’AÏR.

Natif d’Agadez. Se dit d’origine tebbou.]

[Illustration : Cliché Posth

60. — FEMME D’OANELLA, CHEF DES HOGGAR.

Imr’ad des Kel R’arous (Groupe des Ikazkazan).

Probablement de race pure.]

On peut espérer, d’ailleurs, que les légendes recueillies chez
les différentes confédérations permettront de débrouiller un peu
l’histoire de ces tribus ; un assez grand nombre de ces traditions
ont déjà été publiées et fourniront probablement des recoupements
intéressants, mais je crois que ce travail de contrôle ne peut être
fait utilement que sur place ; trop d’éléments d’information
font encore défaut pour qu’on puisse le tenter de loin.

Autant que l’on en peut juger sans mensurations précises, les
Touaregs, Kel Oui mis à part, paraissent constituer une race très
homogène et très pure. Les Taïtoq, les Kel Ahaggar, les Azdjer,
les Ifor’as, les Oulimminden et les Kel Gress, et probablement
aussi les Touaregs de Tombouctou, se ressemblent beaucoup entre eux
et ressemblent beaucoup aussi à certaines races européennes ; on
doit, provisoirement tout au moins, les rattacher aux populations
dolichocéphales brunes, si fréquentes autour de la Méditerranée
occidentale, populations que l’on rencontre en Aquitaine et en
Espagne aussi bien qu’aux Canaries et qu’en Afrique mineure,
où elles forment la majeure partie des tribus indigènes. Le nom de
Berbère est d’ailleurs équivoque ; il ne définit qu’un groupe
linguistique assez hétérogène au point de vue anthropologique ; en
dehors du domaine de la philologie, ce mot n’a aucun sens précis.

La race à laquelle appartiennent les Touaregs dérive d’une race
qui, à l’époque quaternaire, dès le milieu du Paléolithique,
occupait le bassin de l’Aquitaine ; les crânes anciens de
Laugerie et de Chancelade, ceux de Cro-Magnon sont les témoins
authentiques de sa présence à cette époque lointaine. C’est
la race de « Cro-Magnon » définie par Broca dès 1868, la race
« méditerranéenne » de Houzé, la race « littorale » ou
« atlanto-méditerranéenne » de Deniker.

J’aurais voulu, à l’appui de cette affirmation, apporter des
arguments précis, et à défaut de mensurations, tout au moins des
photographies ; malheureusement, je n’ai pu réunir que peu de
documents ; je n’ai pas pu me procurer de photographie des Touaregs
du nord. Pour l’Adr’ar’ des Ifor’as, Cortier [_l. c._,
p. 218] donne celles de son guide, Fenna, et de quelques femmes.

Le capitaine Pasquier m’a remis un groupe d’Oulimminden
[Pl. XXVIII, phot. 53] ; malheureusement le voile, le litham, est
bien gênant et ne permet guère de se rendre compte du type.

Le capitaine Posth m’a procuré une série provenant de l’Aïr
[Pl. XXIX à XXXI]. Ces photographies, prises dans les tribus les
plus blanches et par suite les plus pures, montreront combien le
type est européen, quoique seule, la femme Hoggar de la planche XXXI
(fig. 60) paraisse vraiment de race non mélangée. Toutes les autres
femmes ont le bout du nez arrondi, et ceci est un trait soudanais
et non caucasique.

On ne sait pas au juste à quelle époque cette race de Chancelade,
franchissant la Méditerranée, est venue occuper le nord de
l’Afrique, où elle paraît beaucoup plus récente qu’en
Europe. On sait encore moins à quelle date elle s’est répandue
dans le Sahara ; les traditions touaregs ne remontent pas à plus
de quelques siècles ; depuis Tin Hinan, les Kel Ahaggar énumèrent
péniblement une dizaine de générations ; Sidi ag Keradji affirme
connaître quinze aïeux ; les sultans d’Agadez auraient été
envoyés, il y a un millier d’années, par Constantinople, pour
mettre un peu d’ordre dans les affaires des Touaregs qui étaient
déjà en pleine anarchie.

Ces dates si rapprochées de nous ne peuvent évidemment pas être
prises au sérieux, d’autant que les Touaregs renient toute
parenté avec les constructeurs de chouchets, malgré l’identité
évidente de ces tombes anciennes avec les tombes modernes [cf. t. I,
chap. III].

De nombreuses traditions, relatives à l’origine des Touaregs,
ont déjà été recueillies ; quelques-unes les font descendre des
Philistins ou de la reine de Saba ; beaucoup de familles cherchent
à se rattacher au Prophète ou à ses premiers disciples[156] :
il y a peu à tenir compte de ces indications ; elles valent à
peu près celles qui nous faisaient descendre de Francus, fils de
Priam. D’autres traditions plus précises se rapportent au Fezzan
(anciennement Targa) et au Sud marocain ; elles semblent d’accord
avec les données anatomiques et méritent d’être prises au
sérieux.

Elles sont confirmées par une observation très intéressante
d’Ascherson, dont Grisebach [_La Végétation du Globe_, II, p. 135]
a bien fait ressortir l’importance. Les mauvaises herbes des oasis
du désert de Libye, ces plantes que l’homme cultive malgré lui,
proviennent toutes de la Méditerranée ; elles différeraient de
celles que l’on trouve dans la vallée du Nil. La migration aurait
donc eu lieu du nord au sud et jamais de l’est à l’ouest ;
les routes caravanières suivent encore la même direction.

Quelques faits linguistiques indiquent aussi des relations avec
le monde romain : pour les mois, il y a une double nomenclature ;
celle qui se rapporte à l’année solaire est visiblement latine
[Motylinski, _Dictionnaire_, p. 280] : février, mars, avril et
mai, sont devenus fobraier, mars, ibrir, maio [I, p. 254]. Dans
l’Adr’ar des Ifor’as, quelques mots semblent d’origine
chrétienne [Cortier, _l. c._, p. 283].

_L’habitation._ — Les modèles d’habitation usités au Sahara
et au Soudan sont suffisamment connus ; la case carrée (Pl. XXXVI,
XXXVII) à toit en terrasse, des ksour et des oasis, se retrouve
dans l’Ahaggar, à Arouan, à Tombouctou et chez les Bambaras ;
la case ronde, la hutte soudanaise existe un peu dans l’Ahaggar ;
dans l’Aïr, elle devient commune, et tend à supplanter la demeure
carrée, fréquente surtout dans les ruines.

Ces huttes rondes varient un peu suivant les pays ; dans les villages
stables la partie cylindrique est souvent en terre ; l’abondance
ou la rareté du bois entraîne aussi quelques modifications de
détail. Tout cela a été discuté et figuré cent fois ; on en
retrouvera quelques reproductions dans les photogravures ; il est
inutile de s’arrêter à un sujet aussi connu.

Il faut cependant consacrer quelques lignes aux cases très spéciales
des campements tebbous du nord du Koutous ; elles sont d’un modèle
inusité ailleurs (fig. 67). En plan, ce sont des rectangles longs
de 7 à 8 mètres, larges de 3 ; la porte est dans un des angles,
et une cloison, parallèle au petit côté, délimite une sorte de
couloir, de vestibule qui met la chambre d’habitation à l’abri
des indiscrets. Un foyer, constitué par trois pierres, se trouve
au fond de la hutte. Une charpente soutient le faîte à 2 mètres
du sol ; le tout est recouvert de paillassons grossiers faits en
tiges de mil et de grandes graminées, comme ceux qu’emploient
nos jardiniers. L’ensemble a un aspect arrondi, rappelant assez
bien certaines serres.

Auprès de chaque case se trouvent quelques constructions analogues
mais plus petites, servant de magasins ou de demeure aux captifs. Tout
ce qui appartient à un même chef de famille est enclos d’une
haie en branchages. Toutes les cases sont établies à mi-côte
ou au sommet d’une dune, à faible distance, quelques cents
mètres, du puits. Toutes les ouvertures, les portes, et, quand
elles existent, les fenêtres, sont dirigées vers le puits pour
faciliter la surveillance ; leur orientation varie d’un hameau à
l’autre. Dans nombre de villages du Soudan, au contraire, autour
du Tchad notamment, les huttes rondes ont toutes leurs portes vers
l’ouest pour se défendre du sable charrié par les vents d’est.

Auprès du puits, chaque chef de case à un abreuvoir particulier
formé d’un bassin de 4 à 5 mètres carrés de surface, limité
par un rebord d’argile. Ces abreuvoirs que l’on remplit à
loisir, avant l’arrivée des troupeaux, sont séparés les uns
des autres par des haies d’épines. Les Touaregs au contraire,
en vrais nomades, se servent d’abreuvoirs portatifs en cuir.

[Illustration : Fig. 67. — Campement tebbou, au nord du Koutous.]

Les hameaux ainsi construits sont assez nombreux au nord du Koutous ;
j’en ai vu 5 (Garagoa, Dalguian, Boulloum, Boulakendo, Tassr), sur
une longueur de 35 kilomètres. A Garagoa, il y a une soixantaine
de chefs de cases, et Tassr m’a paru un peu plus important ; les
trois autres villages étaient abandonnés au moment de mon passage
(avril 1906).

Je ne sais quelle est l’extension géographique de ce type
spécial d’habitation : Nachtigal [_l. c._, p. 190] a indiqué,
dans le Tibesti, des paillottes rectangulaires, mais à toit plat,
qui paraissent différentes.

Les Tebbous de Tassr et de Garagoa ne semblent pas former une race
homogène ; ils se donnent d’ailleurs, pour des raisons politiques
probablement, comme des Azas ou Dazas, tout à faits différents
des Tebbous véritables et ne pratiquant pas comme eux le vol
des troupeaux de leurs voisins (?). Ils affirment même, quoique
nous ayons eu la preuve du contraire, n’avoir pas de relations
d’amitié avec eux.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XXXII.

[Illustration : 61. — TENTE TOUAREG.

Chez les Oulimminden.

Un bouclier est appuyé à la tente.]

[Illustration : 62. — CAMPEMENT DE BELLAH.

Bords du Niger.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                            PL. XXXIII.

[Illustration : Cliché Posth

63. — CAMPEMENT DE BELLAH.

Boucle du Niger.]

[Illustration : Cliché Pasquier

64. — CAMPEMENT DE BELLAH.

Près de Gao.]

Pour les tentes, il y a à signaler surtout la grande simplicité des
installations touaregs ; la photographie (Pl. XXXII, phot. 61) montre
à quoi elle se réduit en route ; le bouclier, appuyé contre la
tente, et le méhari, indiquent suffisamment le peu de hauteur de ce
logement qui ne sert qu’à donner de l’ombre. Lorsque le campement
est installé pour quelques semaines, on conserve le toit de cuir,
mais placé plus haut (2 m.), et on ferme les côtés au moyen de
nattes ; la porte est habituellement au sud. L’installation reste
cependant toujours assez primitive chez la plupart des Touaregs ;
elle devient à peine un peu plus confortable dans la boucle du Niger,
tout en se rattachant au même type (Pl. XXXIII).


[Note 106 : Chevalier, _C. R. Ac. Sciences_, 30 avril 1900. —
La végétation de la région de Tombouctou, _Actes du Congrès
international de botanique_, 1900, p. 248. — _La Géographie_,
XVII, 3, 1908, p. 201-210, etc.]

[Note 107 : On trouvera de bonnes reproductions des aspects de
la végétation de ces diverses zônes dans Karsten et Schenk,
_Vegetationsbilder_, Iena, 1906 et sv., en particulier, pour
le Soudan, [4], Pl. 23 à 30 et, pour le Sahara algérien, [6],
Pl. 19-24.]

[Note 108 : _Timetr’in_ est le pluriel du mot _tamtek’_,
équivalent tamachek de _r’aba_, la forêt.]

[Note 109 : A. Chevalier, _Ass. française Av. Sc._, Paris, 1900,
p. 642-656.]

[Note 110 : Ces beaux liserons forment, dans toutes les parties
humides de la zone sahélienne, des fourrés très verts avec de
grandes fleurs rouges, épanouies seulement le matin. C’est une
plante toxique pour tous les troupeaux. Le poste d’Agadez l’a
vérifié à ses dépens, ses chameaux, qui n’étaient pas du pays,
ayant brouté ces liserons.]

[Note 111 : ἔδαφος = sol. Schimper, _Plant-Geography upon
a physiological basis_, Oxford, 1903, p. 3. — Ce néologisme
s’applique aussi bien aux particularités botaniques qui dépendent
de détails topographiques, qu’à celles qui ont pour cause la
constitution physique ou chimique du sol.]

[Note 112 : Cosson a donné, épars dans diverses autres notes,
de nombreux renseignements sur la flore du Sahara.]

[Note 113 : Un genre de Scrophulariées, _Lafuentea_, n’était
connu que par une seule espèce d’Andalousie. Battandier a décrit
récemment une seconde espèce de ce genre (_L. ovalifolia_)
de l’Adr’ar’ des Ifor’as, qui est bien loin de la
Méditerranée.]

[Note 114 : Massart, Un voyage botanique au Sahara, _Bull. de la
Soc. Bot. de Belgique_, XXXVII, 1898, p. 202-339, 7 planches.]

[Note 115 : Le règne végétal en Algérie. _Revue Scientifique_,
[2], XVI, 1879, p. 1205-1217.]

[Note 116 : Grisebach, _La Végétation du Globe_, trad. Tchiatcheff,
1878, II, p. 111. — O. Drude, _Manuel de Géographie botanique_,
trad. Poirault, 1897, p. 426.]

[Note 117 : Battandier et Trabut, _L’Algérie_, Paris, 1898,
p. 355.]

[Note 118 : _N’si_, graminées de petite taille, du groupe des
Stipées. — _Acheb_, toutes les autres plantes dont la venue est
à la merci d’une averse.]

[Note 119 : Maury, _Assoc. franç. Av. Sciences_, Toulouse, 1887. —
Massart, _l. c._, et La Biologie de la végétation sur le littoral
belge, _Bull. Soc. Bot. de Belgique_, XXXII, 1893.]

[Note 120 : _Mentha sylvestris_ est le _na’na’_ des Arabes qui
joue un grand rôle dans la préparation du thé. Le mot tamahek,
_ennar’nar’_ qui est visiblement le même, semble bien indiquer
que la plante a été introduite.]

[Note 121 : Les cryptogames du Sahara sont encore moins connus que les
phanérogames ; on trouvera, dans le _Bull. de la Soc. Mycologique
de France_, plusieurs notes de Patouillard sur les champignons du
grand désert africain. Un pyrénomycète (_Poronia_) est connu en
Nubie et sur le littoral atlantique.]

[Note 122 : Je laisse complètement de côté ce qui a trait au
karité et aux lianes à caoutchouc, dont l’aire d’habitat est
plus méridionale. — Les cultures vivrières ont d’ailleurs un
intérêt plus immédiat ; elles seules permettent un accroissement
rapide de la population quand un pays est vraiment peuplé, tout le
reste vient facilement.]

[Note 123 : G. Rolland, _Hydrologie du Sahara Algérien_. — _Mission
A. Choisy_, 1895, p. 7.]

[Note 124 : Ou tekhaouit, selle de femme. On en trouvera un croquis
et une description détaillée dans Benhazera (_Six mois chez les
Touaregs_, p. 39).]

[Note 125 : Foureau, _Essai de catalogue des noms arabes et berbères
de quelques plantes, arbustes et arbres algériens et sahariens_,
Paris, 1896.]

[Note 126 : D’après Foureau (Cat., p. 29), mrokba ou merkeba
désignerait aussi le _Scabiosa camelorum_ Coss., plante du Sud
algérien qui n’est pas connue au Sahara. Elle s’éloigne,
par tous ses caractères, des graminées précédentes.]

[Note 127 : En dehors des ouvrages relatifs au Sahara et au Soudan
cités plus haut, j’ai pris quelques renseignements dans Bentham
et Hooker, _Genera plantarum_, et dans Engler-Prantl, _Pflanzen
Familien_.]

[Note 128 : A. Chevalier, _Bull. Soc. Bot. de France_, IV, 6, 1906,
p. 480-496.]

[Note 129 : La véritable « myrrhe » provient d’une espèce
voisine.]

[Note 130 : _Bull. Soc. Bot. de France_, [IV], 7, 1907, p. 252-257.]

[Note 131 : D’après Cosson, le dattier serait originaire des
Canaries, où une sous-espèce, le _Phœnix canariensis_ Hort, est
considérée comme spontanée par Webb et Berthelot. La présence de
quelques végétaux canariens au cap Blanc, les Helix fossiles des
dépôts d’estuaire de Port Étienne, semblent en effet indiquer
que, jusqu’au début du Quaternaire, l’archipel canarien était
réuni à l’Afrique. Cependant de Saporta affirme reconnaître,
parmi les Phœnix tertiaires de la Haute Italie, l’ancêtre direct
du dattier.]

[Note 132 : Gravier, _Bulletin du Muséum_, 1907, no 3, p. 218-224,
une carte.]

[Note 133 : Foureau, _Doc. Scient. de la Mission Saharienne_,
t. II, p. 1055-1059 ; — De Joannis (Lépidoptères), _Bull. de
la Soc. entomologique de France_, 1908, p. 82-83 ; — Van der
Weele (Névroptères), _id._, 1908, p. 154 ; — Du Buysson
(Hyménoptères), _id._, 1908, p. 131-135 ; — Lesne, _Lyctus
hipposideros_ nv. sp., _Bull. du Muséum_, 25 nov. 1908.]

[Note 134 : Pucheran, _Revue et Magazine de Zoologie_, 1865.]

[Note 135 : J’ai trouvé un beau varan, long de 0 m. 60, au milieu
du tanezrouft de Timissao.]

[Note 136 : Massart, _l. c._, 1898 ; — _Travaux du laboratoire de
Wimereux_, t. VII, 1899, p. 446-451.]

[Note 137 : La bibliographie des mollusques africains est déjà
très riche. On trouvera l’indication des principaux mémoires dans
L. Germain, _Les Mollusques terrestres et fluviatiles de l’Afrique
Centrale Française_, in Chevalier, _L’Afrique Centrale Française_,
1908, p. 459-617. — Voir aussi Pallary, _Mollusques tertiaires
fluviatiles d’Algérie_, _Mém. Soc. Géol. Paléont._, 1901.]

[Note 138 : R. Anthony, _Ann. de la Soc. royale Zoologique et
Malacologique de Belgique_, XLI, 1906, p. 322-430, pl. XI et XII.]

[Note 139 : On les désigne très improprement au Soudan sous le
nom de bancs d’huîtres. Les Ætheria appartiennent à la famille
des Unionidæ, qui ne renferme que des formes d’eau douce, très
éloignées par leurs caractères anatomiques des Huîtres qui,
de plus, sont essentiellement marines.]

[Note 140 : La grosse vipère de l’Ahaggar appartient à un genre
voisin (_Bitis_). Elle est au moins très proche de la vipère du
Gabon. Elle cause des accidents mortels même pendant les mois les
plus froids (Guilho-Lohan).]

[Note 141 : J’emprunte ces déterminations à Maclaud : _Notes
sur les Mammifères et les Oiseaux de l’Afrique Occidentale_,
Paris, 1906.]

[Note 142 : Duveyrier signale à l’Ahaggar, d’après des
renseignements indigènes, la _taourit_ qu’il croit une sorte
de loup. Je n’ai pu avoir aucune confirmation de l’existence
d’un loup. Cortier [_l. c._ p. 362] pense que la taourirt est une
hyène. — La seule rencontre dangereuse que l’on puisse faire
dans l’Ahaggar est celle des hyènes qui, lorsqu’elles sont en
bande, attaquent parfois des isolés. On ignore la limite nord de
_H. crocuta_ Erx. qui est, paraît-il, vraiment dangereuse.]

[Note 143 : _Catalogus mammalium tam viventium quam fossilium_,
Berlin, 1897-1899.]

[Note 144 : Jean [_l. c._, p. 148] émet des doutes sur l’existence
du lion en Aïr. Les indigènes sont très affirmatifs. Von Bary
le mentionne expressément et indique qu’il a une crinière ;
Foureau en a vu des traces (_D’Alger au Congo_, p. 344, 359).]

[Note 145 : Pierre et Monteil, _L’élevage au Soudan_, Paris,
1905. — Dechambre, _Rev. Col._, 1905, p. 335 et 458.]

[Note 146 : De Franco, _Études sur l’élevage du cheval en Afrique
occidentale, Gorée_.]

[Note 147 : Dinaux, _Rens. coloniaux publiés par le Comité de
l’Afrique française_, 1907, p. 64.]

[Note 148 : Pomel, _Monographies des Vertébrés fossiles de
l’Algérie_, 2e fasc., 1893. — Flamand, _De l’introduction du
chameau dans l’Afrique du Nord_, Paris, 1907.]

[Note 149 : Leidy, _Proc. of the Ac. of natural Science of
Philadelphia_, 1875.]

[Note 150 : _Les Races et les Peuples de la Terre_, Paris, 1900,
Appendice II, p. 667-674.]

[Note 151 : Les Haoussas occupent l’Adr’ar’ de Tahoua, Zinder
et s’étendent dans l’Aïr et dans la Nigeria ; ils sont très
distincts, à première vue, des Bornouans et des Sonr’ai, entre
lesquels ils sont enclavés. Leurs affinités sont plutôt avec les
populations de l’Est africain.]

[Note 152 : In Desplagnes, _Le Plateau Central Nigérien_, p. 87-94.]

[Note 153 : Panet a publié une bonne étude sur les Touaregs du
cercle de Dounzou (_Revue des troupes coloniales_, 1905, p. 418).]

[Note 154 : _La Kabylie et les coutumes kabyles_, 3 vol., 1872-1873,
II, p. 3.]

[Note 155 : _Tambari_, synonyme méridional de _amr’ar_. _Amr’ar_
veut dire au sens propre « quelqu’un de grand soit par la fonction
sociale, soit par l’âge ». C’est l’équivalent du mot arabe
_cheikh_ (Motylinski, _Dictionnaire_, p. 110).]

[Note 156 : Inutile de mentionner l’hypothèse fantaisiste
d’après laquelle les guerriers touaregs seraient les descendants
des croisés de saint Louis.]




                              CHAPITRE V

                         HYDROGRAPHIE ANCIENNE

Le Taffassasset. — Le bassin de Tombouctou et le moyen Niger. —
Le bassin d’Ansongo. — Le Tchad et le Bahr El Ghazal.


L’hydrographie du Sahara dans son état actuel est récente ;
les preuves abondent que d’importants remaniements dans le dessin
des cours d’eau sont d’hier.

Malheureusement, les lacunes de la cartographie, l’absence complète
d’hypsométrie précise, et l’ignorance où nous sommes de la
classification du Pleistocène et du Quaternaire de l’Afrique
centrale, obligent à faire une part, peut-être trop large,
aux hypothèses, dans l’exposé de l’état ancien du réseau
hydrographique. Il semble cependant qu’un essai de synthèse, même
très audacieux, soit le seul moyen de grouper les faits acquis et
de poser nettement les problèmes.

Dans le Sahara algérien, depuis Duveyrier, le bassin de l’oued
Igharghar est bien connu dans ses grandes lignes ; les patientes
explorations de Foureau en ont précisé de nombreux détails et les
recherches toutes récentes de Voinot nous ont bien fait connaître
ses parties hautes.

Gautier a montré l’extension du bassin de la Saoura qu’il a
pu suivre jusqu’à Rezegallah ; les affluents de la rive gauche
de ce fleuve sont bien connus et il ne reste plus à élucider que
quelques questions de détail pour que l’histoire de ce fleuve soit
définitivement éclaircie : on ne sait pas encore, par exemple,
si la Daoura est un bassin fermé ou un affluent de la rive droite
de la Saoura.

Ces deux fleuves, l’Igharghar et la Saoura, bien vivants
naguère, ont succombé l’un et l’autre dans leur lutte contre
l’ensablement, mais ils sont morts sur place ; s’ils revenaient
à la vie, ils reprendraient leur ancien cours. Des accidents
tectoniques récents, comme le rajeunissement de la faille du Touat
[_Sahara algérien_, p. 235], n’ont en rien modifié le dessin
général des deux principaux bassins du Sahara du nord.


=Le Taffassasset.= — Dans le Sahara soudanais, les changements
ont été plus profonds ; pendant le Pleistocène, un seul fleuve
important aboutissait à l’Atlantique. Né dans les contreforts
de l’Ahaggar, le Taffassasset, après avoir quitté In Azaoua,
se dirigeait vers le sud en passant au voisinage de l’Aïr,
dans la plaine de Talak. Un peu plus loin, les grandes vallées de
l’Adr’ar’ de Tahoua, les « dallols »[157], indiquent nettement
son cours et celui de quelques-uns de ses affluents ; plus au sud
encore le Taffassasset se confondait avec ce qui est aujourd’hui
le Bas Niger, en aval de la région du W (à la rencontre du fleuve
et des quartzites de l’Atacora).

Les indications qui rendent cette reconstitution au moins
vraisemblable sont nombreuses. Le dessin actuel du fleuve, tel
qu’il résulte de la carte manuscrite où Cortier a résumé tous
les itinéraires récents, présente deux angles presque droits :
habituellement N.-S., le lit du fleuve se dirige de l’est à
l’ouest, de Talak à l’Azaouak, pendant 500 kilomètres ; cette
double inflexion dont l’existence paraît bien établie a besoin
d’être justifiée (Carte géologique hors texte).

Les traces de changements récents dans le régime hydrographique se
rencontrent à chaque pas ; au voisinage d’Agadez, le Teloua qui
prend sa source dans le Baghazam, un des hauts sommets de l’Aïr,
est encore assez vivant. Il a une pente notable : les observations
barométriques faites à Agadez et à Assaoua donnent un chiffre
voisin de 1/1000, chiffre que confirme l’état de ravinement
du lit ; il s’agit donc d’un régime presque torrentiel pour
la rivière principale de la plaine d’Agadez. Les affluents
du Teloua, ceux de la rive gauche tout au moins, ont une pente
presque nulle ; leurs lits sont à peine tracés ; à la saison des
pluies, ils s’épandent en de véritables marais, transformant les
parties argileuses de leur bassin en fondrières larges de plusieurs
kilomètres, et dont la traversée peut devenir dangereuse. Ce n’est
pas une allure normale, et d’ordinaire les affluents ont une pente
plus forte que la rivière où ils se jettent.

Des exemples analogues ne sont pas rares, mais le fait qui paraît
le plus décisif est à coup sûr l’existence des dallols. Le
plateau calcaire et gréseux qui constitue l’Adr’ar’ de
Tahoua, malgré le dur manteau de latérite qui le recouvre partout,
est profondément entaillé par des vallées fort nettes, larges
parfois de 5 à 6 kilomètres ; ces vallées, ces dallols, sont
limitées par des falaises toujours très bien marquées et dont
la hauteur dépasse parfois 100 mètres, au voisinage de Keita par
exemple. Leur caractère de vallée d’érosion n’est pas douteux,
et elles servent encore de collecteur au peu de pluie qui tombe sur
la région ; comme toutes les rivières habituellement inactives,
elles ont mal su lutter contre le vent et des dunes encombrent
leur lit ; ces barrages ont déterminé l’établissement d’un
certain nombre de mares et d’étangs permanents ; celui de Keita,
presque un lac, est un des plus célèbres (Pl. XX). On peut suivre
les principaux dallols fort loin vers le sud ; le dallol Bosso se
continue jusqu’au Niger. Vers l’amont ils ne viennent de nulle
part : le Goulbi n’Sokoto, qui draine les eaux de la majeure
partie du Tegama, passe au sud-est de l’Adr’ar’ ; toutes les
eaux du nord du Tegama sont recueillies par le kori Tamago qui,
se dirigeant vers l’ouest, passe très au nord de la région de
Tahoua, et, vers l’Azaouak, va rejoindre l’Ir’azar d’Agadez,
et le Taffassasset qui ont recueilli toutes les eaux de l’Aïr
et de l’Ahaggar : tout passage vers le nord et vers l’est est
actuellement coupé aux fleuves qui ont creusé les dallols. Ces
vallées sont d’ailleurs trop importantes pour être attribuées à
de simples ruisseaux ; au surplus, Tahoua est dans une région où les
pluies sont actuellement peu importantes : la récolte du petit mil,
pourtant peu exigeant, est parfois compromise par la sécheresse,
bien que toutes les cultures soient dans les vallées ; tous les
ergs morts, si abondants dans la région, et le vernis qui recouvre
les latérites, prouvent cependant que, pendant le Quaternaire, ce
pays était un vrai désert, où la pluie était plus rare qu’elle
ne l’est maintenant. Il y a à ce point de vue amélioration du
climat et non péjoration et cependant, malgré ce progrès, les
ruisseaux de l’Adr’ar’ sont misérables et hors de proportion
avec les grands dallols.

Il faut donc que les dallols aient été creusés par des fleuves
venus de loin, de régions où il pleuvait pendant le Quaternaire,
c’est-à-dire du Sahara, et ceci ne peut se concilier qu’avec
de profonds changements dans le régime hydrographique.


=Le bassin de Tombouctou et le moyen Niger.= — En 1899,
Chevalier[158], herborisant aux environs de Tombouctou, trouva sur
le sable une coquille marine ; quelques jours après, les indigènes
lui en apportèrent un grand nombre et lui apprirent qu’elles
provenaient de Kabarah où on les trouvait dans les carrières
d’où était extraite l’argile qui sert à bâtir les maisons de
la ville. Les coquilles seraient abondantes surtout dans une couche
de sable, plus compact que celui des dunes et qui repose directement
sur des argiles[159]. On a pensé d’abord que, comme aujourd’hui
la caurie (_Cypræa_), ces coquilles avaient été apportées de la
côte par les noirs et servaient de monnaie. Cette manière de voir
ne paraît guère soutenable : le test est déjà modifié dans son
aspect, et les coquilles de Tombouctou sont en voie de fossilisation ;
elles sont loin d’avoir la fraîcheur de celles que l’on trouve
en Mauritanie dans des dépôts de plage à quelques kilomètres de
la côte ; Mabille avait observé que toutes sont de taille plus
petite que les exemplaires originaires de l’Atlantique, dont le
Muséum possède de riches séries. L’une d’elles (_Marginella
Egouen_) mesure habituellement à l’île Gorée 9 lignes (20
mm.) d’après les indications d’Adanson [_Histoire naturelle
du Sénégal_] ; un de mes exemplaires de Tombouctou n’a que 15
millimètres. Mais les échantillons plus nombreux qui sont, depuis,
arrivés en Europe montrent à côté de formes naines des formes
de taille très normale, de sorte que l’observation de Mabille
perd une bonne partie de son importance. Au surplus l’abondance
extrême de ces coquilles (on en trouve plusieurs dans chacune des
briques de Tombouctou), ne paraît guère s’accorder avec l’idée
d’un transport accidentel.

Il faut donc admettre que ces animaux ont vécu et se sont multipliés
à la place où on les trouve aujourd’hui : au Quaternaire la mer
a occupé le bassin de Tombouctou. Jusqu’à présent on ne connaît
que peu d’espèces appartenant à cette faune. Ce sont :

_Marginella marginata_ Born, = _M. Egouen_ Adan.

_M. pyrum_ Gronovius,

_M. cingulata_ Dillwyn,

_Columbella rustica_ Linné ;

la première seule est commune, mais toutes renferment à leur
intérieur des débris indéterminables d’autres mollusques[160]
(_Cerithes_ et lamellibranches).

Les deux seuls gisements certains sont Kabarah et les berges du
Faguibine, et ceci ne nous permet guère de juger quelle pouvait être
l’étendue de cette mer. Heureusement quelques faits permettent
tout au moins d’émettre des hypothèses vraisemblables, et
d’indiquer de quel côté il faudra chercher la solution de ce
problème. La petite carte de la figure 68 montre que vers le sud
les terrains cristallins, depuis Tidjika (Tagant) jusqu’à Tosaye,
forment une ceinture ininterrompue, d’altitude souvent notable,
parfois rehaussée de plateaux de grès (Hombori), ceinture
qui donne bien probablement la limite méridionale extrême du
bassin de Tombouctou. Vers le nord les renseignements sont encore
bien vagues ; on sait cependant d’une manière certaine que
les terrains cristallins dominent dans le Rio de Oro [Quiroga]
(cf. ch. I, fig. 4), et qu’on les retrouve plus au sud où ils
supportent les grès dévoniens de l’Adr’ar’ Tmar [Dereims] ;
on sait aussi que l’on retrouve les mêmes terrains d’El Eglab
à Taoudenni, où ils disparaissent sous les calcaires carbonifères
de la hammada El Haricha [Mussel] (cf. ch. I, fig. 6) ; plus à
l’est l’Adr’ar’ des Ifor’as, qui se relie à l’Ahaggar,
se prolonge vers l’ouest par les plateaux dévoniens du Timétrin
presque jusqu’au méridien de Tombouctou, laissant, entre ces
plateaux et Taoudenni, un passage pour la vallée de la Saoura,
passage où l’on a signalé des grès (Infracrétacé) et des
dépôts de sebkha. La région circonscrite par ces terrains anciens
correspond en gros au Djouf et à l’Azaouad.

Il est hors de doute que, pendant le Pleistocène, l’Atlantique
empiétait largement sur la Mauritanie et qu’un golfe
s’étendait au moins à 200 kilomètres dans l’intérieur
des terres : des coquilles marines à peine fossiles (_Senilia
senilis_ ?) abondent jusqu’à Aleg ; il est possible que, passant
entre l’Adr’ar’ Tmar et le Tagant, ce golfe ait été rejoindre
la mer de Tombouctou. A défaut de preuves directes, que l’ignorance
où nous sommes, même de la géographie de ces régions, empêche de
donner, on peut remarquer que, si l’on connaît d’innombrables
exemples de transport de mollusques par les oiseaux, ces exemples
portent sur des formes d’eau douce qui vont ainsi d’une mare
à l’autre, ou bien sur des formes de lagune, des formes d’eau
saumâtre, comme le _Cardium edule_ L. des chotts algériens, qui
sont adaptées à des variations considérables dans la température
et dans la composition chimique, dans la salure du milieu qu’ils
habitent. Pour les espèces littorales, mais franchement marines,
comme le sont les Marginelles, on a pu parfois, avec beaucoup
de patience, habituer quelques-unes d’entre elles à vivre
dans de l’eau un peu plus ou un peu moins salée que l’eau
de mer ; mais elles ne s’y reproduisent pas. L’abondance des
fossiles à Tombouctou semble donc indiquer que l’eau y avait la
même composition et la même constance de température que dans
l’Atlantique, ce qui ne peut guère s’expliquer que par une
communication directe entre le Djouf et l’Océan.

Tombouctou est à environ 250 mètres au-dessus de la mer, mais cette
différence de niveau n’est pas une objection : près de Reggio,
en Calabre, des assises marines du Quaternaire ancien sont à plus
de 800 mètres d’altitude, et l’on connaît sur le littoral de
l’Angola des sables à _Senilia senilis_, l’une des espèces
les plus communes du golfe quaternaire de Mauritanie, qui forment
le couronnement de falaises hautes de 200 mètres.

[Illustration : Fig. 68. — Les massifs anciens et les bassins de
l’Afrique occidentale.]

A ce golfe marin du Quaternaire ancien, peut-être partagé en deux
lobes, dont l’un, Taoudenni, recevait la Saoura et l’autre,
Faguibine, le Niger, a succédé au moins dans sa partie méridionale
un lac de grande étendue.

Récemment en effet, Dupuis Yakouba a recueilli dans l’Azaouad
où on les trouve partout répandus sur le sol, entre les dunes,
une série de mollusques d’eau douce qui, d’après l’examen de
L. Germain, rappellent de très près la faune des eaux stagnantes du
Tchad ; les affinités avec les espèces ou les variétés du Niger,
pourtant tout proche, sont beaucoup moins marquées. Cette absence de
formes d’eau courante est une bonne confirmation de l’existence
d’un lac succédant à la mer à marginelles et dont le Faguibine
et les lacs voisins sont le dernier reste.

En même temps que s’interrompaient les communications avec
l’Atlantique, dans la partie nord de l’ancien golfe, mal
alimentée par la Saoura, s’accumulait le sel qui est actuellement
exploité dans les salines de Taoudenni et de Tichitt.

Tout ceci est encore évidemment bien hypothétique ; les faits
positifs font défaut, le Djouf est inexploré. L’origine de la
falaise d’El Khenachiche, qui semble un accident très important,
est singulièrement obscure ; mais il fallait poser le problème.

L’existence de ce golfe quaternaire, si elle était démontrée,
rendrait assez vraisemblable, pendant l’Éocène et peut être
le Crétacé supérieur, une communication directe entre le bassin
de Tahoua et le Sénégal (chap. II) : entre le Silurien de Tosaye
et l’Adr’ar’ des Ifor’as passent en effet les calcaires à
huîtres et à oursins que l’on peut suivre jusqu’à Mabrouka
et jusqu’au voisinage de Bemba, en plein cœur du bassin de
Tombouctou, semblant jalonner vers l’ouest une communication
directe avec l’Atlantique.

Quoi qu’il en soit de ces dernières hypothèses dont la solution
appartient à l’avenir, l’existence d’une mer quaternaire à
Tombouctou à laquelle, à une époque plus récente, a succédé
un lac, dont les régions lacustres sont les derniers témoins,
paraît bien établie. La Saoura venant du nord, le Tamanr’asset
descendu de la Coudia, et l’oued Ilock, qui prend sa source dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, y aboutissaient ; il n’est pas
téméraire de penser qu’il en était de même du Niger.

Le cours moyen de ce fleuve, de Koulikoro à Tosaye, présente des
particularités très remarquables.

En amont du Macina, le Niger a toutes les allures d’un vieux
fleuve fidèle à sa vallée qu’il occupe depuis longtemps ; il
est profondément encaissé ; au-dessus du lit actuel, on distingue
toute une série d’anciennes terrasses qui racontent les progrès
lents de l’érosion ; à côté de ces caractères d’ancienneté,
les nombreux rapides qui, au sud de Koulikoro, entravent souvent la
navigation sont un indice de rajeunissement. En aval de Tosaye et
surtout d’Ansongo, le Niger a des berges fort nettes ; son cours
présente d’innombrables rapides ; il est en plein travail et ceci
est un signe de jeunesse ; des vallées suspendues, parfois à une
vingtaine de mètres au-dessus du fleuve, ne s’y raccordent pas
et semblent appartenir à un autre âge et probablement à un autre
réseau hydrographique.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XXXIV.

[Illustration : Cliché Pasquier

65. — CHALANDS SUR LE NIGER. RÉGION DE GAO.

La rive droite, qui forme le fond, ne présente pas de relief.]

[Illustration : Cliché Posth

66. — LA VALLÉE DU NIGER ET LE VILLAGE DES TIRAILLEURS, VUS DU
POSTE DE BOUREM.

On voit nettement les divagations du fleuve.]

Dans son cours moyen (fig. 65, p. 175), dans le bassin de Tombouctou,
le fleuve semble ne pas avoir de passé ; c’est à peine même
s’il a un présent. Il s’étale en marécages immenses et
s’égare en d’innombrables marigots qui, dans la région
lacustre surtout, forment un absurde réseau ; à certaines saisons,
dans quelques-unes de ses branches, il lui arrive de refluer sur
lui-même. Dans tout ce bief, long de plus de 800 kilomètres, la
pente est nulle et l’eau s’écoule à peine. Au mois d’août, en
pleine crue, sa vitesse ne dépasse pas 6 kilomètres à l’heure :
c’est la vitesse du Rhône en temps ordinaire, vitesse qui est
souvent triplée (18 km.) en temps de crue. Quelques photographies,
en particulier celle de la planche XXXIV (phot. 66), montreront
combien le cours du Niger est mal défini.

Le seuil de Tosaye, où le Niger quitte le bassin de Tombouctou,
est d’une importance capitale ; au delà du seuil, le courant
devient plus fort ; la rupture de pente est bien accusée. Cependant,
en des pays moins plats, ce point serait à peine remarqué ; le
pittoresque y est médiocre ; rien qui puisse être appelé une gorge,
encore moins un défilé ; l’érosion n’a fait qu’échancrer
l’arête cristalline, y creusant des falaises de quelques mètres ;
le temps lui a manqué pour faire plus grand. L’eau n’y trouve
encore qu’un écoulement difficile et lent et s’accumule en
amont en masses énormes, surtout dans la région lacustre.

On a encore peu de renseignements sur les lacs qui s’étendent sur
la rive droite du fleuve, entre le Niger et Hombori ; Desplagnes
[_Le Plateau central nigérien_] en a donné une carte, mais sans
explication ; ceux de la rive gauche (Faguibine, Horo) sont mieux
connus[161].

Un fait assez imprévu, et qui semble bien établi par les mesures
concordantes des lieutenants Figaret et Villatte, est que le
Faguibine est en contre-bas d’une dizaine de mètres relativement au
Niger. Malgré le sens de la pente, les crues du fleuve, qui varient
de 5 à 8 mètres, ne suffisent pas à remplir chaque année cette
importante dépression. Quelques barrages de médiocre importance
s’y opposent, apportant une bonne confirmation à l’idée du
desséchement en quelque sorte mécanique du Sahara [cf. t. I,
ch. II].

Cette irrégularité dans les crues se traduit par de grandes
variations dans l’état des lacs et dans la richesse du
pays. Lenz, en 1880, ne mentionne que quelques étangs autour de
Ras El Mâ ; il est possible que ses guides l’aient trompé et
lui aient soigneusement caché la nappe d’eau principale ; mais
il est plus vraisemblable, et mieux d’accord avec les traditions
indigènes, qu’il est passé dans la région à un moment de grande
sécheresse. D’après le chef du village de Fatakara, ce n’est
que trois ans après la venue du voyageur allemand que les Daounas,
stériles depuis de longues années, purent être ensemencés. Pendant
quelques années, les récoltes furent superbes.

En 1894, le Faguibine était un grand lac : Hourst y a vu une énorme
nappe d’eau, sur laquelle il lui paraissait dangereux de naviguer
dans une barque non pontée ; en 1905, son niveau avait baissé de
7 m. 50 et Ras El Mâ était à 30 kilomètres de la rive ; parfois
même, assurent les indigènes, il ne reste du Faguibine que quelques
débris dans les parages des rochers de Taguilem, où les fonds ont
quelque profondeur.

Villatte pense qu’un canal de 8 kilomètres de long, reliant le
Fati au Télé, permettrait aux eaux du Niger de pénétrer tous
les ans jusqu’au Faguibine, assurant une fertilité régulière
à d’immenses territoires ; il ne semble pas qu’au point de
vue technique l’établissement de ce canal puisse présenter
de difficultés.

Avant de l’entreprendre toutefois il sera prudent d’être mieux
fixé sur les régions qui sont situées au nord et à l’ouest du
Faguibine. La dépression du Djouf est en contre-bas d’au moins
une centaine de mètres et il est à peu près certain que le Niger
y a autrefois abouti [cf. t. I, p. 55]. Il ne faudrait pas oublier
l’exemple qu’a donné récemment le Colorado qui, profitant d’un
canal de dérivation, a failli abandonner le Pacifique pour créer
un lac important dans le Salton Sink[162] ; il serait plaisant, sous
prétexte d’irriguer les Daounas, de renvoyer le Niger dans son
ancien lit et de ruiner une bonne partie de l’Afrique occidentale.

Les Maures affirment en effet qu’un chenal continu, partant de
Ras El Mâ, relie la Faguibine à Oualata ; le service géographique
des colonies (Carte au 2000000e, feuilles 1 et 2) a tenu compte de
ce renseignement et figure le Dahar Oualata en falaise, qu’elle
prolonge au nord-ouest jusqu’à Tichitt, en plein Djouf.

Diverses légendes confirment d’ailleurs cette ancienne direction du
Niger ; on a conservé le souvenir d’une époque où le Niger, ou,
pour mieux dire, un de ses bras, un marigot, se remplissait parfois
jusqu’à Araouan ; des ruines sont connues dans le Djouf ; près
d’Oualata, il existerait deux villes importantes aujourd’hui
abandonnées ; entre Araouan et Taoudenni, Ed Denader aurait été
peuplé par les Kel Antasar. Cette précision relative semble indiquer
qu’il s’agit d’une ruine récente ; le desséchement du pays
serait d’hier.

Cependant une autre tradition, dont je dois l’indication à Gsell,
permet de croire que depuis fort longtemps le Niger a cessé de
couler du sud au nord. Hérodote [livre II, chapitre XXXII] raconte
l’histoire de cinq jeunes gens de la tribu des Masamons qui, partis
du littoral de la Grande Syrte, traversèrent, pendant de longs jours,
le désert en marchant vers le couchant : ils arrivèrent ainsi
dans un pays où il y avait des arbres et qu’habitaient des nains
de couleur noire qui les firent prisonniers. Ces nains leur firent
traverser, par de longues marches, des marécages et les conduisirent
dans leur capitale, qu’arrosait un grand fleuve où se jouaient
des crocodiles, et qui coulait de l’ouest vers l’est. On ne voit
guère que le Niger qui corresponde à ces indications ; la présence
de pygmées dans la partie occidentale du Soudan est d’accord avec
les légendes que Desplagnes a recueillies [_Le Plateau central
nigérien_, p. 69 et 71] ; leur souvenir est resté assez vivant
dans le plateau nigérien d’où ils auraient été refoulés dans
la grande forêt équatoriale à une époque assez récente.

Il serait dangereux d’attribuer à ce récit une grande importance,
mais il serait puéril de le rejeter _a priori_.

Le phénomène de capture qui s’est produit à Tosaye n’est
pas douteux ; il s’agit là probablement d’un événement
géologiquement récent : le récit d’Hérodote est peu clair,
les traditions indigènes sont plus nombreuses et plus précises ;
elles sont d’accord avec la présence de ruines et avec les faits
géographiques ; on peut donc admettre, avec quelque vraisemblance,
que le changement de lit du Niger n’est pas très vieux et
que l’archéologie permettra peut-être de dater avec quelque
exactitude cette importante modification des conditions de la vie
dans le bassin de Tombouctou. Elle serait, d’après Desplagnes,
antérieure au Néolithique africain qui est sans doute bien récent.


=Bassin d’Ansongo.= — Que se passait-il entre le bassin du Niger
et celui de Taffasasset, alors qu’ils étaient distincts ?

J’ai déjà mentionné précédemment l’existence de vallées
suspendues le long du Niger entre Niamey et Gao. Ces vallées sont
en général assez larges, bien encaissées dans des berges élevées
parfois de 5 à 6 mètres (fig. 79, p. 275).

Leur hauteur au-dessus du Niger est très variable ; près de Gao,
elles sont à 4 ou 5 mètres au-dessus du niveau du fleuve ; à
Ansongo, le poste est bâti sur des graviers à 7 mètres au-dessus
du Niger ; il y a 80 kilomètres entre Gao et Ansongo et le fleuve
ne présente pas de rapides.

Plus au sud, vers Niamey, les vallées suspendues dominent le fleuve
d’une trentaine de mètres ; il y a entre Ansongo et Niamey 280
kilomètres et de très nombreux rapides. Les altitudes n’ont été
déterminées qu’au baromètre ; elles accusent une cinquantaine de
mètres de différence entre Gao et Niamey, au niveau du Niger. Il
est impossible d’en conclure quoi que ce soit sur les niveaux
relatifs des vallées suspendues et de savoir si celles de Niamey
sont au-dessus ou au-dessous de celles de Gao. La cartographie de
ces régions est encore trop sommaire pour que l’on puisse savoir
si ces vallées suspendues s’arrêtent au Niger ou si elles le
traversent et se continuent au delà du fleuve : j’en ai aperçu
d’assez nombreuses sur chaque rive, mais ce n’est pas d’une
pirogue que l’on peut les étudier sérieusement.

Plus au sud, Hubert a observé des faits analogues, sur lesquels il
donne peu de détails.

Malgré ces incertitudes, ces vallées sont cependant la preuve d’un
changement profond dans le régime des cours d’eau de la contrée,
soit qu’elles n’aient jamais eu de rapport avec le Niger, soit
qu’elles en soient d’anciens affluents.

Ce bassin, dont Ansongo occupe le centre, semble assez bien délimité
vers l’ouest par l’arête cristalline qui va de Tosaye à
Hombori ; partout ailleurs ses limites sont assez indécises :
ce coin de la boucle du Niger a été encore à peine parcouru.

En tous cas ce bassin est mal modelé ; il est occupé par un grand
nombre de mares, Merri, Doro, Gossi qui, d’après les renseignements
qu’a bien voulu me donner le capitaine Aymard, sont, à la saison
des pluies, de véritables lacs dont le périmètre dépasse 100
kilomètres ; à la fin de la saison sèche, elles n’ont plus
que quelques lieues de tour. Le Telemsi est jusqu’à présent le
moins mal connu des fleuves de ce bassin ; prenant sa source dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, il contient parfois de l’eau dans
des mares, mais ne coule plus ; il se raccorde fort mal avec ceux de
ses affluents de la rive droite qui prennent leur source au nord du
Bourem ; Combemorel [_Comité Af. française_, janv. 1909] met bien
en évidence ce caractère hétérogène du réseau.

Il est assez vraisemblable, sans qu’il soit possible pour le moment
d’en donner la preuve positive, que ce bassin d’Ansongo a été
un bassin fermé, intercalé entre le Niger et le Taffassasset.

Comme agents du modelé, les bassins fermés sont des outils
médiocres ; ils ne peuvent subsister que dans les régions où les
pluies sont rares, et à cette cause d’infériorité manifeste,
ils ajoutent encore leurs propres effets. Lorsqu’un fleuve se
jette dans la mer, les sédiments qu’il y apporte ont un volume
parfois considérable, mais à coup sûr négligeable devant le cube
de l’Océan ; dans un bassin fermé, il n’en est plus de même
et toutes les fois que le fleuve travaille, il surélève lui-même
son niveau de base aux dépens des matériaux qu’il a arrachés aux
parties les plus hautes de son bassin, deux actions dont les effets
s’additionnent pour diminuer la pente du fleuve et restreindre sa
puissance ; il est impossible aux affluents d’une mare de remonter
leur tête bien loin et tous les phénomènes de capture ont chance
de se faire à leurs dépens.

Le Taffassasset était bien placé pour sortir vainqueur de
la lutte ; s’il faut en croire Hubert [_Thèse_, p. 155] les
fleuves côtiers du Dahomey portent la trace d’un abaissement
de 40 mètres de leur niveau de base, aussi tous présentent-ils,
à leur sortie de la région cristalline, une rupture de pente très
nette. Quoique l’invariabilité de niveau, affirmée par Hubert, de
la plate-forme ancienne, depuis l’Éocène, soit peu vraisemblable,
le rajeunissement de tous les cours d’eau du Dahomey paraît bien
établi. L’embouchure du Taffassasset en était trop proche pour
que le fleuve n’ait pas puisé dans ce mouvement négatif une
nouvelle vigueur. L’un de ses affluents attaquant l’Atacora,
créait le W et pénétrait au cœur du bassin d’Ansongo.

La masse d’eau qu’il y trouvait lui permettait de remonter
rapidement sa source et de rejoindre à Tosaye le Niger, qui
probablement déjà venait s’étaler paresseusement, à l’époque
des crues, sur toute la surface du bassin de Tombouctou, vaste plaine
sans relief où aucun obstacle ne pouvait l’arrêter.

Ce qui n’était d’abord qu’un petit affluent de l’ancien
Taffassasset, devenait la branche maîtresse du réseau ; le dallol
Bosso, profitant du nouvel état de choses, prenait une grosse
importance et peut-être, dès la capture du bassin d’Ansongo,
décapitait, au nord de Tahoua, le Taffassasset et obligeait tous
les oueds descendus de l’Aïr ou de l’Ahaggar à abandonner les
dallols de l’Adr’ar’ de Tahoua.

Pour agir ainsi, il fallait que tous ces fleuves soient encore
bien vivants et ceci nous reporterait à l’époque où les oueds
sahariens étaient encore de vrais cours d’eau, à l’époque
du Néolithique africain. L’étude du Niger donne peut-être une
date plus rapprochée, mais sa capture est postérieure à celle
du bassin d’Ansongo. Peut-être n’est-il pas absurde de penser
que la suppression des grands lacs du Djouf, suppression qui a dû
suivre la capture du Niger, a pu avoir une répercussion sur le
climat du Sahara et diminuer de quelques tornades la quantité de
pluie qui tombait sur l’Ahaggar. Le Taffassasset coule encore
parfois jusqu’à In Azaoua où les puits sont peu profonds (7
m.). Peut-être faudrait-il peu de chose pour lui rendre la vie.

D’autres hypothèses sont possibles. Le lieutenant Dulac croit que,
autrefois, le Niger passait au sud du plateau de Bandiagara ; il a
pu suivre en tous cas une vallée bien tracée, se dirigeant vers
l’est et qui pouvait avoir abouti vers Say ou Niamey ; il attribue
ces changements hydrographiques à des mouvements tectoniques et aussi
à des accidents volcaniques dont la région de Hombori présenterait,
paraît-il, des traces (communication verbale).

Les mouvements tectoniques récents ne sont pas rares en Afrique ;
la faille du Touat en est une preuve [cf. t. I, p. 236] ; les
_Senilia senilis_ de l’Angola forment une plage soulevée à 200
mètres. Nul doute qu’ils n’aient aidé certains phénomènes
de capture et qu’ils n’en aient entravé d’autres.

Je n’ignore pas que cet essai de synthèse est trop hardi et
dépasse largement ce que l’on peut légitimement déduire de
quelques faits d’observation.

Il importait surtout de bien mettre en évidence l’ampleur des
modifications que le réseau hydrographique a subies au Soudan ;
il était nécessaire d’attirer l’attention des chercheurs sur
ces questions si complexes, pour la solution desquelles les efforts
d’un grand nombre ne seront pas inutiles.


=Le Tchad et le Bahr El Ghazal.= — Le bassin du Tchad n’est encore
que partiellement connu ; le Chari et ses affluents, la Komadougou
et le lac lui-même ont été relevés avec soin et l’on en peut
dresser une carte d’ensemble avec une certitude suffisante. Au
nord-est du Tchad les données sont beaucoup plus imprécises.

Avoisinant le lac à l’est, un plateau d’élévation moyenne
assez faible, long de 200 kilomètres du nord-ouest au sud-est, et
large de 150, porte différents noms correspondant à divers aspects
topographiques : le Chittati, tout proche du Tchad, est caractérisé
par des cuvettes fermées, en général elliptiques, en contre-bas du
plateau ; la falaise atteint parfois 50 à 60 mètres. Dans le Kanem,
les dépressions, longues de 6 à 7 kilomètres, sont généralement
orientées nord-sud et voisines les unes des autres. Des dunes
élevées, hautes parfois de 100 mètres et fixées maintenant par la
végétation, donnent au Manga son principal caractère [Freydenberg,
_Thèse_, p. 56, 74].

Ce plateau tranche très nettement par la nature de son sol sur
les dépôts d’alluvions, argileux et sableux, qui, à partir
du 9° Lat. N., forment la plaine où, sans thalwegs bien définis,
serpentent les principaux affluents du Tchad ; le Kanem est peut-être
un témoin des grès et argiles du Tegama.

A l’est de ce plateau se trouvent quelques dépressions qui, jadis,
ont été des lacs.

L’Egueï, large d’une trentaine de kilomètres, s’étend,
du nord-ouest au sud-est, sur une longueur de 150 kilomètres ;
un peu plus loin se rencontrent le Toro et le Bodelé, à contours
encore mal précisés ; passant au sud du Kanem et de l’Egueï,
un sillon, le Bahr El Ghazal, est creusé depuis le Tchad jusqu’au
Bodelé qu’il vient rejoindre dans la région du Djourab.

Nachtigal, le premier, a vu ces régions ; il y a signalé des
coquilles et des débris de poissons. Ces dernières années,
l’Egueï et le Bodelé ont été étudiés à nouveau par Mangin ;
les Melania et les vertèbres de poissons qu’il en a rapportées,
montrent bien que ces dépressions étaient récemment encore
occupées par d’importantes nappes d’eau douce et qu’elles
faisaient partie d’un plus grand Tchad.

Toute cette zone de bas-fonds, d’anciens marais, paraît nettement
limitée vers le nord ; une série de hauteurs, où plusieurs oueds,
dont le moins mal connu est le Tin Toumma[163], prennent naissance,
s’étend de Dibbela au Tibesti et sépare le bassin de Bilma de
celui du Tchad ; vers le sud, le lac Fittri, alimenté par le Batha
qui descendait de l’Ouadaï, et la dépression que Chevalier
désigne sous le nom de lac Baro, ont été en relation évidente
d’affluent avec le Tchad.

Vers le nord-est les choses sont beaucoup plus obscures ;
le Tibesti, dont certains sommets atteignent 2700 mètres,
forme un massif important de grès dévoniens (?) couronnés de
formations volcaniques. Cette haute barrière s’approche vers
le sud-est de l’Ennedi, région élevée qui semble se relier
au Darfour. D’après les renseignements du capitaine Cornet,
Freydenberg [_Thèse_, p. 78] indique que la partie occidentale
de l’Ennedi, la seule connue, est un pays de plateaux formés
d’assises gréseuses, bariolées et dures ; ces plateaux sont
entaillés de profondes vallées qui se dirigent vers le Bahr
El Ghazal.

Entre le Tibesti et l’Ennedi se place une région relativement
basse, riche en eau, le Borkou, où l’on compte quelques oasis. Les
renseignements géologiques relatifs au Borkou sont peu nombreux
et vagues ; on y a signalé des grès durs, analogues à ceux
de l’Ennedi, (Dévonien ?) et des grès tendres, argileux,
maculés d’oxyde de fer (Crétacé ? Éocène ?). Nachtigal
mentionne expressément, au sud-ouest du Borkou, une arête abrupte
haute d’une trentaine de mètres, l’Amanga. Contre l’Amanga
s’appuient des formations calcaires riches en coquilles [_l. c._,
p. 430].

Tout cela est bien flou et apporte peu de lumières sur une des
questions les plus obscures encore de la géographie africaine.

On ne sait pas encore, d’une façon positive, si le Tchad est
le centre d’un bassin fermé ou si, comme le pensait Nachtigal,
le Bahr ne serait pas son émissaire.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de savoir si actuellement le Bahr El
Ghazal coule vraiment vers l’est, mais bien si la pente générale
des vallées est vers l’est, et si ce ne sont pas des phénomènes
de barrages du lit par des actions éoliennes, ou des phénomènes
de capture en amont du Tchad, qui ont arrêté dans leur marche
vers l’est les eaux du Chari et de la Komadougou. L’exemple du
Faguibine montre nettement que, aux confins du désert, un fleuve peut
abandonner son ancien lit, sans qu’il y ait inversion de la pente.

Un fait d’une importance capitale et qui avait déjà frappé
Nachtigal est que les eaux du Tchad sont douces ; elles restent
buvables même pendant les périodes de sécheresse. On ne peut
invoquer l’absence de sel dans la région : les mares à natron
abondent au voisinage et donnent lieu à d’importantes exploitations
à Buné, à Gourselik, dans le Chittati, etc.

Les eaux de rivière contiennent toujours, en solution, des matières
salines et si le Tchad est un bassin fermé, toutes celles qu’ont
charriées, depuis des siècles, les divers affluents du lac, ne
peuvent se trouver que dans le Tchad. Il est possible de se rendre
compte de la rapidité avec laquelle peut s’accroître la salure
du lac sous cette seule influence.

Toutes les observations recueillies, et les traditions indigènes
citées par Freydenberg, sont d’accord pour montrer que si le
Tchad présente d’une année à l’autre de grandes variations de
niveau, il reprend cependant périodiquement les mêmes contours ;
on peut donc admettre qu’en moyenne, il reçoit annuellement autant
d’eau de ses affluents qu’il en perd par évaporation. Supposons
en outre que les années où il est le plus bas, il conserve encore
autant d’eau qu’il en perd par évaporation ; il est probable,
d’après les données d’observation, les sondages surtout, qu’il
en conserve beaucoup moins, ce qui rendrait l’accroissement de la
salure plus rapide encore.

Ceci nous permet de mettre le problème en équation ; appelons _s_
la surface moyenne du lac, _h_ la hauteur d’eau qui s’évapore
chaque année ; _sh_ sera le volume d’eau évaporé annuellement
et aussi celui que les affluents amènent au lac ; 2 _sh_ sera le
volume moyen des eaux du lac.

A défaut d’analyse des eaux du Chari et de la Komadougou,
nous savons que les eaux douces renferment en moyenne 18/100000 de
matières salines dissoutes ; le chiffre le plus élevé 66,5/100000
est fourni par les eaux qui ont circulé sur des graviers ou des
alluvions, le plus faible 5,94/100000 par les eaux de sources, issues
des granites et des gneiss. Si nous prenons ce dernier chiffre, la
quantité de sel que chaque année ses affluents amènent au Tchad
sera _sh_ 5,94/100000

L’eau de mer contient 35/1000 de matières dissoutes ; l’équation

  _sh_ 5,94/100000 _x_ = 2 _sh_ 35/1000

nous donnera donc le nombre d’années, _x_, nécessaire pour que
le Tchad soit aussi salé que l’Océan, si le double mécanisme
de l’apport d’eau par les affluents et de son enlèvement par
évaporation, était seul en jeu. On trouve ainsi une douzaine de
siècles ; les eaux qui contiennent 6/1000 de sels sont réputées
tout à fait inbuvables, même au Sahara : il suffirait de 200 ans
pour arriver à cette salure.

Deux corrections, de même sens, allongeraient un peu ce délai ;
il faudrait tenir compte de la petite quantité d’eau presque pure
que la pluie tombant sur le lac apporte au Tchad : cette quantité
est certainement inférieure à 0 m. 50 et l’évaporation enlève
plus de 2 mètres d’eau. Sur les bords du lac, dans les parties
desséchées, un peu de sel peut être entraîné au loin par les
coups de vent, mais cette correction, difficile à calculer, est
probablement négligeable.

Ces deux causes ne suffiraient probablement pas à doubler le nombre
de siècles nécessaires pour transformer le Tchad en un lac salé.

Ce nombre (deux siècles) est en somme assez faible, et le fait que
les eaux du Tchad restent buvables, prouve qu’un mécanisme doit
intervenir, qui empêche l’accumulation du sel dans le lac.

Le capitaine Dubois[164] suppose que le sel va se déposer sur
les bords du Tchad dans des golfes souvent à sec : « le Tchad
se dénatronise automatiquement par le seul jeu de ses crues et de
ses décrues ». L’enseigne de vaisseau d’Huart a exprimé la
même idée, en la précisant davantage : « Le fait que le Tchad
crée autour de lui une série de mares littorales qui se séparent
petit à petit de la masse principale par des cordons sablonneux,
et qui ne s’alimentent plus qu’aux hautes eaux, jusqu’à
leur isolement complet et définitif, explique à la fois et la
création des nappes de natron et la douceur des eaux du lac. Le
Tchad se dessale dans les mares qui, se trouvant à la périphérie,
reçoivent toutes les matières lourdes en suspension entraînées
par la masse des eaux[165] ».

Cette explication n’est peut-être pas suffisante ; les habitants
des îles du Tchad, pour qui le natron est un objet d’échange
important, le recherchent avec soin, souvent assez loin de la
côte ; « un des points les plus importants où l’on en trouve,
à Kelbouroum, est à deux jours de marche dans l’intérieur »
du Kanem [Destenave, _l. c._] ; Freydenberg [_Thèse_, p. 53] cite,
entre le pays de Foli et le Tchad, au voisinage immédiat du lac,
entre N’Gouri et Massakory, une région où les mares à natron
sont abondantes et donnent lieu à une exploitation assez active :
le grand marché de natron se tient à Wanda.

Combien de sel se dépose dans les mares de la périphérie du
Tchad ? La superficie du lac est d’environ 20000 kilomètres
carrés ; en admettant une évaporation de 1 mètre seulement par an,
et, pour les matières salines amenées par les affluents 5,94/100000,
la quantité de sel apportée annuellement au lac serait, en tonnes

  (20000 × 1000[165] × 5,94)/100000

c’est-à-dire plus de un million.

Les chiffres de Nachtigal donneraient un tonnage plus élevé ;
il avait calculé que le Tchad recevait annuellement 100 kilomètres
cubes d’eau, dont 60 fournis par le seul Chari qui amènerait à lui
seul plus de 3 millions de tonnes de matières salines dans le lac.

Il est difficile de se faire une idée exacte de la quantité de
sel retiré des eaux du Tchad par le commerce.

Il est douteux que le chiffre en soit important : d’après le
commandant Gadel, les caravanes enlèvent annuellement de Bilma, qui
est un marché considérable, environ 4000 tonnes de sel, dont une
bonne partie est vendue au Bornou, sur les bords du lac ; le commerce
de Taoudenni donne des chiffres analogues : il est vraisemblable
que l’exportation du Tchad est aussi misérable, et cependant
les produits naturels ne lui suffisent pas : tout autour du lac,
des villages vivent de la fabrication du natron qu’ils préparent
par lessivage des cendres du _Salvadora persica_ ; le produit ainsi
obtenu est plus riche en potasse que le natron des mares, mais les
indigènes n’y regardent pas de si près et se dispenseraient de
ce travail s’ils pouvaient l’éviter.

Le fait que le natron de Wanda, comme le sel du Kaouar, est vendu
jusqu’au Bornou, est un indice certain de l’absence ou de
l’extrême rareté de mares exploitables sur la rive occidentale
du lac.

Il y a donc en somme quelques points des bords du Tchad où le sel
se dépose ; le phénomène n’est pas général. Dans les régions
où il se produit, il est insignifiant puisqu’il ne suffit pas à
alimenter le commerce si réduit de l’Afrique centrale et qu’aux
produits naturels du sol, il faut ajouter les fruits de l’industrie.

Que le mécanisme, indiqué par Dubois et d’Huart, enlève
régulièrement un peu de sel au Tchad, cela n’est pas douteux,
mais il n’en résulte pas que ce mécanisme soit suffisant pour
maintenir douce l’eau du lac. Il y a trop de disproportion entre
les chiffres du sel amené par les affluents et du sel enlevé par
l’industrie ; ces chiffres ne sont pas du même ordre de grandeur.

Il faut donc admettre que le sel s’en va autrement et l’on ne voit
guère d’autre solution possible que l’existence d’un émissaire
du lac. Nachtigal avait attribué ce rôle au Bahr El Ghazal, et
c’est en effet le seul fleuve dont le rôle soit discutable : tous
les autres, morts ou vivants, sont certainement des affluents du lac.

Que la douceur des eaux du Tchad ne puisse bien s’expliquer que
par l’existence d’un effluent, c’est déjà un argument d’un
grand poids, mais l’étude du Barh El Ghazal lui-même peut seule
être décisive.

Un premier point n’est pas douteux : pendant les grandes eaux
du Tchad, le Bahr El Ghazal se remplit et les eaux gagnent vers
le nord-est. Tahr, un chef du Dagana, racontait en 1823 à Denham
que le lac s’écoulait bien autrefois par cette rivière qui
allait se perdre dans un lac qui s’était desséché depuis peu ;
Tahr ajoutait que les débordements du lac diminuaient tous les ans
d’importance ; les dires des indigènes recueillis par Freydenberg
confirment ce point : vers 1830 le lac a été à sec, ce qui a
permis aux Bouddoumas d’aller piller le Bornou. Vers 1851[166], à
l’époque du passage de Barth et d’Overweg, le lac au contraire
était très haut et envahissait le Bahr El Ghazal ; il en était de
même en 1870 et les indigènes espéraient que le Bodélé allait
être inondé (Nachtigal) et qu’on pourrait comme au milieu du
XVIIIe siècle aller au Borkou en pirogue.

Il est inutile de multiplier ces exemples : toutes les fois qu’il
y a une grande crue du lac, et ces crues sont périodiques, le
trop-plein se déverse dans le Bahr El Ghazal, mais ceci ne prouve
rien sur le sens de la pente : quand la Loire donne, ses affluents
sont obligés de rebrousser chemin.

Les mesures d’altitude sont encore rares et aucune n’a été faite
par des méthodes précises. Cependant Nachtigal et le capitaine
Mangin ont trouvé tous les deux que la pente était vers le
nord-est : le Toro et le Djourab seraient l’un et l’autre à une
centaine de mètres au-dessous du Tchad. Malgré l’incertitude qui
entache les indications des anéroïdes, incertitudes qu’aggravent
encore l’absence d’observatoires fixes et par suite de
corrections, il est impossible de négliger ces données. Freydenberg
fait remarquer que le Tchad est entouré d’une ceinture de dunes ;
l’observation est exacte, mais il a tort d’en conclure que
le Tchad est un centre de basses pressions ; toutes les dunes que
j’ai vues, de Woudi à Kouloua, près du rivage nord du lac, ont
leur pente douce tournée vers le Tchad c’est-à-dire vers l’est
à Woudi, vers l’ouest à Kouloua ; s’il en est ainsi partout,
le Tchad serait un centre de divergence du vent, par suite un centre
de hautes pressions ; si les observations de Mangin et de Nachtigal
ont été faussées par cette cause, les différences d’altitude
qu’ils ont trouvées seraient trop faibles, et la pente vers le
nord-est serait encore plus marquée qu’ils ne l’ont indiqué.

Il convient d’ajouter toutefois que les dunes qui entourent le
Tchad ont leurs sommets arrondis, qu’elles sont fixées par la
végétation : ce sont des dunes mortes, témoins d’un régime
antérieur. Si le Tchad a été autrefois un centre de hautes
pressions, il n’est pas certain qu’il le soit encore ; les
observations météorologiques anciennes de Barth et de Nachtigal,
résumées par Schirmer, celles plus récentes de Foureau, sont
d’accord avec les observations de Freydenberg et les miennes pour
indiquer, dans la région du Tchad, grande prédominance des vents
du nord-est, prédominance qui est la règle dans la majeure partie
du Sahara.

Le capitaine Mangin a recueilli, entre l’Egueï et le Toro, un
certain nombre de cailloux roulés dont la position est indiquée avec
précision sur une des cartes qu’a publiées Freydenberg[167]. Ces
cailloux sont des grès et des calcédoines qui ne peuvent guère
provenir que du Tibesti ; cela prouve que le Bahr El Ghazal recevait
des affluents de ce massif montagneux ; je ne crois pas que l’on
en puisse rien déduire sur le sens dans lequel coulait le Bahr
El Ghazal.

Le commandant Bordeaux précise cet argument ; il note que le lit
du Soro (Bahr el Ghazal) au voisinage du Tchad, est exclusivement
argileux ; à mesure que l’on va vers le nord-est, on y rencontre
du sable et même, dans l’Egueï et la dépression de Broulkoung,
des cailloux roulés[168]. La remarque est intéressante, mais non
décisive : à sa sortie du Léman, où les eaux se sont décantées,
le Rhône ne charrie que du limon. Un peu plus loin, ses affluents,
descendus des Alpes, lui apportent des graviers et des galets. Il faut
attendre, pour se prononcer en toute certitude, un levé plus complet
et plus détaillé du réseau hydrographique au nord-est du Tchad.

Il est impossible de conclure d’une manière ferme, mais l’idée
que le Bahr El Ghazal est un affluent du Tchad, semble avoir pour
elle deux arguments importants : les observations barométriques
concordantes de Nachtigal et de Mangin, et la douceur relative des
eaux du lac.

Si le raisonnement et les calculs qui ont conduit à attribuer une
valeur capitale à l’absence, ou, tout au moins, à la rareté
du sel sont corrects, on pourrait pousser plus loin l’induction,
bien que la méthode soit dangereuse. Nulle part, entre le Tchad et
le Borkou, on ne connaît de dépôts de sels assez considérables
pour donner lieu à un grand commerce ; on cite seulement deux points,
Dini et Arouellé, où le sel soit exploité dans l’Ennedi, au sud
du cours probable du Bahr el Ghazal [Bordeaux, _l. c._, p. 220]. Les
plantes signalées dans la région (irak, doum, hâd, tamarix) sont
celles des terrains à peine salés. Au surplus, dans l’Egueï,
les puits qui sont situés sur les bords de la dépression sont
natronés et l’eau qu’ils contiennent est imbuvable ; ceux qui
sont au milieu, dans la partie qui a été la mieux lavée, dans le
thalweg, contiennent seuls de l’eau douce ; Mangin attribuait,
à juste raison, une grande importance à cette remarque ; elle
tendrait à prouver que le sous-sol du pays contenait primitivement
du sel, et que seul le temps a manqué au Chari et au Bahr El Ghazal
pour l’entraîner plus loin. Les mares à natron du Manga peuvent
conduire à une conclusion analogue qui n’est pas en désaccord
avec le peu que l’on sait de la géologie de ces régions :
la mer les a couvertes pendant le Crétacé et le Nummulitique,
mais c’était une mer peu profonde, une mer continentale sur
les bords de laquelle un régime lagunaire pouvait facilement
s’établir. Ainsi donc, nous pouvons suivre le Bahr El Ghazal
jusqu’au Borkou, sans trouver de points où ait été déposé
le sel qu’il entraînait ; au delà c’est l’inconnu, mais
Mangin avait appris de ses informateurs indigènes qu’une piste,
jalonnée de nombreux points d’eau, allait du Borkou vers l’est ;
la description semble indiquer le lit d’un oued qui, passant entre
le Tibesti et l’Ennedi, prolongerait jusqu’au centre du désert
libyen le Bahr el Ghazal. Il semble peu probable que ce fleuve soit
arrivé au Nil ; il y a 1500 kilomètres du Borkou, dont l’altitude
est de 200 mètres (au plus), à la première cataracte (97 m.). La
pente, voisine de 1/25000, suffit pour permettre l’écoulement
d’un fleuve, mais elle est trop faible pour qu’il puisse lutter
contre l’ensablement ; de plus la rive gauche du Nil est bordée
de plateaux, et l’on ne voit pas où aurait été le confluent.

La Méditerranée est encore plus loin que le Nil, la pente par
suite plus faible ; rien n’indique qu’entre l’Égypte et Ben
Ghazi se soit jamais jeté un fleuve important.

Il semble plus vraisemblable que le Bahr El Ghazal, s’il a jamais
réussi à franchir la barrière du Tibesti et de l’Ennedi, ait
déposé le sel dans quelque chott du désert de Libye, désert dont
l’étude est encore à peine ébauchée.

Les causes qui ont arrêté les eaux du Chari dans leur marche
vers le Borkou, sont celles que nous avons déjà trouvées pour
la plupart des oueds du Sahara : les indigènes avaient affirmé
à Barth que les communications entre le lac et le Bahr El Ghazal
avaient été interrompues par une dune ; il est vraisemblable
aussi que les alluvions amenées au lac et qui ont créé toutes les
îles du Tchad n’ont pas été étrangères à l’obstruction de
l’émissaire. L’état de choses actuel serait en grande partie
attribuable à des causes mécaniques.

Une autre cause a pu intervenir et rendre le fleuve moins apte
à lutter contre ses alluvions. Barth avait déjà indiqué que
par le Toubouri, les eaux du Logone, le principal affluent du
Chari, s’écoulaient parfois par le Bénoué et gagnaient ainsi
l’Atlantique. Le Toubouri a été revu depuis par le capitaine
Lœffler en 1900, par la mission Lenfant et plus récemment par la
mission Moll[169]. Il s’agit bien d’une dépression reliant les
deux bassins hydrographiques ; à la saison sèche, les parties les
plus basses sont occupées par une série de lacs, larges parfois
de 3 à 4 kilomètres et dont la longueur peut atteindre 15 à 20 km.

A la saison des pluies, tous ces lacs se confondent en un seul qui,
par la plaine d’Eré, est en relation avec le Logone ; le courant
est en général dirigé vers le sud-est, vers le Bénoué ; il
est parfois cependant inversé et le trop-plein se déverse dans
le bassin du Tchad. Le résultat final de la lutte entre les deux
fleuves n’est pas douteux ; le Mayo Kabbi, qui est le déversoir
régulier du Toubouri, descend brusquement du plateau Laka par
les chutes Gauthiot, et ce supplément d’énergie lui permettra
certainement de décapiter le Logone. Bien que, au point de vue des
ravitaillements, on ait singulièrement exagéré l’importance
de cette communication, il est nettement acquis qu’une partie
des eaux, qui jadis allaient au Tchad, se dirigent maintenant vers
l’Atlantique ; cette fraction ne pourra que s’accroître.

Cette saignée n’a pu qu’affaiblir le Bahr El Ghazal : les crues
du Tchad perdent de leur puissance et n’ont plus assez de vigueur
pour chasser les obstacles qui barrent le cours de l’effluent.

Nous prenons là, en quelque sorte sur le fait, l’impuissance des
bassins fermés à se défendre longtemps contre les phénomènes
de capture.

Le capitaine Meynier, dans une très intéressante étude sur le
régime hydrographique du Soudan [_Rev. Col._, V, 1905, p. 257-264],
avait fait ressortir la fréquence des coudes en forme de crosses qui
font revenir sur leurs pas un grand nombre de fleuves du Soudan ;
l’exemple du Niger est typique ; le Sénégal coupe, entre Billy
et Médine, les montagnes du Bambouk par une série de chutes dont
l’origine paraît récente ; dans le territoire de Zinder, le
Taffassasset, après avoir coulé du nord au sud, s’infléchit vers
l’ouest, puis se rabat vers le sud ; plusieurs de ses affluents,
comme le Goulbi n’Kaba, présentent à un moindre degré le même
caractère.

Presque tous les fleuves soudanais, d’abord entraînés par la
pente générale du terrain vers le nord, dans la région déprimée
où ont pu pénétrer les mers du Crétacé et de l’Éocène,
rebroussent chemin au contact du désert. Comme dans le Sahara
algérien, le sable engorge les chenaux ; les sédiments amenés par
le fleuve dans des bassins de petite étendue relèvent le niveau
de base, diminuent la pente et enlèvent au fleuve une partie de
sa vigueur ; il se forme ainsi une série d’obstacles de plus en
plus difficilement franchissables, et depuis le Macina nigérien
jusqu’au Bahr El Ghazal nilotique, en passant par le Tchad, les
eaux stagnent et forment une série de marais.

Mais par surcroît, un élément nouveau intervient au Soudan. En
Algérie, les fleuves tributaires de la Méditerranée, mal alimentés
par des pluies insuffisantes, ont un débit médiocre ; ils sont
d’assez maigres outils d’érosion. Même, s’il faut en croire
Grund[170], quelques-uns auraient succombé dans la lutte et auraient
été décapités par des affluents des Chott.

Au Soudan, au contraire, la saison des pluies amène de violents
orages ; l’érosion y acquiert une grande intensité, d’autant
plus efficace qu’entre l’Atlantique et les hautes plaines
de la zone sahélienne il n’existe aucune barrière montagneuse
comparable à l’Atlas algérien (fig. 8, p. 14). Dans ce pays sans
grand relief, les puissantes rivières méridionales, alimentées
par les tornades tropicales qui, tombant sur un sol le plus souvent
imperméable, déterminent des crues violentes, étendent fort loin
leur bassin ; par une puissante érosion régressive, elles attaquent
les derniers tributaires du Sahara et par de multiples captures
tendent à les faire tous rentrer dans le bassin de l’Atlantique.


[Note 157 : On écrit aussi « Dalhol ». — Monteil [_De Saint-Louis
à Tripoli_, p. 197] donne un croquis géographique qui montre bien
l’importance de ces vallées.]

[Note 158 : _C. R. Ac. Sc._, 15 avril 1901.]

[Note 159 : Chevalier, Un voyage scientifique à travers l’Afrique
occidentale, _Annales de l’Institut colonial de Marseille_, 1902,
p. 104.]

[Note 160 : Germain, in Chevalier, _L’Afrique Centrale française_,
p. 462.]

[Note 161 : Villate, _La Géographie_, XV, avril 1907, p. 253-260.]

[Note 162 : _La Géographie_, XV, avril 1907, p. 299-302.]

[Note 163 : Tin Toumma s’applique à la fois à une région du
nord du Tchad et au fragment d’oued qui la traverse.]

[Note 164 : Dubois, _Annales de Géographie_, XII, 1903, p. 353.]

[Note 165 : D’après Cel Destenave, _Revue générale des Sciences_,
XIV, 1903, p. 652.]

[Note 166 : Barth, _Reisen_, 1857, IV, p. 437.]

[Note 167 : _La Géographie_, XV, 1907, p. 163.]

[Note 168 : _Id._, XVIII, 4, 1908, p. 224.]

[Note 169 : _Bull. Comité de l’Afr. fr._, 1904, p. 186 ; — 1907
(_Rens. col._), p. 224 ; — 1907, p. 387, etc.]

[Note 170 : _Die Probleme der Geomorphologie am Rande von
Trockengebieten_, Sitz., KK. A. W. Wien, XV, 1906, p. 525-543.]




                              CHAPITRE VI

                          LES DUNES FOSSILES

        Les extensions du désert. — Les ergs morts. — Leur âge.


=Les extensions du désert.= — A lire la plupart des auteurs qui
se sont occupés du Soudan, il semblerait établi que, depuis un
petit nombre de siècles, le désert s’étend rapidement et gagne
de plus en plus vers le sud. Ce serait, si elle était démontrée,
une affirmation grave et qui enlèverait tout intérêt aux efforts
considérables qui sont actuellement faits pour tirer partie de nos
possessions soudanaises.

Heureusement, les faits invoqués semblent pouvoir donner lieu à
une interprétation différente et moins fâcheuse pour l’avenir.

Les habitants de Zinder savent qu’il y a quelques années,
une source existait auprès de leur village ; elle s’est tarie
vers 1891. Gouré, dont Barth (1850) a vanté l’importance (9000
habitants) et la richesse en eau, n’est plus guère qu’un pauvre
village (600 habitants en 1905) qui se meurt de soif. On sait que
le climat de France et de la Méditerranée n’a pas varié au
moins depuis l’époque romaine ; cependant des périodes plus
sèches ou plus humides ont été mises en évidence : l’étude
des changements de niveau de la Caspienne, celle des glaciers et de
leurs crues ont été singulièrement fécondes à ce point de vue.

Les observations de Barth et les souvenirs des indigènes montrent
peut-être tout simplement que, au Soudan comme en Europe, les
premières années du XXe siècle ont été moins pluvieuses que
le milieu du XIXe siècle. Les traditions indigènes, recueillies
par Freydenberg, sur les oscillations du Tchad sont conformes,
elles aussi, à la loi de Brückner, d’accord par suite avec ce
que l’on connaît en Europe.

La décadence évidente de certaines villes de l’Aïr (Agadez,
Asoday), l’abandon complet de certaines autres (Es Souk dans
l’Adr’ar’, Takaredei dans l’Aïr) ne peuvent guère être
attribués, en toute certitude, à une aggravation séculaire de
la sécheresse ; ces villes n’ont jamais été que des relais de
caravanes et des entrepôts de marchandises ; leur ruine a suivi
l’abandon de routes commerciales que l’insécurité du pays,
variable avec des causes purement humaines, rendait trop dangereuses.

La ruine des villages qui, au temps de la splendeur du royaume
sonr’ai, étaient nombreux à l’est de Gao, est due à
l’invasion des pasteurs touaregs : la région qu’occupent
actuellement les Oulimminden est très analogue au Mossi ; l’eau
s’y trouve à peu de profondeur (de 2 à 20 m.) ; les terres
cultivables y existent en grande quantité : elles conviendraient
surtout à la culture du petit mil dont on trouve partout quelques
pieds, poussés au hasard d’une graine échappée d’un sac : il
ne manque à cette région, pour être encore fertile, que d’être
habitée par des sédentaires [cap. Pasquier[171]].

Inversement on a opposé à plusieurs reprises [Schirmer, _Le Sahara_,
p. 92 ; de Lapparent, _Traité de Géologie_, 5e édition, p. 142]
l’état de sécheresse du Tin Toumma (au nord du Tchad) au moment
du voyage de Barth (juin 1855), à l’aspect verdoyant que lui
attribue Rohlfs (juillet 1866) ; le Tin Toumma est en dehors de
la zone des pluies régulières qui au Tchad ne commencent qu’en
juin ; il suffit d’ailleurs d’un orage accidentel pour amener
un pareil changement, en deux ou trois semaines tout au plus, dans
la végétation du pays[172].


=Les ergs morts.= — A côté de ces faits qui peuvent s’expliquer
facilement par des oscillations à courte période du climat,
il existe des preuves certaines qu’à une époque antérieure,
et peut-être pas trop lointaine, la zone qui, vers le 15° de
Lat. N., s’étend de la région du Tchad jusqu’au littoral de
l’Atlantique, a été un véritable désert.

La plus décisive de ces preuves est l’existence d’un certain
nombre d’ergs, comparables par la surface qu’ils recouvrent
à ceux du Sud algérien et qui, depuis leur formation, ont été
remaniés par la pluie, fixés par la végétation, de sorte que
l’on peut les considérer comme des ergs morts, des ergs fossiles.

Les dunes qui entourent le Tchad, à l’ouest et au nord tout au
moins, appartiennent à cette catégorie, de même que celle du Kanem
et du Chittati [Freydenberg]. Plus à l’est, dans l’Egueï et
le Bodelé, il y a quelques dunes mobiles, mais Nachtigal a jugé
que ce fait méritait d’être signalé expressément.

Un massif de sable important, assez compact, commence à Chirmalek ;
sa limite méridionale est indiquée en gros par une ligne droite,
allant de Chirmalek au sud du Mounio (100 km.). Vers le nord, il
s’appuie sur le Koutous et peut être suivi au moins jusqu’aux
campements tebbous de Tassr et de Dalguian (150 km.). Les dunes
de cet erg, basses et assez espacées vers l’est, deviennent
plus importantes vers l’ouest, au voisinage du Mounio, comme à
Dalguian. J’ai compté six bras d’erg entre Boulloum et Dalguian
(10 km.) dont les sommets, malgré les pertes qu’ils ont subies,
ont encore 10 à 15 mètres de haut. Quelques dunes sont un peu plus
élevées, comme celle qui, visible d’une quinzaine de kilomètres,
signale les puits de Tassr. Toutes les dunes de cet erg indiquent
qu’à l’époque où elles se sont formées, les vents dominants
soufflaient, comme aujourd’hui, d’entre est et nord-est.

[Illustration : Fig. 69. — Répartition des Ergs.]

Séparé du Mounio par la plaine de Nogo, un autre erg s’appuie à
l’ouest sur les massifs d’Alberkaram et de Zinder ; sa superficie
est à peine moindre que celle du précédent, et il semble se relier,
en passant au sud du massif ancien d’Alberkaram, à l’erg qui
s’étend de Zinder à l’Adr’ar’ de Tahoua.

Les dunes existent, nombreuses aussi, dans les terrains de parcours
des Oulimminden entre Gao et l’Azaouak, où Pasquier ne mentionne,
comme relief, que des buttes de sable et des plateaux latéritiques.

Elles couvrent la majeure partie du bassin de Tombouctou où
elles s’étendent au nord jusque vers Taoudenni. Cortier et
Nieger ont décrit avec soin ces bras d’ergs qui s’étendent
de l’est à l’ouest avec une grande régularité sur plus de
100 kilomètres. L’orientation de ces dunes, perpendiculaires
à la plupart de celles que l’on observe au Sahara, est très
remarquable ; elle le devient davantage encore par le fait que, au
sud d’Araouan, toutes les dunes fossiles ont leur versant abrupt
sur le nord ; entre Araouan et Taoudenni au contraire, les dunes
vivantes ont leur versant abrupt vers le sud. Il n’est pas légitime
d’en conclure, avec Cortier [_La Géographie_, XIV, 1906, p. 341],
à l’existence d’un centre de dépression vers Araouan, puisque
les deux ergs ne sont pas contemporains ; mais il est intéressant
de constater qu’aux vents du sud, qui dominaient autrefois dans
la région, se sont substitués des vents venant du nord.

Des ergs fossiles existent aussi en Mauritanie et au Sénégal ;
dans cette dernière région, à la faveur de pluies plus abondantes,
les formes sont devenues presque méconnaissables. Il a fallu les
travaux de précision et les recherches attentives du capitaine
Friry pour enlever toute hésitation : les amas de sable dont il
m’a montré les coupes dans les tranchées toutes fraîches du
chemin de fer, auprès de Thiès, ne peuvent être interprétés
que comme des dunes fossiles, maintenant très étalées.

On sait que les dunes, dont la réunion constitue un erg, ne peuvent
se former que dans des conditions bien déterminées : il faut
d’abord du sable suffisamment fin qui, dans le Sahara tout au moins,
semble toujours provenir des alluvions de fleuves aujourd’hui
desséchés ; il faut de plus une sécheresse assez grande pour
que les alluvions, devenues impropres à toute végétation, ne
soient retenues par aucune racine. Le vent intervient alors ; il
entraîne au loin, en les soulevant parfois à une grande hauteur,
les fines poussières argileuses qui sont l’origine des brumes
si fréquentes au Sahara méridional et au Soudan ; il laisse en
place les cailloux et les graviers qui donnent naissance aux regs,
si caractéristiques du désert, enfin il traîne le long du sol, sans
le soulever de plus de quelques mètres, le sable, l’accumulant le
long des obstacles où s’édifient des dunes ; ces dunes sont fixes
dans leur position, si l’obstacle qui leur a donné naissance est
fixe lui-même, ce qui semble être le cas le plus fréquent pour
les dunes continentales un peu hautes, qui ne sont le plus souvent
que des collines ou des plateaux ensablés[173]. Mais si la dune
est fixe, les matériaux qui la constituent, au moins à la surface,
sont remaniés et renouvelés à chaque coup de vent : la forme est
toujours rajeunie et les arêtes, les sifs, conservent toujours une
grande netteté [cf. t. I, Pl. III et X].

On connaît aussi le profil habituel d’une dune : du côté
du vent, une pente assez douce, sous le vent, une paroi presque
verticale de quelques mètres, au pied de laquelle commence un
talus de sable éboulé, incliné d’environ 45°. En plan,
la forme théorique, en croissant (Barkane) semble très rare au
Sahara, comme partout : jusqu’à présent, je ne l’ai vue bien
développée que dans la région du cap Blanc où des barkanes
typiques assez nombreuses atteignent une hauteur de 10 mètres,
et sur des dunes insignifiantes, hautes de quelques centimètres,
dans la vallée de l’oued Botha. Lorsque cette forme manque, la
dissymétrie de la dune reste cependant toujours reconnaissable ;
il n’y a d’ailleurs pas lieu d’insister sur des notions aussi
classiques [Sokolow, _Die Dünen_, Berlin, 1894].

On sait moins comment les dunes se modifient, lorsque disparaissent,
ou s’atténuent, les conditions qui leur ont donné naissance.

Les vraies dunes, les dunes vivantes, ont une surface et pour
ainsi dire un épiderme parfaitement glabre et prodigieusement
délicat. Les moindres caprices du vent s’y inscrivent au moyen de
rides légères, et le passage des plus petits insectes, en menus
caractères cunéiformes, couvrant le sable de jolies arabesques ;
la fuite d’une gazelle détermine des éboulements sérieux et
à la place d’une empreinte fine et délicate, chaque pas laisse
une trace énorme, un entonnoir d’une dizaine de centimètres ;
le passage d’un homme ou d’un méhari détermine de véritables
effondrements qui rendent la marche dans l’erg singulièrement
pénible. Surtout la crête, presque tranchante, qui forme le sommet
de la dune est en équilibre particulièrement instable : lorsque
par hasard, une caravane est obligée de la franchir, il suffit de
quelques hommes pour l’abattre : quelques coups de pieds la font
écrouler et permettent d’établir, sans gros effort, une piste
accessible aux chameaux.

Cette crête ne peut évidemment subsister qu’à condition de se
régénérer constamment.

Lorsque, dans une région de dunes, un climat humide, même
légèrement, envahit le désert, la pluie a plusieurs effets :
agissant par érosion, elle tend à étaler le sable et à substituer
au profil typique de la dune vivante (fig. 70) un profil plus flou
et des formes plus adoucies. Si ce mécanisme était seul en jeu,
les dunes disparaîtraient rapidement sans laisser aucune trace ;
mais à côté de son œuvre de destruction, la pluie provoque deux
sortes de phénomènes qui ont, l’un et l’autre, pour effet de
consolider le sable : à chaque averse, l’eau de pluie, plus au
moins chargée d’acide carbonique, dissout dans le sol le carbonate
de chaux et d’une manière générale tous les sels solubles ;
dès que le soleil se montre à nouveau, la surface tend à se
dessécher ; de l’eau, chargée de sel, vient, par capillarité,
remplacer sans cesse l’eau évaporée et abandonne à son tour le
calcaire qu’elle tenait en dissolution, donnant ainsi naissance
à un grès plus ou moins bien cimenté. Ce mode de fixation est
bien connu en Europe : dans la Méditerranée orientale notamment,
on exploite souvent un grès tendre, assez facile à travailler,
le « poros », qui provient de dunes consolidées.

Pobéguin[174] a montré récemment, sur le littoral du Maroc,
des exemples fort nets de cette fixation des dunes. Une observation
précise, faite dans la cour du caïd Si Aissa ben Omar, montre que
ce phénomène peut se produire rapidement : des silos, creusés
depuis moins de dix ans, sont partiellement tapissés d’une croûte
calcaire et portent quelques stalactites. Bien que, dans cet exemple,
il ne soit pas question de dunes, les conclusions que l’on en peut
tirer sont évidemment applicables à la vitesse de lapidification
du sable.

Au Sahara, le calcaire est rare, mais dans certains cas tout au
moins le fer peut le remplacer : beaucoup de grès ferrugineux
superficiels (latérite), analogues à ceux que l’on connaît
dans quelques dunes des côtes d’Europe, n’ont pas d’autre
origine (cf. chap. VII, II). Sur les bords du Niger, les preuves
de ce fait abondent ; parfois même, comme entre Gao et le Tondibi,
les concrétions ferrugineuses sont intercalées en plein sable.

Ces concrétions sont quelquefois le seul témoin qui reste d’une
dune disparue : on peut les trouver sur n’importe quelle roche,
argile ou granite même, qui n’ont pu leur donner naissance ;
souvent la position où on les trouve exclut toute possibilité
de transport par l’eau : Gautier a noté, dans le sud de
l’Adr’ar’, un lambeau de ces grès latéritiques, niché au
pied et à l’abri d’une protubérance rocheuse sur les flancs de
laquelle ils remontaient, dans une position qui eût admirablement
convenu à une petite dune dont ils étaient sans doute le résidu,
position qui rend inadmissible leur genèse par l’eau courante.

Même lorsque les éléments minéraux, nécessaires à la formation
du ciment d’un grès, font défaut, la pluie fixe la dune en
favorisant le développement de la végétation ; les beaux travaux
qui, depuis Brémontier, ont permis d’arrêter les ravages des
dunes sur les côtes d’Europe, permettent de ne pas insister sur
l’efficacité de ce mode de fixage.

Dans toute la zone où les pluies tropicales se font régulièrement
sentir, le sol, pendant la saison d’hivernage tout au moins, est
complètement couvert d’herbe ; les arbres y persistent seuls en
saison sèche et le sol, tassé par la pluie, fixé par l’entrelac
des racines, est tout aussi résistant qu’un autre à la marche : il
ne reprend sa mobilité que sur quelques pistes trop fréquentées,
surtout sur celles que les Européens ont voulu perfectionner,
en les rendant aussi nues qu’une grande route de France.

Malgré tous ces changements que la pluie a amenés avec elle dans les
vieux ergs du Soudan, les dunes sont encore bien reconnaissables à la
nature de leur substance qui est du sable pur, à la dissymétrie de
leur relief, à l’incohérence des mamelons et des creux qui nulle
part ne s’ordonnent en un système hydrographique défini ; les
pistes y ont une allure toute particulière « en montagnes russes »
et l’ensemble reproduit très exactement les formes topographiques
des forêts de pins des Landes, bien que les arbres de la forêt de
Tombouctou, ni d’aucune forêt du Soudan, ne soient comparables,
ni comme grandeur ni comme densité, à ceux des pignadars.

Parfois la topographie devient très compliquée, surtout lorsque,
aux dunes mortes anciennes, viennent se superposer des dunes plus
récentes. Les exemples de ce fait ne sont pas très rares au Soudan
et j’en ai noté de fort nets auprès de Bemba, mais les plus
intéressants, ou tout au moins ceux que j’ai pu étudier de plus
près, sont en Mauritanie.

Sur le littoral de l’Atlantique, de Saint-Louis jusqu’au delà
de Nouakchott, la mer recule d’une façon constante depuis fort
longtemps et les lignes de rivages successives sont marquées par
des chaînes côtières parallèles entre elles et à la côte,
et séparées par des plaines, les aftoutt, larges de quelques
kilomètres. La dune littorale actuelle, le « sbar », est formée
par les vents d’ouest, par la brise de mer, et il en a été de
même des chaînes de l’intérieur, qui, lors de leur naissance,
étaient littorales. Mais dès que l’on s’éloigne un peu du
rivage, les vents d’ouest perdent rapidement de leur intensité
et le premier rôle passe au vent d’est ou du nord-est.

J’ai observé, auprès de Boguent, la disposition qui est
schématisée figure 70, 2 et 3. En β, une dune ancienne, couverte
d’euphorbes, appartient aux ergs fossiles ; elle dessine encore fort
nettement un croissant à concavité tournée vers l’est. La dune
α, de formation récente, lui est adossée ; son arête est très
vive et aucune végétation n’y pousse. C’est dans l’angle
sud de l’_x_, formé par les deux croissants, que se trouvent les
puits de Boguent.

A Nouakchott (fig. 70, 4) les faits sont tout aussi nets, bien
que les deux dunes soient moins distinctes : la dune nouvelle
n’est encore qu’un appendice de l’ancienne : la photographie
(Pl. XXIII, phot. 43) montre que le flanc oriental, celui qui est
abrupt, est très attaqué par le vent d’est qui prend la dune
à rebrousse-poils : les euphorbes sont déchaussées. Les exemples
d’érosion éolienne sont rarement aussi manifestes ; peut-être
le voisinage du poste et les nécessités de la cuisine ne sont-ils
pas étrangers à cette ampleur inusitée de l’effet du vent,
qu’arrête mal une végétation devenue trop clairsemée.

[Illustration : Fig. 70. — Ergs morts.

1, Transformation de la section d’une dune. — 2, 3, Dunes à
Boguent (Mauritanie) ; 2, A l’ouest, dune actuelle, vivante ; à
l’est, dune morte (environ 500 mètres d’une pointe à l’autre
du croissant) ; 3, Section des deux dunes suivant αβ. La crête
de la dune est à 15 mètres au-dessus de la plaine. 4. La dune
de Nouakchott (Mauritanie). — Les hachures indiquent les dunes
fossiles.]

Les ergs morts du Soudan ont une importance moins considérable que
les ergs vivants du Sahara. La surface qu’ils occupent paraît
un peu plus restreinte et surtout les dunes sont moins hautes ; la
plupart d’entre elles ont à peine 3 ou 5 mètres ; beaucoup sont
encore plus basses et n’excèdent pas quelques décimètres. L’une
des plus élevées, celle de Nouakchott, n’a pas 15 mètres ; l’on
aurait vite épuisé la liste des dunes du Soudan qui atteignent
une semblable altitude. La dune de Tassr qui, de très loin, sert
de signal, n’a pas 20 mètres ; elle se détache nettement sur
tout l’erg environnant. Il est bien clair qu’il faut faire la
part de l’érosion dans ce faible relief ; toutes les dunes du
Soudan ont été évidemment plus hautes, peut-être du double,
mais elles n’ont certes jamais atteint à la hauteur de celles du
Sahara. Il semble qu’il y ait, de ce fait, une explication assez
simple : les dunes continentales proviennent d’un remaniement,
opéré presque sur place, des alluvions fluviales. Les grands ergs du
Sahara correspondent aux bassins de fleuves puissants, l’Igharghar
et la Saoura, qui n’ont pas d’équivalents dans le nord du
Soudan, où, à part les dallols, les vallées quaternaires sont
à peine indiquées. On sait quel rôle jouent au Sahara les regs,
c’est-à-dire les sols alluvionnaires dépouillés par le vent de
leurs matériaux les plus légers, le limon et le sable : dans le
tanezrouft d’In Zize [cf. t. I, p. 4], le reg est particulièrement
typique et l’évolution semble complète. A l’est de l’Ahaggar,
le désert paraît plus jeune et le reg est moins dépouillé
d’argile : au sud du tassili de l’oued Tagrira, on marche
pendant quelques heures dans une vaste plaine d’alluvion dont la
surface est couverte de graviers ; parfois même des traînées de
galets, légèrement en relief, indiquent les places où les courants
étaient rapides ; c’est en petit ce que l’on peut voir au nord
de l’Ahnet où des levées de galets, en saillie parfois de près
de 1 mètre, indiquent la place des cours d’eau qui traversaient
le marais dont la sebkha Mekhergan est le dernier avatar. Mais dans
l’oued Tagrira, comme dans l’oued El R’essour, sous la couche
de graviers épaisse à peine de 1 à 2 centimètres, on trouve de
suite le sable argileux qui, dans l’ouest, n’apparaît qu’à
une dizaine de centimètres de profondeur. Nulle part, comme dans
le Sahara d’In Zize, les alluvions n’ont été raclées à fond,
laissant voir à nu le sous-sol géologique. Il est difficile de ne
pas rapprocher de cette évolution incomplète du reg, l’absence ou
du moins l’insignifiance des dunes dans le bassin de Taffassasset :
entre l’Ahaggar et l’Aïr, il n’y a aucun erg important.

Dans la zone des ergs morts, les regs font à peu près complètement
défaut : à l’ouest de Moa (100 kilomètres au nord-est de Zinder),
on suit pendant quelques kilomètres une traînée de graviers,
large d’une cinquantaine de mètres ; au nord de la mare de Tarka
(à l’ouest du Damergou), quelques galets de latérite jalonnent
peut-être un ancien cours d’eau. Au sud de l’Adr’ar’,
dans la vallée du Télemsi, auprès de l’oued Idachi, quelques
graviers de quartz et de quartzites indiquent un reg que recouvrent
souvent les alluvions actuelles.

Ainsi donc le contraste est profond entre le Sahara et sa bordure
soudanaise : le réseau hydrographique du nord bien tracé, mais
fossile, n’a pas son équivalent dans le sud : les alluvions ont
fait défaut dans presque toute la région des ergs morts ; malgré
la sécheresse, le vent ne trouvait nulle part les matériaux qui lui
sont nécessaires pour construire une dune : le sable libre était
trop rare pour que les ergs puissent acquérir l’ampleur qu’on
leur connaît dans le Sahara algérien.

On a souvent constaté que les dunes étaient de bons enregistreurs
météorologiques ; elles indiquent nettement la direction du
vent dominant dans le pays où elle se sont formées ; mais cet
enregistrement n’est valable que pour l’époque où elles ont
pris naissance : les dunes de Mauritanie le montrent fort nettement.

L’étude des ergs fossiles ne peut nous donner aucun renseignement
sur le régime actuel des vents au Soudan, mais bien sur le régime
qui régnait lorsque ce pays était un désert ; elle nous apprend
qu’autrefois, comme de nos jours, les vents dominants venaient
de l’est et du nord-est ; elle nous montre que le Tchad était un
centre de haute pression et que, dans l’Azaouad, les vents venaient
du sud. Les renseignements précis sont encore trop clairsemés pour
que l’on puisse pousser bien loin l’examen de cette météorologie
fossile.


=Âge des ergs morts.= — L’âge de ces ergs morts est impossible
à fixer avec précision et sans doute n’est-il pas unique.

Dans la région de Tombouctou, les dunes fossiles recouvrent les
couches quaternaires à marginelles ; comme il était probable,
elles ne sont pas très anciennes ; j’ai indiqué que, sur le
littoral de Mauritanie, ces dunes fossiles tracent les étapes
successives du recul de la mer ; elles ne sont pas contemporaines
les unes des autres ; les plus anciennes sont voisines du Tegant,
les plus jeunes de l’Atlantique.

Les tombeaux berbères ne sont rares ni dans la région de Gao ni
dans celle de Tahoua ; ils ne sont jamais ensablés et plusieurs
d’entre eux sont bâtis au sommet de dunes fixées.

Les dunes fossiles sont plus jeunes que le Quaternaire marin de
Tombouctou ; elles sont plus anciennes que les tombeaux berbères. Ces
limites sont évidemment assez vagues, mais il importerait surtout
d’être fixé de manière précise sur les relations chronologiques
qui existent entre les oueds du Sahara et les ergs du Soudan : _a
priori_ en effet deux hypothèses se présentent : la période de
vie des fleuves du tanezrouft est antérieure à l’établissement
du désert au Soudan ou contemporaine de ce désert. Il serait
probablement absurde de penser qu’elle a pu être postérieure.

Dans le premier cas, il faudrait admettre qu’après une
période quaternaire humide, tout le nord de l’Afrique s’est
desséché[175] et que le désert beaucoup plus étendu jadis que
maintenant a perdu vers le sud tout le domaine des ergs morts :
le Soudan aurait largement gagné sur le Sahara.

Dans la seconde hypothèse, nous aurions eu une simple migration
du désert : au sud de la région qu’irriguaient l’Igharghar
et la Saoura, région largement habitée dans les vallées par
les néolithiques, s’étendait une zone sèche, le Sahara de
l’époque.

Un fait important semble indiquer que cette seconde hypothèse
est la vraie : un des caractères principaux des pays que couvrent
les ergs morts est le caractère provisoire et inachevé de leur
réseau hydrographique. Dans le Tegama, les vallées ne sont que
des chapelets de mares ; entre Gouré et le Tchad on ne connaît que
des dépressions fermées ; dans le bassin de Tombouctou, le Niger
n’a pas de berges, et son lit est à peine marqué.

Seuls les _dallols_ de la région de Tahoua sont des vallées bien
dessinées et qui, par leur ampleur, témoignent de l’importance
des fleuves qui les ont creusées. J’ai indiqué dans un chapitre
antérieur (ch. V, I) que ces fleuves disparus de l’hydrographie
actuelle ne pouvaient venir que du Nord : les dallols sont les
vallées anciennes du Taffassasset et de quelques-uns de ses
affluents, c’est-à-dire de fleuves descendus de l’Aïr, de
l’Adr’ar’ des Ifor’as, et surtout de l’Ahaggar et de
ses contreforts, tout comme l’Igharghar, le Tamanr’asset et
l’oued Botha. Cette communauté d’origine permet de croire que
tous ces fleuves ont vécu à la même époque : les dallols seraient
contemporains des vallées sahariennes.

Les principales vallées que l’on connaisse vers le 15° de
Lat. N. ont été creusées par des fleuves venus du nord, et
à l’époque où le Sahara était vivant ; partout ailleurs
l’érosion n’a pu qu’amorcer son œuvre : le temps lui a
manqué pour raccorder les différents tronçons des vallées.

Il n’y aurait donc pas eu changement notable dans les dimensions
du désert, mais une simple migration : à un certain moment,
encore indéterminé, du Quaternaire, le Sahara aurait été plus
méridional que maintenant.

Quelle que soit d’ailleurs l’hypothèse admise, plus grande
extension du Sahara ou migration du désert, le changement de climat
est indéniable et il resterait à en chercher les causes.

Des modifications importantes du régime météorologique sont connues
dès longtemps en Europe et dans l’Amérique du Nord ; les diverses
périodes glaciaires en sont une des plus manifestes et l’on a
souvent cherché à les expliquer par des causes astronomiques : la
précession des équinoxes, les variations de l’excentricité de
l’orbite terrestre ont été à maintes reprises invoquées. Il
n’est pas niable que ces causes puissent avoir un effet sur le
climat de la terre, mais des causes plus voisines, des modifications
dans la distribution des mers et des continents interviennent d’une
manière plus efficace dans la constitution des climats : en janvier,
la température moyenne des îles Feroë dépasse de plus de 40°
celle d’Iakoutsk, situé à la même latitude.

Il ne faut pas remonter bien loin dans l’histoire de la terre,
pour rencontrer une cartographie bien différente de celle que
nous connaissons actuellement : les effondrements qui ont donné
naissance à la mer Rouge, à la Méditerranée, à l’Atlantique
nord sont d’hier et l’homme a peut-être assisté à quelques-uns
de ces phénomènes, comme semblent l’indiquer certaines légendes,
dont l’Atlantide est la plus connue.

Au sud du Sahara, nous avons des preuves que dans la région de
Tombouctou, la mer existait encore à une époque récente pendant
le Quaternaire ; un lac qui lui a succédé, a dû subsister assez
longtemps dans la région de Taoudenni ; la présence d’une grande
nappe d’eau, dans ce qui est aujourd’hui un des tanezrouft les
plus terribles du désert, modifiait certainement le régime des
vents. Les lacs que les géologues d’Égypte signalent dans le
Quaternaire ancien du désert de Libye, avaient un effet analogue.

Nous avons donc, à portée de la main, toute une série
de changements géographiques qui nous donneront la clef des
modifications survenues dans le climat de l’Afrique du Nord ;
il serait prématuré de chercher à préciser ; la chronologie du
Pleistocène et du Quaternaire est à peine établie en Europe ;
elle n’existe pas pour l’Afrique. On ne pourrait que bâtir
des hypothèses, jeu dangereux et sans portée, lorsqu’elles ne
reposent pas sur des faits indiscutables.

Quelle que soit d’ailleurs l’hypothèse qui prévaudra pour
justifier ces changements de climat, il semble établi qu’il
n’y a pas aggravation continue des conditions météorologiques
du Soudan ; il y a eu, au contraire, depuis le Pleistocène, une
amélioration considérable puisque, au désert, s’est substituée
une zone demi-fertile, la brousse à mimosées où l’élevage est
partout possible.

Les phénomènes de dessèchement que l’on observe localement
à la limite nord des pluies tropicales, dans la zone sahélienne,
tiennent sans doute à des oscillations à courte période, comme
on en connaît partout ; elles ne prouvent pas une péjoration
générale du climat. Les études précises sont encore trop jeunes
au Soudan, pour confirmer pleinement les traditions indigènes, mais
l’accord de ces traditions avec la loi de Brückner, loi basée
sur l’observation, leur donne du poids et ne permet pas de les
rejeter sans une discussion sérieuse, appuyée sur de nombreuses
années d’observations.


[Note 171 : _Rens. Col. Bull. Comité Afr. fr._, mai 1907, p. 122.]

[Note 172 : Lahache (_Bull. Soc. Géogr. et d’études coloniales de
Marseille_, XXXI, 1907, p. 147-185) a donné un bon résumé critique
des travaux parus sur le desséchement de l’Afrique française.]

[Note 173 : C’est ce que Parran a proposé d’appeler des dunes
de coteau. _Bull. Soc. Géol. Fr._ [3], XVIII, 1890, p. 245.]

[Note 174 : _Rens. Col. Bull. Com. Afr. Fr._, XVIII., oct. 1907.]

[Note 175 : L’hypothèse, souvent émise, d’un dessèchement
général de la terre, paraît bien discutable.]




                             CHAPITRE VII

                     QUELQUES QUESTIONS TECHNIQUES

I. =Roches.= — Roches anciennes. — Roches éruptives récentes
(In Zize ; — Ahaggar. — Air ; — Mounio ; — Zinder ; —
Melfi ; — Fita). — Provinces pétrographiques à roches alcalines.

II. =Latérites.= — Latérites. — Grès ferrugineux. — Produits
de décalcification.

III. =Salines.= — Taoudenni. — Bilma. — Les Teguiddas. —
Terre d’Ara. — Manga. — Folé.

IV. =Les agents désertiques.= — Érosion éolienne. — Insolation.


                          I. — =ROCHES=[176]


=Roches anciennes.= — Les roches éruptives, abondent dans tous
les terrains cristallins ; elles appartiennent principalement aux
deux séries des roches granitiques et des gabbros.

Un granite porphyroïde dont les grands cristaux sont souvent des
microclines a été signalé un peu partout, au Sahara, comme au
Dahomey ; des pegmatites à pâte rose ou rouge sont abondantes, dans
l’Adr’ar’ des Ifor’as, comme dans l’Ahaggar ou l’Aïr.

Des roches de couleur plus foncée, diabases et gabbros, sont
également très répandues. De même que les granites, elles sont
accompagnées de types porphyriques.

Toutes celles de ces roches qui jusqu’à présent ont été
étudiées, sont très semblables à celles que l’on rencontre
en Europe dans les formations de même âge (Archéen et Silurien
surtout au Sahara), et sont de type banal.

Il y a lieu de noter toutefois que, jusqu’à présent, les filons
ou les gîtes métallifères qui, ailleurs, accompagnent fréquemment
les roches éruptives paraissent manquer dans une bonne partie de
nos possessions africaines. Les minerais de cuivre et de plomb sont
faciles à reconnaître et l’on s’explique mal que, si ces métaux
existaient au Sahara, les indigènes n’aient su ni les découvrir ni
les utiliser. La chose serait d’autant plus invraisemblable que dans
la chaîne d’Ougarta [cf. t. I, p. 182] aussi bien que plus au sud,
au Congo et dans l’Ouadaï par exemple, le cuivre a été ou est
encore exploité par les indigènes. Presque partout d’ailleurs,
le fer, dont les minerais attirent moins l’attention et dont la
métallurgie est plus difficile, est connu des nègres, et dans
tout le Sahara, il existe au milieu des nomades quelques familles
de forgerons ; tout le cuivre qu’ils emploient, dans l’Aïr,
comme dans l’Ahaggar, provient d’Europe.

Il est donc vraisemblable que cette rareté des filons est réelle et
qu’elle ne tient pas aux lacunes de nos connaissances sur le pays.

Parmi les roches anciennes, deux encore méritent une courte
mention. On a souvent insisté sur la grande rareté des calcaires
en Afrique : le plus souvent, pour préparer de la chaux, on a
recours à des coquilles de mollusques, les _Ætheria_ qui, dans
tous les cours d’eau de l’Afrique intertropicale, forment des
bancs importants. Dans certaines parties du Sahara tout au moins,
les calcaires cipolins sont fréquents dans le Silurien ; il y en a de
belles lentilles au pied de l’Adr’ar’ Ahnet, dans l’Ahaggar,
près de Tamanr’asset et surtout dans l’Adr’ar’ des Ifor’as,
notamment au Nord d’In Ouzel et dans l’Adrar Tidjem ; j’en ai
vu quelques galets dans l’Aïr. Foureau a noté plusieurs fois des
cipolins [_Doc. Scientifiques_, p. 740 et sv.] et l’itinéraire
de Barth porte, en quelques points, la mention de marbre.

La serpentine est, elle aussi, assez répandue et donne lieu à de
petites exploitations : les beaux morceaux servent à faire les
bracelets de bras (_abedj_) que portent les Touaregs et un grand
nombre de noirs. La carrière que Voinot a vue, est au nord-ouest du
reg d’Amadr’or, dans les gours de Tin’Aloulagh ; elle consiste
en de petites excavations de 1 mètre carré tout au plus et profondes
d’une trentaine de centimètres. La roche est extraite avec une
simple pioche ou tout simplement avec le fer de la lance. D’autres
exploitations existent dans l’oued Aceksen (affluent de la rive
gauche de l’Igharghar), dans l’oued Tin Belenbila, entre le
Mouidir et l’Ahaggar, et dans l’Adr’ar’ des Ifor’as. Le
capitaine Posth en a trouvé dans l’Aïr à Gofat, près d’Agadez
et les carrières de Hombori sont célèbres dans la boucle du Niger.

L’âge des roches éruptives anciennes est difficile à fixer
d’une manière précise. Dans tout le Sahara central, elles semblent
antérieures au Dévonien ; les grès que constituent les tassilis du
nord, comme ceux du sud, ne sont coupés par aucun filon ; il n’y
existe même pas de filonnets de quartz. Les régions où le Silurien
paraît le plus jeune, l’Adr’ar’ Ahnet, le Bled El Mass, sont
au contraire lardées de filons éruptifs. N’oublions pas toutefois
que, sur les couches à graptolithes, les seules qui soient nettement
datées, tout renseignement stratigraphique fait défaut.

Vers l’ouest, dans la région de Taoudenni, le Carbonifère est
horizontal ; Mussel n’y signale pas de roches éruptives. Dereims
n’en a pas vu non plus dans le plateau dévonien de l’Adr’ar’
Tmarr.

Vers le nord, dans le Touat, à Tazoult, une roche ophitique traverse
le Carbonifère ; le Dévonien de la chaîne d’Ougarta est riche en
filons de quartz et a été parfois minéralisé. Mais nous sommes
ici dans la zone hercynienne et l’âge plus jeune des roches
éruptives est d’accord avec l’âge plus jeune des plissements.

Au sud du Sahara la question devient bien douteuse : E.-F. Gautier
a vu, dans les grès qui surmontent le Silurien à Tosaye,
de nombreux filons de quartz ; j’en ai noté aussi dans les
schistes interstratifiés de grès qui forment les rapides de
Labezzanga. Ces grès et ces schistes, plongeant parfois de 45°,
reposent en discordance sur le Silurien. Mais l’âge des roches
de Tosaye, comme de celles de Labezzanga, n’est prouvé par rien
et ce n’est que très provisoirement qu’on peut les rattacher
au Dévonien. Plus au sud encore, ni dans les grès de Gourma, ni
dans ceux de Hombori, d’âge indéterminé, peut-être dévonien,
on n’a signalé de roches éruptives.


=Roches éruptives récentes.= — Les roches éruptives récentes
présentent un intérêt plus considérable ; leur existence au
Sahara est connue depuis longtemps ; Barth avait signalé des volcans
et des laves dans l’Aïr, surtout dans sa partie méridionale ;
von Bary et Foureau ont confirmé ces indications.

Duveyrier avait ramassé quelques échantillons de basaltes, et
les renseignements qu’il avait recueillis lui faisaient croire
à l’existence de volcans dans l’Ahaggar. La mission Flatters,
celles de Foureau, le raid de Guilho-Lohan ont apporté de nombreuses
confirmations à l’hypothèse de Duveyrier.

Il est possible de présenter, dès maintenant, un tableau des
principaux centres éruptifs du Sahara et de donner quelques détails
sur quelques laves intéressantes.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                              PL. XXXV.

[Illustration : Cliché Laperrine

67. — IN ZIZE.

Le ravin qui conduit au point d’eau.]

[Illustration : Cliché Laperrine

68. — IN ZIZE.

L’aguelman, creusé dans une coulée de rhyolite.]

_In Zize._ — Un premier volcan, assez isolé, se trouve entre
l’Ahnet et Timissao, au milieu du tanezrouft. Ce massif d’In
Zize (In Zizaou-In Hihaou) est assez considérable ; il n’en reste
qu’un cratère ébréché en fer à cheval dont Tihimati est la
branche orientale, In Zize la branche occidentale ; au fond du fer
à cheval on aperçoit un erg.

Malgré tout ce qui a été enlevé par érosion, ce qui reste du
volcan a encore 35 kilomètres de diamètre ; peut-être davantage
s’il y faut joindre l’Adr’ar’ Nahlet.

Ce pâté montagneux a été autrefois un centre habité, comme en
témoignent de nombreux tombeaux ; parfois encore les oueds qui en
descendent se couvrent de verdure et les tentes de l’Ahnet ont pu
y passer l’hiver 1905-1906. Mais en général il est impossible
d’y séjourner avec un troupeau, et ce n’est pas ce pâturage
accidentel qui a rendu In Zize célèbre au Sahara.

L’altitude d’In Zize est assez considérable (800 m.) et il domine
la pénéplaine voisine d’environ 300 mètres. Ce relief suffit
pour y attirer quelques orages qui alimentent un point d’eau
très constant, en même temps qu’il permet de reconnaître
de loin la route : il est impossible, même à un mauvais guide,
de manquer l’aguelman d’In Zize, qui se trouve sur la route la
plus suivie de l’Ahnet, c’est-à-dire du Touat et du Tidikelt,
à l’Adr’ar’ des Ifor’as.

Le caractère volcanique d’In Zize n’est pas douteux ; au
nord du fer à cheval, la piste coupe une série de dykes verticaux
convergents ; nous avons dû, malheureusement, passer très vite en ce
point ; nos provisions d’eau, un peu courtes, ne nous permettaient
aucun arrêt.

Quand on s’approche d’In Zize et qu’on double la pointe nord
de ce massif, on a, de loin, l’impression d’une série de roches
stratifiées plongeant vers l’ouest ; cette apparence est due aux
coulées de rhyolithe, de couleur brun chocolat, dont la superposition
forme la masse principale du volcan. Ces laves sont encore souvent
recouvertes d’une gaine de scories qui prouvent qu’elles ont
coulé ; elles affectent souvent la forme de colonnes prismatiques. Au
microscope la roche est une rhyolite typique à grands cristaux
de quartz et d’orthose ; la pâte contient du quartz globulaire
avec amandes à larges sphérolites de feldspaths, passant parfois
à la micropegmatite. M. Lacroix, avec sa complaisance habituelle,
a bien voulu examiner les préparations de la roche d’In Zize,
comme d’ailleurs toutes celles que j’ai fait faire de mes roches
sahariennes ; on ne peut songer à une erreur de diagnostic.

Le caractère de la roche confirme donc pleinement l’impression que
donne l’aspect d’In Zize, dont Villate avait déjà affirmé
le caractère volcanique. Je n’insisterais pas sur ce point
s’il n’avait été contesté par Flamand ; bien que le savant
pétrographe d’Alger n’ait pas vu In Zize, un désaccord aussi
formel est de nature à alarmer. Flamand a été très frappé
de l’absence de cendres et de cinérites, dans les nombreux
échantillons rapportés d’In Zize. Une pareille lacune serait
grave partout ailleurs qu’au Sahara ; elle est ici facilement
explicable. On n’a jamais vu de près que l’aguelman et ses
abords immédiats : cet aguelman est dans le lit d’un torrent à
pente rapide : il n’y a sur le sol que de gros galets de roches
dures ; on ne peut espérer trouver de blocs de cinérites dans un
semblable milieu où ils seraient de suite pulvérisés (Pl. XXXVII,
phot. 71, 72). Sur les flancs du ravin, on voit souvent deux coulées
superposées, parfois séparées par des fentes de quelques mètres de
long, et béantes de quelques centimètres dans leur partie la plus
large : souvent, à l’Etna ou au Vésuve par exemple, il existe,
entre deux coulées, des amas de cendres dont la forme rappelle
singulièrement celle des fentes d’In Zize. La place de ces cavités
et leur forme montrent qu’elles n’ont pas pu être creusées par
l’eau ; elles ne paraissent guère explicables que comme dernière
trace de couches de cendres dispersées depuis longtemps par le vent
du désert ; ceci est d’accord avec les caractères généraux
du tanezrouft, que le décapage éolien a privé depuis longtemps
de ses éléments les plus mobiles. Les cendres, qui se trouvaient
entre les coulées, ont eu le même sort que les argiles dans les
alluvions ; le volcan d’In Zize a subi la même évolution qui,
tout à côté, donnait naissance aux regs.

L’âge du volcan d’In Zize est difficile à fixer ; les seuls
indices que l’on puisse invoquer sont tirés de l’état de
l’érosion. In Zize repose sur un socle archéen que l’on voit
nettement au nord de Tihimati et, au sud-ouest du volcan, à Foum
Ilallen. En ce dernier point, à 500 mètres du volcan, quelques
mamelons granitiques, hauts d’une quinzaine de mètres, portent
à leurs sommets des coulées de rhyolite ; le ravin qui conduit à
l’aguelman a creusé son lit dans les laves ; on voit par place,
sur 40 ou 50 mètres de haut, les coulées superposées tranchées
par l’érosion.

On ne peut évidemment pas conclure, en l’absence de données
paléontologiques, mais il semble probable que le volcan d’In Zize
date de la fin du Pliocène ou du début du Quaternaire : il est trop
bien conservé dans son ensemble pour être très vieux et, dans le
détail, il est trop érodé pour ne pas avoir subi l’action du
ruissellement à l’époque où il pleuvait au Sahara et où les
grands oueds, morts aujourd’hui, creusaient leurs lits.

On a la preuve que, plus au nord, la faille du Touat a rejoué
récemment ; toutes les rivières de l’Ahnet présentent des
phénomènes de capture et des traces de remaniements profonds que
confirme l’état jeune du relief. Il est difficile de ne pas
établir un rapprochement entre ces accidents tectoniques et le
volcan d’In Zize, qui se rattachent en somme à la même cause.

_Ahaggar._ — Dans l’Ahaggar les volcans sont nombreux et la
période d’activité a duré longtemps.

Entre Silet et Abalessa, la route coupe le cratère encore assez bien
conservé de l’Adrar Ouan R’elachem ; on met une heure et demie à
le traverser ; les débris du cône forment une série de monticules,
disposés en cercle, et dont les plus hauts atteignent 200 mètres ;
au centre de ce cercle, la place de la cheminée est encore indiquée
par du basalte en boules grosses comme la tête. L’activité de
ce volcan n’a cessé qu’à une époque récente ; une coulée en
descend le long de l’oued Ir’ir’i et s’arrête à environ 300
mètres au nord des ruines de la kasbah de Silet ; elle a été à
peine entamée par l’érosion. La lave est un basalte à péridot.

Dans l’Edjéré, Roche[177] avait signalé des coulées de basalte
aussi jeunes. Les recherches récentes de Voinot ont confirmé
ces indications ; et Flamand a reconnu, parmi les échantillons
rapportés, un basalte à péridot et une limburgite.

A Tit’, la vallée de l’oued est limitée au nord par un étroit
plateau (400 à 500 m. de large) couvert d’une coulée de basalte
que l’on peut suivre pendant une quinzaine de kilomètres, dominant
la rivière de 20 mètres. Sa pente m’a paru être vers l’est. Sur
les flancs du plateau on voit, par places, les débris d’une autre
coulée certainement plus jeune.

L’oued Tit’ traverse ce plateau à 7 ou 8 kilomètres en amont
du village ; plusieurs de ses affluents le coupent également.

Au voisinage du confluent des oueds Outoul et Adjennar, les coulées
sont nombreuses, mais insignifiantes ; elles sont à peine à quelques
mètres au-dessus des vallées ; elles paraissent converger vers un
petit mamelon qui pourrait bien être un cratère.

Autour de Tamanr’asset, les phénomènes volcaniques ont laissé
des traces nombreuses et importantes. L’Adr’ar’ Haggar’en
(la Montagne Rouge), dont le point culminant, le Tin Hamor, a une
altitude voisine de 1800 mètres, est bien vraisemblablement le reste
d’un volcan fortement démantelé dont il ne subsiste plus que
les parties profondes, consolidées par de nombreux dykes verticaux
(fig. 71). Une roche porphyrique rose forme la masse principale de
la montagne. Tout autour, de puissantes coulées de laves couronnent
les hauteurs, mais il n’en reste que des lambeaux formant le plus
souvent des gours isolés (Har’en (le pilon), Tindi (le mortier),
Télaouas) ; le lambeau le plus étendu forme le plateau d’Hadrian,
qu’entaille la brèche d’Elias, œuvre de quelque Roland berbère
(fig. 19, p. 43). Ce volcan est ancien : les coulées d’Hadrian
superposées sur une grande épaisseur, atteignent souvent 30 mètres
de puissance et dépassent parfois 70 mètres, au nord de la brèche
d’Elias par exemple ; leurs parties les plus basses sont à environ
120 mètres au-dessus des vallées. Ces coulées reposent souvent sur
des cinérites qui permettront sans doute de fixer leur âge. —
A 20 kilomètres au sud de l’Hadrian, l’Adjellella (fig. 72)
est un plateau de même type qui montre la grande étendue de la
nappe de laves : en tous cas, la roche est la même, une rhyolithe
ægyrinique de couleur grisâtre.

[Illustration : Fig. 71. — Le Tin Hamor et le Telaouas
(Ahaggar). — De Tamanr’asset (cf. fig. 19).]

A dix kilomètres au nord-ouest de Tamanr’asset, une coulée
basaltique moins puissante, 5 à 6 mètres seulement, forme le
plateau de Tideri, élevé de 150 mètres au-dessus de la vallée.

[Illustration : Fig. 72. — Coulée de rhyolithe ægyrinique,
formant le plateau de l’Adjellela. Ahaggar.

Probablement la même coulée qu’au plateau d’Hadrian (fig. 19)
et au Telaouas, à 25 kilomètres au nord.]

A quelques kilomètres au sud de Tamanr’asset, sur le piste
qui conduit à l’Adjellela, quelques petits oueds, affluents de
l’Ezerzi, ont une vallée assez encaissée ; on voit cependant par
places des débris d’alluvions quaternaires qui, à partir du lit
du ruisseau, donnent la coupe suivante (de bas en haut) :

1o Graviers et cailloux, 1 m. 60.

2o Tufs volcaniques, 1 mètre.

3o Éboulis des pentes.

La période d’activité volcanique a persisté longtemps autour
de l’Haggar’en ; elle n’a cessé qu’assez récemment et
il n’est peut-être pas déraisonnable de placer son début au
Miocène.

Tous les itinéraires autour de l’Ahaggar mentionnent de nombreuses
coulées de laves ; sur la Coudia, Guilho-Lohan et Motylinski en
signalent à plusieurs reprises. Enfin beaucoup plus à l’est,
Foureau a recueilli des téphrites et des limburgites provenant
vraisemblablement du Télout[178] (cf. _Esquisse géologique_).

[Illustration : Fig. 73. — Montagne d’Aoudéras. Aïr.

Cinérites et coulées basaltiques. — Aoudéras est à la cote
800 mètres, le sommet de la montagne à la cote 1400.]

_Aïr._ — On a déjà insisté sur le caractère volcanique
des principaux massifs de l’Aïr, dont beaucoup sont des
dômes[179]. Comme dans l’Ahaggar, la période active a persisté
longtemps : quelques coulées ont été à peine entamées par
l’érosion ; dans l’oued Tidek, au voisinage de l’Ohrsane,
les laves sont au niveau des vallées ; dans la plaine de Tar’it,
au nord d’Aoudéras, les coulées de basalte très étendues et
provenant sans doute du Doghen, sont récentes : le petit r’edir
d’Akara, creusé dans des granulites roses, est bordé à l’ouest
par des basaltes épais de 4 mètres dont la base est au niveau de
l’eau. Cette impression de jeunesse est confirmée par l’existence
à Tafadek (60 kilomètres au sud-ouest d’Aoudéras) d’une source
chaude dont la température atteint, d’après le capitaine Posth,
48°.

D’autres coulés sont certainement beaucoup plus anciennes ;
à une douzaine de kilomètres au nord-ouest d’Iférouane,
l’oued Kadamellet traverse, par un défilé étroit, un plateau de
gneiss et de micaschistes, dont la table est formée d’un basalte
doléritique, à structure ophitique. La coulée, épaisse d’une
dizaine de mètres, a sa base à 50 mètres au-dessus de l’oued.

Il est difficile de préciser le début de ces éruptions ; nous
avons cependant pour l’Aïr quelques éléments d’informations
qui jusqu’à présent font défaut dans l’Ahaggar. Le lieutenant
Jean a remis au laboratoire de géologie de la Sorbonne quelques
échantillons de calcaires provenant de Tafadek et d’un point
situé un peu au nord, Tamalarkat. L’âge de ces calcaires n’est
pas douteux ; outre quelques moules de mollusques, ils contiennent
de nombreux échantillons d’_Operculina canalifera_ d’Archiac,
de l’Éocène moyen. Les renseignements stratigraphiques font
défaut ; Jean [_l. c._, p. 141] signale seulement à Tafadek des
calcaires, des ardoises et des pierres ponces ; mais l’examen
de plusieurs plaques minces taillées dans les échantillons
fossilifères n’y montre qu’un calcaire très franc, sans
aucun élément attribuable aux volcans voisins. Les grès, les
calcaires et les meulières lacustres d’Assaouas et de Teguidda
n’Adr’ar’, situés à plus de 100 kilomètres au sud-ouest
d’Aoudéras, renferment de nombreux minéraux éruptifs, surtout
des feldspaths. Les échantillons ne contiennent malheureusement
que des traces de fossiles indéterminables, qui ne permettent pas
de fixer leur âge (p. 76).

[Illustration : Fig. 74. — Adr’ar’ Ohrsane (Nord de
l’Aïr). Pris de l’oued Tidek.

L’Ohrsane est une muraille de syénite.]

Tout incomplètes qu’elles soient, ces données prouvent cependant
que les volcans d’Aïr sont postérieurs à l’Éocène, comme
leur examen direct permettait d’ailleurs de le prévoir.

D’autres roches d’épanchement ont été signalées dans des
régions voisines : Nachtigal mentionne expressément des volcans dans
le Tibesti et les détails qu’il donne (sources thermales, etc.),
montrent que certains de ces volcans au moins sont récents. Sur la
route de N’Guigmi à Bilma, Ayasse a recueilli, près de Béduaram
et près d’Agadem, des basaltes[180] dont quelques-uns au moins
sont assez anciens pour que leurs vacuoles aient pu se tapisser de
minéraux secondaires (calcédoine).

Au sud du Tchad, les cinq pitons rocheux de Hadjar El Hamis
(déformation par les noirs d’El Khémès) sont formés d’une
rhyolithe alcaline verdâtre étudiée par Lacoin et Gentil et dont
Courtet a pu rapporter de nouveaux échantillons. On trouvera dans
Chevalier [_L’Afrique Centrale française_, p. 409] un croquis du
piton principal, haut de 80 mètres environ.

Des rhyolithes à ægyrine, sont connues sur le Mayo Kæbbi, au pied
des chutes Gauthiot, non loin du Toubouri[181].

J’ai donné peu de détails pétrographiques sur les roches
volcaniques ; ils sont en général de petit intérêt géographique,
et la plupart des laves donnent naissance à des formes topographiques
analogues. Toutes, pendant leur refroidissement, se sont plus
ou moins fendues ; ces fissures de retrait les ont débitées en
blocs arrondis ou en dalles ; plus rarement, elles y ont découpé
des colonnades prismatiques. Grâce à ces fentes, les coulées
ont acquis une perméabilité marquée qui en a fait souvent des
réservoirs d’eau importants ; ce fait, observable partout, prend
une importance spéciale au Sahara.

Certaines roches, cependant, par leurs caractères particuliers
méritent une courte mention. Leur composition chimique se singularise
par une grande pauvreté en chaux et en magnésie et une certaine
abondance en métaux alcalins (potasse et soude). Quelques minéraux
spéciaux comme la népheline, l’ægyrine, la riébeckite se
développent à la faveur de cette composition chimique et donnent aux
roches qui les contiennent un cachet assez inaccoutumé. Ces roches,
assez rares en Europe, sont au contraire abondantes au Sahara ; nous
aurons à préciser leur répartition géographique, mais auparavant
il importe de dire quelques mots de roches de profondeur, parfois
franchement granitiques, probablement d’âge récent et qui, par
leur composition se rattachent à la même famille que les roches
d’épanchement alcalines, dont il vient d’être question.

_Mounio._ — Un premier groupe éruptif constitue le Mounio, massif
qui mesure du nord au sud une cinquantaine de kilomètres sur 25 de
large ; on doit probablement lui rattacher les hauteurs qui avoisinent
les villages de Mia et de Yamia. Les caractères géographiques
et topographiques du Mounio ont déjà été indiqués. Les roches
sont des granites, des microgranites et des rhyolites avec ægyrine
et une amphibole sodique voisine de la riébeckite, roches dont la
couleur varie du gris bleu au lie de vin.

A 200 mètres au nord du poste de Gouré, on peut observer le contact
avec les roches sédimentaires (fig. 76).

Ces roches sont des argiles et des grès tendres en couches
horizontales qui, à cause de leurs caractères lithologiques et de
la continuité géographique, doivent être rattachés aux formations
du Crétacé inférieur du Tegama. Sur une vingtaine de mètres à
l’est du granite, ces grès et ces argiles ont été dérangés
de leur horizontalité primitive ; ils ont été profondément
métamorphisés et transformés en quartzites et en micaschistes ;
quelques filons de quartz les traversent.

[Illustration : Fig. 75. — Mounio. Du poste de Gouré. Les
premiers mamelons sont les microgranites _m_ de la figure 76. Au
fond à droite, les premiers plateaux du Koutous. — Le camp des
tirailleurs est entre les balanites et les mamelons granitiques.]

Freydenberg a observé des faits analogues à la frontière ouest
du Mounio, près de Gabana.

Les granites alcalins de Gouré sont donc postérieurs à
l’Infra-crétacé ; on ne trouve dans les poudingues, qui, à
Kellé, forment la base des grès du Koutous, aucun élément qui
puisse leur être attribué. On peut donc affirmer que les roches
éruptives du Mounio ne sont pas plus anciennes que le Crétacé ;
le caractère peu avancé de l’érosion dans le massif de Gouré et
surtout les grandes analogies de ces roches avec celles de l’Aïr,
certainement postlutétiennes, sont de fortes présomptions en faveur
de l’âge tertiaire de ces granites et microgranites.

_Zinder._ — Le massif de quartzites verticales et probablement
siluriennes de Zinder et d’Alberkaram est flanqué, à l’est comme
à l’ouest, de roches analogues ; vers Dan Beda (30 km. ouest de
Zinder) ces granites sont en relation avec des grès tendres : il
serait probablement facile de trouver en ce point une confirmation
de l’âge récent des roches de Zinder, qu’il est difficile de
ne pas rattacher de très près à celles du Mounio : la série est
la même et va du granite franc à la rhyolite. Les deux massifs
sont très voisins : il y a à peine 60 kilomètres de Gidi-Mouni
à Gabana ; il y a moins encore de Karouaram au Mounio.

_Melfi._ — Au sud-est du Tchad, le poste de Melfi est au centre
d’un cirque de collines granitiques, hautes parfois de 200 mètres,
formées de roches assez variées dont le type le plus habituel est
une syénite à amphibole sodique et à riébeckite, plus pauvre en
silice et plus riche en chaux que les roches de Gouré et de Zinder
[Freydenberg, _Thèse_, p. 107 et 180].

[Illustration : Fig. 76. — Coupe relevée à 200 mètres au nord
du poste de Gouré (Mounio).

m, Microgranite alcalin (hauteur 10 mètres). — q, Filons de
quartz. — 1, Argiles du Tegama disloquées et transformées en
micaschistes. — 2, Grès ferrugineux superficiels. — La coupe
a 50 mètres de long.]

Ce massif éruptif se continue vers le sud et se relie aux granites
alcalins de Miellim sur la rive gauche du Chari.

_Fita._ — Beaucoup plus à l’ouest, au Dahomey, Hubert [_Thèse_,
p. 242], à signalé la chaîne de Fita, qui, un peu au sud du 8°
Lat. N. s’étend sur une dizaine de kilomètres du nord au sud
avec une largeur de 2 kilomètres au plus ; ses plus haut sommets
dominent de 150 mètres la plaine voisine ; les roches [_l. c._,
p. 466-467] sont des granites et des microgranites alcalins dont la
riébeckite est l’élément le plus caractéristique. D’après
un renseignement oral, Hubert considère ces roches comme beaucoup
plus jeunes que les gneiss des régions voisines.


=Provinces pétrographiques à roches alcalines.= — L’abondance
de ces roches alcalines en Afrique est connue depuis longtemps ;
Lacroix a montré qu’elles se rattachaient à deux provinces
pétrographiques distinctes : la province occidentale comprend
d’abord les îles atlantiques (Açores, Canaries, îles du cap
Vert) ; les îles de Los, près de Konakry, contiennent des roches
analogues. Chautard[182] a récemment montré qu’il fallait
définitivement rattacher à la même province les roches de Dakar
dont le trachyte du cap des Biches est le type le plus remarquable ;
toutes ces roches de la presqu’île du Cap Vert sont nettement
volcaniques ; au point de vue chronologique elles appartiennent
à deux séries : entre Rufisque et Dakar les roches éruptives
sont contemporaines du Crétacé supérieur ; plus tard, entre
l’Éocène moyen et le Pleistocène, les épanchements se sont
produits un peu plus au nord et s’ordonnent autour de l’appareil
volcanique des Mamelles.

Dans l’intérieur, à Senoudébou (cercle de Bakel), un trachyte
à noséane, recueilli dans un mur, a été étudié par Arsandaux ;
le gisement d’origine de la pierre est à rechercher, mais il
est douteux que l’on ait été chercher bien loin des matériaux
de construction. Quiroga a trouvé dans le Rio de Oro, à Hassi
Aussert, à moitié chemin entre le littoral et la sebkha d’Idjil,
une syénite néphélinique. Dans le Sud marocain, les laves du
Siroua, étudiées par Gentil [_C. R. Ac. Sc._, janvier 1908] sont
des trachytes et des phonolites.

Cette province occidentale s’étend probablement jusqu’au
voisinage d’Oran.

La province centrale, celle du Tchad, contient un grand nombre
de gisements : le massif de l’Ahaggar avec les rhyolithes de
l’Adjellela et les phonolithes à ægyrine de la Coudia lui
appartient, mais semble marquer sa limite occidentale : la rhyolithe
d’In Zize ne renferme aucun des minéraux qui caractérisent les
roches alcalines ; immédiatement autour du tassili des Azdjer,
le massif volcanique du Télout a émis une coulée de phonolithe
à ægyrine, très voisin de la roche du Tekout (85 kilomètres
au sud de Tripoli) recueillie autrefois par Overweg. L’abondance
des roches alcalines dans l’Aïr, à Zinder et à Gouré, ainsi
qu’autour du Tchad, a déjà été indiquée.

Il est vraisemblable que, malgré leur éloignement, Fita et le
Cameroun appartiennent à la même province.

Sa limite orientale est complètement inconnue ; on ne sait rien sur
les roches éruptives du Tibesti ; le désert de Lybie est ignoré,
même au point de vue géographique. On sait toutefois qu’à
l’extrémité orientale de l’Afrique et, au delà de la mer
Rouge, en Arabie, les roches alcalines sont fréquentes ; celles
d’Abyssinie, certainement post-kimmeridgiennes et probablement
beaucoup plus récentes, ont été étudiées de très près par
Arsandaux[183]. Lacroix a donné des détails sur quelques autres.

[Illustration : Fig. 77. — Roches d’épanchement et roches
alcalines de l’Afrique du Nord.]

Il est actuellement impossible de savoir si cette province orientale
est distincte de celle du Tchad ou si elle se relie avec elle.

Des analyses assez nombreuses de ces roches alcalines ont été
publiées ; elles accusent des divergences de détail. Mais dans
l’ensemble toutes ces roches semblent pouvoir être ramenées à
un même magma alcalino-granitique. Suivant le mode d’éruption,
qui modifie les conditions de refroidissement et qui permet le
départ plus ou moins rapide des éléments minéralisateurs, ce
magma a donné naissance à diverses roches : les granites de Zinder
et de Gouré sont les types de profondeur ; les microgranites
se sont refroidis plus vite : dans le Mounio notamment, ils
semblent former une zone de contact entre les granites et les roches
sédimentaires. Les rhyolithes, les phonolithes et certains trachytes
sont la forme d’épanchement, la forme vraiment volcanique du
même magma.

On pourrait être tenté de rapprocher la pauvreté en chaux de
ces roches alcalines de la rareté des calcaires dans le continent
africain ; on sait que, par endomorphisme, un granite normal,
traversant des assises calcaires, peut s’entourer d’une auréole
de granite amphibolique. On a même émis l’hypothèse que dans
les éruptions, la matière qui constitue la roche injectée dans
les fentes des divers terrains ou épanchée à leur surface,
provenait de la fusion sur place de roches assez superficielles,
fusion déterminée par les phénomènes thermiques qui résultent
de l’écrasement de l’écorce terrestre : il n’y aurait pas
à proprement parler de magma éruptif profond, et la composition
chimique des roches ignées résulterait immédiatement de la
composition chimique des terrains au milieu desquels se manifestent
les phénomènes éruptifs.

En fait il est douteux que la rareté en chaux des roches éruptives
et des roches sédimentaires de l’Afrique soit autre chose
qu’une simple coïncidence : l’exemple de Madagascar [Lacroix,
_Nouv. Arch. du Muséum_, 1902, 1903], où les roches alcalines
abondent au milieu de districts calcaires, doit rendre singulièrement
prudent. Tout ce qui se rattache à la pyrosphère et à l’origine
vraie des magmas éruptifs reste encore un des chapitres les plus
obscurs de la géologie.


                           II. — =LATÉRITES=


Au sens strict du mot, la latérite est caractérisée par la
présence de l’alumine qu’accompagnent toujours les hydrates
de fer ; elle est à peine différente de la bauxite, le principal
minerai d’aluminium.

Malheureusement, l’usage a prévalu d’appliquer ce mot à
tous les sols superficiels des régions tropicales, pour peu
qu’ils présentent une teinte rougeâtre, c’est-à-dire qu’ils
contiennent un peu de fer. On est arrivé ainsi à englober sous un
même nom les produits les plus différents.

Les véritables latérites, provenant de l’altération des roches
éruptives, diffèrent des produits similaires de nos climats par deux
caractères principaux : en Europe, l’alumine reste d’ordinaire
combinée à la silice sous forme d’argile ; l’hydrate de fer
est le plus souvent de la limonite, de couleur jaunâtre. Dans les
pays chauds, l’alumine se sépare de la silice, et les hydrates
de fer sont souvent de la turgite, de couleur rouge. Les éléments
alcalins (potasse, soude) et alcalino-terreux (chaux) disparaissent
à la faveur de la solubilité de leurs sels, aussi bien dans les
climats tempérés qu’entre les tropiques ; la teneur en oxygène
et en eau augmente dans les deux cas. Le départ de la silice, qui
manque parfois complètement, est le trait le plus original de cette
transformation des roches éruptives en latérite.

L’analyse d’une diabase de Guinée (_a_) et de la latérite qui
en provient (_b_), que j’emprunte à Chautard et Lemoine[184],
permettra de préciser le sens de la transformation.

                        _a_      _b_

  TiO²                  2,96     9,05

  SiO²                 48,51     5,52

  Al²O³                14,18    34,1

  Fe²O³                 2,4     27,13

  FeO                  10,35     1,26

  CaO                   8        0

  MgO                   6,05     0,65

  K²ONa²′O              5,18     0,51

  Perte au feu          3,12    22,5

De plus, tandis que, dans les climats tempérés, la décomposition
des roches se fait très progressivement sans déterminer dès
l’abord une décomposition totale, dans les pays tropicaux humides,
au contraire, la latérisation s’effectue tout d’une pièce,
parfois sur une grande épaisseur, et la roche intacte succède
assez brusquement à la roche entièrement décomposée.

Chautard[185] a observé en Guinée, dans le massif de Kakoulima,
au kilomètre 52 de la voie ferrée de Konakry au Niger, un
gabbro à gros éléments (labrador-diallage) qui présentait à
partir de la roche non altérée : 1o une zone où les éléments
feldspathiques ne sont attaqués qu’à leur périphérie, les
éléments ferromagnésiens sont transformés en actinote, tous
les cristaux conservant en général leurs formes granitiques ; 2o
une zone où les feldspaths sont complètement altérés et où les
cristaux de diallage, au même stade que dans la zone précédente,
commencent à s’écraser mutuellement ; 3o une zone où tous les
cristaux ont disparu : les feldspaths ne sont plus indiqués que
par des taches blanches, et les pyroxènes par des taches brunes
d’oxyde de fer ; enfin 4o une zone où il ne reste plus qu’une
roche homogène de coloration rouge brique.

Hubert [_Thèse_, p. 91-97] signale des phénomènes analogues au
Dahomey, et Courtet mentionne dans le bassin du Chari des latérites
qui entourent d’une auréole diverses roches éruptives [Niellim,
etc., in Chevalier, _L’Afrique Centrale_, p. 631].

Souvent ce produit d’altération, au lieu de rester au contact
de la roche qui lui a donné naissance, est repris par les agents
d’érosion et ces latérites remaniées forment parfois dans les
vallées des dépôts considérables.

On a beaucoup écrit sur l’origine de cette latérite. Walther
et Passarge y voudraient voir un effet des orages de la zone
tropicale. La pluie des tornades serait riche en acide azotique,
par suite particulièrement oxydante ; son action serait d’autant
plus décisive que dans la zone tropicale, les débris organiques,
toujours réducteurs, font défaut dans le sol superficiel où
les termites les détruisent. Cette manière de voir, que ne
semble appuyer aucune expérience précise, rend mal compte de
la localisation, parfois très marquée, de la décomposition des
roches : des mamelons éruptifs voisins, soumis par suite aux mêmes
conditions météorologiques, présentent souvent des différences
notables dans leurs transformations.

Holland fait jouer à des facteurs biologiques un rôle très actif
dans la genèse des latérites : ce serait un phénomène d’origine
microbienne. On connaît déjà, d’une manière positive, le
rôle des bactéries dans la nitrification : on sait établir des
milieux de culture pour la préparation des azotates et l’on a
songé à employer industriellement ce procédé. La production
du minerai de fer des marais, la réduction des sulfates et leur
transformation en soufre et en hydrogène sulfuré sont dues aussi
à des algues microscopiques et ces analogies rendent acceptable la
manière de voir de Holland. Malheureusement elle n’est confirmée
par aucune recherche expérimentale ; le microbe de la latérite
est inconnu et le meilleur argument que l’on puisse faire valoir
en sa faveur, est l’irrégularité de ce mode de transformation,
irrégularité qui est marquée surtout lorsque l’on s’éloigne
de l’équateur ou des plaines pour arriver à des régions où les
variations de température sont plus considérables, où surtout les
minima sont plus bas, que ce changement soit dû à la latitude ou
à l’altitude. Pareille allure est bien conforme à ce que l’on
sait de la distribution géographique des animaux et des végétaux,
à la limite de leur aire.

Cette transformation des roches éruptives en véritable latérite
ne se produit pas au Sahara non plus que dans le nord du Soudan :
ce n’est qu’au sud du 11° de latitude qu’elle semble devenir
générale.

_Grès ferrugineux._ — On désigne aussi, au Soudan, par le nom
de latérite, de simples grès à ciments ferrugineux ; ils sont
assez communs au nord du 11° : sur son itinéraire, E.-F. Gautier
a noté les premiers au sud de l’Adr’ar’ des Ifor’as, mais
ils ne deviennent abondants que dans le bas Telemsi ; le lieutenant
Ayasse en a rencontré entre Bilma et le Tchad[186] ; j’en ai vu
à plusieurs reprises entre l’Aïr et Zinder ; plus au sud ils
sont fréquents ; Foureau[187] les mentionne à plusieurs reprises
le long du Gribingui, dont les berges, hautes de 2 à 5 mètres,
sont formées de bancs d’argile rouge alternant avec des assises
horizontales de grès ou de conglomérats ferrugineux, dont les
éléments sont le plus habituellement quartzeux.

Dans le haut Logone, Lancrenon a trouvé des latérites dans le
fond des vallées, où elles sont recouvertes de plusieurs mètres
d’alluvions[188] ; Courtet signale le même fait dans le Chari.

Cette formation de grès et de conglomérats paraît surtout en
rapport avec des phénomènes d’évaporation ; le sable des dunes
mortes ou les graviers des alluvions transformées en reg ont été
cimentés par les sels solubles dissous par les eaux météoriques. Ce
phénomène peut se produire partout ; il est peut-être permis
de le rapprocher de la formation de l’alios dans les sables des
Landes. Cet alios est un grès quartzeux, souvent ferrugineux, qui
résulte de l’entraînement par dissolution des matières solubles
de la surface et de leur concentration, qui s’opère pendant les
chaleurs de l’été, par suite de l’évaporation à un niveau
à peu près constant de la nappe d’infiltration. Les sables de la
forêt de Fontainebleau présentent souvent des accidents analogues.

Il n’est pas certain cependant que cette comparaison des grès
du Soudan et de l’alios des Landes soit correcte. Aucune analyse
du ciment des grès africains n’a été faite ; le sesquioxyde
de fer se présente sous cinq formes différentes, plus ou moins
hydratées, qui peuvent introduire, entre les grès ferrugineux,
des dissemblances notables ; de plus, l’alios se produit toujours
à quelques décimètres de profondeur, tandis que, au Soudan,
le grès ferrugineux est habituellement superficiel.

En tous cas, c’est bien au Sahara et dans la zone la plus sèche
du Soudan que des phénomènes analogues ont été le plus souvent
signalés ; dans les oasis situées en bordure d’une sebkha,
un orage est un désastre : l’eau de pluie est vite ramenée à
la surface par évaporation ; elle revient accompagnée de sel et
de gypse qu’elle dépose à la surface du sol, obligeant ainsi à
abandonner, pour plusieurs années, un certain nombre de jardins. Dans
la région du Manga, à Gourselick par exemple, le natron se
renouvelle au fond de la cuvette par le même mécanisme. Enfin, le
fameux vernis du désert ne semble pas avoir une origine différente :
au Sahara, la plupart des roches sont recouvertes d’une pellicule
mince de produits concrétionnés, luisants, qui tranchent souvent
par leur couleur sur la roche qu’ils recouvrent [J. Walther] :
les grès blancs des tassili, avec leur patine couleur de poix,
en sont un exemple classique.

[Illustration : Fig. 78. — Les plateaux à l’est de Tamaské. —
Adr’ar’ de Tahoua. (Vue prise du poste de Tamaské).

A, Plateaux calcaires, protégés par un manteau de roches
latéritiques. B, Amas de roches latéritiques, dernier témoin
des plateaux.]

_Produits de décalcification._ — D’autres latérites enfin
sont liées à des roches sédimentaires : elles recouvrent tous les
mamelons crétacés du Damergou et leur extension vers l’ouest, au
moins jusqu’à la mare de Tarka, indique probablement l’ancienne
extension des calcaires à ammonites.

On retrouve des formations analogues au-dessus des dépôts éocènes
qui recouvrent l’Adr’ar’ de Tahoua ; ces formations peuvent
être suivies jusque sur les bords du Niger.

La plupart de ces produits sont dus à des phénomènes de
décalcification ; les oolithes ferrugineuses de Korema Alba
paraissent provenir d’un calcaire lacustre : Cayeux, qui les
a examinées, les a trouvées identiques à certains minerais de
France dont l’origine est certaine. Hubert n’admet pas cette
manière de voir pour les latérites des bords du Niger « parce
que les indices de la présence de calcaires dans ces régions sont
nuls » [_Thèse_, p. 112]. Il oublie qu’un caractère négatif,
surtout dans une région aussi mal connue que le Soudan, a une bien
faible valeur ; il ne tient pas compte de la grande extension des
calcaires éocènes depuis Bemba jusqu’à Guidambado ; il néglige
l’existence des silex éocènes d’Ansongo qui sont, au cœur de
la région qui nous intéresse, la preuve décisive de l’existence
d’un niveau calcaire.

Malgré leur composition, leur origine très spéciale et leur allure
parfaitement horizontale qui montre leurs relations avec des roches
sédimentaires, ces latérites différent peu par leur aspect des
latérites d’origine éruptive.

Ces produits de décalcification, qui couvrent les grès du Niger et
le calcaire de Tahoua, ne semblent pas être de formation actuelle ;
une coupe, prise en aval de Gao (fig. 79), montre que la latérite en
place (4) couvre un plateau peu élevé ; elle présente une structure
parfois oolitique (les oolites ont 1 millimètre de diamètre) mais
plus souvent rubannée et les zones que l’on y peut distinguer,
sont, en gros, parallèles aux couches de grès du Niger.

[Illustration : Fig. 79. — Un plateau de grès du Niger, en aval
de Gao.

1, Grès blancs, à stratification entrecroisée, 3 mètres ; — 2,
Niveau ferrugineux (1 cm.) ; — 3, Grès blancs, à stratification
entrecroisée, 2 mètres ; — 4, Formation latéritique souvent
rubannée, 2 mètres (produit de décalcification) ; — 5, Brèche
latéritique contenant des galets quartzeux de 4 à 5 centimètres et
des blocs, à peine roulés, de la roche 4, de 15 à 20 centimètres
de diamètre. Quelques galets sont des oolithes d’oxyde de
fer. Ciment ferrugineux ; — 6, Brèche latéritique mal cimentée.]

Depuis la formation de cette latérite, une vallée s’est formée
dont le fond (5) est occupé par des graviers et des galets qui
atteignent jusqu’à 15 à 20 centimètres de diamètre, galets
formés aux dépens de la latérite (4), et cimentés par des
produits ferrugineux.

A une époque plus récente, le niveau des vallées s’est un peu
abaissé et dans le fond de ces vallées plus jeunes on trouve par
place des débris de brèche latéritique (6), mal cimentés.

Il y aurait plusieurs stades à distinguer : la latérite s’est
d’abord formée sur le plateau et son mode de formation suppose
des pluies assez abondantes ; la formation d’un conglomérat
latéritique dans le fond de la vallée suspendue (5) est analogue à
celle des grès ferrugineux et suppose, pour la formation du ciment,
un climat plus sec ; dans les vallées plus jeunes (6), la cimentation
des débris ne s’est pas produite. Postérieurement enfin, s’est
creusé le lit actuel du Niger qui est sans doute plus jeune que
les ergs morts de la région, mais probablement plus ancien que le
Néolitique africain. Cette conclusion est du moins celle à laquelle
l’étude de la répartition des tombeaux a amené Desplagnes.

Ces divers climats, que permet d’entrevoir l’étude de cette
latérite, ne sont pas forcément quaternaires et ces épisodes ont
pu commencer à se manifester dès la fin de l’Éocène. Il ne
faut pas perdre de vue d’ailleurs que l’étude géologique du
Soudan est à peine ébauchée ; on essaie ici de poser une question
bien plutôt que de donner la solution d’un problème dont trop
d’éléments sont encore mal connus.

Il est toutefois difficile de croire que la disparition du calcaire
soit la seule cause de l’arrêt de la décalcification ; au nord,
tout autour de l’Adr’ar’ des Ifor’as, à l’est, dans la
région de Tahoua, les calcaires sont à découvert sur les flancs
des vallées ; leur surface est restée de couleur claire ; parfois,
comme à Bouza, ils forment des plateaux où la roche est restée
absolument blanche (fig. 33, p. 94). L’érosion actuelle semble
trop insignifiante pour avoir pu enlever un manteau de latérite. Une
modification dans le climat paraît mieux rendre compte des faits.

Au Sénégal, « la latérite paraît avoir été formée avant
l’invasion des sables, car, sous une épaisseur de 4 mètres de
sable, nous avons trouvé de la latérite présentant à la surface
le même faciès poli, que celle qui est actuellement à la surface
du sol[189] ».

Dans le lit du Niger qui, à partir de Tosaye, est certainement jeune,
affleurent souvent, entre Niamey et Ansongo des blocs de roches
éruptives ; leur surface est peu altérée (fig. 80) : les parties
immergées à toutes les crues (1-3) ont une patine noire ; plus
haut, la patine est rouge. Ces diverses patines sont d’ailleurs
très minces ; les écailles que détachent à la surface les
variations de température, permettent de voir nettement la roche,
kaolinisée sans doute, mais dont tous les éléments restent en
somme bien reconnaissables. La séparation entre les différentes
zones est accentuée par la présence, sur certaines d’entre elles,
de mousses et d’hépatiques. Ces zones sont nettement distinctes
et les lignes qui les séparent sont trop horizontales pour ne pas
être en rapport avec les différents niveaux du fleuve.

Comme l’étude des produits de décalcification, ces patines
minces semblent prouver que, depuis que le Niger s’est creusé
un nouveau lit dans ces régions, les phénomènes d’altération
superficielle n’ont eu, dans la partie sèche du Soudan, qu’une
médiocre intensité.

[Illustration : Fig. 80. — Un bloc de granite sur les bords du
Niger, à Gari.

_aa′_, Niveau du Niger le 14 juillet 1906 ; — 1, Bande couverte
d’une patine noire. Aucune végétation (0 m. 10) ; — 2, Patine
noire. La roche est couverte d’hépatiques (1 m. 40) ; — 3,
Patine noire. La roche est couverte de mousses et d’hépatiques
(0 m. 50) ; — 4, Patine rouge. Aucune végétation. Quelques
écailles, épaisses de 1 centimètre, détachées par insolation.]

Toutes ces roches ferrugineuses présentent souvent à la surface
une modification intéressante, dernier terme de l’altération
latéritique : cette modification est due à l’évaporation
rapide d’eau qui en profondeur s’est chargée de sels de fer ;
c’est un mécanisme que j’ai déjà signalé plusieurs fois. Il
se produit ainsi une roche souvent caverneuse, d’aspect scoriacé,
parfois vernissée, en somme assez variable ; souvent elle englobe
des galets, des fragments de roches, et dans ce cas seulement le nom
de conglomérat ferrugineux [Hubert, _Thèse_, p. 103, Chautard,
_Thèse_, p. 143], est justifié. Ce sont en réalité des roches
concrétionnées que leur apparence a souvent fait prendre pour des
laves ou des scories volcaniques, notamment dans la région de Tahoua.

Parfois, au lieu d’une remise en mouvement du fer, il s’est
produit un enrichissement superficiel en silice. C’est un fait
qui a été

signalé dans tous les déserts : il est extrêmement net dans la
région d’Assaouas, à l’ouest d’Agadez, où des calcaires
lacustres ont été transformés en quartzites rougeâtres ; sur la
côte de Mauritanie, dans le Tasiast, des calcaires du Quaternaire
ancien reposent sur des grès tendres et forment le couronnement
d’un certain nombre de plateaux. Leur enrichissement en silice
est très marqué et leur dureté est devenue considérable.

Malgré son caractère technique, il a fallu insister un peu sur cette
question : l’histoire de la latérite est en effet intéressante
à de nombreux points de vue ; d’abord on ne sait pas au juste
comment elle se forme et les hypothèses émises à propos de son
origine, (bactéries, acide azotique) n’ont jamais été l’objet
de vérifications expérimentales ; il y a d’ailleurs plusieurs
latérites et certainement plusieurs modes de formation ; il y en a
aussi de plusieurs âges. Il est malheureusement difficile de serrer
de près la question ; les rapports d’itinéraires n’indiquent que
rarement s’il s’agit de vraies latérites, en place ou remaniées,
de grès ferrugineux ou de produits de décalcification.

On connaît en Europe une roche très analogue à la vraie latérite,
la bauxite, qui, depuis que s’est développée l’industrie de
l’aluminium, a donné lieu à de très importantes exploitations :
cette parenté de la latérite et de la bauxite permettra peut-être
de préciser les conditions de climat qui ont présidé en France
à la production encore très obscure de cet important minerai
d’aluminium, en même temps qu’elle peut faire entrevoir pour
l’Afrique occidentale une source de richesses qui peut devenir
importante.

Il faut noter aussi que c’est parmi les latérites que se trouvent
les seuls minerais de fer qui alimentent la sidérurgie indigène ;
l’exploitation est très simple : le forgeron nègre, dans les
points favorables, soupèse les blocs de latérite et choisit les
plus denses.

Les minerais de manganèse que signale Desplagnes sur les bords
du Niger [_Plateau central nigérien_, p. 11 et fig. 25 et 26]
appartiennent à la même série de formations.

Certains gîtes aurifères enfin sont en relation évidente avec les
produits d’altération superficielle et ne sont que des latérites
au sens propre du mot.

La rareté des filons métallifères dans l’Afrique occidentale
française est donc partiellement compensée par l’existence de
ces latérites, où, sans compter l’or, on connaît trois métaux
importants, le fer, le manganèse et l’aluminium. L’organisation
des voies de transport qui se poursuit si activement permet de croire
que plusieurs de ces gisements seront bientôt exploitables, et dès
maintenant il est permis de les considérer comme une précieuse
réserve pour l’avenir.

Enfin l’importance des divers modelés latéritiques dans les
paysages soudanais, l’emploi constant de ce mot, mal défini, dans
tous les rapports d’itinéraires feront excuser le développement
donné à une question à première vue aussi spéciale.


                           III. — =SALINES=


_Taoudenni._ — Les mines de Taoudenni sont probablement les plus
importantes du Sahara ; les renseignements qu’ont donnés sur
elles Cortier, Mussel et Nieger sont très concordants et ils sont
confirmés par les indications et les photographies de Cauvin.

Les détails qui suivent sont empruntés presque textuellement
à Nieger[190].

Taoudenni est en bordure septentrionale d’une immense sebkha
limitée au nord par un dos d’âne rocheux sans gros relief[191],
la hammada _El Haricha_ (fig. 6, p. 11). Ce dos d’âne s’étend
sur 300 kilomètres environ du sud-est au nord-ouest. Agorgott,
centre d’exploitation des salines, est sur la sebkha au débouché
d’un oued descendu du djebel El Haricha, l’oued Agorgott.

Les mines de sel se trouvent à environ 4 kilomètres au sud-ouest
du ksar de Taoudenni. La majorité des nègres et haratins qui
travaillent à l’exploitation se sont construit en ce point
des gourbis en barres de sel dont l’ensemble est appellé aussi
Agorgott.

La mine n’a pas de propriétaire. L’individu qui désire exploiter
fait délimiter les surfaces à creuser, suivant le nombre de bras
qui constituent ses ateliers (ces derniers se composent de trois
à dix travailleurs). Les fouilles [cf. t. I, pl. XI] sont menées
par couches sur toute la surface délimitée ; il y avait, en 1906,
100 à 150 fosses en exploitation. On rencontre de haut en bas :

1o Argile rouge (_trab el hamra_). La puissance de cette couche est
d’environ 2 mètres ; travail facile dans de l’argile humide.

2o Argile verte (_harma larma_). Également humide, contient de
petits cristaux de sel ; environ 30 centimètres d’épaisseur.

3o Argile verte (_afarai el ouara_) dure à creuser, environ 15
centimètres.

4o Sel mélangé à la terre (_el ouara el foukania_), contient
de nombreuses impuretés, très difficile à entamer, épaisseur
variant de 10 à 60 centimètres. Ce sel n’est pas exploité. On
trouve, noyés au milieu de cette masse, des nodules de cristaux
de sel (_ainin el melah_) d’une pureté et d’une limpidité
remarquables. Ces nodules ont, pour la plupart, la grosseur d’un
œuf de poule et au-dessus.

5o Argile verte (_afarai zekkou_), environ 15 centimètres
d’épaisseur.

6o Argile verte (_afarai el hammamia_), environ 15 centimètres
d’épaisseur.

7o Sel qui s’exploite (_el hammamia_) ; il était autrefois emporté
en morceaux cassés à la pioche ; se débite actuellement, comme
les suivants, en barres.

8o Argile verte (_afarai el bieda_) environ 15 centimètres
d’épaisseur.

9o et 10o Sel de première qualité (_koukchat[192] el bieda_,
et _el bieda_). Ces deux couches, soudées l’une à l’autre,
forment un banc de 0 m. 25 à 0 m. 30 et s’enlèvent du même coup.

11o Argile rouge. Quelques centimètres.

12o Sel de deuxième qualité (_el bent_, la fille).

13o Argile rouge. Quelques centimètres.

14o et 15o. Sel de première qualité (_koukchat el kamra_ et _el
kamra_). Même observation que pour les 9e et 10e couches.

16o Sel non exploité (_el ouara tahtania_).

17o On arrive à l’eau.

Jusqu’à la 7e couche (_el hammamia_), la première qui soit
exploitée, la fosse est creusée sur toute l’étendue délimitée,
et les matériaux sont jetés en dehors sur le terre-plein, ou dans
une fosse voisine dont l’exploitation est terminée.

Sur la surface plane de la 7e couche, une série de petites rigoles
parallèles sont creusées dans le sens de la largeur et celui de la
longueur et tracées de telle façon que la fosse se trouve divisée
en rectangles de cinq pieds et demi sur un et demi. Les rigoles sont
approfondies jusqu’à ce que l’on puisse soulever à la pioche
les barres provenant de ce morcellement.

On procède de la même façon pour les couches de sel inférieures,
mais les koukchat sont enlevées avec les couches auxquelles elles
sont soudées.

L’eau qui se trouve au-dessous d’« el ouara tahtania »
(16e couche) est jaillissante. Au dire des ouvriers, il faut une
certaine habitude pour enlever la dernière couche de sel exploité
(_el kamra_).

En enfonçant la pioche un peu trop profondément au-dessous de
cette dernière pour la décoller, il arrive fréquemment, aux
inexpérimentés, de crever « el ouara tahtania » et l’eau, se
précipitant par l’ouverture ainsi pratiquée, a assez de force
pour briser la barre de sel sur laquelle on travaille. A l’air
libre, si l’on perce « el ouara tahtania », l’eau jaillit et
s’élève à un mètre environ. Cette abondance de l’eau, serait,
au dire des principaux entrepreneurs, un des principaux obstacles
à l’exploitation de la saline [cf. t. I, p. 56].

Une fois tout le sel enlevé dans la fosse, les ouvriers creusent
au-dessous de la quatrième couche, « el ouara », de petites niches
qu’ils transforment progressivement en galeries ; l’exploitation
du sel, jusqu’alors à ciel ouvert, se continue sous terre.

Souvent l’eau sourd dans ces galeries et empêche de les mener
bien loin. Cependant, elles atteignent parfois 10 mètres de
profondeur dans les terrains propices. Les galeries sont creusées
sur chacune des faces de la fosse centrale ; on ménage entre elles
des intervalles d’environ un mètre, qui remplissent l’office
de piliers, de murs de soutien.

Les barres de sel débitées, les ouvriers les plus habiles séparent
les koukchat du bied, et de la kamra, en frappant tout simplement à
la pioche sur l’un des côtés de la barre, au point de jonction des
couches superposées. Il est quelquefois nécessaire d’introduire
le pic entre les deux et de faire levier avec le manche pour arriver
au décollement complet. Le sel de la 12e couche, el bent, ne donne
qu’une barre.

Les barres ainsi obtenues ont une épaisseur qui varie de
10 à 15 centimètres, leur surface rugueuse est tapissée
d’impuretés. Elles sont dégrossies et polies avec une herminette
et ramenées à des proportions mieux d’accord avec le mode de
transport, 4 ou 5 centimètres d’épaisseur, 1 m. 10 à 1,20 de
long et 0,40 à 0,50 de large. La barre de sel ainsi préparée,
prête à être enlevée par les caravanes, pèse en moyenne 40
kilogrammes. Les poids extrêmes varient entre 28 et 47 kilogrammes
(Cauvin) ; quatre barres font une charge de chameaux (120 à 150 kg.)

D’autres mines ont existé, dans la même région, notamment à
Ter’azza, à 120 kilomètres au nord-ouest de Taoudenni. D’après
la légende, Ter’azza, refusant de payer l’impôt, aurait été
détruite par ordre du sultan marocain Moulaï-Sliman, il y a environ
trois cents ans Taoudenni lui aurait succédé.

Ces renseignements détaillés sur les salines de Taoudenni, montrent
bien qu’il s’agit de sel de sebkha, identique à celui de quelques
chotts d’Algérie, comme la sebkha Melah, dans l’oued R’arbi,
étudiée par Flamand, et aussi des sebkhas de la côte atlantique de
Mauritanie, particulièrement à celle de N’Terert (100 km. au sud
de Nouakchott) où, sous une couche de 0 m. 60 d’argiles verdâtres,
se montrent des alternances de bancs de sel et d’argile.

Cette constitution ne permet pas de fixer l’âge de la saline
d’Agorgott, qui est très vraisemblablement quaternaire. Lenz
y a signalé des coquilles brisées ; Cortier a entendu dire aux
indigènes que l’on y avait trouvé des débris d’hippopotames
et de crocodiles, et même des traces humaines. Au surplus, l’âge
quaternaire paraît bien d’accord avec le peu que l’on sait de
l’hydrographie de la région.

_Bilma_[193]. — Les salines de Bilma (cf. p. 117) sont au nord-ouest
du village ; pour les exploiter, les indigènes creusent dans le sol
de petites mares rectangulaires, de 5 à 15 mètres de longueur sur
2 de largeur ; leur profondeur est de un demi-mètre. Les déblais,
rejetés autour des mares, atteignent parfois 10 mètres de hauteur.

On arrose le terrain ; l’eau salée se rassemble dans les mares,
et, par évaporation, les sels dissous viennent cristalliser à la
surface ; les indigènes brisent la croûte ainsi formée pour que
les cristaux tombent au fond de l’eau, où on les ramasse.

Le sel ainsi obtenu est très blanc ; on le comprime fortement
dans des moules de façon à obtenir des pains d’une dizaine de
kilogrammes. D’autres produits, moins purs, sont mélangés à du
sable argileux et moulés en pains d’une autre forme.

Le sel de première qualité est très pur :

  Chlorure de sodium                82

  Sulfate anhydre de sodium          9,8

  Carbonate hydraté    »             2,6

  Quartz et matières organiques      5
                                    ----
                                    99,4

l’absence de la chaux et de la magnésie est remarquable[194]. Il
présente des particularités minéralogiques intéressantes. Les
cristaux ne sont jamais groupés en trémies ; ils forment de
petits cubes isolés qui dépassent rarement 2 millimètres de
côté ; les faces du cube sont habituellement accompagnées des
faces de l’octaèdre régulier, forme très rare dans la plupart
des gisements de sel et qui semble en relation avec l’abondance
du sulfate. On ne connaît guère cette forme, en dehors de Bilma,
qu’en Égypte, dans les cristaux extraits des lacs Natron, et en
Californie, à San Bernardino.

A Fachi, à 145 kilomètres à l’ouest de Bilma, on exploite le
sel dans des conditions analogues. Le sel de Fachi passe pour être
de qualité inférieure.

L’exploitation du sel, à Bilma et à Fachi, est considérable ;
plus de 20000 charges (peut-être 40000) sont enlevées tous les ans
par les Kel Aïr, et répandues surtout dans le Bornou, le territoire
de Zinder, le Sokoto, l’Adr’ar’ de Tahoua, etc.

_Les Teguiddas._ — A l’ouest d’Agadez, se trouvent un certain
nombre de sources salées ; celles de Teguidda[195] n’Adrar et de
Teguidda n’Taguei ont de l’eau presque douce ; elles ne sont pas
exploitées : on se contente d’y mener les chameaux y faire de temps
à autre une cure de sel. Dans ces deux stations, il y a un certain
nombre de bassins, alignés sur des diaclases, qui intéressent des
meulières tertiaires (chap. II, fig. 25). Quelques-uns sont assez
bien alimentés pour donner naissance à des ruisseaux qui coulent
pendant quelques cents mètres. L’eau d’une partie des sources
est buvable ; à Teguidda n’Taguei, la source des Palmiers, il y
a un cimetière important et les ruines d’une kasbah. J’ai vu,
dans l’eau, un batracien anoure.

Le principal centre d’exploitation de cette région se trouve à
80 kilomètres au nord d’In Gall, à Teguidda n’Tecum, Teguidda
les Salines ; les principales sources sont à Bourgoumouten. Chaque
source appartient à une famille d’In Gall ; la rareté de l’eau
douce rend le travail très pénible ; aussi chaque ouvrier, obligé
de boire de l’eau contenant 4/1000 de sels, ne reste-t-il guère
qu’un mois au chantier. Chaque source est captée au moyen de
tuyaux, en bois ou en terre cuite, qui conduisent l’eau dans des
bassins rectangulaires. Quand un bassin est plein, on bouche le tuyau
qui lui correspond et on laisse agir l’évaporation, en ayant soin
d’ajouter de l’argile à l’eau pour rendre plus solides les
tablettes de sel. Dès qu’une première couche de sel est formée,
on remplit à nouveau le bassin et l’on continue jusqu’à ce
que la tablette ait 5 ou 6 centimètres d’épaisseur : il faut en
moyenne remplir quatre fois le bassin ; chaque évaporation dure une
journée. Le sel est découpé en dalles longues de 90 centimètres,
larges de 40, du même type que celles de Taoudenni.

Il y aurait environ 200 ouvriers occupés à ce travail ; à cause
de l’insécurité du pays, ils habitent des cases en argiles à
entrée étroite, où il n’est possible de pénétrer qu’en
rampant. Depuis que nous occupons Agadez, les pillages sont moins
à craindre et l’exploitation devient plus importante.

Le sel de Teguidda, très estimé, est entreposé à In Gall ;
les Kel Gress vont le vendre jusqu’au Sokoto[196].

_Terre d’Ara._ — Il existe dans l’Aïr quelques
vallées sans écoulement où le sel s’est accumulé dans les
alluvions. J’ai vu, entre Aoudéras et Bidei, un de ces gisements
dont l’exploitation est restée très rudimentaire ; au moment de
la saison des pluies on y creuse des trous profonds de 0 m. 50, avec
un diamètre de 1 mètre. L’eau des tornades, après avoir lavé
les matériaux de déblais, s’y rassemble et par évaporation
laisse au fond de la cavité un sel très chargé d’argiles,
la terre d’Ara, ou Ahara, qui est réservée aux chameaux. On
l’exporte jusqu’au Damergou.

Dans l’Adr’ar’ des Ifor’as, les gisements de terre salée
sont assez abondants et donnent lieu à un certain commerce qui est
surtout aux mains des Ibottenaten de la région de Tadhaq.

_Manga._ — La région du Manga, entre Gouré et le Tchad, contient
au fond des cuvettes qui ont déjà été signalées (chap. II, p. 82
et 117) un grand nombre de mares salées ; fort peu sont permanentes
et se recouvrent, à la fin de la saison sèche, d’une couche de
cristaux. La plupart se dessèchent complètement et un petit nombre
sont exploitées. Les deux principaux centres industriels étaient,
ces dernières années, Garamgava et Gourselik.

Le natron qui est exploité à Gourselik doit être abondant en
profondeur, mais on se contente d’exploiter celui que, chaque
année, la saison des pluies ramène à la surface. On racle le fond
de la cuvette ; le natron, mélangé de terre, est placé dans des
paniers qui servent de filtres et où se fait l’épuisement. Cet
épuisement est presque systématique et permet d’obtenir divers
produits.

Lorsque les eaux de lavage sont saturées, on active l’évaporation
au moyen de foyers.

Les fours sont la partie la plus curieuse de l’exploitation ;
ignorant l’art de faire des briques régulières et des voûtes,
et son prix élevé, rendant le fer impossible, les industriels
ont dû tout bâtir en terre cuite. Un mur, haut de 0 m. 50,
circonscrit un espace rectangulaire dont les côtés varient de
1 m. 50 à 4 mètres ; des portes, ménagées à la base de ce
mur permettent d’introduire le bois qui sert de combustible et
laissent pénétrer l’air. Pour soutenir au-dessus des foyers les
vases de terre, les canaris, qui contiennent le liquide à évaporer,
le four est garni de piquets en terre cuite, fichés verticalement
dans le sol ; les têtes élargies de ces piquets, disposés à peu
près en quinconce, à 15 ou 20 centimètres les uns des autres,
supportent les récipients entre lesquels passe la flamme.

L’inconvénient du procédé est la grande quantité de combustible
qu’il nécessite : le pays est dès maintenant complètement
déboisé à grande distance des villages ; il est devenu une steppe.

_Folé._ — Dans la zone côtière orientale du Tchad, il existe
aussi des mares à natron ; les unes sont permanentes et l’on
se contente de recueillir le sel peu estimé qui cristallise à la
surface. Les autres sont presque toujours à sec, mais leur fond est
occupé par une vase noirâtre, humide, où le jeu des saisons, sèche
et pluvieuse, amène la formation de plaques cristallines épaisses de
5 à 10 centimètres et qui se trouvent à des profondeurs variant de
10 à 50 centimètres. Ces plaques forment des lentilles de dimensions
assez faibles dont les indigènes déterminent l’emplacement
au moyen de sondages ; on les extrait à la pioche et on les fait
sécher à l’ombre, dans le sable : une dessiccation trop rapide les
briserait. Le principal marché de ce natron est à Wanda d’où on
l’emporte surtout, à travers le Tchad, vers le Bornou [Destenave,
_Revue gén. des Sc._, 1903 ; — Freydenberg, _Thèse_, 1908].


Cette liste des points qui fournissent du sel ou du natron au Sahara
et au Soudan n’a pas la prétention d’être complète ; il serait
facile de la prolonger longuement, sans y trouver de nouveaux types de
gisement ou de nouveaux modes d’exploitation. Jusqu’à présent,
on ne connaît rien qui puisse être comparé aux rochers de sel du
Trias d’Algérie, sauf peut-être dans le Guir [cf. t. I, p. 181].

Cependant à la suite de ces produits d’origine minérale,
il convient d’ajouter un sel d’origine organique que l’on
produit par lessivage des cendres végétales ; on obtient ainsi
des sels surtout potassiques ; autour du Tchad cette industrie est
assez développée et se fait au dépens des doums et des _Salvadora
persica_ : tous les ans, pendant quelques mois, une partie de la
population de N’Guigmi va s’installer, par petits hameaux d’une
douzaine de huttes, aux points où il y a de l’eau et des arbres,
et se livre à cette fabrication.

Cette industrie est très répandue dans toute l’Afrique, au sud
du Sahara, et d’assez nombreuses populations ont du s’accoutumer
à ces sels de potasse.


                    IV. — =LES AGENTS DÉSERTIQUES=


=Érosion éolienne.= — On a, je crois, beaucoup exagéré
l’influence du vent comme facteur d’érosion : il n’est
évidemment pas douteux que les phénomènes de « corrasion »
existent. On en connaît de nombreux exemples même en Europe et
l’on sait que, industriellement, on dépolit le verre au moyen de
sable projeté par un soufflet.

L’existence des « roches perchées » n’est pas niable,
non plus que le rôle qu’a joué le vent dans leur modelé. Au
désert, les calcaires et un grand nombre de roches sont polis
par le passage du sable entraîné par le vent et leur surface est
souvent sillonnée de vermiculures, profondes au plus de quelques
millimètres, qui y dessinent d’élégantes arabesques. Les roches
éruptives n’échappent pas à cette action : auprès du poste
de Gouré, on peut voir son effet sur les microgranites alcalins du
Mounio ; les cristaux de quartz, plus durs, sont en saillie de 2 ou
3 millimètres sur le reste de la roche.

Tous ces faits sont bien connus ; ils ont été étudiés autrefois
par Rolland ; plus récemment, Foureau [_Doc. Sc._, p. 217-221,
et Pl. XVIII, XIX] leur a consacré tout un chapitre et plusieurs
illustrations.

Mais il s’agit d’actions toutes superficielles ; je n’ai
rien vu que l’on puisse comparer aux phénomènes qui ont été
récemment décrits en Égypte : la dépression bordée de falaises,
hautes d’une centaine de mètres au moins, où se trouve l’oasis
de Baharia, a des dimensions considérables ; sa longueur est de 95
kilomètres, sa largeur varie de 4 à 30 kilomètres ; elle avait
été longtemps attribuée à une faille circulaire, à un phénomène
d’effondrement. Les recherches récentes, très précises, des
géologues égyptiens montrent, sans ambiguïté possible, que cette
explication doit être abandonnée. Le Baharia a été creusé par
érosion et comme il semblait impossible de faire intervenir l’eau,
on a été amené à attribuer cet important travail à l’action du
vent. Ces démonstrations « par l’absurde » sont, en dehors de
la géométrie où l’on est certain d’avoir épuisé toutes les
hypothèses possibles, toujours un peu inquiétantes. Les observations
que j’ai pu faire au Sahara ne confirment pas une action du vent
aussi grandiose ; les Égyptiens y renoncent aussi[197].

On trouve souvent sur le sol des débris d’œufs
d’autruche. J’en ai pu observer de nombreux, particulièrement
entre l’Ahnet et In Zize, où, aux dires des indigènes,
l’autruche a disparu depuis cinquante ans. Beaucoup de
ces débris, placés forcément au ras du sol, au point où
l’action du sable charrié par le vent est le plus énergique,
présentent des stries dont les plus profondes atteignent à peine
un demi-millimètre. Malheureusement la disparition de l’autruche
n’est pas totale ; dans l’Iguidi, Flye Sainte-Marie en a relevé
une piste fraîche pendant l’hiver 1904-1905 ; Voinot en a vu
quelques-unes dans le reg d’Amadr’or (1905-1906). L’usure des
œufs d’autruche ne fournit donc qu’un argument assez maigre.

L’étude des inscriptions et des dessins qui abondent sur tous
les rochers du Sahara [cf. t. I, p. 87-120] est plus décisive. Les
roches qui portent ces dessins ont une surface lisse et luisante dont
le poli peut être attribué en partie à l’usure éolienne, mais
elles sont toutes protégées par une croûte d’origine chimique,
une écorce brune, le vernis du désert. Cette croûte dont la
couleur va du brun foncé (grès néocomiens) ou noir de jais (grès
dévoniens) est dure et résistante ; on le remarque particulièrement
à propos des grès crétacés, qui sont plutôt tendres et auxquels
la croûte fait une carapace et une protection. Nul doute qu’il y
ait là un obstacle à la puissance érosive du vent. Sur certaines
collines du Colorado, W. Cross [_Wind erosion in the Plateau Country_,
_Bull. of the Geol. Soc. America_, XIX, mars 1908] a observé que
la roche, des grès tendres, était creusée par le vent partout
où la couche protectrice, le vernis du désert, faisait défaut ;
il se forme ainsi parfois de véritables grottes.

C’est peut-être à cette patine résistante que beaucoup
de gravures rupestres doivent leur conservation. Les régions
désertiques et sèches sont par excellence leur domaine ; elles
sont rares dans le Tell, sans être tout à fait absentes. Cette
exclusion peut s’expliquer, au moins partiellement, par des causes
historiques ; mais, provisoirement tout au moins, on n’échappe
pas à l’hypothèse que des causes climatiques aient pu jouer
un rôle. Les gravures auraient été conservées en plus grande
abondance là où les agents de destruction étaient le moins
efficaces.

Les gravures préhistoriques, dans l’Afrique du Nord, sont plus
difficiles à dater qu’en Europe, parce qu’une représentation
d’éléphant, par exemple, n’offre pas en soi la même garantie
d’âge reculé que la représentation d’un mammouth ou d’un
renne. Il suffit en effet de remonter à Carthage pour retrouver
l’éléphant dans la faune nord africaine. L’attribution
de gravures sahariennes à l’âge quaternaire reste donc
hypothétique ; il est improbable cependant que les plus anciennes
d’entres elles soient postérieures à la période romaine. Il en
est certainement de très vieilles qui sont restées très nettes sous
leur patine. Plusieurs milliers d’années d’érosion éolienne
n’ont pas suffi à les effacer. Croit-on que ces égratignures
auraient survécu pendant le même nombre de siècles à l’action
de la pluie ? Leurs analogues d’Europe n’ont résisté qu’au
fond des cavernes, sous le manteau protecteur des alluvions et
des stalactites.

Au Sahara même, la presque totalité des gravures est sur des roches
siliceuses, grès ou granite. Est-il vraisemblable que les indigènes
se soient abstenus de parti pris de graver sur des calcaires ? Au
surplus, on connaît au moins deux stations de gravures sur calcaire ;
l’une dans le Tadmaït, a été signalé par Flamand, l’autre,
connue sous le nom de Hadjra Mektouba, se trouve sur la rive droite
de la Saoura, à hauteur du ksar d’El Ouata, entre le Gourara et le
Touat [cf. t. I, p. 100-101]. Au premier abord, à Hadjra Mektouba,
on ne voit qu’une multitude de graffiti libyco-berbères, plus
ou moins récents. Mais à la regarder avec soin, en cherchant les
incidences favorables, on y retrouve une multitude de très vieilles
figures floues et indistinctes, cependant reconnaissables. En même
temps qu’elles, on voit partout à la surface de la pierre, inscrite
en cuvettes et en lapiez, l’action des eaux pluviales ; c’est la
pluie qui, par son action chimique, a en partie effacé les vieilles
images et non pas le vent. Ainsi donc, même dans les pays où il
pleut tous les vingt ans, sur les roches calcaires tout au moins,
l’action des eaux météoriques est plus efficace et reste mieux
marquée que celle du vent. Ces Hadjra Mektouba sont horizontales,
au ras du sol, nullement à l’abri, dans les conditions les plus
favorables à l’action éolienne et malgré cela le vent, aidé du
sable, n’a pas pu, en une vingtaine de siècles au moins, effacer
des traits dont la profondeur ne dépassait guère 1 centimètre. Sous
nos climats, les hiéroglyphes d’Égypte auraient disparu depuis
longtemps et l’on ne peut songer à mettre en parallèle, au point
de vue de l’intensité de leurs actions, l’érosion pluviale et
l’érosion éolienne.

Comme les hiéroglyphes, les dessins rupestres sont gravés en
creux dans la roche ; une usure un peu profonde est nécessaire pour
les effacer. D’autres vestiges anciens sont plus superficiels et
semblent incapables de résister à la moindre érosion.

Certaines inscriptions sont peintes à l’ocre et l’une d’elles
au moins peut être datée avec quelque précision : à Timissao,
près du puits, existe une grotte ou plutôt un abri sous roche. Au
plafond de cette grotte se trouve une inscription célèbre dans
tout le Sahara, et dont Duveyrier avait déjà entendu parler ;
elle est peinte à l’ocre et encadrée d’un rectangle de 1
mètre de long sur 0 m. 80 de large ; les lettres ont une dizaine
de centimètres. M. Benhazera [_Six mois chez les Touaregs_, p. 205
et suiv.] a pu en copier la moitié.

Cette inscription serait bien écrite en caractères koufiques qui,
comme on sait, furent abandonnés peu de temps après l’hégire ;
sa signification semble bien indiquer qu’elle émane des
premiers missionnaires qui aient cherché à convertir le pays
à l’Islamisme ; s’appuyant en outre sur quelques données
historiques, Benhazera fixe au VIIe ou VIIIe siècle de l’ère
chrétienne la date de cette inscription.

Située à 5 mètres au-dessus du sol, dans une vallée étroite
où le vent s’engouffre avec force, cette inscription n’a pas
pu être effacée par l’érosion éolienne, en plus d’un millier
d’années[198].

Les talus de sable qui, dans le Manga, forment la bordure des
cuvettes sont souvent attaqués par de véritables « torrents
éoliens ». Profitant d’une brèche, ouverte dans cette petite
dune, le vent y entraîne lorsqu’il est violent, de grandes masses
de sable qui creusent un véritable ravin, au fond duquel se trouve
parfois, sur la face orientale de la cuvette, une sorte de cône de
déjection. Le phénomène est fréquent entre Mirrh et le Tchad ;
Freydenberg a pu l’observer à l’est du lac et il a noté, près
de Mao, un affouillement de 60 à 80 centimètres, creusé en une
heure [_l. c._, p. 57-58].

Mais il s’agit de sable de dune non cimenté, d’un sol
extrêmement meuble, incapable de résister au moindre agent
d’érosion.

De semblables phénomènes sont fréquents dans les dunes où le
moindre ébranlement, quelle que soit sa cause, peut produire des
éboulements considérables ; on connaît leurs analogues dans les
champs de neige et dans les cendres volcaniques, où des avalanches
sèches produisent souvent des érosions autrement considérables.

Il semble donc que la puissance érosive du vent et du sable
qu’il entraîne est extrêmement faible ; le rôle du vent se
borne à enlever tous les matériaux meubles que la sécheresse lui
a livrés ; la genèse des regs [cf. t. I, p. 3] en est un excellent
exemple ; le vent excelle aussi à dépouiller toutes les hauteurs
de la terre végétale, laissant partout la roche à nu ; il en
résulte dans le paysage des lignes très heurtées, des formes
presque géométriques qui, à première vue, font croire à une
érosion formidable ; tous les reliefs du Sahara sont réduits à
leur squelette. Un aspect aussi décharné ne nous est familier,
en Europe, que sur les hautes montagnes ou au bord de la mer et
nous sommes portés à l’attribuer, au désert comme chez nous,
à une érosion puissante : il s’agit d’un simple époussetage.


=Insolation.= — Grâce à la sécheresse de l’air au Sahara,
les variations de température de la surface des roches sont
considérables ; elles peuvent atteindre en vingt-quatre heures une
soixantaine de degrés. A cause de leur mauvaise conductibilité, la
plupart des roches supportent mal un pareil régime ; il se produit
une desquamation, un décollement des parties superficielles, auquel
sont le plus souvent attribuables les menues esquilles qui, à la
surface des hammadas calcaires et des tassilis gréseux, jonchent le
sol et rendent la marche pénible sur ces surfaces horizontales. La
protection que ces éclats assurent, contre l’insolation et le
rayonnement, aux roches qu’ils recouvrent, empêche le phénomène
de se manifester profondément.

Sous l’influence du même phénomène, beaucoup de blocs éruptifs
s’ouvrent « en roses » ; les écailles qui se détachent par ce
mécanisme sont en général assez minces (quelques centimètres au
plus), mais elles peuvent atteindre plusieurs décimètres carrés
de surface. Ces écailles granitiques ont souvent été utilisées
dans la construction des tombeaux.

Beaucoup se séparent complètement et tombent sur le sol au pied du
bloc dont elles proviennent ; il semble donc que cette desquamation
puisse se continuer indéfiniment ; mais, en fait, l’abondance
des dessins et des inscriptions tifinar’s, vieux au moins de
plusieurs siècles, sur un grand nombre de blocs de granite,
met bien en évidence la lenteur de leur destruction et le peu
d’importance de ce mécanisme ; même au Sahara, l’insolation,
pas plus d’ailleurs que l’érosion éolienne, ne paraît capable
de modifier sérieusement le modelé acquis ; la réunion de ces
deux facteurs, dont on a visiblement exagéré l’importance, est
incapable d’expliquer la genèse des éléments sableux qui ont
servi à l’édification des dunes.

D’ailleurs dès qu’un éclat est assez petit pour que ses
différentes parties puissent se mettre rapidement en équilibre
thermique, le soleil ne peut plus rien sur lui et il ne semble pas
que l’insolation soit capable de réduire une roche à l’état
de sable.

Nous sommes donc ramenés, par une voie indirecte, à chercher
ailleurs l’origine des éléments qui ont servi à la construction
des ergs ; il faut admettre que ces éléments sont antérieurs au
désert ; ils ont été formés par ruissellement et par érosion
fluviale à une époque où les oueds du Sahara étaient de vrais
fleuves ; les dunes proviennent d’un remaniement par le vent des
alluvions quaternaires [cf. t. I, chap. II].

On a parfois attribué à l’insolation la formation de squames
épaisses de 2 mètres, et de grandes dimensions superficielles ; je
ne crois pas que cette manière de voir soit justifiée : en Europe,
où le phénomène a été bien étudié, les variations de la
température du sol s’amortissent très vite avec la profondeur ;
à 1 mètre, elles ne sont plus que de quelques centièmes
de degré. Cette loi de décroissance, conforme d’ailleurs aux
données expérimentales de la physique, est certainement applicable
aux roches des pays chauds.[199] où il est douteux que, à 2 mètres
de profondeur, les variations diurnes de la température dépassent
quelques dixièmes de degré ; les dilatations qui en résultent sont
bien faibles pour expliquer une rupture, d’autant plus qu’elles
se produisent lentement.

Cette desquamation par insolation ne peut porter que sur des plaques
peu épaisses, à cause des conditions physiques qu’elle nécessite.


[Note 176 : On trouvera de nombreux renseignements techniques et
des indications bibliographiques sur les roches africaines dans les
publications suivantes :

Lacroix, Résultats minéralogiques de récentes explorations
dans l’Afrique occidentale française et dans la région du
Tchad, _La Revue Coloniale_, 1905, p. 129-139, 205-223. —
Gentil, Pétrographie, in Foureau, _Documents scientifiques de
la Mission Saharienne_, 1905, p. 697-749. — A. de Romeu, Sur
les roches éruptives rapportées par le capitaine Théveniaut de
l’Adr’ar’, _Bull. du Muséum_, 1907, p. 179-181. — Chudeau,
_C. R. Ac. Sc._, 1907, CXLV, p. 82-85. — Courtet, in Chevalier,
_L’Afrique Centrale Française_, 1908, p. 670-690. — Hubert,
_Contribution à l’étude de la Géographie physique du Dahomey_,
Thèse, 1908, p. 459-501. — Freydenberg, _Le Tchad et le bassin
du Chari_, Thèse, 1908, p. 171-187.]

[Note 177 : D’après Rolland, _Géologie du Sahara Algérien_
(Mission Choisy), 1890, p. 247.]

[Note 178 : Dans des notes antérieures, Gautier et moi, avions
indiqué qu’il y avait peut-être des roches d’épanchement
dans l’Adr’ar’ des Ifor’as. Jusqu’à présent, l’examen
pétrographique n’a pas confirmé cette impression.]

[Note 179 : Lacroix, _Contributions à l’étude des brèches et
des conglomérats volcaniques_, in _Bull. Soc. Géol. Fr._, [4],
VI, 1906, p. 635-685.]

[Note 180 : Freydenberg, _La Géographie_, XVII, 1908, p. 111.]

[Note 181 : Hubert, _C. R. Ac. Sc._, 1er août 1904.]

[Note 182 : _Bull. Soc. Géol. Fr._, 4e s., VII, 1907, p. 427-440.]

[Note 183 : Arsandaux, _Contribution à l’étude des roches
alcalines de l’Est africain_, Thèse, Paris, 1906. — Lacroix,
_C. R. Ac. Sc._, CXXX, 1900, p. 1208.]

[Note 184 : _Bull. Soc. Géol. Fr._, 4e s., VIII, 1908, p. 35. —
Des mêmes auteurs, une note plus détaillée, avec bibliographie,
_La latérisation_, in _Bull. Soc. de l’Industrie Minérale_,
[4], IX, 1908.]

[Note 185 : _Thèse_, Paris, 1905, p. 132.]

[Note 186 : _La Géographie_, XV, 1907, p. 107. — _Id._, XVII,
1908, p. 111.]

[Note 187 : _Doc. Sc._, t. II, p. 672 et suiv.]

[Note 188 : Lemoine, _Bull. du Comité de l’Afr. fr._, janvier 1908,
p. 38-40.]

[Note 189 : Capitaine Friry, _Note sur la Géologie du Sénégal_,
p. 292, in _Bull. du Muséum_, 1908, no 6, p. 285-300.]

[Note 190 : _Rens. col. Bull. du Comité de l’Afr. fr._, juillet
1907, p. 173. — _La Géographie_, XVI, 1907, p. 376.]

[Note 191 : Les observations barométriques ont donné une différence
de niveau de 150 mètres entre la ligne de faîte du plateau et la
sebkha de Taoudenni.]

[Note 192 : _Koukchat_ = enveloppe, écorce.]

[Note 193 : Lacroix, _Bull. Soc. Française de Minéralogie_,
1908. — Gadel, _Revue Coloniale_, 1907, p. 351. — J’ai pris
aussi quelques renseignements dans une lettre du lieutenant F. de
Jonquières, et dans une note manuscrite du sergent Lacombe.]

[Note 194 : Peut-être y a-t-il un rapprochement à faire, au point
de vue clinique, entre le sel de Bilma et les roches éruptives
alcalines du centre africain ?]

[Note 195 : Teguidda voudrait dire source, d’après Jean, _Les
Touaregs du S.-E._, p. 135.]

[Note 196 : Gadel, _Notes sur l’Aïr_, p. 51. — Jean, _l. c._,
p. 136-137. — Rapport inédit de Posth.]

[Note 197 : Toutes les oasis du désert libyque (Fayoum, Baharia,
Farafra, Kharga) auraient une origine analogue. Par suite de
l’érosion, depuis l’Éocène, les calcaires à operculines,
assez résistants, ont disparu de toutes les parties hautes des
accidents anticlinaux, laissant à nu les terrains crétacés,
formés de roches tendres. Pendant la fin des temps tertiaires et
le début du Quaternaire, les roches, mises ainsi à découvert et
déjà disloquées par les actions tectoniques, auraient disparu
sous l’influence du ruissellement et, à l’époque actuelle,
du sable traîné par le vent. Ce dernier produirait maintenant les
effets les plus remarquables. Dans les cuvettes ainsi creusées se
sont établies les oasis.

Cette manière de voir, nettement indiquée à propos de Baharia, qui
est une dépression sans issue, [Beadnell, _Découvertes géologiques
récentes dans la vallée du Nil et le désert Libyen_, in VIIIe
_Congrès géologique_, Paris, 1900, p. 857] est encore reprise par
J. Ball [_Kharga Oasis : its topography and geology_, Cairo, 1900,
p. 100 et 101] ; cependant l’existence de galets et de tufs, avec
feuilles de _Quercus Ilex_, au fond de la dépression, est donnée
comme une preuve que l’érosion fluviale a commencé le travail ;
le vent n’a fait qu’agrandir la cuvette ; un peu plus tard, Ball
et Beadnell [_Baharia Oasis_, etc., Cairo, 1903, p. 72] reconnaissent
qu’un lac a joué un certain rôle dans l’affaire. Enfin Beadnell
[_The topography and geology of the Fayum province of Egypt_,
Cairo, 1905] donne (fig. 6, p. 67) la carte d’une rivière qui,
pendant l’Éocène supérieur et l’Oligocène, aboutissait au
Fayoum. Cette rivière passait à Baharia où elle s’épandait en
lac. Il semble donc que le gros travail a été fait par l’eau ;
le vent se serait chargé de déblayer les matériaux meubles et de
parachever la sculpture des falaises. Davis arrive à des conclusions
analogues pour les déserts américains [_Bull. Mus. Comp. Zoology_,
XXXVIII, 1901, p. 187-192 et XLII, 1903, p. 34].]

[Note 198 : L’âge koufique de cette inscription a, paraît-il,
été contesté ; elle serait récente. En tous cas, dès 1860,
elle était célèbre au Sahara et déjà considérée comme
ancienne. Croit-on qu’en France, un graffiti, tracé à l’ocre,
resterait pleinement lisible pendant plus d’un demi-siècle ?]

[Note 199 : Dans les dunes du Sahara où les variations de la
température superficielle sont considérables, il suffit de creuser
un trou de quelques centimètres pour trouver une température
sensiblement constante.]




                             CHAPITRE VIII

                              LE COMMERCE

    Le commerce transsaharien. — Le commerce saharien. — L’avenir.


=Le commerce transsaharien.= — Il a été de mode, pendant
longtemps, de considérer le commerce transsaharien soit comme très
riche et assez important pour justifier l’établissement d’un
chemin de fer, soit au contraire comme très pauvre et parfaitement
négligeable. Les études de ces dernières années permettent, sinon
de mettre la question tout à fait au point, du moins de croire que
les échanges qui se font par caravanes à travers le désert ont
une importance suffisante pour justifier une étude attentive et
pour attirer l’attention du commerce français.

Autrefois le trafic saharien était très simple : la traite des
noirs en faisait la base ; les plumes d’autruche, l’or[200]
étaient l’objet de transactions insignifiantes et déjà Duveyrier
savait que la sécurité plus grande que le général Faidherbe avait
assurée à la voie du Sénégal, permettait à ces matières riches
de s’écouler par Saint-Louis.

La suppression de la traite qui ne subsiste plus guère qu’au sud
du Maroc et, beaucoup plus à l’est, entre l’Ouadaï et Ben
Ghazi, a depuis une trentaine d’années modifié complètement
les conditions du transit saharien.

Au commencement du XIXe siècle, le Niger était fréquenté par les
caravanes du Gourara qui fournissaient d’esclaves l’Algérie et
le Maroc.

Le Tidikelt commerçait avec l’Aïr et Kano ; le fait que de
nombreuses tribus de la région sont bilingues [cf. t. I, p. 307]
facilitait singulièrement les relations entre les Arabes du Sud
algérien et les Berbères du Soudan. Chaque année, les ksour seuls
d’In Salah envoyaient vers Kano une caravane de 500 chameaux portant
des étoffes algériennes. Ils ramenaient de 500 à 1000 esclaves
qui, payés 25 francs au Soudan, se vendaient 150 à In Salah. Les
vieillards du Tidikelt ont conservé le souvenir d’affaires encore
plus fructueuses : en 1853, un cheval, acheté 315 francs au Tidikelt,
fut échangé à Kano contre 40 négresses. Le voyage complet durait
six mois.

A cette époque, le Tidikelt avait de nombreux chameaux ; cependant
il devait parfois en louer au Touaregs de l’Ahaggar : le prix
était de 20 metkals d’or (125 fr.) jusqu’à Zinder ; c’est
encore à peu près le prix actuel[201].

Presque tous les ans, partant du Tafilala ou de l’oued Draa,
des rezzou vont encore jusqu’à Taoudenni enlever des esclaves ;
ils atteignent parfois le Timetrin ou l’Adr’ar’ des Ifor’as
et l’un d’eux a récemment menacé Tombouctou et Bemba. La
reconnaissance de l’Iguidi, celles des pistes qui, du Touat, mènent
au Djouf et de Taoudenni au Niger[202], permettent d’espérer
que ces actes de brigandage déjà peu fructueux deviendront de
plus en plus hasardeux et que les pillards, menacés d’avoir
leur retraite coupée, renonceront à ces coups de main dont la
rémunération ne serait plus suffisante. Il convient cependant de
remarquer qu’au voisinage de l’Atlantique les fusils à pierre
font place à des armes plus perfectionnées : le rezzou[203] que
les Taïtoq de l’Ahnet avaient lancé à la fin de 1906 contre
les tribus du Sahel a été presque entièrement détruit par les
fusils à tir rapide des Maures, qui, cette année même (1908),
nous ont fait éprouver des pertes cruelles.

Il semble par contre que, entre la Tripolitaine et l’Ouadaï[204],
l’antique commerce des esclaves a conservé toute son importance :
les noirs sont échangés contre des armes et des munitions de
guerre, destinées en majeure partie à l’Ouadaï et au Darfour ;
si nous n’y veillons, la situation peut devenir dangereuse pour
l’Angleterre comme pour nous[205].

Le commerce de Benghazi avec l’Ouadaï[206] et les régions voisines
de l’Afrique centrale est en progrès depuis quelques années ;
en 1905, les caravanes avaient transporté dans l’Ouadaï 300
charges de chameaux[207], consistant surtout en objets manufacturés
d’origine anglaise, en thé et en sucre ; leur valeur était de
218000 francs. En 1906, les statistiques des consuls ont compté 500
charges valant 363000 francs. On a de plus constaté, officiellement,
l’arrivée de 8000 fusils et revolvers à Benghazi en 1905,
et de 9000, en 1906 ; ces chiffres sont évidemment un minimum,
la contrebande de guerre ne se faisant pas habituellement au
grand jour. La plupart de ces armes sont dirigées sur l’Afrique
centrale. Sur une route différente, une caravane de 200 chameaux,
chargée d’armes et de munitions, était passée à Iférouane
peu de temps avant mon arrivée dans l’Aïr (sept. 1905). La
contre-partie de ces importations est formée surtout par le commerce
des esclaves.

Entre ces deux voies extrêmes qui échappent encore, au moins en
partie, à notre contrôle, il existe quelques autres pistes.

Celle de Mourzouk au Tchad par Bilma, très pénible, est délaissée
depuis quelques années : le pillage du Bornou par Rabah avait
appauvri son terminus et les fréquentes attaques des Tebbous et
des Ouled Sliman la rendaient trop peu sûre ; elle est si peu
fréquentée que le lieutenant Ayasse[208], pour sa reconnaissance
du Kaouar, (20 déc. 1904-4 février 1905), n’a pu trouver aucun
guide connaissant la piste de N’Guigmi à Bilma. L’occupation
de Bilma (1906) rendra à cette route une sécurité suffisante,
mais il est douteux que cette occupation puisse être maintenue ;
l’absence complète de pâturages dans la région y rend trop
onéreux l’entretien d’un peloton de méharistes, la seule arme
que l’on puisse utiliser dans le Tiniri.

Les échanges entre le Tidikelt et la région de Tombouctou sont
depuis quelques années peu importants.

Ils ont eu cependant leur période de prospérité pendant une
vingtaine d’années : vers 1840, la conquête de l’Algérie
avait partiellement fermé ce marché au commerce des esclaves. Les
caravaniers d’In Salah, renonçant à Kano, se tournèrent
alors vers R’adamés et agirent comme simples commanditaires de
négociants tripolitains dont ils transportaient les marchandises
à Tombouctou : ils touchaient 100 metkals d’or (625 fr.) pour le
transport de trois charges de R’adamés au Niger.

La prise de Tombouctou par El Hadj Omar et ses Toucouleurs (1861),
l’hostilité des Touaregs obligèrent les habitants du Tidikelt à
renoncer à ce commerce ; à cause des facilités de transport par
le Sénégal, le chemin de fer de Kayes à Koulikoro et le Niger,
facilités qu’accroîtra la ligne bientôt achevée de Thiès à
Kayes, il est douteux que la paix française puisse le faire revivre.

Une caravane de 68 chameaux, partie du Tidikelt, a fait une tentative
en 1904 ; elle a trouvé le marché de Tombouctou encombré de
marchandises venues par le fleuve.

Mabroucka, fondée il y a environ deux siècles par les Arabes
d’Araouan, a servi longtemps d’entrepôt aux caravanes de
Tombouctou au Touat ; elle a pu avoir une population d’un
millier d’habitants. Ce ksar a été détruit et pillé il y a
une dizaine d’années et comme il n’a plus de raison d’être,
il ne s’est pas relevé de ses ruines. Cauvin[209] qui l’a vu en
mai 1907, n’y a trouvé qu’un seul habitant, un vieux marabout
qui n’avait jamais voulu le quitter.

Restent les pistes qui, passant par l’Aïr, aboutissent aux États
haoussas (Zinder-Kano). Elles ont été récemment étudiées sur
place et les notes (Gadel, Dinaux, Métois) dont elles ont été
l’objet aboutissent aux mêmes conclusions, qui sont bien d’accord
avec les renseignements et les impressions que j’ai pu recueillir
dans l’Ahaggar, l’Aïr et à Zinder.

La plupart des caravanes qui aboutissent à Zinder et à Kano
partent de Tripoli où elles s’approvisionnent de produits anglais
dont Malte est le principal entrepôt[210]. Elles passent ensuite
par R’ât où les Turcs tiennent garnison. La neutralisation
injustifiée de Djanet, que le capitaine Touchard avait occupé
en 1905, nous rendra difficile la surveillance de cette voie qui
est importante. Du 1er janvier à la fin d’avril 1904, il est
passé à Djadjidouna (Damergou) 700000 francs de marchandises à
destination de Kano ; 300000 francs, de Zinder. Cette statistique,
arrêtée trop tôt, ne porte à peu près que sur le quart des
caravanes qui passent annuellement à Djadjidouna.

Une partie des marchandises (couvertures, burnous, etc.) provenait
de Tripolitaine ; les articles européens de qualité médiocre
(papiers, cotonnades, sucres, quincailleries, etc.) étaient de
fabrication anglaise, allemande ou italienne. La France n’était
représentée que par une centaine de francs de bougies [Jean,
_Les Touaregs du S.-E._, p. 47-48].

Pendant mon séjour à Iférouane (21 septembre-14 octobre 1905),
j’y ai vu passer chaque jour de petites caravanes d’une vingtaine
de chameaux. Le commandant Gadel, qui a pu faire, soit à Agadès,
soit à Zinder, des observations plus longues et contrôlées
par les statistiques des postes, donne les chiffres suivants :
les Arabes apportent environ 1300 charges[211] à Zinder et une
centaine à Tessaoua ; les articles principaux sont des cotonnades,
les allumettes, les bougies, le papier, quelques parfums, etc.,
le tout de provenance anglaise. De Zinder il part annuellement,
vers le nord, 1000 charges de filali[212], 15 d’ivoire et autant
de plumes d’autruche ; de Tessaoua, 150 charges de filali.

Les chiffres indiqués sont évidemment faibles ; ils suffiraient
à peine à assurer chaque année la charge d’un train de
marchandises : un chemin de fer transsaharien ne saurait être
envisagé autrement que comme instrument impérial. Malgré son
peu d’importance, ce trafic représente largement trois millions
sur lesquels les bénéfices sont considérables ; il ne peut que
s’accroître : depuis que nous assurons la paix à ces malheureuses
régions que ravageaient, il y a quelques années encore, les
conquérants noirs (Rabah a été vaincu et tué à Koussri le 22
avril 1900), la population se refait rapidement, les cultures se
développent et le commerce ne peut que suivre la même marche.


=Le commerce saharien.= — A côté de ce trafic direct entre la
Méditerranée et le Soudan, il existe à l’intérieur du Sahara
un commerce assez considérable.

Les Touaregs de l’Ahaggar sont obligés d’acheter au dehors des
dattes et des céréales que leur pays ne produit pas en quantité
suffisante. Chaque année, à l’automne, ils vont au Tidikelt
chercher des dattes qu’ils échangent contre du bétail (chameaux,
ânes et chèvres) ; ils achètent en même temps des cotonnades qui
leur servent surtout dans leur commerce avec le Soudan. D’autres
caravanes, à la même époque, vont dans l’Aïr et le Damergou,
parfois jusqu’au Zinder, acheter du mil qu’ils troquent contre
le sel d’Amadr’or et les cotonnades du Tidikelt. Ce commerce
annuel est le plus important, mais il n’est pas le seul. Presque
chaque mois, quelques Arabes du Tidikelt, des Ahl Azzi surtout,
passent à l’Ahaggar avec quelques chameaux : la cotonnade est
toujours le fond du chargement ; le sucre, un peu de verroterie
et de quincaillerie ne sont que des accessoires ; ils échangent
d’abord presque toutes leurs marchandises, dans les ar’erem,
contre des céréales, puis ils vont de campements en campements
vendre leur grain et leur pacotille contre des chèvres qu’ils
ramènent à In Salah.

Depuis que les tournées fréquentes des troupes du Tidikelt ont
rendu l’argent moins rare à l’Ahaggar, beaucoup de ces Ahl Azzi
préfèrent être payés en pièces de cinq francs.

Régulièrement aussi quelques Touaregs, appartenant surtout aux
tribus Isak’k’amaren, circulent entre l’Ahaggar, le Tidikelt,
R’ât et l’Aïr. Leur commerce porte surtout sur les produits de
l’industrie du Soudan : selles de méhari, filali, peaux de bouc,
vêtements brodés, et quelques objets de luxe achetés à R’ât.

Enfin quelques caravaniers vont jusqu’à l’Adr’ar’ des
Ifor’as, où, en dehors du bétail, ils trouvent du riz du Niger.

Plus au sud, il ne subsiste plus qu’une seule marchandise, le sel,
donnant lieu à des transactions importantes. En 1906, la grande
caravane du mois de mai, l’azalai, a apporté sur le marché
de Tombouctou 48000 barres de sel de Taoudenni (la barre pèse 40
kg.)[213] soit 12000 charges ; ce chiffre n’est qu’un minimum,
l’impôt de 10 p. 100 que prélève le fisc sur ce produit rendant
la contrebande fructueuse dans un pays dont la surveillance est
difficile. De Bilma, l’exportation est peut-être encore plus
considérable : d’après Gadel, les Kel Oui dirigeraient 15000
charges de sel sur Zinder, 1500 sur Guidambado et 800 sur Tessaoua ;
il y a encore d’autres lignes et de Jonquières évalue à 40000
le nombre des chameaux qui viennent annuellement dans le Kaouar
chercher le sel. Pour les Teguiddas et l’Amadr’or, les chiffres
font défaut, mais doivent être assez importants.

La contre-partie est fournie par les cotonnades du Soudan,
mais surtout par les céréales qui donnent parfois lieu à
des transactions très avantageuses : une mesure de beau sel
d’Amadr’or s’échange contre 6 ou 7 mesures de mil dans
l’Aïr, et jusqu’à 30 ou 40 dans le Damergou suivant Benhazera ;
d’après une note manuscrite du sergent Lacombe, un pain de sel
de Bilma de 10 kilogrammes vaut sur place 0 fr. 10 et se vend à
Zinder de 10 à 12 francs. La barre de sel de Taoudenni vaut 10 à 12
francs à Tombouctou ; sur place, elle est échangée contre 1 franc
en riz ou en mil ; cela fait une trentaine de francs de bénéfice
par charge.

Cette prédominance du commerce du sel dans les confins sahariens
est inquiétante : les nomades ont dû, depuis quelques années,
renoncer au commerce des esclaves qui était pour eux une source
de gros revenus ; malgré l’infériorité probable de certains
noirs, il n’y a évidemment pas lieu de regretter la suppression
de ce trafic. Mais le Sahara est à peine remis de la perturbation
économique qu’a amenée l’interdiction de la traite. Le commerce
du sel est menacé d’une révolution analogue : à mesure que
se perfectionnent les voies d’accès au Niger, les articles
européens deviennent d’un transport de plus en plus facile ;
déjà, de Dakar ou de Saint-Louis, le sel commence à pénétrer
jusqu’au grand fleuve ; les noirs hésitent encore un peu à acheter
un produit qui ne se présente pas sous l’aspect traditionnel,
mais la différence de prix assurera rapidement le triomphe du sel
sénégalais et d’ici quelques années, les grandes caravanes de
Taoudenni ne seront plus qu’un souvenir.

Il ne faut pas d’ailleurs s’exagérer l’importance de ce
ksar ; sur la foi des racontars indigènes, on lui attribuait 2000
habitants. D’après Cauvin [_l. c._, 553], Taoudenni est un village
assez misérable, entouré d’un mur d’enceinte rectangulaire
(120 m. sur 80 m.) en mauvais état, que ne défendent plus deux
canons hors d’usage (Pl. XXXVII, phot. 71, 72) ; il n’y aurait
que 150 à 200 habitants, 45 à 50 chefs de cases. Cortier [_La
Géographie_, XIV, 1906, p. 327] donne un plan de Taoudenni.

Bou Djebeha (Pl. XXXVI, phot. 69) n’a que 40 cases ; il n’y a
aucune culture, malgré 29 puits de profondeur médiocre. Araouan
(Pl. XXXVI, phot. 70) paraît plus important (1000 h. ?) Ce serait
une très vieille ville, antérieure à Tombouctou[214]. Ces trois
ksour ne vivent que du commerce du sel et paraissent appeler à une
prompte disparition dont les causes seront purement économiques.

Bilma, à cause de son éloignement, est moins rapidement menacé
que Taoudenni, mais perdra cependant une partie de sa clientèle : la
région de Tahoua est trop près du Niger pour ne pas lui échapper.

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                             PL. XXXVI.

[Illustration : Cliché Cauvin

69. — LE KSAR DE BOU DJEBIHA.]

[Illustration : Cliché Cauvin

70. — LE KSAR D’ARAOUAN.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                            PL. XXXVII.

[Illustration : Cliché Cauvin

71. — VUE D’ENSEMBLE DU KSAR DE TAOUDENNI.]

[Illustration : Cliché Cauvin

72. — UNE PLACE, A TAOUDENNI.]

R. CHUDEAU. — Sahara Soudanais.                           PL. XXXVIII.

[Illustration : Cliché Cauvin

73. — LE VILLAGE D’AGORGOTT, PRÈS TAOUDENNI.]

[Illustration : Cliché Posth

74. — UNE CARAVANE APPORTANT LE MIL DANS LE POSTE DE TINCHAMANE.

Au fond, le minaret d’Agadez.]


=L’avenir.= — Évidemment les choses humaines finissent
toujours par se tasser, mais la crise sera dure, et toute cause
d’appauvrissement de peuplades naturellement turbulentes constitue
un danger pour la paix.

Sur les bords du Niger, l’agriculture se développe très rapidement
et il faudra encore de longues années pour que tous les terrains
exploitables soient mis en valeur ; l’avenir de l’élevage est
aussi assuré dans ces régions.

Plus au nord, de même qu’entre le Niger et le Tchad, la situation
se présente moins bien ; les cultures de l’Adr’ar’ des
Ifor’as, celles de l’Ahaggar et aussi celles de l’Aïr peuvent
devenir plus étendues, mais l’extension possible semble assez
limitée ; les oasis de l’archipel touatien peuvent, en utilisant
mieux leurs foggaras, en améliorant leurs procédés de cultures,
en introduisant peut-être quelques plantes nouvelles, accroître
légèrement leurs ressources. Il leur est dès maintenant difficile
de mettre en valeur de nouvelles surfaces.

Il semble douteux que le Sahara central puisse jamais vivre sans les
ressources étrangères qu’il puisait autrefois dans les pillages
et dans la location de ses chameaux aux caravanes. Cette seconde
ressource est la seule à encourager ; pendant quelques années
encore, la voie du désert sera la moins coûteuse pour la région
de Zinder et du Tchad, et il est à souhaiter que l’on arrive à
détourner vers Gabès ou l’Algérie le trafic qui part actuellement
de Malte et de Tripoli.

Ce trafic n’est pas considérable, mais il mérite cependant
d’attirer l’attention.

Cette route de la Méditerranée au Centre africain par R’at et
l’Aïr est encore assez vivante, et pour détourner une partie de
son trafic vers l’Algérie et la Tunisie, le Tidikelt n’aurait
qu’à reprendre ses anciennes traditions ; ce n’est que depuis le
milieu du siècle dernier qu’il a abandonné cette route aux Azdjer.

L’abandon n’a d’ailleurs jamais été complet, et, chaque
année, quelques indigènes du Tidikelt vont encore dans l’Aïr :
mais le trafic est insignifiant et il ne passait guère qu’une
dizaine de chameaux par an, ces années dernières. Il y avait encore,
en 1905, dans le Damergou, à Djadjidouna, un habitant d’In Salah
qui leur servait de dépositaire.

Il serait intéressant, maintenant que notre domination assure aux
routes de l’Ahaggar une grande sécurité, de chercher à rendre un
peu de vie à ces régions. Le regretté Dr Decorse, qui connaissait
bien le Soudan, a posé nettement la question et le capitaine Dinaux
en a fait une étude précise.

De Tripoli à Iférouane, il y a 1900 kilomètres ; R’at, situé
à moitié route, fréquenté par les Azdjer, est un bon centre de
ravitaillement où l’on est sûr de trouver des chameaux à louer.

Comme point de départ, Gabès paraît aussi bien situé que
Tripoli ; la ligne Gabès, Ouargla, In Salah, fréquentée par les
Chaambas et les nomades du Tidikelt, est suffisamment riche en eau,
pour des caravanes même importantes ; d’In Salah à l’Aïr, les
chameaux des Touaregs de l’Ahaggar pourraient facilement assurer le
transport ; il y a malheureusement par cette voie 2500 kilomètres de
la Méditerranée à Iférouane et il n’est pas certain que la plus
grande sécurité de la route compense suffisamment cette différence
de 600 kilomètres. La chose mérite toutefois d’être tentée.

Il est d’ailleurs possible, en évitant le crochet d’In Azaoua,
d’abréger un peu ce trajet ; il existe une route directe entre
l’Ahaggar et Agadez par Izilek et la plaine de Talak. Izilek,
qui a été reconnu récemment par le lieutenant Halphen, est
un carrefour important ; une route, venant de Tîn Zaouaten
(Adr’ar’ des Ifor’as), y passe et s’y bifurque sur In
Azaoua et sur Iférouane. C’est d’ailleurs cette route directe
de Tarahaouthaout à Talak que suivent les troupeaux de bœufs qui
vont de l’Aïr à l’Ahaggar.

Une expérience intéressante a déjà été faite en avril 1905. Le
poste d’Agadez a reçu à cette époque, par l’intermédiaire
d’In Salah, du Sud algérien, 180 kilogrammes de marchandises. Le
prix du transport d’Europe à la capitale de l’Aïr, a été
inférieur à 125 francs les 100 kilogrammes ; d’Agadez à Zinder
il faut compter une trentaine de francs en plus. Par la voie du
Sénégal et du Niger, le prix du transport de France à Niamey d’un
quintal était de 131 francs ; de Niamey à Zinder il reste encore
800 kilomètres de voie de terre, soit une soixantaine de francs.

Malgré les meilleures conditions que les voyages du _Mage_
à Ansongo assurent sur le Niger, il est bien probable que les
transports pour Zinder par le Sahara sont un peu moins coûteux que
par le Sénégal. Pour l’Aïr et Agadez, l’économie n’est
pas douteuse et la voie est plus rapide.

Ces expériences ont d’ailleurs été continuées, et dans le
but de chercher à renouer les anciennes relations commerciales
avec le Soudan, des facilités avaient été consenties à quelques
indigènes du Tidikelt. Les premiers d’entre eux sont rentrés à
In Salah en août 1908, très satisfaits de leur voyage.

Tous les caravaniers interrogés à Zinder ou à Agadez, aussi bien
qu’au Tidikelt, les commerçants indigènes de R’adamés comme
ceux du Sud tunisien et les Européens, déjà assez nombreux,
qui connaissent le pays sont d’accord sur un point important :
seuls les méharistes français peuvent actuellement assurer au
Sahara et aux voies caravanières une sécurité satisfaisante ;
tous les nomades préfèrent circuler, avec leurs marchandises,
en territoires français. Les Tadjakant de Taoudenni ont déjà
demandé que l’action de nos colonnes soit plus énergique dans
le Sahara occidental.

Cette unanimité s’est déjà traduite par des faits ;
depuis quelque temps, il est arrivé chaque mois à Gabès pour
30000 ou 40000 francs de marchandises soudanaises, consistant
surtout en peaux de filali, fort prisées en Afrique mineure,
et en plumes d’autruches et ivoire qui intéressent le commerce
européen. C’est là un symptôme de bon augure pour l’avenir de
Gabès : les marchandises qui transitent par l’Aïr représentent
annuellement 5 ou 6 millions, chiffre négligeable peut-être pour
l’ensemble du commerce de la Tunisie, mais à coup sûr intéressant
pour le port du sud de la Régence.

Il y a malheureusement encore un point noir ; les caravaniers ont
trouvé à Gabès à peu près tous les produits européens dont
ils avaient besoin et le plus souvent de marques françaises ; ils
ont été moins heureux comme vendeurs. Ils ont eu quelque peine
à écouler les produits du Soudan ; il ne semble pas que cette
difficulté soit insoluble et l’on peut espérer que quelques
Tunisiens, colons ou indigènes, au besoin même, quelques Français
de la métropole, feront preuve d’une initiative égale à celle
des nomades sahariens.

Il semble bien que la chose en vaille la peine ; les négociants
anglais de Tripoli ont jugé ce commerce assez important pour
organiser des transports maritimes directs de Tripoli à Lagos ;
des entraves douanières cherchaient en même temps à restreindre
les transports par le Sahara, au profit des cargo-boats.

Malgré tout, l’avenir du commerce saharien est extrêmement
grêle ; dès maintenant on peut affirmer que les caravanes entre la
Méditerranée et le bassin du Niger sont mortes ; l’achèvement
de la ligne de Thiès à Kayes, en assurant en toutes saisons les
transports entre l’Europe et le grand fleuve du Soudan, rendra
toute tentative de résurrection impossible. Taoudenni n’a plus
que quelques années à vivre, et les villages commerciaux qui,
comme Araouan ou Bou Djebiha, ne sont que des relais sur la route de
Tombouctou aux salines, subiront le même sort. Un projet de voie
ferrée, d’Algérie au Niger, ne mérite même plus d’être
discuté.

Les seules voies caravanières qui aient quelque chance de durée,
et peut-être même d’accroissement, sont celles qui aboutissent
aux régions de Zinder et du Tchad. Elles font actuellement environ
5 ou 6 millions d’affaires ; ce n’est pas un chiffre colossal,
et il ne semble pas que son accroissement puisse jamais devenir bien
considérable ; les chemins de fer qui, du fond du golfe de Guinée,
pénètrent de plus en plus dans les États haoussas leur feront
une concurrence sévère.

Du Niger vers le Tchad, les transports se font à dos de chameaux
ou à dos de bœufs ; déjà cependant, jusqu’à Matankari, on
a pu employer des voitures et malgré le poids trop considérable
des modèles officiels, ce mode de transport s’est montré moins
coûteux. La traversée de l’Adr’ar’ de Tahoua arrête les
charrettes ; il y aurait quelques travaux, assez sérieux, à faire
pour permettre à des voitures de franchir les falaises des dallols ;
mais depuis Guidambado jusqu’au Tchad et jusqu’au Kanem, sur plus
de 800 kilomètres, la plaine est carrossable. Les animaux de trait
ne manquent pas ; si les chevaux sont peu nombreux encore et un peu
faibles, les chameaux et les bœufs abondent et l’expérience a
montré qu’il était facile de les atteler.

Il semble donc que la concurrence des chemins de fer venant du sud,
celle des charrois venant du Niger restreindront de plus eu plus le
domaine, déjà limité, qui reste aux caravanes. L’Aïr avec 20000
habitants, Bilma avec 3000, l’Ahaggar avec 6000, échapperont
longtemps encore aux autres modes de transport, mais cela est
misérable. Quant au reste du Sahara, il est vide et sans avenir.

Quant à un chemin de fer transsaharien aboutissant aux États
haoussas ou bornouans, son utilité économique paraît bien douteuse,
à moins, peut-être, que l’on n’y voit qu’un premier tronçon
d’un transafricain, entrant en lutte avec la voie du Cap au
Caire qui est probablement un peu trop excentrique. Un projet aussi
gigantesque pourra être intéressant dans un avenir lointain.


[Note 200 : L’extraction de l’or est plus active dans l’Afrique
occidentale française que ne l’indiquent les statistiques ;
une partie de ce produit, facile à dissimuler, sort en contrebande.]

[Note 201 : Flye Sainte-Marie, _Bull. Soc. Géogr. d’Oran_,
XXIV, 1904. — Ct Gadel, Notes sur l’Aïr, in _Bull. de la
Soc. de Géog. de l’A. O. F._, p. 28-52, Dakar, 1907. — Cne
Dinaux, Rapport de tournée. _Renseignements coloniaux et documents
publiés par le Comité de l’Afrique française_, XVII, p. 65-69,
1907. — Cne Métois, Aïn-Salah et ses dépendances, in _Annales
de Géographie_, 15 juillet 1907.]

[Note 202 : Flye Sainte-Marie, _Bull. Afrique française,
Renseignements coloniaux et documents_, XV, 1905, p. 381-406. —
Laperrine, _id._, XVII, p. 77-90. — Cortier, _La Géographie_,
XIV, 15 déc. 1906. — Nieger, _La Géographie_, XVI, déc. 1907.]

[Note 203 : Ce rezzou, qui s’est heurté à un fort parti de
Reguibat à 23 jours à l’ouest de Tombouctou, est un bel exemple,
malgré sa fin malheureuse, de ce que peut donner une troupe de
méharistes professionnels. On en trouvera le détail dans Dinaux
[_Renseignements publiés par le Comité de l’Afrique française_,
avril 1908, p. 108] et Cortier [_D’une rive..._, 1908, p. 112].]

[Note 204 : Mangin, _La Géographie_, XV, 1907 ; — _La Dépêche
Coloniale_, 8 avril 1907.]

[Note 205 : Les engagements importants qui ont eu lieu ces derniers
mois à l’Ouadaï, permettent d’espérer que cette irritante
question sera bientôt liquidée (_Bull. du Comité de l’Afrique
française_, nov. 1908, p. 380).]

[Note 206 : Rabot, _La Géographie_, XVI, 1908, p. 407.]

[Note 207 : La charge est de 150 kg. environ.]

[Note 208 : Ayasse, _Revue des troupes coloniales_, juin 1907,
p. 553.]

[Note 209 : Cauvin, _Bull. Soc. Géogr. Comm._, XXX, 1908, p. 567.]

[Note 210 : Les cotonnades européennes sont connues au Sahara sous
le nom de _malti_.]

[Note 211 : Ce nombre de charges est un minimum ; quelques-unes vont
directement à Tahoua ; quelques autres, peut-être assez nombreuses,
passent en contrebande.]

[Note 212 : Le filali est une peau de mouton teinte en rouge Bordeaux
par les fruits d’_Acacia arabica_ ; l’industrie européenne
n’arrive pas encore à produire cet article.]

[Note 213 : Cauvin, _Journal officiel du Haut-Sénégal et Niger_,
1er mai 1907, _Bull. Soc. Géogr. Com._, XXX, sept., 1908,p. 555.]

[Note 214 : Pichon, qui a visité Araouan et Bou Djebeha dès 1900,
signale l’abondance des pâturages à Bou Djebeha qui aurait été
fondé il y a cinquante ans. Quant à Araouan, ce n’est qu’un
relai de caravanes ; ses nombreux puits (une centaine) donnent une
eau très médiocre ; les pâturages manquent autour du ksar qui,
d’après Pichon, n’aurait que deux siècles d’existence.]




                              APPENDICES


                              APPENDICE I

                       LA CARTOGRAPHIE DU SAHARA


Les cartes que l’on peut établir du Sahara ont encore un caractère
provisoire. Les observations astronomiques sont encore clairsemées,
surtout dans le Sahara soudanais : du nord au sud, elles forment trois
bandes principales. Du Tidikelt et du Touat au Niger, on possède
de bonnes séries de position dues à Villate [_La Géographie_,
XII, 1905, p. 229, et XIII, 1906, p. 446], E.-F. Gautier [cf. t. I,
p. 339], Cortier [_D’une rive à l’autre du Sahara_, p. 399]
et Nieger [_La Géographie_, XVI, 1907, p. 364]. La route de la
Méditerranée vers Zinder, par l’Aïr, a été repérée avec
soin par Foureau [_Doc. Sc._, p. 45, 65]. Entre le Tchad, Bilma et la
Tripolitaine, nous avons les observations de Monteil [_De Saint-Louis
à Tripoli par le Tchad_]. De l’ouest à l’est, le cours du Niger
a été relevé méthodiquement par diverses missions hydrographiques
(Hourst, Mazeran, Le Blévec).

Entre le Niger et le Tchad, plusieurs commissions de délimitation
[Moll, Tilho ; _La Géographie_, XIII, 1906, p. 214] ont fixé la
position des principaux points.

Il subsiste cependant quelques divergences inadmissibles ; la
longitude de Gao est 2°,5′ W. d’après Hourst et 2°,27′,33″
d’après Cortier : une erreur matérielle peut seule expliquer
une semblable divergence.

Malgré ces quelques incertitudes, on peut considérer que, dans
l’ensemble, assez de points sont déterminés avec précision pour
que les itinéraires qui viennent s’y appuyer soient valables. Le
réseau de ces itinéraires est à mailles encore larges, mais qui
se resserrent rapidement.

L’hypsométrie est encore bien indécise. Elle repose sur des
observations d’anéroïdes, plus rarement d’hypsomètres.

Les observations de Foureau [_l. c._, p. 157], dont le calcul a
été fait par Angot, laissent une incertitude de ± 30 mètres
[p. 97]. Les itinéraires de Voinot contiennent de nombreuses
indications d’altitude qui peuvent inspirer une certaine confiance.

Dans l’esquisse hypsométrique, les courbes de 500 mètres et de
1000 mètres sont probablement à peu près exactes ; celle de 200
mètres est beaucoup plus douteuse.

La très grande activité déployée en ces dernières années
par les officiers du Soudan et par ceux des Oasis est la cause des
divergences, parfois notables, qui existent entre les deux cartes
que l’on trouvera à la fin de ce volume.

L’esquisse hypsométrique a été établie à la fin de 1907 ;
l’esquisse géologique à la fin de 1908. Dans l’intervalle, de
nombreux itinéraires ont été levés ou sont parvenus en Europe. Ces
données nouvelles ont permis à Cortier de dresser au 1000000e
une carte du Sahara méridional. Cette carte est encore inédite ;
on en trouvera une réduction dans l’_Année Cartographique_ [18me
année, 1908] au 5000000e. Grâce à l’obligeance de Cortier et du
Service Géographique du Ministère des Colonies, j’ai pu profiter
largement de ce travail pour le dessin de l’esquisse géologique
qui, j’espère, donnera, au point de vue hydrographique surtout,
des renseignements exacts : entre Gao et l’Aïr surtout, il a
fallu modifier profondément le tracé des cours d’eau.

Pour placer les teintes géologiques, j’ai dû recourir à des
indications de valeur très inégale. Les itinéraires de Gautier
et les miens m’ont naturellement servi de base ; les profils
géologiques de la planche hors texte indiqueront suffisamment quelles
routes nous avons suivies. J’ai puisé de nombreux renseignements
dans Foureau [_Doc. Sc._, p. 576-696 et Pl. XI] qui, de Tir’ammar
à Zinder, a saisi en gros le 6° Long. E. et de Zinder au Tchad,
le 14° de Lat. N. — Mussel [_Rens. Col. publiés par le Comité
Afr. Fr._, juin 1907] a fait le tour du tanezrouft d’Ouallen (In
Zize, Guernen, Sounfat, Achourat, Taoudenni, Tin Haïa, Touat). Son
travail m’a été d’autant plus utile que j’avais eu le plaisir
de l’avoir pour compagnon de route dans l’Ahnet et que nous
avions ainsi des points de comparaison communs.

Pour la région du Tchad, je dois beaucoup à Freydenberg et à
Courtet qui, outre les renseignements que j’ai puisés dans leurs
ouvrages, m’ont fourni de nombreuses indications verbales. J’ai
emprunté à Hubert les tracés de l’Atacora et du plateau du
Gourma.

A ces différents renseignements, qui ont permis de tracer un
réseau à très larges mailles, sont venus s’ajouter ceux que
l’on peut déduire des échantillons parvenus en Europe. Thévenin
[_Les fossiles de l’Afrique Centrale_, _Revue Coloniale_, 1905,
p. 655-667] et Lacroix [_Résultats minéralogiques_, etc., _id._,
p. 129-139 et 205-223] ont résumé ce qui était connu il y a trois
ans ; depuis les envois ont continué et j’ai pu, je crois, avoir
connaissance de tout ce qui est arrivé du Soudan à l’École des
Mines, au Muséum ou à la Sorbonne. J’en ai donné le détail dans
le texte et les gîtes fossilifères ont été indiqués sur la carte.

Il aurait évidemment été prudent de ne mettre de couleur que
le long des itinéraires et aux points d’où provenaient les
fossiles. J’ai pensé toutefois que les rapports d’itinéraires,
parfois même les renseignements indigènes, pouvaient permettre
d’étendre les teintes de façon à donner une carte plus parlante
et mettant mieux en évidence certains ensembles qui paraissent
vraiment homogènes. Il sera facile, d’après ce qui vient d’être
dit, de faire la part des faits positifs et des indications douteuses.

La question de l’orthographe des noms géographiques est partout
difficile ; au Sahara et au Soudan, elle semble insoluble. Les
Touaregs ont bien une écriture, mais la langue est mal fixée
et chacun écrit à sa fantaisie [Motylinski, _Dictionnaire_,
p. 7]. Pour les langues du Soudan, il faut se fier à l’oreille et
l’on sait quelles erreurs on commet ainsi. Quelques Haoussas et
quelques Bornouans se servent de l’alphabet arabe, mais ils sont
peu nombreux et ont de plus modifié la valeur de certaines lettres.

J’ai essayé, dans le texte, d’écrire toujours de la même façon
les mêmes noms, en adoptant autant que possible l’orthographe
de Motylinski, ou celle de Cortier, qui a pu être guidé par de
Foucauld dans cette tâche difficile. On trouvera quelques divergences
entre le texte et les cartes ; aucune d’entre elles n’est assez
marquée pour rendre le nom méconnaissable.




                             APPENDICE II

       NOTES COMPLÉMENTAIRES SE RAPPORTANT AU TOME II, « SAHARA
                              SOUDANAIS »


                                   I

P. 213. — D’après R. Arnaud [_Précis de politique musulmane_,
Alger, 1906, p. 88], en Mauritanie, le pouvoir serait détenu chez les
hassanes (guerriers) par un cheick héréditaire, assisté d’une
djmaa (conseil des notables) ; une des plus nobles familles a la
garde héréditaire du tambour de guerre. Les notes inédites de Paul
Blanchet et de A. Dereims montrent que ceci n’est pas général :
chez certaines tribus, dans tout l’Adr’ar’ Tmar, tout au moins,
le chef est, comme chez les Touaregs, élu par les notables qui
doivent seulement le choisir dans une famille déterminée.


                                  II

P. 228. — Voici, copiés sur le carnet de Dereims, les
renseignements relatifs à ces ruines, renseignements donnés par
Amar, vieux serviteur de Bou El Mogdad,

« A une distance de Oualata égale à celle de Jaïrinié[215]
à Amzeggag (?), il y a deux villes en ruines ; elles sont bâties
en pierres blanches, avec sculptures de grande taille. Autour de ces
villes, il y a des tumuli que les fils d’Adam viennent visiter. —
Il y aurait en cet endroit du sable blanc, du sable noir et du sable
rouge que l’on tirerait de puits différents. »


[Note 215 : Jaïrinié est sur le littoral de Mauritanie, vers
17°,40′ Lat. N. Amzeggag n’est porté sur aucune carte, mais,
d’après les indications complémentaires de A. Dereims, il s’agit
d’une très courte distance.]




                             APPENDICE III

   NOUVELLES NOTES COMPLÉMENTAIRES SE RAPPORTANT AU TOME I, « SAHARA
                              ALGÉRIEN ».


                                   I

P. 160. — A propos du « Sultan noir » qui aurait pris Béchar au
XIIe s., M. Basset me communique une intéressante rectification :
« Le Sultan noir est un héros légendaire qu’on personnifie
tantôt dans un Almohade, tantôt dans un Mérinide, tantôt dans
un Chérif. Ici ce serait Mouley ed Dehebi, qui n’a pu prendre
Béchar au XIIe siècle puisqu’il vivait à la fin du XVIe. »
Pour plus de détails voir : R. Basset, _Nédromah et les Traras_,
1901, appendice IV.

Nous saisissons sur le fait, une fois de plus, l’extrême
incertitude des souvenirs indigènes.


                                  II

P. 163. — A propos du mot _ar’rem_, M. Basset me fait observer
qu’il est d’un usage courant dans le M’zab et à Ouargla,
avec le sens de _ksar_. Il n’y a même qu’un synonyme, le mot
_taourirt_, qui correspond d’ailleurs à une nuance peu différente
de sens (_Kalaa_, ksar juché sur une éminence).


                                  III

P. 164. — Au sujet de Sidi Beyazid el Bistami (alias de la ville de
Bezdama), M. Basset, professeur d’arabe à l’école des Lettres
d’Alger, me communique les observations suivantes :

Sur Beyazid el Bistami, on trouvera des renseignements détaillés
dans :

_Tadhkirat u’l Awliyá_ (commémoration des Saints), texte persan
publié par Nicholson. T. I, Londres, 1905, in-8o, p. 134-179 ;

_Djami, Nefahat el Ous_ (notice par de Sacy, Notices et Extraits des
manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. XII, Paris, 1831, p. 404) ;

_Nicholson, an historical inquiry concerning the origine and
developments of Sufism_ (Journal of the Royal Asiatic Society, 1906,
2e trimestre).

Beyazid a vécu au IIIe siècle de l’hégire en Orient ; il
n’est jamais venu au Maghreb. Il faut noter, d’autre part,
que Ibn Khaldoun ne prononce pas son nom à propos des Beni Goumi,
dont il parle longuement.

Il est donc évident que les Beni Goumi, se plaçant sous
l’invocation de ce saint, ont voulu se rattacher à lui par une
légende inventée de toutes pièces. Et il est probable que les
origines de cette légende remontent aux environs du XVIe siècle,
à l’époque des prédications maraboutiques.

                                                            E. F. G.


                                  IV

P. 262-264. — Fr. Coello [Conocimientos que se tenian del Sahara
occidental antes de la expedicion (de Cervera et de Quiroga),
_Rev. de Geografia comercial_, 15 déc. 1886, p. 70] a indiqué
que l’influence des Maures chassés d’Espagne s’était fait
sentir jusqu’à Chinguetti, où les études littéraires étaient
encore en grand honneur. Les traditions recueillies en 1900 par
Paul Blanchet et A. Dereims pendant leur séjour à Atar confirment
pleinement l’indication de Coello. Beaucoup d’habitants de
Chinguetti conservent encore la clef de la maison que leurs ancêtres
possédaient à Grenade ; ils sont en état de fournir des détails
sur les principaux monuments et la topographie de la ville qu’ils
ont perdue.

Blanchet, qui savait bien l’arabe, avait été frappé de la pureté
de la langue qu’emploient les Maures des bonnes familles d’Atar.

                                                         R. CHUDEAU.




                        INDEX DES TOMES I ET II
                               * * * * *

    Les chiffres romains renvoient au tome (I : _Sahara algérien_ ;
                       II : _Sahara soudanais_).


                                   A

  Abalessa, I, 73 ; — II, 6, 32, 38, 40, 42, 44.

  Abankor, I, 16, 310.

  Abedj (bracelet de pierre), I, 133.

  Aberaghetgan, II, 32, 38.

  Aberras (djebel), I, 25, 283, 342.

  Abouila, II, 167.

  Abrik, II, 63.

  Acacia, II, 184.

  Açedjerad, I, 3, 25, 289, 293, 297, 319, 321.

  Achaouadden, II, 80, 113.

  Acheb, I, 200 ; — II, 151, 163.

  Achegrad (Cf. Açedjerad), I, 350.

  Achourat, II, 22, 27.

  Adafar, II, 5.

  Adaptations, II, 163.

  Ad’ar’ (Adr’ar’), II, 47.

  Adax, II, 201.

  Adéras, II, 183.

  Adesnou, II, 58.

  Adjar, II, 181.

  Adjellela, II, 32, 262.

  Adjennar (oued), II, 261.

  Adjerazraz, I, 292

  Adjouz, II, 48, 85, 92.

  Admar, II, 34.

  Adoukrouz, I, 291, 314, 326.

  Adoux, II, 184.

  Adr’ar’, II, 34.

  Adr’ar’ Ahnet, I, 10, 291, 310, 319, 321, 325, Pl. XLIX, L, LI ;
  — II, 258.

  Adr’ar’ Doutchi (Tahoua), II, 107.

  Adr’ar’ des Ifor’as, II, 19, 21, 132.

  Adr’ar’ Haggar’en, II, 261.

  Adr’ar’ Nahlet, II, 259.

  Adr’ar’ Ouan R’elachem, II, 261.

  Adrem (oued), I, 47, 326.

  Aérolithe, I, 253.

  Aetheria, II, 196.

  Agahlélé, II, 36.

  Afernane, II, 190.

  Affassez, II, 25.

  Aflissès, I, 28 ; — II, 6.

  Afoud Dag Rali, I, 286, 312.

  Aftoutt, II, 249.

  Agadez, II, 59, 64, 69, 81, 128, 178, 221.

  Agalac, II, 59, 68.

  Agames, II, 197.

  Agdal, I, 213.

  Aggatane, II, 59.

  Aglagal (oued), I, 27, 277, Pl. XLIII.

  Agorgott, II, 279.

  Agoua, II, 190.

  Agram, II, 39, 119.

  Aguadem, II, 265.

  Aguellal, II, 23, 57, 66.

  Aguelman (r’dir, guelta), I, 311.

  Aguelman Tamana, I, 106.

  Aguelman Taguerguera, I, Pl. VI.

  Ahaggar, II, 19, 129, 145, 157, 212, 293.

  Ahl Azzi, I, 307.

  Ahnet, I, 3, 293, 321, 322 ; — II, 4.

  Aïn, I, 13.

  Aïn Chebbi, I, 282.

  Aïn Cheikh, I, 227, 229, 280, 281, 282, 301.

  Aïn Dhob, I, 198.

  Aïn Kahla, I, 285, 301.

  Aïn Memnouna, I, 98.

  Aïn Sefra, I, 62, 121.

  Aïn Tadjemout, I, 313, 320.

  Aïn Tarlift, I, 279, 280.

  Aïn Tezzaï, I, 341.

  Aïr, I, 115 ; — II, 20, 21, 56, 81, 133, 263.

  Aït el Kha, I, 292, 312, 314, 326, 342.

  Aïtoklan, II, 29, 40.

  Akabli, I, 25, 304, 330.

  Akara, II, 263.

  Akelamellen, II, 59.

  Akkra, II, 14.

  Alakhos, II, 81, 90, 116, 149.

  Alar’sess, II, 65, 76, 81, 87, 178.

  Alberkaram, II, 90, 110, 266.

  Alcool, II, 149.

  Aleg, II, 224.

  Alenda, II, 160.

  Alios, II, 273.

  Alpes sahariennes, II, 56.

  Aluminium, II, 278.

  Alun d’Aïn Chebbi, I, 329.

  Alunifères (schistes), I, 283.

  Amadr’or, II, 34, 257, 297.

  Amanga, II, 234.

  Ambadj, II, 148.

  Amdja (oued), I, 326 ; — II, 5, 21.

  Ammès, I, 30.

  Amenokal, II, 212.

  Amguid, II, 35.

  Amonkay Ouroua, II, 110.

  Amr’ar, II, 213.

  Anabasis aretioides, I, 155, 200.

  Anahef, II, 5, 28, 34.

  Âne, I, 317 ; — II, 204.

  Anémophiles, II, 169.

  Angola, II, 89, 102.

  Ansongo, II, 12, 75, 98, 226, 229.

  Antar, I, 146, Pl. XX.

  Antilope, I, 95.

  Antilope adax, I, 6. Pl. XXXIV.

  Antilope mohor, I, 317.

  Aouari (Haci el), I, 62.

  Aoudéras, II, 56, 57, 58, 59, 62, 65, 263.

  Aouguerout, I, 227, 245, 246 ; — II, 87.

  Aoulef, I, 279, 302, 306.

  Aourarène, II, 59.

  Apus, II, 195.

  Ara, II, 283.

  Arak, I, Pl. XLV.

  Araouan, II, 23, 135, 246, 298.

  Ararebba, II, 53.

  Ardjem (pluriel de redjem), I, 61.

  Ar’érem, II, 39.

  Argent monnayé, I, 274.

  Argiles gypseuses, I, 232.

  Arib, I, 35.

  Arigan, II, 32.

  Arouellé, II, 239.

  Asabai, II, 157.

  Asabay, II, 189.

  Asben, II, 56.

  Asclépiadées, II, 188.

  Assaouas, II, 62, 76, 221, 264, 277.

  Asséchement graduel du pays, I, 40.

  Asselar’, II, 85.

  Assiou, II, 8.

  Assodé, II, 56, 66.

  Atacora, II, 14.

  Atakor, II, 29.

  Atar, II, 10.

  Atchan (erg), I, 30, 45, 51, 183, 198.

  Atil, II, 181.

  Aussert, II, 268.

  Autruche, II, 65, 199, 292, 296.

  Az’ aoua, II, 187.

  Azaoua, II, 109.

  Azaouad, I 328 ; — II, 109, 224, 225.

  Azaouak, II, 63, 64, 68, 73, 97, 109, 221.

  Azas (Dazas), II, 218.

  Azdjer, II, 28, 212.

  Azelmati, I, 26 ; — II, 21, 22, 36.

  Azenazen, II, 22.

  Azigui, II, 92.

  Azzaz (djebel), I, 301, 319.


                                   B

  Baba Ahmed, I, 279, 288.

  Badjouda, I, 307.

  Bagarua. Cf. Acacia.

  Baghazam, II, 59, 62, 67, 221.

  Baharia, II, 286.

  Bahr El Ghazal, II, 233, 237.

  Bai, II, 52.

  Bakoy, II, 13.

  Balanites, I, 315 ; — II, 183.

  Balsamodendron, II, 183.

  Bambara, I, 259, 260.

  Bammako, II, 101.

  Bandiagara, II, 15, 101, 232.

  Baobab, II, 182.

  Barbeau, I, 40, 250, 319.

  Barkanes, II, 247.

  Barmata, I, 36, 38, 256, 260, 264.

  Baro, II, 233.

  Barques de Tamentit, I, 39.

  Barrebi, I, 94, 344.

  Bassila, II, 13.

  Baten ou Kreb, I, 9, Pl. II.

  Baten Ahnet (Adr’ar’ Ahnet), I, 295, 314, 321, Pl. XLIV.

  Batha, II, 233.

  Bauhinia, II, 185.

  Bauxite, II, 270.

  Bazina, I, 61, 71.

  Bdellium. Cf. Mounas.

  Béchar, I, 147, Pl. XXI, XXII, XXIII.

  Béchar (ksar), I, 160.

  Béchar (oasis), I, 159.

  Béchar (palmeraies), I, 160.

  Bechna, II, 171, 180.

  Béduaram, II, 265.

  Bekati El Bess, II, 8.

  Belbel, I, 314.

  Bélédougou, II, 101.

  Belia, II, 12.

  Bélier ou bouc, coiffé d’un sphéroïde, I, 89.

  Bellah, II, 71.

  Bel Rezaïm, I, 286.

  Bemba, II, 85, 92, 97, 249.

  Ben Ghazi, II, 292.

  Beni Abbès, I, 29, 33, 184, 186, 194, 201, 208, 210, 342.

  Beni Goumi, I, 161, 248.

  Beni Goumi (carte), I, 165.

  Beni Hassen, I, 202, 212.

  Beni Ikhlef, I, 181, 200, 212.

  Beni Ounif, I, 62, 149, 150, 176.

  Bénoué, II, 240.

  Ben Zireg, I, 62.

  Beraber, I, 205, 246, 273.

  Berbères, I, 63, 246, 248, 323 ; — II, 215.

  Béréré, II, 88.

  Béri-Béri, II, 116.

  Beurkot, II, 25.

  Bezazil Kelba, I, Pl. XXIV.

  Bidei, II, 4.

  Bilakora, II, 115.

  Bilat, II, 59.

  Bilma, II, 9, 24, 73, 75, 81, 87, 91, 118, 233, 282, 294, 297.

  Bir, I, 13.

  Bir Deheb, I, 37.

  Bitis, II, 198.

  Bizerte, II, 123.

  Blé, II, 118, 175, 178.

  Bled el Mass, I, 25, 258, 283. Pl. XLIX.

  Bodelé, II, 233, 244.

  Bœuf, II, 26, 44, 51, 72, 106, 203, 204.

  Bœuf porteur, I, 136.

  Bœuf zébus, I, 108, 318.

  Boguent, II, 250.

  Bois silicifiés, I, 233, 278 ; — II, 97.

  Borkou, II, 234, 238, 240.

  Bornou, II, 237, 294.

  Bornouans, II, 116.

  Bornoyazu, II, 82.

  Bossia, II, 101, 182.

  Bosso, II, 63, 85, 222, 231.

  Bota (oued), I, 25, 47, 309 ; — II, 21, 247.

  Bouar, II, 17.

  Bouc casqué, I, 92.

  Boucerozia, II, 166.

  Bouda, I, 24, 28, 33, 250.

  Bou Djeheba, II, 298.

  Boudoumas, II, 120, 238.

  Bou-Kaïs, I, 145.

  Bou-Kaïs (faille), I, 148.

  Boulakendo, II, 218.

  Boulloum, II, 81, 218, 245.

  Boultoum, II, 115.

  Bour, II, 191.

  Boura (haci), I, 22, 24, 34.

  Bou-rékouba, I, 314.

  Bourem, II, 97.

  Bourgoumouten, II, 283.

  Boutoutou, II, 96.

  Bou Yala, I, 62, 147.

  Bouza, II, 94, 96, 97.

  Bouzou, II, 71.

  Bracelet de pierre (abedj), I, 133.

  Brinken, I, 27, 246 ; — II, 128.

  Brouillard, II, 137.

  Broulkoung, II, 239.

  Brousse à mimosées, II, 147, 153.

  Brume, II, 136.

  Brumes sèches, I, 42.

  Bubalus antiquus, I, 89, 94, 117.

  Bubalus antiquus bâté, I, 94.

  Burgu, II, 148, 175.


                                   C

  Calcaires, II, 257.

  Calédoniens (plissements), I, 290.

  Calendrier Julien, I, 254.

  Calotropis (Korounka Tourha), II, 188.

  Cameroun, II, 99, 103.

  Canaris, II, 172.

  Canyon, I, 298, 313.

  Cap Blanc, II, 10, 135, 247.

  Cap Rouge, II, 101.

  Câprier, II, 157, 160.

  Caravane, I, 273.

  Caravanes libres, I, 274.

  Carbonifère, I, 224.

  Carbonifères (fossiles), I, 287.

  Carboniférien, I, 229, 280.

  Cardium edule, I, 39, 234, 289, 360.

  Carotte, II, 65.

  Case, II, 217.

  Cassia (Séné), II, 157, 169, 186.

  Cavalier numide, I, 98, 109, 118.

  Cavernes, II, 17.

  Cénomanien, I, 143, 232, 277, Pl. XXIV.

  Cercles de sacrifices, I, 83, Pl. XIV.

  Céréales, I, 272, 275.

  Chaab, I, 26.

  Chache, II, 22.

  Chameau, I, 318 ; — II, 106, 205, 293.

  Chameau rupestre, I, 106.

  Champignons, II, 169, 173.

  Chari, II, 15, 83, 232.

  Charouin, I, 29, 50, 51, 221, 222, 226, 246.

  Chasse au mouflon, I, Pl. XVI.

  Chauve-souris, II, 115.

  Chebbi, I, 25.

  Chebka, I, 9, Pl. II.

  Chehed, I, 64, Pl. XIII.

  Cheval, II, 106, 204.

  Chèvre, I, 318 ; — II, 106, 203.

  Chinguetti, II, 10.

  Chirmalek, II, 82, 171, 245.

  Chittati, II, 82, 232, 244.

  Chotts, I, 11; — II, 169.

  Chouchet, I, 61, 71.

  Cimetière, I, Pl. XIII.

  Cimetières d’Es Souk et de Kidal, I, 79.

  Cipolins, II, 257.

  Citronniers, II, 67.

  Cocotier, II, 145.

  Coff, I, 269.

  Colomb-Béchar, I, 62, 143, 175 ; — II, 112.

  Colomb-Béchar (étangs), I, 159.

  Commerce, II, 292.

  Commerce intérieur, I, 273.

  Conifères, II, 142, 158.

  Corneille à plastron, II, 198.

  Côte d’Ivoire, II, 13.

  Coton, II, 107, 150, 173, 176, 178.

  Coudia, II, 29, 35, 129, 158, 161, 263.

  Cristallophyllien, II, 15.

  Crocodile, I, 319.

  Crues, I, 192.

  Cuivre, I, 152 ; — II, 257.

  Cuivre (mine de), I, Pl. XXXI.

  Culture, II, 170.

  Cultures irriguées, II, 174.

  Cuvettes fermées, I, 58.


                                   D

  Dagana, II, 171.

  Daganou-Mazammi, II, 111.

  Dahnoun, II, 178.

  Dahomey, II, 13, 231.

  Dakar, II, 268.

  Dakoa, II, 12.

  Dalguian, II, 81, 218, 245.

  Dallacori, II, 115.

  Dallols, II, 221, 253.

  Damangara, II, 111.

  Damergou, II, 75, 80, 81, 87, 88, 112, 144.

  Dan Beda, II, 266.

  Danmeli, II, 88, 112.

  Daouna, II, 149, 174, 228.

  Daoura, I, 31 ; — II, 220.

  Darfour, II, 294.

  Datte, I, 169, 256, 271.

  Dattier, II, 178, 191.

  Daya ou Maader, I, Pl. V ; — II, 156.

  Debenat, II, 32.

  Débo, II, 101, 149.

  Décalcification, II, 274.

  Défense contre les animaux, II, 170.

  Demagherim, II, 110.

  Démographie, I, 304.

  Désert, II, 147, 155, 159, 208.

  Desquamation, II, 290.

  Dessins, II, 287.

  Dévonien, I, 281.

  Dévonien supérieur, I, 186, 223, 286.

  Dévonien moyen, I, 222.

  Dévonien inférieur, I, 181, 222.

  Dévoniennes (couches gréseuses), I, Pl. XXIX.

  Dhamrane, I, 314.

  Dhomran, I, 200.

  Diaclases récentes, I, 189, 296, 298.

  Dibbela, II, 233.

  Dini, II, 239.

  Dinguiraye, II, 13.

  Dinkim, II, 99.

  Diss, II, 161, 180.

  Djadjidouna, II, 88, 112, 295.

  Djanet, II, 295.

  Djar’et (oued), I, 21, 26, 299, 309.

  Djemaa, I, 268.

  Djerma, II, 99, 108.

  Djoghraf, I, 320.

  Djouf, I, 17, 24, 26, 55 ; —  II, 224, 226, 228, 231.

  Djourab, II, 233, 238.

  Dogon Doutchi, II, 99.

  Dolmens, I, 60.

  Dori, II, 17, 101.

  Doro, II, 12, 230.

  Doui Menia, I, 168, 170, 205, 213.

  Doui Menia (tentes), I, Pl. XXVIII.

  Doum, II, 181, 190.

  Draa (oued), II, 293.

  Drinn, I, 314; — II, 160, 178.

  Dune d’Aïn Sefra, I, 50.

  Dune envahissant les oasis, I, 255, 303.

  Dunes, I, 41, 250 ; — II, 76, 160.

  Dunes parlantes, I, 53.

  Dune vis-à-vis de la chaleur solaire, I, 52.


                                   E

  Ech Chech, I, 31.

  Édaphiques (déserts), II, 154.

  Ed Denader, II, 229, 329.

  Edjelé, II, 33.

  Edjéré, II, 33, 261.

  Edjéré. Cf. Scarabées.

  Eglab, I, 32, 37 ; — II, 128.

  Egueï, II, 233, 239, 244.

  Ekelfi, II, 146.

  El Adjou, II, 85.

  El Ahmar, I, 29.

  El Biar, II, 12, 86.

  El Djenoun, II, 32.

  El Eglab, II, 3, 11.

  Éléphant (rupestre), I, 94, 108, 117.

  El Euzzi, I, 38, 257.

  Élevage, II, 176.

  El Goléa, I, 220, 277.

  El Hadj Guelman, I, 226.

  El Haricha, II, 11, 86.

  El Houz, II, 85.

  Elias, II, 262.

  El Khenachiche, II, 11, 86, 226.

  El Kheneg, I, 312 ; II, 2.

  El Ksaïb, II, 128.

  El Mass, II, 4, 5.

  El Mellah (sebkha), I, 180, 183, 198.

  El Mer’ili, I, 251.

  El Ouatia, I, 319, 326.

  El R’essour (oued), II, 8, 9, 27, 251.

  Endid, II, 38, 40.

  Ennaya, I, 199.

  Ennedi, II, 17, 233.

  En Nefis, II, 9.

  Ennfouss, I, 47, 297, 303, 309, 319.

  Éocène, II, 264.

  Éodévonien, I, 227, 288, 292.

  Éodévoniennes (argiles), I, Pl. XLV.

  Éodévoniens (grès), I, 293, Pl. XLV, XLVII.

  Épines, II, 170.

  Équateur zoologique, II, 193.

  Eré, II, 241.

  Erg, I, 4, 42, 44, Pl. III.

  Éromophila, II, 194.

  Érosion éolienne, I, 47 ; — II, 285.

  Erouakib, II, 4.

  Er-Raoui (erg), I, 42, 44, 45, 51, 183, Pl. X, XXXIV.

  Esclaves, II, 292.

  Es Souk, I, 79 ; — II, 49, 54.

  Etambar, II, 49.

  Éthel, I, 314 ; — II, 187.

  Euphorbia, II, 154.

  Euphorbes, II, 189.

  Évaporation, II, 273.

  Ezerzi, II, 263.


                                   F

  Fachi, II, 3, 10, 25, 81, 91, 119, 282.

  Faguibine, I, 57 ; — II, 12, 101, 151, 223, 225, 227.

  Failles ou plis posthumes, I, 235, 245, 287, 298.

  Failles du Touat, I, 21.

  Failles récentes, I, 227.

  Falaise de Glint, I, 295, Pl. XLIV.

  Falez lez, II, 36.

  Feidj ou Gassi, I, 5, 43.

  Fendi, I, 62, 147, Pl. XXV.

  Fendi (petits lacs), I, 158.

  Fennec, I, 35, 316 ; — II, 201.

  Féodal, II, 213.

  Ferzig, II, 187.

  Fezzan, II, 216.

  Fgagira, I, 223, 225.

  Figuiers de Barbarie, II, 167.

  Figuig, I, 5, 156, 170.

  Filali, II, 296.

  Filingué, II, 63, 85.

  Fisnet, I, 309.

  Fita, II, 267.

  Fittré, II, 233.

  Foggara, I, 40, 196, 239, 242, 243, 244, 269, 270, 275, 302,
  Pl. VIII, XXXVII ; — II, 38, 177.

  Foggaret el Arab, I, 304.

  Foggaret es Zoua, I, 279.

  Folé, II, 284.

  Forêt, II, 147, 154.

  Fort Crampel, II, 14.

  Fossiles de Mouizib el Atchan, I, 140.

  Fossiles pléistocènes marins de Tombouctou, I, 57.

  Fosso, II, 25.

  Foum el Kheneg, I, 7, 20, 21, 24, 32, 33, 197, Pl. IX ; — II, 284.

  Foum Imok, I, 326.

  Foum Lacbet, I, 295.

  Foum Zeggag, I, 113, 288, 313.

  Four, II, 284.

  Fourmilière, II, 179.

  Fouta Djallon, II, 13, 144.

  Fumier, I, 271.


                                   G

  Gabana, II, 150, 266, 267.

  Gabès, II, 299.

  Gabès (seuil de), I, 20.

  Gada (ou hammada), I, 3.

  Gafouli, II, 171.

  Galeries forestières, II, 143, 152, 153, 167.

  Gamé, II, 95.

  Ganadxa, II, 150.

  Ganga, I, 317.

  Gao, II, 47, 69, 85, 92, 229.

  Gara, I, 8, Pl. III, XLV.

  Garadoumi, II, 97.

  Garagoa, II, 218.

  Garamante, II, 108.

  Garamgava, II, 284.

  Garankaha, II, 117.

  Garé, II, 117.

  Garet ed Diab, I, 25, 289.

  Garet Tamamat, I, 283.

  Gassi (feidj), I, 5, 43.

  Gauthiot, II, 241.

  Gazelle, I, 317 ; — II, 200.

  Geckos, II, 197.

  Genêts, II, 157, 186.

  Gessao, II, 63.

  Ghardaia, II, 85, 123.

  Gidi-Mouni, II, 111, 267.

  Girafe, I, Pl. XVI.

  Gisements néolithiques du Tanezrouft, I, 126.

  Gîtes aurifères, II, 278.

  Gîtes minéraux, I, 152.

  Gnou, I, 95.

  Grenouilles, II, 197.

  Grès albiens, I, 144, 219, 220, 232, 234, 278, 300.

  Grès albiens du Touat, I, p. 23.

  Grès ferrugineux, II, 273.

  Grès houillers, I, 143, Pl. XXVI.

  Grès à sphéroïdes, I, 220.

  Grès turriformes, II, 16.

  Gribingui, II, 273.

  Grouz, I, 143, 146, 154, 170.

  Guediyo, II, 113.

  Guelta (aguelman), I, 311.

  Guentour, I, 29.

  Guépard, II, 201.

  Guerrier à bouclier rond, I, 109.

  Guerzim, I, 196, 205.

  Guesket, II, 81, 114.

  Guétaf, II, 160, 165, 186.

  Gueydoum, II, 91.

  Guidambado, II, 94, 125.

  Guidam Moussa, II, 110.

  Guidjamou, II, 150.

  Guinée, II, 13, 101, 271.

  Guinéenne (zone), II, 143.

  Guir, I, 191.

  Guirbo, II, 114.


                                   H

  Habitation, II, 217.

  Haches néolithiques, I, 126.

  Hache touareg à emmanchure néolithique, I, 132.

  Haci, I, 12.

  Haci Achourat, I, 328.

  Haci Adoukrouz, I, 313.

  Haci Ar’eira, I, 287, 308.

  Haci Bel Rezaim, I, 312.

  Haci Boura, I, 233, 340.

  Haci el Hamri, I, 30.

  Haci el Kheneg, I, 284, 312.

  Haci el Maghzen, I, 30.

  Haci er Rouzi, I, 30.

  Haci Gouiret, I, 307.

  Haci In Belrem, I, 312.

  Haci Maçin, I, 291, 312, 314, 326.

  Haci Rezegallah, I, 22, 23, 34, 62, 230, 233, 339.

  Haci Sefiat, I, 22, 24, 233, 339.

  Haci Tikeidi, I, 289.

  Haci Tirechoumin, I, 308.

  Hacian Taïbin, I, 25, 26, 229, 280, 309, 342.

  Had, I, 200, 314 ; — II, 144, 165, 180.

  Hadj Guelman, I, 28, 246.

  Hadjar El Hamis, II, 265.

  Hadjra Mektouba, I, 48, 100, 187, Pl. XXXII ; — II, 288.

  Hadrian, II, 262.

  Halfa, II, 180.

  Hammada, I, 3, Pl. I ; —  II, 160.

  Hammada dévonienne, I, 298.

  Hammoudiya, I, 27.

  Haouia, II, 206.

  Haoussa, I, 63 ; — II, 73, 109, 211.

  Haratin, I, 137, 169, 265, 266, 305 ; — II, 41.

  Har’en, II, 262.

  Harta, II, 160.

  Heirane, I, 31, 33, 50, 228.

  Henné, I, 255, 272.

  Hercynienne (pénéplaine), I, 148, 189, 289.

  Hercyniens (plissements), I, 144, 182, 225, 230, 281, 283 ; —
  II, 1.

  Hippopotames, II, 202.

  Hoggar, I, 71, 114.

  Hombori, II, 12, 15, 224, 258.

  Horo, II, 227.

  Horst calédonien, I, 283, 285.

  Horst silurien, I, 283, 285, 298.

  Horst silurien d’Adoukrouz, I, Pl. XLVI.

  Houilles, I, 143.

  Huîtres, II, 196.

  Hutte, II, 217.

  Hygrophiles, II, 163.


                                   I

  Iberkoran, II, 68.

  Icherifan, II, 68.

  Idelés, II, 29, 35, 40.

  Idelioua, II, 61.

  Idikh, I, 188.

  Idjeran, I, 301, 319.

  Idjil, II, 7.

  Iférouane, II, 24, 57, 62, 66.

  Ifetessen, I, 319.

  Ifisten (oued), I, 326.

  Ifor’as, I, 113, 128, 328, 350 ; —  II, 53, 212.

  Igharghar, II, 27, 31, 32, 35, 36, 220.

  Igherran, II, 6.

  Igli, I, 178, 194, 206, 342, Pl. XXIX.

  Iglitten, I, 297, 312, 313, 326, 341, 342.

  Iguelen, II, 40.

  Iguidi, I, 31, 42, 43, 44, 119.

  Ikaskazan, II, 72.

  Ilamane, II, 29.

  Iles du Tchad, II, 120.

  Ilifek, II, 24.

  Ilok, II, 36.

  Imenan, II, 70.

  Immidir, I, 318.

  Impôt, I, 216.

  In Abeggui, II, 27.

  In Akaoual, II, 92.

  In Amdjel, II, 40, 161.

  In Ameggui, II, 8, 27.

  In Azaoua, II, 7, 8, 21, 24, 28, 32, 36, 221, 232.

  In Belrem, I, 286.

  In Djeran, II, 30.

  Industrie, II, 43, 64, 65, 117, 176, 284, 285.

  Inerider, II, 63.

  In Gall, II, 68, 69, 72, 283.

  In Guezza, II, 23.

  In Hihaou, II, 259.

  Inifeg, I, 31.

  Inikeren, II, 31.

  In Killa, II, 92.

  Inondation (zone d’), II, 148.

  In Ouzel, II, 21.

  In R’ar, I, 279, 280, 284, 300, 301, 304.

  In Salah, I, 43, 47, 279, 284, 304, 306 ; — II, 47, 127, 293.

  Inscription, II, 287, 289, Pl. XVIII.

  Inscriptions arabes, I, 351.

  Inscriptions berbères, I, 254.

  Inscription hébraïque, I, 252, 346.

  Inscriptions tinifar’, I, 116, 344.

  Insécurité, II, 119.

  Insolation, II, 290.

  In Tebdoq, II, 53.

  Inzegmir, I, 27, 28.

  In Ziza, I, 62, 323, 327, 328, 342 ; — II, 3, 6, 18, 22, 28,
  251, 259.

  In Zizaou, II, 259.

  Ir’achar = Ir’ahar = Ir’azar, II, 36, 61, 62.

  Ir’acher, II, 53.

  Irak, II, 187.

  Ir’eli, II, 38.

  Irhayenne, II, 79.

  Ir’ir’i (oued), II, 261.

  Iris (erg), I, 47, 303, 319.

  Irrigation, I, 167, 217, 269.

  Irrigation (procédés), I, 167.

  Ivoire, II, 296.

  Izabbaren, I, 82.

  Izilek, II, 300.


                                   J

  Juifs, I, 251, 252, 262.

  Juifs (temps des), I, 38.

  Jujubier, I, 316 ; — II, 157, 183.


                                   K

  Kaba, Cf. doum.

  Kabarah, II, 101, 223.

  Kaberten, I, 245, 275.

  Kadamellet (oued), II, 58, 264.

  Kahal de Tabelbalet, I, 31.

  Kakara, II, 83.

  Kakoulima, II, 271.

  Kalaa, I, 258.

  Kalfou, II, 107.

  Kalgo. Cf. Bauhinia.

  Kali, I, 226.

  Kanambakachy, II, 109.

  Kanem, II, 82,173, 232, 244.

  Kanembou. Cf. Kouri.

  Kano, II, 64, 72, 112, 293.

  Kaokilloum, II, 115.

  Kaouar, II, 9, 24, 81, 117, 237.

  Kaoura, II, 99.

  Kardas, II, 111.

  Karité, II, 143.

  Karrouba, I, 270.

  Kasri (ou peigne), I, 270. Pl. XXXVIII.

  Kayes, II, 124.

  Keita, II, 95, 222.

  Kel Ahnet, I, 321, 330.

  Kel Antassar, II, 105.

  Kelbouroum, II, 236.

  Kel Essouk, II, 54.

  Kel Ferouan, II, 71.

  Kel Gress, II, 69, 72.

  Kellé, II, 90, 114.

  Kel Oui, II, 69, 72, 212.

  Kel R’ela, II, 44.

  Kenakat, I, 307.

  Kenatsa, I, 3, 161, 175, 261, Pl. XXVI, XXVIII.

  Kennadji, II, 100.

  Kerzaz, I, 196, 205, 261. Pl. XXXV.

  Khanfousa. Cf. Scarabées.

  Kidal, I, 79 ; — II, 53.

  Komadougou, II, 83, 232.

  Konakry, II, 268.

  Kongoumé, II, 90, 109.

  Korema-Alba, II, 97.

  Kori, II, 61.

  Kornaka, II, 110.

  Korounka. Cf. Calotropis.

  Kotto, II, 16.

  Koufiques, II, 26, 289.

  Koulikoro, II, 75, 101.

  Kouloa, II, 125.

  Kouloua, II, 238.

  Kounta, I, 260, 306 ; — II, 48, 54.

  Kouri (Kanembou), II, 120.

  Kouria, I, 265.

  Koutous, II, 81, 89, 114, 149, 218.

  Kram-Kram, II, 168.

  Kreb (= Baten), I, 9, Pl. II.

  Ksabi, I, 24, 32, 197, 342, Pl. IX.

  Ksar el Azoudj, I, 62, Pl. XXV.

  Ksar en Nsara, I, 195, 202.

  Ksars, I, 169.

  Ksars du Touat, I, 257.

  Ksars en ruines, I, 257, 258.

  Ksir el Ma, I, 30.

  Ksourien, I, 35, 169, 214.

  Ktoub, I, 223, 228, 287.


                                   L

  Labezzanga, II, 17, 18, 87, 258.

  Lac, II, 177.

  Lac tertiaire, II, 76.

  Laine, II, 203.

  Laka, II, 241.

  Laperrine (Lieutenant-colonel), I, Préface, IX et X.

  Laraba, II, 114.

  Latérite, II, 270.

  Lehem, II, 85.

  Leptadenia, II, 189.

  Lernachich, I, 57 ; — II, 86.

  Lianes, II, 143, 167.

  Libye, II, 240.

  Lièvre, I, 317.

  Lilloa, II, 84.

  Limite des domaines hercyniens et calédoniens, I, 230, 285.

  Lion, II, 201.

  Logone, II, 240, 273.


                                   M

  Maader, I, 12, 295, 298, 316, Pl. V, XLV.

  Maader Arak, I, 314.

  Mabrouka, II, 27, 48, 85, 87, 91, 92, 97, 295.

  Macina, II, 226.

  Magadji, II, 115.

  Magaria, II, 183.

  Mahzez, I, 31.

  Maïjingui, II, 90, 109.

  Maja, I, 30.

  Malammi, II, 115.

  Malte, II, 295.

  Mana, I, 31.

  Manetass, II, 63.

  Manga, II, 82, 84, 117, 233, 240, 284, 289.

  Manganèse, II, 278.

  Mange-mil, II, 198.

  Mao, II, 289.

  Maraîchère (culture), II, 109, 111, 112.

  Marandet, II, 78.

  Marginella, II, 223.

  Marginelles, II, 252.

  Marthium, II, 115.

  Massakory, II, 171, 236.

  Matankari, II, 99.

  Matriarcat, I, 332, 334 ; — II, 138, 214.

  Matriouen, I, 277.

  Mauritanie, II, 10, 186, 246.

  Mauvaises herbes, II, 216.

  Mayo Kebbi, II, 241, 265.

  Mazzer, I, 29, 179, 194, 207, 218, 342.

  Méditerranéens, II, 73, 142.

  Medjbeds, I, 17, 34, Pl. VIII.

  Méduses, II, 192.

  Meghdoua, I, 288, 312, 342.

  Meguidden, I, 29, 44.

  Mekhergan, I, 25, 26, 251, 289, 300, 342.

  Melfi, II, 267.

  Melr’ir, II, 35.

  Menaka, II, 73.

  Menakeb, I, 31, 44.

  Menhirs, I, 61.

  Menouar’ar, I, 142.

  Meraguen (oued), I, 25, 26, 28, 297, 326.

  Merhouma (horst de), I, 184.

  Merri, II, 230.

  Merria, II, 111.

  Méso-dévonien, I, 289.

  Méso-dévoniens (fossiles), I, 288.

  Méso-dévoniennes (argiles), I, 289.

  Messaoud (oued), I, 20, 21, 24, 32, 34, 36, 54, 339.

  Meules dormantes, I, 130.

  Mezarif, I, 29, 145.

  Mezzou (Haci), I, 29.

  Mia, II, 35, 266.

  Miellim, II, 267.

  Migration du désert, II, 253.

  Mil, II, 107, 112, 116, 171.

  Mine de cuivre, I, 347.

  Minerai, I, 182, 201, 354 ; —  II, 278.

  Mirage, II, 137.

  Mirrh, II, 117.

  Mio-Pliocène, I, 51, 151, 179, 189, 221, 234, 255, Pl. XXX.

  Misère et famine au Touat, I, 272, 273.

  Moa, II, 117, 251.

  Mobilier funéraire, I, 65, Pl. XV.

  Mœrua, II, 182.

  Mohor, I, 96 ; — II, 200.

  Mollusques, II, 195.

  Mondoa, II, 115.

  Mopti, II, 101.

  Mortiers en pierre (néolithiques), I, 126.

  Mosquées des Touaregs, I, 85.

  Mouazil, I, 307, 330.

  Mouflon, I, 317 ; — II, 201.

  Mouidir, I, 3, 301, 318.

  Mouidir Ahnet, I, 290.

  Mouidir occidental (structure du), I, 295.

  Mouizib el Achan, I, 141, Pl. XXI.

  Moumen (djebel), I, 145, Pl. XXVI.

  Mounas (bdellium), II, 183.

  Moungar, I, 9.

  Mounio, II, 75, 82, 90, 113, 150, 245, 265.

  Mourzouk, II, 294.

  Mousgou, II, 108, 110.

  Moutons, II, 106, 203, 318.

  Mrobkha, II, 178, 180.

  M’salla, I, 86.

  M’zab, I, 239 ; — II, 177.

  Mzaourou, I, 124, 131.


                                   N

  Nahlet, II, 28.

  Namous (oued), I, 3, 28, 29, 246.

  Nappe artésienne de Figuig, I, 156.

  Nazarif (oued), I, 321.

  N’dellé, II, 14, 16.

  Nebka, I, 6, 45, Pl. III, IX, XXX, XLV.

  Néo-dévonien, I, 288.

  Néolithique, I, 352 ; — II, 119.

  Néolithique saharien, I, 134.

  Néolithique égyptien, I, 134.

  Néolithisme, I, 333.

  N’Gouri, II, 236.

  N’Gourti, II, 83.

  N’Guigmi, II, 83, 285.

  Niamey, II, 99, 124, 230.

  Niébé, II, 173.

  Nieger (le lieutenant). Cartes, I, Préf. IX, 27.

  Niger, I, 57 ; — II, 12, 225.

  Nitrates de potasse, I, 275.

  Nogo, II, 245.

  Nomades, II, 105.

  Nouakchott, II, 183, 250.

  Noubas, II, 211.

  Noukhila, I, 30.

  Noum en Nas, I, 236 ; — II, 128.

  N’si, II, 163.


                                   O

  Oasis, I, 268.

  Œufs d’autruche, II, 286.

  Oguilet Mohammed, I, 30.

  Ohrsane, II, 58, 61, 263.

  Okapi, I, 96.

  Olivier, I, 316.

  Ombellifères, II, 187.

  Onagre, II, 205.

  Or, II, 292.

  Ormaiort, II, 85.

  Orred, I, 147, Pl. XX.

  Ouadaï, II, 75, 233, 292.

  Ouakda (ksar), I, 160.

  Ouakda (palmeraies), I, 160.

  Oualata, II, 86, 228.

  Ouallen, I, 25, 26, 312, 313, 326, 327, 328, 329, 339, 342 ;
  — II, 22.

  Ouamé, II, 80, 90.

  Ouan R’elachem, II, 32, 38.

  Ouan Tohra, I, 62, 82, 84, 111, 113, 312, 314, 326, 342, Pl. XVII,
  XLIV.

  Ouargla, I, 242, 243, 267, Pl. XIX.

  Ouarourourt, I, 187.

  Ouata, I, 30.

  Ouatia, I, 313.

  Oubangui, II, 14, 16.

  Oudan, II, 32.

  Oued, I, 10, Pl. IV.

  Oueds interdits, II, 178.

  Oueds quaternaires, I, 44, 45.

  Ougarta, I, 215, Pl. IX.

  Ougarta (chaîne d’) I, 180, 184, 199, Pl. XXX, XXXI, XXXII.

  Ougarta (failles de la chaîne), I, 183.

  Ougarta (fenêtre d’), I, 185.

  Ould Brini, I, 37.

  Ouled Ba Hammou, I, 306.

  Ouled Djerir, I, 160, 168, 170.

  Ouled Mahmoud, I, 227, 245, 246, 247, 249, 275.

  Ouled Moulad, I, 35, 329.

  Ouled Rached I, 29, 50, 247.

  Ouled Saï, I, 31.

  Ouled Sliman, II, 105, 120, 294.

  Ouled Zenana, I, 306.

  Oulimminden, II, 28, 48, 73, 213, 244, 246.

  Oum es Seba, I, 150.

  Ounan, II, 23, 86.

  Ouskir (haci), I, 29.

  Outoul, II, 38, 40, 261.


                                   P

  Paléocène, II, 103.

  Palmier, I, 273 ; — II, 190.

  Particules argileuses en suspension dans l’air, I, 7.

  Pâturage, I, 11, 35, 246, 300.

  Pâturage type, I, Pl. IV.

  Peinture rupestre, I, 119.

  Perroquets, II, 198.

  Peuhls, II, 105, 110, 120.

  Phacochères, II, 201.

  Pichon (le baron), I, Préf. IX.

  Piège, II, 202.

  Pierres écrites, I, 100, 187.

  Pilons en pierre, I, 130.

  Pintade, II, 198.

  Plantes houillères, I, 142.

  Plantes salées, II, 144, 165.

  Plantes sauvages, II, 178.

  Plantes vénéneuses, II, 170.

  Pli couché, II, 7, 18.

  Pli de Kenatsa, I, 147.

  Pliocène, I, 149, 150.

  Plis posthumes, I, 302.

  Plissement atlique, I, 147.

  Plomb, I, 152.

  Pointements éruptifs, I, 145.

  Porc-épic, I, 155.

  Port-Étienne, II, 11.

  Porto-Novo, II, 125.

  Prairie, II, 147, 153, 154, 161.

  Précambrien, II, 5.

  Prudhomme (le capitaine) I, Préf. IX, 27.

  Puits, II, 177, Pl. VII.

  Puits artésiens, I, 245, 275, 303.

  Pygmées, II, 229.


                                   Q

  Quadria, II, 66.

  Quartz cuprifère (filon de) I, 200.

  Quaternaires (dépôts) I, 149, 150.


                                   R

  R’aba, I, 29, 195, 204, 300.

  Race de Cro-Magnon, I, 333.

  Races humaines, II, 209.

  Rached (Ouled) I, 226.

  Raisin, I, 271 ; — II, 42.

  R’arbi (oued), I, 28, 51.

  R’at, II, 70.

  Ras el Ma, II, 227.

  R’dir (aguelman), I, 311.

  Recensement, I, 267.

  Redjem. Cf. Tombeaux.

  Redjems islamisés, I, 79.

  Reg, I, Pl. I, III, VIII.

  Reggan, I, 256.

  Région littorale, II, 145.

  Rhinocéros, II, 202.

  Ridjel Imrad, I, 289, 309.

  Rio de Oro, II, 7, 10.

  Rivières du Touat, I, 41.

  Riz, II, 176.

  R’nanema, I, 195, 203.

  Rônier, II, 191.

  Rouge (mer), II, 154.

  Rouleaux écraseurs, I, 130.

  R’tem, I, 316 ; II, 160.

  Rue de palmiers, I, 170, 219, 242, 249, 300.


                                   S

  Sabankafi, II, 89, 112.

  Sable du Tanezrouft, I, 42.

  Sable envahisseur, I, 43.

  Sahara, II, 145, 154.

  Sahara (XVe siècle) I, 261.

  Saharides, II, 2.

  Sahélienne (zone), II, 48, 56, 144.

  Salem-Salem, II, 152.

  Sali, I, 28, 35, 256, 260 ; — II, 41.

  Saliski, II, 40.

  Salvadora, II, 187.

  Sandiré, II, 63.

  Sanglier, I, 108.

  Saoura, I, 20, 21, 32, 44, 190, Pl. IX, XXIX, XXX, XXXIII ; — II,
  220, 225.

  Saoura (crues), I, 250.

  Savane, II, 143, 153.

  Say, II, 12.

  Sba, I, 28.

  Sbar, II, 249.

  Scarabées, II, 192.

  Schistes alunifères, I, 283.

  Sebkha (chott), I, 11, 238 ; — II, 159.

  Seggueur (oued), I, 28, 44.

  Séguia, I, 218, Pl. XXXVIII, XXXIX.

  Seguiet el Hamra, I, 264.

  Seheb el Arneb, II, 22.

  Sekakna, I, 307, 330.

  Sekkaret, II, 63.

  Sel, II, 35, 117, 118, 166, 297.

  Sel de l’Açedjerad, I, 330.

  Séné. Cf. Cassia.

  Sénégal, II, 103, 246, 276, 292.

  Senilia, II, 225.

  Senoudébou, II, 268.

  Senoussistes, II, 67.

  Serpentine, II, 257.

  Sersou, II, 57.

  Settaf, I, 307, 330.

  Sif, I, 5, Pl. III.

  Silet, II, 32, 38, 40, 177, 261.

  Silex taillé, I, 67.

  Silos, II, 172.

  Silurien, I, 291, 292.

  Silurienne (pénéplaine), I, 295.

  Silurien de Tadjemout, I, 290.

  Silurien inférieur, I, 283.

  Silurien supérieur, I, 283.

  Singes, II, 202.

  Siroua, II, 268.

  Sokoto, II, 72, 84.

  Somonos, II, 211.

  Sondages artésiens, I, 274.

  Sonr’ai, II, 54, 109.

  Soro, II, 239.

  Soudanaise (zone), II, 143.

  Soudaniens, II, 211.

  Souf, II, 177.

  Souf Mellen, I, 297, 321, 326.

  Sounfat, II, 8, 36.

  Sources chaudes, I, 320.

  Stéatopygie, I, 138, 332.

  Steppe, II, 162.

  Subméridienne (direction), II, 5, 24.

  Sulfate de fer, I, 329.

  Sumpi, II, 12.

  Suture entre les deux zones hercynienne et calédonienne, I, 298.


                                   T

  Tabac, I, 255, 272 ; — II, 109.

  Tabankort, II, 85, 87, 92.

  Tabelbalet, I, 30, 44, 190, 197, 215. Pl. X, XXXI.

  Tabelbalet (ksars de), I, 197.

  Tabelbalet (idiome propre de), I, 216.

  Tabrichat, II, 85.

  Tadan, II, 182.

  Tadent, II, 36.

  Tadjemout, I, 314.

  Tadmaït, I, 21, 101, 237, 239, 240, 277, 310 ; — II, 35, 86,
  87, 99, 128, 288.

  Tafadek, II, 93, 97, 264, 293.

  Taffassasset, II, 24, 28, 36, 63, 93, 221, 231.

  Tafidet, II, 25, 62, 68.

  Tagant, II, 10, 224.

  Tagharba, II, 8.

  Tagrira (oued), II, 5, 9, 24, 27, 32, 36, 251.

  Taguellit, I, 312, 342.

  Taguerguera, I, 297, 311, 312, 327.

  Tahat, II, 29.

  Tahert, II, 40.

  Tahoua, II, 73, 84, 94, 96, 107, 226.

  Tahount Arak, I, 310, 312.

  Taille gigantesque des Touaregs, I, 138, 332.

  Taïtoq, I, 307, 321, 330, 331, 332 ; — II, 45, 128.

  Takado, II, 146.

  Takamat, I, 330 ; — II, 162, 179.

  Takaredei, I, 115 ; — II, 68.

  Takçis (oued), I, 297.

  Takouïat, I, 26 ; — II, 22, 36.

  Tala, I, 226.

  Talak, II, 24, 56, 63, 221.

  Talha, I, 314 ; — II, 184.

  Taloak, I, 62, 83, 288, 293, 312, 342.

  Tamada, II, 9, 23, 26.

  Tamago, II, 222.

  Tamalarkat, II, 93, 97, 264.

  Tamama, I, 311.

  Tamanr’asset, I, 26 ; — II, 24, 29, 32, 36, 37, 40, 42,
  130, 187.

  Tamarix, I, 314 ; — II, 156, 161, 186.

  Tamaské, II, 94, 96.

  Tamat. Cf. Acacia.

  Tamat Tédret, II, 63, 64.

  Tamayeur, II, 63.

  Tambari, II, 213.

  Tamentit, I, 39, 250, 253.

  Tanezrouft, I, 17, 126, 239, 300, 308, 327 ; — II, 20, 160,
  162, 208.

  Tanget, II, 29.

  Taoudéni, I, 21, 24, 37, 55, Pl. XI ; — II, 11, 21, 22, 26,
  36, 86, 87, 119, 135, 225, 246, 278, 293, 298.

  Taoulaoun, I, 20, 312, 313, Pl. XVI.

  Taoundart, II, 6.

  Taourirt, I, 25, 26, 232, 257, 339 ; — II, 29, 31, 201.

  Tarahaouthaout, II, 26, 29, 31, 40.

  Taraouadji, II, 59, 63.

  Tar’azi, II, 24, 56.

  Tarfa, I, 314 ; — II, 187.

  Targa, II, 216.

  Tarhananet, II, 40.

  Tar’it, I, 3, 9, 51, 123, 161, 313, 326, 342. Pl. XVI, XXVII ;
  — II, 263.

  Tar’it (pénéplaine) I, 148.

  Tarka, II, 80, 89, 140, 147, 251.

  Tasiast, II, 277.

  Tassamakol, II, 61.

  Tassili (hammada), I, 3, Pl. II ; — II, 162.

  Tassili des Azguers, I, 77.

  Tassr, II, 81, 218, 245, 250.

  Tazerouk, II, 29, 31, 40, 42.

  Tazoult, I, 229.

  Tazoult (pointement éruptif), I, 235.

  Tchad, II, 134, 148, 232, 237, 238, 244.

  Tchémia, II, 59.

  Tchetti, II, 13.

  Tebbou, II, 105, 120, 211, 217, 294.

  Tebirbirt, II, 40.

  Teboraq, I, 314 ; — II, 157, 183.

  Tedalaka, II, 80.

  Tedjehé Mellen, II, 45.

  Tedjoudjoult (oued), I, 325.

  Tefaghiz, II, 40.

  Tegama, II, 75, 79, 81, 83, 134, 146, 233.

  Tegant (erg), I, 47, 319 ; II, 252.

  Teguidda, II, 63, 64, 68, 76, 166, 264, 282.

  Tékout, II, 268.

  Telaouas, II, 262.

  Télé, II, 228.

  Télemsi, II, 47, 48, 91, 97, 134, 230, 251.

  Teleyet, II, 52.

  Telmin, I, 29, 244.

  Teloua, II, 61, 152, 221.

  Télout, II, 263, 268.

  Temassekh, I, 39, 229, 234, 255.

  Tenekart, II, 63.

  Ténéré, II, 25, 62.

  Teniet Sba, I, 148.

  Tentes, II, 219.

  Termites, I, 249 ; — II, 172, 193, 272.

  Terrain des gour, I, 151.

  Terrarar, II, 49.

  Tesamak, II, 6.

  Tesfaout, I, 24, 29, 33, 39, 340, 345.

  Tessalit, II, 49, 52.

  Tessaoua, II, 73, 75, 109.

  Tessegafi (erg) I, 297, 303, 309, 319.

  Tezzaï, I, 312, 342.

  Thiès, II, 182, 246.

  Tibesti, II, 9, 118, 144, 233, 265.

  Tibegehir, II, 39, 40.

  Tichek, II, 9.

  Tichitt, II, 228.

  Tidek (oued), I, 75; — II, 263.

  Tideri, II, 262.

  Tidikelt, I, 47, 276, 277, 300, 301 ; — II, 26, 177, 293.

  Tidjem, II, 6.

  Tidjert, II, 35.

  Tifedest, II, 29, 32.

  Tifert, II, 40.

  Tigueddi, II, 63, 68, 77, 79.

  Tiguiriat, II, 24, 55, 92.

  Tihimati, II, 28, 259.

  Tikedembati, I, 288, 312, 327.

  Tikeidi, I, 25, 293, 297, 309, 312, 319, 342.

  Tilemsi (oued), I, 128, 351.

  Tilmas, I, 16, 310.

  Timchent, I, 8, 234, Pl. X.

  Timeguerden, I, 297, 319.

  Timeskis (oued), I, 297.

  Timeskis (erg), I, 309.

  Timetrin, II, 8, 27, 36, 92, 147.

  Timgué, II, 57, 59, 62.

  Timiaouin, II, 8.

  Timimoun, I, 28, 243, 245, 246, 342, Pl. XXXVIII, XLI.

  Timimoun (erg), I, 44.

  Timimoun (sebkha de), I, 27, 50, 222, Pl. V.

  Timissao, I, 112, 113, Pl. VII ; — II, 5, 7, 8, 21, 22, 26, 288.

  Timmi, I, 40, Pl. XXXVII, XXXIX, XL.

  Timmoudi, I, 196, Pl. XXXIII.

  Timr’ar’in, I, Pl. IX.

  Tin Amensar, II, 37, 40.

  Tin Azaoua, II, 9, 23, 26.

  Tin Belenbila (oued), II, 257.

  Tinchamane, II, 65.

  Tin Daksen, II, 22.

  Tindesset, II, 2.

  Tindi, II, 262.

  Tin Diodin, II, 22.

  Tinerkouk, I, 29, 244, 246.

  Tin Ghaor, II, 8, 23, 27.

  Tin Ghellet, II, 40.

  Tin Hamor, II, 261, 262.

  Tin Hinan, I, 73, 330 ; — II, 43, 179, 216.

  Tinifar’, I, 254.

  Tiniri, I, 17 ; — II, 21, 24, 151, 161.

  Tinisi, I, 71.

  Tinoraj, I, 30, 42, Pl. X.

  Tin Senasset, I, 107, 312, 326, 339, 342.

  Tin Taboirak, II, 76.

  Tin Taggar, I, 312.

  Tin Tarabin, II, 36, 40.

  Tintar’odé, II, 67.

  Tin Teborak, II, 147.

  Tin Telloust, II, 68.

  Tintoumma, II, 233, 244.

  Tin Zaouaten, II, 23.

  Tiokodda, II, 115.

  Tiou Mousgon, II, 79.

  Tir’ammar, II, 34.

  Tiratimin, I, 313.

  Tirechoumin, I, 284.

  Tiredjert, I, 26, 47.

  Tirek, II, 8, 27.

  Tirminy, II, 90.

  Tiser’irin, II, 25.

  Tissint, II, 35.

  Tit, I, 71 ; — II, 6, 29, 32, 37, 38, 40, 41, 42, 261.

  Tlilia (oued), I, 27, Pl. IV.

  Tmar, II, 10, 86.

  Tni Haïa, I, 37 ; — II, 22, 86.

  Tombeaux, I, 34, 60, 61, 69, 72, 73, 76, Pl. XII, XLVII ; —
  II, 108.

  Tombeau de forgeron, I, 78.

  Tombeau de Tin Hinan, I, 74.

  Tombes actuelles, I, 78, 80.

  Tombouctou, II, 22, 75, 85, 124, 128, 134, 222, 246, 295.

  Tomela, I, 329, 357.

  Tondibi, II, 100.

  Torha, II, 33.

  Toro, II, 233, 238, 239.

  Tortue, II, 198.

  Tosaye, II, 12, 17, 75, 227, 258.

  Totémisme, I, 138, 333.

  Touaregs, I, 273, 330, Pl. LII ; — II, 105, 212.

  Touat, I, 21, 28, 38, 227, 249, 264 ; — II, 26.

  Touat (bas), I, 255.

  Touat (haut), I, 250.

  Touat (faille du), I, 235.

  Touat (ksars du), I, 257.

  Touat (sebkha du), I, 237.

  Touat el Henna, I, 234, 255.

  Toubouri, II, 265.

  Toufriq, II, 33.

  Touizikt, II, 10.

  Toureyet, II, 77.

  Tourha. Cf. Calotropis.

  Tozeur, II, 123.

  Trafic sud-oranais, I, 274.

  Traite des nègres, I, 273.

  Troglodytisme, I, 267.

  Tsilefin, II, 61.

  Tsirira, I, 218.

  Turonien, I, 232, 277.


                                   V

  Varan, II, 194, 197.

  Vernis du désert, I, 47.

  Vipère à cornes, II, 198.

  Virgation de la chaîne hercynienne, I, 232, 241.

  Voile, I, 333.

  Vorland primaire de l’Atlas, I, 150.


                                   W

  Wanda, II, 236, 237, 285.

  Woudi, II, 117, 238.


                                   Y

  Yama, II, 266.

  Yéni, II, 99.


                                   Z

  Zafrani (station de), I, 122.

  Zaouia de Kenatsa, I, 175.

  Zaouiet Kounta, I, 27, 28, 234, 255, 257, 260, 261.

  Zaouiet Reggan, I, 22, 339.

  Zau Saghaïr, II, 91.

  Zazir, II, 24, 27, 28, 36, 161.

  Zébu (voir Bœuf).

  Zelim, II, 24, 56.

  Zenati, I, 247, 255, 345.

  Zenati (accent), I, 248.

  Zenatiya, I, 169, 246.

  Zengou, II, 111.

  Zéno, II, 105.

  Zeramra, I, 215, Pl. XXXVI.

  Zeramra (fenêtre de), I, 186.

  Zinder, II, 13, 64, 81, 90, 110, 125, 128, 243, 245, 266, 293.

  Zousfana, I, 145, 157, Pl. VIII, XXV, XXVI.

  Zousfana, grande porte d’entrée du Sahara, I, 151.

  Zousfana (pointes de la), I, Pl. XIX.




                      TABLE DES FIGURES ET CARTES
                               * * * * *


  Fig.  1. — Blocs de granite porphyroïde près du cimetière         3
             d’Iférouane (Aïr)

   —    2. — Archéen. Massif granitique sur la rive g. de l’oued    3
             Tyout (Aïr)

   —    3. — Crêtes siluriennes (quartzites) à direction            6
             subméridienne

   —    4. — Coupe géologique du Rio de Oro                         7

   —    5. — Gours dévoniens, au sud d’In Azaoua                    8

   —    6. — Coupe d’El Khenachiche à Taoudenni                    11

   —    7. — Profil de Tobré à Boubon                              13

   —    8. — Coupe de Fort de Possel à Boli                        14

   —    9. — Les grès du Gourma à Tambarga                         15

   —   10. — Grès de Hombori                                       15

   —   11. — Mont Tombori                                          15

   —   12. — Coupe près de N’Dellé                                 16

   —   13. — Croquis hypsométrique de l’Afrique septentrionale     19
             et centrale

   —   14. — Zone inhabitée du Sahara central                      21

   —   15. — Coupe du tassili Tan Tagrira                          27

   —   16. — Essai de schéma du Massif Central saharien            30

   —   17. — La Coudia, vue de l’oued Sirsouf                      31

   —   18. — L’Adr’ar’ Arigan                                      33

   —   19. — L’Adr’ar’ Haggar’en                                   43

   —   20. — L’Adr’ar’ Adesnou                                     57

   —   21. — L’Adr’ar’ Timgué                                      59

   —   22. — Région méridionale de l’Aïr                           60

   —   23. — L’Akelamellen                                         62

   —   24. — L’Adr’ar’ Timgué                                      67

   —   25. — Bassin lacustre des Teguidda                          77

   —   26. — Falaise de Tigueddi, à Marandet                       79

   —   27. — Une cuvette du Manga                                  84

   —   28. — Falaise d’El Khenachiche                              86

   —   29. — Crétacé supérieur du Damergou                         88

   —   30. — Coupe de Djadjidouna à Béréré                         89

   —   31. — Bord du massif d’Alberkaram                           90

   —   32. — Vallée entre Kongoumé et Maïjirgui                    91

   —   33. — Coupe de la falaise de Bouza                          94

   —   34. — Falaise de Bouza                                      95

   —   35. — Coupe de l’Adr’ar’ de Tahoua                          96

   —   36. — Village de Kaouara                                    98

   —   37. — Matankari                                             98

   —   38. — Le Tondibi                                            99

   —   39. — Le Kennadji                                          100

   —   40. — Dallols près de Labat                                107

   —   41. — Matankari                                            108

   —   42. — Les mamelons du Mounio                               113

   —   43. — Les mamelons du Mounio                               114

   —   44. — Les plateaux du Koutous                              115

   —   45. — Les grès du Koutous                                  116

   —   46. — Températures de Ghardaia                             122

   —   47. —         —       Tozeur                               123

   —   48. —         —       Bizerte                              123

   —   49. —         —       Kayes                                124

   —   50. —         —       Niamey                               124

   —   51. —         —       Tombouctou                           125

   —   52. —         —       Porto-Novo                           125

   —   53. — Régime des pluies au nord et au sud du Sahara        126

   —   54. — Températures d’In Salah                              127

   —   55. — Un coup de brume (oued En Nefis)                     138

   —   56. — Un coup de brume (Tit)                               139

   —   57. — Un coup de brume (Tit)                               139

   —   58. — Zones de végétation de l’Afrique occidentale         145

   —   59. — Fragment de topographie de l’Alakhos                 150

   —   60. — Profil de Guidjamon à Ganadja                        150

   —   61. — Stations botaniques du Mounio                        151

   —   62. — L’Adr’ar’ Adesnou                                    152

   —   63. — Coupe demi-schématique d’une vallée d’Aïr : Le       153
             Teloua à Salem-Salem

   —   64. — Contreforts méridionaux de l’Ahaggar                 162

   —   65. — Le moyen Niger                                       175

   —   66. — Deux types de bâts : Chameaux saharien et sahélien   206

   —   67. — Campement tebbou                                     218

   —   68. — Les massifs anciens et les bassins de l’Afrique      225
             occidentale

   —   69. — Répartition des Ergs                                 245

   —   70. — Ergs morts                                           250

   —   71. — Le Tin Hamor et le Telaouas                          262

   —   72. — Le plateau d’Adjellela                               262

   —   73. — Montagne d’Aoudéras                                  263

   —   74. — Adr’ar’ Ohrsane                                      264

   —   75. — Microgranites de Gouré                               266

   —   76. — Coupe au nord de Gouré                               267

   —   77. — Roches d’épanchement et roches alcalines de          269
             l’Afrique du Nord

   —   78. — Plateaux de Tamaské                                  274

   —   79. — Un plateau de grès du Niger, en aval de Gao          275

   —   80. — Un bloc de granite sur les bords du Niger            277

                               * * * * *


                      CARTES ET COUPES HORS TEXTE

    I. — Coupes géologiques.

   II. — Esquisse hypsométrique du Sahara central et de sa bordure
         soudanaise.

  III. — Esquisse géologique du Sahara central et de sa bordure
         soudanaise.




                     TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
                               * * * * *


                                                                Entre
                                                                 les
                                                                pages

  Planche       I. —  1. Chaos granitique. Adr’ar’ des            2-3
                         Ifor’as

                      2. Granite porphyroïde à Iférouane
                         (Aïr).

     —         II. —  3. Adr’ar’ des Ifor’as. Terrain archéen     2-3

                      4.         —            Le pli couché de
                         l’oued Tesamak.

     —        III. —  5 et 6. Grès dévoniens à Tin Ghaor        10-11

     —         IV. —  7. Ahaggar. Un confluent près d’In        30-31
                         Amdjel

                      8. Ahaggar. Village de Tit.

     —          V. —  9. Adr’ar’ des Ifor’as. Un col au sud     48-49
                         de Timiaouin

                     10. Un oued de l’Adr’ar’ des Ifor’as.

     —         VI. — 11. Kori Tin Teboirak                      56-57

                     12. Une cascade près d’Aoudéras.

     —        VII. — 13. Le kori d’Aoudéras après l’orage       56-57

                     14. Près d’Aoudéras (Aïr).

     —       VIII. — 15. Cases du village d’Aguellal            62-63

                     16. Le massif et le village d’Aoudéras.

     —         IX. — 17. Le puits de Tinchamane, Agadez         62-63

                     18. Les doums dans un kori d’Aïr.

     —          X. — 19. Un puits à bascule d’Aoudéras          68-69

                     20. Un kori d’Aïr.

     —         XI. — 21. La palmeraie d’Iférouane               68-69

                     22. La mosquée d’Agadez.

     —        XII. — 23. La falaise de Tigueddi                 78-79

                     24. Le village de Dogon Doutchi.

     —       XIII. — 25. Le Niger à Niamey                      96-97

                     26. Le puits du village d’Yéni.

     —        XIV. — 27. Dallol Busso, à Yéni                 108-109

                     28. Ruines de la mosquée de Gao.

     —         XV. — 29. Zone sahélienne. — Tegama            142-143

                     30. Zone sahélienne. — Région de Gao.

     —        XVI. — 31. Une halte dans la région de Gao      142-143

                     32. Un Tamat (_Acacia arabica_).

     —       XVII. — 33. _Mentha sylvestris_, forme           160-161
                         saharienne ; forme des environs de
                         Paris

     —      XVIII. — 34. _Veronica Anagallis_. — _Cynodon     160-161
                         dactylon_ ; formes sahariennes
                         et formes des environs de Paris

     —        XIX. — 35. Une prairie de Kram-Kram (zone       160-161
                         sahélienne)

                     36. Une mare chez les Oulimminden.

     —         XX. — 37 et 38. L’étang permanent de Keïta     170-171

     —        XXI. — 39 et 40. Mares d’hivernage dans la
                         zone sahélienne                      170-171

     —       XXII. — 41. Végétation d’Afernane                170-171

                     42. Pâturage d’Askaf.

     —      XXIII. — 43. La dune de Nouakchott                176-177

                     44. Bir El Aïoudj.

     —       XXIV. — 45. Le poste de Bemba                    176-177

                     46. Palmiers « bour ».

     —        XXV. — 47. Zone sahélienne. Halte sous un Gao   176-177

                     48.       —          Bouquet d’arbres.

     —       XXVI. — 49 et 50. Pâturage dans la région
                         d’Araouan                            184-185

     —      XXVII. — 51 et 52. Canaris à Mil                  184-185

     —     XXVIII. — 53. Groupe de Touaregs (Région de Gao)   208-209

                     54. Un Lamentin.

     —       XXIX. — 55. Femmes Kel Akara                     208-209

                     56. Une fille de El Hadj Moussa.

     —        XXX. — 57. Femme Kel Tadélé                     214-215

                     58. Femmes Hoggar.

     —       XXXI. — 59. Le Rastamala, représentant du chef   214-215
                         des Kel Ferouan

                     60. Femme d’Oanella, chef des Hoggar.

     —      XXXII. — 61. Tente touareg                        218-219

                     62. Campement de Bellah. Bords du Niger.

     —     XXXIII. — 63. Campement de Bellah. Boucle du Niger 218-219

                     64.            —         Près de Gao.

     —      XXXIV. — 65. Chalands sur le Niger. Région de Gao 226-227

                     66. La vallée du Niger, vue du poste de
                         Bourem.

     —       XXXV. — 67. In Zize. Ravin                       258-259

                     68. In Zize. Aguelman.

     —      XXXVI. — 69. Le ksar de Bou Djebiha               298-299

                     70. Le ksar d’Araouan.

     —     XXXVII. — 71. Le ksar de Taoudenni                 298-299

                     72. Une place à Taoudenni.

     —    XXXVIII. — 73. Le village d’Agorgott                298-299

                     74. Une caravane dans le poste de
                         Tinchamane.




                          TABLE DES MATIÈRES
                               * * * * *


                              CHAPITRE I

  =LA PÉNÉPLAINE CENTRALE DU SAHARA=                                   1

    I. — _Constitution géologique_, 1. — Archéen, 2. — Silurien,
    4. — Dévonien, 7. — Carbonifère, 11. — Extension des terrains
    anciens vers le Sud, 12. — Rebroussement des plis, 18.

    II — _Les Régions_, 18. — Les Tanezrouft, 20. — Leurs points
    d’eau, 26. — L’Ahaggar, 29. — Orographie, 29. — Hydrographie,
    35. — Les villages, 37. — Les Nomades, 44. — L’Adr’ar’ des
    Ifor’as, 47. — Orographie, 48. — Hydrographie, 49. — Les
    villages, 52. — Les Ifor’as, 53. — Adr’ar’ Tiguirirt, 55. —
    L’Aïr, 56. — Orographie, 56. — Hydrographie, 61. — Les
    villages, 64. — Histoire, 69. — Les habitants, 70.

                              CHAPITRE II

  =LES HAUTES PLAINES DU SOUDAN=                                      75

    I. — _Structure géologique_, 75. — Crétacé inférieur, 76. —
    Crétacé supérieur, 88. — Éocène, 94. — Miocène, 96. —
    Extension géographique, 97.

    II. — _Les Pays_, 104. — Nomades, 105. — Adr’ar’ de Tahoua,
    107. — Djerma, 108. — Tessaoua, 109. — Demagherim, 110. —
    Damergou, 112. — Mounio, 113. — Koutous, 114. — Alakhos, 116.
    — Manga, 117. — Kaouar, 117. — Fachi, 119. — Iles du
    Tchad, 120.

                             CHAPITRE III

  =MÉTÉOROLOGIE=                                                     122

    I. — _Le Climat_                                                 122

    II. — _La Brume_                                                 136

                              CHAPITRE IV

  =CHOROLOGIE=                                                       142

    I. — _Géographie botanique_, 142. — Les grandes zones, 142.
    — Zone sahélienne, 146. — Zone saharienne, 154. — Les
    adaptations, 163 (les plantes grasses, 166 ; les lianes, 167 ;
    les graines, 168 ; défense contre les animaux 170). — Les
    cultures, 170 (cultures irriguées, 174). — Remarques sur
    quelques espèces, 179.

    II. — _Géographie zoologique_, 192. — Cœlentérés, 192. —
    Insectes, 192 (termites, 193 ; insectes des tanezrouft, 194).
    — Crustacés, 195. — Mollusques, 195. — Batraciens et reptiles,
    197. — Oiseaux, 198 (l’Autruche, 199). — Mammifères, 200. —
    La chasse, 202. — Les troupeaux, 203 (chèvres et moutons, 203 ;
    bœufs, 203 ; chevaux, 204 ; ânes, 204 ; chameaux, 205). — Les
    hommes, 209 (les Touaregs, 212 ; l’habitation, 217).

                              CHAPITRE V

  =HYDROGRAPHIE ANCIENNE=                                            220

    Le Taffassasset, 221. — Le bassin de Tombouctou et le moyen
    Niger, 222. — Le bassin d’Ansongo, 229. — Le Tchad et le Bahr
    El Ghazal, 232.

                              CHAPITRE VI

  =LES DUNES FOSSILES=                                               243

    Les extensions du désert, 243. — Les ergs morts, 244. —
    Leur âge, 252.

                             CHAPITRE VII

  =QUELQUES QUESTIONS TECHNIQUES=                                    256

    I. — _Roches_, 256. — Roches anciennes, 256. — Roches
    éruptives récentes, 258 (In Zize, 259 ; Ahaggar, 261 ; Aïr,
    263 ; Mounio, 265 ; Zinder, 266 ; Melfi, 267 ; Fita, 267).
    — Provinces pétrographiques à roches alcalines, 268.

    II. — _Latérites_, 270. — Grès ferrugineux, 273. — Produits
    de décalcification, 274.

    III. — _Salines_, 278. — Taoudenni, 278 ; — Bilma, 282 ; —
    Les Teguiddas, 282 ; — Terre d’Ara, 283 ; — Manga, 284 ; —
    Folé, 284.

    IV. — _Les Agents désertiques_, 285. — Érosion éolienne, 285.
    — Insolation, 290.

                             CHAPITRE VIII

  =LE COMMERCE=                                                      292

    Le commerce transsaharien, 292. — Le commerce saharien, 296.
    — L’avenir, 298.


                              APPENDICES


    I. —  LA CARTOGRAPHIE DU SAHARA                                  305

   II. — NOTES COMPLÉMENTAIRES SE RAPPORTANT AU TOME II
         (_Sahara soudanais_)                                        308

  III. — NOUVELLES NOTES COMPLÉMENTAIRES SE RAPPORTANT AU
         TOME I (_Sahara algérien_)                                  309

  INDEX ALPHABÉTIQUE DES TOMES I ET II                               311

  TABLE DES FIGURES ET CARTES                                        321

  TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE                                      323


                               * * * * *
          1396-08. — Coulommiers. Imp. PAUL BRODARD. — 4-09.






[Illustration : NOTE DE M. =R. Chudeau=

Bull. Soc. Géol. De France (Extrait du) S. 4 ; T. VII ; Pl. XI
(Séance du 17 Juin 1907)

_Dessiné par F. Borremans — 5, rue Hautefeuille — PARIS._

I. de l’Ahnet à Niamey (En partie après E. F. Gautier)

II. de Niamey au Tchad.

III. de Tit à Zinder

V. de Timiaouin à Tin Zaouten.

VI. Alakhos et Koutous.]


[Illustration : ESQUISSE HYPSOMÉTRIQUE DU SAHARA OCCIDENTAL ET CENTRAL
ET DE SA BORDURE SOUDANAISE par René Chudeau

R. CHUDEAU — Sahara Soudanais.

LIBRAIRIE ARMAND COLIN, PARIS.]


[Illustration : ESQUISSE GÉOLOGIQUE DU SAHARA CENTRAL et de sa bordure
soudanaise par RENÉ CHUDEAU

R. CHUDEAU — Sahara Soudanais.

LIBRAIRIE ARMAND COLIN, PARIS.]




Note du transcripteur :


  Page 2, " juxaposition des plis " a été remplacé par
  " juxtaposition "

  Page 3, " ne permettrent que bien " a été remplacé par
  " permettent "

  Page 43, " chaque annéee à des échanges " a été remplacé par
  " année "

  Page 56-57, phot. 14, " PRÈS D’AOUDERAS (AIR). " a été remplacé par
  " D’AOUDÉRAS (AÏR) "

  Page 62-63, phot. 15, 16 et 18, " AIR " a été remplacé par " AÏR "

  Page 68-69, phot. 20 et 21, " AIR " a été remplacé par " AÏR "

  Page 83, " que l’onur pora faire " a été remplacé par
  " l’on pourra "

  Page 99, " sont recou-couvertes par " a été remplacé par
  " recouvertes "

  Page 120, " il est vraisemblabe " a été remplacé par
  " vraisemblable "

  Page 135, " apparaissent le le plus " a été remplacé par
  " apparaissent le plus "

  Page 143, " _Elœis_ " a été remplacé par " _Elæis_ "

  Page 150, fig 60, " _Balanites ægyptiacal_ " a été remplacé par
  " _Balanites ægyptiaca_ "

  Page 159, " _Limnoniastrum Guyonianum_ " a été remplacé par
  " _Limoniastrum_ "

  Page 160, " _Retama Retem_ Wobb. " a été remplacé par " Webb. "

  Page 170, " _Dæmia cordata_ " a été remplacé par " _Dœmia_ "

  Page 178, " _Phelipœa lutœa_ Desf. " a été remplacé par
  " _Phelipæa lutea_ "

  Page 178, " _Pennisetum dicothomum_ " a été remplacé par
  " _dichotomum_ "

  Page 179, " avaient pénible-blement amassé " a été remplacé par
  " péniblement "

  Page 181, note 127 " Betham et Hooker " a été remplacé par
  " Bentham "

  Page 186, " dont _Rœtama_ " a été remplacé par " _Retama_ "

  Page 190, " _Chamœrops humilis_ L. " a été remplacé par
  " _Chamærops_ "

  Page 205, " l’_Equus tœniopus_ " a été remplacé par " _tæniopus_ "

  Page 214-215, phot. 59, " SULTAN D’AIR " a été remplacé par " D’AÏR "

  Page 216, " l’Aïr [Pl. XXXIX à XXXI] " a été remplacé par
  " [Pl. XXIX à XXXI] "

  Page 223, " la caurie (_Cyprœa_) " a été remplacé par " _Cypræa_ "

  Page 225, fig. 68, " l’Afrique ocidentale " a été remplacé par
  " occidentale "

  Page 230, " partout allieurs ses limites " a été remplacé par
  " ailleurs "

  Page 248, " origine (cf. chap. VIII, II) " a été remplacé par
  " chap. VII, "

  Page 250, " (Pl. XXXIII, phot. 43) " a été remplacé par " Pl. XXIII "

  Page 256 la référence absente à la note 176 a été placée après
  " I. — =ROCHES= "

  Page 257, " belles lentillles " a été remplacé par " lentilles "

  Page 286 (après page 285) changé le numéro de page de 266 à 286.

  Page 297, " plus qn’une seule " a été remplacé par " qu’une "

  Page 311, " Adr’ar’ Ahnet, I, 10, 291, 310, 319, 321, 325, Pl. XLIX,
  X ; " a été remplacé par " Pl. XLIX, L, LI ; "

  Page 312, " Azaouad, II, 109, 224, 225, 328. " a été remplacé par
  " Azaouad, I, 328 ; — II, 109, 224, 225. "

  Page 312, " Bahoria, II, 286. " a été remplacé par " Baharia "

  Page 312, " Bakoq, II, 13. " a été remplacé par " Bakoy "

  Page 312, " Chehed, I, 64, Pl. XVII. " a été remplacé par
  " Pl. XIII. "

  Page 315, "Ifor’as, I, 113, 128, 350 ; —  II, 53, 212, 328." a été
  remplacé par "Ifor’as, I, 113, 128, 328, 350 ; —  II, 53, 212."

  Page 319, " Tegant (erg), I, 47, 319 ; II, 303. " a été remplacé par
  " II, 252. "

  Page 321, " [Températures de]— Niame " a été remplacé par " Niamey "

  De plus, quelques changements mineurs de ponctuation et d’orthographe
  ont été apportés.





*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MISSIONS AU SAHARA, TOME 2: SAHARA SOUDANAIS ***


    

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written explanation to the person you received the work from. If you
received the work on a physical medium, you must return the medium
with your written explanation. The person or entity that provided you
with the defective work may elect to provide a replacement copy in
lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
or entity providing it to you may choose to give you a second
opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
without further opportunities to fix the problem.

1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO
OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
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including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
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or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or
additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any
Defect you cause.

Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™

Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of
computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
from people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s
goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg™ and future
generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.

Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
U.S. federal laws and your state’s laws.

The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West,
Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
to date contact information can be found at the Foundation’s website
and official page at www.gutenberg.org/contact

Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread
public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
visit www.gutenberg.org/donate.

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations. To
donate, please visit: www.gutenberg.org/donate.

Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be
freely shared with anyone. For forty years, he produced and
distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of
volunteer support.

Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
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