Le vrai bonheur, ou les amants de Stresa

By Henri de Régnier

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Title: Le vrai bonheur, ou les amants de Stresa

Author: Henri de Régnier

Release date: November 24, 2025 [eBook #77329]

Language: French

Original publication: Paris: Horizons de France, 1929

Credits: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))


*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VRAI BONHEUR, OU LES AMANTS DE STRESA ***






  HENRI DE RÉGNIER

  LE
  VRAI BONHEUR
  OU
  LES AMANTS DE STRESA


  PARIS
  ÉDITIONS DES HORIZONS DE FRANCE
  39, Rue du Général-Foy

  1929




J’ai beaucoup connu cette charmante femme, et je l’ai connue à une
époque de ma vie où, comme on dit, j’avais à peu près cessé d’aller
«dans le monde» et où mon goût de la Société me portait à le satisfaire,
plutôt que dans les salons à la mode, par des intimités avec des
personnes qui se tenaient volontairement à distance et à l’écart des
banalités mondaines, certaines particularités d’existence ou certain
raffinement d’esprit les empêchant de se contenter du plaisir qu’offre
une mise en commun de vanités et d’élégances. En un mot, je me sentais
attiré, non par les aventuriers et les irrégulières, mais par les hommes
et les femmes qui entendaient vivre pour eux-mêmes, à leur façon et à
leur guise, selon leur fantaisie ou leur nature, sans tenir compte des
commentaires plus ou moins malveillants que ne manque pas de provoquer
une attitude dont l’origine est moins une «pose» qu’un besoin de liberté
et d’indépendance. Paris compte bon nombre de ces réfractaires aux
obligations sociales et à l’embrigadement mondain, qui se dérobent à
leur milieu et s’organisent à part de quoi passer leur vie à leur gré.
Beaucoup de ces isolés sont amenés à ce parti par le goût et la pratique
de quelque art qu’ils cultivent en amateurs ou par quelque originalité
de caractère. Dans ces îlots de société, la littérature, la peinture, la
musique sont souvent en honneur et on a chance d’y rencontrer des
personnalités, sinon tout à fait exceptionnelles, du moins intéressantes
par le souci de se choisir des conditions de vie à leur convenance et en
dehors des cadres conventionnels.

Sans faire partie de ces récalcitrants, j’étais porté vers eux par une
secrète sympathie. Je trouvais à les fréquenter un agrément que je ne
rencontrais pas ailleurs et, auprès d’eux, je me sentais plus à l’aise
que dans aucune autre compagnie. J’éprouvais à leur endroit un véritable
attrait et j’employais à les observer et à les connaître un zèle que je
n’eusse jamais mis à m’acquérir de ces relations utiles et flatteuses
dont on tire profit et vanité. J’avoue que, dans cette recherche,
j’étais poussé aussi par un sentiment de curiosité pour les raisons qui
avaient conduit ces affranchis du monde à se cantonner en marge de ses
groupements. A cette curiosité s’ajoutait le plaisir que j’ai toujours
pris au contact des singularités intellectuelles, morales ou sociales.
J’aime ce qu’on appelle les originaux, les extravagants. Je les aime
dans la littérature et dans l’histoire, et il ne me déplaît pas d’en
rencontrer des exemplaires vivants, même dépouillés des prestiges de la
légende et de l’imagination, et réduits à leur propre réalité.

Ce fut à cette curiosité que je dus, à l’époque dont je vous parle, ma
liaison avec l’étrange et falot personnage que fut le comte de Barnejac.
On sait la réputation qu’il a laissée et qui est encore l’aliment des
anecdotiers et des chroniqueurs du Paris d’hier dont il fut une des
figures les plus pittoresques. Celle qu’il faisait de son vivant avait
de quoi intriguer et attirer, ce qui fut mon fait. Musicien mystérieux
dont personne n’avait jamais ouï une note, peintre qui ne montrait pas
ses toiles, poète qui cachait ses vers, M. de Barnejac exerçait une
sorte de fascination véritable due au mystère même dont il s’entourait
et à des prétentions artistiques que ne justifiait aucune preuve de
talent. Très grand, très maigre, vêtu avec une extrême recherche, M. de
Barnejac exhibait d’étonnants gilets taillés en des soies japonaises et
des cravates d’une extraordinaire variété. Sa main aux ongles aigus
s’appuyait sur des pommeaux de canne finement ciselés, et le revers de
ses rigides redingotes s’ornait de fleurs rares. Il habitait un hôtel
curieusement aménagé où il avait fait établir une piscine dont les eaux
colorées étaient semées de paillettes d’or. Il passait pour élever des
serpents auxquels il ne donnait à manger que des oiseaux exotiques.
Bref, il était l’incarnation de tous les raffinements de décadence, ce
qui ne l’empêchait pas, disait-on, de gérer fort âprement une fortune
considérable. Tel qu’il était, il faisait figure dans le Paris d’alors
et il me parut amusant de franchir le seuil de son hôtel où n’était pas
admis qui voulait. Certaines circonstances m’en facilitèrent l’accès et
je pris pied, sinon dans l’amitié de M. de Barnejac, du moins au nombre
des humains dont il consentait à admettre et à reconnaître l’existence.
Cela me valut d’entendre M. de Barnejac pérorer interminablement de sa
voix de fausset, et de façon non dépourvue, certes, d’un certain esprit
satirique et d’une indéniable faconde gasconne. A cette faveur s’ajouta
celle de jeter un coup d’œil sur quelques-unes des œuvres picturales que
M. de Barnejac dérobait jalousement aux regards des profanes, d’écouter
quelques musiques de sa composition et de feuilleter les vélins
enluminés sur lesquels étaient calligraphiées ses élucubrations
poétiques. Ces expériences me permirent de constater que M. de Barnejac
n’avait vraiment aucun talent et je m’aperçus qu’il était également
vaniteux, égoïste et méchant et, au fond, le plus plat des bourgeois,
une fois passées ses heures de comédie et mise au rancart la défroque du
rôle où il apparaissait sur une scène truquée et dans un décor de
carton. Cette désillusion se compliqua plus tard d’autres désagréments
et il me fallut, un jour, mettre fin à des relations fâcheuses dont je
me tirai à temps, non sans le regret de m’y être un peu trop attardé.

J’aurais dû conserver mauvais souvenir de M. de Barnejac; il n’en est
rien et je lui dois au contraire une certaine reconnaissance. Durant le
temps où je le fréquentai il m’amusa extrêmement et m’offrit en lui un
curieux exemplaire d’égoïsme et de vanité. Il me montra à quel point un
égoïste peut être dur aux pauvres et aux faibles, et à quelle bassesse
peut arriver un vaniteux devant les riches et les puissants. Ces
constatations, me dira-t-on, ne sont pas rares, mais celle que me
fournit M. de Barnejac fut d’une remarquable qualité. Et puis ce fut
autre chose que je dus encore à M. de Barnejac. N’est-ce pas lui qui me
fit connaître la charmante femme dont il s’agit et chez qui il me
conduisit, un jour, je ne sais plus à quel sujet, lui qui m’introduisit
dans la petite maison qu’habitait, au fond d’Auteuil, Mme de Gaillandre,
non loin de chez Jean Lorrain et de chez M. de Goncourt...

La maison de Mme de Gaillandre était séparée de la rue par un bout de
jardin dont l’allée sablée tournait autour d’un gazon encadrant un
parterre aux quatre coins duquel s’élevaient quatre buis taillés. Sur le
sable de l’allée ou parmi l’herbe se promenaient plusieurs tortues dont
les carapaces bien entretenues bombaient leur écaille arrondie. Le
jardin traversé, on arrivait à une porte peinte en bleu, sur le vantail
de laquelle était clouée une grande chauve-souris de bronze aux ailes
onglées et aux oreilles pointues. Une main de Fathma en cuivre pendait à
la chaîne de la sonnette dont l’appel ne retentissait pas en
drelin-drelin, mais se répercutait à l’intérieur avec un grondement de
gong. La porte s’entr’ouvrait et on se trouvait en présence d’un
serviteur indien coiffé d’un turban de mousseline blanche et qui
s’inclinait en silence. A travers un vestibule dont le pavement était
couvert de fauves peaux de tigre étalées, l’hindou vous conduisait dans
un vaste salon, aux murs tendus de cachemires précieux et d’étoffes
brillantes, sur lesquels se détachaient de vives et fines miniatures
persanes. Des Princes et des Sultanes, montés sur des chevaux roses, le
faucon au poing, y foulaient une herbe fleurie de tulipes où
s’allongeait l’ombre en fuseau des cyprès et où des colombes buvaient en
roucoulant au bassin d’une fontaine dont l’eau attirait à sa fraîcheur
des mendiants en haillons et des biches tachetées. Aux angles du salon,
des vitrines contenaient des objets de jade, de pierres dures et de
cristal, parmi lesquels plusieurs éléphants de diverses tailles et de
différentes matières, quelques-uns, même, sans valeur artistique, en
ivoire et en ébène, car l’éléphant est considéré par les Orientaux comme
un porte-bonheur, de même que la chauve-souris est tenue pour telle par
les Chinois. Dans la salle à manger attenant au salon luisaient des
panoplies d’armes, casques et armures damasquinées, sabres courbés, arcs
et flèches mongoles, boucliers ronds, étriers. Tout ce décor asiatique
rappelait à Mme de Gaillandre le séjour qu’elle avait fait aux Indes,
lors de son voyage de noces.

Mme de Gaillandre en avait conservé un éblouissant souvenir: réceptions
chez les rajahs, danses de bayadères, fêtes de nuit en de féeriques
jardins illuminés, promenades en longues pirogues sur des lacs jonchés
de nymphéas, chasses dans la jungle, visites de temples et de pagodes,
mais, de tous ces souvenirs, le plus précieux avait été celui du bonheur
qu’elle avait connu en ces mois de lune de miel, dont, hélas,
l’enchantement s’était vite dissipé au retour, car, une fois revenu à
Paris, M. de Gaillandre était trop vite devenu un mari comme les autres,
c’est-à-dire inattentif et indifférent parce qu’il se sentait aimé,
jaloux parce qu’il était infidèle et cherchant dans les rats de l’Opéra
le rappel des bayadères. Germaine de Gaillandre avait mal supporté ces
mécomptes et le désaccord du ménage s’était accentué au point qu’une
séparation à l’amiable était intervenue. M. de Gaillandre avait repris
sa liberté, laissant à sa femme les collections qu’il avait rapportées
des Indes et le droit de disposer de sa vie comme elle l’entendrait. De
ce droit, Germaine de Gaillandre n’avait guère usé. Son cœur n’avait pas
remplacé l’infidèle, qui, d’ailleurs, n’avait pas joui longtemps de sa
nouvelle vie de garçon. Trois ans après sa séparation, il était mort des
suites d’un accident de chasse. Devenue veuve, et déjà avant son
veuvage, Germaine de Gaillandre avait essayé de s’organiser une
existence supportable. Intelligente et cultivée, n’aimant pas le monde
et la mondanité, elle s’était créé des relations agréables parmi ces
«réfractaires» dont je vous parlais tout à l’heure et qui, vivant par
goût en marge de la société, en constituent une où se rassemblent les
transfuges de la cohue du Tout-Paris.

C’était ainsi que la petite maison d’Auteuil était devenue, sinon un
«salon» au sens parisien du mot, du moins un lieu de réunion fort
agréable. J’y ai vu plus d’une fois M. de Goncourt rendant visite à sa
voisine, très beau sous ses cheveux blancs, avec son noir regard, en sa
distinction de vieux gentilhomme à laquelle se mêlait on ne savait quoi
d’un rapin du temps de Gavarni. J’y ai entrevu parfois Jean Lorrain, la
chevelure poudrée d’or, les yeux passés au mascaro, intarissable en
histoires abracadabrantes, en anecdotes et en potins, mais les visiteurs
habituels de Mme de Gaillandre étaient d’ordinaire des personnalités
moins marquantes. Mme de Gaillandre ne recherchait pas les «célébrités»;
elle n’avait rien de la «maîtresse de maison». Elle aimait qu’on se plût
chez elle et qu’on vînt à elle, mais elle ne raccolait pas sa clientèle.
Elle se contentait d’accueillir ses amis, les anciens comme les
nouveaux, avec gentillesse et bonne grâce, tenant entre eux la balance
égale et n’y choisissant pas de favoris ni de privilégiés. Chez elle, on
causait librement, on dînait finement, on faisait de la musique. Cela
formait une petite société intéressante qu’égayaient quelques figures
bizarres et falotes. Quelquefois on faisait tourner les tables et on
évoquait les esprits, car Mme de Gaillandre avait une certaine curiosité
pour ces expériences. Elle n’était certes ni spirite ni théosophe, mais
l’au-delà et plus spécialement l’au-delà de nous-même l’intéressait.
«Elle s’inquiète de l’avenir de son moi», disait ironiquement M. de
Barnejac pour qui le présent de son moi était une occupation suffisante
à son égoïsme. De ces jeux de coups frappés, l’organisateur habituel
était le peintre Massot. Les Gaillandre l’avaient connu aux Indes où il
peignait les belles toiles qui ont fait sa réputation, tout en
fréquentant des prêtres bouddhiques, des brahmanes, des faiseurs de
tours. On l’appelait par plaisanterie le «Fakir» car il était presque
aussi maigre que Barnejac. D’ailleurs ils se détestaient.

Barnejac, en effet, ayant eu vent de l’existence du petit cénacle
d’Auteuil, avait fait ce qu’il fallait pour y être admis et, jusqu’à un
certain point apprécié, c’est-à-dire qu’il avait dissimulé de son mieux
sa vilaine nature et n’avait montré que l’aspect supportable et même
presque séduisant de lui-même. Mme de Gaillandre le goûtait assez pour
lui avoir laissé prendre sur elle un semblant d’influence. Fort
connaisseur en modes, toilettes, parures et colifichets, grand amateur
d’élégances féminines, Massot le désignait sous le sobriquet de «la
vieille habilleuse», mais ses conseils étaient volontiers écoutés par la
jeune femme. Il la guidait dans ses achats et c’était lui qui lui avait
fait acquérir le beau collier de perles qu’elle ne quittait guère, et
qui avait appartenu, prétendait Barnejac, à l’Impératrice Joséphine.
Elle consultait aussi volontiers Barnejac sur la composition de son
petit cercle. Ce fut ainsi que Barnejac, qui me tenait alors en grande
faveur, lui proposa de m’amener chez elle et me représenta à ses yeux
comme un garçon bien élevé, de bonne compagnie et dont elle pourrait
tirer de l’agrément. Cette garantie me valut, de la part de Mme de
Gaillandre, un aimable accueil. La sympathie que nous éprouvâmes l’un
pour l’autre devint assez vite une véritable amitié. Mme de Gaillandre
méritait d’en inspirer et on lui eût même voué des sentiments plus
tendres et plus passionnés, si elle ne vous eût fait comprendre que
l’amour ne tiendrait plus jamais aucune place dans sa vie et qu’on se le
tînt pour dit.

C’était, et je ne saurais assez vous le répéter, une charmante femme et
elle me plut dès l’abord. Je la revois encore telle que je la vis pour
la première fois, le jour où j’enjambai les tortues porte-bonheur du
petit jardin, où le serviteur au turban blanc me fit passer sur les
peaux de tigre et m’introduisit dans le salon indien parmi les éléphants
de jade, de cristal, d’ivoire et d’ébène qui y exerçaient la fonction de
porte-veine ainsi que me l’expliquait M. de Barnejac en attendant que
parût Mme de Gaillandre. Sa présence, de suite, m’enchanta quoiqu’elle
ne fût vêtue ni en sultane, ni en ranie, mais en Parisienne sobrement et
finement élégante. Rien en elle du type «princesse de légende» si à la
mode en ce temps-là, malgré le fameux sautoir de perles, car elle le
portait avec autant de simplicité que si c’eût été quelque article de
Paris sans autre valeur que le caprice d’un moment. Son accueil était
plein de gentillesse et presque de timidité. Tout en parlant, ses fines
mains caressaient les grosses perles de son collier d’un geste machinal;
parfois, elle s’arrêtait de parler, distraite et comme absente, puis
elle revenait à vous avec un délicieux sourire et maintes paroles
avenantes. Telle qu’elle m’apparut en cette première entrevue, telle je
la retrouvai toujours par la suite. Elle avait dans la conversation de
la fantaisie et de la gaieté, mais sa conversation était coupée de
fréquents silences et l’on voyait alors sur son aimable visage se
peindre une expression d’inquiétude et d’anxiété. Quand je la connus
mieux, je m’aperçus que cette expression inquiète et anxieuse n’en
disparaissait jamais complètement; elle y demeurait comme sous-jacente,
diffuse, éparse. Parfois elle s’y formulait plus distinctement et elle y
devenait de l’angoisse. D’où venait cette angoisse? Je le sus quand
notre amitié nous permit de nous mieux connaître. Celle de Mme de
Gaillandre n’était pas seulement constante, elle était courageuse, car,
lorsque je me brouillai avec M. de Barnejac, Mme de Gaillandre n’hésita
pas à prendre mon parti et à me conserver auprès d’elle malgré les
objurgations rageuses de M. de Barnejac qui réclamait ma «mise à la
porte». Mme de Gaillandre résista et M. de Barnejac ne reparut plus.
J’avais rendu, sans le vouloir, service à Germaine de Gaillandre en la
débarrassant de ce vilain homme. Hélas! la pauvre Mme de Gaillandre
devait rencontrer d’autres dangers où je ne pouvais rien pour la
préserver. Et cependant se méfiait-elle assez des pièges de la vie et
des embûches de la destinée!

Cela se voyait à tout ce que faisait la charmante femme pour détourner
d’elle les mauvais sorts qui rôdent autour de nous. Elle s’entourait de
toutes sortes de fétiches et d’amulettes, de porte-bonheur et de
porte-veine de toutes les espèces. La main de Fathma qui pendait à la
chaîne de la sonnette, la chauve-souris de bronze clouée au vantail, les
tortues du petit jardin, les éléphants aux trompes hautes ou abaissées
faisaient partie de cet arsenal défensif à l’abri duquel Mme de
Gaillandre se réfugiait. Elle était absurdement et enfantinement
superstitieuse et elle observait religieusement toutes les pratiques
recommandées. Je n’énumérerai pas ses crédulités et tous les présages et
pronostics auxquels elle était attentive. Elle croyait à la néfaste
influence du nombre treize et du nombre seize, aux couteaux croisés, aux
premières marches d’escalier montées du pied gauche, aux trois bougies,
à que sais-je encore! Tout lui apparaissait comme plein de périls qu’il
fallait conjurer certes, mais qu’il importait aussi de prévoir, ce
pourquoi elle avait recours aux somnambules, aux devineresses, aux
tireuses de cartes, aux chiromanciennes, à toutes les sortes de sibylles
et de voyantes, à toutes les exploiteuses de notre crainte et de notre
curiosité de l’avenir. De ses superstitions et de ses crédulités elle
était la première à convenir et à se moquer pour qu’on lui en épargnât
la raillerie, mais ces pratiques tenaient une grande place dans sa vie
et elle conservait soigneusement dans un tiroir les trois épis de blé et
le petit bout de bois qui sont le plus sûr talisman contre la mauvaise
fortune et contre le mauvais sort.

Entre toutes ces sibylles, elle témoignait d’une particulière confiance
envers celle qu’elle appelait en riant «l’Argus de la rue Greuze». Au
rebours de la plupart de ses congénères cette marchande d’avenir n’avait
pas cru utile de se parer d’un pseudonyme sibyllin. Elle ne s’était dite
ni de Cumes, ni d’Endor, ni de Memphis, et elle répondait tout bonnement
au nom prosaïque de Quittenard. Mme Quittenard était une dame correcte
et respectable, d’une soixantaine d’années, sagement corpulente, au
visage plein, encadré de bandeaux grisonnants. Elle avait les yeux
petits et vifs, le nez flaireur et pointu. Elle ressemblait à une sorte
de caissière tenant à jour le grand livre du Futur et elle exerçait
cette fonction avec une modeste simplicité. Elle ne se vantait pas de
tout savoir, mais se reconnaissait capable de soulever un coin du voile
où s’enveloppe notre destinée. Toute science n’a-t-elle pas ses bornes
et la sienne avait ses limites. Elle en convenait volontiers et cette
réserve prudente ajoutait à l’autorité de ses oracles. J’ai plus d’une
fois accompagné Mme de Gaillandre chez cette pythonisse en chambre. Elle
occupait, rue Greuze, un appartement bourgeoisement meublé. Mobilier
d’acajou, fauteuils Louis-Philippe recouverts de crin, lampes pourvues
d’abat-jour en lithophanie, cartonniers. On se fût cru dans une agence
de location et cela ne sentait nullement la sorcellerie; ni chat noir au
pelage satanique, ni crapaud familier. Mme Quittenard recevait une
clientèle sérieuse. Elle ne tenait pas bureau d’avenir pour cocottes en
quête d’entreteneurs ou pour dames du monde à l’affût de liaisons
fructueuses. Des personnages connus s’étaient assis sur les fauteuils de
crin de Mme Quittenard et avaient écrasé sur son parquet bien ciré les
graines tombées des mangeoires de la cage où Mme Quittenard, en souvenir
sans doute de la loge natale, enfermait quelques couples de serins des
Canaries.

Bien que modeste, Mme Quittenard n’en éprouvait pas moins une légitime
fierté de certaines belles réussites prophétiques. N’avait-elle pas
prédit la mort violente du président d’une République sud-américaine et
le tremblement de terre des îles Fidji? Mais plus qu’aux catastrophes
publiques ou mondiales elle s’intéressait aux désastres privés et
cherchait dans leur prévision des moyens de les conjurer. Elle s’était
fait une spécialité des affaires passionnelles. Le cœur n’a-t-il pas son
avenir et l’amour ses destinées? On venait chercher chez elle des
conseils, des remèdes, des consolations ou des espoirs, surtout des
espoirs, car nul ne renonce à être heureux et le bonheur est toujours le
but de nos visées. Mme de Gaillandre, comme les autres, malgré sa
sagesse apparente, conservait ce vœu secret, sans que pourtant elle se
plaignît jamais de sa solitude sentimentale. Ses amis pouvaient croire
qu’elle ne souhaitait rien d’autre que l’état présent où elle vivait. Ne
l’entouraient-ils pas de leurs affectueuses attentions et n’y avait-il
pas là de quoi lui suffire? Un cercle d’amitiés ne peut-il pas rendre
indifférent à l’amour? Que pouvait souhaiter de plus une Mme de
Gaillandre, jolie, intelligente, riche et indépendante? Pourquoi sans
cesse interroger l’avenir? Qu’aurait-il eu de mieux à lui offrir?
Comment pouvait-elle perdre son temps avec une Mme Quittenard? Ce fut ce
que je me permis plus d’une fois de lui demander quand je fus entré
assez avant dans sa charmante intimité.

Un jour que je lui posais cette question j’eus l’explication de
l’ascendant qu’exerçait Mme Quittenard sur sa fidèle cliente. Germaine
de Gaillandre m’avoua que, depuis quelque temps, toutes les opérations
et tous les calculs de Mme Quittenard étaient unanimes à lui annoncer
qu’un moment viendrait où sa vie changerait et qu’elle entrerait dans
une ère nouvelle. A partir de cet instant, Mme de Gaillandre connaîtrait
de nouveau cet état merveilleux qu’on appelle le bonheur. Le bonheur!
Tandis qu’elle me faisait timidement cette confidence, je considérais
son visage, si souvent anxieux, et, soudain, tout illuminé d’espérance
et comme détendu de certitude. Ah! comme je souhaitais, et de tout cœur,
que cette prédiction se réalisât! Pût Mme Quittenard avoir dit vrai!
Selon elle, Mme de Gaillandre connaîtrait le bonheur quand elle
approcherait de quarante ans, mais elle le connaîtrait complet, absolu.
Ainsi elle avait encore à attendre, mais après tout, pourquoi le bonheur
ne viendrait-il pas un jour vers cette charmante femme? Le bonheur n’est
pas impossible et ne pouvons-nous en posséder au moins l’illusion?
N’ai-je pas cru, moi, l’avoir trouvé?




Je ne vous dirai pas les circonstances de ma vie qui m’en donnèrent
l’illusion. C’est une autre histoire et je ne vous la conterai pas. Elle
fut la cause que je quittai Paris et que je crus m’en éloigner
définitivement. Je me fixai à l’étranger sans idée de retour. Ce départ
me sépara de Mme de Gaillandre, mais nous continuâmes à échanger des
messages d’amitié, jusqu’au jour où mes lettres restèrent sans réponse.
J’y fus, je l’avoue, assez indifférent. Le cœur a des égoïsmes subits
qui nous concentrent uniquement sur nous-mêmes. Que m’importait alors
tout ce qui ne se rapportait pas à mes préoccupations actuelles? Elles
étaient cruelles. Cependant un moment vint où je vis clair dans ma folie
et dans ma douleur. Je rompis brusquement le lien qui m’attachait à un
esclavage indigne. Une période de mon existence était terminée et mon
exil n’avait plus de raison d’être. Il ne me restait plus qu’à tenter de
renouer avec le passé. J’avais une famille, des amis et je me résolus à
revenir en France. Parmi les souvenirs qui m’y attiraient, celui de
Germaine de Gaillandre était présent. Nous nous pardonnerions notre
mutuel silence. Je savais que je pouvais compter sur son indulgence.
Mais qu’était-elle devenue? La retrouverais-je en sa petite maison
d’Auteuil, avec ses tortues et ses éléphants porte-veine, en sa foi aux
prédictions de l’honorable Mme Quittenard?

Dès mon arrivée à Paris, une de mes premières courses me conduisit vers
Auteuil. La maison était inhabitée, les persiennes fermées, la grille du
petit jardin close. Plus de tortues dans les allées. Cet aspect
d’abandon me remplit de mélancolie. Tout change avec le temps, les lieux
comme les êtres. Des petites sociétés que je fréquentais combien
subsistaient encore? Que de noms la mort rature sur notre livre
d’adresses! En ces pensées moroses, je me dirigeai vers le cercle dont
je n’avais jamais cessé de faire partie. Là aussi, je trouverais sans
doute des changements quoique ces institutions aient une constance
d’échiquiers où se meuvent des pions équivalents. Il y avait peu de
monde dans les salons et j’allais m’asseoir dans un des grands fauteuils
de cuir favorables à la réflexion et si peu en accord avec ces lieux où,
d’ordinaire, on pense peu, quand, du siège voisin, je vis se lever comme
mû d’un ressort le comte de Barnejac. Je supposai tout d’abord que
c’était mon indésirable présence qui le mettait ainsi debout; aussi
fus-je quelque peu étonné de le voir se tourner vers moi, l’air gracieux
et la main tendue. L’absence et le temps avaient sans doute apaisé ses
vieilles rancunes; les miennes étaient loin, et puis ne faisait-il pas
partie, ce Barnejac, d’un passé vers lequel j’étais revenu pour
rapprocher les débris vivants que j’en retrouverais?

Nous nous mîmes donc à causer et M. de Barnejac commença, comme de
juste, à parler de lui-même. Durant mon absence il avait rompu le
silence artistique qu’il s’était imposé si longtemps. Il s’était enfin,
comme il disait, «manifesté». Le résultat de cette manifestation ne lui
avait probablement pas procuré les satisfactions qu’il en attendait. Ni
l’opéra qu’il avait fait jouer, ni le volume de poésies qu’il avait
publié, ni les toiles qu’il avait exposées n’avaient échappé à la
critique. D’ailleurs, comment s’attendre à quelque justice de la part
d’un public imbécile et d’une presse vénale? Quant aux prétendues
«élites», elles jalousent quiconque d’elles se distingue de leur
médiocrité. Il est vrai que tout cela n’avait aucune importance. Quand
on porte un nom aussi chargé d’illustrations que celui de Barnejac
quelle sorte de gloire y pourrait-on bien ajouter par la plume, le
pinceau ou la lyre? Néanmoins, malgré le ton d’ironie hautaine et
dédaigneuse qu’il affectait, il était sensible que M. de Barnejac avait
conservé, de cette aventure et de cette mésaventure dans le domaine des
arts, une profonde amertume. J’en eus la preuve par le méchant plaisir
qu’il prit à m’annoncer tous les malheurs qui avaient frappé de diverses
façons nos amis de jadis. Que l’un eût été ruiné par des spéculations
malheureuses, qu’un autre fût devenu infirme, que tel autre fût mort,
tout cela semblait à M. de Barnejac une juste compensation à ses
déboires personnels. Il en tirait une consolation qui s’exprimait sur
son visage par un visible contentement. Le malheur d’autrui lui causait
une joie sincère. Il avait ainsi passé en revue la plupart de nos
anciennes connaissances communes, prélevant au passage la moisson
d’événements fâcheux les concernant et je remarquai qu’il n’avait pas
prononcé le nom de Mme de Gaillandre. Voyant cela, je pris le parti de
la nommer moi-même et à peine l’eus-je fait que je vis M. de Barnejac
prendre une furieuse figure et, du coup, son fausset passa au plus aigu:

--Germaine de Gaillandre! Ah! celle-là, par exemple, c’est bien autre
chose! Comment! vous ne savez donc rien?--s’écria-t-il avec une mauvaise
humeur rageuse qu’il ne put dissimuler,--Germaine de Gaillandre, elle a
fait une fin et une fin assez inattendue, mon cher! elle est mariée, et
mariée d’amour, ce qui plus est. Figurez-vous qu’elle s’est toquée comme
une folle d’un garçon de dix-huit ans, beau comme le jour. Elle l’a vu,
elle l’a enlevé et, dit-on, épousé... C’est de la démence. On s’aime, on
s’adore, on vit seuls à l’écart du monde, sur les lacs italiens, et on
est heureux, heureux, heureux...

Et M. de Barnejac fit une grimace douloureuse. Le malheur des autres ne
compensait pas le mal que lui faisait le bonheur d’autrui.

Le bonheur, le bonheur complet, absolu, n’était-ce pas ce que
l’honorable Mme Quittenard, de la rue Greuze, avait prédit à Germaine de
Gaillandre? Pour une fois que se réalisait une prédiction de
devineresse, cela tombait bien. J’imaginais le visage de Germaine. Il
devait avoir perdu son anxiété de jadis et être maintenant tout illuminé
de certitude heureuse. Cette idée me fut si agréable et me causa tant de
plaisir que M. de Barnejac ne put supporter ma vue davantage. Il
grommela je ne sais quoi, et en prenant congé de moi assez aigrement, il
me lança cette pointe barnejacienne:

--Allez donc voir le peintre Massot, il pourra vous renseigner mieux que
moi sur ce roman idyllique, car c’est chez lui que la belle a rencontré
son jouvenceau, mais vous n’en êtes plus un, vous, de jouvenceau, mon
cher!

Et il me tourna le dos après m’avoir tendu sa main griffue, ridée et
sèche comme une feuille morte.




Je suivis le conseil ironique de M. de Barnejac et le lendemain, je me
rendis chez Massot. Je grimpai les cinq étages jusqu’à son atelier et je
m’aperçus, en effet, en les grimpant, que je n’étais plus un jouvenceau!
Pendant que la vieille bonne prévenait le peintre de ma visite, je
regardais les toiles accrochées au mur. C’étaient quelques-unes des
lumineuses études que Massot avait rapportées de l’Inde et où se
groupaient des personnages vêtus de jaune, de vert tendre ou de rose
pâle, chaussés de sandales et la tête enturbannée. Cette vue me faisait
penser au salon indien de la petite maison d’Auteuil et à Germaine de
Gaillandre, au temps où Massot le «Fakir», comme nous l’appelions,
faisait tourner les tables et y évoquait l’esprit de ce sire de Barnejac
qui, durant la guerre de Cent ans, avait probablement contribué à
procurer aux Anglais la capture de Jeanne d’Arc. Comme je rêvais ainsi
Massot parut. Il était toujours le «Fakir», toujours aussi maigre,
toujours aussi long. L’excellent homme m’accueillit avec amitié. Je lui
racontai ma rencontre au Cercle avec Barnejac. Que fallait-il croire de
ses racontars?

Des racontars, ce n’en étaient point et Barnejac ne m’avait dit que la
vérité. C’était bien chez Massot que Germaine de Gaillandre avait
rencontré Jean de Querdrun. Massot connaissait le père de ce jeune
homme, un vieux fou qui habitait une gentilhommière sinistre en pleine
Champagne pouilleuse. Jean de Querdrun, ses études achevées au collège
de Rethel, était venu faire son droit à Paris et Massot l’avait reçu
chez lui sur la recommandation du père Querdrun. C’était d’ailleurs un
charmant garçon, d’une beauté vraiment admirable. Il avait tout, la
race, l’élégance, la grâce, la séduction, la distinction et comptait
sans doute sur son beau physique pour charmer ses examinateurs, car il
ne faisait exactement rien de rien. Il remplaçait les cours de l’École
par la fréquentation des salles de gymnastique et de boxe, car il était
d’une force corporelle remarquable. Ces soins pris, il vivait fort
sagement, d’une modeste pension que lui faisait son père. Il en
dépensait une bonne partie chez le coiffeur et la manucure, car il était
extrêmement occupé de sa personne. Il passait beaucoup de temps à sa
toilette, mais ces coquetteries s’adressaient à lui-même, car les femmes
semblaient ne tenir aucune place dans sa vie. Avec cela, très bien
élevé, mais très secret et même assez mystérieux. Massot s’était demandé
plus d’une fois ce que cachait cette réserve, puis il avait fini par
considérer Jean de Querdrun comme demeuré très enfant en son adolescence
et sa beauté de jeune dieu.

Le voyant souvent venir à son atelier et y passer des journées à
feuilleter silencieusement des albums de croquis et à fumer des
cigarettes, Massot lui avait, un jour, demandé de lui poser une figure
d’un de ses tableaux. Ce fut à cette occasion et en costume de prince
indien que Germaine de Gaillandre avait vu pour la première fois Jean de
Querdrun. La séance terminée, ils avaient quitté ensemble l’atelier.
Depuis, Massot n’avait plus revu Germaine de Gaillandre ni Jean de
Querdrun. Que s’était-il passé entre eux? Massot l’imaginait assez bien.
De la part de Mme de Gaillandre cela avait pu être le coup de foudre,
l’irrésistible affolement sentimental et sensuel, une de ces passions
soudaines qui ne connaissent plus qu’elles-mêmes, si violentes, si
contagieuses que n’y résistent pas plus ceux qui les inspirent que ceux
qui les ressentent, ou bien Germaine de Gaillandre avait-elle cédé, sans
résistance et par surprise, à quelque audace de jeunesse? Ce qui était
plus probable, c’est qu’elle avait bondi avec toute la fougue de sa
maturité secrètement ardente sur cette magnifique occasion offerte comme
une revanche à sa longue solitude. Quant à lui, tel que le jugeait
Massot, il avait dû «se laisser faire», flatté de l’effet que produisait
sa beauté. Sans doute avait-il obéi plus à la vanité qu’à l’amour.
Était-il capable d’amour et incapable de calcul? Massot l’ignorait. Tout
ce qu’il savait, il l’avait appris par une lettre reçue quelques jours
après la rencontre à son atelier, lettre signée des deux amoureux qui
lui annonçaient leur départ pour l’Italie, pour le pays du rêve et du
bonheur. Mais étaient-ils heureux?

Sur ce point Massot me rassura complètement. Le couple semblait jouir
d’un bonheur parfait. Ce bonheur, quelques mois après sa fugue, Germaine
de Gaillandre avait souhaité le légaliser en épousant, à trente-neuf
ans, Jean de Querdrun qui en avait dix-huit. Massot avait été chargé
d’obtenir du père de Jean l’autorisation à cette union, mais, à ces
ouvertures, le vieux gentilhomme champenois avait répondu par un refus.
Depuis quand les blancs-becs se marient-ils sans même avoir terminé
leurs études? Un garçon qui n’avait pas même pris sa seconde inscription
à la Faculté de Droit! C’était à pouffer de rire. Et puis, il avait fait
choix pour son fils d’une petite-cousine qui serait pour lui la femme
qui convenait. Que M. Jean de Querdrun courût quelque peu l’aventure, si
cela lui plaisait! On en verrait la fin, et le gaillard reviendrait bien
au bercail. «Et je vous jure, ajoutait M. de Querdrun père, qu’il n’y
rentrera qu’avec la robe d’avocat!» Massot n’en avait rien pu tirer
d’autre. Cette réponse communiquée à Mme de Gaillandre ne l’avait pas
trop émue et lui était parvenue dans la villa qu’elle avait louée à
Stresa, sur le lac Majeur, et où «elle cachait son bonheur», ce bonheur
qui affligeait tant M. de Barnejac et qu’elle avait trouvé, sinon dans
le mariage, du moins dans l’amour.

En nous quittant, Massot m’avait dit: «Vous devriez lui écrire. Elle
vous aimait beaucoup, Germaine, et je suis sûr qu’elle serait contente
d’avoir de vos nouvelles. Et puis, depuis que dure sa retraite en
Italie, elle doit commencer à attendre le courrier. La preuve c’est que,
le mois dernier, elle m’a demandé si je ne viendrais pas lui rendre
visite. J’y serais allé bien volontiers, mais l’état de mes reins ne me
permet plus guère de déplacements. N’en dites rien à ce bon Barnejac, si
vous le voyez, il serait trop content, car vous connaissez ses plaisirs,
et le témoignage d’amitié qu’il aime le mieux donner à ses amis est de
suivre leur «convoi, service et enterrement». C’est une belle âme.»

Je suivis le conseil de Massot et j’écrivis à l’adresse qu’il m’avait
donnée une longue lettre à laquelle Germaine de Gaillandre répondit sur
le ton le plus affectueux. Elle n’avait rien oublié de notre ancienne
amitié et nos silences réciproques n’y avaient rien changé. Il y a, dans
la vie, des circonstances, soit heureuses, soit malheureuses, qui font
qu’elles nous bornent momentanément à nous-mêmes sans altérer les
sentiments que nous conservons pour autrui. Elle me disait que, Massot
m’ayant mis au courant des événements qui avaient transformé son
existence, elle me connaissait assez pour être sûre de la part que je
prenais à son bonheur. Elle m’avouait qu’il était complet, absolu, et
que la prédiction de Mme Quittenard s’était magnifiquement réalisée. Une
présence adorée illuminait ses heures. Certes, elle n’avait plus besoin
de rien ni de personne, mais ses anciens amis lui étaient toujours
chers, quoique son bonheur eût éloigné d’elle un certain nombre d’entre
eux, mais elle en était d’autant plus reconnaissante à ceux qui lui
étaient restés fidèles de cœur et de pensée. Puisque j’étais de ceux-là,
elle serait contente de me revoir et de me faire connaître son bien-aimé
Jean. Que je vinsse donc passer quelques jours à Stresa, je leur ferais
plaisir à tous deux. Le pays qu’ils habitaient était fort beau en cette
saison et la villa qu’ils occupaient était située en face des Iles
Borromées. Si je m’ennuyais de leur compagnie, je pourrais aller m’en
distraire à Milan. Eux ne quittaient guère leur maison et leur jardin.




Je ne me rendis pas immédiatement à l’invitation de Germaine de
Gaillandre et je menai durant quelques semaines à Paris une existence
assez mélancolique. J’avais des dispositions à prendre en vue de
l’avenir, mais que serait le mien? Plus d’une fois, j’eus la velléité
d’aller, moi aussi, consulter Mme Quittenard, mais cette idée me faisait
vite hausser les épaules. M’eût-elle, comme à Mme de Gaillandre, prédit
toutes les félicités, je n’eusse guère cru à sa prédiction. N’avais-je
pas eu pendant quelque temps l’illusion d’être heureux et que peut-on
espérer de plus? Plût au ciel qu’il n’en fût pas de même pour Germaine
de Gaillandre et que son bonheur fût durable, quelque tardif qu’il eût
été et si aventureux qu’il me parût! Et quel bonheur, le bonheur dans
l’amour! Qu’est-il, hélas, de plus fragile! Et puis, ce garçon si jeune
et cette femme de quarante ans! Oui, mais il y a dans les femmes de
telles ressources de jeunesse qu’elles arrivent à déjouer la nature, et
il y a tant de magie dans le fait d’aimer et d’être aimée!

Je m’en aperçus quand Germaine de Gaillandre vint me chercher à la gare
de Stresa dans la petite voiture qu’elle conduisait elle-même. Elle
était bien toujours la Germaine «d’avant», mais il y avait en elle on ne
savait quoi d’assuré et de radieux; sur son visage rayonnait une
expression de confiance, de sécurité et de certitude. Plus rien de cette
anxiété qui s’y lisait auparavant. Tout en elle participait de cette
assurance heureuse. Ses mouvements avaient plus de précision et de
vivacité. Ce changement s’accusait dans toute sa manière d’être, dans
ses gestes, dans ses regards, dans sa voix. Je la regardais avec un vrai
plaisir. Elle était très élégamment, mais très simplement vêtue et je
remarquai qu’elle ne portait plus aucun bijou. Ni bagues, ni bracelets,
ni son beau collier de perles habituel. En cette «nudité» elle était
plus charmante que jamais. Je le lui dis et elle sourit de son plus
jeune sourire.

--On voit, n’est-ce pas, que je suis heureuse?--me dit-elle et, comme je
me taisais, elle ajouta:

--Heureuse, oui, immensément. Comment ne le serais-je pas? Jean est si
beau, si bon! D’ailleurs vous allez le voir.

La voiture s’était arrêtée devant une haie fleurie où s’ouvrait une
porte rustique. Nous descendîmes. Elle attacha le cheval à un anneau et
nous pénétrâmes dans le jardin. Je pensais aux tortues porte-veine du
jardinet d’Auteuil. Ici, Germaine de Gaillandre n’avait plus besoin de
ces fétiches. Lorsque nous fûmes arrivés auprès de la maison, elle
s’arrêta et appela:

--Jean, Jean.

Tout l’amour chantait dans la fraîche jeunesse de sa voix. A l’appel de
Germaine de Gaillandre la porte de la maison s’ouvrit.

Il était vraiment d’une remarquable beauté, de belle taille et de beau
visage. Il eût été partout remarqué, mais quel besoin avait-il, pour
jouer son rôle de jeune amant aimé de s’affubler d’un costume qui
sentait le bal masqué et le théâtre? Il portait un vêtement de soie
indienne où étaient tissées des fleurs orientales, en semis et en
bouquets, rehaussées d’un filigrane d’or. Ce vêtement était fermé par
des boutons en diamants. Cette parure singulière était complétée aux
poignets par des bracelets et au cou par le fameux collier de perles.
Jean de Querdrun portait les bijoux de sa maîtresse. Je reconnaissais à
ses doigts surchargés les bagues de Germaine de Gaillandre. Jean de
Querdrun ne semblait pas s’apercevoir de mon étonnement. Il semblait
aussi à l’aise dans ce déguisement oriental et enjoaillé que si c’eût
été un complet de confection acheté à la _Belle Jardinière_. Il ne
montrait également aucun embarras de sa situation de Prince Charmant. Il
s’enquit avec politesse si j’avais fait un bon voyage et me demanda avec
intérêt des nouvelles de Massot. Il semblait doux, réservé, très gentil
en somme, en son bizarre accoutrement. Soudain Germaine de Gaillandre se
tourna vers moi. Elle tenait Jean par la main, et, cette main, je la vis
la baiser avec passion.

--Voilà mon bonheur et ma vie,--me dit-elle et elle baisa de nouveau les
doigts bagués du jeune homme.

Jean de Querdrun ne semblait nullement gêné de cette expansive
tendresse. Il jouait, d’un air distrait, avec les perles de son collier.
Quand Mme de Gaillandre m’offrit de me conduire à ma chambre, il ne nous
accompagna pas. Une fois seuls, elle m’interrogea:

--Comment le trouvez-vous?

Et sans attendre ma réponse, et comme pour répondre à la remarque que
j’eusse pu faire, elle continua:

--Oui, il aime s’habiller ainsi. Cela l’amuse et puis il a tant de goût!
cela m’amuse aussi de le voir porter mes bijoux. Que voulez-vous? C’est
un véritable enfant et cet enfantillage est bien inoffensif. Il a si peu
de distractions. Cela l’occupe de se parer et de se costumer. Il est si
beau, n’est-ce pas? mon Prince des Mille et une Nuits. Et puis ne
vivons-nous pas un rêve?

J’acquiesçai et nous descendîmes dîner.

Le repas fut gai. Le crépuscule tombait lentement sur le lac. Les
montagnes devenaient violettes. Sur la rive de Pallanza, les premières
lumières s’allumaient. La table était dressée dans le jardin et finement
servie, car le Prince Charmant était gourmet. Je sus bientôt qu’il
commandait les menus et, comme on dit, «qu’il s’occupait de la maison».
Au dessert, il tira de sa poche une pipe. Elle était en écume, doublée
en or et le tuyau était entouré d’un cercle de petits rubis. Sous les
regards extasiés de Germaine, il semblait, lui aussi, parfaitement
heureux. Il paraissait avoir accepté de bonne grâce et avec naturel sa
situation d’idole et se prêtait à l’adoration dont il était l’objet avec
une simplicité désarmante.

Je ne fus pas, durant les quelques jours que je passai à Stresa, sans
faire quelques observations. J’avais trop d’affection pour Germaine de
Gaillandre pour ne pas m’inquiéter des suites de cette fugue paradoxale
et de l’issue qu’elle pourrait avoir. Assez vite je m’aperçus que
Germaine vivait dans l’absolue sécurité de son bonheur. L’avenir
n’existait plus pour elle que comme une continuité indéfinie de jours
heureux et chacun de ces jours était pour elle une coupe de joie qu’elle
vidait, les yeux fermés, et qu’elle trouverait aussi pleine le
lendemain. Sa seule occupation, sa seule pensée était ce garçon dont la
beauté l’éblouissait comme l’eût fait quelque présence divine. Ses
heures se passaient dans ce culte. Il était le seul sujet qui
l’intéressât et elle me parlait de lui intarissablement quand il
s’éloignait pour prendre quelques-uns de ces soins domestiques sur
lesquels elle lui laissait la haute main. Hors lui et son amour, rien
n’existait pour elle. Elle avait tout oublié, y compris son âge, son âge
à elle, ce qui était assez naturel, car l’amour lui avait donné un
étonnant renouveau de jeunesse. Quand ils se tenaient l’un près de
l’autre, ils formaient un couple qui n’avait rien de disparate, et
presque fraternel. La prédiction de Mme Quittenard s’était vraiment
réalisée pour Germaine. Elle avait trouvé le bonheur et elle l’avait
trouvé dans l’amour, car elle aimait éperdument et follement, mais
était-elle aimée comme elle aimait? Certes Jean de Querdrun se prêtait
de bonne grâce, comme je l’ai dit, au culte dont il était l’objet, mais
quel sentiment éprouvait-il envers cette adorante qui avait mis sa vie à
ses genoux? Visiblement il était flatté de la passion qu’il inspirait,
mais jusqu’à quel point la partageait-il? Quoi qu’il en fût il s’y
montrait soumis et obéissant, et se conformait à toutes les façons que
doit avoir un parfait amant, à quoi il ne semblait, d’ailleurs, éprouver
aucune peine, car il était facile de s’apercevoir que Germaine lui
plaisait et qu’il ressentait pour elle un vif attrait, mais cet attrait
allait-il plus loin qu’un goût physique et quelle part y avait le
plaisir des mille gâteries dont il était comblé? Elles entraient
certainement en compte. Jean de Querdrun avait été préparé par la nature
au personnage qu’il tenait. Tout soin donné à sa personne lui causait un
contentement infini. Les étoffes brillantes, les bijoux le fascinaient
véritablement et il éprouvait à s’en parer une joie enfantine, mais
quelque peu inquiétante. Cela se manifestait à la façon dont il maniait
les grosses perles de son collier et dans la sensualité avec laquelle il
s’en caressait la peau. Il était curieux à observer devant les miroirs.
Il s’y contemplait avec complaisance. Il avait l’air de s’y rendre
hommage et d’ajouter sa propre admiration à celle que Germaine lui
témoignait. A ces moments je voyais son regard quêter la mienne.
J’entrai volontiers dans le jeu et bientôt nous devînmes très bons amis.

Je tentai de profiter de cette amitié pour tâcher de voir clair en ce
garçon tout de même assez énigmatique. J’essayai de lui poser quelques
questions sur Germaine et le sentiment qu’il pouvait avoir pour elle. Il
parlait d’elle volontiers, mais un peu comme il eût parlé d’un camarade.
Sans doute était-ce là de la discrétion et il n’y avait pas à l’en
blâmer. Il se pouvait fort bien qu’il fût de bonne foi fort amoureux de
Germaine, mais incapable de se rendre compte exactement de la
psychologie de son amour. D’ailleurs il me paraissait d’intelligence
assez ordinaire, mais une parfaite éducation, beaucoup de tact et de
réserve lui tenaient lieu de ce qui lui manquait et dont Germaine ne
paraissait guère s’apercevoir qui manquât à son Prince Charmant. Lui se
laissait adorer, choyer, parer avec une tranquille satisfaction. Tout
était donc pour le mieux, cependant je ne pouvais m’empêcher de penser
que cette sorte d’euphorie où vivaient les amants de Stresa ne durerait
pas éternellement, car rien ne dure en ce bas monde, mais Germaine, pas
plus que Jean, ne semblaient prévoir que rien pût jamais changer le
cours de leur destinée amoureuse. Ce fut en cet état de sécurité
parfaite que je les quittai pour rentrer à Paris. Quelques jours après
mon retour, je rencontrai Barnejac au Cercle. J’évitai de lui parler de
mon voyage et nous ne prononçâmes pas le nom de Germaine de Gaillandre.
Avec Massot, que j’allai voir à son atelier, il n’en fut pas de même. Je
lui racontai ma visite à Stresa et lui fis part de mes impressions.
Quand je finis, il me dit:

--Tout cela, mon cher, est bien singulier, mais, en amour, tout est
possible.

Et, pour conclure, il laissa tomber ce seul mot:

--Attendons.




J’attendis deux ans et, durant ces deux années, je reçus assez
régulièrement des nouvelles de Germaine de Gaillandre lorsque, un soir
du mois de juin, en rentrant chez moi, je trouvai un télégramme posé en
mon absence sur un coin de ma table. Il ne contenait que ces mots:

  Arriverai mardi neuf heures trente. Seule. Venez gare.--Germaine.

A cet appel, je compris qu’une catastrophe s’était produite. Je tenais à
la main la feuille de papier bleu. Je revoyais la petite maison de
Stresa, le jardin, le lac et, dans le lointain, Pallanza, et Germaine
debout auprès du jeune magicien de son bonheur. La belle coupe où elle
avait bu le philtre d’enchantement s’était brisée. Pauvre Germaine!

Ce fut, en effet, une pauvre femme que je vis, le lendemain matin,
descendre du train, «seule» comme elle me l’avait télégraphié. Hélas! ce
n’était plus la Germaine des beaux jours italiens, la femme rajeunie par
l’amour et le bonheur. C’était, soudain vieillie et cruellement ravagée
par l’insomnie et les larmes, la Germaine de jadis sur le visage de qui
se lisait alors un peu d’anxiété, anxiété qui maintenant était changée
en une angoisse déchirante et torturée. Il exprimait aussi, ce visage
bouleversé, une sorte de surprise égarée devant l’imprévu, une sorte
d’étonnement tragique. En me voyant, elle essaya de me parler, mais les
sanglots l’étranglaient. Les larmes coulaient sur ses joues pâlies en
longues perles douloureuses. J’avais pris entre les miennes ses mains
glacées.

--Alors, il est parti?

Elle fit signe que oui.

Ce ne fut qu’une fois chez moi que je pus obtenir de Germaine de
Gaillandre quelques éclaircissements. Il n’y avait eu entre eux ni
querelles, ni disputes, ni aucun désaccord, rien qui eût pu laisser
prévoir cette fuite soudaine et inexplicable. Depuis le jour où je les
avais quittés ils avaient continué à vivre dans la même intimité, dans
le même bonheur dont j’avais été témoin. Aucun nuage n’avait terni la
lumineuse monotonie de leur admirable félicité. Jean avait toujours été
le Jean que j’avais connu, doux, bon, assez silencieux, occupé des mêmes
amusements. La veille, il avait essayé un nouveau costume, taillé en de
vieilles étoffes persanes, puis il s’était retiré de bonne heure,
prétextant un léger mal de tête. Le lendemain matin, on avait trouvé sa
chambre vide. Toute la journée s’était passée sans qu’il revînt. Les
recherches avaient été vaines. Aucun accident cependant n’avait été
signalé. Enfin on apprit du chef de gare de Stresa que M. de Querdrun
avait pris le train pour Paris. Alors elle était accourue... Je
l’écoutais en silence. Comme c’était simple le malheur! Une chambre
vide, une présence disparue et la vie n’est plus la vie!

Je réussis à calmer ce premier flot de désespoir et lui dis ce que je
pus pour la rassurer... On retrouverait le fugitif et tout
s’expliquerait. Ce n’était qu’une fugue sans importance, quelque caprice
d’enfant gâté, quelque mauvaise plaisanterie d’amoureux. Peut-être
Massot saurait-il quelque chose. Il télégraphierait au père de Jean.
Peut-être était-ce là que ce singulier garçon était allé ruminer quelque
grief imaginaire? Et je me fis répéter de nouveau les circonstances de
sa fuite. Bientôt je m’aperçus que Germaine de Gaillandre ne m’avait pas
tout dit. Il lui restait à m’en confier la circonstance la plus pénible.
Le Prince Charmant avait emporté avec lui les plus beaux bijoux de sa
maîtresse, sans oublier le collier de perles pour lequel il avait un
goût tout particulier. Cette fois, l’affaire devenait sérieuse et se
compliquait en changeant de caractère. Le Prince Charmant avait poussé
un peu loin les droits de l’amour. Cependant si ni Massot, ni Querdrun
père ne savaient rien de Jean de Querdrun, à qui s’adresser et comment
le retrouver sans recourir à la police? Cette idée terrifiait la pauvre
Germaine... Que lui importaient ses bijoux! Ce qu’elle voulait, c’était
son bonheur, ce bonheur qu’elle ne pouvait croire définitivement perdu,
l’être adoré sans qui elle ne pouvait vivre. La voyant dans cet état
d’extrême exaltation et d’affreux désespoir, j’essayai de tirer parti de
ce rapt de bijoux pour la persuader que, si Jean de Querdrun était parti
ainsi en s’appropriant des objets qui ne lui appartenaient pas et dont
il savait la valeur, c’était une preuve que son départ était dû à
quelque cause qu’il finirait par avouer. Rien, après tout, ne permettait
de croire que ce garçon fût un vulgaire voleur.

C’était également l’avis de Massot que j’avais mis au courant des
événements. M. de Querdrun le père avait répondu au télégramme du
peintre qu’il ignorait absolument où était son fils, mais qu’il n’était
guère en peine de ce «beau merle» qui avait bien dû trouver un autre
nid. J’avais décidé la pauvre Germaine à camper provisoirement dans sa
maison d’Auteuil. Elle était persuadée maintenant que Jean était mort,
qu’il avait voulu «mourir en beauté» avec ces joyaux dont il avait tant
aimé à se parer. Cependant les jours passaient et il y avait une semaine
que Jean de Querdrun avait disparu quand, en entrant dans le salon où
d’ordinaire la pauvre femme passait, étendue sur un divan, des heures
désespérées, je la vis qui m’attendait debout et prête à sortir. L’idée
lui était venue soudain d’aller rue Greuze consulter Mme Quittenard.
Elle seule pourrait lui révéler le sort de Jean de Querdrun. Comment n’y
avait-elle pas songé plus tôt!

Quoique je n’eusse pas grande confiance dans le résultat de cette
consultation, j’acceptai de conduire Mme de Gaillandre chez Mme
Quittenard. Ce serait à tout le moins une diversion à son chagrin. Nous
voilà donc, Germaine et moi, dans le salon d’attente de Mme Quittenard.
Hélas, ce n’est pas assez de prédire le bonheur, il faudrait encore en
assurer la durée! Nous n’attendîmes pas longtemps et bientôt nous
pénétrâmes dans l’antre de la Sibylle où, comme je l’ai dit, on ne
voyait ni trépied, ni rameau d’or. Mme Quittenard écouta très
attentivement ce qu’avait à lui dire Germaine de Gaillandre. Ah! si
seulement elle pouvait revoir un instant son Jean bien-aimé! Elle était
bien certaine qu’il lui reviendrait. Et comme elle lui pardonnerait de
bon cœur les tourments qu’il lui causait, en souvenir du bonheur qu’il
lui avait donné et dans l’espoir de celui qu’elle était prête à recevoir
de lui, de nouveau!

Lorsqu’elle eut fini de parler, Mme Quittenard réfléchit un instant.
Elle semblait hésiter. Tout à coup, elle se décida:

--Voyons, ma petite dame, alors c’est si sérieux que cela et vous tenez
absolument à retrouver votre petit ami? C’est bien naturel et je vous
comprends. Moi aussi, j’ai eu mon temps et je n’ai pas manqué de cœur.
Oui, vous voulez savoir. Vous voudriez encore retourner la bonne carte,
mais j’ai mieux: j’ai mon fils, un homme très distingué et qui est
employé à la Préfecture. Je vais lui demander de nous aider. Ne craignez
rien, il est discret, et ayez bon espoir. Nous le retrouverons, ce jeune
lâcheur! Voyons, avez-vous quelques indices? Une bonne photographie?

Nous quittâmes Mme Quittenard après une assez longue conversation,
durant laquelle Mme Quittenard me lança plus d’un coup d’œil à la
dérobée, si bien que je compris qu’elle désirait me parler seul à seule;
aussi, après avoir ramené à Auteuil Germaine de Gaillandre, repris-je le
chemin de la rue Greuze. Dans cette seconde entrevue, je crus utile
d’apprendre à Mme Quittenard l’épisode des bijoux dérobés et quelques
autres particularités du Prince Charmant, son goût, par exemple, pour la
parure, le costume et les déguisements. Ces renseignements semblèrent
intéresser vivement Mme Quittenard. Elle les jugeait propres à la
diriger dans ses recherches.




Trois jours après ce colloque, je reçus un mot de Mme Quittenard, me
priant de vouloir bien passer chez elle. A peine fus-je en sa présence,
je compris à son air de satisfaction que son enquête avait donné des
résultats. Nous allions donc avoir le mot de l’énigme et savoir pourquoi
M. Jean de Querdrun avait brusquement faussé compagnie à Mme de
Gaillandre et n’était pas parti les mains vides...

Mme Quittenard ne me fit pas trop languir.

--Je vous dirai, tout d’abord, mon cher monsieur, que je comprends le
chagrin de cette pauvre petite femme: c’est dur d’être abandonnée ainsi
par un si beau garçon, car mon fils m’a dit qu’il n’y a pas plus beau
que ce jeune Monsieur que je ne crois pas qu’il lui revienne jamais,
mais passons. Or donc, mon fils s’est mis en campagne et n’a pas été
long à suivre la bonne piste. Je vous fais grâce des détails et voici
tout de suite où cette piste l’a mené, droit au petit appartement du
quartier latin où habitait notre gibier avant que le levât ma cliente,
appartement qu’il avait conservé en l’accompagnant en Italie, et dont il
payait soigneusement les termes sur l’argent de poche qu’elle lui
donnait. Quand mon fils y a été introduit, il a trouvé Monsieur Jean
assis tranquillement à sa table de travail, ses livres de droit ouverts
devant lui, sage comme une image. Alors mon fils a pris sa grosse voix
et lui a reproché les inquiétudes qu’il avait causées à sa belle amie et
aussi son procédé par rapport aux bijoux. Lorsqu’il a su qu’il fallait
les rendre, il a reçu un coup, et il était tout pâle quand il les a
sortis de son tiroir: ils y étaient tous et il les a remis sans
résistance à mon fils, mais lorsqu’il a fallu se séparer du collier, ma
parole, il s’est mis à pleurer comme un gosse à qui on reprend un jouet.
Il les aimait, ces grosses perles. Alors mon fils, qui est bon diable,
malgré sa forte moustache, lui a demandé pourquoi, s’il tenait tant à ce
collier, il s’était sauvé de chez la jolie dame qui l’aimait bien. A
cette question, il a pris l’air buté, puis il a fini par déclarer que
c’était parce qu’il «en avait assez», et pas moyen d’en tirer autre
chose. Il a cependant ajouté qu’il était rentré chez lui pour «achever
son droit» et ensuite épouser une petite jeune fille de son pays. Mon
fils a été un peu étonné, car il avait cru comme moi, vu le goût de ce
garçon pour la fanfreluche et la bijouterie, qu’il était de ceux qui
essayent des femmes pour être bien sûrs qu’elles ne sont pas leur
vocation et qu’avec elles ils ne sont pas dans leur nature. Mais non,
nous nous étions trompés. C’était bien parce qu’il «en avait assez»
qu’il avait fichu le camp et qu’il était revenu à ses bouquins, qu’il
avait dit adieu au «grand amour». J’en suis bien fâchée pour son
amoureuse qui et si sympathique, mais rien à faire pour elle! C’est si
têtu, à cet âge, ces petits! Que voulez-vous, elle l’avait choisi trop
jeune. Ils sont tous comme ça. Ça aime sans savoir pourquoi, puis ça
cesse d’aimer, un beau jour, sans plus de raison. L’amour, pour eux,
c’est un jeu qui amuse, puis qui n’amuse plus, cric et crac! et ils s’en
vont en laissant les cartes sur la table. Celui-ci avait emporté avec
lui les jetons, ce qui ne se fait pas, mais les personnes qui veulent
que la partie soit jouée dans les règles, il faut qu’elles choisissent
un partenaire sérieux. Prendre un novice! Quelle folie! Est-on jamais
sûr de rien avec ces freluquets! Celui-là était gentil, pourtant, mais
avec lui, c’est fini, archifini. Il faut que votre amie en fasse son
deuil. Je sais bien que c’est pénible. Dites-lui que, cependant, elle ne
m’adresse pas de reproches. Je lui avais prédit le bonheur; il faut bien
que nous le prédisions, nous autres, marchandes d’avenir: c’est notre
métier. Il ne faut pas qu’elle m’en veuille, cela me ferait de la peine.
Après tout, elle a été heureuse pendant trois ans. C’est un beau
souvenir. Il faut se contenter de ce qu’on a eu et elle n’a pas été trop
mal partagée. Cela aurait pu plus mal finir; le petit ne l’a ni trahie,
ni trompée, il est parti, et pas très bien, mais enfin, grâce à mon
fils, ça s’est arrangé sans histoire. Mon fils ira vous porter demain ce
que vous savez; le reste s’arrangera avec le temps. Peines d’amour ne
sont pas mortelles. Tout s’oublie et, après tout, cher Monsieur, le
bonheur, pour une petite dame, le vrai bonheur, croyez-moi, c’est encore
de retrouver son collier de perles.




CET OUVRAGE, LE PREMIER DE LA COLLECTION _LES ROSES LATINES_, A ÉTÉ
ACHEVÉ D’IMPRIMER PAR COULOUMA A ARGENTEUIL, H. BARTHÉLEMY ÉTANT
DIRECTEUR. SON TIRAGE SE JUSTIFIE AINSI: 20 EXEMPLAIRES SUR JAPON
IMPÉRIAL, NUMÉROTÉS DE 1 A 20; 30 EXEMPLAIRES SUR VERGÉ DE MONTVAL,
NUMÉROTÉS DE 21 A 50; 900 EXEMPLAIRES SUR VÉLIN TEINTÉ DE RIVES,
NUMÉROTÉS DE 51 A 950. IL A ÉTÉ TIRÉ EN OUTRE, SUR CES DIVERS PAPIERS,
55 EXEMPLAIRES HORS COMMERCE, NUMÉROTÉS DE I A LV.

EXEMPLAIRE Nº





*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE VRAI BONHEUR, OU LES AMANTS DE STRESA ***


    

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