The Project Gutenberg eBook of Mission Chari-Lac Tchad, 1902-1904: L'Afrique centrale française This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Mission Chari-Lac Tchad, 1902-1904: L'Afrique centrale française Author: Auguste Chevalier Contributor: Henri Courtet Louis Germain Jacques Pellegrin Paul Petit Release date: August 26, 2025 [eBook #76736] Language: French Original publication: Paris: A. Challamel, 1907 Credits: Galo Flordelis (This file was produced from images generously made available by The Internet Archive/Smithsonian Libraries and the bibliothèque numérique du Cirad (NumBA)) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MISSION CHARI-LAC TCHAD, 1902-1904: L'AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE *** [Illustration] =L’Afrique Centrale Française= [Illustration : Aug. CHEVALIER. _L’Afrique Centrale française._ _PRIEUR & DUBOIS_ MOHAMMED SENOUSSI Sultan du Dar Kouti] =Mission Chari-Lac Tchad= 1902-1904 * * * * * =L’Afrique Centrale Française= RÉCIT DU VOYAGE DE LA MISSION PAR =AUGUSTE CHEVALIER= DOCTEUR ÈS-SCIENCES CHEVALIER DE LA LÉGION D’HONNEUR * * * * * APPENDICE PAR MM. PELLEGRIN, GERMAIN, COURTET, PETIT BOUVIER, LESNES, DU BUYSSON, SURCOUF [Décoration] PARIS AUGUSTIN CHALLAMEL, ÉDITEUR 17, RUE JACOB, 17 Librairie Maritime et Coloniale * * * * * 1907 INTRODUCTION * * * * * Lorsque, au commencement de 1901, je préparais une expédition scientifique pour aller au cœur de l’Afrique après d’illustres devanciers tels que BARTH, NACHTIGAL, SCHWEINFURTH, glaner des documents et recueillir des observations relatives à la géographie et aux sciences naturelles, j’étais déjà un Africain. Trois années plus tôt, simple étudiant au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, préparant mon doctorat es-sciences, des circonstances tout à fait imprévues et aussi une passion profonde pour la recherche et l’étude des plantes nouvelles que les années n’ont point ralentie, m’avaient amené au centre du Soudan français. En 1898, le général DE TRENTINIAN qui, à ses fonctions de Commandant des troupes de l’Afrique Occidentale, joignait celle de Lieutenant gouverneur du Soudan français, avait voulu faire succéder à la période de conquête et d’occupation militaire stérile, une ère de paix féconde. Avant d’attirer les commerçants dans l’immense bassin du Niger français et de substituer l’administration civile à l’administration militaire provisoire, DE TRENTINIAN avait tenu à faire inventorier par des spécialistes les ressources naturelles de la colonie, déterminer la nature du sol et même faire connaître en France, par des écrivains et des artistes, les beautés et les richesses du pays afin d’y attirer des hommes et des capitaux. J’eus le bonheur de faire partie de cette mission, chargé surtout du recensement de la flore, de l’inventaire des produits de l’agriculture et des forêts. Parti sans enthousiasme et après avoir obtenu la promesse formelle du général que je ne resterais pas plus de 3 ou 4 mois au Soudan, je sollicitai dès que je fus sur les lieux la faveur de voir prolonger ma mission et de poursuivre dans toute l’étendue de nos possessions de l’Afrique Occidentale des recherches qui m’avaient enthousiasmé dès le jour de mon débarquement. Non seulement l’étude de la flore africaine allait me passionner désormais, mais tout ce qui pouvait jeter quelque lumière dans mon esprit sur la vie des peuples primitifs que je voyais pour la première fois, sur leur histoire, sur leur organisation sociale, tout ce qui pouvait m’éclairer sur les productions naturelles de ces pays si différents des nôtres, sur les quelques rares problèmes géographiques qui restaient encore à résoudre, en un mot tout ce qui pouvait aider à soulever quelque coin du voile des ténèbres de l’Afrique fut désormais l’unique ambition de ma vie. Sur un itinéraire de plus de 8000 kilomètres, je parcourus pendant 17 mois, de Novembre 1898 à Mars 1900, les régions très diverses de notre empire Sénégal-Soudan. L’année 1899, que je passai tout entière au Soudan à travers la brousse, m’arrêtant seulement dans les rares postes éparpillés sur les routes de caravanes, ou dans les camps de tirailleurs où je trouvais toujours l’hospitalité la plus cordiale et l’aide la plus dévouée, restera dans mes souvenirs l’époque la plus heureuse de ma vie. J’ai eu pendant cette période la bonne fortune de faire l’apprentissage de la vie coloniale à la première école d’exploration du monde, parmi ces corps d’élite de l’Artillerie et de l’Infanterie de marine qui ont formé plus tard les troupes coloniales. Le Soudan était alors leur principal champ d’action. Il était la pépinière où se sont formés la plupart des hommes de volonté auxquels la France doit son Empire colonial. En vivant pendant des mois au milieu d’eux j’ai appris à vouloir et à savoir aller de l’avant, et cela a été tout le secret de la réussite de la mission que j’ai dirigée plus tard. Les documents scientifiques que j’ai recueillis au cours de cette longue chevauchée ne firent qu’exalter ma passion pour les études africaines. En novembre 1899, je rentrais du Sénégal en suivant la pénible route d’étapes, aujourd’hui remplacée par le chemin de fer du Niger à Kayes. Je voyageais en compagnie de quelques officiers qui revenaient en France au terme de leur séjour colonial. A Billy sur le Haut-Sénégal une cruelle nouvelle nous fut annoncée. Un laconique télégramme Havas apprenait le massacre récent de la mission BRETONNET dans le Moyen- Chari. La plupart de mes compagnons avaient des camarades dans cette expédition. Le premier moment de tristesse passé, tous décidèrent que dès leur retour en France, ils feraient des démarches pour se faire envoyer en Afrique centrale venger leurs amis. Aussi bien le vieux Soudan militaire venait d’être disloqué. Ils rentraient la mort dans l’âme croyant n’avoir plus rien à faire. « Vous viendrez avec nous au Tchad, me dit l’un d’eux ? — Pourquoi pas, lui répondis-je. » Et dès cet instant toutes mes pensées se concentrèrent vers ce projet qu’à la vérité je croyais encore devoir être d’une lointaine exécution. Mon séjour en Afrique se prolongea encore de quelques mois par un voyage à travers les régions les moins connues du Sénégal en vue de réunir des collections pour l’Exposition Universelle de 1900. De retour en France je me mis aussitôt à l’étude rapide des matériaux que j’avais rapportés, de manière à avoir ma liberté d’action le plus tôt possible. Les recherches dans la brousse étaient devenues pour moi d’un attrait irrésistible. La vie calme au fond d’un laboratoire devant un microscope que j’avais rêvée autrefois me pesait désormais. Je suivais avec anxiété les événements qui s’accomplissaient au centre de l’Afrique, ils se succédèrent avec rapidité. Nous apprîmes successivement la concentration au sud du Tchad des trois missions, GENTIL, FOUREAU, JOALLAND-MEYNIER après de tragiques aventures ; la bataille de Koussri qui anéantissait l’empire de Rabah et plaçait sous la domination française le bassin du Tchad. Puis FOUREAU rentra en France après avoir accompli le très long et pénible voyage qui reliait Alger au Congo par Zinder et le Tchad. Enfin le 25 février 1901, GENTIL lui-même était de retour. Je songeai d’abord à me faire présenter par un ami, mais à quoi bon. Il serait toujours temps de le faire intervenir. J’écrivis donc à GENTIL sans me recommander de personne en lui disant que j’étais prêt à continuer, sous ses ordres, la besogne que j’avais commencée au Soudan avec le général DE TRENTINIAN, et en réponse je reçus la lettre suivante : Paris, le 26 mars 1901. MONSIEUR, Je pense comme vous qu’à l’œuvre de conquête et d’organisation d’un pays doit succéder l’étude des ressources naturelles du pays, base d’une exploitation rationnelle. J’ai déjà demandé au Ministre l’envoi d’un spécialiste chargé de se rendre compte sur place de produits divers qui pourront faire l’objet d’un commerce rémunérateur, en particulier les gommes et les caoutchoucs. Je serais donc très heureux de m’entretenir avec vous sur ce point et sur votre envoi dans le territoire militaire du Tchad. Veuillez, etc.... C’était tout ce que je désirais et dès lors j’eus l’espoir que l’œuvre dont j’avais conçu le projet depuis plus d’une année allait s’accomplir. Cependant plus d’une année devait encore s’écouler avant qu’elle pût être mise à exécution. Désireux de m’entourer de quelques collaborateurs pour embrasser un champ d’études plus vaste, la principale difficulté était de trouver la somme relativement élevée permettant d’équiper la mission et d’assurer sa marche pendant deux années. Durant ce laps de temps, je fis, en normand obstiné, appel à l’appui de tous ceux qui pouvaient me soutenir. Je dois dire que ce ne fut point en vain. Je n’oublierai jamais les précieux encouragements que je reçus des plus hautes personnalités du monde scientifique et colonial pour lesquels j’étais alors un inconnu et qui ont bien voulu m’honorer par la suite de leur amitié. En même temps que M. E. GENTIL, M. BINGER, directeur de l’Afrique au Ministère des Colonies, nous avait assuré de tout son bienveillant concours. Il en fut de même de M. GUY, chef du bureau des Missions au Ministère des Colonies. A l’Instruction publique le même accueil bienveillant nous fut fait de la part de M. LIARD, alors directeur de l’Enseignement supérieur et M. DE SAINT-ARROMAN, chef du bureau des Missions. De leur côté M. EDMOND PERRIER, directeur du Muséum et M. le Dr HAMY, professeur au même Établissement et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, voulurent bien nous assurer de leur haut patronage. La plupart de nos compatriotes dont le nom est lié à la pénétration africaine : SAVORGNAN DE BRAZZA, F. FOUREAU, C. MAISTRE et quantité d’autres explorateurs nous guidèrent aussi de leurs conseils avec une sollicitude que je n’oublierai point. A l’étranger, G. SCHWEINFURTH, le vénérable doyen des explorateurs africains, qui avait parcouru 38 ans plus tôt la région du Bahr el Ghazal, confinant au Dar Banda où je devais me rendre, eut l’extrême amabilité de m’inviter à aller passer plusieurs jours à Berlin pour me montrer les riches collections qu’il avait rapportées de son voyage au cœur de l’Afrique et me donner des indications qui m’ont été par la suite de la plus grande utilité. Tant de précieux appuis devaient enfin permettre de constituer la mission au commencement de 1902, successivement la Commission et le Bureau des Missions du Ministère de l’Instruction publique, le Bureau du Ministère des Colonies, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le Muséum d’Histoire naturelle accueillirent favorablement la demande de mission que je leur avais adressée. La Société de Géographie de son côté nous appuya de toute son autorité. Enfin le 12 avril 1902, M. GEORGE LEYGUES, ministre de l’Instruction publique, signait l’arrêté constituant la mission scientifique Chari- Lac-Tchad et quelques semaines plus tard, M. DOUMERGUE, ministre des Colonies, donnait aussi son approbation à la mission et en acceptait la surveillance. Le programme que nous avions à remplir était très vaste : Nous devions étudier les productions agricoles et forestières de l’Afrique centrale, la faune, la flore, la constitution géologique, puis l’état social des indigènes que des traités ont placés sous le protectorat de la France, enfin explorer des contrées nouvelles comprises dans la sphère d’influence française au bassin du Tchad. Le Ministère des Colonies nous chargeait spécialement d’étudier tous les problèmes intéressant l’agriculture et le commerce de notre nouvelle colonie. Sur ce sujet, les instructions suivantes me furent remises avant mon départ : En ce qui concerne les études d’ordre économique qui font partie de votre programme et qui intéressent plus particulièrement mon Département, vous aurez en premier lieu à vous préoccuper de la création d’un jardin d’essais sur l’emplacement où cet établissement vous paraîtra devoir rendre le plus de services. Je vous signale en particulier, les points de Fort-de-Possel, de Fort-Sibut et de Fort- Crampel, comme répondant le mieux d’après l’avis de M. GENTIL aux conditions exigées par cette création. Vous aurez également à examiner les cultures principales auxquelles le nouveau jardin d’essais devra dès l’abord apporter tous ses soins. La culture des diverses plantes à caoutchouc que produit la région, l’acclimatement des légumes et des fruits d’Europe, la culture des fruits tropicaux présentent à ce point de vue une importance primordiale. Vos recherches devront ensuite porter sur l’étude générale des plantes à caoutchouc et s’étendre aux essences d’arbres divers produits dans la région comprise entre Fort-de-Possel, Fort-Crampel et Bahr-Sara. Il est important que vous vous rendiez compte des procédés à employer pour l’exploitation et la coagulation du latex. Il y aura lieu de remettre un certain nombre de plants aux indigènes (chefs) et de leur enseigner la façon la plus pratique de récolter le caoutchouc. Quelques essais ont été faits dans ce sens par l’administration locale, ils ont été suivis d’un certain succès, mais j’ai pensé que des procédés plus scientifiques et plus spéciaux à la culture et à la récolte du caoutchouc pourraient être indiqués avec fruit aux indigènes de la région. Il vous appartiendra de procéder à cette nouvelle tentative. En troisième lieu il importe de déterminer la composition du sol au point de vue minier et minéralogique : _a_) de la région montagneuse comprise entre le Haut-Chari ou Bamingui et le pays de Senoussi ainsi que les massifs des M’Bras ; _b_) de la région montagneuse des Niellims ; _c_) de la région comprise entre les Monts de Gamkoul et les monts de Guéré à la frontière du Ouadaï. En dehors de ces points spéciaux vous devrez vous attacher d’une manière générale à reconnaître toutes _les ressources économiques_ de la région du Chari et du Tchad. C’est en vue du _développement commercial_ et _industriel_ de nos nouvelles possessions que M. le commissaire du Gouvernement au Chari a insisté sur l’importance de la mission que vous allez accomplir, c’est dans le même but que le Département a pris sa part des dépenses qui doivent vous incomber. Les crédits, grâce auxquels la marche de la mission fut assurée et qui ont permis au retour de l’expédition d’entreprendre les premiers travaux et les premières publications, avaient des provenances différentes : 1o Chapitre des Missions scientifiques du Ministère de l’Instruction publique ; 2o Chapitre des Missions du Ministère des Colonies ; 3o Budget local du Congo français ; 4o Subvention du Muséum d’Histoire Naturelle, prélevée sur les fonds destinés aux voyageurs naturalistes ; 5o Subvention de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Fondation Benoit-Garnier) ; 6o Concours du Ministère de la Guerre prenant à sa charge à notre retour la solde des officiers attachés à la mission pendant l’élaboration des rapports qu’ils ont fournis. La Société de Géographie de Paris nous a, d’un autre côté, apporté son généreux concours. Le 30 mars 1905 elle nous décernait le prix JEAN DUCHESNE-FOURNET[1] composé d’une somme de 6.000 francs utilisée pour la présente publication. En possession des fonds qui devaient assurer la marche de la mission, il me restait à y attacher des collaborateurs pour coopérer à la réalisation du programme que j’avais offert de remplir au Gouvernement, au Muséum d’Histoire Naturelle et à l’Institut. A la vérité, ces collaborateurs étaient trouvés depuis longtemps ; je les avais rencontrés soit sur les routes d’Afrique, soit au Laboratoire Colonial du Muséum créé depuis peu par M. EDMOND PERRIER et à l’installation duquel j’avais coopéré dès le début. Le second de la mission, M. HENRI COURTET, officier d’administration de 1re classe d’artillerie coloniale, joignait à ses connaissances techniques une expérience des contrées tropicales de près de quinze années passées dans presque toutes nos colonies. Partout où il avait séjourné, il s’était intéressé aux problèmes économiques et avait acquis sur ces questions un jugement d’une sûreté et d’une précision remarquables. Comme dessinateur et comme topographe il devait rendre en outre de très grands services à la mission. Je demandai ensuite la collaboration du Dr J. DECORSE, aide-major de 1re classe de l’armée coloniale, correspondant du Muséum, qui devait plus spécialement réunir des collections et des documents relatifs à la faune, à l’anthropologie et à l’ethnographie. DECORSE venait de séjourner près de trois années consécutives à Madagascar, principalement dans la partie si intéressante du Sud de l’île où il avait recueilli de très belles collections entomologiques. Il en était revenu avec une ardente vocation d’explorateur. Il nous fallait encore la collaboration d’un praticien expérimenté très au courant des cultures tropicales et ayant déjà donné des preuves de son zèle en introduisant ailleurs des plantes utiles. Nous avions vu à l’œuvre au Soudan VINCENT MARTRET qui remplissait ces conditions. Il était en congé en France au moment où la mission s’organisait ; je lui proposai de le prendre comme chef de culture et il accepta avec enthousiasme. Le travail qu’il a fourni pendant la mission a été considérable et il a malheureusement payé de sa vie, dès son retour en France, les efforts qu’il avait dépensés pour l’accomplissement de la tâche qui lui avait été confiée. Le 18 juillet 1902, la mission arrivait à Brazzaville. Son séjour en cette région fut consacré à l’étude des plantes fournissant le caoutchouc du Congo français. Le résultat le plus important consigné dans trois notes publiées aux _Comptes-rendus de l’Académie des sciences_ fut la découverte de deux espèces de _Landolphia_ nains fournissant par leurs racines le _caoutchouc des herbes_ jusqu’alors inexploité. A son retour à Brazzaville, un an et demi après, la mission eut la satisfaction de constater qu’une usine s’était installée pour l’exploitation de cette richesse nouvelle. Au cours de la montée du vapeur se rendant dans le Haut-Oubangui, les divers arrêts furent consacrés à l’étude de la flore et de la faune de la grande forêt vierge de l’Afrique équatoriale. Dans l’Afrique intérieure, cette forêt est plus étroite qu’on ne l’avait pensé : au Sud elle commence vers le deuxième degré de latitude sud et au Nord elle s’arrête par 3° 45′ près du confluent de l’Oubangui et de la Lobaï. Sous un dôme imposant croissent en grand nombre des richesses végétales inexploitées : grandes lianes à caoutchouc du genre _Landolphia_ et surtout le _Kickxia_ ou _Funtumia elastica_, l’arbre à caoutchouc africain par excellence, des caféiers sauvages, des copaliers, des kolatiers, des arbres à teintures, etc... Le 2 septembre, en plein hivernage, nous parvenions à Fort-de-Possel à l’entrée du territoire du Tchad et presque aussitôt MARTRET installait un Jardin d’essais à Fort-Sibut. Ce Jardin a ensemencé ou multiplié environ 460 espèces de plantes utiles, la plupart offertes gracieusement par la maison VILMORIN-ANDRIEUX, le MUSÉUM, le JARDIN COLONIAL DE NOGENT, etc... Si les essais n’ont pas tous réussi, en revanche on peut considérer comme acclimatés le Mandarinier, le Bananier de Chine, le Papayer à gros fruits du Mexique, diverses variétés améliorées de Manguiers, un certain nombre de plantes ornementales, le Céara, pour ne citer que ceux-là. Aussitôt les pluies terminées, commencèrent nos voyages à travers les territoires du Tchad. Ils se sont déroulés pendant quinze mois. Environ 500 lieues des sentiers parcourus étaient pour la première fois foulés par des blancs. Les études les plus intéressantes furent faites dans les trois contrées suivantes : 1o Les Etats du Sultan Senoussi où je séjournai en compagnie de COURTET afin de rayonner dans la région du Dar Fertit à la limite des trois bassins du Chari, de l’Oubangui et du Nil, dans les marais du Mamoum considérés à tort par les caravaniers Arabes comme un grand lac comparable au Tchad, enfin dans une partie du Dar Rounga et du Dar Kouti où CRAMPEL fut assassiné en 1891 sur les bords du Djangara. 2o La région du lac Iro, que nous fûmes les premiers à approcher et à contourner, ce qui nous permit de constater que le Bahr Salamat ne s’y jette pas comme l’avait affirmé NACHTIGAL, mais passe quelques kilomètres plus au sud. Dans cette région après être entrés en rapport avec la peuplade lacustre des Goullas je découvris une nation Sara orientale différente des Saras de l’ouest que CASIMIR MAISTRE avait le premier signalés. COURTET retourne à Fort Archambault et je poursuis un itinéraire en zig-zags à travers le sud du Dékakiré dans un pays couvert de pics granitiques sur lesquels vit une peuplade de troglodytes (Noubas) qui m’amena dans la capitale de l’Alifa Korbol, chez lequel se trouvait en expédition Gouarang, le sultan du Baguirmi qui m’invita, comme l’avait fait précédemment Senoussi, à parcourir ses Etats. 3o Je continuai mon chemin vers le Dar-el-Hadjer (pays des rochers) ou pays des Koukas situé à l’est du Tchad. Grâce à l’appui du sultan Gaourang, à celui de Bayour, l’ancien chef de guerre du sultan Acyl, ex-prétendant au trône du Ouadaï et à l’aide des moyens fournis amicalement par le capitaine JACQUIN, commandant la batterie du Tchad, et le lieutenant LEBAS, chef du poste de spahis de la frontière du Ouadaï, je pus étudier la région peu connue située entre le lac Fittri et le sillon du Bahr-el-Ghazal. Dans cette région, la présence de nombreuses pierres polies révéla que l’homme néolithique avait vécu près des pics rocheux à l’époque où le Chari, au lieu de se jeter dans le Tchad actuel, s’en allait par le Bahr-el-Ghazal au cœur du Sahara et peut-être à la Méditerranée. Les dépôts lacustres remontant probablement au tertiaire, ont en certains endroits plus de 50 mètres d’épaisseur. D’autre part des blocs de « Sedd » contenant des débris fossiles de roseaux et d’épais dépôts de coquilles lacustres trouvés à l’est du Kanem, en pleine zone désertique, confirment l’hypothèse émise par NACHTIGAL sur la grande extension ancienne du lac Tchad. Le grand lac était le point terminus de notre expédition, je dus revenir en hâte vers le sud en remontant tout le cours du Chari, et à Fort-Lamy je retrouvai DECORSE. A Fort-Sibut je retrouvai MARTRET, il avait transformé en un vaste jardin la brousse inculte. COURTET nous attendait déjà sur l’Oubangui avec la majeure partie des collections. Enfin peu de temps après mon arrivée à Brazzaville avec COURTET et MARTRET arrivait aussi DECORSE et la mission se retrouvait au complet. Elle rentrait en France le 21 février 1904. Cette introduction est encore incomplète car il me reste à parler d’un autre collaborateur M. SION, agrégé de Géographie. M. SION a bien voulu me prêter son concours dévoué et désintéressé pour la coordination des divers éléments de ce livre et la rédaction de certaines parties ; je lui adresse à ce sujet mes sincères remerciements. [Illustration : Mission Chari-Lac Tchad (1902-1904) L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE Croquis des Itinéraires suivis par la Mission ENTRE L’OUBANGUI ET LE LAC TCHAD] [Note 1 : La donation faite à la Société de Géographie par M. DUCHESNE- FOURNET et ses deux enfants date du 29 juin 1904. Elle alimente un prix de 6.000 fr. décerné tous les deux ans à un explorateur français ayant le plus contribué soit à notre expansion coloniale ou au développement de l’influence française, soit à la mise en valeur du domaine colonial au point de vue économique ou au point de vue du développement de nos relations commerciales. Il y aurait lieu alors d’utiliser ces fonds soit par une bourse de voyage, soit pour la publication des résultats d’une exploration répondant aux conditions ci-dessus énumérées.] =L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE= * * * * * CHAPITRE I LA ROUTE DE L’AFRIQUE CENTRALE I. De Bordeaux à Brazzaville. — II. Etudes botaniques autour de Brazzaville. Le caoutchouc des herbes — III. De Brazzaville à Bangui. * * * * * I. — DE BORDEAUX A BRAZZAVILLE A l’encontre de la plupart des explorateurs je n’allongerai point cette relation du récit détaillé de notre traversée et de la description des points de la côte où notre paquebot fit escale. J’ai visité plus tard une partie de ces escales, j’ai appris à me défier des impressions notées en passant sur ces villes dont plusieurs ont un passé séculaire et dont les autres comme Conakry, Grand-Bassam, Cotonou, Libreville, Loango, bien que plus récentes, sont cependant très connues par suite de l’importance qu’elles ont acquise dans ces dernières années. COURTET et DECORSE s’embarquèrent à Bordeaux sur la _Ville de Maceio_, le 15 juin 1902. J’étais parti le mois précédent emmenant avec moi MARTRET et nous nous étions arrêtés au Sénégal pour recueillir dans les principaux jardins les plantes utiles que nous voulions transporter au centre de l’Afrique pour les y acclimater. Je n’oublierai point ni l’extrême bienveillance avec laquelle M. le Gouverneur-Général ROUME facilita nos recherches ni les encouragements que nous reçûmes de la part de tous les fonctionnaires qui le secondèrent dans la réorganisation de l’Afrique Occidentale Française qui venait d’être constituée sur de nouvelles bases. Le 21 juin _la Ville de Macéio_ passait en rade de Dakar. Nous nous rejoignîmes à bord tous les quatre. J’emmenais pour tout personnel indigène deux Sénégalais : l’un, Moussa Ndiaye, comme préparateur, l’autre comme cuisinier. Nous emportions deux tonnes de bagages. Plus de la moitié de nos caisses renfermaient exclusivement du matériel scientifique, des récipients pour les collections, un énorme stock de papier destiné à sécher les plantes, de la papeterie. Une de nos caisses était entièrement remplie de livres les plus importants, relatifs aux régions que nous allions visiter : SCHWEINFURTH, _Au cœur de l’Afrique_ ; BARTH (l’édition allemande et la traduction française) ; C. MAISTRE, _A travers l’Afrique centrale_ ; GENTIL, _La Chute de l’empire de Rabah_ ; FOUREAU, _D’Alger au Congo par le Tchad_ ; BENTHAM, _Flora nigritana_ ; OLIVER et THYSELTON-DYER, _Flora of tropical Africa_ (les 6 volumes alors publiés), etc. Deux ans plus tard j’ai eu la joie de les rapporter presque tous intacts. Ils furent pendant toute notre chevauchée d’agréables compagnons, auxquels je sais gré de m’avoir délivré l’esprit des préoccupations irritantes qui conduisent parfois à la « Soudanite ». Plus d’une fois, le corps brisé et les nerfs tendus, j’ai retrouvé le calme en faisant, aidé de ces livres, la détermination d’une plante. Le naturaliste a ainsi, dans la brousse, des moyens de se reposer l’âme qui ne sont pas à la portée des autres mortels. Sur le paquebot qui nous emportait voyageaient aussi une quinzaine d’officiers allant relever des camarades au territoire militaire du Tchad. Tous se rendaient en Afrique centrale pour la première fois, à l’exception du Dr ALLAIN dont la courageuse intrépidité à l’attaque de Kouno comme à la bataille de Koussri n’est ignorée que de lui. Le Dr ALLAIN évite toute allusion à ces événements, où il a joué un si noble rôle, mais quand on le questionne sur la vie de brousse, il ne s’arrête plus ; il parle du Chari avec l’enthousiasme d’un apôtre, il l’aime passionnément et ses avis nous furent particulièrement précieux. Le 14 juillet de grand matin nous entrions dans le fleuve Congo. On n’en découvre point d’abord les rives tant l’embouchure est large. A Banane tout près de la mer il mesure 28 kilomètres de large et on a calculé que son débit était de 50.000 à 70.000 mètres cubes à la seconde, soit 140 fois plus important que celui du Rhône. Peu à peu, au fur et à mesure que nous remontons, la terre ferme se précise : on aperçoit d’abord la ligne sombre des palétuviers, un peu plus loin de véritables berges apparaissent, et la grande savane sans fin avec de hautes graminées, et çà et là un palmier de Guinée _Hyphæne guineensis_ étale son uniformité. Enfin des reliefs font leur apparition, des croupes arrondies et toutes dénudées ou semées de rares baobabs surgissent à l’horizon. Ces mamelons, élevés parfois d’une centaine de mètres sur le pays environnant, sont coupés de ravins profonds dont la présence est révélée par des lignes verdoyantes descendant le long des thalwegs. Nous passons sans nous arrêter devant Boma, poste de l’Etat indépendant du Congo. Ses larges avenues, ses promenades plantées d’arbres, donnent l’impression d’une ville européenne. Le paquebot continue à s’enfoncer dans l’intérieur, le pays prend un aspect très montagneux, extrêmement pittoresque. Quelques bancs de rochers commencent à encombrer le lit du fleuve. Enfin de véritables rapides arrêtent la navigation. Nous sommes à Matadi et nous y débarquons le 15 juillet au matin. La seule raison d’être de cette ville est sa position au point terminus de la navigation et à la tête de ligne du chemin de fer. Construite en toute hâte, au milieu des rochers, dans des conditions aussi peu hygiéniques que possible, elle laisse la plus détestable impression à tous les Français qui sont obligés d’y séjourner, malgré l’obligeance des fonctionnaires du chemin de fer belge. « Ce chemin de fer est l’œuvre maîtresse du Congo indépendant, celle qui a demandé le plus de volonté, de ténacité, où fut dépensé le maximum d’efforts personnels. C’est grâce à elle que l’État a pu se développer au lieu de crever des richesses accumulées impossibles à exporter. On peut affirmer qu’en dotant l’État de ce merveilleux moyen de transport, le colonel THYS fut un des fondateurs de la colonie. Il n’est que juste de lui rendre cet hommage, car c’est à sa patience inlassable, à son énergie et à sa foi prévoyante que l’on doit la réussite de l’entreprise[2]. » La voie ferrée, qui se continue pendant 400 kilomètres à travers une véritable Suisse africaine, a exigé un grand nombre de travaux d’art et a coûté environ 70 millions. Elle est entièrement l’œuvre du colonel THYS qui en présenta le projet dès 1887. Les premiers travaux de terrassement furent commencés en mars 1890, mais ce n’est que 8 ans plus tard, en mars 1898, que la locomotive arriva au Stanley-Pool. Actuellement la Compagnie fait plus de un million de recettes par mois. Non seulement elle draine tous les produits de l’intérieur du Congo belge, mais elle est aussi l’unique voie d’accès actuellement pratiquable pour accéder dans le moyen Congo, dans la Sangha, dans l’Oubangui et dans les territoires du Tchad. Autrefois les Français, pour se rendre à Brazzaville, étaient obligés de s’arrêter à Loango où le transbordement et le débarquement des bagages étaient souvent très pénibles. Les charges étaient alors prises par des porteurs loangos et transportées en suivant des sentiers de brousse coupant la grande forêt du Mayombe, jusqu’au poste créé par DE BRAZZA au bord du Stanley-Pool et qui est devenu la capitale du Congo français. Ce voyage durait environ un mois ; il était très pénible pour les Européens et surtout pour les porteurs indigènes dont un grand nombre mouraient à la tâche. Aujourd’hui on accède à Brazzaville par la voie du Congo belge ; la traversée de Loango à Matadi dure trois jours et le voyage en chemin de fer de Matadi à Kinshassa deux jours. On se rend ensuite sur la rive française du Pool en moins d’une heure. La construction de la voie ferrée belge a donc permis de réaliser, même pour nous Français, de grandes économies, de temps, d’argent et surtout de vies humaines. La construction en territoire français d’un railway joignant la côte du Gabon au Congo navigable, soit par l’Ogôoué et l’Alima, soit par le Kouilou-Niari, eût été sans doute moins pénible et moins coûteuse, mais malheureusement nos financiers et nos hommes d’État n’écoutèrent point le cri d’alarme jeté par DE BRAZZA dès 1886, ou bien ils ne surent s’entendre. Si cette voie avait été construite avant la réussite de l’œuvre du colonel THYS, c’est en traversant nos possessions que les richesses de l’Afrique centrale déboucheraient aujourd’hui à la mer, et depuis longtemps notre Congo serait sorti du marasme économique où il est malheureusement encore plongé. Le 17 août au matin, la mission Chari-Tchad au complet montait en wagon. Le voyage que l’on effectue ainsi est délicieux même pour les touristes les plus exigeants. Le train marche assez lentement pour qu’on puisse admirer les paysages qui sont parmi les plus beaux que je connaisse en Afrique : il franchit des torrents mugissants ; suspendu parfois en corniche il côtoie des précipices ; il contourne des montagnes dénudées en cette saison ou crevassées par des ravins remplis d’arbres enlacés de lianes. Parfois les quartzites blanchâtres miroitent au soleil ; parfois aussi à proximité des rivières la voie passe entre des dômes de verdure et des avalanches de plantes volubiles fleuries dégringolent en longs festons du haut des arbres et pendent jusqu’au ras du sol. Mais, en général, quel pays pauvre ! Presque partout des pierres, des rochers, un sol ingrat. En cette saison sèche, les herbes sont brûlées ; les chèvres même trouveraient difficilement à vivre. Presque pas d’habitants ; les villages indigènes sont excessivement rares. En contemplant ces montagnes que les ingénieurs ont dû en mainte place attaquer à la mine, on comprend que cette œuvre a été un travail d’Hercule. Les nombreuses tombes d’Européens disséminées çà et là le long de la voie attestent encore les sacrifices qu’il a fallu faire. Les cadavres des indigènes morts à la tâche n’ont pas laissé de traces, mais c’est par milliers que des existences ont été sacrifiées. Nos sujets de l’Afrique occidentale ont joué un grand rôle comme surveillants, contre- maîtres, ouvriers d’art ou simples manœuvres. Beaucoup d’engagés à Dakar ont perdu la vie à cette besogne, c’est grâce à l’endurance au travail des autres, qu’enfin la construction a pu être achevée. « Sans les Sénégalais le chemin de fer du Congo belge n’aurait jamais été construit ! » ai-je entendu répéter bien des fois par d’anciens chefs de chantiers, meilleurs juges que personne. Un coup de sifflet prolongé : nous arrivons à Toumba (kilomètre 187). On doit passer la nuit dans ce misérable campement, sorte de caravansérail où les voyageurs s’entassent dans d’affreuses cases en planches décorées du nom d’hôtels. Dans la soirée nous avons le temps de faire une excursion dans la brousse. Je suis un peu surpris de retrouver là vers 4° S. des paysages, des aspects de végétation presque identiques à ceux du Soudan. Parmi les arbustes rabougris qui caractérisent la flore de la brousse, beaucoup sont les mêmes dans l’une et l’autre région : _Gardenia Thunbergia_, _Sarcocephalus esculentus_, _Crossopteryx febrifuga_, _Anona senegalensis_. Dans un pli de terrain nous rencontrons l’épaisse et haute végétation des galeries avec des arbres de plus de 40 mètres tout enlacés de lianes. Parmi ces lianes notons l’existence du _Landolphia Klainii_ Pierre portant à cette époque de gros fruits ronds, quelques-uns de la grosseur d’une tête d’enfant. Certaines de ces lianes ont été entaillées et exploitées avec tant d’acharnement que les branches sont mortes. L’écorce se détache sous la pression des doigts et en la brisant on constate qu’elle renferme une grande quantité de caoutchouc qui s’étire en longs fils élastiques. Généralement de nouvelles repousses sont nées sur les souches mutilées, mais il est impossible de fixer l’époque à laquelle ces nouvelles tiges seront en état d’être exploitées. — Pendant que COURTET recueille des fruits pour les dessiner, je suis amené à constater le procédé curieux par lequel cette plante effectue sa dissémination. A maturité, le fruit de cette liane, comme celui de tous les _Eulandolphia_, est constitué par un exocarpe formé de sclérites très résistantes serrées les unes contre les autres et enveloppant hermétiquement les parties parenchymateuses internes et les graines au nombre de 20 à 70. Cette carapace indéhiscente est seulement interrompue dans la partie qui correspond à l’insertion du pédoncule et délimite une aire circulaire de 1 centimètre de diamètre environ. Lorsque le fruit, arrivé à maturité dans la saison sèche (ordinairement dans le courant de juillet au Bas-Congo), se détache par suite de son propre poids et tombe sur le sol de la forêt, la petite zone circulaire est vite attaquée par les insectes. Les larves des termites (ou fourmis blanches), qui n’ont pu attaquer le sclérenchyme trop résistant, pénètrent à l’intérieur du fruit par l’ouverture. Elles dévorent toutes les parties parenchymateuses et notamment la pulpe acidulée qui entoure chaque graine. En même temps elles transportent de la terre humide à l’intérieur du fruit. Les graines qui n’ont pas été attaquées à cause de leur albumen corné qui protège l’embryon se trouvent ainsi environnées d’une espèce de boue dans laquelle elles germent en quelques jours. Les jeunes plantes enfermées dans une chambre close s’étiolent et leur tigelle s’allongeant démesurément se recourbe plusieurs fois sur elle- même à l’intérieur de la cavité. Parfois l’extrémité d’une jeune tige parvient à sortir par l’ouverture correspondant à l’insertion du pédoncule, mais le plus souvent les plantules demeurent enfermées dans la cavité exocarpique jusqu’à ce que les agents atmosphériques ou les animaux aient brisé la carapace scléreuse. Alors seulement les racines pénètrent en terre, les tigelles se redressent et développent des feuilles et les termites vont chercher abri ailleurs. Chaque buisson de _Landolphia Klainii_ est ainsi environné de nombreuses plantes jeunes groupées par paquets, chacun de ces paquets correspondant à un fruit dont les graines ont germé sur place. La plupart de ces plantes meurent étouffées sous l’ombrage épais de la forêt. Seuls les pieds les plus robustes allongent démesurément leurs entre-nœuds, accrochent leurs premières vrilles et c’est seulement quand elles sont parvenues à s’étaler à la grande lumière sur l’extrémité des rameaux des arbres- supports qu’elles se développent normalement. Nous reprenons le train le lendemain matin. Nous revoyons des paysages analogues à ceux de la veille, mais les terres cultivables et les galeries forestières se font plus fréquentes. En quelques gares des sacs d’arachides récoltées à proximité de la ligne sont entassés pour être chargés sur un prochain train descendant vers Matadi. Puis nous passons devant la mission de Kisentou créée par les Jésuites. De très vastes cultures s’étendent aux environs. Enfin le pays cesse d’être accidenté, de grandes plaines sablonneuses semées de beaux arbres dès que le sol renferme de l’humidité annoncent l’approche du Pool. A 3 heures nous stoppons en gare de Kinshassa. C’est là que nous devons descendre du train qui atteint lui-même son point terminus, Léopoldville, situé à 12 kilomètres plus loin. A Kinshassa passent tout le ravitaillement et toutes les marchandises destinées au Congo français et au Tchad, ainsi que tous les produits d’exportation qui en proviennent. C’est dire que le mouvement commercial est assez développé. Il eût donc été naturel de construire une petite voie Decauville joignant la gare à l’embarcadère sur le Pool. Rien de semblable n’existait ni en 1902 ni à notre retour en 1904 : à la descente du train tout voyageur devait aussitôt engager des manœuvres pour faire porter ses bagages à bord d’un vapeur appartenant à l’administration ou loué par des particuliers. Le gouvernement de l’Etat indépendant a entretenu longtemps à Kinshassa un important corps de troupes indigènes, dont une belle plantation de caféiers de Libéria, déjà en plein rapport en 1902, rappelle le séjour. Une usine pour la préparation du café fonctionnait aussi à la même époque et on y traitait le café récolté dans tous les districts de l’intérieur. Le 17 juillet 1902, nous débarquions à Brazzaville après avoir traversé le Pool. D’abord simple camp de brousse fondé par DE BRAZZA en 1880 et laissé à la garde du sergent sénégalais MALAMINE jusqu’en 1882, Brazzaville, grâce à sa situation sur le Stanley-Pool, juste en amont du point où le Congo cesse d’être navigable, a acquis une importance de tout premier ordre. Pourtant la capitale du Congo français nous réservait une vive déception. Qu’on imagine une vaste étendue de brousse montueuse, mal défrichée, occupée çà et là par des maisons dont la plupart, d’aspect minable, sont reliées entre elles par des sentiers grimpants, les uns encombrés de hautes herbes sur les bords, les autres transformés en profonds ravins. Le sol est très sablonneux et le ruissellement entraîne peu à peu vers le bas le sol des plateaux. A la suite d’une pluie abondante on voit apparaître de larges et profonds fossés à travers la ville. Une seule installation paraît conçue avec esprit de suite et porte l’empreinte d’une volonté intelligente. C’est la mission catholique établie assez loin du fleuve, sur le plateau qui domine la ville. Elle est entièrement l’œuvre de Mgr AUGOUARD dont l’activité n’a pas eu de cesse depuis le jour de son arrivée (1884). De grands bâtiments bien aménagés, de vastes champs cultivés en bananiers, en manioc et en patates, pour les indigènes, un vaste potager européen, de magnifiques vergers remplis de manguiers, d’avocatiers et d’orangers, des plates-bandes d’ananas le long de toutes les allées, des bordures de vétiver ou d’_andropogon_ citronnelle au bord des sentiers, un beau troupeau de bovins et un grand nombre de moutons dont l’acclimatation a été très laborieuse, tels sont les principaux résultats matériels obtenus par l’effort des missionnaires et des indigènes dont ils se sont entourés. Le reste du chef-lieu présentait, en 1902, l’aspect d’un camp abandonné, comme si quelque épidémie avait forcé les habitants à fuir au loin. Nous logions près du Pool, dans une malheureuse masure sans portes, au toit délabré, l’herbe poussait jusqu’à l’entrée, les chauves- souris avaient élu domicile à l’intérieur. Quel contraste avec la ville belge de Léopoldville dont on aperçoit la silhouette blanche de l’autre côté du Pool ! J’ai visité ce centre en décembre 1903 à mon retour. On y sent une organisation, on y voit de larges boulevards, des squares, des maisons en pierre comme en Europe. C’est une installation durable, sans cette apparence de provisoire ou d’abandonné de Brazzaville. Léopoldville n’est qu’un ensemble d’ateliers et de chantiers où du matin au soir Européens et noirs travaillent à des besognes précises, conçues, étudiées et surveillées par des hommes compétents. « On y sent ce qui fait la force de nos voisins, une discipline énergique complétant un remarquable esprit de suite. » II. — ÉTUDES BOTANIQUES AUTOUR DE BRAZZAVILLE. LE CAOUTCHOUC DES HERBES Nous aurions voulu quitter au plus tôt Brazzaville, alors foyer de fièvre et nid de discorde entre Européens désœuvrés (c’est là que dut naître autrefois la « congolite »). Malheureusement le vapeur _Albert Dolisie_ qui devait nous transporter jusqu’à Bangui n’était point revenu de la Sangha où il avait transporté M. ALBERT GRODET, commissaire général du Congo. Du reste la plus grande partie de notre matériel, que nous avions laissé à Matadi, ne nous était pas encore parvenu. Je résolus d’employer cette période d’arrêt à des recherches d’histoire naturelle et elles furent extrêmement fructueuses, car peu de régions africaines présentent une flore et une faune plus riches que les environs du Pool. Le relief est formé de plateaux sablonneux faiblement ondulés, recouverts d’une brousse peu compacte qui est soumise chaque année aux incendies des herbes. Le caoutchouc, qui est aujourd’hui la plus grande richesse forestière du Congo, n’était guère exploité autour de Brazzaville. L’arbre à caoutchouc, _Funtumia elastica_, ou Iré n’existe que beaucoup plus au Nord dans la grande forêt équatoriale. Quant aux lianes donnant du caoutchouc de valeur (_Landolphia owariensis_ et _L. Klainii_) on ne les rencontre que dans quelques rares plis de terrain et en très petite quantité. Les incendies dévastateurs les ont fait disparaître des plateaux ou en ont amené au moins la transformation. Depuis quelques années, plusieurs explorateurs avaient parlé du _caoutchouc des racines_, nommé encore _caoutchouc des herbes_, parce que la plante qui le fournissait était, disait-on, une herbe vivant au milieu des prairies de l’Angola et de l’Afrique centrale. Aucun observateur n’avait encore précisé la véritable origine botanique de ce caoutchouc, ni fait connaître le mode de vie et de végétation de cette plante vaguement signalée autour de Brazzaville. Un jeune et actif agent de culture, M. LUC, me montra un jour la plante que l’on considérait comme donnant le caoutchouc des racines. C’était le _Carpodinus lanceolatus_ décrit quelques années plus tôt par le botaniste allemand K. SCHUMANN. La plante avait des tiges grêles, presque herbacées, très pauvres en latex. Mais quand on brisait la racine il s’en écoulait un peu de lait. Nous recueillîmes une petite quantité de ce latex et nous pûmes nous assurer qu’il ne donnait aucune trace de caoutchouc, mais laissait déposer une résine sans valeur. Il fallait donc chercher autre chose. Sur les plateaux déboisés de l’Afrique intérieure, brûlés périodiquement par les feux de brousse, on rencontre des Landolphiées présentant comme le _Carpodinus lanceolatus_ un mode de vie très différent de celui des lianes de forêts. Leur système souterrain acquiert un très grand développement ; ces plantes, et notamment le _Carpodinus lanceolatus_, ont des rhizomes vivaces enfoncés profondément en terre. Au contraire leur tige aérienne, brûlée périodiquement, qui est devenue annuelle ou bisannuelle, reste naine, souvent herbacée et dépourvue de vrilles, n’ayant pas besoin de s’accrocher aux arbres. A la fin de la saison sèche, elles portent souvent à l’extrémité d’une tige très grêle un ou deux gros fruits qui à maturité font courber la tige pour venir toucher le sol. Au moment des incendies la cendre des herbes et les débris végétaux les recouvrent et les protègent contre le feu. Les graines ainsi enterrées se trouvent dans d’excellentes conditions pour germer lorsqu’arrivent les premières pluies. Et quand bien même la chaleur aurait détruit l’embryon, l’espèce ne serait pas pour cela menacée de disparaître, car bientôt des jeunes pousses groupées en faisceaux, après avoir pris naissance sur les rhizomes souterrains, viennent s’épanouir au-dessus du sol et continuent à s’allonger jusqu’au jour où elles ont le sort des premières. Ce phénomène se répétant chaque année a marqué d’une profonde empreinte la végétation des plateaux. Les seules espèces végétales qui se soient multipliées sont celles qui ont de longs et puissants rhizomes comme les _Aframomum_, plusieurs graminées de la tribu des _Andropogonées_, une salsepareille (_Smilax Kraussiana_), enfin la vulgaire fougère Grand-Aigle (_Pteris aquilina_ L.) de nos landes d’Europe, extrêmement abondante en Afrique au S. de l’Équateur. Si le _Carpodinus lanceolatus_ ne donnait pas de caoutchouc il n’en était pas de même de deux autres Landolphiées qui n’avaient point encore attiré l’attention parce qu’elles étaient plus clairsemées. L’une est le _Landolphia Tholloni_ décrit par A. DEWÈVRE en 1895 et dédié au voyageur THOLLON, l’un des compagnons de JACQUES DE BRAZZA (frère cadet du grand explorateur)[3]. Le _Landolphia Tholloni_ est un petit arbuste très rameux, haut de 0m,15 à 0m,30, ayant la taille et le port de l’_Avielle myrtille_ des bois d’Europe. Le fruit presque sphérique à maturité, ayant 0m,05 de diamètre, renferme quelques graines entourées d’une pulpe comestible. Les rameaux aériens ne mesurent que 1 ou 2 millimètres de diamètre et sont dépourvus de caoutchouc ; au contraire les parties souterraines âgées en contiennent en abondance. Elles se composent de longs rhizomes, enfoncés obliquement jusqu’à 0m,40 ou 0m,60 de profondeur et émettant des ramifications qui courent horizontalement et à une plus faible profondeur en produisant dans le sol sablonneux de distance en distance des paquets de tiges dressées. Ces rhizomes mesurent de 6 à 10 mètres de long et ont un diamètre moyen compris entre 4 et 10 millimètres. Lorsqu’ils sont secs ils contiennent jusqu’à 4 à 5 p. 100 de caoutchouc de toute première qualité. On peut le recueillir en broyant l’écorce qu’on pulvérise et qu’on débarrasse, dans un courant d’eau, des matières autres que le caoutchouc. L’abondance de cette plante dans la région de Brazzaville, et aussi probablement dans presque tout le pays batéké est telle que les rhizomes forment en certains endroits un lacis inextricable dans le sol. Nous avons recueilli jusqu’à 4 kilogrammes de racines fraîches sur une surface de 6 mètres carrés, bien qu’une partie des racines brisées fussent restées en terre. Une autre Landolphiée de la région produisant aussi du caoutchouc dans ses racines est le _Landolphia humilis_ K. Schum. ; simple forme dérivée par mutation du _Landolphia owariensis_ Pal. Beauv. Tandis que le _Landolphia Tholloni_ est constamment dépourvu de vrilles et a perdu la faculté de devenir une liane, puisque la tige aérienne se dessèche tous les ans, même si le feu de brousse ne l’atteint pas, le _Landolphia humilis_ est moins profondément adapté. Il peut aussi, comme son congénère, fleurir presque au ras du sol et même donner des fruits, mais si plusieurs années de suite, l’incendie annuel cesse de se produire, certaines pousses de la plante s’élèvent plus haut et au dessous de l’inflorescence terminale naîtront des rameaux portant des vrilles qui s’accrocheront aux herbes. Si des arbustes se trouvent à portée, la plante s’élèvera encore davantage de manière à former une plante sarmenteuse. A la fin de la saison sèche, loin de se dessécher la pousse du _Landolphia humilis_ épargnée par le feu continuera à s’allonger et si elle n’est pas atteinte par l’incendie pendant plusieurs années de suite, elle deviendra une véritable liane qu’aucun caractère botanique important ne distinguera plus du _Landolphia owariensis_[4]. Les rhizomes desséchés du _Landolphia humilis_ ne contiennent que 2 à 3 p. 100 de caoutchouc et c’est la raison pour laquelle on ne les a pas encore exploités. On commence à tirer parti de l’autre espèce. Pendant notre séjour à Brazzaville nous avons envoyé des notes à l’Académie des Sciences pour faire connaître le résultat de nos investigations, nous avons en outre adressé à plusieurs laboratoires scientifiques des échantillons de racines destinés à l’étude chimique pour déterminer la richesse caoutchoutifère de ces racines. Le résultat de toutes ces recherches fut d’attirer l’attention du commerce sur le caoutchouc des herbes, et, à notre retour, le 25 décembre 1903, nous eûmes la satisfaction d’apprendre qu’une usine s’était installée à Brazzaville pour exploiter les rhizomes du _Landolphia Tholloni_ dont personne n’avait encore tiré parti au Congo français. Le Commissaire-Général rentra à Brazzaville à la fin de juillet. M. GRODET s’était imposé un très pénible voyage pour aller enquêter lui- même sur les troubles survenus quelques mois plus tôt dans la région d’Ouesso. Malgré ses fatigues et la hâte qu’il avait de rentrer à Libreville, il m’accorda de longues audiences, et il donna aussitôt les ordres nécessaires pour que le vapeur de l’administration pût transporter au plus tôt vers Bangui le personnel et le matériel de la mission, ainsi que tous les militaires de la relève du Tchad. Nous allions parcourir ainsi les 1400 kilomètres qui, par le fleuve Congo et son affluent l’Oubangui, séparent Brazzaville du poste de Bangui. III. — DE BRAZZAVILLE A BANGUI _5 août, sur la Dolisie._ — Nous avons quitté Brazzaville le 3 août à 9 heures du matin sur l’_Albert Dolisie_[5], vapeur appartenant au Service administratif du Chari, qui l’a fait construire pour effectuer le transport de son matériel et de ses troupes jusqu’à Bangui. Assez confortablement installé pour recevoir quelques passagers blancs, il est manifestement insuffisant dans le cas présent où nous allons être une trentaine d’Européens à bord, littéralement empilés les uns sur les autres. MM. CASTAING, chef du service administratif du Chari, BOUTEILLER, agent général de plusieurs sociétés concessionnaires, et correspondant du _Temps_, LUC, directeur du jardin d’essai de Brazzaville, dont nous avons mis chaque jour l’obligeance à contribution, le lieutenant DELAUNAY, un vieil ami du Soudan retrouvé ici, sont à l’embarcadère, ainsi d’ailleurs que la plupart des fonctionnaires et commerçants de la localité et nous serrent une dernière fois la main. Après avoir dépassé la pointe de l’île de Mafou nous sortons du Stanley- Pool, immense nappe d’eau où le Congo s’élargit avant la barrière des Stanley-Falls. Le Pool mesure en certains endroits 28 kilomètres de largeur et lorsqu’on le voit, par un ciel pur, encadré de toutes les hauteurs qui l’environnent il a un aspect véritablement grandiose. Au loin, on perçoit le bruit formidable des chutes. A la sortie du lac, notre bateau remonte pendant trois jours, la région que les Belges ont nommée depuis longtemps Le Couloir. Le fleuve, resserré entre des collines escarpées, mesure seulement 1.000 à 1.500 mètres de large. C’est un chenal allant du N. au S., qui a mis en communication la mer intérieure avec la région. _6 août, dans la région des îles du Congo après la Léfini._ — Le fleuve, large de 8 à 15 kilomètres, est rempli d’îles basses, inhabitées, couvertes d’une végétation arborescente. De grands arbres émergent seuls çà et là des fourrés inextricables de Palmiers, d’arbustes, de roseaux[6]. Les rives sont bordées d’une Urticacée, dont les racines adventives s’enfoncent dans l’eau et la vase et dont la partie aérienne, haute de 3 à 4 mètres, présente des rameaux s’étalant et se ramifiant de toutes parts. Comme c’est l’aspect habituel des rideaux de Palétuviers qu’on rencontre à l’embouchure des fleuves africains, la plupart des voyageurs ont pris cet arbuste pour un palétuvier. Il entoure presque complètement les îles, excluant tout autre végétal si ce n’est un _Calamus_ ou rotang très épineux, dont la base, qui baigne également dans l’eau, forme des fourrés impénétrables. Dans la traversée de cette immense nappe qui s’élargit en certains endroits jusqu’à 30 kilomètres d’une rive à l’autre, on jouit de ce grand calme de la nature africaine qui avait tant frappé Stanley. Le ciel, d’un gris de plomb, se confond à l’horizon avec l’eau boueuse aux reflets d’un vert sombre ; un étroit liseré violet en masque la limite au loin. Pas une ride n’agite, le soir, cette nappe infinie ; pas un bruit ne s’élève ni du fleuve ni de la rive que nous côtoyons. Seul le _Dolisie_, qui file librement dans cette mer intérieure, trouble la sérénité de la soirée. La vie animale est très rare, contraste frappant avec le fourmillement des êtres qui s’agitent le long des fleuves soudanais, tels que le Sénégal et le Niger. Pas un poisson ne révèle sa présence par un saut à la surface ; point de bandes d’oiseaux de rivage sur les sables découverts. Les troupeaux d’antilopes venant boire au fleuve, si communs dans le moyen Niger, sont inconnus ici. A peine si, deux ou trois fois par jour, on aperçoit un groupe d’hippopotames hors d’atteinte. Il semble que dans ces contrées toute la richesse de la nature se soit concentrée dans la végétation. A 6 h. et demie le bateau mouille dans une île pour faire du bois. Les laptots sont débarqués et toute la nuit en entend résonner leurs cognées dans la forêt. De temps en temps un arbre s’abat avec des craquements formidables. Le chant des cigales, des grillons, des coassements de grenouilles, tous les bruits de la forêt et du fleuve qui ont succédé, dès la nuit close, au silence de la journée, sont couverts par le fracas de ces chutes et jusqu’à l’aurore toute l’île est en émoi. _7 août, Likouba ou Likounda, après le confluent de l’Alima._ — La région que traverse le fleuve est encore une grande plaine basse sans aucune ondulation, mais le sol, au lieu d’être à fleur d’eau, émerge de quelques mètres au-dessus du niveau. Il en résulte une végétation toute différente : la forêt offre de larges éclaircies, et les grandes prairies d’_Andropogon_[7] complètement dépourvues d’arbres et d’arbustes, viennent finir à la rive. Ces éclaircies au milieu des bois et des marais sont toujours favorables à la culture. Aussi le village de Likouba contraste-t-il agréablement avec les misérables groupes de huttes que nous avons aperçus de très loin en très loin depuis notre départ de Brazzaville, sur la rive française. Des cases spacieuses d’indigènes, déjà peu vêtus, de belles plantations vivrières bordent le rivage. Les Bananiers et les _Elæis_ ombragent ces cultures. C’est la première fois que le Palmier à huile se présente en si grande quantité dans l’intérieur du Congo, mais ici, contrairement à ce qui existe à la Guinée, au Dahomey et au Bas-Niger, il est surtout exploité pour le vin de palme et non pour l’huile. Ce dernier produit se vendait depuis le confluent de la Léfini 0 fr. 75 le litre. Il valait à Brazzaville 1 franc. _7 août, entre Bonga et Loukoléla, après le confluent de la Sangha._ — A mesure que nous remontons, le pays devient plus varié : forêts, prairies, bois inondés, bancs de sable, alternent. Vers 1 h. et demie nous avons fait du bois à Likouala-Mossaka où est installée une petite factorerie française. De grands Rôniers marquent l’emplacement du village ; au Congo nous avons toujours vu ce palmier à proximité des habitations ou sur l’emplacement des groupements détruits. C’est le caoutchouc qui forme l’article principal du commerce de cette factorerie. La liane à gros fruits (_Landolphia Klainii_) croît d’ailleurs à proximité du village et ses fruits pyriformes d’un beau jaune, atteignant la grosseur de la tête d’un enfant, sont arrivés à parfaite maturité. Depuis le confluent de l’Alima nous rencontrons de véritables forêts de Copaliers, surtout dans les îles et sur la rive belge. Leurs troncs d’un blanc cendré, ne se ramifiant qu’à une grande hauteur, leur donnent l’aspect de nos hêtres, mais les rameaux s’étalent en parasol au lieu de dessiner un dôme arrondi. Les bois qu’ils forment ressemblent, vus du fleuve, à de grandes futaies de France. Ces arbres donnent le Copal dont on retrouve les concrétions après l’inondation, le long du fleuve, jusqu’aux Stanley-Falls. La gomme copal découle des arbres en grosses larmes qui jonchent la terre ; le sol contient parfois aussi des blocs de cette résine, déposés au cours des siècles à mesure que les arbres disparaissaient et que la forêt se reconstituait d’elle-même. Le Copalier du Haut-Congo appartient au _Copaiba Mopane_ Otto Kuntze, plante voisine du _Trachylobium hornemannianum_ qui fournit le copal de la Zambésie et de Madagascar. Sur les rives du fleuve le _Copaiba_ est presque toujours mélangé au _Berlinia_, autre Légumineuse arborescente dont les belles fleurs blanches, très parfumées le soir, avaient frappé d’admiration SCHWEINFURTH. En approchant de l’équateur, la végétation devient plus épaisse, les lianes montent à la cîme des plus hauts arbres ; parvenues aux sommets, elles s’étalent sur les branches ou retombent en longues guirlandes aux tons d’émeraude les plus divers, aux fleurs d’une variété de coloris infinie. Un _Combretum_, aux longs épis de fruits roses ou mordorés, se mêle en ce moment aux grandes fleurs des _Berlinia_. Le fleuve est tout bordé d’un arbuste qu’on distingue mal à distance, mais qui ressemble à s’y méprendre à des touffes de lilas couvertes de gerbes de fleurs blanches. Bientôt va commencer la luxuriante végétation équatoriale. Dans les forêts impénétrables, constituées par d’innombrables essences, les troncs séculaires pourrissent sur place, étouffés par les jeunes arbres de plus belle venue ou par les avalanches d’épiphytes : Fougères, Orchidées, lianes, _Ficus_ descendant au ras du sol après avoir enlacé l’écorce. Par endroits la forêt finit brusquement et de hautes herbes, dont les chaumes s’élèvent à plus de 3 mètres de hauteur (_Andropogon_, _Vossia_, riz sauvage) forment des prairies ininterrompues où viennent pâturer les hippopotames. A la hauteur du confluent de la Sangha nous en rencontrons de nombreux troupeaux, après surtout qu’une légère pluie, survenue dans l’après-midi, eut rafraîchi l’atmosphère. _8 août, avant d’entrer dans l’Oubangui._ — La forêt s’étend partout et recouvre même les îles innombrables qui remplissent le fleuve, large par endroits de 20 kilomètres. Le matin à 8 heures nous nous arrêtons un moment au village mangala de Kassa, situé en aval de Liranga. Il est abandonné depuis les troubles de la Sangha et beaucoup d’autres sont, paraît-il, dans le même cas. Les habitants, craignant notre intervention et nos répressions, ont fui dans la forêt où ils sont hors d’atteinte. Rien ne peut traduire l’impression lamentable que l’on ressent, à la vue des paillotes éventrées par les orages, des arbres fruitiers que les gens du bateau dépouillent sans raison avant la maturité, des champs de manioc négligés, où viennent se repaître les singes et les phacochères. Et pourtant tout cela représentait un effort considérable pour ces peuples que l’on dit apathiques. Il avait fallu conquérir sur la forêt ces quelques hectares de terres cultivées, lutter longtemps contre elle pour l’empêcher de reprendre sa place et maintenant elle va redevenir, pour des siècles sans doute, maîtresse du sol. Déjà les graines d’arbres ont germé dans les champs et les hautes herbes poussent sur les sentiers abandonnés. Ce village avait eu des cultures variées dont on retrouvait encore les traces. Outre le manioc doux et le manioc amer, formant la base de l’alimentation, on rencontre quelques belles plantations de grands bananiers, deux espèces de patates, deux espèces de tabac et le chanvre que l’on fume aussi, une tomate très amère employée pour assaisonner les mets indigènes ; le piment enragé (_Capsicum frutescens_) croissant jusque sous la forêt et complètement naturalisé, le _Tephrosia Vogelii_ cultivé par les pêcheurs[8]. Comme arbres fruitiers on ne rencontre que le papayer dont les graines se ressèment d’elles-mêmes autour des habitations et le citronnier à petits fruits qui atteint ici les proportions d’un arbre. Mais au milieu de toutes ces plantes alimentaires, ce que nous ne nous attendions guère à rencontrer et que nous avons pourtant vu en fruits, c’est une forte touffe de bananiers de Chine (_Musa sinensis_). Ce bananier, originaire d’Extrême-Orient, est, depuis quelques années surtout, cultivé dans presque toutes les colonies. C’est lui qui fournit « la banane des Canaries », la seule vendue sur les marchés de Paris et de Hambourg. Sa taille naine, ses feuilles petites, mais larges, d’un vert-glauque le font facilement reconnaître. Un rejeton mis en terre peut porter des fruits mûrs six mois plus tard. Ces fruits viennent par régimes très fournis portant jusqu’à 200 bananes qui mûrissent successivement et restent adhérentes à leur pédoncule. C’est un avantage incontestable, car les fruits de toutes les autres variétés, s’ils ont parfois plus de saveur, mûrissent souvent en une nuit après que le régime a été cueilli et se détachent aussitôt de leur pédoncule. Il paraît que c’est Mgr LE ROY qui a apporté le premier bananier de Chine au Congo français, et qui l’a fait cultiver au jardin de la mission de Libreville. Les Européens l’ont vite répandu dans tous les postes, et, à Brazzaville, en particulier, il en existe en plusieurs endroits de la ville. J’étais cependant loin de penser qu’il eût dépassé ce point et surtout qu’il fût entré dans la culture indigène. La forêt environnant le village est insondable ; sous la voûte des arbres et des lianes, on parvient à s’enfoncer de quelques centaines de mètres, mais bientôt le chemin est barré par des branches enlacées formant des obstacles infranchissables. Le botaniste maudit ces obstacles ainsi que la hauteur des arbres où les fleurs s’épanouissent hors de toute atteinte. Les géants de la forêt dans cette région sont des Légumineuses et principalement des Cæsalpiniées. Le Copalier à lui seul forme des futaies ininterrompues, le Fromager (_Eriodendron_) est aussi assez fréquent, mais il n’atteint pas les proportions de celui qui vit au Soudan nigérien. Ses feuilles sont actuellement tombées, ses capsules, d’à peine 5 centimètres de longueur, ne sont pas encore mûres. C’est très probablement une espèce nouvelle. Les Elæis assez communs, leurs panaches dégarnis de feuilles, indiquent qu’ils sont utilisés pour retirer du vin de palme ; l’huile produite par les fruits est également d’un usage courant dans le pays. _8 août (9 heures soir), Djoundou, à l’entrée de l’Oubangui._ — Nous avons pénétré sans transition dans la seconde grande artère fluviale du Congo, l’Oubangui, qui a, comme le fleuve où il se jette, plusieurs kilomètres de largeur. Il est comme lui semé d’îles basses, toutes boisées, et environné de forêts de Copaliers. A cette époque de l’année, ses eaux toutes jaunes sont très boueuses. Il draîne en effet une région où la saison des pluies bat son plein. A 8 heures du soir nous nous sommes arrêtés au village de Djoundou. Un sénégalais avec quelques miliciens bangalas garde seul le petit poste. L’Européen, chef de milice, est décédé quelques mois plus tôt et sa tombe modeste se dresse sur les bords escarpés du fleuve. Les croix funéraires sont généralement les premiers monuments qui frappent la vue, quelle que soit la région où on pénètre en Afrique, partout où l’Européen est déjà passé. Deux morceaux de bois, inhabilement cloués, à inscription effacée, marquent partout les traces de la pénétration de la race blanche, et le long de la ligne du chemin de fer belge, par exemple, ils indiquent, mieux que les maisons européennes, les points où ont dû se déployer les plus grands efforts. La mort d’un Européen installé dans le fond de la brousse, et même l’abandon du poste qu’il a fondé laissent heureusement quelque chose de plus durable. Longtemps après qu’il a disparu les arbres fruitiers qu’il a plantés persistent au milieu de la nature sauvage et attestent que son séjour a été bon à quelque chose. A Djoundou, les cases croûlantes, derniers restes du poste, sont environnées des vestiges d’un jardin potager, dans lequel se trouvent de beaux Manguiers, ainsi que des Citronniers et des Papayers déjà chargés de fruits. Nous en faisons le tour à la lueur d’une torche. Les quelques rares habitants qui n’ont pas abandonné le village sont misérables. N’ayant pour tout vêtement qu’un lambeau d’étoffe autour des reins, ils vivent de racines de manioc et de poisson fumé assaisonné avec l’huile d’_Elæis_. A cette heure de la nuit ils sont réunis par groupes de 4 ou 5 autour d’un flambeau brûlant des morceaux de la gomme copal de la forêt. Quelques-uns fument du tabac dans des cornes d’antilope en guise de pipe. _9 août (10 heures matin), Bokola, à proximité de l’Équateur._ — La forêt épaisse et sans clairières environne toujours le fleuve ; les troncs blancs des Copaliers et la couronne de palmes des _Elæis_ tranchent seuls sur la masse vert sombre uniforme. La forêt équatoriale couvre les plus petits îlots et sur les berges les guirlandes de lianes pendent jusqu’au ras de l’onde. De nouvelles espèces sont apparues. Les Cæsalpiniées dominent dans les bois comme arbres[9] ; ce sont au contraire les Landolphiées et les Combrétacées qui fournissent les lianes les plus fréquentes. Un nouveau _Landolphia_, à grandes fleurs blanches analogues à celles du _L. florida_, forme maintenant de véritables corbeilles de roses tout le long de l’Oubangui. _9 août (9 heures soir), Youmba._ — Nous avons dépassé l’Equateur et le village où nous nous arrêtons dans la soirée est environ par 0° 30′ N. Une factorerie européenne, dépendance d’une des concessions du Congo, est établie sur le fleuve. Son approvisionnement en objets de traite est à peu près nul et comme produits du pays elle n’a réussi à drainer en plusieurs mois que quelques centaines de kilogrammes de caoutchouc et encore moins d’ivoire. La plupart des habitants, effrayés par les répressions de la Sangha, se sont réfugiés dans la forêt. Ceux qui restent permettent de se faire une idée favorable de ces indigènes. Bien que très différents des Bangalas vus précédemment, ils feraient partie de la même peuplade ; tous ces groupements sont d’ailleurs sans aucune cohésion. Les hommes sont forts et d’une taille supérieure à la moyenne. Le corps cuivré est couvert de tatouages variés ; un lambeau d’étoffe européenne constitue, en général, le seul vêtement. Quelques femmes portent autour du cou des colliers massifs de cuivre ; pas de verroterie. La monnaie du pays est la barrette de cuivre ; on accepte aussi les bouteilles vides et les boîtes en fer blanc ayant contenu des conserves. Les cases couvertes en paille sont spacieuses, propres ; les indigènes ont des escabeaux, qui, chez les plus riches, sont ornés de clous en cuivre jaune. Comme animaux domestiques, ils possèdent des chiens, des cabris, des chats, des poules. Leurs cultures sont fort bien entretenues. Le manioc est peu répandu ; en revanche les bananiers sont représentés par plusieurs espèces et les papayers abondent. En fait de légumes on trouve des colocases, du piment, des tomates indigènes, des gourdes (_Lagenaria_), des courges et des ignames à tubercules amers. Nous avons remarqué surtout une variété d’aubergine violette absolument semblable à celle que donnent les graines de la maison Vilmorin semées au Congo. Cette plante provient certainement de cultures européennes. N’est-il pas intéressant de constater que ce peuple est capable de progrès puisqu’il a déjà pris au blanc deux plantes de culture, la banane de Chine et l’aubergine violette ? On remarque encore du tabac, du chanvre et du ricin. Sur les confins du village, à proximité de cases abritées par de grands arbres, j’ai rencontré un petit monticule de terre recouvert de tessons de poterie, de vases encore entiers, d’ossements d’éléphants et d’hippopotames. C’était sans doute une tombe. Mais ce qui m’a intéressé davantage, c’est de rencontrer, plantés sur ce tertre, deux arbres fétiches. L’un était une grande Euphorbe cactiforme qui ne paraît pas exister dans le pays à l’état spontané, l’autre était un jeune Kolatier couvert de fleurs. Il semble être là à sa limite méridionale, car nous ne l’avons pas rencontré plus bas. Ce Kolatier a été découvert au Gabon par M. BALLAY, alors compagnon de P. SAVORGNAN DE BRAZZA. Ses noix roses sont constituées par 4 à 6 cotylédons enveloppés dans une pulpe blanchâtre qui entoure le tégument. La saveur est moins amère que celle du Kola de la Guinée. De nombreux _Elæis_ entourent le village : ils sont exploités pour le vin de palme et les indigènes vont attacher leurs vases au haut en s’aidant d’un cercle comme les Diolas de la Casamance. Certains de ces _Elæis_ contiennent à l’extrémité de chaque feuille un nid de tisserins. Les oiseaux, pour recueillir les fibres nécessaires à leurs nids, ont littéralement dépouillé de leurs pennes les feuilles voisines, dont les rachis des feuilles pendent complètement nus, ne portant qu’un nid vers l’extrémité. _10 août (de 10 heures à midi). Village d’Impfondo, par 1° 30′ N._ — Depuis que nous sommes entrés dans l’hémisphère N. le climat et l’aspect général de la végétation ont subitement changé avec l’époque de l’hivernage. Les steppes arides et brûlés de la région de Brazzaville et du couloir, la forêt sans fleurs plus au N. nous avaient donné l’impression d’une nature endormie, à son stade de repos. Ici au contraire tout indique une végétation en pleine activité : la terre fraîche couverte des champignons les plus variés, les arbres de la forêt parés de fleurs, les troncs tapissés de fougères et de mousses fructifiées. Sur les bancs de sable même et dans les rues des villages une foule de petites plantes herbacées à croissance éphémère se sont développées à la faveur des pluies. De l’autre côté de l’Équateur, c’était la vie ralentie, ici au contraire c’est la vie en plein épanouissement. Pour la première fois, nous avons abordé tantôt à un village bondjo, Impfondo. Les Bondjos ont une piètre réputation ; leurs habitudes anthropophagiques ont été décrites par la plupart des voyageurs qui ont suivi l’Oubangui. Du temps de MAISTRE, en 1892, on trouvait encore des crânes humains devant chaque case et la plus belle parure d’une femme était un collier d’incisives humaines. Cela nous fut l’occasion de constater la rapidité avec laquelle changent actuellement les habitudes de ces noirs. Le collier de perles bayakas a supplanté, là comme ailleurs, les vieux ornements qu’on ne trouvera bientôt plus, ainsi que les armes (sagaies, flèches empoisonnées) que dans nos musées ethnographiques. Déjà en diverses régions de l’Afrique, à Saint Louis par exemple et à Tombouctou, on fabrique des armes, certains bijoux, uniquement comme objets de curiosité à l’usage des blancs qui veulent emporter un souvenir d’Afrique. [Illustration : FIG. 1. — Pipe des fumeurs de chanvre de l’Oubangui.] Ce n’est pas à dire que l’anthropophagie ait disparu sur les bords de l’Oubangui, mais elle s’y cache probablement davantage : c’est le commencement de la civilisation. Les Bondjos constituent d’ailleurs une des races les plus élevées de l’Afrique tropicale. Ce sont des individus robustes dont le corps couvert de tatouages très variés ne manque pas d’élégance. La peau est d’un noir fauve, parfois même cuivrée. Les cheveux sont courts ou même rasés sur diverses parties de la tête. Les hommes sont d’habiles pagayeurs, des pêcheurs et chasseurs passionnés. Vêtus d’une simple bande d’étoffe ou d’un pagne formé par un ceinturon de cordelettes pendantes, ils passent leurs journées sur le fleuve ou accroupis devant leurs cases. Les femmes tressent des nattes, font les filets, et préparent les aliments avec l’huile de palme et aussi, paraît-il, avec la graisse humaine. Il y a en outre des forgerons qui savent travailler le fer et le cuivre, des tourneurs qui font sécher leurs poteries au soleil. Les bananiers sont entretenus avec grand soin. Il en existe deux variétés : l’une à tronc vert et l’autre à tronc rosé, aux jeunes feuilles maculées de pourpre. Chez toutes les deux ce tronc s’élève jusqu’à 4 mètres et produit un gros fruit allongé qui peut atteindre 0m,40. Comme arbres fruitiers on trouve encore des papayers, des citronniers, ainsi qu’un arbre appelé dans le pays le Nsafou. L’_Elæis_ fournit en abondance le vin de palme et l’huile. Le Copalier donne la gomme résine employée par les Bondjos pour l’éclairage, concurremment avec l’huile de palme. Dans un vieux tesson de poterie on place une corde usée et quelques gouttes d’huile d’_Elæis_ ; c’est à la lueur de ce lumignon que les Bondjos veillent jusqu’à une heure avancée. Chaque village est composé d’un certain nombre de groupes de cases disséminées dans la forêt et réunies par des sentiers qui serpentent à l’ombre épaisse des grands arbres, ou sous des voûtes inextricables de lianes. Les habitations, construites en branches légères ou en rachis de palmiers, avec un toit élevé et couvert en feuilles de bananier, sont spacieuses et propres. _11 août (au matin), vers 3° N._ — Le cours de l’Oubangui devient plus régulier, s’encombre moins d’îles, et en beaucoup d’endroits, se resserre jusqu’à 800 mètres à peine. Les parties basses alternent encore avec les rives escarpées, surélevées de 3 à 8 mètres au-dessus du niveau actuel, bien que nous soyons à la période des hautes eaux. Ces berges sont taillées presque à pic dans des argiles compactes, jaunes ou rouges (variétés de latérites)[10]. Les rives sont aussi plus peuplées ; les villages dominent les falaises, et les engins pour prendre le poisson (nasses et barrages partiels) décèlent, tout le long du fleuve, la présence d’habitants. Il est rare que nous les apercevions, car en voyant arriver la _Dolisie_, les hommes valides s’enfuient dans la forêt insondable pour nous. Les Copaliers, les _Elæis_, les lianes, les gerbes énormes d’Orchidées épiphytes donnent à ces bois un aspect grandiose. Il semble aussi que la vie animale soit plus répandue. Depuis quelques jours DECORSE capture des insectes aux couleurs des plus chatoyantes, parmi lesquels prédominent les teintes vives comme le bleu, le rouge, le jaune. De nombreux petits oiseaux, passereaux et martins-pêcheurs, voltigent le long du fleuve. _11 août, Poste du Baniembé, Bétou ou village de Mongimbo._ — Une factorerie française s’est installée dans le village Bondjo, il y a quelques années, en plein pays anthropophage. Les opérations doivent être bien minimes ; cependant sur la porte de l’unique habitation nous voyons cette inscription « BUREAU DU DIRECTEUR ». Cela me rappelle le « défense d’entrer » du jardin de Koulikoro. _12 août, Isasa, vers 3° 30′ N._ — Hier soir vers 4 heures, après avoir été éprouvé par une violente tornade, le _Dolisie_ a fait escale à Isasa, petit village bondjo, prospère avant l’arrivée des concessionnaires, aujourd’hui anéanti. Nous avons assisté à une scène écœurante dont les acteurs étaient non les indigènes, mais les militaires européens qui voyageaient avec nous. Etant donné l’indifférence avec laquelle les officiers l’ont laissée accomplir, je suis porté à croire qu’elle doit être fréquente et maintenant je suis bien fixé sur la nature et l’origine des troubles qui se sont produits en février dernier dans la Sangha, et en juillet dernier ici même. L’Européen, principalement le concessionnaire, et le milicien sénégalais, quand il est livré à lui-même, font partout subir à l’indigène les vexations les plus cruelles, lui imposent les corvées les plus injustes, très souvent ils se livrent au pillage le plus effréné. Ma conviction est parfaitement établie depuis les 10 jours que je suis sur le _Dolisie_, entendant partout les imprécations des chefs de factoreries que nous visitons. Ce qu’ils disent peut se réduire à ceci : « L’indigène est une brute qui ne veut pas travailler pour nous, dont il n’y a rien à faire. Puisqu’il trouble constamment notre quiétude, qu’il ne se fait pas faute de récolter le caoutchouc dans la forêt qu’on nous a concédée, il faudrait le supprimer. Peut-être qu’ensuite, en amenant comme par ailleurs, des noirs d’autres régions on pourrait commencer l’exploitation de ce pays. » C’est absurde et odieux, et cependant une partie des officiers qui voyagent avec nous — particulièrement les plus haut gradés — approuvent ce raisonnement. Dès que notre bateau arrive devant un village, les indigènes, à la vue de tant de blancs, fuient épouvantés dans la brousse et ne reviennent que lorsque nous nous sommes éloignés. Isasa à notre arrivée était déjà presque détruit : la plupart des cases étaient éventrées et brûlées, les cultures abandonnées. D’après quelques laptots les habitants s’étaient retirés dans la forêt depuis la répression de Mongimbo et redoutant une attaque semblable, ils s’étaient mis à l’abri en lieu sûr ; d’après d’autres, le chef de la factorerie du Baniembé était venu lui-même avec ses hommes armés, avait saccagé le village, tué deux indigènes et c’est à la suite de ces faits que le village avait été en partie évacué. Quoiqu’il en soit, il restait encore occupé ; à notre arrivée, nous avions vu deux indigènes fuir dans le bois, un feu se consumait dans l’intérieur d’une case ; au milieu d’une autre il restait une charge de manioc frais, enfin on rencontrait partout des ustensiles divers, des fétiches, des poteries, du bois rouge pour le tatouage, etc. Pendant que je me livrais à cet inventaire, dans un coin du village plus à l’écart, j’ai aperçu, attiré par la fumée, des flammes qui s’élevaient des quelques cases d’où nous avions vu fuir les habitants précédemment. Bientôt toutes les habitations qui subsistaient encore devinrent la proie des flammes. Les noirs qui nous suivaient au Chari comme domestiques se livrèrent alors à leur maraude habituelle. Une heure plus tard, il ne restait que des monceaux de bois fumants, et des bananiers au feuillage grillé, condamnés à disparaître de tout ce village d’Isasa. Il était de toute évidence que le feu avait été allumé par des passagers du _Dolisie_ ; le chef du détachement ne chercha même pas à éclaircir le fait. Des actes semblables se produisent fréquemment sur les rives du Congo et de l’Oubangui. Ils expliquent l’abandon par l’indigène de ces riches et admirables vallées où la pêche le nourrissait aisément. Bientôt, si cette « politique » persiste, si l’incendie et la dévastation des villages ne s’arrêtent pas, si l’on réquisitionne toujours arbitrairement des pagayeurs et des coupeurs de bois tout le long de ces fleuves, si les concessionnaires ont toujours la liberté d’imposer telle où telle corvée qu’il leur plaira aux habitants et de mettre l’embargo sur tout ce que ces derniers possèdent[11], le Congo, l’Oubangui, la Sangha verront leurs rives complètement désertées et la quantité de produits que l’on tire de ces riches contrées, déjà très minime, décroîtra jusqu’à devenir nulle. L’un des prétextes de l’intervention européenne dans la vie des noirs, fut d’empêcher les guerres de village à village, l’esclavage, l’anthropophagie. Mais pour accomplir cette œuvre, qui serait vraiment belle et humaine, il faudrait procéder avec méthode, avec justice, avec le calme qui convient à une race supérieure. Ce serait encore par la pénétration lente mais sûre de nos habitudes que l’on transformerait ces pays, qu’on amènerait l’indigène à les faire produire, que les peuples « civilisés, » pourraient en tirer parti. Le noir à notre contact, éprouve des désirs de luxe et de bien-être qu’il ignore aujourd’hui, tant son existence est simple et facile. La forêt lui donne du bois pour se chauffer, du copal pour s’éclairer, l’_Elæis_ lui fournit l’huile pour préparer ses aliments et le vin de palme pour se désaltérer ; le poisson est abondant dans les rivières, la chasse peut lui procurer de la viande s’il en désire et s’il veut faire un petit effort (ce qui n’arrive guère dans l’état actuel de sa civilisation), il trouvera dans l’écorce des arbres de quoi se vêtir. Il ne tire même pas parti de certains produits de la forêt, produits que d’autres races recherchent avec avidité et font venir de grandes distances, comme le café et le kola. Lorsque tout cela ne lui suffira plus, quand la femme bondjo mettra sa coquetterie à avoir non plus des morceaux de verroterie et quelques anneaux de cuivre, mais des bijoux plus coûteux, lorsque enfin les étoffes de nos manufactures, les produits alimentaires, sucre, sel, conserves, trouveront des demandeurs, ce jour-là, l’Afrique noire travaillera sans contrainte, elle produira, et au lieu de rester en dehors du monde comme elle l’a fait jusqu’à ce jour, elle parviendra à la civilisation générale. L’espoir d’accroître immédiatement la production de ces vastes forêts en les morcelant en immenses concessions était absurde. On ne transforme pas un pays du jour au lendemain, et le bon vouloir d’une société ne suffit pas, pas plus que la force brutale n’y suffirait, pour faire produire et consommer un peuple d’une civilisation rudimentaire. Il faut du temps, des capitaux employés sur place et des hommes d’élite sérieusement rémunérés. Il serait d’ailleurs profondément injuste de refuser aux races de l’Oubangui une certaine intelligence et de leur attribuer une inaptitude absolue au travail. Le peuple bondjo ne vit pas seulement de la forêt, il a ses lougans, ses animaux domestiques : moutons, chèvres, porcs, chiens, chats, poules, canards. J’ai profité de l’abandon du village d’Isasa pour faire un inventaire aussi complet que possible des plantes cultivées ou naturalisées. Si le degré de civilisation se mesurait au nombre des conquêtes végétales, les Bondjos seraient parmi les peuples les plus élevés d’Afrique. La culture entretient en effet trente espèces au moins de plantes utiles étrangères au pays. Le manioc doux et le manioc amer occupent de vastes champs et forment le fond de l’alimentation. On rencontre en outre le bananier à gros fruits (bananes cochon) et le bananier à fruits sucrés, l’un et l’autre présentant plusieurs variétés ; trois espèces de patates, un _Dioscorea_ à tubercules[12], un _Colocasia_ à tubercules et feuilles comestibles ; deux espèces de pourpier ; une amarante dont on mange les feuilles, le gombo (_Ibiscus esculentus_), deux espèces de piment, deux espèces de tomates-aubergines, plusieurs variétés de courges (_Cucurbita_) et de calebasses (_Lagenaria_). On cultive encore le tabac, le chanvre (pour fumer), le _Tephrosia_ (pour capturer le poisson). Comme céréales, les Bondjos possèdent le maïs[13] et le sorgho[14]. Parmi les arbres fruitiers observés, le papayer, très abondant, donne des fruits ovoïdes de la grosseur du poing, plissés à la base. Leur chair est succulente et très fine quand elle est bien mûre. Il se trouve aussi quelques citronniers à petits fruits ; enfin le Nsafo ou Nsafou (en bas Congo), Térébinthacée dont le fruit rappelle par son parfum et sa saveur la mangue. Enfin on rencontre parfois à proximité des cases quelques plantes ornementales, introduites sans doute comme fétiches. De ce nombre sont trois ou quatre espèces d’Euphorbes cactiformes, quelques Amaryllidées et Liliacées ornementales, un beau _Dracæna_ à larges feuilles, enfin le Kolatier dont on n’utilise pas les fruits. Toutes ces plantes, à l’exception du manioc, des patates et des bananiers, sont malheureusement cultivées en très petite quantité et on n’en rencontre que quelques pieds dans chaque village. COURTET, en explorant le village, a retrouvé la forge et une grande pierre qui servait à aiguiser les armes. Ces dernières sont forgées avec une habileté extrême qui étonne même les connaisseurs. Les flammes ont consumé des meubles en bois, grossièrement sculptés : sièges, petits bancs, petites pirogues longues de quelques décimètres dont s’amusaient les enfants, des boucliers assez finement travaillés, des statuettes grossières, tous objets qu’il eût été intéressant de rapporter, mais nous sommes trop loin de l’époque de notre retour pour nous embarrasser de collections ethnographiques. _13 août (10 heures du matin), environs du confluent de la Lobaï._ — Le _Dolisie_ longe la rive française par un temps superbe rafraîchi par la tornade d’hier. Les berges, qui étaient presque constamment escarpées depuis 2° N. et qui dominaient le niveau de l’eau de près de 8 mètres à Mongimbo, se sont abaissées à mesure que nous approchions du confluent de la Lobaï. La forêt qui nous environne est toujours aussi épaisse et, par cette belle matinée, les teintes les plus variées se détachent parmi le fouillis des arbres et des lianes. On y distingue tous les verts : la couleur vert sombre domine, mais les tons clairs, depuis le vert d’eau, le vert bleu, le vert d’herbe, le vert jaune, le vert rose des jeunes pousses de certains arbres, le vert violacé de quelques autres, apportent une infinie variété de tonalités. Des multitudes de papillons tourbillonnent jusqu’à la cîme des arbres. J’observe pour la première fois l’abondance d’un lichen, l’_Usnea barbata_, qui, d’une taille de quelques centimètres sur les chênes de France, enchevêtre ici toutes les branches de ses longs filaments glauques qui ont jusqu’à 1 mètre de longueur. Une demi-heure avant d’arriver à la Lobaï, la rive se relève de nouveau et sur l’escarpement est bâti un village, dont les fromagers, les palmiers (_Elæis_) et les bananiers se détachent sur le fond ensoleillé de la forêt. [Note 2 : FRANTZ D’HERLYE, _Lettres sur le Congo_ (LA NOUVELLE REVUE, 1904), p. 375.] [Note 3 : Tous les trois morts au Congo en plein travail, après y avoir fait de fructueuses découvertes d’histoire naturelle.] [Note 4 : Plus tard nous avons rencontré dans le pays de Senoussi d’autres Landolphiées qui présentent les mêmes propriétés.] [Note 5 : Le vapeur _Albert Dolisie_ a 14 mètres de long, jauge 20 tonnes. En service depuis 1898 il effectue chaque mois le trajet de Brazzaville à Bangui, soit 1400 kilomètres, en 12 jours à la remontée, 8 à la descente. Comme tous les vapeurs du Congo, il est obligé de venir à la rive tous les soirs pour que l’on coupe le bois nécessaire au chauffage.] [Note 6 : Les arbres atteints par l’inondation montrent souvent, quand l’eau s’est retirée, des parties couvertes de grosses éponges siliceuses.] [Note 7 : Remarqué une grande prairie d’herbes courtes ne dépassant pas 0m,80 de haut. Le fond est formé par des _Andropogon_, des _Pennisetum_, et dans les parties plus humides on trouve un riz à grosse paille très tendre. Il semble possible de constituer ici une plantation.] [Note 8 : Les feuilles de cette plante narcotique, projetées dans l’eau, stupéfient le poisson qu’il est ensuite très facile de capturer.] [Note 9 : A noter aussi plusieurs espèces de _Ficus_ et de nombreuses Zingibéracées.] [Note 10 : Au village de Kassa, en aval de Liranga, j’avais déjà observé des latérites sous forme de blocs de grès ferrugineux excavés.] [Note 11 : Cela même sur les animaux domestiques, sous prétexte que ce sont des produits du sol.] [Note 12 : Mossanga en bondjo.] [Note 13 : Ndo en bondjo.] [Note 14 : Ndi en bondjo.] CHAPITRE II LE HAUT-OUBANGUI I. De Bangui à Fort-Sibut. — II. De Fort-Sibut à la Haute-Kémo et à la Haute-Ombella * * * * * I. — DE BANGUI A FORT-SIBUT Avant de parler de nos études poursuivies pendant plusieurs mois (du 15 août au 15 novembre 1902) dans la région de l’Oubangui, où travailla MARTRET, nous croyons utile de présenter un court historique de l’exploration de ces régions. La découverte de l’Oubangui est de date relativement récente. La partie haute du cours (Ouellé) et de plusieurs des affluents avait été observée autrefois par l’Allemand G. SCHWEINFURTH, par le Russe JUNKER (1880-1883), par le Grec POTAGOS, mais ces voyageurs venus par le bassin du Nil n’avaient pu savoir ce que devenaient plus loin les rivières rencontrées. En 1884 GRENFFELL découvrit l’Oubangui supérieur jusqu’à Zongo et trois ans plus tard VAN GÈLE remonta jusqu’au confluent du Mbomou. Ils relevaient le cours du fleuve mais les rives demeuraient totalement inconnues. C’est seulement à partir de 1890 que commence la pénétration méthodique dans le pays qui nous occupe. Pendant près de 5 années, Belges et Français luttèrent de vitesse. Le partage de ces pays n’avait pas été fait en termes suffisamment précis par le protocole du 29 avril 1887 qui nous attribuait la possession de tous les territoires de la rive droite de l’Oubangui, si toutefois ces territoires étaient situés au N. du 4e parallèle. Les premiers, les Belges établirent un poste à Zongo, sur le Haut-Oubangui près du 4e parallèle. En 1890 PONEL franchit les rapides de Bangui où il fonda un poste, remonta l’Oubangui jusqu’au 5e parallèle et releva le cours de cette grande rivière jusqu’au Kouango. Au retour de sa mission dans la Haute-Sangha, GAILLARD, auquel étaient adjoints HUSSON, BLOM, DE POUMAYRAC et DE MASREDON est envoyé sur l’Oubangui, dont il remonta le cours en amont du Kouango jusque chez les Yakomas ; il fonda les postes de Mobaye et des Abiras. Peu de temps plus tard, M. LIOTARD, alors pharmacien de la marine, vint continuer la pénétration. Son second DE POUMAYRAC fut traîtreusement assassiné par les Boubous au début de 1892. La même année, le duc d’UZÈS, en compagnie du lieutenant JULIEN et de JEAN HESSE, tenta de pénétrer plus loin, mais il fut obligé de revenir en arrière et vint mourir à la côte. Cependant les Belges, interprétant à leur profit la convention de 1887, prétendent avoir le droit d’occuper tous les pays situés au N. de l’Ouellé et même du Mbomou. Ils envoyèrent vers le N. plusieurs missions : 1o celle de NILIS et DE LA KÉTHULLE qui, partis de Rafaï, suivirent la vallée du Chinko, affluent du Mbomou, franchirent la ligne de faîte du Nil près des mines de Hofrat-en-Nahas et s’arrêtèrent à Katuaka sur l’Ada, affluent du Bahr-el-Ghazal (juin 1893) ; 2o celle du lieutenant DONCKIER DE DONCEEL qui occupa Leffi, village situé entre Katuaka et Dem-Ziber ; 3o celle du lieutenant HANOLET qui pénétra jusqu’à Mbélé, dans le pays de Senoussi. LIOTARD, ne disposant que d’un personnel très insuffisant, était impuissant à empêcher les empiètements des agents de l’Etat indépendant dans les territoires qui nous étaient reconnus par la convention de 1887. En 1893, le gouvernement décida de renforcer notre action dans l’Oubangui et projeta d’y envoyer une expédition confiée au lieutenant- colonel MONTEIL. L’expédition devait être assez forte ; mais le départ de son chef était sans cesse ajourné parce que l’on espérait résoudre le conflit par des négociations en Europe. Ce fut son second, le commandant DECAZES, parti en avant-garde, qui eut, à la fin de 1893 et au commencement de 1894, la tâche délicate et pénible de soutenir nos droits en face des agents de l’Etat indépendant. Il était accompagné des lieutenants VERMOT et FRANÇOIS ; à Brazzaville le Dr VIANCIN et COMTE se joignirent à la mission. DECAZES arrive à Mobaye où il se rencontre avec LIOTARD. FRANÇOIS reconnaît le cours inférieur de la rivière Kotto, VERMOT relève une partie du cours du Chinko, BOBICHON explore les territoires situés entre la Kotto et la rivière Bangui, tandis qu’en mars 1894, JULIEN remonte la Kotto jusqu’à Magba. Après l’arrangement du 14 août 1894, les Belges durent évacuer les postes qu’ils avaient fondés sur la rive droite du Mbomou. A la fin de 1894, LIOTARD revint dans le Haut-Oubangui en qualité de commissaire du Gouvernement. Avec ses collaborateurs BOBICHON, Dr CUREAU, capitaine HOSSINGER, lieutenants CHAPUIS et MAHIEU, enfin l’interprète GRECH, il occupa les quatre sultanats de Bangassou, Rafaï, Zémio et Tamboura, ce dernier situé dans le bassin du Nil, ainsi que l’ancienne zériba de Ziber-Pacha, complètement anéantie par les Derviches quand GRECH alla en prendre possession en avril 1897. Le Haut-Oubangui était déjà occupé et des postes français étaient fondés dans le bassin du Nil lorsque la mission MARCHAND arriva dans cette contrée, vers le milieu de 1897. Les événements survenus par la suite sont connus de tous les coloniaux. Rappelons seulement comme ayant contribué à la connaissance géographique de ces régions les faits suivants : pendant l’année 1897 le lieutenant de vaisseau HENRI DYÉ, commandant de la flottille de la mission MARCHAND, fit de nombreuses observations astronomiques qui permirent de rattacher à des bases précises les itinéraires publiés ensuite dans les cartes de la mission MARCHAND. A la même époque, BRUEL, installé à Mobaye, commençait ses observations sur la météorologie du centre de l’Afrique. La mission de A. BONNEL DE MÉZIÈRES (1898-1900) rapporta surtout d’intéressants résultats commerciaux. Cependant le beau voyage de CHARLES PIERRE, membre de cette mission, qui effectua seul un itinéraire de 750 kilomètres à travers des contrées nouvelles et parvint à relier le Haut-Oubangui à Ndellé, est à retenir. Plus récemment le lieutenant BOS et l’administrateur SUPERVILLE remontaient la Kotto jusque près de ses sources. SUPERVILLE installait plusieurs comptoirs commerciaux le long de la Kotto jusqu’au contact du pays de Senoussi. Enfin la compagnie des Sultanats de l’Oubangui qui a repris, en les étendant, les opérations de la mission BONNEL DE MÉZIÈRES, a créé des factoreries chez Bangassou, Rafaï et Zémio pour l’achat du caoutchouc et de l’ivoire. Ce n’est pas seulement les contrées du Nil que les expéditions françaises avaient cherché à atteindre aussitôt après la création du poste de Bangui, le lac Tchad était aussi leur objectif. Pour parvenir à son bassin, en venant du Congo, il fallait traverser une zone de 150 ou 200 kilomètres de brousse, arrosée par les affluents les plus septentrionaux de l’Oubangui. PAUL CRAMPEL fut le premier à s’y aventurer, dans le courant de l’année 1890. Nous verrons dans un chapitre suivant comment il périt après avoir atteint les affluents orientaux du Chari. J. DYBOWSKI, envoyé par le _Comité de l’Afrique française_ en 1891 pour renforcer la mission CRAMPEL, apprit le désastre en cours de route. Il n’en continua pas moins le voyage, et de septembre à décembre 1891 il séjourna dans le Haut-Oubangui, principalement dans la partie arrosée par la rivière Kémo ; après avoir dépassé la ligne de partage des eaux de l’Oubangui et du Chari, il dut rentrer malade en France, rapportant avec lui de magnifiques collections qui furent les premiers documents scientifiques importants de ces régions parvenus en Europe. CASIMIR MAISTRE arriva l’année suivante. Il poursuivait toujours le même but politique « la conquête du Tchad ». Il séjourna aussi quelques mois avec ses compagnons CLOZEL, DE BÉHAGLE, BONNEL DE MÉZIÈRES et BRIQUEZ au N. de l’Oubangui dans la partie arrosée par les rivières Ombella, Kémo et Tomi ; finalement il pénétra dans le bassin du Chari et revint par la Bénoué et le Niger après avoir accompli un très long itinéraire à travers des contrées totalement inconnues. Quatre ans plus tard (1896), GENTIL tentait à son tour, et cette fois avec plein succès, de se rendre de l’Oubangui au Tchad. Il séjourna presque une année entière à la Nana sur la limite des deux bassins. Mais en cet endroit la mission ayant trop de difficultés à vaincre (montage du vapeur le _Léon Blot_) pour se consacrer à l’exploration, reconnut cependant quelques rivières. En 1898, DE BÉHAGLE passa de la Haute-Kémo dans le bassin du Haut-Gribingui et visita le Kaga Mbré pendant que son compagnon MERCURI remontait la Haute-Tomi et allait ensuite à Ndellé chez Senoussi. Mais c’est surtout pendant la seconde mission GENTIL, de 1899 à 1901, que l’exploration de la partie du bassin de l’Oubangui, dépendant du territoire du Tchad, fut poussée avec le plus d’activité sous la direction de l’administrateur BRUEL. Dans cette région et dans le Haut- Chari 4.000 kilomètres furent levés à la boussole par les officiers de passage, par les fonctionnaires, notamment ROUSSET, ou agents en service dans la région. BRUEL prit personnellement une large part à ces travaux, il fixa de nombreuses positions astronomiques, fit de consciencieuses observations météorologiques. Il a continué ces études pendant un nouveau séjour en 1903 et 1904 et il est incontestablement l’homme qui connaît le mieux la géographie et la météorologie de cette contrée. En 1901 et 1902, quelques officiers et fonctionnaires, placés sous les ordres du lieutenant-colonel DESTENAVE, firent encore plusieurs reconnaissances, de sorte que la région comprise entre Bangui et Fort- Crampel (bassins de l’Ombella et de la Kémo et Tomi) que nous allions parcourir pour en étudier les productions, les habitants, la flore et la faune, commençait à être bien connue au point de vue géographique. _Bangui, 15 août._ — L’_Albert Dolisie_ arriva à Bangui dans la nuit du 14 août. Nous touchions le point extrême où les bateaux à vapeur peuvent remonter. Là, l’Oubangui a son cours barré par des rochers de quartzites ; il s’infléchit vers l’E., puis vers le N.-E. et sur une longueur d’environ 60 kilomètres une série de barrages entravent la navigation. Le poste est situé dans un cirque de collines abruptes par 4° 20′ N. Il est bien en dehors de la grande forêt qui s’arrête par 3° 45′ environ. Cependant une bordure forestière, qui a par places plus de 2 kilomètres de large, environne encore le fleuve. La colline qui se dresse au-dessus du poste est elle-même couverte de beaux arbres assez rapprochés les uns des autres pour former une épaisse futaie. La plupart des essences rencontrées là sont les mêmes que celles vues dans la forêt équatoriale. Parmi les arbres les plus intéressants j’ai noté la présence des Copaliers, de l’Iré (_Funtumia elastica_) ou arbre à caoutchouc, du Kolatier du Gabon (_Cola Ballayi_). Nous espérions trouver à Bangui, poste aménagé depuis plus de 10 ans, un abri pour nous installer provisoirement et faire le groupement de tout notre matériel de mission avant de _partir dans le haut_ (c’est ainsi qu’on désigne le voyage vers le Tchad). Mais pour recevoir les trente Européens qui débarquèrent le 15 août au matin sur la bande de sable déposée par le fleuve, il y avait seulement deux mauvaises cases où quatre personnes au plus pouvaient être à l’aise. Notre résolution fut vite prise d’aller monter nos tentes dans la forêt. A 300 mètres en aval du débarcadère se dressait une haute futaie de fromagers et de copaliers formant un demi-abri contre les pluies, car l’hivernage battait son plein et nous ignorions le temps qu’il faudrait passer en cet endroit. Notre installation terminée, nous prîmes contact avec le pays et ses habitants. J’eus le grand plaisir de rencontrer là M. CHARLES PIERRE qui était venu pour affaires de Rafaï à Bangui. On éprouve toujours un véritable bonheur à pouvoir causer avec quelqu’un qui aime la brousse. Personne ne connaît mieux que PIERRE les sultanats du Haut-Oubangui. A cette époque il les avait déjà fréquemment parcourus ; et y avait tué une cinquantaine d’éléphants ; aussi lorsque j’appris, 18 mois plus tard, qu’il avait refait seul le voyage de MARCHAND, de l’Oubangui au Caire, je n’ai point été surpris. Nous avions, à proximité de notre camp, un village de Mbouakas que je visitai fréquemment. Leur installation ressemblait beaucoup à celle des Bondjos, vus les jours précédents, mais ils étaient encore plus misérables. En cette saison ils vivaient presque exclusivement de chenilles[15] et de petits coléoptères, allant en récolter chaque jour de pleins paniers. Ils faisaient aussi une grande consommation de champignons, qu’ils mettaient à sécher sur la toiture des cases avant de les faire cuire. L’un de ces derniers, très apprécié des indigènes et nommé par eux le Toulou, est une Agaricinée ; le Bodé, très gros bolet jaune, est d’un usage fréquent ; c’est sans doute le « Tabouret du crapaud » des Niamniams, vu jadis par SCHWEINFURTH. Il existerait enfin dans les bois une espèce vénéneuse que les indigènes se gardent de récolter. D’après le P. BEAUCHÊNE, ces Mbouakas sont très différents des Bondjos et se rattachent au contraire aux Bouzérous et aux Bouzéis de l’intérieur qui sont probablement des Mandjias. Au contraire les Bagas qui vivent plus en amont sont des Bondjos. Ils ne s’étendent pas au-delà des rapides de l’Éléphant ; leur langue est très variable d’un village à l’autre. Quant au nom de Bondjo les indigènes ne l’emploient jamais pour désigner telle ou telle peuplade et les missionnaires ne sont pas éloignés de croire que cette appellation a été donnée par les premiers Européens venus dans le pays. Les indigènes les auraient accueillis par les cris de « Bounjou ! Bounjou ! » (Bonjour !) expression par laquelle les pagayeurs du fleuve saluaient les Blancs. Les premiers explorateurs crurent que ces cris désignaient le nom de la peuplade et l’appellation Bondjo ne tarda pas à être inscrite sur les cartes. Je n’ai point pu pour ma part approfondir la question et je rapporte simplement l’explication qui m’a été donnée. Les Bandas désignent ces Bondjos sous le nom de Karas. Enfin il existe en arrière de Bangui la peuplade des Dongués qui serait intermédiaire entre les Bondjos et les Banziris. Une course botanique à quelques kilomètres du poste me conduisit dans un village très différent de ceux que nous avions observés précédemment. Il était installé en dehors de la bordure forestière avoisinant le fleuve, au milieu d’une brousse claire déjà peuplée d’une partie des essences du Soudan (_Caillea dicrostachys_, _Bauhinia reticulata_, _Gardenia Thunbergia_). Les habitants étaient des Ndrès (ou Ndris), ce sont des Bandas. De toutes les peuplades de cette grande famille c’est celle qui s’avance le plus vers la forêt. Au dire du P. BEAUCHÊNE la véritable appellation de cette tribu serait Nguélé[16]. Les Nguélés habitaient autrefois loin du fleuve et vivaient surtout de la culture du manioc, des patates et des Coleus à tubercules. Ils sont venus se fixer à proximité du poste de Bangui pour se soustraire aux incursions de leurs voisins. Une partie des renseignements relatés ci-dessus me furent donnés à la mission de Saint-Paul des Rapides, fondée un peu en amont de Bangui, par Mgr AUGOUARD il y a une dizaine d’années. Je recueillis là beaucoup de renseignements utiles sur la flore du pays. J’appris à connaître les deux espèces de caféier qui vivent incontestablement à l’état sauvage le long de l’Oubangui. Les indigènes n’en tirent aucun parti, n’ont pas même de nom indigène pour désigner cet arbuste. Quelquefois nous avons vu des enfants cueillir les petites baies rouges bien mûres des caféiers, en sucer la pulpe sucrée et rejeter ensuite les graines c’est- à-dire la seule partie que nous utilisons pour faire le café. Quelques botanistes ont émis l’hypothèse que les caféiers du Congo et de l’Afrique centrale pouvaient bien être simplement naturalisés et non spontanés. Que n’ont-ils vu comment vivent ces arbustes dans l’Oubangui et constaté l’indifférence des indigènes à leur égard ! Il n’y a pas plus de 6 ans que la mission a commencé à planter des caféiers pour sa consommation. Elle a donné la préférence à une variété qui a de grandes feuilles et s’élève jusqu’à 5 et 6 mètres comme le caféier de Liberia, mais donne un grain beaucoup plus petit. C’est une espèce que nous croyons nouvelle et que nous avons nommée _Coffea silvatica_ (A. Chev.) Elle semble toutefois bien voisine du _Coffea Staudtii_ (K. Schum.) du Cameroun et du _Coffea Dewevrei_ (de Wild.) du Congo belge et peut-être faudra-t-il identifier plus tard ces trois espèces décrites avant d’être suffisamment connues. Il existe une belle plantation de ce caféier dans l’enceinte de la mission : des arbustes âgés seulement de 5 ans étaient déjà chargés de baies et nous avons compté jusqu’à 30 grains par verticille. Une deuxième espèce, plus petite, ressemble beaucoup au caféier d’Arabie, c’est le _Coffea congensis_ qui vit exclusivement sur les berges inondées des fleuves à la saison des pluies. [Illustration : FIG. 2. — Deux _Eriodendron anfractuosum_ à Bangui.] Une partie des arbres de la bande forestière avaient leur tronc enlacé par un poivrier sauvage. Les rameaux parvenus sur les branches retombaient en longues guirlandes au feuillage d’un vert sombre sur lequel tranchaient les grappes formées de petites baies d’un rouge cerise. Les grains sont peu aromatiques et ne sauraient entrer dans la consommation européenne, bien qu’on en ait fait parfois usage en Afrique. Des spécimens de ce poivrier ont été rapportés en Europe et étudiés par CASIMIR DE CANDOLLE dans ses monographies de Pipéracées ; il les rapporte au _Piper guineensis_ (Schum. et Thonn.) découvert autrefois à la Gold-Coast, et c’est aussi à cette espèce que doit être identifié le _Poivre du Kissi_ provenant de la Haute-Guinée française. Dans les parties ombragées des hautes futaies avoisinant l’Oubangui, arbres et arbustes sont couverts de fougères grimpantes et d’orchidées épiphytes en aussi grande quantité que dans la forêt, parmi lesquelles on rencontre une vanille sauvage, non utilisable. Il est très rare que les fleurs produisent des gousses et ces dernières sont petites et très peu parfumées même après fermentation. Un naturaliste pourrait s’occuper à Bangui pendant plusieurs mois : la flore et la faune sont extrêmement riches, car aux types de la forêt qui subsistent encore, sont venus s’ajouter les types de la zone guinéenne. C’est une région mixte qui tient à la fois de la forêt et de la grande brousse. Nous avions pourtant hâte de gagner les territoires du Nord où le véritable champ de nos recherches résidait. Comme les baleinières promises par l’administration se faisaient attendre, je crus préférable de louer à une compagnie commerciale un grand chaland en acier qui permettait d’emmener d’un seul coup tout le personnel et le matériel de la mission. Ce fut une détestable combinaison. Le boat massif et lourd n’était point étanche, de plus il était aussi mal conditionné que possible pour naviguer dans le cours torrentueux de l’Oubangui tout encombré de rapides. Notre voyage à la Kémo, qui prend ordinairement cinq jours, dura du 20 août (matin) au 30 août (soir) et demanda de très grands efforts à mes trois dévoués compagnons. Si l’on ajoute que deux jours sur trois l’eau tomba à torrents, que les villages de la rive française étaient presque déserts et complètement dépourvus de vivres frais, que la ration de nos pagayeurs vint à manquer, on comprendra quel mauvais souvenir cette étape a laissé dans notre mémoire. Je transcris ici presque littéralement les notes de mon carnet de voyage. _20 août._ — Nous partons le matin avec sept boys, vingt-deux pagayeurs et deux tonnes de bagages. Pour éviter les premiers rapides nous faisons filer les pagayeurs avec le chaland et nous allons embarquer à la mission installée au bord du bief supérieur. L’embarcation avance péniblement en côtoyant les rives boisées ; les branches penchées sur le fleuve nous incommodent et dès le premier jour emportent le toit en paille (_chimbeck_) que nous avons construit pour nous protéger du soleil. Le soir à 3 heures nous arrivons au village mbouaka de Mbata. Presque tout notre papier à herbier a été mouillé ; la plus grande partie de la nuit se passe à le sécher. Les épis de maïs[17] ont été récoltés depuis quelques jours seulement et les indigènes nous disent qu’il ne leur en reste presque plus. La petite tomate-cerise est naturalisée en abondance sur les berges du fleuve à l’entrée du village et croît en compagnie des ricins également naturalisés, des amarantes, du pourpier, et du bentamaré (_Cassia occidentalis_). De nombreux colatiers existent dans le village. Aux environs quelques beaux palmiers rôniers profilent leurs panaches de feuilles en éventail. Ils sont très localisés et il est peu probable qu’ils vivent là dans leur patrie. _21 août._ — Les berges de l’Oubangui que nous côtoyons sont couvertes de gros troncs moussus penchés sur l’eau et tordus. Ils affectent des formes étranges ; les troncs, dénudés à la base, laissent pendre, à partir d’une certaine hauteur, de grosses racines adventives ramifiées qui viennent plonger dans l’eau, entre lesquelles s’embusquent les oiseaux pêcheurs et parfois les crocodiles. Souvent, au bout des branches des arbres, les lianes aux troncs tordus pendent en longs festons qui dévalent de la cîme de leurs supports en formant une véritable draperie. Les Orchidées et les Aroïdées épiphytes, les longues chevelures des _Usnea_, les frondes plaquées des _Platycerium_ décorent au contraire la partie du tronc et des branches cachées sous l’ombrage épais. Il est impossible de rendre l’exubérance et la beauté de cette végétation. C’est un coin de la puissante forêt vierge où la concurrence vitale atteint son maximum, où les plantes se disputent un coin au soleil : pour elles c’est toute la vie, car l’eau et l’humus ne font là jamais défaut. Parmi les arbres qui sont penchés sur le fleuve, les plus caractéristiques sont les suivants : un grand _Parinarium_ assez semblable au _P. excelsum_, le _Codarium nitidum_, le Copalier, enfin l’_Irvingia Smithii_ dont les gros fruits rouges flottent sur les eaux en grande quantité et sont mangés par les poissons. Parfois les rives sont moins abruptes et les bords sont vaseux, ce qui a permis à une foule d’arbustes et de petites plantes herbacées de s’y établir et de s’y grouper par colonies : quelques-unes, comme les _Ipomœa_ à coupes écarlates, ont des fleurs très belles. On trouve aussi le terrible _Mimosa asperata_, aux têtes de fleurs violacées, aux aiguillons si piquants. Le pied de cette plante baigne dans l’eau et le clapotement produit par le mouvement rythmé de nos pagayeurs suffit pour mettre les feuilles dans la position du sommeil. Par places aussi on observe des îlots de la graminée saccharifère du Niger, le _Panicum Burgu_. A 10 heures du matin, nous passons au village de Bongissa établi sur une falaise escarpée haute de 10 à 12 mètres. Le mil sauvage croit à la base des berges et baigne dans l’eau. La rive belge apparaît constituée par de hauts coteaux dénudés couverts de grandes graminées en cette saison. Ils rappellent les mamelons qui se trouvent dans le couloir du Congo, comme eux ils sont privés d’arbres, et présentent seulement des lignes de végétation correspondant aux ravins qui descendent des hauteurs. Le soir nous arrivons au village mbouaka de Mbongano. Les habitants se plaignent amèrement des déprédations commises par les miliciens sénégalais et yacomas placés près d’eux comme garde-pavillons. Un certain Samba-Bambara est la terreur du pays. Il est tous les jours en maraude. Il enlève par ici des poulets, du manioc, des bananes, par là des femmes. C’est cela qu’on appelle lever l’impôt ! Bien que je n’aie point une foi absolue dans ce qu’on me raconte, il ne me paraît pas non plus que ce soit impossible. J’estime beaucoup les Sénégalais et les Soudanais, mais je sais aussi ce qu’ils sont capables de faire quand on ne les tient plus. Et qui les tient dans les petits postes où ils sont seuls ? Je crois que ces postes confiés exclusivement à la garde d’indigènes ont été supprimés depuis et c’est une innovation heureuse au Congo. Les habitants sont dans le dénûment le plus complet. La plupart des enfants sont amaigris et réduits à l’état de squelettes. A notre départ ils viennent remuer la cendre des foyers installés par nos boys pour y ramasser les quelques grains de maïs tombés dans la braise. Mbongano, le soir, m’a fait faire le tour de son village. C’était à l’heure du repas ; j’ai assisté à la préparation des aliments composés de vivres de famine : racines de bananiers, sauterelles, escargots qu’on mangeait crus. Ce Mbongano est un jeune et intelligent Mbouaka, élevé à la mission, et parlant français. Il est vêtu d’un pantalon à l’européenne et d’une veste en coutil bleu, ce qui lui donne un air de grand seigneur auprès de ses administrés qui portent seulement en avant un chiffon d’étoffe ou d’écorce retenu par une ficelle. Par ailleurs il a tous les attributs de sa race. Les incisives notamment sont arrachées. Plein d’égards et non quémandeur, il me guide avec une certaine dignité et il est la preuve que l’éducation peut avoir une influence au moins temporaire sur les noirs du centre de l’Afrique. _22 août._ — Toujours la même végétation le long des rives, mais cette flore est loin d’être monotone, car de nouveaux types font leur apparition à mesure que nous montons vers le N. Un des végétaux les plus communs est un arbuste formant des touffes de 3 à 5 mètres de hauteur, penchées sur le fleuve. C’est une Sapotacée le _Synsepalum dulcificum_, connu aussi au Dahomey et au Gabon. Les loangos l’appellent _Saka_, les peuplades de l’Oubangui le nomment _Bonga_. Cet arbuste produit des fruits de la taille et de la forme d’une olive, d’un rouge sombre et un peu pruineux à la surface au moment de la maturité. La pulpe d’un rose clair ou blanchâtre, épaisse de 3 à 5 millimètres, recouvrant un gros noyau, est d’abord acide et un peu astringente. Elle produit ensuite dans la bouche une sensation sucrée et très agréable qui persiste longtemps, même si l’on absorbe une boisson acide. Les indigènes en sont très friands et les Européens eux-mêmes mangent volontiers ce fruit. Quand nous passons sous un de ces arbustes, nos bondjos laissent leurs rames et se précipitent à la nage pour en cueillir. Nous avançons avec une extrême lenteur. A 9 heures du soir nous nous arrêtons dans la brousse sans avoir rencontré de village. Il faut camper sous bois auprès d’un gigantesque tronc d’arbre tombé et en voie de décomposition. Nos pagayeurs et nos boys n’ont pas mangé depuis 24 heures et nous n’y pouvons rien. Nous-mêmes sommes éreintés et, exception faite pour COURTET qui s’installe comme d’habitude, nous ne prenons pas la peine de monter nos tentes. _23 août._ — Heureusement il n’est pas tombé d’eau dans la nuit. Dès 5 heures du matin, nous sommes sur le fleuve ; nous avançons ensuite par une belle matinée ensoleillée. A 11 heures, nous atteignons le village de Bafourou en avant des rapides de Longo. Presque pas de vivres pour nos indigènes ! Pour alléger le boat, nous faisons route à pied dans la forêt le long du sentier qui suit le fleuve. DECORSE seul est resté dans l’embarcation avec les indigènes, payant lui-même de sa personne. Le sentier que nous suivons est presque inextricable : de gros troncs d’arbres sont parfois couchés en travers ; de grands roseaux, de hautes graminées occupent les moindres clairières. Parfois nous nous heurtons à un tronc d’arbre couvert de grosses larmes de gomme copal qui ont exsudé. Nous avons laissé l’embarcation en arrière et à 2 heures nous passons les rapides de Longo ; l’eau se précipite à grand bruit dans les rochers. Mais bientôt l’orage qui menaçait éclate. Pendant une heure la pluie tombe à flots, puis se régularise, et 4 heures durant, elle achève de tout détremper, devenue subitement fine. Il n’est pas possible de chercher à gagner le village voisin. Le boat n’a pu certainement franchir les rapides pendant l’orage. Depuis longtemps nous l’avons perdu de vue. Enfin nous nous décidons à retourner en arrière et nous marchons à présent à travers des marais et des flaques d’eau. Après une heure de marche nous trouvons le chaland en panne. Les hommes sont exténués. DECORSE, resté avec eux, a dû faire des prodiges d’efforts ; deux fois le chaland a risqué d’être submergé. Il est 5 heures ; l’eau tombe toujours et l’on ne peut songer à franchir les rapides. Nous décidons donc de retourner en arrière. Pendant que DECORSE laisse l’embarcation descendre rapidement le cours du fleuve, COURTET, MARTRET et moi continuons à marcher sous la forêt détrempée. Malgré nos vestes imperméables, nous prenons un véritable bain ; de chaque branche que nous effleurons tombe une avalanche d’eau qui nous inonde. MARTRET dont la ceinture rouge a déteint est d’une couleur invraisemblable. Enfin à 6 heures nous atteignons de nouveau le village de Bafourou. La plupart de nos caisses non étanches sont en piteux état ! Pauvres collections ! Il faudra que je me décide à abandonner des spécimens d’arbres qui m’intéressaient beaucoup et que j’aurais pris grand plaisir à étudier plus tard. DECORSE aussi a dû jeter la plupart des peaux qu’il avait eu tant de mal à préparer. J’ai dit plus haut que le naturaliste goûtait dans la grande brousse des jouissances inconnues au reste des mortels, mais quelles amères déceptions il éprouve aussi parfois et quelles cruelles angoisses lorsqu’il voit, sur le point d’être anéanti, le fruit de plusieurs mois d’efforts ! Tout son bonheur est là dans les quelques frêles échantillons inanimés, trésors que la science utilisera plus tard ! Celui qui n’a pas amassé des collections d’histoire naturelle au centre d’un pays vierge d’explorations, celui qui n’a pas eu ensuite ces collections à transporter sur les grands fleuves africains ne peut connaître les émotions qui nous ont tant de fois assaillis durant l’expédition Chari-Lac-Tchad. Nous sommes enfin au poste du garde pavillon. Nous allumons un feu avec des troncs d’arbres pour nous sécher et surtout pour sécher nos objets les plus précieux. Les caisses zinguées contenant le papier buvard ont pris l’eau et il faut exposer chaque cahier au feu. _24 août._ — Le lendemain matin nous nous mettons en route et cette fois nous parvenons à franchir les rapides, mais il y en a d’autres encore à passer ! En face de ceux de Longo, sur la rive belge, les coteaux herbeux viennent déjà mourir sur la rive qui n’est plus bordée que d’un étroit ruban d’arbres dépourvus de lianes. Quelques rares arbres au feuillage clairsemé et au long tronc dénudé couronnent les hauteurs. Les collines sont coupées d’étroits et profonds ravins qui descendent suivant la plus grande pente et sont nus au fond du sillon ou au contraire très boisés. Le soir nous campons encore sous bois. Pas de vivres pour les hommes ! Nous leur distribuons quelques-unes des boîtes d’endaubage qui restent. _25 août._ — La bordure forestière qui longe l’Oubangui devient de plus en plus étroite ; des _Parkia_ et des _Afzelia_ se montrent de temps en temps. On sait qu’ils caractérisent surtout la zone soudanienne. Au bord de l’eau croissent à profusion des Ficus nains et quelques grands palmiers grimpants, très épineux (_Calamus_ ?). A 10 heures du matin nous passons au village de Kaya ; là encore le fleuve est coupé de rapides formés de grès cimentés par une pâte ferrugineuse qui est une espèce de latérite. Nous rencontrons ensuite les rapides de l’En-Avant ! formés de quartzites relevés presque verticalement et que traversent des filons de diabase sur une largeur de 40 à 50 mètres. Entre ce barrage et celui de l’Eléphant se trouvent des conglomérats ferrugineux agglutinant de gros blocs de grès liés. Toute la surface des roches aux rapides est d’un rouge noirâtre, luisante et comme vernissée par suite de l’existence d’une couche superficielle de bioxyde noir de manganèse. Tous ces barrages sont creusés de marmites plus ou moins profondes produites par les remous de l’eau dans les rochers. A l’intérieur de certaines de ces marmites il s’est constitué des agglomérés de galets roulés et polis, cimentés par une pâte ferrugineuse. Parfois certains galets moulent presque exactement la cavité de la roche dans laquelle ils sont inclus. Ces galets ont dû être charriés par un fort courant, puis arrêtés par les marmites dans lesquelles ils se sont engouffrés ; enfin aux basses eaux, lorsque les rochers se trouvent entièrement à découvert après que l’eau, retenue dans les cavités, s’est peu à peu évaporée, un ciment vient chaque année agglutiner les particules de sable et fixer le galet dans la cavité où il a été apporté par le courant. C’est par un phénomène absolument semblable à celui qui s’accomplit encore de nos jours dans les rapides de l’Oubangui que se sont formés, à des périodes de pluies diluviennes alternant avec des périodes de sécheresse, les agglomérés ferrugineux qui entourent tous les massifs rocheux et tous les Kagas du Soudan occidental et du Soudan central. Pendant que nous avancions, en suivant la berge, nous avons aperçu, retenu par des racines, un cadavre en putréfaction avancée. Quelques pagayeurs se sont jetés à la nage pour aller voir. Puis ils sont revenus les mains vides. Ils n’ont sans doute pas osé se tailler devant nous un morceau de viande dans ce cadavre à demi décomposé. D’ailleurs à moins d’être affamés ils ne mangent que les individus tués à la guerre ou ceux qui ont été emmenés comme prisonniers. Les Mbagas ne mangent que les hommes, les Sangos et les Yacomas mangent les hommes et les femmes. Le cadavre rencontré était celui d’un noir qui vraisemblablement avait été jeté dans le fleuve après sa mort, car l’Oubangui est le cimetière de tous les villages riverains. Les chefs seuls sont enterrés à leur mort. Rarement les hommes de ces villages, qui passent la moitié de leur vie sur des pirogues dans le fleuve, se noient accidentellement. Ce sont d’admirables nageurs qui arrivent presque toujours à regagner les rives, même s’ils chavirent dans les rapides, à moins qu’ils ne soient assommés contre les rochers. Beaucoup de Sénégalais et d’Européens, au contraire, ont trouvé la mort dans le Haut-Oubangui. Trois semaines avant notre arrivée à Fort-de-Possel, une grande pirogue portant une vingtaine de Sénégalais et deux sous-officiers européens, avait été surprise par une tornade au milieu du fleuve, à hauteur du poste. L’embarcation avait chaviré à une trentaine de mètres seulement de la rive belge et les deux infortunés sergents, ainsi que la plupart des Sénégalais avaient été noyés. Nous rappelons ce triste accident pour que tous ceux qui, ayant lu ces lignes, s’ils sont appelés à voyager dans ces parages, ne se départissent jamais de la plus grande prudence. Bien que la bordure d’arbres qui longe le fleuve ne soit plus très large, elle s’avance encore assez loin dans l’inondation et comme nous côtoyons constamment la rive, nous faisons connaissance avec des habitants désagréables : les fourmis et les guêpes. La grande forêt africaine est le paradis des fourmis. Sur le sol, le long des troncs d’arbres, sous les feuilles, dans les fleurs on en trouve. Elles appartiennent à d’innombrables espèces. Il en existe de presque microscopiques, d’autres ont jusqu’à 2 centimètres de longueur. L’une des plus désagréables et des plus abondantes est l’_Œcophylla maragdina_ (Fabr.) Smith, grosse fourmi rousse qui construit son nid en agglutinant en boule les feuilles encore vertes des arbres sur lesquels elle vit. Au moindre frôlement les ouvrières quittent leur retraite, courent très affairées le long des rameaux et se répandent bientôt sur le corps de l’imprudent qui les a approchées ; elles s’abattent parfois en si grand nombre qu’elles sont fort désagréables, néanmoins leur morsure n’est pas très douloureuse. De plus leur corps écrasé dégage une odeur d’acide formique nauséeuse. Autrement incommode est une fourmi noire très petite, qui vit également sur les arbres et dont la morsure détermine un fort œdème qui dure plusieurs jours. Enfin sur presque tous les arbres, principalement à la fourche des branches, on observe des renflements noirâtres, ordinairement plus gros qu’une tête d’homme. Ces masses sont encore des nids d’une autre espèce de fourmi. Les termites, qui appartiennent à la même famille, sont aussi fort abondants mais ils ne mordent pas. Leur principal rôle est de transformer les matières végétales mortes, mais non encore décomposées. Chaque fois que notre boat vient toucher une branche penchée sur le fleuve, les fourmis rousses (_Œcophylla_) s’abattent sur nous et elles sont si nombreuses qu’elles finissent par impatienter. Elles sont cependant beaucoup moins dangereuses qu’une espèce de guêpe qui vit par colonies de 10 à 15 individus, construisant un petit rayon en forme de disque, porté sur un pédoncule fixé soit à une branche d’arbre, soit à un obstacle quelconque. En 1905, j’ai été victime d’un accident assez grave, causé par les piqûres simultanées d’un grand nombre de ces insectes. J’étais en Guinée française, à l’intérieur d’une case. Une guêpe étant venue voler autour de moi, je fis de la main le geste de la chasser. Aussitôt une quinzaine de ces bêtes s’abattirent sur mon visage et mes mains. La douleur que j’éprouvai parut d’abord imperceptible, mais je sentis bientôt une sudation abondante ; j’eus à peine le temps de m’étendre sur le lit perdant connaissance. Je m’éveillai quelques minutes plus tard, pris de vomissements, une urticaire générale très douloureuse et les mains toutes gonflées. Par des soins énergiques les douleurs disparurent en quelques heures, mais j’avais été intoxiqué d’une façon moins violente mais identique à ce qui arrive quand on est mordu par un serpent venimeux. Nos pagayeurs bondjos redoutaient beaucoup ces guêpes. Dès que les perches dont ils se servaient pour pousser l’embarcation avaient atteint un nid, ils quittaient aussitôt leur poste et se précipitaient dans l’eau. Enfin nous étions aussi parfois incommodés par la grosse mouche tsé tsé des bois (_Glossina palpalis_) qui a la réputation d’être la propagatrice de la maladie du sommeil. Un autre groupe de petits animaux sollicite aussi l’attention du naturaliste quand il voyage comme nous le faisions. Presque chacun des rameaux qui venaient nous frôler, chaque feuille d’arbre qui tombait dans l’embarcation, portaient des cochenilles ou des pucerons fixés contre l’épiderme. Tantôt ils se réfugient sur les parties jeunes des plantes, tantôt ils se fixent à l’aisselle des nervures des feuilles. Quelques plantes de la forêt se sont adaptées à ces commensaux en produisant naturellement les unes de petites cryptes dans lesquelles les pucerons se dissimulent, les autres des touffes de petits poils qui les abritent aussi. Certaines cochenilles se cachent en sécrétant un produit cire ou gomme, qui finit par former autour d’elles une petite boule blanche et ces formations foisonnent spécialement sur certaines essences d’arbres. Le va et vient des fourmis le long des branches est souvent déterminé par la présence des pucerons. Elles vont très affairées recueillir les substances sucrées (_miellée_), sécrétées par ces petits animaux, d’autres visitent les glandes qui se trouvent sur les feuilles de certains arbres (surtout sur les légumineuses). Certaines espèces enfin s’aventurent dans les fleurs et vont concurremment aux abeilles y recueillir du nectar. Si la vie animale dans la forêt et dans les galeries qui n’en sont qu’une réduction, paraît peu intense, ce n’est qu’une apparence : un nombre infini de petites espèces d’insectes grouille au milieu de la verdure et en vit. A leur tour de nombreuses espèces de petits oiseaux voltigent à la cîme des arbres et font de ces insectes leur pâture. _26 août._ — Les gros animaux sont relativement rares à l’exception des singes. Chaque jour DECORSE en tue quelques-uns et cet appoint de viande (_niama_) fait le bonheur des Bondjos. Comme nos provisions de vivres sont terminées et que les pagayeurs meurent de faim, DECORSE et MARTRET ont décidé d’aller à la chasse en longeant le fleuve. Ils débarquent au milieu du jour et nous devons les retrouver le soir aux rapides de l’Éléphant qui ne sont qu’à une faible distance. [Illustration : FIG. 3. — Halage d’une embarcation dans les rapides de l’Oubangui.] Toute la journée nous avançons avec une lenteur désespérante. Cela se comprend ; notre chaland très lourd doit lutter contre un courant extrêmement violent et les pagayeurs n’ont presque pas mangé depuis quatre jours. Enfin la nuit arrive. Elle est noire, la lune est voilée. On entend à quelque distance bouillonner l’eau qui s’engouffre dans les chutes. Il serait de la dernière imprudence de continuer à avancer. Nous donnons ordre d’accoster à la rive et sous l’épaisse voûte de végétation nous débarquons. Mais il sera impossible à nos deux compagnons de nous trouver sous ce fourré presque impénétrable, par l’obscurité complète d’une nuit d’orage ! Nous avons d’abord appelé, personne n’a répondu ; COURTET donne des coups de sifflets prolongés, rien ; les Bondjos sonnent dans leurs trompes bruyantes, faites avec des cornes d’antilopes, silence. Enfin nous tirons des coups de fusils d’abord isolés, puis par salves de deux coups, nous n’entendons toujours que le bruit de l’eau dans les chutes. Nous avons ainsi passé la moitié de la nuit à appeler en faisant encore monter des boys au haut des arbres, puis nous nous sommes couchés pleins d’inquiétude. Quant aux Bondjos qui meurent de faim et n’ont rien à manger, ils se sont essaimés à travers le bois sous la nuit profonde à la recherche des palmiers à huile pour en cueillir les régimes. Les noix de palme ne sont pas un aliment fameux, mais au moins cela calmera leur faim. Toute la nuit j’entends le bruit que font ces malheureux en cassant les amandes de palme entre deux pierres. _27 août._ — De grand matin l’embarcation est démarrée. A 9 heures nous arrivons près des chutes. DECORSE et MARTRET sont là accroupis devant un feu qui achève de se consumer. Depuis la veille à midi ils n’ont naturellement pas mangé et malgré le grand brasero qu’ils ont allumé, toute la nuit ils ont été transis. Ceux qui n’ont jamais couché à la belle étoile, au bord des grands fleuves africains, étendus sur le sable brûlant au milieu du jour, mais durant la nuit imprégnés d’eau comme une éponge, ne savent pas combien sont froides et humides les nuits d’hivernage. Les rapides de l’Éléphant ont une très mauvaise réputation. Depuis notre occupation de nombreuses embarcations s’y sont perdues corps et biens ; des Européens s’y sont noyés à diverses reprises. Aussi on prend la précaution de descendre à terre et de décharger tous les bagages ; le boat passe ensuite à vide sans trop de difficultés. Avant qu’il se remette en marche je quitte mes compagnons pour m’enfoncer dans la brousse dont je veux voir les divers aspects. Nous nous retrouverons au prochain village qui n’est qu’à quelques kilomètres. Je pars sans armes avec un Sénégalais et un boy banziri qui me sert de guide. La bordure d’arbres à hauteur des rapides est à peine de 30 mètres de largeur. Par delà s’étend une vaste prairie avec des herbes de 2 mètres de hauteur, sorte de jungle sans arbres et sans arbustes, qui non seulement recouvre les parties basses, mais tapisse aussi tous les coteaux environnants arrondis en mamelons de 50 à 60 mètres de hauteur. J’entreprends l’ascension fort pénible d’un des mamelons : nous devons nous frayer un passage à travers les hautes herbes, car il n’existe pas le moindre sentier. Les parties humides sont occupées par un grand roseau, espèce de _Panicum_ atteignant 5 mètres de hauteur ; puis on retombe dans la jungle dont les herbes ne s’élèvent plus, à mesure qu’on monte, qu’à 1m,50, puis 1 mètre de hauteur. En certaines places où la latérite affleure, on trouve même, recouvrant le mince enduit de terre végétale, une prairie formée d’un fin gazon, haut d’un pied à peine, toute émaillée des fleurs violacées du _Cleome Chevalieri_ Schinz, jolie plante croissant à l’hivernage entre les fentes de la roche ferrugineuse et que je devais revoir ensuite toujours dans des stations analogues, jusqu’à la 11e parallèle. Du haut on jouit d’une vue magnifique. De tous les côtés, et spécialement sur la rive belge, on aperçoit des coteaux analogues, à sommets arrondis. La plupart n’ont d’autre parure que la grande prairie qui les enveloppe. Quelques- uns seulement sont couronnés de beaux arbres et à leurs flancs s’accrochent quelques arbustes rabougris. Depuis des siècles sans doute, pendant la saison sèche, cette végétation est la proie des flammes. Je descends en me dirigeant vers le nord ; nous finissons par trouver un sentier, mais cette marche m’a exténué ; de plus en plein midi un soleil de plomb darde sur nous ses rayons. A 5 heures j’arrive souffrant au village de Khaya où sont mes compagnons. J’ai été frappé d’une légère insolation, et malgré les aspersions d’eau que me donnait le banziri pendant que le sénégalais s’en allait tranquillement, je suis resté plus d’une heure étendu sur le sentier. _28 août._ — Ce matin il n’y paraît plus. Nous partons de bonne heure, mais déjà distancés par les militaires se rendant au territoire du Tchad, partis de Bangui 5 jours après nous. Vers 9 heures nous passons un des derniers rapides. La roche est formée par un quartzite très dur coupé par des filonnets de quartz. Vers 2 heures nous défilons le long d’une falaise haute de 7 à 8 mètres au-dessus du niveau actuel ; ici la roche est un grès rouge caverneux, sorte de latérite. Peu de temps après nous passons devant le dernier village mbouaka. Sur les rives, le fleuve devient maintenant uniforme ; le _Synsepalum dulcificum_ est assez commun ainsi que le petit caféier (_Coffea congensis_) que nous avions déjà vu à Bangui et que nous avons retrouvé presque constamment sur les berges du fleuve, croissant presque toujours dans des terrains inondés à cette époque de l’année. Une partie de ses baies commencent à rougir, mais les indigènes n’y font pas attention. Un grand _Mimusops_ est très fréquent sur la rive. Il s’élève jusqu’à 40 mètres de hauteur et son tronc atteint 20 mètres sans se ramifier. Un fort orage éclate à midi. La pluie n’est pas précédée de vent, mais elle tombe sans discontinuer jusqu’à 4 heures. Le soir nous campons dans la brousse. _29 août._ — La navigation est désormais libre et nous avançons assez vite dans le bief où débouchent l’Ombella et la Kémo. Au milieu du jour nous passons au petit poste de Kouré où habitent quelques Ngapous (groupe banda). Les hautes berges du fleuve sont taillées dans un terrain d’alluvions récentes déposées sans doute à l’époque où le barrage de l’Eléphant déterminait en arrière la formation d’un grand lac. Je constate en effet dans la falaise l’existence d’un banc de coquilles d’_Etheria_ épais de 0m,10 et situé à 3 mètres au-dessus du niveau actuel des eaux et à 1 mètre au-dessous de la surface du sol. Le soir nous atteignons la factorerie installée par une compagnie concessionnaire près de l’embouchure de l’Ombella. Nous y passons la nuit et nos hommes peuvent enfin se gaver de viande boucanée d’éléphant. C’est là que campèrent DYBOWSKI, MAISTRE, GENTIL. _30 août._ — Enfin nous allons arriver ! A 2 heures nous voyons, filant au milieu du fleuve qu’elle descend à toute vitesse, une baleinière battant pavillon français. Elle nous fait des signaux et nous abordons sur un rocher. Le lieutenant-colonel DESTENAVE est à bord : il vient de passer 20 mois au Tchad comme commissaire du gouvernement et rentre en France. Je suis heureux de le rencontrer et de recevoir ses conseils. A mon premier voyage au Soudan, le commandant DESTENAVE était un des collaborateurs les plus dévoués du général DE TRENTINIAN et il coopéra largement à l’occupation de la boucle du Niger. Au Tchad il a anéanti les débris de l’armée de Rabah, vengé la mort du capitaine MILLOT tué au Kanem par les bandes du Mahdi Senoussi, commencé l’exploration méthodique du grand lac africain. Enfin c’est sous sa direction qu’ont été poursuivies de très belles explorations géographiques par les capitaines DUBOIS, TRUFFERT, JULIEN et le lieutenant LACOIN. Le colonel m’apprend qu’il a été avisé par un courrier reçu seulement la veille, de l’arrivée de notre mission. Il a aussitôt envoyé une circulaire dans tous les postes pour que l’Administration et les troupes du corps d’occupation nous accordent tout leur concours. Il complétera ses instructions par une nouvelle circulaire dès son arrivée à Bangui. Ces circulaires, où étaient précisés le but de notre voyage et les moyens nécessaires pour l’accomplir, nous furent dans la suite de la plus grande utilité. Le soir à la nuit nous arrivons au poste de Fort-de-Possel et nous y recevons la plus large hospitalité du résident M. LALANDE. _1er septembre._ — Le poste de Fort-de-Possel que l’on appelle encore La Kémo est installé près du confluent de cette rivière avec l’Oubangui, qui en cet endroit est un admirable fleuve large de plus d’un kilomètre. Tous les officiers et fonctionnaires, tous les agents de commerce qui se rendent à Mobaye puis, de là, dans les territoires de la Kotto ou des Sultanats, s’y arrêtent ordinairement, mais il est surtout le point d’accès du territoire du Tchad et c’est par là que passe tout le ravitaillement allant au Chari. [Illustration : FIG. 4. — Préparateurs indigènes. Séchage des herbiers.] Les traces de l’ancien poste fondé par DYBOWSKI ont presque disparu : il était à quelques centaines de mètres du camp actuel créé en 1899 par les collaborateurs de GENTIL. Son nom rappelle le souvenir du maréchal des logis DE POSSEL, mort courageusement (1892) à l’assaut de Kouno où fut vengé le meurtre de BRETONNET et de ses compagnons. J’ai passé la journée à reconnaître les abords du poste. Il est ombragé par quelques beaux arbres dont l’un appartient à une essence dans laquelle les indigènes creusent leurs pirogues. C’est une bonne espèce de bois d’acajou qui était encore inconnue lors de notre voyage et que CASIMIR DE CANDOLLE a nommée d’après nos spécimens _Khaya grandifoliolata_ C. DC. Derrière le poste s’étend une grande prairie déboisée, semée seulement de beaux palmiers rôniers (_Borassus_) et toute remplie de petites herbes comme aux rapides de l’Eléphant, puis, plus loin encore, un marais traversé par un ruisseau bordé de palmiers (_Raphia monbuttorum_ Drude), enfin tout à l’horizon, la vraie brousse semée d’arbres, la végétation de parc du Soudan français et du Bahr-el- Ghazal. Le reste de la journée se passe à sécher les collections amassées depuis Bangui et tout notre matériel considérablement avarié. _2 septembre._ — Avant d’aller installer le jardin d’essai que nous devons créer dans le territoire du Tchad, j’ai voulu aller voir avec MARTRET les plantations créées par les missionnaires à Bessou (Mission de la Sainte-Famille), à une vingtaine de kilomètres en amont de Fort- de-Possel. Nous partons de grand matin dans une pirogue indigène[18]. J’ai une fois de plus l’occasion de constater que, même au cœur de l’Afrique, on fait parfois des rencontres bien inattendues. Le pilote de notre embarcation est tout simplement un personnage. C’est Bourounga, fils de Bembé, qui accueillit la mission DYBOWSKI en 1891. Bourounga suivit DYBOWSKI comme boy jusque dans le bassin du Chari, il l’accompagna ensuite à Brazzaville et resta quelque temps à la mission catholique où il a appris à parler à peu près le français. C’est aujourd’hui un grand garçon d’une vingtaine d’années, à l’air intelligent, bien qu’il se grise quelquefois. Il est trop renseigné sur les boissons fermentées que l’on peut consommer dans le Haut-Oubangui. Les banziris font usage du _Pata_, sorte de bière de maïs. Les Bandas s’enivrent avec le _Pipi_ obtenu en faisant fermenter la farine de sorgho non germé. C’est une mixture détestable qui est loin de valoir l’excellente bière de sorgho des Saras analogue au _dolo_ de nos Soudanais. Sur la rive belge on fabrique du vin de palme avec la sève du palmier à huile (_Elæis_), mais on ne se sert jamais de la sève du Palmier _Borassus_ que j’ai vu utiliser pour cet usage seulement dans la Haute- Volta ou Soudan occidental. Le poste de Mobaye est le paradis des buveurs : on retire aux environs un excellent vin de palme d’un grand _Raphia_ nommé _Bambou_ par les Européens. « A cet endroit, dit Bourounga, pour 0 fr. 50 on vous donne deux dames-jeannes de 15 litres chacune pleines de vin de palme. » Le sultan Rafaï était un alcoolique raffiné. Avec un canon de fusil en guise d’alambic, il distillait le jus fermenté de la canne à sucre et ingurgitait l’affreuse liqueur. « Enfin, ajoute Bourounga, à la mission de Bessou, le père MOREAU fabrique de l’eau-de-vie de papaye que les Blancs aiment bien aussi, mais c’est très fort ! » En me racontant ces choses, mon compagnon fume sa pipe, véritable objet d’art banziri. Elle se compose d’un grand fourneau en terre cuite vernissée, couleur noir d’ébène et à surface couverte d’arabesques assez élégantes. Ce fourneau est recourbé et s’emmanche sur une corne d’antilope qui sert de tuyau à la pipe. Pour remplir le fourneau il faudrait au moins 50 grammes de tabac. Celui fumé par les indigènes est simplement préparé en séchant au soleil des feuilles de _Nicotiana tabacum_. Les Européens et les Sénégalais les font sécher à l’ombre dans une case. Au bout du troisième jour on met les feuilles dans une caisse et on arrose de temps en temps avec de l’eau. Le tabac ainsi préparé, au dire de MARTRET, vaut celui de France. Notre pirogue vient heurter devant un village banziri des parcs clayonnés destinés à capturer le poisson. Les enclos de ces parcs ont 2 mètres de hauteur et limitent un espace de 10 à 12 mètres carrés. Les clayons sont faits avec des chaumes rigides reliés transversalement par des ficelles. L’ensemble représente un travail très soigné, fait avec un goût que l’on ne trouve pas dans les enclos grossiers des pêcheurs mbouakas. On déplace périodiquement ces parcs et on les dispose de manière qu’ils soient toujours à la limite de l’inondation, souvent dissimulés entre des touffes d’arbustes. On rencontre encore le long des berges de la rivière des paniers clayonnés en forme de nasses et servant également à pêcher le poisson qui est la base de la nourriture des _Banziris_. Ils capturent aussi parfois des crocodiles dont il existe trois espèces dans l’Oubangui. Une seule est dangereuse, c’est celle qui a des plaques verdâtres sur le dos (probablement le crocodile du Nil). Un individu de cette espèce a emporté en 1899 un Européen qui se baignait à la mission de Bessou. On n’a jamais retrouvé même la trace du corps. De temps en temps des pêcheurs disparaissent surpris par cet animal. Ils sont exposés à être saisis non seulement quand ils sont dans l’eau, mais aussi lorsqu’ils sont au bord de la rive. D’un coup de queue le crocodile les renverse et les entraîne rapidement avec sa gueule jusqu’à ce qu’ils soient complètement submergés. Il existe aussi un crocodile au corps complètement noir qui ne devient jamais très gros et n’est pas dangereux. Sa taille ne dépasse pas 2m,50 de longueur. La chair est très estimée et les indigènes lui font une chasse active. Le P. MOREAU, directeur de la mission de Bessou, auquel nous devons la plupart de ces intéressants renseignements, a vu près de Liranga, au Moyen-Congo, cette espèce élevée dans des parcs spéciaux par les indigènes. Lorsque les animaux deviennent adultes, ils sont mangés ou vendus. Les Banziris qui peuplent en cette région les rives du fleuve sont venus de l’E. où le gros de la tribu est encore fixé au confluent du Kouango et de l’Oubangui. C’est un des plus beaux types de l’Afrique centrale. Les femmes sont ordinairement bien faites et coiffées avec goût à l’aide de perles disposées avec art sur leur tête. Les hommes sont grands et robustes. Ce sont d’excellents piroguiers et des colporteurs de premier ordre. Avant l’arrivée des Européens, ils pénétraient déjà au centre du pays banda en remontant les rivières. Ils emportaient avec eux du bois rouge, des barrettes de cuivre, des perles. Ils remportaient en échange des esclaves. « Le Banziri, écrit DECORSE, navigue, pêche, bavarde ou dort. Il a l’âme du chemineau. Il en a la gaîté, l’inconstance, l’aptitude à tout faire et à s’accommoder de tout. Les femmes sont des compagnes agréables ; les hommes des serviteurs débrouillards ; les chefs toujours d’humeur facile[19]. » Nous arrivons à la mission de Bessou pour déjeuner ; le P. MOREAU nous reçoit avec son urbanité habituelle. L’établissement a été créé il y a 6 années seulement et déjà, au point de vue agricole tout au moins, il est plein de promesses pour l’avenir. Il devrait être un enseignement pour nos administrateurs. Il est un vivant exemple de ce que l’on peut faire avec de l’esprit de suite, un labeur constant, de la méthode et un peu l’oubli de soi-même afin de faire œuvre durable. Nous ne parlerons point des maisons d’habitation installées avec un véritable confort, de la petite église luxueuse, des écuries et étables très bien conditionnées, parfaitement aérées et appropriées au pays. Ce qui est le plus extraordinaire c’est qu’on a tout fait presque avec rien. Nulle part peut-être au centre de l’Afrique les blancs n’ont mis autant _la main à la pâte_. Au moment où nous l’avons visitée, la mission de Bessou possédait 35 à 40 hectares de terres consacrées aux cultures indigènes et en parfait état d’entretien, non compris une dizaine d’hectares appartenant aux familles catholiques du village indigène. Elle avait en outre 70 bœufs ou vaches venus du Tchad ou du pays de Senoussi, une dizaine de chevaux, 5 ânes, une centaine de moutons (dont une curieuse variété découverte chez les Bondjos), un grand nombre de chèvres. Ces animaux se portent bien ; la mouche tsé tsé existe aux environs, mais pas à l’endroit même où pâturent les troupeaux. Au dire du P. MOREAU la principale condition pour réussir l’élevage dans l’intérieur de l’Afrique est d’avoir de bons pâturages. Les meilleures herbes fourragères pour le bétail sont les petites graminées du Soudan : _Panicum_, _Paspalum_, _Eleusine indica_. Il faut y ajouter quelques espèces d’_Andropogon_ et surtout une espèce annuelle qui est probablement l’_Andropogon nigritanum_. Partout où elle existe, on peut presque sûrement entretenir des troupeaux. C’est une grande herbe annuelle à chaumes s’élevant de 1 mètre à 1m,50 au moment de la floraison. En septembre les animaux la mangent encore très bien, mais c’est surtout lorsque l’herbe est courte, en jeunes pousses de 0m,40 au maximum qu’ils la recherchent. Elle peut alors former des prairies que l’on fait pâturer périodiquement et qui deviennent d’autant plus denses qu’on les fait paître plus souvent. Cependant à la fin de la saison des pluies, il faut laisser la plante monter pour qu’elle fleurisse, car elle est annuelle et elle ne se multiplie que par graines. Elle vient fort bien dans les terrains complètement débroussés qui ont été cultivés et s’établit aussi dans la brousse non défrichée. Un grand _Andropogon_ atteignant 3 mètres de hauteur est aussi mangé par les vaches, mais les chevaux le refusent. Il en est de même d’un Penicillaria. Le bétail mange aussi avec avidité le sorgho sauvage très commun. Cela est d’autant plus étonnant qu’en certain pays le sorgho vert a été signalé comme toxique pour le bétail à cause de l’acide cyanhydrique qu’il renferme. Une autre graminée qui tient une grande place dans les pâturages de cette contrée est l’_Imperata cylindrica_. C’est une grande herbe de brousse atteignant 1m,50 à 2 mètres de hauteur. La tige se termine par un gros épi cylindrique d’un blanc plumeux. Les feuilles larges et longues sont ordinairement employées pour couvrir les cases. Très répandue dans toute la région du Haut-Oubangui, c’est par excellence l’herbe caractéristique de ce pays. Des rapides de l’Eléphant à Bessou, elle couvre des milliers et des milliers d’hectares d’étendue. Les feuilles un peu coupantes sont ordinairement négligées dans les pâturages ; les animaux les mangent surtout à l’étable, mais ils en sont peu friands. Par sa densité et par son abondance dans les prairies qu’elle forme, elle peut néanmoins être une précieuse ressource pour l’élevage du bétail. Par contre cette plante est le fléau des cultures du pays. Elle s’implante dans les terres défrichées, même si elles sont bien cultivées dès la deuxième année et devient impossible à extirper. Les jardins, les champs de maïs ou de patates, se trouvent ainsi rapidement occupés par cette herbe et _c’est principalement l’envahissement de l’_Imperata _qui amène les indigènes à déplacer, après quelques années_, leur village pour aller s’établir dans une région où _cette mauvaise plante n’existe pas encore_. Au bout de 5 ou 6 ans le terrain abandonné est envahi par la grande brousse ou la forêt, et l’ombrage finit par tuer la graminée. A Bessou, les missionnaires luttent sans cesse contre sa propagation. Derrière la charrue, les enfants ramassent les rhizomes de l’_Imperata_ qui ressemblent au chiendent et on les brûle ensuite. On l’empêche aussi de produire des graines en fauchant fréquemment les chaumes. Malgré cette lutte constante on est parfois forcé de lui abandonner des terrains qu’on avait eu beaucoup de peine à défricher. Une autre mauvaise herbe des cultures de la région, mais celle-là sans grande utilité (les enfants mangent les fruits) c’est l’_Icacina senegalensis_, petit arbuste formé d’un gros paquet de tiges poussant côte à côte et s’élevant à 0m,40 ou 0m,60. Pour le déterrer, il faut faire un trou profond de 0m,80 à 1 mètre. On rencontre alors un tubercule oblong, vertical, parfois beaucoup plus gros que la tête d’un homme. Le P. MOREAU et ses collaborateurs ont introduit à la ferme de Bessou des procédés de culture tout à fait analogues à ceux qu’on pratique en Europe. Les troupeaux sont soumis toutes les nuits à la stabulation avec une litière abondante qui permet d’obtenir de l’engrais de ferme. Dans la mauvaise saison ils sont alimentés avec du foin récolté à l’époque favorable. Le labourage se fait à la charrue construite par les missionnaires, attelée d’un cheval ou d’un couple de bœufs. Les transports s’effectuent à l’aide de carrioles construites aussi sur place. Toutes les cultures quelles qu’elles soient sont fumées avec des engrais de fermes et on les emploie en aussi grande abondance que le permettent les ressources dont on dispose. Le manioc est peu cultivé, on lui reproche de ne pas venir assez vite. On néglige aussi le bananier qui rend peu et occupe beaucoup de place. Le maïs est un aliment de luxe qui n’est distribué aux enfants de la mission que dans les grandes occasions. C’est avec sa farine que les missionnaires confectionnent le pain avec lequel ils se nourrissent toute l’année. C’est lui aussi qui leur fournit après germination et fermentation la boisson habituelle. Mais il exige pour réussir des terrains riches, de sorte qu’on n’en cultive guère que ce qu’il faut pour les Européens. Après des séries d’expériences et d’éliminations, le P. MOREAU est arrivé à donner la préférence aux patates et aux labiées à tubercules alimentaires (_Coleus rotundifolius_ et _Coleus Dazo_), ou pommes de terre des pays chauds[20]. Ce sont les plantes alimentaires qui produisent le plus vite et donnent les plus forts rendements. [Illustration : FIG. 5. — Cultures de manioc dans le Haut-Oubangui.] Quant aux cultures des primitifs, elles sont assez restreintes. Les _Banziris_ vivent de _maïs_, de poisson et d’un peu de manioc. Les _Langouassis_ cultivent surtout du maïs et du mil (sorgho), un peu de manioc, pas ou presque pas de bananiers. Chez les _Togbos_ on fait du manioc et du maïs. Chez tous on trouve un peu de patates, de _Coleus_, d’arachides, de pois arachides, de niébés (_Vigna_), de sésame et de nombreuses sortes de légumes sans grande valeur. L’_Eleusine_ n’existe pas dans le pays. On le rencontre chez le sultan Rafaï qui en fait de la bière. Le petit mil (_Penicillaria_) ne se rencontre que plus au nord. Il fait son apparition chez les Ngapous et dans le pays de Senoussi. Il ne faut pas omettre les Cucurbitacées alimentaires qui jouent un très grand rôle dans cette partie de l’Afrique : d’abord les courges ou citrouilles dont il existe deux espèces en Afrique centrale, _Cucurbita maxima_ et _C. moschata_ et de nombreuses variétés. Les _Lagenaria_ ou calebassiers présentent aussi un très grand nombre de variétés et les fruits avec lesquels on fabrique toutes sortes de vases depuis la gourde classique jusqu’aux grandes calebasses dans lesquelles les négresses préparent la cuisine, peuvent être mangés cuits lorsqu’ils sont suffisamment jeunes. On rencontre également çà et là quelques plants de pastèques et des _Luffa_ susceptibles d’être consommés jeunes malgré leur amertume. Mais il existe surtout deux plantes spéciales à ces régions qui méritent de fixer un peu l’attention. L’une est une espèce de _Cucumis_ cultivée en grand dans toute l’Afrique centrale depuis la forêt congolaise jusqu’au centre du Baguirmi. Les Bandas la nomment _Kokré_ ou _Koukouré_, les Banziris _Sindou_, les Mandjias d’un nom presque identique _Sindo_. On l’ensemence au commencement de l’hivernage dans les terres ameublies aux abords des villages, ainsi que dans les champs de maïs et de sorgho. La plante ramifiée, rampant sur le sol, ressemble beaucoup à un pied de concombre. Elle produit un grand nombre de fruits ayant aussi la même forme, mais complètement lisses à maturité, d’un blanc jaunâtre marbrés de vert et dont la dimension diffère beaucoup suivant les variétés. Il y en a qui ne dépassent pas la taille d’une olive, d’autres atteignent la grosseur d’un citron. Après la récolte du maïs, on laisse les _Kokré_ achever de mûrir. Bientôt leur tige se dessèche, puis, les fruits, complètement jaunes et cependant encore très amers, commencent à pourrir. C’est à ce moment qu’on les récolte. Ils sont ensuite passés dans l’eau et lavés de manière à séparer les graines très petites, seule partie utilisable de la plante. Chaque famille fait des provisions abondantes de ces graines. On les soumet à la cuisson pour en extraire une huile qui sert à enduire le corps, ou plus fréquemment on les écrase et on les mange réduites en farine avec des herbes du pays en guise d’épinards. La seconde plante est aussi probablement un _Cucumis_, mais ne l’ayant pas vue en fleur nous ne pouvons nous prononcer d’une façon certaine. Les peuples de race banda la nomment _Doropo_, les Banziris _Lousou_. On la cultive aussi dans les champs, mais elle ne semble pas sortir du bassin de l’Oubangui. Elle produit des fruits plus gros que le _Kokré_, mais beaucoup plus petits que les citrouilles (_Kioukiou_) en banda. La forme de ces fruits diffère beaucoup suivant les variétés. Il en existe d’ovoïdes (avec un diamètre de 8 à 12 centimètres), d’ellipsoïdes, d’allongés en forme de bouteille et dans ce cas ayant une longueur de 15 à 20 centimètres et pouvant être étranglés à la base ; d’autres encore ont la forme d’une très grosse fraise. Les _Doropo_ sont lisses et à maturité ils restent verts avec des marbrures blanchâtres. Certaines variétés sont presque complètement blanches surtout sur la face qui repose sur le sol. La chair est également blanchâtre. Chez les Boubous, au-dessus du Kouango, il en existerait une variété qui a la chair jaune. Les _Doropo_ se mangent coupés en morceaux et cuits à l’eau avec ou sans graisse. Le P. MOREAU nous fit déguster un ragoût de mouton dans lequel les pommes de terre étaient remplacées par des _Doropo_. Il fallait être prévenu pour s’apercevoir de la substitution. C’est donc encore une précieuse ressource pour l’alimentation de l’Européen aux colonies, ressource à ajouter aux _Coleus_ alimentaires sur lesquels nous avons par ailleurs attiré l’attention. Les missionnaires nous firent encore connaître tous les végétaux précieux qu’ils ont introduits à Bessou. Quoique leur installation fût encore très récente, on trouvait déjà en 1902, en état de produire, la plupart des arbres fruitiers des pays tropicaux : plusieurs variétés de manguiers, d’orangers, de citronniers, de cerisiers des Antilles (_Eugenia Michelii_), de goyaviers, de nombreux avocatiers, la châtaigne de Cayenne, l’arbre à pain châtaigne, la barbadine, la pomme-liane. Ils avaient aussi tenté la culture du riz de montagne qui avait donné d’assez bons résultats ; les ensemencements de blé du Tchad n’avaient pas réussi. Le 3 septembre nous retournâmes à Fort-de-Possel enthousiastes de la belle œuvre agricole accomplie en si peu de temps dans ce pays éloigné de tout centre civilisé et pleins d’espoir nous-mêmes pour l’avenir du jardin de cultures que nous voulions créer. Nous ne revenions pas les mains vides ; le P. MOREAU nous avait laissé la liberté de prélever dans ses cultures toutes les graines que nous voudrions et même d’emporter des jeunes plants et des boutures pour les introduire dans les contrées encore plus sauvages où nous allions pénétrer. Je fis une partie de la route à pied en suivant un petit sentier qui longe l’Oubangui et je pus ainsi visiter les groupements banziris installés en cet endroit. En cette période d’hivernage, les cultures de manioc et de maïs, les bananeraies et les plantes d’ignames et de haricots (_Phaseolus lunatus_) accrochés le long des enclos, les champs de manioc, assez étendus, donnaient véritablement à la contrée l’air d’un pays de cocagne. Je sus plus tard que cet aspect était trompeur puisque chaque année la famine faisait des ravages dans le pays et malheureusement pas seulement ici, mais aussi à proximité de presque tous les endroits où nous avons des postes et des chefs-lieux de cercle. Au lieu d’épargner des corvées et des fournitures de vivres aux peuplades qui ont laissé avec confiance les Européens s’installer auprès d’elles, nous leur demandons au contraire des prestations plus dures qu’à celles qui nous ont fermé pendant des années l’accès de leurs villages. Or, ces peuplades vivaient déjà péniblement avant notre arrivée. Aujourd’hui nous les forçons à subvenir, contre une rémunération en verroterie qui a si peu d’importance, à l’alimentation d’une armée de passagers, à celle de nos miliciens, de nos domestiques et de nos employés noirs, à celle enfin de nombreuses négresses qui, dans certains postes, tout en restant inactives, consomment des vivres produits par d’autres femmes de la brousse, qui, celles-ci, meurent de faim et sont obligées de laisser périr leurs enfants. Le plus élémentaire sentiment de justice commanderait que dans ces pays ingrats, privés de tout moyen de ravitaillement, on ne conserve pas dans un poste une seule bouche inutile. C’est là ou jamais le cas de dire : « ce qui est donné aux uns est volé aux autres ! » A Fort-de-Possel, une mauvaise nouvelle nous attendait. Le Dr DECORSE souffrait d’une crise d’entérite, redoutait un accès de dysenterie : c’était sans doute la conséquence de cette nuit froide et humide passée aux rapides de l’Oubangui. Ses appréhensions furent malheureusement justifiées par la suite. Dès le lendemain nous décidâmes qu’il irait se reposer à la mission de Bessou où il trouverait du lait frais et des vivres appropriés à son état. Il y resta près d’un mois mais ne s’y reposa guère, continuant à chasser avec passion et à chercher les renseignements que je l’avais chargé de recueillir sur la faune, l’anthropologie et l’ethnographie. Je ne devais le revoir que deux mois plus tard et pour bien peu de temps à Fort-Sibut où il parvint fin octobre encore plus souffrant. Nos exhortations pour le faire retourner en arrière furent inutiles. Pendant toute une année encore, de plus en plus malade, il se traîna énergiquement jusqu’au Tchad, recueillant une quantité énorme de matériaux d’études, accomplissant tout son devoir jusqu’au bout et s’il put revenir de ce lointain voyage, c’est qu’il avait réellement, comme un de nos amis l’a écrit par la suite, « la volonté de ne pas mourir ». COURTET ayant passé ses journées à organiser notre départ et à faire sécher au soleil tout notre matériel et nos pauvres collections, parvint heureusement à les sauver presque toutes. Les pluies, depuis quelques jours, avaient diminué d’intensité et il était urgent de nous mettre au plus vite en marche afin d’installer, avant l’arrivée de la saison sèche, le jardin d’acclimatation et d’essais que nous devions fonder. Le lieutenant-colonel DESTENAVE m’avait recommandé pour cet emplacement le poste de Fort-Sibut distant d’une centaine de kilomètres. En septembre deux voies existent pour atteindre ce poste : l’une, _la route de terre_, est une piste débroussée de 6 mètres de large qui, par les petits postes de Botinga, les Mbrous, et Yangoro atteint le chef-lieu du cercle. On l’effectue à pied, avec des chevaux du Chari quand il en arrive, mais la mouche tsé tsé et le climat les tuent si vite qu’il est fort rare qu’on puisse s’en servir. La seconde voie est _le cours de la Tomi_, rivière qui prend sa source près de celles de la Fafa, affluent du Bahr-Sara, et après des détours passe à Fort-Sibut où elle est déjà navigable pour les baleinières, puis elle descend vers l’Oubangui par un cours sinueux ; encombrée de rochers, et fréquemment bordée de grands arbres qui gênent beaucoup la navigation. Elle se réunit à la Kémo, 20 kilomètres environ à vol d’oiseau avant d’arriver au grand fleuve. Sur la route de terre les charges sont transportées sur la tête des porteurs, la plupart de race banda ; sur la Tomi elles sont placées dans des pirogues indigènes ou des baleinières apportées d’Europe et dirigées par des piroguiers banziris. Nous ne pouvions songer à transporter nos deux cents charges d’un seul coup. Porteurs et piroguiers étaient rares, occupés à cette époque de l’année aux travaux de culture. De plus la montée des militaires allant relever leurs camarades au Tchad en avait pris un grand nombre et le pays souffrait déjà énormément de ces réquisitions permanentes. Je décidai de partir au plus vite avec MARTRET, abandonnant la plupart des colis de la mission à la garde de COURTET qui devait en assurer la montée dès que possible et poursuivre quelques études intéressantes qui restaient à faire à Fort-de-Possel. Nous quittâmes le poste le 7 septembre au matin, MARTRET remontait la Tomi dans une grande pirogue où il avait chargé ses précieuses plantes vivantes apportées de France et du Sénégal et renfermées dans deux serres Ward. La plupart étaient encore en bon état et cependant elles voyageaient depuis 4 mois ; la traversée de Bangui à la Kémo en avait tué quelques-unes. Je partis ensuite par la voie de terre. J’arrivai à Fort-Sibut le 9 septembre et MARTRET m’y rejoignit deux jours plus tard après avoir failli chavirer plusieurs fois et avoir vu la plupart de ses pagayeurs s’enfuir. Le chemin de Fort-de-Possel à Fort-Sibut est aujourd’hui bien connu. FOUREAU l’a parcouru en 1900 dans la même saison que nous et en a donné une relation. En 1902 la route n’avait guère changé : la plupart des villages installés à proximité avaient émigré pour se soustraire aux corvées et aux prestations de vivres. Les quatre journées de marche que j’y effectuai me révélèrent une brousse tout à fait identique à celle que j’avais parcourue 3 ans plus tôt au S. du Soudan français (cercles de Kouroussa, Bougouni, Sikasso et Bobo-Dioulasso). L’aspect de la végétation était semblable, la flore de ces deux régions si éloignées était à peu près identique. Les espèces végétales sont les mêmes dans les deux contrées ou bien ce sont parfois des espèces très voisines, ayant le même port et se substituant les unes aux autres. Je rencontrai cependant sur les plateaux de latérite deux lianes en buissons que je n’avais encore jamais vues. L’une est un _Mussænda_ que les Ndis nomment _Debourou_. C’est un arbuste sarmenteux à rameaux retombants formant des buissons de 2 à 4 mètres de hauteur. Les corolles grandes, d’un beau jaune et velues à l’intérieur, sont groupées en panicules assez denses. L’arbuste porte souvent en même temps des fleurs et des fruits mûrs. Ceux-ci sont des baies rougeâtres à maturité, de la grosseur d’une groseille à maquereau avec une pulpe sucrée et un peu acide contenant un grand nombre de graines très fines. Le goût de ce fruit rappelle un peu la groseille et le P. MOREAU nomme la plante _groseillier de l’Oubangui_. L’autre est une Landolphiée, _Clitandra Schweinfurthii_, qui porte à cette époque des fruits complètement sphériques, d’un vert-jaunâtre à maturité et renfermant quelques graines entourées d’une pulpe sucrée, comestible. C’est à tort que FOUREAU a signalé cette liane comme la source du caoutchouc du Haut-Chari. J’ai expérimenté fréquemment le latex qui s’écoule quand on incise l’écorce de la plante. Il m’a toujours donné des résines inutilisables. Il y a certainement eu confusion avec la liane _Banga_ des Bandas qui est le _Landolphia owariensis_, vient dans les mêmes lieux, a souvent le même port et est la seule plante à caoutchouc du pays Banda. Un arbre fruitier également très répandu sur les plateaux est le _Ficus Vallis-choudæ_ nommé _Ongo_, par les Ndis et trouvé précédemment par SCHWEINFURTH dans le Bahr-el-Ghazal. C’est de tous les _Ficus_ connus en Afrique tropicale celui qui ressemble le plus à notre Ficus d’Europe par son port et par ses figues. Il forme des touffes de 3 à 7 mètres de haut avec des branches nombreuses, partant d’une souche commune, et souvent ramifiées dès la base. Les feuilles sont cordées, subrhomboïdales avec 5 ou 7 grosses dents. Les figues de 6 centimètres de diamètre, ont, à maturité, la taille et la couleur d’une belle pêche. Leur surface est veloutée, jaunâtre et marquée longitudinalement de marbrures pourprées, irrégulières. L’intérieur est creusé d’une grande cavité. La plupart des ovaires sont avortés et les autres hypertrophiés par la piqûre de la _mouche des figues_ (probablement un _Blastophaga_). De nombreuses petites fourmis noires vont et viennent aussi à l’intérieur. La chair des réceptacles (figues) est fade et faiblement sucrée. Lorsqu’ils sont très mûrs elle est mangeable, cependant les indigènes en sont peu friands. La végétation de la contrée est d’une assez grande uniformité. C’est la _grande brousse_, c’est-à-dire une immense prairie (_goussou_ en banda) de hautes graminées élevées de 2 à 3 mètres à feuilles souvent coupantes et à tiges raides comme de gros roseaux atteignant parfois la grosseur du petit doigt. Parmi elles dominent trois ou quatre espèces d’_Andropogon_ et deux espèces de _Panicum_. Au milieu d’elles, et s’élevant à la même hauteur, apparaissent quelques plantes aux fleurs voyantes, jaunes, rouges, blanches, qui émaillent cette prairie. C’est tantôt un _Hibiscus_, ou quelque autre malvacée, tantôt, un _Osbeckia_, parfois une grosse touffe de thé de Gambie (_Lippia adoensis_). L’horizon est ordinairement très borné, à moins qu’on soit sur une hauteur ; les arbres et arbustes disséminés à travers cette prairie sont tantôt rapprochés les uns des autres, formant des buissons et des bosquets ininterrompus sous lesquels on peut cependant circuler facilement à la saison sèche. Au moment des pluies tout ce fouillis est enlacé d’herbes grimpantes avec des vrilles (légumineuses, cucurbitacées) ou de plantes volubiles (ignames sauvages, Ipomæa). Tantôt la brousse est beaucoup moins boisée, on ne voit que des arbres de 10 à 25 mètres de haut écartés d’une trentaine de mètres les uns des autres et arrivant rarement à se joindre par leurs branches : c’est dans ce cas la _végétation de parc_ dans laquelle dominent les _Lophira_, les _Daniella_, les _Combretum_, les _Terminalia_, les _Detarium_, les _Tamarindus_, et même quelques arbres épineux (_Acacia_, _Entada_). Ces arbres ne portent jamais d’épiphytes mais assez souvent des _Loranthus_, parasites, formant des touffes comme le gui et chargés constamment ou de fleurs roses, ou de fruits rouges. La terre n’est jamais nue et tous les vides laissés par les arbres sont remplis par les hautes herbes dont nous avons parlé. En octobre la plupart de ces plantes ont leurs grains mûrs et les tiges commencent à se dessécher. Les graines de certains _andropogon_ munies d’arêtes accrochantes ou de longs barbillons pouvant s’enrouler en tire-bouchon les uns aux autres se réunissent en grosses boules le long des sentiers et sont emportés au loin par le vent. Les premiers incendies d’herbes commencent vers le 1er octobre à Fort-Sibut. A la fin de décembre la brousse est brûlée presque partout. A ce moment arrivent quelques petites pluies qui déterminent la germination de beaucoup de graines et font épanouir pas mal de fleurs au ras du sol. Les arbustes brûlés émettent aussi des repousses à cette époque. A la fin de mars un gazon épais tapisse déjà la plupart des emplacements si les pluies ont été précoces. Dans le courant de mai, les herbes sont suffisamment développées pour que l’ensemble ait l’aspect d’une prairie verdoyante haute seulement de 15 à 30 centimètres, les chaumes sortent ensuite et s’élèvent. C’est en juillet et août que cette grande brousse atteint son plein développement. Les animaux eux-mêmes y circulent alors difficilement. C’est d’ailleurs l’époque des amours et de l’élevage des petits pour beaucoup, notamment pour les grands fauves (panthères, lions, hyènes) et pour les grands herbivores (antilopes, buffles) et ces hôtes demeurent cantonnés en des districts limités où les chasseurs indigènes ne parviennent pas à les découvrir. Les éléphants au contraire circulent à de fortes distances. La grande prairie est souvent coupée en tous sens par leurs pistes et les herbes sont piétinées suivant des lignes qui se recoupent souvent mais qui sont les seules voies que le naturaliste puisse suivre pour aller explorer cette jungle presque impénétrable. Sur les plateaux ferrugineux la végétation est beaucoup plus rase, souvent même, si les grandes tables de latérite sont à nu, on ne rencontre que quelques rares brins d’herbes croissant entre les fentes de la pierre. Il apparaît ainsi çà et là dans la brousse des taches, larges parfois de plusieurs centaines de mètres, sans arbres, presque sans herbes, avec de nombreuses termitières en champignon sur le pourtour, là où il y a encore de la terre au-dessus de la roche. La brousse en certains endroits revêt encore parfois une autre allure : elle est formée d’arbustes aux troncs rabougris très rapprochés les uns des autres, si bien que l’on ne pourrait pas circuler à cheval entre eux, même quand les herbes sont brûlées. Cela ressemble assez comme aspect à une forêt de chênes de l’O. de la France qui n’aurait pas été coupée depuis 25 ans. La plupart des arbres de la brousse, à l’exception des mimosées aux élégantes feuilles composées d’une infinité de folioles, n’ont pas d’originalité propre les distinguant beaucoup à distance des arbres des pays tempérés. Beaucoup ont les feuilles caduques. La plupart fleurissent de décembre à mars, souvent avant l’apparition des feuilles, et fructifient d’avril à juin. Chez quelques espèces les fleurs se succèdent sur le même arbre pendant plusieurs mois. C’est le cas par exemple du _Cassia fistula_, dont les magnifiques grappes de fleurs jaunes rappelant celles du cytise faux-ébénier s’observent en février, mars et avril. Le paysage de la grande brousse dans le marais est encore très spécial. Là plus d’arbres, seulement de rares touffes d’arbustes. Les graminées y sont en général moins hautes. Il semble que c’est là surtout que l’éléphant préfère venir pâturer si l’on en juge par les nombreuses pistes qui se coupent en tous sens. Enfin n’oublions pas de mentionner la _galerie forestière_ aux arbres superbes, formant de larges traînées verdoyantes que l’on peut observer du haut d’un _Kaga_ et qui indiquent la trace des moindres cours d’eau. Dans un autre chapitre, nous décrirons en détail l’architecture de l’une de ces galeries. La route de Fort-de-Possel à Fort-Sibut et à Fort- Crampel en coupe un très grand nombre, tantôt elles environnent de tous petits ruisseaux presque sans eau, tantôt des rivières de 15 à 20 mètres de large, et leur dimension n’est nullement proportionnée à l’importance du cours d’eau. Ainsi la Tomi n’a souvent qu’une seule rangée d’arbres sur chaque rive, alors que des ruisselets de 2 mètres de large sont souvent dissimulés sous une haute et épaisse galerie de plus de 100 mètres de largeur. Le poste de Fort-Sibut a été fondé en janvier 1896, par la première mission GENTIL et l’on y voyait encore en 1902 des citronniers et des papayers datant de cette époque. Son nom rappelle le Dr SIBUT, membre de la deuxième expédition, mort dès son arrivée au Congo en 1898. L’installation du poste ne remonte réellement qu’à 1899, date à laquelle il a reçu le nom qu’il porte aujourd’hui. Auparavant son emplacement était désigné sous l’appellation de Krébedjé, nom du chef qui commande le village ndi voisin. C’est encore sous cette dénomination qu’on le désigne communément en Afrique centrale. MAISTRE était passé tout près de là en 1891, mais c’est à GENTIL que revient l’honneur d’avoir trouvé le chemin de la Tomi navigable comme voie d’accès la plus courte pour aller au Chari. Les pièces démontées du _Léon Blot_ furent transportées dans le courant de l’année 1896 au point terminus de la navigation de cette rivière. On y installa des bâtiments pour les recevoir et un petit jardin où furent semés les premiers papayers et citronniers apportés dans le pays. Trois ans plus tard, en 1899, A. ROUSSET construisait des bâtiments plus durables et fondait un jardin plus étendu, il explorait les pays environnants. Il fut le principal organisateur du cercle de Fort-Sibut et l’introducteur de la plupart des arbres fruitiers qui existent dans le pays. Je ne pus malheureusement me rencontrer avec ce vaillant homme. J’appris à mon arrivée dans le pays où il avait accompli tant d’efforts son récent départ pour la Fafa où avec la collaboration de M. PERDRIZET il lança la première baleinière qui lui permit de descendre le cours de Bahr-Sara jusqu’à son confluent avec le Bamingui. Nous fûmes très bien reçus par l’administrateur qui lui avait succédé, M. GABORIAUD auquel le lieutenant-colonel DESTENAVE avait annoncé notre arrivée. Dès le 10 septembre nous nous mîmes à parcourir la brousse aux environs afin de déterminer l’emplacement qui conviendrait pour l’installation du jardin d’essais. Notre attention fut bientôt attirée par un grand terrain d’une trentaine d’hectares limité par la Tomi à l’E., au S. par la cour du poste et au N. par une petite galerie forestière. Le 14 septembre MARTRET commençait les premiers défrichements avec une équipe d’une dizaine de manœuvres indigènes, tout à fait inexpérimentés. [Illustration : FIG. 6. — Sous bois au bord d’un ruisseau.] Quelques jours plus tard il put ensemencer ses graines les plus précieuses et transplanter nos jeunes plantes qui s’étiolaient dans leurs caisses vitrées. On vit successivement germer les citronniers, les mandariniers, les orangers et une foule d’autres plantes utiles apportées du muséum, du jardin colonial de Nogent, enfin de la maison Vilmorin-Andrieux qui avait gracieusement mis à notre disposition toutes les richesses inépuisables mentionnées sur ses catalogues. En 2 mois 460 espèces ou variétés de plantes utiles furent ensemencées ou transplantées. II. — DE FORT-SIBUT A LA HAUTE-KÉMO ET A LA HAUTE-OMBELLA Délivré de gros soucis du côté du jardin d’essais, je songeai, en attendant l’arrivée de COURTET, à aller faire une tournée dans l’intérieur pour prendre contact avec les indigènes, avec la flore et reconnaître les ressources de la contrée surtout en ce qui concernait le caoutchouc. J’avais déjà la conviction qu’il n’existait qu’une seule espèce de plante pouvant être exploitée, la liane _Banga_. L’arbre à caoutchouc (_Iré_) et plusieurs lianes qui donnent d’excellente gomme élastique avaient disparu de la brousse depuis Bangui. Je fis vers l’E. de Fort-Sibut une première excursion d’une huitaine de jours au pays des Kas et des Mbis, deux tribus de race banda vivant près de la Haute-Kémo. Je traversai la Tomi le 22 septembre au matin avec une quinzaine de porteurs ndis. Il n’y avait pour tout sentier qu’une piste à peine frayée serpentant à travers les hautes herbes élevées de plus de 3 mètres et en partie couchées sur la voie. Mon cheval ne pouvait parvenir seul à se frayer un chemin dans cette immense mer d’herbe ; je dus placer en avant un yacoma pour ouvrir un passage. Nous avions à peine fait 2 kilomètres qu’une tornade violente éclata. Pendant une heure les nuages déversèrent des torrents d’eau. La pluie est une chose à laquelle on prête peu d’attention au centre de l’Afrique. Au bout de deux minutes on est trempé même avec des vêtements imperméables, qui bientôt se collent sur le corps ; leur poids augmente et l’on continue à avancer avec indifférence sous la pluie qui gicle de tous côtés. Il est cependant difficile d’imaginer ce qu’est la marche pendant une tornade dans une grande jungle comme celle où nous nous trouvions. Il faut naturellement mettre pied à terre, le cheval ne pouvant plus bouger. Le sentier devient bientôt un ruisseau torrentueux, l’eau boueuse arrive à la cheville et peut monter au-dessus des genoux, puis de grandes mares se forment çà et là et si l’on n’a pas un guide connaissant le chemin à fond, il est presque impossible de reconnaître la piste que l’on veut suivre dans les mille ruisseaux qui se croisent en tous sens sous les herbes. Puis quand la pluie a cessé, on continue encore à recevoir des douches d’eau pendant plusieurs heures, de tous les chaumes et de toutes les branches que l’on heurte en avançant. Après quelques heures de cette marche pénible nous nous arrêtons dans un petit village de culture. Pendant que les porteurs mangent d’un seul coup la provision entière de vivres qu’ils ont apportée pour tout le voyage, je mets des vêtements secs et je répare dans les caisses non fermées les dégâts. Nous repartons ensuite et tout le reste de la journée nous avançons sous un ciel non ensoleillé dans une atmosphère lourde et humide. La nuit épaisse nous surprend et bientôt je suis arrêté par une rivière profondément encaissée, dans laquelle, à la suite de l’orage, une haute masse d’eau jaunâtre roule impétueusement. Un pont formé de lianes enchevêtrées sert aux indigènes en temps ordinaire à passer d’une rive à l’autre. En ce moment il baigne dans le torrent et par prudence nous campons sur la berge jusqu’au lendemain matin. _23 septembre._ — Nous avons bien fait de ne pas franchir le pont dans l’obscurité. Une partie a été disloquée par le courant et il faut passer plus d’une heure à le rétablir. Nous reprenons la marche à travers les herbes mouillées et nous arrivons à 10 heures devant une longue traînée d’arbres qui indique le cours de la Kémo. Nous devons être un peu en amont du poste disparu établi autrefois par DYBOWSKI. La rivière est large en ce point d’une trentaine de mètres. De très gros arbres sont penchés sur le fleuve dont les branches descendent tellement bas que beaucoup sont en partie recouvertes par l’eau. Il serait impossible de se diriger en cette saison même avec une petite pirogue à cause des obstacles créés par tous ces troncs et rameaux d’arbres à demi-noyés et heurtés violemment par le courant. La crue lèche presque le haut du lit ; nous sommes sans doute à l’époque du maximum de hauteur des eaux. La pluie de la veille a encore accentué la violence du courant. Nous franchissons la rivière sur un grand pont de lianes avec mille précautions. Les porteurs avec leur charge sur la tête ne peuvent s’y aventurer que deux ou trois à la fois tant il est fragile et ils avancent avec une sage lenteur. Enfin au bout d’une heure ils sont tous sur la rive opposée, sans que nous ayons le moindre accident à déplorer. Pendant ce temps le milicien bambara a passé le cheval à la nage, chose très difficile à cause de la violence du courant et des nombreuses branches encombrant le lit. Il a fallu trouver un endroit aussi favorable que possible et les habitants du village voisin, familiarisés avec la rivière dans laquelle ils pêchent aux basses eaux, nous ont été de précieux guides. Le cheval a d’abord été amené à un endroit où la berge est en pente pour ne pas qu’il perde pied immédiatement. Une dizaine d’hommes se sont jetés à l’eau et les uns accrochés aux branches baignées dans la rivière, les autres à la nage et se maintenant aux premiers, ils ont formé une espèce de pont humain qui avait pour but de maintenir et de seconder le palefrenier nageant en avant du cheval en tenant le licol entre ses dents. La violence du courant est telle que sans ces précautions le cheval et son conducteur seraient certainement entraînés. Les noirs sont vraiment admirables dans ces opérations où il faut une sûreté de soi-même absolue. Une demi-seconde de distraction de la part d’un homme pourrait en faire noyer plusieurs. Ils s’acquittent de cette tâche sans mot dire dans un silence émotionnant. J’ai eu soin préalablement d’éloigner les boys qui sont ordinairement très gênants en ces circonstances : si on les laisse faire, ils sont toujours disposés à donner des ordres et ce sont ordinairement des « mouches du coche » dont il faut se défier. En courant les routes d’Afrique j’ai, du reste, appris à intervenir moi- même le moins souvent possible pour commander les noirs dont j’utilisais les services et, dans les circonstances difficiles, telles que le passage d’une rivière dangereuse, je les ai toujours laissés agir à leur guise. Je n’ai jamais eu à le regretter : jamais il ne m’est arrivé le moindre accident, tandis que j’ai vu des Européens qui voulaient tout diriger avoir parfois des mésaventures fort désagréables. Il m’est même arrivé plus d’une fois de passer une rivière ou un fleuve à la nage sans savoir nager et cependant sans la moindre appréhension. Je me laissais simplement conduire par quelques nageurs robustes dans lesquels j’avais beaucoup plus confiance qu’en moi-même. Mais par contre quand quelque noir, dont l’expérience et la bonne volonté m’étaient connues, me disait : « Il ne faut pas faire telle chose, ce serait dangereux », j’ai rarement passé outre. Je continuais néanmoins à aller où je voulais, mais par de longs détours. Cela m’est arrivé plus tard dans le Baguirmi au moment de l’inondation et dans les Bahr du lac Tchad. « La première condition pour être explorateur, disait SAVORGNAN DE BRAZZA, est d’être armé d’une forte dose de calme et de patience. » Donc le passage de la Kémo, en pleine crue à l’aller comme au retour quelques jours plus tard, s’accomplit sans trop de peines, mais en y mettant tout le temps nécessaire. Pour les Mbis chez lesquels nous nous trouvions, la rivière que nous venions de franchir se nomme _Kouma_ ou _Gouma_, la particule _gou_ (ou _kou_ ?) signifiant eau. Ils ont quelques petites pirogues pour la remonter ou la descendre, mais ils ne s’avancent jamais qu’à une faible distance de leur village. Nous trouvons au poste de la Kémo l’accueil réconfortant du garde pavillon le sénégalais Lati Faye. La race Sérère à laquelle il appartient est réputée comme la moins avancée de toute la Sénégambie, bien à tort, car c’est elle qui produit une grande partie des 15 millions de francs d’arachides exportées chaque année par Rufisque. Il habite depuis 5 ans la région du Haut-Oubangui et a parcouru une partie du cercle de Krébedjé. Sa connaissance parfaite de la langue Banda l’a fait placer il y a environ six mois dans ce poste où il peut rendre des services particulièrement utiles. Il parvint en effet à entretenir de bonnes relations avec le chef du village Griko et à nous le faire connaître, malgré sa peur terrible des blancs qui jusqu’ici le faisait fuir dans la brousse à la moindre nouvelle du passage d’un administrateur. A force de se moquer de cette crainte singulière chez un guerrier comme lui, Lati Faye le décida à venir me voir. Le début de l’entrevue ne fut pas sans incidents : mon lorgnon lui semblait une machine diabolique inventée par les blancs pour ensorceler et même pour tuer leurs ennemis ; mais enfin, grâce à la diplomatie du sénégalais, Griko ne s’occupa pas autrement de cette « manière de blanc » et je vis arriver, peu après cette première rencontre, les principaux notables de son village et toute une troupe de femmes, d’enfants, chargés de provisions pour mes hommes. Les calebasses, pleines de farine de manioc, d’arachides s’amoncelèrent dans la cour du poste. Mes largesses en perles et en sel me valurent l’amitié de ces gens. Toute la soirée se passa en conversation avec les chefs accourus de toutes parts me saluer et m’offrir le traditionnel poulet. A tous j’ai dit le but de mon voyage, notre désir de voir les nègres travailler et l’intérêt que nous attachions surtout à la récolte du caoutchouc. Le lendemain à mon réveil un tam-tam s’organisait en mon honneur dans la cour du poste. Grâce aux bonnes dispositions de Griko, je pus visiter à mon aise le village de Mboukou, et compléter mes études sur l’habitation chez les Mbis. Un village se compose d’une série de groupes de cases ou soukalas, chacune régie par un chef dépendant du Makongui ou chef de toutes les soukalas. Quelques-unes sont administrées par les hommes mêmes de Griko qui jouent en quelque sorte le rôle de contre-maîtres (ziango). D’autres appartiennent à son père, à ses frères, à de simples particuliers. Chaque soukala est entourée de plantations (kendé) de manioc, de maïs, de patates, d’arachides, de _Vigna_, de _Woandzeia_. Aux abords immédiats, on trouve du tabac[21], des _Corchorus_, de l’oseille de Guinée (gombo), de grands pieds de _Tephrosia_ pour la pêche, enfin partout en abondance une grande Acanthacée à fleurs bleues dont les cendres fournissent le sel indigène[22]. Les cases de la soukala, au nombre de 2 à 10, sont réunies autour d’une cour assez vaste, ordinairement plane[23]. Le sol de cette cour est ordinairement nu et la terre battue. Cependant on trouve quelquefois au milieu un arbuste sur lequel grimpent des ignames, des _Lagenaria_, des _Luffa_. Çà et là aussi, des touffes de plantes fétiches[24], le plus souvent des euphorbes cactiformes ; puis quelques pierres servant de foyer ou d’aiguisoir, des marmites où l’on prépare les aliments et le sel. Chaque femme sait faire elle-même ces poteries : elle pétrit l’argile à la main, la moule dans des cavités creusées dans le sol, l’ornemente à l’aide d’un manche en bois sculpté, puis cuit ces vases à grand feu. Au milieu de la cour, on voit souvent une petite case où le noir se repose dans la journée, sorte de hangar à claire-voie, à toiture souvent ronde ou conique : c’est le kimbiri. Parfois le mil est amoncelé dans des greniers surélevés de 0m,50 à 0m,80, arrondis, à murs de clayonnage, à toiture conique en paille. Les Mbis appellent ces magasins, assez semblables à ceux des Wolofs, des ndenda yourou. Dans ce même espace on construit à la fin de l’hivernage un mur en baguettes de bois tressées ou retenues par des lianes et, aussitôt après la récolte, on y met les épis de maïs. Ils y sèchent parfaitement, même quand le temps est pluvieux, sans que l’on ait à craindre les terribles ennemis des provisions de grains, insectes ou rongeurs. En ce moment on voit partout de ces espaliers (yoyo bonya) et les cases luttent à qui possèdera le plus grand. Ordinairement ils ont 5 mètres de haut sur 6 à 10 mètres de long, dimension dépassée par celui de Griko. Autour de tout cela, quantité de poules et de cabris qu’on rentre la nuit dans les cases. Quand il y a une grande termitière à proximité, on y perce un trou et on y loge les poulets : nouvelle utilisation de ces chambres souterraines qui ailleurs servent de four à cuire le pain et de magasin pour la récolte du salpêtre. Les cases des Mbis, d’aspect très élégant, sont de forme circulaire ; le sommet, non conique, mais arrondi, est souvent dépassé par une pointe de 0m,50 à 1 mètre. Le diamètre varie de 4 à 8 mètres, et la hauteur maximum, de 4 à 6. Les murs, en pisé, s’élèvent à peine de 0m,50 au- dessus du sol, mais le plus souvent, l’intérieur est creusé de 0m,50 à 1 mètre. On pénètre à l’intérieur par une seule porte étroite, haute à peine de 0m,30 à 0m,60 au-dessus du niveau extérieur du sol. Cette porte est pratiquée dans une sorte d’auvent en saillie de 0m,40 et est aussi recouverte de paille : en retroussant cette paille on peut, en se courbant, s’épargner de ramper pour entrer. L’intérieur est souvent divisé en 2 ou 3 compartiments par des piquets. Lorsqu’un chef important possède plusieurs femmes, chacune a d’ordinaire une case avec les enfants qui lui sont propres. Après cette randonnée, je restai près de 3 semaines à Fort-Sibut, retenu par la récolte et la préparation des plantes dont la plupart sont en fleurs à cette époque. J’ai ainsi réuni près de 400 espèces dans les environs immédiats du poste. Quelques accès de fièvre contribuèrent encore à retarder le voyage que j’avais projeté vers la Haute-Ombella. Je ne pus partir vers l’E. que le soir du 18 octobre, accompagné de 12 porteurs. L’étape fut courte[25], 7 à 8 kilomètres à peine, à travers les hautes herbes, la brousse claire, les épaisses galeries, et bientôt nous arrivions chez Okomekiou, où j’eus la bonne fortune d’assister à la fabrication du sel indigène avec les cendres de la _Lippia_ et de l’_Eleusine indica_. Le lendemain 19 octobre nous nous mîmes en route dès 5 heures du matin. Les nuits étant notablement plus froides depuis 48 heures, une abondante rosée recouvre les plantes et rend la marche assez pénible, moins toutefois que la chaleur de midi. Durant cette matinée, le soleil ne parut pas, sans pourtant que le temps fût lourd. A 10 heures, on entend au lointain quelques faibles coups de tonnerre ; à 11 heures et demie l’eau tomba, doucement d’abord, puis avec intensité ; enfin le ciel s’éclaircit vers midi. Ce sont les derniers jours de l’hivernage. Une grande partie des arbres ont perdu leur belle teinte verte et les feuilles jaunissent ; dans la brousse où mûrissent les graines des Andropogonées, certaines places sont déjà brûlées le long des sentiers. Le pays présente toujours les mêmes grandes tables de latérite, entaillées tous les 50 à 60 mètres par de petits ruisseaux qui rendent la marche très pénible. Ils n’ont pourtant le plus souvent que 2 à 4 mètres de large avec une profondeur (à cette époque, 19 octobre) de 20 à 40 centimètres. Mais il n’est point rare que ces rivières lilliputiennes présentent des escarpements élevés de plus de 20 mètres au-dessus du niveau des fortes crues ; presque toujours l’une des berges est beaucoup plus haute que l’autre et forme le rebord d’une table rocheuse. De plus ces versants abrupts sont couverts d’un fouillis de souches et de racines, d’arbres tombés, à travers lesquels on a peine à conduire le cheval. Une végétation abondante et variée enveloppe ces marigots depuis les gigantesques cailcédrats et fromagers jusqu’aux humbles acanthacées. Les vieux troncs d’arbres et les rocs sont tout enveloppés de mousses spéciales à cette station dont la fraîcheur est encore embellie par les broderies que forment les frondaisons de fougères les plus diverses. Parfois d’élégants petits _Dracæna_ ou les hautes ramures du Kokoro[26], dont les cymes florales d’un blanc éclatant dissimulent le feuillage. En dehors de ces galeries, les arbres de la brousse sont très clairsemés (Tamariniers). [Illustration : FIG. 7. — Bananier sauvage dans la brousse.] Si difficile que soit le chemin dans ces abords, il est pourtant assez fréquenté à en juger par la largeur de la piste et par la rencontre d’une vingtaine de voyageurs chargés de farine de manioc ou de mil pour le poste. Nous traversons quelques villages presque déserts : Gono, Viamba, Diapira ; enfin, à 11 heures et demie, nous arrivons chez Ouaka qui s’enfuit à notre approche. Son village se compose de 5 cases et d’un hangar. Il est impossible d’évaluer de prime abord la richesse de ces agglomérations. Les cultures de patates semblent étendues, mais le noir a soin de les pratiquer dans la brousse. Au pourtour de son habitation, il ne plante guère que du gombo, l’acanthacée salifère et surtout du tabac[27]. De même, il cache en quelque lieu ignoré ses poulets, ses cabris. Les chiens, au contraire, errent autour des cases ainsi que souvent des couvées de pintades. Le 20 octobre, nous partons à 6 h.40 sous un ciel découvert qui promet une grande chaleur. Nous allons marcher toute cette journée vers le S.-S.-O, par un étroit sentier qui disparaît souvent sous les hautes herbes toutes humides de rosée et que les éléphants semblent suivre plus souvent que les indigènes. Nous traversons d’abord des terrains plats où sont disséminées les cultures d’Ouaka et de ses hommes, soit 3 ou 4 hectares de patates et de sorgho. Les patates appartiennent toutes à l’espèce à tiges rampantes et à feuilles entières cordiformes. Elles sont soigneusement sarclées et butées. Je suis surpris de voir le mil si peu avancé : il n’épie pas encore et pourtant les pluies semblent près de prendre fin. Le terrain devient ensuite rocheux ; on rencontre de grandes tables de gneiss complètement nues où les indigènes viennent sécher leur farine de manioc. Puis à 4 kilomètres et demi d’Ouaka, une grande plaine basse succède à la brousse, ou plutôt un marais à hautes cypéracées, avec quelques _Phœnix_. On y observe des dépressions, mais l’eau semble n’avoir que peu d’écoulement. A 10 heures, nous franchissons le marigot de Yalli, large de 3 mètres et profond de 0m,15 : les eaux coulent lentement sur le fond de sable. Dans l’ombre de la galerie, qui s’étend sur 200 mètres, j’ai rencontré un petit bambou rameur dont les chaumes s’élèvent jusqu’à 2m,50 de haut. Sur les graviers du lit, en un endroit bien abrité, se trouvent quelques touffes de _Colocasia antiquorum_ ?[28]. Des gousses d’Owala sont tombées sous le couvert de la galerie. Vers 11 heures, nous arrivons au marigot de Gouoro, profondément encaissé et coulant entre de gros blocs de pierre. Les filets d’eau, relativement profonds quelquefois (0m,25), vont d’un cours rapide vers le N.-O., vers la Tomi. Le lit est large de 8 mètres. A midi, j’ai étudié plus en détail le marigot d’Ounga, qui coule dans la direction N.-S.-S.-O. Ses rives extrêmement escarpées ont 15 mètres à pic sur la rive droite, 5 à 7 mètres sur la rive gauche. Le lit large de 5 mètres ne contient que 0m,10 d’une eau claire, très agréable. Elle court entre de gros blocs tabulaires ou arrondis de gneiss typique, dont la partie émergée est recouverte de mousses, de lichens, d’hépatiques. Parfois le lit est presque entièrement obstrué par ces rocs dont la plupart sont bien en place. Dans les endroits au cours plus lent, le fond est formé de graviers de quartz plus ou moins opaque, de roches granitoïdes et de la roche ferrugineuse dont quelques blocs çà et là se sont effondrés dans le ruisseau. Les bords sont peuplés de _Khaya africana_, et autres légumineuses[29]. L’après-midi, nous parcourons pendant 2 heures et demie une grande plaine marécageuse où abondent les traces des éléphants qui viennent pâturer autour des quelques _Phœnix_. A droite et à gauche, des Kagas dont les cimes dominent le pays d’une cinquantaine de mètres. Devant nous, vers le S.-O., se profilent des hauteurs boisées. La plaine elle- même n’est couverte que d’arbustes chétifs : _Vitex cuneata_, _Parinarium_, _Terminalia_, _Acridocarpus plagiopterus_. La pluie nous surprend à 5 heures et demie tandis que nous cheminons dans les hautes herbes et nous oblige à camper dans la brousse. Nous n’étions malheureusement pas quittes à si bon marché. A 2 heures du matin, une tornade épouvantable éclata ; l’eau tomba à torrents de 3 à 4 heures, puis moins fort, mais sans interruption jusqu’à 8 heures et demie. Le débit du petit marigot près duquel nous nous étions arrêtés a triplé depuis hier soir. Inquiets de savoir si nous parviendrons à franchir l’Ombella dans ces conditions, nous partons cependant, le ciel s’étant complètement éclairci. Pendant une heure, c’est à travers des herbes hautes de 3 mètres qu’il nous faut tâcher de ne pas perdre notre sentier au milieu du dédale des pistes des éléphants. Puis nous arrivons dans une place à végétation moins puissante, l’herbe est même brûlée par endroits. Si lugubre que soit la vision des chaumes et des troncs noircis, on éprouve un certain soulagement à penser que la route va être moins difficile. Vain espoir ! les porteurs souffrent horriblement à marcher nu-pieds sur les chicots calcinés et le cheval lui-même a peine à avancer. Ces traversées sont d’ailleurs de courte durée. Nous escaladons un kaga dont les herbes ne sont pas brûlées, puis nous rencontrons l’emplacement d’un ancien village[30] du chef Oualiko (ou Ouariko) qui a émigré il y a quelques mois sur la rive droite de la Yambéré[31]. Nous entendons le fracas des chutes de la rivière, 200 ou 300 mètres avant d’y arriver. En ce moment, gonflée par les averses, c’est un véritable torrent. Elle mesure 15 mètres de large sur 1m,50 à 2 mètres de profondeur. Au coude où nous la franchissons à gué, les eaux se précipitent sur plusieurs tables de granit[32] barrant la rivière et les franchissant en deux chutes ; la différence de dénivellation est de 2 mètres environ. Sur le bord supérieur de la première de ces chutes, la profondeur est de 0m,50 seulement : toutefois les remous obligent à prendre certaines précautions pour passer. La rivière en cet endroit est bordée de grands arbres, mais aucun ne s’avance loin[33] ; il n’y a pas en somme de véritable galerie. A 3 heures, nous repartons vers le nouveau village de Oualiko, situé à 4 kilomètres du coude de la Yambéré, mais après une route pénible au milieu des hautes herbes, nous ne trouvons à l’étape espérée ni indigènes ni cases. Seuls quelques champs de mil et de patates montrent que ce lieu fut habité. Ce contre-temps nous force à aller camper au village de Mgouma, Kenji. Le jour suivant nous amena, après la traversée de Gouaga (Bandéro), au village de Nguingé, entouré de belles cultures de mil, de patates et de tabac et ombragé de superbes Khayas[34]. Il appartient à Dati. Celui-ci nous annonça pour le lendemain (23 octobre) une étape longue et difficile jusque chez Kono : kagas inaccessibles, rochers abrupts, etc. C’était heureusement exagéré. Malgré de nombreux arrêts nous avons franchi en 3 heures et demie la distance, qui est de 12 à 15 kilomètres. Les kagas se réduisent à une simple montée et à une descente assez raide à 2 kilomètres de chez Kono. En quittant Dati, on longe le petit marigot de Mbaoua, large à peine de 3 mètres, profond de 0m,05, mais intarissable. Il s’en va dans le Nord et les Mbrous qui m’accompagnent en font un affluent de la Fafa, rivière qui se jetterait dans la Yambéré à l’E. de Nguingé[35]. La végétation de ses rives est d’une richesse surprenante : j’y ai retrouvé quelques-uns des plus beaux représentants de la flore congolaise et notamment le majestueux _Musanga Smithii_, le _Combretum_ à grandes bractées écarlates mêlés à de gigantesques fromagers, à des _Khaya_, etc. Puis, pendant une heure et demie, nous avons marché dans une brousse d’une monotonie désespérante. J’ai cependant été assez heureux pour découvrir la plante bien connue du Sénégal et du Soudan, le Nété (_Parkia biglobosa_)[36], dont les grosses inflorescences en forme de boules rouges pendent à cette époque aux arbres et rompent la monotonie de cette végétation steppique si pauvre en fleurs à la fin de l’hivernage. Sur les pentes des collines, à proximité des ravins, j’ai vu aussi le kokoro en fleurs : les arbres ressemblent en ce moment à d’immenses bouquets d’une blancheur virginale. Toujours pas de palmiers, même le rônier reste introuvable depuis notre départ de Krébedjé. A la moitié de l’étape, on aperçoit, se profilant devant nous et à notre gauche, les hauteurs de Kono. Leur aspect imposant disparaît à mesure que nous approchons ; leur altitude moyenne ne dépasse guère 50 mètres. Leur revêtement de roches ferrugineuses et de végétation ne permet d’en discerner la constitution géologique que grâce aux blocs éboulés : c’est du gneiss, coupé de filons. La colline que nous gravissons est couverte de bois épais sur le sommet et sur la pente méridionale très raide ; le versant septentrional au contraire est cultivé par les hommes de Kono. Son village est situé dans une dépression arrosée par un marigot, large de 3 mètres, le Gouabia, et dominée par le Kaga Ngonau au N.-E. (80 mètres d’altitude relative). Il est entouré de grands champs de mil, en train d’épier, de patates actuellement en fleurs, de manioc et de jardins renfermant l’igname, le taro, le dazo, l’arachide, la _Woandzeia_, le sésame, le tabac et le haricot niébé en quantité. Le chef me fait un excellent accueil, vient me voir plusieurs fois dans la journée en m’apportant les cadeaux habituels : cabris, poulets, œufs, patates, farine de mil, de manioc et de maïs. J’essaie de me renseigner sur le pays situé au N. vers Paraco : Kono me le dépeint comme absolument inhabité et impénétrable. Le 24 octobre, après avoir traversé les rapides de la Boma (10 mètres de large) et laissé à notre droite le Kaga Do, j’arrivai au poste de Diouma, où je consacrai quelques jours à la récolte et au séchage des plantes. Ce poste est formé d’une cour d’un hectare et demi, barrée par la Boma et un petit marigot, où s’élèvent sur pilotis trois bâtiments en pisé, longs chacun de 15 mètres. Le chef, avec ses 14 tirailleurs, assure la soumission des Mbrous, sur lesquels je recueillis quelques renseignements ethnographiques. Ils ne connaissent ni le mil ni le manioc qu’ils achètent au N., chez les Mandjias. J’appris d’eux que le palmier à huile (Mbimé) existe dans quelques villages près de Krébedjé : Koungari, Diapira, et que le bambou (Ngara), absent de cette contrée, ne se trouve pas au N. avant Ungouras. La fièvre retarda mon voyage de retour à Fort-Sibut (1er-4 septembre) par le village de Koussougou[37] dominé par plusieurs kagas. A 2 kil. 500 de ces cases, je repassai la Yambéré en un point où la rivière, ordinairement large de 15 mètres et profonde de 1m,50 à 1m,70, franchit en rapide des rochers granitoïdes[38] ; puis je rencontrai 4 marigots, toujours du même type : peu larges, peu profonds et très encaissés. Le pays prend ensuite un caractère tout spécial par suite de la facilité à se laisser éroder de la roche constitutive ; c’est une roche ancienne à cristaux d’orthose empâtés dans un ciment granitoïde. Sa décomposition a dégagé d’énormes monolithes parfois debout, des tables posées en équilibre instable sur des blocs gigantesques ; d’autres amas de rocs, où disparaissent çà et là quelques ruisselets, formant des grottes où s’abritent parfois les Mbrous ou les Ndis de passage et qui seraient peut-être intéressantes à fouiller. [Note 15 : _Kopo_ en bondjo, _Takou_ en banziri.] [Note 16 : DECORSE écrit Ngéré.] [Note 17 : Koufourou en mbouaka, ndo en banziri.] [Note 18 : Voir pour la description de ces pirogues, J. DECORSE, _Du Congo au lac Tchad_, p. 22-23.] [Note 19 : Dr J. DECORSE, _Du Congo au Lac Tchad_, p. 30.] [Note 20 : A. CHEVALIER et E. PERROT, _Les Végétaux utiles de l’Afrique tropicale française_, I, p. 100 et suiv., 1905.] [Note 21 : Les deux espèces existent, mais le _Nicotiana tabacum_ est plus fréquent que le _Nicotiana rustica_.] [Note 22 : Cette préparation semble assez considérable : autour des cases habitées on voit souvent des monceaux coniques de cendres provenant de la cuisson et s’élevant parfois à 2 ou 3 mètres de hauteur.] [Note 23 : J’ai pourtant rencontré entre la Tomi et la Kémo des cours bombées pouvant s’élever de 10 mètres au-dessus de la plaine ; les cases sont alors situées au pied de ce mamelon.] [Note 24 : Fétiche se dit doundou ou doundourou. Parmi les plants fétiches citons : le lingui ngatou, petite liliacée à feuilles étroites et à fleurs verdâtres, déjà observée dans les villages bouakas ; c’est le fétiche des poules qui pondent davantage si elles en mangent les feuilles ; — le lingui ouaoua (_Amaryllis nivea_ ?), fétiche du chemin : Le Mbi passant dans la brousse en emporte des feuilles qui le garantissent contre les attaques ; — le khéréya bimbéré, grande amaryllidée à feuilles larges pliés en gouttière et ondulées. Cette plante a des feuilles à saveur très amère ; c’est, paraît-il, un poison violent. Pourtant elle est fétiche du sel dont elle assure un plus grand rendement, si on la met dans la marmite où l’on évapore la lessive de cendres.] [Note 25 : Reconnu ce jour-là l’_Eriodendron_, l’_Elæis_, le _Sarcocephalus esculentus_ ; des _Dracæna_ de moyenne taille (2 à 3 mètres), le bambou nain. A Krébedjé et chez Okomekiou il y a quelques papayers.] [Note 26 : Son bois sert à faire les tamtam.] [Note 27 : Le tabac réussit ici admirablement. J’ai compté environ 2000 pieds, appartenant au _Nicotiana tabacum_, à part quelques chétifs _Nicotiana rustica_. Ce sont les plus beaux que j’aie jusqu’ici rencontrés en Afrique tropicale. Quelques-uns mesurent 1m,70 et portent 14 ou 15 feuilles ayant 30 à 40 centimètres de long sur 15 à 20 de large. Il convient de dire qu’ils sont fort bien cultivés : repiquage à 20 ou 40 centimètres de distance dans des tas de cendres, arrosés s’il en est besoin. Leur propriétaire leur prodigue d’ailleurs les fétiches.] [Note 28 : Ce végétal n’était pas en fleurs et n’avait pas encore formé de tubercules, mais il m’a bien semblé être identique à la plante cultivée par les indigènes.] [Note 29 : J’ai rencontré sur les blocs de gneiss à demi submergés une fougère très spéciale par le polymorphisme de ses frondes. Les rhizomes courant à la surface sont recouverts de petites lames vertes plus ou moins étalées et contournées, s’appuyant sur le rhizome même et prenant tout à fait l’aspect d’une hépatique. La partie submergée du thalle porte des frondes translucides, analogues à celles des Hymenophyllées et stériles. Les frondes proprement dites sont celles d’un polypode vulgaire, mais elles peuvent s’élever jusqu’à 0m,60 et passer à la forme précédente par de multiples transitions suivant qu’elles ont été plus ou moins longtemps submergées. La quatrième forme ressemble à la fronde fertile du _Blechnum spicatum_ en ce que les pinnules plus étroites que dans la fronde stérile, sont entièrement recouvertes de sporanges à la face inférieure. Comme le niveau de l’eau peut s’élever très rapidement pendant les crues et avarier les jeunes sporanges, cette partie fertile est portée sur un long rachis nu et très rigide.] [Note 30 : Cet emplacement n’était reconnaissable que par les plantes vivrières redevenues sauvages : Gombo, oseille de Guinée, acanthacée salifère, amaranthes comestibles, cotonniers, tabac.] [Note 31 : Nom de la Haute-Ombella.] [Note 32 : C’est un beau granit riche en mica noir ; il est traversé par de nombreux filaments à grain plus fin.] [Note 33 : Sur quelques-uns de ces arbres, j’ai rencontré en fructification le poivrier déjà observé à Bangui. Il n’est point connu, partant point utilisé des indigènes.] [Note 34 : Au N.-N.-E. de ce village se trouvent ceux des Gogos : ce sont des Mbrous qui ont dû fuir loin de leurs congénères. J’ai acheté chez Dati un ornement des lèvres en quartz, qui provient du poste des Mbrous : c’est en creusant le sol que les indigènes rencontrent cette roche.] [Note 35 : J’ai questionné mes porteurs sur les sources de la Fafa, sur la Tomi et la Yambéré. J’ai constaté une fois de plus la complète ignorance des indigènes sur ces questions.] [Note 36 : Kombé en langue banda, koumbi en ndi.] [Note 37 : J’y ai observé le coton indigène, qui a des brins longs de 20 et 30 millimètres d’un beau blanc.] [Note 38 : Au début de la même étape, le marigot de Boguiri, profond de 0m,10 seulement et pourtant fort encaissé, m’avait montré le gneiss traversé de filons de quartz.] CHAPITRE III DE FORT-SIBUT A NDELLÉ Le 12 novembre, COURTET et moi nous nous mettions en route pour Fort- Crampel. Le sentier qui va du bassin de l’Oubangui au Haut-Chari traverse un pays aujourd’hui complètement désert, mais où existaient il y a peu d’années encore des villages populeux. Les habitants ont fui pour se soustraire au portage et aux rapines des noirs affamés qui parcourent cette route. Près de la ligne de partage des eaux des deux bassins, on pénètre chez le second grand peuple du Haut-Chari : La race _Mandjia_. Les Mandjias seraient les autochtones, et leur centre de dispersion se trouverait vers la Haute-Sangha beaucoup plus à l’O. ; les Bandas, au contraire, viendraient de l’E., à la limite des trois bassins Oubangui, Chari, Nil, pays où nous avons trouvé les nombreuses grottes qu’ils ont habitées. Les Mandjias, tout en étant anthropophages, semblent avoir eu une civilisation assez avancée. Ils ont conservé quantité de traditions et les rites d’un fétichisme très complexe. Ils sont groupés en une multitude de clans patriarcaux commandés ordinairement par des vieillards renommés pour leur bravoure, ou pour leur habileté comme féticheurs. Cette race, quoique habitant un pays fertile, est aujourd’hui décimée par la famine, les épidémies, l’hostilité des Bandas envahisseurs, et elle se trouve dans un état d’affaissement lamentable. La vue de ces hommes amaigris, paraissant pour la plupart avoir renoncé jusqu’à l’effort de la lutte pour la vie, inspire une profonde pitié. Le 21 novembre nous arrivions à Fort-Crampel où vivent côte à côte les Bandas et les Mandjias et qui est le poste le plus rapproché de la capitale des états du sultan Senoussi, la ville de Ndellé. [Illustration : FIG. 8. — La région de Fort-Crampel vue du sommet du kaga Bandéro, et une partie des constructions du poste.] A une année d’intervalle, en 1903, je refaisais en sens inverse cette route de Fort-Crampel à Fort-Sibut. Elle avait bien peu changé ! Partout la piste battue, misérable, serpente à travers la brousse, sans seulement une case en dehors des quelques gîtes d’étapes. Partout les indigènes réquisitionnés sans répit ni raison, comme porteurs ou pourvoyeurs de vivres, se sont enfoncés plus loin dans la brousse insondée. Notre départ de Fort-Crampel pour Ndellé eut lieu le 27 novembre. Le début de la route fut singulièrement monotone sur ces grands plateaux gréseux couverts d’une brousse claire (bush) qu’interrompent pourtant, çà et là, les galeries de quelques rivières, comme la Koddo, ou des bois entiers de bambous. Nous arrivâmes au Kaga Mbra le 30, et le soir même nous assistâmes à un immense embrasement qui s’étendit sur tout le versant occidental de la colline. Des arbres entiers étaient consumés et, on entendait les crépitements de l’incendie à 3 kilomètres de distance et la lueur réfléchie par les roches blanches était aveuglante. Le kaga Mbra, comme les autres kagas des environs, fut jadis habité ; on y voit des grottes enfumées, on reconnaît des plantes naturalisées comme le ricin, le bananier, le cotonnier, l’euphorbe cactiforme, le _Cissus quadrangularis_, et peut-être le gratteron (_mucuna_), qui y est commun, fut-il introduit comme barricade par les troglodytes. Les fétichistes des plaines voisines se sont souvent réfugiés dans ces rochers pour échapper aux fauves ou aux razzias des Arabes. Ainsi nous trouvons près du petit poste où nous campons des Mbras ou Mbalas, des Ngapous qui sont venus chercher là protection contre Senoussi[39]. La sécurité de ces retraites n’est d’ailleurs point absolue en présence des grands chefs esclavagistes. Nous devons signaler en cette localité la capture d’une famille d’une espèce de mammifère fort intéressante. Je veux parler d’une nidification de Prosimiens du genre Galago. Pendant que j’herborisais dans la brousse avoisinant le campement, des hommes s’étaient arrêtés au pied d’un _Prosopis_, gros arbre de la famille des mimosées, dont le tronc âgé présentait des anfractuosités. A cette époque de l’année les indigènes affamés explorent souvent les arbres creux qu’ils rencontrent. Ils y capturent parfois des rayons d’abeilles ou de mellipones, des oiseaux provenant des pontes printanières, ou simplement de petits mammifères. Ces animaux, quel que soit leur âge, sont de bonne prise pour des gens qui meurent de faim. Par le simple examen de l’écorce de l’arbre aux environs de l’ouverture de l’anfractuosité il est possible de voir si le réduit est habité. On obstrue ensuite les diverses ouvertures sauf une, pour empêcher les animaux de fuir et par le trou béant on enfonce une sagaie pour tuer les animaux ou les inviter à fuir. Pour les capturer vivants, il faut élargir l’ouverture afin d’y passer la main. Nos bandas retirèrent ainsi quatre jeunes _Galagos_ de l’anfractuosité du _Prosopis_. Ils étaient de la taille d’un tout petit chat et provenaient certainement d’une portée récente. Leur poil doux, très soyeux et très fourni leur donne un aspect particulier. Deux de ces animaux avaient été tués pendant leur capture. Malgré les protestations de notre cuisinier nous en fîmes un ragoût que COURTET et moi trouvâmes excellent. Un troisième animal rapporté vivant dans notre case réussit à s’enfuir. Les galagos essentiellement nocturnes sont assez maladroits au jour, mais il n’est pas exact qu’ils se laissent prendre sans faire aucun mouvement. Je gardai le quatrième plusieurs jours en captivité en lui faisant prendre un peu de lait de conserve et de l’eau sucrée, puis une nuit il parvint à s’évader. [Illustration : FIG. 9. — _Phœnix reclinata_.] Les kagas Djé, qui dominent de loin la plaine environnante, présentent encore des traces de plantations, des débris de poteries ou des retranchements formés de blocs de granit, mais ces défenses n’ont pu préserver les Tambagos d’une extermination totale. Deux jours de marche (4-6 décembre) nous rendirent de ces pitons au pays Balidja, à travers un immense plateau où affleure partout la roche ferrugineuse. L’aspect dominant est celui de la brousse claire incendiée annuellement, pourtant le bush est parfois interrompu par des plaines marécageuses. Le gibier abonde : j’ai vu aux abords du Bamingui[40] l’empreinte fraîchement laissée par un éléphant avec laquelle se confondaient les traces d’un buffle, d’une antilope et d’un petit carnassier. Par contre il n’y a aucune trace de culture, aucune habitation. Les bouquets de bois qui se dressent çà et là rendent l’horizon assez limité ; ce n’est qu’à 5 kilomètres de distance que nous apercevons les kagas de Balidja, dômes noirâtres d’un aspect assez imposant. Nous y campons dans un village qui, comme tous ceux de ce pays, est composé de captifs de Senoussi ; le chef lui-même est captif. Il doit, ainsi que les chefs des agglomérations voisines, fournir aux soldats de Senoussi tous les vivres dont ils ont besoin pour eux et leurs porteurs. Nous-mêmes, à titre d’amis du roi, nous recevons gratuitement tous les vivres nécessaires. Nous nous sommes livré à une étude assez attentive de ces kagas si curieux comme relief et comme habitat. La roche constitutive est un beau granite à grands cristaux de feldspath rose, coupé de nombreux filonnets d’un autre granite à grain fin et d’aplite. Elle est creusée, comme aux Kagas Dyé, de cavités en chaudière dont l’eau est colorée en vert par les algues. Les mamelons ont souvent éclaté en couches concentriques, parfois minces, parfois ayant une grande épaisseur. COURTET et moi, nous fîmes l’ascension du Kaga Pongourou, le plus élevé (altitude : 607 mètres ; altitude du village, 531 mètres) de ces mamelons, qui, au nombre d’une quinzaine, délimitent un large cirque ouvert seulement au N.-O. vers une brousse illimitée. Au pied de ce kaga sourd un ruisselet limpide bordé d’une riche galerie où l’on remarque les _Landolphia owariensis_, les _Anthocleista_, les _Phœnix Dybowskii_ élevés de plus de 12 mètres. Sur les collines, la végétation arborescente est assez pauvre. Le baobab, le rônier, le fromager font défaut ; ce qui domine, ce sont les aloès, les _Sterculia tomentosa_, les _Bombax buonopozense_ (dondol) dont les troncs tordus sont actuellement chargés de larges fleurs écarlates. Ces rochers, sur lesquels planent sans cesse les oiseaux carnassiers, sont peuplés d’une quantité de pintades qui picorent les graines mûres des _Andropogon_, du peuple des singes qui a ses sentiers pour venir boire et ses repaires pour s’abriter la nuit. Pour l’homme aussi, c’est une station privilégiée que ces collines creusées d’anfractuosités où, derrière des blocs amoncelés, les femmes et les enfants ont moins à craindre d’une surprise imprévue que dans l’infini de la brousse. C’est un lieu de défense, et c’est peut-être aussi un point plus favorable à la vie normale. L’eau des hivernages se conserve comme en des citernes naturelles. La décomposition du granite a rendu assez fertile le cirque enserré par les kagas ; il est cultivé depuis longtemps, comme le prouve la couleur noire du sol. Aussi tout démontre l’antiquité de l’occupation par les hommes : innombrables débris de poterie qui jonchent les blocs les moins accessibles, épaisse couche de noir de fumée sur les parois de toutes les grottes. Maintenant que Senoussi a pacifié ces contrées, en les asservissant, ces refuges sont abandonnés pour des cases, les unes perchées au haut des kagas, les autres disséminées sur 5 ou 6 kilomètres carrés dans la plaine. C’est l’habitation des Bandas, à sommet pointu surmonté d’une tige ; les constructions sont réunies par groupes de cinq à six autour d’une cour où l’on fait la cuisine et les travaux journaliers. Les villages semblent prospères. On nous apporte en quantité de la farine fraîche de mil, des arachides, des patates, des haricots (_Vigna_). Il est vrai que nous sommes au moment de la récolte et que le mil livré a eu à peine le temps de sécher. Le _Penicillaria_ existe aussi, mais je n’ai pas vu d’_Eleusine_. Près de notre campement, je remarque, à l’ombre des tamariniers, le sésame, les légumes habituels, l’_Hibiscus esculentus_, l’_Hibiscus sabdariffa_, l’amarante, le ricin. Le coton se recueille en ce moment. Il est fourni par deux espèces : le _Gossypium barbadense_ et le _Gossypium punctatum_ plus rare[41]. Les habitants n’ont aucun bétail, ni poules, ni cabris. [Illustration : FIG. 10. — Un _Daniella thurifera_.] Les kagas que nous rencontrâmes dans la journée du 9 décembre présentent toujours les mêmes caractères : ce sont des mamelons granitiques disséminés dans une immense plaine qu’ils dominent d’environ 60 mètres. Les villages, même établis au pied, puisent l’eau dans les cavités de la montagne[42]. Partout un air de prospérité, en ce moment on coupe le mil et le _Penicillaria_. Au kaga Batolo, les bouquets d’épis sont mis à sécher sur les rochers et on les recouvre de feuilles pour les préserver des tourterelles et des ramiers. On cultive les deux variétés de tabac et en outre le _Gossypium punctatum_ et une sorte d’Aubergine qui m’était inconnue. Du kaga Batolo aux falaises qui dominent la cuvette de Ndellé, nous ne rencontrâmes que des ondulations insignifiantes. La brousse est interrompue de distance en distance par des plaines marécageuses, et par des ruisseaux asséchés avec ou sans galeries forestières. Le Bangoran lui-même, bien que large de 10 mètres, ne coule qu’avec une extrême lenteur ; sa profondeur n’est que de 0m,60 (9 décembre). Le 11 décembre nous étions arrêtés pour le déjeuner au ruisseau asséché de Gongoubissi, quand nous vîmes arriver un courrier de M. GRECH, résident auprès du sultan Senoussi. M. GRECH me demandait l’heure probable de notre arrivée à Ndellé afin d’en prévenir le sultan. Le soir nous campions à Djigangou, village situé à 6 kilomètres environ de Ndellé. Le 12 décembre nous arrivions à Ndellé à 8 h. 40 du matin. Senoussi avait envoyé au-devant de nous son fils aîné Adem, ainsi que l’un des deux ambassadeurs venus à Paris en 1898 avec M. GENTIL : El Hadj Tokeur. L’accueil qu’on nous fit fut extrêmement cordial. En nous voyant arriver sans escorte dans un pays où la vie d’un homme compte pour si peu de chose, Senoussi et son entourage éprouvèrent un véritable étonnement. Le sultan nous manifesta hautement son attachement à la France et nous dit qu’il fallait considérer son pays comme le nôtre et que nous pourrions y circuler en toute liberté pour nous livrer à nos études. Toutefois, comme nous étions venus sans tirailleurs, il nous ferait accompagner par des soldats à lui chargés de veiller sur notre sécurité. [Note 39 : Parmi ces Ngapous, nous rencontrons le chef de l’ancien village Kourou, situé auprès de la rivière Koukourou, Guéréwa — c’est son nom — se souvient fort bien du passage de DYBOWSKI dans son ancien village. Il n’eut pas connaissance d’un combat de ce voyageur avec des Arabes, et, en tout cas, ceux-ci ne pouvaient être que des gens de Senoussi qui déjà, à cette époque, venaient en pays npagou enlever les esclaves et l’ivoire.] [Note 40 : Au point où nous l’avons traversé, il n’avait que 15 mètres de large et 1m,20 de profondeur. Le Koukourou était un peu plus important : 20 mètres et 1m,20. Pourtant les berges conservent une hauteur de 3 à 4 mètres.] [Note 41 : J’ai vu au Kaga Mbra le _Gossypium herbaceum_.] [Note 42 : Ces citernes naturelles ont parfois plusieurs mètres de profondeur. L’une d’elles, sur le kaga Batolo, passe pour insondable et habitée par de mauvais génies qui retiennent ceux qui s’en approchent de trop près.] CHAPITRE IV LES POPULATIONS DE LA FORÊT ET DES HAUTS-PLATEAUX I. — LES SYLVATIQUES ET LES FERTITS La plupart des peuples fétichistes chez lesquels nous avons séjourné pendant la première partie de la mission constituent la grande famille des Bandas. Ils ne sont toutefois pas seuls à occuper les territoires que nous avons décrits dans le chapitre précédent. Au point de vue géographique, les races fétichistes de l’Oubangui et du haut et moyen Chari peuvent être réparties en deux grandes familles : les Sylvatiques et les Fertits. _Les Sylvatiques._ Des _Sylvatiques_, qui vivent dans la forêt équatoriale, certains groupes s’avancent en divers endroits très boisés des affluents de l’Oubangui jusque près du 6e parallèle. Ceux que nous avons vus de plus près sont les Bondjos de Bangui. Nous devons encore mentionner les Nsakaras ou Niamniams, les Yacomas et les Sangos localisés entre Mobaye et le poste des Abiras. Peut-être faut-il ajouter à cette liste les Banziris de la Kémo et du Kouango. Tous ces peuples sont de mœurs brutales ; au point de vue moral ils sont tout au bas de l’échelle humaine ! Mais ils ont une civilisation plus élevée que les peuples suivants ; ils sont habiles dans le travail du fer, du bois, de la sparterie et de la poterie ; les habitations sont construites parfois avec confort et élégance ; les danses et les chants de tamtam témoignent d’une certaine intuition artistique ; enfin l’agriculture des Bondjos, comme nous l’avons vu, dispose de plus de 20 espèces végétales cultivées. Le manioc et surtout la grosse banane qu’ils mangent ordinairement cuite, tiennent la première place dans leur alimentation. Près des fleuves ils font une assez grande consommation de poisson ; sous la forêt ils mangent beaucoup de chenilles, de larves de coléoptères, mais peu de gibier, rare sous cette latitude. [Illustration : FIG. 11. — Femmes bandas à Fort-Sibut.] Tous sont passionnément anthropophages et ne s’en cachent pas. Grâce à la surveillance de notre administration qui commence à s’exercer sur le pays, les razzias de village à village deviennent plus rares, de sorte que les repas de viande humaine semblent aujourd’hui moins fréquents le long du fleuve. Cependant chez les Bondjos on rencontre encore parfois autour des cases des trophées de crânes humains bouillis dans la marmite ou rôtis sur la braise et les notables se parent encore d’élégants colliers de dents humaines pour aller saluer les Européens. Quelle est la véritable cause de l’anthropophagie congolaise ? Est-ce, comme le pensait STANLEY, le besoin de consommer de la viande dans un pays où les produits de chasse sont rares, et où l’élevage du bétail est actuellement impossible à cause de la présence de la mouche tsé tsé ? Ou bien est-ce comme chez les Bandas, dont nous parlerons plus loin, une sorte de fétichisme rituel qui pousse les vainqueurs à dévorer les vaincus dans l’espoir d’assimiler leur force et leurs qualité ? Cette dernière hypothèse paraît la plus vraisemblable si l’on songe que les individus morts naturellement ne sont pas mangés, mais le plus souvent jetés dans l’Oubangui. Ce n’est que dans les cas de famine extrême que les Bondjos repêchent le corps des étrangers, charriés par la rivière : ils s’en repaissent, quel que soit l’état de décomposition du cadavre. Les hommes s’enivrent fréquemment en buvant la sève fermentée de plusieurs espèces de palmiers. Le tabac est cultivé partout et fumé dans des pipes. Chez certaines peuplades de la forêt (les _Mangalas_ par exemple, au singulier Bangala), on fume aussi les feuilles de chanvre fermentées dans une grande pipe formée d’une gourde ornée de dépouilles diverses et munie sur le côté d’un petit fourneau où on introduit les feuilles sèches. On allume et les indigènes aspirent à tour de rôle une bouffée par le goulot de la gourde qui passe ainsi de main en main en faisant le tour du cercle. Chez les sylvatiques, les hommes ont ordinairement le corps très déformé par des tatouages en relief, notamment sur le visage, sur la poitrine et dans le dos. Ils vivent presque complètement nus ou bien se vêtissent à l’aide de l’écorce battue d’un arbre du genre _Ficus_. Les femmes font des pagnes assez élégants avec les cordelettes coloriées composées de fibres de certains végétaux spontanés. Les individus de l’un et l’autre sexe s’oignent fréquemment le corps de graisse de fourmis blanches (termites) ou d’huile de palmier _Elæis_ qu’ils mélangent, dit-on, de graisse humaine, mais nous n’en avons jamais eu la preuve. Souvent ils s’enduisent soit tout le corps, soit seulement les jambes ou les pieds, ou une partie du visage avec une teinture rouge pourpre obtenue en pilant avec une substance grasse (c’est parfois de l’huile de ricin ou de l’huile de Pignon d’Inde) les morceaux d’un bois spécial qui est transporté en pirogues sur l’Oubangui et ses affluents et qui donne lieu à un commerce actif[43]. Les mères au lieu de porter leur enfant dans le dos comme en Afrique occidentale, le portent sur le côté gauche à l’aide d’une bretelle passée sur l’épaule droite et ramenée de l’autre côté. L’homme se tient rarement couché sur une natte comme le Soudanais quand il est désœuvré, mais il s’assoit ordinairement sur un petit banc en bois souvent artistement travaillé s’il appartient à une condition sociale élevée. Il transporte toute la journée son banc à la main et s’assoit n’importe où, dès qu’il en a la fantaisie ou dès qu’il a abordé quelqu’un. Les habitations des Bondjos sont ordinairement formées de longues galeries rectangulaires couvertes d’un toit à deux versants symétriques comme chez nous. Elles ont parfois jusqu’à 50 mètres de long, mais seulement 1m,80 à 2 mètres de largeur. Les murs latéraux ont seulement 0m,80 de hauteur et l’élévation de la maison jusqu’au toit est seulement de 1m,80. A moins d’être au milieu il faut donc se tenir constamment accroupi. Les murs sont formés soit de planches de bois que les hommes savent débiter, soit de bandes d’écorces soigneusement cousues entre elles à l’aide de lanières de feuilles de palmiers, de manière à ne pas laisser d’interstices. La charpente du toit est formée de rachis de feuilles de _Raphia_ et la toiture est composée soit de feuilles de bananier sur lesquelles sont posés des morceaux d’écorces ou des tiges de maïs et de canne à sucre, soit de grandes feuilles de certaines espèces de Marantacées de la forêt élégamment assemblées. Ce sont ces feuilles que E. DE WILDEMAN nomme des _tuiles végétales_. L’intérieur de la maison est divisé en boxes dans chacune desquelles repose un individu pendant la nuit. Dans une case vivent les femmes du maître, dans une autre ses esclaves. Ces galeries sont ordinairement disposées par trois, perpendiculaires entre elles, de manière à délimiter une grande cour carrée ouverte d’un côté. A un angle se trouve une case ronde surmontée d’un toit pointu, mieux construite et beaucoup mieux aménagée que les autres. Elle est occupée par le chef de famille qui l’habite avec sa femme préférée. Dans la cour on trouve un hangar-vérandah couvert d’un toit plat et sous lequel on peut s’abriter durant la journée contre les rayons du soleil. C’est là que l’on prépare les aliments ; pendant les nuits froides on fait aussi du feu dans les habitations. Au milieu de la cour se trouvent les trophées de chasse et de guerre, d’énormes ossements d’éléphants et des crânes humains sont entassés pêle-mêle ou à moitié enterrés. Il est facile de constater que ces débris humains, avant d’être ainsi exposés, ont eu l’honneur de passer par la table, la boîte crânienne a été défoncée pour permettre l’extraction de la cervelle. A l’entrée des cases on trouve parfois de ces têtes humaines disposées régulièrement en bordure comme ornement au même titre que, dans la banlieue parisienne, des rangées de coquilles Saint-Jacques à l’entrée d’un pavillon de campagne. Ce n’est pas seulement par là que se révèle le sens artistique de ces cannibales. Chaque case est environnée de plantes ornementales qui semblent cultivées, non il est vrai, dans un but décoratif, mais plutôt comme plantes fétiches. Voici une variété de l’igname que j’ai nommée _Dioscorea anthropophagorum_, dont les tubercules aériens ne sont pas comestibles à cause de leur richesse en acide cyanhydrique, mais qui ont la propriété merveilleuse d’éloigner les voleurs. A côté se trouvent des touffes de scilles qui ont été plantées pour faire pondre les poules. Puis on observe presque toujours deux ou trois touffes d’une grande euphorbe cactiforme plantée dans le but d’éloigner les ennemis du village. Ils mourraient s’ils passaient à côté des curieux massifs en candélabre de cette euphorbe (_Euphorbia Hermentiana_ Lemaire) cultivée aussi dans les villages bandas et mandjias, où elle est employée pour empoisonner, à l’aide de son latex, les armes de chasse et de guerre. D’autres espèces de plantes sont entretenues autour des habitations parce que l’homme avant d’aller dans la forêt s’en frictionne le corps pour faire des chasses fructueuses. Il existe enfin, plantée près de la porte de certains habitants, souvent à côté de débris humains, reliefs d’anciens repas de combats, une petite herbe qui jouit de propriétés encore plus merveilleuses, témoignant que la barbarie et la poésie peuvent parfois marcher de pair. Celui qui porte sur lui une feuille de cette plante — et je me demande où il peut la mettre puisque ces gens vont tout nus — _sera aimé de toutes les femmes qu’il rencontrera sur sa route et ces femmes n’iront pas avec un autre homme_. Je traduis littéralement ce que m’a dit l’interprète à l’aide duquel j’interrogeais le possesseur d’une si précieuse panacée. Enfin, il existe encore dans chaque cour deux très beaux _Crinum_ (_C. Sanderianum_ et _C. Giganteum_) vivant à l’état sauvage le long des cours d’eau, mais transplantés autour des habitations. Le premier a de grandes fleurs comme des tulipes, à lobes du périanthe blancs rayés de rouge au milieu, le second a des grandes fleurs d’un blanc immaculé comme certains lis. Ces plantes bulbeuses ne sont pas cultivées à cause de leurs fleurs, mais parce qu’elles possèdent aussi quelque propriété fétiche que mon guide avait oubliée ou qu’il n’a pas voulu me révéler. La floriculture dans notre vieille Europe et en Orient aurait-elle une pareille origine et les fleurs avant d’être cultivées pour leur beauté l’étaient-elles pour leurs _vertus merveilleuses_ ? Un grand nombre d’espèces alimentaires sont en outre cultivées dans chaque village, nous les avons énumérées dans le précédent chapitre, mais elles sont représentées par si peu d’exemplaires qu’elles n’empêchent pas les habitants de mourir de faim. Je me garderai bien de porter un jugement sur les habitudes et sur la psychologie de ces peuples de la forêt congolaise. J’ai vécu trop peu de temps au milieu d’eux et il faut bien avouer que rien n’est plus difficile que de pénétrer les mœurs de ces êtres primitifs. Que de légendes répandues sur leur compte ! Ils sont tous anthropophages, c’est incontestable, mais de là à déclarer qu’ils tuent pour le plaisir de tuer, qu’ils engraissent leurs victimes, qu’ils les font mourir après d’atroces supplices dans un but de raffinement culinaire, il y a loin. Seuls quelques missionnaires et de nombreux miliciens sénégalais affirment avoir surpris des scènes de ce genre, mais de telles affirmations sont au moins suspectes. Comment ces peuplades vont-elles se comporter au contact des Européens ? Seraient-elles réfractaires à une administration prévoyante qui les protégerait et leur garantirait la jouissance de leurs cultures, ne leur imposerait point de corvées arbitraires, mais un impôt raisonnable ? Il est impossible de le dire aujourd’hui encore. Au moment où nous avons remonté l’Oubangui, les Bondjos, comme les Banziris et les Sangos devaient surtout connaître l’Européen et son collaborateur le milicien ou l’employé de commerce sénégalais, par les actes de réquisitions brutales et arbitraires qui ont été pendant quinze ans la règle dans ces contrées. En tout cas, il ne faut pas juger les riverains de l’Oubangui comme des brutes sous prétexte que plusieurs fois certains villages ont massacré ou voulu massacrer des Européens, qu’ils ont souvent tué des sénégalais envoyés au milieu d’eux comme garde-pavillons ou pour y faire des répressions. Ces « actes de sauvagerie » n’ont été le plus souvent que des actes de représailles provoqués par les brutalités, les vols ou les réquisitions dont ils avaient auparavant été victimes. Je ne crois pas en vérité qu’il soit possible de gouverner ces êtres dégradés autrement que par la force, mais même un tel procédé peut se concilier avec justice et humanité. Les peuples de la forêt sont-ils appelés à disparaître (ce qui arrivera fatalement s’il ne modifient pas leur genre de vie) ou peuvent-ils évoluer vers la civilisation des peuples noirs plus avancés ? Cela aussi est impossible à prévoir, car ils trouvent dans la forêt une des plus grandes entraves à leur évolution et cependant ils sont nombreux et peuvent résister longtemps à toutes les calamités qui déciment d’autres peuples. _Les Fertit._ Les marchands d’esclaves du Soudan égyptien et du pays de Senoussi donnent le nom de _Fertit_ à tous les peuples anthropophages chez lesquels ils viennent s’approvisionner de bétail humain. Nous donnerons à ce mot un sens plus restreint en l’appliquant seulement aux peuplades vivant en dehors de la grande forêt. Ils se rencontrent dans les pays de galeries forestières et de brousse épaisse compris en Afrique centrale du quatrième au huitième parallèle. Quelques fractions s’étendent jusqu’au neuvième degré. Les villages sont éparpillés dans la brousse à proximité des rivières. Ils se déplacent lorsque les terres sont épuisées ou à la suite d’une guerre, mais s’établissent toujours dans un rayon restreint. Quelques groupements sont encore troglodytes et établissent leurs cases sur le haut des rochers (_Kagas_). D’autres, récemment encore, vivaient dans de véritables cavernes, mais ils ont été anéantis par Senoussi. De mœurs un peu moins grossières que les sylvatiques, à la guerre ils mangent encore leurs semblables, mais il ne paraît pas que ce soit dans ce but qu’ils entrent en conflit les uns avec les autres. Les expéditions des trafiquants d’esclaves islamisés les ont décimés, mais nulle part ils ne se sont convertis. Même ceux qui sont emmenés comme esclaves dans les pays musulmans et de viennent libres ensuite, se font très rarement musulmans pratiquants. [Illustration : FIG. 12. — Mon boy, de race ndi.] Les deux grands peuples de ce groupe vivant dans le Haut-Oubangui et dans le bassin du Chari sont les _Bandas_ et les _Mandjias_. Chacun de ces deux peuples est divisé en une infinité de fractions. Aux Mandjias se rapportent sans doute les Baïsou Bayas du Haut-Bahr-Sara et du Haut- Logone. Quant aux Sabangas et aux Langouassis ils constituent probablement un troisième groupe de Fertit pénétré toutefois d’éléments Banda. II. — LES BANDAS =Origine.= — Le plateau de grès horizontaux qui s’étend à la limite des bassins du Chari, du Congo et du Nil, avec ses tables déchiquetées en falaises, creusées de grottes et de cavernes qui ont servi d’abri aux primitifs, fut probablement le berceau des Bandas. Ils y vivaient en troglodytes soit par origine, soit par nécessité. Ils trouvaient en effet dans les rochers des moyens plus faciles de protection contre l’ennemi. Cependant les razzias des Arabes se répètent au point de déterminer les premiers exodes qui se portèrent vers l’Ouest. Puis ce furent les colonnes de Rabah qui mirent le pays à feu et à sang. Puis vint Senoussi. En quelques générations, des tribus entières disparurent ou furent réduites en esclavage. Ainsi les anciens habitants des kagas Djé et Toulou sont actuellement tous captifs de Senoussi ou ont été vendus par lui. Les Mbatas du kaga Bongolo sont prisonniers du sultan ou remis par lui dans une demi-liberté. D’autre part l’exode devant le conquérant acheva de briser l’unité banda. Les Ngaos qui vivent à l’Ouest du Gribingui ont la même origine que les Ngaos des sources du Bangoran. A vrai dire, cette unité n’avait jamais été bien forte. Même avant l’invasion musulmane, les tribus étaient désunies, et souvent en guerre. Encore maintenant, les Bandas proprement dits, esclaves de Senoussi, détestent les Ngaos d’Ara, bien qu’ils soient soumis au même maître. =Gouvernement.= — La race banda n’a pas d’unité sociale. Un seul mot abbréviatif _nda_ sert à désigner la tribu (_kanda_), le village (_maranda_), la maison (_ndenda_). Ces divisions n’existent en effet que dans des concepts affaiblis. Les chefs de tribus n’ont jamais eu de réelle autorité, sauf deux, Pombolo, chef des Ungourras et Ouangandji, chef des Ngaos. Les villages ont plus de cohésion et pourtant les chefs n’ont encore qu’une autorité très relative. M. GENTIL n’en a trouvé que deux _Griminton_ chez les Ungourras qui n’avait qu’un très petit commandement et _Ouangandji_, chez les Ngaos. Le chef de village ne prend de décision importante qu’après un palabre où prennent part tous les hommes à partir de 14 ou 15 ans. La discussion n’y commence qu’après le tamtam et l’absorption de bière obligatoires. Avant l’arrivée des blancs ces réunions se tenaient une ou deux fois par lune, aujourd’hui elles sont plus rares. [Illustration : FIG. 13. — Porteurs de la région de Fort-Sibut.] C’est le chef qui rend la sentence en matière criminelle. Les punitions sont : l’amende dans les cas de vol avec restitution immédiate, d’un adultère sans témoins, avoué par la femme dénonçant son amant[44] ; — le prix du sang pour un meurtre[45] ; — les fers[46] pour vol sans gravité, ou dans l’attente du paiement ; — la flagellation pour vol grave ou si l’on cherche à provoquer des aveux ; — l’empoisonnement[47] si l’accusé menace la sécurité publique ou s’il a violé le secret de la naissance ; — la mort par les armes, adultère (flagrant délit), refus du paiement (adultère), refus du prix du sang. Le père du coupable exécute les sentences, sauf celles de mort. Pour celles-ci, c’est un homme désigné par le chef qui fait l’office de bourreau. Aucune peine n’est rachetable. A la mort d’un chef, la transmission des pouvoirs se fait, après de copieuses libations, suivant un ordre de succession ainsi fixé : en première ligne, le frère du défunt, en seconde, un de ses fils, en troisième, un de ses confidents. =La vie des Bandas.= — _Mariage._ — Le jeune Banda choisit une femme de son village ou de villages voisins. Achetée par l’intermédiaire du père ou d’un ami, la femme est un capital qu’on garde jalousement[48]. La polygamie est limitée par la fortune du maître, dont le harem ne dépasse jamais 10 à 15 femmes. La première femme mariée en devient la maîtresse, et elle reste au village quand tout le monde part en guerre ?[49]. Le mari peut répudier sa femme quand elle dilapide ses biens ; dans ce cas, il a le droit d’exiger la dot qu’il lui a donnée. _Naissance._ — Quand le moment de la délivrance se fait sentir, la mère se retire dans la brousse avec deux voisines. Pendant toute cette période le mari seul peut l’approcher et si un autre que lui violait cet usage on l’empoisonnerait avec du pipi. Cette coutume s’observe également chez les Sangos et les Banziris. Quand l’enfant est né, la mère revient au village et l’on procède à sa purification, ainsi qu’à celle de l’enfant. L’un et l’autre sont lavés et puis oints de graisse ; le petit est enduit d’une couleur rouge tirée du _foro_. On ne fait généralement pas tamtam, mais on boit le pipi. Trois jours après l’enfant reçoit un nom que lui donne la mère. [Illustration : FIG. 14. — Couteaux du pays banda.] La _Circoncision._ — Se pratique par le représentant de chaque sexe le plus ancien du village. Cependant tous les villages n’ont pas de praticien, il faut parfois faire 4 ou 5 jours de marche pour en trouver. Chez l’homme l’opération se fait à 16 ou 17 ans, longtemps après le début de la puberté, alors qu’il connaît généralement la femme. Pendant l’opération on danse, on chante, on boit et quand tout le monde est ivre, le vieillard prend son couteau d’une main et le bouclier de l’autre, on en frappe le patient qui s’allonge à terre et on l’en recouvre ; il se relève aussitôt et l’opération est faite dès qu’il est debout. L’hémorragie est arrêtée avec de l’eau froide. L’excision de la femme est entourée de mystère. Nul homme n’y assiste. L’excision ne se pratique qu’au moment des fiançailles et la consécration du mariage ne peut s’effectuer que 3 lunes après la cérémonie. L’opération est faite avec un couteau courbe spécial. _Mort._ — Tous les parents et amis se lamentent bruyamment, célèbrent les louanges du trépassé. Le cadavre nu est lavé et oint de graisse. Deux jours après au son des tamtams il est enterré suivant le rituel. La succession tout entière est dévolue à la femme qui vend les armes, les perles, les étoffes pour se nourrir ; si le défunt n’a point laissé de femme, ses biens passent tous à un frère ou à une sœur ; à défaut à son père ou à sa mère ; à un beau-frère ou à une belle-sœur ; enfin, dans l’absence de toute famille, au chef de village. _Cannibalisme._ — La genèse de cette habitude chez les Bandas est réellement le besoin. Les Bandas ne mangent que les morts et les prisonniers de guerre, ils ne font point commerce de chair humaine. Ils ne mangent les hommes étrangers à leur tribu que quand ils les trouvent morts et abandonnés, et encore est-il défendu de se livrer à ce sujet à aucune réjouissance publique qui serait un cas de guerre formel. En aucune circonstance ils ne touchent aux morts de leur tribu. Chez les Ungourras et Mbaggas, les femmes mangent aussi la chair humaine ; les femmes Oudios ne peuvent y goûter ; les femmes Moroubas et Ngaos peuvent être autorisées à en manger par le chef du village. Les enfants mâles sont également exclus de ces festins jusque vers 13 ou 14 ans ; à cette époque ils ont droit à une part de viande. Il n’est pas besoin, comme dans certaines autres peuplades, qu’ils soient circoncis. Si le père, pour une raison ou pour une autre, n’en mange pas, les fils ne doivent pas en manger. La façon de débiter la précieuse nourriture est simple. On nettoie sommairement le cadavre, et il en a besoin, s’il a séjourné quatre ou cinq jours en terre. On coupe la cuisse, souvent toute une jambe, qui est le morceau réservé au chef du village. Toutes les autres parties sont coupées en parties égales et distribuées aux assistants. _Chants et danses._ — Les chants peu nombreux, simples comme motifs, sont très compliqués comme mélodie et comme exécution. Les Bandas affectionnent les vocalises, mais chaque exécutant en modifiant le ton et souvent la teneur, ils sont intraduisibles avec notre notation musicale. Tout chant se compose d’un « leit-motiv », d’une phrase répétée pendant toute la durée du tamtam. Il est accompagné d’une sorte de récitatif sous forme de chœur. Il n’y a guère que un ou deux chants de guerre, les chants de la circoncision et de l’excision, deux ou trois tamtams et des chants de circonstance, couplets du jour si on peut dire. En chantant on danse. Ce sont des danses simples sans grand caractère. Elles consistent en flexion de jambes et battement de mains cadencés, tantôt sans bouger, tantôt en tournant en cercle, les hommes et les femmes étant pêle-mêle, coude à coude. « Il y a cependant une sorte de tamtam qui est plutôt un jeu qu’une danse. Étant en cercle et frappant les mains en cadence, un danseur quelconque se détache et se rend en faisant les mouvements qui lui plaisent devant un autre à un point quelconque de la circonférence. Il le désigne par un geste du doigt ou du coude, un double appel des pieds, une inclinaison de la tête. Le danseur désigné va trouver un troisième danseur qui, lui-même, continue la mimique. Quand le jeu est bien lancé, on le fait en partie double, triple, quadruple. Il s’agit de ne pas s’embrouiller dans le manège. Quand on appelle une femme, on y joint un mouvement général du corps qui ne laisse aucun doute sur le genre de désir qu’il veut exprimer. » _Instruments de musique._ — Le _tamtam_ est un tronc d’arbre évidé, avec peau de bœuf tendue ; on la frappe avec les mains, rarement avec des baguettes. Le _Balafon_. Les touches n’en sont pas posées sur une monture. Ils reposent sur un trou en terre assez profond qui sert de caisse sonore. Le _Cora_ est une sorte de guitare. La caisse sonore est formée d’une peau hexagonale tendue sur une écorce. D’un bout part une tige en demi-cercle terminée par cinq chevilles. Les cordes, faites de lianes, vont de ces chevilles au milieu de la caisse sonore. Les _Castagnettes_ sont formées de deux petits fruits ronds de 3 centimètres de diamètre (_Oncoba spinosa_), vidés et remplis à moitié de perles, sont joints par une filière de perles. Les femmes surtout agitent cet instrument en cadence pendant des heures entières. [Illustration : FIG. 15. — Divers sifflets d’appel des Bandas et des Mandjias.] _Mythologie._ — Les Bandas, d’après M. TOQUÉ, n’ont pas de fétiches. Les Arabes les ont traités comme des brutes incapables de comprendre et d’embrasser l’islamisme. M. TOQUÉ pense aussi que les Bandas ne sont pas assez développés intellectuellement pour concevoir un dogme abstrait. Ils croient pourtant en un certain Dieu _Youvrou_ qui fait la pluie, le tonnerre, les éclairs. LA CRÉATION. — Youvrou, maître de l’univers, descendit du ciel pour créer l’espèce humaine. Il fit un homme (?) qu’il nomma _Amba_ et une femme qu’il appela _Téré_. Il créa ensuite tout ce qui devait servir à leur existence. « Probablement satisfait de son œuvre, il fit six Mbrés (trois hommes et trois femmes), puis six Moroubas et six Ngaos. Il les accoupla et leur apprit le grand geste d’Amour qu’il leur fit répéter trois fois pour s’assurer qu’ils l’avaient bien compris. Enfin il leur montra dans la nature les plantes et les animaux, tout ce qui était bon et tout ce qui était mauvais. Cela fait il remonta au ciel et laissa les mortels à leur triste sort. » LES COROCOUMBO. — Ce sont les âmes des trépassés qui reviennent tracasser les vivants la nuit, sous la forme de nains habitant les montagnes (le kaga Bandéro par exemple). Les vieillards seuls peuvent les voir sans danger. Pour les autres ils sont tous plus ou moins dangereux. Certains donnent la mort par le regard. D’autres grisent l’homme qu’ils rencontrent avec du pipi et l’emportent ensuite. D’autres encore offrent la nuit au passant de la viande. Si le passant refuse, l’esprit s’en va, dans le cas contraire, l’esprit le tourmente. Quand un homme meurt, pour apaiser les esprits, on porte sur la montagne des cabris, des poules, des œufs et surtout du manioc, du pipi et des chiens, en un mot tout ce qu’il faut pour assouvir la faim de ces nains. LE JUGEMENT DES AMES. — Les Corocoumba ne comprennent parmi les âmes des trépassés que celles des élus. Le jugement est rendu aussitôt après la mort par tous les esprits qui ont connu le trépassé. S’il est favorable (et il suffit pour cela de n’avoir point tué), l’âme vit parmi les esprits des montagnes. Dans le cas contraire, le méchant est entraîné vers une route barrée par une fosse recouverte de fagots. Il y tombe et le feu s’allume aussitôt. Les plus grands criminels ont leur âme incarnée dans un lion (inna) qui est condamné toute sa vie à chasser les antilopes et à les apporter aux Corocoumba. La vie des bons esprits est l’idéal de bonheur pour le nègre. On se réunit à l’ombre de l’_Okourou_, on danse, on boit le pipi et on mange les victuailles apportées en abondance par les vivants. Le royaume des trépassés est organisé comme celui des vivants. Les esprits vivent par agglomérations ayant chacune un chef. Ce dernier est choisi parmi ceux qui ont été enlevés par les esprits et de préférence parmi les enfants qui ne connaissent pas le mal. Il y a un chef suprême sur lequel les Bandas n’ont pas donné de renseignements à M. TOQUÉ. Un esprit peut mettre sous la protection des autres esprits un vivant qui lui est cher, son fils par exemple. On peut aussi demander aux Corocoumbo des guérisons. On prend une poule blanche et on se rend à la montagne. Quand on croit que les hommes de la montagne ont eu le temps d’approcher, on jette la poule et on s’enfuit à toutes jambes, si l’offrande plaît aux Corocoumbo, ils guérissent le malade. LES ESPRITS JUSTICIERS. — La victime d’un assassinat peut entraîner, dans le délai d’un jour, son meurtrier dans la fosse enflammée réservée aux méchants ; il lui suffit de revenir sur terre et de fixer du regard son ennemi. Les Corocoumbo châtient parfois les méchants en leur envoyant les _lagpa_ et les _mokoubiri_. Le lagpa a la tête et les pieds de l’antilope, le ventre et les épaules de l’homme. Il vient demander du _foro_ (bois rouge), de la farine, des œufs et demande parfois de la graisse pour oindre. Malheur à celui qui l’éconduit ; il reçoit un sort et meurt quelques heures après. Si on le satisfait, le lagpa s’éloigne. Le Mokoubiri est un homme qui s’adresse aux brigands pour leur demander des poules, des œufs ; ces mets une fois apportés, il les refuse. Il demande alors du chien... et des excréments humains. Quand il les a reçus, il fixe le criminel et s’éloigne. Deux jours après ce dernier meurt, ordinairement après un long supplice. Les Corocoumba viennent faire tamtam autour du moribond et le jugent quand il expire. Les Mbrés ont modifié la conception du _inna_. Ce _lion esprit_ est non seulement condamné à chasser l’antilope pour les Corocoumbo, mais il peut être l’exécuteur des hautes œuvres. Dès qu’un homme a vu le inna, il se sauve et généralement toute sa famille le suit. PRÉDICTIONS. — Le destin n’est consulté que quand la mort guette un parent ou un ami et l’épreuve a pour but de savoir si le patient va mourir dans la journée. On a le choix de trois moyens : la _zounga_, le _doudou_ et le _foro_. Dans le premier cas on plante légèrement en terre un bâton nommé Zounga, on se place à 10 ou 12 pas et on lance des cailloux (_badia_) sur la zounga, en prononçant la phrase suivante : _Sé Kiou caï sé Youccou_. S’il va mourir tombe ! Quand on a lancé 3 ou 4 pierres, si le bâton est resté debout, le malade est sûr de vivre 24 heures au moins. Le _doudou_ est une sagaie que l’on place en équilibre, horizontalement, sur la face bombée d’une calebasse renversée. On prend les côtés entre le pouce et l’index et brusquement on laisse retomber. Si la sagaie roule par terre, le malade est sauvé pour 24 heures. Le _foro_ (le _mbio_ des Sangos) est le bois couleur garance. On en prend un morceau qu’on met en terre. Si pendant une minute aucune fourmi ne fait son apparition dans un cercle de 0m,25 autour du foro l’horoscope est favorable ; dans le cas contraire le malade doit mourir. IDÉES SUR LES BLANCS. — Pour ceux qui ne vivent pas constamment à notre contact, les Blancs sont les fils de Youvrou ; ils descendent du ciel. « Ils ne meurent pas, ils se dépouillent seulement de leur enveloppe terrestre et remontent au ciel. » Voici la légende que rapporte M. Toqué : Un jour Youvrou s’émut des malheurs des Bandas chassés de leur pays par les Arabes. Il fit venir les Blancs et leur dit : — Les Bandas ont beaucoup de misère. Les Arabes leur font la guerre. Va vers eux pour faire cesser le palabre. — Avec quoi battrai-je les Arabes ? dit le Blanc ? Alors Youvrou : — Voilà un morceau de mon tonnerre, et il donna au Blanc le fusil ! — Et comment, continua le Blanc, montrerai-je aux Bandas que je suis leur frère ? — Tiens, fit Youvrou dans un élan de générosité, voilà des étoffes et des perles. Les Bandas te reconnaîtront à ce signe, et le Blanc partit. Les Blancs ont-ils des femmes ? Oui, disent les uns, puisqu’ils sacrifient à la chair comme nous. Non, disent les autres, puisqu’ils descendent du ciel. Ici seulement ils ont un corps et satisfont à ses exigences. Pourquoi ont-ils des habits ? Tous le savent ou à peu près, mais dans les débuts aucun d’eux ne s’en doutait. Les plus malins avaient résolu la question : « c’est pour ne pas se brûler quand ils sont près du feu. » Le Dr DECORSE, d’un autre côté, a donné sur les Bandas des renseignements que nous reproduisons ici[50] : =Village Banda.= — Décrire un village comme Krébedjé, c’est décrire tous les villages Banda. Krébedjé a néanmoins l’apparence de la propreté et de l’aisance. Comme partout les cases sont groupées par quatre ou cinq, formant de petites communautés familiales. Au centre de chaque groupe, ou à peu près, un petit tertre : c’est la place, le forum ; on y a planté une rangée de pieux espacés, ou un arbre mort auquel on a laissé les branches : c’est là que les visiteurs accrochent leur fourniment : fusils, sagaies, sacoches. Comme ce vestiaire fonctionne sans ouvreuses, c’est à lui-même qu’on offre de menus cadeaux ; on y suspend de temps en temps quelque épi de mil ou de maïs, afin qu’il se montre gardien plus fidèle. Dès le matin, le propriétaire de céans y fait apporter ses armes, surtout s’il peut en tirer vanité. [Illustration : FIG. 16. — Culture de la plante à sel (_Hygrophila spinosa_) chez les Bandas.] Il installe à côté un lit de repos, quelques bibelots, sa pipe et passe ainsi la journée à se chauffer le ventre au soleil, dans une attitude de mollesse béate, qui fait du nègre le modèle du traditionnel épicurien. Non loin de là, sur la place, un peu en contre-bas, s’élève le grenier, ou plutôt le séchoir, construction provisoire, en paille, dont les murs prennent des airs penchés, ou tendent le ventre comme si la case était trop pleine. Un toit s’ajuste sur le tout, tant bien que mal ; à l’intérieur, s’étagent quelques claies en branchages où s’étalent les épis non décortiqués. Ce grenier ne sert pas longtemps. Une fois vide, le propriétaire en fait un abri pour la sieste. Mais il se garde bien d’y faire la moindre réparation qui l’empêcherait de tomber en ruines. Il se réfugie alors dans la case aux palabres. Beaucoup de groupes en possèdent. A Krébedjé, elles m’ont paru construites avec plus de soin qu’ailleurs. Ce sont de petits kiosques, dont un côté seulement est fermé par une natte, qui le protège contre le soleil, lorsqu’il baisse à l’horizon. Sous ces abris traînent toutes sortes d’objets, mortiers, pierres à moudre, grès à repasser, dont l’usage est commun. Autour de la place, les habitations sont rangées sans ordre, sans symétrie, mais toujours soigneusement espacées, dans la crainte du feu sans doute. Comme chez les autres Banda, ce sont des cases rondes, à toiture sphéro- conique en paille tendue sur une carcasse en bois. L’aire intérieure est creusée en cuvette, dont les déblais servent à construire un mur circulaire haut d’environ 70 centimètres. Ce mur est percé d’une porte étroite protégée par un auvent cintré. Sur le seuil, un fétiche. La toiture touche presque le sol. Le pignon est formé d’un bouchon de paille, qui cache la ligature des chevrons, joints au sommet, sans l’appui d’un mât central. Toutes les cases sont construites sur le même modèle. Dans un retrait, cependant, nous en apercevons une petite, qui a plutôt l’air d’un abri de fortune, c’est le hangar aux tamtams ; j’en compte trois : un grand et deux petits. [Illustration : FIG. 17. — Couteaux de jet bandas et mandjias.] Le vieux Krébedjé est tout heureux de me dire qu’il les a volés chez les Mbagas un jour que ses hommes furent les plus forts ; sans quoi les Ndis n’en auraient probablement pas d’aussi beaux, car ils ne savent pas les faire. Tout autour des cases on a défriché quelques arpents de brousse pour planter du maïs, du mil et des patates. Quelques bananiers se dressent çà et là, poussés au gré du hasard. Deux ou trois poules, grosses comme le poing, errent à l’aventure, fort affairées, car elles pourvoient seules a tous leurs besoins. Un petit sentier vous invite à quitter la place. Après maints lacets inutiles à travers les herbes on arrive à un autre groupe d’habitations, semblable au premier. Un peu plus loin on en trouve un troisième, puis d’autres encore égrenés sur un espace assez considérable. Partout ce sont les mêmes gris-gris, les mêmes cases, les mêmes cultures. Vous faites sauver quelques femmes, crier quelques bambins pansus, épouvantés par votre approche. Des roquets jaunâtres, sales, d’une effrayante maigreur, vous filent entre les jambes, en hurlant comme si vous leur aviez donné leur quotidienne ration de coups de trique et, sans vous en apercevoir, vous vous retrouvez en pleine brousse. Retournez-vous, cherchez, cherchez bien : plus de village. Krébedjé a disparu ; vous n’apercevez même plus le pignon d’une case. Si vous n’entendiez par hasard pleurer un marmot ou aboyer des chiens, vous croiriez volontiers que vous êtes égaré dans la brousse déserte. =Type banda.= — Il serait, en effet, puéril de prétendre actuellement définir un type banda. Hormis quelques signes très superficiels fournis par des parures ou le langage, on ne saurait, la plupart du temps, distinguer à première vue un Banda d’un Banziri ou d’un Sango. On est évidemment en présence d’une race très métissée, où l’on découvre même parfois de véritables physionomies européennes. Pour résumer les caractères les plus fréquents on peut dépeindre le Banda comme un nègre à peau foncée, à système pileux peu fourni, à cheveux crépus et rudes. La tête est étroite, les traits sont plutôt enveloppés, le nez large, les lèvres fortes et le prognatisme modéré. Il est de taille moyenne, avec une grande envergure plus étendue, des membres étoffés, des reins cambrés dont l’ensellure rend plus évidente la proéminence des fesses. En rapprochant les caractères physiques des indications fournies par le langage il ne nous semble pas imprudent d’avancer que les Banda d’ici ont bien des points communs avec les populations plus méridionales, habitant au sud de l’Oubanghi. Comme renseignement positif, on sait qu’il y a environ cinquante ans, peut-être un peu plus, les Banda habitaient, plus à l’est, un pays limitrophe du Ouadaï, s’étendant vers le sud jusqu’aux rives de la M’Bomou. C’est là que les localisait le Cheikh Et Tounsi, sous le nom de Bandéh Djoko et de Bandéh Yam-Yam. Ils se connaissaient dans leur langue sous le nom de Ouaka, qui désigne aussi la rivière que nous appelons Koango. Des perturbations profondes, dues aux incursions des Arabes et des Anglo-Egyptiens dans le bassin du Haut-Nil, les ont chassés vers l’Ouest, jusqu’aux régions où nous les trouvons aujourd’hui. Ils se sont établis en îlots plus ou moins fixes, dont la localisation est rendue plus difficile par notre ignorance de la topographie. III. — LES MANDJIAS Les _Mandjias_ forment aujourd’hui plusieurs groupements disloqués et éparpillés au milieu de la vaste contrée occupée par les _Bandas_. Ces derniers, chassés constamment de l’E. par les chasseurs d’esclaves, se sont heurtés aux _Mandjias_. « Ceux-ci, formant un bloc compact, étant attachés à la terre, ont résisté passivement, se sont fait lentement refouler en certains points mais n’ont point émigré à de grandes distances[51]. » Toutefois nous savons que la fraction de la Nana est originaire des bords de l’Oubangui, d’après M. TOQUÉ et suivant les souvenirs du vieux chef Makourou qui dit avoir vu le grand fleuve dans sa jeunesse[52]. D’autres sont venus du N.-O. où s’est développée leur civilisation. C’est en effet dans les Bayas, population des rives de la Haute-Sangha étudiés par CLOZEL[53], qu’il faut chercher ce qu’elle était avant le déclin de cette race. Les poteries bayas qui atteignent parfois 1m,50 de haut et sont couvertes d’ornements, n’existent pas dans les villages mandjias du territoire civil du Chari : signe du recul de cette civilisation. Ensuite ils ont été refoulés vers les sources de la Kémo par les Foulbés de l’Adamaoua et une population guerrière du bassin de la Ouam, les Ngaos. De plus Senoussi, avant l’arrivée des blancs, est venu leur faire la guerre jusqu’au pays des Mbrous de Diouma. L’on sait ce qu’impliquent d’atroces misères ces invasions africaines : les razzias constantes, le rapt des femmes et des enfants, les maladies qui sévissent sur les vaincus affamés et harassés, le cannibalisme qui attend les prisonniers de guerre. Réduits actuellement à 60,000 habitants soumis à notre autorité, ils ne se sont pas remis de ces souffrances, loin de là. Au poste de la Nana, M. CHAMARANDE eut l’obligeance de nous mettre en rapport avec Makourou, l’un des plus importants chefs Mandjia de la contrée, le seul peut-être ayant sur ses administrés, fait rare chez ces fétichistes, une influence suffisante pour les commander en notre nom. Le personnage est intéressant à présenter. Makourou était ce chef mandjia, dont GENTIL avait eu l’appui à sa première mission au moment du montage du _Léon Blot_. Dans mon imagination, pour qu’un tel chef eût un prestige si réel ce devait être quelque roitelet d’une tenue majestueuse. C’était aussi l’avis de COURTET. Notre ahurissement fut grand en voyant paraître un petit vieux à la peau ridée, l’air abruti et dans la tenue la plus hilarante que j’aie jamais vue en Afrique. Makourou portait un pantalon d’artilleur en drap noir que quelque soldat facétieux lui avait sans doute abandonné en échange d’un couple de poulets. Le pantalon, beaucoup trop grand, était largement relevé au bas et au haut il avait dû l’attacher avec un lien d’écorce en guise de ceinture. Il avait mis en outre une tunique d’Européen, d’une blancheur immaculée avec des boutons métalliques d’infanterie coloniale, cadeau de quelque marsouin. Sa tête était malheureusement nue et il attendait sans doute un casque de pompier pour compléter sa tenue de gala. Car il n’était pas douteux que ce brave Makourou eût mis ce qu’il avait trouvé de mieux dans sa garde-robe pour nous recevoir. Après les salutations d’usage, il chercha à m’apitoyer sur la misère du temps, ce qui était relativement facile, puis il me proposa à brûle-pourpoint de me présenter ses femmes, chose à laquelle j’aquiesçai. C’est un usage assez répandu en Afrique dans les pays fétichistes. Bientôt elles arrivèrent deux par deux, militairement. Elles s’arrêtèrent à quelques pas. Leur époux les fit aligner les talons réunis. Le vieil anthropophage avait décidément pris plaisir aux manœuvres de nos Sénégalais. Toute cérémonie de ce genre a toujours un but, mais je m’efforçais vainement de trouver le mobile auquel avait obéi Makourou. Il se chargea lui-même de me l’expliquer. Ses femmes étaient vêtues de pagnes confectionnés avec les étoffes offertes par le commissaire GENTIL. Ces pagnes étaient déjà bien usés ainsi que j’avais pu le constater ; en conséquence, il me demandait de les remplacer. Le roi des Mandjias était un vieux mendiant et je le sus encore par la suite lors de mon retour. Je lui donnai satisfaction dans la mesure de nos ressources, nous devînmes ainsi de bons amis, et j’appris avec quelque regret sa mort l’année dernière. [Illustration : FIG. 18. — Le Chef Mandjia Makourou et ses femmes.] Makourou nous guida à travers son village. C’était plutôt un campement qu’une installation durable. Les habitants cultivaient quelques plantes alimentaires ou fétiches, mais ils n’avaient point planté le _Ficus Rokko_ qui est cultivé ailleurs pour son écorce avec laquelle on fabrique des pagnes. Leur opinion était la suivante : une bouture de _Ficus_ met des années pour devenir un grand arbre en état d’être écorcé. Or pouvaient-ils espérer voir grandir un arbre qu’ils auraient planté tout petit ? Assurément non. Quant à leurs enfants et petits- enfants, il ne fallait pas y songer. On nous fit cet aveu pénible : parmi les hommes réquisitionnés comme porteurs, les uns mouraient en route de fatigues et de privations, les autres, dès qu’ils rentraient dans leur village, étaient incapables de procréer tant ils étaient épuisés. Plus tard TOQUÉ me raconta exactement la même chose. La famine étreignait tout le village que quatre ans plus tôt GENTIL avait trouvé en pleine prospérité, le portage était la principale cause du mal, et il ne pouvait pas en être autrement. Pendant une partie de l’année presque tous les hommes étaient occupés à porter des charges sur la route de ravitaillement, ou à travailler à l’aménagement de cette route, ou encore à faire des corvées dans les postes, corvées dont l’utilité n’était pas toujours immédiate. Pendant ce temps non seulement les cultures étaient négligées, mais encore le peu de plantes vivrières qui poussaient dans les champs étaient réquisitionnées par les Européens ou les Sénégalais, garde-pavillons, elles servaient à l’alimentation des miliciens, des boys et des porteurs s’il en restait, et la plupart du temps on donnait aux porteurs l’équivalent de la ration en perles bayacas, la monnaie du pays, ils gardaient les perles, mais mouraient de faim en s’acquittant de leur dure corvée, ou bien « chapardaient » des vivres quand ils trouvaient des cultures à proximité de la route. Ce chapardage est encore une des causes de la fuite dans la brousse des villages établis à proximité de la ligne d’étapes reliant la Tomi au Gribingui. A cette époque de l’année (novembre) ni le manioc, ni les patates n’étaient encore en état d’être récoltés ; le sorgho n’était pas encore mûr. D’ailleurs en quelques semaines toute la récolte serait consommée, tant les champs étaient d’étendue restreinte. Les habitants étaient donc condamnés à vivre exclusivement de tubercules de plantes sauvages qu’ils allaient déterrer dans la brousse. La plupart de ces tubercules étaient vénéneux, du fait qu’ils renfermaient soit des glucosides non encore étudiés, soit simplement de l’acide cyanhydrique. Pour les rendre comestibles, il fallait les couper en tranches, les laver à grande eau et les faire macérer très longtemps. Ensuite on les faisait cuire pendant plusieurs heures, on les lavait de nouveau, on les réduisait en poudre et l’on soumettait à un dernier lavage ; on laissait déposer l’amidon qui, décanté et séché, donnait une belle farine blanche rappelant la farine de manioc. Apparence trompeuse, malgré les précautions prises, la pâtée qu’on préparait avec cette farine était peu appétissante, souvent très amère, et elle donnait parfois des coliques. [Illustration : FIG. 19. — Mandjias de la Nana.] Nombreuses sont les plantes du centre africain qui peuvent fournir ces vivres de famine. Le _Tacca pinnatifida_ est une des espèces les plus répandues. Une aroïdée très ornementale, qui vient d’être baptisée _Hydrosme Chevalierii_ Engler, servait aussi aux mêmes usages. Les fleurs qui paraissent avant les feuilles au commencement de la saison des pluies sont renfermées dans un large spathe d’un pourpre noirâtre. Le tubercule a la forme d’un disque et atteint parfois la dimension d’une soucoupe. Il paraît qu’il faut vraiment mourir de faim pour en consommer. Mais les Mandjias faisaient surtout usage du tubercule d’un _Dioscorea_ sauvage, à tiges épineuses et à feuilles composées de trois folioles. Les tubercules sont formés de plusieurs renflements digités ; il fallait faire des trous profonds de plus de 40 centimètres pour les déterrer, aussi les hommes valides inoccupés ainsi que les femmes et les enfants, passaient, en cette saison, le plus clair de leur temps à faire cette cueillette à travers la brousse. Le soir ils revenaient avec de pleins paniers de cette igname, et les femmes s’occupaient tous les jours suivants à les préparer suivant le procédé qui a été expliqué plus haut. Il existe encore une autre igname sauvage, celle-là à feuilles entières, vivant dans les endroits frais et très boisés qui est aussi très recherchée. Les tubercules étaient enterrés à plus d’un mètre de profondeur mais ils étaient d’une taille extraordinaire. Quelques-uns atteignaient la grosseur du bras et pouvaient être confondus avec ceux du _Dioscorea alata_ cultivé. Un jour notre cuisinier fit cette confusion. Il avait acheté aux indigènes un de ces gros tubercules et nous en avait fait cuire un plat en guise de pommes de terre. Malgré une cuisson prolongée, les morceaux avaient conservé une grande amertume. Les boys en mangèrent beaucoup contrairement à nos conseils mais n’en furent pas incommodés. Les Mandjias font encore usage des jeunes feuilles de quantité de plantes de la brousse : feuilles de jute et de _corchorus_, écorces d’un _Grewia_, feuilles d’un _Pterocarpus_, gommes de différents arbres. Nous les avons vu préparer de l’huile avec les graines d’une cæsalpiniée nouvelle voisine du genre _Tetrapleura_. Ils mangent les limaces, les grenouilles, tous les petits mammifères qu’ils peuvent capturer, enfin une grande quantité d’insectes et notamment les termites ou fourmis blanches dont ils ramassent des paniers entiers, à l’hivernage lorsque les mâles prennent leur vol. Malgré ces quelques ressources supplémentaires ils sont tous prodigieusement maigres, et les épouses de Makourou furent les seuls personnages non affamés que nous rencontrâmes. J’ai vu des mères introduire de force des calebasses d’eau dans la gorge des enfants pour les faire taire lorsqu’ils suçaient en vain leurs seins taris. [Illustration : FIG. 20. — Case et plantes fétiches dans un village mandjia. Fétiches divers.] Le cannibalisme est ici une conséquence de la misère. Aussitôt pris, les ennemis sont tués[54], leurs corps et ceux des guerriers ennemis qui tombent sur le champ de bataille sont coupés en morceaux, grillés, dépouillés de la peau, puis bouillis et assaisonnés de tabac en feuilles vertes. Tous les hommes prennent part au festin ; les femmes et les enfants en sont exclus. Le chef reçoit en plus de sa part le cœur et le foie[55]. Les Mandjias n’ont pour tout vêtement qu’un lambeau d’étoffe ou d’écorce battue couvrant les organes sexuels. Quelques-uns se jetaient sur mon papier à herbier convoitant les caleçons qu’ils espéraient s’y tailler. Tatoués sur la poitrine et le ventre mais non sur le visage, ils portent des anneaux dans le nez, parfois des pailles dans les ailes et même dans la cloison ; un cylindre de bois à la lèvre supérieure et parfois à la lèvre inférieure. Les hommes et les femmes s’enduisent le corps de graisse et se peignent avec le bois rouge qu’ils vont acheter aux Ndis de Krébedjé. Hommes et femmes sont ordinairement peu tatoués. Chez les femmes les oreilles et les lèvres sont percées et on introduit dans le trou des ornements très divers. Les enfants, et aussi parfois les adultes, portent suspendus au cou les amulettes les plus diverses, ongles ou dents d’animaux, graines de certains arbres, etc. Mais la parure nationale des hommes est constituée par des files de bracelets formés par des spirales de fer plat qui couvrent tout l’avant- bras ou la jambe de la cheville au mollet. Les cases sont rondes, couvertes d’un toit pointu en paille, médiocrement élevées. Le mur circulaire en terre mesure à peine 40 centimètres de haut, le sol de la maison est en contrebas de 30 centimètres environ. La porte est petite et il faut marcher sur les mains pour entrer. Dans l’intérieur on trouve les ustensiles habituels de cuisine dont se servent les nègres, quelques amulettes, des peaux de bêtes. Près de la porte on cultive au dehors des végétaux d’ornement comme fétiches. Le dessin de la page 113 représente une de ces cases avec un plant de _Colocasia antiquorum_ de chaque côté. Mais ce qui frappe le plus dans un village mandjia, c’est l’abondance des fétiches qu’on y voit. Il y en a partout, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des demeures. Certains arbres, certains piquets sont littéralement couverts d’offrandes, d’ex-voto sous la forme de petites bottes de paille, de plumes d’oiseaux, de morceaux d’étoffes, etc. On verra une de ces places fétiches sur le dessin précédent fait d’après une photographie. Je n’ai pu pénétrer la signification de ce débordement de grigris (c’est ainsi que nos Sénégalais nomment tous les objets hétéroclites fixés à certains arbres ou à certains objets). Il est toutefois peu probable que ce soit la manifestation extérieure d’un culte quelconque. Quand on veut se marier on achète sa femme avec des bijoux de cuivre[56], des flèches, des javelots, des couteaux. L’arrangement conclu on envoie sa mère ou sa première femme passer trois jours près de la fiancée en lui portant de la farine ; le troisième jour celle-ci revient avec la fiancée auprès du mari. On se livre alors aux réjouissances ordinaires : libations de pipi, grand festin, tamtam. Si la femme se comporte mal le mari la frappe et la renvoie chez ses parents qui la châtient. Enfin si elle est coupable d’adultère on se contente encore de la frapper, mais on tue le séducteur d’un coup de sagaie. L’organisation politique est très lâche. Chaque chef commande tout au plus dans un territoire grand comme un de nos cantons et son autorité y est faible. Elle n’est pas héréditaire ; elle passe, après la mort du titulaire, à l’un des vieillards les plus renommés pour ses exploits ou pour sa connaissance des innombrables grigris que vénèrent les Mandjias. [Note 43 : Je n’ai jamais pu voir l’arbre qui produit le bois à teinture rouge dans l’Oubangui. Il est probable que c’est comme sur la côte de Guinée une légumineuse appartenant soit au genre _Baphia_, soit au genre _Pterocarpus_. Il n’existe plus dès qu’on monte au Nord de l’Oubangui, aussi les Bandas et les Mandjias qui en font aussi usage sont obligés de l’acheter soit aux _Sabangas_ soit aux _Banziris_.] [Note 44 : L’amende est de 10 sagaies, 20 flèches, 3 ou 4 bracelets.] [Note 45 : Payé par le meurtrier, d’un homme ou d’une femme de tribu étrangère au chef de village auquel appartenait la victime ; il se rachète en donnant une jeune fille.] [Note 46 : Deux petites poutres pesantes sont attachées aux pieds du patient. S’il y a circonstances atténuantes, le patient est autorisé à se servir de liens tenus à la main avec lesquels il soulève les poutres en marchant.] [Note 47 : On fait bouillir l’écorce ou la racine de certains arbres et on jette le liquide dans du pipi. Les poisons les plus foudroyants n’agissent pas avant trois ou quatre jours. Le poison est souvent employé par les Bandas pour se débarrasser d’un ennemi ou d’un gêneur.] [Note 48 : Avant l’arrivée des blancs, le prix d’une femme était : 6 bingui (bracelet cuivre rouge), 60 kokoras (flèches), 8 doudou (sagaies). La dot actuelle est de 300 flèches neuves (kokora oroni), 30 doudou, 4 mvolas (boucliers), 10 ndoudo (couteaux de jet), 300 petits colliers de perles bayacas multicolores, 5 colliers de perles baptoros sphériques turquoises. M. Toqué en conclut que les marchandises des blancs font prime. J’y vois au contraire que les perles n’ont plus de valeur, le pays en regorgeant et d’autre part que les femmes se font rares par suite de l’émigration.] [Note 49 : Quand un village va en expédition, il emmène tout, même les femmes et les enfants d’un certain âge. On laisse seulement les femmes âgées pour garder les cases.] [Note 50 : Dr J. DECORSE, _Du Congo au lac Tchad_, Paris, 1906, p. 40-43, 57-58.] [Note 51 : BRUEL, _L’Occupation du bassin du Tchad_, p. 41.] [Note 52 : M. TOQUÉ n’est pas éloigné de croire que les _Pahouins_ seraient des _Mandjias_ qui auraient pris la route du S.-O. au lieu de celle du N.] [Note 53 : CLOZEL, _Les Bayas_ (notes ethnographiques et linguistiques). Paris, 1896.] [Note 54 : Toutefois les enfants et les adolescents sont conservés comme captifs ; jadis ils étaient vendus à Senoussi.] [Note 55 : Les vieilles femmes sont tuées, mais non mangées.] [Note 56 : Le cuivre venait autrefois du Haut-Bahr Sara.] CHAPITRE V GÉNÉRALITÉS SUR LE HAUT-CHARI * * * * * Nous donnons le nom de Haut-Chari au pays accidenté et très rocheux où la plupart des tributaires du lac Tchad prennent leurs sources et serpentent dans des lits plus ou moins torrentiels avant d’aller former, à partir de la neuvième parallèle, les grandes rivières au cours très lent dont la réunion forme le Chari proprement dit. Il serait oiseux d’en définir ici les limites d’une manière détaillée. Au S., une ligne de plateaux ferrugineux, des crêtes de quartzites souvent mal accusées, des _kagas_ de gneiss et de granit formant des sortes de dômes isolés les uns des autres, séparent cette région du bassin du Haut-Oubangui. A l’O. elle confine à l’éventail des rivières du Haut-Logone, région presque totalement inconnue ; à l’E. une ligne artificielle la sépare des territoires du sultan Senoussi, région du Chari-oriental, dont nous nous occuperons dans un autre chapitre. Au N., la neuvième parallèle la sépare du Chari-moyen, région totalement différente, presque sans relief, avec de grandes plaines argileuses et de fertiles coteaux sablonneux où les émergences de rochers ne sont plus que de rares exceptions. Au XIXe siècle le pays qui nous occupe a été très peu pénétré par les chasseurs d’esclaves. Il était trop éloigné des centres foulbés de l’Adamaoua et des routes de caravanes suivies par les marchands nubiens et ouadaïens. Quant aux Baguirmiens ils trouvaient un champ d’action suffisamment avantageux chez les laborieuses et prolifiques tribus _Saras_ vivant entre la neuvième et la onzième parallèle. C’est à partir de 1880 seulement que les grands pourvoyeurs d’esclaves, Rabah et Senoussi, ont envoyé leurs hordes de _bazinguers_ dans le Haut- Chari. Dans beaucoup de villages bandas et mandjias la venue de ces razzieurs, que les autochtones nomment les _rabi_, les _tourgou_ ou _smoussou_, a laissé un pénible souvenir, cependant il ne semble pas que les chasses à l’homme en cette contrée aient été jamais bien fructueuses. [Illustration : FIG. 21. — Semis de lianes à caoutchouc fait par MARTRET à Fort-Sibut.] Dès la fin d’octobre les pluies dans le Haut-Oubangui deviennent rares et aux premiers jours de novembre les incendies de brousse sont fréquents. Du haut de chaque kaga ou du bord de chaque plateau on contemple toutes les nuits des foyers illuminés vers les différents points de l’horizon et pendant le jour on voit s’élever dans le ciel de hautes colonnes de fumée autour desquelles tourbillonnent un grand nombre d’oiseaux de proie. Les indigènes moins absorbés dans leurs villages par les soins de la culture commencent à reprendre la vie de brousse et retracent les anciennes pistes cachées par les herbes à demi desséchées. Les uns vont recueillir certaines plantes, les brûlent et en lessivent les cendres pour obtenir le sel dont ils font usage pour la préparation de leurs aliments, les autres vont s’établir à proximité des ruisseaux, ils en barrent le cours, épuisent l’eau de certaines cuvettes ou bien fouillent la vase avec des nasses verticales spéciales pour capturer les poissons qui ont remonté le courant au moment des hautes eaux. D’autres enfin, les chasseurs, se répandent sur les plateaux ferrugineux arides pour y faire l’ouverture de la chasse. Les herbes y sont plus courtes et plus fines en beaucoup de places, elles ont brûlé dès le commencement d’octobre et sur la cendre a poussé un gazon verdoyant formé de petites herbes dont les antilopes sont très friandes. Ces animaux ne sont pas encore réunis en grands troupeaux, ils vivent par couples accompagnés des petits. Ils sont peut-être plus défiants qu’en toute autre saison, mais l’indigène a de plus grandes facilités pour les surprendre en rampant dans les hautes herbes. Les chasseurs qui n’ont pas de fusil tendent des pièges sous les galeries forestières ou bien creusent des fosses pour la capture du gros gibier. En cette saison, il n’est pas jusqu’aux plus jeunes enfants qui ne cherchent à pourvoir à leur vie en capturant un tas de rongeurs bien meilleurs que les chenilles et les sauterelles dont ils ont fait une partie de leur nourriture pendant l’hivernage. Le mois de novembre est pour tout le monde le plus favorable pour courir la brousse soudanaise. Les pluies ont cessé ; les nuits sont tièdes sans être lourdes. On couche en plein air, sans tente et l’on n’est point cependant incommodé par le froid. Le moment était, de toutes façons, propice pour nous mettre en route. MARTRET, qui venait d’être atteint par une fièvre hématurique, allait beaucoup mieux. Il commençait à reprendre ses occupations au jardin d’acclimatation et pendant plus d’un an il allait rester là loin de nous à lutter contre une foule de difficultés pour accomplir la belle tâche qu’il avait bien voulu assumer. Quant à DECORSE, il nous inspirait toujours, à cause de sa santé, les plus grandes inquiétudes. Il fut convenu qu’il ne nous accompagnerait pas dans le pays de Senoussi, mais demeurerait à Fort-Sibut un mois ou deux, et suivant que son état s’améliorerait ou non, il continuerait le voyage pour nous rejoindre vers le N., ou bien rentrerait seul en France. Il ne rentra point et après sept mois de séparation nous devions nous retrouver à Fort-Archambault. Le 12 novembre 1902, nous nous séparions en deux groupes : je partais avec COURTET vers le Gribingui, tandis que mes deux autres collaborateurs restaient à Krébedjé. La route de Fort-Sibut à Fort-Crampel a été bien des fois décrite. On la parcourt ordinairement en six étapes. Le premier soir on couche à la Mpokou, le second au petit poste des Ungourras, le troisième au petit poste de Dekoua et à quelques centaines de mètres du campement on se trouve dans le bassin du Chari. On passe ensuite successivement à la Nana, puis au campement des Trois-Marigots et le sixième jour on est à Fort-Crampel. [Illustration : FIG. 22. — Touffes de bambous dans la brousse.] Par suite d’arrêts nécessités par nos études, je mis un peu plus de temps pour franchir les 160 kilomètres qui séparent les deux chef-lieux de cercle qui constituaient à cette époque le territoire civil du Tchad. Le 21 novembre seulement nous franchissions le Gribingui et nous restions au Bandéro jusqu’au 27, date de notre départ pour Ndellé. Ensuite pendant toute une semaine je cheminai avec mon compagnon dans les contrées situées à l’E. du Gribingui avant d’atteindre le pays de Senoussi. La mission parcourut d’abord le district habité par les Tambagos jusqu’au Kaga Mbra, puis une zone, large d’une centaine de kilomètres, traversée par le Koukourou et le Bamingui, absolument déserte à la suite des incursions de Rabah et de Senoussi. On arrive enfin le 4 décembre aux kagas Djé et le 6 aux kagas de Balidja (Pongourou), où sont situés les premiers villages du pays de Senoussi. Je n’ai donc pu en définitive consacrer qu’un mois à l’étude du Haut- Chari au moment de l’aller. Je devais voir le même pays un an plus tard pour rentrer en France en me rendant par Fort-Archambault à Fort- Crampel. Je remontais alors le cours du Bamingui puis du Gribingui jusqu’à Fort-Crampel et refis ensuite en sens inverse la route d’étapes. COURTET et DECORSE suivirent aussi la même voie. Nos recherches dans la région du Haut-Chari, si elles se sont prolongées moins longtemps que dans d’autres parties de l’Afrique centrale, ont cependant été assez complètes pour que nous puissions donner un aperçu général sur le pays. Sa principale richesse actuelle est le caoutchouc fourni par la liane Banga (_Landolphia owariensis_). Les troupeaux d’éléphants sont assez nombreux, cependant beaucoup moins que dans le Haut-Oubangui, et aujourd’hui que les réserves d’ivoire des indigènes sont épuisées, on peut espérer seulement une production annuelle de quelques tonnes. Nous sommes même certain que cette quantité ira en diminuant de jour en jour, dans quelques dizaines d’années l’éléphant sera devenu là aussi rare qu’à la Côte d’Ivoire, à la Guinée française ou dans le Haut-Niger. En dehors du caoutchouc et de l’ivoire on ne connaît actuellement aucun produit pouvant donner lieu à un commerce d’exportation vers l’Europe. Pas de minerais exploités[57], pas de produits végétaux de grande valeur sous un petit volume ; élevage actuellement difficile à cause de la présence dans beaucoup d’endroits des mouches tsé tsé ; industrie indigène absolument rudimentaire. Du reste le commerce local n’existe pas à proprement parler. On n’échange quelques produits que pour acquérir des femmes ou des esclaves. Le Gribingui est poissonneux, mais comme il y a peu d’habitants sur les rives, la pêche n’y est pas active. Nous n’y avons point vu de barrages coupant le fleuve d’une rive à l’autre. Les hippopotames remontent à la saison des pluies, bien en amont de Fort-Crampel ; les crocodiles vivent tout le long du fleuve, mais en amont du campement des Routos on n’en voit que de petite taille. On rencontre encore dans la rivière une grande tortue plate à carapace molle, le corps est d’un blanc rosé en dessous, brun en dessus. Les Kabas la nomment _Sin_, les Yacomas _Néko_, les Banziris _Kounda_ et les Kotokos _Mbéli_. Cet animal a les pieds palmés, c’est un excellent nageur ; parfois il se repose sur les talus de la rivière et lorsqu’ils le surprennent dans cette position les pagayeurs l’assomment à coups de perches. La viande est très appréciée des noirs et préférée à celle du poisson. Les œufs sont aussi comestibles mais peu goûtés des Européens. Nos pagayeurs au moment du retour capturèrent un exemplaire de cette tortue de taille remarquable. Le corps (non compris la tête) mesurait 75 centimètres de long, 60 centimètres de large et 22 centimètres de haut. Il pesait environ 25 kilogrammes et tous les pagayeurs firent avec un succulent repas. Dans le Haut-Chari mon attention fut particulièrement attirée sur un groupe de plantes, chargées d’octobre à novembre de fruits mûrs, noirâtres, disposés en grappes rappelant nos raisins, ce qui les a fait nommer par les Européens les _vignes sauvages du Chari_. Les grains peuvent se manger ; ils sont un peu sucrés et surtout astringents ; du reste la pulpe est mince et entoure un ou deux pépins très gros. Les enfants ne les recherchent même pas et il faut aux Blancs une très grande bonne volonté pour leur trouver quelque analogie avec nos chasselas. Cependant presque tous les voyageurs, DYBOWSKI, MAISTRE, FOUREAU, ROUSSET, TRUFFERT, ont parlé de ces vignes sauvages et quelques-uns ont pensé qu’il serait possible de les utiliser soit par sélection pour en obtenir des raisins, soit en les employant comme porte-greffes pour la vigne de nos pays. Ces mêmes ampélidées et des espèces voisines avaient attiré déjà l’attention il y a une trentaine d’années sous le nom de _Vignes du Soudan_. Des graines en furent rapportées du Haut-Sénégal par TH. LÉCARD et mises dans le commerce au moment où le phylloxéra dévastait le midi de la France. Beaucoup de personnes virent dans ces plantes la panacée pour reconstituer les vignobles anéantis. Il fallut la monographie du célèbre ampélographe J.-E. PLANCHON[58] pour remettre les choses au point. A la suite d’une étude approfondie de ces plantes, il montra qu’il n’existait pas de véritables vignes en Afrique tropicale, mais d’autres ampélidées appartenant les unes au genre _Cissus_, les autres à un genre nouveau _Ampelocissus_. C’est à ce dernier qu’il faut rapporter les _vignes de Lécard_, de _Chantin_, de _Faidherbe_, dont la notoriété fut grande vers 1884. Ce sont des plantes admirablement adaptées aux plateaux soudanais, arides pendant six mois chaque année. Elles possèdent des tubercules fusiformes et charnus enfoncés profondément dans le sol. Aux premières rosées, des pousses herbacées sortent de terre et rampent sur le sol ou s’attachent aux herbes ou aux arbustes voisins à l’aide de leurs vrilles. Quelques espèces ont des tiges charnues qui ne se lignifient que très tard. Elles fleurissent à l’arrivée des pluies et les fruits noirs ou d’un rouge noirâtre mûrissent à la fin de la saison des pluies, c’est-à-dire à l’époque où nous nous rendions au pays de Senoussi. Les feuilles sont alors ordinairement tombées. Les oiseaux mangent les baies et sèment les graines sur les plateaux, dans les rochers et le long des rivières, stations où vivent de préférence ces plantes. Peu de temps après, les tiges aériennes se dessèchent ; l’incendie des herbes passe, les consume et de nouveau le tubercule émet des pousses au printemps suivant. Il serait impossible de cultiver en France des plantes ayant un mode de vie si spécial. Il est aussi fort douteux qu’un greffage de vigne vraie prenne s’il était fait sur ces espèces. Les _Ampelocissus_ se distinguent des vignes (_Vitis_) par les caractères suivants : Les quatre ou cinq pétales sont libres, étalés au moment de la floraison, alors qu’ils sont soudés en capuchon dans les vraies vignes, les graines sont naviculaires, à pointe très courte, au lieu d’être pyriformes comme dans le raisin. Enfin, d’après PLANCHON, les vrais _Vitis_ ont toujours, à l’état sauvage, les pieds mâles séparés des pieds à fleurs fertiles, tandis que dans les _Ampelocissus_ on rencontre les deux sortes de fleurs sur la même plante. Les grappes de fruits sont peu fournies ; même dans l’_Ampelocissus Chantinii_ les baies sont à peine comestibles. Cependant à plusieurs reprises on a essayé d’en faire du vin en Sénégambie. Cela doit donner une boisson détestable si l’on en juge par l’astringence des fruits, et cette liqueur ne doit sans doute pas valoir le vin de Bir (_Sclerocarya Birrœa_) que les Soudanais du Niger savent fabriquer. L’étude des fausses vignes de l’Afrique centrale, que j’avais recueillies au cours de mon voyage a été faite par M. GILG, du Musée botanique de Berlin. Il en existe une quinzaine d’espèces dans le bassin du Chari ou dans le Haut-Oubangui. Les unes sont des _Cissus_, les autres des _Ampelocissus_. Celle dont les sarments ressemblent le plus à notre vigne ordinaire est l’_Ampelocissus Chantinii_ (Lécard) Planch., espèce rendue célèbre par les publications de LÉCARD. Les tiges annuelles n’apparaissent qu’aux premières pluies et rampent sur le sol ou bien grimpent dans les arbustes et s’élèvent jusqu’à 2 et 3 mètres de hauteur. Les feuilles cordées à la base sont à 3 ou 5 lobes peu profonds et denticulées sur les bords. Les fruits sont noirâtres à maturité. Elle est spéciale au N. du Soudan et ne paraît pas s’avancer au N. du 10e parallèle : nous l’avons observée en abondance dans les pays Saras, autour du lac Iro, dans tout le Baguirmi et jusque dans le Dar-el-Hadjer et le Débaba près du Fittri. Les autres fausses vignes les plus répandues sont : L’_Ampelocissus multistriata_ (Baker) Planch., reconnaissable à ses feuilles composées, comme dans la vigne vierge, formées de 5 folioles digités. Les fruits à maturité sont de la grosseur des grains de raisin et d’une couleur noirâtre. Il est commun à Ndellé, autour du lac Iro et dans le Pays des Niellims ; L’_Ampelocissus bombycina_ (Baker) Planch. ressemble davantage à la vraie vigne. Les sarments ont de 0m,50 à 2 mètres de long et s’étalent sur le sol ou s’élèvent en buissons. Les feuilles sont assez profondément découpées en 3 ou 5 lobes et sont couvertes en dessous d’un tomentum roux-ferrugineux. C’est vraisemblablement cette espèce que le capitaine TRUFFERT a figurée sous le nom de _Vigne à feuilles ordinaires à tige rugueuse_[59] ; Le _Cissus palmatifida_ (Baker) Planch. a les feuilles encore plus profondément découpées ; elles sont en dessous velues et blanchâtres. Les tiges ont seulement 0m,50 de long. La plante croît surtout dans les savanes incendiées chaque année ; elle est très commune dans le pays de Senoussi. Dans le travail de TRUFFERT elle est appelée _Vigne à tige lisse et à feuille à limbe découpé_ ; Le _Cissus populnea_ Guill. et Perr. est l’espèce la plus commune dans le Haut-Chari et le Haut-Oubangui. Elle vient de préférence dans les rochers et foisonne sur le kaga Bandéro. Tantôt elle forme des buissons rigides ayant à peine 1 mètre de haut, tantôt elle s’élève jusqu’à 10 mètres dans les arbres. Elle se distingue facilement des espèces précédentes par ses larges feuilles cordiformes entières. Les rameaux jeunes sont blanchâtres et glauques. Les fruits d’un rouge-noirâtre à maturité avec une pruine glaucescente à leur surface, ont la taille d’une très grosse cerise et renferment un fort noyau à l’intérieur. Nous l’identifions sans aucun doute avec la _vigne à feuilles en forme de cœur_ figurée par TRUFFERT. Tout près de cette espèce se place le _Cissus cæsia_ Afzel. à rameaux courts couverts d’une pruine bleuâtre et le _Cissus bignonioides_, Schweinf., du bord des rivières, à longues tiges présentant des ailes subéreuses. Ces deux espèces existent aussi dans le Haut-Chari et le pays de Senoussi ; Enfin le _Cissus cornifolia_ (Baker) Planch. a des tiges ligneuses dressées, dépourvues de feuilles une grande partie de l’année. Celles-ci sont petites, oblongues, entières. Les fruits sont en grappes dressées d’un noir-violacé à maturité. Nous nous sommes un peu étendus sur ces ampélidées afin que les voyageurs qui nous suivront ne soient pas tentés à leur tour d’attirer encore l’attention des géographes et des coloniaux sur ces fameuses vignes fort intéressantes au point de vue scientifique par suite de leurs adaptations mais qui sont sans intérêt pour la viticulture. Il est du reste fort douteux que la culture de la vigne commune arrive à s’implanter en Afrique tropicale. Les semis de chasselas faits par MARTRET au Jardin de Fort-Sibut n’ont pas germé. Dans quelques jardins du Sénégal et du Congo j’ai vu des pieds de vignes cultivés en treille ou le long des maisons, mais même avec beaucoup de soins ils ne produisaient que quelques grains de raisin et d’assez piètre qualité. D’ailleurs ce n’est pas pour y cultiver la vigne que la France s’est implantée en Afrique centrale. [Illustration : FIG. 23. — Grande Euphorbe cactiforme naturalisée sur l’emplacement d’un village banda. (Dessin de BELLET d’après une photographie.)] L’arbre à beurre d’Afrique (_Butyrospermum_), le Karité des Sénégalais, est une des essences les plus caractéristiques de la partie du bassin du Chari comprise entre le 7e et le 10e parallèle, mais c’est surtout entre le 8e et le 9e degré 1/2 qu’il abonde. Au Soudan nigérien on le trouve en grande quantité du 11e au 12e parallèle, l’aire de cette espèce fait donc au Soudan une bande qui s’incurve de 2 degrés vers l’équateur au centre de l’Afrique. Ce _Butyrospermum_, identique à la plante de la Guinée et du Soudan français, forme une espèce à part reconnue d’abord par L. PIERRE, l’auteur de la _Flore forestière de Cochinchine_, et nommée dans ses notes manuscrites _Butyrospermum mangifolium_ pour le distinguer du _B. Parkii_, l’espèce commune au Dahomey, au Togo, et chez les Achantis. Dès 1876, POTAGOS avait signalé la présence de cet arbre dans le pays des Kreich, sur la limite des bassins du Chari et du Nil. En septembre 1892 la mission C. MAISTRE le rencontrait sur les bords du Gribingui. Les Bandas et les Mandjias font peu usage du beurre de Karité et paraissent lui préférer la graisse de termites. Au contraire chez les peuples des confédérations Ndoukas et Saras cette matière grasse est d’un usage constant pour la cuisine et surtout pour la toilette. Tous ces peuples mangeraient leurs pâtes de mil ou leurs légumes, simplement bouillis dans l’eau, plutôt que d’y mettre du beurre de Karité, s’ils n’ont que la stricte quantité leur permettant de s’oindre le corps et surtout la chevelure. L’odeur nauséeuse que les Européens trouvent aux nègres est due en grande partie aux graisses et huiles rances dont ils s’enduisent constamment et cela ne se pratique pas seulement au centre de l’Afrique, mais chez tous les peuples africains chez lesquels j’ai vécu. Même à Dakar et à Saint-Louis, plus d’une grande dame métis et plus d’une belle demi-mondaine sénégalaise, qu’elle soit Wolofe ou Peule, a conservé l’habitude de s’enduire le corps avec la graisse de Karité et c’est sans doute la raison pour laquelle les paniers de cette denrée enveloppés de feuilles d’arbres pénètrent si loin des lieux de production. C’est un produit pour la toilette des femmes et même des hommes, au même titre que les pommades parfumées. Même dans sa zone de prédilection le Karité n’existe pas partout. Il manque complètement dans les grandes plaines argileuses où abondent certaines combrétacées ; il n’existe pas le long des rivières ni dans les terrains marécageux ; il est rare aussi qu’on le rencontre au haut des plateaux ferrugineux ou sur les massifs granitiques. Il est ordinairement abondant à leur base dans les terrains sablonneux détritiques ou sur les pentes rocailleuses. Il recherche aussi les terres profondes, riches en humus et prend un développement magnifique dans les terrains cultivés avoisinant chaque village. Le _Butyrospermum_ du Haut-Chari est ordinairement dépourvu de feuilles en novembre, décembre. En janvier, il épanouit ses gros bouquets de fleurs blanches très parfumées, fort visitées par les abeilles ; en même temps il développe ses feuilles par petites touffes à l’extrémité des rameaux. Elles sont d’abord rosées et prennent une teinte verte et luisante beaucoup plus tard. Les fruits mûrissent du 15 mai au 15 juillet. On les trouve en grande quantité sous les arbres après chaque tornade. Le sol en est parfois tout jonché et l’on a l’illusion d’être dans un verger couvert de pommes à l’automne, en Normandie, lorsque, après un coup de vent, les fruits se sont détachés des pommiers en grand nombre. Du reste les karités, tamariniers et ficus dans les champs cultivés entourant les villages saras ne sont pas sans analogie avec les champs de poiriers et de pommiers autour de nos fermes du Bocage normand. Ces pommes de karité, écorchées en tombant, répandent sous les arbres une bonne odeur de fruits mûrs lorsque le soleil a desséché la pluie consécutive à la tornade. C’est alors que les femmes et les enfants viennent faire la récolte. Ils recueillent les fruits tombés dans de grands paniers tressés en fibres de palmiers, les rapportent au village et les étalent au soleil sur des claies. Ceux qui sont mûrs à point et très beaux sont bientôt triés par les enfants et leur mince mésocarpe sucré et onctueux comme la chair du fruit de l’Avocatier, constitue pour eux un régal. Cette pulpe d’un jaune clair est réellement agréable et pour ma part je trouve que les pommes de karité constituent le plus exquis fruit de table de la brousse africaine, à l’exception toutefois du fruit d’une autre sapotacée, le _Synsepalum dulcificum_, délicieux dessert de la forêt congolaise dont il a été question dans le deuxième chapitre. Les autres fruits de karité sont débarrassés de leur pulpe par des lavages à grande eau. D’autres fois on les enterre et la pulpe se décompose ou est mangée par les larves d’insectes. La noix de Karité est alors à nu, sa forme, sa couleur et sa taille rappellent le marron d’Inde. Pour extraire la graisse, on enlève la coque, et l’amande blanchâtre formée d’un gros albumen riche en matière grasse, est ensuite pilée dans un mortier à couscous. Cette pulpe est immédiatement mélangée avec de l’eau dans une marmite en terre, puis on soumet cette mixture à l’ébullition. La matière grasse entre en fusion et vient surnager à la surface ; on la retire en décantant et on la laisse figer en pains. Pour obtenir du beurre très pur, il suffit de faire fondre la masse une seconde fois et quand elle est à l’état liquide on laisse tomber dans le récipient quelques gouttes d’eau froide qui fusent en entraînant toutes les impuretés et surtout en faisant disparaître le goût de rance et l’odeur spéciale que garde toujours le beurre de karité vendu sur les marchés soudanais. Ainsi traité, il peut servir à la place du beurre ordinaire ou du saindoux pour la préparation des aliments européens. J’en ai fait usage pendant de nombreuses semaines au cours de mon premier voyage dans la boucle du Niger et l’ai trouvé excellent. [Note 57 : Le minerai de fer est exploité par les indigènes dans quelques endroits.] [Note 58 : In ALPHONSE ET CASIMIR DE CANDOLLE, _Monographiæ Phanerogarum_, vol. V, _Ampelideae_, Paris, 1887.] [Note 59 : J. TRUFFERT, _Le Massif des Mbré_, in _Rev. gén. des sc._, 30 janvier 1903, p. 82.] CHAPITRE VI LE SULTAN SENOUSSI I. Origines de Senoussi et de son État. — II. Sa personnalité, sa vie à Ndellé. — III. Sa puissance militaire. — IV. Comment le sultan exploite le pays. * * * * * Le séjour de cinq mois que je fis avec COURTET dans les Etats du sultan Senoussi constitue le plus important épisode de notre voyage en Afrique centrale. C’est dans cette contrée, à la limite des trois bassins du Chari, de l’Oubangui et du Nil que nous avons fait les plus intéressantes de nos études. Avant d’entrer dans leur détail, il est utile de dire dans quelles conditions elles ont été poursuivies et de présenter l’homme auquel la science est en grande partie redevable des collections que nous avons rapportées. I. — ORIGINES DE SENOUSSI ET DE SON ÉTAT Vers 1870 il existait encore, dans la région de savanes qui va du Chari au Bahr-el-Ghazal, une foule de ces trafiquants d’esclaves et d’ivoire dont SCHWEINFURTH nous a fait connaître l’existence de rapines autour de leurs retraites fortifiées ou zéribas. NACHTIGAL nous apprend que dès 1872 le sultan du Ouadaï avait déjà porté les limites de son empire et en même temps celles de l’Islam au-delà du Kouti jusqu’aux tribus Niams- Niams du Dar Banda. Dans le Kouti vivaient un certain nombre de marchands bornouans, baguirmiens, foriens qui achetaient les dents d’éléphants et le bétail humain pour les caravaniers se dirigeant sur le Ouadaï et ensuite sur Banghazi en Tripolitaine, ou bien sur le Dar Four et ensuite Khartoum. Les mêmes trafiquants étaient aussi en rapports avec les caravaniers djellabas du Bahr-el-Ghazal. Le Dr PANAGIOTES POTAGOS, en juillet 1876, rencontra près des sources de la Mindja, sur la limite des bassins du Nil et du Chari, un agent de ZIBER-PACHA qui, en compagnie d’un roi kreich, emportait du pays Banda des charges d’ivoire et traînait une longue file d’esclaves. Le père de Senoussi[60], Abou-Bakar, était l’un de ces traitants qui rassemblaient et plus souvent razziaient l’ivoire et les esclaves dans les plaines du Dar-Kouti. Abou-Bakar appartenait à la famille royale de Baguirmi ; son grand-père, Naïm, était le frère d’Ab-del-Kader, le frère aîné de Gaourang qui régnait à Massénya avant l’invasion rabiste. Malgré cette descendance, ce n’était que l’un de ces chefs de zéribas qui pullulaient aux confins du bassin du Nil. Des rapports fréquents existaient certainement entre Ziber-Pacha au Soudan égyptien et les traitants installés plus à l’O. comme Abou-Bakar. Les trafiquants du Kouti connurent donc les grands événements qui s’accomplirent au Soudan égyptien après la conquête du Dar Four par Ziber (1874)[61], c’est-à-dire son exil au Caire, la nomination de GORDON-PACHA aux fonctions de gouverneur général du Soudan égyptien, la révolte de Suliman-Bey, fils de Ziber et sa mort (1879) ; enfin la campagne de R. GESSI, officier italien au service de l’Egypte, qui s’efforça de réprimer ce soulèvement, et celle de LUPTON-PACHA chargé de poursuivre les chasseurs d’esclaves jusqu’aux limites du Nil et de l’Oubangui (1880), au cœur des pays Fertit où nul blanc ne s’était encore aventuré. Par un pur hasard, l’expédition de LUPTON, au lieu de s’avancer du Dar Four directement vers l’O. où vivait Senoussi, se dirigea vers le S.-O. pour atteindre le Haut-Oubangui. Les trafiquants du Dar Kouti échappèrent à la répression. Bientôt la révolution mahdiste balayait tout le pays, qui pendant 15 années, resta complètement fermé, jusqu’au jour où les expéditions LIOTARD et MARCHAND pénétrèrent de nouveau dans le Bahr-el-Ghazal. Ces 15 années ont été mises à profit par Senoussi pour se reconstituer un Etat. De petit trafiquant il est devenu fondateur d’un véritable empire au moment même où toutes les puissances du centre africain s’écroulèrent ou s’émiettèrent. Chose curieuse, ce n’est point avec les débris d’autres sultanats qu’il a formé le sien, mais il l’a constitué de toutes pièces dans un pays presque neuf, je veux dire où aucun chef musulman n’avait encore asservi les arborigènes. Il est intéressant de voir comment Senoussi sut s’associer à la fortune de Rabah, en acceptant une position toute subordonnée, jusqu’au moment où il crut possible de se séparer de lui et nécessaire de ne point l’imiter dans la lutte contre les Européens. Vers 1888 Rabah, avec une petite armée constituée aux dépens des dernières troupes du Suliman-Bey, envahit le Dar Rounga et le Kouti. Il n’agissait, ni au nom de Ziber, toujours retenu en Égypte, ni au nom du Madhi avec lequel il n’avait point de rapports. Il venait simplement chercher fortune pour son propre compte et tenter de se créer un Empire africain comme l’avait fait quinze ans plus tôt son maître Ziber. A cette époque Abou-Bakar venait de mourir et son fils, MOHAMMED SENOUSSI, âgé d’une trentaine d’années, avait pris sa place comme chef de zériba. On a dit que Senoussi avait fui à l’arrivée de Rabah au Kouti[62]. C’est de cette arrivée, au contraire, que date sa fortune. Il était alors de condition modeste, mais trafiquant habile il sut gagner les bonnes grâces du conquérant en lui procurant de la poudre et des capsules que Rabah n’avait pu obtenir directement du Ouadaï. Le chef le plus important du pays résidait à Kalé (ou Kalia) au centre du Kouti. C’était le fils de Mohammed Koubeur, originaire lui aussi du Baguirmi et apparenté avec Senoussi et Gaourang. On le regardait communément comme sultan du Dar Kouti. Son père, Gouni, avait pour père (de même que la mère d’Abou-Bakar) Naïm, le neveu du sultan Abd-el- Kader, selon le récit que le petit-fils de Koubeur écrivit pour nous : Abd El Mountaleb En Roungaoui, fils de Mohammed Koubeur, possédait le Kouti et tous les Tambagos ; tous les Mbagas, les Routos lui étaient soumis. Les commerçants Baguirmiens, les Rounga, Chéré, Toudjeur, Mangélé lui obéissaient. Rabah arrive, il arrête le descendant de Koubeur, lui met les grosses chaînes, lui prend toutes ses armes, environ trois cents fusils. De chagrin il meurt et Senoussi qui était avec Rabah comme El Hadj Tokeur est aujourd’hui avec Senoussi, intrigue pour avoir la direction de la contrée. Rabah consent et se retire vers l’O. Senoussi lui paie l’impôt ; il lui fournit de la poudre qu’il reçoit du Ouadaï. Rabah lui envoie de l’ivoire et des esclaves qu’il écoule et Senoussi lui procure par le Ouadaï des capsules, de la poudre, des étoffes, du sel, etc.[63]. D’autres renseignements nous ont confirmé ce récit : Rabah séjournait alors au Kouti et avait établi son quartier général à Chah où il fit construire une zériba. De là il rayonnait dans tous les pays environnants, subjuguant les populations fétichistes. Senoussi, était devenu un de ses lieutenants (chef de _birek_). Il commandait environ 200 fusils. Il avait su gagner la confiance du maître en réussissant les expéditions qui lui étaient confiées, chez les Saras de l’E. et chez les Goulfés. Il était à Ombellina chez les Saras à 3 jours de Kalé, lorsque Rabah, mécontent du Sultan du Kouti, le fit arrêter et emprisonner en désignant son parent Senoussi pour prendre possession du pouvoir. En même temps, pour bien lui marquer son estime, il mariait son fils Fadel-Allah avec la fille aînée de Senoussi. Mohammed Senoussi vint en compagnie de deux autres chefs rabistes, Abeschaoui et Aïd, occuper la zériba de Chah, tandis que Rabah poursuivait ses conquêtes aventureuses vers l’O. du Chari. (1890). Tout en envoyant à Rabah, en guise de tribut, de la poudre, des capsules, du sel, des étoffes, Senoussi aspirait à s’affranchir de cette suzeraineté. Ce qui lui manquait, c’étaient des fusils modernes en nombre suffisant. L’assassinat de la mission CRAMPEL devait lui fournir ces armes, dont la possession est la condition essentielle de la création d’un Etat arabe en pays fétichiste. La fin tragique de la mission CRAMPEL est restée longtemps mystérieuse malgré les renseignements rapportés en 1892 par M. DYBOWSKI. A mon arrivée à Ndellé, j’avais eu le désir d’interroger le sultan sur les circonstances de la mort de CRAMPEL et de ses compagnons. Je n’avais nullement la pensée de m’immiscer dans les affaires politiques, n’ayant pas à m’occuper de ces questions. Il y avait à Ndellé un interprète militaire, M. GRECH, remplissant les fonctions de résident de France : c’était à lui qu’il appartenait d’intervenir s’il le jugeait utile. On pouvait du reste considérer le débat comme terminé puisque Senoussi, une première fois, en se mettant sous le protectorat de la France (janvier 1898) avait affirmé à GENTIL « que Rabah seul était responsable, car il avait ordonné le massacre de nos compatriotes pour s’emparer des fusils ». Plus tard, à la demande de DESTENAVE, Senoussi avait encore juré sept fois sur le Coran qu’il n’était point coupable. Les deux commissaires du Gouvernement avaient accepté ces explications et pardonné au nom de la France : personne n’avait donc à y revenir. Cependant les détails du massacre n’en restaient pas moins très obscurs. Les bruits les plus outrageants pour la mémoire de CRAMPEL étaient répandus par beaucoup de Congolais qui l’avaient connu. Je voyais là un fait historique à éclaircir et j’avais aussi le vague espoir de recouvrer les papiers ayant appartenu à la mission. En d’autres circonstances assez analogues, NACHTIGAL, pendant son séjour au Ouadaï, avait demandé au roi Ali des explications sur les circonstances de la mort de l’explorateur EDOUARD VOGEL, assassiné traîtreusement à Abeschr en 1856 et il n’avait pas été inquiété pour cela. L’essentiel était de conduire les négociations avec habileté et prudence. J’en parlai à M. GRECH qui me conseilla vivement de ne jamais amener devant le sultan la conversation sur ce sujet par crainte de l’indisposer contre nous. Senoussi était extrêmement susceptible et ce serait folie de raviver ses souvenirs sur Crampel. Il me promit par contre de rechercher d’autres sources d’informations sans éveiller l’attention de l’entourage de Senoussi qui, à son avis, était véritablement responsable du meurtre. Par l’intermédiaire de M. GRECH, je pus interroger à diverses reprises deux indigènes qui, sans avoir été témoins du drame, disaient en connaître les péripéties, car ils vivaient au Kouti au moment de la fin tragique de la mission. L’un d’eux était Tom, ancien soldat rabiste devenu garde de milice à notre service, l’autre un jeune Baguirmien, d’une trentaine d’années, petit-fils de Koubeur. Son père, le prédécesseur de Senoussi, comme sultan du Kouti, était mort en prison quinze jours après CRAMPEL et comme le jeune homme avait encore quelques partisans à cette époque on l’avait tenu au courant des événements. Leurs versions concordaient presque complètement : d’après eux, la mission fut d’abord bien accueillie au Kouti. Elle y séjourna quelque temps. Crampel voulait aller au Dar Rounga. Senoussi reculait le départ de jour en jour. Enfin il lui procura des porteurs et la mission se mit en marche. Le jour même de son départ, après s’être arrêté à midi sur les bords du Djangara, près de Chah, CRAMPEL fut assassiné sur l’ordre de Senoussi. L’assassin nommé Abou Chemam[64] aurait été dévoré en 1902 par un lion et les indigènes y voyaient une manifestation de la justice divine. Ce récit un peu bref ne me satisfaisait point et je cherchai à me renseigner auprès de témoins mêmes du drame. Ce fut longtemps en vain, Niarinze qui, après la mort du fils aîné de Rabah, était tombée entre nos mains, habitait Libreville. Mais elle a oublié tout le passé ; personne n’a jamais pu lui arracher un renseignement. Heureusement au moment où j’allais quitter le Chari, en novembre 1903, pendant que je me trouvais au poste de Mandjafa, le hasard mit sur ma route un témoin fort bien informé. C’était une femme ouadda nommée Ndasou. Rencontrée par la mission CRAMPEL sur les bords de l’Oubangui, elle était devenue la compagne de l’arabe Mohamed et l’amie de Niarinze. Après le meurtre on l’avait mariée à un des Sénégalais envoyés au camp de Rabah. Tous les deux avaient vécu dans l’armée du conquérant pendant dix années. Le Sénégalais avait été tué à la bataille de Koussri et elle s’était réfugiée chez nous. A la suite de plusieurs entretiens avec elle, je réussis à constituer la version suivante. Après avoir traversé le pays des Ngapous et la région du kaga Mbra, CRAMPEL était arrivé au Kouti à Khia, où était alors Senoussi (avril ou mai 1891). Senoussi hébergea dans une des cases la mission que la mort de M. LAUZIÈRE contraignit à un séjour d’une semaine. Après l’échange des cadeaux habituels, les palabres commencèrent. CRAMPEL manifesta son désir de se rendre auprès de Rabah ; mais cette démarche allait accentuer la subordination de Senoussi vis-à-vis de son ancien maître et il montra la plus grande mauvaise volonté. Pendant que les relations se tendaient, CRAMPEL était trahi par cet Ischekkad auquel il avait toujours témoigné une confiance si aveugle[65]. Il me paraît hors de doute que cet aventurier fanatique représenta notre compatriote comme l’ennemi acharné de l’Islamisme. Peut-être aussi montra-t-il à Senoussi le rôle politique qu’il pourrait jouer une fois maître des 325 fusils de la mission[66]. Dès lors l’assassinat fut décidé. [Illustration : FIG. 24. — Défilé des troupes de Senoussi. Les bannières du Chef de guerre Allah Djabou.] Il fait annoncer à Crampel qu’il allait lui permettre de partir chez Rabah. L’explorateur voulait faire une marche rapide. Il n’emmena donc que Ndasou et son mari Saïd, un caporal, un cuisinier sénégalais et Niarinze. A part quatre caisses, il laissa ses bagages à Khia sous la garde d’Ischekkad et donna ordre à ses douze tirailleurs de retourner vers M. BISCARRAT pour ramener le convoi attardé. Son départ eut lieu assez tard dans la matinée. Allah Djabou, déjà chef de guerre, l’accompagnait avec une troupe assez nombreuse à laquelle se joignirent encore de temps à autre des bazinguers. Au sortir du Khia, CRAMPEL se serait aperçu qu’on le conduisait vers le Ouadaï et non chez Rabah : on l’entendit du camp faire de vifs reproches à Allah Djabou. Pourtant il continua sa route. Vers midi, il s’arrêta au bord du Djangara. Le caporal sénégalais partit alors à la chasse avec quelques bazinguers. Pendant ce temps CRAMPEL déjeunait avec Saïd et Niarinze, puis il s’étendit pour la sieste. Ce fut alors qu’une troupe de soldats choisis parmi les plus solides l’assassinèrent[67]. On dit qu’Allah Djabou lui porta lui-même le coup de grâce avec une de ces lances à grandes lames qui servent à chasser l’éléphant. Simultanément on se débarrassait de Saïd ; puis, quand le caporal revint de la chasse, ses compagnons lui cherchèrent querelle et quelques-uns des assassins le saisirent traîtreusement, le ligotèrent et le transpercèrent de leurs sagaies. Dès le lendemain de cette affaire, une troupe de soldats partit vers le S.-O., guidée par Ischekkad, pour s’emparer du convoi resté en arrière qui comprenait la moitié du bagage. A sa vue, les Sénégalais tirèrent, mais on leur fit comprendre qu’une plus longue résistance[68] était inutile ; ils déposèrent leurs armes et M. BISCARRAT fut assassiné. A qui allait appartenir ce butin ? Ischekkad réclama aussitôt le prix de sa trahison : les six ou sept femmes emmenées par la mission. Mais Senoussi, se jouant de lui, feignit de les consulter, et comme elles repoussaient avec indignation l’idée de devenir les femmes de l’assassin de CRAMPEL[69], il lui dit : « Tu vois, elles ne veulent pas de toi. » Puis, comme le traître frappait Ndasou qui pleurait, Senoussi aurait ajouté : « Attention ! ces femmes ne sont pas à vous, mais à Rabah, le maître du pays. » L’autorité de Rabah, qu’il invoquait pour réprimer la convoitise d’Ischekkad, ne laissait pas que de l’inquiéter. Il lui écrivit : « Des Blancs sont venus dans le Kouti. Ils voulaient se rendre au Ouadaï ; je me suis souvenu qu’ils avaient fait tuer ton frère, le fils de Ziber- Pacha, et qu’ils t’ont fait la guerre, aussi je les ai fait tuer. » Rabah s’emporta, ou feignit de s’emporter, jusqu’à traiter Senoussi d’assassin. Redoutait-il une intervention française au moment où sa puissance n’était pas encore assurée ? Entrevoyait-il dans l’acte de son lieutenant le désir inquiétant de jouer un rôle personnel ? Ou plutôt craignait-il l’énorme accroissement de puissance politique et militaire qu’assurait au Soudan la possession de plus de 300 fusils ? Toujours est-il qu’il lui dépêcha un de ses hommes de confiance, Hassein, pour procéder à une enquête, et surtout pour lui faire rendre gorge. Hassein ne lui laissa que deux Sénégalais[70], quelques femmes, un petit nombre de fusils et de caisses. Rabah reçut de nombreux fusils, la plus grande partie des munitions et des approvisionnements ; il fit ses esclaves des quinze Sénégalais, des femmes et des boys[71]. Ainsi ce fut Rabah qui eut le principal bénéfice du massacre dont Senoussi, malgré ses dénégations, doit être considéré comme l’auteur responsable. Il a bien prétendu que CRAMPEL fut tué sur l’ordre formel de Rabah. Or à cette époque l’ancien lieutenant de Ziber se trouvait à Ndam chez les Toummoks, c’est-à-dire à une vingtaine de jours du Kouti. Il est donc fort douteux qu’il ait pu donner assez rapidement l’ordre de commettre l’attentat. La mission dirigée par M. J. DYBOWSKI arriva dans le Dar Banda six mois plus tard. Le 23 novembre 1891, en pays ngapou, elle surprit à l’improviste une bande de bazinguers de Senoussi venus pour acheter de l’ivoire et sans doute aussi pour razzier le pays selon leur habitude. Plusieurs furent tués et l’un d’eux, tombé entre les mains de la mission, fut fusillé, mais il est peu probable que ces soldats eussent participé de quelque manière au meurtre de CRAMPEL, de BISCARRAT, de Saïd et du caporal sénégalais. Cette dernière affaire n’eut d’ailleurs aucun retentissement. Senoussi la dissimula sans doute soigneusement. Tom, dont les parents habitaient alors la Kouti, m’a raconté qu’on connut en effet l’arrivée de Blancs chez les Ngapous, mais avant, qu’on eût eu le temps de s’émouvoir, on apprit le départ de la mission DYBOWSKI. De cette surprise Senoussi se vengea en envoyant razzier le village ngapou de Yabanda qui avait renseigné les voyageurs français : toutes les femmes furent emmenées en esclavage. Désormais la fortune du meurtrier de CRAMPEL était assurée ; Rabah s’était taillé la part du lion, mais il lui restait encore assez d’armes et de munitions pour faire des razzias répétées chez les fétichistes et, par là, accroître sa richesse et sa puissance. Un seul rival sérieux s’opposa à ses projets, l’aguid des Salamats, Cherf ed Dine qui l’attaqua en 1895 et l’obligea à se réfugier au kaga Banga, puis au Kaga Yagoua chez les Mbrés où il séjourna une année. Senoussi passa ensuite quelque temps à Ara, puis au kaga Toulou. Enfin las de cette vie aventureuse il vint s’établir à Ndellé qui n’était auparavant qu’un simple village de Bandas commandés par un chef nommé Bangoua. Il s’installa dans un tata en terre solidement défendu, véritable donjon perché comme un nid d’aigle au milieu des rochers. Son entourage de musulmans et d’esclaves s’accrut rapidement et dès 1899 la ville de Ndellé avait déjà acquis l’importance que nous lui avons vue en 1902. Depuis l’attaque inopinée de DYBOWSKI contre ses bazinguers, Senoussi avait appris à respecter l’Européen. Lorsque l’année suivante la mission MAISTRE arriva au Gribingui, il se garda bien de l’inquiéter. De même un ou deux ans plus tard, lorsque le lieutenant belge HANOLET[72] se rendit chez le roi Kreich Mbélé, il passa au village de Rifogo, tout près de la résidence du sultan du Kouti qui séjournait alors au kaga Toulou. Il ne fut pas inquiété, au contraire des cadeaux furent échangés[73]. Puis en 1897, pendant que la première mission GENTIL lançait le _Léon-Blot_ sur le Chari, El Hadj Tokeur fut envoyé par le sultan en ambassade au Gribingui pour savoir quelles étaient les intentions de la mission. Quelques mois plus tard PRINS se rendit dans le Chari oriental avec deux Sénégalais et fut reçu par Senoussi lui-même dans son camp au village d’Ara. Enfin en janvier 1898 une entente était conclue entre GENTIL et Senoussi. Deux de ses notables, El Hadj Tokeur et Azreg accompagnèrent GENTIL en France et le sultan du Kouti écrivit que « Baguirmien d’origine, il détestait Rabah, il était tout disposé à se grouper avec ses compatriotes sous notre protectorat et que quant à CRAMPEL, c’était Rabah qui en avait ordonné le meurtre pour s’emparer de ses fusils. » Le sultan promit de ne point s’opposer à l’expansion française, de reconnaître notre suzeraineté, de recevoir un résident, de payer un tribut. Moyennant quoi, il obtint l’absolution pour un passé assez chargé et put espérer notre indulgence pour ses conquêtes futures. GENTIL lui fit même cadeau de 400 fusils à tir rapide. [Illustration : FIG. 25. — El Hadj Tokeur et El Hadj Abdoul recevant deux envoyés du Ouadaï à Ndellé.] Le premier résident fut le capitaine E. F. P. JULIEN qui est resté environ 18 mois à Ndellé, jusqu’en décembre 1902. Par sa connaissance de l’arabe et ses voyages précédents dans les sultanats de l’Oubangui, au Bas-Chari, cet officier était à même de s’employer utilement à l’étude du pays où il résidait[74]. Malheureusement le capitaine JULIEN, avant de quitter le Chari, a cru devoir faire disparaître toute trace de ses travaux scientifiques et politiques, et pas plus à Ndellé qu’à Fort- Crampel nous n’avons rien trouvé de lui. Il a été remplacé par un interprète militaire, M. GRECH. Les Européens purent désormais venir à Ndellé. En janvier 1899, TOUSSAINT MERCURI[75], agissant pour le compte de la _Mission commerciale du Chari_, installe une factorerie européenne. Au mois de mai, BRETONNET, POURET et le maréchal des logis MARTIN y séjournèrent avant d’aller se faire tuer aux rochers des Niellims. Quelques mois plus tard CHARLES PIERRE allait du Mbomou au Chari et passait quelques jours dans la nouvelle capitale. Enfin le 19 mai 1901, à la demande du lieutenant-colonel DESTENAVE, le sultan Senoussi arriva à Fort-Crampel « avec 600 soldats armés de fusils de différents modèles, 300 lanciers et un nombre considérable de porteurs, d’esclaves et de femmes ; il séjourna une semaine au poste, et après six grandes audiences un arrangement fut conclu. Le sultan jura d’être un fidèle vassal[76]. » [Illustration : NDELLÉ Croquis à l’échelle de 1/10.000e.] Devenu notre protégé plutôt que notre sujet, armé par nos mains, Senoussi se crut en droit d’étendre ses ambitions. Il désire conquérir le Dar Rounga, le Dar Sila et c’est dans ce but qu’il cherche à se procurer le plus possible de fusils[77]. Les dissensions perpétuelles dans les Etats du centre Africain et le contre-coup de la grande mêlée des peuples qui les a ensanglantés dans les dernières décades ne fournissent à Senoussi que trop de prétextes d’intervention. C’est ainsi que des Derwiches vinrent au Dar Rounga (en novembre 1901) et en chassèrent le sultan Achem qui se réfugia à Ndellé chez son beau-frère Senoussi[78]. Ces derviches étaient commandés par le chef Arabi. Senoussi, avec notre autorisation, alla leur faire la guerre, emmenant 750 bazinguers et les défit complètement dans le pays des Goullas. Il reste encore quelques derviches dispersés dans le Ouadaï, sans aucune cohésion. Le Ouadaï a envoyé Djema Taleb pour remplacer Achem au Dar Rounga. II. — SA PERSONNALITÉ. SA VIE A NDELLÉ Senoussi[79] est âgé d’une cinquantaine d’années. D’une constitution robuste, et d’une belle taille, il est resté très vigoureux malgré son âge. Par ses traits et par sa peau très noire, il appartient beaucoup plus au type nègre qu’au type arabe ; malgré cela la physionomie est intelligente et d’aspect sympathique. Sous son turban, les cheveux sont coupés courts comme chez les musulmans. Il porte une barbe courte, fournie et grisonnante : son regard est fin et vif, sa démarche généralement solennelle. La résidence de Senoussi est un tata tout à fait semblable à ceux du Soudan occidental, mais beaucoup plus modeste que ceux de Ségou ou de Sikasso que nous avons vus dans nos voyages antérieurs. La surface irrégulière où sont groupées les constructions comprend à peine un hectare d’étendue ; elle est entourée par un mur en terre, épais de 0m,80, haut de 4 à 5 mètres, dont le sommet est muni de bambous aiguisés ou de fers de flèches. L’intérieur comprend des magasins, des hangars, des claies sur lesquelles sont disposées des rangées de fusils, à côté de la pièce de montagne donnée en 1899 par BRETONNET. Au milieu de tout cela, s’élève l’habitation principale, dont les murs (10 à 15 mètres de long sur 10 mètres de large) sont formés de moellons liés avec de l’argile. Elle n’a été construite que tout récemment sur les conseils de notre résident. Il y a 6 mois, nous a-t-on affirmé, il n’y avait dans toute l’étendue du tata que des cases provisoires en paille. Quoi qu’il en soit, même le nouveau palais du sultan est fort peu luxueux. C’est une simple maison à rez-de-chaussée, construite sur le type de Djenné, mais sans les motifs de décoration ni la solidité de l’architecture songrhaï. Quant à l’intérieur, nous ne pouvons rien en dire, aucun Européen n’y ayant pénétré. Senoussi se lève à 4 heures du matin pour aller faire sa prière matinale (fedjeur) à la petite mosquée qui est auprès du tata. Ses dévotions terminées, il rentre, se recouche au harem, et ne se lève définitivement qu’à 6 heures. Il fait alors sa toilette, entouré de quelques-unes de ses femmes qui l’aident à se vêtir. Cela prend environ une heure. A 7 heures, il est paré et le conseil va commencer. Déjà dans la cour du tata se sont rassemblés les conseillers venus des divers quartiers de la ville. L’entourage du sultan comprend : un Fellata, un Haoussa, un ou deux Zanzibarites, plusieurs Foriens, de nombreux Ouadaïens (dont plusieurs presque blancs sont des Arabes pur sang), des Baguirmiens, plusieurs Tripolitains ou Fezzanais, des Bornouans. A tous on donne le nom d’Arabes. Mais à part les Tripolitains, ce sont des nègres, par tous leurs caractères anthropologiques qui n’ont rien de commun avec les races berbère ou arabe. C’est tout au plus si chez quelques-uns un peu de sang arabe a affiné les traits et éclairci le teint[80]. Ce sont d’ailleurs des musulmans fort tièdes, presque tous profondément ignorants[81]. D’après M. GRECH, personne dans l’entourage du sultan n’appartient à la confrérie des Senoussia, dont fait partie Gaourang, le sultan du Baguirmi. Les Senoussistes s’abstiennent de fumer, de jouer, de chanter, en somme de tout divertissement. Ils s’interdisent le café et Cheik Senoussi lui-même conseille de boire du thé. Tous ces conseillers entrent un à un, viennent saluer leur suzerain assis dans un fauteuil, en mettant les genoux à terre et en prenant entre leurs deux mains étendues la main droite du sultan qu’ils baisent. On lui demande en même temps s’il a bien passé la nuit, s’il s’est bien levé. Senoussi, comme tous les grands chefs arabes, est très sensible aux honneurs. Il expédie immédiatement les affaires les plus urgentes et fait accomplir les formalités habituelles ; c’est ainsi que chaque matin deux des principaux conseillers, El Hadj Tokeur et El Hadj Abdoul, sont envoyés chez M. Grech pour lui apporter les saluts du sultan et lui dire qu’il a bien passé la nuit. Depuis 18 mois qu’il y a un résident français à Ndellé, ils n’ont pas dérogé une seule fois à cette habitude. Ils font d’ailleurs monter en même temps les vivres destinés au personnel indigène de la résidence. [Illustration : FIG. 26. — Les collines de Ndellé.] Enfin les réceptions terminées, ceux des conseillers qui ont des fonctions à remplir au dehors se retirent avec la permission du maître, mais ils se retrouveront au moment du premier repas. Ceux qui restent avec le sultan, l’entretiennent des affaires courantes, lui apprennent ce qu’ils ont entendu ou vu dans la ville. La venue d’un étranger, d’une caravane est commentée. Il paraît que pendant les deux mois qui ont précédé notre arrivée à Ndellé, notre voyage que j’avais fait annoncer au sultan a été l’objet de rapports quotidiens. Le sultan s’entretient parfois à part avec un homme de confiance, soit Allah Djabou, soit El Hadj Tokeur, de ses affaires personnelles, de ses relations avec les princes voisins. Cela se poursuit jusqu’à 10 heures. Les jeunes domestiques apportent alors dans des calebasses la nourriture préparée par les femmes dans l’intérieur du palais, ainsi que des petits récipients d’eau. Le tout est servi sur de longues nattes qu’on étend sur le sol. Le repas du matin commence et se poursuit dans le plus grand calme. Les convives se réunissent par groupes de quatre ou cinq en s’éloignant plus ou moins du maître suivant le rang qu’ils occupent ; Senoussi lui-même place près de lui deux ou trois des plus intimes qui mangent au même plat. Habituellement tout le conseil, tous les chefs qui dépendent du sultan assistent au repas du matin ainsi qu’au repas du soir. C’est ce qui explique qu’on consomme autant de vivres au Tata. L’après-midi, le sultan fait la sieste jusqu’à 2 ou 3 heures. Resté seul, il rentre au harem où seul El Hadj Abdoul, sorte de vizir et d’intendant, a le droit de pénétrer avec lui. A part cette exception, nul homme ne peut pénétrer dans cette partie secrète du palais, et comme conséquence de cette interdiction, on n’a pas cru devoir recourir à la surveillance d’eunuques. Si nul, hors les concubines, leurs suivantes et leurs enfants ne loge au tata, il n’en est pas moins occupé par toute la tribu. Un tirailleur qui y allait souvent jadis m’a affirmé y avoir vu 50 ou 60 concubines de Senoussi, non comprises les femmes hors d’âge. Les enfants sont aussi fort nombreux. Adem, l’aîné de ses fils, a 26 ans. Trois autres ayant de 15 à 22 ans, portent les armes aux revues de tabour et caracolent à la fin de ces solennités. Enfin six ou huit autres, âgés de 12 à 16 ans, assistent en armes au tabour, mais ne montent pas à cheval. Senoussi aurait enfin cinq ou six enfants tout petits. Personne, sauf les mères, ne s’occupe de ces enfants. D’ailleurs, dès leur puberté, les fils quittent le Tata pour aller habiter une soukala à eux. Il marie ses filles à ses meilleurs favoris sans tenir compte de l’âge de ces derniers. Les femmes ne sont pas absolument cloîtrées. Souvent nous en voyons passer dans le village montées sur des bourriquets et suivies d’un certain nombre de captives qui les accompagnent aux cases de cultures où elles vont de temps en temps se rendre compte de l’état des récoltes ou faire préparer de la farine. Elles se contentent de se mettre sur la tête une sorte de grand voile en guinée bleue légère qui leur drape presque complètement le corps, selon l’usage des femmes maures du Sénégal. Les jeunes femmes, surtout celles que n’a point encore possédées le Sultan, ne sortent jamais du Tata. Elles peuvent d’ailleurs y recevoir des visites d’étrangères, par exemple les « épouses » arabes des Européens. III. — SA PUISSANCE MILITAIRE L’armée régulière de Senoussi comprend environ 2000 à 2500 fantassins (bazinguers), armés de fusils ou de mousquetons. L’artillerie n’est représentée que par une seule pièce de 4 de montagne donnée par BRETONNET en 1899. On tire le canon dans les grandes circonstances ; ainsi une salve a été tirée pendant le Tabour à l’arrivée du Sultan. Senoussi n’a pas de cavalerie et la raison en est dans la rareté des chevaux. Le Sultan seul en possède quelques-uns, son fils Adem a un étalon, ainsi que quelques chefs membres du conseil ; mais aucun d’eux ne paraît à cheval à la revue, pas même Senoussi[82]. L’infanterie de Senoussi comprend 6 compagnies ayant chacune 400 hommes environ. Chaque compagnie est commandée par un chef auprès duquel marchent un ou plusieurs lieutenants assisté d’un sous-ordre par groupe de 15 à 20 hommes ; elle possède plusieurs étendards portant généralement des inscriptions arabes, une fanfare de 4 à 12 instruments (clairons trompes, fifres, tambours). La première compagnie est celle du Sultan lui-même ; elle est commandée par Allah-Djabou, général en chef de l’armée du Dar Banda. C’est un ancien esclave de Senoussi, qui, au dire des Arabes, n’a reculé devant aucune bassesse pour arriver à la situation qu’il occupe. Près de lui marche Aba-Azo, le premier ministre, dont l’allure froide et réservée contraste avec la physionomie de polichinelle d’Allah Djabou coiffé d’une sorte de chapeau de gendarme chamarré de dorures en papier. Cette compagnie est précédée de 5 étendards, dont l’un en soie verte portant un verset du Coran et en haut de la hampe une lance en cuivre, venue d’on ne sait où, c’est la bannière personnelle de Senoussi. Par derrière viennent une cinquantaine de notables mieux vêtus que les autres bazinguers et généralement armés de fusils à tir rapide. La 2e compagnie est commandée par Adem, fils de Senoussi. Il marche en tête précédé de sa bannière, grand oriflamme en soie bleue avec un carré rouge au milieu duquel se détache une inscription arabe. Enfin à quelques rangs derrière sont placés ses six ou huit frères, coiffés d’un turban de batiste blanche et enveloppés dans une gandoura en même étoffe, ils se font remarquer au milieu des jeunes soldats qui les encadrent par leur costume plus soigné et leur figure plus intelligente. S’ils combattent dans le rang, ils n’en sont pas moins l’objet d’attentions spéciales et ils occupent dans la compagnie commandée par leur frère la place due à leur naissance. Adem lui-même a une réelle importance, et, seul de tous les guerriers, il porte à la fois un sabre, un revolver et un fusil à tir rapide. Si l’étiquette arabe veut qu’au moment du conseil il se tienne à l’écart par respect pour son père, il n’en est pas moins honoré comme l’héritier présomptif du sultanat. _L’armement._ — Les chefs sont ordinairement munis de fusils à tir rapide ; la plupart ont en outre soit un sabre, soit un pistolet. Rien n’est plus varié que l’armement des bazinguers. Toutes les marques de fusils français, anglais, allemands s’y rencontrent : Kropatchek, Albini, Remington, Winchester, Gras ; à côté des fusils de chasse à deux coups et des fusils à pierre[83]. Tous les combattants portent une cartouchière avec patte de cuir se rabattant et cachant les munitions. Il est donc impossible de se rendre compte de ce que ces hommes ont sur eux comme cartouches ou comme poudre. Enfin tous les soldats du sultan ont à l’avant-bras gauche un bracelet en cuir qui soutient extérieurement l’étui d’un couteau dont la lame a rarement plus de 15 centimètres de long[84]. [Illustration : FIG. 27. — Les bannières du Sultan Senoussi.] _L’habillement des soldats._ — Si l’armement des guerriers de Senoussi est disparate, leur costume l’est bien davantage ; ils sont couverts de haillons, quand ils sont vêtus ! Tel guerrier s’accommode d’un carré d’étoffe grand comme la main et porte fièrement sa ceinture cartouchière sur la peau, tel autre se contente d’un lambeau de guinée bleue autour des reins ; la plupart ont néanmoins une culotte courte et une sorte de veste étroite faites avec des bandes de coton du pays, de couleur blanche, car ici on ne connaît pas l’usage de la teinture comme au Soudan. Il en est qui vont nu-tête, quelques Arabes portent des turbans, d’autres ont des chéchias rouges données par nous et j’en ai vu un se parer d’un chapeau de feutre mou. Les chefs eux-mêmes ont un accoutrement grotesque et misérable. _La discipline._ — La plupart des sultans soudanais sont loin d’exercer sur leurs soldats l’autorité sanguinaire que l’on croit. Ils pèchent au contraire plutôt par faiblesse. J’ai constaté que les bazinguers de Senoussi, qui nous escortaient dans le voyage de Gribingui à Ndellé, étaient loin d’être aussi assouplis à la discipline que nos miliciens. Au défilé du 15 décembre j’ai vu des soldats ne pas obéir immédiatement aux ordres de leurs chefs et Senoussi se lever pour aller les bousculer sans qu’ils en parussent bien effrayés. D’ailleurs l’instruction militaire qu’ils reçoivent est des plus rudimentaires ou plutôt ils n’en reçoivent pas. A mesure que le sultan a un fusil de disponible il en arme un nouvel esclave et peu à peu en voyant les autres celui-ci apprend à s’en servir. Les seules peines disciplinaires des sultanats sont la flagellation et la prison et on les applique assez rarement. _Le Tabour._ — Le lendemain de la réception que nous offrîmes à Senoussi et à sa suite, le sultan nous fit dire que le jour suivant il donnerait un grand tabour en l’honneur de notre arrivée. On appelle tabour chez les princes de l’Afrique centrale une sorte de mobilisation de toutes les troupes ou plutôt une parade militaire comparable à nos grandes revues d’Europe. Ce matin donc (15 décembre) à 8 heures, les tambours et clairons du sultan ont résonné. Nous avons vu aussitôt déboucher de tous les quartiers de Ndellé des bazinguers qui se réunirent sur la place d’armes située à mi-distance entre le Tata du sultan et le poste où est la Résidence. Bientôt arrivèrent nos deux amis, les hadj fellatas El Hadj Mahmadou Tokeur et El Hadj Abdoul. Le sultan les envoyait pour nous prendre et nous conduire à la revue où il s’était déjà rendu. Il était en grande tenue, assis sous un petit dais offert autrefois par TOUSSAINT MERCURI. Chaussé de souliers vernis, et vêtu, par dessus sa gandoura blanche, d’un manteau de pourpre ; il avait la tête enveloppée d’un immense turban d’une blancheur éclatante. Loin d’être grotesque comme ses chefs sous ce costume d’apparat, c’est avec la meilleure grâce qu’il s’est levé et est venu au-devant de nous. Il nous a fait asseoir à sa gauche sur des sièges disposés sous un second dais. A sa droite, accroupis sur le sable, se trouvent les marabouts et en particulier le chef, Faki Haïssa (ou Faki ben Haïssa), enfin tous les notables non combattants. Peu après, y prennent place aussi deux ambassadeurs arrivés la veille du Ouadaï qui, introduits par Mahmadou Tokeur, remplissant aussi les fonctions de grand maître des cérémonies, ont salué le sultan en mettant les deux genoux à terre. A la gauche sont les gens de la résidence, nos miliciens, les hommes de M. JACQUIER[85]. Devant nous les troupes sont disposées sur quatre rangs et s’étendent sur une longueur de 500 mètres environ. (COURTET a compté dans le défilé 1416 guerriers). Derrière nous sont les gardes du sultan tous munis de fusils à tir rapide, enfin en arrière éparpillés de tous côtés des esclaves armés de lances. A l’extrême gauche de la troupe, près de nous, se trouve la première compagnie, avec la bannière verte du sultan. La musique, composée d’une douzaine d’exécutants, joue une marche pas trop assourdissante (malgré la présence de deux ou trois immenses cornes en ivoire). Puis le défilé commence ; il s’effectue sur deux, puis sur quatre rangs et se renouvelle quatre fois de suite. La première fois les hommes portent l’arme sur l’épaule droite, la deuxième fois ils tiennent, l’arme inclinée presque horizontalement en la tenant de la main gauche, appuyée sur l’avant-bras étendu ; la troisième fois ils défilent au port d’arme, enfin au dernier tour l’arme est placée sur l’épaule gauche. Les tambours et clairons marquent la cadence, aussi les hommes marchent assez régulièrement en passant devant nous, mais presque tous font à chaque pas un mouvement du corps et de la tête des moins harmonieux. D’ailleurs dès qu’ils se sont éloignés, la confusion s’introduit dans les rangs et l’on voit au loin des compagnies entières courir en désordre pour rattraper leur place. Seules la première section de la compagnie du sultan commandée par Aba-Azo, drapé d’un manteau noir, et la section d’Adem où se trouvent les fils du sultan sont passables. Le défilé a duré environ une heure, il s’est terminé par des fantasias, des tirs et des sonneries exécutées par les fanfares de chaque compagnie. Ces dernières emploient des clairons donnés autrefois par M. GENTIL, des tambours indigènes, des trompes gigantesques formées de défenses d’éléphants, enfin des fifres. A côté du sultan se trouve en outre un immense tamtam creusé dans un tronc d’arbre séculaire sur lequel un homme frappe à coups redoublés. Tout cet ensemble produit un bruit assourdissant. _Le salut des armes._ — Après le second défilé il s’est passé une cérémonie que je n’attendais point : El Hadj Tokeur s’est levé, a pris le pistolet du sultan et le tenant de la main droite, l’a présenté aux deux ambassadeurs ouadaïens et à tous les notables groupés autour du sultan. En même temps il levait le canon en l’air et l’inclinait devant chaque personne. Celle-ci répondait en saluant à son tour de l’arme ou de la main. Puis le maître des cérémonies s’est placé ensuite devant le défilé et a salué de même chaque chef à mesure qu’il passait. En dernier lieu il est entré au milieu du cercle formé par les soldats et lorsque la bannière du sultan est passée à proximité, il a tiré un coup de pistolet en l’air : le porte-drapeau a aussitôt incliné l’étendard. _Les ambassadeurs ouadaïens._ — Pendant toute la cérémonie, les envoyés du Ouadaï se sont tenus à l’écart, mais tout près du sultan, suivant attentivement le défilé. Pour les impressionner davantage, Senoussi nous avait demandé d’apporter notre gramophone et de donner une audition de nos sonneries militaires françaises. Il n’est pas besoin de dire qu’elles ont eu un succès énorme. Le sultan a fait approcher tous les chefs de son armée et tous les clairons pour qu’ils entendissent mieux. Lui-même a quitté son siège d’apparat, est venu se placer devant l’instrument et s’est introduit les tubes acoustiques dans les oreilles. Sa large face épanouie témoignait une satisfaction profonde. Il nous a promis d’envoyer au camp ses clairons pour que nous puissions enregistrer leur sonnerie du Tabour. _Conclusion._ — En faisant cette démonstration militaire, le sultan Senoussi a voulu, j’en suis convaincu, nous donner une idée de sa force. Elle n’est point, en effet, quantité négligeable et en cas de conflit avec lui, nos postes du Haut-Oubangui et du Haut-Chari seraient à sa merci et il pourrait pendant quelque temps razzier à son aise les populations fétichistes que nous protégeons sur la rive gauche du Bamingui. D’autre part le jour où nous serions disposés à occuper le Ouadaï, il pourrait nous fournir un précieux concours comme le fit il y a trois ans le sultan Gaourang. Il ne faut pas toutefois exagérer l’importance de cette armée, qui n’est en somme qu’une troupe de nègres un peu mieux armés que ceux contre lesquels nous avons lutté victorieusement tant de fois au Soudan. Notre caporal milicien, un brave tirailleur, qui s’est battu courageusement en 1899, contre Rabah à Kouno et à Koussri, en revenant de cette revue sensationnelle exprimait parfaitement la vérité quand il disait dans sa langue imagée : _Çà, mon commandant, y a soldats pour rire ; si moi y avait gagné quatre sections sénégalaises et tous fusils, moi commencer bataille 10 heures matin, fini casser la g..... à tous 5 heures du soir_. Je crois que ce brave Yoro se trompait même de quelques heures, car il me semble qu’il faudrait moins de temps à une compagnie de tirailleurs pour mettre en déroute ce troupeau d’esclaves armés. [Illustration : FIG. 28. — Les bannières du fils aîné du Sultan Senoussi.] Nous sommes allés remercier le sultan pour le Tabour. Senoussi nous a dit qu’il avait donné le Tabour pour nous seuls parce que nous étions les envoyés du gouvernement français. Il ajouta que tout ce qu’il avait était à la France et qu’en particulier ses soldats étaient au service de notre pays. Nous étions entrés chez lui sans cérémonie et sans nous faire annoncer, en revenant d’une excursion botanique. Il a demandé à voir nos récoltes et nous a donné le nom banda des plantes qui s’y trouvaient. A propos du Lili (_Ficus Rokko_) il nous a raconté que cet arbre était rare dans les environs de Ndellé et qu’il n’en existait que de jeunes sujets. Par contre il est cultivé chez les Golos, les Kreichs, les Azendés. J’ai rencontré dans l’entourage un arabe du nom de Minguéré qui avait vécu longtemps à la cour de Ziber Pacha. Étant enfant, il y avait vu un blanc qui y faisait comme moi sécher des plantes et écrivait beaucoup. Il avait été bien accueilli par Ziber et tout le monde l’avait aidé. J’ai dit à ces hommes que je connaissais ce blanc, il se nommait SCHWEINFURTH. Il avait vieilli, mais il vivait toujours et était entouré d’un grand respect dans tous les pays des blancs en raison de l’expérience qu’il avait acquise dans ses voyages. Il avait raconté dans ses livres comment Ziber l’avait accueilli et les chrétiens instruits en avaient su gré à ce sultan. Ces paroles ont vivement touché les assistants et Senoussi lui-même. Il m’a fait savoir que je trouverais près de lui l’aide que SCHWEINFURTH avait trouvé chez Ziber et que je pourrais, comme mon devancier, aller voir toutes les montagnes, toutes les rivières de ses états. IV. — COMMENT LE SULTAN EXPLOITE LE PAYS Pour entretenir son entourage, son harem, ses conseillers, surtout pour équiper et armer ces bazinguers qui font sa force, Senoussi a besoin de ressources relativement considérables, et en denrées et en argent. Maître de Dar Kouti par la guerre, il y vit, il en vit comme aux temps les plus sombres du Moyen Age, tel baron de proie parmi ses paysans. Cet état qu’il a créé d’un amalgame de populations soumises, d’esclaves établis comme cultivateurs est sa chose, son bien. Dans l’intervalle des razzias dirigées contre les idolâtres voisins, il en tire en despote les ressources nécessaires. Un fait indiquera la nature de cette exploitation du pays par le conquérant. Les villages du Dar Kouti ne possèdent pour ainsi dire pas de bétail. Pourquoi ? en partie parce que Senoussi s’est réservé le monopole de l’élevage et qu’il a voulu être le seul boucher de ses états. Seul il a un troupeau de bœufs composé d’une centaine de bêtes. Il tue trois fois par semaine et se réapprovisionne au Dar Sila. Une partie des animaux qu’il tue ou que ses chasseurs lui procurent est consommée par lui et son entourage, l’excédent est vendu. La viande est très chère à Ndellé ; un poulet coûte une brasse d’étoffe ; une livre de viande est cédée aux Arabes de Ndellé pour plusieurs paniers de farine de mil. Seul aussi, ou à peu près, le sultan possède des chevaux, dont l’élevage se développe d’ailleurs sur les incitations du capitaine JULIEN. Il y avait quarante juments à Ndellé en 1900, la plupart ayant un poulain. _Les opérations commerciales de Senoussi._ — Boucher et éleveur, le sultan est aussi le commerçant le plus considérable de ses états. Nous verrons que le trafic se fait presque exclusivement avec les caravanes venues du Nord. Or Senoussi s’est réservé les relations avec ces convois ; seul il peut acheter leurs produits. Une partie passe aussitôt à ses conseillers, à ses lieutenants en échange de leurs services. Le reste est vendu à ses sujets contre des esclaves, du mil, des volailles, des moutons. Les seuls acheteurs sont d’ailleurs une cinquantaine de familles islamisées ; les autres habitants de Ndellé, libres ou esclaves, étant trop pauvres. Il n’y a point de marché dans cette ville ; les denrées (légumes, mil, farine) s’achètent dans les cases par échange ou contre des perles. Le pipi, bière obtenue par la fermentation du mil pilé, est le seul produit qui se vende sur la place publique et il n’est guère acheté que par les Bazinguers. Le thaler, à l’effigie de Marie-Thérèse, d’une valeur moyenne de 3 francs, a encore cours chez Senoussi. Il est très recherché, non seulement pour payer les marchandises apportées par les caravanes du Ouadaï, mais encore pour en faire des bracelets, des bagues, des ornements pour la sellerie, etc. Comme unité de compte, mentionnons encore la mekta, pièce d’étoffe légère, et surtout l’esclave. De plus nous verrons qu’il y a un rapport défini entre le prix d’un esclave et celui d’un bœuf ou d’une vache, et que le captif forme pour Senoussi l’un des principaux objets d’échange. Quels sont les achats de Senoussi ? Le pays manquant presque complètement de bétail, il en achète dans les pays du Nord. Les bœufs dont il débite la viande à ses sujets viennent du Dar Sila et du Salamat. Le Dar-Four n’en fournit plus en raison de la grande consommation anglo-égyptienne et d’autre part les espèces d’Europe n’ont pu s’acclimater ; aussi les bœufs qui valaient il y a 2 ans 2 thalers au Dar Sila (4 thalers les vaches) coûtent aujourd’hui de 20 à 33 thalers à El Facher et le double à Khartoum. La moitié du bétail expédié à Ndellé est perdu par suite des fatigues et des piqûres de la mouche tsé tsé en passant dans les plaines de l’Aouk-Boungoul. On lui amène aussi des chevaux du Dar Sila : c’est une race solide, de petite taille, couleur bai et assez analogue au Mbayor du Sénégal. Il achète beaucoup d’étoffes, de fabrication européenne ou soudanaise. Voici les principales sortes : La mekta est une pièce d’étoffe légère, de 12 coudées environ, 2 mekta valent un toub[86], ou grande pièce de compte des Européens. Le tchaka est une bande étroite de coton indigène tissée dans le pays, large de 12 centimètres, et longue de 32 coudées. La toukia (tokkuya de Nachtigal) est un tissu analogue au tchaka, large de 24 centimètres et longue de 16 à 17 coudées. Les tissus européens apportés par les caravanes sont les suivants (noms arabes) : Demmour ou Bacha Kaoua (étoffe lustrée), Massria bleu (étoffe venant du Caire), Ferka (grand pagne coloré), Chah (turban en mousseline, voile de musulman), Kafalarous (cotonnade très légère blanc-jaunâtre), Tagnia (petite calotte blanche des Arabes, qui, au Ouadaï et à Ndellé, ne portent guère que cette coiffure). Le sel est un des principaux produits d’importation ; viennent ensuite les perles, le sucre, le thé, le savon de Marseille, la poudre, les capsules et les fusils ; on comprend, sans qu’il soit besoin d’insister, l’importance de cette introduction d’armes, que Senoussi cherche d’ailleurs à nous faire ignorer. En résumé, nous croyons que les besoins annuels du pays peuvent être évalués à 15,000 mètres de cotonnade légère européenne coûtant rendus à Ndellé 20,000 francs ; 12 tonnes de sel, soit 25,000 francs ; 1 tonne et demie de perles, valant chez le sultan 5,000 francs. L’ensemble représente environ 50,000 francs ; on considère que ce chiffre, valeur des produits rendus au Kouti, peut être triplé pour obtenir le prix de vente. C’est donc à environ 150,000 francs seulement que l’on peut estimer la puissance d’achat du sultanat. L’on voit à quoi se réduisent les importations de ces régions. Les exportations du pays vers le Nord consistent, d’abord et surtout, en esclaves, puis en ivoire, en bandes de coton ; peut-être aussi vend-on un peu de café et cède-t-on quelques thalers, mais certainement moins que le Kouti n’en achète. Je pense que Senoussi pourra facilement tirer de ses états, dans un avenir prochain, environ 2 à 4 tonnes d’ivoire, 12 à 20 tonnes de caoutchouc, 1 tonne de café. Le café suffirait aux deux tiers de la consommation des Européens résidant au Chari que j’évalue, pour 150 blancs, à 1650 kilogrammes par an. [Illustration : FIG. 29. — Fac-similé de l’écriture du secrétaire de Senoussi.] La plus grande partie du trafic se fait avec les Musulmans voisins[87]. Senoussi reçoit cinq ou six fois par an des caravanes venues du N., du Ouadaï et du Dar Sila. Pour donner une idée de ce qu’est une caravane, voici la composition de celle que Bakhit, sultan du Dar Sila, a envoyée à Senoussi et qui est parvenue à Ndellé dans les premiers jours de décembre 1902. Elle comprenait 12 bœufs porteurs, chacun chargé de 60 kilogrammes de marchandises, 7 ânes porteurs. Il y avait 20 à 25 conducteurs, y compris le chef de la caravane, homme de confiance du sultan, et peut-être son parent, qui voyageait à cheval en grande pompe ; de plus, nous avons vu une dizaine de caravaniers non porteurs, enfin une quinzaine de domestiques, d’esclaves de suite, etc. Les marchandises étaient des étoffes, du sucre, du thé, des parfums indigènes, peut-être de la poudre et des capsules. Peu de temps après l’arrivée de la caravane 5 bourriquots ont été échangés contre 9 esclaves. Bakhit fera passer les esclaves à Abeschr où ils seront vendus. Les ânes ont été donnés par Senoussi à la Société de la Kotto, lors du voyage de M. SUPERVILLE, pour liquider une vieille créance. Senoussi ne paraît pas entretenir de relations commerciales avec les sultans de l’Oubangui. Ni les noix de kola, ni le bois rouge, produits naturels du Haut-Oubangui, qui pourraient être consommés dans le Dar Banda, n’arrivent. _Relations avec les Anglais au Barhr-El-Ghazal._ — Je crois qu’elles sont assez rares actuellement[88] quoiqu’il y ait à peu près la même distance entre Ndellé et Dem-Ziber qu’entre Ndellé et le Dar Sila. Les Anglais, s’ils envoient des armes et de la poudre à Senoussi, comme divers indices me portent à le croire, c’est par le Dar Four. Toutefois, Senoussi reçoit plutôt des armes et des munitions par les caravanes des Ouadaïens et des Dar Foriens qui les lui apportent pour leur propre compte. _Opérations de la mission commerciale du Chari à Ndellé._ — La société commerciale qui commandite cette mission ne paie à l’État, d’après M. GRECH, qu’une redevance annuelle de 600 francs et la société empêche le commissariat de prélever l’impôt en nature qu’il a imposé à Senoussi. Il en est résulté un conflit entre le Résident et le directeur actuel, M. JACQUIER, successeur de M. MERCURI. Les commanditaires de cette mission sont les mêmes que ceux de la société de la « Kotto ». Leurs opérations pourraient être confondues. Des rapports existent entre Ndellé et le comptoir le plus avancé sur la Kotto. C’est par la Kotto, suivant la route reconnue par M. SUPERVILLE, qu’on expédiera dorénavant le caoutchouc et l’ivoire de Ndellé : jusqu’à présent la mission commerciale n’achète à Senoussi que ces produits. Elle lui a prêté à plusieurs reprises des thalers, opérations qualifiées d’illégales par le résident GRECH et signalées au Commissaire général. Toutes les opérations de la mission commerciale se bornent au commerce avec le sultan Senoussi. Elle lui procure, en échange de caoutchouc, d’ivoire et de thalers : des étoffes (vulgaires et de luxe), de la poudre, des capsules, des fusils de traite (?), du sucre, du thé, des glaces, des armes de chef (sabres, etc.), des chéchias, des colliers de corail (grosses perles) et d’ambre, de la verroterie, des ustensiles de cuisine, des plats. Senoussi a besoin en outre d’objets de luxe (ameublement, vaisselle), de tentes de guerre, de ceintures, de vêtements, de chaussures, de turbans, d’étoffes algériennes, de sellerie. _Commerce avec la Société des Sultanats._ — Il est actuellement nul, bien que cette société ait la concession de la rive gauche de la Kotto, au même titre que la Société la « Kotto » a la rive droite. _Senoussi, sultan esclavagiste._ — Notre protégé le sultan Senoussi est un marchand d’esclaves, analogue à ceux dont la disparition fut l’objet, ou le prétexte, de l’intervention européenne dans le centre de l’Afrique. Seulement celui-ci a su créer un Etat comme base de ses opérations et cela, plus heureux, plus cauteleux que Rabah son modèle, sous notre suzeraineté. L’armée pour laquelle il recherche, quémande avidement nos dons de fusils, est l’instrument des razzias dont le but est la conquête des captifs. Des prisonniers, il fait deux parts. Il garde les uns pour les installer près de Ndellé dans des villages de culture. Alors que pour les groupements arabes il semble ne prélever qu’une sorte de dîme, de ces villages de serfs il tire sans compter le mil, le maïs, la farine de manioc, les volailles nécessaires à sa subsistance et à celle de ses nombreux parasites ; il leur fait entretenir son bétail, chercher le caoutchouc et le café qu’il nous livre. Les autres captifs, sauf quelques-uns, femmes et boys, dont le don lui concilie l’amitié des blancs en relation avec lui, sont une valeur d’échange, la principale de ses opérations commerciales. C’est contre des esclaves qu’on acquiert des armes, des étoffes, des chevaux, des bœufs. Un bœuf de belle taille vaut 2 ou 3 esclaves adultes ; un cheval, 10 esclaves ; une fillette de 6 à 8 ans s’achète avec 8 ou 10 bandes de coton ou mekta ; à 15 ans, elle en vaudra 15 à 18. Il n’y a aucune exagération à dire qu’en même temps que la main-d’œuvre, l’esclave représente le principal élément du commerce du Dar Kouti, comme jadis d’ailleurs dans tous les Etats musulmans du centre africain. On comprend dès lors que l’histoire de ces Etats soit celle de leurs chasses à l’esclave. Dans l’entourage de Senoussi, on ne parle que de razzias. En décembre 1903, il préparait une expédition chez les Saras qui ne comprenait pas moins de 1000 guerriers et dura jusqu’à l’arrivée de l’hivernage. Bien d’autres l’ont précédée. Senoussi se plaint sans doute qu’après le passage de Rabah et sa moisson d’hommes il ne lui restait plus qu’à glaner. Pourtant, à notre connaissance, il fit conduire par Adem des razzias assez nombreuses. Il a fait captifs les Kabas du Kaga Banda puis les Mbatas du Kaga Bongolo. Il obligea les Ngaos du Haut-Bangoran à lui payer tribut, ainsi que les Moroubas du Boungou ; il est allé à la Koumou et a fait captif Mogoubanda (Mokbanda) aujourd’hui à Ndellé chef des Tambagos[89] ? Il a pris aussi des Bandas, Bourous (Mbrous ?). Enfin il y a 2 ou 3 ans, Adem et Allah Djabou sont allés au Kaga Toulou et ont emmené les troglodytes du chef Rifogo campés au Kaga Fofo dans la grotte. Rifogo est lui-même captif à Ndellé où Senoussi me l’a montré. Gono a été aussi pris par Senoussi et le village fut anéanti. Maintenant c’est le vide (et quel vide ?) dans tout le Dar Banda où, pour ses razzias annuelles, Senoussi est obligé d’envoyer dorénavant ses lieutenants à huit jours au moins de Ndellé ; c’est la dépopulation chez les Saras, chez les Moroubas, chez les peuplades du Mamoun ou chez les Ouaddas, ou chez les Kreichs de Saïd Baldas. Et nous l’entravons, paraît-il, du moins El Hadj Abdoul le dit : « Si les Français n’étaient pas là ou nous laissaient faire, il y a longtemps que le sultan aurait pris tout ce qu’il y a jusqu’à la Tomi et jusqu’à l’Oubangui. Il nous faut bien des captifs ! » [Illustration : FIG. 30. — Incendie de brousse dans le pays de Senoussi.] Senoussi est mal venu à se plaindre de nous. Lieutenant de Rabah, meurtrier de Crampel, il a acheté l’oubli du passé au prix d’une soumission, plus ou moins sincère : on l’a soupçonné d’intelligences avec le Ouadaï et les maîtres du Dar Four, et, en juillet 1905, il a refusé de coopérer à la lutte contre les rezzous de la rive droite du Chari[90]. Il ne fut peut-être pas d’une politique très prudente de le laisser constituer ses troupes et même de lui procurer des fusils. Surtout il est triste de penser que la présence d’un résident à Ndellé implique la France dans la responsabilité de ses razzias. Et ce n’est point seulement un sentiment d’humanité qui anime cette protestation ; c’est aussi le souci de l’avenir économique de ces régions où sont morts les nôtres, où nous avons travaillé et lutté. Assez de sang y a été versé, assez d’argent employé pour qu’on ne les abandonne pas à un souverain de proie. Il y existait des populations d’agriculteurs, les Saras, les Ndoukas, les Bandas notamment, qui démentent par leur travail la légende de la paresse du noir. Ces populations chez qui l’amour et le soin de la terre est très développé, les despotes arabes les exterminent. Sur leurs traces, la brousse reprend possession des cultures : c’est, à la lettre, le désert qui réapparaît. Nous avons combattu Rabah : pouvons-nous laisser Senoussi continuer ses ravages ? abstraction faite de toute considération « sentimentale », croyons-nous que les 3 tonnes de caoutchouc, les 2 quintaux de café, les 300 kilogrammes d’ivoire payés en tribut par Senoussi compensent l’exode du millier de captifs qui, chaque année, sont vendus par lui aux États du Nord ? On peut discuter la question de la délivrance des « esclaves de case » ; mais laisser continuer la chasse à l’homme par un négrier qui arbore notre drapeau serait une honte et une inconséquence impardonnable. Senoussi du reste sait fort bien notre manière de voir et il est trop intelligent et trop avisé pour ne pas comprendre qu’il a tout intérêt à abandonner un commerce que nous trouvons illicite. Malheureusement les nombreux courtisans qui vivent près de lui des libéralités que leur procure la chasse à l’homme, font tous leurs efforts pour maintenir un système dont l’écroulement serait leur ruine. Ils cherchent à l’attacher au passé en lui rappelant les préceptes du Coran qui proclament guerre sainte l’extermination des païens et qui recommandent la politique de duperie à l’égard des Roumis. Il ne faut pas l’oublier, ses États confinent au Ouadaï et au Dar Four, les deux seuls pays, avec le Maroc, où subsistent des gouvernements esclavagistes, hostiles à la civilisation occidentale. Or Senoussi sait fort bien qu’en cas de conflit avec nous, il trouverait asile et protection dans les contrées situées au N. du Kouti. Il connaît toutes les clauses de la convention franco-anglaise du 21 mars 1899 qui attribue le Ouadaï à la France et le Dar Four au gouvernement anglo- égyptien. Qui lui a appris l’existence de cette convention ? Je l’ignore, mais un jour il en discuta les termes avec moi. Il ne comprend pas pourquoi l’Europe laisse faire librement au Ouadaï et au Dar Four ce qu’elle interdit ailleurs. Du fait que nous laissions en 1902 et 1903 les Ouadaïens venir piller les villages Saras à quelques jours de nos postes militaires impuissants, et enlever les jeunes hommes valides et les femmes comme esclaves, comment lui, notre protégé, ne se serait-il pas cru le droit d’agir de la même manière ? Nous tenons, certes, le plus grand compte de sa mentalité de musulman. Ce que notre morale, notre sensibilité et notre intérêt désapprouvent lui semble, dans son âme fruste, absolument légitime et même nécessaire. Que de fois lui ou El Hadj Tokeur ont cherché à me convertir à leur manière de voir ! « Que ferions-nous sans esclaves, me disait ce dernier ? Où voudrais-tu que le sultan prenne les porteurs qui te sont nécessaires pour tes voyages ? Qui cultiverait nos champs ? Regarde nos mains (et il me montrait ses bras minces de Foulbé), penses-tu qu’elles soient assez fortes pour remuer la terre ? Où voudrais-tu que nous trouvions les bœufs que ton gouvernement nous demande comme impôt si nous n’avions pas des esclaves à donner aux Arabes du Nord en échange de leurs troupeaux ? Et puis, ces Bandas que tu plains sont des brutes ; ils sont même inférieurs au bœuf que vous tuez sans pitié, car les animaux ne se mangent pas entre eux tandis que nos esclaves sont presque tous des Niamniams (des anthropophages). » — « En ce cas, lui répondis- je un jour, pourquoi leur prenez-vous leurs filles pour en faire vos femmes ? Les enfants que vous aurez seront aussi des brutes ? » — « Non, me répondit sans sourciller le vieux El Hadj, tous nos enfants seront Arabes ! » [Illustration : FIG. 31. — L’habitation dans le pays de Senoussi.] Senoussi, qui partage cette cruelle impassibilité pour les fétichistes, est pourtant le musulman le plus humain pour son entourage que nous connaissions. Il a droit de vie et de mort sur tous ses sujets et il n’en use presque jamais. Les châtiments corporels sont très rares dans la capitale, même pour les esclaves. Or Senoussi est originaire du Baguirmi, c’est-à-dire d’un pays où les princes régnants font encore crever les yeux à leurs propres frères pour les mettre dans l’impossibilité de tenter un coup d’état. A tout prendre, il est moins coupable que certains conquistadors venus d’Europe. Il ne s’est jamais en effet montré hostile aux idées d’amélioration que nous lui avons apportées. Nos résidents lui ont conseillé de faire de l’agriculture, il a entrepris des cultures nouvelles, on lui a conseillé de faire du commerce avec les blancs de l’Oubangui, il a accepté sans aucune restriction la création d’une factorerie européenne par MERCURI. Vers la fin de notre séjour à Ndellé, je vis un matin le sultan sortir en grande pompe de son Tata, entouré de ses principaux courtisans, et se rendre au milieu des cultures où sa tente d’apparat avait été installée. Sous ses yeux 500 femmes commencèrent les travaux de défrichement et d’ensemencement. Quelques hectares de terrain[91] furent consacrés pour la première fois à la culture du riz en grand. Un mois plus tôt il avait récolté du blé et il avait été aussi l’introducteur de cette culture. Les plantations de sorgho allaient en s’étendant d’année en année et à l’époque de notre séjour, elles couvraient déjà tous les environs de Ndellé sur 10 kilomètres de rayon. Quelques sujets du sultan s’adonnaient pour son compte à l’élevage du bétail. Il fait venir tous les ans des troupeaux du Ouadaï et s’efforce de les acclimater autour de sa résidence. D’autres chassaient l’éléphant et lui rapportaient les défenses et jusqu’à la viande boucanée. D’autres encore allaient récolter le caoutchouc à plus d’une semaine de marche de la capitale. Enfin il se faisait apporter du café, du poivre d’Éthiopie, du sel obtenu par le lessivage des cendres de certaines herbes, de l’huile de palme, des fibres de raphia, du poisson sec, etc. Lorsqu’il sut le but précis de notre voyage, Senoussi parut s’y intéresser. Il eut d’abord quelque peine à comprendre que nous fussions venus de si loin uniquement pour parcourir des pays nouveaux et en examiner les ressources. Je sus plus tard qu’il nous avait fait surveiller dans les premiers temps, persuadé que nous étions venus pour rechercher une mine d’or. En voyant notre zèle à recueillir des plantes, à collectionner des animaux, à ébrécher les rochers pour prélever des échantillons minéralogiques, il fut bientôt convaincu que nous formions, COURTET et moi, une catégorie à part d’Européens inoffensifs. Il demanda à COURTET de préparer sous ses yeux du caoutchouc en pilonnant des racines de petits _Landolphias_ dans un mortier à couscous. Tout son entourage assista à l’expérience et lui-même calcula le prix de revient. D’un autre côté il me fit voir les principales productions curieuses de ses États. Quand je passais au Tata avec quelques branches d’arbres à la main pour mes collections, il m’en donnait lui-même les noms arabes et m’en indiquait les usages. A notre retour de chaque excursion, il nous interrogeait sur ce que nous avions vu et complétait nos renseignements. Lorsqu’en audience je lui demandais des indications pour compléter nos cartes, il quittait son siège et traçait lui-même sur le sable, avec le doigt, le cours des rivières dont nous voulions connaître la direction. Il était rarement embarrassé. Pendant trente années il a parcouru dans tous les sens le Dar Fertit ou Pays des Sauvages, et doué d’une mémoire prodigieuse, il a retenu le nom des moindres ruisseaux situés à plus de 200 kilomètres de sa capitale. Au départ de chaque excursion, il réglait lui-même tous les détails de notre itinéraire, et indiquait au guide les points sur lesquels il fallait attirer notre attention pendant la route. Nos rapports devinrent toutefois tendus pendant le dernier mois de notre séjour à Ndellé. Il serait sans intérêt pour le lecteur d’en connaître les raisons ; je dois seulement dire que les principaux torts n’étaient ni du côté du sultan ni du nôtre... [Illustration : FIG. 32. — Petits _landolphia_ donnant le caoutchouc des racines.] Nous ne songeons nullement à dresser contre Senoussi un réquisitoire tendant à sa déposition. Ce serait une grosse entreprise et le sang français a déjà été et même trop largement versé dans ces contrées désolées. Cette déposition, fût-elle plus facile, nous n’en voudrions point. Senoussi est le chef le plus extraordinaire que nous ayons rencontré en Afrique et, nous osons le dire, il a forcé notre admiration. D’une ambition sans bornes, mais aussi d’une intelligence vraiment puissante et d’un sens pratique encore affiné par ses opérations commerciales, il a su créer un Etat à demi policé d’un ramassis de barbares sans cohésion. Il a su s’assimiler de la culture européenne tout ce qui peut lui être utile. Nous croyons donc qu’il faut vivre en bonne intelligence avec le Sultan du Kouti, quelque chargé que soit son passé. Mais, cette absolution ne peut entraîner la licence de continuer les razzias chez les fétichistes. Et, après nous être montré si impartial dans notre jugement sur Senoussi, si préoccupé des intérêts matériels de la France, nous n’en répétons que plus fermement nos protestations contre un système trop longtemps toléré. Si la France donnait à Senoussi l’impression qu’elle est vraiment et sincèrement décidée à abolir la traite, si nous lui enlevions ces prétextes que El Hadj Tokeur nous opposait, si notre résident à Ndellé se montrait suffisamment énergique et calme, je suis convaincu que Senoussi s’inclinerait devant notre volonté bien arrêtée de supprimer les razzias d’esclaves et qu’il pourrait devenir un auxiliaire précieux pour notre administration. [Note 60 : Senoussi n’est nullement d’origine arabe, mais c’est l’usage des pays Fertit d’appeler Arabes tous les Musulmans venus du N., quelle que soit leur origine.] [Note 61 : Pendant mon séjour à Ndellé j’ai eu l’occasion de causer à de nombreux noirs islamisés qui avaient vécu dans l’entourage de Ziber- Pacha. L’un d’eux se rappelait même avoir vu un blanc compagnon d’Abd- es-Samat et ayant comme moi la manie d’examiner les plantes qu’il rencontrait dans le bled. Le voyageur auquel il faisait allusion était sans aucun doute G. SCHWEINFURTH, le grand explorateur allemand qui séjourna à Dem-Ziber en 1870.] [Note 62 : G. DUJARRIC, _La Vie du sultan Rabah_ (1902), p. 29.] [Note 63 : Pièce traduite par M. l’interprète GRECH.] [Note 64 : D’après une autre version l’assassin se nommait El Kharifine.] [Note 65 : Que CRAMPEL ait eu vent d’une trahison dans son entourage, c’est sans doute ce qui explique le terrible châtiment d’un de ses serviteurs, qu’il fit alors fusiller. Il l’avait convaincu d’avoir volé un fusil pour le donner à un soldat de Senoussi. CRAMPEL crut sans doute cet exemple nécessaire pour arrêter la défection commençante.] [Note 66 : 25 fusils modèle 1874, armement du personnel de la mission, et 300 fusils à piston destinés à servir de cadeaux au Ouadaï.] [Note 67 : Plusieurs des assassins seraient encore à la cour de Senoussi : Allah Djabou, en particulier, est toujours chef de guerre.] [Note 68 : Cette résistance semble s’être prolongée assez longtemps, puisque cinq d’entre eux furent tués.] [Note 69 : On voit tomber le reproche de cruauté qui fut fait à sa mémoire, de même que l’accusation de trahison portée contre Niarinze. Comme tous les indigènes de la mission, elle détestait Ischekkad et elle se refusa à le suivre.] [Note 70 : Ces deux Sénégalais étaient encore à Ndellé en 1899 au moment de l’arrivée de MERCURI. Ils disparurent peu de temps après et Senoussi raconta que l’un d’eux, après avoir assassiné son camarade, s’était enfui au Ouadaï.] [Note 71 : Il paraît qu’Ischekkad se rendit librement chez Rabah et qu’il y mourut de maladie quelque temps plus tard.] [Note 72 : Le lieutenant HANOLET, que l’entourage de Senoussi appelle Alibou, séjourna quelque temps à Mbélé, mais il ne dépassa pas ce point. L’itinéraire de Mbélé à Kouga au Rounga que lui attribue M. VAUTERS lui fut sans doute donné par les caravaniers qui lui amenèrent des troupeaux à Mbélé, mais lui-même au dire de Senoussi ne pénétra jamais au Rounga.] [Note 73 : Senoussi m’a montré un magnifique fusil pour chasser l’éléphant que HANOLET lui avait donné.] [Note 74 : Il avait d’ailleurs publié divers articles intéressants, particulièrement sur les voies d’accès de l’Oubangui au Chari par le Kotto, dans le _Bulletin de la Société de Géographie_ (7e série, XVIII, 1897, p. 129-178 et 340-384 ; XVIII, p. 496-518), _La Géographie_ (III, 1901, p. 109-114 ; V, 1902, p. 216-218).] [Note 75 : TOUSSAINT MERCURI, né en Algérie le 21 juillet 1871, mort à Ndellé le 21 juillet 1902, fit un premier séjour à Ndellé (janvier 1899-fév. 1900). Revint à Ndellé en janvier 1902 et y mourut 6 mois plus tard. La factorerie qu’il avait créée était gérée en 1902-1903 par M. JACQUIER. Elle fut en janvier 1903 inspectée par M. SUPERVILLE. Depuis elle a été abandonnée et la société, _La Kotto_, possède seulement une factorerie à Bria, sur la limite des Etats de Senoussi. =Bibliographie.= — F. MERCURI, _Conférence sur la mission de Béhagle_ (extrait du _Bull. Soc. Géogr. Alger_, 4e trim. 1900), Alger, 1900. — _Dans le centre africain, 3 ans 1/2 au sud du Tchad_, Constantine, 1900, 1 broch. 24 p. — Lettre du 4 janv. 1902 et article nécrologique, _Bull. Soc. Géogr. Alger_, 4e trim. 1902, p. 633-636. — Anonyme. _La Kotto, Occupation et organisation de la Concession_, extrait du rapport lu à l’assemblée générale le 28 déc. 1901 (1 carte), Paris, 1902.] [Note 76 : NEIGEL, _Au cœur de l’Afrique_ (_Bull. Soc. Géogr. d’Alger_, 1903, p. 207). D’après les rapports fournis par le capitaine JULIEN, le colonel DESTENAVE a, dans les instructions spéciales données à M. GRECH, résident à Ndellé, fixé le tribut de Senoussi à 40.000 francs, répartis ainsi qu’il suit : 25.000 francs comme impôt en nature (caoutchouc 2 tonnes, ivoire 2 tonnes, café 500 à 1000 kilogrammes), et 15.000 francs représentant la valeur des subsistances fournies à la résidence (alimentation des tirailleurs indigènes, etc.). En même temps le colonel DESTENAVE informait M. GRECH que, d’après le capitaine JULIEN, le territoire de Senoussi pouvait fournir 6 tonnes d’ivoire, 6 tonnes de caoutchouc, 500 à 1000 kilogrammes de café. Aux termes du traité du 18 février 1903, conclu avec M. Fourneau, Senoussi s’engage à nous verser annuellement 300 kilogrammes d’ivoire, 3 tonnes de caoutchouc, 200 kilogrammes de café, 10 bœufs, 3 chevaux, 20 moutons, contre des marchandises et des munitions (F. ROUGET, _l’Expansion coloniale au Congo Français_, Paris, 1890, p. 178)] [Note 77 : Un jour je lui énumérais les cadeaux que j’avais commandés en France pour lui, il me répondit : « Je te remercie, mais cela n’a pas grande valeur pour moi ; ce que je désirerais ce sont des fusils. »] [Note 78 : Achem a épousé Fatalou, sœur de Senoussi.] [Note 79 : Senoussi se fait appeler par les Arabes de son entourage Emir el Moumenin (Commandeur des croyants), titre que se donnait autrefois le souverain du royaume Foulbé oriental.] [Note 80 : Ces musulmans noirs sont appelés zrogues par les vrais Arabes.] [Note 81 : Certains bazinguers réputés Arabes usent même d’une boisson alcoolique (pipi ou mérissa).] [Note 82 : Au contraire le Ouadai peut d’après M. GRECH disposer de 2000 cavaliers, en plus de ses 10.000 fantassins, armés en partie de fusils à tir rapide. Les aguids du Gandaba et du Salamat commanderaient, à eux seuls, à 600 cavaliers chacun.] [Note 83 : COURTET évalue à 200 le nombre de fusils à tir rapide qu’il y avait au défilé. Je suis porté à croire que Senoussi possède au moins 500 fusils se chargeant par la culasse.] [Note 84 : Outre l’armée régulière, Senoussi peut aligner de nombreux auxiliaires armés de lances et de sagaies. Ce sont pour la plupart des esclaves bandas et kreichs lui appartenant. Quelques-uns ont été mobilisés pour le tabour, notamment les chasseurs d’éléphants armés de longues lances à grande lame en forme de cœur. Je n’ai point vu à Ndellé, comme dans tous les pays fétichistes de l’Afrique centrale, de guerriers armés de couteaux de jet et de flèches.] [Note 85 : Directeur de la société commerciale « La Kotto », à Ndellé.] [Note 86 : Le toub est le grand vêtement que portent les Arabes.] [Note 87 : Senoussi se défend d’avoir des rapports avec le Dar Four, mais divers indices me permettent d’affirmer qu’il recherche des thalers pour acheter aux Anglais de cette région des étoffes communes, des guinées semblables à celles que l’on fabrique dans l’Inde et probablement des fusils.] [Note 88 : Pourtant j’ai vu entre les mains d’un esclave de Senoussi une pièce de guinée semblable à celles que l’on fabrique dans l’Inde ; et d’autre part le sultan me fit une fois observer que les Anglais n’acceptaient nos pièces de deux francs que comme un shelling.] [Note 89 : Ce serait alors que les Tambagos seraient partis vers le Bandéro.] [Note 90 : F. ROUGET, _ouv. cité._] [Note 91 : Cinq hectares environ.] CHAPITRE VII EXCURSIONS AUTOUR DE NDELLÉ I. Vers la Tété. — II. Voyage au Bangoran. — III. Voyage au Mamoun. — IV. De Ndellé à Ngara et au Bamingui. * * * * * I. — VERS LA TÉTÉ Le 27 décembre, nous quittons Ndellé pour reconnaître la région du confluent de la Tété et du Boro. Les trois premiers kilomètres se font à travers d’étroits défilés entre les pittoresques blocs de grès qui surplombent la ville de Senoussi. Nous remontons quelque temps le ravin creusé par un ruisselet qui, un peu en aval de sa source, se perd sous des rochers, et enfin nous atteignons un vaste plateau ferrugineux (671 mètres). Les champs de mil, qui appartiennent à El Hadj Abdoul, s’étendent à perte de vue, ainsi que de belles cultures d’arachides, ombragés par les karités : on se croirait dans les vergers du Soudan Nigérien. En dehors de ces défrichements, l’aspect de la brousse est vraiment printanier : après l’incendie, les bourgeons éclatent et l’on voit apparaître les jeunes feuilles ou même les fleurs des légumineuses arborescentes ou des _Landolphia owariensis_. A 6 heures, nous campons dans un champ de mil, auprès de l’Ouhi. Cet affluent du Vou, qui lui- même se jette dans la Tété, n’est ici qu’un ruisseau marécageux, large de 10 mètres, mais profond de 0m,50 au plus, sans véritable galerie. De ce campement jusqu’à la Tété, le plateau, formé par les grès horizontaux, s’incline assez rapidement. En 20 kilomètres environ, on descend de 658 mètres (près de l’Ouhi) à 487 mètres (près du confluent du Vou avec la Tété). Les moindres ruisseaux sont toujours très encaissés : le Korokiri, très près de sa source, s’enfonce de 8 mètres dans la latérite et les grès ; le Vou, à peine formé également, est à 525 mètres, tandis que la colline abrupte occidentale s’élève à 567 mètres ; comme la rive orientale est en pente beaucoup plus douce, un village a pu s’y établir. Les bords sont couverts de bambous qui s’étendent souvent jusque sur les plateaux. Ailleurs on traverse des bois épais de _Vouapa_, de _Detarium_, d’_Afzelia_ dont les gousses entr’ouvertes laissent tomber leurs graines noires munies d’un arille rouge. L’étape de l’après-midi se fait dans la dépression que remplit la puissante galerie du Vou : de gigantesques guirlandes de _Landolphia florida_ actuellement en fleurs grimpent au haut des futaies. Nous campons au village de Torogo, situé sur sa rive gauche. Quelques familles bandas logent ici dans des cases sur pilotis, qu’il a fallu surélever de 2 à 4 mètres en raison du nombre des panthères. Un escalier très raide permet d’entrer, par une ouverture extrêmement étroite, dans la case ; les soliveaux du plancher sont recouverts de terre, mais la paille a fait les frais des côtés comme du toit. Quelques habitations sont juchées sur les branches d’arbres à demi tombés. A vrai dire, il s’agit moins de demeures permanentes que de villages de culture. Les divers petits groupes de cases où nous sommes passés depuis hier appartiennent à Senoussi qui y installe ses captifs lors de la récolte. Ils vivent des produits de leur travail, mais, à toute réquisition du sultan, ils doivent porter à Ndellé les grains dont il a besoin. La céréale dominante est ici le sorgho ; il y a à peine 1/3 de mil pour 2/3 de sorgho. Ce dernier comprend dans le pays une dizaine de variétés qui peuvent rivaliser avec celles du Soudan occidental. Partout le mil est actuellement en train de sécher sur des claies horizontales supportées par des piquets ; le petit mil beaucoup plus avancé est déjà emmagasiné dans les greniers, ainsi que l’_Eleusine_, mais cette graminée est assez rarement cultivée. Il n’en est pas de même du sésame, auquel on consacre fréquemment quelques parcelles des terres neuves et dont les tiges fructifères sèchent au soleil. Une nouvelle plante oléagineuse, l’_Hyptis spicigera_, fait son apparition. A Ndellé, on en fait déjà usage pour assaisonner la bouillie de mil, mais ici elle couvre autant de surface que le sésame. Citons encore, parmi les plantes fréquemment cultivées, le ricin, l’oseille de guinée et les patates qui, elles aussi, se récoltent en ce moment[92]. Notre étape du 28 s’accomplit d’abord dans une grande plaine ferrugineuse, presque partout couverte de bambous ; puis nous atteignons le Bahr Tété en un site charmant, ombragé de grands arbres et de superbes bambous ; la même essence forme une brousse claire et brûlée sur la rive droite où nous avons campé. Elle constitue des forêts entières des deux côtés de la rivière[93]. Ce bambou se présente par touffes de 10 à 30 troncs. Dans les endroits où il n’a pas été brûlé les années précédentes, il atteint environ 8 mètres de hauteur moyenne, et dépasse assez souvent 10 mètres. Les tiges, d’un vert glauque, où une bractée couverte de poils roussâtres persiste à chaque nœud, laissent actuellement tomber leurs feuilles par groupes de cinq à six attachées à une ramule[94]. Le sous-bois n’existe pour ainsi dire pas dans ces forêts de bambous. [Illustration : FIG. 33. — Futaie dans le pays de Senoussi.] Près de notre campement, le Bahr Tété s’élargit jusqu’à 10 et 12 mètres ; de nombreux troncs d’arbres obstruent parfois son cours assez rapide, mais il n’y a pas de blocs de pierre. La profondeur moyenne n’est que de 0m,50 à 0m,70, mais il y a aussi des fonds de 1m,50 et d’autre part des bancs de sable sont déjà asséchés. Les berges, élevées de 1m,50, sont surmontées d’une galerie dont la largeur ne dépasse pas 20 à 30 mètres et se réduit souvent à beaucoup moins. Ailleurs, il n’y a pas d’arbres, mais de grandes prairies où l’incendie vient de consumer des herbes hautes de 2 mètres, ou des marais de _Mimosa aspera_, où des empreintes des éléphants sont nombreuses. Dans la galerie nous remarquons la présence des _Elæis_[95] qui, lorsqu’ils sont jeunes, ne se distinguent des _Calamus_[96] que par leurs feuilles plus grandes. Le jour suivant, nous remontons la vallée du Tété, puis celle de son affluent le Boro. Elles s’entaillent dans des plateaux dont la tranche montre, à la base, des quartzites, plus haut, des grès horizontaux que surmonte souvent un placage de roche ferrugineuse. Nous cheminons au milieu d’interminables forêts de bambous ; ils sont si drus que d’une même souche on voit naître jusqu’à 50 rejetons. Près du confluent du Boro, une clairière et de belles cultures nous signalent le village de Ndofouti, composé de huttes carrées à double étage, à toit de chaume arrondi. Il est entouré de magnifiques champs d’_Hyptis_, de mil, de sorgho, d’éleusine, de tabac, de plante à sel, de ricin, de patates. Nous restons dans cette région jusqu’au 2 janvier 1903. La galerie du Boro nous réservait en effet la surprise de la découverte d’une espèce nouvelle de café, le _Coffea excelsa_. A noter la fraîcheur des nuits et des matinées en cette saison : l’avant-midi nous sommes obligés, pour travailler, de nous installer auprès du feu. Le manque de vivres nous oblige à précipiter notre retour : nos porteurs ne mangent que des tubercules, et des petits mammifères qu’ils déterrent surtout dans les anciennes termitières. Notre désir d’aller au Kaga Batolo est d’ailleurs déjoué par l’obstination des gens de Senoussi : le sultan ne leur ayant pas donné l’ordre de nous y conduire, les plus beaux cadeaux ne peuvent les décider à nous y mener[97]. Le retour se fait par la brousse où çà et là de véritables prairies de _lianes des herbes_ couvrent le sol de leurs jeunes pousses au feuillage vert clair. Les incendies ont partout anéanti la végétation herbacée, tandis que les arbustes se couvrent de feuilles et de fleurs. Des racines séculaires qui s’enchevêtrent dans le sol émettent des pousses qui ont des feuilles, des fleurs et fructifient dans l’espace de quelques semaines ; l’année suivante, elles seront la proie des flammes et de nouveaux rejetons apparaîtront pour subir le même sort. Voilà pourquoi le bush reste toujours une savane claire. Le 3 janvier nous campons à Ndé, peuplé de captifs bandas. De ce village à Ndellé, soit pendant 3 heures et demie de marche, le sentier traverse presque constamment des champs de mil déjà récoltés. Une heure avant notre arrivée, nous passons à peu de distance de la source de l’Ouhi bordé de quelques arbres. En certains endroits, l’_Ipomœa involucrata_ en corolles d’un rose vif forme des corbeilles du plus ravissant effet. Nous rentrons à Ndellé par les sources du ruisseau qui a donné son nom à la ville, passant dans d’étroits couloirs creusés entre des blocs de grès ruiniformes pour arriver dans l’hémicycle de rochers où Senoussi a fondé sa capitale. [Illustration : FIG. 34. — Caféier géant du pays de Senoussi (_Coffea excelsa_). 1. Rameau fructifère. — 2. Coupe transversale d’un fruit. — 3. Coupe verticale d’un fruit. — 4. Coupe verticale d’un fruit entre les deux graines. — 5. Fruits isolés. — 6. Insertion des rameaux et sections transversales des jeunes tiges. — 7. Groupe de fleurs non épanouies. — 8. Coupe verticale d’une fleur.] J’ai l’agréable surprise d’y rencontrer M. SUPERVILLE que j’avais connu au Sénégal. Administrateur-Adjoint de première classe, il s’est chargé des intérêts de la société _La Kotto_ dont dépend le comptoir installé ici par M. MERCURI, et, accompagné du garde de milice CACHAT, son collaborateur, il vient de chercher la route de Ndellé à la factorerie de Kassa, au confluent de la Kotto et de l’Oubangui[98]. Il a remarqué que la végétation caractéristique du Soudan n’apparaît qu’au N. de Bria, sur la Haute-Kotto, avec la brousse claire, régulièrement incendiée, et les bois de bambous. Le grand caféier existe tout le long de la haute et de la moyenne Kotto ; c’est lui qui fournit le café en petits grains de l’Oubangui. Il a noté aussi l’absence de kagas en dômes sur sa route où, par contre, les tables de grès présentent fréquemment un aspect ruiniforme des plus pittoresques. L’érosion y a été intense ; comme en témoignent les marmites de géants et les grandes vallées qui figurent de vrais bras de mer. Les grès horizontaux n’apparaissent que vers les sources de la Kotto où on les voit reposer sur les quartzites qui se poursuivent jusqu’au bord de l’Oubangui. Le soir nous sommes allés remercier le sultan de l’aide qu’il avait prêtée à notre excursion. Je le félicite de la beauté des champs de mil et du soin déployé par ses esclaves dans la région que nous venons de parcourir. Il nous répond qu’un pays où les captifs ne travaillent pas n’est pas un bon pays. Nous entretenant des végétaux que nous avons recueillis, il nous affirme que le café existe ailleurs qu’au Boro. On le trouverait aussi sur les bords d’un affluent de droite du Bahr Tété, le Dakéso[99]. Sur les bords de toutes les rivières du bassin de la Tété, on rencontre le palmier à huile[100] et, près de quelques-unes, le _Raphia_, mais celui-ci abonde surtout au pied du Kaga Bongolo[101]. A l’appui de ces renseignements, Senoussi me fait apporter du café du pays en grains et en poudre extrêmement fine, de l’huile de palme, un fruit de _Raphia_ et un fauteuil fait avec les rachis de ce palmier. Je profite de la bonne volonté du sultan pour lui indiquer l’intérêt qu’il y aurait pour nous à aller visiter les gisements de cuivre d’Hofrat. Il me répond que les montagnes où ils se trouvent, et même les monts de Manga, sont sous la domination du Dar Four et appartiennent aux English : c’est ainsi qu’il désigne ses voisins de l’E. Le 14 janvier 1903, nous partons pour Ara et Mbélé, accompagnés par MM. SUPERVILLE et CACHAT au début de notre voyage. Jusqu’à Mba, où nous campons, le sol est formé de roche ferrugineuse recouvrant les grès horizontaux et, sous ceux-ci, le granite affleure parfois. Nous passons au pied du Kaga Firindi, constitué par un entassement de tables gréseuses[102]. A quelque distance au S. de Mba le plateau, d’une élévation moyenne de 685 mètres, est interrompu par une curieuse falaise qui se poursuit du Bongolo au Maoro, c’est-à-dire du N.-O. au S.-E., sur une longueur de 12 kilomètres. La partie abrupte regarde la vallée du Haut-Bangoran dont les nombreux affluents l’animent de leurs cascades[103]. Haute de 50 à 90 mètres, cette falaise d’un blanc rougeâtre est taillée à pic dans le grès horizontal dont les gigantesques tables surplombent parfois notre sentier. Au-dessus, le plateau étend à l’infini le même paysage de brousse calcinée chaque année ou de bois de bambous presque impénétrables. Les rochers sont couverts d’aloès, de _Cissus_ et d’une grande euphorbe cactiforme à six côtes. Dans les fissures la végétation est assez riche ; les rameaux fleuris des lianes pendent en longues guirlandes, où les racines des _Ficus_, tordues comme des cables, vont chercher quelque crevasse pour s’y cramponner solidement. De gros cynocéphales sautent en aboyant d’une table à l’autre ; des vautours planent sans cesse autour des précipices où sont dissimulés leurs nids ainsi que ceux des hirondelles. C’est dans une anfractuosité de cette falaise qu’une tribu banda, celle des Mbatas, forma un véritable village qui sut résister même aux attaques de Rabah. Senoussi, en 1897 ou 1898, ne put venir à bout de ses habitants que par la faim. Il transporta une partie des prisonniers dans un nouveau village entre Ndellé et Mba. Les cavernes où se prolongea la résistance des Mbatas sont situées en un point de la falaise où celle-ci atteint 85 mètres de haut. A 15 mètres au-dessus de la plaine s’enfonce une première cavité, recouverte en grande partie par une énorme table de grès épaisse de 10 mètres ; au-dessus de celle-ci existe une seconde série d’anfractuosités dont l’entrée est obstruée par des poutres, sauf un étroit passage par où l’on ne peut pénétrer qu’en rampant. Mais c’est surtout la terrasse inférieure qui fut habitée. Les Mbatas avaient construit sur sa partie antérieure plusieurs cases dont les débris sont encore reconnaissables. De plus ils pouvaient se réfugier dans un couloir long de 30 mètres sur une largeur de 1m,50 et une hauteur de 2 mètres, où une obscurité complète leur permettait de se dissimuler facilement ; l’eau y filtre goutte à goutte et vient s’accumuler dans un réservoir qui leur épargnait la peine et le danger de descendre au ruisseau voisin. On trouve sur cette terrasse de nombreux vestiges qui prouvent la durée de l’habitat humain, mais aucun objet préhistorique n’a été rencontré. Les troglodytes se servaient d’instruments en fer, dont on relève les traces sur la roche, d’auges en granite pour écraser le mil, de poteries, de sparterie. Par endroits des monceaux considérables de coques de fruits, de débris de cuisine. Il n’est pas jusqu’aux plantes introduites par les Mbatas qui n’aient persisté, soit au bas de la montagne dont le sol meuble atteste une longue mise en culture, soit sur la terrasse où quelques parcelles de champs devaient leur fournir des aliments en cas de blocus. Parmi ces plantes, j’ai reconnu le Kondjo, igname sauvage, le _Luffa cylindrica_ le ninigago, etc. Aujourd’hui les abris des Mbatas ne sont plus habités que par des chauves-souris, dont la fiente blanchit les anfractuosités de ces rochers. [Illustration : FIG. 35. — La grande falaise et les grottes où les Mbatas s’étaient réfugiés.] Au S.-E., le plateau se poursuit presque sans ondulations, avec une altitude d’environ 720 mètres, et nous franchissons le Bangoran, à 4 ou 5 kilomètres de son origine, selon M. SUPERVILLE[104], ce n’est qu’un ruisseau large de 3 mètres et profond de 0m,30, bordé d’une galerie insignifiante[105]. Nous cheminons ensuite dans une forêt de bambous jusqu’au village ngao d’Ara, où nous campons. _Ara, 16-17 Janvier._ — Des deux côtés du Dirokourou, ruisseau bordé de quelques arbres espacés, on voit éparpillées une cinquantaine de zéribas comprenant chacune une dizaine de cases. La population est d’environ 1000 habitants, soumis par Senoussi vers 1896[106] ; quelques-uns sont armés de fusils. Les cultures de mil sont assez étendues ; les cabris et les volailles assez nombreux. La brousse traversée pour aller conduire MM. SUPERVILLE et CACHAT au Bamingui est une épaisse futaie de bambous, avec çà et là des clairières de bush où existent les _Landolphia owariensis_ et _L. Heudelotii_[107]. Des termitières, hautes parfois de 5 à 6 mètres, élèvent leurs clochetons couleur de rouille au milieu des arbres sur lesquels elles s’appuient quelquefois. J’ai remarqué de jeunes tamariniers dont les troncs étaient ainsi englobés jusqu’aux branches. Les termites vivraient-ils en association avec les tamariniers ? Cela expliquerait pourquoi presque tous les tamariniers adultes du Dar Banda sont environnés à leur base d’un monticule de terre arrondi, haut parfois de 4 à 5 mètres, et qui paraît être une termitière abandonnée. — Le Bamingui mesure 8 mètres de large et 0m,50 de profondeur au point où le franchit la route d’Ara à Diouma[108] ; tout près de là, il franchit un seuil où, réduit à n’avoir que 2 mètres en certains endroits, il descend de 6 mètres en 50 mètres. Il est entouré d’une imposante galerie large de 100 mètres, où je reconnais de nombreux _Calamus_ épineux, le _Coffea obscura_ et la _Landolphia florida_ en fleurs. Nous quittons MM. SUPERVILLE et CACHAT qui retournent à Mouka par Diouma et nous revenons à Ara. Le lendemain (18 janvier), nous nous mettons en route vers Mbélé. Le chemin est très suivi ; de nombreuses sentes le coupent ou y aboutissent. Les plateaux de grès horizontal, recouvert le plus souvent de roche ferrugineuse, s’élèvent lentement vers l’E., de 703 mètres à Ara jusqu’à 827 mètres aux collines qui dominent Mbélé (50 kilomètres). Nous cheminons toujours au milieu de la brousse incendiée[109] et des grandes termitières de terre rouge ; dans les bouquets d’arbres, les bambous, les _Vouapa_, les _Daniella_, les _Lophira_, les _Butyrospermum_, les _Parkia_, les _Terminalia_, les _Combretum_ sont les essences les plus fréquentes. Nous traversons différents ruisseaux, le Ngriki[110], affluent du Bangoran, le Manifo, affluent du Boro, où COURTET retrouve le _Coffea excelsa_, le Zakara, affluent de la Gounda. La Koumbara qui est également un affluent de la Gounda, est une belle rivière large de 3 mètres et profonde de 0m,30, au courant assez rapide[111]. Elle coule entre des blocs de grès horizontal et présente çà et là de petites cascades. Sa galerie, large de 100 mètres, ne renferme ni _Elæis_, ni _Raphia_, ni caféiers, du moins en cet endroit. [Illustration : FIG. 36. — _Landolphia owariensis_ (liane à caoutchouc) dans le bush.] Plus à l’E., nous coupons le ravin du Vourou près de son origine, qui est à quelques centaines de mètres à notre droite. Il présente encore en cette saison quelques flaques d’eau sans écoulement et il est environné d’_Eugenia guineensis_ ; la galerie doit commencer un peu plus bas. A une heure et demie du Vourou, nous arrivons à l’emplacement de la ville kreich de Mbélé[112]. Dominée par des mamelons de grès horizontaux recouverts de roche ferrugineuse, elle est située dans une dépression assez profonde[113] au confluent de deux ruisseaux, la Gounda et la Mi. Si l’on remonte la vallée de la Gounda on trouve, à 4 kilomètres de la ville, une large dépression peu inclinée qui rassemble les eaux de pluie. Puis, brusquement, un ravin large de 2 mètres et profond de 3 s’encaisse dans la roche ferrugineuse ; un peu plus bas il s’élargit et les versants deviennent moins abrupts. C’est ici qu’en saison sèche apparaissent quelques flaques d’eau ainsi que les premiers arbustes, les _Eugenia guineensis_, dont le port rappelle celui du Bouleau blanc, marquent toujours, dans ces vallées, le début de la galerie ; 300 ou 400 mètres plus bas, un filet d’eau large de 0m,50 commence à couler entre des blocs de grès ; la galerie s’élargit jusqu’à 150 mètres à Mbélé et les grands arbres, hauts parfois de 50 mètres, deviennent de plus en plus serrés[114]. Nous y observons le ngriki dont le fruit, semblable à un gland, est recherché par les indigènes, un arbre immense (peut-être une Sterculiacée) où les premières branches naissent à 30 mètres au- dessus du sol, l’_Eriodendron anfractuosum_ que nous n’avions plus vu depuis la Nana[115]. Plus loin des rives le bambou d’Abyssinie pousse en quantité et les chaumes de grands _Andropogon_ desséchés s’élèvent à 2 et 3 mètres. La galerie du Mi est beaucoup moins importante : 50 mètres à peine et sa dépression ne remonte pas à plus de 1500 mètres. Au confluent de ces deux ruisseaux les ruines disparaissent à demi dans les bambous ; le sol est couvert de pas d’éléphants et de buffles. Le tata du sultan Mbélé, qui était situé dans le quartier Nord[116], est presque recouvert par la brousse ; les murs épais de 0m,40 s’élèvent à peiné à 0m,50 au-dessus du sol, là où la trace n’en a pas totalement disparu. On peut relever encore l’emplacement de 200 ou 300 cases dont les murs n’ont plus que 0m,30 à 0m,60 de haut et les vestiges des buttes où l’on plantait le mil et les patates[117]. L’ensemble de ces habitations pouvait s’étendre sur une centaine d’hectares, c’est-à-dire sur une superficie comparable à celle de Ndellé : la population pouvait donc être de 10,000 âmes. Ce peuple, dont la nature africaine aura bientôt fait disparaître les dernières traces, était kreich, ainsi que son chef Mbélé. Il s’était formé ici un centre commercial assez important sur la route des sultanats de l’Oubangui à l’état ouadaïen du Dar Sila, où les marchands arabes venaient acheter des captifs et envoyaient des armes. Les guerres de Mbélé contre l’autre grand chef kreich Balda fournissaient de nombreux esclaves au marché. Mbélé ne put résister aux attaques de Senoussi[118] dont l’état, constitué selon les mêmes principes et dans le même but, était mieux armé. En 1896, Mbélé fut obligé de fuir ainsi que toute la population ; il aurait fondé un petit sultanat au S.-E., maintenant son indépendance à l’égard de Balda. Mbélé se trouve presque à la limite des bassins du Chari, de l’Oubangui et du Nil. A 5 kilomètres au S.-E. des sources de la Gounda, sous-affluent du Chari, nous arrivons au milieu des bambous, à l’origine de la Bata qui va à l’Oubangui par le Bou, le Boungou et la Kotto. Une grande clairière à sol argileux et couverte de plantes aquatiques actuellement[119] à demi desséchées, avec encore çà et là des flaques d’eau jaunâtre ; ce doit être un marais inabordable à l’hivernage. En cette saison on y trouve en quantité les pistes de grands mammifères ; les éléphants piétinent chaque jour si bien le marais que nos chevaux ont grand peine à se tirer de ces fondrières ; les indigènes creusent des fosses près de cette dépression pour capturer les buffles qui vont s’y vautrer. Le marais se rétrécit ensuite en un ravin bordé d’arbres et il se constitue un ruisseau où l’eau coule encore en cette saison. Nous avons parcouru la brousse voisine, rencontrant quelques _Borassus_, jusqu’à 4 kilomètres des sources. En ce point le ravin s’encaisse de 8 mètres dans l’argile jaune ; le ruisseau a 3 mètres de largeur et 0m15 de profondeur, on y remarque de petits poissons. Une très belle galerie[120], large de 80 mètres, renferme des arbres superbes dont les troncs, çà et là renversés, viennent parfois barrer le ruisseau. Après cette étude, nous revenons à Mbélé pour nous diriger ensuite au N., vers la Bakaka. Toujours l’interminable plateau de grès et de roche ferrugineuse, où les éléphants déterrent les rhizomes des bambous, et où l’on relève de nombreuses traces d’antilopes et même de girafes. Nous franchissons divers affluents de la Gounda, le Dirikaia et la Ngawala, qui présentent à peu près les mêmes caractères : au bas de berges, hautes de 10 à 12 mètres, si abruptes que les porteurs ont peine à passer, coule un ruisseau large de 2 à 3 mètres actuellement et profond de 0m,15 à 0m,20. Le lit est encombré de troncs d’arbres morts dans la galerie épaisse[121]. De là à la Bakaka nous traversons un plateau ferrugineux, à peine en saillie sur le reste du pays (altitude : 797 mètres) : voilà ce qui constitue le « faîte » entre les bassins du Chari et du Nil, car, d’après Senoussi, la Bakaka va au Dar Four rejoindre l’Ouadi Kabassa. C’est ici un ruisseau large de 4 mètres, profond de 0m,30, à fond sablonneux, à courant assez fort[122], entouré d’une galerie, large de 100 mètres, où dominent les _Rotang_[123]. A travers les roseaux et les fourrés inextricables de _Calamus_, les éléphants se sont frayé mille sentiers qui se croisent en labyrinthe ; ils ont complètement usé et poli l’écorce des arbres à force de s’y gratter le dos. [Illustration : FIG. 37. — Tronc d’arbre à Mbélé, enveloppé par les racines adventives d’un Ficus.] Le plateau s’incline doucement au N.-O. de la Bakaka vers le confluent de la Gounda et de la Dornatt, dont nous descendons la vallée au milieu des bois de bambous et de _Raphia_ que traversent à l’hivernage des ruisseaux actuellement taris[124]. Le 24 janvier, nous arrivons dans une région de rochers dominant la plaine de 8 à 10 mètres. Ils s’éparpillent au milieu de la splendeur printanière de la brousse, où la plupart des arbres sont actuellement parés de leurs nouvelles feuilles, où les _Butyrospermum_, les _Lophira_, les _Eugenia_ chargés de fleurs blanches et parfumées font ressembler le bush soudanais aux vergers normands d’avril et de mai. D’une infinie diversité les rochers gréseux se présentent tantôt en grandes tables régulières portées par des piliers rétrécis, tantôt en fines aiguilles, en créneaux, en falaises trouées de grottes profondes. Monuments celtiques, débris de camps romains, ruines de châteaux du moyen âge ; l’imagination la plus fertile ne peut épuiser le nombre des compositions que suggère ce paysage. La pierre près de laquelle nous campons est un immense monolithe à moitié renversé, d’environ 20 mètres de haut. Sa cîme est couronnée d’aloès, et de nombreuses sociétés de mellipones ont élu domicile entre ses fissures où le soir on voit rentrer chargés de pollen les insectes de la taille d’un moucheron. Parmi les rochers qui composent le kaga Toulou, une grande falaise orientée N.E.-S.O. est percée de part en part par une grotte capable d’abriter une peuplade tout entière. L’entrée est étroite, presque à fleur de terre, il faut se baisser pour passer. Une petite cavité arrondie, creusée dans la roche, indique que l’on pouvait placer là un obstacle qui permettait d’obstruer l’entrée. Le seuil franchi on pénètre dans une grande salle circulaire d’une vingtaine de mètres de diamètre. La falaise étant percée de part en part un filet de lumière pénètre du côté opposé à l’entrée. L’homme a laissé dans cette grotte des traces ineffaçables de son passage : les murs sont tout enfumés, le sol est jonché de débris de poteries contemporaines et même de fragments de sparterie en décomposition. Les blocs de pierre qui font saillie sont polis et luisants tant on s’est assis dessus. Certains blocs sont creusés en godets et ont servi, d’après les indigènes, à pilonner du mil et du tabac. En quelques endroits les parois sont creusées à hauteur d’homme d’anfractuosités artificielles qui étaient destinées à recevoir divers objets domestiques. On retrouve des coques de fruits, des fragments de bois grossièrement travaillés, des os, des coquilles du grand hélix de la contrée. Tout indique que l’abandon de ces grottes remonte à quelques années seulement. Les chauves-souris et les Hyrax sont les seuls habitants actuels de ces repaires. Dès qu’on pénètre dans la grotte une odeur nauséeuse et un nuage de fine poussière se soulève et vous irrite la gorge. En plusieurs endroits il faut se baisser et même ramper pour passer des blocs de grès tabulaires éboulés. Enfin on pénètre dans une seconde salle tournée au S., moins large, mais à plafond plus élevé et mieux éclairée par une large baie regardant le S.-E. et précédée d’une large terrasse surélevée de 15 mètres dans le rocher à pic, de ce côté les hommes armés de sagaies pouvaient tenir à l’écart les assaillants privés d’armes à feu. La deuxième chambre se continue latéralement par un couloir obscur long d’une quinzaine de mètres qui va se perdre dans le fond de la roche. En un point de cette salle le plafond est percé d’une cheminée verticale de près de 2 mètres de diamètre qui s’ouvre au sommet même du roc, la roche rougie indique qu’en cette place on entretenait fréquemment un foyer. A l’O. du Kaga Toulou la Dornatt se jette dans une rivière nommée Kourou, qui n’est autre, sans doute, que la continuation de la Gounda et le cours inférieur du Moussoubourta, affluent du Boungoul. Le Kourou[125] mesure ici 8 mètres de large, 0m,30 de profondeur (26 janvier) ; il coule sur un lit de cailloux entre des blocs de grès ; son lit est encombré d’énormes troncs d’arbres renversés entre des escarpements assez faibles : 1 mètre sur la rive droite, 6 mètres sur la rive gauche. La galerie se réduit à 10 ou 30 mètres de largeur au milieu de la brousse à bambous. Quelques heures de marche vers l’O. nous conduisent au Kaga Diffili, amas de blocs de grès horizontal, et à la Tété : nous reprenons alors en sens inverse notre ancien itinéraire pour rentrer à Ndellé (27 janvier). _27 et 28 janvier._ — Le sultan s’est laissé complaisamment interroger sur les régions limitrophes du Dar Four. La rivière Bakaka que nous avons traversée au N. de Mbélé va bien se jeter dans l’Ouadi Kabassa de type désertique. Ce Kabassa ne communique pas avec la rivière de Hofrat qui va vers l’Adda sans jamais se dessécher. Le nom de Bahr-el-Fertit que lui donnent les cartographes est inconnu, et l’Abiod, selon Senoussi, pourrait tout aussi bien le porter. A quelques centaines de mètres, de la rivière, les habitants d’Hofrat fouillent le sol pour en extraire le cuivre. II. — VOYAGE AU BANGORAN Le 7 février nous nous dirigeons à l’E. de Ndellé vers le cours moyen du Bangoran. Après avoir franchi le Djigangou, nous apercevons à notre gauche une série de mamelons granitiques, hauts de 20 mètres, où la roche plutonienne est en contact avec des quartzites[126]. Sur ces grandes savanes le feu a accompli son œuvre de renouvellement ; les arbustes ont repris leur parure de jeunes feuilles et de fleurs. C’est la saison des Combrétacées, des _Terminalia_ surtout. Les buffles et les antilopes de petite taille apparaissent fréquemment. Le Mindjaengoulou, que nous suivons jusqu’à son confluent avec le Bangoran, est large de 6 à 15 mètres. Son lit s’encaisse de 2 à 5 mètres dans la roche ferrugineuse. En cette saison, il est presque complètement asséché ; il ne reste que des flaques parfois profondes d’un mètre, d’une eau jaunâtre, sans communications entre elles. Plusieurs familles bandas se livrent à la pêche des Siluridés et autres poissons réfugiés dans ces mares. Une très étroite galerie comprend surtout des _Vitex cuneata_, des _Afzelia africana_. Les seules lianes sont la _Landolphia florida_ et un jasmin. Le 9 février nous atteignons le confluent du Mindjaengoulou à 60 kilomètres environ de Ndellé. Le Bangoran qui a gardé jusqu’ici une direction S.E.-N.O. dévie assez fortement vers l’O. après avoir franchi, à 1 kilomètre du confluent, un barrage de bancs de sable où germe à cette époque un fin gazon de plantes annuelles. Le bief supérieur, du nom d’Abdeli, constitue ici un grand réservoir qui conservera plusieurs mètres de profondeur quand, dans quelques semaines, le cours inférieur se réduira à une série de flaques recouvertes d’une couche grise de protozoaires. L’Abdeli présente vers l’E. une berge presque abrupte sur 10 à 15 mètres de hauteur ; la roche ferrugineuse, qui forme cette falaise, est creusée d’une infinité de nids, de guêpiers au milieu desquels couvent les petites poules pharaons. Les hippopotames remontent jusqu’ici en hivernage, comme le prouve la présence de vertèbres d’un hippopotame adulte ; j’ai reconnu aussi des carcasses de crocodiles et des squelettes de gros poissons à plaques osseuses. Les buffles, les antilopes, les phacochères viennent comme les carnassiers, leurs ennemis, boire près des bancs de sable. Le 12 février nous étions de retour à Ndellé où venaient d’arriver MM. FOURNEAU, BRUEL et KIEFFER. III. — VOYAGE AU MAMOUN A la fin de janvier, j’avais commencé à interroger les indigènes sur la position de ce lac mystérieux. Senoussi prétendait qu’il était situé à la limite du Dar Four et du Dar Rounga, distant de 15 journées de Ndellé dont 5 jours après le dernier village appartenant au sultan. On comparait son étendue à celle du lac Iro ; ce qui la portait à 200 ou 300 kilomètres carrés. Quelques-uns y faisaient aboutir de nombreuses rivières des pays Kara et Fongoro, situés à l’E. et au N. du lac qu’on disait se déverser dans l’Aouk. A l’E., au S., il y aurait eu également de vastes étangs, quoique de moindres dimensions : l’impression populaire était celle d’un complexe de lacs et de marécages très étendu, sur lequel — fait qui avait frappé l’imagination — les habitations s’élevaient sur pilotis. Les Goullas Homer, les Fongoros, les Karas seraient des pêcheurs analogues aux populations insulaires du Tchad ; mais des fractions de ces tribus ou d’autres voisines, comme les Bingas, les Youlous, m’affirmait-on, ne viennent que temporairement sur ses rives ; le plus souvent elles vivent retirées dans des pays de kagas situés à 4 ou 5 jours du Mamoun, où des citernes naturelles leur permettent de passer la saison sèche. L’entourage de Senoussi les considérait comme assez redoutables par leur possession de nombreux fusils ; le sultan ne nous permit de nous aventurer chez eux qu’accompagnés de 40 bazinguers chargés de veiller sur notre sécurité. Nous dûmes attendre le retour d’une partie de la razzia d’Adem pour commencer notre voyage. Le 7 mars, sous la conduite d’Aïssa, chef que Senoussi avait désigné pour nous accompagner, nous partons enfin vers le N., à travers une plaine presque entièrement cultivée, où les passereaux s’envolent nombreux des champs de mil. Sur notre droite, la falaise gréseuse nous domine d’environ 40 mètres ; 3 ou 4 marigots en descendent, actuellement réduits à des chapelets de mares[127]. Nous croisons une caravane de marchands arabes envoyés chez Senoussi par le sultan du Dar Sila ; assez faible, elle se compose de 15 ânes porteurs d’une douzaine de ballots. Peu après nous arrivons au village de Golo (7 kilomètres environ de Ndellé) qui paraît assez prospère ; le mil abonde près de ses 50 cases, et les habitants en portent sans difficulté sur l’ordre du sultan. Ils comprennent à la fois des Bandas et des Ndoukas, commandés par un chef de chaque fraction. Un gneis à grands cristaux, d’un beau rouge, affleure sous les grès où s’enfoncent des abris enfumés, jadis habités. A l’O. du village se dresse assez brusquement le kaga Yapéré ; une brousse de graminées sèches, avec de petits arbres de 5 à 8 mètres, recouvre les flancs jusqu’à un sommet déprimé où la végétation arborescente devient plus dense et plus belle. En quittant Golo, nous faisons l’ascension de la falaise[128] où commence le plateau de grès horizontaux surmonté de roche ferrugineuse et fort boisé (_Vouapa_, _Daniella_, _Detarium_, _Parkia_, tous en fruits). Dans des dépressions, où nous traversons le lit à sec d’affluents de la Tété, le sol composé d’humus et d’argile présente des fourrés de bambous. Parfois on rencontre les diverses lianes à caoutchouc. Le soir nous descendons au village ndouka de Mansaka dont le chef, un Arabe du nom d’Abdoulaye, étend son autorité sur tous les villages environnants. L’importance de cette localité ne lui vient pas seulement de sa population (300 habitants), mais aussi de sa position, à la limite du Kouti, sur une route très suivie par les caravaniers du Dar Sila. Bien que musulman, Abdoulaye entretient à l’intérieur de sa zériba une place fétiche, encombrée de trophées de chasse et d’un bonnet de sorcier. [Illustration : FIG. 38. — _Encephalartos septentrionalis_. 1. Plante complète. — 2. Une foliole. — 3 Ecaille du cône C. — 4. Graine vue dans le sens vertical. — 5. Coupe verticale d’une graine. — 6. Vue du sommet de la graine. — b. Bulbe. — c. Cône. — fe. Feuilles très jeunes. — fj. Feuille jeune. — f. Feuille adulte. — r. Racine.] La courte étape du 9 mars, de Mansaka à Djalmada, se fait au milieu d’un pays très accidenté[129]. La falaise que nous laissons à l’E., détache sur notre route des collines de quartzites, parfois injectés de roches éruptives et séparés par de profonds vallons actuellement sans eau[130]. La végétation, très épaisse, est très fournie en arbres utiles (_Parkia_ _Butyrospermum_) et fait de ce pays l’un des plus riches que nous ayons traversé dans les états de Senoussi. Près du village de Djalmada de grands champs de mil sont ombragés de beaux arbres comme en Sénégambie : _Parkia_, _Daniella_, _Butyrospermum_, _Ficus_, _Tamarindus_, _Lophira_. Entre les cases nous voyons des poulets, des chiens comestibles, quelques ânes. Au N.-E. du village nous retrouvons (10 mars) le même paysage accidenté, formé de quartzites inclinés vers le S. Certaines couches plus tendres ont laissé des vides occupés par des conglomérats ferrugineux remaniés. En certains endroits la roche ferrugineuse affleure, englobant à son contact avec les quartzites, des fragments _non roulés_, de plusieurs décimètres cubes de volume. La végétation du plateau est très pauvre et relativement en retard ; un feu de brousse vient de brûler l’herbe sèche et les bourgeons des arbres n’ont pas eu le temps de s’ouvrir. Dans une dépression cultivée, un village a été récemment et complètement consumé ; il ne reste plus une seule case et les habitants logent dans une petite paillette provisoire. Des cendres, fumantes encore, émergent les bancs en terre ornés de moulages grossiers et les grands vases en terre sèche où l’on entasse le grain après la récolte. Au N. s’étend un vaste plateau sans végétation, assez bas[131], très humide en hivernage si l’on en juge par le sol tout fendillé. On y trouve une fontaine, connue sous le nom de Kouboudoukou par les caravaniers. Cette fontaine, comme il en existe dans le N. du pays banda, au Sénégal (les séanes des Peuls) et partout où les cours d’eau permanents font défaut, est une simple cavité cylindrique de 0m,50 à 2 mètres de diamètre, dont on augmente la profondeur suivant les besoins. Ici l’eau affleure à un mètre du sol. Elle sort goutte à goutte d’une argile blanche et s’accumule au fond. Comme elle a pu se décanter la nuit, elle est généralement assez limpide le matin, mais à mesure qu’en puisant la calebasse touche le fond, elle devient terreuse et garde sa couleur blanchâtre même conservée dans des vases ou passée dans un filtre à charbon[132]. Une heure de marche nous conduit de là au Méla, affluent de la Tété. Il possède une galerie de 40 mètres de large, formée par des _Eugenia owariensis_, des _Erythrophleum_, des _Landolphia florida_. Dans cette région je constate diverses modifications de végétation et de flore. La galerie de Koundé sera la dernière vers le N. Plusieurs plantes disparaissent à mesure que nous nous éloignons de l’équateur : le _Piper Clusii_ ne dépasse pas Djalmada, ni le _Raphia_ la galerie de Koundé. Les jours suivants nous amèneront au-delà de l’aire d’extension du _Landolphia owariensis_ et du bambou, puis de la liane des herbes. Par contre nous trouverons pour la première fois plusieurs Capparidées du N. (_Boscia_, _Capparis_, etc.) ainsi que le _Combretum aculeatum_. Ces Capparidées seront de plus en plus communes ainsi que les _Loranthus_, dans les plaines dénudées que nous traverserons près de la Moussoubourta. A 3 kilomètres du Méla le village ndouka de Koundé est bâti sur le bord d’une dépression marécageuse traversée par un ruisseau, et bordée d’une superbe galerie constituée pour la plus grande partie par des _Raphia_ actuellement en fleurs et en fruits. Il s’y mêle des lianes, de grands _Sarcocephalus_, des _Uapaca_ et, sous le couvert épais, des Scitaminées et des Aroïdées. Sur la lisière les nombreuses termitières sont presque toujours surmontées par des Tamariniers. Les grands ruminants (antilopes) abondent dans la contrée. Les cultures du village, ombragées par de beaux _Daniella_, se font remarquer par leur air de prospérité, la fertilité du sol, l’activité des indigènes. Au voisinage d’Akoulousoulba des collines de quartzites bordent la route et nous campons à ce village les 11 et 12 mars. Au N., nous retrouvons encore pendant 9 à 10 kilomètres les blocs de quartzites mêlés aux conglomérats ferrugineux, qui ensuite forment, avec un diluvium blanc, le sol de la plaine qui s’incline doucement vers la Tété. Dans certaines cuvettes, peu ou point boisées, bordées de termitières, on remarque la trace de la persistance des eaux après l’hivernage, mais nulle part il n’y a jusqu’au fleuve de véritable point d’eau à cette époque de l’année. L’aspect général est celui d’une grande plaine médiocrement boisée, sans bambous ni lianes à caoutchouc, au travers de laquelle serpente le sentier des caravanes du Dar Sila. A environ 6 kilomètres d’Akoulousoulba, un puits asséché marque l’emplacement de l’ancienne ville rounga d’Ankomé qui fut détruite par des sofas venus de chez Ziber que j’assimile aux troupes de Rabah. Un monceau de scories, à 4 kilomètres au N.-E., atteste que les Roungas connaissaient la métallurgie, ou bien que Rabah la faisait pratiquer en cours de route pour augmenter le nombre des armes de ses bazinguers. La Tété, qui coule ici vers le N.-O. est très réduite à cette époque (13 mars). Au milieu d’une grève, large de 25 mètres, constituée par du sable blanc et des graviers que recouvre un chétif gazon après le retrait de l’eau, on franchit sans difficulté une nappe large de 12 mètres, profonde au plus de 40 centimètres ; le courant est encore assez rapide. Elle est parfois dominée par des berges de 1m,50 à 3 mètres de hauteur presque à pic, souvent creusées de nids de guêpiers. La Tété décrit des méandres dans une plaine large d’un kilomètre qui est certainement inondée en hivernage par un lacis de canaux bordés de quelques arbustes, notamment de sensitives (_Mimosa polyacantha_). Sans autre végétation qu’une herbe desséchée ou brûlée, cette plaine est accidentée de grosses termitières où l’on trouve les seuls arbres voisins de cette rivière : des Tamariniers, des _Landolphia_ géants au tronc bizarrement retombé. Çà et là, pourtant, des buissons d’arbustes épineux, des _Ficus_, des grosses touffes de Bourgou à demi submergées tiennent la place des belles galeries à _Elæis_ que nous avons laissées au S. Les antilopes, les hyènes abondent dans la plaine, comme les aigles et les pélicans près de la rivière. [Illustration : FIG. 39 — Termitières dans les grandes plaines du pays de Senoussi.] Sur la rive droite de la Tété, nous traversons l’emplacement de Dandail (Dandaia) dont l’existence ne se révèle que par la végétation spéciale aux lieux jadis habités. Des touffes d’arbustes (_Bauhinia_, _Zyzyphus Baclei_, _Acridocarpus_, _Detarium_) forment un fouillis presque impénétrable au-dessous duquel croissent de nombreuses touffes compactes d’_Icacina senegalensis_. On voit encore çà et là les troncs à demi calcinés des arbres atteints par le feu qu’allumaient les indigènes pour consumer les mauvaises herbes. La situation de certaines cases est indiquée par des touffes de cotonniers hautes de plusieurs mètres. Autour du village, les cultures pouvaient s’étendre sur environ 100 hectares. A 12 ou 15 kilomètres de Dandail, sur la rive gauche du Moussoubourta, le village de Ngardiam, lui non plus, n’a laissé d’autres traces qu’une modification particulière de la végétation. Ces points étaient occupés par des Rounga « meskin », non armés, qui s’enfuirent à l’arrivée des Arabes, me dit-on (il s’agit sans doute des troupes de Rabah) et allèrent s’installer à Akoulousoulba. Entre la Tété et le Moussoubourta, le pays est d’une monotonie désespérante : plus de plateaux gréseux dominant la route, mais une plaine basse, parfois argileuse et à sol compact, parfois déjà recouverte de sable mouvant. C’est donc dès le 9° de lat. N. que commence cette zone sablonneuse si étendue dans le N. La végétation s’appauvrit : le bush clairsemé, duquel ont disparu les _Lophira_ et où les _Butyrospermum_ sont rares, alterne avec de grandes plages dénudées, sans autres arbres que quelques pieds de _Nauclea inermis_, inondées à l’hivernage. C’est seulement sur les monticules de terre accumulés par les termites qu’une végétation plus dense se maintient. Renversées, effondrées les unes sur les autres, parfois hautes de 10 mètres et larges de 15, parfois se dressant de distance en distance, ces anciennes termitières apparaissent comme des bouquets verdoyants au milieu des arbres clairsemés et rachitiques de la brousse. Le lit du Moussoubourta, large ici de 10 à 15 mètres, ne contient actuellement qu’un filet d’eau large de 6 mètres et profond de 0m,30. Le fond est très vaseux, couvert de feuilles mortes que surmonte une Hydrocharidée dont les fleurs sont portées par des pédoncules spiralés ; les fleurs mâles, à 3 étamines étalées, s’en détachent et flottent à la surface vers les fleurs femelles qu’elles vont féconder. Çà et là des plages sableuses engazonnées, piétinées par les antilopes, les buffles, les éléphants, les rhinocéros, bordent la rivière dont les berges ont de 1 mètre à 1m,50 de hauteur. Plus loin s’étend, sur 200 à 1000 mètres de chaque côté, une plaine d’inondation déboisée, sans autre végétation qu’une seule espèce d’_Andropogon_ dont les incendies ont à demi calciné les chaumes durs. Nos porteurs mettent le feu aux touffes encore intactes et font fuir de gros Fahr-el-Bouss[133] qu’ils percent de leurs sagaies au sortir des flammes. Le Moussoubourta est très poissonneux. A côté de la route des caravanes on voit un barrage aménagé à l’hivernage précédent par des pêcheurs. Nos hommes prennent divers siluridés qui se trouvent fort bien au milieu de la vase que charrie cette rivière en toute saison[134]. Nous suivons vers le N. la dépression du Moussoubourta qui serpente dans une plaine, large de 3 à 6 kilomètres, et forme déjà un lacis qui me rappelle complètement l’aspect des diverticules du Niger aux environs de Tombouctou. Les _Andropogon_ couvrent encore cette plaine de leurs chaumes ; les souches, espacées de 0m,30, ont résisté à l’incendie, malheureusement pour la rapidité de notre marche. De place en place, des touffes de _Nauclea inermis_, de _Bauhinia reticulata_, de _Combretum glutinosum_ et quelques _Kigelia_ dont les énormes fruits pendent au- dessus du sol. Nous nous arrêtons près d’une de ces dépressions asséchées que forme le Moussoubourta et dont le Bourgou recouvre complètement le fond. Ces très nombreuses cavités, où l’eau s’accumule à la saison des pluies, ne sont qu’à peine dominées par des plaines, tantôt couvertes par le bush, tantôt formant de grandes savanes où s’élèvent çà et là des bouquets d’arbres. Les parties les plus saillantes sont les termitières avec leur végétation verdoyante et, depuis la Tété, nous n’avons même pas rencontré une croupe de 10 mètres de haut. En somme, il doit être très difficile de circuler dans cette région à l’époque des pluies. Actuellement, au contraire, la marche est très aisée et le pays presque totalement asséché. Aussi les indigènes y viennent en grand nombre chasser et pêcher, de Ndellé, du Dar Rounga, peut-être du Dar Sila ; et même quelques Arabes amènent leurs troupeaux au risque de les faire piquer par la tsé tsé. A notre passage (16 mars) le Boungoul a l’importance du Gribingui à Fort-Crampel. Entre des bancs de sable où s’ébattent des centaines d’oiseaux, coule une nappe d’eau de 0m,40 à 0m,50 de profondeur ; la largeur de ce lit mineur n’est que de 30 à 35 mètres. Mais sur sa rive gauche, au-delà d’une berge en pente douce surélevée de 2m,50, s’étend une plaine nue, large de 300 à 500 mètres, creusée de dépressions où séjourne l’eau des crues de l’été. Sur la rive droite, la falaise haute de 4 mètres, est entaillée dans une argile blanchâtre sans galets ni coquilles. La végétation de ses rives se borne à des roseaux, Bourgous et Calamagnostis, actuellement à demi desséchés ; mais pas un arbre, pas un arbuste : l’_Eugenia_, pourtant, si commun, fait ici défaut. Cette absence de végétation arborescente semble particulière au Boungoul : un léger rideau d’arbres borde presque partout son affluent, le Diahap, auprès duquel nous campons et que nous remontons le 17 mars. C’est un large marigot actuellement sans courant, parfois complètement à sec, plus souvent large d’une trentaine de mètres entre des berges argileuses élevées rarement de plus d’un mètre, sur certains points très profond et hébergeant encore à cette époque des hippopotames et des caïmans[135]. Au-delà de la ligne d’arbres nous retrouvons comme près de Boungoul une plaine nue large de 100 à 200 mètres. Décidément, dans cette zone, les espaces sans arbres, couverts de Bourgou et d’_Andropogon_, caractérisent l’abord de toutes les rivières importantes. La marche y serait facile sans les terribles tsé tsé, extrêmement abondantes : il faut constamment émoucher les chevaux, même en plein midi, pendant la marche et, quand ils sont attachés, brûler des feuilles vertes auprès d’eux. La morsure de ces mouches, appelées aussi « Boguené », produit sur l’homme une sensation comparable à celle du taon ou des moustiques ; après une irritation assez douloureuse, la partie atteinte se congestionne ; il est vrai qu’une heure après la piqûre, toute trace a disparu. Bien qu’on les rencontre encore à 300 mètres de la berge, elles foisonnent surtout auprès de la rivière ou des mares en voie d’assèchement et à l’ombre des arbustes. Là où les Boguené fourmillent, il n’y a pas actuellement de moustiques : ces deux insectes s’excluraient-ils[136] ? [Illustration : FIG. 40. — Le Boungoul aux basses eaux.] La vie est abondante auprès du Diahap comme sur les bords du Boungoul. La plaine basse est sillonnée de sentiers de fauves et d’antilopes, sentiers très battus. Les traces d’éléphants ne se comptent plus. Les aigrettes, les pélicans et les hérons, les sarcelles et les vanneaux, ainsi que de nombreux oiseaux carnassiers, tourbillonnent au-dessus de la rivière où les poissons sont extrêmement nombreux. Dans les flaques croupissantes, les Bandas capturent d’énormes poissons de 0m,70 de long, à écailles osseuses, d’une chair très ferme et sans aucun goût de marais. Les pêcheurs entrent dans les mares, effraient le poisson et le percent de leurs sagaies quand il apparaît à la surface de cette eau presque noire. D’autres, des Roungas, enfoncent çà et là, verticalement, une sorte de nasse ; comme il est impossible d’apercevoir le fond, on ne connaît la présence d’un poisson que par l’agitation qu’il imprime à ce treillis de roseaux et on le prend en passant la main à travers les barreaux. Le 18 mars, nous quittons le Diahap pour traverser le bush par des pistes de fauves. Nous y trouvons un grand étang d’une trentaine d’hectares, le Ni, très vaseux, et bordé d’un liseré de boue noirâtre, fendillée, qui rend la nappe libre inabordable. Nous le contournons en suivant la plaine d’inondation, couverte seulement d’une végétation herbacée, puis, après des champs de mil récoltés depuis quelques mois, nous arrivons à un village goulla dont les habitants sont absents. Ce sont simplement des cases de culture qu’on évacue dès la moisson finie, mais que l’on entretient pourtant d’une année à l’autre ; on conserve des gerbes de paille pour reconstruire, en cas d’incendie, ces abris assez sommaires. A 4 ou 5 kilomètres vers le N.-E. se trouve un autre groupe d’une cinquantaine de cases, Gosso, qui est aussi sous l’autorité d’Adem, sultan de Kouga. Ici, il s’agit bien d’un village permanent, car on trouve autour tout ce qui est d’un usage journalier chez les noirs : ricin, cotonnier, pastèques, sans parler des cultures vivrières, ici assez étendues. Toute cette région entre le Diahap et le Bahap n’est qu’une vaste dépression marécageuse dont les principales rigoles d’écoulement sont reliées entre elles par des cheneaux transversaux, aux multiples anastomoses. Après l’hivernage, ils s’assèchent ou ne conservent de l’eau que dans des mares dont le lit en mars est rempli de plantes aquatiques en fleurs. Près de Gosso, le fond de l’un d’eux, le Gata, complètement découvert, porte des arbres dont les troncs sont munis à la base de racines adventives et dont les souches sont en partie déracinées, indice d’un courant violent ; l’on a parfois l’illusion d’une galerie, mais toujours peu épaisse et discontinue[137]. Quant au principal marigot de ce réseau, le Bahap, qui porte aussi, à partir du Mamoun, les noms de Koumara en goulla et de Kamarè en arabe, son lit principal a de 30 à 35 mètres de large ; ses dimensions sont donc analogues à celles du Boungoul, et si son débit est moins fort à cette époque, les Arabes le disent plus important. A l’hivernage, il semble inonder une grande partie des prairies de graminées qui le bordent et que traversent parfois des bras morts du fleuve. [Illustration : FIG. 41. — Un étang de la plaine du Mamoun. — Incendie d’herbes.] Le bush que sillonnent ces diverticules est d’aspects assez divers, tantôt reposant sur un terrain sec et sablonneux avec quelques Acacias çà et là comme près de Gosso[138] ; tantôt c’est le « parc » avec la végétation vigoureuse de ses termitières. Mais ce qui domine, c’est le type de la prairie sans arbres ni arbustes[139]. Elle se compose de Graminées, hautes de 1 mètre à 1m,50, à feuilles fines et non coupantes et bien différentes des pailles raides des roselières du Boungoul. Desséchées par le soleil, elles repoussent à l’hivernage d’une souche vivace. Aussi les antilopes recherchent-elles ces pâturages d’autant qu’ils se trouvent toujours au voisinage de l’eau. La prairie ou _Koubou_ est en effet marécageuse à l’hivernage, si bien qu’à la saison sèche le sol noir se fendille parfois là où les mares ont stagné le plus longtemps[140]. Cependant sachant que le Mamoun n’était plus qu’à quelques kilomètres, nous prions Aïssa de préparer notre expédition vers ce lac mystérieux dont on m’avait dit et l’étendue et la singularité des riverains. A notre grande surprise, ces préparatifs furent très simples ; quelques provisions seulement ; et Aïssa, le 19 mars, nous présenta comme guide le chef des Goulla, cette population lacustre dont tout Ndellé semblait craindre l’humeur belliqueuse. Or Semina et les deux autres goullas qui devaient nous accompagner ne présentaient rien de spécial, ni dans leur aspect, sauf la gracilité des jambes[141], ni dans leur habillement, qui se composait, pour le chef, d’une blouse blanche en coton grossièrement tissé, comme celles des bazinguers de Senoussi, et pour les porteurs, d’une bande de coton passée entre les cuisses. Sans Aïssa, j’aurais pris ces Goullas pour des Roungas, parmi lesquels d’ailleurs ils vivent ici. Ce fut sous leur conduite que nous joignîmes le Bahap. Très variable de dimensions, son lit n’avait au début de notre marche que 30 mètres de largeur et l’eau n’en occupait que 7 mètres avec à peine 0m,30 de profondeur ; plus loin il s’étale sur 50 à 60 mètres entre des berges argileuses hautes de 4 mètres. L’eau coule là à pleins bords et semble profonde : sur le sable on observe des traces fraîches d’hippopotames et le sillon laissé par la queue des crocodiles. Plus bas encore, le Bahap s’élargit encore davantage, jusqu’à 120 mètres, dont 20 seulement sont occupés par l’eau. Puis le fleuve reprend ses dimensions normales et nos guides nous annoncent l’arrivée au terme de notre exploration, le Mamoun. [Illustration : FIG. 42. — Groupe de Goullas Homer.] Sur la rive droite du Bahap, qui prend en aval le nom de Koumara, et séparée de la rivière par une sorte de digue large de 20 mètres que barrent deux déversoirs peu profonds, s’étend vers le N. une mare en arc de cercle, large de 40 à 50 mètres et assez profonde pour que le fond reste invisible : c’est le Mamoun. Une eau légèrement trouble remplit le lit entier entre des berges hautes de 1m,50, peu ou point boisées. A l’E. une grande plaine herbeuse (_Koubou_) s’étend sur 2 à 3 kilomètres ; à l’O., le bush atteint presque le bord du canal. En longeant le Mamoun vers le N. il perd bien vite l’aspect assez imposant du début. A 2 kilomètres du Bahap, ce n’est plus qu’un large marais, au lit incertain, embarrassé de bancs de vase, et de _Papyrus_ ; à 4 kilomètres, il disparaît dans une vaste plaine herbeuse. Aucune trace d’une rivière venant du N.-E., du Dar Fongoro ; simplement des dépressions, des lits asséchés, à travers d’immenses espaces plats couverts de _bourgou_ et d’Andropogonées amphibies où nous rencontrons, par troupeaux de 5 ou 6, de nombreuses antilopes peu craintives : si les Goullas réservent le nom de Mamoun au canal voisin du Bahap, les Arabes l’étendent à toute cette région basse, qui doit être totalement inondée, sauf de rares îlots, au moment de l’hivernage : ainsi s’explique l’erreur de Senoussi et de son entourage. En somme notre désillusion n’est point trop dure : nous n’avons pas découvert, comme on nous l’avait fait espérer, un lac semblable au lac Iro, mais nous avons reconnu un complexe de marigots et d’étangs, intéressant par son absolue similitude avec ceux du Niger moyen, entre Mopti et le lac Débo. Malheureusement, ce pays, le Dar Goulla, est loin d’égaler en richesse le Macina. Sans doute le riz viendrait à merveille sur ces terres périodiquement inondées, mais il n’est même pas connu. Les cultures se bornent au mil, aux haricots, à divers légumes, au coton avec lequel les habitants tissent eux-mêmes la bande d’étoffe qui les ceint. Point de troupeaux, en raison de la présence de la mouche Boguéné, analogue à la tsé tsé[142] ; pas de lianes à caoutchouc. L’ivoire serait le seul produit exportable ; les éléphants semblent fréquents si l’on en juge par les empreintes, mais on sait combien le commerce de l’ivoire est passager et aléatoire. Quant à la puissance d’achat des indigènes, que peut-on proposer à une misérable population de pêcheurs presque nus, dont le seul luxe est l’échange de quelques colliers de grosses perles bleues contre les vivres nécessaires aux caravaniers du Dar Sila ? C’est visiblement un pays en décadence. Autrefois, dit-on, ils habitaient des villages sur pilotis et leurs pirogues sillonnaient les étangs dont le poisson était le principal aliment. Mais cet habitat lacustre ne les a point mis à l’abri des razzias de leurs puissants voisins, les Roungas et les Karas, qui chaque année leur enlèvent des femmes et des enfants pour les emmener en captivité. Avec leurs sagaies, qu’ils forgent eux- mêmes, ils n’ont pu résister à ces pillards armés de fusils. De là l’abandon des villages, l’émiettement en groupes de deux ou trois familles qui se cachent en un coin de la brousse pour tenter quelque culture : toute agglomération serait immédiatement anéantie. Sur le point de disparaître, les Goullas se sont mis sous la protection de Senoussi, mais cette protection, nous le savons trop, ne peut s’appeler que la régularité dans l’oppression la plus écrasante ; d’autre part Ndellé est trop loin pour les défendre des incursions des Dar Four. L’installation d’un poste français sauverait ce qui reste de ces malheureux. Un poste français au Mamoun, outre qu’il protégerait les habitants, permettrait d’entraver très sérieusement la traite des esclaves qui se fait toujours très activement, comme personne ne l’ignore, dans nos possessions de l’Afrique centrale. Les caravaniers ouadaïens qui entretiennent ce commerce passent en effet au Dar Goulla tout près de Gosso, pour se rendre au Dar Kreich et chez les sultans Bangassou, Rafaï-Ethman et Zémio. Le jour où la route sera barrée aux trafiquants arabes qui vivent de ce commerce, par les Anglais sur toutes les routes du Dar Four, par nous depuis le Tchad jusqu’au Mamoun en gardant tout le cours du Koumara, l’exportation des esclaves de l’Afrique centrale vers le Ouadaï et le Sahara oriental sera près de disparaître. L’installation d’un poste se ferait sans aucune résistance, mais on ne pourrait pas au début ravitailler ce poste, sauf toutefois par le Koumara ou le Boungoul qui peuvent être remontés par des baleinières ou des pirogues en hivernage. Le poste pourrait en outre étendre ensuite son influence au Dar Rounga, au Dar Fongoro, à la partie orientale du pays des Karas et au pays des Youlous. Le 21 mars, à 4 heures de l’après-midi, nous avons quitté le village de Gosso pour reprendre le chemin de Ndellé et nous sommes allés camper à l’étang de Ni où Aïssa devait nous quitter pour aller à Agouaré chez Maï-Douka, chercher des bœufs pour le sultan Senoussi. De l’étang de Ni, nos guides nous firent prendre une route différente ; nous longeâmes pendant un certain temps un bras marécageux nommé Kouyane faisant communiquer le Koumara avec le Boungoul et le soir nous arrivions au Boungoul. Pendant ce trajet un de nos Sénégalais fit un superbe coup de fusil en tuant deux énormes antilopes avec la même balle, à la grande joie de nos porteurs qui allaient faire, chose qui leur arrive rarement, un substantiel repas de viande fraîche. Un peu plus loin nous rencontrons un couple de rhinocéros qui, surpris, s’apprêtent à nous charger, ce qui jette la panique parmi nos porteurs. Fort heureusement il n’en fut rien et les porteurs remis de leur émotion viennent reprendre leurs charges qu’ils avaient jetées en toute hâte pour fuir au plus vite. Notre campement était à peine installé au bord du Boungoul que nous vîmes arriver une caravane composée d’une dizaine d’Arabes armés de lances, une quinzaine de convoyeurs, 3 ânes, 12 bœufs et 8 moutons. Cette caravane venait de Kouga et était envoyée à Ndellé par le sultan Adem au sultan Senoussi. Le lendemain 23 mars, après la traversée du Moussoubourta un peu en aval du point où nous l’avions traversé en allant, nous suivons un bras marécageux, nommé Boua, faisant communiquer le Moussoubourta avec la Tété. La caravane de la veille qui avait cheminé avec nous resta pour camper auprès du Moussoubourta. Quant à nous, comme nous voulions le soir même atteindre la Tété, nous nous remîmes en marche aussitôt le déjeuner. Auprès du Moussoubourta nous avons rencontré un campement de gens d’Akoulousoulba se livrant à la chasse de l’hippopotame et qui avaient été assez heureux pour tuer un de ces animaux. C’était vraiment fête pour eux et auprès de leurs abris en paille ils faisaient boucaner, en grandes lanières, la viande de cet animal. Après une dure étape, où nous fûmes continuellement assaillis par les mellipones, nous atteignîmes enfin la Tété à la nuit tombante. Le lendemain 24 mars, au lever du jour, nous assistâmes aux ébats d’une bande de singes qui, sans s’effrayer outre mesure de notre présence, jouaient dans les quelques arbres bordant la rive opposée. Nous partons pour Akoulousoulba à 6 h. 25. A 8 kilomètres environ à vol d’oiseau avant d’atteindre ce village, nous rencontrons une grande grotte dont l’ouverture est au ras du sol. Cette grotte ayant environ 8 mètres de profondeur n’était habitée que par des chauves-souris. Le 25 mars, nous campions à Koundé et de là nous gagnons Mansaka par Ndélou, point très connu des caravaniers, et Djalmada. A Djalmada, par suite du manque d’eau, le village était momentanément abandonné. Les cases avaient été découvertes et nous n’y trouvâmes qu’une bande de cynocéphales qui s’empressèrent de prendre la fuite à notre approche. Les habitants du village étaient campés à quelques kilomètres en aval le long du ruisseau. Le soir nous arrivions à Mansaka et le lendemain 27 mars nous étions de retour à Ndellé. IV. — DE NDELLÉ A NGARA ET AU BAMINGUI De Ndellé pour gagner Fort-Archambault nous aurions voulu que Senoussi nous fît conduire par le Djangara et l’Aouk (Boungoul), mais il nous fut impossible d’obtenir cela du sultan et pendant plus de quinze jours tous nos efforts furent vains. La razzia qu’Adem avait été conduire chez les Saras de l’E.[143] rentrait à Ndellé par la route que nous devions prendre et il est évident que Senoussi se souciait fort peu de nous voir rencontrer cette razzia. D’un autre côté le moment du départ était venu, car si nous voulions nous rendre de Fort-Archambault au lac Iro, il fallait que ce voyage se fasse avant la saison des pluies et au plus tard fin juin ou commencement de juillet. Le 2 mai 1903 nous quittions donc définitivement Ndellé. [Illustration : FIG. 43. — Boucanage de la viande d’un hippopotame.] A peu de distance de Ndellé, on entre dans la région montueuse du Kouti et jusqu’à Télé, village situé à l’extrémité O. de cette région, la piste franchit une série interminable de vallons et de collines rocheuses. A part quelques points culminants, ces collines varient entre 570 et 685 mètres d’altitude ; c’est l’extrémité O., à quelques kilomètres de la plaine du Bangoran par laquelle on entre à Télé[144], qui atteint cette dernière altitude. Jusqu’au kaga Batolo escarpement d’une altitude de 680 mètres (la plaine au pied étant à une altitude de 587 mètres, soit 93 mètres de hauteur), qui est situé à 45 kilomètres environ à vol d’oiseau au N.-E. de Ndellé, les ruisseaux rencontrés déversent leurs eaux vers le Bangoran. Quelques-uns atteignent la Mindja Engoulou, affluent du Bangoran, les autres se perdent dans la grande plaine à quelques kilomètres ou quelques centaines de mètres de leurs débouchés dans cette plaine. Du Kaga Batolo aux collines qui dominent le village de Kourou (24 kilomètres environ à vol d’oiseau) on rencontre une certaine quantité de ruisseaux déversant leurs eaux vers le Djangara. Certains de ces ruisseaux nous ont été signalés comme se perdant dans la plaine sans atteindre cette artère ou un affluent de cette artère. On rencontre ensuite des ruisseaux déversant leurs eaux dans la plaine de Bangoran, et se perdant dans cette plaine. Le 7 mai, nous arrivons à Télé et nous restons en cet endroit jusqu’au 11 espérant toujours que le sultan Senoussi se déciderait à nous envoyer des guides pour nous conduire à l’Aouk (Boungoul). Notre attente fut encore vaine et le 12 au matin, nous nous décidions à partir pour gagner le Bangoran et le village de Ngara. Entre Ndellé et Télé, sur tout le parcours la végétation est assez intense, peu de bambous (un seul îlot), souvent de beaux arbres. Les endroits les plus fertiles sont tous cultivés ou l’ont été, et ceux qui sont abandonnés ne l’ont été qu’à la suite de razzias continuelles. Nous avons retrouvé à 55 kilomètres environ à vol d’oiseau de Ndellé les ruines des habitations des Couraboulous que Senoussi a emmenés au village de Kaka auprès de Ndellé. Tout le massif montueux traversé est constitué par des quartzites dans lesquels on relève des traces de roches éruptives. Leur structure varie du compact au grossier, mais les couches compactes dominent. La roche ferrugineuse en forme continue est l’exception, elle n’existe ainsi qu’en de rares endroits du parcours. Les environs de Télé doivent être particulièrement riches en lianes à caoutchouc, car le long du ruisseau, à partir de l’endroit de la plaine où commence la galerie, sur une longueur de 600 pas, nous en avons compté douze toutes exploitées. Le diamètre de ces lianes pour la moitié d’entre elles variait de 8 à 15 centimètres, pour l’autre moitié de 5 à 8 centimètres. Cette abondance ne doit exister que dans certains vallons ou débouchés bordant la plaine, car dans les autres parties du trajet la liane exploitable n’a été rencontrée que par unités isolées et assez espacées. [Illustration : FIG. 44. — _Landolphia owariensis_ (liane à caoutchouc) dans une galerie forestière.] Pendant notre séjour à Télé nous y avons découvert l’Ousonifing ou Pomme de terre de Madagascar (_Coleus rotundifolius_) et nous avons appris que ce tubercule était cultivé par les Ndoukas du Kouti[145]. Le Palmier à huile existe également dans cette région. Le 12 mai, à 8 heures du matin, nous quittions Télé pour gagner le Bangoran. Nous circulons dans une grande plaine à brousse claire, à végétation pauvre, avec quelques rôniers disséminés de loin en loin. Nous comptions trouver de l’eau en route, mais à cette époque de l’année les mares et les rares puits que nous avons rencontrés étaient asséchés et après une très dure étape, coupée de courtes haltes seulement afin de laisser reposer un peu les porteurs, nous atteignîmes enfin le Bangoran à 4 heures de l’après-midi. Le lendemain 13 mai, à midi, nous étions au village de Ngara habité par des indigènes se disant Ndoukas. L’agglomération qui constitue le village de Ngara est une des plus curieuses que nous ayions rencontrée. Elle se compose de quatre enceintes circulaires, la plus grande ayant environ 300 mètres de diamètre et les trois autres de 150 à 200 mètres environ. Ces enceintes organisées défensivement sont entourées par un épais massif, absolument impénétrable, formé avec un arbuste très épineux, l’_Acacia pennata_, dont les rameaux s’entrelacent et forment un lacis inextricable. Un étroit couloir dans le massif conduit aux enceintes. Il est barré par un obstacle formé de grosses pièces de bois dur, plantées en terre et enchevêtrées, ne permettant que le passage d’une seule personne à la fois et en se courbant. Pendant la nuit l’étroite ouverture laissée est encore barricadée par d’autres pièces de bois, de sorte qu’il est impossible de pénétrer par surprise dans l’agglomération. En arrière de ce premier obstacle, à droite se trouve un couloir conduisant à deux enceintes communiquant entre elles par un autre couloir, la première de ces enceintes étant également barrée par un obstacle analogue au précédent, mais sans dispositif pour fermer l’ouverture pendant la nuit. Si on continue à avancer dans le couloir principal on arrive à la plus importante des enceintes également barricadée et communiquant encore par un couloir avec une autre enceinte. [Illustration : FIG. 45. — Tamarinier et Fromager au village de Ngara.] Telle qu’elle a été conçue la défense de Ngara faisait de ce point un endroit imprenable pour des bandes venant opérer des razzias et n’ayant pas toujours le loisir de se livrer à une attaque en règle pouvant durer longtemps. A l’abri de leur massif épineux, les gardant bien, les Ndoukas de Ngara durent vivre de longues années hors des atteintes des Djellabah toujours en quête de nouveaux esclaves, car il y a dans les enceintes des arbres plus que séculaires, dont quelques-uns ont été plantés, ce sont les Fromagers (_Eriodendron anfractuosum_) dont le coton est employé comme amadou, et les autres Tamariniers et _Kigelia_, ou respectés lors du premier établissement, ou plantés aussi, mais on les retrouve à l’état spontané dans les environs. Le dispositif indique deux groupes ayant accès par un passage barricadé commun, et chaque groupe avait ensuite son passage barricadé particulier. L’enceinte la plus vaste contenant 42 cases est seule occupée aujourd’hui par le chef Lomba et sa famille, le reste de la population est momentanément absent. Les autres enceintes paraissent abandonnées depuis longtemps. Cette population n’a pas reçu d’empreinte musulmane, elle est restée fétichiste. Leurs fétiches travaillés avec un certain art consistent surtout en têtes de bœufs ou d’antilopes en bois sculpté plus ou moins. Ils sont placés au pied des arbres légèrement enfoncés dans le sol. Un autre fétiche consiste en une quille moulurée et travaillée, dont le sommet représente, dit le chef Lomba, la tête d’un homme avec organes plus ou moins indiqués. En outre, on remarque souvent auprès de la porte des cases un fétiche qui consiste en une sorte de toiture de case minuscule, portée sur un support central. Les chapiteaux placés au sommet des cases sont confectionnés avec soin et reçoivent une certaine ornementation. On remarque encore des petites têtes d’antilope sculptées, quelquefois ornées, qui s’adaptent à une sorte de toron en corde tressée. Les indigènes se fixent cette sorte de cimier sur la tête pour danser une danse particulière. Les morts sont enterrés dans l’enceinte, les pieds vers l’intérieur, la tête indiquée par trois morceaux de bois équarris, plantés côte à côte, et légèrement inclinés en arrière. Chaque morceau porte de larges bandes transversales peintes en rouge. Sur les tombes les plus récentes on remarque des traces de cuisine consistant dans trois supports en terre recevant une petite marmite également en terre ; les traces de feu sous cette marmite étaient très visibles. Un puits retrouvé abandonné sous les épines fournissait l’eau nécessaire à la population, cette eau est aujourd’hui retirée d’un autre puits situé à l’extérieur des enceintes. De Ngara pour atteindre le Bamingui il faut trois jours de marche en suivant le cours du Bangoran. Sur tout le parcours, c’est toujours la brousse claire avec des bouquets d’arbres rabougris de 6 à 8 mètres de hauteur. Le feu a consumé les herbes jusqu’au ras du sol, noirci l’écorce épaisse des troncs d’arbres et même calciné quelques-uns, mais à leur place surgissent des repousses de 0m,20 à 0m,50 qui parviennent à fleurir entre deux incendies de savanes. La végétation souffre encore de l’extrême abondance d’une variété de chenille qui prend successivement la teinte grisâtre du sol, la nuance jaunâtre des feuilles mortes ou la couleur verte des herbes et des feuilles qu’elle transforme en dentelle. On en voit par milliers au pied des arbres où elles cherchent dans le sol un abri pour leur vie de chrysalide. Un rideau d’arbres accompagne en général le Bangoran. La liane à caoutchouc n’existe pas dans la plaine. [Illustration : FIG. 46. — Manifestations artistiques chez les Ndoukas de Ngara. a. Fétiche en forme de tête d’animal (bœuf ou antilope). — b. Fétiche en forme de quille. — c. Chapiteau orné du sommet d’une case. — d. Petite pirogue de 1m,20 de longueur avec sculptures.] [Illustration : FIG. 47. — Têtes d’animaux sculptées à Ngara servant d’attributs pour une danse.] Le cours du Bangoran est constitué en cette saison (mai 1903) par une série de biefs plus ou moins encaissés et dont la berge, du côté attaqué par le courant, varie entre 5 et 10 mètres de hauteur ; la largeur de ces biefs varie entre 10 et 35 mètres et leur profondeur entre 0m,50 et 1m,20. On y trouve cependant des trous qui, au dire des indigènes, ont plusieurs mètres de profondeur, ce qui est d’ailleurs admissible. Ils ne veulent sonder que les endroits où ils sont sûrs d’être à l’abri des atteintes des crocodiles[146]. Les biefs sont séparés par des seuils sablonneux par lesquels l’eau se déverse de l’un à l’autre bief. A ces seuils le lit a toujours une faible largeur, 8 à 10 mètres, et très peu de profondeur : 0m,20 à 0m,30. Dans les biefs le courant n’a pas de force. Aux seuils il est parfois assez accentué. Les traces qui restent visibles le long des berges, et particulièrement sur les arbres bordant le cours, permettent de dire que la rivière est navigable pour des pirogues et des baleinières à la saison des hautes eaux dans le parcours reconnu et peut-être jusqu’au confluent de la Mindja Engoulou. A son confluent avec le Bamingui, le Bangoran n’a que 10 mètres de largeur et 0m,30 de profondeur avec un courant assez fort. Les rives du Bangoran sont désertes et ne sont fréquentées que par des gens venant momentanément y faire la pêche. A 2 km. 500 environ en aval du confluent se trouve le gué du Bamingui, qui a en cet endroit une profondeur de 0m,60 seulement (mai). [Illustration : Mission scientifique et économique CHARI-LAC TCHAD dirigée par A. Chevalier Itinéraires levés par Mr. Courtet Région de Ndellé] [Note 92 : Dans un petit village aux sources du Vou, nous avons observé deux papayers.] [Note 93 : Nous ne l’avons pas vue en fleurs, mais il semble que ce soit le bambou d’Abyssinie. Dans les galeries du Vou, il était mélangé à la petite espèce de l’Ombella. Le grand bambou s’appelle Ngara en banda, Teïba en kreich, Bar en bambara.] [Note 94 : Trois semaines plus tard, nous avons vu les bambous complètement dépouillés ; par contre, beaucoup d’arbres venaient de se couvrir de feuilles et de fleurs.] [Note 95 : Appelés Darasa en banda et Reïni en kreich.] [Note 96 : Appelé Amforo et Sougbou.] [Note 97 : Une rixe entre nos bazinguers nous apprit le peu de cas que l’on fait des captifs : l’un d’entre eux ayant eu une artère de la cuisse tranchée d’un coup de couteau, les Arabes se moquèrent de sa douleur. On me dit que s’il ne mourait pas, l’Arabe qui l’avait blessé ne serait même pas inquiété.] [Note 98 : Voir SUPERVILLE, _De l’Oubangui à Ndellé par la Kotto_ (_La Géographie_, VIII, 1903, p. 3-22, 1 pl. itinéraire à 1 : 1.000.000).] [Note 99 : Nous avons également rencontré ce caféier à la traversée du ruisseau Manifo en allant de Ara à Mbélé.] [Note 100 : Nommé Yem Téni par les Arabes.] [Note 101 : Nommé Nakol forône par les Arabes.] [Note 102 : Altitude au pied : 695 mètres ; au sommet, 720 mètres.] [Note 103 : Le Bongolo descend par des chutes hautes de 10 mètres jusque dans la plaine. Près des cascades du Maoro, nous avons remarqué des marmites de géant profondes de 2 mètres.] [Note 104 : M. Superville l’a vu près de sa source disparaître quelque temps sous des rochers.] [Note 105 : Parmi ces arbres dominent l’_Uapaca_ et le grand _Sarcocephalus_, avec des épiphytes (fougères, _Piper Clusii_).] [Note 106 : A quelques heures d’Ara vers le S., il y a encore des tributaires de Senoussi, les Sabangas ; j’ai rencontré des bazinguers qui allaient y chercher de l’ivoire.] [Note 107 : Une anonacée qui s’élève jusqu’au sommet des arbres peut être confondue pour son port avec ces lianes.] [Note 108 : Appelé Abiod (fleuve blanc) par les Arabes.] [Note 109 : Au ras du sol on trouve des espèces naines de _Landolphia_ et de _Combretum_.] [Note 110 : Près du Ngriki on voit encore les ruines du village banda de Gono.] [Note 111 : Altitude du thalweg : 718 mètres ; altitude du plateau entre la Koumbara et le Yourou : 790 mètres.] [Note 112 : Fait assez curieux : on ne trouve pas trace de métallurgie dans la ville.] [Note 113 : Altitude de la Gounda : 745 mètres ; l’altitude du plateau varie entre 790 et 827 mètres.] [Note 114 : C’est ainsi que naissent la plupart des ruisseaux dans le plateau banda.] [Note 115 : On m’avait signalé à Ara la présence du Poivre d’Éthiopie sur les bords de la Gounda ; je ne l’ai point rencontré. Par contre le _Piper Clusii_ fructifié abonde. Il y a très peu de lianes à caoutchouc.] [Note 116 : Il formait un carré de 100 mètres de côté.] [Note 117 : Les seules plantes naturalisées qui aient subsisté sont le ricin et le piment.] [Note 118 : Les bazinguers de Senoussi prétendent que la destruction de la ville remonte à quelques années auparavant ; leur maître n’aurait plus trouvé qu’à glaner dans les ruines amoncelées par Rabah.] [Note 119 : 20 janvier.] [Note 120 : Le _Coffea excelsa_ y est très commun.] [Note 121 : Parmi les essences, citons le _Tetrapleura Thonningii_, un _Xanthoxylum_ arborescent à tronc couvert de grosses épines, une Euphorbe cactiforme, dont les rameaux sarmenteux s’élèvent à 7 ou 8 mètres et retombent à 1 mètre du sol, un très grand _Sanseviera_, le _Landolphia owariensis_ ; le _Coffea excelsa_ paraît manquer.] [Note 122 : Altitude : 744 mètres.] [Note 123 : Spécialement l’espèce à tiges très flexibles et sans épines sur la gaine des feuilles.] [Note 124 : Le lit de ces ruisseaux s’encaisse ordinairement dans la roche et les cascadelles sont nombreuses au milieu de galeries assez épaisses.] [Note 125 : Altitude : 560 mètres. Les altitudes relevées dans les Kagas environnants varient de 591 à 634 mètres.] [Note 126 : Le village de Kaka, situé dans le voisinage, est occupé par des Couraboulous ; ce sont des Diris, originaires du Dar Kouti, amenés près de Ndellé par Senoussi.] [Note 127 : Le plus important, le Mansaco, à 500 mètres au S. de Golo, est complètement asséché. Son lit s’encaisse de 5 à 8 mètres dans les rochers (il est ici près de sa source) ; large de 8 à 15 mètres, il est presque entièrement occupé par une belle galerie où je remarque plusieurs touffes de bambou d’Abyssinie. Sur le haut du plateau, on trouve, outre les _Landolphia_ nains, les deux espèces utiles : _L. Owariensis_ et _L. Heudelotii_, le _Clitandra_ ; enfin le _Landolphia amœna_ est commun dans les rochers. On rencontre aussi sur le plateau une plante très curieuse l’_Encephalartos septentrionalis_.] [Note 128 : Altitude de Golo : 633 mètres ; du sommet de la falaise, 719 mètres : altitudes relevées pendant la traversée du plateau (20 kilomètres) : 706, 752, 767, 745, 752, 727 mètres ; Mansaka, 668 mètres ; Djalmada, 645 mètres.] [Note 129 : Au cours de nos marches nous eûmes beaucoup à souffrir d’un ennemi qui semble bien insignifiant ; la mellipone. On a beaucoup exagéré le danger des fauves et des reptiles pour l’explorateur ; on s’est plaint des ennuis que font subir les fourmis, les termites, les insectes xylophages. Tout cela n’est rien à côté de l’irritation énervante causée par la mellipone. C’est un hyménoptère gros comme un très petit moucheron (3 millimètres de long), noir de tête et de corselet ; l’abdomen, très aplati, est brun roussâtre en dessus et blanchâtre en dessous ; le cou et les pattes sont velus, les ailes diaphanes avec des reflets roses et bleuâtres. Vivant en société comme l’abeille, elle gîte dans les crevasses des rochers ou dans les troncs d’arbres secs renversés sur le sol. Le miel, d’un jaune brun, est encore plus sucré et plus fin que celui de l’abeille, on en trouve parfois de très acide, couleur jaune-clair, produit peut-être par une autre espèce. On rencontre des nuées de mellipones dans presque toutes les parties boisées des plateaux qui dominent Ndellé, dans une grande partie du Soudan occidental, sur le Haut-Oubangui au N. des rapides de l’Eléphant : la forêt équatoriale semble ici barrer son extension. Aux environs de Mansaka ces insectes sont si nombreux qu’ils constituent un fléau insupportable. Quand vous êtes à cheval, ils tourbillonnent déjà par centaines autour de votre tête et de vos mains, mais si vous vous arrêtez c’est par milliers qu’ils s’assemblent autour de vous, vous frôlant sans cesse, entrant dans les yeux, dans le nez, les oreilles, dans la bouche si vous parlez, se noyant par dizaines dans votre verre. N’essayez pas d’ailleurs de les écraser : ils dégagent une odeur des plus écœurantes.] [Note 130 : Le Djalmada, affluent du Djangara, est tari ; on creuse des trous dans l’argile blanche et on recueille l’eau qui suinte la nuit.] [Note 131 : Kouboudoukou est à 596 mètres.] [Note 132 : Le filtre au permanganate magnéso-calcique la rend plus limpide, mais elle conserve néanmoins son goût terreux.] [Note 133 : Rat des roseaux (_Aulacode swinderien_).] [Note 134 : L’eau est d’un gris blanchâtre, si trouble qu’on ne peut distinguer le fond à 0m,30. Les parties vaseuses sont parfois couvertes de châtaigne d’eau, de _Nymphæa_ pourprés, de _Potamogeton_, d’_Alisma humilis_, de _Jussieria_ dont les racines se transforment en flotteurs d’un blanc d’ivoire. Mais l’espèce caractéristique de ces mares, en des lits asséchés, c’est le _Panicum Bourgu_ habité par de nombreux « Rats des roseaux », que nos porteurs manquent rarement de pourchasser.] [Note 135 : Une végétation composée d’un très petit nombre d’espèces (Nénuphar, _Potamogeton_, etc.), mais très abondante, remplit parfois le lit entier de la rivière.] [Note 136 : Les Mellipones sont communes, mais dans le bush et non dans les plaines d’inondation. La plupart des arbres qui présentent des creux sont occupés par le nid de ces Hyménoptères, dont nos porteurs recherchent le miel.] [Note 137 : Ces rideaux d’arbres et d’arbustes s’appellent en banda _Goungou_, en ndouka _Koutou_, en bambara _Kotori_.] [Note 138 : Le _Balanites ægyptiaca_ nous apparut pour la première fois en cette station.] [Note 139 : Ces prairies nues sont désignées par les Roungas sous le nom de _Koubou_, de _Rando_ par les Bandas ; enfin des Bambaras emploient le terme de _Kégnaka_ pour un type analogue au Soudan occidental.] [Note 140 : Ce genre de terrain s’appelle _Pata_ en banda, _Bodo_ en ndouka et _Bogondongou_ en bambara.] [Note 141 : On sait que ce trait se retrouve chez les Danakil des marécages du Haut-Nil.] [Note 142 : Les Arabes du Dar-Sila perdraient, au passage de cette zone marécageuse infestée par la Boguené, le tiers du bétail et des chevaux qu’ils conduisent à Ndellé. (D’après le capitaine JULIEN).] [Note 143 : Les gens d’Adem se sont avancés jusqu’au village koulfé de Molo, situé à 75 kilomètres environ à vol d’oiseau au N.-E. de Fort- Archambault, et sur le plateau Sara à moins de 60 kilomètres à vol d’oiseau.] [Note 144 : La plaine au pied des collines est à une altitude de 470 à Télé.] [Note 145 : Télé est un village Ndouka.] [Note 146 : Un des bazinguers de Senoussi qui nous accompagnaient a découvert dans le sable une ponte de crocodile de 48 œufs. Nous avons cassé un de ces œufs et le petit crocodile se mit à marcher. Les bazinguers ont fait cuire les autres œufs sans les casser et les ont mangés.] CHAPITRE VIII GÉNÉRALITÉS SUR LE PAYS DE SENOUSSI I. Aperçu général. — II. Aperçu sur la météorologie de Ndellé. — III. Végétation et agriculture. * * * * * I. — APERÇU GÉNÉRAL La partie orientale du bassin du Chari, où le sultan Senoussi s’est constitué un petit empire placé sous le protectorat français, comprend deux contrées fort distinctes. L’une située au S. et au S.-E. de Ndellé forme un plateau élevé de 650 à 850 mètres au-dessus du niveau de la mer, où naissent les affluents orientaux du Chari, ceux de la Kotto, ainsi que les rivières du S.-O. du Dar Four. Ces rivières, tant qu’elles sont sur le plateau, coulent dans des lits profondément entaillés dans la roche qui est, tantôt le grès horizontal rapporté sans preuves paléontologiques aux formations du Karroo, tantôt le grès ferrugineux improprement désigné sous le nom de latérite par JUNKER et les voyageurs récents. Les galeries qui bordent ces rivières ont encore la splendeur des galeries du bassin de l’Oubangui. Certains arbres s’y élèvent à 40 mètres de hauteur. Les lianes s’y enchevêtrent, les palmiers, les fougères, les grandes aroïdées vivent sous ce couvert imposant. Quelques orchidées épiphytes, associées aux tiges sarmenteuses du _Piper Clusii_, ou des _Culcasia_ enlacent les vieux troncs d’arbres couverts de mousses, de lichens et de champignons. Ces galeries dépassent rarement 100 mètres de largeur et sont souvent beaucoup plus étroites, mais elles existent partout où il y a un cours d’eau coulant sur la roche. L’eau y circule d’une manière permanente, au contraire, les moins importantes de ces rivières s’assèchent au printemps dans la partie de leur cours situé dans la plaine : à 150 kilomètres de sa source, le Bangoran, en février, n’est plus formé que d’une chaîne de mares occupant les dépressions du lit asséché alors qu’à quelques kilomètres de sa source, c’est, à la même époque, une belle rivière au courant assez rapide. Au delà des galeries s’étend, sur tout le plateau, une végétation assez dense quoique subissant annuellement l’action des incendies de brousse. Le bambou d’Abyssinie forme de grandes taches, et ses chaumes, la plupart desséchés, couvrent des centaines d’hectares, à l’exclusion de toute autre végétation. Les _Vouapa_, les _Afzelia_, les _Daniella_ et d’autres légumineuses arborescentes forment parfois des futaies assez étendues, mais leurs troncs sont complètement nus et dépourvus de toute végétation cryptogamique. La brousse claire (le bush de SCHWEINFURTH) avec des arbres nains aux troncs tordus, est l’exception. Cette contrée est de beaucoup la plus riche en productions naturelles. La liane à caoutchouc du Soudan (_Landolphia owariensis_ et _L. Heudelotii_) et surtout les lianes naines (lianes des herbes) donnant du caoutchouc dans leurs racines, y sont fréquentes ; un intéressant caféier sauvage se rencontre dans les galeries, ainsi qu’un poivrier ; le palmier à huile croît sur le haut Tété. C’est aussi sur le plateau que sont établis la plupart des villages, et lorsque les Arabes ou plutôt les Baguirmiens islamisés et les Rabistes sont venus conquérir cette contrée, ils ont eux aussi construit leurs zéribas sur les escarpements du plateau ou dans les déchirures qui sont fréquentes à l’entrée de la plaine. Celle-ci constitue l’autre contrée du Chari oriental. C’est une seconde terrasse de 100 à 150 mètres en contre-bas de la première. Nous avons décrit son aspect à l’O. de Ndellé dans un précédent chapitre. Nous avions traversé cette plaine en venant de Fort-Crampel après le massif des Mbras, en coupant les dépressions du moyen Koukourou, du moyen Bamingui et du Bangoran. Les kagas[147], dispersés entre ces rivières, sont tantôt d’énormes blocs de quartzites que l’érosion a respectés, tantôt des dômes de granit semblables à de gigantesques termitières. Ce sont les seuls accidents de terrain qu’on observe de ce côté. Au N.-N.-E. de Ndellé, la plaine a un autre aspect et la monotonie de la végétation s’accentue davantage encore. Jusqu’à la Tété et à l’Aouk le pays est très faiblement irrigué et le lit des rivières qui le traversent ne contient plus d’eau à la saison sèche. De Ndellé jusqu’aux derniers ruisseaux allant à la Mindja Engoulou (rivière de Ndellé, affluent du Bangoran), le grès horizontal vient mourir au bord de la plaine, formant une falaise presque abrupte diversement déchiquetée, mais ayant une direction générale N.-S. Cette falaise domine la plaine de 50 à 80 mètres. En poursuivant la route vers le N., en même temps qu’on descend, on passe du grès horizontal sur des quartzites inférieurs à stratification très inclinée. On coupe près de leurs sources le Mansaka et le Djalmada complètement asséchés en mars, mais environnés encore de petites galeries. Ces deux ruisseaux sont les hauts affluents du Djangara, rivière du Kouti, tributaire de l’Aouk, actuellement inconnue, mais qui aurait, au dire des Arabes, l’importance du Bangoron. Ensuite on coupe ou on longe de faibles ondulations constituées par les quartzites, très redressés, dont il a été question. En se décomposant ces quartzites ont donné un sol très pierreux, peu boisé, impropre à la culture. Par une pente insensible, on arrive dans cette vaste région d’inondation qui, commençant à la Tété, se poursuit jusqu’à la frontière du Dar Four sur près de 8° en longueur et qui atteint environ 80 kilomètres de largeur ; c’est la basse plaine du Mamoun, dont l’altitude est comprise, à la limite des hautes eaux, entre 470 et 490 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cinq grandes rivières originaires des plateaux du S. : la Tété, le Moussoubourta, le Boungoul, la Mindja ou Diahap, enfin, le Bahap, ont tracé leur lit dans ce pays marécageux, sans pente, et sont réunies entre elles par plusieurs bras communiquant eux-mêmes par des cheneaux au lit incertain, avec des étangs et des canaux à une seule issue. A l’E. du Dar Sara et du Dar Salamat, tous ces bras se réunissent en un seul auquel on peut conserver le nom d’Aouk que lui a donné NACHTIGAL. En réalité Aou, synonyme de Bahr ou de Ba, signifie fleuve en langue rounga. Il y a l’Aou Tété, l’Aou Boungoul, etc. C’est incontestablement le Boungoul qui doit être regardé comme la branche principale de l’Aouk. Où nous l’avons traversé, le cours mesure de 30 à 35 mètres. La berge de la rive droite a 4 mètres et la bande d’inondation a 300 à 500 mètres de large. Si, comme cela est probable, aucun barrage de roches n’interrompt le cours inferieur du Ba Aouk, cette artère, la plus longue du bassin du Chari, pourrait être remontée à l’hivernage par des embarcations assez sérieuses. On pourrait de même remonter la Tété, large de 25 mètres, avec des berges de 1m,50 à 3 mètres de hauteur, où nous l’avons passée, et le Bahap qui mesure à côté du Mamoun 30 à 60 mètres de large avec des berges de 2 à 4 mètres, mais où l’eau ne coule plus au moment des plus basses eaux que sur 6 à 10 mètres de largeur et 0m,20 à 0m,30 de profondeur. La Tété prend sa source à une cinquantaine de kilomètres au S.-E. de Ndellé. Le Moussoubourta reçoit la Gounda qui naît près des ruines de l’ancienne ville kreich de Mbélé. Le Boungoul vient du même plateau, mais plus à l’E. dans la contrée habitée autrefois par des Bongos. Quant au Diahap, il est formé par la Mindja, rivière originaire des Monts Châla, où POTAGOS a découvert ses sources en 1878. Après avoir traversé le pays des Bingas, la Mindja se divise en deux branches, l’une constitue le Bahap et l’autre le Diahap nommé aussi Kuési, vient tomber dans le Boungoul. Le nom de Mamoun est donné à une mare en arc de cercle, située au N. du Bahap, qui mesure aux basses eaux 40 à 50 mètres de large sur 4 kilomètres de long et 0m,50 à 1 mètre de profondeur, avec des fosses plus profondes où se retirent les hippopotames à la saison sèche. Vers le N. ce chenal s’élargit en un marais qui collecte en hivernage les eaux des environs et au S. est séparé du Bahap par une jetée naturelle, large de 20 mètres, coupée de deux fossés par lesquels le trop-plein du Mamoun se déverse dans le Bahap qui, à partir de là, prend le nom de Koumara (en goulla), Kamaré (en arabe). Au N. du Mamoun existent encore d’autres rivières que coupent les caravanes qui se rendent au Dar Sila : l’une est l’Aou Kali, qui va se jeter dans l’Aouk, et l’autre la Mé (probablement le Mérabé de NACHTIGAL) qui irait au Bahr Salamat. Quant à l’ouadi Nzilli, c’est l’affluent le plus septentrional de l’Aouk. Il viendrait des hauteurs du Dar Fongoro, riches en _Borassus_ et situées en plein Dar Four. Par extension les Arabes ont donné le nom Mamoun à toute la région des rivières du delta de l’Aouk. A la saison des pluies cette région devient un immense lac dont le Mamoun, proprement dit, constitue la partie la plus centrale. Chaque rivière et chaque chenal est environné de bordures, larges de quelques centaines de mètres et parfois de plusieurs kilomètres, entièrement dépourvues d’arbres et sur lesquelles doit s’étendre l’inondation à la saison des pluies. L’ensemble constitue alors une immense nappe d’eau remplie de plantes aquatiques d’où émergent des îles plus ou moins boisées et surélevées de quelques mètres à peine. Lorsque la crue est terminée, il ne reste plus que des flaques d’eau dans les dépressions séparées par des prairies de bourgou et d’andropogonées amphibies. Il est difficile de se faire une idée de la richesse de cette contrée en grands mammifères herbivores. Dans le court séjour que nous avons fait au Mamoun, nous avons vu 4 à 5 espèces d’antilopes par grands troupeaux de 10 à 50 individus, un couple de rhinocéros, de nombreux phacochères. Les Fahr el bous (_Aulacodus_) foisonnent dans les prairies de Bourgou et constituent un des gibiers les plus délicats. Nous avons vu en outre des traces fraîches de buffles, de girafes, et les abords des mares sont littéralement piétinés par les éléphants et les hippopotames ; enfin les indigènes nous ont assuré que le lamantin nommé abkour par les Arabes et kerevoa par les Goullas était commun dans le Mamoun et dans les parties les plus profondes du Boungoul. Les oiseaux de rivage qui vivent sur le bord des grands fleuves africains ne sont pas moins nombreux ; les aigrettes, en particulier, sont fréquentes. Dans l’eau on trouve une tortue qui mesure plusieurs décimètres de diamètre, le crocodile vulgaire y est commun, ainsi que diverses espèces de grands poissons siluridés. La végétation se compose des essences habituelles de la zone soudanienne : le karité, le nété, le cailcédrat, le _Diospyros mespoliformis_, les _Terminalia_, les _Combretum_, auxquels s’ajoutent quelques espèces plus septentrionales, comme le _Balanites ægyptiaca_, le _Sclerocarya Birrœa_, le _Combretum aculeatum_, le _Boscia senegalensis_, etc. Chose curieuse, les _Acacia_ et plusieurs autres arbustes épineux des steppes, y sont moins communs que dans les plaines plus méridionales du Bangoran. Le bourgou, la plante saccharifère de Tombouctou, remplit la plupart des fossés et le riz réussirait parfaitement dans tous les terrains s’inondant chaque année. Cependant le pays est pauvre et peu peuplé. En résumé, les contrées situées à l’E. et au S. du Ouadaï n’ont qu’une valeur médiocre. La liane à caoutchouc, principale richesse de l’Afrique centrale que l’Européen puisse exploiter, y fait presque complètement défaut. Enfin les habitants, comme toutes les races faibles du Soudan, ont beaucoup souffert des incursions des musulmans qui, loin de développer une civilisation, n’ont laissé que des traces de leur oppression, en faisant partout de larges vides. II. — APERÇU SUR LA MÉTÉOROLOGIE DE NDELLÉ[148] En décembre, janvier et février, la direction du vent oscille entre le N. et l’E., en se fixant souvent au N.-E. Quand la direction se rapproche de l’E., il devient froid et parfois légèrement humide ; s’il est au N., au contraire, il est brûlant et élève la température. C’est en janvier que ce vent atteint sa plus grande intensité ; il souffle parfois toute la nuit avec une violence qui augmente encore de 7 à 10 heures ; vers midi il cesse généralement pour reprendre un peu vers le soir. Quand il est franchement de N.-E., ce vent transporte beaucoup de sable, mais pas suffisamment pour en accumuler d’une façon sensible dans les dépressions du relief. Il contribue largement à la dissémination des graines à cette époque. Il fait tomber les fruits indéhiscents des arbres (_Detarium_), entr’ouvre les gousses (_Erythrophleum_), transporte les aigrettes (_Vernonia_), charrie les fruits à ailettes (_Combretum_, _Terminalia_). Il arrache aussi les feuilles mortes ; c’est pourquoi beaucoup d’arbres de la brousse perdent leurs feuilles en décembre et janvier (_Terminalia_, _Combretum_, _Parkia_, _Butyrospermum_, _Vitex_, _Anogeissus_). Les rameaux de certaines espèces se détachent même des branches principales (_Detarium_, Bambou). Il a parfois une influence néfaste sur la végétation en grillant les fleurs (_Butyrospermum_, Mimusops des rochers). Il est probable qu’il active l’écoulement de la gomme des Légumineuses arborescentes (_Acacia_, _Parkia_, _Lonchocarpus erinaceus_, _Afzelia_), car en janvier le pied des arbres est parfois entouré d’une masse séreuse de gomme. Le vent soufflant de l’O. précède les tornades du petit hivernage. Le 19 février, au matin, la direction E. du vent s’est brusquement renversée, le vent souffle avec impétuosité de l’O., charriant toujours du sable ; le temps, moins sec qu’auparavant, est très lourd. A midi, il se ralentit, mais le soir, à 8 heures, il redevient violent en venant toujours franchement de l’O. (malgré une légère déviation vers le N.). La nuit a été très lourde, la transpiration abondante. Le thermomètre qui était monté à 37° n’est pas descendu au-dessous de 27°. Le soir, il y avait eu des éclairs vers l’O. et à 2 heures, nous avions entendu les roulements lointains du tonnerre. Le 20, à 8 heures et demie du matin, le ciel est couvert, le vent a cessé, il tombe quelques gouttes de pluie sans tonnerre. Les précipitations de cette saison sont très faibles à Ndellé[149], tandis que les pluies ne sont pas rares alors à Fort-Sibut ni parfois à Fort-Crampel. Dans le Dar Kouti, c’est le début du printemps qui marque l’extrême sécheresse du pays. A partir de février, le Bangoran ne coule plus, la Mindja Engoulou est tarie, il ne reste plus que çà et là des flaques d’eau. Ce n’est plus qu’à leur sortie des massifs de grès horizontaux que les ruisseaux ne sont pas à sec, mais dès qu’ils sont parvenus dans la plaine, tout s’évapore. Il reste seulement dans leur lit des chapelets de mares permanentes. La saison des pluies débute aux premiers jours de mars par une série d’orages, mais non accompagnés de précipitations très abondantes. On observe fréquemment un vent d’O., le ciel est parfois couvert et orageux. La première pluie est tombée à Ndellé le 16 mars ; le 29, à 3 heures, il y eut un orage assez fort, accompagné de tonnerre ; à 4 heures, quelques gouttes d’eau sont tombées ; le 30, le ciel fut très couvert le soir, mais à la nuit les nuages se dissipèrent. Une forte tornade avec tonnerre, éclairs et pluie abondante, qui a duré une demi- heure, eut lieu le 3 avril au soir ; le 4, il y eut un nouvel orage ; puis encore le 8 au soir, avec quelques gouttes d’eau. En somme, la saison des pluies commence franchement au début d’avril pour continuer, dans toute sa force, jusqu’en octobre. Dès avril on se met à cultiver les champs situés autour des habitations. Ceux qui ont du bétail le parquent là quelques jours. On ensemence alors autour des cases du maïs, des patates, des dazos. Les grandes plantations ne se feront qu’un peu plus tard. MATURATIONS. — Du 25 février au 5 mars, _Lophira_ ; du 20 au 30 mars, le _Daniella_, puis le _Vouapa_ ; les premières _Ximenia_ en février ; les premiers Nété au 5 avril ; les _Detarium_, de décembre à avril. En somme, Ndellé a un climat analogue à celui de Fort-Sibut. III. — VÉGÉTATION ET AGRICULTURE Les populations des Etats de Ndellé sont exclusivement agricoles. En effet, c’est uniquement dans la culture et la récolte des produits de la brousse qu’elles peuvent chercher leur subsistance. La chasse ne fournit presque rien ; la pêche est inconnue et d’ailleurs des rivières comme le Bangoran et la Tété sont peu poissonneuses. L’industrie n’existe pour ainsi dire pas. Le prétendu Arabe ne l’a pas introduite dans ces contrées et l’arborigène était incapable d’aucune initiative. La teinturerie est ignorée, le travail des cuirs est rudimentaire, le tissage du coton n’est connu que par des étrangers et des Roungas. Seul le travail du fer (fonte et forge) entièrement aux mains des Bandas, est assez perfectionné. L’étain (mbassa) vient de la Tripolitaine par les caravanes. On n’en trouve pas dans la région et c’est par erreur que le capitaine JULIEN en avait signalé la présence vers la moyenne Kotto. Comme le cuivre (nagas), produit du Dar-Four, il s’emploie pour la fabrication des bracelets et des ornements d’armes. Les productions agricoles du sultanat de Ndellé sont sensiblement les mêmes que celles du Soudan occidental, avec quelques espèces en moins. C’est ainsi que les végétaux tinctoriaux (indigo et henné), n’étant pas employés, ne sont pas cultivés. Il en est de même des textiles, sauf le coton. Les deux principales plantes alimentaires du pays sont : 1o le Sorgho (_Panicum Sorgho_) ou gros mil ; 2o le petit mil (_Penicillaria spicata_). Les autres végétaux de grande culture sont ensuite, par ordre d’importance : le Maïs, le Sésame, l’Eleusine, le Niébé (haricot), la Patate, l’Arachide et le Woandzou (Pois de terre). Il est difficile d’évaluer la quantité de mil cultivée. On peut admettre qu’un kilogramme de cette céréale représente la consommation journalière d’un noir. A la fin de la saison il en est mangé peut-être moins, mais comme aussitôt après la récolte il en a été gaspillé une grande quantité pour la fabrication du pipi, ce chiffre n’est pas exagéré. La population de Ndellé et des environs étant de 15,000 âmes, cela fait 5,475 tonnes que doit produire la région. Avec tout ce qui est perdu sur pied ou mangé par les oiseaux et les rats, un hectare ne rend en moyenne que 1,200 kilogrammes de mil. Pour subvenir à l’alimentation du pays il faut donc 4,562 hectares, soit un peu plus de 45 kilomètres carrés. Cette superficie est bien cultivée en effet autour de Ndellé. Les premières pluies arrivant en avril-mai, c’est à ce moment que se fait l’ensemencement. Au 1er décembre la récolte du mil était déjà terminée presque partout dans le Dar Banda. Autour de certains villages, avant de moissonner, on rabat les tiges des épis mûrs sur le sol, et on les laisse quelque temps en cet état pour que le grain puisse sécher. Les épis couchés sont moins visités par les oiseaux. De plus, on enclot parfois les plantations au moment de la récolte à l’aide de haies vives, de branches, d’arbustes épineux, pour protéger les champs contre les déprédations des grands herbivores africains : éléphants, antilopes. Lorsque les épis sont coupés et les grains détachés, on met ces derniers sécher sur des aires autour des cases, ou même sur des rochers avoisinant le village pour que la dessiccation soit plus rapide. Le grain est ensuite emmagasiné dans de grands vases en terre, ayant parfois 1m,50 de hauteur. Il y est à l’abri des termites et des rats et en cas d’incendie de la case, chose fréquente, il n’est pas brûlé. Aussitôt après la récolte les tiges desséchées du mil et des autres Graminées sont brûlées. Dès les premiers jours de décembre, les feux de champs cultivés s’allument autour de tous les villages et s’étendent malheureusement fort loin dans la brousse, détruisant toute végétation et jusqu’aux lianes à caoutchouc. On voit que les choses se passent comme au Soudan français. Le Maïs (Banya en Banda) est recueilli un mois ou deux avant le mil ; on fait sécher les épis sur de grandes claies dressées dans les cours des zéribas et on les suspend ensuite par paquets à l’intérieur des cases. Il ne se sème que dans les sols riches autour des habitations ou sur le bord des eaux. L’Eleusine (mbissé en banda) se sème à la volée dans les terrains nouvellement défrichés et se récolte en octobre et novembre. Le rendement est faible, mais cette plante donne d’excellent pipi. Le grain se consomme aussi bouilli dans l’eau, sans être écrasé. Le Sésame (nonnou en banda) demande aussi peu de soins ; il se récolte en décembre. La graine est d’un usage général dans la préparation des mets chez les Bandas. La Patate est assez largement cultivée et se récolte toute l’année. On ne possède ici que la variété à tiges couchées, à feuilles cordiformes entières et à tubercules à pelure rose. L’Arachide (Koura en banda) se mange surtout grillée ; on ne sait pas en retirer l’huile. Sa culture tient peu de place. Le Niébé (haricot) est d’excellente qualité, mais beaucoup moins répandu que chez les Ndis ou les Ungourras. Quant au Voandzou (pois de terre, Koura en banda) nous en avons à peine rencontré quelques graines. Ces plantes sont à peu près les seules cultivées en grand et d’une façon rationnelle chez les Bandas. Il convient néanmoins d’ajouter à cette liste quelques autres espèces qu’on trouve couramment autour de chaque village, bien qu’elles soient toujours en quantité fort réduite et qu’elles y viennent pour ainsi dire sans soins. Notons d’abord le Tabac, beaucoup moins abondant que chez les Mbrous, les Ndis et les Mandjias. Senoussi ne fume pas et interdit à son entourage l’usage du tabac. Cependant on voit à Ndellé près de chaque case les deux espèces : _Nicotiana rustica_ et _N. Tabacum_. Les feuilles sont mises à sécher sur les cases et pulvérisées comme notre tabac à priser (ngao). On n’y ajoute pas comme chez les Bambaras des sels provenant de cendres de certains arbres. Au voisinage des habitations il existe toujours quelques pieds de Cotonniers (tendé en banda) dont les fibres sont récoltées en ce moment. Les espèces qu’on rencontre sont le _Gossypium herbaceum_ (devenu ligneux, vivace et s’élevant à 2 mètres de haut), le _G. barbadense_ (rare, alors que c’est l’espèce la plus fréquente vers la Tomi et l’Ombella), enfin, et surtout, le _G. hirsutum_ qui remplace ici l’espèce cultivée au Soudan occidental (_G. punctatum_). Il n’existe nulle part au Chari de champs de cotonniers comme au Niger, bien que le coton y soit au moins aussi beau. Ce sont les hommes qui récoltent le coton et le filent sur des fuseaux. Les tisserands sont très rares dans le pays. Les bandes de tissus indigènes viennent surtout du Baguirmi, on les appelle des Tonkia. Étant donné la facilité avec laquelle croît le coton au Dar Banda, je considérerais cette plante comme un produit d’avenir pour la contrée, si toutefois, eu égard à la distance qui sépare l’Afrique centrale des marchés européens, l’exportation, même avec un chemin de fer, n’en était si coûteuse. Je demeure de plus en plus convaincu que c’est au Soudan nigérien, au Dahomey et dans certaines parties de la Sénégambie que doivent porter tous les efforts du Gouvernement et des colons français pour assurer la production de ce textile[150]. Il convient de mentionner encore un certain nombre de plantes alimentaires qui viennent presque sans soins autour des cases. Ce sont des épices et des condiments, comme le Piment vivace (_Capsicum frutescens_) ; deux espèces de tomates amères et la petite tomate-cerise commune dans tout le Soudan ; les Cucurbitacées alimentaires, comme les nombreuses variétés de Courges, les Pastèques ; enfin le Koukré, sorte de _Cucumis_ à fruit amer et à graines très petites recherchées pour leur huile. Ce _Cucumis_ se rencontre partout en Afrique centrale où il se sème dans le mil. Quand ce dernier est récolté, on laisse les fruits de Koukré pourrir sur place et lorsque la pulpe devient déliquescente on la recueille ; par des lavages on se débarrasse des impuretés pour ne conserver que les graines qui ont à peine 3 millimètres de diamètre. Leur tégument est blanc et le goût de l’amande n’est pas désagréable. Notons également les _Lagenaria_ dont il existe plusieurs variétés grimpant sur les cases. Chez certaines, le péricarpe, desséché et vidé, donne des gourdes, des bouteilles, etc. La variété la plus commune est celle qui donne ces gros fruits sphériques qu’on coupe en deux pour en obtenir les calebasses, ustensile de première nécessité pour les noirs. PLANTES A HUILE ET A GRAISSE. — Ce n’est point pour la préparation des aliments que l’huile est indispensable aux noirs de l’Afrique centrale ; ils s’en passent fréquemment, mais une femme banda ne consentirait jamais à cesser de s’oindre le corps avec de l’huile. Pour faire cette toilette les matières grasses les plus vulgaires lui sont bonnes. Nous avons déjà parlé du Sésame et de l’Arachide cultivés pour d’autres usages. C’est le Ricin qui fournit l’huile de toilette aux femmes Bandas. Aussi on rencontre cette Euphorbiacée dans tous les lieux habités où elle pousse sans soins. C’est la même variété qu’au Sénégal, vivace, très rustique, formant parfois un petit arbre qui s’élève à 5 et 6 mètres de hauteur. Les graines renfermées dans une coque indéhiscente sont très petites, mais les grappes fructifères très fournies. Lorsque le Ricin manque, on fabrique de l’huile avec les graines de différentes plantes de la brousse, le _Butyrospermum_, le _Lophira_, etc. LÉGUMES. — La bouillie du mil, mets principal des Bandas, se mange toujours avec une sorte de soupe dans laquelle divers légumes ont cuit. Ceux qu’on cultive à cet effet (car beaucoup se cueillent dans la brousse ou sont naturalisés autour des cases, comme le Pourpier, la Melothrie) sont les suivants : le Gombo (_Hibiscus esculentus_) ; l’Oseille de Guinée (_H. Sabdariffa_) ; plusieurs espèces de _Corchorus_ ; l’Amarante (_Amarantus caudatus_) ; une autre Amarantacée appelée en banda Demba Yafourou (queue de chien) ; le Basilic (_Ocymum_). On mange aussi les feuilles des Courges, des Patates, etc., en guise d’épinards. Le Manioc, si communément cultivé sur les bords des affluents septentrionaux de l’Oubangui et qu’on rencontre encore en quantité chez les riverains de Gribingui, fait presque entièrement défaut dans les états de Senoussi. Nous n’avons vu à Ndellé que quelques touffes de manioc doux qui étaient fort belles, ce qui prouve que la plante réussirait ; mais dans tous les pays musulmans on préfère la farine de mil à la farine de manioc. On peut en dire autant des Bananiers. Ils viennent parfaitement et il existe dans quelques zéribas une variété du _Musa paradisiaca_ dont les fruits, longs de 0m,20 environ, sont excellents. Toute la vallée où coule le ruisseau de Ndellé pourrait être transformée en une vaste bananeraie alors qu’il n’y pousse actuellement que des herbes de marais. L’Igname dont il existe deux variétés cultivées en pays banda, le Baba yassi (_Dioscorea alata_) et le Baba gossi (_D. Sativa_), grimpe seulement le long de quelques enclos[151]. Quant à l’Igname à tubercules aériens, nous ne l’avons vu qu’en de rares zéribas et toujours en petite quantité. Il appartient à une variété qui donne des tubercules à peau cendrée, beaucoup plus petits que les variétés des Bandas de l’O. Le Dazo (_Coleus dazo_), si répandu du pays Ouadda sur l’Oubangui jusque chez les Ungourras, est aussi cultivé. Nous avons rencontré cultivé chez les Ndoukas du Dar Kouti l’Ousonifing (_Coleus rotundifolius_). L’échalotte et l’ail si estimés des Arabes, et qui viendraient avec la plus grande facilité à Ndellé, ne sont connus que par quelques bulbes apportées par les caravanes du Ouadaï. PLANTES NATURALISÉES. — Beaucoup des légumes que nous venons d’énumérer viennent sans soins, sur les détritus accumulés autour des cases, et c’est à peine si de temps en temps les femmes s’en occupent. Les graines d’ailleurs se resèment d’elles-mêmes. Il est toute une autre catégorie de plantes qui se rencontrent toujours en abondance autour des zéribas, mais rarement ailleurs, qu’on ne sème point et qui pourtant ne s’éloignent pas des habitations. Ce sont vraisemblablement des plantes qui ont été cultivées à une époque plus ou moins reculée par d’autres peuplades disparues ; bien que négligées par les nouveaux venus, elles ont continué à se multiplier sur l’emplacement des anciens villages. Bien plus, elles ont suivi l’homme partout où il se transportait, même dans ses retranchements et, par exemple, sur le sommet de kagas inhabités on les rencontre fréquemment. Nous avons noté une quinzaine d’espèces végétales de cette catégorie. Nous parlerons seulement de deux, en raison de leur abondance et de l’utilisation qui en est encore faite. L’_Hyptis spicigera_ (Bourounyou en banda). Labiée ayant le port d’une grande Menthe, existe en abondance autour des villages et même en pleine brousse. M. SCHWEINFURTH l’a vue cultivée chez les Bongos. Au mois de décembre, lorsque la plante se dessèche, on en récolte les épis et on en fait tomber les graines riches en huile alimentaire. Aussi, à Ndellé, on substitue souvent ces graines à celles du Sésame dans la préparation des aliments. Une deuxième plante, belle Acanthacée à tige terminée par un long épi de fleurs bleues, foisonne autour de presque toutes les habitations bandas. On la sème encore quelquefois, mais le plus souvent elle vient toute seule. En brûlant les tiges de cette plante et en lessivant les cendres, on obtient par évaporation un sel de potasse impur qui est le seul condiment dont font usage les noirs et même les Arabes du peuple dans le Dar Banda et en général dans toute l’Afrique centrale. En effet, le sel, apporté quelquefois à Senoussi par les caravanes, est une denrée fort chère et les riches seuls peuvent en faire usage. Trois kilogrammes de sel représentent à peu près la valeur d’un esclave mâle adulte. Lorsque la plante à sel vient à manquer dans un village, on la remplace par quelques espèces fréquentes dans la brousse qui contiennent les mêmes substances ; ce sont : plusieurs arbustes des bords des marigots, les tiges du _Lippia adoensis_, enfin les gousses d’une espèce de _Tetrapleura_ (Kakré ou Kakéré en banda). UTILISATION PAR LES INDIGÈNES DES VÉGÉTAUX DE LA BROUSSE. — Quoique moins misérables que les Mandjias et même que la plupart des Bandas soumis à notre autorité directe dans les cercles de Krébedjé et de Fort- Crampel, les sujets de Senoussi sont parfois visités par la famine, surtout dans la période qui précède immédiatement la récolte[152]. Aussi recourent-ils parfois aux végétaux spontanés de la brousse. Nos porteurs déterraient souvent une grosse igname qu’ils trouvaient dans les galeries et dans la brousse très boisée à quelques kilomètres de la Koddo. Ce tubercule se nomme _Bago_. Il vaudrait les espèces cultivées, s’il ne gardait, même après cuisson, une saveur un peu amère. Le _Parkia_ fournit en mars et avril la farine jaune de ses gousses, mais, quoique l’arbre soit abondant, on en fait beaucoup moins usage qu’au Sénégal. Il en est de même de la graine de Karité (_Butyrospermum_) ; cet arbre, répandu depuis le septième degré jusqu’au neuvième degré, est commun dans le Dar Banda. LE CAFÉ DE SENOUSSI, vient des bords du ruisseau appelé Bolo ou Boro, affluent de la Tété, situé à une journée de marche de Ndellé. Il est connu sous le nom de Gaoua par les Arabes de Ndellé. Nous l’avons rencontré en outre aux points suivants : sur le Haut-Manifo, la Haute- Gounda et le Bata (ce dernier ruisseau, affluent de la Kotto). D’après Senoussi, il existe encore sur le Haut-Déo, la Haute-Tété et le Haut- Dakéso. Le capitaine JULIEN prétend avoir été le premier à faire connaître à Senoussi et son entourage le café qu’on faisait venir précédemment des Sultanats. C’est inexact. C’est par erreur aussi qu’il dit dans son rapport avoir vu le café au Bamingui et au Bangoran. Cet arbuste ne saurait exister aux points où il a passé ces rivières, qui n’y sont point bordées de galeries. LE BÉTAIL ET LA TSÉ TSÉ. — Nous avons dit que Senoussi joint à ses nombreux revenus ceux de l’élevage et de la vente de la viande à ses sujets ; nous avons indiqué aussi le haut prix de la viande à Ndellé. La rareté du bétail vient en partie du monopole du sultan, en partie de l’occupation arabe qui a épuisé le pays au point que, dans les villages païens, il n’y a plus ni poules ni cabris. Mais elle tient aussi, du moins pour les bœufs et pour les chevaux, aux ravages de la mouche tsé tsé[153]. La tsé tsé est l’un des principaux, sinon le plus grand fléau du pays de Senoussi et du Ouadaï. Aïssa disait : « Tu ferais grand plaisir au sultan Senoussi et au sultan du Ouadaï si tu pouvais leur indiquer un remède pour guérir leurs animaux piqués par le Boguéné. » La tsé tsé fait mourir les bœufs, les chevaux, les ânes, peut-être les chameaux ; l’homme piqué ressent une légère douleur, mais n’est pas autrement incommodé. Huit jours environ après un séjour dans une région infectée (voyage au Mamoun) les phénomènes suivants ont été observés sur le cheval de COURTET : _28 mars._ — Enflure des paturons des pieds de derrière, suintement aqueux mais léger par les naseaux. _20 avril._ — Grosseurs aux glandes de la ganache, enflure aux commissures de la bouche, membres inférieurs enflés, suintements par les naseaux. _21 avril._ — Humeur sanguinolente sortant en assez grande abondance des glandes de la ganache. _23 avril._ — Grosseur sous le ventre avec suintements rosés. _24 avril._ — Apparition d’une seconde grosseur sous le ventre, mais sans suintement. _25 avril._ — Commencement de gonflement le long du cou, enflure plus forte des membres inférieurs. _26 avril._ — Augmentation de l’enflure des jambes de derrière, suintements purulents par les naseaux, amaigrissement considérable, abattement, flancs non-caves, mange une quantité normale d’herbe fraîche, mais avec difficulté depuis deux jours. _27 avril._ — Enflure atteignant la partie supérieure des jambes, testicules enflés ; écoulements purulents (naseaux, ganache et pourtour de la bouche) ; petites grosseurs disséminées laissant suinter un liquide rosé. _28 avril._ — Respiration sifflante par suite de l’engorgement des naseaux, n’a pas mangé. _29 avril._ — Ne s’est pas levé ce matin, mort vers 1 heure de l’après- midi. Les régions où existe la mouche tsé tsé sont connues des indigènes, quand on les traverse, au lieu de laisser vagabonder les chevaux autour du camp, on les attache à un arbre, près d’eux on allume un brasier de branches bien feuillues dont la fumée éloigne les mouches. C’est souvent dans les marais ou à la traversée des rivières qu’elles piquent les animaux porteurs. J’ai remarqué que la tsé tsé existe partout où les grands ruminants sauvages abondent, c’est-à-dire à proximité des grands cours d’eau, dans les plaines herbues, dénudées en partie, inondées à l’hivernage, aussi bien que sur les parties boisées et très giboyeuses qui les environnent. Cette mouche est particulièrement abondante entre le Tété et le Boungoul ; on la trouve aussi près de l’Abiod (Bamingui) sur la route de Ndellé à Fort-Crampel et au Bangoran sur la route de Ndellé à Fort- Archambault. Elle n’existe heureusement pas à Ndellé et c’est une des raisons qui ont engagé Senoussi à installer sa résidence en cette localité. Elle est parfaitement connue de nos Sénégalais qui la disent commune le long du Sénégal, du Niger et de leurs affluents. Cependant, dans l’Afrique occidentale, sa morsure ne serait pas mortelle pour les chevaux et les bovidés pour lesquels on ne prend aucune précaution ; ils n’en seraient même pas incommodés. J’ai vu cependant, aux environs de Sikasso, un cheval dont la maladie paraissait occasionnée par la tsé tsé. [Note 147 : On nomme kaga toute protubérance rocheuse.] [Note 148 : Position de Ndellé d’après M. BRUEL : latitude 8° 23′ 19″ N. (détermination au théodolithe) ; 8° 23′ 35″ (valeur au sextant). M. BRUEL prend 8° 23′ 30″ comme moyenne. Longitude 18° 25′ E. (système BRUEL) et 18° 36′ (système GENTIL). M. BRUEL prend 18° 30′ comme moyenne. Les observations sur la température, très fragmentaires, ne peuvent être données qu’à titre d’indications. Le 10 février, au matin, M. BRUEL a observé 14° sur les bords du Bangoran. Je ne doute pas que du 15 décembre au 15 janvier, la température ne soit descendue plusieurs nuits à 12° et au-dessous. Le 18 le thermomètre atteignit 38° (à l’ombre). De 1 heure à 3 heures, il était encore à 37°, mais est descendu brusquement.] [Note 149 : En 1902-1903, il n’est pour ainsi dire point tombé de pluies de novembre à février inclusivement.] [Note 150 : Une autre plante à fibres textiles, l’_Hibiscus cannabinus_, est cultivée à Ndé.] [Note 151 : Il en est de même du Haricot de Lima (_Phaseolus lunatus_) qui constitue partout un légume excellent.] [Note 152 : Outre les petits mammifères qu’on chasse ou qu’on prend au piège, les insectes même, les termites sont alors un sérieux appoint à la nourriture.] [Note 153 : Appelée Boguen, Boguéné, en arabe ; Sau, en rounga ; Voma, Voma-Voma, en banda.] CHAPITRE IX LE DAR BANDA I. Histoire du Dar Banda. — II. Les Roungas. — III. Renseignements divers recueillis à Ndellé. — IV. Notes sur les peuplades du Haut- Oubangui et notes diverses. * * * * * I. — HISTOIRE DU DAR BANDA Quand Rabah commença ses incursions chez les Bandas, le pays était déjà en partie épuisé par la traite. Ziber Rahama Ghyimme Abf y faisait faire de fréquentes expéditions. Lorsqu’en 1872, après avoir défait le ouadaïen fagui El Balalaoni Mohammed, le gouverneur général du Soudan le nomma mudir de la province du Bahr el Ghazal et dépendances, certainement dans les territoires qu’il apportait à l’Égypte, le Dar Banda se trouvait compris jusqu’à l’O. de Ndellé. Tout cela constituait le Dar Fertit. A son internement au Caire en 1874, après la conquête du Dar Four, les exploits des Djellabahs durent se ralentir. Ce répit arrêta l’émigration des peuplades bandas vers l’O., émigration commencée vers 1840, lorsque la traite, d’abord cantonnée sur les côtes, dut s’approvisionner dans l’intérieur du continent. Idris Woled Dabter, qui avait de gros intérêts dans le pays Kreich et le bassin du Mbomou, succéda à Soliman, fils de Ziber, en 1877. En 1878, Soliman le défit, Idris alla se plaindre à Khartoum et c’est à ce moment que Gessi Pacha vint rétablir l’ordre dans le Bahr el Ghazal. Le 1er mai 1879, Soliman fut complètement battu, et l’administration directe du Ghazal et du Fertit resta à l’Égypte ; mais de graves questions allaient bientôt l’occuper dans le bassin du Nil. L’insurrection mahdiste éclatait en 1881. En 1882, LUPTON n’eut que le temps de pénétrer dans le pays Kreich et chez les Abouda, habitant le N. du bassin du Mbomou, mais nous ne savons s’il eut à poursuivre des Djellabahs. Les caravanes du Ouadaï, seules, devaient pourtant venir de temps en temps s’approvisionner de captifs et d’ivoire dans le Dar Banda. En 1879, Rabah quitta Soliman ; dès la campagne du Dar Four (1872-1874), il était chef de bannière (Sandjak) de Ziber et il n’est pas douteux qu’il eût déjà parcouru en divers sens le Dar Banda pour son maître. Ses lieutenants commencèrent vers 1880 leurs incursions dans le Dar Fertit. D’après VAN GÈLE, des gens à lui viennent jusqu’aux Abiras (au confluent du Mbomou et de l’Oubangui) en 1882 ou 1883. En 1884, JUNKER apprend par les Azandés, que ces mêmes bazinguers sillonnent le Dar Rounga. C’est dans l’intervalle de 1880 à 1890 qu’il met en coupe réglée toute la contrée comprise entre l’Oubangui et le Mbomou au S., le Salamat au N., le Nil à l’E. et le Gribingui à l’O. Suivant l’expression imagée de El Hadj Abdoul « il a mangé tout le pays ». Il conquit successivement les bandas du Kaga Kourou, les Tambagos, les Ngamas, les Dingas, les Ngafos, les Diengués, les Kreichs de Mbélé qui s’enfuient vers Koutouaka, les Ngaos, les habitants des kagas Djé et Mbala (Mbra). Il porte la guerre jusque chez les Nsakaras. « Où il passe, il prend tout, dit Abdoul. » Son armée est forte et s’accroît chaque jour des bazinguers qu’il enrôle, les meilleurs captifs mâles devenant des recrues pour ses compagnies. Après Mbélé, Rabah va encore attaquer Bandassa et se rend à la rivière Kapa au Dar Four[154]. J’ai appris par ailleurs que les diverses tribus de bandes étaient fréquemment en guerre avant l’arrivée des Arabes. Kolgon me raconte que les Ngaos habitaient en ce temps-là près du Bandéro. Il y a environ 30 ans (il était enfant), ils vinrent faire la guerre aux Bandas de l’E. qui étaient commandés par le chef Gala. Ils attaquèrent les gens du Kaga Toulou qui avaient pour chef Bima, d’autres m’ont indiqué Kouaya comme ancien chef du Toulou, et les emmenèrent en captivité. Kolgon fut vendu aux Dayas, habitants des environs du lac Iro. C’est dans une razzia, faite par Senoussi chez les Dayas, qu’il a été capturé de nouveau. Dans une razzia de Allah Djabou, chez les Ouaddas de l’E., il a failli retomber récemment entre les mains des Fertit. D’après Kolgon, les Ngaos avaient seulement quelques fusils, mais leur chef disposait de beaucoup de guerriers armés de sagaies et de couteaux. Lorsque Rabi vint les attaquer au Gribingui, ils ne purent résister. Ils s’enfuirent : les uns vers l’O. sont allés au Bahr Sara, les autres vers l’E., sont venus aux sources du Bangoran. C’est là où s’établit il y a une quinzaine d’années (?) le père d’Ara. Il y est mort et a été remplacé par Ara avant l’arrivée de Senoussi[155]. Après la défaite de Gribingui, le chef des Ngaos, Djama, tomba entre les mains des troupes de Rabi et eut la tête tranchée. Senoussi était dans le Kouti à Chah, lorsque Rabi faisait la guerre à travers le Dar Banda. M. TOQUÉ a recueilli au Bandéro quelques notes sur les Ngaos, elles sont très vagues, les voici textuellement. Ngaos, originaires de Kotto, rivière Gangou, chefs Sama et Ouangandi. Iama tué par Arabes, Rabi étant là, étaient alors à Mbalaoua, à côté des Mandjias, autre côté Gribingui. Ngaos sont partis. Ngaos ont fait la guerre aux Mandjias quand ils ont été rendus de l’autre côté. Chef Hassein prit nom arabe, c’est un tambago-Outa, ngao-Issah nom arabe affublé, Ouangandi, tribu Djongourou, habitaient Longba (village). Chef Ghadem vient faire la guerre à Ouangandi, aurait emmené son monde jusqu’à la Oua près du village Adaba à un jour du Durba. Apprenant l’arrivée des blancs, il aurait abandonné la Oua pour se rapprocher d’eux. Ali Diaba aurait eu une fois l’intention de venir razzier les Ngaos, l’arrivée des missions l’arrêta. Ouangandi prétend qu’il a toujours vécu en bonne intelligence avec Senoussi du temps qu’ils étaient voisins. M. TOQUÉ regarde comme tribu la plus intéressante les Ngaos qui ont tenté de résister aux Arabes et ont aussi cherché à éluder notre influence par la force des armes. C’est la seule tribu banda guerrière. Son histoire, connue dans ses grandes lignes, n’est qu’une suite de luttes intestines, de combats avec les tribus voisines, de vols, d’incursions, de pillages, chez les peuples avec lesquels ils ont été en contact à la fin de leur exode vers l’O., au pays des Mandjias. En deuxième ligne, viendraient les Sabangas, tribu toujours errante, dont l’histoire est aussi intéressante. Les autres peuplades ne sont guère braves, c’est d’elles que disait un Ascari de Rabah : « les Bandas se mènent comme les bœufs. On les frappe, ils baissent le nez et doublent le pas. » II. — LES ROUNGAS Les Roungas actuels n’habitent pas seulement le pays situé au N. de Boungoul, c’est-à-dire le sultanat de Mai-Doukou, vassal du Ouadaï ; une partie d’entre eux occupe la contrée située au N. du Kouti, comprise entre le Djangara, le Boungoul et la Tété. Les villages roungas que nous avons vus habités par cette peuplade sont : Djalmada (Roungas et Ndoukas), Ndélou, Kouboudoukou, Koundé, Akoulousoubla et Borr ou Boro. Les Roungas sont un des plus beaux types de la race noire en Afrique centrale. Leur taille moyenne atteint 1m,70, leurs membres sont bien proportionnés ; ils portent une barbiche ordinairement bien fournie. Ils ne pratiquent pas le tatouage, ni d’autre mutilation, que la circoncision. Les hommes portent tous une sorte de longue blouse à bras amples, tissée grossièrement avec du coton indigène non teint. Au-dessus du coude gauche, ils suspendent à un bracelet en cuir un petit poignard dont ils ne se séparent que très rarement. Beaucoup de ces Roungas ont été armés du fusil par Senoussi. Les pieds sont chaussés de sandales. Ils sont généralement coiffés de la petite toque blanche des musulmans de Ndellé. Les femmes ont les cheveux tressés en petites nattes tombant sur les côtés et en arrière, et laissant au-dessus du milieu du front une raie très marquée. Le corps est drapé dans un large morceau de guinée bleue légère. L’aile droite du nez est traversée ordinairement par une paille ou par une cheville en bois. Elles ont en outre autour du cou un ou deux colliers de grosses perles bleues, quelques grains de chapelets, parfois quelques sachets en cuir constituant des amulettes. Néanmoins leur parure est des plus simples. Les enfants des deux sexes, au contraire, sont couverts d’amulettes et de perles au cou et aux bras, quelques-uns ont des bracelets en cuivre. L’extrême coquetterie chez la femme rounga consiste à s’enduire entièrement le corps avec de l’huile. C’est surtout au mois de mars qu’on se permet ce luxe, lorsque la maturité des fruits de _Lophira_ permet de se procurer en abondance une huile qu’on ne pourrait consommer en raison de son amertume. Leurs arts sont restés des plus primitifs. Les cases, mal faites, sont entièrement en paille et construites sur le type des cases de Ndellé, sans ornement au sommet. L’intérieur est divisé en compartiments par des nattes. On y voit de grands vases servant de resserres à mil ; d’autres vases en terre sèche et cuite, couverts d’ornements, sont destinés à porter de l’eau et ne manquent pas d’élégance. Les nattes sont ordinairement grossières. Je n’ai pas vu travailler le cuir, cependant le Rounga sait tanner et il confectionne des tapis en peaux d’antilopes. Le tissage du coton est fait assez grossièrement sur un métier très rudimentaire placé au-dessus d’un trou creusé dans le sol, dans lequel se place le tisseur. Ce sont les hommes qui filent le coton au fuseau (comme chez les Bandas). A Ndélou nous avons rencontré une égreneuse de coton toute primitive. Cette égreneuse se compose de deux rouleaux en bois de 60 centimètres de longueur et 6 centimètres environ de diamètre, actionnés par des manivelles également en bois. Il faut deux indigènes pour la faire fonctionner. L’un d’eux se place devant, tourne la manivelle du rouleau inférieur avec la main droite et présente de la main gauche devant les rouleaux le coton à égrener, l’autre se place derrière, tourne la manivelle du rouleau supérieur avec la main droite et dégage avec la main gauche au fur à mesure qu’il se présente, le coton passant entre les rouleaux, les graines tombent naturellement en avant. Le travail du fer paraît connu. Tous les hommes qui n’ont pas de fusils portent des sagaies qui semblent de fabrication indigène. D’ailleurs, à proximité du village de Mansaka, nous avons vu des débris d’un atelier de fonte. L’agriculture est plus perfectionnée que l’industrie, quoique l’élevage ne soit point pratiqué ou ait disparu à la suite des razzias. Les villages sont environnés de grandes plaines parfaitement débroussaillées, ombragées de beaux arbres : Karités, _Lophira_, _Ficus_, _Daniella_, _Parinarium_. C’est là qu’on ensemence les céréales à la saison des pluies (mai). Le petit mil semble être beaucoup plus cultivé que le Sorgho. Comme cultures accessoires on trouve le niébé, le maïs, l’arachide, etc. Le coton appartient à l’espèce _Gossypium herbaceum_. Comme animaux domestiques on trouve des poulets, quelques cabris et des chiens destinés à l’alimentation. Les Roungas ont été à demi convertis par la propagande islamique. Ils ne font pas salam, mais ils s’abstiennent de boire la _Mérissa_ ou bière de mil et portent autour du cou un chapelet de musulman. Souvent ils conservent dans des sachets en cuir, fixés comme bracelets au bras droit, des formules arabes en guise d’amulettes (on sait que cet usage est répandu dans tout le Soudan). La plupart parlent un peu et comprennent l’arabe, ils saluent également à la manière des musulmans. En somme, le contact de l’Islam a élevé leur niveau social, bien supérieur à celui des Bandas et des Kreichs. Leur organisation politique est aussi plus forte. Dans chaque village se trouve un chef dont l’autorité est indiscutée. Tout ce pays avait déjà été organisé par un sultan nommé Sodour ou Soudour. Senoussi n’a pu y établir un despotisme absolu comme dans le Kouti, et bien qu’il ait donné des ordres formels, Aïssa, le chef qui nous accompagnait, a eu de grandes difficultés à recruter les quelques porteurs qui nous étaient nécessaires. Il est loin de commander aux Roungas comme aux Bandas sur un ton de conquérant et de maître absolu. III. — RENSEIGNEMENTS DIVERS RECUEILLIS A NDELLÉ Les _Kreichs_[156] habitent au S. du Dar Bongo et du Dar Four, à l’E. du Dar Banda. Ils furent organisés par le chef Banda, dont la résidence était Bandassi, situé vers 7° lat. N., 22° long. E., dans le pays parcouru par LUPTON et DE LA KETHULLE. Ce chef, mort aujourd’hui et remplacé par son fils, gouvernait la contrée au moment de l’administration de M. LIOTARD, qui rencontra quelques difficultés pour empêcher Rafaï, sultan des Bandjias, de venir attaquer le pays. En 1897, M. GRECH traversa le territoire de cette peuplade pour se rendre dans le pays des Vidris et chercher à attirer les commerçants ouadaïens vers la route de Mbélé. Il atteignit les environs de Djongou. C’est au N. de Rabet que commence le pays kreich, il est limité de ce côté par une rivière, la Bissi, coulant de l’O. à l’E. Vers l’O. il s’étend dans le Haut-Chinko et le Haut-Bali ou Bari et peut-être dans la Haute-Kotto qui prend sa source aux monts Manga et empêche ainsi les sultanats de s’étendre vers le N. Les sources de la Kotto auraient été reconnues par DE LA KÉTHULLE. A cette époque, Saïd Bandassi, fils de Bandas Njaoua, était fixé sur le Haut-Chinko entre les Vidris et Mbélé. C’est de 1890 à 1894 que HANOLET a accompli son voyage au Rounga ; Senoussi me raconte que pour venir à Mbélé, HANOLET est passé par les pays Vidris : Oundou ou Djongou, Gobou, Bahr Pipi, Gounda, Moukoua, enfin Mbélé. Plus tard, M. GRECH se rendit à mi-route en partant de Rafaï et passant par Basso. En décembre 1900, M. PRINS, administrateur dans les territoires du Haut-Oubangui, tenta, de sa propre initiative, une expédition entre Saïd Baldas. PRINS part de Rafaï, passe par Diango (pb. Yangou DE LA KÉTHULLE), arrive à Marké, non loin de la Kouta, qu’il franchit à la poursuite de Saïd Baldas se sauvant devant lui. Il franchit ensuite la Koumou, au delà duquel est le camp de Saïd. Ce dernier s’enfuit de nouveau et va finalement à la frontière anglaise ; PRINS est rejoint sur les bords de la Koumou par le lieutenant BOS qui avait terminé sa mission à la Haute- Kotto. Saïd Baldas est aujourd’hui installé sur la rivière Ima, située en territoire anglais. Il reçoit du Dar Four beaucoup de marchandises anglaises qui lui sont apportées par les Néouds, arabes du N. du Dar Four, qui vivent dans une région où l’eau est si rare qu’on la conserve dans des troncs d’arbres creusés. _Les pays à l’Ouest du Dar Four._ Les peuplades vivant dans la région montagneuse à l’O. du bassin du Nil sont : les Bingas, les Karas, les Djengines (Djengués), les Digas, tous tributaires du Dar Four. Kaga Méla est habité par des Kreichs (situé bien plus au S. près de Katouaka). Le pays de Mbélé[157] est habité par les Kreichs ; pour aller de Mbélé à Hofrat, on met 5 jours. C’est donc le 2e jour qu’on arriverait au Kaga Abtalbaré et au Kaga Méla, montagnes d’où sortent, d’un côté la Mindja, de l’autre, la Ntomé et l’Amfilia, affluents du Boulboul, tributaire du Nil, et enfin le Pipi, affluent de la Kotto. Senoussi a beaucoup de captifs bongos. Il n’y a pas de Bongos près de Mbélé, mais on en trouve à 3 jours à l’E. de Ndellé même. Les Bongos appartiennent à la même race que les Bandas et étaient en bons termes avec eux avant l’arrivée des Arabes. Les Bongos parlent la langue banda. IV. — NOTES SUR LES PEUPLADES DU HAUT-OUBANGUI ET NOTES DIVERSES A la mort de Rafaï, sultan des Bandjias ou Bengérés, M. GRECH ayant appris qu’une quarantaine de bazinguers venaient d’être étranglés, selon la coutume du pays, pour être inhumés avec le sultan, il interposa aussitôt son autorité et fit mettre en liberté 160 femmes et domestiques destinés au sacrifice. Les Nsakkaras sont limités au S. par l’Oubangui-Ouellé, à l’O. par la Kotto, au N. par le pays des Vidris, à l’E. par le district des Zantès. Ils se nourrissent de manioc, de patates et de mil. Leur sultan est Bangasso. Ce sont d’ardents anthropophages, qui recherchent comme plats raffinés les femmes et les enfants. Non seulement la forme de leur justice les amène à mettre à mort et à manger les hommes suspectés de sorcellerie, ainsi que les coupables, mais leur passion pour la chair humaine est telle qu’ils n’hésitent pas à sacrifier des innocents et qu’ils entreprennent fréquemment des expéditions pour approvisionner leur garde-manger. Les Patris (ayant pour chef Kouta) habitent le territoire de la moyenne Kotto. Ils occupaient précédemment la rive droite du pays Boubou au pays Banda. Chassés par les Nsakkaras, qui vivaient sur la rive gauche, ils se sont réinstallés sur la rive droite après l’intervention de M. SUPERVILLE. Ils ont une langue spéciale. Au N. de la région habitée par les Patris se trouve le pays des Bandas- Tambagos, contre lesquels Senoussi a fait dans le 2e semestre de 1902 une expédition, et dont le chef Bakit, qui a été fait prisonnier, est maintenant en liberté. On a ramené à Ndellé près de 2,000 prisonniers, environ 600 sont morts de la variole dès leur arrivée ; les autres ont été donnés ou vendus par Senoussi et il en reste encore une certaine quantité (500 ?) à Ndéllé. Senoussi y a envoyé le 15 janvier 1903 un de ses chefs comme résident. Au cours de son voyage de 1896 (juin) pour aller reconnaître la route de Mbellé, M. GRECH est passé chez les Vidris, peuplade peu connue, non anthropophage, qui avait été déjà visitée par DE LA KÉTHULLE. Le sol du pays des Vidris est ordinairement ferrugineux, il est sablonneux aux environs de Korou. Dans la zone de Kakouma, Basso, il est caillouteux, avec minerai de fer. C’est à Basso que GRECH a retrouvé la tombe d’un Européen de l’expédition DE LA KÉTHULLE. Les Vidris cultivent le riz, mais le manioc forme le fond de leur alimentation. Ils appellent guita la houe employée pour la culture. La liane à caoutchouc et l’arbre à gomme existent au N. du pays. Ils coagulent le caoutchouc en recevant le latex sur leur corps, c’est la sueur qui joue le rôle de coagulant. On trouve dans ce pays un caféier qui atteint quelques mètres de hauteur. Le bambou et le _Borassus_ existent aussi. On cultive encore le tabac, le bananier, le dazo, le _Ficus_ lili. Le bananier n’existe plus au N. de la Dorou (affluent du Bari ?). Le chien des Vidris n’aboie pas. On trouve dans le pays des moutons importés par les Ouadaïens et quelques chevaux. Les Vidris font du commerce avec les traitants musulmans qui vont chercher des captifs aux sultanats où ils séjournent en hivernage et qui retournent en été dans leur pays avec le produit des razzias qu’ils ont échangé contre de l’étain (mbassa), du sel, de la poudre, des capsules. Dem-Ziber était la résidence habituelle du Moudir. En exécution des ordres reçus de M. LIOTARD, M. l’interprète GRECH pénétra du bassin du Mbomou, dans le bassin du Nil et planta le pavillon français à Dem- Ziber, le 17 avril 1897[158]. Les derviches, quelques années plus tôt, avaient semé la dévastation dans la contrée, les puits étaient transformés en véritables ossuaires. M. GRECH trouva une population composée de Niogolgolés[159] commandés par Nacer Andel et de Forogués[160] commandés par Moussa-Ahmed. Traduction de la pièce arabe de la page 155, faite par M. GAUDEFROY DE MONBYNES. De sa Seigneurie le sultan Senoussi à sa Seigneurie notre commandant le capitaine Youssef ; de nous à toi, salut excellent et quantité de politesses et de courtoisies. L’objet de la lettre que je t’adresse, c’est que tu nous as écrit une lettre que nous avons lue, nous avons compris ce qu’elle contenait au sujet de la grande fête. Nous n’irons point t’y joindre ; nous ne serons point tes compagnons pour manger, boire et nous divertir. Qu’Allah te bénisse dix dix fois (Merci.). Tu es notre commandant mais ces nuits-ci, moi, j’ai été malade, à peu près trois jours, je ne me suis levé du lit que pour la fête d’aujourd’hui. Mais tous les officiers iront vers toi, entre autres el Hadj Teqqo, el Hadj Mohammed, Abou Azz (?) ; beaucoup de gens iront vers toi ; voilà ce que nous avions à te faire savoir. Salut. Nous t’informons encore que les soldats se rendront auprès de toi après la prière du soir. [Note 154 : Il avait alors comme principal lieutenant Nour Angara (Yanbassa). On a cité, à Abdoul, les noms des plus importants lieutenants de Rabi, c’étaient : Dioufaga, Moussa Diaman, Ethman Ouettaco, Gadou, Hassan, Baboukar, Ouad el Fagui, Abeschaoui, Hide, Roumouroulaye, Kaoutsour, Baldas, Diabon, Daaf, Barou.] [Note 155 : Le village porte le nom d’Ara.] [Note 156 : Appelés aussi Krékis (PATAGOS) ; Adja (LUPTON) ; Krédi (SEHIO) ; Baïas (GRECH). Kreich serait un nom de mépris donné par les Arabes. Ils ne sont pas anthropophages, ce par quoi les Arabes les différencient des Bandas. La plupart ont été organisés en tribus puissantes dont les chefs vivaient à la manière des sultans soudanais et trafiquaient avec les Arabes.] [Note 157 : Mbélé vivrait toujours et gouvernerait un petit sultanat au S.-O. du Dar Four.] [Note 158 : Tout le monde à Ndellé croit Ziber Pacha mort depuis longtemps et on a cru que je plaisantais quand j’ai dit qu’il vivait encore au Caire.] [Note 159 : Les Niogolgolés ont pour capitale Liffi dans le Talganonna, ville principale Beled. A l’E. les Niogolgolés sont séparés des Djengués par le Bahr el Ona ou Bahr el Arab.] [Note 160 : Les Forogués sont originaires du pied du Djebel Marra ; aujourd’hui le Dar Diga ou Dar Zandé est leur principal pays. Il est traversé par la rivière Borou. Ils sont séparés des Niogolgolés par le Mangayat.] CHAPITRE X LE MOYEN-CHARI I. Hydrographie, généralités. — II. Le Bahr el Abiod (Bamingui) et le Chari. — III. Excursion à l’O. du Chari. * * * * * I. — HYDROGRAPHIE, GÉNÉRALITÉS Il existe, en Afrique centrale, entre 9° et 10° de lat. S., une immense plaine qui s’étend des marais de Toubouri à la lagune du Mamoun sur plus de 6° de longitude. Lorsque les rivières, originaires des plateaux du S., arrivent dans cette dépression, elles serpentent à travers la plaine, n’ayant plus qu’une pente insensible. Leur lit est souvent incertain, le courant se frayant un chemin variable à travers les alluvions les moins résistantes. Les apports de sable en des crues annuelles comblent peu à peu les lits déjà existants, et l’eau est obligée de s’écouler par ailleurs. De là ces lits nombreux où l’eau ne coule plus, même à la saison des pluies. Les uns sont remplis seulement de sable meuble et soulevé par le vent en forme de dunes ; les autres se transforment en marais et se couvrent de bourgou. Toutes les grandes rivières, Bamingui (Abiod), Boungoul, Bahr el Azreg et Bahr Sara, ont conservé néanmoins un lit principal, généralement très ensablé, mais qui, en temps ordinaire, suffit à l’écoulement de l’eau, le débit de ces rivières ayant considérablement diminué. Il n’est pas rare d’observer, sur le Chari même, les berges actuelles écartées de 200 ou 300 mètres limitant un lit encombré de sables, alors que sur les deux rives on aperçoit bien, au-delà du thalweg actuel, d’anciennes berges souvent distantes de plus de deux kilomètres. Sans doute les années de très hautes crues, le fleuve peut encore reprendre momentanément son ancien lit, les apports récents d’alluvions déposés près des anciennes rives l’indiquent. Mais ce phénomène ne se produit qu’à des intervalles éloignés. Dans les crues ordinaires, lorsque le lit actuel ne peut plus suffire, l’eau se déverse dans les innombrables chenaux latéraux qui, tantôt rejoignent le fleuve en aval, tantôt vont déboucher dans des mares ou encore pénètrent fort loin dans les terres. On ne saurait considérer ces bras comme des canaux puisqu’ils sont à sec presque constamment, parfois plusieurs années de suite ; aux hivernages ordinaires, leur lit n’est en somme qu’un chapelet de mares dont l’eau provient, soit des pluies tombées dans les régions traversées par ces chenaux, soit des infiltrations des rivières. Ce sont, en somme, des ouadi dont le lit a été creusé à une époque où les crues avaient une importance infiniment plus considérable qu’aujourd’hui. Souvent même, le lit de ces chenaux devient tout à fait incertain et ce n’est plus dans une dépression rectiligne qu’afflue l’eau, mais elle s’étend dans de vastes plaines qu’elle transforme en marécages. Cette grande plaine est sillonnée aussi de cours d’eau d’aspect particulier nommés _Mindja_ ou _Minia_. Il n’y a aucun doute pour moi que les Minia sont souvent des rivières ensablées ou plutôt des canaux dont le lit a été comblé par la terre et les débris végétaux, l’eau ayant cessé d’y couler depuis longtemps, même d’une façon intermittente. D’autres Minia ont pu être des diverticules allant d’une rivière à l’autre. C’est le cas de la Minia Mbanga qui réunissait vraisemblablement le Boungoul (Aouk) au Bahr Salamat, peut-être aussi du Bahr Nam ou Ba Bo qui aurait réuni le Logone au Bahr Sara. D’autres enfin ont pu être les bras secondaires d’une rivière dont le courant principal s’est conservé tandis que les autres se sont taris par suite de la diminution des pluies, et sont devenus, pour ainsi dire, des _Rivières fossiles_. Les Minia, en effet, n’ont plus aucune valeur hydrographique. Dans leur lit on trouve encore çà et là des flaques d’eau une partie de l’année, parfois même des trous profonds où vivent des hippopotames. Puis le lit devient tout à fait indécis ; il se rétrécit jusqu’à une largeur très inférieure à celle qu’il a en aval ou même en amont. Parfois, à un lit ayant des berges verticales de 2 mètres de haut, succède plus loin un lit qui n’est plus marqué que par une large dépression herbeuse profonde seulement de quelques décimètres, sur les bords de laquelle on ne trouve plus de berges. Enfin il peut arriver que ces dépressions même soient comblées totalement ; le lit est de niveau avec la plaine et quelquefois la végétation ligneuse s’établit sur l’emplacement. Plus rien n’indique les traces d’une rivière. Les indigènes savent seulement qu’en creusant des puits on trouve l’eau à une faible profondeur. Ainsi au N. de 9°, presque toutes les routes de caravanes des Arabes ou les sentiers de brousse des Kirdis suivent des traces de Minia ou bien les coupent perpendiculairement de manière à les conduire d’un point d’eau à un autre. Même lorsque la dépression d’une Minia n’est plus apparente, on peut ordinairement suivre son cours en repérant les touffes de _Nauclea inermis_ qui le jalonnent. Cet arbuste, dont les racines doivent vivre toute l’année dans la terre humide, ne s’éloigne point des dépressions. Malgré ce précieux indice, il est parfois difficile de retrouver le tracé de l’ancienne rivière. La pente n’existe pour ainsi dire plus dans le lit des Minia ; parfois même après une très grande pluie le trop plein d’une mare du lit remonte l’ancien thalweg. Le plus souvent ce trop plein se répand sur les bas-fonds avoisinants qui se transforment alors en marais étendus. Une multitude de culs-de-sac, parfois plus profonds que la _Minia_ même, y aboutit. Ce sont, ou les trous du lit primitif, ou même des bras secondaires. Enfin il arrive que la Minia débouche dans un _Firki_ c’est-à-dire dans une grande plaine herbeuse sans arbres, transformée en marais après chaque pluie, l’écoulement de l’eau ne s’effectuant pas. Toutes ces causes font que la plupart des Minia ne sont point considérées comme des lits continus par les indigènes mais comme des fossés sans issues. Demandez à un noir où va et d’où vient la Minia qu’il vous montre : neuf fois sur dix, il répondra qu’elle s’arrête à une faible distance en aval et en amont. Sur les relevés d’itinéraires faits par les officiers du territoire du Chari, la plupart des Minia sont regardées comme des communications entre mares. D’autres fois, les indigènes font des réponses paradoxales : un jour ils vous diront que la Minia Lomé s’abouche avec le lac Iro, un autre jour avec le Ba Koulfé ou même avec le Bahr Chari. En cela d’ailleurs les indigènes n’ont point tort. Il n’y a plus de doute pour moi que toute la plaine du Chari, depuis 9° N. jusqu’à la latitude du Tchad et depuis probablement les marais de Toubouri jusqu’au Mamoun, a formé une immense nappe lacustre à l’époque où l’érosion des massifs montagneux de l’E. et l’O. du Chari comblait progressivement la dépression centrale du continent noir. Les sables du Sahara lui-même seraient en grande partie constitués par les apports des fleuves tropicaux : Sénégal, Niger, Benoué, Chari, Nil, qui charriaient le limon et les sables arrachés aux montagnes situées entre 2° et 8° N. La plaine du Chari central aurait été comblée à une époque relativement récente. Le remplissage s’achève encore de nos jours. Chaque année de petits canaux latéraux à la rivière de Fort-Archambault sont ensablés ou remplis par les débris de bourgou. Il est vrai qu’à chaque crue exceptionnelle de nouveaux fossés s’ouvrent à travers les sables encore meubles des berges. En de nombreux endroits, ces sables sont consolidés et forment une muraille que l’eau rompt plus difficilement. Comme le remplissage s’est fait irrégulièrement et par apports inégaux, la plaine est loin d’être nivelée. Il reste ici et là des fossés profonds qui sont les lits des rivières actuelles permanentes, des fossés moins profonds qui sont devenus inutiles, en partie remplis. Enfin çà et là de grands marais subsistent, s’anastomosant entre eux ou avec les rivières permanentes et les Minia voisines. Ces trois catégories de dépressions forment un réseau très complexe, entre les mailles irrégulières duquel sont compris les monticules où l’eau n’a point séjourné, mais a ruisselé. Ces terrains surélevés sont de deux sortes : 1o des rochers granitiques qui se dressent en gigantesques monolithes à travers la plaine et sont ordinairement entourés d’une ceinture de blocs éboulés[161] ; 2o des mamelons de faible relief, constitués par une arène granitique, et qui entourent les roches en place sur un périmètre de plusieurs kilomètres. Appartiennent encore à cette catégorie des ondulations diversement orientées, hautes de 20 à 60 mètres au-dessus du niveau des marais, larges de 15 à 20 kilomètres, qui s’étendent souvent de chaque côté des grandes Minia. Le limon rouge (terre sablonneuse rouge) qui recouvre ces plateaux est très propre à la culture[162] ; aussi tous les villages saras sont-ils installés sur ce terrain. Les coteaux sablonneux sont perméables à l’eau qu’on est obligé d’aller chercher dans des puits profonds comme chez les Toummoks, les Saras Mbangas, etc. L’eau des pluies est immédiatement absorbée par le sol ou bien elle ruisselle pendant une heure ou deux le long de petits ravins, larges de quelques mètres à peine et profondément entaillés. Le reste du temps ces ravins sont complètement asséchés et l’on pourrait creuser dans leur lit des puits à une grande profondeur sans rencontrer d’eau, tandis que dans le lit des Minia il en subsiste ordinairement. _Valeur agricole de la plaine basse._ — C’est une opinion fort répandue en Europe que les plaines de tous les grands fleuves tropicaux constituent un sol d’une fertilité remarquable. Ce n’est malheureusement souvent qu’une légende, et en ce qui concerne la vallée du Chari en particulier, le sol est très souvent impropre à la culture. Ce n’est tantôt qu’un sable absolument stérile, tantôt une argile grisâtre, bonne tout au plus à faire des poteries. Beaucoup de dépressions se prêteraient sans doute à la culture du riz, mais cette céréale est absolument inconnue tout le long du fleuve ; c’est à nous de la vulgariser. L’élevage trouverait aussi dans les grandes prairies de bourgou et dans les steppes voisines du fleuve (dont la végétation se maintient verte six mois de l’année) assez d’herbe pour les troupeaux. Mais, tant qu’on n’aura pas de remède efficace contre les maladies à trypanosomes, l’élevage demeurera dans une situation précaire. Il existe bien, çà et là, dans la vallée des points fertiles, parfois même assez étendus. Ce sont ces terrains que les tribus agricoles ont choisis pour l’emplacement de leurs villages : les Rétous, les Ndoukas, les Niellims, les Kabas, les Saras. Le _Sorgho_ et le _Penicillaria_ y donnent de superbes rendements, enfin le coton y est cultivé, mais en très petite quantité. II. — LE BAHR EL ABIOD (BAMINGUI) ET LE CHARI La direction générale du Bahr el Abiod ou Bamingui depuis le Bangoran jusqu’aux rochers des Niellims, est N. 30°. Sur ce parcours (180 kilomètres), il n’y a point, comme l’indique la carte PELET, une multitude de canaux anastomosés et presque égaux en importance : partout on ne trouve qu’un seul grand chenal où l’on puisse à la rigueur passer à la saison sèche, où l’eau coule toute l’année. La saison sèche se prolonge de janvier à mai inclusivement. A cette époque, même sur le chenal principal, même avec des chalands plats, la navigation est très pénible et celles de ces embarcations qui remontent font à peine 10 kilomètres par jour. Ce serait vers la fin d’avril que la hauteur des eaux atteindrait son maximum ; le 18 mai, le niveau a monté de 0m,20 environ, si l’on en juge par la ceinture de bancs de sable recouverts d’une végétation qui disparaît déjà sous l’eau. Pourtant, le 10 août, NACHTIGAL voyait encore à Maffaling par 10° 30′ environ, des îles sablonneuses peuplées d’hippopotames et de crocodiles[163]. En 1904, à Fort-Archambault, l’eau monta de 1 mètre le 1er août à plus de 5 mètres au milieu d’octobre. M. BRUEL fait remarquer que la décrue du Chari fut alors beaucoup plus lente que celle du Logone à Laï[164]. Le premier, en effet, est alimenté par des rivières d’origines plus diverses, ne recevant pas à la même époque le maximum de précipitation ; aussi la crue dure-t-elle plus longtemps. En saison sèche, le chenal principal est large de 200 à 1.200 mètres. L’eau n’occupe pas d’ailleurs tout ce lit au mois de mai. Si les îles y sont rares, il n’en est pas de même des bancs de sable qui, plus ou moins mobiles et souvent sans végétation, atteignent fréquemment 200 à 400 mètres de largeur. La pente est insensible et le courant, partant, très faible. Voici les dimensions relevées en quelques points de notre itinéraire : le 18 mai, j’ai passé à gué le Bamingui (Abiod) un peu en aval du confluent du Bangoran, la partie occupée par les eaux n’avait que 200 mètres de large, et la plus grande profondeur observée n’était que de 0m,60. Le 25 mai nous le traversons en aval de Fort-Archambault entre le poste et le confluent du Ba Karé ou Boungoul, nous lui trouvons 300 mètres de large et 0m,50 de profondeur. Enfin, le 27 mai, nous passons le Chari, un peu au-dessous du confluent du Bahr Salamat. Le lit est occupé, en amont et en aval du gué, par des rochers de granite, la largeur des eaux est de 150 mètres ; la profondeur observée de 1m,20, mais, en ce dernier point, il faut éviter des gouffres creusés entre les roches qui doivent avoir une grande profondeur, si l’on en juge par les tourbillons. La profondeur est donc loin d’être régulière : il n’est pas rare d’observer tout près d’un gué, soit en amont, soit parfois en aval, des cavités où les hippopotames prennent leurs ébats. L’une des berges de ce lit mineur est abrupte, avec un à-pic de 3 à 7 mètres. L’autre est souvent à peine accusée ou bien, après un rivage qui limite le cours d’eau à la saison sèche, un second distant de 800 à 2.000 mètres de la rive opposée forme le rebord du lit majeur que l’eau ne remplit qu’aux très hautes crues. C’est en dedans de cette fausse berge que sont situés des canaux secondaires, les culs-de-sac et les mares dans lesquels l’eau reste en permanence. Dans toutes les dépressions, le niveau se maintient sensiblement le même que dans le cours proprement dit, quand bien même ces dépressions ne lui seraient pas reliées directement. Cette communication se fait par capillarité à travers le sable, et, aux Niellims par exemple, les habitants se procurent de l’eau, en creusant des trous dans un banc de sable, à 2 kilomètres du fleuve. Au-delà de ce lit majeur, les alluvions sablonneuses déposées par le fleuve à une époque de plus fortes précipitations, s’étendent presque partout sur une largeur de 8 à 10 kilomètres. Les sables soulevés par le vent forment des dunes assez mal fixées par la végétation. Ils obstruent souvent les nombreux canaux qui suivent le chenal le plus important et qui, remplis par l’eau à l’hivernage, ressemblent à ces bras de fleuve qu’indique la carte PELET. Mais le plus souvent ils se réduisent à des culs-de-sacs et n’ont de communication avec le fleuve qu’en amont : En aval, le chenal a été obstrué, soit par les dépôts de sable qui s’y sont engouffrés, soit par l’accumulation du Bourgou dont les longs chaumes genouillés remplissent, dès le mois de mai, le lit entier des chenaux secondaires. [Illustration : FIG. 48. — Cultivateurs préparant le sol.] _Les roches des bords ou du lit du fleuve._ — Près du confluent du Bangoran et de l’Abiod, M. COURTET a recueilli une roche à grain très fin, de couleur blanche ou brune. A 6 ou 8 kilomètres du confluent, sur la rive droite, j’ai trouvé des falaises de roche ferrugineuse dure et très caverneuse. Elles s’élèvent de 6 à 8 mètres au-dessus du niveau de l’eau, et les blocs éboulés dans le lit étaient couverts de coquilles d’_Etheria_ fixées seulement à la surface des blocs, mais n’entrant pas dans leur constitution. Plus loin on rencontre encore le même type de roche ferrugineuse. A Fort-Archambault, il y a quelques blocs ferrugineux dans le lit du fleuve. J’ai en outre constaté sa présence sur les bords d’un marigot se jetant dans le bras principal du Boungoul (Aouk) et situé à 14 kilomètres environ de Fort-Archambault, en aval. En cet endroit, les tables ont une épaisseur de 3m,60 environ, et reposent sur une couche sablonneuse compacte, formée par l’agglutination de grains de quartz liés par une pâte assez solide. A la hauteur des confluents du Bahr el Azreg et du Bahr Sara, et sur un parcours d’une dizaine de kilomètres on observe sur la rive gauche (à 5 ou 6 kilomètres du fleuve ?), un plateau surélevé d’une vingtaine de mètres, qui se prolonge d’un côté vers Daï, et de l’autre vers les Niellims. Les roches qui le constituent n’arrivent point jusqu’au lit de la rivière. C’est près du confluent de la première branche, la plus méridionale, du Bahr Salamat (Ba Goulfé, Ba Di, Ba Ko, Ba So, Ba Tanako[165], des indigènes) que de nouvelles roches font leur apparition sur la rive droite. Un gros bloc de grès horizontal, long de 50 mètres, large de 15 à 30 mètres, et haut de 15 à 20 mètres, se trouve à un kilomètre du lit principal, à proximité de la limite des eaux aux hautes crues. Des rochers semblables existeraient çà et là, dans la brousse, aux environs. Puis, à quelques centaines de mètres, en aval, commencent à apparaître, dans le lit même du fleuve, et sur les bords de gros blocs arrondis de granite dont la surface est noircie et comme vernissée par le bioxyde de manganèse. Ces rochers forment un barrage, non continu, près du confluent du bras principal du Bahr Salamat et du Chari. Deux ou trois kilomètres plus loin, on retrouve des blocs semblables, formant une chaîne qui va d’une rive à l’autre et alignée O. 25° N. A partir du confluent du Bahr Salamat on aperçoit beaucoup mieux sur la rive gauche le plateau déjà cité. [Illustration : FIG. 49. — Une danse des Kabas.] _Les confluents._ — Sur la rive droite, à 3km.,500 en aval de Fort- Archambault, il existe un petit bras peu important du Boungoul ou Ba Karé[166]. A 11 kilomètres on coupe le bras principal actuel dont le lit est large de 400 mètres environ, mais il est en grande partie ensablé, l’eau n’en occupe que 40 mètres de large et n’a qu’une profondeur au gué de 0m,40. Un autre bras se trouve à 5km.,500 plus loin, c’est le Dio dont le lit est large de 50 mètres. Tantôt l’eau occupe toute la largeur du lit, tantôt elle se réduit à un filet de 3 ou 4 mètres de largeur ayant à peine 0m,30 de profondeur ; le courant est insensible. Le marigot de Bambara dont le confluent est situé à 40 kilomètres environ de Fort-Archambault en amont, que les laptots considèrent comme communiquant avec le Boungoul ou Ba Karé, ne constituerait pas un bras de cette rivière d’après DECORSE. Le Bahr Salamat atteint le Chari à 50 kilomètres à vol d’oiseau en aval de Fort-Archambault. Le delta se compose de plusieurs bras en grande partie ensablés. Le plus important a une centaine de mètres de largeur et se divise en deux à quelques centaines de mètres du Chari, ses berges ont de 3 à 4 mètres de haut. Le lit ne contient en mai que des flaques d’eau et des prairies de bourgou. A 6 kilomètres en aval se trouve un autre bras mais moins important que le précédent. A 6 kilomètres sur la rive gauche le fleuve reçoit successivement le Bahr el Azreg et le Bahr Sara. Ce sont des rivières distinctes. Le Bahr Sara est, de l’avis de tous, plus important que la rivière des Kabas[167] (Bahr el Abiod ou Bamingui). L’Azreg et le Bahr Sara ont leur confluent situé à 15 ou 18 kilomètres environ en aval de Fort-Archambault. A ce confluent leurs lits se confondent, étant séparés seulement par une grande plaine marécageuse, recouverte d’eau pendant les crues, et sillonnée en temps ordinaire de nombreux canaux anastomosés. III. — EXCURSION A L’OUEST DU CHARI _Les Niellims._ — Le jour même de notre passage à gué du Chari (27 mai) nous arrivions chez les Niellims, qui, autrefois, habitaient un petit massif granitique[168] longeant la rive gauche du fleuve, jusqu’au confluent du Bahr-Salamat, où se trouve une importante agglomération, résidence du chef Gaye. Ce dernier il y a quelque temps vint s’établir à Fort-Archambault, à quelques centaines de mètres seulement en aval du poste, emmenant avec lui une partie de la tribu. L’autre partie est restée sur l’emplacement granitique ou dans le voisinage de cet emplacement. Les cultures des Niellims sont le _Sorgho_, variété à grain rouge qui n’est guère employé que pour faire le Pipi ou Mérissa (Bière de mil). Le petit mil (_penicillaria_) qui est le plus usité pour l’alimentation, l’arachide, les haricots que l’on vient de semer (26 mai), le pois de terre (_Voandezeia_) et des courges diverses. La paille d’arachide est ici recueillie et utilisée pour la nourriture des chevaux. La seule espèce de coton que j’aie remarquée est le _Gossypium herbaceum_. On tisse peu. La plupart des hommes n’ont pour tout vêtement qu’un tablier confectionné avec une peau d’animal dont le poil a été conservé. Ce tablier se porte par derrière et ne couvre que les fesses. Les femmes sont, ou complètement nues ou portent un pagne très étroit formé d’une bande d’étoffe grossière. Pour les hommes et les femmes il en est de même dans toute la région. On rencontre très peu de tissus d’origine européenne. Le principal commerce de la tribu qui habite l’emplacement granitique consiste dans la fabrication et la vente de meules en granite pour broyer le mil, de mortiers, d’enclumes et de pilons pour forger le fer. Ces objets se répandent jusque chez les Saras de l’E. dont nous parlerons plus loin, et à Simmé, agglomération, située à 90 kilomètres E.-S.E. environ à vol d’oiseau des Niellims, nous avons vu un superbe atelier de forgeron appartenant au chef Nagué dont les enclumes et les pilons à forger provenaient des Niellims. Je laisse maintenant la parole au Dr DECORSE[169]. Rien qu’à voir leur village, on devine que les Niellims sont déjà plus policés que leurs voisins. Mais Gaye, leur chef, n’hésite jamais, paraît-il, à faire sauter une tête et même plusieurs au besoin. Mahomet est passé par là, il y a déjà de l’ordre. Chacun ne va plus s’installer à sa guise. On se groupe plus étroitement et l’aspect général y gagne. Ce qui frappe le plus, c’est le soin des gens pour s’isoler chez eux. Comme ils vivent beaucoup plus les uns sur les autres que chez les Bandas, ils ont imaginé d’entourer leurs cases, non seulement d’un paravent circulaire, mais la plupart des habitations sont elles-mêmes placées dans une cour fermée par un secco tressé, haut souvent de 2 mètres. Les cases sont rondes, jolies et bien faites. Elles ont au minimum 3 mètres au pignon, autant de diamètre, une muraille en secco de 1m,30 de haut, une toiture en paille dont la forme affecte une forme ogivale. Pour les construire, on commence par le toit, on tresse d’abord une forme en rubans de grosse paille, qu’on renforce intérieurement avec deux ou trois rouleaux d’herbe en cercles concentriques. Par dessus cette première carcasse, on établit une armature en tiges très légères d’une sorte de jute que les indigènes appellent « dji ». Cette membrure sert à fixer le chaume, bien imbriqué, qui s’appelle « tiani ». Du pignon jusqu’au tiers de la pente, on tresse souvent le chaume de façon à faire un chapeau bien étanche, appelé « bit ». La toiture achevée, on plante en terre un cercle de fourches dépassant le sol de 1m,30 environ, sur la place même où va s’élever l’habitation. On soulève alors le toit tout d’une pièce et on l’installe sur les fourches où il tiendra par son propre poids. Il ne reste qu’à tresser, en guise de muraille, un paillasson grossier qui fera tout le tour en laissant une porte large de 50 à 60 centimètres. Un store appelé « farfar » la fermera. Cette case est protégée contre les regards indiscrets par une clôture qui ménage autour d’elle un petit couloir dont l’entrée ne coïncide pas avec celle de la case, c’est le « sara ». Si la famille a besoin de plusieurs cases, un sara les englobera toutes, en circonscrivant une grande cour intérieure ; on trouvera là des cases à captifs, une case à cuisine, ainsi que les « daôlô », paniers à mil en paille tressée, de forme quadrangulaire arrondie, recouverts d’un toit conique en paille appelé « oûli ». Ces greniers sont montés sur de grossières plates-formes carrées en rondins, élevées sur des pieux de 50 centimètres à 2 mètres. Ce nom de sara m’étonne, car c’est ainsi qu’on désigne généralement tous les gens, sans exception, qui habitent ces régions depuis le Logone à l’O. jusqu’aux frontières ouaddaïennes. Comme à l’habitude, le mobilier n’est pas riche. En général, on ne trouve qu’un lit placé au milieu de la case, dont il occupe presque tout le diamètre. Il se compose simplement de baguettes de bois sur un cadre perché à plus d’un mètre du sol. Pour monter dessus, il faut un marchepied, escabeau mobile, ou fourche plantée en terre. Sous le lit même, un foyer. Dans l’endroit où l’on fait la cuisine, des marmites de terre à fonds arrondis, des écuelles également en terre, des trépieds en bois fixés dans le sol, de gros chenêts en argile pour remplacer les pierres trop rares dans le pays. Même chez les plus pauvres, on trouve une jarre énorme pour la confection du pipi, et une autre plus petite pour y mettre le synonyme ; mais on laisse celle-ci à l’extérieur ; on l’enterre jusqu’au goulot et on perce le fond ! c’est le « toulou- sala », autrement dit un urinoir pour dames. Je ne parle pas des calebasses, des paniers et des débris de toute sorte de choses, il y a des « ngier » en paille, petites passoires à pipi en forme de bonnets de coton ; des « labri », paniers, à mettre le poisson, qui ressemblent aux nôtres ; des espèces de nasses appelées « niâr », des houes, des mortiers, des pilons, des filets. On trouve aussi des victuailles et des condiments : de l’huile de karité, des chapelets de tomates sèches, des grains de dier, espèce d’hibiscus, de l’amoâni, sorte de levûre tirée du mil qui sert à fabriquer le pipi ; de l’écorce d’un arbre appelé hoûma, elle se met dans la soupe quand on l’a débarrassée de son épiderme. Je suis obligé de m’arrêter, car j’en aurais jusqu’à demain si je voulais continuer mes inventaires. [Illustration : FIG. 50. — Etablissements de cultivateurs Saras et champs préparés en sillons.] Komé est le premier village Ndamm que nous rencontrons sur notre route. Les habitants sont tributaires des Niellims. Si le village ne compte aujourd’hui que 45 cases, il fut jadis beaucoup plus important, à en juger par les anciennes cultures envahies par la brousse. Le mil et les chèvres manquent ou sont rares : l’agriculture paraît délaissée. C’est que le travail et le commerce du fer absorbent toute l’activité des habitants. Toutefois, il n’y a actuellement qu’une seule fonderie debout, tandis qu’autrefois l’extraction du fer eut une importance capitale. Des rochers des Niellims à Komé, toute la brousse est jalonnée de scories, et le village actuel est entouré d’une épaisse enceinte de scories dont les tas atteignent jusqu’à 30 mètres de diamètre et 10 mètres de hauteur. J’évalue à 50,000 mètres cubes la dimension de l’ensemble, ce qui suppose une exploitation très active pendant plusieurs siècles. Si même on réfléchit que le fer n’est employé en Afrique centrale qu’à la fabrication des couteaux, des pointes de flèches et de sagaies, et de quelques instruments agricoles, on demeure étonné de la quantité prodigieuse d’armes qui sont sorties de ces fonderies[170]. Le minerai employé est une sorte de limonite qu’on recueille dans la roche ferrugineuse, dite latérite, à la surface du sol. Les indigènes nous ont caché l’emplacement de ces gisements, mais je suis persuadé qu’il y en a partout dans la plaine où affleure la latérite. Une partie des habitants ont, devant leur demeure, un petit monceau de minerai et un peu de charbon (probablement de cailcédrat) et il est probable qu’ils fondent au fur et à mesure le fer dont ils ont besoin. Komé (les indigènes disent Koum) est entouré d’un massif de très beaux bambous, dont les chaumes sont actuellement chargés d’inflorescences sphériques portant des graines mûres qu’on substitue au mil dans l’alimentation. Quelques beaux arbres ombragent les cases du village, les plus grands sont des _Anogeissus leiocarpus_, des _Sterculia tomentosa_, deux ou trois espèces de _Ficus_, des _Acacia_. Dans la brousse environnante, il y a en quantité des _Parkia_ et des _Butyrospermum_ (Karité), chargés de fruits, mais leur maturation est fort en retard sur les régions du S.[171]. J’ai remarqué que, depuis les Niellims jusqu’à Komé, la flore avait changé d’aspect. Aux essences des plaines basses s’est substituée la végétation des terrains pierreux et secs. La brousse est épaisse, les plantes à rhizome et à bulbes en ce moment ont réapparu et je revois ici presque toutes les espèces du Kouti. De même les bambous, les _Daniella_, les _Vitex_, et maintes autres essences du Soudan méridional, se retrouvent, alors que les arbustes des bords du Chari font totalement défaut. Nous ne sommes pourtant pas à plus de 10 ou 15 mètres au-dessus du fleuve ; j’attribue ce changement dans la végétation, non à l’altitude, mais à la présence des roches ferrugineuses et des graviers granitiques. La végétation est en retard d’un mois et demi sur Ndellé. Les Liliacées ouvrent à peine leurs premières fleurs et le petit gazon, qui suit les pluies, commence seulement à pousser[172]. Les tornades deviennent plus rares ; depuis le départ de Fort-Archambault nous n’avons pas eu de pluie ; les 30 et 31 mai, il a seulement tonné. Aussi l’eau est-elle rare à Komé. On la retire d’un puits situé à 1 kilomètre à l’E. du village. Ce puits, creusé dans une argile grisâtre, est profond de 8 mètres et l’eau vient actuellement à 7 mètres au-dessous de la surface. [Illustration : FIG. 51. — Jeunes enfants emmenés en esclavage et délivrés par M. l’Administrateur BRUEL.] A 5 ou 6 kilomètres du village, j’ai remarqué une dépression que les Ndamms nomment Pargoro. En ce point, elle était large de 50 mètres en moyenne, elle s’unissait à des culs-de-sac vers l’E. Le fond est argileux, couvert d’herbes qui commencent à pousser. Il n’y a pas de berges, à proprement parler, mais le sol gazonné s’abaisse insensiblement au niveau de la dépression, jusqu’à 1 mètre ou 1m,50 en contrebas de la plaine ; sur les rives, des bambous, de grands _Vitex_ et des _Daniella_, quelques hautes termitières indiquent que le sol est humecté, sinon inondé au milieu de l’hivernage. Cependant je n’y ai pas trouvé d’eau, ni même les traces laissées par les éléphants aux lieux où ils viennent s’abreuver ; il y a seulement des empreintes d’antilopes qui feraient croire à l’existence de flaques d’eau aux environs. La direction de cette dépression, là où je l’ai traversée, était S. 20° O.-N., 20° E. ; mais elle doit dévier à peu de distance puisqu’on m’a dit qu’elle allait, d’une part, vers Potom, situé au S.-S.E., et Koutou ; d’autre part, vers Moul, situé au O.-N.O. _Palem._ — Le but que j’ai poursuivi en entreprenant le voyage Niellim- Goundi-Daï-Bahr Sara était non seulement de vérifier les hypothèses émises par NACHTIGAL sur le régime hydrographique des marais de ces pays, d’étudier l’importance orographique et la constitution géologique des monts Niellims, mais j’ai tenu aussi à rattacher les itinéraires de la Mission Chari-Lac Tchad à ceux de NACHTIGAL et de MAISTRE. Palem était particulièrement séduisant pour cette jonction. C’est en effet le point extrême vers le S. atteint en 1872 par NACHTIGAL, lorsqu’il accompagna Abou Sekkin dans son expédition chez les Toummoks[173]. C’est là enfin, qu’en 1892, la mission MAISTRE, partie du S., rattacha son itinéraire à celui de l’illustre explorateur allemand. Au cours de ce pèlerinage, j’ai pu d’ailleurs, non seulement vérifier la sincérité des renseignements donnés par les deux voyageurs qui nous ont précédé chez les Toummoks, mais noter quelques faits scientifiques nouveaux. C’est l’apanage du naturaliste de glaner toujours des faits nouveaux, même derrière les explorateurs les plus consciencieux. La distance de Goundi à Palem est de 8 à 10 kilomètres environ ; la route se fait en 2 heures de marche. On croise la dépression du Ba Illi à mi-chemin environ. Nous reviendrons plus loin sur cette dépression. De Goundi au Ba Illi (4 ou 5 kilomètres), le sentier serpente à travers la plaine cultivée. Les grands arbres, _Ficus_, _Parkia_, Tamariniers, Karités se mêlent à quelques palmiers (_Borassus_, _Hyphæne_) pour ombrager les champs et leur donner l’aspect de magnifiques vergers. On se croirait au Soudan nigérien, dans la région comprise entre Bobo Dioulasso et San. Le sorgho a été déjà ensemencé en grande partie, et les jeunes pieds, au nombre de 3 ou 5 par groupe, élèvent leurs feuilles de 5 à 8 centimètres du sol. Des haricots (_Vigna_) semés en dehors du mil ont déjà germé et étalent leurs premières feuilles. Hier et aujourd’hui, j’ai constaté que les terres cultivées autour de Goundi s’étendent sur 5 à 6 kilomètres de rayon, ce qui représenterait, en en déduisant les terrains occupés par les emplacements habités, environ 6.000 hectares. Mais on ne peut guère compter plus du tiers ensemencé chaque année, le reste étant en jachères ou en petite brousse qui ne sera détruite que dans quelques années. Il resterait encore 2000 hectares de terrain cultivé. Cela n’a rien d’exagéré, puisqu’il est établi par ailleurs que la population de Goundi est de 2000 à 3000 habitants. Après le passage du Ba Illi, il reste encore 6 kilomètres pour atteindre Palem. Le terrain demeure plat, mais devient plus boisé. Les palmiers paraissent de plus en plus fréquents. Sur la route, nous croisons une quinzaine de femmes qui portent les fruits du Deleb au marché de Goundi. Elles y ont joint quelques gousses de _Parkia_ et des fruits de _Balanites_. Les Karités (_Butyrospermum_) sont chargés de fruits qui ne sont pas encore mûrs. [Illustration : FIG. 52. — Femmes Saras préparant le sol pour les semis.] Palem a été autrefois bien plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. La brousse a reconquis de grands espaces depuis une quinzaine d’années. Le sol constitué par une terre beaucoup plus argileuse que sablonneuse, à l’inverse des bords du Chari, semble fertile. Une foule de petites plantes annuelles couvre déjà le sol de bourgeons et la brousse est jonchée de grosses touffes vertes de graminées à souche vivace qui repoussent en ce moment. La plus commune est un grand _Andropogon_ à larges feuilles molles couvertes de poils blancs, les chevaux en sont très friands. Après m’avoir conduit à l’arbre où s’arrêta MAISTRE, les gens du village m’accompagnent jusqu’à la demeure du chef, et c’est à l’ombre d’un grand _Ficus_ Kobo où ont couché précédemment NACHTIGAL, les quatre blancs de la mission MAISTRE, enfin le capitaine PARAIRE en 1901, que je me suis moi-même installé, et c’est là que le chef vient me saluer. La conversation s’engage aussitôt sur ceux qui m’ont précédé. La plupart des gens qui étaient là à l’époque du passage de NACHTIGAL sont morts ; un vieux se souvient cependant du blanc qui accompagna autrefois le sultan du Baguirmi. MAISTRE a laissé un souvenir un peu plus vivace. Il avait de nombreux sénégalais et les habitants qui, pour la plupart, voyaient des blancs pour la première fois, lui firent le meilleur accueil qu’ils purent. Le chef qui l’avait reçu est mort depuis plusieurs années ; son fils lui a succédé. Enfin le voyage tout récent du capitaine PARAIRE est encore mieux connu. On s’excuse de ne pouvoir me faire des cadeaux aussi importants qu’à lui, « mais le village est pauvre en ce moment ». J’étonne d’ailleurs ces braves gens en leur remettant le cabri qu’ils m’ont donné. Depuis quelques jours, nous sommes comblés de victuailles et c’est vraiment inutile de s’encombrer de provisions. C’est une fois de plus l’occasion de constater que les pays sont assez riches en ressources indigènes, là où les Européens ne passent point d’ordinaire. Les habitants sont des Toummoks. On m’apprend d’ailleurs que Niellims, Ndamms, Toummoks, Miltous, ne font qu’un, comme les Saras, ils n’ont d’autres vêtements que le tablier de cuir ; les cheveux sont généralement coupés ras. Parfois, quelques grisgris autour du cou, toujours le couteau de jet sur l’épaule. J’évalue la population de Palem de 800 à 1.200 habitants. Les tapades renferment de une à cinq cases et ne sont point aussi dispersées que dans la plaine de Goundi, mais distantes seulement d’une trentaine de mètres en général. La plupart sont réunies dans une vaste enceinte, sorte de tata rudimentaire, constitué par une levée de terre glaise, haute de 0m,50 à 1 mètre, bordée en dehors par un fossé large, mais peu profond. L’intérieur de l’enceinte mesure de 4 à 500 mètres de diamètre. Le village ne paraît point manquer de cabris, de volailles, de mil, d’arachides. J’ai compté une quinzaine de chevaux, il peut y en avoir une trentaine. Il reste encore du mil, quoique l’ensemencement soit à peu près terminé, et on en emploie beaucoup pour faire le mérissa (bière de mil). A cette époque de l’année, les fruits du Déleb sont consommés en quantité par les habitants. On compte environ 10.000 _Borassus_ dans le village ou ses environs, et chacun peut fournir 50 fruits en moyenne, de la grosseur du poing ; les _Doum_ sont aussi assez communs, mais en dehors du village, sur la route de Goundi[174]. [Illustration : FIG. 53. — Cultivateur sara et sa petite fille mettant la semence en terre.] _Région de Goundi-Koumara (Goumbra), Dai_ (2-6 juin). — C’est le pays des Saras traversé par MAISTRE en 1892. Il contraste avec tout ce que j’ai vu jusqu’à présent au Chari par la grande extension des cultures, la densité de la population, le confort de l’existence. On peut dire que de Morom à Koumara la contrée n’est qu’un vaste champ-verger parfaitement entretenu. On n’y voit en friches que de petits espaces couverts d’une brousse naine qui provient du reboisement naturel des terres précédemment défrichées. D’après des calculs très approximatifs, j’évalue la population de la contrée de la manière suivante : Morom 400 à 600 Goundi 2.000 2.500 Palem 1.200 1.500 Bodomton 400 600 Gangara 800 1.000 Dobo 600 800 Nara 1.000 1.200 Koumara 3.000 4.000 Ngabo 1.000 1.200 Saada 800 1.000 Sané 500 600 Daï 2.000 3.000 ------ ------ 13.700 à 18.000 A Morom les habitants sont encore des Ndamms, ce sont des Toummoks à Goundi et à Palem ; des Goullei, à Gangara ; enfin des Saras depuis Nara jusqu’à Daï. Robustes, bien bâties, bien proportionnées, ces diverses fractions constituent l’une des belles races de l’Afrique centrale, sans cependant présenter autant d’hercules qu’on en trouve chez les Kabas ou les Niellims. Toutes ces tribus paraissent bien appartenir à une seule famille ethnique, dans laquelle les dissensions ont amené les scissions qu’on observe, scissions produites à une époque reculée puisque chaque groupe a aujourd’hui un dialecte spécial et nie sa parenté avec les autres. Depuis longtemps les Baguirmiens font des incursions dans ce pays et y commettent des pillages et des vols plutôt que des razzias organisées. Le sultan Gaourang lui-même, considéré comme le suzerain du pays, y fait prendre des chevaux, de l’ivoire, des esclaves. Ses hommes y apportent un peu d’étoffe (les chefs Saras ont le grand manteau en guinée bleue des Arabes), quelques perles, venues par Tripoli, des bracelets en cuivre. Aux chefs les plus importants (celui de Goundi par exemple), ils donnent, avec les fusils (cédés par M. GENTIL à Gaourang) de la poudre et des capsules. Gaourang entretient des résidents auprès des chefs. Des commerçants baguirmiens circulent fréquemment dans le pays, quelques-uns sont installés à demeure dans les villages les plus importants. Une petite race de chevaux provenant de la région du Logone se trouve dans le pays, on en compte une soixantaine à Goundi, 30 à Palem, quelques-uns dans les autres villages ; quelques baudets-porteurs. DECORSE a vu deux bœufs à Goundi. Une belle race de moutons existe dans la contrée, ils ont les poils lisses et courts, ou un peu crépus et très longs ; différente du mouton du Dar Sila. Le chien des Saras est petit, à pelage ras, souvent rouge, parfois bigarré de blanc, à grandes oreilles dressées, toujours à museau allongé, à corps moyen, étique, jappant beaucoup plus qu’il n’aboie, très effronté quand il a faim et rôdant constamment la nuit dans le camp et jusque sous nos tentes, mais peureux et s’enfuyant au moindre mouvement, en aboyant. Le cabri appartient à la race habituelle d’Afrique centrale, race naine, basse sur pattes, à pelage fréquemment noir, également très hardi, rôde à la façon des chiens autour des habitations. [Illustration : FIG. 54. — Champ de mil et de haricots au commencement de la saison des pluies.] _Le Ba Illi à Palem._ — C’est une grande trouée dans la brousse, complètement dégarnie d’arbres et d’arbustes, alignée N.N.E.-S.S.O. et se poursuivant dans les deux directions jusqu’à la limite de l’horizon. Elle est en contre-bas de 1 mètre à peine sur le terrain environnant et s’étend sur une largeur de 800 à 1.200 mètres. Vers le milieu existe une déclivité un peu plus profonde, large d’une cinquantaine de mètres, encore remplie d’herbes aquatiques. Cette partie déclive, en contre-bas de 0m,30 à 0m50 sur le marais proprement dit, constitue le chenal du Ba Illi, dont le lit est couvert d’un sable blanc très fin. Les passants ont creusé au milieu du lit des trous, sortes de puits, pour y puiser de l’eau. Actuellement l’eau affleure à 1 mètre seulement du niveau du fond du lit[175]. Ce chenal est appelé par les gens de Palem, Belaha (on avait dit Belala à Komé). En somme, c’est une trouée en grande partie rectiligne et je ne doute point pour ma part que ce ne soit une vieille branche ensablée du Bahr Sara ne jouant plus le rôle d’affluent pour cette rivière qu’à de longs intervalles. Elle se transforme seulement en marais à la fin de la saison des pluies par suite de l’apport par infiltration du trop-plein du Chari et du Bahr Sara et peut-être aussi par suite de l’emmagasinement des eaux de pluies tombées dans la plaine environnante. Ces eaux de pluies doivent cependant jouer un faible rôle dans la contrée. On sait qu’au Cayor (Sénégal), où la quantité de pluies annuelles n’est pas bien inférieure, il ne se constitue aucune mare d’hivernage en saison des pluies : le soleil et le sable boivent tout. Le Ba Illi a en réalité un régime tout à fait analogue au marigot de Mérinaghen au Sénégal, que l’on suppose avoir fait communiquer le Sénégal au Saloum, mais qui est aujourd’hui constamment à sec. Les personnes âgées de Palem se souviennent avoir vu le Belaha rouler de telles quantités d’eau à certains moments de l’hivernage que les communications avec Goundi étaient suspendues et ceux qui se seraient risqués à passer l’eau auraient probablement été engloutis. Je ne doute point qu’il n’y ait eu depuis cette époque de nouveaux apports de sable et que le canal n’ait été en grande partie comblé. _Le Ba Illi près de Saada[176]._ — A 4 kilomètres environ de Saada, le sol meuble devient plus compact ; il est formé d’une argile jaune, mêlée et surmontée de cailloutis ferrugineux. Par une pente faible on descend de 3 mètres environ et on se trouve dans une dépression (peuplée d’arbres et d’arbustes) alignée N.-S., et large de 50 mètres environ. Au milieu, le fond, large de 30 mètres environ, est sablonneux, sans végétation aquatique et je doute qu’il y ait jamais eu là un cours d’eau permanent. Le bord de la dépression, du côté E., est surélevé d’une façon presque abrupte de 7 à 8 mètres et c’est en montant ensuite insensiblement qu’on arrive au sommet du plateau boisé qui, vu de Saada, donne l’illusion d’une colline, dont les crêtes bleues semblent assez élevées. En fait elles ne dominent le pays environnant que de 15 à 20 mètres à peine. [Illustration : FIG. 55 — Cucurbitacée recouvrant une case de son feuillage.] _Le Ba Bo._ — Le Ba Bo (Ba Baï ou Bahr Nam) ferait communiquer le Bahr Sara et le Logone ; les indigènes affirment qu’à la saison des pluies il est possible d’aller en pirogue de l’une à l’autre rivière[177]. Je l’ai atteint à 4 kilomètres au S. de Daï. Il se trouve au milieu d’une plaine nue, large de 1 à 2 kilomètres ; à 100 ou 150 mètres du bord commence la végétation arbustive que signalent quelques _Hyphæne_. Là où je le vis, il décrit une courbe très accentuée, allant de S. 30° O. à E. 15° S.[178]. Au point où les gens de Daï viennent pêcher, il a 50 mètres de large, mais en aval et en amont, il n’en a pas plus d’une trentaine. Sa profondeur actuelle (7 juin) est de 0m,50 à 1m,50, on nous dit qu’il y a des profondeurs de 1m,50 au milieu. On y circule en pirogues. Le courant est absolument insensible, et je me demande si ce ne serait pas un simple diverticule du Bahr Sara. _Le Bahr Sara._ — Nous l’avons traversé à 12 kilomètres à l’E. de Daï et à 2 kilomètres de Balmane. Le plateau de limon rouge, qui s’aperçoit des Niellims, le domine de 8 à 12 mètres. En haut, il y a encore des _Hyphæne_ et des _Acacia albida_ qui sont là à leur limite S. Le fleuve vient sensiblement du S.-O. et file N.-E. en décrivant une courbe très prononcée. Sur la rive gauche, la plus basse, est installé le village pêcheur Hora de Gadia ; fort pauvre, il ne comprend qu’une trentaine de cases, pour une population d’une vingtaine d’adultes. Le lit mesure à cet endroit, 200 mètres de large ; un peu en amont, il n’a que 150 mètres. De ce côté, il est bordé de bancs de sable sur une largeur de 800 mètres à 1 kilomètre, que séparent des dépressions marécageuses, des canaux à Bourgou. Dans le chenal principal, l’eau est profonde de plusieurs mètres ; nous la passons en pirogue, les chevaux nagent, tenus en laisse à l’arrière. Le courant a une vitesse modérée. Au delà de la berge escarpée de la rive droite, entaillée de 6 à 8 mètres dans une argile mêlée de sable, s’étend une grande plaine nue, bordée de termitières sur sa lisière. Sur quelques-unes de ces termitières éboulées se trouve le _Landolphia florida_ dont les fruits sont actuellement mûrs (8 juin). Il est ici à sa limite septentrionale. Les termitières constituent une station végétale très spéciale. Habiles architectes, les termites ont élevé dans toutes les plaines basses et le long de toutes les dépressions des constructions en dôme ayant parfois 10 à 12 mètres de diamètre et 2 à 8 mètres de hauteur. Beaucoup ne sont plus habitées, depuis des siècles sans doute, si on en juge par la vétusté des arbres qui ont poussé à leur sommet, mais leur solidité est telle qu’elles ont résisté et résisteront presque indéfiniment à la désagrégation. Ces monticules ne sont pas seulement un refuge pour les insectes, plusieurs petits mammifères s’y établissent à demeure, mais c’est la végétation surtout qui s’est adaptée à ce genre de station. Une trentaine d’espèces végétales, en particulier le Tamarinier, le _Diospyros_, les _Sanseviera_, 4 ou 5 espèces de Capparidées qui, sur les plateaux, évitent les sols humides, sont cependant descendues dans la plaine marécageuse, mais elles vivent exclusivement sur les termitières, hors des atteintes de l’inondation. La flore de la plaine marécageuse est excessivement pauvre ; elle se compose exclusivement de deux ou trois _Andropogon_, deux _Panicum_, quelques Cypéracées disséminés à travers des Graminées, enfin le _Nauclea inermis_ constitue à peu près la seule espèce ligneuse venant dans ces savanes ; encore ses touffes sont-elles fort espacées. _Bahr el Azreg._ — On le passe en pirogues près du village de Balimba. Entre des rives très boisées, à demi marécageuses, son lit, large de 30 à 45 mètres, a plusieurs mètres de profondeur[179]. Au delà, presque jusqu’à Fort-Archambault, s’étend une plaine basse, coupée de canaux, à Bourgou. A certaines époques, l’eau du Bahr el Abiod y pénètre et le remplit, elle s’accumule ainsi dans des séries de marais ; quand il y a trop plein, elle se déverse dans l’Abiod et établit ainsi un faux courant[180]. [Note 161 : Parfois, comme à Kérem, ces roches sont situées au bord même d’un ancien grand fleuve. Le courant a poli la pierre, creusé des godets et fait disparaître toutes les saillies qu’il a arrondies.] [Note 162 : Il est cependant parfois recouvert de sables ferrugineux stériles.] [Note 163 : NACHTIGAL, II, p. 738.] [Note 164 : G. BRUEL, _Renseignements coloniaux_, 1905, p. 372. Voir p. 373 le graphique des crues du Logone et du Chari, qui ne résume, il est vrai, que les données de quelques mois d’observations en 1903 et 1904.] [Note 165 : Tanako, chef des Goulfés récemment décédé lors du passage de la mission. La traduction de Ba Tanako est Rivière de Tanako (rivière qui passe chez Tanako).] [Note 166 : Ba Karé signifie rivière de Karé ou rivière qui passe à Karé. Le Boungoul se nomme aussi Ba Keita.] [Note 167 : Les Kabas ont des villages le long du Bamingui en amont de Fort-Archambault.] [Note 168 : Ce massif a été nommé « Monts de Niellim ».] [Note 169 : _Du Congo au Lac Tchad_, pp. 95 à 98.] [Note 170 : On emploie d’ailleurs chez les Saras, d’après M. DECORSE, de petits couteaux inutilisables qui constituent une véritable monnaie d’échange. Une monnaie semblable existe dans la région de Beyla, au Soudan (Guerzès).] [Note 171 : On commence seulement à récolter les gousses de _Parkia_ et les fruits du Karité sont loin d’être mûrs.] [Note 172 : La chenille qui dévaste les plaines du Bangoran n’apparaît pas dans cette région.] [Note 173 : G. NACHTIGAL, II, ch. VI, p. 646 et suivantes.] [Note 174 : Ce palmier est probablement ici à sa limite S. ainsi que les _Balanites_ et _Acacia albida_ dont il existe quelques pieds. Le Fromager (_Eriodendron_) est au contraire à sa limite N.] [Note 175 : Les Bambaras nomment _dingas_ ces sortes de puits dans le sable et les grandes trouées marécageuses sans arbres se nomment _dalas_ (_mar_ en ouolof).] [Note 176 : Saada est situé à 8 kilomètres environ à l’O. de Daï.] [Note 177 : C’est aussi l’opinion qu’adopte comme vraisemblable M. BRUEL après une discussion très serrée des témoignages de MAISTRE, LŒFLER et FAURE. (BRUEL, _Renseignements coloniaux_, 1905, no 10, p. 370-372.)] [Note 178 : Il est accompagné sur la rive voisine de Daï d’un marigot large de 15 mètres, plein d’herbes aquatiques et contenant déjà une assez grande quantité d’eau.] [Note 179 : D’après le capitaine PARAIRE, il aurait 5 mètres de profondeur (18 juillet 1901).] [Note 180 : M. ANTONY a remonté cette rivière qui se termine en cul-de- sac, jusqu’à une quarantaine de kilomètres.] CHAPITRE XI LE LAC IRO I. Généralités. — II. En route pour le lac. — III. Pays des Goulfés ou Koulfés. — IV. Autour du lac. — V. Chez les Saras de l’E. et retour chez les Koulfés. * * * * * I. — GÉNÉRALITÉS Dans la zone des grandes plaines du Chari central comprises entre la 9e et la 11e parallèle, la sécheresse sévit pendant des mois ; on ne trouve plus d’eau à partir de février jusqu’en juin que dans le Boungoul ou Aouk et le Bangoran. Le lit du Bahr Salamat est presque partout à sec et conserve de l’eau en permanence seulement en certains endroits parfois assez profonds pour que les hippopotames y demeurent toute l’année. Des flaques d’eau plus ou moins analogues, et plus ou moins étendues existent aussi çà et là en dehors des lits fluviaux. Ce sont des dépressions naturelles, sortes de cuvettes largement évasées sans bord et sans lit précis. Les Djellabah et les Baguirmiens les nomment _rahat_ (_rouhout_, au pluriel) quand elles sont de dimensions modestes, et _Bahr_, appellation appliquée aussi aux grands cours d’eau, quand elles contiennent toute l’année une réserve d’eau importante. Ces _Bahr_ et ces _Rouhout_ sont connus de tous les trafiquants du Baguirmi, du Ouadaï et du Kouti. Pendant plusieurs mois les caravanes doivent s’astreindre à passer à proximité de ces points d’eau où des villages sédentaires sont souvent établis, les peuples pasteurs errants conduisent là leurs troupeaux, lorsque la sécheresse a fait disparaître toute trace de végétation dans les plaines et tari les mares et les ruisseaux des plateaux. Les abords des _Bahr_ et des _Rouhout_ sont encore verdoyants en pleine saison sèche. Au fur et à mesure que la dent des herbivores tond l’herbe, elle repousse. Elles sont fréquentées non seulement par les animaux domestiques, mais encore par un grand nombre de bêtes sauvages. Plusieurs espèces d’antilopes y foisonnent. Le bord de ces cuvettes a un peu l’aspect de nos prairies normandes vues en août et septembre, lorsqu’après la récolte des foins le _regain_ a poussé et couvre les prés, un peu humides, d’un court tapis vert-jaunâtre sans fleurs et sans graminées fructifiées. Le nombre de ces dépressions existant au S. du Baguirmi, du Ouadaï et du Dar Four est très grand. Situées le plus souvent dans de grandes plaines au sol argileux imperméable, presque sans pente, elles recueillent, à la saison des pluies, l’eau tombée dans tous les environs, aucune rivière avec des berges nettes ne draine ces pays. Après chaque pluie, l’eau les recouvre et les transforme en vastes marais ; entre chaque touffe d’herbe, le sol est fangeux et cède sous les pieds. En quelques jours cependant les plaines s’assèchent, soit que l’eau s’écoule suivant les lignes de plus grande pente mais sans cheminer dans un lit vers la dépression principale, soit qu’elle s’évapore de ces multiples petites mares où elle forme des flaques dormantes, ou bien elle se perd en terre. Dans les endroits où la terre est un peu sablonneuse, il s’est creusé un grand nombre de petits entonnoirs larges de quelques décimètres et profonds d’un pied à peine. Mais le sol est souvent miné en dessous et manque de solidité. Rien n’est plus laborieux que d’avancer à cheval sur ces plaines après la pluie. Dans les endroits où la terre est franchement argileuse et couverte d’une mince nappe d’eau, le cheval glisse constamment et risque en tombant de déposer le cavalier dans le bourbier. S’il avance au contraire sur un sol perméable, il s’affaisse presque à chaque pas et risque de s’enliser dans les innombrables fondrières où l’eau s’est engouffrée. Il n’est du reste pas possible de voir le terrain sur lequel on avance, puisque des herbes drues croissent partout en cette saison, qu’il y ait de l’eau ou qu’il n’y en ait pas. C’est encore dans les dépressions où l’eau demeure plusieurs semaines consécutives qu’il est le plus facile d’avancer. L’eau vient souvent jusqu’au poitrail du cheval, mais on marche avec beaucoup plus de sûreté, car le fond est solide. Aux graminées émergeant de l’eau, ont fait place de petites plantes aquatiques flottantes dans lesquelles les pieds de la monture ne risquent pas de s’embarrasser. Il faut cependant avancer avec prudence, car ces marais peuvent conduire à quelque rahat profond de plusieurs mètres. NACHTIGAL a narré les difficultés et le danger de la marche en hivernage dans ces plaines avoisinant le Bahr Salamat (nommé Bahr Korté au S. du Ouadaï) : « Ce ne sont que flaques d’eau et bouillie sans fond... on patauge dans la boue jusqu’aux genoux... les bêtes enfoncent dans le bourbier jusqu’au ventre »[181]. On suit la piste des hippopotames, croyant suivre celle des hommes et on ne manque pas, après une pénible marche qui dure une demi-heure ou plus, de se trouver dans un des séjours préférés de ces amphibies, un grand bourbier caché par l’eau. Cependant, à la saison sèche, le sol est dur et très praticable, surtout dans les endroits qui n’ont pas été piétinés par les éléphants ou les hippopotames. Les pieds de ces animaux en enfonçant dans la boue y ont laissé des empreintes profondes qui entravent la marche même dans la saison où la terre est devenue ferme. C’est dans une contrée semblable à ce pays Mangara dont les mares avaient mis un terme à la tentative d’exploration de NACHTIGAL vers le Kouti que COURTET et moi dûmes cheminer en pleine saison des pluies pour atteindre le fameux lac Iro qui n’était alors connu que par les vagues renseignements recueillis par l’illustre explorateur du Ouadaï. Où NACHTIGAL n’avait pu pénétrer, nous nous obstinâmes à aller. II. — EN ROUTE POUR LE LAC _19 juin._ — Partis fort tard du poste de Fort-Archambault nous passons immédiatement l’Abiod dans une pirogue. Le fleuve est actuellement large de 100 mètres environ et profond de 80 centimètres, la rive gauche escarpée domine le niveau de l’eau de 10 mètres, sur la rive droite au contraire de grands bancs de sables coupés de chenaux s’étendent à perte de vue. L’eau commence à couler dans quelques-uns de ces chenaux et j’observe par places de véritables amas d’_Azolla pinnata_ aux corolles rouges en ce moment et charriées par le fleuve. Un village Horo est installé à proximité de l’Abiod et de ces chenaux, les habitants raccommodent des filets ou se livrent activement à la fabrication d’autres engins de pêche. Les Horos en effet ne cultivent pas ; mais vivent presque exclusivement de la pêche. Les Horo, les Tounia et les Kaba, dit le Dr DECORSE[182], ont quelques engins de pêche un peu particuliers. Aux basses eaux, ils utilisent en outre de la sagaie ordinaire une espèce de foène appelée « onoufo », faite de trois branches de fer, fixées en triangle au bout d’une perche très longue et très légère ; chaque pointe est munie d’une encoche en hameçon. Entre les mains des Horo surtout, cet instrument donne des résultats remarquables. L’indigène jette son arme de la main droite et rattrape de la main gauche l’extrémité de la hampe, sans jamais laisser s’échapper l’instrument, s’il y a beaucoup de fond. Quand les marais s’assèchent ou que les bras de la rivière s’isolent, les indigènes s’en vont par bandes de cinquante ou plus, battre les flaques d’eau laissées sans communication avec le fleuve, dans lesquelles le poisson est bloqué. Hommes, femmes, enfants, tout le monde entre dans l’eau et barbote. Les uns sont armés du panier conique à deux ouvertures, d’autres ont des épuisettes à manche, les hommes manient des troublettes dont la monture en arc de cercle est sous-tendue par une cordelle : ils les enfoncent à plat et les maintiennent sous l’eau avec leurs pieds ; de temps en temps, ils les relèvent brusquement pour voir si un poisson ne s’est pas reposé dessus et laissé prendre. Quelques-uns manient à deux de la même façon de grands filets en bande rectangulaire. Mais, dans cette pêche, attraper le poisson est, au début, la chose accessoire : ce qu’il faut, c’est remuer la vase. Chacun s’y applique à plaisir. Aussi bientôt l’eau n’est-elle plus qu’une dilution de boue dans laquelle le poisson ne peut plus respirer : il remonte à la surface et se laisse capturer facilement. Pendant la baisse des eaux et le début de la crue, les riverains construisent aussi de grands barrages, que les Horo appellent tégahoum. Un tégahoum n’est, en somme, qu’une nasse immense, barrant presque tout un cours d’eau, se compose de petites chambres circulaires, limitées par des claies, accolées deux par deux en ne laissant entre elles qu’un étroit couloir ; leur convexité regarde en amont du courant. En aval, elles ont une porte dont les deux battants tenus ouverts vont presque jusqu’à toucher la cloison diamétralement opposée. Une seconde claie entoure les deux logettes complètement, sauf au niveau du couloir qui les sépare ; cette enceinte a donc sa porte ouverte en amont du courant, et sa convexité vers l’aval ; de ce côté, elle ménage entre elle et les logettes un espace plus ou moins grand. Le poisson qui s’introduit dans ce dédale circule toujours le long de ses parois, entre dans les logettes, et ne peut plus ressortir. Suivant la largeur du cours d’eau à barrer, on construit deux, trois, cinq couples de chambres qu’on réunit par une claie transversale. Les riverains utilisent encore une espèce de tramail qu’ils traînent sans que le bas du filet touche le fond. En somme tous ces engins sont multiples et très bien appropriés à la nature des cours d’eau. Il faut bien remarquer que, pour ces peuplades, la pêche n’est ni un sport ni un plaisir ; c’est au contraire un moyen d’existence quelquefois le principal. Aussi dédaigne-t-on toute prise qui n’est pas d’importance. C’est pourquoi les filets ont tous des mailles énormes et sont confectionnés avec des matériaux très forts. Malgré tout, on trouve de gros poissons assez forts pour les détériorer, sans compter parfois les crocodiles qui se font prendre. Nous avons marché pendant près de 6 kilomètres dans une grande plaine boisée où dominent comme essences le _Trichilia_ et les _Terminalia_. Le sol est argilo-sablonneux souvent coupé de ravins déboisés à fond sablonneux. Dans les dépressions les plus profondes quelques petites mares commencent à se constituer, ailleurs le sol est fendillé ou encore il est miné en dessous et présente de nombreux entonnoirs où s’engouffre l’eau des pluies. Il est certain que nous nous trouvons sur un sol alluvionnaire encore mal fixé, à sol fortement perméable par places, mal tassé et susceptible d’emmagasiner de grandes quantités d’eau pouvant creuser de petits canaux souterrains et déterminant par places des affaissements du sol. Les arbres ont à cette époque leur plus belle parure, la végétation qui a commencé dès mars a donné des pousses couvertes de feuilles en plein développement. Les graminées commencent à reverdir. Les fleurs souvent éclatantes des monocotylédones bulbeuses, _Kaempferia_, _Amorphophallus_, _Lissochilus_, _Hæmanthus_, _Crinum_, _Chlorophytum_, _Anthericum_, émaillent la plaine. Mais le long de l’Abiod et du Boungoul domine surtout l’_Acrospira_ dont les beaux épis de fleurs d’un blanc nivéal couvrent parfois de grands espaces là où le sol devient plus humide, et est formé par une argile blanchâtre. Le Boungoul (ou Ba Keïta), contrairement à ce qu’on pouvait attendre sous cette latitude, est environné d’une _fausse galerie_ épaisse, large de près de 500 mètres sur la rive gauche. Quelques essences d’arbres seulement aux troncs tortueux constituent le fond de la végétation. La Ba Keïta où nous la passons, a un lit large de près de 500 mètres, mais le lit actuel réel où coule l’eau mesure 15 à 20 mètres. La profondeur est de 70 centimètres. Les berges ont à peine, en ce moment, 2 mètres de surélévation. C’est en le côtoyant pendant plus d’une heure que nous sommes parvenus à Solo. Le fleuve a un cours incertain et décrit des méandres très variés comme l’Abiod dans une grande plaine basse que ses eaux — ce n’est pas douteux — ont entièrement recouvert. D’ailleurs de nombreux bras herbeux, ordinairement ensablés à leur entrée, mais libres du côté aval, forment des séries de mares latérales le long de la rivière et emmagasinent certainement de grandes quantités d’eau au moment des crues. Beaucoup de ces mares sont remplies de Bourgou, de nénuphars, de _Jussiæa_, de _Ceratophyllum_. La nappe est en certains endroits recouverte d’un plankton d’un rouge sang. Solo doit son nom au chef de village actuel. C’est un village prospère dont les cases sont disséminées sur un cercle de 2 à 3 kilo mètres de diamètre, et dont les cultures s’étendent bien au-delà de cette zone. Actuellement les ensemencements sont achevés et le _Sorgho_ en certains endroits a 0m,80 de haut. Mélangé au _Sorgho_, se trouvent des courgettes à huile, des niébés (haricots), des arachides, des _Voandzeia_. [Illustration : FIG. 56. — Saras apportant du mil au poste de Fort- Archambault.] Toutes ces plantes ont déjà acquis un magnifique développement et le village a pris un aspect riant qui s’harmonise bien avec sa prospérité. Il n’y a pas de pauvre chez les Kabas. La récolte du premier mil se fera dans deux mois et cependant on a encore assez de grain pour faire de la bière. Les habitants nous font un excellent accueil et le chef nous comble de cadeaux. Nous nous acquittons par des perles, divers bibelots et surtout la viande de deux antilopes tuées par Omar. Cette aubaine remplit de joie les Kabas. Un concert nous est bientôt donné, le balafon du pays donne des accents fort harmonieux malheureusement souvent masqués par les tamtams. En même temps des danses d’un pas léger à mouvements fort élégants s’organisent. C’est la première fois que j’entends chez les noirs une semblable musique et que je vois une danse qui n’a rien de grotesque. Le Ba Keïta coule à 100 mètres de notre campement, sa berge de droite est escarpée de 4 mètres et entaillée çà et là de coupures, sortes de couloirs s’ouvrant brusquement et permettant à l’eau des tornades tombée sur le plateau de se déverser immédiatement dans la rivière. Au départ j’ai constaté que toutes les grandes termitières qui avoisinent le village sont utilisées pour la culture. Elles sont constituées par un sol argilo-sablonneux blanchâtre et ont parfois plus de 15 mètres de diamètre et 6 à 8 mètres de haut. _20 juin._ — Mara Kouio, village de Kabas. Marche de 15 à 18 kilomètres sensiblement dans la direction du N. depuis Solo. Nous avons traversé presque constamment une brousse peu épaisse où dominent les _Trichilia_, les _Terminalia_, et le _Combretum glutinosum_. Très peu de _Parkia_ et seulement quelques pieds très rares de Karité. Aucun palmier. Cette brousse est fréquemment coupée par de grands espaces nus (Firki) au sol argileux fendillé impropre à la culture ou par de grandes prairies dépourvues d’arbres, transformées en marais à la saison des pluies, si l’on en juge par l’abondance des coquilles d’ampullaires qui recouvrent le sol. La plus vaste de ces prairies est située au S. du village de Mara Kouio, on l’appelle _Oulagui_. Ce Firki présente du côté de Solo des bas-fonds dans lesquels on observe encore des barrages de pêche. Au dire du rabiste Mahmadou, l’eau atteindrait à la fin de l’hivernage 1m,20 de haut dans les plus grands fonds et à l’approche du village de Mara Kouio il y aurait seulement 0m,70. D’après les indigènes ce Firki aurait son origine du côté de Mara Bei et se dirigerait vers l’E. se rendant au Chari en passant par Bô[183]. Ce renseignement est toutefois donné d’une façon très dubitative, les indigènes faisant remarquer qu’ils ne l’ont jamais suivi, ce qu’ils savent, c’est qu’il vient de Mara Bei et qu’il va à Bô. On me donne le nom d’autres Firkis voisins : Manga, Kéniéré, Danga, Méré, Kagna, Katja, etc. Le Firki Oulagui a environ 2 kilomètres de large, c’est une grande plaine herbeuse remplie de _Panicum_ et d’_Andropogon_, les chenaux à Bourgou font défaut, en revanche on trouve de nombreuses mares contenant déjà un peu d’eau et bordées de cypéracées. Sur le sol argileux bordant ces mares, on trouve presque toujours le _Crinum pauciflorum_ dont les grandes fleurs blanches veinées de pourpre sont actuellement épanouies ; ailleurs se mêle aux graminées un _Polygala_ à racèmes élevés de plus d’un mètre et à grandes fleurs bleues ou roses. Quelques antilopes pâturent tranquillement dans cette prairie. Le Firki est dominé vers le N. par un plateau élevé de 30 à 60 mètres au plus au-dessus de la plaine, il vient mourir en pente insensible au bord de la dépression et c’est sur cette pente qu’est établi le village habité par des Kabas Maras et je retrouve chez eux, comme à Solo, de belles plantations. Ici la culture est plus avancée. Le _sorgho_ atteint déjà 1 mètre de hauteur en moyenne. J’ai même vu exceptionnellement quelques épis sur le point de sortir. Au contraire le _Penicellaria_ est encore au ras du sol, cette céréale talle énormément avant de monter et une seule touffe peut présenter, dans des conditions favorables, une vingtaine de chaumes. Les femmes ont fait l’ensemencement de leurs jardins situés aux alentours des cases ; sur les tapades grimpent déjà des _Lagenaria_, des _Dioscorea alata_ hauts de plus de 2 mètres. Auprès de beaucoup de cases quelques pieds de Ricin, de Pourghère et de Cotonnier (espèce du Sénégal). Dans les coins favorables on a ensemencé du Tabac qui commence à lever, du Gombo, de l’oseille de Guinée. Les arachides et les Voandzeia sont en fleurs, le _Gynandropsis pentaphylla_ vient sans culture, de même que l’_Amarantus caudatus_ (la forme vulgaire), et ces plantes sont recueillies par les femmes pour préparer la sauce avec laquelle on mange le mil. Le village est ombragé par de magnifiques Ficus et surtout par le _Ficus rokko_ nommé goulla par les Kabas. Les gros troncs entourés de racines adventives ont parfois 1 mètre de diamètre et l’écorce n’en a jamais été enlevée. Des paquets de racines pendent souvent en longs écheveaux bruns des branches horizontales. C’est un arbre fort remarquable que je n’ai encore jamais trouvé en Afrique à l’état sauvage. Fort curieux, il n’y a de ce côté aucun palmier (ni _Hyphæne_ ni _Borassus_), pas de Fromagers, pas d’_Acacia albida_, les Karités sont rares ainsi que les _Daniella_ et le Tamarinier. Point de chevaux non plus, et où la culture au mil est faite avec grand soin, l’élevage est au contraire à peine pratiqué. Seulement quelques cabris et des volailles. J’ai eu quelques renseignements intéressants par Mahmadou et le chef du village. Les gens de Senoussi ne sont jamais venus razzier dans le pays. Au contraire ils sont venus récemment chez les Goulfés et ont emmené beaucoup de captifs. L’administration française n’est point intervenue pour les protéger. Le chef des Goulfés Tanako était allé librement faire sa soumission à Fort-Archambault et avait fourni du mil comme impôt. Il est mort depuis quelques mois et a été remplacé par un frère presque aveugle. J’apprends aussi que les femmes de la région située au N. du Boungoul ou Ba Keïta qui portent dans les lèvres de grands disques de bois appartiennent à une tribu nommée Saras Dinguès par les arabes. _Pays des Kabas Simmés (Mara Kouio-Simmé-Kinda), 20, 21 et 22 juin 1903._ — Il est à peine 4 heures du matin quand le chef de village fait retentir sa trompe. C’est aussitôt un concert assourdissant : de chaque groupe de cases partent de nouveaux coups de trompe et des appels retentissants qui se répètent jusqu’aux points les plus extrêmes du village. Les chiens mêlent leurs voix à ce concert diabolique et leurs hurlements durent sans discontinuer jusqu’au matin. Les porteurs arrivent peu à peu avec leurs armes. Ils sont bientôt en nombre double de ce qu’il nous faut. Ils prennent leurs charges de bonne humeur. Les caisses les moins volumineuses sont naturellement prises les premières, bien que ce soient souvent les plus lourdes. Les moins pressés à se munir d’un colis finissent par n’avoir rien à porter. Ils nous accompagneront néanmoins avec leurs armes et celles de leurs camarades. De Mara Kouio à Simmé nous traversons le grand plateau que nous avions vu de la plaine. Le sol est un sable très rouge propre à la culture. Aussi toute la contrée aujourd’hui abandonnée paraît avoir été autrefois cultivée ; il est parsemé de fragments de poteries. L’_Andropogon hirtum_ spécial aux jachères abonde. Dans la brousse encore naine on voit çà et là de nombreux et gros troncs d’arbres brûlés qui furent autrefois détruits pour aérer les cultures. Au premier groupe de case Simmés que nous atteignons les hommes s’enfuient en armes avec leurs boucliers en observant nos allures. Postés à quelques centaines de mètres, ils constatent bientôt que nos intentions sont toutes pacifiques et ne tardent pas à venir au devant de nous. Les « Lafia, lafia, lafia », les battements de mains, les claquements de langue annoncent que nous sommes les bienvenus. [Illustration : FIG. 57. — Une tombe chez les Saras, à Simmé.] Les cultures du village sont installées dans un terrain défriché depuis peu de temps, les troncs d’arbres secs et à demi carbonisés sont encore en place et presque partout je constate qu’on ensemence le mil pour la première fois. Le terrain semble d’ailleurs convenir médiocrement. Il est en contrebas de quelques mètres au-dessous du plateau et le sable rouge est remplacé par une terre argilo-sablonneuse blanchâtre, utilisée par les termites pour faire de gigantesques tumulus. Au pied de ces monticules l’argile est plus compacte, aussi on y pratique des trous pour y recueillir l’eau au moment des pluies. Un puits creusé récemment dans une légère dépression atteint une quinzaine de mètres et l’eau manque actuellement. On a retiré du fond un sable blanchâtre mêlé d’argile et renfermant de nombreux fragments quartzeux. La roche compacte doit être très proche. Quoi qu’il en soit le niveau d’eau n’est pas encore atteint, et les habitants sont obligés d’aller chercher le précieux liquide à une grande distance ; ils le conservent ensuite dans d’immenses vases, de 1 mètre de haut, atteignant jusqu’à 150 litres de capacité. [Illustration : FIG. 58. — Les soundous, ornements des lèvres des femmes Saras. 1, 3 et 4. — Soundous de la lèvre supérieure. 2 et 5. — Soundous de la lèvre inférieure.] Le village de Simmé produit l’impression d’un campement provisoire, mal situé, mal entretenu (le mil est à peine ensemencé) et il semble que les Kabas se soient installés là (depuis 2 ou 3 ans) pour se soustraire aux incursions de l’Alifat de Korbol, mais qu’ils n’ont nullement l’intention d’y rester. Korbol est venu jusqu’à cet endroit les attaquer il y a 2 ans et près de ma tente on nous montre les tombes d’un homme et d’une femme qui furent tués à cette époque. Le chef des Simmés est Nagué, un robuste vieillard d’une soixantaine d’années, aux cheveux grisonnants. L’aménité de sa réception ne dément point l’opinion qu’a pu donner son air accueillant. Bientôt le pavillon tricolore que lui a remis l’administration de Fort-Archambault est hissé au haut du mât en l’honneur de notre arrivée, et tous les notables apportant, les uns des volailles, les autres du mil, forment un large cercle autour de nous. Les palabres commencent, il est malheureusement difficile d’obtenir des renseignements géographiques, les Kabas connaissant à peine les alentours de leurs villages à quelques kilomètres de distance. Nous nous réjouissons de la bonne humeur de ces gens que la moindre facétie met en gaîté. Pendant qu’ils nous entourent ils passent le plus clair de leur temps à se faire des farces. On amène au camp comme curiosité une femme Dingué ou Djingué, ancienne captive de Rabah dont la lèvre supérieure est ornée d’un immense _Soundou_ large de 13cm,5. Elle serait assez jolie sans cette étrange déformation qui la rend hideuse. Je lui remets une petite glace circulaire, en lui disant que sa beauté deviendra incomparable si elle remplace le disque de bois qu’elle porte au-dessus de sa bouche par cette petite glace. Un bruyant éclat de rire accueille cette plaisanterie qui n’est point trouvée de mauvais goût puisque la vénus Djingué s’en retourne enchantée du miroir. Le Dr DECORSE[184] donne au sujet du Soundou les détails suivants : [Illustration : FIG. 59. — Femme Sara avec ses soundous.] J’ai demandé qu’on m’amène celles qui sont ici. C’est invraisemblable ! Ces ornements s’appellent « soundou ». Pour s’en faire une idée, il faut se représenter une femme adulte portant, enchassés dans la lèvre inférieure un disque de bois large comme une assiette à dessert, et dans la supérieure, un autre disque comme une soucoupe de tasse à café. Normalement, le poids entraîne ces appendices, il les fait pendre sur le devant du menton et du cou. Aussi la femme penche-t-elle un peu la tête pour s’éviter des pressions douloureuses sur les mâchoires. Au repos, elle appuie ces ornements sur son genou fléchi. Je n’ai pas pu savoir d’une façon positive si ces malheureuses s’en débarrassent pour dormir. En tout cas, je les ai vues boire et manger sans les ôter. Pour s’introduire les aliments dans la bouche, elles sont obligées de soulever le soundou supérieur, et la mastication s’accompagne d’un bruit très drôle de castagnettes. Pour boire, c’est plus simple : la femme relève son soundou inférieur jusqu’à l’amener à une obliquité suffisante, puis verse dessus le liquide, qui coule jusque dans la cavité buccale. Ces dames ne dédaignent même pas de fumer la pipe, qu’elles s’introduisent sur le côté à la place des commissures, car celles-ci n’existent plus guère qu’à l’état de souvenirs. Le poids des disques, à force de tirailler les tissus, donne au bas de la face une forme pyramidale par suite de l’aplatissement des joues et des arcades mâchelières. Au-dessous des arcs zygomatiques, existe une dépression surtout accusée chez les plus maigres. Le sillon naso-jugal est un fossé profond. La voix prend une résonnance spéciale, on dirait une voix de ventriloque ! plus de labiales, plus d’explosives, la parole n’est plus qu’un gargouillement de voyelles pâteuses et nasillées. C’est la perfection dans le grotesque. Mais ça frise aussi le malpropre à cause de l’écoulement constant de la salive qui ne trouve plus d’obstacle et découle du soundou. Si la femme enlève ses appendices, elle devient hideuse. A la place des lèvres, pendent deux longs anneaux de chairs violacées, bourrelets irréguliers dont la surface interne est épidermisée. La bouche n’est plus qu’un trou entre les maxillaires étendus par l’usure, aplatis par la pression, et n’offrant presque plus traces de gencives. Au fond, on aperçoit la langue pelotonnée et massive dans sa position naturelle de repos. La femme elle-même en a honte. Cette mode aurait tendance à se perdre, et les jeunes femmes l’abandonneraient. Mais, dans le principe, me dit-on, un homme se respectant n’aurait pas mangé de cuisine préparée par une femme sans soundou. Impossible de savoir pourquoi. A Mantagoadé, les Kabas me disent que les Roûna et les Arabes, lorsqu’ils viennent razzier périodiquement le pays, attachent par les lèvres les femmes qu’ils capturent pour les empêcher de se sauver. Puis si elles sont jeunes ils pratiquent un avivement des parties charnues pour que la marchandise ne soit pas invendable. C’est possible, en somme, car cette grande plasticité des lèvres est probablement la cause de la déformation. Dès que la dilatation volontaire a atteint une certaine dimension, le poids des disques suffit pour élargir l’orifice, qui s’agrandit progressivement. La femme se trouve amenée de la sorte à porter des soundous de plus en plus grands, pour qu’ils puissent se maintenir en place. C’est un véritable cercle vicieux. De la pièce de cent sous, on passe à la soucoupe puis à l’assiette et les Dendjé en arriveraient certainement au plat, si la bonne nature ne mettait un jour ou l’autre un terme à de pareilles excentricités. Avec des perles rouges, j’achète comme souvenirs quelques séries de disques dont ces dames ne se servent plus ; ils sont en bois de ficus très léger. La vue des perles excite des convoitises et, si j’en avais les moyens, je trouverais toutes sortes de choses à échanger. Les soundous de grande taille se portent aussi chez les Saras Ngaké et les Saras Mbanga. Depuis deux jours le temps était à l’orage. Au départ il y avait une rosée abondante qui ne disparut qu’à 10 heures du matin et en quittant Mara Kouio, le lendemain le ciel resta complètement couvert jusqu’à 9 heures, mais il n’y eut point de rosée. Toute la journée il a fait un temps extrêmement lourd. Au coucher du soleil les éclairs ont fait leur apparition. Vers 9 heures du soir, une tornade a éclaté brusquement, et pendant plus d’une heure l’eau s’est déversée à torrents, accompagnée de vent et d’éclairs, mais point de tonnerre. Pendant que la pluie et le vent déferlaient, j’avais grand peine à maintenir ma tente. Après minuit le ciel a repris son calme habituel, mais au matin une humidité pénétrante envahit l’atmosphère. Nous marchons dans une direction générale N.-E. ; Nagué nous accompagne et a promis de venir jusqu’à Moufa. Le pays que nous traversons est toujours un terrain bas, à végétation fournie, mais peu élevée (_Acridocarpus_, _Detarium_ et surtout les _Afzelia_ qui dominent, quelques _Daniella_, Karités rares). En beaucoup d’endroits très éloignés des villages on a pratiqué cette année des défrichements de plusieurs centaines d’hectares. La culture s’étend dans la contrée, mais il est possible que ce soient des familles chassées de leur pays natal par les incursions d’Adem et de Korbol qui sont venues se fixer chez Nagué, chef réellement considéré dans toute la région. J’ai constaté que dans tous les champs récemment défrichés on ensemence l’arachide et surtout le niébé (haricot). Des champs entiers sont pleins de cette légumineuse dont les cotylédons commencent à sortir de terre. A 8 kilomètres environ de marche du village de Nagué, nous arrivons à celui du petit chef Kaba, Tolo-Kaba[185]. Quatre kilomètres plus loin nous atteignons le pays des Kindas et passons d’abord par la demeure du chef Shongo, puis nous installons notre campement chez Tolo, au village même de Kinda. Le chef nous souhaite la bienvenue comme d’ordinaire. Le bruit s’est répandu que nous avions donné hier des perles en échange de volailles, d’œufs et de mil, aussi un véritable marché s’installe bientôt dans le camp. Après avoir baissé le prix des poulets à deux cuillères de perles mélangées nous sommes obligés de cesser tout achat, car si nous acceptions toutes les offres nous aurions bientôt une véritable basse-cour avec nous. Les perles de toute nature sont extrêmement prisées dans le pays Kaba et Kinda. Les femmes n’en portent point ou presque point. Quelques hommes en ont plusieurs de diverses tailles et diverses couleurs provenant du Ouadaï et du Baguirmi. La petite perle rouge est très recherchée et n’a pour ainsi dire point encore été introduite dans le pays à l’O. du lac Iro. A peine avions-nous terminé le palabre avec Tolo que nous avons eu la visite d’un petit chef nommé Gouna, installé depuis peu à côté de Nagué. Il raconte qu’il était chef d’un village nommé Douki (ou Dougui), installé au pied d’une roche à un jour de Kendégué. Il s’est brouillé avec le chef de ce village parce que ce dernier possède deux pointes d’ivoire qu’il destine à Korbol. Gouna lui a conseillé de les donner plutôt au commandant de Fort-Archambault, mais le chef de Kendégué s’est fâché et a menacé Gouna d’une dénonciation à Korbol ; par crainte, Gouna s’est enfui. Ce sont de ces petites querelles, dénonciations, vengeances, de village à village que les administrateurs futurs auront à régler. D’un village à l’autre, les habitants se défient les uns des autres et se connaissent à peine. C’est ce qui a laissé croire aux premiers Européens qu’il y avait une multitude de peuplades distinctes, alors que ce sont partout les mêmes hommes parlant la même langue, ou des dialectes à peine différents. Les Kindas se disent distincts des Kabas Simmés, par exemple, alors qu’ils parlent la même langue et ont les mêmes habitudes et les mêmes habitations. Les _Kabas Simmés et les Kindas._ — Les observations que j’ai pu faire jusqu’à ce jour chez les Niellims, les Ndamms, les Toummoks, les Goulleï, les Saras de l’O., les Tounias, les Kabas des bords du Chari entre le Bangoran et le Bahr el Azreg, les Kabas Solos, Kabas Maras, K. Simmés, Kindas m’ont persuadé que ces groupes ne forment qu’un seul peuple divisé à l’infini, chaque village constituant presque toujours un groupement complet sans rapport avec les villages voisins, ayant parfois ses habitudes spéciales et son dialecte, mais avant aussi un grand nombre de caractères communs : Villages construits de la même manière, agriculture partout très avancée, mêmes armes (surtout le bouclier et le couteau de jet) (courbache), même langue (dans ses grandes lignes), dérivée du bagrimma, même numération, même costume (le tablier de peau chez les hommes), tatouages disposés de la même façon (avec cependant des variantes), mêmes ustensiles et mêmes ornements (anneaux, bagues, billettes de bois dans les oreilles des femmes) et vraisemblablement mêmes caractères anthropologiques. On peut déjà mettre en relief la haute stature, la robustesse du corps, les membres bien proportionnés, le nez large, les lèvres épaisses, le teint noir légèrement cuivré. Ce n’est pas la première fois qu’on voit en Afrique un seul peuple disloqué en une infinité de tribus qui semblent au premier abord n’avoir aucune connexion entre elles. Qu’il suffise de citer toutes les divisions de la grande famille Mandé au Soudan, les Diolas et tous leurs parents dans la Casamance, les Bandas en Afrique centrale, etc. [Illustration : FIG. 60. — Danse de guerre chez les Kindas.] Je crois que toutes ces sous-tribus tirent leurs noms de diverses origines, parfois le nom a été donné à l’insu souvent de la tribu auquel il est dévolu par les Arabes ou les Baguirmiens. Ce serait par exemple l’origine de l’appellation Saras. Remarquons à ce propos que les Saras de l’O. et les Saras de l’E. s’ignorent complètement les uns les autres. Fréquemment le nom a pu venir d’un chef important qui aura réussi à grouper autour de lui d’importantes agglomérations. Qu’il suffise de citer au Soudan les _Malinkés_, hommes de Mali[186]. Les Smous ou Smoussous sont les sujets et surtout les guerriers de Senoussi. Ils sont connus sous ce nom, non seulement dans leur pays, mais dans toutes les contrées situées en dehors des états du Sultan. Les Rabi étaient les guerriers de Rabah, etc. Il est donc probable que Simmé, Mara, etc., sont aussi des noms de chefs. Les Kabas Solos tirent leur nom d’un chef actuellement vivant. Ce qui suit se rapporte plus particulièrement à ce que j’ai vu chez les Kabas Simmés et les Kindas. Chaque village est formé de groupes de cases nommés Soukalas, disséminés dans les cultures souvent sur une aire très étendue, certains peuvent avoir quelques kilomètres de long tout en ayant un nombre restreint d’habitants. Chaque Soukala est composée de plusieurs familles. La demeure d’une famille est entourée d’une tapade haute de 2 à 3 mètres formée par des paillons tressés appliqués sur des poteaux. Dans cette enceinte se trouvent la maison d’habitation, les cases accessoires, les réserves de bois, les fétiches, les mortiers, les récipients à eau, et les quelques autres objets nécessaires à la vie des noirs. Devant l’habitation on voit souvent une grande fourche en bois dur plantée en terre sur laquelle on place les armes et on appuie les sagaies ou lances en rentrant. _23 juin. De Kinda à Balbidjia (Balbédja)._ — La distance entre les deux agglomérations est de 12 kilomètres environ dans la direction N.-E. Sur ce parcours les deux tiers au moins s’effectuent dans une vaste plaine nue, constituant l’un des plus beaux Firkis rencontrés jusqu’à ce jour. Un gazon épais, haut de 30 centimètres environ, recouvre toute la plaine. On dirait vraiment une de ces prairies naturelles qui, en France, environnent les abords des cours d’eau et en général les pays bas. Nos prairies de France seraient des Firkis modifiés par l’homme et dont la végétation de zone tempérée forme un tapis à peine distinct comme aspect de celui qui recouvre les Firkis de l’Afrique centrale. En cette saison on rencontre dans les Firkis soudanais la même variété de tons qu’on observe dans les prés d’Europe peu de temps avant la récolte des foins. Les graminées courtes, à feuilles ténues, constituent l’élément dominant. Une espèce à panicules violets et à épilets très petits est surtout abondante et on la prendrait à distance pour l’_Agrostis vulgaris_. D’autres graminées ressemblent à des _Poa_ ou à des Brizes. Dans les parties plus humides et à demi marécageuses à cette époque de l’année croissent des herbes plus robustes et spécialement des Cypéracées. Enfin çà et là, la prairie présente de grandes places couvertes d’Orchidées, de Liliacées et d’Amaryllidées en fleurs. En certains endroits le sol se relève de 1 ou 2 mètres et ces places n’étant point inondées sont couvertes d’arbustes et d’arbres. La prairie proprement dite est dépourvue de toute végétation ligneuse, sauf sur ses pourtours envahis de hautes termitières boisées, tapissées de _Cadalvena spectabilis_, _Kaempferia æthiopica_ et _Kaempferia rosea_, dont les brillantes fleurs jaunes, violet-lilas et rose-carné s’épanouissent à cette époque. En un endroit sur le bord du Firki nous franchissons un escarpement boisé, haut de quelques mètres et formé de roche ferrugineuse, puis nous retombons dans la plaine. C’est dans cette plaine à mi-distance de Kinda et de Balbidjia que le Bahr Salamat décrit ses sinuosités. Ses rives ordinairement verticales sont en contre-bas de 3 mètres environ. Le lit proprement dit est large de 15 à 20 mètres, mais en certains endroits il s’élargit jusqu’à avoir 40 à 50 mètres. Il est à sec, ou plutôt il reste de l’eau dans des mares souvent très rapprochées, mais point encore réunies entre elles par le moindre filet d’eau. La profondeur dans les mares est environ de 3 à 5 mètres et dans l’une d’elles, ayant à peine 35 mètres de diamètre, vit un troupeau de quelques hippopotames. Nos tirailleurs font feu sur eux mais en vain. La rapidité avec laquelle ces animaux sortent et rentrent leur groin pour respirer est telle que le temps d’agir sur la détente du fusil, ils ont déjà disparu. Les berges présentent quelques arbustes entremêlés et surtout des _Mimosa asperata_ et des _Sesbania ægyptiaca_. Dans le lit de la rivière sur les bancs de sables et dans les mares peu profondes croissent de hautes herbes. Sur la rive septentrionale le Firki est coupé de lits secondaires où doit circuler l’eau à la fin de l’hivernage. Le sol, entièrement nu par places, est formé par une argile sèche et fendillée couverte de toutes parts par les pistes d’hippopotames dont l’empreinte des pieds est restée dans la glaise. Certaines mares commencent à se remplir, mais l’eau qu’elles contiennent est venue par ruissellement, et non du cours supérieur de la rivière. Dans les environs paissent tranquillement des troupeaux de plusieurs espèces d’antilopes. Par contre, les traces d’éléphants manquent totalement. A 2 kilomètres avant d’arriver à la première agglomération Balbidjia[187], le sol se relève très légèrement et présente sans transition de beaux groupes d’arbres rassemblés surtout sur les grandes termitières. On doit noter dans ces bosquets voisins des Firkis la prédominance du Tamarinier, du _Diospyros_, des Capparidées. Je vois aussi apparaître un _Acacia_ voisin de l’_Acacia arabica_ qui se trouve là au point le plus méridional de son aire. Sous ces arbres la terre est couverte d’un frais tapis de graminées nouvelles élevées de 15 centimètres et dont les premières feuilles sont seules épanouies. Notons l’abondance d’un _Andropogon_ très recherché par nos chevaux. III. — PAYS DES GOULFÉS OU KOULFÉS. La distance de Balbidjia, à l’agglomération où nous campons le 24 juin chez les Goulfés, est de 15 kilomètres environ. Comme hier nous traversons une succession de plaines basses, de firkis couverts de mares contenant déjà une eau boueuse, de fossés parfois larges de 10 à 15 mètres, remplis de grandes graminées dont le pied baigne déjà dans l’eau. Les bords de ces fossés sont parfois bordés par des arbustes en touffes épaisses constituant de fausses galeries. Une herbe rare saupoudrée de _Crinum_ et d’_Acrospira_ recouvre en ce moment toutes ces plaines. Parfois cependant le sol est presque nu, formé d’une vase brune, épaisse, asséchée, mais sur laquelle l’eau a séjourné peu de temps avant notre passage. Le pied des chevaux enfonce profondément dans cette vase. Les vieilles coquilles d’ampullaires à demi enterrées abondent à la surface, les coquilles d’Anodonte et d’Unio manquent. Comme partout les grands tumuli construits par les termites limitent les firkis de tous les côtés. Sur leurs pourtours on trouve toujours une flore très variée. La végétation s’est cependant modifiée et rappelle la zone sahelienne signalée au Soudan. L’_Acacia_ voisin de l’_Acacia arabica_, signalé hier au bord du Bahr Salamat, est devenu commun et il est accompagné de l’_Acacia pennata_, de divers _Capparis_, du _Balanites ægyptiaca_, d’un Zyzyphus, du _Caillea dichrostachys_, d’une nouvelle espèce de _Commiphora_. Comme on le voit les plantes épineuses prennent une grande importance. Nous n’avons pas vu pendant toute la marche un seul pied de _Butyrospermum_ ni de _Parkia_. En revanche les combrétacées (_Combretum glutinosum_, _Terminalia macroptera_, _Anogeissus_ abondent. [Illustration : FIG. 61. — Sculptures chez les Saras.] Après avoir franchi un fossé large d’une dizaine de mètres, où l’eau non courante atteint déjà 0m,30 de haut, nous arrivons sur un vaste emplacement déboisé, herbeux, couvert de _Gynandropsis_ en fleurs et diverses autres plantes. Des poteaux disséminés çà et là et des murs circulaires de cases, hauts de 1 mètre, indiquent que nous nous trouvons encore sur l’emplacement d’un ancien village. C’est là en effet qu’a vécu une tribu importante et qu’est mort en défendant son pays le chef Soua qui commandait les Miliboas, les Ngnibas et les Balouas. Le chef qui lui succéda Kaha est mort, lui aussi, en défendant son village. Miliboa, le chef actuel, a groupé sous son commandement tous les survivants. Miliboa et Nagué me conduisent à l’emplacement où sont enterrés les combattants. De grosses perches fourchues, hautes de 3 à 4 mètres, surmontées parfois d’un vase renversé, marquent la place où reposent les grands chefs. Il y en a ainsi une cinquantaine. Des piquets beaucoup plus modestes et très nombreux indiquent le chiffre des simples guerriers enterrés pêle-mêle sur un terrain de 300 mètres carrés. Le massacre se rapporterait à une razzia venant du Salamat qui remonterait à 5 ans environ. « Des Ouadaïens, me dit Miliboa, vinrent en grand nombre avec des chevaux et des fusils. Ils tuèrent presque tous les hommes de la contrée et emmenèrent tout ce qu’ils purent trouver de femmes et d’enfants. » De mémoire d’homme, des combats se sont livrés chaque année dans cette région. Les assaillants ont été tour à tour les Bouas de Korbol, les Salamats du Ouadaï, les gens de Rabah et souvent les villages voisins eux-mêmes. Cette année ce sont les hommes de Senoussi qui sont venus ravager le Dar Goulfé et le Dar Djengué. Comment le pays pourrait-il être prospère dans ces conditions ? Comment les indigènes pourraient-ils s’y constituer des ressources durables ? On se demande même comment après tant de razzias, tant de massacres, il peut encore rester des habitants. Ces gens acceptent leur sort sans trop de récriminations, souvent même ils l’ont provoqué. Par leur cohésion ils arriveraient à résister aux Arabes, mais les moindres incidents créent des haines profondes, et il n’est pas rare de voir un village servir volontairement l’envahisseur contre un autre village de sa tribu. C’est sur la dénonciation d’un village djingué, affirmant à Adem que les Koulfés de Tanako avaient de l’ivoire, que Allah-Djabou est venu les piller. C’est au bord d’une grande dépression longue de 5 à 6 kilomètres qu’est installée la première agglomération des Goulfés que nous avons vue, le village de Molo. Ce n’est qu’un amas de ruines accumulées par les hommes de Senoussi. Des paillottes brûlées, des cases éventrées, des monceaux d’amphores brisées, tels sont les résultats apparents de la guerre ; 3 ou 4 cases sont encore habitées mais les habitants sont aux champs. Tout le reste (sans doute plusieurs centaines si l’on juge par le nombre des cases abandonnées), est dispersé, tué ou emmené en captivité. Les paniers à pêche prêts à fonctionner sont là, délaissés ; les grandes jarres à eau encore en place à la porte des cases, montrent combien a été rapide et imprévue l’attaque et tout ce qu’elle a eu de barbare de la part de ces Arabes qui ne jurent que par Dieu. Joli Dieu en vérité que celui qui a promis son paradis à Senoussi et à tous ses semblables à condition qu’ils massacrent sans pitié les païens qui ne le révèrent point. Si encore le Baguirmien ou l’Arabe apportait sa religion aux païens qu’il subjugue ou razzie, ainsi que cela s’est fait et que cela se pratique encore dans d’autres contrées musulmanes, cet état fâcheux n’aurait en somme qu’une durée limitée, car la deuxième génération les Kirdis[188] seraient islamisés et élevés au niveau moral du conquérant. L’infidèle deviendrait le serviteur de Dieu et par conséquent ne serait plus l’esclave. Le Barguirmien pas plus que l’Arabe n’a jamais tenté cette conversion car il sait qu’il anéantirait ainsi le bien être de sa vie qui s’appuie sur l’exploitation du faible, du Kirdi, c’est-à-dire du païen. Avec les ruines du village contraste singulièrement la grande plaine verdoyante que nous avons devant nous. Le Bourgou et les grands _Polygonum_ qui couvrent des centaines d’hectares forment de vastes prairies hautes de plus de 2 mètres, ondulant mollement au gré du vent. Le sénégalais Moussa Tankara les prend pour des champs de maïs et de fonio. Ce ne sont que des herbes sauvages et les habitants ne doivent pas avoir grand chose à se mettre sous la dent. Encore 2 kilomètres de marche et nous arrivons à l’agglomération principale Moula (Goulfé) où résidait le chef Tanako, mort depuis quelques mois et remplacé par son frère presque aveugle. Tous les villages placés sous l’autorité de Tanako ont été ravagés par Senoussi et il y aurait eu 70 hommes tués, 50 hommes et femmes disparus que l’on suppose captifs ; Senoussi aurait perdu 15 hommes. Il ne restait plus que deux coqs et une poule ayant échappé à la rapacité des bazinguers. Après avoir demandé des renseignements sur le lac Iro, nous nous décidons à partir le lendemain matin avec le minimum de bagages, et de laisser là un sénégalais pour garder le reste de notre matériel et faire des récoltes d’échantillons botaniques. _25 juin._ — De 8 heures du matin à midi nous avons marché dans un pays très marécageux. L’eau tombée la nuit dernière pendant un violent orage a détrempé le sol noirâtre et fangeux, vase mêlée d’argile, dans lequel nos chevaux enfoncent parfois jusqu’aux jarrets. Ce sol est en outre crevassé et les effondrements de la couche superficielle sont fréquents. Nous coupons de nombreuses mares. La flore est peu variée, son caractère septentrional s’accentue, les Acacias et les Ziziphus prédominent. Nous rencontrons pour la première fois l’_Acacia tortilis_ (en fleurs et en graines). L’Hyphæne est assez commun, mais en pieds nains. Temba, chef de Goulfé réfugié en un point de brousse nommé Djogadia où nous nous arrêtons, habitait sur la route que nous avons suivie, à 8 kilomètres environ de Tanako. Il s’est enfui à l’arrivée des gens de Senoussi et a constitué là un village provisoire. 50 individus assistent au palabre, mais nous ne voyons que 2 femmes et peu d’enfants, tout a été tué ou emmené. Les Smous ont pris chez Temba 84 captifs et tué 13 individus ; ils ont perdu 2 hommes. Les hommes de Temba se plaignent que les Djingués viennent constamment les razzier. Si des Goulfés s’écartent trop pour aller chercher du bois ou faire leurs champs on les tue, car on ne les fait pas captifs. Les Djingués habitent au S.-S.O. d’ici. _De Djogadia à Koudoumi (25 juin)._ — Marche de 5 heures E.-S.E., puis au S.-E. à travers un pays en grande partie couvert d’eau sur une profondeur de 0m,05 à 0m,10. Le sol est une vase noire dans laquelle les pieds des porteurs enfoncent, aussi la marche est fort lente. Les _Crinum_ et les _Acrospira_ sont nombreux et en fleurs, quelques graminées peu développées encore tapissent ces terrains inondés. L’eau provient évidemment des pluies récentes et s’écoule lentement par infiltration. A la surface nul indice de ruissellement. Quand on quitte les terrains inondés on entre dans d’autres plaines également basses au sol dépourvu d’eau à la surface, mais sans consistance et souvent sans végétation. Il se présente sous forme de croûtes superficielles noirâtres séparées par des fissures profondes. On y remarque souvent en outre des trous, sortes d’entonnoirs où l’eau s’engouffre. Les grandes termitières presque toujours boisées sont les seuls points saillants de ces plaines. A proximité des villages les monticules sont défrichés et utilisés pour la culture. Ce sont quelquefois les seuls terrains que l’on puisse ensemencer en sorgho. A deux reprises différentes nous approchons des bords du Bahr Salamat réduit à des chapelets de mares. Enfin vers 6 heures je suis rejoint par Mahmadou que j’avais envoyé en avant pour annoncer notre passage, qui arrive tout haletant me raconter qu’il a été très mal reçu à Koudoumi. Les habitants ont refusé, disait- il, de prendre son _Moktoub_ et ont dit que si les blancs venaient dans leur village on les tuerait, menacé lui-même d’être enchaîné, il a réussi de s’échapper. Après avoir battu la brousse plusieurs heures pour dépister ses adversaires il a pu rejoindre le chemin par où nous devions passer et s’aperçut alors que les sabots de nos chevaux l’avaient foulé et accéléra son allure pour nous prévenir des menaces qui avaient été faites. Il était grand temps car nous étions à 4 kilomètres environ du village et COURTET était au moins à un kilomètre en avant. La nuit tombait et comme je ne pouvais forcer l’allure de mon cheval qui à chaque instant s’enfonçait dans les fondrières, j’envoie mon petit boy Kiki pour le prévenir. COURTET s’arrête aussitôt, mais il était trop tard car quelques hommes du convoi arrivaient aux approches du village avec Nagué. Ceux-ci effrayés par l’attitude hostile des gens s’enfuirent en abandonnant sur le sentier nos deux tables et nos deux pliants et nous rejoignent passablement affolés. Nous campons donc sur place à 2 kilomètres environ du village. Pendant la préparation du dîner COURTET envoie son tirailleur sénégalais Omar en reconnaissance, celui-ci revint une heure environ après en disant qu’il avait pu s’approcher grâce aux buissons et s’embusquer à 50 mètres des premières cases. Il raconta ensuite que les gens _tous ils étaient saouls et buvaient Pipi_. La chose s’expliquait et d’après COURTET il était vraisemblable que Mahmadou avait bu avec eux et s’était ensuite querellé, mais comme Mahmadou resta d’un mutisme absolu nous ne fûmes jamais fixés d’une façon certaine à ce sujet. Le lendemain matin, 26 juin, au petit jour, le camp était levé, COURTET et Omar partent en tête du convoi et en 20 minutes nous atteignons enfin Koudoumi que nous trouvons abandonné. Les cases étaient ouvertes, les provisions étalées, un chien qui déambulait tranquillement n’a même pas aboyé, et le Pipi cuisait dans les grandes marmites ; les habitants n’étaient évidemment pas loin, et conscients de ce qu’ils avaient fait la veille s’étaient éloignés par crainte de représailles. Ce ne fut pas sans peine que nous réussîmes à empêcher nos deux rabbistes (Mahmadou et son camarade), nos boys et la bande de Koulfés qui nous suivaient et portaient nos bagages, de piller les cases, et il y eut pendant quelques secondes un véritable mouvement d’assaut, mais tout rentra aussitôt dans l’ordre et quand les habitants revinrent une heure environ après, leur plus grand étonnement fut de trouver leur village intact et leurs cases dans lesquelles rien n’avait été dérangé. Les habitants de Koudoumi se disent Koudias ou Goudias. Ils parlent le même dialecte que les Koulfés. Les villages de cette tribu sont : Gouri ou Gourou, Koudoumi ou Goudoumi (quelquefois prononcé Kidimi), Rô, Dinguéré, Barédiaka ou Barédjaka (quelquefois Bardiaka). Tous ces villages ont été ravagés et presque anéantis par Allah Djabou, principal chef de l’expédition d’Adem[189]. Koudoumi comprenait deux villages, Koudoumi-Singa et Koudoumi-Koro. Après la razzia, ils ont été réunis en un seul qui est évidemment très pauvre. C’est par surprise que Allah Djabou s’est emparé de Koudoumi. Il envoya un courrier au chef Tamoura pour lui annoncer qu’il venait en ami, on lui fit donc bon accueil et on donna des vivres à ses hommes. Il partit ensuite chez les Koulfés qu’il razzia et revint à Koudoumi où l’on donna encore, avec la plus entière confiance, des vivres à ses hommes. Mais toutes ses dispositions étaient prises et quand le moment fut venu, il annonça aux habitants rassemblés comme pour un palabre qu’il allait tout prendre. Aussitôt les bazinguers se précipitent, le chef Tamoura est immédiatement décapité, les hommes qui n’ont pu s’enfuir massacrés, les femmes et les enfants faits captifs. Les deux villages ont eu 22 hommes tués et les bazinguers ont emmené 101 captifs. Les gens de Koudoumi, ainsi surpris, n’ont pu se défendre et Senoussi n’a perdu personne. Après le départ des bazinguers, Tamoura a été remplacé comme chef par son fils Taguira. _27 juin, Rô (Koudias)-Mali (Malé ou Mélé)._ — Nous quittons le campement à 6 heures du matin, ayant eu des porteurs dès le petit jour sans difficultés. Après une demi-heure de marche, nous arrivons à un village presque anéanti par les Smous : Grands _Ficus_, Cotonniers, hauts tas de cendres, tout annonce un village ancien. C’est en effet le véritable emplacement de Koudoumi-Koro. Quelques minutes plus tard, nous sommes au second groupement Koudoumi-Singa également anéanti. Comme dans le premier les cases sont ombragées par de très beaux _Ficus Rokko_. Après avoir coupé un petit marais nous arrivons à un village de 40 cases totalement anéanti. C’est le village de Rô qui appartenait à des Koudias. Pas une demeure n’a été épargnée par le feu. Ces malheureuses cases au toit consumé, avec les débris d’amphores, les ustensiles de ménage brisés, ont un aspect lugubre dans cette belle plaine que les pluies ont reverdie. Je constate qu’il ne reste pas un ossement humain sur le sol. D’ailleurs depuis que nous sommes entrés dans le pays des razzias on n’en trouve nulle part. Les survivants enterrent ceux des leurs tombés en défendant le village et leur élèvent même des monuments. Les abords du village sont ensemencés en mil par des Koudias des villages voisins. Ce mil a seulement 10 centimètres de haut. Je puis examiner à loisir, en raison de leur abandon, l’architecture des cases, situées de plain pied avec le sol. Un mur circulaire en terre, haut de 1 mètre, épais de 20 à 30 centimètres, consolidé par des piquets cachés à l’intérieur du mur, limite une aire de 4 mètres de diamètre. Le sol de la case et celui qui avoisine la porte est formé par une terre battue polie à la surface, simulant l’asphalte des boulevards. Pour obtenir ce macadam on emploie une sorte de latérite tendre rougeâtre, passant à l’argile. On en fabrique un mortier dont on enduit le fond de la case et à mesure qu’il se dessèche on le tasse et on le polit en le frottant avec un petit bloc de granite tenu à la main. Ce bloc prend bientôt lui-même une forme parfaitement régulière si l’on a eu soin de frotter toutes les faces de la pierre. Lorsque COURTET rencontra un de ces frottoirs, je crus un instant que nous nous trouvions en présence d’un objet précieux de l’époque néolithique. [Illustration : FIG. 62. — Pipes en terre des Saras.] La porte des cases est très étroite[190] et a la forme d’une grossière ogive. Aucune trace d’ornementation n’existe ni à l’intérieur, ni à l’extérieur des murs. En dedans du mur, face à la porte, se trouve toujours le grenier, sorte de niche de 0m,60 de haut, fermée en dessus, constituée par une paroi intérieure en arc de cercle venant s’appliquer sur un segment de ce mur. Deux petites ouvertures où l’on peut passer la main permettent d’y puiser. Sur le pourtour intérieur existe souvent un cordon de petites élévations portées sur un mur minuscule de 0m,10 à 0m,20 de haut, élévations concaves au sommet, destinées à recevoir les amphores et les calebasses dont le fond peut se maintenir ainsi en équilibre. Un toit conique ou campanuliforme couvre le tout et se termine au sommet par une pointe de 0m,30 à 0m,50 de haut. Comme dans tous les villages depuis Simmé, de gigantesques vases en terre hauts de près d’un mètre et d’une capacité de 150 litres environnent les cases ou plutôt jonchent le sol de leurs débris. Au nouveau village de Rô situé à une demi-heure du premier nous avons surpris les habitants. Le premier affolement passé les femmes ont regagné leurs demeures quoique mal rassurées. En moins de 20 minutes nous trouvons sans aucune contrainte les porteurs qu’il nous faut pour continuer. Le village où nous sommes est un simple campement de cultures où sont venus se réfugier les Rô que Adem n’a pas pu capturer. Je vois avec plaisir que ces habitants ont soustrait à la razzia la plus grande partie de leur récolte. Plusieurs greniers du village sont encore pleins de mil et une abondante provision de mil germé sèche dans la cour et doit servir à la fabrication de la bière. Le sorgho est mis à germer dans les cases sous des claies humides. Lorsque la plantule atteint 15 millimètres de long et que les radicelles se sont enchevêtrées de manière à former des masses compactes, on expose ces masses au soleil en les renversant de manière que la tigelle soit en dessous à l’abri de la lumière et continue de s’accroître encore quelque temps. Après le séchage on broie ces masses et on les met dans de l’eau qui est soumise à l’ébullition. La fermentation commence à la fin du premier jour et la bière peut être bue à la fin du deuxième jour. De Rô à Mali, la distance est de 13 kilomètres environ. Toute la contrée n’est qu’un immense marais (Béda) déjà fortement inondé, à cette époque. Les chevaux avancent difficilement. Les indigènes, qui passent la moitié de leur vie à barboter dans ces marais, n’éprouvent aucune difficulté à maintenir nos caisses en équilibre sur leurs têtes, même quand ils mettent les pieds dans les trous produits par les pas d’éléphants. Une végétation herbeuse composée surtout de _Crinum_ et d’_Andropogon_ couvre les eaux de toutes parts, les bouquets d’arbres croissant sur les termitières accidentent ces marais étranges et en rendent la monotonie moins grande. On marche ainsi pendant 5 minutes dans l’eau puis 2 minutes sur la terre ferme et on recommence à marcher dans l’eau, parfois le cheval s’enlise jusqu’aux genoux et c’est miracle s’il ne tombe pas. Pendant une certaine partie du chemin nous avons longé un barrage de pêche, sorte de mur en terre, haut de 0m,40 et allant d’une termitière à l’autre, des rigoles ménagées dans ce mur de distance en distance permettent au trop-plein de s’écouler, mais leur niveau n’est pas encore prêt d’être atteint. Il n’est pas douteux que cet immense marais est la queue du lac Iro. D’ailleurs en arrivant à 1 kilomètre du village de culture de Mali j’aperçois vers l’E. une vaste trouée, sans aucun arbre, se prolongeant jusqu’à la limite de l’horizon. Dans cette trouée, au bout de laquelle est l’Iro, serpente le Bahr Salamat, au lit large de 12 à 18 mètres, aux berges de 3 à 4 mètres de haut et environné de faux lits à sec ou remplis de Bourgou ou de mil sauvage. Dans le lit proprement dit il y a partout de l’eau sur une largeur de 8 à 10 mètres et une profondeur de 0m,30 avec un très faible courant d’ailleurs entravé par les tiges de Bourgou qui abondent. Nous nous arrêtons dans un village de cultures à simples cases en paille et dépendant du village de Mali. Les habitants, nullement effrayés, nous invitent à établir notre camp sous un gros _Karité_ qui se trouve à proximité. Les femmes continuent à vaquer à leurs occupations et quelques hommes vont à Mali annoncer notre arrivée. Puis les visites et les palabres commencent. Les hommes sont presque tous vêtus d’un grand manteau fait de bandes de coton indigène que leur apportent les Salamats en échange de leur mil. Beaucoup parlent arabe et leurs rapports avec les musulmans semblent fréquents. En passant à Rô nous avions déjà vu des traces fraîches laissées par des chevaux ou des ânes indiquant la présence d’étrangers, et constaté que plusieurs jeunes gens avaient les traits bien plus fins et la peau beaucoup plus claire que les noirs de la contrée. C’étaient certainement des métis d’arabes. Les hommes n’ont d’autre ornement qu’un petit collier en lanière de cuir tressée autour du cou. Les femmes portent un petit soundou à la lèvre supérieure et une billette en bois à la lèvre inférieure[191]. Quelques-uns des soundous sont en ivoire d’hippopotame, les autres en bois (parfois très noir d’acacia) ornés ou non de clous en cuivre. Femmes et enfants portent parfois des colliers en perles. La bière de mil est faite avec le grain pilé non germé comme cela se pratique chez les Bandas. Les Malis parlent le même dialecte que les Koudias et les Koulfés. _28 juin, Mali, Goufé ou Koufé, Moufa._ — Départ dès 6 heures, le chef nous accompagne. Après une heure de marche à travers une brousse bien boisée à sol rougeâtre et sablonneux, parsemé de petits blocs et plaques de roche ferrugineuse, nous arrivons à un groupe de rocs granitiques dont le plus élevé domine la plaine de 20 mètres au plus. Ces rochers sont formés d’entassements de blocs ou de gigantesques monolithes taillés verticalement. Ils sont groupés sur un espace rectangulaire de 200 mètres de long et 500 mètres de large, leur surface est complètement nue et c’est dans les anfractuosités seulement que croissent quelques gros ficus. Le village de Mali, presque anéanti par une razzia récente de Korbol, est situé à une centaine de mètres de ces rochers. Pour la première fois, depuis Ngara dans la plaine du Bangoran, je constate que le pourtour limitant l’ensemble des cases est formé de perches fichées en terre, très rapprochées les unes des autres et entre lesquelles se pressent quantité de lianes diverses et d’arbustes épineux. On entre par trois ouvertures encadrées de gros pieux si rapprochés que le cheval dessellé a grand peine à passer. C’est un procédé de fortification très primitif, mais il n’en constitue pas moins un moyen de défense contre une agression nocturne ou contre la pénétration d’un fauve. Les ouvertures sont en effet soigneusement entravées chaque soir par des monceaux de pieux et des branchages épineux. De la plupart des cases il ne reste plus que les murs. Elles sont construites sur le type des Koudias, les abords de la case et l’intérieur sont recouverts d’un macadam poli qui persiste plusieurs années après la destruction de la case. Le village est ombragé par quelques beaux arbres : Tamariniers, _Ficus_ et surtout le _Ficus Rokko_ très commun. J’observe aussi pour la première fois auprès de quelques cases l’_Acacia arabica_ en fleurs, certainement planté sous cette latitude. Un peu de mil est cultivé à l’intérieur même du village. Les plants ont 0m,15 de haut et sont l’objet de beaucoup moins de soins que chez les Kabas. Sur de hauts piquets plantés auprès des cases grimpent quelques tiges d’ignames. En quittant le village, nous restons quelques instants dans un bosquet d’Acacias divers dont les pieds sont assez hauts et assez rapprochés pour donner l’illusion d’une forêt. C’est la limite extrême S. où l’on rencontre des bosquets assez importants de cette légumineuse. Ensuite pendant une heure la marche se poursuit dans une grande prairie non marécageuse, mais cependant entièrement privée d’arbres, les _Andropogon_ qui la composent n’ont en ce moment que 0m,30 de haut. Quelques _Crinum_ y mêlent leurs fleurs. Les Baguirmiens nomment Bala ce genre de plaine. De cet endroit (terre argilo-sablonneuse avec nombreuses concrétions siliceuses blanches) on aperçoit en arrière trois mamelons granitiques nommés Sakoura par les Goulfés. Ensuite la plaine change d’aspect, devient argileuse, le sol est sillonné de profondes crevasses, de marécages, et nous atteignons ainsi le village de Goufé entièrement détruit par Korbol et dont quelques cases seulement ont été reconstruites. Les habitants ont fondé un nouveau village un peu plus loin, mais ce dernier ne paraît que provisoire. Un peu plus loin nous franchissons le Ba Moufa n’ayant en cet endroit qu’un lit herbeux, large d’une trentaine de mètres, sans berges accentuées et dans lequel il y a un peu d’eau. Nous atteignons ensuite le village de Moufa défendu par une enceinte épineuse et palissadée. Derrière le village le Ba Moufa a une largeur de 30 à 40 mètres avec des berges argileuses de 2 mètres ; son lit est formé d’un chapelet de mares. Le village, qui compte 100 cases, et a été ravagé aussi par Korbol. En 1901, le capitaine PARAIRE, résidant à Fort- Archambault, envoya Nagué, chef de Simmé, planter le pavillon français à Moufa et dès notre arrivée nous eûmes le plaisir de voir flotter les couleurs nationales sur le village. Les Moufas constituent une peuplade n’ayant que ce seul village. Ils parlent le même dialecte que les Goulfés, les Koudias, les gens de Mali et ceux de Goufé. Leur chef se nomme Ouiya. A la fin de 1902 ou commencement de 1903, Korbol a razzié le village, tué 5 hommes et 2 femmes, et emmené 35 captifs. Nagué qui ne devait nous accompagner que jusque-là nous fit ses adieux pour retourner à Simmé. _29 juin, de Moufa à Souka._ — Une très violente tornade s’est abattue cette nuit sur la contrée. Pendant plusieurs heures l’eau tombe à torrents, aussi lorsque nous nous mettons en route sommes-nous obligés de traverser d’innombrables flaques d’eau, et de patauger pendant une heure dans la boue, sur un sol sans consistance, marécageux, et parsemé de fondrières. La végétation est rare par places, ailleurs elle est épaisse et de nombreuses antilopes y pâturent tranquillement, sans s’inquiéter de notre passage. Enfin nous apercevons les hautes termitières boisées séparées les unes des autres par des flaques d’eau où baignent leurs pieds. Nulle part il n’y a peut-être autant de plantes réfugiées que sur ces monticules. Les arbres les plus élevés, Tamariniers, _Anogeissus_ et _Diospyros_ ont leurs rameaux tout enchevêtrés par les longues guirlandes de _Cissus quadrangularis_ qui donne un cachet tout à fait étrange au paysage. Cette plante est bien là dans sa station préférée. Deux ou trois autres Ampélidées à tubercules vivent généralement près d’elle et notamment l’_Ampelocissus_ à feuilles sinuées à 3 ou 5 lobes, rappelant la vigne de chez nous, mais fort différente d’elle au point de vue botanique et économique. Insensiblement nous nous élevons de 2 ou 3 mètres pour atteindre un plateau sans eau à végétation très épaisse et sur lequel la roche ferrugineuse affleure par endroits sous forme de grands plateaux dénudés. Les espèces du N. (_Balanites_, _Acacia_, _Caillea_, _Combretum aculeatum_) s’y mêlent aux essences du S. (_Unona monopetala_, _Combretum_, etc.). Ce n’est plus enfin l’aspect des plaines marécageuses que nous venons de traverser. Un peu plus loin la végétation nous indique que divers endroits ont été cultivés, et nous atteignons bientôt la première agglomération de Souka se composant de 50 cases et défendue par une enceinte épineuse. A trois kilomètres au-delà nous arrivons à la seconde agglomération, beaucoup plus importante, se composant de 110 cases et également défendue par une enceinte épineuse ; le chef se nomme Laka. Comme nous devons être là chez les Goullas je commence, aussitôt notre installation faite, à demander des renseignements, et on me répond à mon grand étonnement que les gens de Souka n’étaient pas des Goullas, que ces derniers habitaient plus loin, aux villages de Boungou et de Bou. Il devait en être ainsi sur tout le pourtour du lac. Aucun village ne voulut être Goulla, et pour chaque village les Goullas étaient toujours les gens des villages voisins. [Illustration : FIG. 63. — Un coin du village de Souka.] Les habitants de Souka vivent en assez bonne intelligence avec les Arabes du Dar Salamat, ces derniers viennent seulement de temps à autre leur réclamer un tribut, leur apporter des bandes d’étoffes, des vêtements faits avec ces mêmes bandes et quelques autres articles qu’ils échangent contre des provisions et des esclaves. Il nous a semblé que les Arabes venant ainsi réclamer ce tribut n’étaient que de petits chefs agissant pour leur propre compte et se disant envoyés par l’Aguid du Salamat[192]. La superficie entourée par l’enceinte épineuse indique que cette agglomération était autrefois beaucoup plus importante, car aujourd’hui la moitié est seulement occupée par des cases et l’autre moitié est inoccupée ou cultivée en plantes accessoires. Le village et ses environs possède de beaux arbres parmi lesquels on remarque le _Karité_. Comme je tiens particulièrement à éclaircir cette question des Goullas, je me décide à laisser COURTET à Souka pour étudier ce côté du lac Iro et à partir le lendemain matin pour les villages qui m’avaient été signalés. Ce voyage devait nécessairement m’entraîner à faire le tour du lac par le N.-E. quoiqu’il nous eût été signalé que les Salamats venaient de ravager le village de Kio situé à quelque distance de la rive E. IV. — AUTOUR DU LAC _30 juin._ — Après une marche d’environ 4 kilomètres vers le N.-E. j’arrive au petit village de Boungou qui n’est en réalité que la station des pirogues de pêche du village beaucoup plus important de Boun ou Bou, situé à 2 kilomètres environ plus au N. Boun comprend 120 cases, le chef se nomme Ngoué. Les habitants, comme d’ailleurs ceux de Souka, parlent le même dialecte que ceux de Mali et se disent originaires de la même tribu. Quand j’arrive je trouve les indigènes très occupés, ils font en effet boucaner en grandes lanières la viande d’un hippopotame qu’ils ont tué la veille et pour eux c’est une véritable fête. De grands échassiers se promènent dans le village sans s’inquiéter nullement de notre passage pendant que sous les arbres ombrageant les cases sont perchés de nombreux Charognards (_Neophron monachus_) qui, de temps à autre, viennent chercher, au milieu des poules qui picorent, et sans que celles-ci s’en inquiètent, les débris qui leur conviennent. J’ajouterai qu’en traversant les cultures, les pintades sauvages en troupes d’une vingtaine ne s’écartaient que lentement et en becquetant l’herbe, quand nous passions sur le sentier. A l’O. du village je visite un petit bois où gambadent des singes. De Boun à Tor Djoguil, village situé à 11 kilomètres environ E.-N.E., nous circulons sur un plateau de roche ferrugineuse où nous rencontrons le _Daniella_, et comme animaux de grands Cynocéphales, de grands Canards sauvages, des Aigrettes, des Grues couronnées et d’autres Échassiers ; l’hippopotame paraît très commun. Nous déjeunons à Tor Djoguil, village de Goullas, où l’on parle le même dialecte qu’à Moufa, Souka et Bou. Le village se composant de 60 à 80 cases, entourées d’une enceinte épineuse nommée Ngara[193], est assez loin du lac et les habitants ne sont pas pêcheurs. Cette année est pour eux une année de famine, leurs récoltes ont manqué et ils ne vivent que de racines qu’ils vont recueillir dans la brousse. Les hommes portent comme vêtement deux peaux, l’une devant, l’autre derrière, ou un grand manteau nommé Koubou fait avec des bandes d’étoffes ; ils refusent toutes les perles. Les femmes portent le petit Soundou, mais n’ont aucun autre ornement. Un forgeron a sa forge installée comme celles des Ndamms ; il cumule et exerce aussi la profession de tanneur. Autour d’un gros ficus, situé au milieu du village, on remarque des trophées de chasse composés de dépouilles d’hippopotames et d’antilopes. Le chef se nomme Timan et le village est soumis aux incursions des Arabes. De Tor Djoguil on me signale dans une direction E. 35° N. le village de Tiéou habité aussi par des Goullas. A 11 kilomètres environ de Tor Djoguil, cette fois sur la rive E. du lac, nous arrivons à Koubou Mérissé (25 cases) après avoir passé à quelque distance du village de Kio, détruit il y a quelques jours par les Salamats. A Koubou Mérissé je suis toujours chez les Goullas[194]. De Koubou Mérissé aux agglomérations de Kouré il y a environ 6 kilomètres. A peu de distance de Koubou Mérissé je me suis approché des bords du lac et du haut d’une grosse termitière j’ai pu voir le lac dans son ensemble. De ce point j’ai remarqué vers le N.-O. les mamelons de Karou et ceux de Bagolo vers le S.-O. A l’O.-S.O. j’aperçois vaguement un cul-de-sac, c’est le déversoir du lac, le Bassa. Le groupement où j’arrive forme trois villages, d’abord Kouré, village annexe de 20 cases, chef Guibrin, ensuite Bada, village de 60 cases, chef Mbérégui et enfin Kouré, village principal, 60 cases, chef Altim. Je campe à Kouré. De Kouré j’envoie un courrier à COURTET l’informant que je le rejoindrais à Moula (Goulfé) où il pouvait retourner, et que de Tor Moural où je serais le lendemain vers midi je comptais aller chez les Saras. _1er juillet._ — A peu de distance de Kouré j’atteins Bouni, village de 40 cases, chef Méla. Dans ce village je remarque un indigène tissant du coton. Quatre kilomètres environ plus loin j’arrive à Tor Moural, village de 50 cases, défendu par une enceinte épineuse, là je trouve deux Salamats, dont un marabout possesseur de deux ânes. Ce sont les gens dont nous avions remarqué les traces au village de Ro. Le marabout se nomme Ahmed. La végétation proprement dite des bords du lac commence à 800 mètres environ de l’endroit où sont mouillées les pirogues. Pour atteindre ces pirogues on traverse d’abord une prairie d’_Andropogon_ d’environ 300 mètres, ensuite on passe dans le Bourgou pendant une cinquantaine de mètres, on rencontre après sur 40 mètres environ des _Cyperus_ et du Mil sauvage, puis une bande de 10 mètres de _Mimosa asperata_ (à 420 mètres on descend brusquement une berge de 0m,40 de hauteur). Après le _Mimosa_, sur une centaine de mètres, on rencontre de nouveau du Bourgou et des _Cyperus_ divers ; on traverse ensuite sur 150 mètres environ une prairie dense de _Sesbania_, hauts de 2 mètres, dans laquelle on remarque des débris d’_Etheria_. Enfin sur une cinquantaine de mètres on rencontre, dans un terrain déjà inondé, des _Sesbania_, des _Cyperus_ et des _Ipomea_. Cent mètres environ plus loin sont des pirogues au nombre de six. Au village j’ai pu parler avec le marabout Ahmed qui m’a affirmé que Mangara, le point extrême atteint par NACHTIGAL, existait toujours. C’est une ville importante qu’il donne comme située à 8 ou 10 jours du Iro. Quoique m’ayant donné de très bonne grâce tous les renseignements que je lui demandais sur la région, je considère néanmoins que Ahmed me voit d’un mauvais œil, et l’attitude des habitants me confirme cette supposition. Comme les Salamats vont souvent chercher du mil et des esclaves chez les Saras, il a dû leur dire de ne pas me conduire et il m’a été impossible de recruter des porteurs pour aller dans cette direction. Je quitte donc Tor Moural le 2 juillet pour me diriger sur Sourouba où j’espère être plus heureux. Dans l’intervalle, le courrier que j’avais envoyé m’avait rejoint et COURTET m’avisait qu’il se mettait en route pour Tor Moural. Comme je savais qu’il ne pouvait passer que par Sourouba j’étais certain de le rencontrer. En effet, après avoir franchi, non sans peine, le Bassa, COURTET faisait une pose à Sourouba au moment où mes premiers porteurs y arrivaient. Sourouba est un village de 25 cases, chef Djoko. Il y a quelques années les Souroubas habitaient à proximité des mamelons Bagolo, ils furent attaqués et razziés par les Arabes, et de leur tribu il ne reste plus que deux villages, l’un Sourouba proprement dit et l’autre Dabo où nous devons nous rendre ce soir. Les habitants du village jouissent, comme moyen d’accès au lac, d’un canal d’environ 500 mètres de longueur et 2 mètres de largeur, qui paraît avoir été creusé par la main de l’homme, et où sont amarrées leurs pirogues. La végétation que l’on rencontre en marchant vers le rivage est la suivante. En sortant de la partie assez boisée où l’on remarque Cailcédrat, _Acacia_, _Anogeissus_, _Sclerocarya_, on traverse une zone de 100 mètres environ, formée d’un sol dur, sablonneux à la surface, avec herbe fine parsemée de _Crinum_ en fleurs, quelques rares bouquets d’arbres, _Nauclea_, _Balanites_, _Combretum_, limite des grandes termitières. Vient ensuite une zone de 50 mètres à sol sablonneux, humifère, avec petits galets et _Nauclea_, _Bauhinia_, _Gardenia_. Plus loin, sur 900 mètres environ, on traverse une grande prairie d’_Andropogon_ à grosse paille raide, desséchée et en partie brûlée. Après cette prairie on entre dans une zone de 175 mètres environ où l’on rencontre les Cypéracées et plus loin des Malvacées sur 90 mètres. Sur 180 mètres après, le Bourgou est assez dense avec des _Ipomea_ très robustes. Sur 50 mètres ensuite, le Bourgou disparaît pour faire place à des Cypéracées, _Ipomea_, Légumineuses, puis sur 100 mètres, le Bourgou réapparaît avec les plantes précédentes et sur le sol on voit des coquilles d’Unio. Enfin on se trouve en face d’une zone de 300 mètres environ formée d’un terrain vaseux noirâtre et inondé par quelques centimètres d’eau. A 2 heures de l’après-midi, après avoir, sans trop de peine, recruté des porteurs pour nous conduire dans la direction de Biro, premier village Sara, nous quittons Sourouba et après une marche d’environ 8 kilomètres au S.-O. nous rencontrons le Bahr Salamat. La largeur totale de l’ancien lit est d’environ 180 mètres, les berges sont argileuses ou argilo- sablonneuses et ont de 4 à 5 mètres de hauteur. La berge de la rive droite est éboulée et le long de cette berge les alluvions se sont accumulées et encombrent une grande partie du lit. La berge de la rive gauche est à pic et le lit actuel se trouve de ce côté. Ce lit mesure environ 60 mètres de largeur et à cette époque de l’année il se compose d’un chapelet de mares sans profondeur ne communiquant même pas entre elles ; on remarque des coquilles d’Unio et d’Etheria. Sur la rive droite existait autrefois un village qui devait être important si on en juge par les nombreux débris de poterie qu’on rencontre sur cet emplacement. Comme végétation citons : _Acacia_, _Balanites_, _Asparagus_, Capparidées, _Sesbania_, _Mimosa_. Trois kilomètres plus loin nous atteignons le village de Dabo, 17 cases, Mbari, chef. Dabo est le dernier village Goulla que nous devions rencontrer. _Le lac._ — Le lac Iro mesure environ 18 kilomètres dans sa plus grande longueur et 9 kilomètres dans sa plus grande largeur, son grand axe est sensiblement orienté N.E.-S.O. Son altitude est de 380 mètres. Il s’est formé dans un bas-fond entouré d’une ceinture de roche ferrugineuse surélevée de quelques mètres et boisée. La roche apparaît à la surface sur presque tout le pourtour, sauf dans la partie où se trouve le déversoir. Le déversoir, nommé Bassa, est constitué par un cours d’eau de 30 à 40 mètres de largeur ayant des berges de 3 mètres de hauteur, il ne fonctionne qu’aux hautes eaux. Aux basses eaux sa profondeur est très variable. Dans certains endroits l’eau y est assez profonde pour les hippopotames et dans d’autres elle n’a que 0m,80 de profondeur. Le lit est tantôt à fond dur, tantôt à fond vaseux et au voisinage du lac il n’existe pas de gué proprement dit. Quelques arbres existent sur ses rives, rompant un peu la monotonie de la grande plaine qui au S.-O. du lac ne possède pas un buisson. De Souka pour atteindre l’eau libre, on marche d’abord sur un parcours de 1.800 mètres dans la grande plaine herbeuse à pente insensible et l’on atteint la limite ordinaire de l’inondation aux hautes eaux ; là on descend une sorte de berge de 0m,70 à 0m,80 de hauteur. On circule ensuite pendant 1.100 mètres sur un terrain devenant de plus en plus humide, et à ce point le cheval ne peut plus avancer. De là pour atteindre les pirogues qui sont amarrées à 400 mètres plus loin et où il y a environ 15 centimètres d’eau, on marche dans la vase d’abord couverte d’un peu d’eau, la hauteur augmentant insensiblement au fur et à mesure qu’on s’approche. Les pirogues qui ont assez d’eau pour flotter vides n’en ont pas évidemment assez pour flotter quand elles sont chargées (généralement deux pêcheurs) et les pêcheurs les font encore glisser sur le fond vaseux pendant un assez long parcours avant qu’elles puissent flotter librement. Les pirogues ont de 6 à 8 mètres de longueur et sont construites en Cailcédrat. Quelques-unes sont en planches cousues et on les immerge quand on ne s’en sert pas. Par une belle matinée le lac apparaît couronné d’un diadème blanc de vapeurs, disparaissant dès que le soleil monte un peu sur l’horizon. Cette brume commence parfois le soir un peu avant la tombée de la nuit. Le lamantin n’est pas connu au lac Iro. [Illustration : FIG. 64. — La plaine herbeuse du lac Iro.] _La Flore._ — Les arbres dominants des parties boisées qui avoisinent le lac sont ceux du Sénégal et du Moyen-Niger, qui se retrouvent aussi pour la plupart sur le Nil moyen. Le Cailcédrat est très abondant et forme de très beaux pieds, on rencontre le Tamarinier, l’_Anogeissus_, le _Celtis integrifolius_, le _Balanites ægyptiaca_, une Bignoniacée, des _Ziziphus_, le _Kigelia pinnata_, plusieurs espèces de _Capparis_, plusieurs espèces de _Ficus_ dont quelques-uns très beaux dans les villages. Le _Ficus rokko_ est très commun mais toujours planté. Les arbustes et arbres épineux _Acacia_ et surtout le terrible _Acacia pennata_, _Caillea_, _Combretum spinosum_, sont assez communs et forment souvent des fourrés impénétrables. Le Karité a été remarqué à Mali et à Souka. Le _Parkia_ s’arrête à Simmé. Les _Hyphæne_ sont assez répandus au N. du lac et on trouve quelques Rôniers. Remarqué particulièrement au S.-E, _Prosopis dubia_, _Terminalia macroptera_, _Mimusops Chevalieri_, _Parkia_, _Unona monopetala_, _Cassia fistulosa_ (spontané !), _Sclerocarya birrea_, _Diospyros mespiliformis_, _Combretum reticulatum_, _Combretum micranthum_ (Kinkélibah), _Vitex_, _Terminalia avicennoïdes_, _Heudelotia tomentosa_, _Guiera_, _Ximenia_, _Boscia senegalensis_, _Gardenia_, _Detarium senegalense_, une Tiliacée en petites touffes, Bignoniacée à fleurs roses, _Kigelia pinnata_, _Bauhinia reticulata_, _Sterculia tomentosa_, _Asparagus_ divers, _Crinum_, quelques _Aloe_, _Tacca_, _Cissus_ nombreux et _Kaempferia rosea_. _Les Goullas._ — Les Goullas du lac Iro parlent tous le même dialecte qui est celui des Koulfés, des Koudias et des Malis. Ils ne portent aucun tatouage, si ce n’est chez quelques individus en haut du bras droit. Ils sont vêtus de peaux ou d’un vêtement fait avec des bandes d’étoffes du Ouadaï. Les peaux sont pendantes dont une en avant sinon deux, une autre est en arrière et s’attache à la ceinture de la première ; ce genre de vêtement n’a rien de commun avec celui des Kabas. Le vêtement fait avec des bandes d’étoffes est tantôt le grand manteau à longues manches des Arabes, tantôt un tablier placé par devant et muni d’une ceinture, tantôt encore deux morceaux de pagne liés ensemble sur l’épaule gauche. Les hommes n’ont ni bagues ni colliers et rarement des bracelets. Ils portent des fétiches de cordelettes passées autour du cou ou des bras avec, parfois, une ou deux perles ou un grisgris en cuir. C’est tout ce qu’ils ont pris aux Arabes. Non seulement ils ne sont pas tatoués au visage, mais ils n’ont pas les oreilles mutilées ou déformées, les dents sont fort rarement taillées. Les Goullas sont moins robustes que les Kabas, cependant ils ont le corps bien fait, les membres ne sont pas d’une gracilité disgracieuse comme chez les Goullas du Mamoun qui _leur sont cependant apparentés_ ; la peau est fort noire. Cependant chez les enfants et les jeunes gens le teint est bronzé parfois même fortement. Les lèvres sont peu épaisses mais le nez est très écrasé. Les cheveux sont rasés ou portés assez longs. Jamais je n’ai vu de coupes de cheveux en dessins comme chez les Kabas. La barbe, souvent assez épaisse, est longue. La sagaie est presque la seule arme, on en emporte un faisceau de 2 à 6 quand on va dans la brousse, les fers en l’air, garantis par un étui en cuir. En dehors des villages limitrophes on ne possède point le couteau de jet. Quelques hommes portent au bras droit un bracelet avec un couteau droit enfermé dans une gaine en peau d’hippopotame. Les femmes sont complètement nues, elles ne se couvrent même pas avec des feuilles d’arbres comme dans d’autres pays. Elles ont généralement les oreilles ornées d’une baguette de bois placée horizontalement. Enfin elles ont les deux lèvres percées. La lèvre inférieure est ornée par une billette de bois, la lèvre supérieure contient un petit soundou dont le diamètre ne dépasse jamais celui d’une pièce de 5 francs. [Illustration : FIG. 65. — Les bords vaseux du lac Iro.] Tous les enfants portent à la taille des liens de cordelettes avec ou sans perles. Dans les familles riches ils ont en outre des colliers de verroterie, des bracelets de fer, de cuivre et d’étain venant du Ouadaï ; nous avons même remarqué un grelot. Comme principale particularité ethnographique, il faut noter les villages fortifiés avec une enceinte (Nagara) simple ou double d’_Acacia pennata_, à porte étroite, garnie de piliers à l’entrée. On chemine parfois, pour pénétrer dans l’enceinte, dans un étroit passage à travers les touffes de cet acacia très épineux, touffes enlacées souvent de plantes grimpantes. Le forgeron est en même temps tanneur. Pour le tannage on cultive quelques _Acacia arabica_ dans chaque village. Les hommes fument et chiquent le tabac. Les femmes fument une pipe de forme analogue à celle des Kabas mais à manche toujours court. Les pêcheurs se servent surtout de nattes en roseaux liés par des cordelettes et ayant l’aspect de stores longs parfois d’une vingtaine de mètres. C’est avec ces nattes qu’on barre les Mindja ou qu’on installe dans l’Iro de grands pièges à poissons. Une grande partie des hommes portent en bandoulière du côté gauche, quand ils voyagent, une petite sacoche en cuir où ils mettent leurs grigris et ce qui peut leur être utile. Les principales cultures des Goullas sont le Maïs et le Mil. Ils cultivent aussi autour des cases d’autres produits secondaires comme les Courges, l’Igname, le Haricot. Le Pignon d’Inde est cultivé aussi dans les villages. V. — CHEZ LES SARAS DE L’EST ET RETOUR CHEZ LES KOULFÉS _3 juillet._ — Cette nuit nous avons essuyé une forte tornade. Les hommes viennent facilement pour nous guider et porter nos bagages chez les Saras. Les femmes et les enfants assistent curieux à nos préparatifs. Une de ces dames a surtout attiré mon attention par sa taille gigantesque, pour une grosse perle bleue elle se laisse mesurer, elle a 1m,85 de hauteur, et quoiqu’elle soit douée d’un certain embonpoint, elle paraît plutôt grêle étant donné sa taille. Entre Dabo et le pied de l’ondulation où habitent les Saras, nous circulons dans un immense Firki au sol crevassé et rempli de fondrières. Dans ce Firki on ne trouve pas de _Crinum_, mais par contre les _Acrospira_ abondent. A mi-chemin nous commençons à apercevoir la ligne bleuâtre du plateau habité par les Saras, et en nous retournant nous distinguons encore les sommets des mamelons rocheux de Bagolo. Le Firki cesse enfin, nos chevaux marchent maintenant sur un terrain plus sûr, nous atteignons le pied du plateau et par un sentier en pente très douce nous arrivons au village de Biro chez les Saras Ngakés. La dénomination de Saras Ngakés veut dire ici les Saras du chef Ngaké qui, lorsqu’il est mort a été remplacé par Mando, mort également victime de la dernière razzia. Le village se compose aujourd’hui de 60 cases, il a été cruellement ravagé par Adem, lequel a opéré avec une cruauté et une sauvagerie qui sont un véritable défi à l’œuvre civilisatrice que nous voulons accomplir en Afrique centrale. Adem, Ould Banda et Allah Djabou ne sont restés qu’un jour à Biro, quarante-huit hommes ont été placés sous un gros tas de paille, les bazinguers ont formé le cercle autour de ce bûcher improvisé et Adem a donné l’ordre d’y mettre le feu. Cinquante-cinq hommes ont été tués à coups de fusil. Le chef Mando a été attaché à un poteau avec de la paille et a été également brûlé vif. Quant aux femmes et aux enfants tués ou disparus on n’en connaît pas encore le nombre. Nous étions là au milieu d’une population véritablement affolée et ce ne fut pas sans peine que nous réussîmes à calmer l’émotion provoquée par notre arrivée et à décider les gens à nous accompagner jusqu’au village de Mangadéleb, le dernier du plateau. Nous avons rencontré à Biro des Koudias que nous avions vus à Koudoumi et qui venaient acheter du mil, et une petite caravane d’Arabes Ouled Rachid venant aussi dans le même but et apportant en échange des fers de lance, des vêtements en bandes d’étoffe, des bandes d’étoffe, de la verroterie et quelques autres objets divers. Les hommes sont robustes, mais de taille non exagérée, leur système pileux est assez développé et ils se tatouent le front et le bras droit. Ils portent les tabliers de peau en avant et en arrière, quelquefois, mais rarement en arrière seulement. Beaucoup ont un vêtement confectionné avec des bandes d’étoffe. La principale culture est celle du _Sorgho_ et du _Penicillaria_. _4 juillet._ — Le plateau sur lequel nous circulons est élevé de 30 à 60 mètres au-dessus du niveau de la plaine environnante, il est couvert de beaux arbres, parmi lesquels on remarque le Karité et le _Parkia_. Nous passons aux villages de Mata, 60 cases, Gouroukoro, 35 cases, pour arriver à Mangadéleb 30 cases, où nous devions changer de porteurs. Ces trois villages ont également été ravagés par les gens de Senoussi. Après Mangadéleb, par une pente toujours insensible, nous descendons dans un nouveau Firki dans lequel nous vîmes un troupeau de 5 girafes, dont 3 adultes et 2 poulains s’éloignant au petit trot. Avant d’arriver chez les Saras Mbanga nous fîmes halte à la Mindja Mbanga qui, d’après les indigènes, aboutit d’un côté au Boungoul (Aouk) et de l’autre au Bahr Salamat par les marais des Goulfés. En cet endroit de la Mindja une grande mare, profonde de 1m,50 environ, garde de l’eau toute l’année et ce point est bien connu des caravaniers. A 2 h. 1/2, nous arrivons au village de Gania, 20 cases, chef Gata. Quelques hommes se lèvent et s’avancent de quelques pas en levant la main, la paume tournée vers COURTET qui était en tête, les autres assis sur un tronc d’arbre ou accroupis auprès des cases ne se dérangent même pas et le convoi s’arrête auprès du puits où nous installons notre campement. Là, survint une difficulté, personne ne voulait comprendre ni l’arabe ni le kaba ; enfin après trois quarts d’heure de gestes et d’exclamations, les gens se décident à aller chercher un jeune homme, captif évadé du Ouadaï, qui parlait l’arabe, et avec lui arrivèrent plus de deux cents personnes des villages voisins. Le grand chef des Saras Mbanga, Ko, avait tellement bu de bière de mil, que, craignant de compromettre son équilibre et en même temps sa dignité, il crut devoir marcher au moins la distance de 10 pas sur les genoux et les coudes avant d’arriver auprès de moi. Les villages des Saras Mbangas ont également été ravagés par les gens de Senoussi, et ils nous ont déclaré 16 hommes tués, 40 personnes emmenées en captivité. Sept hommes et deux femmes se sont évadés et sont revenus. On nous a présenté une jeune femme parée de magnifiques soundous qui a marché cinq jours après s’être évadée pour rejoindre Gania. Comme l’orage menace, nous demandons une case pour abriter notre matériel et les habitants ne font aucune difficulté pour nous la donner. Les Saras Mbanga paraissent avoir moins souffert que les Goulfés et les Saras Ngaké, ils n’ont vraisemblablement été touchés que par des bandes volantes de bazinguers. _5 juillet._ — De Gania à Ganga (15 kilomètres à vol d’oiseau) ce n’est plus le Firki, mais une plaine fertile, avec de beaux arbres, de belles cultures et de nombreux villages. Dans l’un d’eux une brasserie est installée en plein vent sous un hangar et dans les grandes marmites mijote doucement la bière. C’est d’abord le village d’Ogno, 30 cases ; Kourouma, 70 cases ; Bio, deux groupes, 35 et 50 cases ; Ganga, chef Ngabo, trois groupes, 30 cases, 44 cases et 11 cases. A Ganga nous sommes de nouveau sur le plateau jusqu’au delà de Taba, deux groupes, 16 et 20 cases. Par suite d’un malentendu au sujet d’un village que COURTET croyait trouver au pied de l’ondulation, mais dont il n’existait plus que l’emplacement, il part de Taba et ne trouvant pas le village en question, se lance dans le grand Firki qui sépare les Saras des Goulfés. Toujours à la recherche du fameux village, il arrive finalement d’une seule traite chez les Goulfés, dans un des villages du chef Temba, nous faisant faire ainsi une étape de 44 kilomètres sans manger. Je suis sa piste et j’arrive à mon tour trois quarts d’heure plus tard. [Illustration : FIG. 66. — Nos porteurs Saras.] _6 juillet._ — Un très fort orage avec pluie abondante a éclaté cette nuit, aussi est-ce avec de grandes difficultés que nous franchissons les 10 kilomètres de chemin qui séparent le village où nous avons couché du village de Moula (Koulfé) où nous arrivons à 8 h. 1/2. _Les Koulfés (ou Goulfés)._ — Le sénégalais Moussa Tankara que j’avais laissé à la garde des bagages a fait pendant notre tournée d’importantes récoltes de plantes. De plus, à son contact les indigènes se sont familiarisés, et à peine installés nous sommes entourés par un large cercle d’hommes, de femmes, d’enfants. A notre premier séjour les guerriers seulement au nombre de 200 étaient venus nous voir armés de leurs lances. Ils formaient un grand cercle à une distance respectable, et je n’avais pu en décider aucun à se rapprocher plus près pour l’examiner. Dès que je faisais un pas vers eux, les mains pleines de perles ils reculaient de deux. Hier la situation était bien changée. Les plus jeunes enfants même n’ont cessé d’assister aux moindres actes de notre installation, et ce matin, 7 juillet, quand il a fallu nous mettre en route, COURTET retournant à Fort-Archambault, moi-même me rendant à Korbol, nous avons eu plus de porteurs qu’il n’en fallait. Au cours de mon passage chez les Koulfés j’ai pu recueillir quelques notes sur cette peuplade. La plaine marécageuse qu’ils habitent s’étend sur une vingtaine de kilomètres de longueur. J’y ai compté une vingtaine d’agglomérations. Si l’on compte 25 cases en moyenne par agglomération (ce chiffre étant plutôt faible) on trouve 500 cases, soit environ 2.000 habitants. D’autres agglomérations nous ont certainement échappé et le nombre de 3.000 habitants pour tout le pays Koulfé doit se rapprocher de la vérité. L’expédition des Smoussous en a fait certainement disparaître ou fuir un millier. Certains villages ont échappé à la razzia, dans d’autres les habitants se sont enfuis, mais leur village a été totalement incendié. Après la razzia beaucoup se sont réfugiés à Moula. Les plantes cultivées par les Koulfés sont : le Maïs, très commun dans les marais, le Sorgho, le _Penicillaria_, le Catjang, le _Voandzeia_ (_Ouili_), l’Arachide, le Tabac (on l’ensemence en ce moment sur l’emplacement des cases en recouvrant le terrain de branchages), le Cotonnier (employé seulement pour faire du fil), l’_Hibiscus sabdariffa_, le Gombo. On trouve naturalisés, le Pourpier, le Jute et les _Gynandropsis_ qui forment parfois le fond de la végétation. Trois ou quatre espèces de _Ficus_ sont plantés autour des cases, à l’ombre desquels on se repose pendant les heures chaudes de la journée. Une grande Euphorbe cactiforme vit sur quelques termitières et l’on se sert de cette plante pour narcotiser le poisson. Comme animaux domestiques, les chiens dont une grande variété ressemble de loin à notre lévrier. Quelques volailles là où les Smouss ne les ont point prises. On récolte un peu de miel sauvage, mais c’est surtout la pêche qui fournit à l’alimentation. On ne la pratique cependant qu’à la fin des pluies quand l’inondation se retire. On fait de grands barrages dans les plaines inondées, l’eau ne pouvant plus s’écouler vers la ligne de plus grande pente, s’évapore peu à peu. Le poisson reste captif et on le prend dans les flaques vaseuses où il s’est retiré. Pour cela on se sert d’un panier sans fond. On pêche aussi au filet dans le Bahr Salamat mais seulement à la fin des pluies quand l’eau est encore assez haute. La chasse à l’hippopotame semble être inconnue, du moins je n’ai vu nulle part de viande boucanée ni de débris ; par contre on voit dans les villages des débris de crocodiles. On peut qualifier les Goulfés d’hommes amphibies, car ils passent la moitié de l’année dans l’eau ; d’août à décembre leur pays n’est qu’un vaste marécage dans lequel ils circulent avec aisance. La vase et les hautes herbes aquatiques leur importent peu. On comprend que les Arabes qui n’ont vu cette contrée que très rapidement les aient entourés de toutes sortes de légendes, les faisant vivre sur pilotis et circuler constamment sur des pirogues disséminées dans les roseaux. En réalité les Goulfés n’ont point d’habitations lacustres et s’ils circulent parfois en pirogue ce n’est que pour se livrer à la pêche. Leurs villages sont construits sur des îlots émergeant seulement de quelques décimètres au-dessus des marais aux hautes eaux. Leurs cases sont en terre, à toit conique, et ont une porte très étroite. On retrouve chez eux les grands vases des Kabas, et les grandes marmites à faire la bière. Dès les premières pluies ils plantent le Maïs qui forme la base de leur alimentation dans les parties les plus fertiles de la grande plaine alors presque asséchée. Le sol des plantations est noir, humide et mou. La semence y pourrit souvent avant de germer, les jeunes plantes restent longtemps avec des feuilles jaunâtres (chlorose) par suite de stagnation de l’eau, mais dès que la plante est assez robuste elle acquiert une vigueur très remarquable. Pour réduire l’action de l’humidité au minimum, on creuse entre chaque bande de culture de profonds sillons faisant l’office de drains dans lesquels l’eau s’accumule. Le Maïs ainsi planté est récolté avant l’inondation. En résumé, depuis le village de Balbédja, toutes les peuplades que nous avons rencontrées dans la plaine du Bahr Salamat, du Ba Moufa (Koulfés, Koudias, Malis, Goufés, Moufas) et au lac Iro, sont des Goullas et parlent un dialecte commun. Mais ne sont réellement dénommés Goullas que les gens habitant le pourtour du lac. [Illustration : Mission scientifique et économique CHARI-LAC TCHAD dirigée par A. Chevalier Itinéraires levés par Mr. Courtet Fort Archambault-Lac Iro] [Note 181 : _Le Voyage de Nachtigal au Ouadaï_, p. 46 et 47 (édition du Comité de l’Afrique française).] [Note 182 : _Du Congo au lac Tchad_.] [Note 183 : Bô, village situé à 9 kilomètres environ O.-N.O. de Mara Kouio.] [Note 184 : _Du Congo au lac Tchad_, p. 161.] [Note 185 : Aux environs de Simmé et de Tolo-Kaba on rencontre quelques blocs de roche ferrugineuse et, en deux ou trois places, de véritables tables de cette roche, creusée de cuvettes où s’est amassée l’eau tombée dans la nuit. Je ne signalerais point ces gisements s’ils n’étaient exceptionnels dans une province où les plateaux sablonneux perméables alternent presque sans discontinuité avec les dépressions argileuses transformées en marais à la saison des pluies.] [Note 186 : Mali fonda il y a plusieurs siècles un important empire dans la boucle du Niger.] [Note 187 : Le chef de Balbidjia est Miliboa que nous avons entendu prononcer aussi Méléboua.] [Note 188 : Sauvages païens.] [Note 189 : Comme on l’a vu plus haut Adem, est le fils aîné de Senoussi.] [Note 190 : Chez les Goulfés quand nous avons demandé pourquoi l’entrée des cases était si petite il nous a été répondu que c’était pour se protéger contre les fauves assez abondants dans la région. La nuit cette ouverture est facilement et soigneusement close et les Goulfés ne sortent jamais de leur case.] [Note 191 : Ces ornements sont aussi très en honneur chez les Goulfés.] [Note 192 : Les gens de Souka nomment Dar Arab le pays situé à l’E.-N.E. du lac Iro et qui est traversé par le Bahr Salamat.] [Note 193 : Il y a lieu de faire remarquer ici la coïncidence qui existe entre le nom de l’enceinte épineuse Ngara et le nom du village de Ngara, situé dans la plaine du Bangoran, qui est aussi défendu par une enceinte épineuse.] [Note 194 : Goulla est une appellation arabe qui désigne toutes les peuplades vivant au bord de l’eau.] CHAPITRE XII LE SUD DU BAGUIRMI I. Le pays des Noubas ou Fagnias. — II. Le Dékakiré. — III. La région du Bahr el Erguig. — IV. Le climat de Tcheckna. — V. Les cours d’eau. — VI. Les marais entre Massénia et le Ba Laïri. * * * * * I. — LE PAYS DES NOUBAS OU FAGNIAS _8 et 9 juillet, Kendégué et Timmé._ — A 12 kilomètres de Moula, en suivant un sentier orienté N.N.O., on atteint une Minia nommée Minia Lomé par les Koulfés. En certains endroits elle est large de 25 à 30 mètres, entre des berges profondes de 1 mètre à 1m,50, entaillées dans un terrain argilo-sablonneux. Son lit, occupé çà et là par de grandes mares, est rempli de _bourgou_ et d’autres herbes aquatiques. Ce canal qui file vers le N.-O. irait vers le S.-E., au dire des indigènes, tomber dans le Bahr Salamat, vers Mali. Dans la région où je l’ai vu il serait relié par des firkis aux marais de Moula et de Balbédja. C’est vraisemblablement cette dépression qui a été signalée par le capitaine PARAIRE, à 16 kilomètres environ au S. de Kendégué[195] et qu’il nomme Rivière des hippopotames. Les poissons du lac Iro ou du Chari y affluent à l’hivernage, car il est coupé en divers endroits de barrages de pêche. Près de notre campement du 7 juillet, un fossé profond de 1 mètre, large de 5 à 8 mètres, qui met en rapport la Minia Lomé et le Bahr Salamat, s’en va dans la direction de Balbédja. Il est environné d’un firki, creusé de dépressions dans lesquelles se répandent les poissons à la saison des pluies, comme le montrent de petites levées en terre, destinées à l’arrêter. Ces barrages, hauts de 0m,30, aux angles alternativement rentrants et sortants, aux créneaux évidés pour l’écoulement du trop plein, font penser à une grande muraille... de pygmées. Quand à la Minia Lomé, elle a par places l’importance du Bahr Salamat. Les Noubas m’ont confirmé ses rapports avec cette artère dans la direction de Mali. Le Bahr Salamat, après avoir reçu le déversoir du lac Iro (Bassa petit bras), se diviserait en deux branches. L’une est le Ba Koulfé. C’est la plus importante, bien que l’eau n’y coule que très lentement à la saison des pluies[196]. La seconde serait la Minia Lomé qui se dirige vers le pays de Korbol. Quoique aussi large que le Ba Koulfé, le diverticule est moins profondément entaillé dans l’alluvion. Cependant il renferme des mares permanentes profondes et à quelques kilomètres au S. de Timmé les Noubas me signalent des fosses où s’ébattent en tous temps les hippopotames. De la Minia Lomé à Kendégué on coupe un coteau bien boisé dont l’arène sablonneuse révèle le voisinage du granite. La végétation aussi décèle un changement de terrain ; elle a un aspect plus méridional. Les Acacias et autres arbustes épineux du Tchad manquent presque complètement ; au contraire, les Karités, _Parkia_, _Ormosia_, _Afzelia africana_, _Daniella_ sont communs et sous leur frais ombrage vivent des liliacées en grand nombre, un charmant petit glaïeul, une Orchidée terrestre aux fleurs d’un jaune rutilant. Quelques rares lianes s’élèvent encore dans les arbres, mais c’est en vain que je cherche le _Landolphia_ à caoutchouc. Décidément cette plante ne dépasse point 9° à l’E. du Chari ; et à l’O., elle s’arrête vers 9°,30, non loin de Goundi. [Illustration : FIG. 67. — Cases des Noubas dans les rochers.] C’est au milieu d’un fouillis d’arbres que l’on voit surgir brusquement les rochers granitiques[197] sur lesquels les Noubas ou Fagnias vivent en troglodytes. Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus étrange que l’aspect de ces paillottes perchées au sommet des rochers ou sises comme des nids d’aigle au milieu des blocs éboulés qui tiennent en un équilibre invraisemblable. On les prendrait de loin pour des ruches d’abeilles, tant leur forme est gracile et tant leur emplacement est bizarre. Il semble en effet que des êtres ailés peuvent seuls y accéder. Pour visiter les moins escarpés, j’ai dû me faire hisser par deux indigènes le long d’un sentier (?) où il faut grimper d’un roc sur l’autre. Cette gymnastique semble toute naturelle et comme instinctive chez les Fagnias qui, par nécessité, sont devenus les hommes de la pierre comme les Goullas sont les hommes du marais. Toute la journée, on aperçoit des désœuvrés perchés comme des cigognes sur les blocs les plus inaccessibles, dormant dans la quiétude la plus profonde ou considérant l’horizon. Les enfants même courent sur les tables granitiques souvent inclinées à 70° avec l’agilité du chamois. Dans leurs jeux ils sautent d’un bloc sur l’autre, grimpent, descendent, courent au milieu de ce chaos. Il n’est pas jusqu’aux femmes qui n’exécutent chaque jour une acrobatie des plus compliquée pour se rendre avec leurs vastes amphores au puits situé au N. du village. Elles rapportent sur la tête leurs vases, remplis de liquide et se mettent à grimper d’une roche sur l’autre le plus naturellement du monde, s’élevant de 50 mètres en quelques minutes. Dans les rochers, vu leur faible étendue, pas un pouce de terrain n’est perdu. Les gros blocs qui dominent toutes les cases servent de lieu de réunion pour les jeunes gens. C’est là qu’on s’assemble comme sous l’arbre à palabre au Soudan. Les moindres anfractuosités du rocher où il y a un peu de terre végétale sont utilisées. En certains endroits, on a même empilé des petits blocs de roche pour aplanir le sol et avoir un plus grand espace à cultiver. Les cases sont installées là où se trouve une surface à peu près plane. Il ne faut pas d’ailleurs une grande place : 3 mètres de diamètre suffisent amplement pour bâtir une de ces huttes en terre, dont le toit en paille, extrêmement pointu, s’élève jusqu’à 4 mètres de haut, où l’on se glisse avec peine par une ouverture de 0m,40. C’est un grand luxe de disposer d’une plus grande étendue, et si l’on a 20 mètres carrés à sa disposition on peut édifier un palais, communs et même kiosque pour les palabres et la sieste. La cour qui précède ces cases est d’ailleurs une terrasse suspendue, une sorte de belvédère puisque de son bord on contemple toute la plaine jusqu’à l’horizon lointain où se profilent les crêtes d’une cinquantaine de rochers habités par des populations analogues. Au plus haut des rochers, dans des fentes ou sur des roches inaccessibles, sont parfois perchés des greniers à mil, mais on m’a assuré qu’on les mettait surtout dans la brousse, en des lieux sûrs et peu connus. Il existe aussi dans la colline des réduits qui servent de refuge en cas de guerre[198]. Au dire des indigènes que j’ai interrogés, les Fagnias ne furent point toujours troglodytes. Comme les Saras ils vivaient sur les coteaux fertiles qui s’étendent à l’O. du lac Iro et des monts Guérés jusqu’au Chari. Ils avaient de beaux champs, des volailles, des moutons, des cabris. Ils s’adonnaient avec passion à l’élevage du bétail et des chevaux, et leurs troupeaux étaient renommés au loin. Les pères de ceux qui me parlent ont connu cette époque de prospérité. Puis le Ouadaï en fut jaloux. Les Arabes vinrent en grandes troupes ravager le pays. Ils emmenèrent la plupart des bœufs et des chevaux ainsi qu’un grand nombre d’esclaves. Les Fagnias dépossédés, très affaiblis et disséminés à travers une grande contrée, n’eurent plus la cohésion qu’il leur fallait pour reconstituer un empire. L’alifat Korbol vint ensuite les razzier et acheva leur ruine, emmenant encore des captifs et ce qui restait de troupeaux. C’est à ce moment que les quelques familles survivantes se réfugièrent dans les rochers. Lorsque Rabah arriva chez les Fagnias il y a une quinzaine d’années, il ne trouva plus de troupeaux ni à Kendégué ni à Timmé. Il ravagea le pays à son tour, s’établit deux mois au pied du pic de Timmé et s’éloigna pour guerroyer contre l’alifat. Depuis les Fagnias ont encore été razziés à diverses reprises par Korbol. Dans les villages de Bouré, Kani, Télé-Kombalo, Bakiré, il ne reste plus d’habitants. Les seuls pics visibles du haut de Kendégué où il y ait des agglomérations importantes sont ceux de Timmé, Maméné (ou Dougui), Oing, Kérem, Ouarga, Koubé, Ouaral, Méré, Modi. En certains points les habitants sont restés indépendants ; c’est le cas des villages du pic Dougui qui, attaqués par les Ouled Rachid, ont su leur résister[199]. D’autres sont devenus vassaux de Korbol, comme à Timmé, Ouarga, Kérem. Enfin il existe plus au N. et surtout au N.-E. de nombreuses agglomérations sous la dépendance du Ouadaï. Telle est celle de Singuil, qui, au N. du lac Iro, confine au pays des Zanes (Zouny)[200]. Enfin, au moins au N. des monts Guéré, les Fagnias sont restés païens, payant tribut aux Arabes et vivant parmi eux. Les Noubas sont devenus un peuple d’agriculteurs[201]. Ils furent autrefois éleveurs, mais les razzias les ont privés de tous les troupeaux qu’ils possédaient. Une circonstance curieuse m’a permis de constater qu’ils ont eu en effet des chevaux autrefois. L’usage voulait qu’on fichât debout en terre les os des jambes des chevaux qui mouraient. Le propriétaire piquait ces os dans le sol à l’entrée de sa case, sans doute pour montrer que s’il n’avait plus de monture il en avait eu autrefois. Or, près de Timmé, sur l’emplacement d’un ancien village, j’ai trouvé un grand nombre de ces tibias plantés en terre. Seuls les villages placés sous la suzeraineté du Ouadaï ont encore du bétail. A l’O., le mouton et le bœuf ont disparu lors des incursions arabes. Malgré les ravages de la guerre, l’agriculture est encore prospère. Bien que l’année soit avancée, il reste encore du mil pour fabriquer le pipi. En outre les cultures sont superbes. En certains points le mil a déjà 2m,50 de haut[202], les arachides sont de belle venue. Les principales cultures sont le gros et le petit mil, l’arachide, le catjang, un peu de maïs, mais beaucoup moins que chez les Goullas. Le tabac est ensemencé partout, les graines commencent à sortir de terre. On les entoure de branches pour que les volailles n’y commettent point de dégâts. Je n’ai vu ni patates, ni tomates, ni _Voandzeia_. En revanche, quelques pieds d’igname, de piment, le Pourghère, le ricin, l’oseille de Guinée et deux espèces de cotonnier (_Gossypium_). Le Jute et le pourpier sont naturalisés. Toutes ces cultures sont ombragées par des _Ficus_ et des _Celtis_ qui se font remarquer par leur taille et leur vigueur et quelques-uns de ces arbres, les _Ficus_ surtout, dont les fruits jonchent actuellement le sol, montent jusqu’à la cime des rochers[203]. Comme tous les peuples qui vivent exclusivement de la culture de la terre, les Fagnias mènent une vie extrêmement simple. Ils n’ont point de captifs et prétendent n’en avoir jamais eu. Ils disent aussi n’avoir jamais fait la guerre à personne. Enfin les plus riches se contentent de deux femmes et la presque totalité n’en a qu’une. Très affables et extrêmement hospitaliers, ils hébergent nombre d’Arabes (la plupart appartenant aux groupes des Ouled Rachid et venus des trois villes de Kourtali, Boli[204] et Bougail). Les mœurs y sont douces. Le premier moment d’effroi passé, presque tous les habitants de Kendégué sont venus me voir au campement. J’avais été intéressé par la vue d’un cristal de roche que les femmes portent comme ornement dans la lèvre inférieure. J’avais demandé à la belle propriétaire de le sortir pour me le montrer. Je le lui avais rendu avec une poignée de perles. Toutes les femmes du village ne se sont-elles pas imaginées que j’avais un faible pour cet objet ? Dès qu’elles sont près de la tente, elles retirent leur Madé et me le tendent dans la main tout plein de salive ! De vieilles femmes au visage parcheminé, des matrones dont l’embonpoint accuse une grossesse avancée, ont ainsi défilé devant moi pendant que je gravissais le pic Timmé. Le soir à une seconde excursion au rocher de Kendégué, les enfants se sont enhardis. Au lieu de s’enfermer dans les cases, ils font maintenant cercle autour de nous, se laissent disposer devant l’appareil photographique. Les hommes viennent et se laissent faire aussi. Lorsque je veux recueillir les éléments d’un vocabulaire, tout le monde répond à la fois. Un tout petit enfant que le chef de village m’avait présenté et auquel j’avais donné un collier de perles m’apporte un pot de graisse de Karité qu’il a préparé à mon intention. Je rapporte ces menus détails pour montrer la douceur de cette peuplade qui sera bientôt anéantie si nous ne la protégeons pas. Ces gens ont droit à toute notre sympathie ; ils sont prêts à reconnaître partout notre autorité et plusieurs chefs me l’ont affirmé. Ils ont arboré le pavillon tricolore, et pendant mon séjour ici il flottait en deux points du rocher. _10 et 11 juillet._ — La bonne impression que j’avais des Noubas a failli s’effacer par suite des ennuis que quelques-uns m’ont causés. Hier matin, la société nombreuse qui avait entouré le camp toute la journée précédente était disparue. J’attribuai d’abord ce vide à une violente tornade qui avait tout détrempé dans la nuit. Les noirs sont frileux et n’aiment guère circuler dans l’herbe mouillée même pour aller voir un ami. Cependant il régnait une grande agitation dans les rochers, on s’appelait, on courait d’une case à l’autre. Les femmes étaient rentrées chez elles et n’étaient point allées, comme la veille, faire leur provision d’eau. Mon brave hôte, le forgeron Taliba arrive bientôt et tout en colère, il m’explique que ses compatriotes sont des propres à rien. Après avoir promis la veille de venir de bonne heure pour porter mes bagages, ils refusent aujourd’hui de marcher. Il les a interpellés durement et presque tous se sont enfuis ou sont grimpés sur les rochers inaccessibles. Le chef Bougaï lui-même qui nous avait promis toute son aide la veille a cru prudent de disparaître. Taliba n’a pu trouver que trois porteurs parmi ses amis et encore ces derniers ne veulent aller qu’à Timmé. C’est déjà quelque chose, car le chef de Timmé a promis hier soir de nous transporter jusqu’à Ouarga. Comme je ne veux pas employer la violence je réussis par la persuasion et surtout par des promesses de perles à en faire descendre sept ou huit de leurs perchoirs, un à un, à de longs intervalles. Pour éviter toute confusion, je les fais partir par petits groupes, et je me mets moi-même en route à 9 heures. Une grande partie des hommes du village, armés de leurs lances, au moment de mon départ, apparaissent à la cîme même de leur rocher et semblent rire de la mésaventure qu’ils nous ont causée par leur mauvais vouloir. A Timmé le recrutement des porteurs a été encore plus laborieux. A mon arrivée Mali est venu dire que tous les hommes refusaient de m’accompagner et qu’il n’avait pu décider un seul de ses sujets à m’attendre avec lui sous le Figuier des palabres. J’ai compris le lendemain que cela n’avait rien d’étonnant, son autorité étant absolument nulle. Ce n’est qu’à midi et avec le chef même qui s’était offert comme porteur pour compléter le convoi que nous pouvons enfin partir pour Ouarga. Je pouvais croire après cela que toutes nos tribulations étaient finies, mais elles ne faisaient que commencer. A 6 heures 1/2 du soir les porteurs se sont arrêtés au bord d’une flaque d’eau si boueuse que quand je l’ai eu filtrée il y avait un dépôt de terre presque aussi volumineux que le volume de liquide décanté. Il nous fallait passer la nuit en cet endroit, les indigènes m’assurant qu’on ne pouvait aller plus loin même par un clair de lune, le sentier étant très mauvais. Ayant l’intention de repartir avant le lever du jour on n’a point monté ma tente, le lit a été dressé à la hâte et toute la nuit j’ai été harcelé par les moustiques dont le bourdonnement énervant est aussi désagréable que la piqûre. Enfin à 5 heures du matin, nous sommes debout et nous allions partir lorsqu’un domestique me fait remarquer que mon déplantoir a disparu. Il y a certainement un voleur, cela m’importerait d’ailleurs peu si je ne tenais absolument à retrouver le petit outil indispensable pour la récolte des plantes bulbeuses que je recherche avec passion depuis quelques semaines. Après de minutieuses perquisitions et une laborieuse enquête nous finissons par trouver l’outil qui avait été caché dans une touffe de Grewia et par découvrir le voleur qui est le chef Mali lui-même. Il avoue d’ailleurs très naturellement son larcin en me disant qu’il a perdu la tête. A 8 heures 1/2 nous entrions à Ouarga et le bon accueil que nous y avons trouvé ainsi qu’à Kérem, a vite fait oublier les difficultés passées. II. — LE DEKAKIRÉ _11 juillet, Villages de Kérem et de Ouarga._ — La végétation sahélienne que j’avais vu apparaître aux environs du lac Iro, vers 10° lat. N., manque sur les coteaux et aux environs des pitons granitiques du pays habité par les Noubas. De Kendégué à Ouarga, l’aspect de la brousse ne change guère. Les petits _Gardenia_, les _Anogeissus_, _Terminalia_, _Prosopis oblonga_, _Bauhinia_ finissent par irriter la vue ; ce sont avec les Ditah et les _Grewia_ les essences dominantes. A Ouarga et Kérem, quelques grands Tamariniers, des _Ficus_ (leurs espèces sont moins nombreuses qu’en pays Sara ; le _F. Rokko_ notamment a disparu) décorent la plaine cultivée. Quelques _Parkia_ et des Karités chargés de fruits encore verts existent aussi sur les coteaux et autour du village. Le _Parkia_ appartient, comme dans tout le Chari, à l’espèce _P. filicifolia_. L’apparition de la région sahélienne se révèle seulement par quelques pieds de _Calotropis_ disséminés à travers les champs et par les touffes nombreuses de Kramkram dont les épis commencent à s’attacher au pantalon. Le _Borassus_ à petits fruits et l’_Hyphæne_ rameux, dont il existait de beaux pieds à Kendégué, paraissent manquer ici. Le fait géographique le plus important que nous ayons constaté hier et aujourd’hui a été la rencontre d’une Minia (la Minia Foya) assez importante. Dans cette région, nous commençons à reconnaître un paysage de kagas analogue à ceux du Dar Banda. Des blocs de granite surgissent brusquement de la plaine sans que rien les annonce aux alentours. Du sommet de l’un de ces rochers, on aperçoit à l’horizon un grand nombre de hauteurs. Ces massifs sont tantôt arrondis à la base et isolés, tantôt bordés de falaises longues de 3 à 5 kilomètres dont les directions sont très variables. Le massif Kérem-Ouarga est S. 30° E.-N., 30° O., celui de Kara sensiblement N.-S. Tous les _rocs_ sont habités ou l’ont été, le reste de la plaine est désert : les cultures elles-mêmes sont groupées autour des mamelons sur l’arène granitique rougie qui les entoure. La forme de ces monticules vient d’ailleurs de la décomposition du granite. Chaque rocher semble ainsi porté sur un piédestal sablonneux, qui constitue un sol très fertile, mais très sensible à la sécheresse. Les principaux groupes rocheux de cette nature que j’ai aperçus à distance ou traversés sont Kendégué-Timmé, Ouarga-Kérem, Kara, Sisi, Koubé, Ouaral, Manièré, Bouré, Modi, plus loin vers le N. les pics de Boli habités par les Ouled-Rachid. _12 juillet, Kara._ — Situé à 25 kilomètres à l’O.-N.O. de Kérem, Kara est habité par les Bouas Karas qui obéissent à l’alifat Korbol. Les Bouas Karas sont comme les Noubas des troglodytes, vivant dans les rochers granitiques qui parsèment le pays. Des traces de leurs anciennes cases se voient encore au pied des kagas, mais actuellement ce terrain est exclusivement occupé par les cultures. Elles sont extrêmement soignées, mieux entretenues peut-être que la majorité des cultures de céréales en Normandie. Le mil, actuellement haut de 0m,50, a déjà été sarclé trois fois et à la suite des dernières pluies on a repiqué des plants de même âge partout où la semence a manqué. J’ai vu aujourd’hui travailler la terre pour faire de nouveaux semis. Le sol est remué à 0m,40 de profondeur (c’est une terre noire, mêlée de sable, d’apparence très fertile) et creusée en sillons dont la régularité ne laisse pas trop à désirer. Pas une parcelle de terrain n’est perdue au pied du roc. La terre a même été débarrassée des éclats de granite, afin d’utiliser jusqu’aux vides qui existent entre les blocs éboulés. On a ensemencé dans la matinée du petit mil. Les autres cultures importantes sont l’Arachide et le _Vigna_ dont les gousses ont déjà pris un grand développement. A travers le Sorgho on voit des cultures intercalaires, le _Sabdariffa_, la Courgette à huile, le _Vigna_. Les ignames manquent totalement chez les Bouas, ainsi que les Patates, les _Coleus_ et les _Plectranthus_, les _Voandzeia_, les oignons et le Gombo. A travers les champs, tout autour du rocher, mais là seulement, vivent de très vieux _Acacia albida_, au tronc couleur d’argile, aux rameaux en parasols blanchâtres, entièrement dépouillés de feuilles à cette époque. Dans le nombre se rencontrent quelques Rôniers, des Tamariniers, une seule espèce de _Ficus_ (le Kobo), enfin le Karité et le Parkia qui sont là près de leur limite septentrionale. Les cases des Bouas Karas sont de petite dimension, elles diffèrent de celles des Noubas en ce qu’elles sont construites entièrement en paille. Hommes et femmes ne sont couverts que d’une étroite bande de toile qui passe entre les jambes. Quelques femmes ont des boucles d’oreilles faites de toutes petites perles rapprochées. Certains hommes ont des bagues en cuivre mais pas de bracelets. Les hommes sont robustes, leur teint noir est assez foncé. Exceptionnellement on rencontre quelques individus dont la peau tire sur le rouge. En somme le facies de ces Bouas ressemble beaucoup à celui des Fagnias[205]. _25 juillet, De Korbol à Djember (Diamar)._ — Le pays traversé est plat, assez surélevé cependant pour ne pas être inondé à l’hivernage. Le sol est constitué, d’ailleurs, par une arène granitique très perméable. On coupe bien encore quelques petits firkis que recouvrent actuellement des touffes de graminées hautes de 1m,50 à 2 mètres. En conduisant le cheval, il faut éviter d’une part ces grosses touffes qui forment de véritables barrières imprégnées de rosée presque chaque matin et d’autre part, les petites excavations creusées par les pluies. Mal tassée, la terre s’affaisse profondément sous nos pas. Heureusement ces accidents, qui ralentissent la marche, sont plus rares dans cette région que du côté du lac Iro. Un seul de ces firkis, le Corsili, a quelque importance et présente quelques mares dirigées N.O.-S.E. Je présume que c’est une Minia faisant communiquer le Ba Modobo avec les firkis de la région de Korbol. Les villages situés aux alentours de Korbol dans la plaine et non sur les pitons granitiques, sont assez nombreux. Toutes les cases sont complètement vides, tant est grande la crainte qu’inspirent les Baguirmiens[206]. On a négligé d’entretenir les cultures, les mauvaises herbes dépassent en hauteur le mil et l’aspect de ces vastes champs abandonnés aussitôt après l’ensemencement est vraiment lamentable. Les villages Bouas rappellent ceux des Saras, les cases sont construites de la même manière, le mil est également planté en sillons. Le terrain est déboisé sur un rayon de 1 à 3 kilomètres. A la place des beaux _Ficus_ au feuillage si fourni et à l’ombrage épais, ornement des campagnes Saras, on trouve ici autour de chaque agglomération quantité de _Borassus_ et d’_Hyphæne_, mais l’essence qui domine est incontestablement l’_Acacia albida_ dont les branches et les troncs d’un blanc terne sans une seule feuille font croire que l’arbre est mort. Il est en réalité à la période de repos et à l’encontre de presque tous les végétaux du Soudan qui vivent surtout à l’hivernage, l’_Acacia albida_ n’épanouit ses feuilles et ses jeunes pousses qu’au commencement de la saison sèche. Dans le pays des Bouas cet _Acacia_ et le _Borassus_ se rencontrent exclusivement dans les lieux habités. En quelques points les indigènes utilisent, pour couvrir leurs cases, les grandes feuilles flabelliformes du Palmier, ce qui leur donne un aspect des plus pittoresques. Les rochers granitiques disséminés sans ordre, dont les crêtes violettes et toutes dentelées se détachent à de grandes distances sur la brousse plate et verdoyante, sont véritablement la caractéristique de ce pays. Les principaux, aperçus durant la marche, sont ceux de Dar du côté de Kara, ceux de Kérama aux environs de Gamkoul, enfin le massif de Diamar où je suis campé. Extrêmement pittoresques, s’élevant jusqu’à 150 et même 200 mètres au-dessus de la plaine, ces rochers se résolvent souvent en plusieurs pitons séparés par des cols, alignés en chaînes qui atteignent au plus 4 kilomètres de long. Les rochers de Djember, comme tous ceux du Dekakiré, ont été habités ou le sont fréquemment encore par des Bouas troglodytes qui accomplissent, pour circuler dans leurs villages aériens, des prodiges de souplesse, comme les Noubas. Au moment des pluies, ils aménagent des citernes naturelles pour conserver l’eau. Cette eau, qui a ruisselé seulement sur le granite, ne contient aucun sel dissous ; elle est fade et indigeste et j’en arrive à lui préférer l’eau boueuse de mares qui pourtant, quand on a le temps de la filtrer, laisse un tiers de son poids de terre en dépôt. Lorsque la saison sèche arrive ou même qu’il y a eu un trop long intervalle entre deux pluies, plusieurs fois par jour, les femmes descendent et remontent avec la plus grande difficulté une cruche d’eau sur la tête. La Perrette de La Fontaine serait mal venue dans ce pays. Si d’aventure une fille nubile culbute avec sa cruche elle est la risée du village et ne trouvera point d’acquéreur. Toute la vie de ces Bouas se passe dans les rochers ; l’on voit les plus jeunes enfants sauter d’un bloc sur l’autre et jouer sur des rocs larges à peine de quelques mètres carrés qui surplombent le vide. [Illustration : FIG. 68. — L’infanterie de Gaourang, sultan du Baguirmi.] _28 juillet, Komi (Kome de Nachtigal), Les « Arabes » pasteurs du Dekakiré._ — Grands et sveltes, ces pasteurs ont les membres grêles et nerveux, le teint ordinairement assez foncé, les cheveux légèrement crépus (certains pourtant ont les cheveux lisses et le teint chocolat clair), les traits fins, le front haut, la barbe fournie et portée entière, du moins par les vieillards. Vêtus de la grande toge baguirmienne, ils ne conservent point de grisgris ; leur seule arme est le couteau retenu au bras à l’aide d’un bracelet en cuir. La femme occupe une situation sociale élevée. Elle sort de la tente pour vaquer aux occupations du ménage ; elle est assez libre et hardie pour venir à notre camp sans appréhension. Les deux sexes font le salam : ces Arabes sont de fervents musulmans, mais non des fanatiques. Cette population n’est qu’à demi sédentaire. Fixés dans un canton, ils se déplacent à chaque saison pour conduire leurs troupeaux dans les pacages favorables. Ils n’ont en somme point de villages permanents. Ces Arabes vivent en bonne intelligence avec tout le monde. Leurs campements installés souvent près des rochers Kirdis n’y provoquent point de conflit. Les Baguirmiens y lèvent sans difficultés l’impôt. Les émigrants fellatas viennent souvent s’établir avec eux et sont bien reçus. Les Blancs ont toujours reçu très bon accueil. A peine arrivé à Komi, j’avais 50 litres de lait. L’élevage du bétail est leur seule occupation, mais ils s’y livrent avec une science véritable. Les troupeaux sont gardés en commun par des enfants et même des adultes. J’évalue à 1.000 animaux d’espèce bovine, les troupeaux campés dans les environs de Komi. Dans la même région il n’y aurait pas plus de 200 à 300 Arabes, dont 50 chefs de famille seulement. C’est dire que chacun possède une certaine fortune. Il n’y a point de moutons dans la contrée, par contre j’ai remarqué une dizaine de chevaux. Les animaux pâturent dans la prairie avoisinant le village ; ils se rendent librement par bandes aux abreuvoirs qui sont de petites mares aménagées à cet effet. En saison sèche on les conduit paître le long des Minia demeurées verdoyantes et où l’on trouve encore de l’eau en creusant des puits au milieu du lit. Quelques chiens accompagnent souvent les troupeaux et possèdent quelques-unes des qualités de nos chiens de bergers. A proximité des villages sont de vastes cases sans parois latérales. C’est là que viennent s’abriter les animaux par les temps de pluie. La femme ne s’occupe pas du bétail, c’est l’homme lui- même qui prend soin de traire les vaches. Il s’en acquitte très soigneusement et le lait est conservé dans des ustensiles fort propres. Les Pasteurs du Dékakiré se disent Arabes ; les Baguirmiens les appellent Chouas, nom donné par eux à tous les Musulmans, dont la langue usuelle est l’arabe. Cependant la description que nous venons de donner ne convient guère à de vrais Arabes ; au contraire, nous retrouvons chez eux les traits, les mœurs, et jusqu’aux détails de toilette des Foulbés du Soudan. Comme ces derniers, les femmes divisent leurs cheveux en nombreuses petites nattes qui tombent de chaque côté et portent près de chaque oreille deux tresses plus longues ; elles se suspendent au cou de nombreuses amulettes attachées par des cordelettes ou des lanières de cuir. Je suis donc porté à croire que les Pasteurs du Dékakiré sont des Foulbés qui ont oublié depuis leur conversion à l’Islamisme leur langue et même le souvenir de leurs origines, mais qui n’en continuent pas moins leur genre de vie typique. III. — LA RÉGION DU BAHR EL ERGUIG Le 31 juillet, nous passons à Moudou, village sarroua, situé sur la rive gauche du fleuve, composé de 15 cases, simples paillottes, dont les habitants se sont enfuis dans la brousse. Il est entouré de belles cultures du Sorgho. Plus loin, toujours sur la rive gauche, nous traversons un autre village sarroua : Boullaï (à côté se trouve encore le Djo de la carte NACHTIGAL), environné de toutes parts de magnifiques _Borassus_ qui forment une véritable forêt clairsemée. Quelques _Hyphæne_, de grands _Acacia albida_ ombragent aussi les terres cultivées. Boullaï a 40 cases. A 200 mètres de l’enceinte en chaume du groupement sarroua, existe une petite agglomération d’Arabes, composée de 15 cases, couvertes en feuilles de _Borassus_ ; c’est le village de Soua, longé par une dépression marécageuse qui est peut-être un bras du Bahr el Erguig, nommée Ndougouô. Le 1er août, nous passons à Djémour (Djomel de NACHTIGAL) à 12 kilomètres à l’O. de Boullaï. Autour des 40 cases sarrouas s’élèvent des Cailcédrats et des _Celtis integrifolia_, quelques _Hyphæne_, mais les _Borassus_ s’arrêtent à 8 kilomètres du village qui est entouré de magnifiques cultures de Sorgho avec du _Cucumis_ oléagineux dans les intervalles. On repique en ce moment le _Penicillaria_. L’Eleusine existe dans tous les villages Sarrouas traversés. Barnja (Mbaranga de NACHTIGAL) est à 5 kilomètres de Djémour. Ses 60 cases sont réparties en plusieurs groupes. Les cultures sont parfaitement entretenues ; le mil est planté partout sur des sillons très réguliers espacés de 0m,40. Outre l’agriculture, les habitants pratiquent la pêche. J’ai observé une fort belle nasse double. Le _Borassus_ est à peu près complètement disparu. Les arbres caractéristiques des environs sont : _Khaya_, _Celtis integrifolia_, _Kigelia africana_, _Daniella thurifera_, _Combretum glutinosum_, _Tamarindus indica_, _Ficus_ (deux espèces, celle à grandes feuilles et celle à petites feuilles étroites), _Anogeissus_, _Balanites_, _Acacia albida_. De Barnja à Nigué (15 kilomètres au N.-O.), on longe le Chari. Sur tout le trajet le _Sclerocarya birrœa_ est très commun ; c’est un grand arbre qui s’élève jusqu’à 20 mètres de haut. Les fruits sont tombés depuis la fin de mai et il n’en reste même plus trace. A 5 kilomètres avant d’atteindre Nigué on traverse un emplacement de village reconnaissable aux débris de cendres et de poteries. Des jachères actuellement couvertes de Graminées et de Légumineuses en fleurs remplacent les champs. Çà et là dans la brousse on trouve des _Hyphæne_ ramifiés à branches très grêles. La région que nous traversons depuis Boullaï est toujours très marécageuse, très boisée autour de grandes termitières occupant les endroits exondés. Des branches d’arbres descendent les longues draperies formées par les _Cissus quadrangularis_. Nigué est un village baguirmien de 50 cases, situé sur un emplacement défriché depuis peu de temps. Il n’y a dans les champs ni _Acacia albida_, ni _Borassus_[207]. Précédemment cette bourgade était située à l’E. au bord du Bahr el Erguig. Bien que le défrichement soit récent, les cultures mil, haricots, cucurbitacées sont très belles : quelques pieds d’_Hibiscus cannabinus_ sont plantés autour des cases ; leurs fibres servent à fabriquer des filets de pêche. On vient de semer ce textile et il n’est pas encore repiqué. Dans cette contrée presque toutes les plantes se repiquent. Les semis de Sorgho et de _Penicillaria_ se font sous les arbres, sur les sols les plus fertiles. On repique à la fin de juillet quand la tige n’est point encore sortie ; on coupe l’extrémité des feuilles et on met en terre en foulant le sol avec le pied. Les plantules reprennent à condition qu’il survienne une pluie. _2 août, Digdig._ — De fortes ondées qui se sont succédées depuis quatre heures du matin ne nous ont pas permis de partir avant sept heures. Pendant trois heures nous marchons sur un sol détrempé, à travers les flaques d’eau. Il faut bien constater que la presque totalité des pays parcourus depuis 9° 30′ N., constituent à l’hivernage d’immenses marais. Le sol, bien que son argile soit mêlée d’un peu de sable, est néanmoins imperméable. A chaque pluie l’eau ruisselle et s’accumule dans les dépressions y entraînant la terre qu’elle a arrachée aux monticules surélevés de quelques décimètres seulement. Une journée de soleil suffit pour assécher la plupart de ces mares. Puis les termites transportent sur les buttes la terre charriée dans les dépressions, où les eaux de nouveau l’entraînent. Cette alternance perpétuelle entre le colmatage causé par les pluies et le transport de ces mêmes éléments détritiques sur les hauteurs, conserve à la plaine son aspect bosselé. Les parties basses inondées souvent en hivernage sont couvertes d’une végétation herbacée très grêle et très basse, composée en grande partie de Graminées et de Cypéracées. Les plantes à tubercules et surtout les _Crinum_, les _Dipcadi_, les _Pancratium_, les _Anthericum_, les _Chlorophytum_, 2 ou 3 espèces d’Asclépiadées bulbeuses occupent aussi une grande place. Les parties saillantes sont bosselées par suite du travail des termites, aussi l’eau n’y séjourne point. C’est là qu’est localisée la végétation ligneuse composée de beaux arbres (Tamariniers, _Anogeissus_, _Terminalia_), d’arbustes (_Combretum altum_, _Guiera_, _Commiphora_, _Boscia_), de buissons épineux (_Balanites_, _Acacia_, _Caillea_, _Capparis_) sur lesquels grimpent de nombreuses plantes sarmenteuses et des herbes volubiles (_Ampelocissus_, _Cissus_, Asclépiadées, divers _Ipomœa_, plusieurs espèces de _Dioscorea_, _Cassytha filiformis_, plusieurs espèces de légumineuses comme le _Vigna_). Le dernier village Sarroua que nous ayons rencontré était Djomour[208]. Négui est peuplé de Baguirmiens, fort miséreux et presque tous couverts de plaies syphilitiques. Les points traversés ensuite (Kyr, Yasoul ou Baïret, Saguemate) sont habités par des Arabes pasteurs, tout à fait semblables à ceux de Komi. Moins riches que ces derniers, ils ne possèdent que des moutons, à l’élevage desquels ils consacrent tout leur temps, et dont le lait forme la base de leur alimentation. Selon leurs dires la tribu qu’ils constituent se nomme Madek. Ils auraient jadis habité à Gadba près de Bouno. Quand les Ouadaïens vinrent leur faire la guerre, les Baguirmiens n’osèrent pas intervenir pour les protéger ; tout leur bétail fut enlevé, et les survivants vinrent se réfugier sur les bords du Ba Mbassa où ils ont seulement réussi à reconstituer leurs bergeries, mais non leurs troupeaux de vaches. De mœurs douces, vivant par groupes peu cohérents, ils subissent l’oppression du Baguirmi avec la résignation d’hommes assouplis à l’obéissance. Ils ne cherchent qu’à sauvegarder leurs troupeaux, par tous les moyens et préfèrent renoncer à leur liberté plutôt que de risquer de perdre leurs moyens d’existence. La polygamie est à peine connue chez ces Arabes, la femme y a un rôle élevé, l’homme la traite comme son égal. Quand le troupeau revient au bercail, qui le plus souvent est la case même d’habitation, le mari reste au milieu des siens, caresse les enfants. C’est la première fois que j’observe ces mœurs en Afrique. Ces Arabes pasteurs n’ont point de captifs. Tous les individus jouissent de la même liberté et c’est à peine si le chef de chaque agglomération a quelques prérogatives. Chaque famille possède son troupeau dont les animaux vivent aux alentours du village, mélangé aux troupeaux des autres familles. Les enfants les surveillent, les plus jeunes agneaux somnolent à la porte des cases, au milieu des enfants. Quelques chiens au corps étique reposent à côté. Ces chiens me paraissent appartenir à une race spéciale. Le pelage roux et court, les membres élevés, le corps svelte, aux côtes saillantes, le museau allongé, ils présentent de nombreux points de ressemblance avec notre lévrier ; leur queue est aussi très allongée et à poils courts. A l’encontre du chien Kirdi qui aboie rarement et pousse des cris plaintifs quand on le frappe, ce dont les indigènes ne se font point faute, le chien du Ba Mbassa hurle à tout propos et rien n’est plus désagréable que de passer une nuit dans un village de pasteurs. Cela me rappelle nos nuits d’insomnie chez les Peuls ou Foulbés fétichistes qui possèdent un chien semblable. Du reste il ne diffère point du chien Laobé décrit par M. de ROCHEBRUNE. C’est un argument de plus qui me porte à assimiler ces prétendus Arabes pasteurs à des Foulbés ou Fellata. Toute leur existence rappelle la vie des Peuls : leurs mœurs simples vraiment patriarcales, l’attachement qu’ils portent à leurs troupeaux, leur aversion pour la guerre, la tiédeur avec laquelle ils pratiquent l’Islam, l’installation toujours provisoire de leurs villages, les cultures ordinairement fort négligées, l’alimentation consistant presque exclusivement en laitage. Leurs paillotes sont construites aussi sur le type des cases peules de la boucle du Niger. La charpente est faite à la hâte à l’aide de quelques baliveaux. La toiture en dôme est faite d’herbes non tressées, fixées grossièrement aux branches que fixent des lanières d’écorce. L’intérieur est spacieux et peut abriter une famille ayant souvent de nombreux enfants. On y loge aussi les animaux nouveau-nés ; souvent le troupeau de moutons tout entier y dort la nuit. Les caractères physiques présentent aussi les plus grandes analogies avec ceux des Foulbés. Le corps est nerveux, les membres fins, les traits du visage harmonieux, le teint n’est point noir, mais chocolat clair, parfois presque blanc, le nez aquilin est petit, les lèvres fines. Ce type n’est ni celui du nègre ni celui de l’Arabe ; ce serait plutôt celui du Berbère. Les cheveux ne sont point laineux comme chez les noirs, mais bien crépus ; chez les femmes et les jeunes élégantes les nattes sont enduites d’une grande quantité de beurre et parfois savamment entremêlées de perles et de corail. La toilette d’une femme n’est pas une mince besogne, elle demande plusieurs heures. Il est vrai qu’elle ne se renouvelle que rarement. Au cou les femmes portent de multiples colliers de cuir auxquels sont suspendus des sachets de perles, de corail. Les hommes sont vêtus, sans aucune recherche, du grand manteau en coton indigène non teint. Très dociles, vivant sans conflit avec leurs voisins, cherchant la paix, bien supérieurs à la majorité des Baguirmiens, ces musulmans sont des sujets précieux que nous devons protéger. Je serais d’avis qu’on les aidât _directement_ à reconstituer leurs troupeaux au lieu de les pressurer comme on l’a fait ou laissé faire. _3 août._ — Nous avons encore traversé deux villages d’Arabes pasteurs, Madem (30 cases) et Mamaïka (25 cases). Le premier possède une trentaine de vaches et des moutons, le second, des moutons seulement. Ces moutons appartiennent à la même race que les moutons djennonké du Soudan français. Leurs longs poils, sans être soyeux ni bouclés, pourraient être tissés. C’est un type bien différent du mouton du Ouadaï, maigre, à poils ras, que nous avons vu chez Senoussi. Les femmes qui ont un enfant au sein portent une peau de mouton sur les reins du côté gauche, la laine en dehors ; c’est dans cet abri qu’est placé l’enfant. De Mamaïka une marche de quelques kilomètres vers l’E. nous conduit de nouveau en pays baguirmien, au village de Boti. La végétation des pays traversés dans cette journée du 3 se compose pour les 4/5, comme nombre d’individus, de Combrétacées, viennent ensuite les Légumineuses, le _Balanites_. Depuis Nigué, nous n’avons vu ni _Hyphæne_, ni _Borassus_. Quelques espèces que je croyais disparues se sont rencontrées aujourd’hui ce sont : _Afzelia_, _Daniella_ (un seul pied), de beaux _Detarium_ arborescents. Toujours beaucoup de _Crinum_ et de _Dipcadi_, ces derniers ont toutes les feuilles couvertes d’_Uredo_. De Mamaïka à Boti, puis jusqu’à Ylal, nous avons reconnu de nombreuses traces toutes fraîches d’éléphant. Cet animal serait assez commun sur le moyen Ba Mbassa. _4 août._ — Les villages Baguirmiens se succèdent maintenant sans interruption. Nous en avons rencontré quatre : Boti (35 cases), Loti (15 cases), Orom (20 cases), Ylal (50 cases). Tous se ressemblent et diffèrent très peu des villages Saras. Aux approches de ces villages on distingue d’abord la cîme chauve des grands _Acacia albida_ exclusivement cantonnés sur les terres anciennement cultivées. Puis on aborde les terrains débroussaillés par le feu, couverts de troncs secs à demi carbonisés et encore en place. C’est là que se sèmera le Mil dans un ou deux ans ; en attendant, les plantes messicoles annuelles ont déjà pris possession de la terre. Enfin une grande éclaircie apparaît : c’est l’emplacement proprement dit des champs, défriché depuis un temps immémorial et qu’on ensemence encore chaque année par place, laissant le reste en jachère jusqu’à l’année favorable. Ici plus d’arbustes, mais des arbres porte-ombre disséminés au hasard. Assez rares et appartenant à des essences peu feuillues, ils ne donnent plus l’impression de vergers comme chez les Saras, mais ils font penser aux maigres arbres dispersés à travers les plaines jurassiques de Normandie. Ils n’appartiennent qu’à 3 ou 4 espèces : _Balanites_, _Acacia albida_, _Sterculia tomentosa_, parfois des Tamariniers. Les chèvres et les moutons, quand il en existe, pâturent dans les jachères très herbues à cette époque de l’année. Bientôt apparaît la silhouette du village dont on distingue les toits pointus des cases, et en dernier lieu l’enceinte haute de 2 mètres formée de paillassons tressés et soutenus par des perches grossières, non écimées. Les cases sont entassées les unes sur les autres, de telle sorte qu’un village de 50 habitations couvre à peine une surface de 25 ares. Plusieurs portes permettent l’accès dans l’enceinte, où l’on circule dans des ruelles étroites, entre des palissades en paille, écartées de moins d’un mètre, qui entourent la demeure de chaque famille. Les cases sont rondes, spacieuses. Leurs murs, entièrement construits en paille tressée, s’appuient sur des poteaux qui soutiennent un toit conique surmonté d’une pointe, longue de 0m,50, également en paille. A l’intérieur sont les ustensiles habituels en Afrique : calebasses faites avec les fruits du _Lagenaria_, cruches et poteries diverses en terre cuite, mortiers et pilons à mil, enfin le foyer formé de 3 grosses boules d’argile séchée, rapprochées pour supporter la marmite. Une grande place est réservée au lit, constitué le plus souvent par quatre piquets hauts de 1 mètre, sur lesquels reposent des barres transversales qui supportent les nattes. Le lit des riches, plus confortable, se compose d’un cadre en bois auquel sont fixées des lanières de cuir entrecroisées. Ce lit peut être muni de 4 pieds. Quand ces pieds n’existent pas on le place simplement sur 4 pieux. Outre les cases proprement dites, on trouve ordinairement, dans l’enceinte qui constitue le home de chaque famille, un toit horizontal soutenu par de hautes perches. C’est sous cet abri qu’on se repose pendant les heures chaudes de la journée[209]. A la saison sèche, la cour qui entoure chaque demeure est assez spacieuse, mais au début de la saison des pluies on la transforme en jardin où sont cultivés les légumes qui servent à relever le goût du mil ou du sorgho : Gombo, oseille de Guinée, courges. J’y ai vu aussi quelques pieds de Cotonniers et d’Indigotiers, des _Lagenaria_ grimpant sur les cases, mais jusqu’à ce jour, ni Tabac, ni Piment, ni Tomates amères. Sans être aussi soignées que chez les Saras, les Bouas et les Sarrouas, les cultures sont cependant bien entretenues. Le Sorgho et le _Penicillaria_ (gros et petit mil) tiennent la place principale. Le Sorgho, haut parfois de 3 mètres, montre déjà quelques épis. Le _Penicillaria_ est encore en herbe, par endroits même on commence seulement à le repiquer. Entre les pieds de mil et parfois dans des champs séparés on cultive le haricot (_Vigna_), mais en moins grande quantité que chez les Saras ; puis les Pastèques et les Courgettes à huile. Les cultures secondaires sont l’Eleusine, le Sésame, les Arachides et peut-être aussi le _Voandzeia_ que je n’ai vu au Baguirmi que chez les Arabes. Notons l’absence complète du Manioc, de Patates, d’Ignames, de Dazo, de _Plectranthus_, de Fonio, de Chanvre du Sénégal, de Riz. Il n’est pas douteux que la plupart de ces plantes réussiraient pourtant. On ne trouve que quelques pieds de cotonniers et d’indigotiers près de chaque demeure, plantés exclusivement pour les besoins de la famille. Ils sont généralement fort beaux et le Cotonnier hirsute en particulier apparaît en buissons hauts de 1m,50, couverts de fleurs à cette époque. _5 août._ — Voici quatre jours passés sans une tornade. Le sol est dur comme du macadam. Les plaines à herbes rases, couvertes de Liliacées et d’Amaryllidées qui représentent la flore des marais, sont actuellement si desséchées que les plantes souffrent. D’ailleurs la végétation s’appauvrit de jour en jour. Hier ont disparu le _Khaya_, le _Daniella_, l’_Afzelia_, les _Kaempferia_. On ne trouve plus que quelques pieds de _Detarium_. Au contraire les _Acacia_ deviennent communs, l’_Acacia vereck_, rencontré hier pour la première fois, devient commun aussi[210]. Le _Conocarpus_ et le _Cassia fistula_ sont très abondants. Les plantes annuelles herbacées couvrent une grande partie du sol qui prend l’aspect d’une magnifique pelouse émaillée de fleurs, les Acanthacées remplacent les Labiées, Légumineuses, Liliacées, Composées. L’ensemble ressemble tout à fait à nos prairies de France. Les villages sont peu espacés, les cultures s’étendent parfois à plusieurs kilomètres aux alentours. Nous avons traversé aujourd’hui Moguilé S. (15 cases) ; Moguilé N. (40 cases) ; Mouré (100 cases) ; Gala (40 cases) ; Dol (80 cases). A Mouré on possède quelques troupeaux de bœufs et de moutons ; nous y avons rencontré quelques Fellatas. _5 au 8 août, De Mouré à Tcheckna._ — Le sol, constitué presque partout par un limon rougeâtre, est cultivé sur de vastes étendues qu’interrompent seuls des espaces marécageux (par exemple de Tjékouria à Mamsa et de Mougal à Béïkam). Les agglomérations sont plus denses et plus rapprochées. Nous avons traversé les villages de : Maciré (premier groupe : 60 cases ; second : 50 cases ; troisième, Maciré-Koursoua, du nom de Koursoua, la première femme de Gaourang, 100 cases) ; Tjékouria (quatre agglomérations, intervalle de 4 kilomètres entre les deux extrémités, 500 cases en tout) ; Mamsa (deux groupes chacun de 35 cases) ; Belamedé (20 cases) ; Masséniao (80 cases) ; Mougal (35 et 60 cases) ; Beïkam (175 cases, nous avons vu le marché où une trentaine de femmes avaient apporté du Mil, des légumes, du lait). De Beïkam on aperçoit, au bord du Ba Mbassa, Tcheckna avec 800 cases visibles. [Illustration : FIG. 69. — La cavalerie de Gaourang, sultan du Baguirmi.] La population actuelle de Tcheckna s’élèverait à 5.000 habitants, et d’après le capitaine JACQUIN, à 12.000, mais ce chiffre sous toutes réserves quand Gaourang réside dans cette ville. C’est sur le bord du grand sillon tracé par le Bahr el Erguig dans la plaine argileuse du Baguirmi, qu’est construite la capitale actuelle de l’Empire. Toutes les maisons, y compris celles du sultan, des commerçants fezzanais et de tous les notables sont d’aspect misérable. Ce sont les paillottes classiques du Baguirmi entourées de murs en paille tressée. Tout est fait à la hâte et semble provisoire. La campagne avoisinante n’a rien de séduisant. Les grands arbres font défaut, quelques _Acacia albida_ dénudés, des Tamariniers rabougris, une quinzaine de gros Ebéniers et des _Celtis_ aux dômes verdoyants sont les seules essences sur lesquelles puisse se reposer le regard. La terre est mal défrichée : au milieu des cultures surgissent des buissons épineux d’_Acacia_, de _Balanites_ et de _Capparis_. Les _Dipcadi_ et les _Acrospira_ qu’il est impossible d’expulser des champs disputent la place au Mil et au _Penicillaria_. Si l’on s’éloigne de quelques centaines de mètres du village, on tombe sur la couche argileuse imperméable où, en s’écartant du sentier, on risque à tout instant de mettre le pied dans des flaques d’eau cachées par les herbes. Après les pluies le sol cède sous les pieds[211]. IV. — LE CLIMAT DE TCHECKNA C’est le climat du N. du Soudan, très chaud en saison sèche, peu pluvieux à l’hivernage. L’harmattan souffle avec violence presque tous les jours de décembre à mars. Les pluies n’arrivent qu’en juin ; elles sont d’abord très espacées (une par semaine en moyenne). Beaucoup d’orages, accompagnés d’un vent violent qui, soulevant le sable, n’amènent point d’eau. Le régime des fortes pluies s’établit dans la deuxième quinzaine de juillet et dure jusqu’à la seconde quinzaine de septembre. Du 1er au 13 août 1903, le ciel est resté presque constamment nuageux. De fréquentes averses se sont abattues sans être précédées de coups de vent. Parfois la pluie dure plusieurs heures. L’atmosphère est très humide. Toutes les substances organiques, les chaussures, le bois mort se couvrent de moisissures. Le 14 août apparaît une période de sécheresse, au milieu du jour un vent chaud et sec souffle du S.-E., parfois avec violence. L’atmosphère est lourde et chargée d’électricité. Le soir de gros nuages s’amassent au S. et des éclairs fréquents illuminent l’horizon, mais ces orages s’éloignent vers le S.-O., laissant tout au plus tomber quelques gouttelettes de pluie. Du 14 au 22 août, à deux ou trois reprises, des tornades sèches ont éclaté au lever du jour ; le vent soulève alors de gros nuages de sable, le ciel s’obscurcit, mais il ne tombe pas d’eau ou seulement quelques gouttes. C’est le type des tornades sèches si fréquent dans le N. du Soudan. Sous l’influence de ces variations de chaleur et de refroidissement, de pluie et de sécheresse, la végétation prend un rapide développement. C’est en ce moment que les prairies fournissent le plus abondamment l’herbe au bétail. Le sol est couvert de Graminées qui s’élèvent de 0m,30 à 0m,80 (_Panicum_, _Pennisetum_, _Setaria_, _Dactyloctenium_) et qui, toutes, sont en fleurs. Par les périodes sèches que nous traversons, à la fin d’août, il serait très aisé de sécher ces herbes et de les emmagasiner pour la période de disette. La saison la plus favorable à la récolte du foin va du 15 août au 1er septembre. En ce moment la plupart des herbes sont en fleurs ; plus tôt elles sont trop tendres, plus tard, elles ont grainé et elles durcissent très vite. C’est en général du 20 au 30 août qu’a lieu à Tcheckna l’épiage du mil (_Sorgho_ ou _Penicillaria_). Les champs environnants présentent un aspect magnifique. Les céréales s’élèvent à 3 mètres de hauteur formant une immense ceinture d’un vert sombre autour des villages. L’enceinte environnant chaque case est elle-même remplie de maïs et de mil. V. — LES COURS D’EAU _La rivière du Dekakiré._ — La rivière du Dekakiré (Baro) se détache du Ba Lairi à Koli ou Kol et coule sensiblement N.O.-S.E. pour aller joindre le Bahr Salamet par 2 branches, l’une tombant aux environs de Mali, l’autre aux environs de Balbédja. Les mares qu’elle forme sont : Koli (vill.) Gatau (ou Gatahou) vill. Kouri, Masro (vill.) Diana ou Dienna, Dimbé (ou Dembé), Mandérou, Miléré, Kobi ou Kobo, Gaal, Mam E. de Djember, Kétia, Kouamou (12 juillet) dirigé 15° N.-E. 15° S. 40 mètres de large, 0m,50 de profondeur (large bordure de Vétiver des 2 côtés (_Nauclea_), Toumoulo (nuit du 11 au 12 juillet), Minia Baro (près Kérem, 11 juillet), large de 50 à 80 mètres, lit rempli d’herbes aquatiques en contre bas de 1m,50 dirigé N. 30° O.-S. 30° E. (poissons, crocodiles, hippopotames). Minia Mogui près Ouarga. Minia Foya N. 20° O.-S. 20° E. dépression herbeuse, large de 30 mètres, profonde de 2 mètres (_Nauclea_), Minia Lomé au S. de Kendégué, se divise en 2 branches, la principale va rejoindre le Bahr Salamet aux environs de Mali et l’autre la Mindja Toutou en aval de Balbédja. La rivière du Dekakiré (Baro) constituait avant l’ensablement de son lit un canal de jonction entre le Bahr Salamet et le Ba Laïri. Dans ces deux fleuves l’eau de la saison pluvieuse arrive à peine à remplir chaque année les dépressions de leur lit en constituant pendant quelques mois des chapelets de mares qui s’assèchent le reste de l’année. A plus forte raison le canal qui les réunissait a perdu toute son importance. Il n’est plus indiqué que par une ligne de points d’eau, presque tous taris au cœur de la saison sèche. Les Arabes du Dekakiré conduisent alors leurs troupeaux aux mares persistantes et ne les dispersent qu’à l’arrivée des pluies. _Ba Tha ou Ba Laïri (Soro en Telala)._ — La branche qui nous occupe coule sensiblement N.N.O.-S.S.E. En amont de Koli, le Ba-Laïri traverse les régions de : Laïri, Dagna (Danja), Modobo, Télébau, Kouné, Gamkoul. J’ai coupé ce canal le 30 juillet à quelques kilomètres de Modobo entre Dagna et Korbo en un point où il porte le nom de Dounou. Là il coule sensiblement N.E.-S.O. dans une grande dépression déboisée large de 300 à 500 mètres. Au point où je l’ai coupé il offre 2 bras distants de 150 ou 200 mètres, le premier est herbeux avec quelques flaques où croît le Bourgou, il est large de 50 mètres et en contre-bas de 0m,70 à peine. Le second, qui est le bras principal, est large de 30 à 40 mètres, avec des berges de 1m50, un lit à fond sablonneux avec des mares çà et là. _Le Ba Korbol._ — Le Ba Korbol serait un ancien bras latéral du Chari auquel aboutissait autrefois le Ba Laïri. D’autre part ce dernier canal envoyait des communications au Baro (notamment le Corsili, originaire de Gamkoul, passant ensuite entre Kègne et Tom). Il en envoyait au Bahr el Erguig. _Le Bahr el Erguig._ — Le Bahr el Erguig ou Ba Reguig, Ba Batjikam, Ba Irr (Barth), Ba Mbassa (nom Baguirmien), a son origine sur le Chari un peu en aval de Demraou, c’est-à-dire entre Demraou et Miltou, et après avoir passé par Tcheckna, capitale actuelle du Baguirmi, retourne au fleuve un peu en aval de Mandjaffa. Je l’ai vu pour la première fois entre Korbo, (Korbo est le Dangoua de NACHTIGAL, l’agglomération de Dangoua est aujourd’hui détruite) et Boullaï et observé en détail. Il coule sensiblement S.E.-N.O. dans une grande plaine large de 2 à 4 kilomètres, sur laquelle la végétation se compose de _Terminalia_, _Combretum Glutinosum_, _Acacia_, Doum et Deleb. Dans la dépression qui marque le firki, le Vétiver, les _Panicum_, le _Nauclea_ et les _Mimosa_ abondent. Le lit proprement dit, en partie occupé par des bancs de sable, désormais pour la plupart en dehors des inondations, mesure 150 à 200 mètres de largeur. D’un côté il est limité par une berge haute de 2 à 3 mètres, de l’autre il s’élève en pente douce jusqu’au niveau de la plaine. Plusieurs passes, dont quelques-unes occupées par des flaques d’eau, existent ordinairement, mais une seule livre passage au cours d’eau actuel. Ce dernier, dont le lit est ordinairement peu marqué, contient de l’eau sur une profondeur de 0m,10 à 0m,20, et une largeur de 4 à 12 mètres avec un courant assez fort. En certains endroits existent des élargissements et de grandes fosses, profondes parfois de plusieurs mètres, où le courant n’est plus sensible, et dans lesquelles vivent des hippopotames. _Mouré (Mola de Nachtigal)._ — Ici le Ba Mbassa ainsi nommé en Baguirmien _petit fleuve_, par opposition au grand fleuve (Chari), coule O. 25° N. à 1 kilomètre à l’E. du village. La trouée qu’il occupe est large de 2 kilomètres, elle comprend 6 chenaux, le principal à l’E. L’ensemble constitue un immense lit sablonneux dans lequel on distingue encore les dunes fixées. Dans aucun l’eau ne coulait le 5 août. Tous ne présentent que de petites mares encombrées de roseaux (Vétiver, _Panicum_, Mil sauvage, Bourgou) sur leurs bords. Dans le chenal oriental seulement on observait des dépôts de brindilles, indiquant que l’eau avait déjà coulé d’une mare à l’autre, à la suite des dernières pluies. Entre chaque bras existent des dunes tantôt nues, tantôt couvertes de grands indigofères sauvages. Le lit de chaque dépression est à peine indiqué, celui du bras oriental seul est bien encaissé entre deux berges taillées à pic dans l’argile, celle de droite ayant 3 mètres de haut et celle de gauche ayant seulement 1m,50. Dans les autres, le lit est tout à fait incertain et se compose seulement de poches et de culs-de-sac où l’eau s’accumule au moment de l’inondation, mais où il n’existe jamais de véritable courant. D’ailleurs, selon les indigènes, l’eau ne monte pas tous les ans de manière à atteindre Madjé. L’inondation qui permit à M. GENTIL, en 1897, de remonter le Ba Mbassa avec le _Blot_ était si exceptionnelle que les vieillards n’en avaient jamais vu de semblables. En 1898, d’après les indigènes, le Ba Mbassa est resté complètement à sec. En 1899, il y eut encore une grande crue et depuis on n’en a pas vu de semblable. C’est à l’époque de la récolte du Mil, c’est-à-dire en novembre, que la hauteur des eaux est la plus forte au Baguirmi. _Le Bahr el Erguig à Tcheckna._ — Sa vallée tortueuse consiste en une dépression sablonneuse, large de 1.500 à 3.000 mètres. Un rideau d’arbres espacés indique seul sur chaque rive la limite où s’arrête l’inondation, car le lit n’a point de berges. De chaque côté, un glacis en pente douce, gazonné par des touffes de Vétiver ou des herbes salicicoles, descend vers le fossé où coule l’eau au début de la crue. Ce canal, jonché de bancs de sable très fin, a lui-même un lit très indécis large de 30 à 50 mètres. Parfois il est dominé de falaises de 4 à 8 mètres, entaillées dans le sable ; parfois il est dépourvu de berges et chemine entre des bancs de sable dans des marais encombrés d’herbes aquatiques, au milieu desquelles il se perd. On conçoit que la marche de la crue soit très lente. La pente générale est extrêmement faible. Puis le sable absorbe l’eau au fur à mesure qu’elle arrive ; les grandes dépressions marécageuses en retiennent aussi une partie, car les herbes y jouent le rôle d’une éponge qui ralentit encore le courant. Enfin au moment des pluies violentes, les bancs se déplacent et viennent barrer le chenal. A moins qu’une forte crue ne vienne déblayer plus tard ce barrage, il ne tardera pas à se consolider par de nouveaux apports, surtout grâce à la végétation qui le recouvre. Il se constituera en arrière une mare permanente, parfois suffisamment profonde pour que les hippopotames puissent y rester toute l’année. On cite aux environs de Tcheckna les mares de Malcassa près de Guérié (en amont) et celles d’Artaïe (en aval) comme étant dans ce cas. Le lit est complètement à sec de février à octobre. A partir de mars, les mares des cavités plus profondes s’assèchent elles-mêmes. En mai et juin on trouve difficilement de l’eau à Tcheckna. Les pluies remplissent quelques creux aux parois argileuses ; mais dans les autres le sable ne tarde pas à absorber l’eau apportée par des affluents torrentiels. Mais le ruissellement, si rapide qu’il soit, a eu le temps d’arracher aux terres cultivées l’humus qu’il entraîne dans le lit du Bahr el Erguig. Les plaines ne sont pas encore suffisamment nivelées pour que les grandes dépressions africaines qui en occupent le centre ne contribuent à l’appauvrissement du sol, loin d’être une source de richesse pour le pays. La crue arrive à Tcheckna du 15 octobre au 1er novembre, elle continue parfois à s’écouler jusqu’au mois de janvier. Les années de faible inondation l’eau remplit seulement le chenal (_olo_ ou alba) et les marais cités (boucou angué). Les années de grande crue elle remplit tout le lit (_Kokoba_) ; les hippopotames et les crocodiles remontent alors en grand nombre ; il y a une profondeur de 5 à 8 mètres d’eau dans le thalweg du chenal et, disent les indigènes, un courant impétueux. Mais cela ne dure que quelques jours. L’eau abandonne très rapidement les glacis latéraux qu’elle a momentanément recouverts. Ces glacis (_mankéla_) reçoivent chaque fois une mince couche (5 à 6 millimètres) d’humus qui est emportée par la crue suivante. Leur sol est constitué par une argile jaune-rougeâtre qui retient de nombreuses flaques d’eau. Aussi n’est-il point utilisé pour la culture. Les plantations de mil s’arrêtent à quelques mètres de la limite extrême des inondations. Les falaises qui surgissent çà et là dans le lit moyen du Bahr el Erguig permettent de déterminer l’origine du fleuve et les variations qu’il a subies dans les époques précédentes. Le Bahr el Erguig s’est déblayé un lit immense dans l’alluvion ancienne (argile du Baguirmi). Il était alors un fleuve permanent, large de 1 à 4 kilomètres. Au milieu il avait une profondeur de plus de 20 mètres ; une couche de sable dont nous n’avons vu nulle part la base se déposa peu à peu au fond. Il recevait du Baguirmi des affluents dont le cours n’est reconnaissable qu’en quelques points. Puis les pluies soudaniennes diminuèrent. Le Ba Mbassa suffit une partie de l’année à l’écoulement des eaux venant du S. Ce ne fut plus qu’à des intervalles lointains qu’il y eut encore des crues violentes. Dans les assises de sable on constate par intervalles des couches de 10 à 20 centimètres, formées presque exclusivement de galets quartzeux dont les plus volumineux ont la grosseur d’un œuf de pigeon. A ce moment déjà l’eau n’occupait plus tout le lit, mais seulement un chenal restreint et tortueux, où les bancs de galets sont très localisés. Plus tard s’établit çà et là dans le lit un régime marécageux car on observe, par endroits, des couches noirâtres qui ont jusqu’à 15 centimètres d’épaisseur. Elles sont recouvertes de sable dont l’horizontalité des stratifications indique la lenteur du dépôt. Cette alternance de formations marécageuses et fluviatiles marque un régime irrégulier à une époque déjà ancienne puisqu’au dessous on observe 5 à 6 mètres de sables compacts. Depuis, l’envasement a continué et le Bahr el Erguig, qui ne reçoit plus ses anciens affluents baguirmiens, s’appauvrit de plus en plus. VI. — LES MARAIS ENTRE MASSÉNIA ET LE BA LAÏRI A l’E. de Massénia la carte de Barth indiquait déjà de grands marais s’étendant entre les villages de Bidri, Balao, Bourgoumassa, Mossero et se prolongeant vers le Ba Tha ou Ba Laïri. Ces marais existent en effet ; ils sont assez profonds pour barrer la route aux caravanes en août et septembre. Le Béda, le plus rapproché de Tcheckna, se nomme Béda Kaga. Il se poursuit sur Déouligna, rejoint le Béda Kindji qui se prolonge vers le N.-E., et par Absaïn, atteint le Ba Tha à El Birki. Par suite de cette communication, aux hautes crues le poisson se répand jusqu’aux environs de Massénia. Les Baguirmiens affirment que ces marais ne communiquent pas avec le Ba Mbassa. Cependant il n’est pas douteux qu’anciennement le Ba Laïri et le Ba Mbassa étaient en rapports par un bras qui partait des environs de Tcheckna et par le N.-E. joignait El Birki. Les apports sableux du Ba Mbassa ont formé à son confluent avec ce diverticule un barrage de dunes qui a interrompu la communication. Le Bouta Melmess prolongé par le rahat _Beinbey_, situés à mi-chemin entre Massénia et Abougher, unissent et ont dû unir le système du Kindji aux marigots, situés à l’E. de Dourbali et communiquant avec le Chari. Enfin avec ce groupe de canaux venaient s’aboucher les Minia formées au S. de Moïto. Ce système très complexe de canaux devait lui-même être en communication avec le bras allant du Baro au Ba Reguig de Gaoui par des canaux découpant le Khozzam. Tous les pays s’étendant depuis le bas Bahr Salamat et l’Iro jusqu’au Bas-Bahr el Ghazal, sur plus de 300 kilomètres de largeur, étaient donc à une époque qu’il est impossible de préciser, mais vraisemblablement peu reculée, couverts d’innombrables canaux communiquant entre eux par une infinité de bras, tantôt enserrant autour des pics granitiques des aires exondées fort étendues, tantôt venant déboucher dans de vastes lagunes dont les lacs Iro et Fittri sont les derniers vestiges. Dans ces lagunes, dans les parties les plus profondes des canaux vivaient en quantité les caïmans et les hippopotames. Ces grands animaux ont peu à peu disparu. Il en est resté encore jusqu’à nos jours dans certains rahats, simples flaques, où ils trouvent à peine assez d’eau pour subsister. Tous ces pays, actuellement menacés d’une stérilité complète par suite de l’extension du climat saharien, ressemblaient à ce qu’est aujourd’hui l’archipel Kouri à l’entrée du Bahr el Ghazal dans le Tchad. Ce lac est lui-même condamné au même sort que ces immenses lagunes. [Note 195 : Timmé est une agglomération située à 4 kilomètres environ au S.-O. de Kendégué.] [Note 196 : Il y avait un léger courant le 25 juin et le 7 juillet à Koulfé. Les mares étaient reliées entre elles par un filet d’eau large de 2 mètres, profond de 0m,30. Le courant avait une vitesse de 0m,50 à la seconde.] [Note 197 : Ce granite a une teinte très claire, presque blanchâtre. Il n’est point traversé de filons. Au pied de la colline se trouve une couche épaisse de quelques décimètres, de latérite ferrugineuse compacte, sans méats, formée de grains de quartz arrachés au granite et étroitement cimentée par le magma rouge. Au-dessus de la latérite, ainsi qu’en certains autres points au contact même de la roche on reconnaît l’arène granitique très rubéfiée, mais non cimentée. Enfin, bien au- dessus de la latérite, les grandes tables plus ou moins inclinées de granite présentent un vernis rougeâtre de latérite très mince. En haut, au contraire, le granite est à nu et n’est même pas recouvert de thalles de Cryptogames.] [Note 198 : Les habitants de Timmé et de Kendégué m’ont nié l’existence de ces refuges et je comprends que ces gens ne tiennent point à dévoiler leurs secrets à un blanc.] [Note 199 : Leur chef Kharta a été tué trois jours avant l’entrée de Mahmadou à Dougui. Il est remplacé par Bougaï qui, après le voyage du capitaine PARAIRE à Kendégué, a envoyé un bœuf au poste de Fort- Archambault en signe de soumission. Les hommes de Dougui ont donc des bœufs ? Non, ils l’avaient acheté aux Arabes contre de l’ivoire. Les hauteurs de Dougui sont encore appelées Timan par les Arabes ; les Fagnias disent Mané.] [Note 200 : Les Zanes sont des Goullas (renseignement recueilli à Timmé).] [Note 201 : Ceux de Kendégué se livrent aussi à la pêche. Au commencement de la saison sèche, ils vont du côté du lac Iro barrer les firkis inondés et capturer, avec leurs paniers sans fond, les poissons attardés dans ces prairies momentanément recouvertes.] [Note 202 : J’ai remarqué qu’à Timmé on entourait de cordes les champs de mil pour empêcher les antilopes d’y pénétrer. Dès cette époque, alors que le sorgho est encore tout jeune, les antilopes délaissent en effet les succulentes pousses d’_Andropogon_ sauvage pour celles du sorgho, probablement plus savoureuses encore. N’ayant point de fusils on ne peut faire la chasse à ces animaux : on se contente donc de les éloigner.] [Note 203 : La végétation de ces rochers est d’une grande richesse, et présente un caractère méridional très prononcé. Dans les parties les plus ombragées, entre les fentes de la pierre croissent encore de charmants _Adianthum_ et leurs frondes gracieuses sont d’un ton vert clair qui s’harmonise avec les thalles des _Riccia_ et des jeunes mousses annuelles qui depuis l’arrivée des pluies tapissent les anfractuosités. Le _Cissus quadrangularis_ affectionne particulièrement ces rochers ; au contraire l’Euphorbe cactiforme fait défaut.] [Note 204 : Boli serait à 4 jours de Kendégué. Il s’y trouve des Arabes indépendants du Ouadaï. A Boli on est à 6 ou 8 jours du cœur du pays Guéré. Les Arabes viennent souvent commercer à Kendégué. Ils remportent du mil, de la graisse et des volailles, en échange des toiles de coton du Ouadaï et de quelques perles. Rarement ils trouveraient un peu d’ivoire.] [Note 205 : J’ai vu un cavalier à l’approche du village et appris que les Bouas riches possèdent des chevaux.] [Note 206 : Gaourang, le sultan du Baguirmi, était à Korbol avec 2000 guerriers.] [Note 207 : Dans le village s’observent des _Balanites_ atteignant 15 mètres de haut, sans fruits à cette époque.] [Note 208 : Tout à côté se trouvait Mongolla qui fut anéanti par Rabah au début des hostilités contre Gaourang.] [Note 209 : On donne l’hospitalité aux étrangers sous un refuge semblable construit à l’entrée du village.] [Note 210 : Les Baguirmiens en mangent la gomme.] [Note 211 : Ces terrains couverts de marais se nomment _Maouin_ en baguirmien ; les marais eux-mêmes sont appelés _Béda_ (baguirmien), _Koulo_ (Kotoko). La brousse boisée proprement dite s’appelle _Bangala_ (baguirmien) ; les places où le sol est légèrement bombé et sur lesquelles l’eau ne séjourne pas, forment des aires complètement dépourvues de végétation, à surface dure et jaunâtre nommées _Kébara_ en baguirmien. Les rares emplacements où la terre est cultivée constituent le _Tougouz_. En certains endroits, le lit du Bahr el Erguig déborde aux hautes crues. On nomme _Man Kéla_, le terrain qu’il couvre (Les Kotokos appellent _Hava_ les terres recouvertes par les crues du Chari).] CHAPITRE XIII LE NORD DU BAGUIRMI I. Dans les steppes du Baguirmi. — II. Région de Moïto. * * * * * I. — DANS LES STEPPES DU BAGUIRMI Le 25 août dans l’après-midi, je pris congé de mon excellent hôte, le capitaine JACQUIN. Une marche de 5 heures à travers la steppe difficilement praticable me conduisit aux ruines de Massénia, l’ancienne capitale du Baguirmi. Les pluies des jours précédents avaient transformé le pays en un immense marécage. Ces marais que j’allais parcourir pendant une quinzaine de jours ne ressemblaient pas à ceux où j’avais erré à l’O. du lac Iro, c’était plutôt une grande plaine sans horizon, toute semée d’arbustes épineux ou d’arbres rabougris parmi lesquels dominaient plusieurs espèces d’_Acacia_ aux épines traîtresses. Le sol, partout argileux et plat, était couvert de nombreuses espèces de Graminées et surtout de variétés fourragères de _Panicum_ formant un tapis discontinu, interrompu par les flaques d’eau et les buissons de Gommiers. Quel pays monotone ! Quelles heures de lassitude j’ai passées dans cette steppe, pays de la soif en saison sèche, en hivernage pays de bourbiers d’où surgissent le soir des myriades de moustiques, depuis les _Anophèles_ propagateurs du paludisme, jusqu’aux _Culex_ aux morsures douloureuses. Certes je ne souhaite point aux enthousiastes de la mise en valeur rapide de notre Afrique Centrale d’être condamnés à vivre dans ces steppes, plus tristes peut-être que le Sahara où l’on jouit au moins de grands horizons. Dans la steppe le naturaliste ne trouve même pas un dédommagement à ses peines : la flore est d’une uniformité désespérante. Il en est de même de la faune, rien n’est plus rare qu’un papillon ; très peu d’insectes visitent les boules de fleurs d’_Acacia_, malgré leur parfum pénétrant. Dès le premier jour, je compris combien serait pénible cette marche à travers les marais coupés d’îlots d’_Acacias_. Les herbes nous cachaient souvent les flaques d’eau et il fallait prendre des peines infinies pour ne pas tomber dans la vase où les pieds s’enfonçaient profondément. Le sentier était souvent caché par l’inondation, de sorte que nous étions obligés d’avancer à l’aventure. Parfois il fallait revenir sur nos pas, les clairières suivies conduisant dans de profondes dépressions en cul- de-sac où l’eau s’était accumulée et où une couche de petites plantes flottantes, des lentilles d’eau et des _Wolfia_ cachaient une nappe profonde de plus d’un mètre. Alors avec des précautions infinies mes porteurs, qui toujours marchaient en avant, s’arrêtaient, revenaient en arrière me dire qu’il ne fallait plus avancer et nous changions de direction, à travers les Krebs et les riz sauvages. [Illustration : FIG. 70. — Un chef baguirmien et ses cavaliers.] Gaourang m’avait donné une vingtaine de porteurs. Deux ou trois s’enfuirent dès la première nuit, ils furent facilement remplacés par des volontaires engagés au petit village de Massénia. J’étais accompagné par un notable baguirmien que le sultan avait chargé de veiller à la marche du convoi et de recruter des porteurs le cas échéant. Le soleil disparaissait dans la futaie épineuse lorsque j’arrivai au pied des murailles de Massénia. Depuis une heure je cherchais ces ruines qu’on m’avait décrites comme imposantes. Nous cheminions à travers les marais, dans les hautes herbes d’où émergeait à peine la tête de mes compagnons. Cette steppe marécageuse présentait ce soir-là un aspect encore plus triste que d’ordinaire. La traversée des flaques d’eau boueuse nous avait éreintés. Les pluies abondantes de la nuit dernière avaient élevé leur niveau, et, par place, les hommes avaient de l’eau jusqu’à la ceinture. C’est à travers ces fondrières qu’étaient passés dans la matinée les cavaliers du village d’Abougher, venus à Tcheckna saluer Gaourang, à l’occasion de son retour. Les pieds de leurs chevaux avaient rendu le chemin, déjà difficile en temps ordinaire, encore plus impraticable. Nous avancions très lentement. Soudain est apparue, à 50 pas devant le convoi, la muraille effritée de la ville morte. La steppe s’arrêtait là, brusquement. Pas une plante n’avait encore envahi ces ruines. En un clin d’œil je fus sur le sommet de l’enceinte. A la vue de ce qui avait été Massénia, je suis resté anéanti. Par ce soir d’hivernage, le paysage noyé dans la pourpre du couchant était d’une tristesse infinie. De la ville décrite avec tant de soin par BARTH, il ne reste rien, absolument rien. La trace même des mosquées, des palais des sultans, des caravansérails, de ces grands abreuvoirs où les caravaniers conduisaient leurs montures est totalement effacée. De hautes graminées, s’élevant à 1m,50, remplissent l’intérieur de l’enceinte. Par places, les indigènes des villages voisins ont retourné la terre et planté du sorgho qui végète à merveille sur ce sol imprégné de substances organiques. Ailleurs, l’herbe est couchée et piétinée par les fauves et les antilopes, car ce lieu est maintenant le repaire d’innombrables bêtes sauvages. Çà et là quelques _Balanites_ au feuillage glauque, aux rameaux retombants, profilent leur lugubre silhouette, tel un saule pleureur au milieu d’un cimetière. Ce n’est pas seulement la vue de cet arbre qui évoque l’impression d’une nécropole. Dans l’argile du mur ébréché on voit pêle-mêle des tibias humains, des morceaux de crânes, des débris de poteries. La pluie a creusé des fossés profonds, parfois de plus d’un mètre, à travers l’emplacement de la ville où s’élevèrent des demeures somptueuses. La vue de ces ruines m’a fait penser à celle de Ghasr Eggonio, l’ancienne capitale du Bornou, détruite par les Foulbés en 1809 et dont les débris imposants apparurent à BARTH en 1852 dans un cadre identique[212]. L’enceinte de Massénia mesurait 15 à 20 kilomètres de tour. Fort endommagée au siège de 1870, quand les Ouadaïens se rendirent maîtres de cette contrée, elle était encore très imposante, en 1897, lorsque M. GENTIL la visita. Cependant, les Baguirmiens, en pleine décadence depuis un siècle, n’avaient pas songé à réparer les brèches et la partie éboulée du mur. La ville d’ailleurs avait perdu une grande partie de ses habitants. Aussi, lorsqu’on apprit en 1898 que Rabah marchait sur Massénia, le sultan Gaourang, dans l’impossibilité de soutenir le siège, fit incendier sa capitale. Elle fut détruite de fond en comble et les habitants se dispersèrent le long du Bahr el Erguig et du Chari. Après la défaite du conquérant, le sultan, au lieu de s’établir en cet endroit qui lui rappelait de si lugubres souvenirs, vint camper à Tcheckna, jusqu’alors village sans importance. Il y fut bientôt rejoint par plusieurs milliers de sujets. A Massénia, comme nous l’avons dit, il ne reste plus rien. Les remparts, larges de 4 à 6 mètres à la base, éboulés, coupés de brèches en maints endroits, constituent encore, par places, un mur de 5 à 8 mètres de hauteur. Les faces tournées au S. et à l’E. ont été endommagées par la pluie. Les autres côtés, ainsi que l’intérieur du mur, ont beaucoup moins souffert ; du reste la crête du Tata est parfois de plain pied avec le sol de l’ancienne ville, celui-ci étant presque partout surélevé de 2 ou 3 mètres sur celui de la plaine environnante. En dehors de l’ancienne enceinte, et à 500 mètres au S.-E., quelques familles baguirmiennes ont formé un village gardant le nom de Massénia, et composé d’une quinzaine de cases bâties sur un petit coteau dominant de quelques mètres les marais environnants. C’est dans ce hameau que nous avons passé la nuit du 26 août. Le lendemain matin, dès 9 heures, nous le quittions, et après avoir traversé les marais qui l’entourent, marais remplis de sorgho et de petit mil, à demi noyé dans l’eau, nous pénétrions de nouveau dans l’intérieur des ruines. Il faut environ une demi-heure pour traverser le quartier E., du S. au N. Les grands _Andropogon_ soudanais, très rares depuis le 10e parallèle, forment ici des prairies très étendues, mais l’herbe qui domine sur les ruines de Massénia est le _Dactyloctenium_, dont les graines sont en ce moment parvenues à maturité. Cette charmante petite graminée, comme le mouron de nos pays tempérés, croît à l’état sauvage dans tous les terrains cultivés et le long des chemins, partout où l’homme a séjourné quelque temps. Son grain, encore plus fin que celui de l’_Eleusine_, constitue un aliment médiocre permettant aux indigents de subsister jusqu’à la récolte des céréales. Nous croisons une troupe de pauvres gens, femmes et enfants, qui ont bravé la rosée matinale très abondante pour venir disputer aux passereaux ces vivres de famine. Ils saisissent les épis d’une main et font tomber les grains mûrs dans la calebasse tenue de l’autre main. Malgré la hâte avec laquelle ils opèrent, ils n’ont encore recueilli que quelques poignées, et une grande partie de la journée va être passée dans ces ruines à glaner ainsi la nourriture quotidienne. N’est-ce pas un contraste lamentable que la vue de ces quelques misérables mourant de faim, les seuls occupants de la place où s’élevait il y a quelques années encore l’une des cités les plus fastueuses des empires soudanais. Je songe involontairement à l’ancienne grandeur du Baguirmi, telle que la révélèrent à BARTH les vieillards qu’il questionnait à cette place même il y a 50 ans. Bien des réflexions envahissent la pensée. Peut-on démêler dans l’imbroglio des intrigues, des haines ou des rivalités qui pendant plus d’un siècle l’ont agité, la cause immédiate de la ruine de cet empire ? A notre avis l’explication est simple. Le Baguirmi dut sa richesse, et ses sultans, leur puissance, exclusivement au commerce des esclaves, cela, tandis que la prospérité des grands Etats soudanais, le Bornou, le Sokoto, l’Adamoua, le pays Somrai vivait non seulement de la traite des noirs mais surtout du commerce des tissus, du sel, du natron, de la kola, du bétail. Les Baguirmiens travaillaient à peine. Ils prélevaient dans les pays voisins tous les esclaves dont ils avaient besoin pour payer ceux qu’ils recevaient de l’extérieur. Ces mêmes esclaves étaient employés à la culture tandis que les possesseurs du pays vivaient dans l’opulence et l’oisiveté. Ils excitèrent ainsi la jalousie des maîtres du Ouadaï, du Kanem et du Bornou. De là ces expéditions où le Baguirmi eut fréquemment le dessous. En outre, la caste noble avait contracté de telles habitudes de mollesse qu’elle se désintéressa même de la direction de l’Etat. Déjà au temps où BARTH visita le pays, une partie des charges administratives étaient entre les mains des eunuques du sultan. Ces eunuques furent, dans les dernières années et sont restés encore aujourd’hui, les seuls chefs de l’armée. Aussi les Baguirmiens ne purent-ils résister ni à l’invasion du Ouadaï, en 1870, ni à celle des Tourgous, en 1893, et Rabah ne fit que précipiter la ruine du Baguirmi où il ne trouva à glaner qu’un maigre butin. L’Empire du Logone et le Bornou perdirent leur indépendance dans les mêmes circonstances et pour les mêmes causes, mais les populations furent moins éprouvées et le commerce continua à entretenir une certaine activité. Au contraire, le Baguirmi fut complètement ruiné après le passage de Rabah qui razziait ou anéantissait tout. Les provinces Saras, très appauvries, fournirent beaucoup moins d’esclaves ; enfin notre occupation, si tolérante pourtant, gêna quelque peu le trafic du _bois d’ébène_. Gaourang n’a recouvré, après les batailles de Koussri et de Dikoa, qu’une petite partie des guerriers et des femmes qui lui avaient été enlevés après le combat des rochers des Niellims. Les villages sont dépeuplés et ruinés, d’autres complètement abandonnés ; les troupeaux ont presque disparu. Le sultan actuel, épicurien plongé dans la vie facile des harems, ne s’en aperçoit peut-être pas encore, mais il n’est pas douteux que son empire est dans le dénuement le plus complet. Les nobles ont des besoins qu’ils ne peuvent plus satisfaire. Les esclaves, éparpillés dans les villages de culture, étant seuls à travailler, n’arrivent pas à faire vivre la masse des désœuvrés. En ce moment même, le tiers de la population de Tcheckna manque de mil, et les plus hardis de ces affamés se sont dispersés dans les pays environnants à la recherche d’un village où ils pourront vivre en pillards aux dépens des cultivateurs jusqu’à la moisson prochaine. De Massénia à Abougher, la distance est d’une trentaine de kilomètres et le sentier serpente continuellement à travers la plaine argileuse semée d’arbustes épineux parmi lesquels domine l’_Acacia arabica_. Cet arbre a fréquemment les racines dans l’eau à l’hivernage. Les épines pénétrantes dont sont armés ses rameaux entravent la marche autant que les flaques d’eau où il croît, et les fossés comme celui que nous avons traversé au sortir de Massénia, large de 200 mètres et profond de 1m,20. Le cheval passe à la nage tandis que nous arrivons à gagner l’autre bord en nous frayant une trouée au milieu des herbes inondées, avec de l’eau jusqu’aux aisselles. De semblables étangs ne sont point rares au Baguirmi en cette saison, et les caravanes sont parfois obligées d’effectuer de longs détours pour les contourner. D’ailleurs en hivernage les transactions d’un village à l’autre sont presque interrompues par suite de l’impraticabilité du pays. Cette même terre, actuellement toute couverte de flaques d’eau et de bourbiers, devient en saison sèche dure comme la pierre, et les points où les caravanes peuvent s’abreuver sont extrêmement rares. A 10 kilomètres avant d’arriver à Abougher, je croisais sur le sentier le lieutenant BLARD, parti en tournée topographique dans le Débaba, et qu’une affaire urgente rappelait à Tcheckna. Il venait d’effectuer une marche de 150 kilomètres en 30 heures, franchissant les marais et les étangs qui barraient le chemin de Lahmeur. Des raids de ce genre ne sont point très rares chez les officiers de nos possessions africaines, et font le plus grand honneur à leur énergie. Vers 3 heures de l’après-midi, nous arrivons sur un petit mamelon sablonneux dont l’aspect diffère totalement des marais que nous venons de traverser. Là le terrain est légèrement bombé et perméable, de sorte que l’eau s’écoule après chaque pluie, aussi les habitants en ont ils fait un canton de prédilection pour la culture des céréales. La grande plaine sablonneuse, surélevée de 3 à 10 mètres au-dessus des marais, qui a le village d’Abougher pour centre et 10 kilomètres environ de rayon, est à cette époque couverte de champs superbes[213]. Nous retrouvons ici un peu de la prospérité agricole du Soudan nigérien. C’est dans cette plaine, du reste, si l’on en croit la tradition, que la civilisation baguirmienne a pris naissance. Avant d’aller occuper l’emplacement de Massénia, les premiers sultans résidèrent dans cette localité qui est encore aujourd’hui l’un des principaux greniers du Baguirmi. Abougher nourrit une grande partie de la population de Tcheckna et vend, en outre, beaucoup de grains aux caravanes qui traversent la contrée. Ce canton comprend de grosses agglomérations environnées de plusieurs petits villages de culture[214]. _27 août, Village de Moula._ — La route directe d’Abougher à Moula, longue d’environ 45 kilomètres, est, en cette saison, absolument impraticable. Je n’ai pu m’y risquer avec mes nombreux porteurs. En certains endroits les piétons enfoncent dans l’eau et la vase jusqu’à la ceinture. Le passage récent de nombreux cavaliers a défoncé le sentier encore davantage. D’ailleurs ces marais sont bien peu intéressants, leur flore est partout la même, et l’horizon est extrêmement borné à travers les bois d’acacias. Le lieutenant BLARD, qui a passé à travers ces marais et qui a failli laisser son cheval enlisé dans le bourbier, me conseille de faire un détour à l’O. par Arahil. Après la sortie des cultures d’Abougher que nous avons mis une heure et demie à traverser, nous coupons la plaine couverte d’acacias, tantôt sèche, tantôt inondée. Par places, le terrain devient plus marécageux, il est déboisé et les monocotylédones bulbeux (_Crinum pauciflorum_ et _Acrospira_) le recouvrent. Les flaques d’eau que nous rencontrons sont franchies sans difficulté. Il faut cependant excepter un large marais, bordé de hautes herbes, large de près de 500 mètres en certains endroits, et où l’eau atteint déjà 0m,70 de hauteur sur quelques points. On le coupe une heure avant d’arriver à Arahil. Je l’ai traversé encore le lendemain, à 2 heures à l’E. du village. En cet endroit, il avait un lit très net, large de 200 mètres, un fond asséché, sans vase. Il se dirige de S. 20° O. vers N. 20° E. Les arbres manquent dans la dépression et existent, au contraire, en grand nombre sur les bords, formant une fausse galerie. Les Arabes m’ont raconté que ce sillon était la Minia qui va des marais à l’O. de Mokto à un village nommé Iden, au S.-O. d’Arahil. On le nomme dans la contrée Alma-Gari. Je présume qu’il n’est autre que le grand fossé qu’on traverse pour aller d’Abougher à Dourbali. Ce dernier est plein d’eau en cette saison et on est obligé de le passer à la nage ou à l’aide de radeaux. La première agglomération que nous rencontrons est le petit village de Séhé-Baya, situé au N.-N.E. d’Abougher et à 16 kilomètres des dernières cases de cette agglomération. Le second est le village de Arahil, situé à 17 kilomètres N.-N.O. du précédent. De Arahil à Moula, la distance est de 35 kilomètres et le sentier se dirige droit de l’O. à l’E. Des marais bourbeux assez étendus environnent Arahil, mais à partir de l’Alma-Gari jusqu’à Moula, c’est-à-dire sur un parcours d’environ 25 kilomètres, le sol change de nature : il devient sablonneux et sec. La couche argileuse située au-dessous des sables ne se révèle que par de petits emplacements, souvent éloignés de plusieurs lieues les uns des autres et formant des bandes sur lesquelles on trouve encore de l’eau et des marais. Au contraire, dans le reste du terrain, le sol est sec, même en hivernage. La grande plaine sablonneuse que je viens de traverser et qui tire son origine de l’érosion des pics granitiques voisins, a un aspect tout différent de la région argileuse baguirmienne. Les acacias y sont rares. Les Térébinthacées y sont également clairsemées, les buissons manquent à peu près complètement. Ce qui domine, ce sont de petits arbres élevés de 6 à 10 mètres (_Anogeissus_, _Balanites_, _Combretum glutinosum_, _Bauhinia_). Et ces arbres très espacés produisent encore l’impression du verger comme sur la 9e parallèle. D’ailleurs on se trouve sur un terrain qui a été cultivé il y a peu d’années, et c’est l’homme qui a probablement détruit tous les petits buissons qui peuplent habituellement la steppe. Actuellement le sol est envahi par des herbes en fleurs, hautes de 0m,30 à 0m,40, en touffes clairsemées. C’est un pâturage d’excellente qualité, beaucoup mieux approprié à la nourriture du bétail que les prairies élevées de plus de 1 mètre, formées de _Panicum_, de _Ceteria_ et de quelques rares _Andropogon_ qui recouvrent la lande argileuse. Sur le terrain sablonneux que nous traversons, la flore des prairies est différente. Le _Dactyloctenium_ forme les 4/5 du tapis, auquel s’associe, en grandes quantités, une Acanthacée à jolies fleurs bleues, ainsi qu’un petit _Commelina_ rampant, très abondant et recherché par les animaux domestiques. Les trois villages traversés sont relativement riches en troupeaux. Ils possèdent chacun une dizaine de chevaux, 30 à 50 bœufs ou vaches, une centaine de moutons ; enfin, à Moula, j’ai vu 3 autruches domestiques et une jeune autruche. Le bétail est entouré de grands soins et on le rentre dans les cases à la tombée de la nuit. C’est à ce moment que se fait la traite des vaches. De grand matin on les trait encore et on les conduit au pâturage avant le lever du soleil. La mouche bodjené n’existe pas, au dire des indigènes, mais, par contre, les moustiques sont très abondants et du crépuscule à l’aurore on entend leur bourdonnement ininterrompu. Il paraît que les animaux domestiques n’en sont point incommodés. Séhé-Baya et Arahil possèdent chacun 80 à 100 cases ; Moula, de 100 à 120. Dans les deux premiers villages, les habitants se disent Arabes, appartenant à la tribu des Yessés. Leurs cases, construites sur le type de celles des Arabes du Dékakiré, sont grossières, mais larges et propres. Les murs et le toit sont en tige de mil. A l’intérieur est le lit sur lequel repose pendant la nuit le maître de la maison, entouré de ses moutons. Ce lit est en planches, élevé de 1 mètre au-dessus du sol, et surmonté parfois d’un baldaquin. Les habitants de Moula sont des Baguirmiens nommés Noubas par les Arabes pasteurs, mais ils ont tout à fait le type de l’Arabe du pays. Les cases sont les mêmes et il n’y a point d’enclos en paillassons comme chez les vrais Baguirmiens. Les hommes de Moula m’ont d’ailleurs raconté qu’il avait existé dans leur village de nombreux arabes de la tribu des Ouled-Moussa, mais à la suite de mariages, ils avaient été peu à peu assimilés par les Baguirmiens plus nombreux. Aujourd’hui il ne reste plus que quelques Arabes se disant non mélangés. Les Fellatas ne font que passer dans le pays. _30 août, Ardébé._ — De Moula à Ardébé la distance est d’environ 40 kilomètres. Pendant 7 heures de marche nous cheminons, à partir de Moula, en un pays presque constamment sablonneux. Nous ne rencontrons des affleurements argileux, recouverts de marais, que de loin en loin. Ces étangs sont d’ailleurs fort peu étendus. Il faut en excepter de grandes mares situées à gauche du sentier entre le 22e et le 23e kilomètre, entourées d’une ceinture épaisse de grands Acacias en fleurs dont les rameaux supportent d’innombrables nids de Gendarmes ; ces superbes oiseaux au plumage jaune safran piaillent au bord du sentier en picorant les épis mûrs du _Panicum_. La végétation des coteaux sablonneux présente l’aspect d’un verger dans lequel le _Sclerocarya Birrœa_, à port de pommier, est de beaucoup l’espèce la plus répandue. Avec les innombrables Graminées ressemblant à des _Agrostis_ et à des _Poa_, auxquelles s’associent plusieurs espèces d’_Indigofera_ et de _Tephrosia_ dont les fleurs roses simulent de loin les _Galeopsis_, on se croirait dans une jachère de Normandie vue en automne. A certaines places broutent des antilopes, mais au lieu de se réunir par grands troupeaux, comme à la saison sèche, elles s’isolent en ce moment par couples : c’est la période des amours. Pendant les deux heures qui précèdent l’arrivée aux rochers d’Ardébé, on chemine presque constamment à travers la steppe marécageuse de petits Acacias. Nous sommes rejoints dans ces marais par une caravane de pèlerins qui nous suit depuis Abougher. Outre son chef monté sur un âne, elle se compose de 6 esclaves porteurs, armés de flèches, de deux femmes chargées de calebasses et préparant la nourriture en route ; enfin un enfant de 5 ou 6 ans va à pied. Ces gens viennent du Sokoto et se dirigent à la Mecque. Le pèlerin me raconte que ses porteurs sont des esclaves qu’il vendra en route pour subvenir à ses besoins. Il n’espère pas arriver dans la ville sainte avant deux ans. Les rochers d’Ardébé sont formés de gros pitons de granite s’élevant d’une trentaine de mètres au-dessus de la plaine. Leur masse sombre et dénudée émerge au loin des fourrés de petits arbustes épineux. Après les avoir contournés nous entrons dans les premiers champs de mil qui annoncent la proximité des cases. La population, composée d’Arabes et de Ouadaïens, nous fait un accueil très empressé. J’ai en outre le plaisir de trouver là quelques spahis envoyés au-devant de moi par mon ami, le lieutenant LEBAS. Tout le pays qui s’étend entre Ardébé, Lahmeur et les falaises de Moïto est argileux et recouvert de vastes marais à l’hivernage. Mais, autant l’eau y est répandue à cette époque de l’année, autant elle est rare à la saison sèche. Il faut aller la chercher à de grandes profondeurs dans des puits spéciaux, et la quantité qu’on recueille est souvent très insuffisante pour abreuver le bétail. Ces puits sont creusés par des professionnels que les Arabes nomment Métréma. Ce travail ne se fait qu’à la saison sèche. Le Métréma va d’un village à l’autre. A l’aide d’une longue échelle en corde, il descend au fond du puits, et les habitants font la chaîne pour remonter la terre au fur et à mesure de l’extraction. Le métréma est payé à raison de 3 ou 4 moutons par puits. On trouvera dans l’étude de M. COURTET la coupe géologique des terrains traversés par un certain nombre de ces puits. Quelques-uns ont une profondeur vraiment extraordinaire. Celui d’Ardébé va chercher l’eau à 47 mètres au-dessous du niveau du sol. Il existait autrefois 8 puits dans ce village, mais 7 se sont comblés récemment par des affaissements. Celui de Lahmeur mesure 33 mètres de profondeur ; celui de Bolo, 36 mètres ; celui de Rédédioum, 26 mètres ; celui de Moziout, 28 mètres ; le puits de Gogo, 25 mètres, etc. Les Arabes me signalent en outre l’existence de puits profonds aux villages de Diokana, Al Mourra, Dagna, à l’E. du Laïri. A Moito, au contraire, on trouve l’eau à 2 mètres de profondeur. Le niveau de ces puits est constant en toutes saisons. On ne les utilise pas pendant la période des pluies, et pour éviter les effondrements on en obstrue souvent l’ouverture avec des branchages soutenant un épais bourrelet de terre. Avec l’argile retirée du puits, on construit tout autour des abreuvoirs circulaires larges de 1m,50 à 2 mètres et hauts de 0m,20 à 0m,30. Au fur et à mesure que l’eau est retirée, elle est versée dans ces cuvettes dans lesquelles les animaux se désaltèrent tour à tour. A certaines époques on est obligé de rationner les troupeaux, et chaque propriétaire doit venir faire l’abreuvage de ses animaux à une heure déterminée. II. — RÉGION DE MOITO _1er septembre._ — Cette contrée appelée Tinguili par les Koukas est un grand plateau sablonneux, surmonté de pics, de séries de rochers et de petits mamelons de granite dont le plus haut a une altitude relative de 50 mètres. Vers le S. et l’O. de grands marais couverts d’eau en ce moment se prolongent à l’infini vers Moura. Des marais analogues s’étendent vers Ngoura et Aouni. A l’E. le plateau s’élève doucement vers le sillon qui prolonge le Ba Laïri. Cette partie du plateau est occupée par des Baguirmiens métissés d’Arabe, constituant la fraction des Mahaguénés, avec les villages de Abéleïa, Guegueur, Mosout, Ngogoti, Kannam, Fadiaoua, Amdallah. Tous ces villages (population totale : 1.000 habitants) sont très rapprochés les uns des autres et ne possèdent que des cultures pauvres. Les habitants vivent surtout de l’élevage des moutons et des vaches. Les cases sont construites grossièrement, comme celles des pasteurs arabes. Les murs et le toit sont en tiges de mil pressées les unes contre les autres, mais non tressées. Sur le plateau proprement dit du Tinguili vivent les Koukas, qui ne forment plus que de misérables agglomérations de 50 cases au maximum. Aujourd’hui les Koukas occupent dans le Tinguili les centres très déchus de Aouni, Lafia, Mouti, Aboukokakib, Abougouti, Kalé, Ngoro, Isséni, Gono, Massarma. Le nombre des Koukas vivant dans ces villages n’excède pas 1.500. Les Koukas sont, à n’en pas douter, parmi les plus anciens habitants de la contrée qui s’étend de Ngoro au Fittri. Ils furent défaits par les Boulalas et s’établirent avec eux autour du Fittri. Plus tard les razzias des Ouadaïens obligèrent une partie des Koukas à s’enfuir et à venir se réfugier dans les rochers du Tinguili où ils avaient précédemment vécu et où ils n’échappèrent point encore complètement aux incursions des Ouadaïens. Actuellement, tous les Koukas vivent sous la suzeraineté, les uns des Boulalas, les autres des Baguirmiens. Les Boulalas forment une autre fraction dont l’origine est assez incertaine. Actuellement la plupart vivent autour du lac Fittri, et leur sultan habite Yao, capitale de ce petit état. D’autres fractions sont dispersées à travers le Dagana. Au dire des Baguirmiens, les Boulalas sont bien venus du Bornou, comme l’avait pressenti BARTH. En se disant issus d’une tribu arabe, ils ont trompé NACHTIGAL, dans le but probable de rehausser leur prestige aux yeux du chrétien. Presque chaque jour j’ai dû déjouer des mensonges analogues commis par des Musulmans qui voulaient me faire croire à l’origine arabe de leurs ancêtres. J’ai eu parfois de véritables difficultés pour faire avouer aux nobles de l’entourage même du sultan Gaourang que leurs ancêtres avaient été des Kirdis. Qui dit païen, en ces contrées, dit esclave ; aussi un Musulman, fût-il dans la plus profonde misère, ne veut pas reconnaître une semblable origine. Le village de Moïto est l’un des plus pittoresques de la région N. du Baguirmi. Bâti sur un plateau sablonneux, il se trouve à l’entrée d’un défilé entre deux chaînes de rochers granitiques dirigées vers le N.-E. Le rocher où s’élevait le palais du sultan Hagui le domine de près de 150 mètres. J’ai fait l’ascension de ce rocher, accompagné par quelques Baguirmiens qui ont tenu à venir me montrer les ruines du Tata en terre qui fut construit par Hagui, il y a 3 siècles. Elles sont encore très visibles, bien qu’elles soient recouvertes d’une épaisse végétation. Elles sont situées sur une terrasse dissimulée dans un chaos de gros blocs de pierres éboulées, terrasse dont l’accès est très difficile. Il faut se livrer à une gymnastique fort pénible pour y parvenir, en escaladant des blocs de roches sur une hauteur presque verticale de près de 80 mètres. Vers le N., deux autres mamelons profilent leur silhouette arrondie. Au S. et à l’O. s’étend une grande plaine basse à perte de vue jusqu’au pied du roc d’Ardébé dont on aperçoit la cîme. Le plateau sablonneux s’abaisse brusquement à la limite même des rochers, et de grandes lagunes sans arbres, transformées en ce moment en verdoyantes prairies, lui succèdent aussitôt. C’est le Firki, long de 10 kilomètres dans sa plus grande dimension et large d’environ 8 kilomètres entre Moïto et Ardébé. Il est à sec pendant une grande partie de l’année. En hivernage il emmagasine l’eau tombée sur le plateau, l’amasse dans une cuvette principale située près de Moïto et envoie des bras jusqu’à une cinquantaine de kilomètres vers Moula et Arahil, bras qui en ce moment se détachent en longues traînées vertes. Ils se prolongent vers le N.-O., vers Ngoura et Aouni, rendant l’abord de ces villages très difficile. Il est même probable qu’aux hivernages très pluvieux ils s’abouchent avec le Baro. La partie la plus basse du Firki, située à environ 2 kilomètres du village, est occupée par un bois épais d’Acacias dont les troncs brunis baignent dans la nappe miroitante d’un petit lac d’hivernage. D’innombrables bandes d’oiseaux de rivage tourbillonnent aux alentours. Au milieu de la journée, le phénomène du mirage s’y produit fréquemment, donnant l’illusion d’un vaste lac sur les rivages duquel végéteraient des futaies étendues. Si modeste que soit cette lagune elle n’en obstrue pas moins, d’août à octobre, le sentier se dirigeant vers le S. Il est très vraisemblable qu’il existait autrefois, en avant des roches de Moïto, un lac assez étendu qui, à l’époque des crues, recevait les eaux du S. par un chenal s’abouchant soit avec le Ba Mbassa, soit avec le Chari, en aval de Miskin[215]. _10 septembre, Ancien lac Baro._ — Le Baro est un _Bouda_, c’est-à-dire une grande dépression sans arbres. Ancienne lagune comblée, il n’y a pas de berges et son niveau, au centre, se trouve à 5 mètres à peine au- dessous des terrains environnants. Des glacis gazonnés de plantes annuelles s’élèvent en pente insensible jusqu’à une lisière boisée. Cette lagune, sensiblement alignée N.E.-S.O., s’étend depuis les environs de Gamzouz jusqu’à Ngoura, c’est-à-dire sur une longueur de plus de 60 kilomètres. Au dire des indigènes, elle se prolongerait encore plus loin à l’O., à l’intérieur du Khossam et jusqu’au Dagana. Elle passe un peu au N. de Zerara et ne communique pas avec le Bouda Addis. A l’E., le Baro ne communique pas davantage avec le Ferch. Il est aussi sans rapport avec le Bahr el Ghazal. C’est donc vraisemblablement la terminaison d’un ancien bras du Tchad, sans relation depuis longtemps avec le lac. Les plus vieux Koukas n’ont jamais vu de poissons dans la dépression, et on ne trouve à sa surface ni ossements ni coquilles. Les années de grandes pluies, l’eau ne monte jamais à plus de 0m,40, et cela seulement en certaines cuvettes. A la saison sèche il n’y a pas trace d’eau nulle part. J’ai atteint le Baro, à 5 kilomètres de Sarar, après avoir marché dans la direction E.-N.E. Du S. au N. le Bouda paraît large de 12 kilomètres. Au N.-E. on distingue sa bordure entre Mouti et Gamzouz. A 20 kilomètres de distance, au point que j’ai abordé, le Baro n’a absolument aucun arbre. Un gazon de Graminées et de Légumineuses fleuries, hautes seulement de 0m,20 à 0m,30, le couvre presque entièrement. Sur les rives croissent en certains endroits d’épaisses prairies de Jute, d’Amarante, de queues de chien, de cléomes, de pourpier indiquant que le sol a été autrefois cultivé par l’homme. En outre, on observe sur le sable de nombreux débris de poterie qui seraient les derniers vestiges de villages koukas qui prospérèrent il y a quelques siècles sur les bords de ce lac. Sur les talus extérieurs pousse une futaie épaisse de _Sclerocarya_, d’Acacias et de _Commifora_, mais ce sont surtout les Doums qui forment le fond de la végétation arborescente. _13 septembre._ — Les Koukas de Galemaga m’avaient affirmé que le Ba Laïri s’étendrait du côté de Débéker, mais n’irait pas jusqu’à Galémaga. En venant de Zérara, après avoir longé le bouda pendant 2 heures, j’étais entré dans une khala de Gommiers et de Doums, coupée çà et là de petits marais dont l’eau s’écoule lentement vers le bouda quand elle ne s’assèche pas sur place. En approchant de Galémaga on s’élève brusquement de 4 à 5 mètres sur le terrain sablonneux planté en petit mil. Le plateau qui environne les rochers de Gamzouz vient presque toucher les hauteurs sableuses de Galémaga. Si le Ba Laïri venait tomber réellement autrefois dans le Baro, il était fortement étranglé en cet endroit et son lit d’inondation ne devait pas avoir plus de 500 mètres. A 1 km. 500 des cases, le sentier qui se dirige au N.-E. vers Aouni, coupe presque normalement le bouda plein de flaques d’eau, large de 600 à 800 mètres. Les grands Acacias qui sont dans son lit indiquent très nettement la trace du sillon. Dans le fond même du bouda existe encore un fossé large de 3 à 4 mètres et plein d’eau, sans écoulement. Les gens de Galémaga appellent ce sillon le Bouda Kama. A Aouni j’ai pu m’assurer qu’une ligne de plateaux forme de l’E. à l’O. une hauteur que ni le Baro ni le Ba Laïri ne pouvaient franchir. La cuvette où sont les puits d’Aouni est nettement limitée de tous côtés, sauf vers le N.-O., où les marais nommés Tiné Magaria semblent se poursuivre vers le N. En allant d’Aouni à Gamzouz, on découvre aisément à l’entrée de ce dernier village un cul-de-sac arrondi par lequel le lac Baro se terminait de ce côté. Enfin, à une centaine de mètres plus à l’O. on aperçoit fort bien, à perte de vue, sur la gauche, la trouée qui faisait communiquer autrefois le Baro avec le Ba Laïri, par Galémaga. On nomme ce chenal Algoum. Le vieux chef de Gamzouz, qui est âgé de 60 ans environ, me donne des renseignements intéressants sur l’hydrographie ancienne du pays : il a vu par 3 fois (la dernière fois, il y a 10 ans environ) l’eau du Ba Laïri venir à Galémaga. Son père avait entendu dire dans sa jeunesse aux vieillards qu’étant enfants ils avaient vu l’eau du Ba Laïri envahir, au moment d’une très haute crue, le Baro et y apporter des poissons. Il y aurait donc environ un siècle que les eaux ne viennent plus au Baro. Ce renseignement cadre assez bien avec la tradition des Makaris que nous rapporterons plus loin. Le Baro allait rejoindre le Chari vers Goulfei en traversant le Khossam[216] et le Dagana où il porte le nom de Sell. La trace de ce bras est encore marquée par une chaîne de Rahat où campent les Arabes. Les habitants de Ngoura me racontèrent quelques jours plus tard que ce prolongement passait par les localités suivantes : Guibni, Guirf Abguiré, Abédédi, Orkom, Kidiki, enfin Gaoui près de Koussri où il tombait dans le cours d’eau nommé, par les Baguirmiens, Bahr Ligna (Bahr Reguig par les Arabes). C’est un bras latéral au Chari qu’il rejoint, près de Mélé, à 60 kilomètres environ de Massakori et un peu au N. de Koussri. Le Chari s’élargit là en une dépression qui, au moment des inondations, peut s’étendre sur 5 à 6 kilomètres. _Aouni._ — Les rochers de cette localité forment une chaîne de mamelons granitiques, surmontés souvent de blocs en forme de menhirs et recouverts sur leurs flancs de blocs énormes plus ou moins arrondis, entassés pêle-mêle les uns sur les autres en un chaos extrêmement pittoresque. Les plus hauts pitons atteignent à peine 100 mètres au- dessus de la plaine environnante. C’est au pied de l’un de ces gigantesques rochers qu’était installé le poste de spahis actuellement abandonné. J’y trouve un asile des plus confortables. De la terrasse où je campe un large sentier dévale vers le S. dans la cuvette où des puits sont creusés à quelques centaines de mètres des rochers, et à une quinzaine de mètres en contre-bas. Nous gravissons cette pente en enfonçant dans le sable très blanc, très fin et dépourvu de toute végétation sur d’assez grands espaces. On a la sensation de pénétrer dans un pays désertique. Je retrouve là beaucoup de végétaux du Sahara ou de la région de Tombouctou que j’observe pour la première fois ici à leur limite méridionale : _Cocculus leæba_, _Leptadenia spartum_, le _Salvadora_, un très remarquable _Podaxon_. Déjà les rochers de Kolkélé, d’Abougara et de Moïto étaient environnés de plateaux dont le sol et la végétation présentaient un caractère saharien. Mais ce n’est qu’après avoir franchi la grande dépression du Baro qu’on tombe en plein sable et en pleine flore saharienne. Il n’est pas surprenant que NACHTIGAL ait comparé ce pays au Kanem. [Note 212 : BARTH, traduction, t. III, p. 357.] [Note 213 : Le sorgho et le petit mil dressent leur chaume élevé sur des sillons analogues à ceux que savent tracer les paysans français. Des coins plus restreints sont consacrés à la culture des Niébés, des Arachides, du Cotonnier. Autour même des habitations, dans l’enceinte, de superbes plants de Maïs, des carrés d’Indigotier, plusieurs variétés d’_Hibiscus Cannabinus_, enfin les frondaisons géantes des _Lagenaria_, producteurs de calebasses, élégamment dressés sur la toiture des cases, occupent les parcelles les plus infimes du terrain cultivable. De même que dans certaines parties du Soudan français, on fait usage des engrais animaux pour favoriser le développement des plantes ensemencées et leur culture ne laisse vraiment rien à désirer, si primitifs que soient les instruments aratoires. En cette saison, les habitants n’ont pas un instant de répit. Par places, on repique des pieds de sorgho, là où la semence a mal réussi ; ailleurs, on sarcle les champs. En un autre endroit, les enfants se démènent à qui mieux mieux, en poussant des cris sauvages, pour éloigner les oiseaux qui viennent dévorer les premiers épis mûrs du mil. Les troupeaux sont assez nombreux et en parfait état. On les mène pâturer dans la jachère la nuit pour leur éviter les piqûres des insectes et pour qu’ils ne soient pas incommodés par le soleil. Dès 4 heures du matin, ils rentrent ordinairement à l’étable.] [Note 214 : Les habitants sont des Baguirmiens possédant de nombreux esclaves saras, des esclaves métissés et enfin des Fellatas. Cette population mélangée représente un total de 8.000 à 10.000 habitants. Les Fellatas sont les plus nombreux ; d’un teint très noir, ils ne ressemblent guère aux Foulahs de l’Afrique occidentale ; ils ont, au contraire, une grande partie des traits des Baguirmiens avec lesquels ils s’allient. Ils parlent exclusivement la langue baguirmienne et la langue arabe. Quelques vieillards seulement se souviennent avoir parlé le fellata dans leur jeunesse. Cette race, dont l’origine est énigmatique, est aujourd’hui disséminée dans toute l’étendue du Baguirmi. Autour de Tcheckna, en particulier les Foulahs sont assez nombreux, mais dans d’autres villages on trouve seulement quelques familles éparpillées çà et là. Nous ne pensons pas que ce groupe ethnique compte à l’heure actuelle plus de 5.000 à 6.000 représentants dans toute l’étendue du Baguirmi. Les autres se sont dispersés à travers le Bornou, après les spoliations dont ils ont été l’objet de la part de Rabah.] [Note 215 : La tradition veut qu’il ait existé en cette région un lac permanent, dont les rives auraient été habitées par les Kotokos. Puis vint l’assèchement qui ne laissa que quelques traces de ces plexus (Minia Gari, Rahat el Kleb). Populations essentiellement de pêcheurs, les Kotokos durent émigrer sur les bords du Chari et du Tchad.] [Note 216 : Le Khossam, que traversait ce diverticule, est aujourd’hui un pays très pauvre en eau, et les habitants sont obligés d’amener leurs troupeaux pendant la saison sèche, soit vers le Dagana, soit vers le Chari. Il est couvert de grandes khalas formées d’arbres épineux.] CHAPITRE XIV LE BAGUIRMI I. L’esclavage au Baguirmi — II. Le commerce du Baguirmi. — III. Histoire. — IV. Histoire de Rabi racontée par Si Sliman, iman du sultan Gaourang. — V. Notes du Dr Decorse. * * * * * I. — L’ESCLAVAGE AU BAGUIRMI Depuis 1900, date de notre installation, le trafic des esclaves est resté le principal commerce du Baguirmi. On continue à le dépeupler, pour approvisionner les marchés des régions comprises entre 9° et 12° N. et le cours du Logone et du Chari en longitude[217]. Ce sont ces territoires que le traité passé avec Gaourang réserve au sultan comme « terrains de chasse ». Il faut lire « chasse à l’esclave ». En 1903, MM. DESTENAVE et FOURNEAU ont bien fait promettre à Gaourang de cesser les razzias et de supprimer la traite ; en échange nous l’autorisions à lever l’impôt chez l’Alifat de Korbol qui s’était affranchi de son autorité à la suite de notre intervention dans les affaires du Tchad. Cet engagement n’est qu’une plaisanterie, nous en avons eu maintes fois la preuve par notre expérience propre et par les documents de M. BRUEL. Si le sultan nous accorde l’autorisation de poursuivre tous les trafiquants baguirmiens que nous surprendrons en train de conduire des convois de captifs, il se réserve le droit de prélever sur la rive gauche du Chari et de faire passer sur la rive droite, la quantité d’individus de l’un et l’autre sexe qu’il jugera utile pour se constituer un entourage, le servir lui, et récompenser tous les musulmans qui l’entourent. La convention de 1903 n’aura d’autre résultat que de faire passer entre ses mains, et cela sous notre protection, le monopole de la traite. En effet la traite se trouverait supprimée pour les sujets du sultan, mais non pour lui. Cette convention n’entraverait nullement l’exportation des Kirdis vers le Ouadaï, le Bornou, et le Kanem. Les Baguirmiens recrutent leurs esclaves par divers moyens. _A_) Le plus profitable est la razzia, dirigée par le sultan lui-même. Sous couvert de lever l’impôt dans une contrée, Gaourang y vient à l’improviste avec une nombreuse suite de courtisans, de soldats, et toute une multitude d’hommes, de femmes, d’enfants qui marchent à la suite de la troupe pour ramasser les miettes du butin. Il s’en trouve souvent plusieurs milliers. Sous prétexte d’attendre le versement complet du tribut, les Baguirmiens vivent sur le pays aux dépens des récoltes amassées par les Kirdis jusqu’à ce qu’ils les aient épuisées. Quant au tribut il se compose d’esclaves, de troupeaux, de volailles, de mil, de miel, d’autres produits agricoles. Le sultan garde pour lui la plupart des esclaves ; il en donne quelques-uns aux notables qui l’ont accompagné. Voici, d’après M. le capitaine PARAIRE quelques-uns des hauts faits du Sultan. Quand Rabah marcha sur Kouno, Gaourang pénétra au cœur des pays Kirdis. Il vécut aux dépens des populations, les pressura à plaisir, leur enleva leurs femmes et leurs enfants, leurs chevaux et leurs troupeaux. Installé entre Laï et Goundi, il fit successivement des incursions chez les Somraïs, les Toummoks, puis il passa le Logone pour razzier jusqu’à Banglou, et le Ba Bo pour aller dévaster le pays Laka. Il resta en territoire Gaberi jusqu’au moment où il l’eut complètement épuisé. En 1900, nouvelle apparition de Gaourang dans la même région, il séjourne chez les Kirdis de décembre à avril. Il revient après avoir réduit le pays à la misère, emmenant de nombreux captifs Somraïs. En 1901 et 1902 Gaourang va chez les Manas. En 1903 le Dékakiré et le pays de Korbol sont mis en coupe réglée. Où il ne peut aller, il envoie ses agents ; c’est ainsi que, pendant qu’il opère au Dékakiré, de soi-disant marchands Baguirmiens enlèvent tout ce qu’ils trouvent en pays Somraï et chez les Manas. _B_) Des Baguirmiens voyageant par petits groupes, armés ou non, parcourent les pays à l’O. du Chari, et lèvent au nom du Sultan un tribut composé presque en entier de captifs, tribut dont l’importance est arbitraire. Cette perception est faite au nom du Sultan, mais tous les esclaves ne sont pas ramenés à Gaourang. _C_) Enfin de petits trafiquants (djellabahs), bornouans, baguirmiens, fellatas, circulent constamment dans les pays saras, avec parfois quelques ânes ou bœufs porteurs. Ils apportent avec eux un peu de verroterie, du coton tissé au Baguirmi, des bracelets en cuivre, parfois ils emmènent quelques bœufs ou des chevaux (la plupart du temps volés) et ils échangent ces produits contre des esclaves. Ces malheureux sont livrés aux djellabahs souvent par leurs propres parents. On se débarrasse de préférence des enfants de constitution faible pour ne garder que les plus beaux. Cette sélection expliquerait le magnifique développement physique atteint par la race sara si proche cependant des Baguirmiens. Très souvent aussi les Saras viennent vendre des esclaves qu’ils se sont procurés par rapt dans les villages voisins. [Illustration : FIG. 71. — Cuirasse en matelas de coton portée par les cavaliers baguirmiens.] Il est très difficile d’évaluer la quantité d’esclaves qui sortent chaque année des territoires fétichistes rentrant dans la sphère d’influence du Baguirmi. 5.000 me semble un chiffre inférieur à la réalité. M. BRUEL a vu près du Chari, vers 10° N., un convoi de 1.600 esclaves qu’on emmenait à Gaourang. Ce dernier prétend en avoir reçu 300 seulement. Il est certain qu’il se produit un déchet considérable en cours de route. Les esclaves sont attachés comme du bétail ; souvent plusieurs sont fixés ensemble à une sorte de joug en bois qui entrave leur marche. Ils ne reçoivent pas de mil ; les hommes d’escorte eux- mêmes ayant à peine de quoi subsister. Les esclaves n’ont donc pour vivre que les racines qu’ils déterrent, les fruits qu’ils cueillent et comme ils sont entravés, ils n’ont qu’en quantité insuffisante même ces vivres de famine. Beaucoup meurent de soif ou d’insolation. Les esclaves morts en route ne reçoivent point la sépulture. J’ai trouvé ainsi le 5 avril, sur le sentier entre Dol et Mouré, le cadavre d’un enfant d’une dizaine d’années, mort de faim et de fatigue la nuit précédente. On avait traîné le cadavre encore ligotté dans le creux d’une termitière et les fourmis rongeaient déjà ce pauvre corps amaigri, blessé au cou par le joug. Les porteurs baguirmiens qui nous accompagnaient trouvaient ce spectacle tellement ordinaire, qu’ils ne s’arrêtaient même pas. Ils nous ont dit qu’il passait tant de caravanes d’esclaves le long du sentier et qu’il mourait tant d’enfants qu’on ne pouvait point s’occuper au village de Dol des cadavres ainsi semés sur les chemins. Les malheureux qui résistent aux souffrances du voyage arrivent à destination dans un état d’épuisement extrême ; qu’une épidémie se déclare ils meurent par centaines. Le capitaine JACQUIN nous déclarait qu’il n’est pas rare de voir pourrir sous les bosquets environnant Tcheckna une cinquantaine de cadavres d’esclaves. Beaucoup de ceux-là même qui ont survécu aux fatigues du convoi, dit-il, ne peuvent endurer le séjour dans cette ville, où, jusqu’à la vente, on les laisse attachés par 15 et 20 dans la même case immonde, ou exposés aux ardeurs du soleil. Cet officier déclare que sur 100 captifs pris dans les contrées fétichistes, il n’en arrive que 40 sur les marchés du Baguirmi. Des esclaves ramenés à Tcheckna ou à Koussri, les uns sont dirigés sur le Ouadaï ; d’autres sont vendus à des caravanes à destination du Bornou ou de Tripoli ; enfin quelques-uns trouvent un maître dans le Baguirmi[218]. Ceux-ci sont sauvés. Le Baguirmien ou le Bornouan, qui achète un jeune captif pour le servir ou parce que son mariage ne lui a pas donné d’enfants, le garde encore enchaîné quelques jours, puis il le nourrit abondamment, le traite avec humanité pour se concilier son affection. Bientôt l’esclave ne songe plus à s’enfuir ; il se considère et il est considéré comme appartenant à la famille du maître. On le loge avec d’autres serviteurs qui lui apprennent les travaux de la culture. Les fillettes aident les femmes dans la préparation des aliments. Quand elles arrivent à l’état de puberté, elles se marient à des esclaves avec l’assentiment du maître ; mais les enfants qui naîtront n’appartiendront ni au père ni à la mère. Ils seront la propriété du possesseur de la femme. Quelques esclaves arrivent à une situation plus brillante. En récompense de leurs services exceptionnels ou en l’absence de rejetons, le maître peut affranchir un captif et même l’adopter. Malgré tout son origine restera toujours une tare aux yeux des habitants libres du village. Si bien traité que soit, au Baguirmi comme dans d’autres sociétés africaines, le « captif de case », il ne faut pas oublier les atrocités dont la traite est l’origine. Il faut rappeler à ceux-là que toucheraient peu ces considérations humanitaires quelle dépopulation, quel appauvrissement des contrées fétichistes sont le résultat de ces perpétuelles razzias conduites par le Sultan. Ce que nous avons dit de Senoussi peut être dit de Gaourang. Tous deux laissent le même vide partout où ils passent. Tous les deux poursuivent le même but, dans lequel l’agrandissement territorial de leurs Etats n’est pour rien. Ils veulent grouper auprès d’eux le plus possible de captifs, les agréger peu à peu au peuple qu’ils forment autour de leur résidence. Ils veulent aussi se procurer cette « valeur d’échange » qu’est l’esclave pour payer aux Ouadaïens et aux Djellabahs les armes, les étoffes, les bestiaux qu’on leur apporte. Peut-être n’était-il point nécessaire d’aller combattre Rabah pour le remplacer par Senoussi et Gaourang, et n’est-il point triste de voir continuer, avec notre approbation tacite, une œuvre de dévastation par deux protégés français ? II. — LE COMMERCE DU BAGUIRMI Le commerce du Baguirmi est aujourd’hui presque complètement anéanti. Les guerres déchaînées par Rabah et les ruines qu’il y avait accumulées y ont largement contribué. L’installation du protectorat français, loin de ramener un peu de prospérité, n’a fait qu’accroître l’état misérable dans lequel se trouve aujourd’hui cette région. Les marchandises européennes rentrant aujourd’hui au Baguirmi et dans les provinces avoisinantes, proviennent presque toutes des marchés anglais, de Yola sur la Bénoué et de Mongono, village situé à 8 jours à l’E. de Dikoa. Les produits anglais importés par les vapeurs de la Royal Niger Co, qui remontent chaque année la Bénoué, tendent à se substituer peu à peu aux produits qu’apportaient autrefois les caravanes venant de Tripoli. Depuis la destruction ou l’appauvrissement des grandes villes de Kouka et de Dikoa, les caravaniers du Sahara ont pris eux-mêmes l’habitude de venir à Mongono où sont installés aujourd’hui des marchands tripolitains, haoussas, bornouans, djellabahs. Les produits importés des factoreries anglaises sont des tissus de Manchester, blanchis, écrus et imprimés, des soieries, des perles de verroterie, du papier, des glaces, des aiguilles, de la mercerie, du sucre, du papier d’Italie, des parfums, des savons de toilette, des clous de girofle, des allumettes, de l’encens, etc. Depuis l’occupation du Kanem par les troupes françaises, à la suite des combats de Bir Alali, les caravaniers, redoutant cette région où beaucoup des leurs trouvèrent la mort lors de l’attaque des Senoussistes, ont renoncé à venir au Baguirmi ou au Ouadaï en traversant le Kanem. Ils se rencontrent dans la région du Bas-Chari, en passant à l’O. du Tchad par le Bornou, et la colonie anglaise bénéficie de ce transit que nous avons perdu. Les caravaniers Djellabahs ou Haoussas qui viennent à Tcheckna, la capitale actuelle du Baguirmi, présentent d’abord leurs marchandises au sultan qui fait son choix, paie très largement les produits qu’il retient, et le reste des denrées est mis en vente sur le marché public situé sur la grande place, devant le palais. Il bat son plein à 4 heures du soir. On y trouve toutes les marchandises habituelles des marchés noirs : le mil, le sel indigène, les légumes, les poissons secs sont offerts par une centaine de vendeuses agenouillées devant leurs calebasses ou devant leur petit étal reposant sur une peau de mouton. Un peu à l’écart se trouvent une trentaine de marchands d’objets importés venus pour la plupart par la voie de Dikoa. Ces objets sont du fil, des aiguilles, de petits miroirs, du poivre d’Ethiopie, du cumin, des oignons, de l’ail, des perles de verroterie, quelques colliers de corail, des anneaux en argent, des bracelets en cuivre, des perruques, de la ficelle, des boutons en porcelaine, du sulfure d’antimoine, des cauris, des chapelets, du papier, des tabatières et une foule d’autres menus bibelots. Enfin, tout près de là, 5 ou 6 marchands de tissus, représentant les quelques caravaniers, approvisionnent en étoffes tout le marché de Tcheckna. C’est seulement dans la soirée, à partir de 3 ou 4 heures, qu’ils détaillent leurs marchandises, composées de bandes de toile du Baguirmi, de boubous, de tobes, de grands manteaux du Sokoto et du Bornou, de tissus anglais. L’approvisionnement du marché en étoffes est toujours très restreint. Il se renouvelle, comme à Tombouctou, aux dépens des réserves emmagasinées dans les cases des traitants, et jamais le vendeur n’expose plus d’une vingtaine de boubous ou de pièces de cotonnade. Les étoffes sont soigneusement enroulées et emballées à l’aide de chiffons, de manière à les préserver de l’humidité et de la poussière. Dans un autre coin du marché se trouvent les animaux domestiques mis en vente. Il n’y en a jamais plus d’une cinquantaine par jour et souvent beaucoup moins. Les moutons et les chèvres dominent naturellement en nombre ; puis viennent les taureaux, quelques bœufs porteurs, rarement des vaches laitières, une dizaine de baudets, de temps en temps des chevaux et parfois des mulets et des chameaux. La valeur totale des objets apportés chaque jour ne dépasse pas 300 ou 400 thalers, et si l’on admet que le tiers environ est vendu, on trouve comme chiffre de transactions annuel 100.000 francs environ pour le marché. Nous faisons, bien entendu, défalcation du commerce des esclaves qui, tout en étant clandestin, n’en constitue pas moins le trafic le plus prospère du sultan et de son entourage. Si l’on ajoute à ce chiffre 100.000 francs pour les achats de tissus, de verroterie, de sucre, de parfums, etc., faits par le sultan, enfin une cinquantaine de mille francs pour les transactions dans le reste du Baguirmi, on arrive péniblement à un quart de million pour le chiffre total des affaires avouables. Ce commerce paraîtra bien faible si l’on songe à l’ancienne splendeur du Baguirmi. L’unité monétaire au marché de Tcheckna est le thaler de Marie-Thérèse (3 francs) pour les achats importants[219]. Pour les autres on se sert du parda (bagrima) ou gabaga (Kotoko, Bornouan, Haoussa). C’est la bande de toile grossière tissée dans le pays, large de 42 à 44 millimètres, longue de 44 centimètres. Un thaler équivaut à 50 ou 60 pardas, suivant le cours, soit à 100 ou 120 coudées. Les pardas servent à l’achat d’objets tels que graines et bois odoriférants, fil, oignons, poissons secs, beurre, poteries, légumes secs divers, mil, blé, lait, bois de chauffage, sel indigène. Le cauri, nommé « courdia » au Sokoto, est comme l’on sait un petit coquillage (_Cyprea moneta_) qui sert de menue monnaie sur la plus grande étendue du Soudan français. Le courdia est également très employé dans le Sokoto et dans le Bornou, mais il n’a pas cours au Baguirmi et au Ouadaï. Les femmes en font simplement des colliers et les hommes les emploient comme dés à jouer. Nous donnons ci-après la valeur des principales matières d’échange sur le marché de Tcheckna, au moment de notre passage, en août 1903 : Un cheval vaut de 20 à 30 thalers, parfois jusqu’à 50 thalers ou 2 ou 3 captifs ; un âne vaut 5 thalers ; un mulet 10 thalers ; un chameau 20 thalers ; mouton ou chèvre, chacun 1 thaler ; un bœuf de boucherie vaut de 5 à 8 thalers ; un bœuf porteur, 8 thalers ; une vache laitière 10 thalers ; une pièce d’étoffe anglaise, cotonnade blanche de basse qualité, provenant de la Royal Niger Co, 1 thaler la brasse. Des boubous ordinaires, de 1 à 2 thalers ; un grand boubou fabriqué avec des bandes de cotonnade non teintes, 3 à 4 thalers ; un grand boubou (boubaga), en cotonnade teinte et brillante avec des broderies, vaut de 5 à 8 thalers ; les couvertures colorées des femmes (bolné), de 2m,60 sur 1m,30, 4 thalers[220] ; un pain de sucre de 1 kilogramme 500 vaut de 3 à 4 thalers ; un morceau de sulfure de plomb du poids de 300 grammes environ vaut 1 thaler ; 5 pigeons, 1 thaler. Le cours du mil et des autres céréales n’est pas constant. Il atteint son maximum en septembre, quand la récolte n’est pas encore faite, et passe brusquement, en novembre, à sa valeur la plus faible qui est de 8 centimes le kilogramme. Voici enfin le prix des menus objets vendus sur le marché : Gros oignons du Bornou, 2 à 4 gabagas chaque ; ail, échalotte (une vingtaine de gousses), 20 gabagas ; haricots du pays, 1 gabaga le gobelet ; arachide, 1 gabaga le gobelet ; mil, 1/2 gabaga le gobelet ; blé, 2 gabagas le 1/4 de litre ; un fagot de bois, 1 gabaga ; sel indigène (40 grammes), 1 gabaga ; natron (1 kilogramme), 10 gabagas. En dehors du Tcheckna, un autre marché important s’est tenu quelque temps à Fort-Lamy, qui est, comme on sait, la capitale actuelle du Territoire militaire du Tchad. C’est une ville entièrement artificielle, qui a été constituée après la défaite de Rabah, avec les prisonniers et des esclaves tombés entre nos mains. Au début de l’occupation militaire, il y eut en ce centre nouveau des transactions actives par suite des espèces et des marchandises que les indigènes employés par nous recevaient en paiement, à l’aide desquelles ils pouvaient trafiquer avec les colporteurs indigènes. En 1903, le commerce de la ville de Fort-Lamy était très affaibli. Les commerçants noirs avaient déserté ce marché qui manquait d’espèces, l’administration s’étant trouvée dépourvue de thalers et ayant dû retarder le paiement de ses agents noirs et de ses troupes indigènes. Néanmoins le Dr DECORSE, qui a passé plus de deux mois dans ce poste, a recueilli des indications très intéressantes sur le trafic qui se fait à Fort-Lamy. Il a soumis aux marchands arabes et aux tailleurs indigènes des échantillons de tissus qui lui avaient été confiés par le Syndicat cotonnier français. Il a pu ainsi faire un classement des étoffes les plus prisées au centre de l’Afrique, et rapporter un aperçu des prix offerts par les indigènes. Quant au Ouadaï, nous savons qu’en échange d’esclaves, d’ivoire, de bœufs, il importe du Soudan Egyptien, notamment de Dongola et de Khartoum, une certaine quantité de denrées qui sont convoyées par les caravaniers du Dar Four. Mais nous avons recueilli trop peu de données sur le commerce de cet Etat pour pouvoir nous y arrêter. III. — HISTOIRE Comme tous les pays fétichistes de l’Afrique, les territoires du Haut- Chari et du Haut-Oubangui n’ont pas d’histoire à proprement parler. Pendant tout le XIXe siècle, les peuplades de ces régions se sont dépensées en luttes d’un village à l’autre, luttes qui ont considérablement décimé la population. En outre, dans la même période, les trafiquants d’esclaves du Soudan Egyptien ont pénétré jusqu’au cœur de l’Afrique et mis en razzia ces contrées. De sorte que sur toutes les routes que nous avons suivies il n’y avait que des ruines. Nous avons pu recueillir, de la bouche des indigènes les plus âgés, quelques renseignements sur les principales luttes que les villages fétichistes traversés ont eu à soutenir dans les 50 dernières années. Ce n’est qu’à l’arrivée du sultan Rabah dans la région du Haut-Chari et du Moyen-Chari, qu’a commencé véritablement la désagrégation de l’organisation sociale de toutes ces peuplades et la ruine presque absolue de ces régions. A partir du 10e parallèle, on commence à rencontrer une infiltration de populations islamisées. Ces peuples sont eux-mêmes très primitifs ; leurs marabouts sont ignorants et c’est à peine si l’on rencontre quelques rares lettrés sachant lire le Coran. Aussi n’avons-nous pu trouver en aucun point de notre voyage des chroniques écrites sur le passé des contrées avoisinant le Tchad. Dans l’entourage du sultan Senoussi et du sultan Gaourang (sultan du Baguirmi), nous avons toutefois rencontré des Musulmans qui ont été mêlés dans les 25 dernières années aux luttes qu’a soutenues Rabah contre les peuplades fétichistes d’une part et, d’autre part, contre les états musulmans organisés environnant le Tchad. C’est de cette source que nous viennent les quelques renseignements suivants : Rabah, dont la véritable appellation est Rabi, est incontestablement un ancien lieutenant de Ziber-Pacha ; sa fortune a commencé au moment de la capture de ce chef par les troupes anglo-égyptiennes. Il est inexact qu’après la défection des troupes de Ziber, Rabah soit allé s’installer au Borkou ; c’est au contraire dans la partie la plus méridionale du territoire dont nous nous occupons, territoire où il avait déjà acquis une grande autorité au cours des expéditions faites pour le compte de Ziber, qu’il porta ses premières armes. Il existait, vers 1880, au S. du Ouadaï, dans la partie nommée Dar Rounga et Dar Banda, plusieurs petits sultans indépendants les uns des autres. Ces sultans étaient d’ailleurs plutôt des trafiquants d’esclaves qui commerçaient avec Ziber ou bien avec de gros djellabahs (marchands d’esclaves) du Ouadaï et du Dar Four. Les trafiquants du Dar Rounga étaient des sortes de chefs de Zéribas analogues à ceux que SCHWEINFURTH nous a appris à connaître. Déjà, à cette époque, vivait, dans le Kouti, le père de Senoussi qui était venu du Baguirmi pour trafiquer des esclaves et de l’ivoire. Ce Baguirmien, nommé Abou-Bakar, était apparenté à la famille régnante du Baguirmi, avec laquelle il commerçait. Il était aussi en rapports avec Ziber-Pacha. Ziber disparu, tous ses lieutenants, Rabi et les autres, se groupèrent autour de Souleyman-Bey, fils de Ziber ; puis, lorsque Souleyman, après avoir été attiré dans un guet-apens par les troupes égyptiennes, fut mis à mort, tous les lieutenants de Ziber se dispersèrent. De cet événement date la fortune de Rabi. Rabi qui, pour le compte de son maître, avait parcouru le pays des Kreichs et des Bandas, ainsi que le Dar Four, et qui connaissait parfaitement tous les chefs, expédia des courriers dans toutes les directions pour leur dire de revenir. Quand ils furent tous rassemblés, il les exhorta à s’unir à lui afin d’être forts et de pouvoir lutter contre la pénétration européenne. Dès cette époque, Rabi entretient des relations très suivies avec le Ouadaï, il y achète des fusils, de la poudre, des capsules et y vient lui-même, en personne, à plusieurs reprises. Le sultan Youssef du Ouadaï, inquiet de l’armement de son voisin, interdit à ses sujets de vendre des armes et des munitions à Rabi, mais les commerçants continuent à lui fournir de la poudre qu’ils dissimulent dans des bâtons évidés. Vers 1886, Rabi vient s’établir chez les Taachis entre le Dar Four et le Dar Rounga. A ce moment, l’aguide des Salamats est à Ammartiman où il est venu prélever l’impôt pour le compte du Ouadaï. Rabi l’attaque et lui inflige une sérieuse défaite ; ensuite, pendant plusieurs années, il rayonne à travers toute la contrée située au S. du 10e degré, razziant les esclaves partout où il passe. C’est ainsi qu’il occupe le Kouti et le Rounga. A cette époque, le sultan du Rounga avait une autorité qui s’étendait sur tous les trafiquants dont nous avons parlé précédemment, en particulier sur le sultan Koubeur et sur le sultan Senoussi qui avait succédé à Abou-Bakar. Rabi déposséda Koubeur et donna le gouvernement de tout le Kouti à Senoussi auquel il remit quelques fusils, à charge pour celui-ci de lui fournir des captifs et de l’ivoire. Tranquille de ce côté, Rabi rayonna chez tous les païens du Haut-Chari, subjuguant les Kreichs, les Ngaos du Gribingui, les Koulfés et les autres Goullas du Iro, les Ndoukas, les Fagnias. Rabi était à Denzi, chez les Kabas, tout près de Simmé, lorsqu’il apprit l’arrivée de la mission CRAMPEL au Kouti. Vers 1891, Rabi quitte Denzi pour se rendre chez les Niellims que commandait le chef Kadi, père du sultan actuel. Il le défait et se porte ensuite au pays des Ndamms dans le village de Ndamm-Phong, il était là, lorsque passa, à Palem, la mission XAVIER MAISTRE, pour se rendre à la Bénoué. Le village de Palem n’étant situé qu’à une centaine de kilomètres du point occupé par Rabi, ce dernier fut informé certainement du passage de la mission française, mais il se garda bien d’aller l’inquiéter. Cette même année, le sultan du Baguirmi, Gaourang, vint s’établir à Bargna, chez les Sarrouas, au bord du Moyen-Chari dans la région où razziait Rabi. Celui-ci, après avoir chassé l’alifa de Korbol, fait des menaces à Gaourang et vient, au commencement de 1893, l’attaquer à Bargna. Gaourang s’enfuit à Mandjaffa tandis que Rabi retourne de nouveau se fixer à Ndamm pour, de là, faire des razzias chez les Somraïs. C’est à partir de cette époque que commencent des attaques incessantes contre tous les villages soumis au Baguirmi. Partout où passent les soldats rabistes, ils allument des incendies et accumulent des ruines. Vers 1894, le sultan Gaourang est assiégé dans Mandjaffa ; le siège dure plusieurs mois et est des plus meurtriers ; Gaourang, lui-même, ne parvient à sortir que très difficilement. Les Baguirmiens allèrent se réfugier à Koussri et de là à Mara, dans le Bornou. Rabah les y poursuit ; il attaque en outre le sultan du Logone. Enfin, peu de temps après, il s’emparait de la célèbre ville de Kouka, la capitale du Bornou, qu’il mettait au pillage ; puis il allait ensuite occuper la ville de Dikoa qui devenait le chef-lieu de l’empire qu’il constituait au S. du Tchad. Les habitants du Baguirmi et leur sultan, réduits à la misère, faisaient appel à l’appui du Ouadaï pour résister aux dernières tentatives de Rabi lorsqu’un événement tout à fait inattendu se produisit au cœur de l’Afrique. C’était l’arrivée, par le bateau à vapeur le _Léon Blot_, de la première mission GENTIL (1897). Il est inutile de rapporter tous les faits qui se sont succédés dans ces contrées depuis cette époque. Ils sont intimement liés à l’histoire de l’occupation française de ces territoires. [Illustration : FIG. 72. — Le sultan Gaourang du Baguirmi rentrant dans sa capitale.] Par la chute de l’empire rabiste sous nos coups, le Baguirmi est enfin délivré de son oppresseur et placé sous la tutelle de la France. En me tendant la main à mon arrivée à Korbol, Gaourang me tint à peu près ce discours : « Sois le bienvenu dans ces états où tu trouveras la même tranquillité et la même sécurité que dans ton pays et où tu circuleras partout où tu voudras. Les contrées d’où tu viens et notamment le territoire de Senoussi sont seulement un peu aux Français. Tu trouveras dans le Baguirmi un pays totalement acquis à la France. » Enfin lorsque Gaourang connut le véritable motif de mon voyage, il me fit prévenir qu’il me donnerait tous les objets de collections que je pourrais désirer et qu’on me fournirait tous les renseignements que l’on pourrait avoir afin que je puisse faire connaître aux Français ce qu’est le Baguirmi. Le lendemain même il m’envoyait Si Sliman, l’homme certainement le plus instruit et le plus intelligent de son entourage, qui m’exposa en détail pendant plusieurs heures les événements que j’ai résumés dans les pages précédentes. On ne pouvait me faire d’accueil plus cordial et je n’aurai aucun mérite si je parviens à faire connaître le Baguirmi avec plus de précision que n’avaient pu le faire mes prédécesseurs BARTH et NACHTIGAL. C’est à ces voyageurs que doit aller toute notre admiration. Malgré toute la défiance dont ils furent entourés et souvent malgré l’hostilité très nette des populations, ils réussirent à rapporter, outre leurs itinéraires et leurs aperçus historiques sur les contrées du Tchad, des cartes par renseignements dressées avec une telle sûreté que les nombreux levers de nos officiers dans le Baguirmi n’ont pour ainsi dire point modifié leurs grandes lignes[221]. Quelques événements importants se sont accomplis dans le Baguirmi depuis l’installation des autorités françaises. Le Baguirmi fait partie du territoire militaire du Tchad (chef-lieu : Fort-Lamy), administré par l’officier commandant les troupes sous l’autorité du lieutenant- gouverneur de l’Oubangui-Chari-Tchad (décret du 11 février 1906). Le corps d’occupation comprenait, au 1er juillet 1903, 62 Européens, officiers, sous-officiers, artilleurs, etc., des troupes noires régulières et des auxiliaires. Il se compose d’un bataillon de tirailleurs sénégalais, de 4 compagnies, à l’effectif de 500 tirailleurs ; d’un escadron de cavalerie comprenant 120 spahis indigènes (3 officiers et 1 vétérinaire) ; d’une batterie de 50 à 80 artilleurs ou servants (4 pièces de montagne) ; soit en tout de 700 hommes de troupes, sénégalais ou assimilés, armés de fusils 1886. Il faut y ajouter 500 à 800 auxiliaires, presque tous Bandas ou Kreichs provenant des débris de l’armée de Rabi. Les 120 Kreichs auxiliaires de la compagnie de Bousso ont reçu une organisation spéciale intéressante. L’administration ne les paie pas mais elle leur laisse le temps de faire des cultures et leur a attribué des terrains appropriés aux environs du poste. Leurs femmes et leurs enfants vivent avec eux au camp. Le lieutenant GAUKLER estime qu’il faut un hectare pour nourrir la famille d’un tirailleur kreich. A partir de 1903 il a accordé 2 hectares de terrain à chacun, afin qu’ils puissent vendre une partie de leur récolte et se procurer les autres denrées indispensables. Les auxiliaires sont armés du fusil 1874. Ceux qui sont dans les postes du fleuve sont nourris à l’aide d’une ration prélevée, le long du fleuve et au lac Tchad. Les habitants riverains assurent en outre le pagayage[222] et le portage dans l’intérieur. Moyennant ces prestations, d’ailleurs extrêmement lourdes, les habitants des bords du Chari sont exemptés de fournir toute denrée au sultan Gaourang. Ce dernier prélève l’impôt dans ses États à sa guise. Il conserve une armée mais il ne peut l’envoyer en expédition qu’avec l’assentiment du commissaire de la colonie. Il conserve en outre la juridiction sur ses sujets, à moins qu’ils ne viennent réclamer la justice de notre Résident à Tcheckna. Le sultan est tenu de fournir la nourriture à nos tirailleurs du territoire du Baguirmi. Il s’acquitte d’ailleurs de cette imposition très largement, fournissant bien au-delà de ce que nous lui demandons. Tenu quelque temps en suspicion par le lieutenant-colonel DESTENAVE, Gaourang est aujourd’hui en excellents termes avec l’Administration militaire du Tchad[223]. IV. — HISTOIRE DE RABI RACONTÉE PAR SI SLIMAN, IMAN DU SULTAN GAOURANG Bien que lieutenant de Ziber, Rabi n’avait l’importance que d’un ancien captif libéré et élevé aux fonctions de chef de guerre. Ce cas n’était pas rare. Parmi les lieutenants de Ziber, Dourfaga (ou Dour Fada), Baldas, Hassan, Ba-Bekir, ce dernier seul était un djellabah d’origine libre. Ziber, disparu, Rabi comme les autres, se groupèrent autour de Souleyman-Bey. Puis lorsque celui-ci fut à son tour attiré par les Blancs, en un guet-apens, tous se dispersèrent, emmenant chacun leurs bazinguers armés de fusils. Mais, Rabi, qui pour le compte de son maître avait parcouru le pays des Kreichs, des Bandas, le Dar Four, etc., et savait quelle belle proie était cette région, envoie des courriers dans toutes les directions pour demander à ses compagnons de revenir. Quand ils sont tous rassemblés, il les empêche de repartir, leur dit que pour être forts il faut demeurer unis. Quelques-uns n’acceptent point ses propositions et retournent dans leur pays mais il retient tous leurs fusils. Si Sliman dit que Rabi a pu aller à cette époque au Borkou, mais dans le but surtout de se procurer des fusils. Son champ d’opérations est, à cette époque, le S. du Dar-Four et le Dar Banda. Rabi vient alors (vers 1886) s’établir chez les Arabes Taachis entre le Dar Four et le Rounga. A ce moment l’aguid des Salamats est à Ammartiman où il est venu avec des chevaux et des fusils, lever l’impôt pour le compte du Ouadaï. Les Arabes Salamat vont trouver Rabi et lui disent : « L’Aguid Chirf e Din est là tout près avec beaucoup d’armes et de chevaux ; nous sommes avec toi si tu viens pour l’attaquer. » Puis ils retournent auprès de l’Aguid et, faisant un double jeu, ils lui conseillent de se tenir sur ses gardes, car Rabi vient lui faire la guerre. Chirf e Din se retire d’Ammartiman et vient s’établir en Amdjallat, au village de Guidé. Rabi est obligé de s’en retourner après avoir essuyé de fortes pertes. Pendant plusieurs années il rayonne à travers toutes les contrées situées au S. du 10e degré, razziant tout où il passe. C’est ainsi qu’il occupe le Kouti et le Rounga. A cette époque le Dar Rounga était un pays puissant, à l’égal du Baguirmi, l’autorité du sultan s’étendait sur tous les pays fétichistes du S., tels que le Kouti, le Dar Banda. Ces pays étaient habités comme les régions du Moyen-Nil par des traitants (djellabahs) qui recueillaient de l’ivoire, des esclaves, etc. Des Baguirmiens, des Ouadaïens, des Bornouans y étaient établis. C’est à ce titre que Koubeur d’une part, Senoussi de l’autre se trouvaient au Kouti, mais ni l’un ni l’autre ne commandait : c’étaient seulement des Baguirmiens installés provisoirement dans la contrée. Senoussi était alors jeune ; c’est avec son père que Rabi traita : il lui laissait le commandement du Kouti avec quelques fusils, à charge de lui fournir des captifs. Mécontent de Koubeur, il le faisait enchaîner. Tranquille de ce côté, Rabi rayonna chez tous les païens du Haut-Chari, subjuguant les Kreichs, les Ngaos du Gribingui, les Koulfés et les autres Goullas du Iro (notamment les Bellinas) les Ndoukas, les Fagnias. Rabi était à Denzi, chez les Kabas (tout près de Simmé) lorsqu’il apprit par un Moktoub (courrier) que lui envoyait Senoussi (qui avait remplacé son père depuis peu) l’arrivée des Blancs au Dar Banda et au Kouti. La lettre de Senoussi était ainsi libellée : « Un blanc vient d’arriver au Kouti par le Dar Banda. Il dit qu’il ne vient point pour faire la guerre, mais il veut voir le Chari et les fleuves du Ouadaï. Il est porteur de marchandises et de beaucoup de fusils. Faut-il le laisser continuer sa route ou s’emparer de sa personne, ce qui nous mettrait en possession de ses fusils ? » Rabi aurait répondu qu’il fallait s’emparer des fusils de la mission par n’importe quel moyen. Sur ces entrefaites Rabi quitte Denzi pour se rendre aux Niellims que commandait le chef Kadi père du Gaye. Il le défait et se porte ensuite au pays de Ndamms à Ndamm-Phong. Pendant ce temps Senoussi, dorénavant libre d’agir comme il l’entendrait à l’égard de CRAMPEL, dépêche vers lui son chef de guerre Allah Djabou, avec ordre de massacrer le blanc et de s’emparer de tout ce qu’il possède. Les Sénégalais sont en train de dormir ainsi que la femme de Crampel. Allah Djabou se glisse au milieu d’eux et leur raconte qu’il va tuer leur commandant, mais qu’il ne leur veut pas de mal, au contraire, ils deviendront des chefs avec les Arabes, recevront beaucoup de femmes et de captifs. Aucun d’eux ne proteste, pas même sa femme Niarinze. C’est alors que Allah Djabou se dirige vers CRAMPEL qui déjeunait sans défiance à l’ombre d’un arbre, il le surprend par derrière et lui tranche la tête d’un coup de sabre. Senoussi envoya seulement 10 fusils et une partie des tirailleurs sénégalais à Rabi qui se trouvait à Ndamm. Rabi protesta en envoyant son lieutenant Hassan vers Senoussi pour lui faire de durs reproches et lui dire que s’il ne voulait pas encourir la disgrâce du maître, il n’avait qu’à bien se tenir et à lui remettre un nouveau lot des armes capturées. Senoussi capitula, mais il garda néanmoins la plus grande partie du butin. Les hostilités avec le Baguirmi allaient commencer aussitôt. De Denzi, Rabi avait envoyé un moktoub à Gaourang, lui disant qu’il venait d’occuper des contrées voisines de ses états, mais qu’il désirait entretenir de bonnes relations avec lui et lui proposait des échanges commerciaux (c’est aussi la version MONTEIL). Gaourang ne répondit pas et se tint sur la défensive. Pendant que Rabi allait au tata qu’il s’était fait bâtir à Ndamm, Gaourang vint s’établir à Maïna ou Bargna, au S. de Nigué, sur le Chari chez les Sarrouas. Rabi quitte alors Ndamm et vient à Korbol d’où il chasse l’alifat. Puis il envoie une nouvelle lettre à Gaourang, lettre contenant cette fois des menaces. Il vient en effet peu de temps après attaquer Maïna qu’il abandonne après avoir essuyé quelques pertes. Il reconstitue ses forces à Korbol, puis lorsque Gaourang quitte Maïna pour s’établir à Mandjaffa, Rabi se fixe de nouveau à Ndamm et de là il fait des razzias chez les Somraïs. Il envoie en outre ses bazinguers sous la conduite de Hassan, piller et brûler les villages soumis au Baguirmi, mais les Baguirmiens les poursuivent. Hassan doit se réfugier à Ndamm. Il est fort mal accueilli par Rabi qui le renvoie à Bangalama établir un tata qu’il viendra habiter plus tard. Gaourang informé à temps quitte Mandjaffa pour marcher sur Bangalama. Rabi lui-même accourt. Un engagement sanglant a lieu entre les deux troupes. Les rabistes ont un grand nombre de fusils, Gaourang n’en possède qu’une centaine, mais sa cavalerie est très bonne et grâce à elle il force encore son adversaire à reculer. Après cet engagement Gaourang revient à Mandjaffa où il se fortifie solidement dans un vaste tata construit à la hâte. Rabi vient en faire le siège. Las d’attendre, ses hommes tentent l’assaut. Une nuit à la faveur de l’obscurité, ils se glissent dans le fossé, le matin au petit jour ils essaient de franchir le mur. Les Baguirmiens se précipitent à temps sur eux et les anéantissent. 300 rabistes restent sur le terrain, le chef Hassan est tué. Rabi essaie alors du blocus pour réduire les assiégés. Il fait construire pour lui un tata près de celui de Gaourang, quatre autres pour ses principaux chefs Babeker, Gadem, Derfaga, Hide, Baldas. A plusieurs reprises les Baguirmiens effectuent des sorties heureuses. Mais, au bout de 4 mois de siège, la famine réduit Gaourang lui-même à manger du chien, du cheval, de l’âne. Ses soldats ne veulent point supporter ces souffrances plus longtemps et l’obligent à tenter une sortie. Un matin ils réussirent à quitter la ville, emmenant jusqu’aux femmes et aux enfants. A la vue de cette multitude les assiégeants se sauvent affolés. Rabi réussit à grand peine à les rassembler ; mais il était trop tard, Gaourang était déjà loin. Les Baguirmiens allèrent se réfugier à Koussri et de là à Mara. Peu de temps après le sultan du Logone, Salé serait venu engager Rabi à porter la guerre au Bornou et à poursuivre les Baguirmiens jusqu’à Massénia. « Ce sont des pays riches, aurait dit le sultan, d’ailleurs si tu ne viens pas, les Ouadaïens t’attendent à Bougoumassa ». Rabi, comptant sur l’alliance de Salé, vint à Koubou, près du Lagone ; mais il n’y rencontra personne et le sultan Salé s’abstint de le saluer. Rabi l’envoya prendre et, sous prétexte que Salé l’avait incité à une campagne désastreuse contre le Bornou, il ordonna à ses ascaris de faire main-basse sur les femmes, les enfants, les captifs du sultan. Après ce coup de force, Rabi envahit le Bornou et vient construire un tata à Guilbé. Le cheik Hachem, apprenant cette invasion, envoie au- devant du conquérant Mamater soudanais, son chef de guerre. Mais il avait déjà été devancé par les arabes de Kouka, venus au-devant de Rabi pour l’inviter à partir au plus vite conquérir la célèbre ville de Tchad. Le combat eut lieu à Guilbé et Mamater, complètement défait, fut fait prisonnier. Une seconde bataille aurait été livrée à Hachem, d’après M. DUJARRIC. Rabi est alors maître du Bornou dont presque tous les guerriers sont faits prisonniers. Il vient s’établir à Ngala. Les commerçants arabes, fezzanais djellabas, jouant toujours double jeu, invitent Hachem à se mettre en garde contre Rabi ; d’autre part, ils envoient plusieurs courriers à celui-ci pour lui dire qu’il est temps de venir conquérir Kouka et qu’ils seront avec lui. A son approche Hachem s’enfuit à Bahr el Khedir, sur le Komadougou, poursuivi par Bou Bakar. Rabi s’installe alors à Kouka après avoir mis la ville au pillage, puis il occupe Dikoa. C’est alors qu’entre en scène Khiari, le fils d’Abou Boukar qui avait été dépossédé par Hachem. Il se recrute des partisans, relève le courage défaillant des Bornouans, disant que c’était une honte que leur malheureux pays ait été abandonné par celui même qui devait le défendre. Il s’empare du pouvoir et par représailles fait tuer le père d’Achem. Khiari va alors assiéger Dikoa devenu le quartier général de Rabi. Après un siège sanglant les Bornouans s’emparent de la citadelle et les rabistes fuient de toutes parts affolés, laissant sur le terrain un grand nombre des leurs. C’est une débandade générale et le bruit court que Rabi a été tué ; mais au milieu de la nuit on entend sonner le rappel dans la brousse. Le chef s’est retrouvé entouré de quelques fidèles et rassemble tous les guerriers. A la faveur de l’obscurité, ils viennent se grouper sous les murs du tata occupé par Khiari et ses compagnons, puis ils lui donnent précipitamment l’assaut. Les Bornouans surpris s’enfuient. C’est en vain que Khiari cherche à les retenir. Lui du moins fait le serment de ne pas prendre part à cette fuite honteuse. Il reste en effet seul et tombe entre les mains de Rabi. Au lieu de se soumettre, il nargue le conquérant : « Comment veux-tu, lui dit-il, que je reconnaisse ton autorité ? Tu n’es qu’un captif révolté, qui a soumis par la violence mon pays. Quels sont tes droits à la possession du Bornou ? Est-ce que ton père en était le Sultan ? Etait-il même originaire de mon malheureux pays ? » Et sur un ton de plus en plus violent, il continue ses insultes. Rabi furieux lui fit trancher la tête le jour même. Le souvenir du courage de Khiari survivra longtemps dans les régions avoisinant le Tchad. Si Sliman me disait hier : « Il n’y a eu à notre époque dans tout le Soudan que trois hommes dignes d’être chefs : Gaourang, Cheik Khiari, et Rabi, ce dernier n’étant encore qu’un captif parvenu et un usurpateur ». [Illustration : FIG. 73. — Formule rituelle enterrée à un carrefour par des marabouts.] Pendant que ces événements s’accomplissaient au Bornou, Gaourang se croyait à l’abri désormais des incursions de Rabah qu’il croyait trop occupé au N.-O. du Tchad pour revenir dans le Baguirmi. Rencontrant à Bougoumassa, prête à marcher contre Rabi, l’armée du Ouadaï, munie de fusils Remington et en possession d’une excellente cavalerie, Gaourang avait dissuadé le djerma (chef de guerre) de s’engager dans cette aventure. Les Ouadaïens étaient donc repartis par le Kanem. Quant à lui, peu préoccupé des attaques toujours possibles de Rabi, il était allé lever l’impôt au Dékakiré, à Bolbol, puis à Birké, enfin à Mehaguéné près du lac Fittri d’où il allait rentrer à Massénia. C’est alors (1898) qu’on vint l’avertir qu’un blanc était arrivé par le fleuve et désirait s’entretenir avec lui : c’était M. GENTIL, dont le vapeur, le _Léon Blot_, dans sa descente du Chari, s’était arrêté à Mondo. Les populations, occupées à la récolte du mil, s’étaient enfuies, effrayées, à travers la brousse et allaient raconter de village en village : « Une machine qui fait de la fumée et marche sur l’eau est venue par le fleuve. Des hommes blancs avec des soldats noirs sont dessus. Il est probable qu’ils viennent encore comme Rabi nous faire la guerre. » Cependant, un jeune homme était resté sur les berges du fleuve et considérait sans effroi la canonnière. C’était Souleym, fils de Si Sliman, homme de confiance de Gaourang. M. GENTIL l’appela et le fit monter à bord pour lui remettre un moktoub destiné au sultan, moktoub dans lequel il l’assurait de ses bonnes intentions et lui proposait même des relations commerciales et amicales. Le sultan se rendit compte de la gravité des circonstances. Il rassembla aussitôt, non seulement tous les notables de son entourage, mais encore tous les hommes de la ville en état de porter les armes. Un conseil fut tenu dans lequel Gaourang donna communication des propositions faites par M. GENTIL. La grande majorité des Baguirmiens était défavorable aux nouveaux arrivés et s’il ne fut jamais question de les attaquer, on proposa du moins de les empêcher de venir à Massénia et de se désintéresser complètement du voyage qu’ils disaient vouloir faire au Tchad. « Ces blancs disent qu’ils ne nous veulent que du bien et qu’ils nous apportent des paroles de paix, mais Rabi ne nous a-t-il pas tenu autrefois des propos semblables et pourtant cela ne l’a point empêché de nous faire la guerre et d’amoindrir notre pays. » Gaourang fut heureusement d’un avis tout contraire et répondit que les blancs ne devaient rien avoir de commun avec les Arabes et qu’on ne devait point, avant de les avoir vus, porter de la défiance ; que lui tenait en tout cas à leur parler, car il ne fallait point refuser, les yeux fermés, le secours que Dieu peut-être envoyait au Baguirmi. Il décidait donc d’envoyer son chef religieux Si Sliman et deux autres personnes de confiance au devant de M. GENTIL, afin de venir l’inviter à venir s’entretenir avec lui. On sait la suite. V. — NOTES DU Dr DECORSE Le Dr DECORSE a recueilli de son côté des notes dont M. DEMOMBYNES a donné la traduction suivante[224] : Au nom de Dieu clément miséricordieux. Sortie vénérable de Rabah hors du pays. D’abord sa résidence fut à Dem Mafiva pendant une année ; une année à Wachigoua et une saison à Dem Chakka, au Dar Four une année ; à Dem Er Rif une année. Il s’installe à Dem Gounda une année, guerre avec Bananan ; à Dem Karé une année ; à Dar Kouka une année ; il s’installe à Dem Masouna une année ; à Dem Boukka une année, guerre avec le Ouadaï ; à Dem Bahr Bala, une saison ; à Dem Kaga Chech, une saison ; à Dem M’Bangdaï, une année ; à Dar Korbol une année. Il s’installa à N’dam, où il fut une saison. Il marche sur Saoura ; guerre avec Gaourang. Il s’installe à Bousso une saison ; à Banlama guerre avec Gaourang. Il réside à Mandjafa trois mois. Ensuite ils se mettent en marche de Mandjafa et ils s’installent à Logone. De Logone, ils s’installent à Djilba. De Djilba ils s’installent à Hamdjé, guerre avec Mohamed Taher. Ils partent de Hamdjé et s’installent à Ngala. De Ngala ils s’installent à Am Habio. Guerre avec Hachem. Ils partent de Am Habio ; ils s’installent à Dikoa et y restent une saison. Ils s’en vont. Guerre avec Char. Ils s’installent à Gadjebo. De Gadjebo ils s’en vont, guerre avec Abou Kantour. L’émir revient : il s’installe à Dikoa et y reste sept saisons. Il part. Il installe à El Gamadj ; Fadel Allah fait la guerre avec Hayatou. Rabah part : il revient à Dikoa, il s’installe à Gawa. De Gawa, il s’établit à Kodégé ; de Kodégé il s’établit à Klessem ; de Klessem, il s’établit à Modobo ; de Modobo, il s’établit à Bougouman ; de Bougouman il s’établit à Mandjafa ; de Mandjafa il s’établit à Andjia ; de Andjia il s’établit à Balendjéré ; de Balendjéré il s’établit à Banlama ; de Banlama il s’établit à Mondo ; de Mondo il s’établit à Logone ; de Logone il s’établit à Bousso ; de Bousso, il s’établit à Saroua ; de Saroua, il s’établit à Miltou ; de Miltou il s’établit à Damter ; de Damter, il s’établit à Kouna ; de Kouna il s’établit dans la montagne. Combat avec Gaourang et les chrétiens. Il revient s’établir à Kouno. Combat avec le Commissaire. Après le combat avec le Commissaire, il revient et s’établit à Dikoa, où il passe un mois. Fadel Allah s’en va à Goulfeï ; combat de Çoun. De Goulfeï, il revient ; il s’installe à Logone. De Logone il va à Kousri : combat avec les Chrétiens ; il revient s’établir à Logone. Rabah arrive de Dikoa et campe à Kousri ; combat de Kousri ; Rabah est tué à Kousri. Fadel Allah quitte Logone et s’établit à Dikoa. De Dikoa, il campe au Gamaghou, combat avec les chrétiens du Gamerghou, il campe à Ichchégué ; combat avec les Chrétiens. D’Ichchégué il campe à Dar Djébril ; de Dar Djébril, il campe à Kilba ; là un mois. De Kilba il campe à Chibak ; combat avec les gens de Chibak ; de Chibak, il campe à Marghi ; de Marghi, il campe à Bourgouma ; de Bourgouma il campe à Maïdougouri ; de Maïdougouri, il campe à Dikoa ; de Dikoa il campe à Ngala : combat avec Guerbaïe. Il laisse Guerbaïe et revient camper à Bourgouma, de Bourgouma il campe à Konézi. De Konézi, combat avec les Chrétiens de Berkedj. Il s’en va ; il campe à Bellaraba : de Bellaraba il campe sur le fleuve où est Md’allemzi. De Md’allemzi, il campe à Kouni ; guerre avec Kouni ; là quatre mois. Il part de Kouni et s’installe à Bourgouma ; il retourne à Dikoa et y campe un mois ; guerre avec les chrétiens. Fadel Allah commence à mourir ; il campe à Goudjba ; de Goudjba, combat avec les Chrétiens. Fadel Allah est tué ; la miséricorde soit sur lui ! Mohamed Niébé sort dans le pays Kirdi : combat. [Note 217 : On en prend aussi quelques-uns chez les peuplades fétichistes de l’E. du Chari, Bouas, Noubas, Sokoros et Sarrouas.] [Note 218 : Mercuriale du prix des captifs sur les marchés du Baguirmi et du Bornou (1903) : _A_) MALES. — 1o Enfant de 1 à 3 ans. Ne se vend qu’avec la mère ; — 2o Enfant de 5 à 8 ans : 5 thalari ; — 3o Enfant de 8 à 13 ans : 10 thalari ; — 4o Adolescent à l’âge de puberté : 20 thalari ; — 5o Homme de 20 à 25 ans : 25 thalari. Un cheval vaut deux esclaves de cet âge ; — 6o Homme déjà âgé, 30 à 50 ans, est peu acheté. — Les Eunuques (Adim) sont très recherchés ; ils n’ont pas de prix et les sultans soudanais seuls en possèdent. Senoussi était très fier de nous montrer un de ses jeunes esclaves qui venait de subir l’opération. _B_) FEMMES. — Une femme, à égalité d’âge, se vend moins cher que l’homme. Ainsi une jeune fille arrivée à l’âge de puberté se vendrait seulement 10 thalari.] [Note 219 : On continue toujours à frapper le thaler de Marie-Thérèse, millésime de 1788. Sa beauté le fait rechercher par les femmes pour leur parure. Sa valeur varie selon qu’il est usé ou non ; il se déprécie si, sur l’épaule droite de l’impératrice, le noir ne reconnaît plus l’agrafe ou souna.] [Note 220 : Nous avons été surpris de trouver au cœur de l’Afrique des étoffes d’Europe de qualité ordinaire, se vendant à un prix qui n’était pas plus élevé que celui auquel on pouvait les acquérir dans la boucle du Niger, en 1899.] [Note 221 : Gaourang n’a point connu NACHTIGAL. Tout jeune alors il se trouvait au Ouadaï, lorsque le célèbre voyageur vint à Mandjaffa, mais plus tard il entendit dire que son frère Abbou Sekkim avait été accompagné par un chrétien pendant l’expédition qu’il fit vers Palem. Le souvenir de BARTH est totalement éteint. On sait très vaguement, pour avoir recueilli cette tradition des anciens qui n’y attachaient point d’importance, que d’autres blancs avaient précédé NACHTIGAL dans la région du grand lac. Le voyage de MAISTRE à Palem et Daï n’a pas laissé plus de souvenirs au Baguirmi. Par contre la réception de MONTEIL à Kouka par le sultan du Bornou (Hachera) en 1892 fut connue de Gaourang. Il est vrai qu’au dire même de MONTEIL il se trouvait à Kouka lors de son passage un fils de Mbang.] [Note 222 : Le pagayage se fait sur des baleinières en acier (environ 15) appartenant au service local. Au début de l’occupation française il y avait sur le Chari une magnifique flottille de grandes pirogues et même des chalands indigènes. Réquisitionnées trop souvent par l’administration, la plus grande partie de ces embarcations sont aujourd’hui hors de service et les indigènes se sont abstenus d’en construire d’autres redoutant avec juste raison la main-mise trop fréquente de l’administration sur les barques de pêche.] [Note 223 : Il nous a donné un gage de sa fidélité en envoyant à Brazzaville son fils que M. GENTIL a emmené en France en 1906.] [Note 224 : _Du Congo au lac Tchad_, p. 122.] CHAPITRE XV LE BAHR EL GHAZAL I. Généralités sur le Bahr el Ghazal. — II. Le Bahr el Ghazal à Massakori. — III. La région du Haut-Bahr el Ghazal. — IV. Les populations du Bahr el Ghazal. * * * * * I. — GÉNÉRALITÉS SUR LE BAHR EL GHAZAL Le Bahr el Ghazal s’étend à plusieurs centaines de kilomètres vers le N.-E. où il reçoit des ouadi, originaires du Borkou et du Tibesti, ouadi temporaires qui s’emplissent d’eau à la saison des pluies dans la partie supérieure de leur cours mais qui ne coulent plus jusqu’au Bahr el Ghazal. Cette grande dépression fut à une époque relativement peu éloignée, il y a quelques siècles seulement, un golfe très allongé, semé d’une infinité d’îles et de presqu’îles[225]. Elle envoyait au loin un grand nombre de canaux plus ou moins anastomosés entre eux qui dans le N. pénétraient jusqu’au cœur du Kanem, jusqu’à Mondo, par exemple, et dans le S. allaient probablement s’aboucher avec les lacs Iro, Fittri, Baro, Ferch, Debaba, etc. Aux temps néolithiques, il existait encore assez d’eau dans la vallée du Bahr el Ghazal pour qu’il y ait vécu des populations qui ont laissé des traces nombreuses de leur industrie. Elles allaient au loin à travers le Sahara qui jouissait alors d’un climat humide et tropical. Elles s’aventuraient dans les lagunes du S. pour y chasser les grands animaux. Des pierres polies se trouvent, en effet au Ouadaï, aux Monts Guérés, à Aouni, à Moito, au S. du Tchad, etc. Mais elles semblent toujours en petit nombre. Elles n’auraient point été fabriquées sur place, mais auraient été apportées par les chasseurs qui les perdaient sur leur route. La vallée s’est asséchée aux temps historiques, comme les grandes lagunes des bassins du Chari et du Ba Laïri. La tradition, toutefois, n’a point toujours conservé le souvenir de l’ancien état hydrographique. J’avais recueilli dans la dépression de Rédéma des coquilles de Mélania et des fragments de grands Siluridés, déjà à demi fossilisés. Or les habitants, Ouadaïens et Gouranes, refusèrent de me croire quand je leur montrai des ossements de poissons en leur racontant que ces animaux avaient vécu autrefois au pied des rochers. Toutefois certaines inondations exceptionnelles, lorsque le niveau du lac est très haut, s’épandent dans cet affluent. En 1874, par une année de grande crue[226], telle que les vieillards n’en ont plus vu de semblable, les eaux du Tchad se sont encore répandues dans le lacis de canaux du Bahr el Ghazal. Elles montèrent vers le N.-E., sur environ 200 kilomètres à partir de l’archipel Kouri, s’arrêtant au lieu dit El Léan, à quelques heures à l’E. de Haroup. Les hippopotames du Tchad se répandirent jusqu’à ce point où on prit aussi des poissons en grand nombre. On en captura aussi à Douggoul (el Dougguel), à Cheddera, au moment de l’assèchement[227]. Aujourd’hui, les mares voisines du Bahr ne sont plus remplies que par les pluies d’hivernage ; presque toutes se tarissent à la saison sèche et c’est seulement près du Fittri et de Dagana qu’il se trouve encore des rahat où il reste un peu d’eau d’un hivernage à l’autre. Aucun poisson n’y vit plus, pas même ce protoptère du Tchad et du Fittri (Amkourou en arabe) qui peut se terrer dans la vase asséchée, ayant un appareil respiratoire qui lui permet de vivre pendant plusieurs mois de la saison sèche. Le Bahr el Ghazal ne constitue point une vallée proprement dite ; il n’a pas de thalweg, c’est une immense dépression, large de 30 kilomètres au moins, à fond sablonneux ; les arbres y sont rares et n’apparaissent que par certains monticules peu apparents qui étaient sans doute des îles autrefois. Des bras diversement anastomosés s’en vont au loin dans l’intérieur, mais il est impossible d’en suivre longtemps la trace tant leur lit est effacé. Ces sillons ne sont plus marqués que par des lignes de boudas plus ou moins allongés et nus, plus rarement par des traînées boisées formées d’une végétation arborescente plus dense où parfois les Palmiers Doums croissent les uns contre les autres, à la manière des dattiers plantés dans les oasis du Sahara. La partie médiane du Bahr el Ghazal se distingue à peine des parties latérales. Les espaces dépourvus d’arbres y sont peut-être plus nombreux ; encore les _Calotropis_ seuls y profilent leur silhouette d’un blanc glauque. De petites cuvettes sont disséminées de tous les côtés. Des fossés ayant parfois la largeur d’un fleuve, avec des berges hautes de plusieurs mètres, s’alignent, les uns suivant l’axe même du Bahr, les autres perpendiculairement ou dans des directions intermédiaires. Parfois rien dans leur voisinage ne les fait prévoir. Le plus souvent ils n’ont que quelques centaines de mètres de longueur et leur lit se termine brusquement. Au moment de la saison des pluies ces dépressions recueillent les eaux tombées dans le voisinage et pendant plusieurs mois des mares s’allongent quelquefois sur plusieurs kilomètres jusqu’au moment où l’eau est évaporée par le soleil ou peu à peu infiltrée dans le sable. La nappe souterraine du Bahr est peu profonde, du moins dans toute la partie actuellement explorée, c’est-à- dire jusqu’à 150 kilomètres de l’archipel Kouri. En toute saison, c’est à une profondeur de 6 à 12 mètres de la surface qu’on la rencontre. Parfois, même en saison sèche, on la trouve à moins de 1 mètre de profondeur, en creusant au fond de certaines cuvettes qui ont contenu de l’eau à la saison des pluies[228]. Il est bien certain que les eaux de l’hivernage accumulées dans ces cuvettes ne suffisent plus à notre époque à alimenter pour toute l’année la nappe des puits. Comme il existe une couche profonde de sable très perméable, à un niveau inférieur à la surface du Tchad, l’eau du lac s’épand au loin sous terre, de la même façon qu’elle s’étend à la surface partout où elle trouve des trouées, au moment des grands hivernages. II. — LE BAHR EL GHAZAL A MASSAKORI Dans la nuit du 19 au 20 septembre, j’arrivais au poste établi depuis deux ans à Massakori, au milieu même du lit du Bahr el Ghazal. J’y reçus l’accueil le plus cordial de la part du lieutenant BOISEAU, installé là pour assurer le ravitaillement de nos cercles du Kanem, et pour tenir en respect les populations krédas. J’ai séjourné jusqu’au 26 septembre dans cette localité et j’ai pu y étudier plus à loisir la dépression qui a tant intrigué les géographes depuis les explorations de BARTH et de NACHTIGAL. A Massakori, le Bahr el Ghazal se présente sous la forme d’une immense dépression sablonneuse séparant les khalas du Khozzam des steppes du Kanem. On s’en fait une idée très fausse en s’imaginant que c’est un ouadi avec une bordure nette de berges, ou même avec un rideau d’arbres sur ses deux lisières. On y pénètre sans s’en apercevoir, car il n’y a pas de déclivité apparente sur les bords. On y parcourt des kilomètres sans observer le moindre changement dans le paysage, puis quand on est parvenu au milieu et qu’on s’élève sur un point culminant, tel que le mirador du poste, on découvre, jusqu’aux confins de l’horizon, une plaine sans fin, herbeuse à la saison des pluies, nue à partir de novembre et parsemée d’arbustes très espacés. Aux alentours du poste dominent les palmiers Doums et les _Calotropis_. Le feuillage glauque de ces Asclépiadées contraste avec la couleur sombre des buissons de Doums, qui se présentent presque toujours sous la forme de touffes acaules, portant des bouquets de feuilles longues de 1m,50. De loin en loin seulement, un Doum adulte, au tronc ramifié en candélabre, s’élève à une dizaine de mètres de hauteur ; çà et là quelques acacias épineux, quelques jujubiers aux aiguillons crochus ou des _Balanites_ aux dards allongés, projettent une ombre légère sur le sol. Sur cette grande khala presque nue, ces essences paraissent de grands arbres, mais ce n’est qu’une illusion des yeux. Il est difficile de trouver un tronc atteignant seulement 8 mètres de hauteur. C’est bien la flore saharienne qui se déploie sous le regard. En cette saison le Bahr el Ghazal est un pâturage où les herbes croissent serrées les unes contre les autres, sur 1m,50 à 1m,80 de hauteur. Plusieurs sortes de krebs (_panicum_) actuellement récoltés, le terrible kram-kram[229], le _pennisetum_ aux épis soyeux, blancs rouges ou violacés, sont les graminées les plus communes. Il s’y mêle quelques Cypéracées, quelques Légumineuses et d’autres plantes répandues dans tout le Soudan. L’attention est aussi attirée par de grandes places totalement nues, dont le sol blanchâtre est déjà dur comme de la pierre, par des canaux larges de 50 mètres au maximum et de petites mares en train de s’assécher, à surface couverte de fleurs d’eau (petites Algues, Utriculaires, Lemmacées). Dans quelques semaines ces mares seront à sec. Leur vase noire formera d’abord une couche molle qui en s’asséchant produira peu à peu un sol noir et fendillé. Ce genre de terrain est assez commun dans toutes ces contrées marécageuses pendant quelques mois. Le commandant LENFANT a appelé ce pays, pour cette raison, « pays des terres cassées », mais ce terme nous paraît très impropre, car ce terrain ne forme que des plages disséminées en grand nombre le long des cours d’eau du lac Tchad ou à travers les khalas. Dans toute la partie occidentale du Bahr el Ghazal et jusqu’à Ouaga, il suffit ordinairement de creuser un puits à une profondeur de 1 à 4 brasses pour obtenir de l’eau. On rencontre la couche superficielle de terre noire, plus ou moins mêlée de sable, épaisse de 0m,30 à 1 mètre, rarement de plusieurs mètres. Au-dessous existe partout le même terrain : c’est un sable très uniforme, blanc jaunâtre, à grain très fin, ne contenant jamais ni débris, ni coquilles, ni traces de galets. Au delà de Massakori, vers l’E., le Bahr el Ghazal paraît comme une série de grandes dépressions, cuvettes ou ouadi, orientés du S.-E. au N.-O. et ayant une végétation assez abondante, composée surtout de palmiers Doums dont les fruits constituent la principale nourriture des Krédas ou Nouarma. Massakori fait partie d’une région habitée exclusivement par des Arabes pasteurs et cultivateurs, presque sédentaires. C’est le Dagana qui se prolonge au S. jusqu’à Ciré, Messaguette et Adjodol. A l’E., elle dépasse peu Massakori ; à l’O., elle s’arrête à la région occupée par les Kouris et les Assalas ; au N., elle ne dépasse point Maltoum et Mézérate. Le Dagana est, avec l’archipel du Tchad, la seule contrée du N. de l’Afrique centrale française, dont la production agricole suffise à la vie des habitants. Le _Penicillaria_ ou petit mil, tout en étant infiniment moins productif que dans l’Afrique occidentale ou chez les Saras, suffit cependant à leurs besoins, et c’est grâce à la production en céréales des deux régions mentionnées plus haut que nos tirailleurs peuvent subsister dans le pays. Le _Penicillaria_ s’élève à environ 2 mètres de hauteur, la récolte est presque finie dès le 20 septembre. Le sorgho, le riz et les tubercules ne sont point cultivés. Par contre les graines de Graminées sauvages recueillies entre la fin d’août et la fin d’octobre fournissent un très utile appoint pendant la saison qui précède la récolte du _Penicillaria_. Le riz sauvage est aussi recueilli avec soin dans les bouda qui occupent les dépressions du Bahr. Les troupeaux (bœufs et moutons)[230] du Dagana trouvent de superbes pâturages pendant l’hivernage. A la saison sèche l’herbe se fait très rare et l’on ne rencontre plus qu’un peu de gazon sur l’emplacement des mares asséchées. Les indigènes déplacent alors leurs campements et viennent s’installer pour quelques mois au bord même des îles du Tchad ou sur l’emplacement du Bahr el Ghazal. Les habitants sont tous des Arabes, au teint ordinairement assez foncé, qui se donnent le nom de Daganas. Ils disent être venus du Bahr el Ghazal oriental où ils vivaient à côté des Krédas. La contrée qu’ils occupent aujourd’hui était habitée autrefois par les Oulad Sarrar et les Oulad Méhared qu’ils chassèrent et à la place desquels ils s’installèrent. Ils continuèrent à être razziés par les Krédas qui, récemment encore, venaient périodiquement jusqu’à Massakori. III. — LA RÉGION DU HAUT-BAHR EL GHAZAL Au N.-E. de Massakori, le Bahr el Ghazal pénètre dans le pays des Krédas, Berbères originaires des environs du Borkou, et établis dans cette région à une époque relativement récente. Avant eux, les Belalas, originaires du Bornou, occupaient la grande dépression. On retrouve encore à quatre jours de Massakori, au dire des Krédas, des vestiges de leurs habitations en pisé. Les Krédas affirment qu’à cette distance, à Ouaga, le Bahr el Ghazal se rétrécit et son lit cesse de contenir de l’eau à une faible profondeur[231] ; mais la dépression sablonneuse se poursuit encore pendant quatre jours, et l’on ne trouve pas d’eau jusqu’à Al Guéradi, à mi-route d’Imado. Entre Ouaga et Imado, au N., se trouvent dans une contrée appelée Ouellé, des rahats remplis d’eau à la saison des pluies et où les Krédas vont parfois ensemencer du mil. Imado qui signifie eau rouge, tire son nom d’un puits contenant de l’eau rouge et natronnée, dont on doit remplir les guerbas pour continuer la route jusqu’au Borkou. Il faut en effet marcher pendant vingt jours, en parcourant près de 600 kilomètres à travers le Gouss (Sahara) sans rencontrer d’eau. Pourtant on suit presque constamment un ouadi assez étroit, le Sorro, qui se poursuit à travers le Bodélé jusqu’au Borkou. Il ne pleut presque pas dans cette région, ou si une pluie accidentelle survient à l’hivernage, la dépression du Sorro se remplit, mais elle ne garde pas l’eau plus de deux ou trois jours[232]. Le 15e jour, on arrive à Krai où existait autrefois un puits aujourd’hui comblé, et d’où les Krédas disent tirer leur origine. Le Sorro reçoit des ouadi venant les uns du Tibbesti, les autres du Borkou. Leur lit est toujours à sec. Dans la montagne du Borkou, se trouve une rivière où l’eau coule toute l’année. Les Arabes l’appellent Alma-Béguiri et les Tédas, Itiauk. Au bas des rochers l’eau est recueillie par des rigoles et distribuée dans les oasis où on cultive des dattiers, du petit mil, du sorgho, du blé et des légumes[233]. En résumé, d’après nos renseignements de source indigène, le Bahr el Ghazal présente l’aspect d’un vaste cul-de-sac du lac Tchad jusqu’à Ouaga. De ce point à Imado, c’est un delta ensablé. Enfin de Imado au Borkou ce n’est plus qu’un ouadi saharien, le Sorro dont le lit ne reçoit même pas les eaux du Beguiri qui sont évaporées et absorbées par le sable, à peine tombées dans la plaine. IV. — LES POPULATIONS DU BAHR EL GHAZAL Les abords du Bahr el Ghazal sont entièrement occupés par une seule peuplade de nomades, les Krédas, nommés aussi Gouranes par les Ouadaïens avec lesquels ils sont en rapports constants[234]. Ces pays très pauvres ne nourrissent naturellement qu’une population assez faible. On l’évalue à 10.000 âmes au plus[235]. A la suite de l’assassinat d’un de nos Sénégalais par ces pasteurs pillards, une reconnaissance fut faite en 1902 par le capitaine BELLION, accompagné du lieutenant DHOMME, qui leva un itinéraire le long du Bahr jusqu’à Adiadé, à 4 jours au N.-E. de Massakou. En février 1903, en vue d’une nouvelle expédition, le lieutenant Boiseau réunit des renseignements qu’il a bien voulu me communiquer. Un mois plus tard, avec le capitaine DURAND, il accomplit un raid au cours duquel ils surprirent un campement de 500 personnes qu’ils mirent en fuite. A la suite de cette affaire les Krédas se sauvèrent presque tous ; un groupe de 30 familles vint même s’établir près du poste de Massakou. C’est là que j’ai pu étudier cette population de nomades[236]. _Région parcourue par les Krédas._ — Le pays Kréda s’étend du S.-O. au N.-E., sur plus de 500 kilomètres de longueur et 200 de largeur, au N. des Koukas, des Boulalas et du Ouadaï, à l’E. des Arabes Daganas et des Kanembous. Il est traversé d’un bout à l’autre par cet immense prolongement desséché du Tchad qu’est le Bahr el Ghazal. C’est la seule partie riche du pays Kréda. Sans les cuvettes innombrables qu’il contient et qui deviennent des étangs et des marais pleins de Krebs et de Nénuphars comestibles à la saison des pluies, sans les Doums et les Jujubiers qui peuplent le fond des Ouadi, sans les puits qui vont chercher l’eau à quelques mètres seulement de profondeur, la région serait inhabitable, car les pays qui s’étendent entre le Kanem et le Borkou, en dehors du Bahr el Ghazal, sont aussi arides que l’Erg Algérien. [Illustration : FIG. 74. — Acyl, prétendant au Ouadaï, partant en captivité.] Population essentiellement nomade, plus encore que les Arabes et les Touaregs, avec lesquels ils vivent en mauvaise intelligence, les Krédas errent sans cesse de puits en puits, de pâturages en pâturages. Ce n’est que de temps en temps qu’ils sèment un peu de mil et ils doivent acheter la plus grande partie de celui qu’ils consomment aux cultivateurs du Dagana et du Khozzam où ils vont après la saison des pluies. Bien montés sur leurs chevaux, ils profitent de leur extrême mobilité pour razzier les sédentaires ou détrousser les voyageurs. Comme les Sahariens, ils sont obligés de se soumettre dès qu’on les empêche de s’approcher des points d’eau. Aussi avons-nous cru devoir relever avec soin la liste de ceux que connaissaient les Gouranes de Massakori, d’autant que cette liste précise leurs relations par l’étendue de leurs connaissances géographiques. Ce sont Tégaga (il y a plusieurs localités de ce nom), Djémi, Orkomdinga, Ouadi Séfi, Efféta, Mossor, Morra, Serrali, Ham Doal, Méhérib, Chéraguen, Ouadi, Fars, Guérim, Haméra, Kofrédri, Tamara, Barragat Dolla, Am Goton près Sakarda, enfin Odouk, limite des Ouadi. Le point le plus éloigné qui soit connu à Massakori se nomme Ouelli, village Kachirda, à quinze jours[237] d’ici sur la route du Borkou. Au delà s’étend l’Erg, sans aucun puits : il faut emporter de l’eau sur les chameaux pour continuer la route jusqu’au Borkou ([238] et [239]). Les Krédas nous ont aussi donné quelques renseignements sur leurs voisins, notamment sur les _Tédas_ du Borkou, nommés aussi Ana Kazza. Ils sont noirs, parlent arabe, et entre eux gourane. Leur pays produit d’excellentes dattes bien meilleures que celles du Kanem. Les Ouassas vivent à Bir Alali. Ils sont blancs, parlent arabe, et comprennent le gourane. Les Dogordas, noirs, parlent gourane. Il y a beaucoup de dattes dans leur pays, situé au N.-E. de Bir Alali. Les Garouas (ou Gadouas), noirs ou blancs, vivent à deux jours de Bir Alali. Les Kinines (ou Kindines), ainsi nommés par les Ouassas (les Djellabahs les appellent Touaré), sont, pour la plupart, d’une couleur très foncée, très peu ont le teint clair ou rouge. Il n’est pas douteux qu’il s’agit de Touaregs. A côté des Krédas, entre le Fittri et le Bahr el Ghazal, vit une importante fraction d’arabes, les _Oulad Hamed_, subdivisés en plusieurs tribus, les Oulad Kardam, les Daha Talha, les Moussara. Ils occupent, à environ 80 kilomètres du Fittri, les deux régions nommées Abou Haguiling et Abou Guidad où se trouvent des rahats à la saison des pluies et des bir à la saison sèche. Ils reconnaissent la suzeraineté des Bélalas, mais quand les Ouadaïens d’Abescher viennent pour les inquiéter, ils s’enfuient chez les Krédas, à Normo et à Koyo, sur le Bahr el Ghazal. _Caractères physiques._ — Les Krédas possèdent la plupart des caractères des autres peuplades Berbères qui, se trouvant au centre de la race noire, se sont métissés avec elle. Leur teint est d’un noir rougeâtre très foncé ; on ne rencontre qu’exceptionnellement quelques individus de teinte claire. Cependant les cheveux sont presque toujours lisses, les traits fins, le nez droit[240], les lèvres non saillantes. Les hommes sont de taille moyenne, ordinairement bien faits ; ils ont le corps souple, les membres grêles et nerveux. La tête est souvent rasée ; la barbe, assez développée chez quelques individus, est noire et fine ; les yeux sont petits et semblent enfoncés profondément dans l’orbite ; les pommettes généralement très saillantes. Ils ne portent ni tatouages, ni aucun ornement au cou ou aux bras. Ils sont vêtus de la gaba ou du bobo baguirmien, en cotonnade indigène ou en guinée bleue, presque toujours en guenilles. Ceux qui ne vont pas nu-pieds sont chaussés du Héza, semelle en bois supportée par deux traverses et attachée aux doigts par des lanières en cuir. Les femmes sont rarement jolies, quoique leur corps soit bien pris. On ne développe pas l’embonpoint chez elles comme chez les femmes touareg sous prétexte de les embellir. Leurs cheveux noirs ou parfois châtains sont réunis en nombreuses petites tresses symétriques, longues de 0m,20, tombant sur les côtés et sur la nuque. Point d’ornement en bois sur le devant de la tête comme chez les femmes Koukas ou Bélabas. Dans l’aile droite du nez, les plus riches ont le petit morceau de corail rouge (mardjan) dont le beau sexe se pare dans toute l’Afrique centrale. Quelques-unes portent à chaque oreille une petite boucle en perles de verre bleu. Autour du cou, on leur voit un collier de grosses perles bleues enfilées, ou des morceaux d’ambre, et de nombreux talismans renfermés dans des sachets en cuir. Elles en ont aussi aux bras et en couvrent leurs enfants. Ceux-ci, sauf par leur teint, du reste plus clair que chez les adultes, ressemblent à de petits blancs ; point farouches, ils gambadent du matin au soir parmi le troupeau, taquinant les jeunes animaux, se roulant dans le sable, se faisant des niches. Leurs cheveux sont coupés courts. Chez les fillettes on laisse souvent sur le sommet de la tête une longue touffe qui retombe en arrière. La malpropreté des femmes et des enfants rappelle celle des Maures du Sénégal. Il en est qui semblent n’avoir jamais vu l’eau ruisseler sur leur corps, tant est épais l’enduit noir qui cache souvent la véritable couleur de leur peau. _La vie des Krédas._ — Le campement des 30 familles qui se sont établies à Massakori est des plus primitifs. Un parc carré de 50 mètres de côté à peine, entouré de branches épineuses d’_Acacia_, est installé sur un emplacement d’où l’on a suffisamment extirpé les mauvaises herbes. C’est là que vaguent pêle-mêle les bœufs, les moutons et quelques chevaux. Les habitations de chaque famille sont dispersées sans aucun ordre. On n’y séjourne que la nuit. Rien de plus simple que ces huttes que l’on peut installer en moins d’une demi-heure. On enfonce en terre 4 ou 8 longs piquets limitant un carré d’à peine 2 mètres de côté. A mi-hauteur de ces pieux, c’est-à-dire entre 1 à 3 mètres au-dessus du sol, on fixe 4 traverses supportant horizontalement, sur quelques baguettes flexibles, une sorte de paillasson. C’est là-dessus que couche le Kréda la nuit, c’est là aussi qu’il repose une partie de la journée, pendant que la femme prépare les repas et que les enfants vagabondent au milieu du troupeau. On m’a dit qu’on élevait le lit au-dessus du sol pour ne pas être inquiété la nuit par les moustiques ; au-dessus du paillasson les plus riches placent quelques peaux de mouton. C’est là aussi qu’on met toute la fortune de la famille : quelques sacs de grains, des outres, des calebasses, des paniers ; aussi l’on peut se demander comment, lorsque le couple est couché sur un si petit espace, tous ces ustensiles ne dégringolent pas. A 1 ou 2 mètres au-dessus de ce lit primitif, supportées par quelques baguettes flexibles, sont 2 ou 3 nattes tressées en feuilles de Doum, qui protègent les dormeurs de l’ardeur du soleil et de la rosée nocturne. En un clin d’œil, le lit, les nattes, les peaux peuvent être roulés et chargés sur les bœufs ainsi que les quelques ustensiles de chaque famille et l’on s’en va camper ailleurs. A l’arrivée au nouvel emplacement il suffit de couper quelques perches et d’arracher quelques fibres de Doum qui serviront à lier les traverses et l’on pourra bientôt dormir dans une nouvelle demeure. C’est ce qui explique la grande mobilité de cette peuplade. N’ayant ordinairement aucune culture, ne possédant que des troupeaux habitués aux longues étapes, elle se déplace suivant sa fantaisie, ses besoins, ou même au gré du chef qui la commande. Chaque tribu connaît admirablement tous les puits du Bahr el Ghazal et elle sait où il faut creuser pour trouver l’eau à quelques brasses de profondeur. Quand elle apprend qu’un parti lui fait la chasse, elle s’enfuit plus loin, vers d’autres points d’eau, en comblant préalablement les puits qu’elle quitte, afin que l’ennemi, assoiffé, soit obligé de retourner sur ses pas. Aussi les Krédas passaient-ils pour inattaquables avant notre arrivée. Les Krédas mènent une vie trop errante pour pouvoir se livrer d’une façon suivie à la culture. Ils connaissent à peine le blé, le maïs, l’arachide, le _Vigna_. Toutefois, les hivernages où ils ne sont point en expédition, ils se reposent quelques mois autour des principaux rahat pour y cultiver le petit mil. Souvent, ils ensemencent la terre et ne reparaissent qu’au moment de la récolte[241]. Mal cultivé, le _Penicillaria_ vient très mal dans le Bahr el Ghazal, il est chétif, atteignant à peine 1m,50 de hauteur ; il ne donne que 10 tiges au plus, alors que chez les Saras il peut en fournir jusqu’à 30. Je pense que les bonnes variétés de Dattiers donneraient de très beaux résultats dans le pays Kréda dont le climat est saharien. A l’aide des puits qui permettraient de rencontrer l’eau à une faible profondeur, il serait aisé d’irriguer à la saison des pluies. La principale richesse des Krédas est constituée par leurs troupeaux, dont le lait forme le fond de la nourriture. D’après une évaluation très approximative évidemment, des Arabes de Dagana, les Krédas possèdent 6.000 à 10.000 bovidés, 1.000 à 2.000 chevaux ; de nombreux troupeaux de moutons. Les bœufs sont de petite taille. Les Krédas ont aussi des animaux à bosse, dégénérés par suite de croisements avec le type précédent. Leurs chevaux, à longue crinière, sont très proches du cheval arabe. Il y avait autrefois de très riches troupeaux de chameaux grâce auxquels ils pouvaient rayonner depuis le Tchad jusqu’au Borkou. Je crois qu’il n’y a pas de pays au monde qui convienne mieux que le Bahr el Ghazal à l’élevage des chameaux. Les petits ânes du pays, très robustes, rendraient de grands services s’ils étaient plus nombreux[242]. Ce qui montre la pauvreté de ce pays, c’est que les produits de la culture et de l’élevage, le mil et les dattes achetés aux populations voisines ne dispensent pas les Krédas de rechercher de véritables vivres de famine dans la steppe. Les _Krebs_[243] contribuent à leur alimentation pendant plusieurs mois. On les recueille le matin, en août et septembre, avec un panier hémisphérique tressé en fibres de doum, le _Sompo_. Le glaneur de Krebs parcourt la prairie à grandes enjambées en heurtant avec son panier le sommet des herbes. Cette secousse fait tomber les graines mûres dans le sompo dont le couvercle, se rabattant en clapet, empêche les graines de sortir. Un travailleur adulte peut récolter une dizaine de kilogrammes de Krebs dans sa matinée. Dès son retour au camp les graines sont étendues sur des nattes au soleil jusqu’à complète dessiccation. Les femmes les vannent ensuite, les pilent comme le mil. On fabrique avec cette farine des semoules vraiment excellentes. A l’encontre des Arabes, des Bélabas et des Baguirmiens, les Krédas récoltent aussi les graines d’Askenit (Nogou) et s’exposent à la terrible piqûre de cette Graminée pour se procurer un peu de nourriture. La gomme des _Acacias_ leur sert aussi d’aliment pendant plusieurs semaines, de décembre à mars. On la nomme Samok (en arabe), Ngo (en kréda), Ntagué (en kot.). La meilleure est fournie par l’_Acacia Sénégal_, elle est blanche. Le Sayal (ar. _Acacia tortilis_), le plus commun de tous les _Acacia_, fournit une gomme blonde. Le Tahlar (ar.) donne une gomme rouge. L’_Acacia arabica_ : Garatt (ar.) Gonrr (kot.) donne aussi une gomme rouge, mais en si petite quantité qu’on n’en mange guère. [Illustration : FIG. 75. — Mortier portatif et pot à beurre chez les Krédas.] Les fruits sauvages, si peu alimentaires qu’ils soient, sont, en beaucoup de circonstances, la seule nourriture que trouvent les Krédas. Les plus usités sont ceux du Doum, du Birr, du petit _Capparis mordo_, du jujubier, du kornaka, du sïwah, de l’haginli. Les tubercules de nénuphar et les jeunes tiges de l’_Orobanchia lutea_ se mangent ; par contre, on ne consomme pas les champignons. L’industrie est des plus primitives. Le Kréda ne sait pas tisser et n’a point recours à des tisserands indigènes, mais il coud les bandes de toile achetées aux Ouadaï avec le fil qu’il retire du cotonnier sauvage, assez commun le long du Bahr el Ghazal. Il ne sait pas non plus fondre et réduire le minerai de fer, mais il va l’acheter aux fondeurs arabes du Dagana et du Khozzam, pays où il existe du minerai de fer oolithique à la surface du sol. Les forgerons krédas (Hezzé) en fabriquent des sagaies, des lances, des accessoires de selles. L’art de la poterie est presque inconnu : tous les vases employés, marmites, canaris, gargoulettes sont fabriqués par les Kanembous. Le tannage des cuirs se pratique à l’aide des gousses de l’_Acacia arabica_ qui leur communique une couleur rouge. On vend quelques peaux aux Djellabahs. Le reste s’emploie à faire des tentes, des guerbas, sortes de grandes outres, des sacs pour contenir les provisions et les transporter. Le travail du bois se fait avec un certain goût. De petits mortiers pour piler le mil sont décorés d’arabesques ne manquant point d’élégance. Les Krédas ont la passion du trafic. Ils s’éloignent souvent à d’énormes distances pour des échanges infimes. Ce commerce est fréquemment alimenté par leurs rapines. Ils enlèvent des animaux domestiques à une tribu arabe du Kanembou pour les vendre à d’autres tribus. Ils se disent très hospitaliers pour les Djellabahs qui traversent leur pays et qui allaient vers les marchés, jadis importants, de Mondo et Massakori. Ils leur vendaient autrefois de l’ivoire et surtout des plumes d’autruches. Ils ne se souviennent pas qu’on ait jamais acheté la gomme ni le séné dans leur pays. Bien que ces marchandises abondent dans toute la contrée, pour se procurer le mil dont ils ont besoin, ils vendent quelques bœufs, ou des moutons et des chameaux. Ils achètent des dattes au Borkou, du sel aux Assalas, des armes, des poteries, du blé et des moutons aux Kanembous, des étoffes, des aiguilles, des piments, des oignons et d’autres menus objets aux caravanes du Ouadaï. La prise de Bir-Alali, en coupant la route aux caravanes du Fezzan, a anéanti ce commerce et désormais aucun Djellabah ne passe plus par le Kanem. Actuellement les commerçants viennent au Bornou, passent à Goulfei, Koussri, Tcheckna, Moito, le Fittri et le Ouadaï. Les Krédas prétendent qu’il n’existe plus de route allant de leur pays à Benghazi en passant par Koufra. Comme tous les nomades du Sahara, les Krédas mènent une vie de pillards ; ce sont de redoutables voisins. La surprise et le vol commis à l’égard d’un étranger, même s’il est musulman, pourvu qu’il appartienne à une autre race ou seulement à une autre confédération, sont considérés comme des actes de bravoure. Il en est de même de la razzia à main armée chez les Arabes pasteurs ou chez les cultivateurs bélalas. On ne saurait cependant leur nier certaines qualités : ils sont courageux, fiers, possèdent un très haut sentiment de l’honneur et un désir immodéré d’une liberté sans bornes. DUVEYRIER, FOUREAU, HOUROT nous ont appris à connaître les Touaregs sous ce même aspect. Je crois la majorité des individus capables de trahison à l’égard d’un chrétien. _Organisation politique et sociale._ — Les Krédas sont subdivisés en une multitude de tribus, réparties en trois fractions : _A_) Les Kachirdas qui habitent Ouellé. Ils comprennent : Médémé, Sinekora, Sakarda, Méréma. _B_) Les Kardas qui comprennent : Oulad Miché, Banya, Mehiné Karda, Adéa, Boudella, Soouda, Tagama, Guémida, Hareing (Gourda). _C_) Les Koyios : Ngalami, Naarma, Tioonda, Guerooua, Bodossa (Borossa), Garamia, Aouada, Kioanda, Djaraoua, Kodra, Sinda (Senda), Borokoura, Hiré (Yiria), Nouyouma, Naria. On nous a donné encore les noms d’autres tribus qui sont : Oulad Hamet, Yarara, Ayanga, Djonéa, Kédélin, Ouahara, Oko, Ettéma, Aguéréa, Boltigna, Yoskema, Kéhéma, Okora, Derguemi, Toroséa, Béréa, Méréa. Parmi les chefs de ces tribus, on m’a cité Abbas, Ganastou, Becharra, Betelima, Taher, Gadem, Djerraoua, Brahim, Djeima Mohammed et Slima. Leur suzerain est Djema Yousef, moins riche toutefois que Brahim, simple vassal d’Abbas, qui possède plus de 1.000 bœufs. Ils paieraient un tribut au Ouadaï. Ils sont en rapport avec le mahdi de Koufra qui leur a envoyé quelques fusils. Les Krédas sont tous musulmans, ils paraissent peu fanatiques, ils s’abstiennent cependant de boissons fermentées. Ils ont quelques lettrés et quelques Hadj. Leurs deux principaux marabouts sont Malloum Hassan Abou Chouchia, et Mallem Hamed Derchimi. Vivant toujours à travers le désert et la steppe, ils n’ont ni mosquées, ni Zaouïa. Ils disent ne point être affiliés aux Senoussias, ce qui est contestable. Ils parlent tous l’arabe, mais la langue qu’ils emploient entre eux, le da zaga[244] est très différente de l’arabe et du tenachek, c’est au contraire la langue parlée par les Tedas du Borkou. [Note 225 : Une preuve de l’extension des eaux du Tchad dans le Bahr el Ghazal serait l’existence de coquilles d’_Etheria_ (Koni en Kréda) à Hamatié, Arméli, al Léan (renseignement Kréda).] [Note 226 : Ne s’agirait-il pas de l’inondation de 1871 mentionnée par NACHTIGAL ?] [Note 227 : On m’a encore cité, comme mares atteintes jadis par les eaux du Tchad : Mézérak et Kréné ou Krénak, à 3 jours au N. du Fittri.] [Note 228 : Les puits sont creusés entièrement dans le sable blanc ; toutefois ceux qui ont été établis au fond des cuvettes traversent d’abord une couche superficielle de limon noir, épaisse souvent de plusieurs mètres. Les terrains qui remplissent les lits anciens du Bahr el Ghazal contiennent toujours un peu de carbonate de soude qui communique son goût à l’eau de tous les puits. Toutefois, c’est à partir de Sayal et de Rédéma seulement qu’on trouve cette substance en assez grande quantité à la surface pour pouvoir la recueillir. Le long de la rive orientale du Tchad, il faut aller à Nguéléa au N. de Bol, pour la rencontrer dans les mêmes conditions.] [Note 229 : Graminée à fruits portant de nombreux aiguillons et s’attachant aux vêtements.] [Note 230 : Les mouches à trypanosomes (tsétsé) existent sur tout le pourtour S.-E. du Tchad et déciment parfois les troupeaux. On prétend même qu’elles tuent les herbivores sauvages et qu’à la fin de l’hivernage on rencontre de nombreux cadavres d’antilopes, leurs victimes.] [Note 231 : Le capitaine DURAND, qui commandait l’escadron de spahis du Kanem au moment de notre voyage, a eu l’obligeance de me communiquer les notes recueillies au cours de quelques reconnaissances faites entre le Baro et le Bahr el Ghazal. Le 18 juin 1903, une reconnaissance de Ngoura vers Sayal le conduisit à Ambahat, point d’eau très important, à 35 kilomètres environ au N. de Ngoura. Il traversa ensuite le plateau sablonneux et découvert, fortement mamelonné, dont les saillies étaient séparées par des ouadi très boisés. Les puits de Sayal, au nombre de 3, sont situés au fond d’une petite cuvette ombragée de gommiers, à environ 3 kilomètres de Ambahat. Ils fournissent une eau abondante et très bonne. Bir-Ahmed, à 32 kilomètres plus loin, contient aussi une eau de bonne qualité, mais ces points sont relativement rares. On rencontre beaucoup plus fréquemment des mares contenant des eaux natronées ou sulfatées à peu près inutilisables.] [Note 232 : Le Sorro est sans aucun doute ce que NACHTIGAL a désigné sous le nom de Torô et qui, d’après lui, est un ensemble de dépressions se continuant d’Oudounga à Tangour, point où finit le Bahr el Ghazal et où s’avance au S. du Borkou la fertile et riante vallée de Djourab. (NACHTIGAL, traduction, t. I, page 390.)] [Note 233 : D’après les données très vagues que m’a fournies un Ouadaïen, Bayour, j’ai cru comprendre qu’il existait à l’E. ou au S.-E. du Borkou, à travers des pays nommés Bidéat (Bidderat) et Kakaoua, une communication entre le Bahr el Ghazal et le Bahr el Abiod du bassin nilotique, communication qui se ferait par le Ouadi Alpha, se dirigeant du Borkou vers le Dar Four.] [Note 234 : NACHTIGAL est le premier qui ait parlé des Krédas, les confondant, il est vrai, avec les Oulad Hamed.] [Note 235 : Il y aurait 400 à 500 cavaliers.] [Note 236 : Ces renseignements m’ont été fournis, en dehors du travail du lieutenant BOISEAU, par Seliman, le chef de ce campement, et par Djema Tarab, frère de Djerma Yousef, pris avec Acyl.] [Note 237 : D’autres m’ont dit huit jours.] [Note 238 : L’Egué (Eghéï) est connu des Krédas ; il paraît que c’est un pays inhabité et sans eau où s’aventurent rarement les caravanes. Quant au terme de Bodellé, ou plutôt Bodellou, il désigne une tribu de Karda, cantonnée à Kallé sur le Bahr el Ghazal.] [Note 239 : Nous reproduisons d’autre part, à titre documentaire, une partie des notes du lieutenant BOISEAU. « En janvier 1903, les Krédas étaient échelonnés le long d’une ligne de puits allant de Chéoul à Moussoua ou Massaouah (ce point était le campement le plus important), tous situés le long d’un bras latéral du Bahr el Ghazal. Entre ce bras et le bras principal est une région aride et déserte coupée de vallonnements parallèles, au S. de la ligne des puits Chéoul-Moussoua, est le pays nommé El Heu, où les Krédas viennent récolter les fruits des Doums. De ces points ils poussent des incursions jusqu’à Sayal, à quatre ou cinq jours à l’E. de Massakori. Pour y aller de Massakori, on marche en plein E., en suivant une ligne de puits qui commence à l’E. de Chérérib. De Massakori à Chérérib, il y a deux jours sans mare ni puits. »] [Note 240 : J’ai remarqué deux ou trois hommes qui avaient le nez busqué, caractéristique du type sémite.] [Note 241 : Les points où l’on sème ainsi un peu de _Penicillaria_ sont : Mossouo, Ouaga, Sallali, Chooul, Krenek, Débaba, Séfi Efféta, Cheranguéné, Khadéra, Maharek, Koferdraie, Hammara, Kalba. (Ouaga est un des points les plus éloignés où les Krédas font de la culture. Pour y aller, on passe par Doukham, Achin, Mézerak, Dougoul, Chéddéra, Houroup et Ouaga. Ce point est à une demi-journée, soit 25 kilomètres au N.-E. de Mossouo. Amkialaye est à un jour et demi plus loin, enfin Ouellé est beaucoup plus à l’E.).] [Note 242 : Il n’existe ni poule, ni canard, ni cabris dans les campements rencontrés.] [Note 243 : Le Dofrai (_Edi_ ou _Eri_ en Kréda) est le meilleur Kreb ; c’est aussi le plus répandu. Après lui viennent par ordre d’importance le Ndénep (_Ogou ferera_) également très bon, le Kamdéla (Aou Yesko) ; l’Antoul n’est autre que le _Dactyloctenium_, enfin un _Panicum_ à port de _Panicum pyramidale_ mais venant dans les lieux secs, constitue le Deguerr.] [Note 244 : Cette langue est parlée par les populations suivantes : Krédas, Kanenbous, Mourquias, Tourdous, Abourdas, ou Amkordas, Tagourdas, Ouandalas, Gadaouas, Kinines, Liguéra, Ouled Sliman, Bideat, Soutoumia.] CHAPITRE XVI LE KANEM I. Aspect général. — II. Climat. — III. Flore. — IV. Culture et élevage du bétail. — V. Elevage des chameaux. — VI. Commerce et industrie. — VII. Aperçu géologique. * * * * * « Ce Kanem dont le sol privilégié de la nature fournit de quoi nourrir une population sédentaire, ce Kanem, qui, jadis, dans l’histoire du centre de l’Afrique, a joué un rôle prééminent et qui a été le berceau de l’Etat bornouan. » (NACHTIGAL, p. 475.) Cela rend rêveur ! JOALLAND, 30 ans plus tard, devait se tromper de même, car le Kanem est un pays excessivement pauvre. I. — ASPECT GÉNÉRAL Le Kanem est un pays vallonné où les dunes de sable alternent avec les ouadi et les cuvettes. Dans l’ensemble les dépressions communiquent souvent entre elles, mais il existe aussi de nombreux systèmes isolés. Il y a donc deux aspects principaux du pays : 1o Le _Gouss_ (arabe) ou _Kiri_ (Kanembou), grande steppe dénudée, aux rares touffes d’herbes à souches vivaces et au court gazon de plantes annuelles de juillet à la fin de septembre ; 2o le Ouadi, sillon un peu en contre-bas de la plaine, large de 100 mètres à plusieurs kilomètres, qui se nomme _Bela_ ou _Derib mogo_ (la « route de l’eau » en Kanembou), qui décrit des méandres nombreux, s’élargit en cuvette ou se rétrécit, et dans lequel il se forme parfois des lagunes en hivernage. A l’assèchement de ces lagunes le sol noir se fendille, ou bien une couche noirâtre de natron se dépose et donne l’aspect d’une boue gelée. Du côté de Bir Alali et plus au N. du Kanem, d’après NACHTIGAL, les ouadi auraient une direction perpendiculaire à celle du Bahr el Ghazal et on rencontre des dunes sans herbes avec le _Leptadenia spartum_ (Asclépiadée) ; les Kanembous nomment _Bodou_ ce genre de formation. Un aspect très spécial du ouadi remarqué à Ngouri est le _Kharim_, fourré épais d’arbres enlacés de lianes (Asclépiadées, _Capparis_, _Acacia pennata_. Ce genre de bosquets se trouve au fond même de certaines cuvettes dans lesquelles l’eau est douce. A l’hivernage les arbres et arbustes des ouadi s’enguirlandent de lianes herbacées (Convolvulacées, Cucurbitacées, Asclépiadées et Légumineuses), dont les fleurs vont s’épanouir à la cîme des arbres. On trouve l’eau à peu de profondeur (de 2 à 5 brasses) mais elle est rarement potable, et les seuls lieux habités sont les ouadi. II. — CLIMAT La saison des pluies a commencé vers le 20 juillet ; il y avait eu précédemment quelques petites tornades espacées, avec quelques gouttes d’eau. Elle s’est terminée le 15 septembre, soit une durée de deux mois environ. Du 15 au 25 septembre il y a eu une période de transition avec tornades sèches ou seulement accompagnées de quelques gouttes d’eau. Le 25 septembre l’Harmattan ou vent du N.-E. a commencé à souffler. Il se fait sentir de 7 h. du matin à 6 h. du soir. Ce vent persiste jusqu’en avril, soulevant des tourbillons de sable qui va s’accumuler peu à peu dans les ouadi. En résumé le climat du Kanem est sain, les Européens s’y portent bien. Les moustiques qui pullulent au Tchad y sont peu abondants. III. — FLORE La flore du Kanem est une flore sub-saharienne. Les _Acacias_ sont peu abondants sauf l’_Acacia Vereck_. L’_Acacia arabica_ est rare et n’existe en bouquets qu’auprès du Bahr el Ghazal. Le _Combretum glutinosum_ disparaît avant Ngouri, l’_Anogeissus leiocarpus_ n’existe plus, il disparaît avant Massakori. Près de Ngouri on rencontre encore le _Kigelia_ et une autre Bignoniacée, deux espèces de Capparidées dont l’une à rameaux étalés et blanchâtres forme parfois un arbre de 4 à 5 mètres de hauteur qui dans certains cas devient plus commun que la forme buissonneuse. Dans les ouadi domine une espèce de _Ziziphus_ pouvant atteindre 8 à 9 mètres de hauteur qui diffère du _Ziziphus orthocantha_ par ses feuilles qui sont vertes en dessous. Le _Capparis sodada_ aphylle ou presque aphylle est très commun et forme des buissons impénétrables hauts de 0m,50 à 3 mètres. Ses fleurs d’un rouge vif décorent en octobre ces halliers du Kanem. En certains endroits on ne voit pas un seul arbre ; ailleurs se détache la silhouette d’un _Acacia albida_ isolé, et visible à une grande distance, car il croît au sommet même des mamelons de sable. Les cuvettes ont des plantes spéciales, au fond surtout deux graminées recherchées par les chameaux, trois crucifères, un tamaris et le _Salvadora_. Sur le flanc, des Doums, en haut et s’étendant assez loin sur le Gouss, des Térébinthacées, des _Acacias_, des _Commiphora_ et des _Balanites_. IV. — CULTURES ET ÉLEVAGE DU BÉTAIL La principale culture est celle du _Penicillaria_ ou petit mil. On peut dire qu’à surface égale cultivée, le petit mil donne un rendement quatre fois moins grand au Kanem que sous les 9e et 10e parallèles au Chari. La variété cultivée partout est dépourvue de barbes, alors que sa souche émet 20 chaumes fructifères au pays sara, elle ne donne que 3 à 5 tiges fertiles en moyenne. L’ensemencement se fait fin juin ou commencement de juillet. S’il survient quelques petites pluies le mil pousse, autrement à peine sorties de terre les germinations meurent et il faut recommencer l’ensemencement plusieurs fois. Si les pluies sont normales (dix à quinze centimètres pour tout l’hivernage) la production est assurée, à moins de circonstances spéciales (sauterelles, charançons[245], maladies). Au contraire si la saison pluvieuse est pauvre en chutes d’eau, ou si celles-ci cessent trop tôt, la récolte est manquée en beaucoup d’endroits. C’est ce qui est arrivé cette année à Mondo. Alors qu’il pleuvait partout dans les environs, Mondo recevait à peine quelques gouttes de pluie ; le mil a poussé, il a même fleuri, mais la graine n’a pu se développer. D’après les indigènes il eût suffi d’une petite pluie propice pour que la récolte réussisse, elle n’est pas venue, il n’y a pas de grain. Les épis se dressent comme s’ils étaient nouveaux, quelques pieds par hasard ont formé des graines, mais c’est l’exception. La récolte du _Penicillaria_ commence au Kanem en septembre elle se poursuit jusqu’en octobre. Les femmes vont chaque matin couper les épis murs et les rapportent au village où ils sont entassés au soleil sur une aire de terre battue. Lorsque les graines sont bien sèches on les fait tomber. Le mil sert exclusivement à la nourriture, sauf à Mondo où les Arabes en transforment une partie en mérissa. Les Kanembous en échangent aussi avec les Krédas, les Touaregs, etc. Les officiers du territoire ont amené en 1903 les indigènes à étendre considérablement leurs cultures, mais les emplacements souvent mal choisis ont donné de faibles résultats. Les haricots (_Vigna_) occupent une surface assez étendue dans les cultures des Kanembous. Ils réussissent là où le petit mil ne donne rien. A Mondo par exemple, les _Vigna_ semés au milieu du _Penicillaria_ avorté ont donné des gousses, très petites mais contenant 3 à 5 graines, c’est là une précieuse ressource. La culture du Dattier commence à Mao, et se poursuit dans toutes les oasis où l’eau affleure, jusqu’à Bir Alali où les dattiers sont nombreux et forment une véritable forêt. La récolte des dattes se fait en juin et juillet. Les dattes du Kanem sont peu estimées, la pulpe est sèche et peu sucrée, le noyau démesurément gros a souvent un développement anormal. Les Toundjers qui ne récoltent pas de dattes mais qui en consomment, échangent une mesure de dattes contre deux mesures de petit mil. Les dattes sèches sont conservées dans des sacs en cuir de mouton, tanné avec le fruit de l’_acacia arabica_ (cuir rouge). On rencontre encore quelques plantations très restreintes de Sorgho, et un peu de coton dans les ouadi ; le blé ne se cultive qu’aux îles du Tchad. L’élevage du bétail (bœufs, moutons) est fait sur une assez grande échelle. Les bœufs appartiennent à une race forte, peu laitière. D’ailleurs le lait est de médiocre qualité, les indigènes ayant la fâcheuse habitude de laver leurs récipients avec l’urine des animaux pour empêcher la fermentation lactique. Un bœuf vaut de 5 à 6 thalers, une vache laitière 10 thalers, deux bons moutons valent 1 thaler. A la saison sèche on mène les troupeaux pâturer au bord des bahrs orientaux du Tchad, spécialement autour des cuvettes natronnées, les animaux broutent avec délices les _Panicum_ à feuilles piquantes qui constituent le principal fourrage en toute saison. Les chevaux et les ânes sont peu nombreux, les chameaux n’existent que chez les Touaregs, les Ouled Sliman et les Krédas. C’est partout le bœuf non châtré qui s’emploie comme animal porteur. Il résiste à ce travail beaucoup mieux qu’au Baguirmi et arrive à fournir des marches de 30 à 40 kilomètres par jour, en portant 50 à 60 kilogrammes, ainsi que le bouvier qui monte presque toujours l’animal pour le conduire. La charge d’un bœuf adulte peut être portée jusqu’à 80 et 100 kilogrammes, mais ce poids est excessif si l’animal a plus de 100 kilomètres à fournir et si l’on veut lui faire parcourir plus de 20 kilomètres par jour. On fait ordinairement marcher les bœufs porteurs (_tor_ en arabe) la nuit ou le matin, on les laisse reposer et pâturer à partir de 10 heures du matin, et on les recharge à partir de 2 heures seulement, en les arrêtant autant que possible un peu avant la fin du jour pour qu’ils puissent pâturer. Pour les longues étapes il est nécessaire de marcher la nuit. V. — ÉLEVAGE DES CHAMEAUX Il se pratique en grand chez beaucoup de confédérations Berbères et Arabes, situées entre le Tibesti, le Borkou, le Kanem et le Ouadaï. Les contrées traversées par le Bahr el Ghazal sont en effet très favorables, par leurs pâturages natronnés et l’absence de mouches venimeuses. Les Kachirdas seraient de toutes les tribus celle qui s’adonne le plus à cet élevage et qui possède la plus belle race. Mais, toujours en course à travers le désert les animaux ne suffisent même pas à leurs besoins[246] ; ils achètent des chameaux au lieu d’en vendre[247]. Après les Kachirdas, les Borkous et les Bidéats sont les nomades qui possèdent le plus grand nombre de chameaux. On en trouve aussi un peu chez les Kardas, les Tourdas, les Tagourdas et les Gadouas. Les caravaniers (djellabahs) se procurent des chameaux au N. et au N.-E. du Dar Ouara dans les tribus arabes suivantes : Mohamed, Diahaténé, Naouala, Zabada, Messirié, Khozzam[248]. Le chameau atteint son développement en quatre années. S’il n’est point surmené et s’il reste constamment dans les régions désertiques, il peut continuer à rendre des services pendant dix ans, mais il demande des soins, des pâturages spéciaux et, après les traversées fatigantes, une nourriture réconfortante composée de mil pilé mélangé à du natron. Cette dernière substance, très prisée du chameau, doit lui être donnée fréquemment. L’ennemi le plus redoutable du chameau est le lion qui en enlève un grand nombre chaque année le long du Bahr el Ghazal[249]. La maladie la plus dangereuse est nommée Guérap en arabe et Tourkom en kréda. Elle atteint de préférence les animaux qui ont enduré de grandes privations et effectué de longues traversées sans manger de natron. Le corps se couvre alors de plaies, qui se remplissent de vers. Si on ne sacrifie pas immédiatement l’animal, la maladie peut se communiquer à tout le troupeau. Il existe aussi des plantes vénéneuses redoutables. La plus dangereuse, le _Capparis tomentosa_ (Gouloum, en arabe), tue infailliblement, dit-on, les individus qui la broutent ou qui mangent ses fruits. Le voyage des chameaux en hivernage dans les contrées pluvieuses, surtout aux environs du Tchad, dans le Dagana et le Khozzam, expose à de grandes pertes. Il paraît que ce sont exclusivement les mouches venimeuses qui occasionnent des maladies[250]. Les chameaux, de même que les bœufs et les chevaux, ne meurent pas immédiatement, mais ils dépérissent et ils succombent après l’hivernage sans qu’une bonne nourriture puisse les sauver. Dans les rahats sahariens ces mouches font défaut, les chameaux ne souffrent pas de l’humidité, bien qu’ils se roulent dans les mares. Ils ont si peu besoin de se désaltérer qu’au dire des indigènes, ils restent toute la saison des pluies sans boire. De toutes les plantes, celle qu’ils mangent le plus avidement est la pastèque sauvage à fruit comestible non amer. Ils broutent aussi tous les arbustes épineux du S. saharien, _Acacia_, _Bauhinia_, _Capparis_, à fruits comestibles, _Combretum aculeatum_, _Balanites_, Jujubier. Ils semblent avoir une préférence marquée pour toutes les plantes piquantes. C’est ainsi qu’ils recherchent l’Askenit al Koulab, cette Tiliacée dont les écailles cotonneuses munies de poils recourbés se fixent aux vêtements comme les capitules des Bardanes. VI. — COMMERCE ET INDUSTRIE Le commerce du Kanem est nul depuis l’affaire de Bir Alali. Actuellement les Bornouans feraient passer par le S. du Tchad quelques étoffes, des aiguilles, du tabac, des oignons (on n’en cultive pas au Kanem), un poison spécial pour les flèches et les fers de lances ; les Kanembous donnent en échange des bœufs et des moutons. La poterie se confectionne avec la terre des ouadi à laquelle on mélange un peu de tuf calcaire pulvérisé. Les gourdes sont suffisamment poreuses pour qu’on puisse rafraîchir l’eau. Ces gourdes sont entourées de tresses assez jolies, faites, comme les quelques autres objets de sparterie, avec les feuilles du Doum. Il existe une caste spéciale de forgerons qui fabriquent les lances et les flèches, ces armes sont toujours empoisonnées. Les forgerons allaient autrefois chercher le minerai de fer au Chittati, région située au N.-O. de Bir Alali, ce minerai se recueillait à la surface du sol ; ils n’en tiraient ni du Dagana ni du Dar Kréda. Le coton récolté se file, mais se tisse très rarement. VII. — APERÇU GÉOLOGIQUE Les terrains du Kanem, au moins ceux de la surface, diffèrent complètement de ceux du bassin central du Chari. Depuis 9° jusqu’à 13° N. des dépôts lacustres d’une très grande épaisseur, formés de sable et d’argile, ont nivelé presque complètement le sol en ne laissant subsister aucune dépression importante. C’est à travers ces alluvions que les fleuves actuels, sans thalweg distinct, se frayent un chemin plus ou moins tortueux. A partir des rochers d’Aouni et de Ngoura, on n’observe plus rien de semblable. Des rides longues de 500 à 2.000 mètres alternent avec des cavités (ouadi) larges de 100 mètres à plusieurs kilomètres, dont l’ensemble forme un système de dépressions très allongées, parallèles, dont la direction générale est sensiblement S.S.E.-N.N.O. ; les parties saillantes sont elles-mêmes alignées dans la même direction. Cette topographie donne au paysage un aspect très spécial. La végétation arborescente est étroitement localisée dans les cavités ; les arbustes sont très rares sur les crêtes. Souvent même on découvre un horizon très vaste sans un seul arbre : c’est alors un immense désert de sable, nu en saison sèche, masqué à l’hivernage par des Graminées et des Légumineuses herbacées. Cet aspect est commun au Bahr el Ghazal, où les ouadi sont peut-être plus nombreux que partout ailleurs, à tout le Kanem et au Tchad : les Bahrs ou parties lacustres du Tchad correspondent en effet aux ouadi et les « îles » du Tchad aux crêtes. En suivant les ouadi, l’eau du lac s’est étendue autrefois bien au-delà des rives actuelles. Nous avons vu à Clitoua, à environ 100 kilomètres du rivage actuel et en pleine région saharienne, au fond et même sur les talus des ouadi, des blocs de roches de plus d’un mètre cube formés de débris de roseaux fossilisés et agglutinés entre eux. Or ces roseaux ne vivent aujourd’hui que dans le lac même ou dans les parties inondées avoisinantes. L’eau du Tchad qui pénètre dans les ouadi, de même que les eaux de pluie qui forment, aux alentours, des lagunes temporaires se saturent de sels de soude et laissent déposer en s’évaporant ces sels et des concrétions calcaires, ce qui fait supposer qu’un calcaire vraisemblablement crétacé existe en profondeur, recouvert par les couches argilo-sablonneuses[251] qu’il faut traverser pour aller chercher l’eau dans le lit des ouadi. Les puits creusés sur les rides ont rencontré constamment un sable très mobile plus ou moins roussâtre, à éléments très fins, semblable d’aspect à celui des Erg. Il m’a été impossible de savoir ce qu’il y avait au- dessous de ce sable. Dans le fond des Bahr il y a parfois une croûte de tuf calcaire dont l’épaisseur peut atteindre 1 mètre et qui forme à la surface des bombements en forme de champignons. Ce calcaire repose directement sur le sable et paraît déposé à la suite de l’évaporation des eaux. A Rédéma le calcaire existe sous forme de concrétions éparses dans une marne friable et verdâtre. Au fond de la plupart des Bahrs la terre est en outre très riche en natron et lors de l’assèchement des lagunes il se dépose une couche compacte de ce sel. L’eau des puits de Ngouri et de beaucoup d’autres localités est alcaline. Aucune roche ancienne n’affleure dans le Kanem[252]. [Note 245 : Les charançons dévorent parfois la récolte de mil sur pied.] [Note 246 : Non seulement le chameau sert chez eux de Mehari et de bête de transport, mais la chamelle fournit du lait. On tue de temps en temps un animal pour le manger ; ceux qui meurent de maladie sont eux-mêmes consommés.] [Note 247 : Au Bahr el Ghazal une belle chamelle suivie de son petit, s’échange contre trois bœufs ; un chameau en pleine force vaut deux bœufs. Le paiement en thalers est inconnu.] [Note 248 : Dans les environs d’Abeschr seulement, chez les Khozzams du N. du Baguirmi il n’y a pas de chameaux.] [Note 249 : Chose curieuse, il est au contraire extrêmement rare que le lion attaque le berger, et Djerma Térab m’a affirmé qu’il n’a jamais eu connaissance qu’un lion ait mangé un homme éveillé. A l’exemple de la grosse hyène, il peut étrangler un individu endormi ou même saisir les femmes et les enfants qui s’écartent dans la brousse, mais il n’inquiéterait jamais un homme armé.] [Note 250 : Il y a cinq sortes de Diptères très dangereux pour les animaux domestiques au dire des indigènes : 1o les moustiques ; 2o l’abou daguig, moucheron beaucoup plus petit encore que l’_Anophèles_ ; 3o l’abou gadoum, qui ressemble beaucoup à la mouche domestique ; 4o le terr ou do, sorte de gros taon ; 5o enfin la _boguéné_, fort analogue à la tsétsé.] [Note 251 : Le calcaire affleurerait dans le Sagarda, à 8 jours N.-E. d’Aouni (renseignement kréda). Le natron s’y trouve aussi en grandes tables.] [Note 252 : Il y aurait des affleurements de rochers au Chittati situé au N.-O. de Bir Alali, on m’a rapporté de cet endroit un gros galet roulé de quartz. Dans le pays des Krédas, les seuls rochers qu’ils connaissent pour venir camper à la saison sèche, sont ceux de Sayal, Ambichéré (22 kilomètres au N. d’Aouni), Rédéma, Hadjer Omer et Hadjer Djombo. Il n’y a dans le pays Kréda, ni sel, ni nitrate, il faut aller chercher ces produits au N. d’Abeschr, à 15 ou 20 jours du Fittri. Le sel gemme et le natron se rencontrent chez les Mohamid à l’E. du Borkou, qui dépendent du Ouadaï et non du Borkou. Les nitrates utilisés pour faire de la poudre (Am Sabaka) se trouvent à 4 jours dans le N. d’Aouni, notamment au lieu dit Imakik. Enfin les Ouadaïens, qui savent fabriquer la poudre, vont les chercher du côté du Borkou, à 10 jours environ d’Abeschr.] CHAPITRE XVII LE LAC TCHAD I. Généralités. — II. Les Kouris du Tchad. — III. Hadjer el Hamis. * * * * * I. — GÉNÉRALITÉS Depuis bientôt un siècle le Tchad a été un des principaux points appelant l’attention des explorateurs tentés par les mystères du centre de l’Afrique. Considéré longtemps comme une « immense mer intérieure », il a été successivement visité par DENHAM et CLAPPERTON (1821), BARTH et OVERWEG (1854), TH. VOGEL, M. VON BEURMANN (1862), G. ROHLF (1867), NACHTIGAL (1870). Ce dernier, en réunissant à ses observations celles de ses prédécesseurs, publia une carte qui est restée jusqu’aux récentes expéditions françaises le document le plus important concernant cette région. Mais c’est seulement depuis cinq ans que l’on est définitivement fixé sur la forme et la nature du lac, après les innombrables reconnaissances effectuées à bord du _Léon Blot_ de la mission GENTIL, reconnaissances dirigées surtout par les lieutenants de vaisseau d’HUART et AUDOUIN et complétées par les levers topographiques des capitaines J. TRUFFERT, HARDELLET, d’ADHÉMAR, TILHO. Tous ces itinéraires rattachés avec les positions astronomiques établies par les missions FOUREAU, LENFANT, TILHO, ont permis à ce dernier d’établir la belle carte du Lac Tchad publiée dans _La Géographie_ du 15 mars 1906. On peut considérer ce document comme définitif. Sans doute des détails pourront encore être modifiés et surtout le dessin de la limite des eaux, dessin incertain, qui varie d’un jour à l’autre suivant que le niveau monte ou que l’inondation se retire. Telle île, vue aujourd’hui, sera, dans quelques semaines, couverte de roseaux inondés à la base, et quelques mois plus tard, une langue de terre ferme rattachée aux dunes du Kanem. Puis de nouveau l’inondation montera, si bien que, comme l’écrivait BARTH il y a cinquante ans, jamais on ne fixera la forme du Tchad. Cependant la topographie de toute cette contrée est admirablement connue, les itinéraires levés à la boussole par nos officiers se croisent dans tous les sens, et bien des coins de l’Europe sont certainement beaucoup moins explorés que la région du Tchad. A notre avis il n’est pas douteux que le Tchad est le dernier reste d’une immense dépression qui s’est peu à peu ensablée par les apports de ces rivières qui forment le vaste éventail hydrographique du Chari, rayonnant depuis le Haut-Nil et le Haut-Oubangui jusqu’à la Haute- Sangha. Les incendies de savanes ont peu à peu déboisé la partie élevée de ce bassin, la brousse a fait place à la forêt ; les pluies ont considérablement diminué, et l’apport annuel des eaux est de plus en plus faible. Le Chari est encore un magnifique fleuve à la saison des pluies, mais il n’est plus l’image de cette vaste ampoule qui couvrit au moins 50.000 kilomètres carrés, si l’on en juge par l’étendue où des dépressions subsistent encore. II. — LES KOURIS DU TCHAD Les Kouris sont belliqueux et ils ne s’expliquent pas pourquoi nous les obligeons maintenant à vivre comme des femmes. Avant notre arrivée, les Kouris se faisaient en effet la guerre d’une île à l’autre. L’objectif était toujours le troupeau de l’adversaire à capturer. La poursuite de l’ennemi se faisait, parfois à cheval, parfois en pirogue. Les belligérants se rencontraient jusque sur la nappe libre du lac, et là avaient lieu des combats au javelot et des luttes corps à corps dans lesquelles les plus faibles étaient exterminés et engloutis dans la vase. Rarement les Bornouans et les Arabes ont osé attaquer les Kouris dans leurs îles. Cependant des Ouadaïens et des Arabes du N. attaquèrent parfois les Boudoumas jusque chez eux, qui pour se soustraire à ces attaques, construisaient souvent des habitations sur pilotis, dans lesquelles ils pouvaient mettre les femmes et les enfants à l’abri, pendant qu’ils repoussaient l’envahisseur. Les diverses tribus Kouris sont : les Boudoumas, les Kalis, les Karaouas, les Kéléouas, les Malmadikés et les Maguékokias, ces deux dernières vivant au N. de Bol. Les Kouris donnent à leur chef le titre de _Démobélane_ (les Arabes l’appellent _Laouen_) et disent que leurs ancêtres ont toujours vécu au Tchad. Presque tous les Kouris sont sédentaires et ne circulent que très peu à travers le Tchad qu’ils ne connaissent en général qu’à une faible distance de l’endroit qu’ils habitent. Leurs cases ne sont pas fixes, ils les déplacent au gré de leurs besoins, en suivant la marche de l’inondation ou le retrait des eaux. Le mouvement des eaux est des plus variables et des plus imprévus. Une année de forte crue peut amener une inondation qui remplit le lac et les Bahrs très loin pour plusieurs années. Ils ont pu aller même par le marigot de Ngalen jusqu’au Dagana. A l’époque où les Bahrs étaient plus importants, les Kouris possédaient de grandes pirogues en planches (Foum démon en kouri, Ogom en kotoko), mais ces pirogues n’ont jamais porté de voiles, et c’est un filet que ROHLFS a pris pour une voile. Depuis longtemps ces grandes pirogues ont disparu. Les cases des Kouris, en forme de cloche, sont assez grossièrement construites ; le toit vient au ras du sol. La charpente est formée de branches grossières, car le bois est très rare dans les îles du Tchad. On emploie surtout les branches du _Balsamodendron_ et pour les poteaux des troncs de Doum. Le sommet est parfois surmonté d’une coque d’œuf d’autruche comme chez les Baguirmiens. La porte basse et carrée est fermée par une natte en paille tressée. Le sol de l’intérieur des cases et des cours est formé d’un sable très fin sur lequel sautillent des myriades de puces. Cet insecte pullule dans tous les villages et en rend le séjour particulièrement désagréable. Je crois qu’il n’y a pas au monde un pays où on trouve plus de puces que dans cette partie de l’Afrique centrale et pendant que j’écris, une douzaine vagabondent sur mes vêtements et sautent sur mon papier. Les habitants n’hospitalisent cependant pas de bonne volonté ce commensal ; ils séjournent rarement dans l’intérieur de leurs cases et pour se reposer ils s’étendent dehors sur des nattes soutenues par des branchages et surélevées de un mètre au-dessus du sol. C’est sur ces nattes que l’on couche aussi pendant les nuits froides de décembre. Pendant la saison chaude c’est sur le _danké_ que l’on repose la nuit. Le danké est une plate-forme carrée en roseaux, qui a environ 2 mètres de côté ; elle est supportée par quatre piliers et surélevée de 2 à 4 mètres au-dessus du sol. Une natte surmonte le tout. Une échelle grossière formée de quelques branches liées à deux perches y donne accès. Si le danké est inaccessible aux puces, il est malheureusement accessible aux moustiques qui même à cette hauteur sont encore nombreux. Aussi les femmes et les personnes âgées préfèrent la _Courara_ pour dormir. La courara est une toute petite paillote ronde, parfaitement close avec des nattes. A la base on accumule une ceinture de sable qui obstrue les moindres ouvertures pouvant exister au ras du sol et de cette façon il est impossible aux moustiques de pénétrer. C’est une opération délicate que d’entrer le soir dans un semblable réduit sans y être accompagné par le redoutable ennemi. Voici comment on procède : on allume d’abord auprès de la porte hermétiquement close, un feu de paille ou d’herbes ; lorsque l’entrée est bien enfumée on soulève rapidement la natte en paille tressée formant la porte, et dès que l’on a franchi cette dernière, une deuxième personne placée à l’extérieur calfate soigneusement cette porte avec des herbes et du sable. Les femmes des Kouris font tous les travaux agricoles, mais ne s’occupent pas du troupeau. On a dit que par suite d’unions consanguines la population des îles du Tchad diminuait rapidement. Ce n’est vraisemblablement pas là la cause du peu de naissances, car les unions consanguines sont rares. A titre de renseignements voici une statistique démographique de l’île de Bérirem (chef Daouda) : Habitants, 351 ; chefs de famille, 98 (dont 84 hommes et 14 femmes) ; hommes mariés, 72 (10 ménages sans enfants) ; célibataires ou veufs, 12 ; les 72 hommes mariés ont 94 femmes (le chef a 6 femmes, un autre notable, 4 ; 14 hommes, 2 ; tous les autres n’en ont qu’une). Il existe 158 enfants, 70 chefs de famille sur 98 ont des enfants (le chef a 9 enfants pour 6 femmes, un autre notable 6 pour 4 femmes, un homme 5 enfants pour une femme, 6 chefs de famille ont 4 enfants pour 10 femmes, 16 ont 3 enfants, le reste a 1 ou 2 enfants). Village d’Oloa : habitants, 229 ; chefs de familles 81 (dont 59 hommes et 22 femmes) en plus 5 esclaves ; hommes mariés, 49 ; célibataires ou veufs, 10 ; les 49 hommes mariés ont 65 femmes (le chef a 4 femmes, 3 notables ont 3 femmes, 6 autres ont 2 femmes, tous les autres n’ont qu’une femme). Il existe 78 enfants, 51 chefs de famille sur 81 ont des enfants (Un seul habitant a 4 enfants pour une femme, 5 ont chacun 3 enfants, les autres n’en ont que 2, 1 ou pas du tout ; 16 hommes ayant au moins une femme n’ont pas d’enfants, soit un tiers des unions stérile). Village de Kindia : habitants, 184 ; chefs de familles, 66 (dont 55 hommes et 11 femmes) ; hommes mariés, 50 ; célibataires ou veufs, 5 ; les 50 hommes mariés ont 62 femmes (un a 3 femmes, 10 en ont 2 et les autres une). Il y a 56 enfants, 42 chefs de familles ont des enfants (un habitant a 3 enfants pour une femme, 12 en ont 2, les autres un ou pas du tout ; 16 hommes mariés n’ont pas d’enfants, ce qui représente encore un tiers des mariages stériles). [Illustration : FIG. 76. — Schéma des rochers de Hadjer el Hamis.] III. — HADJER EL HAMIS _Les rochers._ — Le massif rocheux de Hadjer el Hamis se compose de cinq rochers principaux de rhyolite verdâtre. Le plus important est situé au N., il est isolé, à forme arrondie, et s’élève à 80 mètres environ au- dessus de la plaine. A 150 ou 200 mètres au S. se trouve un groupe de quatre autres rochers de forme sensiblement conique, séparés, et ayant de 40 à 60 mètres de hauteur ; ils se prolongent par des rocs peu importants jusqu’à 300 mètres environ vers le N.-E. L’étude de ce massif fournit une nouvelle preuve de la grande extension ancienne du Tchad. La silhouette des rochers, quoique constitués par une roche unique, présente trois parties bien distinctes : 1o La partie inférieure, où la roche n’est visible qu’en de rares endroits et dont la surface apparaît caverneuse et corrodée. L’aspect général de la roche est celui d’un amas de blocs arrondis étroitement cimentés entre eux. Ailleurs des fragments grossièrement arrondis et polis, ordinairement de la grosseur du poing, mais parfois plus gros que la tête, sont dispersés parmi la terre végétale. Ils ont certainement été roulés par les flots du lac, sans cependant avoir eu le temps d’être parfaitement arrondis et polis. Un gazon composé surtout de _Pennisetum_, sec en ce moment, recouvre toute cette partie. 2o La partie moyenne, où la roche se présente à nu en masse compacte irrégulièrement découpée et bosselée, mais sans angles saillants. Elle semble avoir été battue par les flots, et la surface en est décomposée sur plusieurs centimètres de profondeur. La couleur verdâtre de la roche intacte se voit rarement, et ce sont les colorations rougeâtres, ocreuses ou blanchâtres qui dominent. Eclairée par le soleil la roche apparaît éblouissante. Cette partie s’élève à 15 mètres environ au- dessus de la plaine, c’est donc à cette hauteur que sont montés autrefois les flots du Tchad. 3o La partie supérieure est régulièrement cannelée et simule, comme aspect, celui d’une roche basaltique à prismes verticaux, la surface est blanchâtre par suite d’une légère décomposition. Les prismes sont hexagonaux et atteignent jusqu’à 2 et 3 mètres de hauteur. Le plus important des quatre pitons groupés, le Hadjer Téous, possède une grotte des plus curieuses. Pour accéder à cette grotte on gravit d’abord une pente d’une centaine de mètres de longueur et on s’élève ainsi d’une douzaine de mètres au-dessus de la plaine pour arriver auprès de l’entrée. Sur ce parcours on rencontre des amoncellements d’éclats de roche qui ont été certainement débités par les hommes ; la cassure de ces éclats est si fraîche qu’on la croirait de date récente. On pénètre ensuite dans une sorte de vestibule, large d’une dizaine de mètres, constituant en réalité la première chambre de la grotte. A l’extrémité de cette chambre on rencontre un amas de fragments de roche plus ou moins volumineux, n’ayant pas été débités et tous recouverts d’une patine blanchâtre. Cette sorte de rempart est haut de un mètre environ et barre complètement l’entrée de la seconde chambre, sauf à un endroit où un couloir est ménagé. Cette seconde chambre, qui est la principale, est en amphithéâtre de deux mètres sur la première. Puis une rampe, de 15 mètres de longueur sur 11 mètres de largeur environ, donne accès dans un grand hémicycle dominant de 4 mètres environ la chambre précédente et qui constitue la troisième chambre ; c’est une grande estrade d’où la vue s’étend au loin sur le Tchad. Sa profondeur est de 30 mètres environ, sa largeur 15 mètres. Au-dessus c’est le ciel, et les côtés sont formés par des parois à structure plus ou moins prismatique, s’élevant de 6 à 8 mètres. Pour voir le Tchad et l’horizon, il faut monter sur le mur du fond, haut de 7 mètres environ, par de grands gradins taillés dans la roche. Quelques gros blocs de roche forment saillie sur le fond de cette chambre, on y voit même un grand prisme hexagonal éboulé du sommet. Le sol des deuxième et troisième chambres est tapissé de nombreux petits éclats de roche, de débris d’ossements peut-être récents, et dans la troisième chambre on rencontre en outre des débris informes de poterie grossière. Cette grotte qui dans son ensemble mesure 80 mètres environ et traverse le rocher de part en part, a un aspect des plus majestueux. Du dehors sa vue est assez insignifiante et il faut y pénétrer pour s’en rendre compte. Lorsque je m’introduisis le matin dans ce sanctuaire de la nature, je restai longtemps saisi d’admiration devant ces parois formées de prismes montant jusqu’à la voûte qui s’ouvre sur le Tchad. C’est là une impression inoubliable, et quand l’eau du Tchad venait battre le pied de cette grotte le spectacle devait être grandiose. Il est certain que cette magnifique grotte a été autrefois aménagée en vue d’un culte et il n’est pas douteux qu’elle ait été dégagée de tous les éboulis qui devaient l’encombrer. Ce travail est fort ancien et la tradition n’en a conservé aucun souvenir : « C’est Dieu qui a fait cela, disent les Arabes et les Bélabas, il ne faut pas y aller car c’est un lieu hanté par les esprits ». Il est probable que ces rochers, situés au bord du Tchad et visibles à une grande distance, constituent le seul accident de la région, attirèrent l’attention des premiers hommes qui s’aventurèrent sur le lac, alors que ce dernier couvrait une étendue dix fois plus grande qu’aujourd’hui et qu’ils étaient des récifs sur lesquels déferlaient les vagues. D’innombrables animaux, chauves-souris, porcs-épics, hirondelles, aigles, vivent aujourd’hui dans les anfractuosités, et des échassiers font leurs nids sur les corniches. Du haut du mur du fond de la grotte le coup d’œil est splendide. La plaine, s’étendant à perte de vue, est blonde aux approches des rochers, en raison des herbes sèches qui tapissent le sol. Çà et là émergent quelques touffes d’Hyphènes. Les Ouadi vert sombre du pays des Assalas figurent une forêt verdoyante qui meurt sans transition au contact du Tchad dont on distingue les sinuosités semblables à de petits rubans d’un vert pâle. A l’E., la vue s’étend sur la plaine herbeuse jusqu’à l’estuaire du Bahr el Ghazal tandis que la forêt des Assalas se prolonge en pointe vers le Dagana. C’est le plus beau spectacle qu’il m’ait été donné de contempler pendant tout mon voyage. La forme du Tchad est vraiment insaisissable. En 1897 M. GENTIL était venu à quelques kilomètres des rochers, et, à cette époque, au dire des indigènes, la nappe d’eau s’étendait très loin, les coquilles déposées par cette inondation se voient encore sur le sol. J’avais demandé à mon guide d’aller directement de Bérirem à El Hamis, croyant que je ne trouverais que des Bahrs à passer en pirogue, alternant avec de la terre ferme, il me répondit qu’il était impossible de passer. Il y avait bien de la terre ferme partout, mais elle était couverte de prairies impénétrables de _Sesbania_ et aucun sentier n’avait été pratiqué. La nappe d’eau libre s’arrêterait en ce moment à 20 kilomètres environ au N. des rochers. D’après des observations faites, il faut admettre qu’il existe une différence de niveau de 5 mètres environ entre le Tchad actuel et le pied de ces rochers qui a été baigné par les eaux en 1897. [Illustration : FIG. 77. — Modèles de pirogues en roseaux des îles du Tchad.] A l’époque néolithique toute la contrée, le Baguirmi compris, devait former un vaste lac dix fois plus grand qu’aujourd’hui qui envoyait certainement très loin des ramifications, et communiquait avec les dépressions du Mamoun et du Iro par des Bahrs immenses. Le Bahr el Ghazal allait alors baigner les montagnes du Borkou. Le Kanem et l’E. du Bornou disparaissaient sous les eaux et les rochers de Hadjer el Hamis constituaient des récifs dans cette mer intérieure. _La Flore._ — Il n’est pas tout à fait exact de dire qu’il n’existe pas de types ligneux à el Hamis. Il y a d’abord les deux plantes caractéristiques des îles du Tchad et du Bahr el Ghazal, le _Calotropis_ et le _Hyphæne_ ; ensuite le _Celtis integrifolius_, l’_Acacia tortilis_, un autre _Acacia_ à longues épines blanches, une Bignoniacée, le _Bauhinia rufescens_, le _Caillea_, le _Balanites_, le _Leptadenia spartum_ et le _Leptadenia lancifolia_, le _Cratæva religiosa_, et une Malvacée. Il est évident que la flore herbacée est mieux représentée. Le pays qui s’étend au pied des rochers est l’interminable fond de lac asséché depuis trois ans environ. L’_Hibiscus canabinus_ sauvage a fait cette année la conquête du terrain. On le croirait ensemencé, tant ses tiges serrées les unes contre les autres excluent toute herbe. Une espèce de _Corchorus_ a ailleurs conquis de vastes places. On remarque aussi de très nombreux jeunes pieds de _Calotropis_ élevés de 10 à 15 centimètres. Il n’est pas douteux que cet arbuste improductif envahira le sol dans peu de temps et ce sera comme au Bahr el Ghazal le végétal dominant, jusqu’au jour où une nouvelle crue interviendra et tuera toute la végétation terrestre. Ce serait un sujet d’études fort intéressant que la marche de la végétation du Tchad, la lutte des espèces, lutte entre elles, mais surtout ici lutte entre les conditions physiques. L’immersion tue la plupart des espèces terrestres, le contraire tue les aquatiques, mais il est intéressant de constater que dès l’arrivée de la crue, les Bahrs charrient un véritable plankton de graines venues de nénuphars, de cypéracées, de graminées palustres qui ont bientôt conquis les nouvelles terres inondées. Certaines espèces qui croissent habituellement la base dans l’eau : les _Sesbania_, les _Abotj_, les _Papyrus_, le _Scirpus lacustre_, _Arundo_, sont parvenus à s’habituer assez bien à la sécheresse. Sur les vases asséchées depuis 2 ou 3 ans on les trouve encore ; beaucoup moins robustes il est vrai que leurs congénères aquatiques, continuant néanmoins à végéter, à fleurir, mais en général n’émettant pas de graines. C’est par de robustes rhizomes que les _Papyrus_ font la conquête des marais. Si l’assèchement se prolonge ils meurent enfin. La plaine à l’E. de el Hamis, qui fut inondée en 1897 et asséchée deux mois après, est ainsi toute couverte par places de grosses souches de roseaux secs et de rhizomes de _Papyrus_ morts, dont les robustes griffes sont en partie déterrées ; on peut considérer ces espèces comme formant un groupe spécial. Elles croissent sur un sol noirâtre renfermant des débris de végétaux imparfaitement décomposés. Les aquatiques proprement dits du Tchad : _Pistia_, _Wolfia_, _Nymphea_, _Utricularia_, _Pontederia_, _Nitella_, Algues diverses, Diatomées, meurent dès l’assèchement (sauf le Nymphea dont la bulbe reste vivace quelque temps). C’est donc à la venue des crues que leurs graines ou bien leurs spores sont apportés et ils ne se développent en grandes quantités que dans les mares calmes, dans les sinuosités des Bahrs, là où l’eau est peu agitée par les vagues. Dans les parties agitées, au contraire, il n’y a pas trace de végétation et la surface de l’eau est libre. Lorsque, par suite de l’abaissement du niveau du Tchad, certains Bahrs cessent de communiquer avec la nappe générale, leur contenu se charge de sels de soude. Toutes les plantes aquatiques ne tardent pas à périr, à l’exception d’une Oscillariée qui tapisse le fond vaseux de ces mares alcalines et donne à l’eau, par réfraction de la lumière, une teinte bleuâtre qui rappelle tout à fait les eaux de l’Océan. Beaucoup d’espèces de marais, Graminées et Cypéracées des terres humides, s’accommodent au contraire très bien des sols alcalins, mais elles ne vivent pas dans l’eau. Au bord des Bahrs saumâtres on voit leurs rhizomes (_Arundo_) ou leurs longues tiges rampantes (_Panicum_ épineux) qui s’avancent progressivement sur le sable ou la vase à mesure que l’eau se retire. Dans les Bahrs qui communiquent avec la nappe lacustre, ce n’est qu’au retrait de l’eau que les _Sesbania_, les _Corchorus olitorius_, les Abotj peuvent germer sur la vase humide. Sous l’action de l’eau qui baigne encore journellement le sol, par suite de la poussée des vagues occasionnée par le vent, ces plantes s’élèvent rapidement. Si l’année suivante l’inondation arrive à recouvrir leur pied, elles perdent tout leur épanouissement et s’élèvent (les Abotj) d’autant plus que l’eau monte davantage. Les espèces terrestres font bien moins rapidement la conquête des terres desséchées. Il est certain que les submersions répétées à de courts intervalles et prolongées plusieurs mois, excluent une foule de plantes. Cela explique la grande pauvreté de la flore des îles du Tchad, l’absence presque totale de types ligneux, alors qu’il en existe encore une trentaine d’espèces dans le Kanem, beaucoup moins favorable cependant à la végétation sahelienne puisqu’il jouit d’un climat saharien. On ne trouve en grande majorité sur ces îles que des espèces annuelles, donnant leurs graines très rapidement et en produisant une très grande quantité. La plupart entrent seulement en végétation aux pluies de fin juin ou juillet, et dès le début d’octobre les graines sont tombées et la plante desséchée. En beaucoup de cas, la montée de la crue peut aider incontestablement la dénudation des tertres, les vagues balayant les graines qui ont été enlevées dans les sols envahis par l’eau. D’autres agents interviennent aussi : l’abondance dans les îles de l’archipel Kouri du _Calotropis_ et de trois espèces de _Leptadenia_, toutes asclépiadées à graines munies d’aigrettes, s’explique par le vent. Les herbes à fruits accrochants, Tiliacées, Centaurée, _Askenit_, _Andropogon_, etc., peuvent être transportées accrochées aux poils des animaux ou aux vêtements de l’homme. D’autres, _Cynodon_, Cypéracées, ont pu être apportées grâce à la ténuité de leurs graines. Le pouvoir envahissant des rhizomes de ces espèces est tel qu’il suffit de quelques fragments pour faire la conquête de vastes espaces. D’autres, des Légumineuses, des Graminées, des Cucurbitacées, recherchées par les mammifères herbivores ou les oiseaux, ont été mangées et certaines graines, non digérées, ont donné des plantes plus tard, là où l’animal déposait ses déjections. Fréquemment j’ai observé une foule de plantes qui levaient sur le crottin d’éléphant. La flore de ces crottins est très curieuse, on trouve des _Prosopis_, des _Bauhinia_, d’autres Légumineuses et une autre plante dont le fruit gigantesque est nommé aubergine d’éléphant par quelques peuplades. Ailleurs dans le guano des oiseaux (rochers de Moïto, Hamis, par exemple) sortent des germinations de _Ficus_. Malgré ces moyens de propagation et d’autres non énumérés ici, beaucoup d’espèces du Kanem et du Baguirmi n’ont point encore fait la conquête du Tchad, les plantes à tubercule ou à bulbe par exemple font presque défaut. _Les habitants._ — Les habitants sont : 1o Les Beni-Sett, tribu arabe assez nombreuse, possédant des troupeaux et cultivant le petit mil. Ils sont venus du delta du Chari il y a seulement deux ans environ. 2o Les Bélalas, originaires d’Aouni au N.-E. de l’ancien lac Baro, qui sont venus s’installer là en 1897. Ils n’ont pas de troupeaux mais possèdent de très belles cultures de petit mil. CHAPITRE XVIII DERNIÈRES NOTES I. Le Chari entre Fort-Lamy et Mandjaffa. — II. Le Chari à Mandjaffa. — III. Le Chari entre Mandjaffa et les Niellims. — IV. Les Routos. * * * * * I. — LE CHARI ENTRE FORT-LAMY ET MANDJAFFA Les Baguirmiens des bords du Chari, à l’encontre de ceux du Ba Mbassa, ont des cases circulaires, en pisé, dont l’architecture rappelle celle de la case Bambara du Soudan. Le mur, haut de 2 à 3 mètres, est percé d’une unique ouverture rectangulaire, la porte, haute de 1m,50 à 1m,80 par laquelle on peut ordinairement passer sans se baisser. Bien que toutes les récoltes soient faites depuis quelques jours il n’en apparaît pas moins comme très évident que l’agriculture de cette contrée est beaucoup plus avancée que celle des régions au N. du 12e parallèle. Les toits de paille des cases sont envahis par les tiges grimpantes des _Lagenaria_ et les gros fruits de cette Cucurbitacée ne vont pas tarder à mûrir. Près des cases quelques plantations de Coton, d’Indigo, de Chanvre (_Hibiscus cannabinus_), et de courges, ces dernières couvrant tous les endroits libres. La récolte, à peu près terminée, a été bonne, la saison des pluies ayant été normale, les espèces de _Penicillaria_ et les panicules de Sorgho rouge ou blanc, réunis en gros tas dans les villages, achèvent de mûrir. A Mandjaffa une de ces meules mesure une dizaine de mètres de hauteur et représente plus de 30 tonnes de mil. La récolte du Coton est commencée depuis une quinzaine de jours et les femmes nettoient en ce moment les capsules recueillies les jours précédents. Il est à observer qu’ici on ne cueille ces capsules que quand elles sont mûres. De beaux arbres se dressent dans les villages et cela contraste avec les agglomérations du N. du Baguirmi dépourvues de tout ombrage. On remarque surtout de grands jujubiers, des _Diospyros_, le _Ficus populifolia_, le _Sclerocarya_, le _Cytharexylon_. A partir de Bougoum, les _Borassus_ deviennent aussi plus fréquents à mesure que l’_Hyphæne_ devient rare, on sait que le _Borassus_ (Ronier) atteint son développement maximum du 10e au 11e parallèle en Afrique centrale. Les _Vigna_ (Haricot) et les Arachides sont très peu communs dans cette partie du Baguirmi ; les troupeaux de bœufs et de moutons manquent totalement, les volailles même sont introuvables. Il semble que Rabah ait ruiné systématiquement tous les villages du Baguirmi. L’aspect du pays ne laisse pas d’être riant. C’est le paysage nigérien à hauteur de Djenné et de Sansanding : même flore, même terrain, même régime hydrographique, saisons analogues. A cette époque le fleuve s’étend parfois sur 3 ou 4 kilomètres de largeur et de grandes prairies de Bourgou, d’_Andropogon_, de _Vossia_, courent depuis les rives boisées jusqu’à une distance de plusieurs centaines de mètres, parfois de plusieurs kilomètres de chaque côté, formant ainsi de verdoyantes prairies à travers lesquelles circule notre embarcation. II. — LE CHARI A MANDJAFFA Le fleuve coule sensiblement du S. au N., sa largeur est de 400 à 500 mètres environ. Du côté français, au moment des hautes eaux (31 octobre 1903), la falaise a de 5 à 6 mètres de hauteur ; la terre est argilo- sablonneuse, de couleur gris-jaunâtre avec de nombreux débris de poteries, coquilles d’_Helix_ et _Ampullaria_ jusqu’à 2m,50 de profondeur[253]. La rive gauche est basse et sablonneuse, quelques dunes dépassent encore le niveau de 1m,20. Elles sont couvertes de Graminées, Légumineuses et _Ipomea_. L’eau du Chari à Mandjaffa est beaucoup plus trouble qu’à Fort-Lamy. Il est bien certain que les boues se déposent tout le long du cours et principalement dans les prairies aquatiques qui jouent alors le rôle de filtres. III. — LE CHARI ENTRE MANDJAFFA ET LES NIELLIMS Les observations du fleuve sont encore trop peu nombreuses pour que nous puissions connaître parfaitement son régime. Ces observations, confiées presque toujours à des sous-officiers, ne présentent pas d’ailleurs de grandes garanties d’exactitude. Les règles d’étiage se sont souvent déplacées, les observateurs, obligés de s’absenter, confient à des indigènes la garde de l’instrument, qui, renversé par un coup de vent ou une fausse manœuvre de pirogue, était replacé n’importe comment. Aussi, je le répète, ces observations n’ont qu’une valeur très relative et on ne peut les envisager que dans leur ensemble. Elles ont porté sur les années 1901, 1902 et 1903. Le régime du fleuve est très variable d’une année à l’autre. L’étiage du Chari a été atteint le 10 mai 1903 à Mandjaffa, la montée s’est faite très lentement puisque, du 15 mai au 30 juin, le niveau s’est élevé seulement de 20 centimètres à Mandjaffa, et à ce moment l’eau atteignait la même hauteur qu’à la date du 8 avril. La montée s’est ensuite faite très vite du 15 juillet au 15 septembre. Le niveau s’est élevé cette année de 3m,50 à 4 mètres (je le répète les règles ont été déplacées et c’est donc un chiffre peu précis). Le niveau a commencé à baisser à Mandjaffa le 20 octobre, le 1er novembre il avait déjà baissé de plus de 30 centimètres, et le 4 novembre, à quelques kilomètres en amont de Mandjaffa, le _Léon Blot_ s’est jeté sur des bancs de sable recouverts de 30 centimètres d’eau seulement là où il avait navigué librement vers le 20 août[254]. A Mandjaffa les pluies sont peu nombreuses. En 1903 on a compté : 26 avril, 1re tornade ; mai, 5 tornades ; juin, 6 tornades ; juillet, 7 tornades ; août, 8 tornades ; septembre, 8 tornades ; octobre (?) il y en a eu deux assez fortes à la fin, dont une du 26 au 27, soit de 35 à 40 orages pendant la saison des pluies. D’après le lieutenant DENUEL une grande patte d’oie réunirait le Ba Bousso au Ba Mbassa, de sorte que Mandjaffa serait dans une île au moment des hautes eaux. A mesure que la crue s’élève dans le Ba Bousso, elle envahit les deux extrémités du Ba Mbassa, la rencontre des deux eaux se fait entre Matia et Boukalé. En 1903, elle s’est faite dans les premiers jours de novembre. Dans le haut Ba Mbassa la marche est d’abord très lente, jusque dans les premiers jours d’août l’eau coulait déjà en aval de Korbo et elle n’est parvenue à Tcheckna que le 11 octobre. A cette époque les premiers filets d’eau arrivaient près de la ville, mais la montée était lente, puisque le 21 on traversait encore le lit presque à sec à Monglé et à Gardrebo, à une trentaine de kilomètres à l’O. de la capitale. Dix jours plus tard le lit était infranchissable, les terres voisines inondées et le convoi dut traverser le lit en pirogues aux environs de Tcheckna. A 8 kilomètres en amont d’Andjia[255] le fleuve a de 3 à 4 kilomètres de large, et la berge sur la rive gauche a 8 mètres de hauteur. Les couches superposées que l’on remarque dans cette berge sont à la surface une couche argilo-sablonneuse de 3 mètres, ensuite une couche d’argile grise de 1m,50, après vient une couche de 0m,80 de sable blanc et enfin une couche de sable jaunâtre ayant de 2m,50 à 3 mètres au-dessus du niveau de l’eau. Partout ailleurs la berge abrupte offre à cette époque un escarpement exondé de 2 à 5 mètres, formé d’une terre argilo-sablonneuse jaune- roussâtre. La partie supérieure, d’une coloration plus vive, porte une couche de terre végétale plus ou moins épaisse. En divers endroits (d’Andjia à Honko) le lit a encore de 1 à 2 kilomètres de large. La rive E. et beaucoup plus souvent la rive O. présentent alternativement la berge abrupte. Du côté opposé à cette berge s’étend une large bordure basse, large parfois de plusieurs kilomètres, sans arbres, marécageuse et sur laquelle s’étend en ce moment l’inondation. A sa limite un talus boisé, en pente très faible, s’élève jusqu’à une hauteur sensiblement la même que celle du talus abrupt opposé. De part et d’autre s’étend une steppe boisée (aspect pauvre) dans laquelle les arbres et arbustes épineux sont déjà en petit nombre. En cette saison (5 novembre) les herbes de la steppe sont complètement desséchées et les incendies allumés par les indigènes commencent à les consumer en certains endroits. Au contraire les hautes herbes (_Andropogon_, _Arundo_, Bourgou, _Vossia_) ont encore presque partout les pieds dans l’eau et la plupart n’ont fleuri que depuis peu. [Illustration : FIG. 78. — Femmes de soldats rabistes à Koussri.] En quelques points se dressent sur les berges les villages baguirmiens à demi détruits, tous situés sur la rive droite française (Andjia, Onko, Balenyéré, Mondo, Banglama, Bainganna, Maffaling, Laffana). Beaucoup d’autres, portés sur les cartes de NACHTIGAL, ont disparu. Ceux qui restent ont perdu, par les incursions rabistes, une grande partie de leurs habitants et les ruines tiennent plus de place que les portions habitées. Sur celles-ci, tout près de la rive, s’élèvent des cases rondes spacieuses, au mur mince en pisé gris, au toit de chaume en cloche. Du haut de la berge, femmes et enfants regardent passer le vapeur avec curiosité. Cela rappelle tout à fait comme cadre et physionomie les villages sarracolés des bords du moyen Sénégal. Des traces de l’industrie humaine se voient très fréquemment en dehors des villages actuels. Le talus du fleuve est parfois rempli de débris de poteries et d’ossements jusqu’à une profondeur de 2 et même de 3 mètres. Nul doute que ce pays n’ait été autrefois très habité. Au S. de Mondo, le fleuve s’étale sur des prairies jusqu’à avoir 8 à 10 kilomètres de large et envoie plusieurs bras se perdre dans le S.-E. Au S. de Miltou, le Chari se divise en bras latéraux contenant de l’eau au moment de la crue, mais avec un seul bras principal nommé Loré par les bouas de Demraou, Mèr par les hommes de Gori. Cette artère, large de 800 à 1.200 mètres (non compris la plaine actuellement inondée), constitue le Chari proprement dit. Les deux rives sont basses, en de nombreux endroits l’eau passe encore par dessus, bien que le niveau ait baissé d’environ 1 mètre depuis le maximum de la crue. Des bancs de sable commencent à se découvrir en certains endroits, mais les herbes inondées occupent encore de grandes étendues. A Demraou, quand le fleuve est à l’étiage, on le traverse facilement à gué et l’on voit parfois les grands mammifères, tels que les buffles, passer d’un bord à l’autre. Demraou est un village kirdi situé presque en face de Damtar. DESTENAVE en a fait un point de transit où on a installé la population de Damtar qui a émigré sur la rive droite. Le dernier occupant du poste, le sergent LEFÈVRE, y a fait une plantation de Papayers en plein développement. Ces papayers, semés en novembre 1903, ont en ce moment un an seulement et cependant la plupart sont hauts de 2m,50 et chargés de fruits qui vont bientôt mûrir. Ces arbres sont de toute beauté. Ce résultat a été obtenu grâce à des arrosages journaliers et l’adjonction d’engrais au pied des jeunes pieds quand ils furent plantés. La Patate, le Manioc et le Haricot de Lima ont été en outre introduits au même poste. Le village de Gori est situé sur la rive droite du Chari, à 15 kilomètres environ (3 heures de chaloupe) en amont de Demraou. Composé d’une trentaine de cases il ne comprend qu’une centaine d’habitants. En ce moment le chaume des cases disparaît sous l’avalanche des _Lagenaria_ et les _Acacia albida_ dont les rameaux, couverts de feuilles et de fleurs, donnent beaucoup d’ombre. [Illustration : FIG. 79. — Un palmier Doum au pied des rochers des Niellims.] Les gens de Miltou, Damtar, Demraou, Gori, Kouno, disent constituer autant de populations différentes. Leurs dialectes sont en tout cas fort dissemblables, mais ils semblent cependant appartenir à la grande famille des Bouas et des Niellims. Ce sont des hommes presque tous très robustes, fétichistes, mais à beaucoup d’égards moins superstitieux que les peuples du S. Le _Penicillaria_, le Sorgho et l’Eleusine leur fournissent toute l’année une nourriture abondante. Le reste sert à fabriquer une boisson fermentée (Mérissa). Il n’y a point de troupeaux de bœufs dans le pays. Il y a une quinzaine d’années les Peuls vivaient en groupes nombreux le long du Chari depuis Bousso jusqu’à Damtar et Gori. Ils faisaient pâturer leurs troupeaux entre le Ba Gollo et le Logone et passaient même le Chari pour aller jusque chez Korbol. Rabah s’empara de presque tous les troupeaux de ces nomades. Ceux qui purent s’échapper ne revinrent pas. Depuis 1902 les Chouas du Dekakiré viennent conduire leurs troupeaux en saison sèche à Korbol et même à Demraou. Depuis Demraou jusqu’au Bahr Sara le Chari a de 1 à 3 kilomètres de largeur, les berges les plus hautes émergent de 2 mètres actuellement et comme le niveau a déjà baissé de 1 mètre environ il est certain que les années de très fortes pluies le fleuve doit déborder au loin sur la plaine. J’ai à peine reconnu les Niellims, tant l’aspect a changé en 4 mois et demi. Tous les mils sont récoltés alors qu’ils n’étaient pas encore ensemencés il y a 130 jours. L’_Acacia albida_ a toute sa frondaison. Aux flancs des rochers s’accrochent des touffes d’herbes déjà jaunies, là où la roche apparaissait partout à nu. Le toit des cases disparaît sous les _Lagenaria_. IV. — LES ROUTOS Entre le confluent du Bamingui et Fort-Crampel on rencontre le poste des Routos(Lutos) où je me suis arrêté une journée (24 novembre). J’en ai profité pour questionner les indigènes qui appartiennent aux mêmes groupes que les Ndoukas. En cet endroit la rivière (le Gribingui) mesure 35 mètres de large. Les rochers de son lit sont couverts de bancs étendus d’Etheria. Ces coquilles sont recueillies pour faire de la chaux. Aux environs, des clairières pleines de Graminées presque sèches, s’étendent à perte de vue. La végétation arborescente est maigre, elle se compose de _Lophira_, de _Butyrospermum_, de _Khaya_, de _Parkia_, de _Terminalia_ et surtout de magnifiques _Daniella thurifera_ qui sont dans cette région les rois de la végétation. A quelques kilomètres en aval de l’agglomération Routos, existent sur la rive droite de la rivière de véritables monticules de scories de fer indiquant que cette région, aujourd’hui déserte, a été autrefois peuplée[256]. En amont du petit poste, le lit de la rivière s’élargit jusqu’à avoir 50 mètres, il est presque partout profondément encaissé et décrit d’innombrables méandres. Les hippopotames ont descendu le cours et on n’en trouve plus en cette saison. Au sujet de cette tribu le Dr DECORSE s’exprime ainsi[257] : Nous avons fini par gagner le poste de Lutos. Il est aussi misérable que les autres. Son rôle semble être de figurer, pour la plus grande joie des passagers, qui peuvent ainsi croire que le Gribinghi n’est pas encore désert. Ces Lutos, qui lui donnent leur nom, s’appellent en réalité Léto ; certains voyageurs en ont fait Routou ou Aréto, et les ont rangés dans la famille Banda. A ne considérer que les apparences, l’erreur est parfaitement excusable. Toujours est-il qu’ils ne parlent pas Banda et se réclament du groupe Ndokoa dont le centre est beaucoup plus à l’E. Pour ma part, je ne suis pas très convaincu que Ndokoa et Banda n’aient pas une souche identique ; mais au point de vue politique la distinction est nette el bien tranchée. Ceux qui habitent les rives du Gribingui ne sont vraisemblablement pas de race pure. Ils viennent de l’E. et ont dû se mêler à des autochtones qui habitaient cette vallée. C’est d’autant plus probable que beaucoup d’indigènes ont une stature et un habitus capables de les différencier des Ndokoa MAISTRE, en particulier, a appelé Sara les gens de Mandjatezé, qui sont en réalité de Ngama, dont la parenté avec les Ndokoa paraît incontestable. NACHTIGAL les signale, en effet, dans le Timan, au S. du Ouadaï, et les Ndokoa affirment, avec quelques réticences, qu’ils sont bien leurs parents. Quant aux Tané, qui habitent aussi, avec les Valé et les Télé, la rive gauche du Gribinghi, ils portent le nom par lequel les Banda désignent tous les Ndokoa. On peut en somme admettre avec certitude la parenté Ndokoa directe entre les Léto, les Tané, les Valé et le Koungoa. Le groupe Ngama est peut- être un peu spécial. Comme groupes issus du mélange des Ndokoa et des autochtones, il y a les Gaga, les Koumo-Ngama, les Tétokoula, les Doubaï, les Gnalbado,les Nooghé, les Javéla, les Valé, Djoko, chez qui cette épithète pourrait déceler un mélange profond avec des Banda-Djoko. Mais il y a de telles confusions entre tous ces noms et toutes ces tribus, qu’on ne peut guère espérer éclaircir la question quand on traverse le pays au pas de course. Si les types physiques présentaient des différences accentuées, on pourrait se risquer à être plus affirmatif. Mais je crois qu’en la circonstance il est préférable de ne pas trop s’avancer, de crainte d’ajouter de nouvelles erreurs à celles qui sont déjà accréditées. [Note 253 : Mandjaffa était autrefois centre important, résidence temporaire des Mbangs du Baguirmi.] [Note 254 : A Bousso, le fleuve était à son maximum du 12 au 15 octobre, le 18 il avait déjà un peu baissé, le 27 il avait baissé de près d’un mètre.] [Note 255 : 30 à 40 kilomètres environ en amont de Mandjaffa.] [Note 256 : Les Routos ne comptent pas 300 individus, ils habitent 3 villages dont deux sont situés à 1 kilomètre sur la rive gauche, et l’autre à 5 kilomètres environ sur la rive droite.] [Note 257 : _Du Congo au Lac Tchad_, p. 77-78.] CONCLUSION * * * * * Les possessions du Haut-Oubangui et du Tchad, par leur pauvreté, par la faible densité de leur population, par le traitement auquel ont été soumises les peuplades fétichistes depuis une vingtaine d’années, sont encore loin de dédommager la France du sang versé et des efforts dépensés. Ces pays, nous ne devons pas nous le dissimuler, ne sont pas appelés à un grand développement économique. Les terres cultivables sont restreintes, et aux mains de populations Saras et Bandas, actuellement en décroissance. Quand la sécurité sera vraiment rendue à ces populations de paysans, nos administrateurs pourront les encourager à cultiver les lianes à caoutchouc, à faire des plantations collectives autour de chaque village. Jusqu’à ce jour nos commerçants ne pourront qu’acheter l’ivoire, mais l’éléphant aura bientôt disparu, et faire récolter le caoutchouc de brousse, dont la production n’est pas indéfinie. Mais la préoccupation des cultures commerciales ne devra pas nous faire oublier la nécessité des cultures vivrières. Sauf chez les Saras, la famine sévit tous les ans, pendant quelques mois, sinon d’un bout de l’année à l’autre, dans tous les pays que nous avons parcourus, et nulle part davantage que près des postes que nous occupons depuis le plus longtemps. En 1903, si la production du caoutchouc allait en s’accroissant dans le Haut-Oubangui et chez Senoussi, par contre le bétail diminuait notablement dans le territoire militaire et, sauf entre 9° et 10° de lat. N., nulle part il n’y avait assez de mil ou de sorgho. Il faut nous efforcer de développer la production des denrées alimentaires, afin d’écarter les maladies, les diverses causes de mortalité qu’amène la vie de privation de l’indigène. Ces mesures sont d’autant plus urgentes que la population est extrêmement faible. D’après nos évaluations, il n’y a pas plus d’un million d’habitants dans la région du Chari-lac Tchad. Et ce chiffre comprend, non seulement les indigènes des territoires déjà occupés, mais aussi les populations habitant des contrées encore indépendantes comme le Ouadaï, le Dar Sila, etc., et qui doivent revenir un jour à la France, en vertu de la convention de Berlin. Cette population se répartirait ainsi : Kanem actuel 10.000 habitants. Iles du Tchad 35.000 — Secteur de Massakori 12.000 — Cercle de Fort-Lamy 10.000 — Dar Fittri 3.000 — Debaba et Kouka 10.000 — Baguirmiens de Massénya, Abou-Gher, environ 30.000 — Baguirmiens des bords du Chari-Bagollo 20.000 — Baguirmiens du Chari-Ba Mbassa 10.000 — Guérés et habitants des régions environnantes 5.000 — Ouled-Rachid 5.000 — Bouas 20.000 — Cercle de Bousso 20.000 — ------- TOTAL 190.000 habitants. A cette liste il faut ajouter la suivante : Ouadaï 100.000 habitants. Dar Sila 50.000 — Salamat 25.000 — Dar Rounga 50.000 — Région du lac Iro 10.000 — Saras de l’E. 15.000 — ------- TOTAL 250.000 habitants. Enfin, la troisième liste suivante : Pays de Senoussi et contrées au contact du 50.000 habitants. bassin du Nil Saras de l’O. 125.000 — Adamoua oriental 25.000 — Mandjias 60.000 — Bandas des bassins de l’Ombella, de la Kémo 250.000 — et du Kouango Banziris, Ouaddas 50.000 — ------- TOTAL 560.000 habitants. En tout un million environ. Si l’on réfléchit que cette population est disséminée sur un territoire immense, on sentira quels vides existent, et combien sont nombreuses les régions désertes que l’on rencontre dans cette partie du continent africain. Cette population si faible est en décroissance très marquée. Nous en avons indiqué quelques-unes des causes dans nos chapitres historiques : les luttes de peuplade à peuplade, de village à village ; les razzias des esclavagistes ; et, depuis l’introduction des armes à feu, la formation d’Etats comme ceux de Rabah et de Senoussi. La France est intervenue pour châtier quelques-uns de ces bandits, et son œuvre a paru synonyme de paix et de prospérité pour ces malheureuses populations. Il faut que cette apparence devienne enfin une réalité. La première chose à faire est de garantir à l’indigène sa liberté et la possession de ce qu’il aura acquis par son travail. La traite des esclaves sévit encore presque partout au centre de l’Afrique ; elle est particulièrement désastreuse pour les populations fétichistes qui vivent au contact des états musulmans. Nous avons nous-même été témoin des malheurs qu’une razzia méticuleusement organisée par Senoussi peut accumuler. Nous avons vu des villages complètement anéantis, des cultures abandonnées et des régions relativement prospères devenir désertes par suite de l’exode des indigènes chassés par les musulmans. Il importe donc de faire disparaître sans restriction aucune les razzias périodiquement faites par les sultans que nous protégeons. L’esclavage de case sera une nécessité pendant une longue période encore, mais il faut au moins empêcher toutes les opérations des trafiquants, opérations qui consistent à enlever des noirs dans une partie du continent pour aller les vendre dans une autre région. Les populations noires que nous avons vues sont toutes essentiellement agricoles ; le jour où elles sentiront qu’elles peuvent cultiver leurs terres en sécurité, ou qu’elles auront l’espoir d’en jouir, elles travailleront pour produire davantage et accroître leur bien-être[258]. Il est regrettable que l’établissement d’un poste français provoque un exode en masse des indigènes. Notre administration leur est fort lourde, et s’ils doivent un jour recevoir les bienfaits de la civilisation, ils n’en sentent encore que les charges. Ces charges pèsent surtout sur ceux qui sont à notre contact, parce qu’il nous est plus commode de les réquisitionner. Ce sont eux qui subissent le plus durement la néfaste corvée du portage, corvée qui crée le désert près des routes suivies par nos convois[259]. Ce sont eux aussi qui fournissent, comme impôt, toutes les denrées dont nous avons besoin pour l’alimentation du corps d’occupation du Tchad et des miliciens, entretenus par l’administration civile. Le nombre des rationnaires militaires du Chari est de 800 environ, mais avec le gaspillage (nourriture des boys, des femmes de tirailleurs, d’employés indigènes non rémunérés, etc.), il faut compter 2.000 rationnaires recevant en moyenne 1 kilogramme de mil par jour. Ajoutons à ce chiffre environ 300 chevaux appartenant à des Européens ou à l’administration, qui absorbent eux-mêmes environ 1.000 kilogrammes de mil par jour. Il est donc consommé journellement dans le Territoire militaire 3 tonnes de mil ; dans le Territoire civil on consomme environ une tonne de mil par jour et une tonne de farine de manioc. Nous avons, d’après ces chiffres, évalué que la consommation de notre administration en vivres indigènes dans toute l’étendue du territoire du Tchad était, en 1903, de 4 tonnes de mil et une tonne de manioc. Tous ceux qui consomment ne produisent pas. Beaucoup ne sont même pas des auxiliaires de notre administration, mais des parasites comme nous en avons rencontré constamment sur notre route dans les postes. Cette quantité de vivres indigènes est considérable si l’on tient compte du fait qu’elle est prélevée sur un nombre minime de producteurs, en général pauvres, non encore remis du désarroi dans lequel les a jetés, d’abord, la conquête de ces contrées par Rabah, ensuite, notre propre occupation. Il faudrait réduire cette quantité de vivres indigènes au strict minimum et s’efforcer autant que possible de faire produire ces vivres par ceux qui les consomment. Nous souhaitons de voir se constituer dans chaque poste des cultures étendues pour sa propre alimentation, cultures qui seraient faites non pas par des indigènes indépendants du poste, mais bien par les noirs que nous occupons qui peuvent trouver le temps d’établir, à leurs moments perdus, les petites plantations destinées à leur subsistance. Il faut éviter de confier à des Sénégalais et surtout à des Yakomas ou à des Pahouins, la direction des petits postes installés loin des Européens dans la brousse. Ces indigènes rendent de grands services bien encadrés, mais livrés à eux-mêmes, ils deviennent pillards et maraudeurs, et parfois ils ne se font pas faute de tuer ou de faire tuer un indigène pour s’emparer de son bien ou de ses femmes. Nous voudrions aussi voir instituer des impôts bien précis pour les indigènes et ne pas les laisser prélever d’une façon très arbitraire par des tirailleurs ou par des chefs de villages que nous connaissons encore très mal. Il est indispensable enfin d’introduire plus d’humanité dans le traitement des indigènes. Il n’est pas digne de la France de maintenir les punitions corporelles plus longtemps dans ses possessions du Congo et du centre africain. Nous savons que la haute administration du Congo avait, dès avant 1902, pris des arrêtés interdisant ces peines corporelles et en particulier la chicotte. Malheureusement un certain nombre de fonctionnaires coloniaux n’en avaient tenu aucun compte et, dans plusieurs postes, lors de notre voyage, la chicotte était appliquée parfois pour des peccadilles. Nous n’insisterons pas sur ce point : l’opinion publique a été suffisamment avertie par les « scandales coloniaux » et par les révélations de la mission de BRAZZA qui n’a point tout vu. La condamnation de deux des coupables n’aura été qu’une comédie si l’on ne se décide, envers les indigènes, à une politique d’humanité et de protection. Sinon, c’est dans un demi-siècle la disparition complète de ces populations travailleuses que nous avons eu la bonne fortune, tout exceptionnelle, de rencontrer dans notre colonie ; c’est le désert qui prendra possession de l’Afrique centrale française. Après l’examen spécial des territoires du Chari et du Tchad, il convient d’examiner dans leur ensemble ces territoires et ceux que nous avions vus dans nos précédents voyages. Ils forment une immense bande de plaines et de plateaux rocailleux inclinés en pente douce vers le N. C’est ce que nous nommerons bande soudanaise ou plus simplement le Soudan. Cette bande s’étend depuis la grande forêt équatoriale jusqu’au désert saharien. De toutes les nations, la France possède dans cette bande le plus vaste empire, car sa domination s’étend sur les pays de la Sénégambie et de la Guinée française, sur une grande partie du bassin du Niger, enfin sur la presque totalité du bassin du Chari. Cet empire soudanais a pour notre avenir colonial une valeur incontestable. Les peuples du Soudan, bien supérieurs aux autres noirs, ont un état social tel qu’on peut le considérer comme une demi-civilisation. Ils sont dociles, prolifiques, désireux de se créer un bien-être, presque tous habitués à cultiver la terre qu’ils ont débroussaillée et conquise sur la forêt. Si les puissantes sylves de l’équateur ne s’étendent plus jusqu’au Sahara, c’est sans doute à l’influence de l’homme qu’il faut l’attribuer. Les incendies allumés par lui ont consumé et anéanti peu à peu la sombre voûte qui l’empêchait de contempler le ciel bleu. Le gibier, puis les fruits et les racines de la brousse ne suffisant plus à sa vie, il a cultivé des plantes pour s’en nourrir sur l’emplacement même qu’il avait brûlé. Il n’a plus eu besoin de manger son semblable, les jours de famine, et cette funeste habitude de l’anthropophagie s’est continuée seulement au contact de la forêt, mais n’est plus pratiquée que comme fétichisme par une sorte de retour aux habitudes ancestrales. Plus tard ont commencé, dans le N. du Soudan, les relations de peuple à peuple et les échanges commerciaux. Le premier des trafics a été la vente de l’homme comme bête de travail et, pendant des dizaines de siècles, elle a continué, encouragée par l’Europe civilisée, qui achetait les esclaves à la Côte, et pratiquée par les Arabes qui allaient s’approvisionner au cœur même de l’Afrique. La traite des noirs a accumulé des ruines profondes dans tout le Soudan, elle a déchaîné des guerres anéantissant des empires prospères, elle a non seulement dépeuplé des pays entiers, elle a enlevé à tous les noirs la stabilité qui leur eût permis de travailler et de s’élever en civilisation. Une ère nouvelle que nous espérons féconde en résultats a commencé pour ces pays au jour de la pénétration française. L’exploration scientifique et méthodique du Soudan est assez avancée pour nous faire entrevoir les principales ressources naturelles dont le commerce et l’industrie de notre patrie pourront tirer un jour tout le parti désirable. Au S., dans la zone de transition qui s’étend vers la forêt vierge, se trouvent les lianes à caoutchouc de grande taille, ainsi que ces petites plantes brûlées annuellement dont nous avons signalé l’abondance et la valeur. On peut aussi y cultiver les arbres fournissant la Kola, si recherchée des noirs, ainsi que les caféiers qui y croissent déjà à l’état sauvage. La zone moyenne est la plus peuplée et la plus intéressante. C’est le pays des grandes cultures et des champs admirablement entretenus. C’est là surtout que la culture du cotonnier peut prendre de l’extension. Enfin, les steppes du N., où vivent les autruches et où se rencontrent les _Acacias_ donnant la gomme arabique, sont, par excellence, des pays de pâturages et de peuples pasteurs. En résumé, la France possède un grand empire soudanais avec des populations dont l’état social a marché dans le même sens au contact de l’Islam, dont les besoins sont analogues et dont l’avenir sera sans doute le même. Dans chacune des trois zones de cet empire les ressources naturelles sont de tous points identiques depuis les rives de l’Atlantique, jusqu’aux confins du bassin du Nil. La partie centrale et orientale de cet empire, la dernière conquise, est naturellement celle dont l’évolution est la moins avancée. C’est aussi celle où la traite des esclaves et les guerres incessantes ont accumulé le plus de ruines. C’est donc celle, où il faudra la plus longue période d’incubation et d’administration prévoyante avant que nous puissions en tirer le moindre parti. Pendant cette période, l’agriculture presque anéantie se reconstituera, de nouveaux villages s’édifieront plus stables et plus confortables dans les endroits aujourd’hui déserts, les régions se repeupleront graduellement, des marchés indigènes se créeront partout, les peuples pasteurs échangeront les produits de leurs troupeaux contre les céréales des peuples cultivateurs ; enfin les caravaniers du Baguirmi et du Ouadaï, protégés par notre pavillon, abandonneront les vieilles routes allant par le Bornou et le Dar Four aux comptoirs étrangers de la Bénoué et du Nil, pour fréquenter les nouveaux chemins français allant vers nos comptoirs nationaux de la Sangha et de l’Oubangui. Déjà dans notre vaste empire soudanais, une région importante est accessible au commerce, et offre un débouché qui suffira à notre activité, jusqu’au jour où le bassin du Tchad, à son tour, se présentera dans des conditions plus favorables à la colonisation. La France est le pays des grandes et généreuses entreprises, elle est en outre assez riche pour attendre l’époque où elle trouvera en Afrique centrale la récompense de ses efforts. [Illustration : MISSION SCIENTIFIQUE ET ÉCONOMIQUE CHARI-LAC TCHAD Dirigée par A. Chevalier 1902-1904 Itinéraires suivis Carte dressée d’après les Documents de la Mission, ceux communiqués dans la Colonie et les Cartes publiées. _Imp. par Erhard Fres. — Paris._] [Note 258 : Le Ouadaï et le Dar Four sont un des derniers centres de la traite des noirs. Lorsque ces régions seront entièrement occupées, la première par la France et la seconde par le gouvernement anglo-égyptien, elles formeront une barrière qui empêchera la sortie des captifs enlevés au bassin du Chari. Ces deux états ne peuvent être que des foyers de révoltes fanatiques contre les puissances européennes, et le Ouadaï, en particulier, a suscité en 1903 bien des inquiétudes. Nous ne croyons pas qu’il soit indispensable d’employer un corps de troupe à l’occupation de cette région. Il serait peut-être possible d’occuper peu à peu ce pays par la pénétration pacifique. C’est surtout à des missions scientifiques qu’il appartient de rechercher dans les contrées éloignées du Ouadaï, du Borkou, du Tibesti, les points où il existe du sel gemme, du natron et des nitrates et d’examiner en outre s’il n’y aurait pas encore d’autres richesses minérales à exploiter.] [Note 259 : Nous avons vu de longs convois de porteurs qui venaient, très loin de leurs villages, porter des charges de quelques kilogrammes dans les magasins de l’administration. Il y a là un véritable gaspillage de main-d’œuvre et de force humaine.] =MISSION CHARI-LAC TCHAD= (1902-1904) * * * * * L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE * * * * * =APPENDICE= PAR MM. PELLEGRIN, GERMAIN, COURTET, PETIT, BOUVIER, LESNES DU BUYSSON, SURCOUF, AUG. CHEVALIER =POISSONS= PAR JACQUES PELLEGRIN DOCTEUR ÈS SCIENCES, DOCTEUR EN MÉDECINE, PRÉPARATEUR AU MUSÉUM =POISSONS= Depuis quelques années les connaissances se sont considérablement accrues en ce qui concerne la population ichtyologique des eaux douces de l’Afrique. Les voyages se sont multipliés et ce vaste continent, dont il y a peu de temps encore on n’avait guère étudié d’une façon un peu complète que la zone littorale, commence à être sillonné en tous sens par de nombreux explorateurs qui recueillent dans leurs expéditions une ample moisson de documents zoologiques de grande valeur permettant de se faire maintenant une idée assez exacte de la faune des parties centrales. En ce qui concerne les Poissons de la région du lac Tchad et du Chari, c’est à la mission dirigée par M. AUGUSTE CHEVALIER, et particulièrement à mon excellent confrère et ami le Dr DECORSE, que revient l’honneur d’avoir rapporté en Europe les premières collections ichtyologiques d’une région jusqu’ici tout à fait inconnue à ce point de vue. Dans plusieurs notes préliminaires les principaux résultats acquis par la mission A. CHEVALIER ont été déjà signalés[260]. L’étude des matériaux ichtyologiques rassemblés par elle sera ici reprise plus en détail, mais auparavant il n’est pas inutile de jeter un coup d’œil d’ensemble sur la répartition des Poissons dans les eaux douces africaines. Au point de vue de la distribution géographique des Poissons d’eau douce, M. GÜNTHER[261] divise le monde en trois zones, l’une septentrionale, l’autre équatoriale, la troisième méridionale. La première comprend une région nord-américaine et une région paléarctique constituée par l’Europe et tout le nord et le centre de l’Asie, la troisième méridionale ou antarctique comprend seulement la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et la Patagonie. M. GÜNTHER distingue dans la zone équatoriale deux sections, l’une qu’il appelle division cyprinoïde, à cause de la présence des Cyprins, ces Poissons malacoptérygiens bien connus dont la Carpe est le type, l’autre acyprinoïde (tropicale- américaine et tropicale-pacifique) où les Poissons de cette famille font défaut. L’Afrique dans sa presque totalité constitue une région spéciale, la région éthiopienne, de la zone équatoriale cyprinoïde de M. GÜNTHER. Seules les parties du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, situées au Nord de l’Atlas, sont rattachées à la région paléarctique comme présentant les affinités les plus marquées avec la faune du Sud-Ouest de l’Europe. Ce qui caractérise la faune ichtyologique dulcaquicole africaine c’est sa grande homogénéité ; elle offre, en effet, la même physionomie dans son ensemble et ne saurait guère être subdivisée en sous-régions très distinctes, abstraction faite bien entendu de la Mauritanie. Sa perte territoriale, comme le fait justement observer BOULENGER[262], est contrebalancée par une pointe poussée par la faune africaine en Asie dans la région du Jourdain qui présente les plus grands rapports comme population ichtyologique avec le Nil dont les espèces tropicales se maintiennent jusqu’au delta. C’est entre les tropiques, dans la région équatoriale, que les espèces présentent la plus grande variété, que les formes sont les plus nombreuses et les plus abondantes. C’est là que la vie est en pleine floraison, en complet épanouissement, qu’elle se manifeste avec le plus d’intensité. Dans l’Afrique australe, sans que les caractères généraux de la faune ichtyologique soient modifiés, il y a lieu de constater un grand appauvrissement, une notable raréfaction de la plupart des représentants de chaque famille dont quelques-unes viennent à manquer. Il en est de même dans la grande île de Madagascar, où l’on remarque une diminution considérable du nombre des Poissons d’eau douce. C’est donc dans les grands fleuves tropicaux de l’Afrique, dans le Nil, dans le Sénégal, le Niger, l’Ogôoué et le Congo, qu’on trouvera les formes les plus diverses et les plus abondantes, tout en notant toutefois les ressemblances profondes qui existent entre les représentants de la population ichtyologique de tous ces grands cours d’eau, qu’avec MM. BOULENGER et SCLATER on peut réunir dans une sous-région à laquelle le nom de mégapotamique convient parfaitement[263]. Si, en effet, on ne trouve pas, par exemple, au Congo toujours exactement les mêmes espèces que dans le Sénégal ou dans le Niger, si chaque grand fleuve africain a souvent certaines formes qui lui sont propres, en revanche la plupart des genres principaux ne restent pas localisés à un seul bassin. Cependant dans certains grands lacs comme le Tanganika, le Victoria Nyanza, la population ichtyologique très dense présente, tout en se rapportant à l’ensemble général, un assez grand nombre de types particuliers qui leur donnent une physionomie assez spéciale. On pouvait se demander s’il en était ainsi pour le Tchad et pour le Chari son tributaire ou si au contraire les Poissons qui les habitaient ne différaient pas sensiblement de ceux des bassins voisins. Il faut reconnaître d’ailleurs que cette dernière hypothèse devait paraître la plus plausible. Depuis fort longtemps déjà les ichtyologistes ont insisté sur les rapports profonds existant entre les Poissons du Sénégal et du Niger et ceux du Nil, où l’on rencontre bon nombre d’espèces communes. Il était donc naturel de penser que le Tchad intermédiaire à ces cours d’eau, et qui avait dû leur servir de trait d’union, participait à ces deux faunes. De plus, au S., le Chari se trouve en relations étroites avec l’Oubangui, affluent de la rive droite du Congo, ce qui pouvait expliquer la présence dans ses eaux de certaines formes du bassin de ce dernier fleuve. Les magnifiques matériaux rapportés par la mission CHEVALIER-DECORSE ont confirmé complètement ces dernières prévisions et ont montré que le Tchad et le Chari ne paraissent pas avoir une faune ichtyologique spéciale, particulière. Ainsi que l’a démontré Ch. GRAVIER[264], non seulement à une période géologique récente, mais encore actuellement : « les bassins du Nil, du Congo, du Chari et du Niger se pénètrent réciproquement, car ils ne sont pas séparés par des lignes de partage des eaux telles que nous les représentons d’ordinaire. » Le Tchad avec ses tributaires peut donc être considéré comme le carrefour par où s’effectuèrent et s’opèrent, même peut-être encore aujourd’hui, les divers échanges de faune entre les grands réseaux fluviaux de l’Afrique équatoriale. Depuis l’année 1904 où j’ai publié les principaux résultats des récoltes ichtyologiques de la mission CHEVALIER, les connaissances se sont légèrement accrues en ce qui concerne les Poissons du Tchad et du Chari. C’est ainsi qu’en 1905, M. FOUREAU[265], dans les documents scientifiques relatifs à la mission saharienne FOUREAU-LAMY, a consigné un certain nombre d’observations au sujet de la faune ichtyologique de ces intéressantes régions. Les documents relatifs aux Poissons recueillis par la mission FOUREAU, et qui m’ont été soumis, consistaient en quelques photographies et en descriptions et dessins dus au Dr H. FOURNIAL, d’exemplaires récoltés dans la rivière Komadougou-Yobé, affluent du Tchad et dans le bas Chari. C’étaient là des données insuffisantes, on le comprendra, en l’absence de toute pièce matérielle, pour faire une détermination exacte des espèces rencontrées. Les quelques assimilations suivantes m’ont paru néanmoins présenter assez de certitude. POLYPTERIDÆ : _Polypterus bichir_ Geoffr. ? MORMYRIDÆ : _Mormyrus caschive_ Hasselq. ?, _Hyperopisus_ sp. ? OSTEOGLOSSIDÆ : _Heterotis niloticus_ Cuv. PANTODONTIDÆ : _Pantodon Buchholzi_ Peters ? CHARACINIDÆ : _Hydrocyon Forskali_ Cuv. ?, _Citharinus citharinus_ Geoffroy ?, _Citharinus_ sp. ? CYPRINIDÆ : _Barbus_ ? SERRANIDÆ : _Lates niloticus_ L. CICHLIDÆ : _Tilapia_ sp. ? TETRODONTIDÆ : _Tetrodon fahaka_ Hasselq. Les espèces les plus intéressantes sont une sorte de Poisson volant. « Ce dernier, écrit M. FOUREAU, s’élance hors du liquide et parcourt à fleur d’eau, en battant l’eau de ses nageoires pectorales et en y traçant un petit sillon rectiligne, une distance qui d’ordinaire est de 4 à 5 mètres, mais que j’ai vu parfois atteindre une quinzaine de mètres[266]. » Il s’agit là très certainement d’un _Pantodon_ et très probablement du _Pantodon Buchholzi_ Peters, du bas Niger et du bassin du Congo, la seule espèce du genre connue jusqu’ici. M. FOUREAU signale en outre « un Poisson pourvu d’une énorme poche qu’il gonfle d’air à volonté si bien qu’il prend l’aspect d’une outre. Ce Poisson est entièrement recouvert de petites épines courtes et disposées régulièrement, sa coloration est jaune et changeante. » C’est sans aucun doute le _Tetrodon fahaka_ Hasselquist, espèce d’ailleurs recueillie par la mission CHEVALIER. M. G. A. BOULENGER a donné en 1905[267] la liste d’une collection de Poissons récoltés dans le lac Tchad et le Chari par le capitaine G. B. GOSLING et offerts au British Museum de Londres ; elle comprend les 23 espèces suivantes, réparties en 7 familles. MORMYRIDÆ : _Petrocephalus bane_ Lacep., _Mormyrus caschive_ Hasselq., _Hyperopisus bebe_ Lacep., _Gymnarchus niloticus_ L. CHARACINIDÆ : _Hydrocyon brevis_ Gthr., _Alestes baremose_ Joannis, _A. dentex_ L., _A. nurse_ Rüpp., _Distichodus rostratus_ Gthr., _D. brevipinnis_ Gthr., _Citharinus citharinus_ Geoffr. CYPRINIDÆ : _Labeo horie_ Heckel. SILURIDÆ : _Clarias lazera_ C. V., _Heterobranchus senegalensis_ C. V., _Schilbe mystus_ L., _Clarotes laticeps_ Rüpp., _Bagrus bayad_ Forsk., _Synodontis clarias_ L., _S. batensoda_ Rüpp., _S. serratus_ Rüpp. SERRANIDÆ : _Lates niloticus_ Hasselq. CICHLIDÆ : _Tilapia nilotica_ L. TETRODONTIDÆ : _Tetrodon fahaka_ Hasselq. Près de la moitié, ainsi qu’on pourra s’en rendre compte plus loin, c’est-à-dire une dizaine d’espèces, se retrouvent également dans la liste des Poissons rapportés par la mission CHEVALIER. Enfin le Dr DECORSE a fourni dans son carnet de route publié en 1906[268] quelques intéressants détails sur la pêche dans les régions traversées par la mission, et particulièrement sur les procédés employés par les indigènes des bords du Chari. Les poissons récoltés par la mission CHEVALIER-DECORSE proviennent principalement du lac Tchad même, de Kousri dans le bas cours du Chari, à son confluent avec le Logone et de Fort-Archambault, localité située bien plus en amont, à l’endroit où le fleuve reçoit la rivière Boungoul. Quarante espèces réparties en onze familles ont été rencontrées. Trois formes sont nouvelles : un Cyprinidé du genre _Labeo_, un curieux Mormyridé du genre _Hyperopisus_, enfin un Siluridé appartenant au genre _Synodontis_. Autant qu’on en peut juger sur des photographies communiquées par le Dr DECORSE et reproduites dans le _Bulletin de la Société d’Acclimatation_[269], deux espèces peuvent être jointes à celles recueillies par la mission dans la région du Tchad et du Chari, un Serranidé le _Lates niloticus_ L., représenté par un énorme spécimen de 1 mètre 20 de longueur et un Ostéoglossidé aussi de grande taille l’_Heterotis niloticus_ Cuvier. Il y a lieu de remarquer que ces deux espèces se retrouvent également sur les dessins et photographies de la mission FOUREAU et qu’elles font partie des récoltes du capitaine G. B. GOSLING, signalées par M. G. A. BOULENGER. La mission n’a pas capturé seulement des Poissons dans la région du lac Tchad et du Chari. Un accident, d’après les renseignements communiqués par le Dr DECORSE, a causé la perte de la presque totalité des pêches effectuées dans le bassin du Congo, principalement à Krebedjé, sur la rivière Tomi, sous-affluent de l’Oubangui. Seuls quelques spécimens minuscules provenant les uns de Bessou sur l’Oubangui, les autres de Brazzaville sur le Congo, ont pu échapper ; ce sont des Cyprinodontidés appartenant au genre _Haplochilus_ et représentant deux espèces nouvelles dont la description sera donnée à la fin de ce mémoire, et un Cichlidé, l’_Hemichromis bimaculatus_ Gill, extrêmement commun dans toute l’Afrique occidentale. On trouvera ci-dessous la liste de toutes les espèces recueillies par la Mission, avec l’indication du nombre des spécimens rapportés, leur provenance exacte et la description des formes nouvelles dont la connaissance est due à la mission. La distribution géographique générale de chaque espèce est mentionnée également. Elle fournit des indications intéressantes et montre les affinités de la faune ichtyologique du bassin du Chari et du lac Tchad avec celle des bassins voisins. C’est ainsi que sur les 40 espèces rencontrées dans ces régions 3 seulement paraissent spéciales au Tchad, 26 habitent aussi dans le Niger, 22 dans le Sénégal, 21 dans le Nil, 16 dans le bassin du Congo et 3 dans celui du Zambèze. Il ressort de là clairement que la faune ichtyologique du Chari et du Tchad, par sa physionomie, se rapproche surtout de celle du Niger. Plus de la moitié des espèces citées ici se retrouvent en effet dans les deux bassins. Elle présente ensuite à peu près d’égales affinités avec celle du Sénégal et celle du Nil, elle offre des rapports bien marqués quoique moins accentués avec celle du Congo. Enfin le nombre des formes particulières à la région du Tchad est tout à fait minime et prouve qu’elle n’a pas une faune ichtyologique propre, très spéciale, très différenciée, comme celle du lac Tanganika par exemple. =POISSONS DU BASSIN DU CHARI= =Polypteridæ.= =1.= POLYPTERUS BICHIR Geoffroy, 1802. — 1 spécimen, Kousri. Ce spécimen de 550 millimètres de longueur a 17 pinnules dorsales. L’espèce appartient au bassin du Nil. =2.= POLYPTERUS DELHEZI Boulenger 1899. — 3 spécimens, Fort-Archambault. Ce Poisson habite le Congo. =Lepidosirenidæ.= =3.= PROTOPTERUS ANNECTENS Owen, 1839. — 3 spécimens, Kousri. Ce Poisson a été signalé, au Sénégal, en Gambie, dans le Niger et le Zambèze. =Mormyridæ.= =4.= MORMYROPS ENGYSTOMA, Boulenger, 1898. — 1 jeune spécimen, Fort- Archambault. Espèce du Congo. =5.= PETROCEPHALUS BANE Lacépède, 1803. — 2 spécimens, Kousri. Espèce connue du Nil et du Niger. =6.= MARCUSENIUS LHUYSI Steindachner, 1870. — 2 jeunes spécimens, Fort- Archambault. Espèce sénégalienne. =7.= GNATHONEMUS CYPRINOIDES Linné, 1766. — 1 spécimen, Kousri. Espèce du Nil, du Niger et du Congo. =8.= GNATHONEMUS SENEGALENSIS Steindachner, 1870. — 3 spécimens, Fort- Archambault. Du Sénégal et de la Gambie. =9.= GNATHONEMUS TAMANDUA Günther, 1864. — 1 spécimen, Kousri. Cet exemplaire avait d’abord été rapporté par moi[270] au _G. elephas_ Boulenger, espèce extrêmement voisine, mais après nouvel examen il doit rentrer dans l’espèce de Günther, signalée déjà dans le Niger, au Calabar et au Congo. =10.= HYPEROPISUS TENUICAUDA Pellegrin, 1904[271]. La hauteur du corps égale environ la longueur de la tête et est comprise cinq fois dans la longueur sans la caudale. La tête plus longue que haute a le profil supérieur courbé. Le museau est égal à la moitié de la région post-oculaire de la tête. L’œil fait la moitié ou un peu plus de la moitié de la longueur du museau. La largeur de la bouche représente 1/5 de la longueur de la tête. Les dents aux mâchoires sont échancrées, au nombre de 3 à 5 en haut, de 6 en bas. Il existe au menton un renflement globuleux assez marqué. L’origine de la dorsale est deux fois 1/2 à trois fois plus éloignée de l’extrémité du museau que du début de la caudale. L’origine de l’anale est à égale distance du bout du museau et du début de la caudale. La pectorale arrondie fait les trois quarts de la tête ou presque. La ventrale représente la moitié de la longueur de la pectorale. Le pédicule caudal est deux fois 1/2 à deux fois 3/4, aussi long que haut, mesurant les deux tiers de la longueur de la tête. On compte seize écailles autour du pédicule caudal. La caudale échancrée est écailleuse, à lobes obtusément pointus. La coloration est ardoisée au-dessus, violacée sur les côtés et sur le ventre. D. 13-14 ; A. 64 ; P. 11 ; V. 6 ; Ec. 18 | 105 | 20-23. No 04. 111-112. Coll. Mus. Fort-Archambault : Mission Chari-Lac Tchad (Chevalier-Decorse) _Types_. Longueur : 270 + 35 = 305 et 150 + 10 = 160 millimètres. Un troisième spécimen de Kousri doit également être rapporté à cette espèce. Ces poissons sont assez voisins d’_Hyperopisus bebe_ Lacépède, du Nil, du Sénégal, de la Gambie et du Niger, la seule espèce du genre auparavant connue. Ils s’en distinguent principalement par la plus grande longueur du pédicule caudal et, en conséquence, le moindre nombre d’écailles autour de celui-ci, par le menton plus globuleux, la livrée plus sombre. [Illustration : FIG. 80. — _Hyperopisus tenuicauda_ Pellegrin.] =11.= MORMYRUS JUBELINI Cuvier et Valenciennes, 1846. — 2 spécimens, Kousri et Fort-Archambault. Cette espèce que M. Boulenger[272] ramène au _M. caschive_ Hasselquist du Nil, du Gabon et du Congo, habite le Sénégal et le Niger. =12.= GYMNARCHUS NILOTICUS Cuvier, 1826. — 1 spécimen, Fort-Archambault. Du Nil Blanc, du Sénégal et du Niger. =Characinidæ.= =13.= SARCODACES ODOË Bloch, 1794. — 1 spécimen, Fort-Archambault. Du Sénégal au Congo et du lac Ngami. =14.= HYDROCYON FORSKALI Cuvier, 1817. — 1 spécimen, Kousri. Du Nil, du Sénégal et du Niger. =15.= ALESTES BAREMOSE Joannis, 1835. — 1 spécimen, Kousri. Cette espèce à laquelle il faut ramener l’_A. Kotschyi_ Heckel, habite le Nil, le lac Rodolphe et du Sénégal au Niger. =16.= _Alestes macrolepidotus_ Cuvier et Valenciennes, 1849. — 1 spécimen jeune, Fort-Archambault. Espèce signalée dans le Nil, du Sénégal à l’Ogôoué, et dans le lac Tanganika. =17.= ICHTHYOBORUS BESSE Joannis, 1835. — 1 spécimen, Fort-Archambault. Cette espèce, à laquelle il faut ramener l’_I. microlepis_ Günther, habite le Nil. =18.= DISTICHODUS ALTUS Boulenger, 1899. — 1 spécimen, Fort-Archambault. Espèce du Congo. =19.= CITHARINUS CITHARINUS Geoffroy, 1809. — 1 spécimen de Fort- Archambault et 2 jeunes du lac Tchad. Cette espèce à laquelle on doit rapporter le _C. Geoffroyi_ Cuvier, est connue du Nil, du Sénégal, de la Gambie, du Niger et du Congo. =Cyprinidæ.= =20.= _Labeo coubie_ Rüppell, 1832. — 2 spécimens, Kousri et Fort- Archambault. Espèce du Nil, du Sénégal, de la Gambie et du Niger. =21.= LABEO SELTI Cuvier et Valenciennes, 1842. — 1 spécimen, Kousri. Cette espèce du Sénégal est extrêmement voisine de la précédente à laquelle elle est ramenée par M. Boulenger[273]. =22.= LABEO SENEGALENSIS Cuvier et Valenciennes, 1842. — 1 spécimen, Fort-Archambault, 4 spécimens, lac Tchad. Cette espèce du Sénégal, de la Gambie et du Niger est rapprochée par M. Boulenger du _Labeo horie_ Heckel du Nil et de l’Albert Nyanza[274]. =23.= LABEO CHARIENSIS Pellegrin, 1904[275]. La hauteur du corps égale la longueur de la tête et est comprise quatre fois dans la longueur sans la caudale. La largeur de la tête fait les trois quarts de sa longueur. Le museau est très proéminent, recouvert de nombreux tubercules. Des tubercules s’étendent sur les côtés de la tête jusqu’à l’œil. L’espace interorbitaire est plan, aplati. L’œil supéro- latéral, entièrement dans la seconde moitié de la tête, est contenu 6 fois dans la longueur de la tête, près de 3 fois dans la longueur interorbitaire. La surface interne des lèvres possède de nombreux plis transversaux. Un tout petit barbillon complètement caché dans le pli latéral existe de chaque côté. Les écailles du ventre en avant et entre les pectorales sont fort petites. On compte 3 écailles entre la ligne latérale et la ventrale. La dorsale à 10 rayons branchus, est falciforme ; son bord est échancré profondément ; les rayons antérieurs extrêmement prolongés mesurent une fois 3/4 la longueur de la tête, 3 fois 1/2 celle du dernier rayon. L’anale possède 7 rayons dont 5 branchus. La pectorale un peu plus courte que la tête n’atteint pas la ventrale qui finit à l’anus. Le pédicule caudal est un peu plus long que haut. Il y a 12 écailles autour du pédicule caudal. La caudale est fourchue, à lobes pointus. La coloration est uniformément brun-olivâtre, claire en dessous. La tête est violacée. D. 12 ; A. 7 ; P. 18 ; V. 9 ; Ec. 4 1/2 | 34 | 6 1/2. No 04-92. Coll. Mus. — Fort-Archambault : Chari-Lac Tchad (Chevalier- Decorse) _Type_. Longueur : 240 + 60 = 300 millimètres. Cette espèce vient se placer auprès de _Labeo Lukulæ_ Boulenger et de _L. parvus_ Boulenger, du bassin du Congo, qui possèdent aussi seulement 12 écailles autour du pédicule caudal. La forme tout à fait particulière de sa dorsale la rapproche de _Labeo falcifer_ Boulenger. [Illustration : FIG. 81. — _Labeo Chariensis_ Pellegrin.] =Siluridæ.= =24.= EUTROPIUS GRENFELLI Boulenger, 1900. — 1 spécimen, Kousri. Espèce du Congo. =25.= SCHILBE MYSTUS Linné, 1766. — 2 spécimens, Kousri. Espèce du Nil, du Niger au Congo, des lacs Moero et Rukwa. =26.= CLAROTES LATICEPS Rüppell, 1829. — 1 spécimen, Kousri. Espèce du Haut-Nil, du Nil blanc, du Bahr-el-Gebel. =27.= CHRYSICHTHYS AURATUS I. Geoffroy, 1829. — 2 spécimens, Fort- Archambault. Cette espèce à laquelle il faut ramener, semble-il, le _C. macrops_ Günther est connue du Nil, du Niger et de la Côte de l’Or. =28.= SYNODONTIS SCHALL Bloch Schneider, 1801. — 1 spécimen, Kousri. 4 spécimens jeunes, Fort-Archambault. Du Nil, du Sénégal, des lacs Rodolphe et Stéphanie. =29.= SYNODONTIS MEMBRANACEUS Geoffroy, 1809. — 2 spécimens, Kousri et Fort-Archambault. Du Nil blanc, du Sénégal et du Niger. =30.= SYNODONTIS COURTETI Pellegrin, 1906[276]. La hauteur du corps est contenue 4 fois 1/4 dans la longueur, celle de la tête 3 fois. Le museau très allongé, subacuminé, dilaté à la région buccale, fait le double de la région postoculaire de la tête. L’œil situé dans la seconde moitié de la tête est supère, son diamètre est contenu 5 fois 1/2 dans la longueur de la tête, 1 fois 1/2 dans l’espace interorbitaire. La bouche est entourée de lèvres très développées, papilleuses. Les barbillons maxillaires simples, non membraneux, s’étendent seulement jusqu’à l’origine de la pectorale, les barbillons mandibulaires externes, avec 3 filaments simples, environ jusqu’au même point. Les barbillons mandibulaires internes avec 5 ou 6 filaments non ramifiés finissent à peu près sous le bord antérieur de l’œil. Les dents mandibulaires courtes, crochues sont au nombre de 15. La fente operculaire ne s’étend pas au-dessous de la base de la pectorale. Les plaques céphaliques sont presque complètement recouvertes par la peau pustuleuse. Le bouclier occipito-nuchal ne s’étend pas en arrière au delà de la base de l’épine de la dorsale. Le prolongement huméral peu élevé, non armé d’épines, se termine en arrière en pointe aiguë n’atteignant pas tout à fait aussi loin que le bouclier occipito-nuchal. La dorsale a 7 rayons branchus, son épine sans serratures antérieures fait la moitié de la tête. La base de l’adipeuse égale 2 fois la longueur de celle de la dorsale rayonnée. La distance qui sépare les deux nageoires est un peu inférieure à la base de la dorsale rayonnée. L’anale a 13 rayons dont 9 branchus[277]. L’épine de la pectorale est plus forte et plus longue que celle de la dorsale, avec une douzaine de dents réclinées au bord postérieur, environ le double au bord antérieur. La ventrale n’atteint pas tout à fait l’anale. La caudale est médiocrement fourchue. La coloration est grisâtre avec de très nombreux petits points sur la tête, de plus grandes taches noires sur les nageoires et sur le ventre s’agrandissant encore sur le corps où elles atteignent les dimensions de l’œil et forment 4 ou 5 rangées longitudinales plus ou moins régulières. D. I 7 ; A. III 9 ; P. 10 ; V. 7. No 04-83. Coll. Mus. — Fort-Archambault : Mission Chari-Lac Tchad (Chevalier-Decorse) _Type_. Longueur : 85 + 20 = 105 millimètres. [Illustration : FIG. 82. — _Synodontis Courteti_ Pellegrin.] Cette espèce que je dédie bien volontiers à M. Courtet, membre de la mission Chari-Lac Tchad, n’est représentée que par un petit spécimen, ce qui m’avait fait hésiter d’abord à la décrire. Elle est remarquable par la longueur de son museau qui la rapproche de _Synodontis Vaillanti_ Boulenger[278] de Bangi sur le Haut Oubangui ; elle présente également des affinités avec _S. longirostris_ Boulenger, de la rivière Yembe à Banzyville (Oubangui)[279], ces deux régions assez voisines comme l’on sait du bassin du Chari. =Ophiocephalidæ.= =31.= OPHIOCEPHALUS OBSCURUS Günther, 1861. — 2 spécimens, Fort- Archambault. Du Nil blanc, du Bahr-el-Jebel, de la Gambie au Congo. =Anabantidæ.= =32.= ANABAS WEEKSI Boulenger, 1896. — 2 spécimens, Fort-Archambault. Espèce du Congo. =Cichlidæ.= =33.= HEMICHROMIS FASCIATUS Peters, 1857. — 2 spécimens, Fort- Archambault. Espèce de l’Ouest de l’Afrique, du Sénégal, du Niger, de l’Ogôoué et du Congo. =34.= HEMICHROMIS BIMACULATUS Gill, 1862. — 3 spécimens, Fort- Archambault. Espèce s’étendant du Sahara et du Nil à toute l’Afrique occidentale jusqu’au Cap. =35.= TILAPIA NILOTICA Linné, 1766. — 3 spécimens, Fort-Achambault. Espèce répandue en Syrie, dans le bassin du Nil, le lac Kivu, le Gallaland, le Soudan, le Sénégal, la Gambie, le Niger. =36.= TILAPIA HEUDELOTI A. Duméril, 1859. — 3 spécimens, Fort- Archambault. Du Sénégal au Congo. =37.= TILAPIA ZILLII Gervais, 1848. — 1 spécimen, Fort-Archambault. Espèce de Palestine, d’Egypte, du Sahara et du Niger. =38.= TILAPIA MELANOPLEURA A. Duméril, 1859. — 3 spécimens, Fort- Archambault. Du Sénégal au Congo et au Chiré. =Mastacembelidæ.= =39.= MASTACEMBELUS LOENNBERGI Boulenger, 1898. — 5 spécimens, Fort- Archambault (Flaques du Ba-Kiré). Du Niger et du Cameroun. =Tetrodontidæ.= =40.= TETRODON FAHAKA, Hasselquist, 1757. — 1 spécimen, Fort- Archambault. Espèce du Nil, du Sénégal et du Niger. =POISSONS DU BASSIN DU CONGO= =Cyprinodontidæ.= =41.= HAPLOCHILUS CHEVALIERI Pellegrin, 1904[280]. La hauteur du corps est contenue 4 fois à 4 fois 1/2 dans la longueur sans la caudale, celle de la tête 3 fois 1/2. La tête est très aplatie au-dessus. La mâchoire inférieure est proéminente ; les dents de la série externe fines et aiguës sont plus volumineuses et assez espacées. Le diamètre de l’œil est égal ou un peu inférieur à la longueur du museau et est contenu 3 fois dans la longueur de la tête, 1 fois 1/2 dans l’espace interorbitaire. Il existe de grandes écailles sur la tête et sur l’opercule. Les écailles cycloïdes sont au nombre de 27 ou 28 en ligne longitudinale, de 8 en ligne transversale. La ligne latérale est représentée par une série de petits points. La dorsale à 7 ou 8 rayons commence au-dessus de l’antépénultième rayon de l’anale, 3 fois plus près de l’origine de la caudale que du bord antérieur de l’œil, au niveau de la 19e ou 20e écaille longitudinale. L’anale a 13 ou 14 rayons, les postérieurs égalant environ ceux de la dorsale. La pectorale atteint la ventrale et fait les 2/3 de la tête. La ventrale arrive à l’anale ou presque. Le pédicule caudal est au moins aussi haut que long. La caudale est en pointe, les rayons médians sont très prolongés et dépassent la longueur de la tête. La coloration est des plus brillantes. Le dos est olivâtre, les côtés et le ventre sont jaunes. Une ligne foncée court sur le bas des flancs et du pédicule caudal. Chaque écaille sur les côtés porte un large point rouge carmin. Les nageoires sont jaunes ; la dorsale, l’anale et la caudale finement ponctuées de carmin. Les mâchoires sont bordées de carmin. Une ligne semicirculaire brune s’étend, à la face inférieure, d’un angle de la bouche à l’autre. D. 7-8 ; A. 13-14 ; P. 14 ; V. 5 ; L. long. 27-28 ; L. transv. 8. No 04-62. Coll. Mus. — 3 exemplaires. Brazzaville : Mission Chari-Lac Tchad (Chevalier-Decorse) _Types_. Longueur totale : 48, 48, 47 mm. [Illustration : FIG. 83. — _Haplochilus Chevalieri_ Pellegrin.] Cette jolie espèce, que je dédie bien volontiers au Chef de la mission Chari-Tchad, se rapproche surtout d’_Haplochilus singa_ Boulenger, espèce décrite[281] il y a quelques années d’après un exemplaire mâle des marais de Boma à l’embouchure du Congo. Elle s’en distingue surtout par la forme de sa caudale dont les rayons médians sont prolongés en pointe accentuée, tandis qu’au contraire cette nageoire est « échancrée, quelques-uns des rayons supérieurs et inférieurs étant prolongés », dans l’espèce de BOULENGER. _H. Chevalieri_ présente aussi certains caractères communs avec _H. cameronensis_ Boulenger[282] de la rivière Kribi, mais dans cette espèce la dorsale commence bien plus en avant. =42.= HAPLOCHILUS DECORSEI Pellegrin, 1904[283]. [Illustration : FIG. 84. — _Haplochilus Decorsei_ Pellegrin.] La hauteur du corps est contenue 3 fois 2/3 à 4 fois dans la longueur, sans la caudale, la longueur de la tête 3 fois 1/2. La tête est plate en dessus. La mâchoire inférieure est proéminente ; les dents coniques sont fines et aiguës. Le diamètre de l’œil est au moins égal à la longueur du museau et est contenu 1 fois 1/2 dans l’espace interorbitaire, près de 4 fois dans la longueur de la tête. Il y a de grandes écailles sur l’opercule. Les écailles cycloïdes, sont au nombre de 25 à 28 en ligne longitudinale, 11 ou 12 en ligne transversale. La dorsale à 8 ou 9 rayons commence au-dessus du milieu ou du début du 3e tiers de l’anale, 2 fois plus près de l’origine de la caudale que du bord antérieur de l’œil, au niveau de la 16e ou 17e écaille longitudinale. L’anale a 13 ou 14 rayons égalant environ ceux de la dorsale. La pectorale fait les 2/3 de la tête. Les ventrales petites n’atteignent pas l’anale. Le pédicule caudal est 1 fois 1/2 aussi long que haut. La caudale est arrondie, acuminée, les rayons médians plus ou moins prolongés en pointe égalant parfois la longueur de la tête. La coloration est uniformément jaunâtre avec le bord de chaque écaille très foncé. Le ventre est clair. Une ligne sombre s’étend de la tête à l’origine de la dorsale. Chez les femelles, les nageoires sont grisâtres, la dorsale, l’anale et les ventrales avec de petits points carmins plus ou moins nombreux. Chez les mâles (?) quelques lignes longitudinales de petits points de même couleur se voient en outre sur les écailles de l’opercule et des flancs ; des points carmins existent aussi sur la caudale qui est finement bordée de carmin. D. 8-9 ; A. 13-14 ; P. 15 ; V. 6 ; L. long. 25-28 ; L. transv. 11-12. No 04-61. Coll. Mus. — 5 exemplaires, Bessou (Oubanghi) : Mission Chari- Lac Tchad (Chevalier-Decorse) _Types_. Longueur totale : 40, 39, 29, 27, 24 millimètres. Le plus grand spécimen est une femelle avec des œufs. Cette intéressante petite espèce que je me fais un plaisir de dédier à mon ami le Dr DECORSE qui a recueilli avec tant de soin les riches matériaux ichtyologiques rapportés par la mission Chari-Tchad, est surtout voisine d’_H. spilauchen_ A. Duméril du Gabon mais peut en être distinguée par sa mâchoire inférieure proéminente, son œil plus petit[284], sa coloration et surtout par ses écailles plus nombreuses en ligne transversale. [Note 260 : Dr J. PELLEGRIN, _Cyprinodontidés nouveaux du Congo et de l’Oubanghi_ (_Bull. Mus. Paris_, 1904, p. 221) ; — _Poissons du Chari et du lac Tchad, récoltés par la mission Chevalier-Decorse_ (_ibid._, 1904, p. 309) ; — _La Faune ichtyologique du lac Tchad et du Chari_ (_C. R. 6e Congr. Zool. Berne_, 1904, p. 605) ; — _Les Poissons d’eau douce de l’Afrique tropicale française_ (_Bull. Soc. Acclim._, 1905, p. 209-225, avec une planche d’après les clichés communiqués par le Dr Decorse) ; — _Les Poissons du lac Tchad_ (_Rev. scient._, 18 mai 1907, p. 614).] [Note 261 : A. GÜNTHER, _An Introduction to the Study of Fishes_ (1880), p. 217.] [Note 262 : G. A. BOULENGER, _Les Poissons du Bassin du Congo_ (1901), p. v.] [Note 263 : G. A. BOULENGER, _Address to the zoological Section_ (_Brit. Ass. Adv. Sc. South Africa_, 1905, p. 14).] [Note 264 : CH. GRAVIER, La Méduse du Tanganyika et du Victoria Nyanza ; sa dispersion en Afrique. (_Bull., Mus. Paris_, 1907, p. 218).] [Note 265 : F. FOUREAU, _Documents scientifiques de la mission saharienne_ (1905), t. II. p. 1054.] [Note 266 : _Ibid._, p. 1048.] [Note 267 : G. A. BOULENGER, _Pr. Zool. Soc. Lond._, August 1905, p. 151.] [Note 268 : Dr DECORSE, _Mission Chari-Lac-Tchad_ (1902-1904), _Du Congo au lac Tchad_ (1906).] [Note 269 : _Bull. Soc. Acclimat._, 1905, pl. I (hors texte).] [Note 270 : _Bull. Mus. Paris_, 1904, p. 311.] [Note 271 : _Loc. cit._, p. 312.] [Note 272 : _Pr. Zool. Soc._, 1905, p. 151.] [Note 273 : _Ann. Mag. Nat. Hist._, ser. 7, vol. XII, 1903, p. 359.] [Note 274 : _Pr. Zool. Soc._, 1905, p. 151.] [Note 275 : _Bull. Mus. Hist. nat._, 1904, p. 311.] [Note 276 : _Bull. Mus. Paris_, 1906, p. 473.] [Note 277 : Le dernier divisé en deux.] [Note 278 : _Ann. Mag. Nat. Hist._ (6), XX, 1897, p. 424.] [Note 279 : Dans la première de ces deux espèces le nombre des dents mandibulaires antérieures est de 8-9, dans la seconde de 24.] [Note 280 : _Bull. Mus. Hist. nat._, 1904, p. 222.] [Note 281 : _Ann. Mus. Congo, Zool._, I, p. 113, pl. XLVII, fig. 1 (1899).] [Note 282 : _Ann. Mag. N. H._, 7 (XII), 1903, p. 440.] [Note 283 : _Bull. Mus. Hist. nat._, 1904, p. 223.] [Note 284 : Sur les 3 exemplaires types, d’Auguste Duméril, mesurant respectivement 47, 37 et 36 millimètres, le diamètre de l’œil est contenu 2 fois 1/2 dans la longueur de la tête.] LES MOLLUSQUES TERRESTRES & FLUVIATILES DE L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE PAR LOUIS GERMAIN INTRODUCTION[285] I Les nombreux voyageurs de toutes les nations de l’Europe qui ont, depuis plus d’un siècle, parcouru le continent africain, ont rapporté des documents constituant, au point de vue faunique, un ensemble déjà considérable. Les premiers explorateurs, mal outillés pour les recherches d’histoire naturelle, ne purent recueillir que peu de matériaux. Cependant, le capitaine SPEKE, d’abord en 1858, puis en 1861-1862, SAMUEL BAKER en 1864, HILDEBRANDT en 1875-1878 firent parvenir en Europe quelques Mollusques qui, ajoutés à ceux récoltés plus tard par le Dr SCHWEINFURTH, par STANLEY et par EMIN PACHA, donnèrent une première idée de la faune malacologique de l’Afrique équatoriale. A partir de 1879 les expéditions se multiplient et se dirigent principalement vers la région des grands lacs. L’Anglais THOMSON explore le Nyassa, sir EDWARD COODE HORE les rives du Tanganika, bientôt visitées par le Français VICTOR GIRAUD. Les nombreux missionnaires, établis sur les rives de ces lacs, expédient en Europe tous les échantillons d’histoire naturelle qu’ils réussissent à se procurer. Puis, deux grandes expéditions, commandées par J. S. MOORE et subventionnées par la Société royale de géographie de Londres, explorent en grand le Tanganika et les lacs voisins. Enfin, un peu plus tard, le regretté E. FOÀ parcourt les mêmes régions et recueille les documents qui ont servi de base à l’important ouvrage, en ce moment sous presse, consacré à son voyage. Entre temps les Anglais J. L. BISCHOF, CRAWSHAY, F. SCOTT ELLIOT, etc... ; les Allemands STUHLMANN, BAUMANN, NEUMANN, etc... ; les Français V. GIRAUD, SOLEILLET, BLOYET, etc... ; exploraient l’Afrique orientale, entre la mer et la région des grands lacs. Les bassins du Congo et du Sénégal recevaient également la visite de nombreux voyageurs parmi lesquels il convient de citer : S. DE BRAZZA, DUPONT, DORR, etc...[286]. Tous ces efforts, en procurant d’importants matériaux d’études aux naturalistes, leur ont permis d’indiquer les principales caractéristiques de la faune malacologique des régions équatoriales de l’Afrique. * * * Cependant, toute la région située entre le Bahr-el-Ghazal et le lac Tchad restait entièrement inexplorée. Il était réservé à de savants voyageurs français de rapporter les premiers documents fauniques recueillis dans ces vastes contrées. En 1892, le colonel MONTEIL[287], parti de Saint-Louis, parvient à Kouka, explore le lac Tchad, parcourt le Sahara et aboutit à Tripoli. GENTIL[288] reconnaît, en 1899, l’embouchure du Chari. La mission FOUREAU-LAMY quitte Sedrata le 23 octobre 1898, traverse tout le Sahara, débouche, le 10 janvier 1900, sur les bords de la rivière Komadougou-Yobé et campe le 20 un peu au delà d’Arégué, sur les rives mêmes du lac[289]. Enfin la mission conduite par M. A. CHEVALIER explore tout le bassin du Chari et les tributaires de cette importante rivière. On trouvera, dans le bel ouvrage écrit par le chef de la mission, le récit détaillé de cette expédition si riche en documents scientifiques. Je n’aurai garde d’oublier ici les officiers qui, au cours de leurs travaux de reconnaissance, ont recueilli de précieux documents malacologiques. Je citerai M. le colonel LENFANT, MM. les lieutenants LACOIN, HARDELET et MOLL qui ont levé les nombreux archipels du lac, tandis que M. le capitaine DUPERTHUIS explorait le Kanem et atteignait Kologo, Bol et Kanassarom sur la rive orientale. Enfin, en 1903, le lieutenant allemand GLAUNING recueillait, aux environs de Kouka, quelques Mollusques qui furent étudiés par le Dr E. von MARTENS[290]. II La mission conduite par M. AUG. CHEVALIER est celle qui, au point de vue malacologique, a fourni les données les plus importantes[291]. Le nombre considérable de Mollusques recueillis dans des localités fort diverses notées avec une grande précision, constituent un ensemble suffisant pour que l’on puisse indiquer les principaux caractères fauniques des pays traversés[292]. § 1. Comparée à celle de l’Afrique orientale, la faune terrestre du territoire du Chari parait pauvre. L’absence des Mollusques nus et des Helicarions, la rareté des Vitrines[293], la pauvreté des Helixarionidées représentées seulement par deux _Thapsia_ et deux _Trochonanina_[294], contrastent avec les riches suites d’espèces signalées dans la région des grands lacs. La famille des Ennéidées n’est représentée que par le seul _Ennea Gravieri_, bien que de nombreuses espèces appartenant aux genres _Ennea_, _Enneastrum_, _Edentulina_, _Ptycotrema_, _Marconia_, _Streptaxis_, etc..., doivent habiter ces contrées et, plus spécialement, les rives boisées du Gribingui et de l’Oubangui. Mais, généralement terrées à une profondeur assez grande, cachées sous les amas de feuilles mortes ou sous l’écorce des arbres, ces très petites Coquilles échappent facilement à la vue. Aussi est-il possible que la pauvreté relative de la faune terrestre du Chari ne soit qu’apparente et due à la difficulté de pénétrer l’habitat particulier des Mollusques qui y vivent. La Mission n’a rapporté qu’un seul Mollusque du genre _Helix_. C’est un exemplaire de l’_H. pomatia_ Linné, recueilli aux environs de Tombouctou, où il a certainement été introduit avec des marchandises européennes[295]. Le fait n’a donc qu’un intérêt médiocre. Je crois qu’il ne faut pas attacher beaucoup plus d’importance à la découverte, aux environs de Faguibine, de nombreuses coquilles marines appartenant aux genres _Marginella_ et _Columbella_ dont voici la nomenclature : _Marginella marginata_ Born[296]. C.C.C. 60 exemplaires. — _pyrum_ Gronovius[297]. Rare. 2 — — _cingulata_ Dillwyn[298]. 3 — _Columbella rustica_ Linné[299] 4 — On voit tout d’abord que, seule, la _Marginella marginata_ est abondante. Les autres coquilles sont rares et lui ressemblent assez pour être confondues avec elle par une personne étrangère à l’histoire naturelle. Comme, d’autre part, ces Mollusques sont très communs sur les côtes du Sénégal[300], je crois qu’ils ont été apportés à Faguibine par les indigènes de la côte pour faire des échanges avec les habitants de la région du Tchad[301]. Ces Marginelles auraient ainsi servi de monnaie à la façon de certaines espèces de _Cypræa_[302]. Les Cyclostomidées, toujours rares dans les contrées équatoriales de l’Afrique, ne paraissent pas habiter les contrées parcourues par la Mission. Les _Subulina_, _Opeas_, _Pseudopeas_, etc... sont également rares, mais, comme pour les _Ennea_, cette apparente pauvreté tient à une connaissance insuffisante du _modus vivendi_ de ces animaux[303]. Enfin les Achatinidæ se font remarquer par l’abondance des _Limicolaria_ de grande taille et la rareté des Achatines vraies. Le tableau suivant précise, pour cette famille[304], les rapports de la faune du Chari avec celle des régions avoisinantes : =Bassin du Chari= | =Région du lac Tchad= | =Région des grands lacs | | et Afrique orientale= | | _Limicolaria | _Limicolaria | _Limicolaria rectistrigata_ Smith | rectistrigata_ Smith | rectistrigata_ Smith | | — | — | — _Martensi_ Smith | | — _connectens_ Mart. | — _connectens_ M. | — _connectens_ Mart. | | — _turris_ Pfeiff. | — _turris_ Pfeiffer. | — _turris_ Pf. | | | — — var. | | | | — _Duperthuisi_ Germ.| | | — _turriformis_ Mart. | — _turriformis_ Mart.| — _turriformis_ | | Martens | | _Achatina marginata_ | | _Achatina Swainson. | | marginata_ Sw. | | | _Achatina | — _Schweinfurthi_ | Schweinfurthi_ Pf. | Pfeiffer. | var. _Foureaui_ Germ.| | | | — _Weynsi_ Dautz. | | var. _Duperthuisi_ | | Germ. | On voit que l’analogie est presque complète et que la faune du territoire du Chari ne diffère pas de celle des autres régions de l’Afrique équatoriale. § 2. La faune fluviatile semble beaucoup plus riche que la faune terrestre. Les Limnées, mais surtout les Planorbes et les Physes[305], sont extrêmement abondants aussi bien dans le lac Tchad que dans le Chari et ses tributaires. Les Cleopatra, les Bythinies, les Ampullaires et les Lanistes, partout très répandus, sont assez variés en espèces. Par contre, je n’ai eu à signaler jusqu’ici que le seul _Melania tuberculata_, espèce cosmopolite fort abondante dans presque toute l’Afrique équatoriale[306]. Les Acéphales sont particulièrement répandus. Les _Spatha_ surtout, très nombreux en espèces, doivent vivre en colonies fort populeuses dans tous les cours d’eau ; les _Mutela_, les _Mutelina_ et les _Unio_, bien que plus rares, sont néanmoins assez variés ; enfin les Æthéries forment, en certains endroits du Chari, des bancs épais, largement exploités par les indigènes pour la fabrication de la chaux. Comparée à celle du Nil, la faune fluviatile du Chari présente de grandes analogies, mises en évidence par le tableau suivant[307] : =Bassin du Chari.= | =Bassin du Nil.= | _Limnæa humerosa_ Martens. | | — _undussumæ_ Martens. | _Limnæa africana_ Ruppell. | _Physa (Pyrgophysa) Forskali_ | _Physa (Pyrg.) Forskali_ Ehr. Ehr. | | — (—) _Dunkeri_ Germ. | — (—) _Dunkeri_ Germ. | _Planorbis sudanicus_ Martens. | _Planorbis sudanicus_ Martens. | — _adowensis_ Bourg. | — _adowensis_ Bourg. | — _Bridouxi_ Bourg. | — _Bridouxi_ Bourg. | _Vivipara unicolor_ Oliv. | _Vivipara unicolor_ Oliv. | _Cleopatra cyclostomoides_ | _Cleopatra cyclostomoides_ Küst. Küst. | | — _bulimoides_ Oliv. | — _bulimoides_ Oliv. | — _mweruensis_ Smith. | | _Bythinia (Gabbia) Neumanni_ | Mart. | | — (—) _Martreti_ Germ. | | _Ampullaria speciosa_ Phil. | _Ampullaria speciosa_ Phil. | — _Wernei_ Phil. | — _Wernei_ Phil. | — _Chevalieri_ Germain. | | — _ovata_ Oliv. | — _ovata_ Oliv. | _Ampullaria gradata_ Smith. | | — _Rucheti_ Billotte. | | — _chariensis_ Germain. | | | _Ampullaria lucida_ Parreys. | | — _Reymondi_ Bourg. | _Lanistes procerus_ Mart. | | — _ovum_ Peters. | | — _ellipticus_ Mart. | | — _gribinguiensis_ Germain. | | | _Lanistes boltenianus_ Chemnitz. | _Melania tuberculata_ Mart. | _Melania tuberculata_ Martens. | | _Unio ægyptiaca_ de Féruss. | | — _Cailliaudi_ de Féruss. | _Unio æquatoria_ Morel. | | — _Chivoti_ Germain. | | — _bangoranensis_ Germain. | | — _Lacoini_ Germain. | | _Ætheria elliptica_ Lam. | _Ætheria elliptica_ Lam. | _Spatha rubens_ Lam. | _Spatha rubens_ Lam. | — — var. _Cailliaudi_ Martens. | — — var. Cailliaudi Martens. | — — var. _rotundata_ Martens. | | — — var. _Chudeaui_ Germain. | | — — var. _Wismani_ Mart. | | | _Spatha rubens_ var. _Lepsii_, | Jick. | _Spatha chaiziana_ Rang. | | — _tawai_ Rang. | | — _Decorsei_ Germain. | | — _Bourguignati_ Ancey. | — _Bourguignati_ Ancey. | — _cryptoradiata_ Putz. | | — _divaricata_ Mart. | | _Mutela angustata_ Sowerby. | _Mutela angustata_ Sow. | — _Chevalieri_ Germain. | | _Mutelina rostrata_ Rang. | | — _complanata_ Jouss. | | — — var. _curta_ Germ. | | — _Joubini_ Germain. | | _Corbicula Fischeri_ Germain. | _Corbicula consobrina_ Caill. | _Eupera parasitica_ Parreys. | _Eupera parasitica_ Parreys. Ce tableau montre combien la faune du Chari se rapproche de celle du Haut Nil. Non seulement les genres, mais un grand nombre d’espèces se retrouvent dans les deux régions. Quant aux Mollusques qui, jusqu’ici, semblent particuliers au Chari et à ses affluents ils constituent, pour la plupart, des espèces représentatives de celles du bassin du Nil. Les analogies avec la faune du Congo ne sont pas moins évidentes. On retrouve, dans les deux bassins, les mêmes espèces d’_Ampullaria_, de _Lanistes_, de _Spatha_, de _Mutelina_, etc., et si le genre _Chelidonopsis_ n’a pas encore été signalé dans le Chari, il est probable que de nouvelles recherches l’y feront découvrir. Enfin, un certain nombre d’espèces du Chari vivent également dans le Sénégal et le Gabon. Telles sont notamment : _Physa (Pyrgophysa) Dunkeri_ Germ. (= Ph. scalaris Dunk). _Vivipara unicolor_ Oliv. _Cleopatra bulimoides_ Oliv. _Melania tuberculata_ Müll. _Unio æquatoria_ Morelet. _Ætheria elliptica_ Lam. _Spatha rubens_ et ses variétés, _Sp. tawai_ Rang, _Sp. chaiziana_ Rang, _Sp. Pfeifferi_ Bern. _Mutelina rostrata_ Rang, _Mut. complanata_ Jousseaume, etc. Les développements précédents permettent de conclure à l’existence, dans l’Afrique équatoriale, d’une seule grande province malacologique parfaitement homogène s’étendant du Nil au Sénégal. Nous allons voir que la faune du lac Tchad n’en diffère pas essentiellement. III Les Mollusques suivants sont, jusqu’ici, les seuls signalés dans le Tchad. Nous constaterons, qu’à l’exception de 4 espèces recueillies par le lieutenant allemand GLAUNING, toutes proviennent des recherches entreprises par les voyageurs français. =Liste des espèces.= | =Voyageurs qui les ont | découvertes.= | _Limnæa africana_ Ruppell. | F. FOUREAU, 1900. | — _exserta_ Martens[308]. | ROHLFS, 1866 ; F. FOUREAU, 1900. | — _Chudeaui_ Germain. | R. CHUDEAU, 1905. | — _tchadiensis_ Germain. | CHEVALIER, 1902. | _Physa (Isodora) trigona_ | CHEVALIER, 1902 ; R. CHUDEAU, Martens. | 1905. | — — _strigosa_ Martens. | CHEVALIER, 1902 ; LACOIN, 1902. | — — _truncata_ Ferus. | CHEVALIER, 1902. | — — _tchadiensis_ Germain. | CHEVALIER, 1902 ; LACOIN, 1902 ; | R. CHUDEAU, 1905. | — — _Vaneyi_ Germain. | CHEVALIER, 1902. | — — _Joubini_ Germain. | R. CHUDEAU, 1905. | — — _Rohlfsi_ Clessin. | ROHLFS, 1866. | — — _Randabeli_ Bourg. | F. FOUREAU, 1900. | _Physa (Pyrgophysa) | CHEVALIER, 1902 ; R. CHUDEAU, Dautzenbergi_ Germ. | 1905. | _Physopsis Martensi_ Germain. | CHEVALIER, 1902. | _Planorbis sudanicus_ Martens. | F. FOUREAU, 1900 ; CHEVALIER, | 1900 ; LACOIN, 1902 ; R. | CHUDEAU, 1905. | — _tetragonostoma_ Germain. | CHEVALIER, 1902. | — _adowensis_ Bourguignat. | F. FOUREAU, 1900. | — _Bridouxi_ Bourguignat. | F. FOUREAU, 1900 ; CHEVALIER, | 1902 ; R. CHUDEAU, 1905. | — _Chudeaui_ Germain. | R. CHUDEAU, 1905. | _Planorbula thadiensis_ Germain.| F. FOUREAU, 1900 ; CHEVALIER, | 1902 ; LACOIN, 1902 ; R. | CHUDEAU, 1905. | _Segmentina Chevalieri_ Germain.| CHEVALIER, 1902. | _Vivipara unicolor_ Olivier. | F. FOUREAU, 1900 ; CHEVALIER, | 1902 ; LENFANT, LACOIN, MOLL ; | R. CHUDEAU, 1905. | — — var. _Lenfanti_ Germ. | CHEVALIER, LACOIN, LENFANT. | — _gracilior_ Martens. | GLAUNING, 1903. | _Cleopatra cyclostomoïdes_ | LENFANT, LACOIN. Küster. | | — — var. _tchadiensis_ Germ. | CHEVALIER. | _Bythinia Neumanni_ Martens. | CHEVALIER, LENFANT ; R. CHUDEAU. | — _neothaumæformis_ Germ. | CHEVALIER. | _Ampullaria speciosa_ Philippi. | LACOIN ; MOLL ; DUPERTHUIS. | — _chariensis_ Germain. | CHEVALIER ; DUPERTHUIS. | — _Rucheti_ Billotte. | CHEVALIER. | — _gradata_ Smith. | CHEVALIER. | _Lanistes Vignoni_ Bourguignat. | F. FOUREAU. | _Melania tuberculata_ Müller. | F. FOUREAU, CHEVALIER, LENFANT, | LACOIN, DUPERTHUIS, HARDELET, | MOLL, ROHLFS, R. CHUDEAU. | _Unio mutelæformis_ Germain. | CHEVALIER, LACOIN. | — _Lacoini_ Germain. | CHEVALIER, LACOIN. | — _Unio (Grandidieria) | GLAUNING. tsadianus_ Martens. | | _Mutela angustata_, Sow. var. | LACOIN, HARDELET, MOLL, R. _ponderosa_ Germain. | CHUDEAU. | _Mutelina rostrata_ Rang. | LACOIN, MOLL, GLAUNING. | _Cameronia tchadiensis_ Germain.| MOLL. | — _Hardeleti_ Germain. | HARDELET. | — — var. _Molli_ Germ. | HARDELET. | _Corbicula Lacoini_ Germain. | CHEVALIER, LENFANT, LACOIN, R. | CHUDEAU. | — _tsadiana_ Martens. | GLAUNING. | _Eupera parasitica_ Parreys. | CHEVALIER. Le premier caractère important de cette faune est sa pauvreté relative en Acéphales[309] : les Unionidæ sont peu nombreux et les _Spatha_ entièrement absents. Par contre, les genres _Physa_, _Planorbis_, _Bythinia_ et _Cleopatra_ sont représentés par de riches suites d’espèces qui vivent, en colonies populeuses, dans les régions peu profondes du lac. Les Vivipares, qui toutes se rattachent au _V. unicolor_ du Nil, paraissent également fort communes. L’analogie presque complète de cette faune avec celle du Nil en est le second caractère important. J’ai déjà signalé ce fait[310] qui se retrouve dans la faune ichthyologique du lac, ainsi que l’a montré M. le Dr PELLEGRIN[311]. Comparée à celle des autres grands lacs du centre africain, la faune du Tchad n’en diffère pas autant qu’on pourrait le croire. On observe même, entre le Tchad et le Tanganika, de curieux points de contact. C’est ainsi que MARTENS a constaté la présence d’un _Grandidieria_[312], dans le Tchad et que j’y ai moi-même signalé une petite série d’espèces de _Pliodon_ appartenant tous à la section _Cameronia_ si répandue dans les eaux du Tanganika. Aucune espèce dite _thalassoïde_ n’a été jusqu’ici recueillie dans le Tchad, bien que ces coquilles ne soient pas, comme on l’a cru longtemps, spéciales au Tanganika. MOORE[313] a, en effet, observé que tous les lacs voisins du Tanganika possèdent la même faune que lui et les eaux du Nyassa nourrissent, non seulement des _Viviparidæ_ et des _Melanidæ_ à faciès thalassoïde, mais encore des Méduses[314]. Les Gastéropodes du Tchad et du Tanganika ont du reste les plus grandes affinités, ainsi que l’indique le tableau comparatif suivant : =Lac Tchad.= | =Lac Tanganika.= | _Limnæa africana_ Ruppel. | _Limnæa africana_ Ruppell. | — _exserta_ Martens. | — _exserta_ Martens. | | — _Debaizei_ Bourguignat. | | — _Lavigeriei_ Bourguignat. | | — _alexandrina_ Bourguignat. | | — _Jouberti_ Bourguignat. | | — _Laurenti_ Bourguignat. | — _Chudeaui_ Germain. | | — _tchadiensis_ Germain. | | _Physa trigona_ Martens. | | — _strigosa_ Martens. | | — _tchadiensis_ Germain. | | — _Joubini_ Germain. | | — _Randabeli_ Bourguignat. | _Physa Randabeli_ Bourguignat. | | — _Coulboisi_ Bourguignat. | _Planorbis sudanicus_ Martens. | _Planorbis sudanicus_ Martens. | — _tetragonostoma_ Germain. | | | — _tanganikanus_ Bourguignat. | — _adowensis_ Bourguignat. | — _adowensis_ Bourguignat. | — _Bridouxi_ Bourguignat. | — _Bridouxi_ Bourguignat. | | — _Lavigeriei_ Bourguignat. | _Planorbis Chudeaui_ Germain. | | _Planorbula tchadiensis_ Germain. | _Planorbula tanganika_ Bourguignat. | _Vivipara unicolor_ Olivier. | _Vivipara unicolor_ Olivier[315]. | _Ampullaria speciosa_ Phil. | | — _Rucheti_ Bill. | | — _chariensis_ Germain. | _Ampullaria ovata_ Olivier. | | — _Bridouxi_ Bourguignat. Cette remarquable analogie se retrouve dans la faune des autres lacs africains[316] : Mweru, Kivu, Albert-Nyanza, Edouard-Nyanza, Victoria-Nyanza, Rodolphe, etc., ainsi que je l’ai montré dans un récent travail[317]. * * * Ce mémoire est la mise en œuvre des riches matériaux recueillis par M. A. CHEVALIER et les membres de sa mission : MM. COURTET, DECORSE et MARTRET. Afin de le rendre aussi complet que possible et d’éviter aux géographes qui le liront des recherches parfois longues, j’y ai joint les résultats obtenus par les autres voyageurs et qui se trouvent, pour la plupart, disséminés dans un certain nombre de mes publications. Mais, pour ne pas prêter à confusion, ces additions sont placées à la fin de chaque genre où elles forment un chapitre spécial. Les figures ont été aussi multipliées que possible ; j’aurais voulu tout représenter ; malheureusement une telle iconographie eût entraîné des frais incompatibles avec le cadre de cette publication. Enfin j’ai fait suivre le tout d’un index bibliographique assez étendu pour qu’il soit de quelque utilité. Il me reste à adresser mes remerciements les plus sincères à M. A. CHEVALIER qui a bien voulu me confier l’étude des Mollusques de sa mission ; à M. le Dr LOUIS JOUBIN, professeur au Muséum d’histoire naturelle, dans le laboratoire duquel ce travail a été mené à bonne fin ; à M. PH. DAUTZENBERG, qui m’a largement permis de consulter ses riches collections ; enfin à M. COURTET qui, en l’absence de M. A. CHEVALIER, parti de nouveau en mission, a pris la direction de cette publication. GASTÉROPODES PULMONÉS =Famille des HELIXARIONIDÆ= Genre THAPSIA Albers[318]. _Thapsia insimulans_ Smith. 1899. _Thapsia insimulans_ Smith, _Proceed. zoolog. society London_ (13 avril), p. 583, pl. XXXIII, fig. 16-18. Coquille petite, déprimée, orbiculaire, étroitement perforée ; spire peu haute (sommet obtus), légèrement conique, composée de 5 tours assez convexes, à croissance lente et régulière ; dernier tour médiocre plus convexe dessous que dessus, nettement subanguleux à sa naissance, sutures bien indiquées ; ouverture oblique, semi-lunaire, plus haute que large, bord columellaire légèrement réfléchi sur l’ombilic ; péristome mince, fragile ; bords aperturaux réunis par une callosité blanche, médiocrement accentuée. Diamètre maximum : 5 millimètres ; diamètre minimum : 4 1/2 millimètres ; hauteur : 2 3/4-3 millimètres. Test mince, fragile, d’un corné jaunâtre ou ambré assez brillant, finement et irrégulièrement strié. Cercle de Krébedjé [Dr DECORSE, octobre 1902], 3 échantillons. Téte, 28 décembre 1902, 1 exemplaire jeune. J’ai donné la description des exemplaires recueillis par la Mission parce qu’ils diffèrent légèrement du type décrit et figuré par SMITH. Le dernier tour notamment, parfaitement arrondi dans le type _insimulans_, est, ici, nettement subanguleux à sa naissance ; en outre, l’ouverture est plus étroite ; mais comme le test et les dimensions sont identiques et que les autres caractères concordent, je crois qu’il est fort difficile de séparer la forme recueillie par le Dr DECORSE de celle figurée par SMITH. _Thapsia nyikana_ Smith. 1899. _Thapsia nyikana_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_, 13 avril 1899, p. 584, pl. XXXIII, fig. 24-25. Le type de cette espèce n’a pas été trouvé par M. A. CHEVALIER qui a seulement recueilli la variété suivante : Variété =_Courteti_= Germain _nov. var._[319]. Coquille déprimée, orbiculaire, étroitement ombiliquée, spire brièvement conique (sommet obtus), composée de 5 tours convexes, légèrement étagés, à croissance régulière assez rapide ; dernier tour relativement médiocre, légèrement comprimé à sa naissance, très légèrement subcaréné, bien plus convexe dessous que dessus ; sutures peu profondes, ouverture très oblique, semi-lunaire, obtusément subanguleuse vers le milieu du bord externe ; péristome mince, fragile, légèrement réfléchi sur l’ombilic. Diamètre maximum : 12 millimètres ; diamètre minimum : 10 1/2 millimètres ; hauteur maximum : 7 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 5 1/4 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 5 3/4 millimètres. Test mince, fragile, presque transparent, d’un corné légèrement ambré, plus pâle dessous que dessus ; stries fines, irrégulières, onduleuses, un peu obliques, beaucoup plus fines dessous que dessus. Cette variété, qui est avec le _Thapsia nyikana_ la plus grande coquille du genre, diffère de cette dernière : Par sa spire notablement moins haute bien que ses tours soient sensiblement plus convexes et assez nettement étagés ; par son dernier tour proportionnellement plus développé, présentant, en dessus, une convexité beaucoup plus grande ; par son ouverture encore plus oblique ; enfin par son test encore plus finement strié. Téte, 28 décembre 1902. * * * Le genre _Thapsia_ renferme des espèces ressemblant beaucoup aux _Hyalinia_ de la faune européenne appartenant à la série de l’_Hyalinia cellaria_ Müller. Ce sont des coquilles particulièrement répandues dans les régions côtières, aussi bien sur la côte orientale (Abyssinie, Choa, Zanguebar, etc.), que sur la côte occidentale (Sénégal, Guinée, Gabon et îles voisines de ces régions). Les deux espèces précédemment décrites sont, jusqu’ici, les seules qui aient été signalées aussi loin à l’intérieur du continent. Le Dr ED. A. SMITH a également décrit et figuré quelques Thapsies de l’Afrique centrale ; elles proviennent toutes des montagnes qui s’étendent au N.-O. du lac Nyanza, c’est-à-dire d’une région relativement éloignée de celle dont nous étudions en ce moment la faune. Ces Thapsies, qui vivent à des altitudes variant entre 5.000 et 7.000 pieds (1.500 à 2.200 mètres), sont les _Thapsia mixta_ Smith, _Th. masukuensis_ Smith, _Th. simulata_ Smith et _Th. decepta_ Smith, dont on trouvera les descriptions, accompagnées de très exactes figurations, dans le travail du savant malacologiste anglais[320]. Genre TROCHONANINA Mousson[321]. _Trochonanina Adansoniæ_ Morelet. 1848 _Helix Adansoniæ_ Morelet, _Revue zoolog._, p. 351. 1858 _Helix Adansoniæ_ Morelet, _Séries conchyliolog._, I, p. 13, pl. I, fig. 4. 1878 _Conulus Adansoniæ_ Pfeiffer, _Nomenclat._, p. 74. 1886 _Nanina (Trochozonites) Adansoniæ_ Pilsbry, _in_ Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmon._, II, p. 52, pl. XXIV, fig. 3. 1889 _Trochonanina Adansoniæ_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 16. 1896 _Trochozonites Adansoniæ_ d’Ailly, _Mollusques terr. eau douce Kaméroun_, p. 46. M. le Dr DECORSE a recueilli, à Téte, un seul exemplaire de cette espèce. Cet échantillon ne diffère du type, tel qu’il a été figuré par MORELET, que par sa forme un peu moins élevée et ses sutures un peu plus profondes séparant des tours notablement plus convexes. La taille est la même ainsi que la forme de l’ouverture et la sculpture du test qui est représentée par des stries obliques, un peu onduleuses, bien apparentes et paraissant assez profondément sculptées. L’ombilic est étroit, un peu évasé, partiellement recouvert par le péristome qui est réfléchi triangulairement. Il est particulièrement intéressant de retrouver cette espèce, avec seulement quelques modifications secondaires, aussi loin à l’intérieur du continent, alors que MORELET la signale « au _Gabon_, où elle est peu commune, sur le tronc d’un Baobab ». _Trochonanina mesogæa_ Martens. 1895 _Trochonanina mesogæa_ Martens, _Nachrichts. deut. Malakoz. Gesell._, p. 178, no 10. 1898 _Trochonanina mesogæa_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost. Afrik._, p. 50, taf. III, fig. 15. Coquille ombiliquée, trochiforme-déprimée ; spire conique composée de 6 tours convexes à croissance lente et assez régulière séparés par des sutures bien marquées ; dernier tour médiocre, un peu plus convexe dessous que dessus, possédant une carène médiane blanche très accusée ; ouverture oblique, semi-lunaire, péristome simple et aigu, bord columellaire réfléchi triangulairement sur l’ombilic. Diamètre : 19-20 millimètres, hauteur 11-12 millimètres. Test assez solide, corné fauve, plus brillant dessous que dessus ; stries irrégulièrement et obliquement disposées, plus accentuées dessus que dessous. Ndellé. Sous l’écorce des arbres, 4 janvier 1903, 6 échantillons. * * * Le genre _Trochonanina_ a été créé, par MOUSSON, aux dépens des _Trochomorpha_, pour des espèces _coniques, nettement carénées_, toujours plus striées dessus que dessous, et à péristome réfléchi _triangulairement_ sur l’ombilic. Les Trochonanines sont surtout des espèces côtières qui paraissent particulièrement abondantes dans les régions orientales et, plus spécialement, au Mozambique et dans l’Afrique orientale allemande. Les espèces jusqu’ici signalées dans le centre du continent sont très peu nombreuses. _Trochonanina permanens_ Smith[322]. Coquille déprimée, étroitement ombiliquée ; spire brièvement conique, composée de 6 1/2 tours à croissance lente et régulière ; dernier tour orné d’une carène saillante, chez les jeunes, émoussée chez les individus adultes, beaucoup plus bombé dessous que dessus ; ouverture oblique, semi- lunaire. Diamètre maximum : 21 millimètres, hauteur : 12 millimètres. Le test est d’un brun pâle orné de zonules un peu plus sombres dirigées dans le même sens que les stries d’accroissement. Les deux premiers tours de spire présentent une striation spirale caractéristique. Cette espèce a été recueillie dans l’Uganda par M. WILLIAM DOHERTY (septembre 1900-avril 1901). _Trochonanina mesogæ_ von Martens var. _nseudweensis_ Dupuy et Putzeys[323]. Cette variété se distingue du type tel que je l’ai décrit précédemment : Par ses tours un peu plus bombés ; par sa carène plus saillante ; par son ombilic un peu moins ouvert ; enfin par ses stries un peu moins régulières. M. le lieutenant DUPUIS a constaté que cette coquille vivait abondamment dans les régions boisées du Lualaba, ainsi que sur les rives du Haut- Congo, entre Stanley-Falls et Kasongo. _Trochonanina percostulatus_ Dupuis et Putzeys[324]. Coquille subglobuleuse-conoïde ; spire conique, composée de 6-7 tours convexes à croissance lente et régulière ; dernier tour médiocre, nettement caréné ; sutures profondes ; ouverture oblique, subarrondie, bords marginaux réunis par une faible callosité. Hauteur : 5 millimètres. Test peu solide, d’un fauve-corné, régulièrement et obliquement costulé. Cette espèce se rapproche surtout du _Trochonanina Adansoniæ_, mais s’en distingue : par ses tours plus convexes, par ses sutures plus profondes surmontées d’une petite carène ; par sa spire plus étagée, enfin par son ombilic plus grand. Elle habite les environs de Nseudwe, sur les bords du Lualaba[325]. =Famille des ENNEIDAE= Genre ENNEA H. et A. Adams.[326] =_Ennea Gravieri_= Germain[327] _nov. sp._ PLANCHE V, fig. 1. 1907 _Ennea Gravieri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, no 1, p. 65. Coquille subcylindrique, à peine ovalaire ; spire composée de 6 tours médiocrement convexes (les 3 premiers tours étant les plus convexes) ; dernier tour relativement peu développé, subcylindrique ; sutures assez profondes, nettement marginées ; sommet très obtus ; ouverture peu oblique, subquadrangulaire, dépourvue de denticulations ; péristome encrassé et légèrement réfléchi ; bord columellaire nettement réfléchi sur l’ombilic qui est relativement large, entouré d’une angulosité assez émoussée. Longueur : 6 millimètres, largeur max. : 2 1/2 millimètres. Test assez solide, blanc jaunâtre très clair, orné de flammules blanches obliques, un peu onduleuses et parallèles aux stries qui sont fines, sauf aux environs de l’ombilic où elles sont irrégulières et relativement fortes. Cette espèce se rapproche de l’_Ennea latula_ découvert par le Dr STUHLMANN, à Butumbi, au S. du lac Albert-Edouard, et décrit par le Dr von MARTENS[328]. On l’en séparera : Par sa taille beaucoup plus petite (l’_E. latula_ mesure 13-15 millimètres de hauteur pour 9 millimètres de diamètre maximum) ; par sa forme plus cylindrique et plus élancée ; par ses tours plus convexes et, par suite, séparés par des sutures plus profondes ; par son dernier tour proportionnellement plus développé ; enfin par son ombilic beaucoup plus large. Cercle de Krébedjé, octobre 1902 [Dr DECORSE]. * * * Bien que la Mission n’ait recueilli qu’une seule espèce du genre, les _Ennea_ sont des coquilles fort abondantes en Afrique, surtout dans les régions côtières. On en connaît également d’assez nombreuses dans le bassin des grands Lacs[329] et dans le Haut-Congo[330]. Il en est de même des Mollusques de la famille des STREPTAXIDÆ[331], inconnus jusqu’ici dans la région du Chari bien qu’un certain nombre de _Streptaxis_ habitent l’Afrique équatoriale et plus spécialement le Bassin du Congo[332]. Comme les _Ennea_, ces espèces vivent dans la grande forêt équatoriale où on les rencontre soit à terre, sous les détritus de feuilles mortes, soit sous l’écorce des grands arbres. Il est à présumer que de nouvelles recherches feront découvrir de nombreuses espèces d’_Ennea_ et de _Streptaxis_ dans les pays parcourus par la Mission et, principalement, le long des cours d’eau qui, comme l’Oubangui, sont bordés d’une épaisse végétation. =Famille des ACHATINIDÆ= Genre LIMICOLARIA Schumacher[333] _Limicolaria rectistrigata_ Smith. 1880 _Achatina (Limicolaria) rectistrigata_ Smith, _Proceed. zoolog. society London_, p. 346, pl. XXXI, fig. 2 (seulement). 1881 _Limicolaria rectistrigata_ Crosse, _Journal de Conchyliologie_, XXIX, p. 138 et p. 297. 1885 _Limicolaria rectistrigata_ Grandidier, _Bullet. soc. malacolog. France_, II [juillet 1885], p. 162. 1885 _Limicolaria rectistrigata_ Bourguignat, _Mollusques Giraud Tanganika_ [août 1885], p. 28. 1889 _Limicolaria rectistrigata_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équatoriale_, p. 103. 1898 _Limicolaria rectistrigata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost. Afrikas_, p. 110. 1904 _Limicolaria rectistrigata_ Pilsbry _in_ : Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, XVI, p. 292, no 33, pl. XXXIII, fig. 27, 28, 31. 1905-1906 _Limicolaria rectistrigata_ Germain, _Bullet. muséum hist. natur. Paris_, XI, no 4, p. 249, et p. 255 ; XII (1906), no 3, p. 167. BOURGUIGNAT et GRANDIDIER ont séparé, de l’espèce de Smith, deux autres coquilles sous les noms de _Limicolaria Bridouxi_[334] et _Limicolaria Burtoni_[334]. La première, qui serait l’espèce figurée par SMITH[335] dans les _Proceedings_ de la Société zoologique de Londres comme une variété de son _Limicolaria rectistrigata_ ne saurait se distinguer autrement du type, ainsi que je l’ai montré en étudiant les riches matériaux rapportés du lac Tchad par M. le lieutenant L. LACOIN[336]. Quant au _Limicolaria Burtoni_[337], il paraît en effet assez distinct du type _rectistrigata_ dont il se sépare : par sa forme générale moins élancée, relativement très ventrue inférieurement ; par son dernier tour plus arrondi et par son ouverture moins nettement ovalaire. De nouveaux matériaux seraient nécessaires pour décider de la valeur de cette coquille que je considère, actuellement, comme une mutation _ventricosa_ du _Limicolaria rectistrigata_. Le _Limicolaria rectistrigata_ est une espèce polymorphe. La spire qui, normalement, possède 8 tours à croissance lente et _très régulière_, s’allonge plus ou moins, donnant parfois à la coquille une apparence très élancée. D’ailleurs, dans beaucoup des exemplaires recueillis sur les bords du Tchad, il y a tendance très nette à l’élongation. L’épiderme est brillant, orné, sur un fond corné pâle, de flammules rougeâtres devenant jaunes après la mort de l’animal. Dimensions Longueur Largeur Hauteur de Diamètre maximum l’ouverture de l’ouverture Échantillon _a_) 43 mill. 17 mill. 16 mill. 8 mill. — _b_) 44 — 17 — 16 — 8 1/4 —[338] — _c_) 40 — 16 — 16 — 8 — — _d_) 42 1/2 — 16 — 17 — 8 1/2 — — _e_) 38 — 16 — 15 — 7 — Découverte sur les bords du lac Tanganika où cette espèce serait abondante, elle paraît encore plus commune dans le bassin du Tchad où elle semble particulièrement répandue dans les archipels qui couvrent une partie de la région Ouest du lac. Lac Tchad, archipel Kouri [octobre 1903] ; 10 exemplaires. _Limicolaria Charbonnieri_ Bourguignat. 1889 _Limicolaria Charbonnieri_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._ (mars 1889) ; p. 102 et p. 104, pl. VI, fig. 7-8. 1898 _Limicolaria Charbonnieri_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost- Afrikas_, p. 112, taf. V, fig. 2. 1904 _Limicolaria Charbonnieri_ Pilsbry _in_ : Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, XVI, p. 293, no 65, pl. XXXI, fig. 1-2-3 [Copie des fig. de Bourguignat]. 1905-1906 _Limicolaria Charbonnieri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 4, p. 225 ; et XII, no 3, p. 167. Un seul échantillon conforme à la figuration donnée par von MARTENS. Il a été recueilli sur la terre humide, en juin 1903, entre le lac Iro et le pays de Corbol (territoire du Chari). =_Limicolaria centralis_= Germain. 1904 _Limicolaria centralis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 7, p. 466. Coquille de grande taille, assez étroitement perforée, glandiniforme ; spire allongée, conique, composée de neuf tours très peu convexes, à profil presque plan, séparés par des sutures peu profondes quoique très nettement indiquées ; sommet très obtus ; dernier tour grand, médiocrement convexe, formant les 64/100 de la hauteur totale de la coquille ; ouverture très peu oblique, très anguleuse en haut, bien arrondie en bas, largement convexe extérieurement ; péristome droit et aigu ; bord columellaire à peine arqué, un peu oblique, réfléchi sur l’ombilic ; bords marginaux réunis par une très faible callosité blanche. Longueur : 79 millimètres ; largeur maximum : 33 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 37 millimètres ; largeur de l’ouverture : 18 millimètres. [Illustration : FIG. 85. — _Limicolaria centralis_ Germain. Réduit de 1/3.] Test médiocrement épais, solide, orné de stries très fines et très peu onduleuses, légèrement obliques, régulières, à peine plus saillantes aux environs de l’ouverture, coupées de quelques rares stries spirales fort peu visibles et très espacées. Couleur d’un jaune paille clair, uniforme du côté de l’ouverture, marqué, du côté opposé, de quelques rares flammules légèrement plus sombres que le reste de la coquille. Ce nouveau _Limicolaria_ se distingue du _L. turriformis_ Martens : Par sa forme relativement moins haute pour une égale largeur maximum ; par sa spire à tours moins nombreux et à croissance plus rapide ; par son dernier tour relativement beaucoup plus grand puisqu’il atteint les 64/100 de la hauteur totale alors qu’il n’en est que les 57/100 chez le _L. turriformis_ ; par ses sutures moins profondes ; par son ouverture relativement plus grande (elle atteint 37 millimètres pour une coquille de 74 millimètres de hauteur ; un _L. turriformis_ possédant la même ouverture aurait 92 millimètres de hauteur) ; par sa columelle plus fortement plissée ; etc... Le Soudan français, à travers la boucle du Niger (Mission du général DE TRENTINIAN, 1898), 2 exemplaires. _Limicolaria Kambeul_ Adanson. 1757 _Le Kambeul_ Adanson, _Hist. natur. Sénégal, Coquillages_, p. 14, pl. I, fig. 1. 1791 _Bulimus Kambeul_ Bruguière, _Encyclop. méthod._, Vers, I, p. 322, no 40. 1819 _Bulimus Kambeul_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, VI, p. 121, no 15. 1820 _Bulimus Kambeul_ de Férussac et Deshayes, _Hist. natur. Mollusques terr. fluv._, II, p. 109, pl. 141A, fig. 1-2 (_seulement_). 1838 _Bulimus Kambeul_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, édition IIe par Deshayes, VIII, p. 227, no 15 (_excl. synony._). 1848 _Bulimus Adansoni_ Pfeiffer, _Monogr. Heliceorum vivent._, II, p. 179 (_excl. synony. Cailliaud_, etc.). 1886 _Limicolaria Kambeul_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoologique France_, XI, p. 475 (à part, p. 5). 1890 _Limicolaria Kambeul_ Dautzenberg, _Mémoires soc. zoolog. France_, III, p. 130. 1904 _Limicolaria Kambeul_ Pilsbry _in_ : Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, XVI, p. 251, no 7, pl. XXIV, fig. 4. Parmi les assez nombreux échantillons de cette espèce recueillis au cours de la Mission Chari-Tchad, trois seulement sont adultes. Leur test est assez épais, très solide, d’un brun fauve maculé d’élégantes flammules jaunâtres. Hauteur : 74-76 millimètres ; diamètre maximum : 36-38 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 35-38 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 20 millimètres[339]. Les échantillons jeunes ont, en moyenne, les dimensions suivantes : hauteur : 59 millimètres ; diamètre : 29 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 32 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 15 millimètres. Le Soudan français, à travers la boucle du Niger [Mission du général DE TRENTINIAN, 1898] ; 3 exemplaires. M’Baô [Sénégal moyen] [Mission du général DE TRENTINIAN, 7 décembre 1898] ; 1 échantillon jeune recueilli dans la brousse. Carabane (Casamance) [A. CHEVALIER, janvier 1900] ; 1 exemplaire jeune trouvé dans la brousse. Région avoisinant le N.-E. du lac Tchad [M. A. CHEVALIER, octobre 1903] ; 1 échantillon jeune. _Limicolaria turris_ Pfeiffer. 1860 _Limicolaria turris_ Pfeiffer, _Proceed. zoolog. society London_, p. 25, pl. II, fig. 3. 1866 _Limicolaria turris_ Pfeiffer, _Novitates Concholog., ser. prima, Mollusca extramarina_, II, p. 162, pl. XLIV, fig. 1-3. 1873 _Achatina turris_ Martens, _Malakozoolog. Blätter_, XXI, p. 38. 1874 _Limicolaria Adansoni_ Jickeli, _Land- und Süsswass. Mollusk. Nordostafr._, p. 154, taf. VI, fig. 3-4 [_excl. syn._]. 1897 _Limicolaria turris_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 103. 1904 _Limicolaria Kambeul_ var. _turris_. Pilsbry _in_ : Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, XVI, p. 252, pl. XXV, fig. 9-10-11 [Copie des figures de Pfeiffer]. 1906 _Limicolaria turris_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_. XII, no 3, p. 168. Le test est, chez cette espèce, orné de stries longitudinales très serrées coupées par des stries spirales fortes et plus espacées. La coloration est marron, présentant le plus souvent quelques flammules rousses peu apparentes, plus foncées que le reste de la coquille. Longueur : 99-101-115 millimètres ; diamètre maximum : 43-45-46 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 47-50-54 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 20-23-25 millimètres. Kaga Pongourou (territoire du Chari), dans les rochers [A. CHEVALIER, 6 décembre 1902] ; 2 échantillons. Dans le Baguirmi, au sud-ouest du Dekakiré (territoire du Chari) [A. CHEVALIER, juillet 1903] ; 1 échantillon. Région avoisinant le nord-est du lac Tchad ; octobre 1903 ; 1 échantillon. Les bords du Gribingui [A. CHEVALIER et DECORSE, mars 1904] ; 1 échantillon. Variété =_Duperthuisi_= Germain[340]. 1906 _Limicolaria turris_ var. _Duperthuisi_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 3, p. 168. Coquille de très grande taille, différant en outre du type : Par sa forme plus notablement élancée ; par sa spire composée de 11 à 12 tours (on n’en compte que 10 dans le type _turris_) ; par son dernier tour relativement moins développé en hauteur ; par sa columelle plus tordue ; par son ouverture plus petite ; enfin par son test beaucoup plus épais, crétacé, d’un jaune rougeâtre, orné de quelques rares flammules plus sombres, surtout visibles sur les premiers tours de spire, très fortement atténuées sur le dernier. Le mode de sculpture du test est le même que chez le _L. turris_, mais il est beaucoup plus accentué : les stries longitudinales fortes, un peu saillantes, bien onduleuses, sont coupées de stries spirales également très fortes mais un peu espacées ; la coquille présente ainsi une apparence réticulée nettement accentuée. Longueur max. : 123 millimètres ; diamètre max. : 50 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 55 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 23 millimètres. Pays de Corbol, entre le lac Iro et le moyen Chari, juillet 1903 ; 1 exemplaire recueilli sur le sol, dans la savane. Variété =_pallida_= Germain, _nov. var._ Même forme que le type ; test à sculpture un peu plus délicate, d’une couleur jaune paille uniforme. C’est cette variété que Pfeiffer a fait très exactement représenter, pl. XLIV, fig. 3, dans le tome II de ses _Novitates Conchologicæ_. Les bords du Gribingui [A. CHEVALIER et DECORSE, mars 1904] ; 1 exemplaire. _Limicolaria turriformis_ Martens. 1893 _Limicolaria turriformis_ Martens, _Nachrichts. deutsch. Malakozool. Gesellsch._, décembre, p. 181. 1898 _Limicolaria turriformis_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 102, Taf. IV, fig. 11. 1904 _Limicolaria turriformis_ Pilsbry _in_ : Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, XVI, p. 296, pl. XXXII. 1906 _Limicolaria turriformis_ Germain, _Mémoires soc. zoolog. France_, XIX, p. 221. 1906 _Limicolaria turriformis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 3, p. 168. [Illustration : FIG. 86. — _Limicolaria turriformis_ Martens, var. _obesa_ Germain.] Tous les échantillons rapportés par la mission Chari-Tchad se rapportent au type décrit et figuré par von MARTENS. L’un d’eux passe à la variété _obesa_ Germain[341] [Figure 86], mais la plupart ont, au contraire, tendance à l’élongation de la spire. Environs du fort de Yelimane (Soudan français), avril 1893 [Mission du général de TRENTINIAN] ; 1 exemplaire. Loya, dans le sable, 1895 (M. le général de TRENTINIAN) ; 1 exemplaire. Le Chari, aux environs de Fort-Lamy (Dr DECORSE) ; 2 échantillons. * * * Le _Limicolaria connectens_ Martens[342] est, en dehors des espèces mentionnées précédemment, la seule coquille de ce genre signalée dans ces régions. C’est une espèce très voisine du _Limicolaria rectistrigata_ Smith et qui s’en distingue par sa forme plus allongée, mais surtout par son test unicolor, généralement d’un corné jaunâtre subtransparent. Hauteur : 39 millimètres ; diamètre : 16 millimètres. Environs de Sabaukafi, dans le Damergou (M. F. FOUREAU), 1899. Archipel Kilewa, lac Tchad, juin 1902 (M. le lieutenant L. LACOIN). * * * La grande famille des ACHATINIDÆ paraît, en dehors du genre _Limicolaria_, assez mal représentée dans le bassin du Chari-Tchad. On n’y connaît, jusqu’ici, aucun représentant des genres _Serpæa_ Bourguignat et _Perideris_ Shuttleworth, bien que d’assez nombreuses espèces du premier aient été signalées dans la région des grands lacs et même dans le Haut-Congo. Les _Perideriopsis_ sont plus répandus : MM. DUPUIS et PUTZEYS en ont décrit plusieurs qui vivent sur les rives du Congo, notamment dans la partie de la grande forêt équatoriale qui s’étend aux environs de Stanley-Falls[343]. D’autre part, MM. A. CHEVALIER et le Dr DECORSE ont recueilli, aux environs de Krebedjé et dans le Mamoun (pays de Senoussi), une vingtaine d’échantillons d’un _Perideriopsis_ malheureusement trop jeune pour être déterminé spécifiquement. Il est donc très probable que de nouvelles recherches conduiront à la découverte d’espèces de ce genre dans le Bassin du Chari, et notamment le long des rives boisées de l’Oubangui. Par contre, divers explorateurs, et surtout MM. F. FOUREAU et DUPERTHUIS, ont rapporté les quelques espèces suivantes appartenant aux genres _Burtoa_ et _Achatina_. Genre BURTOA Bourguignat[344]. _Burtoa nilotica_ Pfeiffer[345]. — Coquille ovoïde, très ventrue ; spire courte, composée de 6 tours convexes, le dernier énorme, formant à peu près les 2/3 de la hauteur totale ; sommet obtus, ouverture grande, particulièrement dilatée inférieurement, bord columellaire droit et réfléchi. Hauteur : 107 millimètres, largeur max. : 72 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 66 millimètres ; largeur de l’ouverture : 42 millimètres. Test épais, solide, orné de stries longitudinales assez fortes, coupées par des stries spirales plus faibles. La région du Kanem (région orientale du lac Tchad) [M. le capitaine DUPERTHUIS][346]. Genre ACHATINA de Lamarck[347]. _Achatina marginata_ Swainson[348]. — Coquille ovalaire ; spire conique, composée de 7 tours convexes, le dernier ventru, formant les 5/9 de la hauteur totale ; sommet obtus ; ouverture ovalaire un peu allongée, columelle épaissie, arquée, brièvement tronquée à la base ; péristome simple, droit et aigu. Longueur : 120 millimètres, largeur : 63 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 70 millimètres ; diamètre : 40 millimètres. Test épais, solide, un peu luisant, finement strié, orné, sur un fond fauve, de flammules fulgurantes d’un châtain foncé. Bords du Gribingui, 23 mai 1900 [M. F. FOUREAU]. _Achatina Schweinfurthi_ Martens[349], var. _Foureaui_[350], Germain[351]. — Cette belle coquille, que je figure ici (fig. 87), diffère du type : [Illustration : FIG. 87. — _Achatina Schweinfurthi_ Martens, var. _Foureaui_ Germain.] Par sa spire, dont les premiers tours sont proportionnellement moins élevés ; par son ouverture plus élargie à la base et plus largement convexe vers le bord externe ; par sa columelle plus tordue ; enfin par sa taille plus faible. Hauteur max. : 177 millimètres, largeur max. : 58 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 63 millimètres, diamètre de l’ouverture : 36 millimètres. Bien qu’ayant sensiblement les mêmes dimensions que l’_Achatina zanzibarica_ Bourguignat[352], la variété _Foureaui_ s’en distingue facilement par sa columelle beaucoup plus tordue (chez l’_A. zanzibarica_,la columelle est encore moins tordue que chez l’_A. Schweinfurthi_), mais surtout par son ouverture beaucoup plus élargie à la base, ainsi que l’indique la figure ci-dessus (fig. 87). Les environs de Sabaukafi, dans le Damergou, octobre 1899 [M. F. FOUREAU]. _Achatina Weynsi_ DAUTZENBERG[353]. — Coquille ovoïde-allongée ; spire composée de 8 tours convexes séparés par des sutures assez profondes ; dernier tour formant environ les 2/3 de la hauteur totale ; ouverture subovalaire égalant à peu près la moitié de la hauteur totale ; columelle presque droite, à peine tordue. Test orné, sur fond blanc, de flammules d’un brun-noirâtre, très larges et disposées en zigzags. Hauteur 93 millimètres ; diamètre max. : 50 millimètres. Cette belle coquille, remarquablement figurée par M. DAUTZENBERG, habite les rives du Haut-Congo. M. DUPERTHUIS a recueilli dans le Kanem, sur la côte orientale du lac Tchad, deux exemplaires d’une _Achatina_ que je rapporte, comme variété, à cette espèce. var. =_Duperthuisi_= Germain, _nov. var._ [Illustration : FIG. 88 — _Achatina Wynsei_ Dautzenb., var. _Duperthuisi_ Germ. Réduit de 1/3.] Coquille moins ventrue, spire composée de 9 tours convexes séparés par des sutures plus distinctement marginées ; dernier tour plus étroitement ovoïde, formant les 2/3 de la hauteur totale. Ouverture de même forme, mais plus étroite ; columelle notablement plus tordue. Hauteur maximum : 98 millimètres, diamètre maximum : 53 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 44-46 millimètres, diamètre de l’ouverture : 22-23 millimètres. Même test. _Achatina rugosa_ Putzeys[354]. — Coquille de forme subconique très allongée ; spire composée de 7-8 tours convexes, le dernier grand, formant près des 2/3 de la hauteur totale ; ouverture ovalaire, allongée, bien anguleuse en haut, régulièrement arrondie en bas ; bords marginaux réunis par une callosité bleuâtre. Longueur : 130 millimètres ; diamètre max. : 60 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 70 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 60 millimètres. Test solide, fauve ou châtain foncé ; stries d’accroissement fortes et rugueuses, coupées par des lignes spirales. Cette espèce, d’abord découverte dans les forêts qui s’étendent sur la rive droite du Lualaba, a été retrouvée en un grand nombre de points de la rive droite du Congo, jusqu’aux environs de Stanley-Falls. Il est donc probable qu’on la retrouvera un peu plus au nord, sur les rives de l’Oubangui. L’explorateur français Ed. FOA l’a également recueillie dans le Haut Congo. Genre SUBULINA Schumacher. _Subulina octona_ Chemnitz. 1786. _Helix octona_ Chemnitz, _Conchylien cabinet_, IX, part. 2, p. 190, Taf. CXXXVI, fig. 1264. 1792. _Bulimus octonus_ Bruguière, _Encyclopédie méthod._ ; Vers ; I, p. 325, no 47. 1822. _Bulimus octonus_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, VI, part. 2 (avril 1822), p. 125, no 27. 1837. _Subulina octona_ Beck, _Index Mollusc._, p. 77, no 8. 1838. _Bulimus octonus_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, édit. 2 (par DESHAYES), VIII, p. 233, no 27. 1838. _Achatina octona_ Potiez et Michaud, _Galerie Mollusques Douai_, I, p. 129, Taf. XI, fig. 13. 1848. _Achatina octona_ Pfeiffer, _Monogr. heliceor. vivent._, II, p. 266, no 65. 1853. _Achatina octona_ d’Orbigny, _Mollus. Cuba_, I, p. 168, pl. XI, fig. 4-6. 1860. _Achatina octona_ Morelet, _Séries Conchyl._, I. p. 72. 1889. _Achatina octona_ Morelet, _Journ. de Conchyl._, XXXVII, p. 363. 1898. _Subulina octona_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 123. 1900. _Stenogyra octona_ Dautzenberg, _Mém. soc. zoolog. France_, XIII, p. 153. 1906. _Subulina octona_ Germain, _Mollusques Foa lac Tanganika_. Cette espèce, originaire de l’Amérique, a été signalée en de nombreuses localités d’Océanie, notamment à la Nouvelle-Calédonie, à Java et à Sumatra. En Afrique le _Subulina octona_ se rencontre non seulement à Madagascar, mais encore sur la côte de Zanzibar et du Zanguebar. M. A. CHEVALIER l’a également recueillie dans les localités suivantes : Cercle de Krébedjé (septembre 1902) ; 2 exemplaires. Téte (Dr DECORSE, 28 décembre 1902) ; 1 exemplaire. =_Subulina krebedjeensis_= Germain, _nov. sp._ PLANCHE V, fig. 17. Coquille assez grande, très allongée, cylindro-conique ; spire très haute, d’abord presque régulièrement cylindrique dans le premier tiers de son développement, puis conique dans le reste, composée de 11 tours médiocrement convexes séparés par des sutures linéaires assez profondes ; sommet obtus ; dernier tour caréné (carène à peine saillante, fortement émoussée, particulièrement sensible aux environs immédiats de l’ouverture), à peine plus grand que l’avant-dernier et légèrement plus convexe ; ouverture peu oblique, petite, ovalaire, anguleuse en haut et en bas ; columelle courte, incurvée, nettement tronquée à la base ; bords réunis par une callosité à peine indiquée. Hauteur : 18 millimètres ; diamètre maximum : 4 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 4 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 2 millimètres. Test médiocrement épais, solide, d’un châtain jaunâtre peu brillant, très fortement strié ; stries saillantes, très serrées, obliques et légèrement onduleuses, particulièrement fortes sur les tours médians, atténuées sur le dernier tour et, plus spécialement, vers l’ombilic. Cercle de Krebedjé [Dr DECORSE, octobre 1902] ; un seul échantillon. * * * Les deux Subulines précédemment étudiées sont les seules qui ont été jusqu’ici signalées dans les contrées traversées par la Mission. Il est à remarquer qu’un grand nombre d’espèces de ce genre et des genres voisins : _Opeas_ Albers, _Pseudopeas_ Putzeys, _Hapalus_ Albers, _Geostilbia_ Crosse, etc., ayant été signalées dans l’Afrique orientale allemande et anglaise, ainsi que dans le haut bassin du Congo, de nouvelles recherches conduiront à la découverte de ces Mollusques dans le bassin du Chari. =Famille des LIMNÆIDÆ= Genre LIMNÆA Bruguière[355]. _Limnæa humerosa_ Martens. 1898. _Limnæa humerosa_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 135, Taf. VI, fig. 1. Coquille d’assez grande taille, ovalaire allongée ; spire courte, un peu aiguë, composée de 4 tours à croissance très rapide ; dernier tour très grand, ovalaire-allongé ; columelle mince, tordue ; ouverture grande, subovale, anguleuse en haut, bien arrondie en bas et à bord externe subrectiligne ; bords réunis par une callosité blanche. Hauteur : 20 1/2 millimètres ; diamètre : 11 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 15 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 7 millimètres[356]. Test mince, fragile, d’un corné pâle, assez finement strié. Cette espèce, qui était connue du lac Victoria-Nyanza et de l’Uganda, a été recueillie, par M. CHEVALIER, dans le Mamoun en mars 1903. 1 seul exemplaire. _Limnæa undussumæ_ Martens. 1898. _Limnæa undussumæ_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 135, Taf. I, fig. 18 et Taf. VI fig. 2 et 5. Coquille de taille moyenne ; forme ovalaire assez allongée ; spire courte, aiguë, composée de 4-5 tours convexes à croissance très rapide séparés par des sutures profondes ; dernier tour très grand ; ouverture subovalaire, anguleuse en haut, bien arrondie en bas, à bord externe subrectiligne, égale aux 3/4 de la hauteur totale ; bords marginaux réunis par une callosité blanche assez marquée. Longueur max. : 20 millimètres ; largeur max. : 13 mill. ; hauteur de l’ouverture : 15 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 7 1/2 millimètres. Test mince, fragile, finement et irrégulièrement strié, d’un jaune corné pâle. Le Ndellé, avril 1903 (A. CHEVALIER). Le Mamoun, territoire du Chari, mars 1903 ; 20 exemplaires recueillis avec _Physa (Isodora) strigosa_ Martens, _Sphærium Courteti_ Germain et _Eupera parasitica_ Parreyss. Variété =_Courteti_= Germain PLANCHE V, fig. 2. 1904. _Limnæa undussumæ_ var. _Courteti_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur._, Paris, X, no 7, p. 467. Coquille différant du type : Par sa spire plus allongée, à tours plus convexes, séparés par des sutures plus profondes, et surtout par son ouverture plus oblique, moins régulièrement ovalaire. Même test. Longueur : 17 millimètres, largeur : 8 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 12 millimètres ; largeur de l’ouverture : 5 millimètres. Cours d’eau du pays Mamoun ; mars 1903 [A. CHEVALIER] ; 3 exemplaires. =_Limnæa tchadiensis_= Germain PLANCHE V, fig. 3. 1905. _Limnæa tchadiensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, 1905, XI, no 6, p. 484. Coquille ovalaire-oblongue, pourvue d’une fente ombilicale presque entièrement recouverte ; spire brièvement conique, composée de 3 1/2-4 tours à croissance rapide ; les deux premiers très peu développés, nettement convexes, séparés par des sutures bien marquées ; sommet obtus ; dernier tour très grand, bien ovalaire-allongé, formant, à lui seul, plus des 4/5 de la hauteur totale de la coquille ; ouverture peu oblique, ovale-oblongue, bien anguleuse supérieurement, largement arrondie inférieurement et à bord externe convexe ; bord columellaire d’abord presque droit, puis très fortement tordu supérieurement ; péristome droit, aigu et fragile. Hauteur max. : 11 millimètres ; diamètre max. : 6 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 9 1/4 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 4 1/2 millimètres. Test fragile, translucide, d’un jaune blanchâtre très pâle, brillant, orné de stries extrêmement fines, serrées et un peu onduleuses. Cette nouvelle espèce, qui se rapproche surtout du _Limnæa undussumæ_ MARTENS, s’en distingue facilement : Par sa forme moins longuement allongée ; par sa spire beaucoup plus brève, composée de tours plus convexes et, par suite, séparés par des sutures plus profondes ; par son ouverture plus largement ovalaire, plus nettement anguleuse en haut, mais beaucoup plus régulièrement arrondie en bas ; par sa columelle extrêmement tordue, remarquable, en outre, par son aspect filiforme ; etc... Le S.-E. du lac Tchad (A. CHEVALIER) ; 2 exemplaires. * * * Deux autres Limnées seulement ont, jusqu’ici, été recueillies dans le lac Tchad : _Limnæa africana_ Ruppell[357]. — Coquille ovalaire-ventrue, très étroitement ombiliquée ; spire courte, subconique, composée de 4 tours à croissance très rapide, le dernier très développé, atteignant les 3/4 de la hauteur totale ; suture peu profonde ; ouverture faiblement oblique, ovalaire-oblongue, sensiblement élargie à sa partie inférieure ; bords marginaux réunis par une callosité très accentuée ; péristome droit et aigu. Hauteur 20-22 millimètres ; diamètre max. : 10-11 millimètres. Test mince, fragile, presque transparent, corné pâle ou légèrement ambré, très finement strié. Le Tchad N.-E., dans la région de Suoulou [M. F. FOUREAU]. _Limnæa exserta_ MARTENS[358]. — Coquille fusiforme assez allongée ; spire composée de 5 tours convexes, le dernier très grand, régulièrement convexe ; sommet aigu ; ouverture étroitement ovalaire, égale aux 7/10 de la hauteur totale de la coquille ; columelle médiocrement épaissie et faiblement tordue. Hauteur : 13 millimètres, diamètre max. : 7 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 10 millimètres, diamètre de l’ouverture : 5 millimètres. Test mince, fragile, corné pâle, très finement strié[359]. Habite le lac Tchad, dans la région de Suoulou, en compagnie de l’espèce précédente [M. F. FOUREAU]. Genre PHYSA Draparnaud[360]. § 1. — _ISODORA_ Ehrenberg[361]. _Physa (Isodora) trigona_ Martens. 1892. _Physa trigona_ Martens, _Sitz. ber. d. gesel. nat. Freunde_, p. 17. 1898. _Isodora trigona_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 138, taf. VI, fig. 8 [et figure des dents de la radule, à la p. 138]. Coquille trigone par suite du grand développement de la région supérieure du dernier tour de spire ; spire presque plane, composée de 3 1/2-4 tours, les 3 premiers enroulés sur un même plan, le dernier très grand, formant à lui seul presque toute la coquille, remarquablement turgescent à sa partie supérieure, très atténué en bas ; ouverture semi- elliptique, à peu près aussi haute que la coquille ; columelle assez tordue. Hauteur : 9-12 millimètres ; diamètre : 8-10 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 8 1/2-11 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 5-8 millimètres. Test médiocrement solide, blanchâtre ou jaunacé très clair, finement strié. Cette espèce est assez polymorphe. Le type figuré par MARTENS est rare[362] ; dans la grande majorité des cas, l’ouverture ne dépasse pas le sommet, mais atteint seulement la partie supérieure du dernier tour. L’allure de la spire est également variable : certains exemplaires ont une spire plus haute, composée de tours très légèrement étagés et non plans. Enfin, dans quelques cas, la columelle est remarquablement tordue. Nous distinguerons dès lors les variétés _ex forma_ suivantes : Var. EX FORMA : _alta_ Germain. Spire plus haute, à tours plus convexes. Var. _columellaris_ Germain. Columelle beaucoup plus tordue ; même test. Var. _solida_ Germain. Test bien plus épais, plus solide. Le S.-E. du lac Tchad. Une quinzaine d’échantillons (M. CHEVALIER, 1904). _Physa (Isodora) truncata_ de Férussac. 1856. _Physa truncata_ de Férussac _in_ : Bourguignat, _Aménités malacolog._, I, p. 170, pl. XXI, fig. 5-7. 1864. _Physa truncata_ Bourguignat, _Malacolog. terr. fluv. Algérie_, II, p. 176, pl. X, fig. 47-49. 1866. _Physa truncata_ Martens, _Malakozool. Blätter_, p. 5. 1886. _Physa truncata_ Clessin _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. cabinet ; Limnæiden_, p. 321, no 165. Taf. XXXIX, fig. 4. 1905. _Physa truncata_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6, p. 488. Cette Physe, surtout abondante en Egypte, n’avait pas encore été signalée dans l’Afrique équatoriale. M. A. CHEVALIER en a recueilli, en 1904, deux exemplaires dans le S.-O. du lac Tchad. Ils sont parfaitement conformes à ceux figurés par BOURGUIGNAT. Le _Physa truncata_ est une espèce voisine du _Physa Brocchii_ Ehrenberg[363]. On l’en distinguera : Par sa spire beaucoup plus courte, presque plane en dessus ; par ses tours plus convexes, plus contournés et plus ventrus ; par sa suture plus profonde ; etc. _Physa (Isodora) strigosa_ Martens. 1892. _Physa nyassana_ ? Smith, _Annals and mag. natur. history_ ; 6e série, X, no 56 (août 1892), p. 123. 1898. _Isodora strigosa_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 139, Taf. VI, fig. 11. Cette espèce paraît abondante dans le lac Tchad ; M. CHEVALIER en a recueilli une vingtaine d’exemplaires ; M. le lieutenant LACOIN en avait également récolté de nombreux échantillons. A côté des individus typiques dont le test présente, ainsi que l’a fait remarquer MARTENS[364], une assez grande analogie avec celui de _Physa contorta_ MICHAUD[365], il existe beaucoup d’exemplaires, provenant du même lot, qui constituent des termes de passage entre cette espèce et le _Physa Randabeli_ BOURGUIGNAT[366]. J’ai déjà signalé ce fait à propos des matériaux recueillis par M. FOUREAU au cours de sa Mission saharienne[367]. Il faudrait cependant de nouveaux documents pour que l’on puisse réunir, en toute connaissance de cause, l’espèce de Martens à celle de Bourguignat. =_Physa (Isodora) tchadiensis_= Germain. 1905. _Physa (Isodora) tchadiensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6, p. 485. 1906. _Physa (Isodora) tchadiensis_ Germain, _Mémoires soc. zoologique France_, XIX, p. 225, pl. IV, fig. 3-6. Coquille senestre, ovalaire ventrue, très étroitement ombiliquée ; spire très courte, obtuse, très tordue, composée de 4 tours à croissance très rapide, séparés par des sutures très profondes ; dernier tour très grand, régulièrement convexe, formant à lui seul les 7/8 environ de la hauteur totale de la coquille ; sommet nettement déprimé et comprimé ; ouverture presque verticale, ovalaire allongée ; columelle un peu arquée et réfléchie sur l’ombilic ; péristome droit et aigu, bordé intérieurement d’un léger bourrelet blanchâtre ; bords réunis par une callosité blanchâtre assez marquée. Hauteur : 10-11 millimètres ; diamètre : 7 1/2-8 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 6 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 4 1/2 millimètres. Test subtransparent, assez solide, d’un jaune pâle ou ambré plus ou moins foncé, orné de stries fines, peu régulières et légèrement onduleuses. Le _Physa tchadiensis_ se distinguera toujours du _Physa strigosa_ Martens : Par sa forme plus allongée ; par sa spire plus haute, à tours beaucoup plus convexes, séparés par des sutures bien plus profondes, ce qui donne à la coquille une apparence scalariforme ; par son dernier tour très ventru ; par son ouverture beaucoup plus petite, moins ovale-allongée, avec un bord externe très largement convexe inséré plus bas. Cette Physe qui, à première vue, paraît largement ombiliquée, n’a, en réalité, qu’une fente ombilicale extrêmement étroite ; mais elle est bordée, à une distance plus ou moins grande suivant les échantillons, par une saillie très apparente du dernier tour, en tous points comparable à l’angulosité qui entoure l’ombilic chez les Lanistes du groupe du _Lanistes lybicus_ Morelet. Variété =_regularis_= Germain. PLANCHE V, fig. 6. 1905. _Physa (Isodora) tchadiensis_ var. _regularis_ Germain, _loc. cit._, XI, no 6, p. 485. Diffère du type par son enroulement plus régulier, sa spire moins tordue, dont le dernier tour, bien régulièrement convexe, est notablement plus développé. Même test. Le _Physa tchadiensis_ est une espèce très polymorphe, tant au point de vue de la forme générale qu’au point de vue de la coloration du test. En dehors de la variété _regularis_, il existe une variété _disjuncta_ Germain, que n’a point rapportée M. CHEVALIER, qui est caractérisée par une spire extrêmement tordue à tours encore beaucoup plus convexes que chez le type[368]. La région S.-E du lac Tchad. 15 échantillons du type et 2 de la variété _regularis_. Lac Tchad, archipel Kouri ; octobre 1903. =_Physa (Isodora) Vaneyi_= Germain, _nov. sp._[369]. 1907. _Physa (Isodora) Vaneyi_ Germain, _Bulletin Muséum hist nat. Paris_ ; no 1, p. 65. Coquille senestre, ovalaire-ventrue, très étroitement ombiliquée (ombilic réduit à une simple fente, le plus souvent entièrement recouverte par le bord columellaire) ; spire courte, obtuse (sommet comprimé et déprimé), composée de 4-5 tours, les trois premiers tellement déprimés qu’ils sont presque enroulés sur un même plan ; croissance extra rapide ; dernier tour énorme formant, à lui seul, presque toute la coquille, assez régulièrement convexe, légèrement subtrigone par suite de la turgescence de sa partie supérieure ; suture peu profonde ; ouverture oblique, semi-elliptique, relativement étroite, très anguleuse en haut, subanguleuse en bas ; columelle bien arquée, réfléchie sur l’ombilic ; péristome droit et aigu ; bords réunis par une callosité blanchâtre assez marquée. Hauteur : 10-12 1/2 millimètres ; diamètre : 7-8 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 9-10 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 4-5 millimètres. Test blanchâtre, légèrement jaunacé, assez brillant, un peu mince, assez solide ; stries très fines, bien régulières, médiocrement serrées. Lac Tchad, archipel Kouri, octobre 1903 [A. CHEVALIER] ; 3 exemplaires. § 2. — _PYRGOPHYSA_ Crosse[370]. _Physa (Pyrgophysa) Forskali_ Ehrenberg. 1831. _Isodora Forskali_ Ehrenberg, _Symbol. physic. animal._, no 3. 1856. _Physa Forskali_ Bourguignat, _Revue et mag. zool._, et _Aménités malacolog._, I, p. 174. 1866. _Physa Forskali_ Martens, _Malakozool. Blätter_, p. 6 et p. 100. 1869. _Physa Forskali_ Martens, _Malakozool. Blätter_, p. 213. 1872. _Physa Forskali_ Morelet, _Ann. Mus. civ. Genova_, III, p. 208. 1874. _Physa Forskali_ Jickeli, _Fauna der land- und Süssw. Mollusken Nord-Ost Afrik._, p. 198 (_part._), taf. VII, fig. 13 c. 1883. _Physa Forskali_ Bourguignat, _Malacolog. de l’Abyssinie_, p. 127. 1886. _Physa Forskali_ Clessin, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabinet ; Limnæiden_, p. 320, no 164, taf. XXXIX, fig. 2. 1891. _Physa Forskali_ Martens, _Sitz. ber. d. gesell. naturf. Freunde_, p. 17. 1898. _Isodora Forskali_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 141, taf. I, fig. 15. Il est probable que le _Physa (Isodora) lamellosa_ ROTH[371] n’est qu’un jeune de cette espèce abondante dans tous les cours d’eau de l’Afrique Orientale. Pays Batolo, Dar Banda, décembre 1902 [A. CHEVALIER] ; 7 exemplaires. Kousri, septembre 1903, 6 échantillons ; et octobre 1903 ; 5 échantillons dont 3 jeunes [Dr DECORSE]. _Physa (Pyrgophysa) Dunkeri_ Germain. 1845. _Bulinus scalaris_ Dunker, in : _Zeitschr. für Malakozool._, p. 164. 1853. _Bulinus scalaris_ Dunker, _Index Molluscor. quae itinere Guineam inferior._, etc., p. 9, no 23, tab. II, fig. 5-6. 1856. _Physa scalaris_ Bourguignat, _Aménités malacolog._, I, p. 179. 1862. _Isodora scalaris_ Küster _in_ : Martini et Chemnitz, _Conchyl. Cabinet, Limnæus_, p. 71, taf. XII, fig. 27-28. 1866. _Physa scalaris_ Martens, _Malakozool. Blätt._, p. 100. 1869. _Physa scalaris_ Dohrn, _Malakozool. Blätt._, p. 15. 1886. _Physa scalaris_ Clessin _in_ : Martini et Chemnitz, _Conchyl. Cabinet_, p. 319, no 363. 1890. _Pyrgophysa scalaris_ Dautzenberg, _Mémoires soc. zoolog. France_, III, p. 133, pl. I, fig. 12 _a_-12 _b_. 1905. _Physa (Pyrgophysa) Dunkeri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6, p. 486. J’ai dû changer le nom imposé par DUNKER à cette coquille, JAY[372] l’ayant employé antérieurement pour une Physe toute différente de la Floride. Les exemplaires qui vivent aux environs de Ndellé sont bien conformes à la très exacte figuration donnée par PH. DAUTZENBERG. Leur test est assez mince, un peu fragile, subtransparent, d’un corné parfois un peu rougeâtre. Ndellé, dans le pays de Senoussi, avril 1903 ; 14 exemplaires [A. CHEVALIER]. =_Physa (Pyrgophysa) Dautzenbergi_= Germain[373]. PLANCHE V, fig. 7. 1905. _Physa (Pyrgophysa) Dautzenbergi_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6. p. 486. Coquille senestre, subconique allongée, très étroitement ombiliquée ; spire haute, très tordue, composée de 4 tours bien convexes, à croissance très rapide, séparés par des sutures extrêmement profondes ; dernier tour grand, régulièrement convexe, formant, à lui seul, environ les 4/5 de la hauteur totale ; sommet obtus et comprimé ; ouverture peu oblique, ovalaire-allongée, un peu étroite ; bord columellaire arqué, légèrement réfléchi sur l’ombilic ; péristome droit et aigu ; bords réunis par une faible callosité blanche. Hauteur : 7 millimètres ; diamètre : 2 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 3 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 2 1/4 millimètres. Test assez solide, un peu épais, blanc brillant ; stries très fines, irrégulières, légèrement atténuées vers l’ombilic. Cette espèce se distingue du _Physa Forskali_ Ehrenberg : Par sa forme bien moins allongée ; par sa spire composée seulement de 4 tours beaucoup plus convexes ; par ses sutures encore plus profondes ; etc... Habite la région S.-E. du lac Tchad [A. CHEVALIER]. Cette espèce a, depuis, été recueillie assez abondamment aux environs de Kouloua et de N’Guigmi (lac Tchad), par M. R. CHUDEAU. * * * Le nombre des espèces appartenant au genre _Physa_, signalées jusqu’ici dans la région du lac Tchad, est très peu considérable. Avant les recherches de MM. CHEVALIER et LACOIN on ne connaissait que les deux espèces suivantes : 1o Le _Physa (Isodora) Rohlfsi_ Clessin[374], découvert, en 1886, par G. ROHLFS aux environs de Kouka. C’est une coquille globuleuse, solide, assez étroitement ombiliquée, à spire obtuse composée de 4 tours croissant rapidement et séparés par des sutures bien marquées. Le dernier tour forme environ les 3/4 de la hauteur de la coquille. L’ouverture, ovalaire peu allongée, a ses bords réunis par une faible callosité ; enfin la columelle n’est pas tordue. Longueur : 10 millimètres ; largeur : 7 1/2 millimètres. 2o Le _Physa (Isodora) Randabeli_ Bourguignat[375], recueilli par M. F. FOUREAU[376], autour des lagunes et des mares du Tchad N.-E., dans la région du Suoulou et de Kokodo. Coquille senestre, ovalaire- subglobuleuse ; spire brève, obtuse, composée de 4-5 tours à croissance très rapide ; dernier tour énorme, subcylindrique, légèrement subcaréné sous la suture ; ouverture peu oblique, ovalaire-oblongue, à bords réunis par une callosité assez forte. Hauteur : 12 millimètres ; diamètre : 11 1/2 millimètres. Test assez solide, d’un corné jaunâtre, peu brillant, finement strié. Cette espèce habite également le lac Tanganika. Genre PHYSOPSIS Krauss[377]. =_Physopsis Martensi_= Germain[378]. 1907. _Physopsis Martensi_ Germain, _Bulletin Muséum hist. nat. Paris_ ; no 1, p. 65. 1898. _Physopsis ovoidea_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 142, Taf. VI, fig. 13 (_non_ Bourguignat !) Le docteur von MARTENS a décrit et figuré, sous le nom de _Physopsis ovoidea_, une espèce très différente de celle de BOURGUIGNAT, et que M. CHEVALIER a recueillie dans le S.-O. du lac Tchad. Cette coquille, que je distingue sous le nom de _Physopsis Martensi_, est de forme globuleuse ovoïde, à spire très courte, composée de 5 tours bien convexes séparés par des sutures profondes. Les 2 premiers tours sont absolument enroulés sur un même plan ; le dernier, très grand, très ventru, est nettement atténué à la partie inférieure ; l’ouverture oblique, relativement étroite, est fort anguleuse à la partie supérieure ; enfin la columelle est forte et tordue. Hauteur maximum : 16 1/2 millimètres ; diamètre maximum : 11 1/4 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 11 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 6 millimètres. Test épais, solide, corné très clair, assez fortement strié aux environs de l’ouverture, très finement strié ailleurs. S.-O. du lac Tchad ; 2 échantillons. Le _Physopsis ovoidea_ Bourguignat[379] est une espèce toute différente et qui n’a jamais été figurée, ce qui explique les confusions qui ont été faites par divers auteurs au sujet de cette coquille. Je donne ici (pl. V, fig. 4) la figuration du _type de l’auteur_, déposé au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Il provient de Kondoa (Ousaghara) où il a été recueilli par M. BLOYET. C’est une coquille globuleuse-ovoïde un peu allongée, à spire convexe composée de 5 tours séparés par des sutures peu profondes, presque linéaires. Le sommet, lorsqu’il existe, est relativement aigu. Le dernier tour, très grand, est assez régulièrement ellipsoïde. L’ouverture est verticale, fort étroite, anguleuse en haut, canaliforme inférieurement. La columelle droite, forte, est « très atténuée à sa base, offrant vers sa partie inférieure une lamelle torse, très obliquement descendante jusqu’à la dilatation canaliforme de la base de l’ouverture. » (Bourguignat.) Hauteur : 15 millimètres ; diamètre maximum : 9 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 11 millimètres ; largeur : 4 millimètres. Test peu épais, médiocrement solide, d’un corné très pâle subtransparent, très finement strié. Les descriptions qui précèdent font saisir les différences qui séparent les deux espèces. Le _Physopsis ovoidea_ Bourguignat est d’ailleurs beaucoup plus voisin du _Physopsis nasuta_ Martens[380] que du _Phys. Martensi_ Germain. Le _Physopsis nasuta_, qui habite également les cours d’eau des environs de Zanzibar est, comme le _Phys. ovoidea_ Bourguignat, une coquille globuleuse-ovoïde, mais elle est plus étroitement allongée ; sa spire, un peu plus haute, est un peu moins obtuse ; ses sutures ne sont pas linéaires ; son ouverture, plus étroite, est plus fortement canaliculée à la base ; enfin son test, plus délicat, est encore plus finement strié. C’est avec raison que le Dr VON MARTENS considère le _Physopsis Bloyeti_ Bourguignat[381] comme synonyme de son _Phys. nasuta_. Genre PLANORBIS Guettard[382]. _Planorbis sudanicus_ Martens. 1870. _Planorbis sudanicus_ Martens, _Malakozool. Blätter_, XVII, p. 35. 1871. _Planorbis sudanicus_ Martens _in_ Pfeiffer, _Novitates Concholog._, IV, p. 23, no 694, Pl. CXIV, fig. 6-9[383]. 1874. _Planorbis sudanicus_ Martens, _Malakozool. Blätter_, XXI, p. 41. 1880. _Planorbis sudanicus_ Smith, _Proceed. zool. soc. London_ (20 avril 1880), p. 349. 1881. _Planorbis sudanicus_ Smith, _Proceed. zool. soc. London_ (15 février 1881), p. 294. 1881. _Planorbis sudanicus_ Crosse, _Journal de Conchyliologie_, XXIX, p. 109 et p. 278. 1886. _Planorbis sudanicus_ Clessin _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabin. ; Limnæiden_, p. 135, Taf. XXII, fig. 5. 1888. _Planorbis sudanicus_ Smith, _Proceed. zool. soc. London_, p. 55. 1888. _Planorbis sudanicus_ Bourguignat, _Iconogr. malacol. lac Tanganika_, Pl. I, fig. 13-15. 1890. _Planorbis sudanicus_ Bourguignat, _Hist. malacol. lac Tanganika_, p. 15, Pl. I, fig. 13-15 ; et _Ann. sc. naturelles_ ; X, même pagination. 1898. _Planorbis sudanicus_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 146, Taf. I, fig. 17. 1904. _Planorbis sudanicus_ Smith, _Proceed. malacol. soc. London_ ; VI, no 2, p. 98. 1905. _Planorbis sudanicus_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; p. 253. Le _Planorbis sudanicus_ est une espèce qui paraît fort abondante dans toute l’Afrique tropicale. Elle y varie dans d’assez grandes proportions pour qu’on puisse y distinguer les variétés suivantes : α) var. =_subsudanicus_= Germain. Coquille un peu plus petite, de forme _convexe en dessus_, par suite de la proéminence très notable de l’avant-dernier tour, les 2 premiers seuls, restant dans le plan du dernier, limitent une concavité très restreinte, d’ailleurs peu profonde ; spire composée seulement de 4 1/2 tours, notablement plus convexes-arrondis, le dernier plus développé, _surtout en dessous_, où il forme une grande partie de la coquille qui est, en dessous, profondément ombiliquée en entonnoir ; ouverture plus régulièrement ovalaire, bien moins anguleuse ; même test. Habite le S.-E. du lac Tchad ; 2 exemplaires. β) var. =_globosa_= Germain. Coquille de taille un peu plus petite ; forme moins aplatie ; spire composée de 5 tours plus hauts et notablement plus arrondis ; même test. γ) var. _minor_ Martens. 1898. _Planorbis sudanicus_ var. _minor_ Martens, _loc. cit._, p. 146. Coquille de même forme, n’atteignant que 9 à 11 millimètres de diamètre pour 3 1/2 millimètres de hauteur. δ) var. _major_ Martens. Cette variété, nommée par Martens en 1898 (_loc. cit._, p. 146), avait déjà été signalée par Smith en 1880 (_Proceed. zool. soc. London_, p. 349). Elle mesure 15-18 millimètres de diamètre pour 4 1/2 millimètres de hauteur. ε) var. _magnus_ Sturany. 1896. _Planorbis sudanicus_ var. _magnus_ Sturany, _in_ : Baumann, _Durch Massailand zur Nilquelle_, p. 14, Taf. I, fig. 10, 14 et 29. Coquille de même forme, atteignant jusqu’à 22 millimètres de diamètre. Toutes les variétés que je viens de signaler se retrouvent dans l’envoi du Dr CHEVALIER et notamment dans les nombreux échantillons recueillis dans la région du Ndellé. Les formes _major_ et _magnus_ y sont particulièrement abondantes. On y observe également quelques exemplaires d’une variété dans laquelle la dépression ombilicale est plus profonde en dessus, les tours étant, en même temps, un peu plus serrés. Le test est d’un corné ambré ou marron, parfois rougeâtre, très souvent corrodé. Ndellé, avril 1903 ; 40 exemplaires. S.-E. du lac Tchad ; 15 échantillons. S.-O. du lac Tchad ; 4 échantillons. =_Planorbis tetragonostoma_= Germain. PLANCHE V, fig. 10-11. 1905. _Planorbis tetragonostoma_ Germain, _Bullet. Muséum hist. nat. Paris_, p. 466. Coquille discoïde ; face supérieure presque plane à concavité centrale très étroite et médiocrement profonde ; surface inférieure à concavité large et régulière ; 5-5 1/2 tours à croissance régulière, peu rapide en dessus, bien plus rapide en dessous ; dernier tour médiocre en dessus, à peine dilaté aux environs de l’ouverture, presque plan en dessus, assez bombé en dessous, présentant trois carènes : l’une inférieure assez aiguë, l’autre médiane, très émoussée, enfin une troisième, supérieure, également très émoussée ; suture bien marquée en dessus, plus profonde en dessous, de plus en plus marquée à mesure que l’on s’approche du dernier tour ; ouverture peu oblique, subrectangulaire, plus large que haute, à bords convergents réunis par une très faible callosité blanchâtre. Diamètre maximum : 11 1/2-14 1/2 millimètres ; hauteur : 3 1/2-3 3/4 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 3 1/2-3 2/3 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 4 1/2-4 3/4 millimètres. Test d’un corné pâle, médiocrement brillant, un peu épais, assez solide, orné de stries relativement fortes, très irrégulièrement arquées, beaucoup plus accentuées dessus que dessous ; intérieur de l’ouverture d’un corné jaunâtre plus foncé et un peu plus brillant que le reste de la coquille. Cette espèce appartient au groupe du _Planorbis sudanicus_ Martens ; c’est évidemment avec cette dernière coquille et avec le _Pl. tanganikanus_ Bourguignat[384], qu’elle a le plus d’affinités ; on l’en distinguera cependant : Par sa croissance spirale très régulière, à concavité supérieure tout à fait centrale, n’intéressant que les tours embryonnaires ; par son épaisseur relativement faible pour les dimensions de la coquille ; par son ouverture, non pas « sensiblement ascendante et semi-arrondie » comme chez le _P. tanganikanus_ ou médiocrement oblique, semi-arrondie comme chez le _P. sudanicus_, mais bien absolument verticale, ne dépassant pas, au-dessus, le plan du dernier tour de spire, de forme rectangulaire et plus large que haute. Lac Tchad, archipel Kouri, octobre 1903 ; 5 exemplaires. _Planorbis adowensis_ Bourguignat. 1879. _Planorbis adowensis_ Bourguignat, _Descript. esp. nouv. Mollusques Egypte, Abyss., Zanzib._, etc., p. 11. 1883. _Planorbis adowensis_ Bourguignat, _Hist. malacolog. Abyssinie_, p. 101 et p. 128 et _Annales sc. natur._, 6e série, XV, même pagin. 1888. _Planorbis adowensis_ Bourguignat, _Iconogr. malacolog. Tanganika_, pl. I, fig. 1-4. 1890. _Planorbis adowensis_ Bourguignat, _Hist. malacol. lac. Tanganika_, p. 17, pl. I, fig. 1-4 ; et _Annal. sc. natur._, 7e série, X, même pagin. 1898. _Planorbis adowensis_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 147. 1898. _Planorbis Herbini_ var. _adowensis_, Pollonera, in : _Bollett. Musei... Torino_, XIII, 4 mars 1898, p. 11. 1904. _Planorbis adowensis_ Smith, _Proceed. malacol. society London_, VI, no 2, p. 98. 1904-1905. _Planorbis adowensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 6, p. 350 et XI, no 4, p. 252. Cette espèce se retrouve dans un grand nombre de localités africaines, bien qu’elle ne soit nulle part très commune. Les échantillons, absolument identiques à la figuration donnée par Bourguignat, sont rares[385] ; généralement, le dernier tour forme, en dessus, presque toute la coquille, l’avant-dernier s’enfonce brusquement dans la cavité ombilicale, ce qui fait que les deux premiers tours sont difficiles à bien distinguer. On les voit mieux en dessous, où la dépression ombilicale semble plus grande, grâce à l’angulosité, nettement accentuée, qui circonscrit le dernier tour, angulosité qui se poursuit, mais en s’émoussant considérablement, jusqu’au fond de l’ombilic. Dans la figuration donnée par Bourguignat l’ouverture présente quatre angulosités très nettes qui ne se retrouvent que très exceptionnellement chez les exemplaires de cette espèce. Ordinairement, les angulosités supérieure et inférieure sont les seules parfaitement marquées ; les deux angulosités médianes étant nettement émoussées. Chez les échantillons bien adultes et, _à fortiori_, chez les coquilles séniles, les angles s’arrondissent et l’ouverture devient presque ronde. En même temps, le profil du dernier tour s’arrondit régulièrement. Le test, de couleur ambrée, assez pâle, présente des stries assez fines, mais irrégulières. β) =_minor_= Germain. 1904. _Planorbis adowensis_ var. _minor_ Germain, _Bullet. Muséum Paris_, X, no 6, p. 351. Coquille un tiers plus petite ; dernier tour moins dilaté aux environs de l’ouverture. γ) =_major_=. Coquille plus grande ; même forme et même test. Diamètre maximum : 13 millimètres ; diamètre minimum : 10 millimètres ; épaisseur maximum : 5 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 5 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 6 millimètres. Un exemplaire ; Mamoun [CHEVALIER, 1904]. δ) var. =_problematica_= Germain. Coquille possédant un dernier tour arrondi et relativement peu développé en hauteur, comme chez le _Planorbis Herbini_ Bourguignat[386] ; ouverture nettement ascendante, présentant quatre angulosités très atténuées. En dessus, l’enroulement est très analogue à celui du _Pl. adowensis_, mais le dernier tour, légèrement dilaté, rappelle certaines formes, peu typiques, du _Pl. Bridouxi_ Bourg. Rapides de la rivière Gribingui ; janvier 1903 (Dr DECORSE). Cette variété est une des nombreuses formes qui établissent un passage entre les _Pl. adowensis_ et _Pl. Bridouxi_ dont les formes types sont pourtant si différentes. _Localités du Planorbis adowensis typique._ — Rapides de la rivière Gribingui ; janvier 1903 [Dr DECORSE] ; 2 exemplaires. Le Chari, à Fort-Archambault ; février 1903 [Dr DECORSE]. Le Mamoun [CHEVALIER, 1904]. _Planorbis Bridouxi_ Bourguignat. 1888. _Planorbis Bridouxianus_ Bourguignat, _Iconographie malacol. lac Tanganika_, pl. I, fig. 9-12. 1890. _Planorbis Bridouxianus_ Bourguignat, _Histoire malacol. lac Tanganika_, p. 20, pl. I, fig. 9-12, et : _Annales sciences natur._, 7e série, X, même pagin. 1898. _Planorbis Bridouxianus_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 147. 1904. _Planorbis Bridouxianus_ Smith, _Proceed. malacol. society London_, IV, no 2, p. 98. 1904. _Planorbis Bridouxi_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 6, p. 349 et p. 350. 1905. _Planorbis Bridouxi_ Germain, _loc. cit._, XI, no 4, p. 252 et p. 255. J’ai déjà montré, dans une précédente note, que l’on devait considérer la figure donnée par BOURGUIGNAT comme représentant le _type_ de cette espèce. Ce type paraît, jusqu’ici, habiter seulement le lac Tchad, tous les échantillons provenant d’autres régions de l’Afrique, — y compris ceux donnés au Muséum de Paris par Bourguignat lui-même — appartenant à une mutation, que j’ai nommée _orientalis_[387], caractérisée par une coquille de taille plus faible, présentant un dernier tour relativement plus petit et beaucoup moins dilaté à l’extrémité. Les échantillons recueillis par M. CHEVALIER dans la région S.-E. du lac Tchad sont bien identiques à ceux que M. FOUREAU-LAMY avait déjà récoltés en grande abondance aux environs de Kouka[388]. Ils atteignent parfois jusqu’à 15 millimètres de diamètre, constituant ainsi une variété _major_[389] et possèdent un dernier tour de spire remarquablement dilaté à l’extrémité. L’aire de dispersion du _Pl. Bridouxi_ s’étend ainsi de la côte orientale d’Afrique au bassin du lac Tchad où il semble, d’ailleurs, beaucoup plus abondant que partout ailleurs. Rapides de la rivière Gribingui, janvier 1903 [Dr DECORSE]. Le Chari, à Fort-Archambault, février 1903 [Dr DECORSE]. S.-E. du lac Tchad [CHEVALIER, 1904]. Telle qu’elle a été figurée par Bourguignat, cette espèce paraît très différente du _Pl. adowensis_. En réalité, on observe d’assez nombreuses formes de passage entre ces deux espèces, formes qui, toutes, habitent soit l’Abyssinie, soit le bassin du Chari. Le tableau suivant indique et précise ces affinités : PLANORBIS ADOWENSIS | PLANORBIS ADOWENSIS var. _minor_. | PLANORBIS ADOWENSIS var. _problematica_. \_____ \ PLANORBIS BRIDOUXI _forma orientalis_. | PLANORBIS BRIDOUXI _forma occidentalis_[390]. Genre PLANORBULA Haldeman[391]. =_Planorbula tchadiensis_= Germain. PLANCHE V, fig. 8-9. 1904. _Planorbula tchadiensis_ Germain. _Bullet. Muséum histoir. natur. Paris_, X, 1904, no 7, p. 467. 1905. _Planorbula tchadiensis_ Germain, _loc. cit._, XI, 1905, no 4, p. 253. 1906. _Planorbula tchadiensis_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_, XIX, p. 223. Coquille petite, assez aplatie ; surface supérieure presque plane, à concavité centrale relativement large et profonde ; surface inférieure nettement concave, largement ombiliquée ; spire composée de 5 tours à croissance assez rapide, un peu plus rapide dessus que dessous ; dernier tour grand, très nettement dilaté vers l’ouverture, subarrondi, aussi bombé dessus que dessous, présentant trois angulosités très émoussées, l’inférieure, entourant la cavité ombilicale étant la plus accentuée ; suture assez profonde ; ouverture bien oblique, à bords convergents réunis par une callosité blanchâtre plus ou moins marquée, de forme subarrondie aussi haute que large, présentant inférieurement une angulosité accentuée, garnie d’un bourrelet interne blanc très robuste et d’un système de denticulations assez compliqué comprenant six plis très saillants : trois plis pariétaux lamelliformes et longitudinaux : le supérieur très petit et difficilement visible ; le médian triangulaire, extrêmement saillant ; l’inférieur petit ; trois plis pariétaux situés vis-à-vis des précédents : les deux supérieurs petits et dirigés, comme les pariétaux, dans le sens spiral ; l’inférieur beaucoup plus saillant, subtriangulaire, dirigé dans le sens transversal. Diamètre : 8 1/2-9 millimètres ; hauteur : 3-3 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 2-3 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 2-3 millimètres. Test un peu épais, solide, d’un corné très pâle, brillant, orné de stries extrêmement fines, bien régulières, presque effacées en dessous ; intérieur de l’ouverture d’un corné plus sombre et plus brillant. Cette espèce ne peut se rapprocher que du _Pl. tanganikana_ Smith[392], dont elle se distingue très nettement : Par sa forme un peu plus profondément ombiliquée en dessus, limitée, en dessous, par une angulosité moins accentuée ; par sa spire dont le dernier tour, moins anguleux en dessus, est en outre _très nettement dilaté à l’extrémité_ à la façon du _Planorbis Crossei_ Bourguignat[393] d’Europe, ce qui ne s’observe pas chez le _Planorbula tanganikana_ qui possède, au contraire, une croissance particulièrement régulière ; par son ouverture plus oblique, pourvue d’un bourrelet marginal plus robuste et d’un système de denticulations. Lac Tchad, archipel Kouri ; octobre 1903 [A. CHEVALIER]. Cette intéressante espèce a été retrouvée abondante par M. R. CHUDEAU, notamment aux environs de N’Guigmi et de Kouloua (Lac Tchad). Genre SEGMENTINA Fleming[394]. =_Segmentina Chevalieri_= Germain. 1904. _Segmentina Chevalieri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 7, p. 468. 1905, _Segmentina Chevalieri_ Germain, _loc. cit._, XI, no 4, p. 256. 1906. _Segmentina Chevalieri_ Germain, _Etudes sur les Mollusques récoltés par M. E. Foa dans le lac Tanganika et ses environs_, fig. 6-7. Coquille petite, orbiculaire, médiocrement convexe en dessus avec une dépression centrale assez marquée, bien plane en dessous, avec un ombilic très profond et ponctiforme ; spire composée de 4 tours à croissance très rapide, séparés par des sutures presque superficielles ; dernier tour très grand, orné d’une carène émoussée submarginale ; ouverture bien oblique, largement échancrée par l’avant-dernier tour ; péristome droit et aigu. Diamètre : 3 1/4-4 1/4 millimètres ; hauteur : 1 1/2 millimètre. Test mince, brillant, presque pellucide, très finement strié, blanchâtre ou d’un corné très pâle. Cette petite espèce ne peut se rapprocher que du _Segmentina angusta_ Jickeli[395] ; on l’en séparera : Par sa spire à croissance plus rapide, avec un dernier tour un peu dilaté vers l’ouverture et bien moins convexe en dessus ; par son ouverture beaucoup plus oblique, moins développée en largeur ; par son ombilic moins élargi, à peu près ponctiforme ; etc. Le S.-O. du lac Tchad ; 4 exemplaires. GASTÉROPODES PROSOBRANCHES =Famille des VIVIPARIDÆ= Genre VIVIPARA de Lamarck[396]. _Vivipara unicolor_ Olivier. 1804. _Cyclostoma unicolor_ Olivier, _Voyage empire Ottoman_, III, p. 68 ; Atlas, II, Pl. XXXI, fig. 9. 1822. _Paludina unicolor_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, VI, p. 174. 1832. _Paludina unicolor_ Deshayes, _Encyclop. méthod. ; Vers_ ; III, p. 698. 1838. _Paludina unicolor_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, 2e édit. (par Deshayes), VIII, p. 513. 1852. _Paludina unicolor_ Küster _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabinet ; Gatt. Paludina_, p. 21, no 16, Taf. IV, fig. 12-13. 1852. _Paludina biangulata_ Küster _in_ : Martini et Chemnitz, _loc. cit._, p. 25, Taf. V, fig. 11-12. 1864. _Paludina unicolor_ Dohrn, _Proceed. zool. soc. London_ ; p. 117. 1874. _Vivipara unicolor_ Jickeli, _Land- und Süsswass. Mollusk. Nordostafrik._ ; p. 235, Taf. VII, fig. 30. 1878. _Paludina unicolor_ Martens, _Monatsb. d. Akad. d. Wiss. Berlin_, p. 297. 1880. _Vivipara unicolor_ Bourguignat, _Recens. Vivipares syst. europ._, p. 33. 1888. _Paludina unicolor_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 53. 1890. _Vivipara unicolor_ Bourguignat, _Hist. malacolog. du lac Tanganika_, p. 39 et _Ann. sc. natur._, X, p. 39. 1894. _Vivipara unicolor_ variété, Sturany : _in_ : Baumann, _Durch Massailand zur Nilquelle_, p. 15, Taf. XXIV, fig. 7, 12, 13, 17, 22, 23 et 25. 1898. _Vivipara unicolor_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 175. 1906. _Vivipara unicolor_ Germain, _Mém. soc. zoolog. de France_, XIX, p. 227. 1905. _Vivipara unicolor_ Germain, _Bull. Muséum hist. natur. Paris_, XI, p. 327 ; et XII (1906), no 1, p. 82 et p. 58. Le _Vivipara unicolor_ est une espèce très répandue dans tout le centre africain, depuis le Nil jusqu’au Sénégal. Elle abonde aussi dans le lac Tchad où sa présence a été constatée par de nombreux voyageurs[397]. Plus peut-être que toute autre espèce du genre, le _V. unicolor_ présente un polymorphisme étendu portant à la fois sur la forme générale de la coquille, l’allure de la spire et la sculpture du test. Aussi de nombreuses formes, comme les _V. biangulata_ Küster[398], _V. polita_ Frauenfeld[399], etc., et même _V. Duponti_ de Rochebrune[400], élevées au rang spécifique par différents auteurs, doivent-elles être considérées comme synonymes du _V. unicolor_[401]. Sur une importante série d’échantillons on observe facilement : des individus dont les tours, nettement arrondis, ne présentent pas trace de carène spirale ; d’autres [mode _unicarinata_] chez lesquels la carène inférieure est très saillante, la supérieure ayant plus ou moins disparu ; des exemplaires présentant le mode _bicarinata_ [= _biangulata_ Küster] ; enfin des échantillons, beaucoup plus rares, du mode _tricarinata_, caractérisé par la présence d’une troisième carène médiane. Ces différentes manières d’être du test sont d’ailleurs indépendantes de la forme générale et se rencontrent aussi bien chez les individus présentant le mode _globosa_ que chez ceux appartenant au mode _elata_. L’ombilic, plus ou moins ouvert, permet de distinguer un mode _microporus_ et un mode _pervius_. Enfin le test est lui-même très diversement coloré. J’ai déjà eu l’occasion de signaler les variétés EX COLORE : _viridis_, _fusca_ et _pallescens_ recueillies, dans le lac Tchad, par M. le lieutenant L. LACOIN[402]. Variété _elatior_ Martens. 1896. _Paludina rubicunda_ Sturany _in_ : Baumann, _Durch Massailand zur Nilquelle_, p. 8, Taf. XXIV, fig. 2-4 (_non_ von Martens !) 1898. _Vivipara unicolor_ var. _elatior_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 177, Taf. VI, fig. 25. 1906. _Vivipara unicolor_ var. _elatior_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_ ; XIX, p. 228. Coquille à spire plus haute et à croissance plus régulière ; tours plus convexes sans trace de carène, le dernier bien plus arrondi et proportionnellement moins grand ; ouverture exactement circulaire (hauteur et diamètre : 7 1/2 millimètres), un peu plus petite ; test finement strié, vert olive. Hauteur : 21 millimètres ; diamètre : 16 millimètres. Cette variété présente un peu l’aspect du _V. rubicunda_ Martens[403] et, notamment, de la variété _subturrita_ Martens[404], mais s’en distingue assez nettement par ses tours moins convexes séparés par des sutures également moins profondes. Le Dr von MARTENS a en outre décrit, sous le nom de variété _conoidea_[405], une coquille qui ne diffère pas sensiblement de la var. _elatior_. Le lac Tchad, archipel Kouri ; octobre 1903. Variété =_obesa_= Germain. 1906. _Vivipara unicolor_ var. _obesa_ Germain, _loc. cit._, XIX, p. 228. Coquille très ventrue ; spire composée de 5-6 tours bien arrondis séparés par des sutures profondes ; ouverture subcirculaire ; même test. Hauteur : 17 millimètres ; diamètre : 12-13 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 8 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 7 millimètres. Avec la variété précédente. Variété _Jeffreysi_ Frauenfeld. 1865. _Paludina Jeffreysi_ Frauenfeld, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 658 ; et _Verhandl. d. zoolog.-bot. Gesellsch. Wien_, XV, p. 352, taf. XXII, fig. 3-4. 1877. _Vivipara Jeffreysi_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 716, pl. LXXIV, fig. 1-2. 1890. _Vivipara Jeffreysi_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 39. 1890. _Vivipara Simonsi_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 40. 1890. _Vivipara Smithi_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 40. 1898. _Vivipara unicolor_ var. _Jeffreysi_ Martens, _loc. cit._, p. 177. Coquille trapue ; spire plus courte à tours supérieurs non étagés ; dernier tour très développé, bien ventru ; ombilic un peu plus ouvert. BOURGUIGNAT a établi ses _V. Simonsi_ et _V. Smithi_ sur les figurations de SMITH qui représentent bien, avec d’insignifiantes variations, le _V. Jeffreysi_. Cette variété, qui habite le lac Nyassa, n’a pas encore été recueillie dans le bassin du Chari-Tchad. Variété =_Lenfanti_= Germain[406]. 1905. _Vivipara Lenfanti_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, p. 256 [_sans description_]. 1906. _Vivipara unicolor_ var. _Lenfanti_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_, XIX, p. 228, pl. IV, fig. 7-8. Coquille médiocrement ombiliquée (ombilic partiellement recouvert par une légère réflexion du bord columellaire), globuleuse-allongée, épaisse, élégamment ornée de stries très régulières, assez fortes et bien onduleuses ; spire un peu élevée (sommet obtus, souvent érosé), composée de 6 tours à croissance rapide et régulière, séparés par des sutures profondes ; dernier tour très grand, orné d’une carène médiane relativement saillante, formant les 3/4 de la hauteur totale ; ouverture à peine oblique, presque ronde, anguleuse supérieurement, bien arrondie inférieurement ; péristome continu. Opercule inconnu. Hauteur maximum : 15-16 millimètres ; diamètre maximum : 10-10 1/4 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 7-8 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 6 1/2-7 1/4 millimètres. Test d’un fauve clair ou d’un vert olivâtre plus ou moins foncé. Cette remarquable variété rappelle, par son mode d’ornementation sculpturale, le _Vivipara costulata_ Martens[407] ; elle habite le lac Tchad où elle ne semble pas très rare [MM. CHEVALIER, LENFANT et LACOIN]. Variété _Bellamyi_ Jousseaume. 1886. _Bellamya Bellamya_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoolog. France_, XI, p. 479, pl. XII, fig. 3. 1890. _Vivipara unicolor_ var. _Bellamyi_ Dautzenberg, _Mém. société zoolog. France_, III, p. 134. C’est avec raison que MM. DAUTZENBERG et MORELET considèrent cette coquille comme une variété du _V. unicolor_. J’y rapporte le _Vivipara Duponti_ recueilli par le Dr MARTIN DUPONT sur les bords du Bakoy à Pangalla (Haut-Sénégal) et décrit par le Dr A. T. DE ROCHEBRUNE[408]. Cette coquille ne diffère, en effet, du _V. unicolor_ que par sa taille un peu plus petite et sa forme légèrement plus trapue à carènes un peu moins accusées. La variété _Bellamyi_ doit être considérée comme une race locale, propre au Sénégal, du _Vivipara unicolor_. Comme le type, elle est susceptible de très nombreuses variations portant : soit sur la forme générale (mut. _alta_, _globosa_, etc...), soit sur l’ornementation sculpturale du test (mut. _unicarinata_, _bicarinata_, _tricarinata_, etc...), soit enfin sur la couleur du test (mut. _viridis_, _fusca_, _subrufa_, _pallescens_, etc.)[409]. Étangs de Kollangui [Guinée Française], mars 1905 ; 20 échantillons. Konakry (Guinée française), M. CHEVALIER ; 3 exemplaires. * * * Une seule espèce de Vivipara, en dehors de celles signalées précédemment, a été recueillie dans le Bassin du Tchad. C’est le _Vivipara gracilior_ Martens[410] dont voici les caractères principaux : Coquille perforée, conoïde un peu globuleuse ; spire composée de 6 tours convexes séparés par des sutures assez profondes ; dernier tour grand, bien ventru inférieurement, obscurément caréné ; ouverture peu oblique, subcirculaire, anguleuse supérieurement ; hauteur maximum : 25 millimètres ; diamètre maximum : 17 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 12 millimètres : diamètre de l’ouverture : 10 1/2 millimètres. Test luisant, vert rougeâtre, finement strié. Cette espèce, qui se rapproche à la fois du _V. unicolor_ Olivier et du _Vivipara rubicunda_ Martens[411] du Victoria-Nyanza, a été découverte aux environs de Kouka (lac Tchad) par le lieutenant allemand Glauning (1902). Genre CLEOPATRA Troschel[412]. _Cleopatra cyclostomoides_ Küster. 1852. _Paludina cyclostomoïdes_ Küster _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cab. ; Gatt. Paludina_, p. 32, taf. XI, fig. 11-12. 1856 _Bythinia cyclostomoïdes_ Bourguignat, _Amén. malacolog._, I, p. 184. 1879. _Cleopatra cyclostomoïdes_ Bourguignat, _Descript. Mollusques Egypte, Zanzibar, Sénégal, etc._, p. 26. 1890. _Cleopatra cyclostomoïdes_ Bourguignat, _Histoire malacologique lac Tanganika_ ; p. 45 ; et _Annales sciences naturelles_ ; X, p. 45. 1906. _Cleopatra cyclostomoïdes_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 1, p. 54, et _Mém. soc. zool. France_, XIX, p. 230, pl. IV, fig. 9. Ce _Cleopatra_, qui n’avait encore été signalé qu’en Egypte, paraît abondant dans le lac Tchad. Il y est parfois très typique, ainsi qu’en témoignent les nombreux échantillons, encore pourvus de leur épiderme, recueillis par M. LENFANT. M. CHEVALIER n’a rapporté que peu d’exemplaires de cette espèce ; ils proviennent tous du Minia-Ngoulou, affluent du Bangoran (territoire du Chari) ; par contre, cet explorateur a récolté très abondamment la variété suivante : Variété =_tchadiensis_= Germain. 1905. _Cleopatra tchadiensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 5, p. 328 (_en note et sans description_). Coquille un peu allongée, oblongue, assez ventrue, pourvue d’une perforation ombilicale médiocre, plus ou moins recouverte par la patulescence du bord columellaire ; spire souvent tronquée, assez haute, composée de 5-6 tours convexes, un peu étagés, séparés par des sutures profondes ; dernier tour grand, dépassant notablement la moitié de la hauteur totale ; ouverture peu oblique, ovalaire-oblongue, bien anguleuse en haut et en bas ; péristome continu ; opercule inconnu. Hauteur totale : 20-22 millimètres ; diamètre maximum : 6-8 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 5-6 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 3-4 1/2 millimètres. Test un peu épais, solide, crétacé, assez finement strié. Cette variété diffère surtout du type par sa forme beaucoup plus globuleuse et ses tours plus étagés séparés par des sutures beaucoup plus profondes. Lac Tchad, Faguibine ; 150 exemplaires. Abords du lac Faguibine, dans la région de Tombouctou [Mission du général de TRENTINIAN ; août 1899] ; 20 échantillons. _Cleopatra bulimoides_ Olivier. 1804. _Paludina bulimoides_ Olivier, _Voyage emp. Ottoman_, II, p. 39 ; III, p. 68 ; Atlas, II, Pl. XXXI, fig. 6. 1838. _Paludina bulimoides_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, édit. II, VIII, p. 517, no 9. 1852. _Paludina bulimoides_ Küster, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabin., Gatt. Paludina_, p. 32, no 32, Taf. VII, fig. 11-15 (_seulement_). 1855. _Cyclostoma Gaillardotii_ Bourguignat, _Aménités malacologiques_, I, p. 104, Pl. VII, fig. 5-7 ; et _Revue et Magas. de zoologie_, XXVIII, no 6, p. 335, Pl. VII, fig. 5-7. 1856. _Bythinia bulimoides_ Bourguignat, _Aménités malacologiques_, I, p. 183. 1865. ? _Paludina bulimoides_ Dohrn, _Proceed. zoolog. society London_, p. 233. 1868. _Paludina bulimoides_ Morelet, _Voyage Welwitsch_, p. 96. 1874. _Cleopatra bulimoides_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. N. O. Afrik._, p. 240, Taf. VII, fig. 31 (opercule). 1879. _Cleopatra bulimoides_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Zanzibar, Sénégal_ ; etc., p. 22. 1890. _Cleopatra bulimoides_ Bourguignat, _Hist. malacolog. lac Tanganika_, p. 44 ; et _Ann. sc. natur._ ; 7e série, X, p. 44. 1898. _Cleopatra bulimoides_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 184. Voici encore une des espèces de la faune nilotique que nous retrouvons dans toute l’Afrique équatoriale. Autrefois signalée par MORELET dans la région d’Angola[413] ; retrouvée par DOHRN dans les eaux du Zambèse[414] et par DUPUIS[415] dans le fleuve Lualaba, elle a été recueillie, peu abondamment il est vrai, par le Dr DECORSE aux environs de Fort- Archambault (Bas-Chari). BOURGUIGNAT en a également indiqué l’existence aux environs de Sayda en Syrie où il suppose l’espèce introduite[416]. Enfin A. AUBRY a signalé la présence du _Cleopatra bulimoides_, à l’état fossile, dans le Choa et notamment dans les tufs gris marneux des environs du lac d’Assal, tufs qu’il considère comme appartenant à l’époque pliocène[417]. _Cleopatra mweruensis_ Smith. 1893. _Cleopatra mweruensis_ Smith, _Proceed. zoolog. society of London_ ; p. 639, Pl. 59, fig. 10. Coquille ovale, acuminée, étroitement perforée ; spire composée de 7 tours convexes ornés de 1-4 carènes plus ou moins saillantes, séparés par des sutures profondes ; ouverture ovalaire bien anguleuse en haut et en bas ; bords réunis par une callosité assez marquée ; bord columellaire réfléchi sur l’ombilic. Longueur : 15 millimètres ; diamètre max. : 8 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 6 1/3 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 4 millimètres. Test solide, jaune verdâtre, finement strié. Cette espèce, d’abord découverte dans le lac Mweru par le voyageur anglais R. CRAWSHAY se rapproche surtout du _Cl. Emini_ Smith[418]. Elle présente, au point de vue de la sculpture spirale, un polymorphisme assez étendu portant sur le nombre des carènes qui peut varier de une à quatre. Le Chari, à Fort-Archambault ; février 1903 [Dr DECORSE]. Le Chari, aux environs de Fort-Archambault ; 18-19 juin 1903 [Dr DECORSE]. Genre BYTHINIA Gray[419]. § 1. — _GABBIA_ Tryon[420]. _Bythinia (Gabbia) Neumanni_ Martens. 1898. _Bythinia (Gabbia) Neumanni_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost- Afrik._ ; p. 191, Taf. VI, fig. 33 et fig. de la radula, p. 191. 1905. _Bythinia (Gabbia) Neumanni_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; XI, no 5, p. 327. Coquille petite, solide, de forme variable par suite de l’allure de la spire qui est plus ou moins haute ; test d’un corné jaunâtre très clair, un peu brillant, orné de stries extrêmement fines et serrées. Hauteur : 5-6 millimètres ; diamètre : 3 1/2-4 1/4 millimètres. Le polymorphisme de cette espèce permet de distinguer les variétés _ex forma_ suivantes : Variété =_elata_=. Spire plus haute ; tours légèrement plus convexes séparés par des sutures un peu plus profondes ; même test. Variété =_globosa_=. Spire plus courte, dernier tour plus ventru-globuleux ; même test. Le _Bythinia Neumanni_ est une espèce qui paraît extrêmement abondante. M. FOUREAU, au cours de sa Mission saharienne, en avait déjà recueilli quelques échantillons. M. A. CHEVALIER a pu récolter une centaine d’exemplaires de cette intéressante coquille qui semble habiter aussi bien la région du S.-E. que celle du S.-O. du lac Tchad. =_Bythinia (Gabbia) Martreti_= Germain. PLANCHE V, fig. 12-12 _a_. 1904. _Bythinia Martreti_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; X, no 7, p. 468. Coquille petite, de forme globuleuse, pourvue d’une perforation ombilicale extrêmement étroite, presque entièrement recouverte ; spire médiocrement allongée, composée de 4-5 tours extrêmement convexes, à croissance assez rapide bien que régulière, séparés par des sutures très profondes ; dernier tour grand, parfaitement arrondi ; sommet obtus, généralement absent par érosion ; ouverture peu oblique, très régulièrement circulaire, à peine anguleuse en haut ; péristome continu, droit et aigu. Opercule concave, à nucleus excentrique situé au voisinage du bord inférieur. Hauteur : 5 millimètres ; diamètre : 3 1/4 millimètres ; hauteur de l’ouverture égale à son diamètre : 1 1/2 millimètre. Test assez épais, solide, olivâtre ou corné brun brillant, très finement mais irrégulièrement strié. Variété =_major_=. Coquille atteignant 7 millimètres de hauteur pour 3 3/4 millimètres de diamètre. Même test, ou d’un rougeâtre plus sombre. Le sommet est ordinairement érosé et la coquille réduite parfois aux deux derniers tours de spire. Le _Bythinia Martreti_ a surtout des affinités avec le _B. Neumanni_. On l’en distinguera : Par sa spire à tours plus convexes séparés par des sutures beaucoup plus profondes ; par son ouverture plus petite, très régulièrement circulaire, à peine anguleuse en haut ; par son ombilic presque entièrement recouvert ; etc. Rapprochée du _Bythinia Stanleyi_ Smith[421], notre espèce s’en distingue : Par ses tours également plus convexes, à croissance plus régulière, séparés par des sutures encore plus profondes ; par sa spire relativement plus haute ; par son ouverture plus détachée du dernier tour et proportionnellement plus petite ; etc. Chez cette Bythinie, la spire est très souvent tronquée et le test fortement corrodé : nombre d’échantillons, recueillis vivants, ne possèdent plus que les deux derniers tours de spire. Les sutures, fort profondes, font paraître les tours très détachés les uns des autres et donnent, en petit, à cette coquille, l’apparence du _Bythinia Leachi_[421] d’Europe. Pays Mamoun ; 5 échantillons. =_Bythinia (Gabbia) neothaumæformis_= Germain, _nov. sp._ PLANCHE V, fig. 13-13 _a_. 1907. _Bythinia (Gabbia) neothaumæformis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, no 1, p. 65. Coquille petite, très globuleuse, pourvue d’une perforation ombilicale très étroite, presque entièrement recouverte ; spire courte, scalariforme, composée de 4-5 tours très nettement étagés, à croissance spirale rapide, séparés par des sutures extrêmement profondes ; dernier tour largement développé dans le sens transversal, atteignant les 4/5 de la hauteur totale, fortement bicaréné : carène supérieure subsuturale très saillante, carène inférieure saillante à l’origine, plus ou moins émoussée vers l’ouverture ; sommet obtus ; ouverture peu oblique, arrondie, très nettement anguleuse en haut, subanguleuse en bas ; péristome continu, un peu épaissi intérieurement et offrant, sur le bord columellaire, une surface légèrement réfléchie sur l’ombilic. Opercule inconnu. Hauteur : 4-5 millimètres ; diamètre : 3 1/2-4 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture (égal à sa hauteur) : 2 millimètres. Test épais, solide, d’un blanc sale ou d’un corné brun très pâle, très finement strié. Cette espèce, si caractérisée, ne peut se rapprocher d’aucune des Bythinies africaines connues. Elle est surtout remarquable par sa spire dont les tours sont, pour ainsi dire, emboîtés les uns dans les autres à la façon des espèces du genre _Neothauma_ et, plus spécialement, du _Neothauma bicarinatum_ Bourguignat[422]. Cette ressemblance est encore accentuée par suite de la présence des deux carènes, toujours très marquées, que l’on observe sur le dernier tour du _Bythinia neothaumæformis_. Cette Bythinie est peu variable ; cependant, l’un des exemplaires présente une spire un peu plus élevée que dans le type et constitue une mutation _elata_. Le Tchad S.-E. ; 4 échantillons. =Famille des AMPULLARIIDÆ= Genre AMPULLARIA de Lamarck[423]. _Ampullaria speciosa_ Philippi. 1849. _Ampullaria speciosa_ Philippi, _Zeitschr. für Malakozool._, p. 18. 1851. _Ampullaria speciosa_ Philippi, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. conchyl. Cabinet ; Ampullaria_, p. 40, taf. XI, fig. 2. 1856. _Ampullaria speciosa_ L. Reeve, _Conchol. Icon., Ampull._, X, fig. 33. 1864. _Ampullaria speciosa_ Dohrn, _Proceed. zoolog. society London_, p. 117. 1879. _Ampullaria speciosa_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Zanzibar, etc._, p. 32. 1889. _Ampullaria speciosa_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équat._, p. 168. 1895. _Ampullaria speciosa_ Martens, _Ann. Mus. civ. Genova._ XV, p. 65. 1898. _Ampullaria speciosa_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 153 (_pars._). 1905. _Ampullaria speciosa_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 5, p. 328 ; et XII (1906), no 1, p. 59, no 3, p. 171. Cette grande et belle espèce d’Ampullaire, assez abondante dans les cours d’eau de l’Afrique orientale, habite également le bassin du Chari, le lac Tchad, et même le Niger moyen. Son aire de dispersion est donc considérable puisqu’elle comprend toute l’Afrique équatoriale. J’ai signalé trois fois déjà la présence de ce Mollusque dans le lac Tchad, où il a été successivement recueilli par MM. les lieutenants LACOIN et MOLL, et par M. le capitaine DUPERTHUIS. Avec des exemplaires parfaitement typiques, la mission CHEVALIER a rapporté un échantillon d’une variété _minor_ qui ne mesure que 74 millimètres de hauteur pour 66 millimètres de diamètre maximum. L’ouverture a 56 millimètres de hauteur pour 36 millimètres de largeur. Koulikoro, sur le Niger moyen, Soudan français, octobre 1899 [Mission du général de TRENTINIAN] ; deux exemplaires. Mamoun, territoire du Chari [A. CHEVALIER] ; 1 exemplaire. Kousri [Dr DECORSE]. =_Ampullaria Chevalieri_= Germain[424]. 1904. _Ampullaria Chevalieri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. nat. Paris_, X, no 7, p. 468 ; et _id._ XI, 1905, no 5, p. 329. Coquille très grande, assez largement ombiliquée, renflée, globuleuse un peu allongée, solide quoique médiocrement épaisse, légèrement brillante ; test très finement strié, presque lisse sur les premiers tours (stries très fines, à peine onduleuses, très rapprochées et bien régulières sur la première moitié du dernier tour, devenant plus fortes et plus irrégulières sur la seconde moitié du dernier tour) ; spire composée de 6-7 tours assez convexes, un peu étagés, croissant d’abord lentement, puis rapidement, si bien que le dernier tour est relativement énorme ; dernier tour très grand, présentant, en largeur, un développement maximum voisin de la partie supérieure, formant les 3/4 de la hauteur totale de la coquille ; sommet très obtus, comme écrasé ; suture médiocrement profonde, non bordée comme chez l’_Ampullaria speciosa_ ; ouverture à peine oblique, médiocrement échancrée, oblongue, subpyriforme ; péristome droit, aigu ; bord columellaire subarqué, notablement réfléchi sur l’ombilic ; bords marginaux réunis par une callosité médiocre. Hauteur : 105-107 millimètres ; diamètre : 91-97 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 78-80 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 50 millimètres. [Illustration : FIG. 89. — _Ampullaria Chevalieri_ Germain. Demi- grandeur naturelle.] Test d’un marron olivâtre assez foncé, orné d’un grand nombre de zonules spirales (réunies en douze groupes) d’une teinte plus sombre ; intérieur de l’ouverture d’un bleu brillant, bordé de jaune. Quand l’animal est mort, la coquille devient blanche et les zonules, plus apparentes, sont d’un rouge vineux plus ou moins foncé. Cette Ampullaire, que je considère comme l’espèce représentative de l’_Ampullaria speciosa_ dans le bassin du Chari, se distingue de cette dernière : Par sa forme plus élevée ; par son dernier tour relativement plus haut et plus développé en largeur à la partie supérieure ; par son ouverture plus grande et plus régulièrement ovalaire ; etc... L’aspect du dernier tour est très particulier : ce dernier tour, dont le développement maximum est très voisin de la partie supérieure, conserve une grande largeur sur la presque totalité de son développement, ce qui fait que la partie opposée à l’ouverture présente un profil d’abord rectiligne, qui s’atténue seulement à la hauteur de la naissance de l’ombilic, rappelant ainsi l’aspect, si caractéristique, de l’_Ampullaria dolium_ Philippi[425] de la Guyane. Territoire du Chari, cercle de Krébedjé, octobre 1902. M. FOUREAU, au cours de sa Mission Saharienne, a constaté la présence de cette espèce dans le lac Tchad, aux environs d’Arégué[426]. _Ampullaria ovata_ Olivier. 1804. _Ampullaria ovata_ Olivier, _Voyage dans l’Empire Ottoman_, II, p. 39, Pl. XXXI, fig. 1 [non Savigny]. 1851. _Ampullaria ovata_ Philippi, _Monogr. Ampull._, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabin._ ; p. 49, Taf. XIV, fig. 5. 1857. _Ampullaria ovata_ Martens _Malakozool. Blätter_, IV, p. 187. 1863. _Ampullaria ovata_ Bourguignat, _Mollusques nouv. litig. peu connus_ ; décembre 1863, p. 79, Pl. X, fig. 11. 1866. _Ampullaria ovata_ Martens, _Malakozool. Blätter_, XIII, p. 1. 1874. _Ampullaria ovata_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. Nordostafrikas_, p. 230 [_Excl. synonym._]. 1879. _Ampullaria ovata_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Abyssinie_, etc., p. 32. 1881. _Ampullaria ovata_ Crosse, _Journal de Conchyl._, XXIX, p. 110 et 280. 1880. _Ampullaria ovata_ Smith, _Proceed. zoolog. society London_, p. 348. 1885. _Ampullaria ovata_ Billotte, _Bullet. soc. malacol. France_, II, p. 110. 1886. _Ampullaria ovata_ Pelseneer, _Bullet. Mus. hist. natur. Belgique_, IV, p. 104. 1888. _Ampullaria ovata_ Bourguignat, _Iconogr. malacolog. lac Tanganika_ ; Pl. VI, fig. 1. 1889. _Ampullaria ovata_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._ ; p. 168. 1890. _Ampullaria ovata_ Bourguignat, _Hist. malacolog. lac Tanganika_ ; p. 74, Pl. VI, fig. 1 ; et _Annales sciences natur._, 7e série, X ; même pagin. 1898. _Ampullaria ovata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrikas_ ; p. 158. 1904. _Ampullaria ovata_ Smith, _Proceed. malacolog. society London_ ; VI, no 2, p. 100. L’_Ampullaria ovata_ est une espèce incontestablement voisine de l’_A. Kordofana_ Parreyss[427], ne s’en distinguant que par sa forme plus élevée, plus franchement ovalaire et à spire plus haute. La mission Chevalier a recueilli, dans le Chari, sept échantillons de cette espèce en parfait état de conservation. Leur test est vert olive assez foncé, un peu plus jaunâtre vers la partie supérieure du dernier tour de spire, orné de bandes rougeâtres peu apparentes, assez variables en nombre et en dimensions. L’intérieur de l’ouverture est d’un brun rougeâtre, très brillant. Hauteur : 52-57 millimètres ; diamètre : 43-50 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 36-44 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 23 1/2-28 millimètres. Cette espèce est fort répandue en Egypte et en Abyssinie ; on la connaît également des lacs Victoria Nyanza et Tanganika ; enfin elle a été signalée jusque dans le Niger[428]. Comme l’_A. speciosa_, ce Mollusque fournit donc un excellent exemple d’espèce nilotique rayonnant dans toute l’Afrique équatoriale. _Ampullaria gradata_ Smith. 1881. _Ampullaria gradata_ Smith, _Proceed. zool. society London_ ; p. 289, Pl. XXXIII, fig. 22-22a. 1885. _Ampullaria gradata_ Billotte, _Bullet. soc. malacolog. France_ ; II, p. 109. 1889. _Ampullaria gradata_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._ ; p. 167. 1898. _Ampullaria gradata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 158. 1905. _Ampullaria gradata_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; XI, no 4, p. 256. C’est avec beaucoup de raison que E. A. SMITH considère son espèce comme très voisine des formes nilotiques qui, comme les _Ampullaria Wernei_ Phil., _A. speciosa_ Phil., et _A. lurida_ Parreyss, sont impossibles à distinguer à l’aide d’un caractère précis[429]. La distinction de toutes ces espèces n’est, en effet, qu’une question de « _galbe_ », et, comme telle, fort sujette à caution. Une étude anatomique attentive sur une série suffisante d’individus permettrait seule d’émettre une opinion définitive. Les échantillons recueillis par la mission sont adultes et bien typiques. Leur test est assez solide, un peu épais, crétacé, d’un vert olive, orné de stries d’acroissement un peu irrégulières coupées de très fines stries spirales. Hauteur max. : 56-59 millimètres ; diamètre max. : 53-55 millimètres ; rapport du diamètre max. à la hauteur maximum : 94/100 ; hauteur de l’ouverture : 45-47 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 27-30 millimètres ; rapport du diamètre de l’ouverture à la hauteur de l’ouverture : 60/100 à 64/100. Dans le « rahat » du Baguirmi ; septembre 1903 ; 1 exemplaire. Région avoisinant le S.-E. du lac Tchad, octobre 1903 [A. CHEVALIER] ; 1 exemplaire. Le Gribingui, mars 1904 [CHEVALIER et DECORSE] ; 1 exemplaire. Pays de Corbol, au S. du Baguirmi, territoire du Chari ; juillet 1903. Un exemplaire jeune. Cet échantillon se rapporte exactement à un individu, également jeune, offert par BOURGUIGNAT au Muséum en 1886 et provenant du Kondoa[430]. Il est d’une teinte jaune olivâtre, plus claire que chez les spécimens adultes et mesure : hauteur : 42 millimètres ; diamètre : 37 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 31 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 21 millimètres. =_Ampullaria chariensis_= Germain. 1905. _Ampullaria chariensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; XI, no 6, p. 486. 1906. _Ampullaria chariensis_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_ ; XIX ; p. 232, Pl. IV, fig. 10. Un seul exemplaire jeune ne mesurant que 32 1/2 millimètres de hauteur pour 26 millimètres de diamètre. L’ouverture a 26 millimètres de hauteur sur 10 millimètres de largeur. Il a été recueilli par M. CHEVALIER, dans le lac Tchad, près des îles Kouri (octobre 1903). _Ampullaria Rucheti_ Billotte. 1885. _Ampullaria Rucheti_ Billotte, _Bull. soc. malacolog. France_ ; II, p. 105, Pl. VI, fig. 1. 1889. _Ampullaria Rucheti_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._ ; p. 168. Cette espèce est surtout caractérisée par son dernier tour, très développé vers la région supérieure et bien atténué en bas, ce qui donne à la coquille un aspect subtriangulaire. Le test, un peu épais, est presque lisse, légèrement brillant à l’état frais ; l’intérieur de l’ouverture est rougeâtre. Hauteur : 50-54 millimètres : diamètre : 51 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 42-44 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 24-27 millimètres. Territoire du Chari, Mamoun, pays de Senoussi ; mars 1903 ; 1 exemplaire. Lac Tchad, archipel Kouri, octobre 1903 ; 1 exemplaire. * * * Les espèces suivantes, qui n’ont pas été recueillies par M. A. CHEVALIER au cours de sa mission, habitent également la région dont nous étudions la faune. _Ampullaria Wernei_ Philippi[431]. — Grosse espèce voisine de l’_Ampullaria speciosa_ et à laquelle il faut rapporter, ainsi que je l’ai montré précédemment[432], l’_Ampullaria Charmesi_ Billotte[433]. Le test épais, solide, d’un vert olive assez brillant, est orné de stries peu régulières, devenant fortes et parfois saillantes aux environs de l’ouverture. Hauteur : 88-91 millimètres ; diamètre maximum : 74-80 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 65-70 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 43 millimètres. Les îles de l’Oubangui, en aval du fort de Possel (juillet 1900) ; bords du Gribingui (janvier 1900) [Mission F. FOUREAU]. Le Bas Chari, entre Bougouman et Fort-Lamy ; 3 exemplaires adultes et 3 échantillons jeunes [M. le lieutenant L. LACOIN]. _Ampullaria erythrostoma_ Reeve[434]. — Belle espèce des environs de Zanzibar qui n’a pas encore été recueillie dans l’intérieur du continent africain. Le Dr von MARTENS a décrit, sous le nom de variété _Stuhlmanni_[435] une magnifique variété mesurant 83-84 millimètres de hauteur, 72-77 millimètres de grand diamètre et 58-62 millimètres de petit diamètre. L’ouverture a 61-63 millimètres de hauteur sur 38-41 millimètres de diamètre. Cette variété, découverte par le Dr STUHLMANN dans le lac Albert-Nyanza, en novembre 1891, se rapproche beaucoup, par sa forme très globuleuse avec un dernier tour bien régulièrement ventru formant presque toute la coquille et son ouverture relativement étroite, de certaines variétés de l’_Ampullaria speciosa_ et notamment de la variété _globosa_ Germain. On la retrouvera donc, probablement, dans le bassin du Chari. [Illustration : FIG. 90. — _Ampullaria speciosa_ Philippi, var. _globosa_ Germ. Demi-grandeur naturelle.] L’_Ampullaria speciosa_ Phil. var. _globosa_ Germain[436] (fig. 90), est une coquille de très grande taille qui se sépare du type par son dernier tour notablement plus globuleux et sa suture moins nettement canaliculée. Elle atteint les dimensions suivantes : Hauteur : 103 millimètres ; diamètre maximum : 99 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 82 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 53 millimètres. Elle a été recueillie sur les bords du Congo, en juillet 1900, par M. F. FOUREAU. Enfin je signalerai l’_Ampullaria leopoldvillensis_ Putzeys[437], bien que cette espèce n’ait encore été recueillie que dans le Stanley-Pool, près de Léopoldville, parce qu’elle appartient à la même série que les précédentes. C’est une coquille de grande taille (hauteur : 88 millimètres ; diamètre maximum : 77 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 73 millimètres), globuleuse, étroitement ombiliquée, possédant 5 1/2 tours de spire convexes et une ouverture un peu oblique, oblongue, allongée, relativement étroite. Cette espèce, qui est extrêmement voisine de la variété _Stuhlmanni_ Martens, se rapproche également de l’_A. speciosa_ var. _globosa_ et il est probable que de nouveaux matériaux permettront de réunir ces trois formes. Genre LANISTES Denys de Montfort[438]. _Lanistes procerus_ Martens. 1866. _Lanistes olivaceus_ var. _procerus_ Martens _in_ Pfeiffer, _Novitates Concholog._, II, p. 292, pl. LXXI, fig. 1-2. 1879. _Meladomus procerus_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Abyssinie, Zanz._, etc., p. 34. 1886. _Lanistes magnus_ Furtado, _Journal de Conchyliol._, XXXIV, p. 147, pl. VI, fig. 3. 1889. _Meladomus procerus_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 172. 1898. _Lanistes olivaceus_ var. _procerus_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 164. 1901. _Lanistes olivaceus_ var. _procerus_ Dupuy et Putzeys. _Bullet. séances soc. malacol, Belgique_, XXXVI, p. LVIII, fig. 29. Espèce de très grande taille, atteignant jusqu’à 105 millimètres de hauteur, pour 80 millimètres de diamètre maximum ; spire un peu haute, composée de 6-7 tours bien convexes séparés par des sutures profondes ; ouverture atteignant à peu près la moitié de la hauteur totale ; test solide, épais, d’un marron olivâtre plus ou moins foncé. Les stries dont le test est orné sont grossières et irrégulièrement distribuées ; elles deviennent nettement pliciformes aux environs de l’ouverture. Le _Lanistes magnus_, décrit par FURTADO est, sans aucun doute, une forme major du _Lanistes procerus_ dont le dernier tour est un peu plus ventru. Il existe également une variété _minor_ qui possède exactement les caractères du type mais ne mesurant que 54 millimètres de hauteur pour 38 millimètres de diamètre maximum[439]. Elle a été recueillie, par MM. CHEVALIER et DECORSE dans le Mamoun (pays de Senoussi), en mars 1903. M. le lieutenant LACOIN a également recueilli cette espèce dans le Bas- Chari et dans le Bar-el-Ghazal. _Lanistes ovum_ Peters. 1835. _Ampullaria ovum_ Peters, _Archiv. f. naturgesch._, XI, p. 215. 1851. _Ampullaria ovum_ Philippi _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conch. Cab., Ampull._, p. 22, no 27, pl. VI, fig. 2. 1860. _Lanistes ovum_ Martens, _Malak. Blätt._, VI, p. 216. 1866. _Lanistes ovum_ Pfeiffer, _Novitates Conchol._, II, p. 290. 1868. _Ampullaria ovum_ Morelet, _Voy. Wellwitsch_, p. 41, p. 44 et p. 95. 1874. _Lanistes ovum_ Jickeli, _Land- und Süssw. Moll. N.-O. Afrik._, p. 230. 1877. _Lanistes ovum_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 715. 1879. _Meladomus ovum_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Abyssinie, Zanzib._, etc., p. 36. 1889. _Meladomus ovum_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équatoriale_, p. 173. 1898. _Lanistes ovum_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 166. 1906. _Lanistes ovum_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_, XIX, p. 233. Cette espèce bien connue est abondante dans toute l’Afrique tropicale ; elle est assez polymorphe, tant au point de vue de la forme générale qu’au point de vue de la taille, pour qu’on y puisse distinguer les variétés suivantes : Variété =_Lacoini_= Germain[440]. PLANCHE V, fig. 16. 1906. _Lanistes ovum_ var. _Lacoini_ Germain, _Mém. soc. zoolog. France_, XIX. p. 234. Coquille de forme plus ventrue-globuleuse ; spire moins haute à tours plus convexes ; dernier tour notablement plus développé en largeur ; ombilic à peine plus large ; test plus finement et plus régulièrement strié. Hauteur : 42-46 millimètres ; diamètre : 35-36 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 27-28 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 17 1/2-19 millimètres. Territoire du Chari : Mamoun (Pays de Senoussi) ; mars 1903 ; 2 exemplaires. Variété _elatior_ Pfeiffer. 1866. _Lanistes ovum_ var. _elatior_ Pfeiffer, _Novitates Conchol._, p. 291, taf. LXX, fig. 7-8. 1874. _Lanistes ovum_ var. _elatior_ Jickeli, _Land- und Süssw. Moll. N.-O. Afrik._, p. 230. 1879. _Meladomus elatior_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Abyss., Zanzib._, p. 35. 1889. _Meladomus elatior_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équat._, p. 173. 1906. _Lanistes ovum_ var. _elatior_ Germain, _Mém. soc. zoolog. de France_, XIX, p. 234. Coquille de forme plus élevée ; spire plus haute, composée de 6 tours convexes à croissance assez rapide séparés par des sutures profondes ; test épais, solide, assez finement strié, d’un brun marron ou d’un vert noirâtre un peu brillant. Territoire du Chari : Mamoun (Pays de Senoussi) ; 1 exemplaire. BOURGUIGNAT a donné, au Muséum d’histoire naturelle de Paris, deux exemplaires de _Lanistes ovum_ qui, par leur forme un peu haute, sont intermédiaires entre le type _ovum_ et la variété _elatior_. Ils ont été recueillis aux environs de Zanzibar par M. BLOYET [1886]. L’espèce type a été récoltée par le Dr DECORSE dans le Mamoun (mars 1903), à Kousri, et dans un ruisseau près de Koga-Pongourou [6 décembre 1903] ; 6 exemplaires. _Lanistes ellipticus_ Martens. 1866. _Lanistes ellipticus_ Martens, _in_ : Pfeiffer, _Novitates Concholog._, II, p. 294, taf. LXX, fig. 9-10. 1879. _Meladomus ellipticus_ Bourguignat, _Mollusques Egypte, Abyssinie, Zanzibar_, etc..., p. 35. 1886. _Lanistes Zambesianus_ Furtado, _Journal de Conchyl._, XXXIV, p. 148, pl. VII, fig. 1. 1889. _Meladomus ellipticus_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équatoriale_, p. 123. 1898. _Lanistes ellipticus_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 168. Le _Lanistes ellipticus_ est une espèce primitivement découverte dans la région du Mozambique, puis dans le bassin du Zambèse (CAPELLO et IVENS ; prof. PETERS, 1884-1885), enfin dans le lac Nyassa [J.-A. SIMONS, etc.]. Le Dr DECORSE a également constaté la présence de ce _Lanistes_ à Kousri. L’unique exemplaire recueilli est d’ailleurs conforme à la figuration donnée par PFEIFFER[441]. =_Lanistes gribinguiensis_= Germain. PLANCHE V, fig. 15. 1905. _Lanistes gribinguiensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6, p. 487. Coquille d’assez petite taille, senestre, ventrue, pourvue d’une perforation ombilicale assez large, _non circonscrite par une angulosité_ ; spire très brève, subconoïde, à sommet très obtus ; 5 tours à peine convexes, à croissance très rapide, présentant une région méplane relativement large contre la suture qui est à peu près linéaire ; dernier tour très grand, renflé, bien ventru-arrondi, formant les 6/7 de la hauteur totale ; ouverture peu oblique, médiocrement échancrée, subelliptique, à bord externe largement convexe, anguleuse supérieurement, arrondie inférieurement ; columelle presque droite, très légèrement réfléchie sur l’ombilic ; péristome droit et aigu ; bords marginaux convergents réunis par une faible callosité d’un blanc bleuâtre. Opercule médiocre, profondément enfoncé dans l’intérieur de la coquille, légèrement concave extérieurement, orné de stries concentriques assez fines ; nucleus à peine saillant, presque situé contre le bord columellaire. Hauteur : 20 millimètres ; diamètre maximum : 19 1/2 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 14 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 11 millimètres. Test solide, relativement épais, opaque, assez grossièrement strié [le dernier tour présente des costulations émoussées relativement grosses, onduleuses et assez régulières, sauf vers l’ouverture], d’un marron assez foncé, orné de bandes peu visibles, étroites, plus sombres que le fond de la coquille. Intérieur de l’ouverture d’un rouge vineux brillant. Cette espèce se rapproche surtout du _Lanistes lybicus_ Morelet[442], tant par son enroulement que par la position de sa carène spirale ; mais elle s’en distingue par un caractère essentiel : tandis que, chez le _Lanistes lybicus_ et toutes les formes de ce groupe, la fente ombilicale est entourée par une angulosité plus ou moins saillante mais toujours très visible, la perforation ombilicale est ici simple, sans aucune trace d’angulosité. Le _Lanistes gribinguiensis_ présente aussi assez l’aspect du _L. stuhlmanni_ Martens[443], mais cette dernière espèce n’est pas ombiliquée. Le Gribingui, dans l’Oubangui. * * * En dehors des espèces que nous venons de passer en revue, la région du Chari et le bassin du Tchad nourrissent encore les _Lanistes_ suivants : _Lanistes Vignoni_ Bourguignat[444]. — Cette espèce, qui a été très exactement figurée par PFEIFFER[445] comme variété du _Lanistes bernardianus_ Morelet[446], habite le lac Tchad, dans la région de Woudi, où elle a été recueillie par M. F. FOUREAU. C’est une coquille globuleuse, à spire peu haute composée de 5 tours très étagés et ornés d’une carène saillante. L’ombilic est entouré d’une angulosité bien marquée ; enfin l’ouverture, peu oblique, ovalaire-allongée, atteint environ les 2/3 de la hauteur totale. Hauteur : 34 millimètres ; diamètre maximum : 32 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 22 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 15 millimètres. _Lanistes Foai_ Germain[447]. — Cette espèce, qui se rapproche surtout de la précédente, s’en distingue nettement par sa spire beaucoup plus déprimée et son ouverture plus régulièrement ovalaire. La perforation ombilicale n’est pas entourée par une carène, mais présente seulement une fausse apparence d’angulosité ; enfin le _Lanistes Foai_ est remarquable par sa forme écourtée, sa hauteur étant plus faible que son diamètre maximum. Hauteur : 25 millimètres ; diamètre maximum : 28 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 18 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 12 millimètres. Test solide, épais, opaque, un peu pesant, d’un marron foncé, orné, sur le dernier tour, de 6-7 bandes étroites plus sombres que le fond de la coquille ; stries très fines, irrégulièrement distribuées. Recueillie par M. E. FOA dans le Haut-Congo. Enfin MM. DUPUIS et PUTZEYS ont décrit une coquille du Lualaba qui appartient à la même série que les deux précédentes. C’est le _Lanistes lybicus_ var. _nseudweensis_ Dupuis et Putzeys[448] caractérisé par sa forme déprimée, ses tours présentant, à leur partie supérieure, une carène saillante ; enfin par son ombilic entouré d’une carène nettement accusée. Hauteur : 21 millimètres ; diamètre maximum : 22 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 13 1/2 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 10 1/2 millimètres. =Famille des MELANIIDÆ= Genre MELANIA de Lamarck. _Melania tuberculata_ Müller. 1774. _Nerita tuberculata_ Müller, _Verm. terr. et fluv. hist._, p. 191. 1779. _Strombus tuberculatus_ Schröter, _Geschichte d. flusconchyl._, p. 373. 1779. _Strombus costatus_ Schröter, _loc. cit._ ; p. 373, Taf. VIII, fig. 14. 1804. _Melanoïdes fasciolata_ Olivier, _Voyage empire Ottoman_, II, p. 40, Pl. XXXI, fig. 7. 1822. _Melania fasciolata_ de Lamarck, _An. sans vertèbres_ ; VI, 2e part., p. 174. 1847. _Melania pyramis_ Buch _in_ : Philippi, _Abbild. Conchyl._, II, p. 172, Taf. IV, fig. 16. 1852. _Vivipara fasciolata_ Raymond, _Journ. Conchyl._, III, p. 326. 1853. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Catal. rais. Mollusques Orient_, p. 65. 1861. _Melania Rothiana_ Mousson, _Coq. Roth_, p. 61. 1864. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Malacol. terr. fluv. Algérie_, II, p. 251, Pl. XV, fig. 1-11. 1865. _Melania tuberculata_ Dohrn, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 234. 1865. _Melania rubropunctata_ Tristam, _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 541. 1865. _Melania tuberculata_ Martens, _Malakozool. Blätter_, XI, p. 205. 1869. _Melania tuberculata_ Martens, _Nachrichtsbl. d. Malak. ges._, I, p. 154. 1874. _Melania tuberculata_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. Nordostafrik._, p. 251. 1874. _Melania abyssinica_ Ruppel _in_ : Jickeli, _loc. cit._ ; p. 253. 1877. _Melania tuberculata_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_ ; p. 712. 1879. _Melania tuberculata_ Martens, _Sitz. ber. d. ges. natur. Freunde in Berlin_, p. 104. 1881. _Melania tuberculata_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_ ; p. 291. 1882. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Mollusq. terr. fluv. mission Revoil au pays Çomalis_, p. 90. 1883. _Melania Rothiana_ Locard, _Malacol. lacs Tibériade, Antioche_, etc., p. 32. 1883. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Hist. malacol. Abyssinie_ ; p. 102 et 131. 1884. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Hist. Melaniens syst. europ._, p. 5 et _Ann. malacologie_, II, p. 5. 1887. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Bullet. soc. malacol. France_ ; IV, p. 267. 1888. _Melania tuberculata_ Pollonera, _Bollettino della Società malacologica Italiana_ ; XIII, part. II, p. 34. 1888. _Melania tuberculata_ Smith, _Proceed. zool. soc. London_ ; p. 52. 1888. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Iconogr. malacol. lac Tanganika_ ; p. 27. Pl. XI, fig. 26-27. 1889. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Bullet. soc. malacol. France_, VI, p. 5 et 51. 1889. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Mollusq. Afrique équator._ ; p. 182. 1890. _Melania tuberculata_ Smith, _Ann. magaz. natur. history_ ; 6e série, VI, p. 149. 1890. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Hist. malacol. lac Tanganika_ ; p. 163, Pl. XI, fig. 26-27 ; et _Ann. sc. natur._ ; 7e série, X, _même paginat._ 1891. _Melania tuberculata_ Smith, _Proceed. zoolog. soc. London_ ; p. 310. 1892. _Melania tuberculata_ Martens, _Sitz. bericht. d. ges. nat. Freunde Berlin_, p. 173. 1893. _Melania tuberculata_ Bourguignat, _Mollusques Nyanza-Oukéréwé_, p. 4. 1894. _Melania tuberculata_ Ancey, _Mém. soc. zoolog. France_ ; VII, p. 224. 1896. _Melania tuberculata_ Sturany _in_ : Baumann, _Durch Massailand zur Nilquelle_, p. 10. 1898. _Melania tuberculata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 193. 1898. _Melania tuberculata_ Pollonera, _Bollet. Musei zoolog. anat. comp. R. univers. Torino_, XIII, no 313, p. 12 (4 mars 1898). 1904. _Melania tuberculata_ Smith, _Proceed. malacolog. soc. London_ ; VI, p. 100. 1904. _Melania tuberculata_ de Rochebrune et Germain, _Mém. soc. zoolog. France_ ; XVII, p. 7. 1904-1906. _Melania tuberculata_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; X, p. 353 ; XI, p. 257 et p. 328 ; XII, p. 54, p. 59 et p. 297. Cette espèce cosmopolite est extrêmement abondante dans certaines régions de l’Afrique. Elle habite particulièrement le lac Tchad où tous les voyageurs qui ont exploré ces régions en ont recueilli de nombreux exemplaires. Le plus souvent on trouve le _Melania tuberculata_ sur les plages sableuses où l’accumulation des individus forme parfois une couche atteignant plusieurs centimètres d’épaisseur. Les échantillons ont, dans ce cas, entièrement perdu leur épiderme. Il est d’ailleurs relativement rare de trouver des exemplaires vivants ou simplement en bon état de conservation. Région de Tombouctou, abords des lacs Daouna. [Mission du général de TRENTINIAN] août 1899. Lac Tchad, archipel Kouri, octobre 1903. Une centaine d’exemplaires. * * * _Melania (Plotia) scabra_ Müller[449]. — Bien qu’elle n’ait pas été recueillie, au cours de la Mission, cette coquille est si répandue dans l’O. africain qu’on la rencontrera sans doute un jour dans le Chari. Sous le nom de _Plotia Leroyi_, Bourguignat[450] a décrit une espèce qui ne diffère pas du _M. scabra_. Quant au _Plotia Bloyeti_ du même auteur, ce n’est qu’une variété _minor_ de la même espèce. Elle n’en diffère en effet, dit BOURGUIGNAT, que « par sa taille moitié plus petite, par sa forme plus ventrue, moins oblongue, par sa spire moins allongée »[451]. Un assez grand nombre de Mélanies ont été découvertes, dans ces dernières années, dans le cours du Haut-Congo et de quelques-uns de ses affluents. Elles ont été décrites et figurées par DUPUIS et PUTZEYS dans un travail auquel je renvoie le lecteur, aucune de ces espèces n’ayant été signalée dans le Chari ou ses tributaires[452]. PÉLÉCYPODES =Famille des UNIONIDÆ= Genre UNIO Philippsson[453]. § 1. — _UNIO_ sensu stricto. =_Unio mutelæformis_= Germain. PLANCHE LITHOGR., fig. 3-4. 1906. _Unio mutelæformis_ Germain, _Bull. Muséum hist. natur. Paris_ ; XII, no 1, p. 60, note 1 [_sans descript._]. 1906. _Unio mutelæformis_ Germain, _Mém. soc. zoolog. de France_ ; XIX, p. 336. Coquille de petite taille, d’une forme subrectangulaire très allongée ; valves médiocrement solides, peu bombées ; bords supérieur et inférieur tout à fait parallèles ; bord supérieur rectiligne ; bord inférieur presque droit, à peine subsinueux en son milieu, légèrement remontant à son extrémité ; région antérieure médiocre, bien arrondie ; région postérieure fort allongée dans le sens horizontal, à peu près trois fois aussi longue que l’antérieure, conservant la même hauteur jusqu’au niveau de l’angle postéro-dorsal, puis s’atténuant, surtout supérieurement, en une partie rostrale aiguë ; sommets assez antérieurs (mais très notablement moins que dans l’_Unio Monceti_ Bourguignat), médiocrement ventrus, comprimés latéralement ; crête dorsale bien accentuée ; charnière présentant : sur la valve droite une cardinale double et deux latérales très longues et peu saillantes ; sur la valve gauche une cardinale très haute, subquadrangulaire, nettement denticulée, et une latérale très longue, médiocrement saillante ; empreintes musculaires : antérieure profonde, postérieure superficielle. Longueur maximum : 24-26 millimètres ; hauteur max. : 9-10 millimètres ; épaiss. max. : 5 millimètres. Test d’un marron jaunacé ou ocracé[454], parfois très sombre[455], légèrement excorié vers les sommets ; stries d’accroissement assez délicates, régulières, plus fortes postérieurement ; nacre assez irisée, bleu de prusse clair. Cette espèce ne peut se rapprocher que de l’_Unio Monceti_ Bourguignat[456] ; on l’en distinguera : Par son test non chevronné ; par sa forme beaucoup plus allongée quoique la région postérieure ne soit, comme dans le type _Monceti_, que trois fois aussi longue que l’antérieure, mais l’_Unio Monceti_ présente une région antérieure remarquablement écourtée, très arrondie, avec des sommets tout à fait antérieurs ; par ses sommets bien moins proéminents ; par sa forme beaucoup plus comprimée. Rapides du Gribingui, janvier 1903 (Dr DECORSE) ; 1 exemplaire. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903 ; 1 exemplaire. Le lac Tchad (M. le lieutenant L. LACOIN, 1902) ; 2 échantillons. Variété =_chariensis_= Germain, _nov. var._ Cette coquille diffère du type : Par sa forme plus écourtée, elliptico-ovalaire ; par son bord supérieur légèrement ascendant et un peu subconvexe ; par son bord inférieur, non pas rectiligne, mais très notablement et régulièrement convexe ; par son bord postérieur plus développé en hauteur par suite de la divergence plus nette des bords supérieur et inférieur, ce qui fait que la hauteur maximum de la coquille n’est pas égale, comme dans le type, à la hauteur de la verticale, mais se trouve reportée vers la région postérieure ; par ses deux carènes dorsales assez accentuées ; etc. Chez cette petite coquille, les sommets sont très peu proéminents, le ligament est peu robuste et fort court ; le test, d’un roux jaunâtre pâle, présente des stries d’accroissement fines, serrées et régulières ; la nacre, très irisée, est d’un rose saumon particulièrement vif. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903. Avec le type. § 2. _NODULARIA_ Conrad[457]. _Unio (Nodularia) æquatoria_ Morelet. 1885. _Unio æquatorius_ Morelet, _Journ. de Conchyliol._ ; XXXIII, p. 31, Pl. II, fig. 9. 1890. _Unio æquatorius_ Paetel, _Conch. Sam._, III, p. 144. 1891. _Unio landanensis_ Schepman, _Notes Leyden Mus._ ; VIII, p. 113, Pl. VIII, fig. 3a-3b. 1900. _Nodularia æquatoria_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nat. Museum_ ; XXII, p. 823. Coquille ovalaire un peu allongée ; bord supérieur un peu convexe dans une direction très légèrement ascendante ; bord inférieur bien convexe ; région antérieure médiocre, arrondie ; région postérieure semi- elliptique, plus de deux fois aussi longue que l’antérieure ; sommets petits, assez proéminents ; charnière typique de Nodularia. Test médiocrement épais, assez solide, d’un vert olivâtre foncé ; stries d’accroissement fines, serrées, régulièrement distribuées ; nacre bien irisée d’un rose violacé. Les échantillons recueillis par M. A. CHEVALIER correspondent bien à cette description ; mais ils sont de taille beaucoup plus petite, constituant une variété _minor_ parfaitement nette (longueur max : 27-30 millimètres ; hauteur max. : 16-17 1/2 millimètres ; épaisseur maximum : 11-12 millimètres). Quelques exemplaires ont un épiderme soyeux rappelant celui que l’on observe chez l’_Unio Fellmanni_ Deshayes[458] d’Algérie. Dans le Bangoran, 10 février 1903 ; 1 exemplaire. Le Mamoun (pays de Senoussi). Mars 1903 ; 1 exemplaire. =_Unio (Nodularia) Chivoti_= Germain[459], nov. sp. PLANCHE V, fig. 23. 1907. _Unio (Nodularia) Chivoti_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no 1, p. 66. Coquille de taille moyenne, assez régulièrement ovalaire, très comprimée ; valves minces, mais assez solides, à peine baillantes antérieurement ; bord supérieur régulièrement subconvexe ; bord inférieur très régulièrement et très largement convexe ; région antérieure arrondie, un peu décurrente à la base ; région postérieure une fois et demie plus longue que l’antérieure, terminée par un rostre légèrement tronqué ; sommets érosés, médiocrement proéminents, assez gros et obtus ; arête dorsale médiocrement accentuée ; charnière présentant : sur la valve droite, deux cardinales médiocres, l’inférieure plus élevée que la supérieure, presque lisse, à peine serrulée à son extrémité antérieure, la supérieure un peu plus longue, moins haute, plus mince ; lamelle latérale très longue, mince et saillante ; sur la valve gauche : une dent cardinale subtriangulaire assez élevée et deux lamelles très longues, minces, assez saillantes, l’inférieure plus haute que la supérieure ; impressions musculaires : antérieure médiocre, postérieure très superficielle ; ligament très court, d’un marron brillant. Longueur max. : 31 millimètres ; hauteur max. : 19 millimètres à 10 1/2 millimètres des sommets ; épaisseur max. : 10 millimètres. Test marron foncé, passant au brun noirâtre à la région antérieure, présentant des stries d’accroissement fines, assez régulières, très serrées, plus fines et plus irrégulières postérieurement, orné en outre de rides fulgurantes plus ou moins saillantes partant des sommets. Ces rides ne se trouvent que dans la région supérieure du test où elles entourent pour ainsi dire le sommet ; elles sont plus développées postérieurement ; au milieu et antérieurement elles se résolvent en granulations saillantes. Cette sculpture du test est, de tous points, comparable à celle des Unios du Victoria-Nyanza. Nacre bien irisée, bleu de prusse assez foncé. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903. =_Unio (Nodularia) bangoranensis_= Germain nov. sp. PLANCHE V, fig. 22. 1907. _Unio (Nodularia) bangoranensis_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no 1, p. 66. Coquille de petite taille, de forme ovalaire-allongée, assez convexe ; valves solides, médiocrement épaisses, assez baillantes antérieurement, très peu baillantes postérieurement ; bord supérieur régulièrement convexe ; bord inférieur bien convexe ; région antérieure arrondie, légèrement décurrente à la base ; région postérieure à peine une fois et demie aussi longue que l’antérieure, terminée par un rostre médiocre ; sommets médiocrement obtus, un peu comprimés ; arête dorsale très émoussée ; charnière présentant : sur la valve droite : deux cardinales médiocrement longues, l’inférieure subtriangulaire très élevée, beaucoup plus élevée que la supérieure qui est très peu développée, et une longue lamelle latérale peu saillante ; sur la valve gauche : une cardinale assez haute formée de deux pointes saillantes séparées : la _première presque sous les sommets_, très aiguë ; la seconde au voisinage de l’angle antéro-dorsal, plus longue et plus mousse[460] ; deux lamelles latérales très longues ; impressions musculaires : antérieure profonde, postérieure très superficielle ; ligament court, assez robuste. Longueur maximum : 23-36 millimètres ; hauteur maximum : 13 1/2 millimètres (à 5 1/2 millimètres des sommets) — 21 1/2 millimètres (à 12 millimètres des sommets) ; épaisseur maximum : 10-14 millimètres. Test marron très foncé, presque noir, largement excorié au voisinage des sommets ; stries d’accroissement fines, serrées et irrégulières ; nacre bleuâtre, quelquefois saumonée, bien irisée. Cette espèce ressemble, par le contour de ses valves, à l’_Unio Chivoti_ ; mais elle s’en éloigne par sa forme plus écourtée, la région postérieure étant notablement plus développée ; par ses valves beaucoup plus bombées et bibaillantes (elles ne sont baillantes qu’antérieurement chez l’_U. Chivoti_) ; et surtout par la sculpture toute différente du test. Dans le Bangoran, affluent du Chari (Pays de Senoussi), février 1903 ; 1 exemplaire complet et 1 valve [A. CHEVALIER]. Rapides du Bas Gribingui, janvier 1903 [Dr DECORSE] ; 2 échantillons. Le Chari, à Fort-Archambault, mai 1903 [Dr DECORSE] ; 1 échantillon. =_Unio (Nodularia) Lacoini_= Germain[461]. 1905. _Unio (Nodularia) Lacoini_ Germain, _Bullet. Muséum hist. nat. Paris_, XI, no 6, p. 489 (_sans descript._). 1906. _Unio (Nodularia) Lacoini_ Germain, _Mémoires soc. zoolog. de France_, XIX, p. 237, pl. IV, fig. 11-12. Coquille ovalaire-allongée, assez ventrue, solide, opaque ; bord supérieur à peu près rectiligne ; bord antérieur arrondi, un peu anguleux supérieurement ; bord inférieur régulièrement convexe ; région postérieure allongée, une fois et demie à deux fois plus longue que l’antérieure, présentant une arête dorsale assez nettement accusée chez les jeunes, devenant obtuse chez l’adulte ; sommets proéminents, souvent excoriés et, dans ce cas, laissant voir une nacre blanche sur laquelle les tubercules et les chevrons du test apparaissent nettement ; dents cardinales au nombre de 2 sur la valve droite, relativement bien allongées, la supérieure moins haute que l’inférieure, séparées par une rainure profonde ; une seule cardinale sur la valve gauche, haute, robuste, légèrement comprimée et finement serrulée ; lamelles latérales au nombre de deux sur la valve gauche, minces, comprimées, parallèles et séparées par un sillon profond ; une seule lamelle latérale sur la valve droite, très longue, élevée et assez tranchante ; impressions musculaires : antérieure arrondie et assez profonde, postérieure superficielle. Longueur maximum : 30-36 millimètres ; hauteur maximum : 19-22 millimètres ; épaisseur maximum : 14-16 millimètres. Test d’un marron pâle, parfois jaunacé, présentant des stries d’accroissement très fines mais peu régulières et des tubercules ou des chevrons au voisinage des sommets ; nacre irisée, bleuâtre ou rosée. Cette espèce est très polymorphe tant par sa forme générale que par l’ornementation sculpturale du test. On peut ainsi distinguer les mutations suivantes qui se définissent d’elles-mêmes : Var. ex-forma : =_elongata_= Germain. — =_curta_= Germain. — =_compressa_= Germain. L’ornementation du test se compose, fondamentalement, de stries assez fines qui, sur certains échantillons, deviennent fortes, assez saillantes et très irrégulières. Il s’y ajoute souvent, au voisinage des sommets, soit des tubercules, soit des chevrons, soit à la fois des tubercules et des chevrons. L’_Unio Lacoini_ se rapproche à la fois de l’_Unio (Nodularia) ægyptiaca_ Cailliaud, dont il diffère par sa forme plus elliptique ; par ses dents cardinales beaucoup plus longues ; etc... et de l’_Unio (Nodularia) Faidherbei_ Jousseaume qui s’en sépare par ses valves beaucoup moins convexes ; ses sommets plus antérieurs ; etc... Faguibine (Haut-Sénégal), 1900 ; 10 échantillons. Le lac Tchad, Kanassarom, sur la côte nord-est [M. le lieutenant L. LACOIN, 1902] ; 6 exemplaires. * * * Deux Unios seulement sont à ajouter aux espèces précédentes : l’un appartient à la série des _Nodularia_, l’autre à celle des _Grandidieria_ Bourguignat[462]. _Unio (Nodularia) essoensis_ Chaper[463]. — M. le capitaine DUPERTHUIS a découvert dans le Kanem (Tchad oriental) trois exemplaires d’une variété _minor_ Germain[464] de cette espèce. Le test est mince, léger, recouvert d’un épiderme marron brillant, orné d’étroits rayons vert émeraude particulièrement nombreux à la région postérieure. Les sommets sont parfois ornés de forts tubercules. La nacre, bien irisée, est orangée. Longueur : 26-32 millimètres ; hauteur maximum : 20-23 millimètres ; épaisseur maximum : 11-15 millimètres. Quelques échantillons très frustes, d’une espèce de _Nodularia_, ont été rapportés des lacs Daouna, dans la région de Tombouctou [Mission du général de TRENTINIAN, 1899]. Leur mauvais état de conservation ne permet pas de les déterminer spécifiquement ; ils sont cependant intéressants puisqu’ils permettent d’affirmer que les Nodularia habitent les lacs, encore inconnus au point de vue faunique, des environs de Tombouctou. _Unio (Grandidieria) tsadianus_ Martens[465]. — Coquille solide, oblongue-elliptique, très renflée ; région antérieure courte et arrondie ; région postérieure rostrée ; bord supérieur subrectiligne ; bord inférieur très convexe ; sommets renflés, situés au quart de la longueur totale. Longueur : 31 millimètres ; hauteur maximum : 20 millimètres ; épaisseur maximum : 18 millimètres. Test épais, solide, jaune fauve ou verdâtre, irrégulièrement strié. Nacre irisée, bleuâtre. Habite le lac Tchad, aux environs de Kouka [lieutenant allemand GLAUNING, 1902]. C’est la première fois qu’une espèce de la série des _Grandidieria_ est signalée en dehors des lacs Tanganika, Victoria- Nyanza ou Rodolphe. Le fait est d’autant plus intéressant que le lac Tchad nourrit également des Pliodons appartenant justement à la section _Cameronia_ si largement représentée dans le lac Tanganika. =Sous-Famille des ÆTHERIDÆ[466].= Genre ÆTHERIA de Lamarck[467]. _Ætheria elliptica_ de Lamarck. 1807. _Ætheria elliptica_ de Lamarck, _Ann. Muséum hist. natur. Paris_, X, p. 401, pl. XXIX et pl. XXX, fig. 1. 1807. _Ætheria trigonula_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 403, pl. XXX et XXXI. 1807. _Ætheria semilunata_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 404, pl. XXXII, fig. 1-2. 1807. _Ætheria transversa_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 404, pl. XXXII, fig. 3-4. 1819. _Ætheria elliptica_ de Lamarck, _Anim. s. vertèbres_, VI, I, p. 100. 1819. _Ætheria trigonula_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 100. 1819. _Ætheria semilunata_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 100. 1819. _Ætheria transversa_ de Lamarck, _loc. cit._, p. 100. 1820. _Ætheria semilunata_ Sowerby, _Genera of shells_, I. 1823. _Ætheria Cailliaudi_ de Férussac, _Mém. Æth._ ; in : _Mém. Acad. sc._, I, p. 359. 1823. _Ætheria Lamarcki_ de Férussac, _loc. cit._, p. 359. 1823. _Ætheria plumbea_ de Férussac, _loc. cit._, p. 359. 1825. _Ætheria tubifera_ Sowerby. _Zoolog. Journal_, I, p. 523, pl. XIX. 1826. _Ætheria Cailliaudi_ Cailliaud, _Voyage à Méroë_, II, p. 222, IV (1827), p. 261 ; atlas, II (1823), pl. LXI, fig. 1-3. 1830. _Ætheria Carteroni_ Michelin, _Magas. zoolog., Mollusques_, I, pl. I, fig. 1. 1834. _Ætheria plumbea_ Rang et Cailliaud, _Mém. Eth._, p. 15 et _Ann. Muséum Paris_ (3), III, p. 142. 1834. _Ætheria Lamarcki_ Rang et Cailliaud, _loc. cit._, p. 17 et p. 143. 1834. _Ætheria Cailliaudi_ Rang et Cailliaud, _loc. cit._, p. 17 et p. 143. 1858. _Ætheria semilunata_ H. et A. Adams, _Genera of recent Mollusca_, pl. CXX, fig. 3. 1858. _Ætheria semilunata_ Woodward, _Manual of Conchol._, pl. XVIII, fig. 7. 1862. _Ætheria Caillaudi_ Chenu, _Man. Conch._, II, p. 150, fig. 139. 1866. _Ætheria Cailliaudi_ von Martens, _Malak. Blätter_, XIII, p. 9. 1868. _Ætheria plumbea_ Morelet, _Voyage Welwitsch, Moll._, p. 100. 1872. _Ætheria elliptica_ Reeve, _Conchol. Icon._, XVIII, fig. 1-1_b_. 1872. _Ætheria Cailliaudi_ Reeve, _loc. cit._, fig. 2-2 _a_. 1874. _Ætheria Cailliaudi_ Jickeli, _Land- und Süssw. Moll. N. Ost- Afrik._, p. 281. 1880. _Ætheria elliptica_ Smith. _Proceed. zoolog. soc. London_, p. 352. 1881. _Ætheria Pettrettini_ Bourguignat, _Matér. hist. Mollusques Acéph. syst. Européen_, p. 53 et p. 70. 1881. _Ætheria Letourneuxi_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 56 et p. 70. 1881. _Ætheria Chambardi_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 56 et p. 69. 1881. _Ætheria nilotica_ Letourneux _in_ : Bourguignat, _loc. cit._, p. 58 et p. 66. 1881. _Ætheria Cailliaudi_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 64. 1881. _Ætheria tubifera_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 65. 1881. _Ætheria elliptica_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 66. 1881. _Ætheria senegalica_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 68. 1881. _Ætheria semilunata_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 70. 1881. _Ætheria transversa_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 71. 1881. _Ætheria Carteroni_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 71. 1883. _Ætheria Cailliaudi_ Bourguignat, _Hist. malacolog. de l’Abyssinie_, p. 137. 1883. _Ætheria tubifera_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 137. 1883. _Ætheria nilotica_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 138. 1886. _Ætheria Bourguignati_ de Rochebrune, _Bullet. soc. malacologique de France_, III, p. 14. 1886. _Ætheria Cailliaudi_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoolog. de France_, XI, p. 501 (à part, p. 31). 1886. _Ætheria plombea_ Jousseaume, _loc. cit._, p. 501 (à part, p. 31). 1890. _Ætheria Cailliaudi_ Dautzenberg, _Mémoires soc. zoolog. de France_, III, p. 135. 1892. _Ætheria elliptica_ Smith, _Ann. magaz. natur. history_, 6e série, X, p. 381. 1898. _Ætheria elliptica_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 216. 1898. _Ætheria elliptica_ var. _Cailliaudi_ Martens, _loc. cit._, p. 217. 1898. _Ætheria elliptica_ var. _tubifera_ Martens, _loc. cit._, p. 217. 1898. _Ætheria semilunata_ de Rochebrune et Germain, _Mém. société zoolog. de France_, XVII, p. 27. 1904. _Ætheria Bourguignati_ de Rochebrune et Germain, _loc. cit._ XVII, p. 27, pl. II, fig. 8. 1905. _Ætheria semilunata_ Germain, _Bullet Muséum hist. nat. Paris_, XI, no 5, p. 331. 1905. _Ætheria Cailliaudi_ Germain, _loc. cit._, XI, no 5, p. 331. 1905. _Ætheria elliptica_ Germain, _loc. cit._, XI, no 4, p. 260. Le genre _Ætheria_ a été créé par DE LAMARCK en 1807[468] pour des coquilles fluviatiles, ressemblant à des Huîtres, que l’on crut marines jusqu’aux découvertes faites, dans le Nil, par le voyageur nantais CAILLIAUD. Il n’est peut-être aucun Mollusque aussi polymorphe et je crois que l’on doit considérer _toutes les Æthéries décrites jusqu’ici comme appartenant à une seule espèce_. C’est d’ailleurs l’opinion du Dr R. ANTHONY[469] qui compte publier, très prochainement, une importante monographie de ce genre particulier aux fleuves de l’Afrique[470]. Coquille irrégulière ou très irrégulière, généralement inéquivalve ; crochets prolongés en un talon plus ou moins développé ; charnière sans dents, épaisse et sinueuse ; ligament interne ou externe contigu à une fosse ligamentaire très profonde ; impressions musculaires antérieure et postérieure bien marquées ; impression palléale étroite. Test épidermé, le plus souvent foliacé ; intérieur des valves nacré. Les Æthéries sont des animaux libres dans leur jeune âge. Leur coquille est alors régulière, « en tout semblable à un petit Unionidé et, plus spécialement, en raison de son absence de dents, à une petite Anodonte »[471]. Au bout d’un certain temps, ces jeunes Æthéries se fixent et cette fixation se fait indistinctement sur la valve droite ou sur la valve gauche, contrairement à ce qu’on observe chez les _Mulleria_ qui se fixent toujours par la valve droite[472]. Les Æthéries se fixant sur tous les corps étrangers, il en résulte fatalement des déformations, souvent très considérables, dans la forme de la coquille. Tel est le cas du très bel échantillon, recueilli par M. A. CHEVALIER, et qui a dû être fixé sur une branche submergée. La coquille est devenue absolument ellipsoïdale assez allongée, la valve libre très profonde (Longueur : 120 millimètres ; hauteur maximum : 59 millimètres ; épaisseur maximum : 60 millimètres). Cet exemplaire a été trouvé dans le Chari (Mamoun, pays de Senoussi), en mars 1903, par M. A. CHEVALIER. On a constaté la présence des Æthéries dans presque toute l’Afrique équatoriale, depuis le Nil jusqu’au Sénégal, au Niger, à la Gambie et au Congo. C’est un Mollusque ordinairement commun, formant très souvent des bancs denses qui, par la suite, devenus subfossiles, sont employés par les indigènes à la fabrication de la chaux. M. A. CHEVALIER a rapporté de nombreux échantillons d’Æthéries recueillis dans les localités suivantes : Le moyen Niger, entre Bamakou et Tombouctou (commun). [Mission du général DE TRENTINIAN, 1899]. Pays de Corbol, au S. du Baguirmi, dans le canal (juillet 1902). [A. CHEVALIER]. Rivière sablonneuse et marais du Mamoun ; lit du Boungoul (pays de Senoussi), mars 1903. [A. CHEVALIER]. Dans le lac Iro, territoire du Chari. Juin 1903. Le Gribingui (Haut-Chari), fixé aux blocs éboulés de poundingues ferrugineux. Novembre 1903. Employé par les indigènes pour fabriquer la chaux. Bords de la rivière Komadougou, près le village de Tselloum, dans le Bornou. (Janvier 1900). [F. FOUREAU]. Le Chari, au village de Mara, 28 février 1900 [F. FOUREAU]. Rivière Logone, au village de Kousri, 22 mars 1900 [F. FOUREAU]. =Famille des MUTELIDÆ= Genre SPATHA Lea[473]. § 1. _SPATHA_ sens. str. _Spatha rubens_ de Lamarck. 1819. _Anodonta rubens_ de Lamarck, _Anim. sans vertèbres_, VI, part. II, p. 85. 1823. _Anodonta rubens_ Cailliaud, _Voyage à Méroë_, IV [1827], p. 262 ; Atlas, II, 1823, Pl. LX, fig. 12. 1835. _Iridina rubens_ Rang, _Nouv. Ann. du Muséum Paris_ ; p. 314. 1836. _Iridina rubens_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 56. 1839. _Iridina solida_ Anton, _Verz. der Conch._, p. 16. 1838. _Platiris (Spatha) rubens_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 33. 1853. _Anodonta solida_ Küster, _Conchyl. Cabinet, Anod._, p. 50, Taf. XII, fig. 1. 1857. _Spatha rubens_ H. et A. Adams, _Gen. rec. Moll._, II, p. 507, Pl. CXIX. 1859. _Spatha rubens_ Chenu, _Man. Conchyl._, II, p. 148, fig. 729. 1867. _Anodon rubens_ Sowerby _in_ : Reeve, _Conch. Icon._, XVII, Pl. II. fig. 5. 1876. _Spatha rubens_ Clessin, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabinet Anod._, Pl. LXI, fig. 1. 1890. _Spatha rubens_ Paetel, _Conch. Sam._, III. p. 188. 1900. _Spatha rubens_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation. Muséum_, XXII, p. 896. Cette espèce bien connue se rencontre dans toute l’Afrique équatoriale. Elle est abondante dans tous les cours d’eau, depuis le Nil jusqu’au Sénégal. Sa forme et sa taille varient, mais il est impossible de séparer, ainsi que le voulait BOURGUIGNAT[474], les exemplaires qui habitent le Nil de ceux qui vivent dans le Sénégal. La coquille nommée _Spatha Cailliaudi_ par von MARTENS[475] et très exactement figurée par JICKELI[476], n’est encore qu’une variété du _Spatha rubens_ qui habite d’ailleurs les mêmes localités que le type. Les exemplaires recueillis par la Mission sont assez nombreux ; ils possèdent un test très pesant, marron foncé, un peu brillant ; les stries d’accroissement sont grossières et fort irrégulières ; la nacre, d’un bel orangé, est très irisée. Voici les dimensions de quelques échantillons : Longueur 101 111 111 114 114 118 124 125 120 131 mm. max. : 1/2 Largeur 64 72 75 74 79 78 78 78 78 82 — max. : Epaisseur 39 48 47 45 46 56 47 50 44 45 — max. : 1/2 Les deux derniers échantillons correspondent à une variété _compressa_ très voisine du _Spatha Lepsii_ Jickeli[477], espèce que l’on doit encore rattacher, comme variété, au _Spatha rubens_. Variété _rotundata_ Martens. 1898. _Spatha rotundata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrikas_ ; p. 242, figuré p. 243. Coquille plus petite, plus régulièrement arrondie ; bord inférieur plus convexe ; sommets moins antérieurs, parfois presque médians. Même test épais, solide ; stries d’accroissement plus fines ; nacre très irisée, rougeâtre ou violacée. Longueur max. : 71-77-80 millimètres ; hauteur max. : 50-50-51 millimètres ; épaisseur maximum : 27-33-33 millimètres. Cette espèce n’est peut-être que l’état jeune du _Spatha rubens_. Le Chari, dans le pays de Senoussi. [Mars 1903] ; 4 exemplaires recueillis avec _Spatha rubens_. Variété =_Chudeaui_= Germain, nov. var.[478]. 1907. _Spatha rubens_ var. _Chudeaui_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no, 1. p. 65. Coquille de grande taille, subtrapézoïdale, médiocrement allongée ; valves bien bombées, très épaisses, pesantes ; bord supérieur convexe dans une direction très ascendante ; bord inférieur un peu sinueux, formant, avec le bord supérieur, un angle très accentué ; région antérieure très peu développée, arrondie ; angle antéro-dorsal fort saillant ; région postérieure bien développée, à peine subtronquée, un peu plus de deux fois aussi longue que l’antérieure ; crête dorsale très obtuse ; sommets bien antérieurs, peu proéminents, largement excoriés ; ligament très robuste ; empreintes musculaires antérieures très profondes ; postérieures profondes, palléale médiocre. Longueur max. : 126 millimètres ; hauteur max. : 86 millimètres, à 52 millimètres des sommets ; épaisseur max. : 54 millimètres. Test solide, recouvert d’un épiderme brun très foncé, presque noir ; stries d’accroissement fortes, irrégulières, plus faibles antérieurement ; nacre très irisée, d’un rose saumon vif. Cette magnifique variété se distingue du type : Par la position très antérieure de ses sommets ; par la région postérieure plus développée, terminée par une partie rostrale régulièrement arrondie ; par sa hauteur maximum plus éloignée des sommets ; enfin par ses bords supérieur et inférieur très divergents. Par ce dernier caractère, cette variété rappelle l’aspect du _Spatha Kirki_ Ancey[479]. Dans ces deux coquilles, le bord postérieur est également fort régulièrement convexe depuis l’angle postéro-dorsal jusqu’au bord inférieur. [Illustration : FIG. 91. — _Spatha rubens_ de Lam., var. _Chudeaui_ Germ. Demi-grandeur naturelle.] Le Mamoun (Pays de Senoussi) [M. A. CHEVALIER] ; 1 échantillon. Le Gribingui [MM. A. CHEVALIER et DECORSE] ; mars 1903 ; 1 exemplaire. _Spatha Renei_ Jousseaume. 1886. _Spatha Renei_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoolog. de France_, XI, p. 22, pl. XIII, fig. 3-3 _a_. 1890. _Spatha Renei_ Dautzenberg, _Mém. soc. zoolog. France_, III, p. 126. SIMPSON[480] considère à tort cette espèce comme synonyme du _Spatha rubens_ var. _Cailliaudi_ Martens. M. CHEVALIER a recueilli, dans le Bani près de San (Soudan français), un exemplaire bien complet et bien typique du _Spatha Renei_ qui diffère très nettement du _Sp. rubens_. La coquille, de taille beaucoup plus faible, est d’une forme assez régulièrement ovalaire ; les valves sont peu bombées ; le test est recouvert d’un épiderme vert très foncé qui, lorsque l’animal est mort depuis un certain temps, s’exfolie facilement et laisse voir la coquille qui est d’un rouge saumoné assez vif. Longueur maximum : 89 millimètres ; hauteur maximum : 64 millimètres ; épaisseur maximum : 23 millimètres. Cet échantillon constitue, par rapport au type, une variété _compressa_[481]. M. CHEVALIER a en outre recueilli, dans la même station, un deuxième exemplaire moins typique, mais ayant conservé son épiderme, et un jeune individu dont la coquille, relativement comprimée, est recouverte d’un épiderme plus clair, passant au rougeâtre vineux vers les sommets. La nacre est toujours très irisée, violacée ou rougeâtre. _Spatha chaiziana_ Rang[482]. 1834. _Anodonta Chaiziana_ Rang, Acéph. Sénégal, in : _Nouv. Ann. Muséum Paris_, p. 13, pl. XXVIII et XXIX. 1838. _Margarita (Anodonta) Chaiziana_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 30. 1852. _Margaron (Anodonta) Chaiziana_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 49. 1868. _Anodonta Chaiziana_ Morelet, _Série Conchyliol._, p. 97. 1870. _Margaron (Anodonta) Chaiziana_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 79. 1876. _Spatha Chaiziana_ Clessin, _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conchyl. Cabinet, Anodont._, p. 187, taf. LXIII, fig. 3-4[483]. 1886. _Spatha Chaiziana_ Jousseaume, _Mém. soc. zoolog. France_, XI, p. 490. 1890. _Spatha Chaiziana_ Paetel, _Conchyl. Sam._, III, p. 188. 1900. _Spatha Chaiziana_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation Museum_, XXII, p. 896. 1905. _Spatha Chaiziana_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 5, p. 330, XII (1906), no 3, p. 172, et _Mémoires soc. zoolog. France_, XIX, p. 240. Cette espèce, bien caractérisée, paraît répandue dans tout le centre de l’Afrique. En dehors du Sénégal, elle a été recueillie dans le Bornou, sur les bords de la rivière Komadougou par M. F. FOUREAU ; dans le Bas- Chari par le lieutenant L. LACOIN ; enfin dans le Kanem par M. le lieutenant DUPERTHUIS. M. A. CHEVALIER a également trouvé cette espèce, notamment dans le Mamoun (pays de Senoussi), en mars 1903. Antérieurement à sa Mission, le général DE TRENTINIAN l’avait recueillie dans le Niger Moyen (Soudan français), 1898-1900. _Spatha tawai_ Rang. 1834. _Anodonta Tawai_ Rang, Acéph. du Sénégal, in : _Nouv. Ann. Muséum Paris_, p. 14. 1886. _Spatha Tawai_ Jousseaume, _Mém. société zoolog. de France_, XI, p. 490. 1900. _Spatha Tawai_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nat. Museum_, XXII, p. 902 [_Incert. sed._]. Le _Spatha tawai_ est une coquille qui, d’après les types du Muséum de Paris, diffère du _Spatha chaiziana_ seulement par sa forme plus petite, notablement plus comprimée, et par son épiderme plus clair, d’un magnifique vert très brillant. Il est fort probable que les deux espèces sont synonymes et que le _Spatha tawai_ n’est que la forme jeune du _Spatha chaiziana_. Un seul exemplaire mesurant 49 millimètres de longueur, 30 millimètres de hauteur et 18 millimètres d’épaisseur maximum. Il a été recueilli, en mars 1903, dans le Mamoun (pays de Senoussi). _Spatha Mabillei_ Jousseaume. 1886. _Spatha Mabillei_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoolog. France_, XI, p. 495 (à part, p. 25), pl. XIV, fig. 2-2 _a_. 1890. _Spatha Mabillei_ Dautzenberg, _Mém. soc. zoolog. France_, III, p. 126 et 135. 1900. _Spatha Mabillei_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation. Museum_, XXII, p. 897. Cette espèce est certainement très voisine du _Spatha chaiziana_ dont elle se distingue surtout par sa forme plus comprimée et sa région postérieure moins développée et plus largement arrondie. M. A. CHEVALIER n’a pas recueilli le type, mais seulement la variété suivante : Variété =_mamounensis_= Germain, nov. var. 1907. _Spatha Mabillei_ var. _mamounensis_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no 1, p. 67. Coquille subrectangulaire, comprimée ; valves médiocrement épaisses, solides ; bord supérieur subrectiligne dans une direction légèrement ascendante ; bord inférieur rectiligne, presque parallèle au bord supérieur ; région antérieure médiocrement développée, semi-circulaire ; région postérieure semi-ovalaire, à peine deux fois aussi longue que l’antérieure ; sommets très peu saillants ; ligament long de 14 1/2 millimètres ; empreintes musculaires antérieures médiocres, postérieures faibles. [Illustration : FIG. 92. — _Spatha Mabillei_ Jousseaume, var. _mamounensis_ Germain. Grandeur naturelle.] Longueur maximum : 61 millimètres ; hauteur maximum : 40 1/2 millimètres à 20 1/2 millimètres des sommets ; épaisseur maximum : 23 millimètres. Épiderme marron foncé, presque noir, bien brillant ; stries d’accroissement médiocres et irrégulières ; nacre violacée, assez irisée. Comparée au type, la variété _mamounensis_ s’en distingue : Par sa forme générale moins allongée ; par sa région antérieure plus arrondie ; par sa région postérieure bien moins allongée avec un bord plus régulièrement convexe ; par son bord supérieur rectiligne presque parallèle au bord inférieur ; par son ligament plus court ; etc... Le Mamoun (pays de Senoussi), mars 1903 [M. A. CHEVALIER]. § 2. — _LEPTOSPATHA_ de Rochebrune et Germain[484]. Genre _Spathella_ Bourguignat, _Esp. nouv. genres nouv. Oukéréwé et Tanganika_, décembre 1885, p. 13. _Spatha (Leptospatha) sinuata_ Martens. 1883. _Spatha sinuata_ Martens, _Sitz. b. natur. freunde_, p. 173. 1885. _Spatha sinuata_ Martens, _Conch. Mittheil._, II, p. 190, Taf. XXXIV, fig. 5-6. 1889. _Spathella sinuata_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équat._, p. 196. 1900. _Spatha sinuata_ Simpson, _Proceed. unit. st. nation. Museum_, XXII, p. 899. Un seul exemplaire de cette espèce, caractérisée par son bord inférieur bien sinueux et son bord postérieur assez largement tronqué, recueilli dans le Bani, près San, par M. A. CHEVALIER. =_Spatha (Leptospatha) Decorsei_= Germain[485]. PLANCHE LITHOGR. fig. 5. 1904. _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 7, p. 469. Coquille de taille moyenne, de forme rectangulaire allongée ; valves assez bombées, épaisses, pesantes ; bord supérieur presque rectiligne dans une direction légèrement ascendante ; bord inférieur, nettement sinueux, parallèle au bord supérieur ; région antérieure médiocre, bien arrondie ; région postérieure très développée, un peu plus de deux fois aussi longue que l’antérieure ; crête dorsale médiocre, fort obtuse ; sommets obtus, non comprimés, à peine proéminents, largement excoriés, laissant voir une nacre plombée ; ligament court, assez robuste, long de 18 millimètres ; charnière filiforme, édentulée ; impressions musculaires : antérieure très profonde, postérieure presque superficielle, palléale faible. Longueur : 87 millimètres ; hauteur max. : 42 millimètres à 39 millimètres des sommets ; longueur de la région antérieure : 27 millimètres ; de la région postérieure : 63 millimètres ; épaisseur max. : 34 millimètres. Test d’un beau marron très foncé, passant au noir antérieurement et postérieurement, très largement excorié au voisinage des sommets ; stries d’accroissement médiocres, très irrégulièrement distribuées ; nacre peu irisée, d’un blanc bleuâtre. Cette espèce se distinguera du _Spatha (Leptospatha) Stuhlmanni_ Martens[486] : Par ses bords supérieur et inférieur subparallèles ; par sa région antérieure moins brièvement tronquée ; par sa région postérieure plus allongée, mais se terminant par un rostre beaucoup moins effilé et non pas médian et nettement tronqué comme chez le _Sp. Stuhlmanni_, mais très nettement basal et largement convexe ; par son bord inférieur non pas convexe-relevé vers la région postérieure, mais descendant et très nettement sinueux dans sa partie médiane ; etc. Variété =_persinuata_= Germain. 1904. _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain, var. _sinuata_ Germain, _loc. cit._, p. 469. Diffère du type par sa forme générale plus développée en hauteur vers la région postérieure ; par sa région postérieure bien plus déclive, se terminant par un rostre très fortement écourté, largement convexe et placé très bas ; par son bord inférieur bien plus fortement sinueux ; par son épaisseur maximum plus voisine du bord supérieur ; par son ligament plus robuste ; etc. Longueur : 74 millimètres ; hauteur max. : 39 millimètres à 33 millimètres des sommets ; longueur de la région antérieure : 24 millimètres ; de la région postérieure : 52 millimètres ; épaisseur maximum : 29 millimètres. Test marron très sombre, presque noir, très fortement et très profondément excorié au voisinage des sommets, laissant voir une nacre plombée ; stries d’accroissement plus régulières et plus fortes que dans le type ; nacre peu irisée, bleue de prusse. [Illustration : FIG. 93. — _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain, var. _persinuata_ Germain. 3/4 de la grandeur naturelle.] J’ai changé le nom de variété _sinuata_, que j’avais d’abord donné à cette coquille, parce qu’il existe déjà un _Spatha sinuata_ Martens. Cette similitude d’appellation pouvait prêter à confusion. Le Mamoun (pays de Senoussi), mars 1903 ; 1 échantillon recueilli avec le type. _Spatha (Leptospatha) Adansoni_ Jousseaume. 1886. _Spathella Adansoni_ Jousseaume, _Bulletin soc. zoologique de France_, XI, p. 498 (à part, p. 28), Pl. XIV, fig. 4-4a. 1889. _Spathella Adansoni_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 196. 1890. _Spatha (Spathella) Adansoni_ Dautzenberg, _Mém. société zoolog. France_, III, p. 135. 1900. _Spatha Adansoni_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation. Museum_, XXII, p. 898. Coquille ovalaire-allongée, nettement comprimée ; bord supérieur à peu près rectiligne dans une direction à peine ascendante ; bord inférieur à peine convexe, parallèle au bord supérieur ; région antérieure assez développée, bien arrondie ; région postérieure deux fois aussi longue, terminée par un rostre assez saillant ; impressions musculaires bien marquées ; test relativement mince, d’un brun noirâtre ; stries médiocres, assez régulières ; nacre saumonée, bien irisée. Longueur : 77 1/2 millimètres ; hauteur maximum : 39 millimètres ; épaisseur maximum : 22 millimètres. Le Soudan français (M. CHEVALIER, 1895) ; 1 exemplaire. Cette coquille, découverte par le Dr BELLAMY dans le Diamouko, à son embouchure dans le Sénégal, habite également le Sénégal aux environs de Bakel, où elle a été recueillie par DORR. _Spatha (Leptospatha) Pfeifferi_ Bernardi. 1859. _Margaritana Pfeifferiana_ Bernardi, _Journal de Conchyliol._, VIII, p. 331, pl. XII, fig. 1-2. 1870. _Margaron (Margaritana) Pfeifferiana_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 68. 1889. _Spathella Pfeifferiana_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 196. 1890. _Margaritana Pfeifferiana_ Paetel, _Conch. Sam._, III, p. 173. 1900. _Spatha Pfeifferiana_ Simpson, _Proceed. unit. st. nation. Museum_, XXII, p. 900. Petite espèce à valves médiocrement épaisses, quoique solides, recouvertes d’un épiderme vert ; nacre saumonée. Longueur : 44 millimètres ; hauteur : 25 millimètres ; épaisseur maximum : 14 millimètres. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903 ; un seul exemplaire. Ce _Spatha_ n’était encore connu que du Gabon. _Spatha (Leptospatha) Bourguignati_ Ancey. 1885. _Spatha Bourguignati_ Ancey _in_ : Bourguignat, _Esp. nouvelles, genres nouv. Oukéréwé et Tanganika_, p. 12 et 14. 1887. _Spathella Bourguignati_ Ancey, _Bullet. soc. malacolog. France_, IV, p. 268. 1889. _Spathella Bourguignati_ Bourguignat, _Mollusques Afrique équator._, p. 197, pl. VIII, fig. 1-2. 1889. _Spathella Bloyeti_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 198, pl. VIII, fig. 3. 1889. _Spathella spathuliformis_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 199, pl. VIII, fig. 4. 1892. _Spatha (Spathella) Bourguignati_ Smith, _Ann. magaz. natur. history_, 6e série, X, p. 128. 1898. _Spatha Bloyeti_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik_, p. 249. 1898. _Spatha Wahlbergi_ var. _spathuliformis_ Martens, _loc. cit._, p. 248, taf. VII, fig. 18. 1900. _Spatha Wahlbergi_ var. _spathuliformis_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation. Museum_, XXII, p. 898. 1904. _Leptospatha spathuliformis_ de Rochebrune et Germain, _Mém. société zoolog. France_, XVII, p. 25. 1906. _Spatha (Leptospatha) Bourguignati_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 3, p. 173. J’ai déjà montré tout dernièrement que, d’après les types de Bourguignat déposés au Muséum de Paris[487], on devait réunir au _Spatha Bourguignati_ les _Spatha Bloyeti_ et _Sp. spathuliformis_. Il n’y a entre ces trois prétendues espèces, d’autres différences que celle de la taille, le _Sp. spathuliformis_ représentant la forme _maxima_. M. CHEVALIER a recueilli assez abondamment ce _Spatha_, qui paraît vivre dans tout le bassin du Chari puisque MM. DUPERTHUIS et LACOIN en ont également constaté la présence dans des localités très différentes. A côté des échantillons types, il existe de nombreux exemplaires présentant de grandes analogies, soit avec le _Spatha Stuhlmanni_ Martens, soit avec le _Sp. cryptoradiata_ Putzeys. Certains spécimens recueillis par M. CHEVALIER sont même particulièrement difficiles à rapporter à une espèce plutôt qu’à une autre ; aussi je crois qu’il faudra, lorsque la faune malacologique de cette région de l’Afrique sera mieux connue, réunir un certain nombre de formes de ce groupe en une seule espèce. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903 ; 12 exemplaires. Une très belle variété _major_ Germain[488], de même forme que le type, mais mesurant 101 millimètres de longueur pour 55 millimètres de hauteur et 33 millimètres d’épaisseur maximum a été recueillie par M. A. CHEVALIER près de la chute du Colimbine, non loin de Yilimane (Soudan français). Son test est épais, pesant, recouvert d’un épiderme marron assez foncé ; la nacre, très irisée, est d’un magnifique rose saumoné. Une valve trouvée dans le sable sec, à Toya (Soudan français), 5 mars 1895. Le Soudan français [M. A. CHEVALIER, 1895] ; un exemplaire jeune. _Spatha (Leptospatha) divaricata_ Martens. 1898. _Spatha divaricata_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 250, taf. VII, fig. 15. Coquille subelliptique allongée, très comprimée, région antérieure courte, semi-ovalaire ; région postérieure plus de 1 fois 1/2 aussi longue que l’antérieure ; bord supérieur rectiligne dans une direction à peine ascendante ; bord inférieur parallèle au bord supérieur, subrectiligne dans sa partie médiane ; ligament long ; sommets petits, assez proéminents, situés aux 2/5 de la longueur totale ; impressions musculaires faibles. Longueur : 25-32 millimètres ; hauteur maximum : 12 1/2-15 1/2 millimètres ; épaisseur maximum : 7-8 millimètres[489]. Test peu épais, solide, jaune brunâtre, orné, sur la région postérieure, d’une sculpture chevronnée assez saillante rayonnant des sommets. Cette sculpture, tout à fait caractéristique de ce _Spatha_, a bien été figurée par Martens. Les stries d’accroissement sont fines et assez régulières, la nacre, bien irisée, est orangée. Les dimensions maxima correspondent à un échantillon qui diffère du type : par sa forme plus allongée et beaucoup plus comprimée ; par sa région antérieure plus développée ; par sa hauteur maximum plus voisine de l’extrémité postérieure ; enfin par l’absence presque complète de sculpture chevronnée. C’est donc une variété =_elongata_= présentant en outre le mode _compressa_, du _Spatha divaricata_. Cette espèce a été recueillie par M. le Dr DECORSE, aux environs de Fort-Archambault (janvier 1903). Le type provient des Rapides du Gribingui [Dr DECORSE], janvier 1903 ; 1 exemplaire. _Spatha (Leptospatha) cryptoradiata_ Putzeys. 1898. _Spatha cryptoradiata_ Putzeys, _Annales (Bullet. des séances) société malacol. Belgique_, p. XXVII, fig. 14-15. 1900. _Spatha cryptoradiata_ Simpson, _Proceed. unit. States nation. Museum_, XXII, p. 900. 1906. _Spatha (Leptospatha) cryptoradiata_ Germain, _Mém. société zoolog. France_, XIX, p. 241. Le _Spatha cryptoradiata_, d’abord découvert dans le Congo, est une espèce fort abondante dans le Chari. Elle est assez polymorphe, pour qu’on puisse distinguer, en ce qui concerne la forme générale de la coquille, des mutations _elongata_, _curta_, _compressa_, reliées entre elles par de nombreux intermédiaires. Le bord inférieur est tantôt rectiligne, tantôt sinueux, plus rarement très légèrement convexe. Le test est très sombre, d’un marron extrêmement foncé, presque noir ; les sommets, très généralement excoriés, sont, dans ce cas, d’un vert très brillant ; la nacre est bleue, assez brillante, violacée sur les bords, rarement rosée. Voici les dimensions de quelques exemplaires : Longueur Hauteur maximum Epaisseur maximum 1 58 millimètres. 28 millimètres. 17 millimètres. 2 59 — 29 — 17 1/2 — 3 59 1/2 — 29 — 17 1/2 — 4 63 — 31 — 19 1/2 — 5 64 — 32 — 19 — 6 64 — 33 — 19 — 7 66 — 28 — 16 — 8 66 — 32 — 20 1/2 — 9 67 — 33 — 18 3/4 — 10 70 — 36 — 22 — Dans un très grand nombre d’échantillons on observe un état tout à fait spécial du test : celui-ci présente, sur un fond généralement très sombre, des radiations verdâtres très peu marquées. Entre ces radiations les stries d’accroissement ont pris un aspect très particulier rappelant les plis d’une étoffe régulièrement froncée. Il n’y a d’ailleurs que l’épiderme qui présente de tels caractères et encore toute la surface épidermique de la coquille n’est-elle pas recouverte de cette pseudo sculpture qui présente l’aspect d’une étoffe plissée. La cause de cette apparence si spéciale du test est d’ordre purement physique : il faut l’attribuer à un retrait de l’épiderme[490] dû aux alternances de sécheresse et d’humidité auxquelles la coquille s’est trouvée exposée ; on ne saurait donc en faire état au point de vue spécifique. Le Bangoran, affluent du Chari (pays de Senoussi), février 1903 ; 17 exemplaires. Ndellé (pays de Senoussi), février 1903 ; 3 exemplaires. Miangoulom, février 1903 ; 3 exemplaires. Dar Banda, dans une rivière affluent du Moyen-Baguirmi (territoire du Chari) ; 5 exemplaires. * * * Bien peu d’espèces de _Spatha_, en dehors des précédentes, ont été signalées dans le Bassin du Chari-Tchad. On ne peut guère citer que le _Spatha (Leptospatha) lacustris_ Simpson[491], découvert dans le Kanem par M. le lieutenant DUPERTHUIS. C’est une coquille extrêmement voisine, si toutefois elle est différente, du _Spatha (Leptospatha) Bourguignati_ Ancey, dont elle ne constitue probablement qu’une variété _major_. Test épais, très fortement corrodé, orné de stries médiocres, assez régulières ; nacre rougeâtre, un peu saumonée, très fortement irisée. Longueur : 77-89 millimètres ; largeur maximum : 43-49 millimètres ; épaisseur maximum : 23-26 millimètres. Genre MUTELA Scopoli 1777[492]. _Mutela angustata_ Sowerby. 1868. _Iridina angustata_ Sowerby _in_ : Reeve, _Conchol. Iconic._, XVI, pl. II, fig. 5. 1894. _Mutela angustata_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. Nordost._, p. 268. 1890. _Mutela angustata_ Paetel, _Conch. Sam._, III, p. 187. 1890. _Mutela angustata_ Westerlund, _Fauna Paleärt. region._, II, p. 312, pl. VII. 1900. _Mutela angustata_ Simpson, _Proceed unit. stat. nation. Museum_, XXII, p. 904. 1906. _Mutela angustata_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 1, p. 55 et 59, no 3, p. 174. Le _Mutela angustata_ est une coquille que l’on doit rattacher, comme variété, au _Mutela nilotica_ Cailliaud[493] dont il diffère surtout par la divergence, plus ou moins accentuée, des bords supérieur et inférieur. C’est plus spécialement la forme répondant au type figuré par SOWERBY qui habite le bassin du Chari et le lac Tchad. Elle y est d’ailleurs assez variable, aussi bien au point de vue de la forme générale qu’au point de vue de la taille. Les grands exemplaires atteignent 146-148 millimètres de longueur pour 58-60 millimètres de hauteur et 40 millimètres d’épaisseur maximum. Leur test est généralement épais, recouvert d’un épiderme foncé. Les petits échantillons mesurent 110 millimètres de longueur, 40 millimètres de hauteur et 26 millimètres d’épaisseur maximum. Leur test est plus mince et aussi plus richement coloré. Chez les jeunes, les valves, assez fragiles, sont recouvertes d’un épiderme vert émeraude ou olivâtre, très brillant. Habite tout le Bassin du Chari et le lac Tchad : Affluents de la Kémo et de la Tomi, tributaires de l’Oubangui (rivières coulant sur des terrains granitiques et archéens, à courant plus ou moins torrentiel), septembre-octobre 1902. Le Mamoun (pays de Senoussi), mars 1903 ; 2 échantillons. Le Bas-Chari (lieutenant LACOIN). Le lac Tchad (lieutenants HARDELET, L. LACOIN, MOLL, capitaine DUPERTHUIS, R. CHUDEAU). Variété =_curta_= Germain. 1906. _Mutela angustata_ var. _curta_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 3, p. 174, fig. 6. Coquille beaucoup moins allongée, ne mesurant que 99 millimètres de longueur pour une largeur de 41 millimètres et une épaisseur maximum de 26 millimètres. Test vert émeraude ; nacre très irisée, rose saumon. [Illustration : FIG. 94. — _Mutela angustata_ Sowerby, var. _curta_ Germain. 2/3 de la grandeur naturelle.] Le Bas Chari. Variété =_ponderosa_= Germain. 1905. _Mutela angustata_ var. _ponderosa_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, p. 489 [_sine descript._], et 1906, XII, no 1, p. 56, fig. 1, et p. 59. Valves extrêmement épaisses et pesantes ; test très fortement encroûté de calcaire : stries grosses et onduleuses ; nacre d’un rose saumon très vif, bien irisée. Longueur : 118-149 millimètres ; largeur maximum : 41-64 millimètres ; épaisseur maximum : 28-42 millimètres. [Illustration : FIG. 95. — _Mutela angustata_ Sowerby, var. _ponderosa_ Germain. Demi-grandeur naturelle.] Le lac Tchad [MM. les lieutenants HARDELET et MOLL]. =_Mutela Chevalieri_= Germain[494]. PLANCHE LITHOGR., fig. 1. 1904. _Mutela Chevalieri_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, p. 469. Coquille de très grande taille, de forme générale subtriangulaire- allongée ; valves médiocrement bombées, épaisses et solides, très fortement baillantes antérieurement, à peine baillantes postérieurement ; bords supérieur et inférieur très divergents ; bord supérieur d’abord à peu près rectiligne dans une direction fortement ascendante, puis subconvexe ; bord inférieur à peine subsinueux ; région antérieure assez développée en longueur, remarquablement étroite ; angle antérodorsal très aigu ; région postérieure à peine deux fois aussi longue que l’antérieure, _extrêmement développée en hauteur_, très largement et obliquement tronquée ; crête dorsale obtuse, mais néanmoins bien indiquée ; sommets assez obtus, légèrement proéminents, peu comprimés, très excoriés, laissant voir une nacre saumonée bien irisée ; ligament relativement court (longueur : 40 millimètres), très large, remarquablement robuste, d’un marron noirâtre brillant ; charnière filiforme avec quelques rares traces de denticulations extrêmement faibles à la région postérieure ; impressions musculaires : antérieures médiocres, postérieures profondes surtout supérieurement, palléale très faible. Longueur max. : 147 millimètres ; hauteur max. : 65 1/2 millimètres à 54 millimètres des sommets (non compris l’épaisseur du ligament qui atteint 6 millimètres) ; hauteur au niveau des sommets : 51 1/2 millimètres ; longueur de la région antérieure : 51 millimètres ; de la région postérieure : 98 1/2 millimètres ; épaisseur max. : 40 millimètres. Test marron foncé, presque noir antérieurement, fort largement excorié ; stries d’accroissement médiocres, irrégulières, lamelleuses à la région postérieure. Nacre bien irisée, saumonée. Cette espèce se rapproche, _par sa forme_, du _Mutela truncata_ Martens[495], mais s’en distingue : Par sa région antérieure bien moins haute et terminée en pointe ; par sa région postérieure beaucoup plus développée, s’élargissant progressivement, de telle sorte que la hauteur maximum est voisine de l’extrémité postérieure ; par son bord inférieur subsinueux dans sa partie médiane et non régulièrement et largement convexe, etc., et surtout par sa charnière dépourvue de dents comme chez tous les vrais _Mutela_. Le Haut Oubangui. Genre MUTELINA Bourguignat[496]. _Mutelina rostrata_ Rang. 1835. _Iridina rostrata_ Rang. _Nouv. Ann. Muséum Paris_, p. 316. 1836. _Iridina cœlestis_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 57. 1838. _Iridina cœlestis_ Lea, _Trans. Amer. Philos. soc._, VI, p. 82, Pl. XXII, fig. 70. 1838. _Iridina cœlestis_ Lea, _Observ. genus Unio_, II, p. 82, Pl. XXII, fig. 70. 1839. _Iridina cœlestis_ Troschel, _Archiv. für natur._, V, part. 2, p. 239. 1838. _Platiris (Spatha) cœlestis_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 33. 1843. _Iridina cœlestis_ Hanley, _Biv. shells._, p. 225. 1844. _Iridina rostrata_ Potiez et Michaud, _Galerie Mollusques Douai_, p. 147, Pl. LVI, fig. 1. 1847. _Iridina cœlestis_ Troschel, _Arch. für natur._, XIII, part. I, p. 273. 1852. _Platiris (Spatha) cœlestis_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 55. 1866. _Spatha rostrata_ Martens, _Malakozool. Blätter._, XIII, p. 11. 1868. _Iridina cœlestis_ Sowerby _in_ Reeve, _Conchol. Icon._, XVI, Pl. II, fig. 3. 1870. _Platiris (Spatha) cœlestis_ Lea, _Synopsis of Naïades_, p. 89. 1874. _Mutela rostrata_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. Nord-Ost. Afrik._ ; p. 269. 1876. _Mutela cœlestis_ Clessin _in_ : Martini et Chemnitz, _Syst. Conch. Cabinet. ; Anod._ ; p. 193, Taf. XXV, fig. 1-2. 1883. _Mutela subdiaphana_ Bourguignat, _Mollusques fluviat. Nyanza- Oukéréwé_, p. 5 (_sans descript._). 1886. _Mutelina legumen_ de Rochebrune, _Bullet. soc. malacol. France_, II, p. 6. 1886. _Mutelina Tholloni_ de Rochebrune, _loc. cit._, II, p. 6. 1886. _Mutelina prasina_ de Rochebrune, _loc. cit._, II, p. 7. 1886. _Mutelina rostrata_ Jousseaume, _Bullet. soc. zool. France_, II, p. 488 [tir. à part, p. 18]. 1890. _Mutela cœlestis_ Paetel, _Conchy. Sam._, III, p. 187. 1890. _Mutela rostrata_ Paetel, _loc. cit._, III, p. 187. 1890. _Mutela rostrata_ Westerlund, _Fauna paleärt. region._ ; II, part. 7, p. 312. 1892. _Mutela subdiaphana_ Smith, _Ann. magaz. natur. history_, 6e série, X, p. 128. 1898. _Mutela subdiaphana_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; p. 254. 1900. _Mutela rostrata_ Simpson, _Proceed. Unit. stat. nation. Museum._ ; XXII, p. 905. 1906. _Mutelina rostrata_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; XII, no 1, p. 59 ; et _Mém. soc. zoologique France_ ; XIX, p. 239. Cette espèce présente un polymorphisme étendu portant à la fois sur la forme générale, sur la taille et sur la coloration. Le polymorphisme portant sur la forme générale est le plus considérable. Le Dr de ROCHEBRUNE a décrit, sous le nom de _Mutelina prasina_, une forme un peu allongée et comprimée qui, par tous ses autres caractères, correspond absolument au type _rostrata_. Cette forme est représentée, dans la collection du Muséum, par deux exemplaires complets provenant de Gancini (Congo). L’un d’eux, par son bord inférieur convexe, passe déjà au _Mutelina Tholloni_, autre forme, provenant de la même localité, décrite également par le Dr DE ROCHEBRUNE. Ce _Mutelina Tholloni_, ainsi d’ailleurs que le _M. legumen_ du même auteur, constituent une mutation présentant à la fois un _mode_ _elongata_ et un mode _incurvata_ du _M. rostrata_ Rang[497]. Quant aux _Mutelina paludicola_ de Rochebrune et _M. Mabillei_ de Rochebrune[498], on peut les considérer comme constituant une espèce distincte du _M. rostrata_. C’est une coquille comprimée, très légèrement cunéiforme, à région antérieure très courte par suite de la situation très antérieure des sommets, relativement élargie à la partie postérieure par suite de la divergence des bords supérieur et inférieur[499]. Cette divergence des bords supérieur et inférieur atteint son maximum chez une très belle espèce nouvelle du fleuve Falémé (Sénégal)[500]. D’ailleurs les collections du Muséum renferment une forme intermédiaire, provenant du Niger dans l’Ouassoulou [Collect. du Dr FRAS] et qui présente, par rapport au type rostrata, la même différence qu’entre le _Mutela nilotica_ et le _Mutela angustata_[501]. Quant à la taille, elle varie dans d’assez fortes proportions ; j’ai signalé une variété _minor_ recueillie, dans le lac Tchad, par M. le lieutenant L. LACOIN. Il existe d’ailleurs des var. _major_[502] et _minor_ chez toutes les _formes_ précédemment signalées. Les échantillons typiques sont d’un beau bleu lorsqu’ils sont jeunes et vert émeraude à l’état adulte. On rencontre, assez communément, des var. _ex colore_ : _lutescens_, _rufescens_, etc... indifféremment chez toutes les variétés. Le tableau suivant résume, en le précisant, le polymorphisme du _Mutelina rostrata_ : MUTELINA PRASINA Roch. } [_forma perelongata_] } \________ } \ } { MUTELINA THOLLONI Roch. } _forma { [_mut. subincurvata_] } elongata_ { | } { MUTELINA LEGUMEN Roch. } { [_mut. incurvata_] } \ } = MUTELINA ROSTRATA Rang. MUTELINA ROSTRATA Rang. } [_forma normalis_] } \ } FORMA CURTA } (non décrite) } passant au _M. } Mabillei_. } \________________ \ { MUTELINA PALUDICOLA Rochebr. { [_forma curta_] { | { MUTELINA MABILLEI Roch. MUTELINA { [_forma typica_] MABILLEI Roch. { \ { MUTELINA MABILLEI de Rochebr. { Var. FRASI Germain. { [_forma elongata_] | | MUTELINA FALEMEENSIS Germain. Bords de la mare de Toya (Soudan français), 5 mars 1895 ; 4 valves. Rivières à courant plus ou moins torrentiel sur terrains granitique et archéen : affluents de la Kémo et de la Tomi, tributaires de l’Oubangui ; septembre-octobre 1902 ; 3 exemplaires. Mamoun (pays de Senoussi) ; mars 1903. =_Mutelina Joubini_= Germain[503]. PLANCHE LITHOGR., fig. 2. 1904. _Mutelina Joubini_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, X, no 7, p. 470. Coquille de grande taille, étroite-allongée, siliquiforme, assez comprimée ; valves minces, fragiles, bibaillantes, très baillantes antérieurement, encore plus baillantes postérieurement ; bords supérieur et inférieur légèrement divergents ; bord supérieur subrectiligne dans une direction un tant soit peu ascendante ; bord inférieur longuement et régulièrement subconvexe ; angle antéro-dorsal bien accentué ; région antérieure très courte, arrondie, décurrente à la base ; région postérieure remarquablement développée, plus de 5 fois 1/2 _aussi longue que l’antérieure_, terminée par un rostre fort long, et très arrondi ; sommets petits, médiocrement saillants, très érosés ; crête dorsale d’abord saillante, puis devenant émoussée fortement à l’extrémité ; ligament très long, robuste, médiocrement saillant, d’un brun brillant, long de 53 millimètres ; charnière filiforme ; impressions musculaires : antérieures assez profondes ; postérieures superficielles mais bien visibles ; palléale très apparente. Longueur maximum : 117 millimètres ; hauteur maximum : 39 millimètres à 55 1/2 millimètres des sommets ; hauteur sous les sommets : 31 millimètres ; longueur de la région antérieure : 17 1/2 millimètres ; longueur de la région postérieure : 101 millimètres ; épaisseur maximum : 18 millimètres. Test marron peu foncé, jaunacé dans la partie médiane et vers le bord inférieur, érosé au voisinage des sommets où il laisse voir une nacre saumonée très irisée ; stries d’accroissement assez fines, peu régulières, atténuées sur la partie médiane, devenant plus fortes et légèrement lamelleuses vers la région postérieure ; intérieur orné d’une nacre fortement irisée, saumonée sous les sommets, d’un bleu verdâtre vers les bords. Cette magnifique espèce ne peut se comparer qu’au _Mutelina plicata_ Sowerby[504]. On l’en distinguera : Par sa région postérieure encore plus allongée, non tronquée à l’extrémité, mais bien régulièrement ovalaire-arrondie ; par sa hauteur maximum plus voisine des sommets qui sont notablement moins gros et moins proéminents ; etc... Le Haut-Oubangui. _Mutelina complanata_ Jousseaume. 1886. _Mutelina complanata_ Jousseaume, _Bullet. soc. zoolog. France_, XI, p. 489 (à part, p. 19), pl. XIII, fig. 1-1 _a_. 1890. _Mutelina complanata_ Dautzenberg, _Mémoires soc. zoolog. France_, VI, p. 261. 1900. _Spatha complanata_ Simpson, _Proceed. unit. stat. nation. Museum_, XXII, p. 900. Cette espèce est certainement bien distincte ; comme JOUSSEAUME l’a fait remarquer avec juste raison, elle a l’aspect extérieur du _Psammobia vespertina_. Les valves sont très minces ; le test est jaunacé, plus ou moins sombre, parfois verdâtre ; la nacre est très irisée, orangée sous les sommets, bleuâtre ou violacée ailleurs. Les impressions musculaires sont relativement fortes. Stries d’accroissement fines et assez régulières ; sommets médiocrement proéminents ; bord supérieur à peu près rectiligne ; bord inférieur légèrement convexe, presque parallèle au bord supérieur ; bord antérieur bien arrondi ; bord postérieur 2 fois 1/2 plus long. _a_) Longueur totale : 32 mill. ; largeur max. : 12 mill. ; épaisseur max. : 8 1/2 mill. _b_) — 32 — — 10 1/4 — — 8 — _c_) — 29 — — 10 3/4 — — 8 — Le _Mutelina complanata_ est relativement polymorphe et l’on peut distinguer une mutation _elongata_ bien nette correspondant aux échantillons _b_. Il existe également une mutation _abbreviata_ moins nette. Le Chari, à Fort-Archambault, mai 1903 [Dr DECORSE] ; 1 exemplaire. Le Bangoran, affluent du Chari, février 1903 ; 1 valve. Rivières à courant rapide du Mamoun (pays de Senoussi), mars 1903 ; 10 échantillons. Variété =_curta_= Germain, nov. var. 1907. _Mutelina complanata_ var. _curta_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no 1, p. 68. Je rattache à l’espèce du Dr JOUSSEAUME une petite forme qu’il faudra peut-être élever au rang spécifique, sous le nom de _Mutelina curta_, quand on en connaîtra un nombre suffisant d’échantillons. L’unique spécimen que je connais actuellement a été recueilli par M. A. CHEVALIER, avec les échantillons de _Mutelina complanata_ JOUSSEAUME. La variété _curta_ diffère du type : Par sa forme générale moins allongée, la région postérieure étant, pour un égal développement de la région antérieure, beaucoup plus courte (région antérieure : 10 millimètres ; région postérieure : 15 millimètres) ; par sa région postérieure beaucoup plus développée en hauteur, le bord supérieur étant légèrement convexe et fort notablement ascendant au lieu d’être rectiligne ; par sa région antérieure moins développée en hauteur et se rattachant plus brièvement au bord inférieur qui est beaucoup plus largement convexe. Longueur maximum : 26 millimètres ; hauteur maximum : 15 1/2 millimètres ; épaisseur maximum : 8 millimètres. Comme dans le type, la coquille est très comprimée ; le test est mince, coloré en jaune teinté de rose, passant au café au lait vers les sommets et au jaune verdâtre vers les bords ; les stries d’accroissement sont notablement plus fortes et plus irrégulières. * * * Les eaux du lac Tchad, du Chari et du Haut-Congo nourrissent encore d’autres espèces de la famille des _Mutelidæ_ appartenant à deux autres genres qui ne sont pas représentés dans la collection rapportée par les explorateurs de la Mission Chari-Tchad. Nous allons passer rapidement ces espèces en revue. Genre CHELIDONOPSIS Ancey[505]. Ce genre remarquable, d’abord édité par le Dr A. T. DE ROCHEBRUNE sous le vocable de _Chelidonura_[506] employé malheureusement déjà, paraît jusqu’ici spécial au Congo et à ses tributaires. Il est surtout caractérisé par une coquille de forme ellipsoïdale, plus ou moins allongée, présentant postérieurement et sur chaque valve une carène très saillante partant du sommet, très divergente par rapport au bord supérieur et ordinairement contournée à son extrémité libre. Les sortes d’ailes ainsi limitées par ces carènes, les bords supérieur et inférieur, forment, avec la partie infra carénale de la région postérieure une espèce de tube largement ouvert en arrière. Les excellentes figures données par le Dr DE ROCHEBRUNE font d’ailleurs beaucoup mieux comprendre qu’une longue description les caractères très particuliers de ce genre. La région antérieure présente également, sur chaque valve, une carène partant des sommets, mais beaucoup moins saillante et peu divergente. Le test est mince, fragile, généralement coloré en vert plus ou moins jaunâtre. L’animal est inconnu. Les deux espèces suivantes ont seules été jusqu’ici décrites. _Chelidonopsis arietina_ de Rochebrune[507]. — Coquille de grande taille, de forme ellipsoïde-allongée ; région antérieure terminée par un rostre aigu ; région postérieure arrondie, à peine une fois et demie aussi longue que l’antérieure ; carènes bien saillantes, allongées et contournées à leur extrémité libre ; sommets peu saillants ; bord supérieur subrectiligne ; bord inférieur bien convexe ; test mince, un peu fragile, vert émeraude ou vert jaunâtre ; nacre rosée, très irisée. Longueur maximum : 118-124 millimètres ; largeur maximum : 30-34 millimètres ; épaisseur maximum, prise entre les extrémités libres des carènes : 38-41 millimètres. _Chelidonopsis hirundo_ Martens[508]. — Cette espèce, plus petite que la précédente, de forme un peu moins allongée avec un rostre antérieur un peu obtus, possède un test mince, verdâtre beaucoup plus finement strié. Il est probable que cette coquille n’est que la forme jeune de la précédente ; l’échantillon que possède le Muséum de Paris confirme d’ailleurs cette opinion[509]. Genre PLIODON Conrad[510]. Toutes les espèces du genre _Pliodon_ découvertes jusqu’ici dans le Tchad et le bassin du Chari appartiennent à la section des _Cameronia_ créée en 1870, par J.-R. BOURGUIGNAT[511]. [Illustration : FIG. 98. — _Pliodon (Cameronia) tchadiensis_ Germain. Demi-grandeur naturelle.] _Pliodon (Cameronia) tchadiensis_ Germain[512]. Coquille de grande taille, très oblongue-allongée ; valves médiocrement allongées, très épaisses et pesantes ; bord supérieur légèrement convexe jusqu’à l’angle postéro-dorsal ; bord inférieur bien sinueux, presque parallèle au bord supérieur ; région antérieure semi-elliptique ; région postérieure bien développée, plus de deux fois aussi longue que l’antérieure, se terminant par un rostre court, un peu remontant ; sommets obtus, très comprimés ; impressions musculaires profondes ; charnière à peine denticulée antérieurement, fortement denticulée postérieurement. Longueur max. : 160 millimètres ; hauteur max. : 62 1/2 millimètres à 66 millimètres des sommets ; épaisseur max. : 39 millimètres. Test marron foncé ; stries d’accroissement assez fortes et irrégulières ; nacre remarquablement irisée, rose saumon. Le lac Tchad (M. le lieutenant MOLL). _Pliodon Cameronia Hardeleti_[513] Germain[514]. — Coquille très allongée, légèrement cunéiforme ; valves assez bombées, épaisses et solides ; bords supérieur et inférieur divergents, le supérieur subconvexe dans une direction nettement ascendante, l’inférieur à peu près rectiligne, très légèrement sinueux dans sa partie médiane ; région antérieure peu développée ; région postérieure très allongée, près de trois fois et demie aussi longue que l’antérieure, terminée par un rostre court longuement tronqué ; sommets assez obtus, très peu proéminents ; impressions musculaires profondes ; charnière irrégulièrement dentée, à denticulations postérieures plus fortes. [Illustration : FIG. 99. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain. 2/3 de la grandeur naturelle.] Longueur maximum : 105 millimètres ; hauteur max. : 43 1/2 millimètres à 39 millimètres des sommets ; épaisseur max. 28 millimètres. Test marron foncé, passant au noir vers les bords antérieur et inférieur ; stries médiocres et irrégulières ; nacre très irisée, d’un rose saumon très vif. Le lac Tchad (M. le lieutenant HARDELET). Variété _Molli_[515] Germain[516]. Cette variété diffère du type : Par sa forme plus régulièrement ovalaire-allôngée ; par son bord supérieur à peu près rectiligne dans une direction légèrement ascendante et presque parallèle au bord inférieur (les bords supérieur et inférieur sont très divergents dans le type) ; par son rostre moins nettement tronqué, etc. Même test. Longueur max. : 105 millimètres ; hauteur max. : 38 millimètres à 44 millimètres des sommets ; épaisseur max. : 26 millimètres. [Illustration : FIG. 100. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain, var. _Molli_ Germain. 2/3 de la grandeur naturelle.] Habite également le lac Tchad (M. le lieutenant HARDELET). =Famille des CYRENIDÆ= Genre CORBICULA Megerle von Mühlfedt[517]. =_Corbicula Lacoini_= Germain[518]. 1905. _Corbicula Lacoini_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 6, p. 487, et XII, 1906, no 1, p. 55. 1906. _Corbicula Lacoini_ Germain, _Mémoires soc. zoolog. France_, XIX, p. 241, pl. IV, fig. 13-14. Coquille petite, suboblongue, plus haute que large ; région antérieure ovalaire-arrondie, à peine plus courte que la région postérieure ; bord inférieur bien convexe ; sommets gros, bien proéminents ; ligament court, médiocrement robuste ; charnière robuste, comprenant : sur la valve droite, trois cardinales élevées, légèrement comprimées et convergentes supérieurement ; 4 lamelles latérales élevées, fortes, très finement et très régulièrement serrulées, les postérieures à peine plus longues que les antérieures ; sur la valve gauche : 3 cardinales égales et convergentes ; 2 latérales assez saillantes, l’antérieure un peu plus courte ; impressions musculaires superficielles. Longueur : 10 1/2 millimètres ; hauteur maximum : 12 millimètres ; épaisseur maximum : 8 millimètres. Test solide, épais, d’un corné jaunâtre ; stries fines, assez régulièrement distribuées, à peu près entièrement effacées au voisinage des sommets. Cette Corbicule peut être considérée comme l’espèce représentative, dans le lac Tchad, du _Corbicula Soleilleti_ Bourguignat[519] d’Ethiopie. Elle se rapproche de cette dernière par sa forme générale plus _haute que large_ et ses sommets bien saillants, mais elle s’en éloigne : Par sa charnière ornée de dents beaucoup plus fortes (les cardinales notamment, qui sont particulièrement saillantes) ; par ses sommets encore plus saillants ; enfin par son test bien plus délicatement strié. Le lac Tchad, sur la côte N.-E. (M. A. CHEVALIER) ; 6 valves. Cette espèce paraît abondante dans le lac Tchad d’où elle a été rapportée, en nombreux exemplaires, par MM. LENFANT, L. LACOIN et R. CHUDEAU. =_Corbicula Fischeri_= Germain, _nov. sp._[520]. PLANCHE V, fig. 18-19-19_a_. 1907. _Corbicula Fischeri_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur Paris_ ; no 1, p. 68. Coquille petite, comprimée, subovalaire, légèrement subtrigone ; région antérieure arrondie ; région postérieure à peine un peu plus longue que l’antérieure, terminée par un rostre arrondi et un peu bas ; bord inférieur régulièrement convexe ; sommets proéminents, incurvés et assez petits ; ligament court ; charnière assez robuste comprenant : sur la valve droite : 3 cardinales, très inégales, dont 2 élargies et triangulaires, la 3e étroite et lamelleuse, convergentes en haut ; 4 lamelles latérales assez élevées, très fortement serrulées, les antérieures à peine plus courtes ; sur la valve gauche : 3 cardinales subégales ; 2 lamelles latérales assez élevées, serrulées, l’antérieure aussi longue que la postérieure ; impressions musculaires faibles. Longueur : 7-8 millimètres ; hauteur maximum : 6-7 millimètres ; épaisseur maximum : 3 1/2-4 1/4 millimètres. Test mince, fragile, marron très clair, presque jaune vers le bord inférieur, passant au rougeâtre près des sommets ; stries assez espacées, irrégulièrement distribuées, un peu élevées, non atténuées vers la région postérieure ; intérieur des valves bleuâtre ou violacé. Cette espèce ne saurait se rapprocher d’aucune Corbicule connue. Elle se distingue très nettement par un aspect de Sphærium bien caractérisé et par son test mince qui en fait la plus fragile des Corbicules. L’ornementation sculpturale du test rappelle, en petit, le _Corbicula astartina_ Martens[521], mais les stries saillantes ne sont pas, dans notre espèce, très fortement atténuées antérieurement. Le Mamoun (pays de Senoussi) ; 6 valves. M. A. CHEVALIER a encore recueilli, dans la Rivière Miangoulou (février 1903), 4 valves d’une très petite Corbicule dont voici une description : =_Corbicula_= sp. [=_Corbicula Fischeri_= juv. ?] PLANCHE V, fig. 20-20_a_. Coquille petite, comprimée, subovalaire un peu allongée, à peine subtrigone ; région antérieure courte, arrondie ; région postérieure à peine plus longue, terminée par un rostre arrondi ; bord antérieur bien convexe dans une direction régulièrement descendante ; bord inférieur largement convexe ; sommets petits, saillants ; charnière très mince comprenant, sur la valve droite : 3 cardinales divergentes très faibles ; 4 latérales allongées, très minces, légèrement serrulées, les antérieures à peine plus courtes ; sur la valve gauche : 3 cardinales petites et deux latérales minces, peu saillantes. Longueur : 4-5 millimètres ; hauteur maximum : 3 1/4-4 1/4 millimètres ; épaisseur maximum : 2 1/2-3 1/2 millimètres. Test extrêmement fragile, mince, orné de stries concentriques relativement fortes et bien espacées, assez régulièrement distribuées. On voit que les principaux caractères de cette coquille cadrent avec ceux de l’espèce que je viens de décrire ; je crois donc prudent, en l’absence de documents plus nombreux, de la considérer comme spécifiquement distincte. Il est au contraire fort probable qu’il ne s’agit là que de jeunes individus du _Corbicula Fischeri_ Germain. * * * Le Dr E. von MARTENS a décrit une autre Corbicule du lac Tchad ; elle provient des environs de Kouka où elle a été recueillie par le lieutenant allemand GLAUNING en 1902. En voici les principaux caractères : _Corbicula Tsadiana_ Martens[522]. — Coquille petite, trigone, plus large que haute ; région antérieure presque égale à la région postérieure, les sommets étant situés aux 6/13 de l’extrémité antérieure ; bord inférieur régulièrement convexe ; dents cardinales assez fortes ; dents latérales antérieures allongées, un peu arquées ; dents latérales postérieures presque droites, plus courtes. Longueur : 13 millimètres ; hauteur maximum : 12 millimètres ; épaisseur maximum : 9 millimètres. Test solide, orné de stries concentriques très fines et inégales. Cette coquille, qui n’a pas été figurée, semble se rapprocher du _Corbicula Lacoini_, notamment par les caractères de son ornementation sculpturale ; mais elle s’en éloigne par sa forme générale _plus large que haute_ et par les caractères de la charnière. Genre FISCHERIA Bernardi[523]. =_Fischeria centralis_= Germain. PLANCHE LITHOGR., fig. 6-7. 1904. _Fischeria centralis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; X, no 7, p. 470. Coquille assez régulièrement elliptique-allongée, médiocrement ventrue ; région antérieure bien développée, semi-ovalaire ; région postérieure à peine plus longue que l’antérieure, terminée par un rostre effilé placé un peu bas ; bord inférieur convexe, légèrement sinueux vers la région postérieure ; sommets assez gros, un peu saillants ; ligament court et robuste ; charnière très peu robuste : dents cardinales saillantes, médiocrement épaisses ; lamelles latérales faibles, très minces, assez arquées ; impressions musculaires antérieures bien marquées, postérieures superficielles. Longueur 30 1/2 millimètres ; largeur maximum : 20 1/2 millimètres ; épaisseur max. : 14 millimètres. Test épais, solide, d’un brun jaunâtre ; stries d’accroissement fines et régulières ; nacre violette. Ce _Fischeria_ diffère du _F. Delesserti_ Bernardi : par sa forme plus régulièrement elliptique et plus allongée ; par sa région postérieure beaucoup moins rostrée ; par ses sommets plus obtus ; enfin par sa charnière moins robuste. Rapprochée du _Fischeria Lenzi_ Dautzenberg[524], notre espèce s’en distingue surtout par sa taille plus forte ; par sa forme plus ovalaire et moins haute ; par son bord inférieur plus régulièrement convexe ; par ses sommets plus saillants ; etc. Le Soudan français : dans le Moyen Niger et le Bani (mission du général DE TRENTINIAN, 1899). Genre SPHÆRIUM Scopoli[525]. =_Sphærium Courteti_= Germain[526]. PLANCHE V, fig. 21-21_a_. 1904. _Sphærium Courteti_ Germain, _in : Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; X, no 7, p. 470. Coquille subinéquilatérale, de forme subovalaire médiocrement ventrue ; région antérieure assez développée, subtronquée supérieurement ; région postérieure régulièrement arrondie, sensiblement égale à l’antérieure ; bord supérieur subconvexe, très légèrement ascendant ; bord inférieur largement et régulièrement convexe ; sommets absolument médians, obtus, un peu proéminents, presque lisses ; ligament court, assez robuste ; charnière comprenant sur la valve droite : une dent cardinale simple ; 4 lamelles latérales régulièrement arquées, les antérieures à peine moins longues ; les 2 latérales antérieures, d’abord accolées, se séparant à peu près à la moitié de leur développement, en deux latérales relativement éloignées l’une de l’autre, l’inférieure un peu plus longue que la supérieure, toutes deux élevées, saillantes, minces, _très fortement et régulièrement serrulées_ (les mêmes caractères s’observent évidemment sur les latérales postérieures) ; sur la valve gauche : deux cardinales obliques ; deux latérales (l’antérieure à peine plus courte que la postérieure), d’abord très minces, peu saillantes, s’élargissant à leur extrémité ; elles n’ont qu’une longueur médiocre et ne sont pas serrulées ; impressions musculaires très faibles. Longueur : 12-15 millimètres ; hauteur max. : 9-12 millimètres : épaisseur maximum : 6-7 1/4 millimètres. Test mince, fragile, d’un corné marron brillant, passant au gris cendré au voisinage des sommets ; stries assez fines, peu régulières, atténuées vers la région antérieure. Var. ex colore =_unicolor_= Germain. Test marron foncé uniforme. Var. ex colore =_marginata_= Germain. Test orné, soit d’une bande marginale d’un beau jaune clair, soit de deux bandes l’une marginale, l’autre presque médiane, d’un jaune plus ou moins clair. Dans le Miangoulou, affluent du Bangoran, territoire du Mamoun (pays de Senoussi), février-mars 1903 ; 20 exemplaires. Le Chari, à Fort-Archambault ; février 1903 [Dr DECORSE] ; 7 exemplaires. Cette espèce ne peut se rapprocher que du _Sphærium Stuhlmanni_ Martens[527] ; elle s’en distingue : Par sa région antérieure plus développée et sa région postérieure régulièrement arrondie et non tronquée ; par ses sommets _absolument médians_ ; par son épaisseur bien plus faible (7 1/4 millimètres pour 15 millimètres de longueur ; pour une même longueur de coquille, un échantillon de _Sph. Stuhlmanni_ aurait au moins 10 millimètres d’épaisseur) ; par son test orné de stries plus saillantes ; et surtout par les caractères très particuliers de sa charnière, caractères sur lesquels je reviendrai prochainement en détail dans un travail spécial. Genre EUPERA[528] Bourguignat[529]. _Eupera parasitica_ Parreyss. 1853. _Pisum parasiticum_ Parreyss _in_ : Deshayes, _Catal. Conch. Biv._, II, p. 280. 1874. _Limosina parasitica_ Jickeli, _Land- und Süssw. Mollusk. Nord-Ost Afrik._, p. 293, taf. XI, fig. 16-17. 1877. _Eupera parasitica_ Bourguignat, _Classificat. Mollusques syst. Europ._,p. 52. 1883. _Eupera parasitica_ Bourguignat, _Hist. malacol. Abyssinie_, p. 133. 1883. _Eupera Jickelii_ Bourguignat, _loc. cit._, p. 134. 1892. _Limosina parasitica_ Smith _Ann. magaz. natur. history_, 6e série, X, p. 126. 1898. _Eupera parasitica_ Martens, _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, p. 261. Cette petite coquille est répandue dans tout l’est et le centre africain ; elle remonte volontiers le cours du Nil puisqu’elle a été signalée jusqu’aux environs d’Alexandrie. BOURGUIGNAT a séparé, sous le nom d’_Eupera Jickelii_, une forme un peu plus allongée qui ne saurait être distinguée, même comme variété[530]. Les récoltes faites dans le Chari, par M. A. CHEVALIER, où l’_E. parasitica_ paraît abondant, montrent, jusqu’à l’évidence, qu’il ne s’agit que de variations individuelles, tous les passages existant entre la forme normale et la forme allongée. Rapides de la rivière Gribingui, 10 janvier 1903 [Dr DECORSE] ; 8 exemplaires. Rivière Miangoulou, février 1903 ; 4 exemplaires. Bangouman, 10 février 1903 ; 4 exemplaires. Le Chari, à Fort-Archambault, décembre 1903 ; 6 exemplaires. Région S.-O. du lac Tchad ; 1 échantillon. * * * * * EXPLICATION DE LA PLANCHE V Fig. 1. — _Ennea Gravieri_ Germain. Exemplaire grossi, provenant du cercle de Krébedjé ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 2. — _Limnæa undussumæ_ Martens, var. _Courteti_ Germain. Pays Mamoun. Grandeur naturelle. Fig. 3. — _Limnæa tchadiensis_ Germain. Grandeur naturelle ; lac Tchad. Fig. 4. — _Physopsis ovoidea_ Bourguignat. Type de l’auteur, en grandeur naturelle. Kondoa (Ousaghara). Fig. 5. — _Physa (Isodora) Vaneyi_ Germain. Grandeur naturelle. Archipel Kouri, lac Tchad. Fig. 6. — _Physa (Isodora) tchadiensis_ Germain. Exemplaire grossi provenant du lac Tchad ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 7. — _Physa (Pyrgophysa) Dautzenbergi_ Germain. Exemplaire grossi, provenant du lac Tchad ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 8-9. — _Planorbula tchadiensis_ Germain. Exemplaire grossi, provenant du lac Tchad ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 10-11. — _Planorbis tetragonostoma_ Germain. Grandeur naturelle ; archipel Kouri, lac Tchad. Fig. 12 — _Bythinia (Gabbia) Martreti_ Germain. Exemplaire grossi, provenant du pays Mamoun ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 13. — _Bythinia (Gabbia) neothaumæformis_ Germain. Exemplaire grossi, provenant du Tchad S.-E. ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 14. — _Vivipara Lenfanti_ Germain. Grandeur naturelle ; lac Tchad. Fig. 15. — _Lanistes gribinguiensis_ Germain. Grandeur naturelle ; le Gribingui. Fig. 16. — _Lanistes ovum_ Peters, variété _Lacoini_ Germain. Grandeur naturelle ; le Chari aux environs de Fort-Lamy. Fig. 17. — _Subulina krebedjeensis_ Germain. Exemplaire grossi provenant du cercle de Krébedjé ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 18-19. — _Corbicula Fischeri_ Germain. Exemplaire grossi provenant du pays de Senoussi ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 20. — La même espèce ; exemplaire très jeune provenant de la rivière Miangoulou ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 21. — _Sphærium Courteti_ Germain. Le Chari, à Fort-Archambaut ; _a_, grandeur naturelle. Fig. 22. — _Unio (Nodularia) bangoranensis_ Germain. Grandeur naturelle ; le Bangoran, affluent du Chari. Fig. 23. — _Unio (Nodularia) Chivoti_ Germain. Grandeur naturelle ; pays de Senoussi. * * * * * [Illustration : G. Chivot, lith.] EXPLICATION DE LA PLANCHE LITHOGRAPHIÉE CI-CONTRE Fig. 1. — _Mutela Chevalieri_ Germain. 4/5 de la grandeur naturelle ; Haut Oubangui. Fig. 2. — _Mutelina Joubini_ Germain. Grandeur naturelle ; Haut Oubangui. Fig. 3-4 — _Unio mutelæformis_ Germain. Grandeur naturelle ; rapides du Gribingui. Fig. 5. — _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain. Grandeur naturelle ; le Mamoun. Fig. 6-7. — _Fischeria centralis_ Germain. Grandeur naturelle ; moyen Niger (Soudan Français). * * * * * LISTE DES FIGURES DANS LE TEXTE Fig. 85. — _Limicolaria centralis_ Germain ; page 482. Fig. 86. — _Limicolaria turriformis_ Martens variété _obesa_ Germain p. 485. Fig. 87. — _Achatina Schweinfurthi_ Swainson variété _Foureaui_ Germain, p. 488. Fig. 88. — _Achatina Weynsi_ Dautzenberg variété _Duperthuisi_ Germain, p. 489. Fig. 89. — _Ampullaria Chevalieri_ Germain, p. 526. Fig. 90. — _Ampullaria speciosa_ Philippi variété _globosa_ Germain, p. 531. Fig. 91. — _Spatha rubens_ Cailliaud variété _Chudeaui_ Germain, p. 553. Fig. 92. — _Spatha Mabillei_ Jousseaume, variété _mamounensis_ Germain, p. 556. Fig. 93. — _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain, variété _persinuata_ Germain, p. 559. Fig. 94. — _Mutela angustata_ Sowerby, variété _curta_ Germain, p. 565. Fig. 95. — _Mutela angustata_ Sowerby, variété _ponderosa_, Germain, p. 566. Fig. 96. — _Mutelina falemeensis_, Germain, p. 569. Fig. 97. — _Mutelina Mabillei_ de Rochebrune, variété _Frasi_, Germain, p. 570. Fig. 98. — _Pliodon (Cameronia) tchadiensis_ Germain, p. 576. Fig. 99. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain, p. 577. Fig. 100. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain, variété _Molli_ Germain, p. 578. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE ADAMS (HENRY). 1866 (juin). — List of the shells collected by Samuel White BAKER Esq. during his recent exploration in central Africa. _Proceedings zoological society of London_, pp. 275-276. AILLY (A. D’). 1897. — Contributions à la connaissance des Mollusques terrestres et d’eau douce du Kaméroun. _Bihang Till K. Swenska Akad. Handl._, XXII, afd IV, no 2, pp. 135 ; 5 pl. ALBERS (J. CHR.). 1850. — Die Heliceen nach natürlicher Verwandtschaft geordnet. Berlin, 1850, in-8 (p. 192 : _Achatina_). ANCEY (C. F.). 1882. — Sur la faune conchyliologique terrestre du pays des Somalis _Natur. 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Saint-Germain, juillet 1883, gr. in-8, 3 pp. 1883. — Mollusques fluviatiles du Nyanza Oukéréwé (Victoria-Nyanza), suivis d’une note sur les genres Cameronia et Burtonia du Tanganika. Paris, août 1883, gr. in-8, 23 pp., 1 planche. 1885. — Helixarionidées des régions orientales (Abyssinie, Gallas, Çomalis, Zanzibar et Mozambique) de l’Afrique. Paris, gr. in-8, 22 pp. 1885. — Monographie d’un nouveau genre d’Acéphale du lac Tanganika. _Bullet. société malacologique de France_, II, juillet 1885, pp. 1-12, pl. I. 1885. — Notice prodromique sur les Mollusques terrestres et fluviatiles recueillis par M. VICTOR GIRAUD dans la région méridionale du lac Tanganika. Paris, août 1885, gr. in-8, 110 pp. 1885. — Mollusques terrestres et fluviatiles recueillis par M. PAUL SOLEILLET dans son voyage au Choa (Ethiopie méridionale). Paris, septembre 1885, gr. in-8, 48 pp., 1 pl. 1885. — Espèces nouvelles et genres nouveaux découverts par les Rév.-pères missionnaires dans les grands lacs africains Oukéréwé et Tanganika. Paris, décembre 1885, gr. in-8, 39 pp. 1886. — Nouveautés malacologiques, I (seul paru) Unionidæ et Iridinidæ du lac Tanganika. Paris, avril 1886, gr. in-8, 93 pp. 1886. — Des Tiphobies du lac Tanganika. _Bullet. soc. malacologique de France_, III, juillet 1886, pp. 141-150, pl. VI. 1887. — Mollusques nouveaux de la région du Nyanza Oukéréwé (Victoria- Nyanza). _Bull. soc. malacologique de France_, IV, juillet 1887, pp. 267-272. 1888. — Iconographie malacologique des animaux Mollusques fluviatiles du lac Tanganika. Corbeil, gr. in-8, 82 pp , 35 pl. 1889. — Mollusques de l’Afrique équatoriale, de Moguedouchou à Bagamoyo et de Bagamoyo au Tanganika. 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STUHLMANN auf der Expedition EMIN PASCHA’S in den Landschaften Ukerewe, Ukami, Usagara und Ugogo gesammelten Land- und Süsswasser-Conchylien. _Sitz. berich. der gesellsch. naturf. freunde Berlin_, pp. 13-18. 1891. — Die von Herrn Preuss bei der Barombi-station in Kamerun gesammelten Land- und Süsswasser-Mollusken. _Sitz. berich der gesellsch. naturf. freunde Berlin_, pp. 29-34. 1891. — Fortsetzung des Berichts über die Tanganikaschnecke Bourguignat’s. _Nachr. malakozool. gesellsch._, pp. 126-128. 1892 (février). — Einige neue Arten von Land- und Süsswasser-Mollusken aus Uganda und dem Victoria-Nyanza. _Sitz. bericht. der gesellsch. naturf. freunde Berlin_, pp. 15-19. 1892 (novembre). — Ueber die von Dr STUHLMANN in Nordostafrika gesammelten Land- und Süsswasser-Mollusken. _Sitz. bericht. der gesellsch naturf. freunde Berlin_, pp. 174-181. 1892 (novembre). — Die Beschreibung vier neuer Afrikanischer Conchylien- Arten. _Sitz. bericht. der gesellsch. naturf. freunde Berlin_, pp. 181-182. 1893. — Mollusken gesammelt... im Togolande. _Wissensch. 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MÖLLENDORFF (O.-F. von). 1897. — Diagnosen neuer und kritischer Land deckelschnecken. _Nachrichtsbl. deutsch. malakozool. gesellsch._ XXIX, pp. 31-45. MÖLLENDORFF (O.-F. von) et KOBELT. 1902. — Diagnose einer neuen Achatina (_A. Erlangeri_) Somaliland. _Nachrichtsbl. deutsch. malakozool gesellsch._, pp. 48-52. MORELET (ARTHUR). 1860. — Séries Conchyliologiques. Livraison II. _Iles orientales d’Afrique_, Paris, 1860, pp. 37-122, avec pl. 4 à 6. 1872. — Notice sur les coquilles terrestres et d’eau douce recueillies sur les côtes de l’Abyssinie (voyage de MM. ANTINORI, BECCARI et ISSEL). _Annal. Mus. civ. Genova_, III, pp. 180-208, pl. IX. 1873. — Novitates conchyliologicae in itinere per Africam æquinoctialem a Cl. MARCHE et de COMPIÈGNE collectae. _Journal de Conchyliologie_, XXI, pp. 329-332. 1883. — Mollusques nouveaux de la côte occidentale d’Afrique. _Journal de Conchyliologie_, XXXI, pp. 395-401, pl. X. 1885. — Coquilles terrestres et fluviatiles de l’Afrique équinoxiale. _Journal de Conchyliologie_, XXXIII, pp. 20-33, pl. II. 1888. — Description d’une nouvelle espèce d’_Achatina_ d’Assinie. _Journal de Conchyliologie_, XXXVI, pp. 97-99, pl. I. 1890. — Coquilles nouvelles ou peu connues de l’Afrique équatoriale. _Journal de Conchyliologie_, XXXVIII, pp. 65-70, pl. 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PFEFFER (GEORG). 1889. — Uebersicht der von Dr STUHLMANN in Ægypten, auf Sansibar und dem gegenüber liegenden Festlande gesammelten Reptilien, Amphibien, Fische, Mollusken und Krebse. _Jahrbuch der Hamburgischen wissenschaftlichen Anstalten_ ; VI, Mollusques ; pp. 23-27. PILSBRY (H. A.). 1897. — Description of two new form of Perideris. _Proceed. Acad. Philad._ ; pp. 503-504. POIRIER (J.). 1887. — Description de l’_Estria Alluaudi_ nouveau genre de Limacien (d’Assinie). _Bullet. soc. philomat._ (7e série) ; XI, pp. 181-182. 1887. — Observations anatomiques sur le genre _Urocyclus_. _Bullet. soc. malacolog. France_ ; IV, pp. 195-232 ; Pl. V-X. POLLONERA (CARLO). 1887. — Nuove specie di Molluschi dello Scioa. _Bollet. dei Musei di zool. Torino_ ; II, no 34, 31 décembre 1887 ; 2 pp. 1888. — Nuove specie di Molluschi raccolti nello Scioa dal Dottor V. Ragazzi. _Bollet. dei Musei di zoolog... 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Paris_ ; no 5 ; pp. 254-263. 1904. — Recherches sur quelques types de la famille des Mutelidæ. _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; no 6 ; pp. 332-343. 1904. — Sur deux genres nouveaux d’Unionidæ provenant de la Sénégambie. _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; no 7 ; pp. 460-463 ; 2 figures dans le texte. Voyez GERMAIN (Louis). ROLLE (H.). 1892. — Diagnosen neuer Arten. _Nachricht. malakozool. gesellsch._, pp. 50-52. 1893. — Eine neue Pseudoglessula (_P. abetifiana_). _Nachrichtsbl. deutsch. malakoz. gesellsch._, pp. 86-87. 1895 (juin). — Eine neue Achatina. _Nachrichtsbl. deutsch. malakoz. gesellsch._, p. 100. 1902. — Neue Landschnecken. _Nachrichtsbl. deutsch. malakoz. gesellsch._, pp. 211-212. SCHEPMAN (M. M.). 1891. — On a new species of _Lanistes_ (la descript. est de BŒTTGER). _Notes Leyd. Mus._, XIII, pp. 111-112, pl. 8, fig. 1-2. 1891. — A new species of _Unio_ (_U. landanensis_). _Notes Leyd. 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LXXIV-LXXV. 1880 (avril). — On the shells of Tanganyika and of the neighbourhood of Ujiji, Central Africa. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 344-352, pl. XXXI. 1880 (décembre). — Diagnoses of new shells from lake Tanganyika and east Africa. _Ann. and magaz. of natur. hist._, 5e série, VI, pp. 425-430. 1881 (février). — On a collection of shells from lakes Tanganyika and Nyassa and other localities in east africa. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 276-300, pl. XXXII-XXXIV. 1881 (mai). — Description of two new species of shells from lake Tanganyika. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 558-561, fig. dans le texte. 1881. — Remarks on the shells from lakes Tanganyika and Nyassa and other localities between the latter and Dar-es-Salaam. In : JOSEPH THOMSON, Travels in Central Africa. 1882. — Note on Paramelania. _Nature_, XXV, p. 218. 1887. — On the Mollusca collected at the Cameroons Mountain by H. H. 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V-VI. 1891 (mai). — On the Molluscan fauna of British central Africa. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 309-310. 1891 (octobre). — Notes on African Mollusca. _Ann. and magaz. natur. history_, 6e série, VIII, pp. 317-324. 1891. — Sur un changement inutile dans la nomenclature. _Journal de Conchyliologie_, XXXIX, p. 21. 1892 (août). — On the shells of Victoria-Nyanza or lake Oukerewé. _Annales and magaz. natur. history_, 6e série, X, pp. 121-128, pl. XII. 1892 (novembre). — Addition to the shell fauna of the Victoria-Nyanza or lake Oukerewé. _Ann. and magaz. natur. history_, 6e série, X, pp. 380-383. 1893 (novembre). — On a collection of land and freshwater shells transmitted by M. H. H. JOHNSTON from British central Africa. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 632-641, pl. LIX. 1893 (novembre). — Description of two new species of shells of the genus _Ennea_. _Proceed. zoolog. society London_, pp. 642-643, 2 figures dans le texte. 1894 (octobre). — A list of the land and freshwater Mollusca collected by Dr J. W. 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INDEX ALPHABÉTIQUE * * * * * ACHATINA, p. 487. Achatina marginata Swainson, p. 487. — octona Chemn., p. 490. — rugosa Putz., p. 489. — rectistrigata Smith, p. 479. — Schweinfurthi Martens, p. 488. — — var. Foureaui Germain, p. 488. — turris Martens, p. 483. — Weynsi Dautz., p. 488. — — var. Duperthuisi Germ., p. 489. — zanzibarica Bourgt., p. 488. ÆTHERIA, p. 547. Ætheria Bourguignati Rocheb., p. 548. — Cailliaudi de Fer., p. 548. — Carteroni Michel., p. 548. — Chambardi Bourg., p. 548. — elliptica de Lam., p. 547. — Lamarcki de Féruss., p. 548. — Letourneuxi Bourg., p. 548. — nilotica Bourg., p. 548. — Pettrettini Bourg., p. 548. — plombea Jousseaume, p. 548. — plumbea de Féruss., p. 548. — semilunata Lam., p. 547. — senegalica Bourg., p. 548. — transversa Lam., p. 547. — trigonula Lam., p. 547. — tubifera Sowerby, p. 548. AMPULLARIA, p. 524. Ampullaria bernardiana Morel, p. 536. — chariensis Germ., p. 529. — Chevalieri Germ., p. 525. — dolium Philippi, p. 526. — erythrostoma Reeve, p. 530. — — var. Stuhlmanni Martens, p. 530. — gradata Smith, p. 527. — kordofana Parr., p. 527. — leopoldvillensis Putz., p. 531. — lurida Parr., p. 528. — ovata Oliv., p. 527. — ovum Peters, p. 532. — Rucheti Billotte, p. 529. — speciosa Phil., p. 524. — — var. globosa Germ., p. 531. — Wernei Phil., p. 530. Anodonta chaiziana Rang, p. 534. — rubens Lam., p. 551. — solida Küster, p. 551. — tawai Rang, p. 555. ARTEMONIDÆ, p. 478. Bellamya bellamya Jousseaume, p. 517. Bulimus Adansoni Pfeiff., p. 483. — kambeul Brug., p. 482. — niloticus Pfeiff., p. 487. — octonus Brug., p. 490. BURTOA, p. 487. Burtoa nilotica Bourg., p. 487. BYTHINIA, p. 521. Bythinia bulimoides Oliv., p. 519. — cyclostomoides Bourg., p. 518. — (Gabbia) Martreti Germain, p. 522. — — — var. major Germ., p. 522. — — Neumanni Martens, p. 521. — — — var. elata Germ., p. 522. — — — var. globosa Germ., p. 522. — — neothaumæformis Germ., p. 523. — Stanleyi Smith, p. 523. CAMERONIA, p. 576. CHELIDONOPSIS, p. 573. Chelidonopsis arietina Roch., p. 573. — hirundo Mart., p. 573. CHELIDONURA, p. 573. Chelidonura arietina de Roch., p. 573. CLEOPATRA, p. 518. Cleopatra bulimoides Oliv., p. 519. — — var. nseudweensis Putzeys, p. 520. — cyclostomoides Küst., p. 518. — — var. tchadiensis Germ., p. 519. — Emini Smith, p. 521. — mweruensis Smith, p. 520. — tchadiensis Germ., p. 519. COLPANOSTOMA, p. 479. Colpanostoma Leroyi Bourg., p. 479. Columbella rustica Linné, p. 463. Conulus Adansoniæ Pfeiff., p. 474. CORBICULA, p. 579. Corbicula astartina Martens, p. 580. — Fischeri Germain, p. 580. — Lacoini Germain, p. 579. — Soleilleti Bourg., p. 579. — tsadiana Martens, p. 581. Cyclostoma Gaillardoti Bourg., p. 519. — unicolor Oliv., p. 513. ENNEA, p. 477. — gigas Smith, p. 479. — Gravieri Germ., p. 477. — lata Smith, p. 478. — latula Martens, p. 477. ENNEASTRUM, p. 478. EUPERA, p. 584. Eupera Jickelii Bourg., p. 585. — parasitica Parreyss, p. 584. FISCHERIA, p. 582. Fischeria centralis Germain, p. 582. — Delesserti Bernardi, p. 582. — Lenzi Dautz., p. 582. GEOSTILBIA, p. 491. GIBBONSIA, p. 479. Gibbonsia gigas Smith, p. 479. GIBBUS, p. 479. GONAXIS, p. 478. GULELLA, p. 478. HAPALUS, p. 491. Helix aspersa Müll., p. 462. — Adansoniæ Morelet, p. 474. — octona Chemnitz, p. 490. — pomatia Linné, p. 462. HUTTONELLA, p. 478. Iridina angustata Sow., p. 564. — cœlestis Lea, p. 567. — rostrata Rang, p. 567. — rubens Lea, p. 551. — solida Anton, p. 551. ISODORA, p. 495. Isodora Forskahli Ehr., p. 499. — strigosa Martens, p. 496. — trigona Martens, p. 495. LANISTES, p. 531. — bernardianus Morelet, p. 536. — ellipticus Martens, p. 534. — Foai Germain, p. 536. — gribinguiensis Germ., p. 534. — lybicus Morelet, p. 537. — — var. nseudweensis Dup. et Putzeys, p. 537. — magnus Furtado, p. 532. — olivaceus var. procerus Martens, p. 531. — ovum Martens, p. 532. — — elatior Pfeiff., p. 533. — — Lacoini Germ., p. 533. — procerus Martens, p. 531. — Pfeifferi Bourg., p. 534. — Stuhlmanni Martens, 535. — Vignoni Bourg., p. 536. — zambesianus Furtado, p. 534. LEPTOSPATHA, p. 557. Leptospatha spathuliformis Bourg., p. 560. LEROYA, p. 535. Leroya Stuhlmanni Martens, p. 535. LIMNÆA, p. 491. — africana Ruppell, p. 494. — Chudeaui Germain, p. 494. — exserta Martens, p. 494. — humerosa Martens, p. 491. — natalensis Krauss, var. exserta Martens, p. 494. — tchadiensis Germain, p. 493. — undussumæ Martens, p. 492. — — var. Courteti Germ., p. 492. LIMICOLARIA, p. 479. Limicolaria Bridouxi Grand., p. 480. — Burtoni Grand., p. 480. — centralis Germain, p. 481. — Charbonnieri Bourg., p. 481. — connectens Martens, p. 486. — kambeul Adans., p. 482. — — var. turris Pilsbry, p. 484. — kambeuil Jousseaume, p. 485. — nilotica Pfeiff., p. 487. — rectistrigata Smith, p. 479. — — var. Bridouxi Grand., p. 480. — turriformis Mart., p. 485. — turris Pfeiff., p. 483. — — var. Duperthuisi Germ., p. 484. — — var. pallida Germ., p. 485. Limosina parasitica Jickeli, p. 584. Livinhacia Dupuisi Putzeys, p. 487. MARCONIA, p. 478. Marconia lata Smith, p. 478. Margarita chaiziana Lea, p. 554. Margaritana pfeifferiana Bernardi, p. 560. Margaron chaiziana Lea, p. 554. — pfeifferiana Lea, p. 560. Marginella cingulata Dillw., p. 463. — marginata Born, p. 462. — pyrum Gronov., p. 462. Meladomus elatior Bourg., p. 533. — ellipticus Bourg., p. 534. — ovum Bourg., p. 532. — procerus Bourg., p. 532. MELANIA, p. 537. Melania abyssinica Rupp, p. 538. — consobrina Dup. et Putz., p. 539. — depravata Dup. et Putz., p. 539. — fasciolata Lam., p. 537. — kinshassænsis Dup. et Putz., p. 539. — nseudweensis Dup. et Putz., p. 539. — nyangweensis Dup. et Putz., p. 539. — ponthiervillensis Dup. et Putz., p. 539. — — var spoliata Dup. et Putz., p. 539. — pyramis Buch., p. 537. — rothiana Mousson, p. 537. — rubropunctata Tristam, p. 537. — scabra Müll., p. 539. — soror Dup. et Putz., p. 539. — tuberculata Müll., p. 537. Melanoïdes fasciolatus Olivier, p. 537. Moaria trifilaris Dup. et Putz., p. 477. MUTELA, p. 564. Mutela angustata Sowerby, p. 564. — — var. curta Germ., p. 565. — — var. ponderosa Germ., p. 565. — Chevalieri Germ., p. 566. — cœlestis Paetel, p. 568. — nilotica Caill., p. 564. — rostrata Paetel, p. 568. — subdiaphana Smith, p. 568. MUTELINA, p. 567. Mutelina Carrei Dup. et Putz., p. 570. — complanata Jouss., p. 573. — — var. curta Germ., p. 574. — falemeensis Germain, p. 569. — Joubini Germain, p. 572. — legumen de Rocheb., p. 568. — Mabillei de Rochebr., p. 569. — — var. Frasi Germ., p. 570. — paludicola de Rocheb., p. 569. — plicata Sowerby, p. 573. — prasina de Rochebr., p. 568. — rostrata Rang, p. 567. — — var. minor Germain, p. 570. — Tholloni de Rochebr., p. 568. Mycetopus plicatus Sowerby, p. 573. Neothauma bicarinatum Bourg., p. 524. Nerita tuberculata Müller, p. 537. NODULARIA, p. 542. Nodularia æquatoria Simps., p. 542. OPEAS, p. 463. Paludina biangulata Küster, p. 513. — bulimoides Oliv., p. 519. — cyclostomoides Ol., p. 518. — Jeffreysi Frauenfeld, p. 516. — rubicunda Sturany, p. 515. — Simonsi Bourg., p. 516. — Smithi Bourg., p. 516. — unicolor. Lam., p. 513. Paludomus bulinoïdes Dohrn, p. 519. PERIDERIS, p. 486. PERIDERIOPSIS, p. 486. Perideriopsis fallsensis Dup. et Putz., p. 486. — mvulaensis Dup. et Putz., p. 486. — sp. ind. du Chari, p. 486. PHYSA, p. 495. Physa Brocchii Ehrenb., p. 496. — contorta Mich., p. 497. — (Pyrgophysa) Dautzenbergi Germ., p. 501. — (—) Dunkeri Germain, p. 500. — Forskahli Ehrenb., p. 499. — Joubini Germ., p. 467. — lamellosa Roth, p. 501. — nyassana Smith, p. 496. — Randabeli Bourg., p. 502. — Rohlfsi Clessin, p. 501. — scalaris Dunker, p. 500. — — Jay, p. 500. — strigosa Martens, p. 496. — tchadiensis Germain, p. 497. — tchadiensis var. disjuncta Germ., p. 498. — — var. regularis Germ., p. 498. — trigona Martens, p. 495. — — var. alta Germ., p. 495. — — var. columellaris Germ., p. 496. — — var. solida Germ., p. 496. — truncata de Férussac, p. 496. — Vaneyi Germ., p. 499. PHYSOPSIS, p. 502. Physopsis Bloyeti Bourg., p. 504. — Martensi Germain, p. 502. — nasuta Martens, p. 503. — ovoidea Bourg., p. 503. — ovoidea Martens, p. 502. Pisum parasiticum Parreyss, p. 584. PLANORBIS, p. 504. Planorbis adowensis Bourguignat, p. 507. — — var. major Germ., p. 508. — — var. minor Germ., p. 508. — — var. problematica Germ., p. 508. — Bridouxi Bourg., p. 509. — Crossei Bourg., p. 511. — Herbini var. adowensis Pollonera, p. 507. — sudanicus Martens, p. 504. — — var. globosa Germ., p. 505. — — var. magnus Sturany, p. 505. — — var. major Mart., p. 505. — — var. minor. Mart., p. 505. — — var. subsudanicus Germ., p. 505. — tanganikanus Bourg., p. 507. — tetragonostoma Germ., p. 506. PLANORBULA, p. 510. Planorbula tanganikanus Bourg., p. 511. — tchadiensis Germ., p. 510. Platiris cœlestis Troschel, p. 567. — rubens Lea, p. 551. PLIODON, p. 576. Pliodon (Cameronia) Hardeleti Germain, p. 577. — — — var. Molli Germain, p. 578. — — tchadiensis Germ., p. 576. Plotia Bloyeti Bourg., p. 539. — Leroyi Bourg., p. 539. PSEUDOPEAS, p. 463. PTYCOTREMA, p. 478. PYRGOPHYSA, p. 499. Pyrgophysa scalaris Dunk., p. 500. SEGMENTINA, p. 512. Segmentina angusta Jick., p. 512. — Chevalieri Germ., p. 512. SERPÆA, p. 486. Absence des Serpæa dans le bassin du Chari-Tchad, p. 486. SPATHA, p. 551. Spatha Adansoni Jouss., p. 559. — Anceyi Bourg., p. 564. — Bloyeti Bourg., p. 560. — Bourguignati Ancey, p. 560. — Bourguignati var. major. Germ., p. 561. — Cailliaudi Martens, p. 551. — chaiziana Rang, p. 554. — cryptoradiata Putz., p. 562. — complanata Simps., p. 573. — Decorsei Germain, p. 557. — — var. persinuata Germain, p. 558. — divaricata Mart., p. 561. — hirundo Martens, p. 573. — Kirki Ancey, p. 553. — lacustris Simpson, p. 564. — Lepsii Jickeli, p. 552. — Mabillei Jousseaume, p. 555. — — var. mamounensis Germain, p. 556. — Pfeifferi Bernardi, p. 560. — Renei Jouss., p. 553. — — var. compressa Germ., p. 554. — rotundata Martens, p. 552. — rubens Lam., p. 551. — — var. Chudeaui Germ., p. 552. — — var. compressa Germ., p. 552. — — var. rotundata Mart., p. 552. — sinuata Martens, p. 557. — spathuliformis Bourg., p. 560. — Stuhlmanni Martens, p. 561. — tawai Rang, p. 555. — Wahlbergi var. spathuliformis Martens, p. 560. Spathella Anceyi Bourg., p. 564. — Adansoni Jouss., p. 559. — Bloyeti Bourg., p. 560. — Bourguignati Ancey, p. 560. — Kirki Ancey, p. 553. — pfeifferiana Bourg., p. 560. — sinuata Bourg., p. 557. — spathuliformis Bourg., p. 560. SPHÆRIUM, p. 583. Sphærium Courteti Germain, p. 583. — — var. marginata Germ., p. 584. — — var. unicolor Germ., p. 584. — Stuhlmanni Martens, p. 584. STENOGYRA, p. 490. Stenogyra octona Chemnitz, p. 490. STREPTAXIS, p. 479. Streptaxis Gaudioni Putz., p. 479. — micans Putz., p. 479. — nseudweensis Putz., p. 479. — translucidus Putz., p. 479. Strombus costatus Schr., p. 537. — tuberculatus Schr., p. 537. SUBULINA, p. 490. Subulina krebedjeensis Germ., p. 490. — octona Beck, p. 490. TAYLORIA, p. 479. Tayloria ventrosa Taylor, p. 479. THAPSIA, p. 472. Thapsia decepta Smith, p. 474. — insimulans Smith, p. 472. — masukuensis Smith, p. 474. — mixta Smith, p. 473. — nyikana Smith, p. 473. — — var. Courteti Germ., p. 473. — simulata Smith, p. 474. TROCHONANINA, p. 474. Trochonanina Adansoniæ Morelet, p. 474. — mesogæa Mart., p. 475. — — var. nseudweensis Dup. et Putz., p. 476. — percostulatus Dupuis et Putz., p. 476. — permanens Smith, p. 476. Trochozonites percostulatus Dupuis et Putzeys, p. 476. — trifilaris Dup. et Putz., p. 477. UNIPLICARIA, p. 478. UNIO, p. 540. Unio (Nodularia) ægyptiaca Ferrus., p. 546. — — æquatoria Morelet, p. 542. — — bangoranensis Germ., p. 543. — — Chivoti Germain, p. 542. — — essoensis Chaper, p. 546. — — Faidherbei Jouss., p. 546. — — Lacoini Germ., p. 545. — — mutations compressa, curta, elongata, p. 545. Unio landanensis Shepm., p. 542. — Monceti Bourg., p. 541. — mutelæformis Germ., p. 540. — — var. chariensis Germ., p. 541. Unio (Grandidieria) tsadiana Martens, p. 547. VIVIPARA, p. 513. Vivipara capillata Frauenf., p. 514. — Colini Rochebr., p. 517. — Duponti Rochebr., p. 514. — gracilior Martens, p. 518. — Lenfanti Germ., p. 516. — Lenoiri J. Mab., p. 517. — meta Martens, p. 514. — polita Frauenfeld, p. 514. — Robertsoni Frauenfeld, p. 514. — rubicunda Martens, p. 515. — — var. subturrita Martens, p. 515. — unicolor Olivier, p. 513. — — var. Bellamyi Jouss., p. 517. — — var. elatior Martens, p. 515. — — var. Jeffreysi Frauenfeld, p. 516. — — var. Lenfanti Germain, p. 516. — — var. obesa Germain, p. 515. — modes bicarinata et tricarinata, p. 514. — modes microporus et pervius, p. 514. Zonites (?) ventrosa Taylor, p. 479. SUPPLÉMENT * * * * * Pendant que ce mémoire était à l’impression, j’ai reçu de nouveaux matériaux recueillis par M. le Dr DECORSE au cours de la Mission Chari- Tchad. J’ai déjà publié une note à ce sujet[531]. Je la résumerai ici afin de compléter utilement mon travail. On verra que ces nouveaux documents viennent confirmer et compléter les généralités exposées dans mon Introduction[532]. C’est ainsi que d’assez nombreux _Thapsia_, parmi lesquels une espèce nouvelle, montrent que ce genre est aussi répandu dans le bassin du Chari que dans le Nyassaland. Un nouvel exemplaire de _Trochonanina Adansoniæ_ Morelet, récolté à Krébedjé, indique l’existence de cette espèce du Gabon dans toute la région explorée. La présence du _Trochonanina reticulata_ d’Ailly, sur les bords du Gribingui, étend singulièrement l’aire de dispersion de ce Mollusque du Kameroun. Enfin les _Homorus Courteti_ nov. sp. et _Curvella Guerini_ nov. sp. sont les représentants de deux genres encore inconnus dans cette partie de l’Afrique. Genre NANINA Gray, 1834 _Nanina hepatizon_ Gould. 1845. _Helix hepatizon_ Gould, _Proceed. Boston society_, II, p. 38. 1853. _Helix hepatizon_ Pfeiffer, _Monogr. heliceor. vivent._, III, p. 46, no 122. 1868. _Helix hepatizon_ Morelet, _Mollusques terr. fluv. Welwitsch_, p. 54, no 6. tabl. II, fig. 7. 1886. _Nanina hepatizon_ Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmon._, II, p. 34, pl. IX, fig. 34. 1907. _Nanina hepatizon_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 343. Un exemplaire en excellent état, mesurant 34 millimètres de diamètre maximum, 29 millimètres de diamètre minimum et 22 millimètres de hauteur a été recueilli, par M. A. CHEVALIER, aux environs de Konakry. Genre THAPSIA Albers, 1860. _Thapsia calamachroa_ Jonas. 1843. _Helix calamachroa_ Jonas _in_ : Philippi _Abbildungen und Beschreib. Conchylien_, I, p. 47, no 2, tabl. III, fig. 2_a_. 1848. _Helix calamachroa_ Pfei ffer, _Monogr. heliceor. vivent._, I, p. 57. 1886. _Nanina (Thapsia) calamachroa_ Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmon._, II, p. 127, pl. 42, fig. 8-9. 1896. _Thapsia calamachroa_ d’Ailly, _Mollusques terr. eau douce Kaméroun_, p. 38. 1907. _Thapsia calamachroa_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 344. Le test de cette espèce est d’un corné brillant, plus foncé dessus que dessous, parfois un peu fauve et plus coloré que dans la figure originale de PHILIPPI. Ainsi que l’a fait remarquer d’AILLY[533], la suture est légèrement marginée. Le diamètre maximum atteint 10 millimètres, le diamètre minimum 9 millimètres et la hauteur 6 millimètres. La sculpture est extrêmement tenue : les stries longitudinales, très fines et inégales, sont coupées par des stries spirales excessivement fines et serrées, non granuleuses, ce qui permet de distinguer facilement cette espèce du _Thapsia troglodytes_ Morelet[534]. En dessous, la sculpture est encore moins marquée, mais présente les mêmes caractères. Environs de Konakry [Dr DECORSE], 2 exemplaires. _Thapsia indecorata_ Gould. 1830. _Helix indecorata_ Gould, _Proceed. Boston society_, III, p. 194. 1853. _Helix indecorata_ Pfeiffer, _Monogr. heliceor. vivent._, III, p. 50, no 141. 1868. _Helix indecorata_ Morelet, _Mollusques terr. fluv. Welwitsch_, p. 45. 1886. _Nanina (Thapsia) indecorata_ Tryon, _Manual of Conchology_, 2e série, _Pulmonata_, II, p. 126, pl. 42, fig. 97-99. 1907. _Thapsia indecorata_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 344. Test mince et brillant, d’un corné pâle, légèrement verdâtre, surtout en dessous ; sommet plus clair, suture nettement marginée ; stries fines, irrégulières, aussi accentuées dessous que dessus. Environs de Libreville (Dr DECORSE) ; 3 échantillons. _Thapsia insimulans_ Smith. Voir ci-dessus, page 471. Niellims, sur le Moyen-Chari ; mai 1903 [Dr DECORSE] ; 1 exemplaire. _Thapsia nyikana_ Smith. Voir ci-dessus, page 472. Kousri, territoire du Chari, juillet 1903 [Dr DECORSE] ; un échantillon de la variété _Courteti_ Germain. _Thapsia Lamyi_ Germain[535]. 1907. _Thapsia Lamyi_ Germain, _Archives zoologie expérim. et génér._, 4e série, IV, p. 110 (_sans descript._). 1907. _Thapsia Lamyi_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 345, fig. 24. Coquille très déprimée, planorbique, assez étroitement ombiliquée, spire composée de 6 tours convexes, très légèrement étagés, à croissance régulière un peu rapide, les premiers enroulés sur un même plan ; dernier tour grand, légèrement comprimé à sa naissance, beaucoup plus convexe dessous que dessus, non descendant, un peu dilaté à l’extrémité ; suture profonde, très nettement marginée à partir du premier tour ; sommet fort obtus ; ouverture oblique, semi-lunaire ; un peu anguleuse en haut, à bords externe et inférieur largement convexes ; péristome mince, fragile ; bord columellaire blanc, notablement réfléchi sur l’ombilic. Diamètre maximum : 10-10 1/2 millimètres ; diamètre minimum : 8 1/2-9 millimètres ; hauteur 4 1/2-5 millimètres. Test mince, fragile, subtransparent, d’un corné ambré légèrement verdâtre, à peine plus clair en dessous. La sculpture comprend des stries longitudinales très fines, obliques, flexueuses et irrégulières, visibles sur les premiers tours, à peine plus fortes sur le dernier au voisinage de l’ouverture, un peu plus fortes et plus irrégulières en dessous. Ces stries longitudinales sont coupées par des stries spirales extrêmement fines et serrées, très régulières, plus accentuées au voisinage immédiat des sutures, presque invisibles sur les premiers tours et beaucoup moins nettes en dessous. Kouom, Moyen Chari, 31 mai 1903 [Dr DECORSE], 3 exemplaires. Genre TROCHONANINA Mousson, 1869. _Trochonanina Adansoniæ_ Morelet. Voir ci-dessus, page 474. Krebedjé, novembre 1902 [Dr DECORSE] ; un exemplaire. _Trochonanina reticulata_ d’Ailly. 1896. _Trochozonites reticulatus_ d’Ailly, _Mollusques terr. eau douce Kaméroun_, p. 43, pl. II, fig. 26-31. 1907. _Trochonanina reticulata_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 347. Cette espèce, qui n’était jusqu’ici connue que de quelques localités du Kameroun, présente des analogies de forme avec le _Trochonanina percarinata_ Martens[536], répandu dans presque toute l’Afrique équatoriale. On l’en distinguera facilement : Par sa forme plus conique élevée ; par ses tours plus convexes, séparés par des sutures beaucoup plus profondes, la dernière étant canaliculée et parfois marginée ; enfin par son ombilic notablement plus large. D’AILLY, qui a remarquablement figuré cette espèce, la rapproche du _Trochonanina ibuensis_ Pfeiffer[537], mais elle présente, avec le _Trochonanina percarinata_, des rapports beaucoup plus étroits. En tous les cas, elle se sépare de l’espèce de PFEIFFER par sa forme plus déprimée, par ses sutures plus profondes, par sa carène plus tranchante et par sa sculpture. Les exemplaires recueillis par le Dr DECORSE sont absolument conformes à la figuration de d’AILLY. Leur test est d’un jaune corné pâle, plus brillant dessous que dessus. La sculpture comprend deux séries de stries : les unes sont longitudinales, obliques, onduleuses, régulières et régulièrement espacées, visibles même sur les tours embryonnaires, plus obliques et plus fortes au dernier tour ; les autres, qui coupent les premières, sont des stries spirales, moins régulières, plus fines que les stries longitudinales. Elles sont plus denses au voisinage des sutures que sur le reste des tours et se distinguent sur les tours embryonnaires. Ce double mode de striation donne à la coquille une apparence réticulée très caractéristique. En dessous, les stries spirales sont extrêmement fines et les stries longitudinales, également moins fortes, sont beaucoup plus inégales. Diamètre maximum : 11-11 1/2 millimètres ; diamètre minimum ; 9 1/4-10 millimètres ; hauteur : 7-7 1/4 millimètres. Bords du Gribingui (Dr DECORSE) ; un échantillon. Kouom, Moyen-Chari, 31 mai 1903 (Dr DECORSE) ; deux exemplaires. Genre SUBULINA Beck, 1839. _Subulina krebedjeensis_ Germain. Voir ci-dessus, p. 490. Beso, à 20 kilomètres en amont du Fort-de-Possel (Haut-Oubangui), [Dr DECORSE] ; un échantillon. Genre HOMORUS Albers, 1850. _Homorus Courteti_ Germain[538]. 1907. _Homorus Courteti_ Germain, _Archives Zoologie expér. et générale_, 4e série, IV, p. 112 (sans descript.). 1907. _Homorus Courteti_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 348, fig. 25. Coquille conoïde très allongée ; spire normalement tronquée, composée de 6 tours médiocrement convexes à croissance régulière, mais assez rapide ; dernier tour grand, peu convexe, n’égalant pas tout à fait la demi-hauteur ; sutures très marquées mais peu profondes, celles séparant les premiers tours, absolument rectilignes ; ouverture oblique, ovalaire-allongée, très anguleuse en haut, bien arrondie en bas ; columelle arquée, obliquement tronquée à la base ; péristome mince et tranchant ; bords réunis par une faible callosité blanche. Longueur : 23-25 millimètres ; largeur maximum 7 1/2-8 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 8 millimètres ; largeur de l’ouverture : 3 3/4-4 millimètres. Test d’un corné blond, subtransparent, orné de stries longitudinales fines et inégales. Krébedjé, novembre 1902 (Dr DECORSE) ; 4 exemplaires. Genre CURVELLA Chaper, 1885. _Curvella Guerini_ Germain[539]. 1907. _Curvella Guerini_ Germain, _Bulletin Muséum hist. nat. Paris_, no 5, p. 349, fig. 26. Coquille petite, ovalaire oblongue, assez étroitement ombiliquée ; spire composée de cinq tours bien convexes à croissance régulière ; dernier tour médiocre, un peu atténué en bas ; sutures très profondes, d’apparence canaliculée ; sommet obtus ; ouverture oblongue, subpyriforme, un peu oblique, très anguleuse en haut, subanguleuse en bas, n’atteignant pas la demi-hauteur de la coquille ; bord columellaire très légèrement convexe, réfléchi triangulairement sur l’ombilic. Longueur : 4 millimètres ; diamètre maximum : 2 1/4 millimètres. Test mince, très fragile, transparent, d’un corné clair, orné de stries longitudinales fines, peu régulièrement distribuées, plus accentuées au voisinage de la suture. Kouom, Moyen-Chari, 31 mai 1903 (Dr DECORSE) ; un exemplaire. Genre PHYSA Draparnaud, 1801. _Physa (Pyrgophysa) Dunkeri_ Germain. 1903. _Physa (Pyrgophysa) Dunkeri_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 6, p. 486. Kousri, août 1903 (Dr DECORSE) ; 3 échantillons très jeunes. Genre BYTHINIA Gray, 1840. _Bythinia (Gabbia) Martreti_ Germain. Voir ci-dessus, page 522. Pays Mamoun, mars 1903 (Dr DECORSE), un exemplaire conservé dans l’alcool. Genre SPATHA Lea, 1838. _Spatha rubens_ de Lamarck. Voir ci-dessus, page 551. Aux variétés de cette espèce que j’ai déjà signalées, il faut ajouter la suivante : Variété _Wismani_ Martens. 1883 _Spatha Wismani_ Martens, _Sitzungsb. der Gesellsch. naturf. Freunde Berlin_, p. 73. 1885. _Spatha Wismani_ Martens, _Conchol. Mitth._, III, p. 139, taf. XXVII. 1900. _Spatha rubens_ (_pars._) Simpson, _Proceed. unit. st. nation. Museum_, XXII, p. 896. 1907. _Spatha rubens_ variété _Wismani_ Germain, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, no 5, p. 351. Je considère le _Spatha Wismani_ comme une variété du _Spatha rubens_. C’est une coquille de grande taille, subtrigone, possédant une région antérieure courte et une région postérieure deux fois et demie aussi longue. Les sommets sont peu proéminents, les impressions musculaires profondes, le ligament très robuste, court et large. Le test, très épais, solide, d’un noir marron brillant, très sombre, présente des stries d’accroissement assez fines, irrégulières, devenant lamelleuses vers le bord inférieur. Enfin la nacre est bleuâtre, fortement irisée, surtout vers le bord postérieur. Longueur maximum : 103 millimètres ; longueur de la région antérieure : 28 millimètres ; longueur de la région postérieure : 75 millimètres, hauteur maximum : 75 millimètres ; épaisseur maximum : 39 millimètres. Le Moyen Niger (Soudan français), mission économique dirigée par le général de TRENTINIAN (1899) ; un exemplaire. * * * * * [Note 285 : La plupart des espèces étudiées dans ce mémoire proviennent des récoltes de la mission Chari-Tchad et ont été recueillies dans les bassins de l’Oubangui et du Chari. Accessoirement quelques espèces proviennent des bassins du Sénégal et du Niger et avaient été recueillies par M. A. CHEVALIER en 1898-1900.] [Note 286 : Je n’ai indiqué, dans cette très courte revue des expéditions africaines, que celles dont les résultats ont eu quelque importance au point de vue spécial auquel je me place ici.] [Note 287 : MONTEIL (P.-L.), _De Saint-Louis à Tripoli par le lac Tchad_, Paris, 1894, gr. in-8o, 463 pp. ; cartes et grav.] [Note 288 : GENTIL (V.), _Chute de l’Empire de Rabah_, Paris, 1900.] [Note 289 : FOUREAU (F.), _D’Alger au Congo par le Tchad_, Paris, 1904, in-8 avec figures ; — et FOUREAU (F.), _Documents scientifiques de la Mission saharienne (Mission Foureau-Lamy)_, Paris, 1905, 2 vol. in-4o, 428 fig. et 30 pl. et atlas in-4o de 16 cartes.] [Note 290 : MARTENS (Dr von), _Süsswasser-Conchylien vom Südufer des Tsad-sees_ (_Sitzbericht. der gesellsch. Naturforsch. freunde_, 1903, pp. 5-10).] [Note 291 : Les seuls documents que nous possédions jusqu’ici sur la faune malacologique de cette région sont ceux recueillis par la Mission saharienne. Ils sont malheureusement peu nombreux car, dit FOUREAU, la plus grande partie des matériaux recueillis « devait être promptement anéantis, en même temps que nos bagages, notre pacotille et la majeure partie de nos réserves de vivres, en raison de la disparition de nos moyens de transport et de l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvions de nous procurer de nouveaux animaux de charge... Les Termites, en outre, ont eu beau jeu par la suite pour détruire ou pour endommager les quelques échantillons recueillis et conservés à grand peine, et pour lesquels nous n’avions plus aucun moyen de préservation. » (_Documents scientifiques de la Mission saharienne_, II, 1905, p. 995). Il faut encore ajouter les Mollusques recueillis par MM. LENFANT, DUPERTHUIS, MOLL, et surtout par M. le lieutenant L. LACOIN.] [Note 292 : Je ne tiens pas compte, dans cette étude générale, des Mollusques du Haut Sénégal récoltés soit par M. AUG. CHEVALIER, soit par le général DE TRENTINIAN, bien qu’ils figurent à leur place dans mon travail.] [Note 293 : Le seul échantillon de _Vitrina_ rapporté par la mission est en trop mauvais état pour être déterminé spécifiquement. Il provient de Koulikoro.] [Note 294 : Ces deux _Thapsia_ et ces deux _Trochonanina_ sont d’ailleurs des espèces qui se retrouvent dans l’Afrique orientale.] [Note 295 : Pendant la Mission économique du Sénégal, conduite par le général DE TRENTINIAN, il a été trouvé un exemplaire de l’_H. aspersa_ Müller, à Carabane, près de l’embouchure de la Casamance. Il est probable que ce Mollusque se trouvait également avec des marchandises européennes.] [Note 296 : BORN, _Test. Musei Cæs. Vindob._, 1780, p. 220, pl. IX, fig. 5-6 [_Voluta marginata_] ; — TRYON, _Manual of Conchology_, V, 1883, p. 28, pl. VIII, fig. 44-51.] [Note 297 : GRONOVIUS, _Zoophyl. Gronovian._, 1781, t. XIX, fig. 5 ; t. II, fig. 13-14 [_Voluta pyrum_] ; — TRYON, _Manual of Conchology_, V, 1883, p. 18, pl. V, fig. 70-71.] [Note 298 : DILLWYN, _A descript. Catal. of recent shells_, 1817, p. 525 [_Voluta cingulata_] ; — TRYON, _A Manual of Conchol._, V, 1883, p. 36, pl. X, fig. 11.] [Note 299 : LINNÉ, _Syst. natur._, 1758, p. 1190 ; — TRYON, _Manual of Conchol._, V, 1883, p. 107, pl. XLIII, fig. 34-49 et pl. XLIV, fig. 50-56.] [Note 300 : La plupart des Marginelles de Faguibine renferment, à leur intérieur, des débris indéterminables de coquilles marines appartenant au genre Cerithe et à de nombreux Lamellibranches.] [Note 301 : Au cours de la mission économique au Sénégal, le général de TRENTINIAN a également recueilli, aux environs de Tombouctou, de nombreux exemplaires de _Marginella marginata_ et de rares individus de _Columbella rustica_.] [Note 302 : Depuis, M. R. CHUDEAU a exploré la région de Faguibine. Les nouveaux documents qu’il a recueillis semblent infirmer les conclusions précédentes. Il y aurait eu, dans toute cette région ; un ancien lac salé et les Mollusques marins que je viens de signaler seraient parfaitement en place. Ils sont d’ailleurs extrêmement abondants et M. CHUDEAU doit me procurer, très prochainement, des fragments pris sur place et pétris de coquilles. Je reviendrai en détail sur cette intéressante question dans le mémoire, que je compte publier bientôt, sur les Mollusques recueillis par M. R. CHUDEAU au cours de sa mission au Sahara. [Note ajoutée pendant l’impression].] [Note 303 : Voir, à ce sujet, la note insérée à la fin de ce mémoire, sous le titre : Appendice.] [Note 304 : La famille des Achatinidæ est seule assez bien représentée pour permettre des comparaisons utiles.] [Note 305 : Les Physes du Chari et du lac Tchad se font remarquer par la brièveté de leur spire, les premiers tours étant sensiblement enroulés sur un même plan.] [Note 306 : En cela, la faune du Chari se distingue de celle du Congo. Ce dernier fleuve nourrit d’assez nombreuses espèces de Mélanies.] [Note 307 : Je ne tiens pas compte ici de la faune du lac Tchad que j’étudie, un peu plus loin, dans un chapitre spécial.] [Note 308 : Cette espèce est, fort probablement, le _Limnæa natalensis_ Krauss signalé par von MARTENS (_Sitzungsberichte d. gesellsch. naturf._ Berlin, 20 novembre 1877, p. 242) comme ayant été recueilli, par G. ROHLFS, aux environs de Kuka.] [Note 309 : Au moins en ce qui concerne les espèces. Les individus doivent être assez nombreux, puisque les indigènes ont donné aux grands Acéphales du lac (et notamment aux _Mutela_) le nom de _Cofoui_.] [Note 310 : GERMAIN (Louis), _Bullet. Mus. hist. natur. Paris_, 1904, p. 471 ; 1905, p. 249 et p. 488-489.] [Note 311 : PELLEGRIN (Dr J.), Cyprionodontidés nouv. Congo, Oubangui, _Bull. Mus. hist. natur. Paris_, X, no 5, 1904, p. 221.] [Note 312 : Les _Grandidieria_ constituent seulement une section du genre _Unio_.] [Note 313 : MOORE (J.-E.-S.), _The Tanganyika Problem_, 1903, p. 81.] [Note 314 : GRAVIER (Ch.), Sur la Méduse du Victoria Nyanza et la faune des grands lacs africains. _Bullet. Mus. hist. natur. Paris_, 1903, no 7, p. 347.] [Note 315 : Cette espèce, non signalée dans l’_Histoire malacologique du lac Tanganika_, de BOURGUIGNAT, a été recueillie dans ce lac par M. E. FOÀ.] [Note 316 : C’est ainsi, par exemple, que le Tchad nourrit l’_Unio mutelæformis_ Germ., espèce représentative de l’_U. Monceti_ Bourg. du lac Victoria Nyanza.] [Note 317 : GERMAIN (LOUIS), Essai sur la malacographie de l’Afrique équatoriale ; _Archives de Zoologie expérim. et génér._, 4e série, VI, 1907, pp. 103-135.] [Note 318 : ALBERS (J. Chr.), _Die Heliceen nach natürl. Verwandtsch. systemat. geordnet._ Berlin, 1850, p. 56.] [Note 319 : Variété dédiée à M. COURTET, membre de la Mission Chari- Tchad.] [Note 320 : SMITH (E. A.), On a collection of land shells from British central Africa ; in : _Proceed. zoolog. soc. London_, 13 avril 1899. _Thapsia masukuensis_, p. 583, Pl. XXXIII, fig. 19-20 ; _Th. mixta_, p. 582, fig. 13-14-15 ; _Th. simulata_, p. 583, fig. 21-22-23 ; _Th. decepta_, p. 584, fig. 26-27-28.] [Note 321 : MOUSSON, _Journal de Conchyliologie_, 1869, p. 330.] [Note 322 : SMITH (E. A.), On some land shells from British east Africa ; in _Journal of malacology_, VIII, part. 4, 1901, p. 94, fig. 2-3.] [Note 323 : DUPUIS (P.) et PUTZEYS (S.), Diagnoses esp. coq. nouv. Congo, etc..., in : _Annales soc. roy. malacolog. Belgique_, XXXVI, 1901, _Bulletin des séances_, 7 décembre 1901, p. LVII, fig. 28.] [Note 324 : DUPUIS (P.) et PUTZEYS (S.), _loc. cit._, 1901, p. LIV, fig. 24 [_Trochozonites_].] [Note 325 : Le genre _Moaria_, créé par CHAPER (Esp. nouv. et genres nouv., in : _Bullet. soc. zool. France_, X, 1885,) se compose d’espèces trochoïdes, dont la partie supérieure des tours est ornée de sillons spiraux plus ou moins saillants. La seule espèce signalée jusqu’ici dans l’Afrique centrale est le _Moaria trifilaris_ Dupuis et Putzeys [_loc. supra cit._, p. LIII, fig. 23 (_Trochozonites [Moaria] trifilaris_)], découvert sur les bords du Lualaba. C’est une petite coquille, haute de 3 1/4 millimètres, large de 3 millimètres, étroitement perforée, globuleuse-conique, à spire composée de 6-7 tours coniques, les premiers ornés de deux, le dernier de 3 carènes saillantes.] [Note 326 : ADAMS (H. et A.), _Genera of Shells_, II, 1855, p. 171.] [Note 327 : Espèce dédiée à M. CH. GRAVIER, assistant au Muséum d’histoire naturelle, auteur de très importants mémoires sur les Annélides polychètes des côtes d’Afrique.] [Note 328 : MARTENS (E. von), _Nachr. der Deutsch. Malakozool. Gesellsch._, 1895, p. 175, figuré dans les _Beschalte Weichth. Ost afrik._, 1898, p. 14, taf. II, fig. 8, 8 _a_, 8 _b_.] [Note 329 : Ces espèces ont surtout été décrites par le Dr ED. A. SMITH de Londres et le Dr E. von MARTENS, dans les nombreux mémoires que j’ai déjà eu l’occasion de citer et dont on trouvera la nomenclature à l’index bibliographique qui termine ce travail.] [Note 330 : Les _Ennea_ du Bassin du Congo ont été décrits par P. DUPUIS et le Dr PUTZEYS dans les _Annales (Bulletin des Séances) de la Société royale malacologique de Belgique_, t. XXXIV, 1899, p. LVI-LVII, fig. 4-6).] [Note 331 : La plus grande confusion règne encore aujourd’hui au sujet des _Ennea_, des _Streptaxis_ et des genres voisins. Dans ses _Mollusques de l’Afrique équatoriale_ (Paris, mars 1889), BOURGUIGNAT classe les espèces de ces genres en trois familles : ENNEIDÆ Bourguignat (_Histoire malacologique de l’Abyssinie_, 1883, p. 74) ; STREPTAXIDÆ et ARTEMONIDÆ. L’auteur range, dans la première de ces familles, les genres _Ennea_ H. et A. Adams, _Ptycotrema_ Mörch (_Catalog. Joldi_, 1852, p. 33) et _Enneastrum_ Pfeiffer (_Malakozool. Blätter_, 1855, p. 173), ce dernier genre renfermant également les _Uniplicaria_, _Gulella_ et _Huttonella_ de Pfeiffer. Dans la famille des STREPTAXIDÆ, BOURGUIGNAT place le genre _Edentulina_ Pfeiffer [Vers. anordn. Helic., in : _Malakozool. Blätter_, 1855, p. 173], que l’on ne saurait séparer des _Ennea_ ; il admet le genre _Gonaxis_ créé par TAYLOR [New species east coast Africa, in : _Quat. Journ. Conchol_, I, 1877, p. 252] ; enfin il crée le nouveau genre _Marconia_ (_loc. cit._, mars 1889, p. 135), pour des coquilles de forme _orculoïde_ rappelant l’_Orcula dolium_ d’Europe, à ouverture sans denticulation, et dont le type est le _Marconia lata_ des environs du lac Tanganika, décrit par SMITH, sous le nom d’_Ennea lata_ (_Proceed. zoolog. society London_, 1880, p. 347, pl. XXXI, fig. 4-4 _a_). Quant à la nouvelle famille des ARTEMONIDÆ [BOURGUIGNAT, _loc. cit._, mars 1889, p. 36], elle renferme toute une série de coquilles que l’on peut considérer comme des _Streptaxis_ à axe non dévié. Il établit, dans cette famille, trois genres nouveaux pour la faune africaine : Les _Gibbonsia_ [_loc. cit._, p. 38], ayant pour type le _Gibbonsia gigas_ Smith (_Proceed. zoolog. society London_, 1881, p. 279, pl. XXXII, fig. 4] ; les _Tayloria_ (_loc. cit._, p. 38), dont le type est le _Tayloria ventrosa_ [_Zonites (?) ventrosa_ Taylor, in : _Quaterl. Journ. Conchol._, août 1877, p. 251, pl. II, fig. 2] ; enfin les _Colpanostoma_ (_loc. cit._, p. 43), qui ont pour type le _Colpanostoma Leroyi_ Bourguignat (_loc. cit._, p. 43 et pl. I, fig. 1-3) de l’Ousaghara. A part quelques rares coupes génériques bien délimitées, comme les _Colpanostoma_ qui sont très éloignés des _Streptaxis_, les genres créés par BOURGUIGNAT sont établis sur des caractères très secondaires. Il est d’autant plus difficile de les admettre, qu’il est actuellement impossible de rapporter avec certitude certaines espèces à un genre plutôt qu’à un autre et le nombre des coquilles tour à tour ballottées dans les _Ennea_, les _Streptaxis_ et les _Gibbus_, est relativement considérable. Il convient donc d’attendre, avant d’établir une classification rationnelle de ce groupe particulièrement difficile, qu’une étude anatomique sérieuse en ait été faite.] [Note 332 : Ce sont plus particulièrement les _Streptaxis micans_, _Str. nseudweensis_ _Str. translucidus_ et _Str. Gaudioni_, décrits, par le Dr PUTZEYS [_Annales (Bullet. séances) soc. roy. malacol. Belgique_, XXXIV, 1899, p. LV-LVI, fig. 2-3 et id., XXXVI, 1901, p. XLI, fig. 14, et _ibid._, XXXVI, 1901, p. LI-LII, fig. 21-22.] [Note 333 : SCHUMACHER, _Essai d’un nouveau système des habit. des vers testacés_, 1817, p. 61 et p. 200.] [Note 334 : GRANDIDIER (A), Observations critiques sur divers Mollusques du Centre de l’Afrique ; in : _Bullet. soc. malacolog. France_, II, 1885, p. 160 et p. 161.] [Note 335 : SMITH (E.A.), On a collection of shells from lakes Tanganyika and Nyassa, etc. _Proceed. zoolog. soc. London_, 1881, pl. XXXIII, fig. 14.A (_seulement_).] [Note 336 : GERMAIN (LOUIS), Etude Mollusques Mission Lacoin, in : _Mémoires soc. zoolog. France_, XIX, p. 220.] [Note 337 : La figure 14 de la planche des _Proceedings of the zoolog. society of London_ (1881) représenterait cette espèce nommée _Limicolaria Burtoniana_ par GRANDIDIER.] [Note 338 : Ces dimensions correspondent exactement à celles de l’_échantillon type_ décrit par SMITH (_Proceedings zoolog. soc. London_, 1880, p. 346).] [Note 339 : L’exemplaire figuré par DE FÉRUSSAC [_Hist. gén. et part. Mollusques terr. fluv._, II, pl. CXLIA, fig. 1-2] mesure : hauteur : 73 millimètres ; diamètre max. : 37 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 34 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 20 millimètres.] [Note 340 : Variété dédiée à M. le capitaine DUPERTHUIS qui a envoyé, au laboratoire de malacologie du Muséum de Paris diverses coquilles recueillies par lui dans la région du Kanem (Lac Tchad).] [Note 341 : GERMAIN (Louis), Contribut. à la faune malacologique de l’Afrique équatoriale ; V. — Sur les Mollusques recueillis par M. le capitaine Duperthuis dans la région du Kanem (lac Tchad), in _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, 1906, no 3, p. 169, fig. 5.] [Note 342 : MARTENS (Dr E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 102 et p. 112, Taf. V, fig. 5-6.] [Note 343 : DUPUYS (P.) et PUTZEYS, Diagnoses Coq. nouv. état indépend. Congo ; in : _Annales (Bulletin des séances) de la Société roy. malacolog. de Belgique_, XXXV, séance du 3 mars 1900, p. XIII, fig. 19-20 (_Perideriopsis fallsensis_) et p. XIV, fig. 21-22 (_Perideriopsis mvulaensis_).] [Note 344 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques Afrique équatoriale_, mars 1889, p. 88. Ce genre a été réédité par CROSSE sous le nom de _Livinhacia_ [_Journal de Conchyl._, XXXVII, 1889, p. 109].] [Note 345 : PFEIFFER, _Proceed. zoolog. soc. London_, 1861, p. 24 [_Bulimus niloticus_]. Figuré par PFEIFFER dans ses _Novitates concholog._, IV, 1870, p. 5, taf. 110, fig. 1-2 [_Limicolaria nilotica_].] [Note 346 : Dans le Haut-Congo habite une autre espèce de genre, le _Burtoa Dupuisi_ [PUTZEYS, Diagn. coquilles état ind. Congo ; in : _Bullet. séances soc. roy. malacol. Belgique_, XXXIII, 5 novembre 1898. p. LXXXII, fig. 1 (_Livinhacia Dupuisi_)]. Coquille imperforée, ovalaire, ventrue, spire brève, composée de 6 tours convexes, le dernier très grand, relativement allongé ; ouverture ovalaire, allongée ; longueur : 93-102 millimètres, diamètre : 54-57 millimètres ; test solide, fauve, fortement réticulé.] [Note 347 : LAMARCK (De), _Prodr._, 1799, p. 75, _Syst. anim. sans vert._, 1801, p. 90 ; _Anim. sans vertèbres_, VI, part. II, 1822, p. 126.] [Note 348 : SWAINSON in : MARTINI et CHEMNITZ, _Syst. Conchyl. Cabinet_, 1850, p. 328, taf. XXIX, fig. 1.] [Note 349 : MARTENS, in : PFEIFFER, _Novitates Concholog._, IV, 1876, p. 141, taf. CXXXII, fig. 1-2.] [Note 350 : Variété dédiée à M. F. FOUREAU, chef de la Mission Saharienne.] [Note 351 : GERMAIN (Louis), Mollusques recueillis par la Miss. F. FOUREAU dans le centre africain ; in : _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, 1905, XI, no 4, p. 250, fig. 1.] [Note 352 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques Egypte, Abyssinie, Zanzib._, etc..., 1879, page 5.] [Note 353 : DAUTZENBERG (Ph.), Description nouv. esp. Achatina du Haut- Congo, in : _Annales (Mém.) soc. royal. malacolog. Belgique_, XXXIV, 1899, séance du 2 décembre 1899, p. 28, figuré p. 29 [à part, p. 2].] [Note 354 : PUTZEYS (Dr), Diagnoses coq. nouv. état indépendant du Congo ; in : _Bullet. des séances société roy. malacolog. Belgique_ ; XXXIII, 1898, _séance du 5 novembre 1898_, p. LXXIII, fig. 2.] [Note 355 : BRUGUIÈRE, Histoire naturelle des Vers ; in : _Encyclopédie méthod._ ; 1792, p. 459.] [Note 356 : Le Dr von MARTENS (_loc. cit._, 1898, p. 135) donne, pour cette espèce, les dimensions suivantes : 19-23 1/2 millimètres ; largeur maximum : 11 1/2-15 1/2 millimètres ; largeur minimum : 9-10 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 14-18 millimètres ; largeur de l’ouverture : 8 1/2-9 millimètres.] [Note 357 : RUPPELL, in : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Histoire malacolog. de l’Abyssinie_, 1883, p. 95 et p. 126, pl. X, fig. 99 ; et _Annal. scienc. naturelles_, 6e série, XV, 1883, même pagination.] [Note 358 : MARTENS (Dr E. von), _Malakozoolog. Blätter_, XIII, 1866, p. 101, taf. III, fig. 8-9 [_Limneus natalensis_, var. _exsertus_].] [Note 359 : Depuis, M. R. CHUDEAU a recueilli, aux environs de Kouloua (lac Tchad), une nouvelle espèce de Limnée que je viens de décrire et de figurer sous le nom de _Limnæa Chudeaui_ [GERMAIN (LOUIS). — Contributions à la faune malacologique de l’Afrique équatoriale ; X. Mollusques nouveaux du lac Tchad ; _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; no 4, p. 272, fig. 21] (_Note ajoutée pendant l’impression_).] [Note 360 : DRAPARNAUD, _Tableau Mollusques terr. et fluv. de France_, 1801, p. 31 et 52.] [Note 361 : EHRENBERG, _Symbolæ physicæ, descript. corp. animal. nov._, etc., 1831.] [Note 362 : Les exemplaires jeunes sont généralement conformes à la figure 8 de la planche VI des _Beschalte Weichthiere Ost-Afrikas_.] [Note 363 : EHRENBERG, _Symbol. physic., descript. animal._, etc., 1831, no 4.] [Note 364 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 139.] [Note 365 : MICHAUD (G.), Description de plusieurs espèces nouvelles de coquilles vivantes ; in : _Bul. hist. natur. soc. linnéenne Bordeaux_ ; III, 1829, p. 268, fig. 15-16.] [Note 366 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Iconogr. malacol. lac Tanganika_ ; 1888, pl. I, fig. 26-27 (_sine descript._) ; et _Hist. malacolog. lac Tanganika_ ; 1890, p. 12, pl. I, fig. 26-27.] [Note 367 : GERMAIN (LOUIS), Sur Mollusques recueillis Mission FOUREAU- LAMY dans le centre africain ; in : _Bul. Muséum hist. nat. Paris_ ; XI, 1905, no 4, p. 251.] [Note 368 : Cette variété _disjuncta_ a été recueillie abondamment par M. le lieutenant LACOIN qui a, en outre, rapporté les mutations suivantes qui se définissent d’elles-mêmes et que j’ai déjà eu l’occasion de signaler dans deux précédents mémoires (Voy. _Bul. Muséum Paris_, 1905, pp. 485-486 ; et _Mémoires société zoolog. France_, XIX, 1906, p. 226) : Variété _ex forma_ : ELATA — — VENTRICOSA — — BREVISPIRATA Variété _ex colore_ : ALBIDA — — CASTANEA — — TRANSLUCIDA] [Note 369 : Espèce dédiée à M. Cl. VANEY, maître de conférences à la Faculté des sciences de Lyon, auteur de nombreux et importants mémoires sur les Echinodermes.] [Note 370 : CROSSE (H.), Description d’un genre nouveau de Mollusque fluviatile provenant de Nossi-Bé ; in : _Journal de Conchyliologie_, XXVII, 1879, p. 208.] [Note 371 : ROTH, in : _Malakozool. Blätter_, II, 1855, p. 49, taf. II, fig. 14-15.] [Note 372 : JAY, _A Catalogue of the shells arranged according to the Lamarckian system, contained in the collection of J. C. Jay_, Ed. 2, 1839, p. 112, pl. I, fig. 8-9.] [Note 373 : Espèce dédiée à M. PH. DAUTZENBERG, auteur de très nombreux et importants mémoires de Malacologie.] [Note 374 : CLESSIN, in : MARTINI ET CHEMNITZ, _Syst. conchyl. Cabinet, Limn._, 1886, p. 349, no 214, taf. XLIX, fig. 7 [par erreur indiqué à la fig. 6 dans le texte].] [Note 375 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Iconographie malacologique du lac Tanganika_, 1888, pl. I, fig. 26-27 et _Histoire malacologique du lac Tanganika_, 1890, p. 12, pl. I, fig. 26-27.] [Note 376 : GERMAIN (LOUIS), Sur les mollusques recueillis par les membres de la Mission F. Foureau-Lamy dans le centre africain ; in : _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, 1905, no 4, p. 3.] [Note 377 : KRAUSS, _Südafrik. Mollusken_ ; 1848, p. 85.] [Note 378 : Espèce dédiée au docteur E. von MARTENS, auteur de nombreux mémoires sur la Malacologie de l’Afrique.] [Note 379 : BOURGUIGNAT (J.-R.), Description de diverses espèces terrestres et fluviatiles et de différents genres de Mollusques de l’Egypte, de l’Abyssinie, du Zanzibar, du Sénégal et du centre de l’Afrique ; 1879, p. 16.] [Note 380 : MARTENS (E. von), _Sitz. ber. d. Gesells. naturf. Freunde in Berlin_ ; 1879, p. 102. Figuré dans les _Beschalte Weichth._, etc. ; 1898, p. 144. Taf. VI, fig. 10.] [Note 381 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques de l’Afrique équatoriale_ ; mars 1889, p. 160. Le type a été découvert par le commandant BLOYET, dans les cours d’eau des environs de Kondoa, dans l’Ousaghara.] [Note 382 : GUETTARD, _in_ : _Mémoir. Acad. sciences Paris_ ; 1756, p. 151.] [Note 383 : Les figures 8 et 9 sont, de beaucoup, les plus typiques.] [Note 384 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Annal. sc. natur._, 7e série, X, 1890, p. 16, pl. I, fig. 16-17.] [Note 385 : Les figures données par BOURGUIGNAT [_Iconographie malacol. lac Tanganika_, 1888, pl. I, fig. 1-4] ne sont pas rigoureusement exactes. Ainsi, dans la fig. 1, le maximum de dilatation du dernier tour de spire semble se trouver avant le dernier quart de ce tour, ce qui n’a jamais lieu. L’enroulement du _Pl. adowensis_ est, au contraire, fort régulier, et le dernier tour présente une dilatation de plus en plus marquée à mesure que l’on s’approche de l’ouverture.] [Note 386 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Histoire malacolog. Abyssinie_, 1883, p. 101.] [Note 387 : GERMAIN (Louis), _Sur quelques Mollusques terr. fluv. rapp. Ch. Gravier du désert Somali_ ; in : _Bullet. Muséum Paris_, X, 1904, no 6, p. 349.] [Note 388 : GERMAIN (Louis), _Sur les Mollusques recueillis par les membres Mission Foureau-Lamy dans le centre africain_ ; in : _Bullet. Muséum Paris_, XI, 1905, p. 252 ; et _Mollusques_ in : FOUREAU (F.), _Documents scientifiques de la Mission Saharienne_ (_Mission_ FOUREAU- LAMY), II, 1905, p. 1061.] [Note 389 : GERMAIN (Louis), _loc. cit._, 1904, p. 351 (note). Le type de Bourguignat ne mesure que 7 millimètres de diamètre.] [Note 390 : GERMAIN (Louis), _loc. cit._, 1904, p. 349, note 3.] [Note 391 : HALDEMAN, _Monogr. of the Limn. North-Americ._, 1840, p. 2.] [Note 392 : SMITH (E.-A.), _Proceed. zool. soc. London_, 1881, p. 294, pl. XXXIV, fig. 30, 30 _a_, 30 _b_ [_Segmentina (Planorbula) Alexandrina_, var. _tanganyicensis_].] [Note 393 : _Malacologie du lac des Quatre Cantons et de ses environs_, Paris, novembre 1862, p. 42, pl. I, fig. 13-16 [_Planorbis Crosseanus_].] [Note 394 : FLEMING, _Hist. of British anim._, 1828, p. 279.] [Note 395 : JICKELI, Fauna der Land- und Süsswasser Mollusken Nord-Ost Afrika’s ; in : _Nova acta der Kes. Leop. Carol. deutschen Akad. naturf._ ; XXXVII, 1874 ; p. 220, Taf. VII, fig. 24 a-c.] [Note 396 : LAMARCK (de), _Philosophie zoologique_, 1809, I, p. 320.] [Note 397 : Notamment par MM. F. FOUREAU, LACOIN, LENFANT, MOLL et CHUDEAU.] [Note 398 : KÜSTER _in_ : MARTINI et CHEMNITZ, _Syst. Conchyl. Cabin. ; Gatt. Paludina_ ; 1852, p. 25, Taf. V, 11-12.] [Note 399 : FRAUENFELD, Verz. Namen Palud., _in_ : _Verhandl. d. zool. bot. Gesellsch._ ; 1862, p. 1163.] [Note 400 : ROCHEBRUNE (A. T. de), Espèces Haut-Sénégal ; _in_ : _Bull. soc. philomat. Paris_ ; 1881, p. 3 du tirage à part.] [Note 401 : Le _Vivipara capillata_, décrit par FRAUENFELD (_Verhandl. d. zoolog. bot. Gesellsch. Wien_, XV, 1865, p. 532, Taf. XXII, fig. 11-12) doit également être considéré comme synonyme du _V. unicolor_. C’est une coquille à spire un peu haute rappelant absolument certains exemplaires recueillis dans le lac Tchad par M. le lieutenant L. LACOIN, possédant un test d’un marron verdâtre et des tours ornés de carènes saillantes. Le dernier tour présente, en outre, un nombre variable de stries spirales possédant un relief relativement considérable. Quant au _Vivipara Robertsoni_ Frauenfeld (_loc. supra cit._, 1865, p. 533, Taf. XXII, fig. 13-14), je crois qu’il convient de le considérer comme espèce distincte, présentant, surtout dans la forme du dernier tour, certaines analogies avec le _Vivipara meta_ Martens (_Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 179, Taf. VI, fig. 27) du lac Victoria- Nyanza.] [Note 402 : GERMAIN (Louis), Etude sur les Mollusques recueillis par M. le lieutenant L. LACOIN dans la région du lac Tchad ; _in_ : _Mém. soc. zoolog. France_, XIX, 1906, p. 228.] [Note 403 : MARTENS (E. von), Recente Conchylien aus dem Victoria- Nyanza ; _in_ : _Sitzungb. der Gesellsch. naturf. freunde Berlin_ ; p. 104. Cette espèce a d’abord été figurée par SMITH (E. A.), _Ann. magaz. natur. hist._, 6e série, X, 1892, p. 123, pl. XII, fig. 3.] [Note 404 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichthiere Ost-Afrikas_, 1898, p. 179, Taf. VI, fig. 26.] [Note 405 : MARTENS (E. von), _loc. cit._, 1898, p. 176.] [Note 406 : Variété dédiée à M. le colonel LENFANT, un des premiers explorateurs du lac Tchad. Je la figure de nouveau planche IV. fig. 14.] [Note 407 : MARTENS (E. von), _Sitz. d. ges. naturf. freunde_, février 1892, p. 18, et : _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 182, taf. VI, fig. 22. C’est le _Vivipara jucunda_ de SMITH [_Ann. and mag. natur. history_, 6e série, X, août 1892, p. 124, pl. XII, fig. 8].] [Note 408 : ROCHEBRUNE (A. T. de), Sur quelques espèces du Haut-Sénégal, in : _Bullet. société philomatique Paris_, 1881, p. 3 du tirage à part.] [Note 409 : C’est justement à une de ces variations, et plus spécialement à la variation _globosa_, que correspond la forme décrite par le Dr DE ROCHEBRUNE sous le nom de _Vivipara Duponti_. Les collections du Muséum de Paris renferment encore : 1o deux exemplaires d’un _Vivipara Colini_ Rocheb. et 1 exemplaire d’un _V. Lenoiri_ J. Mabille qui ne peuvent non plus se distinguer de la variété _Bellamyi_. Ces espèces, qui sont restées inédites, proviennent également du Bakoy, à Pangalla (Haut-Sénégal).] [Note 410 : MARTENS (E. von), Süsswasser-Conchylien vom Südufer des Tsad-sees, in : _Sitzungsberich. der Gesellsch. naturf. freunde_, 20 janvier 1903, p. 7.] [Note 411 : MARTENS (E. von), _Sitzungberitch. der Gesellsch. naturf. freunde_, 1879, p. 104.] [Note 412 : TROSCHEL, _Gebiss. der Schn._, 1857, p. 100.] [Note 413 : « Dans un ruisseau saumâtre des salines de Dungo ». [MORELET, _Mollusques Welwitsch_, 1868, p. 96].] [Note 414 : DOHRN, _Proceed. zoolog. society of London_, 1865, p. 233.] [Note 415 : La forme du fleuve Lualaba n’est pas typique ; c’est une variété à laquelle DUPUIS et PUTZEYS ont donné le nom de _Cleopatra bulimoides_ var. _nseudweensis_ (_Annales soc. roy. malacol. Belgique_ ; XXXVI, 1901, _Bulletin des séances_ ; 7 décembre 1901, p. LV). Comparée au type, elle en diffère surtout par ses tours moins étagés séparés par des sutures moins profondes ; par sa spire plus régulièrement conique et par son ombilic réduit à une simple fente. La couleur du test et la taille sont absolument les mêmes que dans le type.] [Note 416 : BOURGUIGNAT (J.-R.), Aménités malacologiques ; I, 1856, p. 184.] [Note 417 : AUBRY (A.), Mission au royaume de Choa et dans les pays Gallas ; _in_ : _Archives des missions litt. et scientif._ ; 3e série ; XIV, 1888, p. 475 ; tirage à part, p. 19.] [Note 418 : SMITH (E. A.), _Proceed. zoolog. society London_ ; 1888, p. 54.] [Note 419 : GRAY, Nat. arrang. Moll. ; _in_ : _Med. repos._, XV, 1821, p. 239 [sans caract.].] [Note 420 : TRYON, _In_ : _Americ. journ. of Conchol._, I, 1863, p. 220 ; et _Structural and systematic Conchology_ ; II, 1884, p. 260.] [Note 421 : SMITH (E. A.), _in_ : _Proceed. zoolog. society London_ ; 1877, p. 717, pl. LXXV, fig. 21 (_seul._).] [Note 422 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Notice prodromique sur les Mollusques terrestres et fluviatiles recueillis par M. Victor Giraud dans la région méridionale du lac Tanganika_, 1885, p. 28, et _Iconographie malacologique du lac Tanganika_, 1888, p. 11, pl. III, fig. 1.] [Note 423 : LAMARCK (De), _Prodrom._, 1799 ; et _Syst. anim. sans vertèbres_, 1801, p. 93.] [Note 424 : Espèce dédiée à M. A. CHEVALIER, chef de la Mission Chari- Tchad.] [Note 425 : PHILIPPI, _Monogr. Ampull._, in : MARTINI ET CHEMNITZ, _Syst. Conchyl. Cabinet_, 1851, p. 40, no 53, taf. XI, p. 1.] [Note 426 : GERMAIN (Louis), Mollusques recueillis par Mission Foureau- Lamy, dans le centre africain ; in : _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, 1905, no 5, p. 329.] [Note 427 : PARREYSS _in_ PHILIPPI, _Monogr. Ampullair._, 1851, p. 44, Pl. XIII, fig. 1.] [Note 428 : CROSSE, _Journal de Conchyl._, XXIX, 1881, p. 110.] [Note 429 : « The affinities of this species, if it be distinct, are rather with those forms found in Nilotic regions than with _A. speciosa_ Phil., from Zanzibar. The four species _A. Wernei_ Ph., _A. Kordofana_ Parr., _A. lurida_ Parr., and _A. ovata_ Ol. are very closely related ; and it is _a mather of impossibility to definit the limiting characters of any of them_. » SMITH, _Proceed. zool. society London_, 1881, p. 289. En ce qui concerne l’_A. ovata_, je crois cependant cette espèce suffisamment distincte pour qu’on ne puisse commettre, à son égard, les erreurs de détermination si fréquentes chez les autres coquilles de cette série.] [Note 430 : Cet exemplaire a été recueilli par M. BLOYET.] [Note 431 : PHILIPPI, _Monogr. Ampull._ ; in : MARTINI et CHEMNITZ, _Syst. Conchyl. Cabin._, 1851, p. 19, taf. V, fig. 4 ! et taf. XVII, fig. 2 !] [Note 432 : GERMAIN (Louis), Mollusques Mission Foureau-Lamy centre africain ; in : _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XI, no 5, 1905, p. 328.] [Note 433 : BILLOTTE (R.), Recensem. Ampull. contin. africain, etc., in : _Bullet. soc. malacolog. France_, II, 1885, p. 106 [_A. Charmesiana_].] [Note 434 : REEVE, _Conchol. Icon._, X, 1856, pl. XIII, no 59.] [Note 435 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 155 (figuré à la même page).] [Note 436 : GERMAIN (Louis), _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, XI, 1905, no 5, p. 328.] [Note 437 : PUTZEYS (Dr), Diagnose d’une coquille nouv. prov. état indépend. Congo ; in : _Annal. soc. malacolog. Belgique_, XXXIII, 1898, _Bullet. des Séances_, p. XC, fig. 1.] [Note 438 : DENYS DE MONTFORT, Conchyliologie systématique et classification méthodique des coquilles, II, 1810, p. 122.] [Note 439 : L’ouverture a 28 millimètres de hauteur pour 19 1/2 millimètres de diamètre. Cet échantillon correspond parfaitement aux figures 1-2 de la pl. LXXI des _Novitates Conchologicæ_ (II, 1866), de PFEIFFER.] [Note 440 : Variété dédiée à M. le lieutenant L. LACOIN qui l’a découverte dans le Bas-Chari, entre Bougouman et Fort Lamy, en juin 1904.] [Note 441 : M. A. CHEVALIER a aussi recueilli, dans le Mamoun (Pays de Senoussi), un exemplaire unique d’un petit _Lanistes_ qui ressemble beaucoup au _L. Pfeifferi_ Bourguignat, mais dont le mauvais état de conservation ne permet pas de donner une détermination spécifique précise.] [Note 442 : MORELET, _Revue zoolog. soc. Cuv._, 1848, p. 364 (_Ampullaria lybica_).] [Note 443 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._, 1898, p. 171, taf. VI, fig. 37 [_Lanistes (Leroya) Stuhlmanni_]. Cette espèce, pour laquelle A. GRANDIDIER a créé un genre spécial [GRANDIDIER (A.), Mollusques de l’Ousaghara et de l’Oukame, in : _Bullet. soc. malacolog. France_, IV, 1887, p. 185] est une coquille à test épais, solide, globuleuse-écourtée, à spire presque plane, le dernier tour étant relativement énorme. L’ouverture qui est ovalaire, atteint les 2/3 de la hauteur totale. Hauteur : 25 millimètres ; diamètre maximum : 23 millimètres ; hauteur de l’ouverture : 18 millimètres ; diamètre de l’ouverture : 13 millimètres. Primitivement découverte à Dar-es-Salaam sur la côte de Zanzibar par le Dr STUHLMANN (mars 1894), cette intéressante espèce a été retrouvée abondamment non seulement à Nseudwe dans le fleuve Lualaba, mais encore dans le Haut-Congo, à Stanley-Falls [DUPUIS (lieutenant P.) et PUTZEYS (Dr S.), Diagnoses esp. nouv. état indépend. Congo, in : _Ann. soc. roy. malacolog. Belgique_, XXXVI, 1901, _Bullet. des Séances_, 7 décembre 1901, p. LX]. Il est donc probable que l’on retrouvera dans l’Oubangui et ses tributaires soit cette espèce, soit d’autres représentants du sous-genre _Leroya_.] [Note 444 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques Afrique équatoriale_, mars 1889, p. 177 (sans description).] [Note 445 : PFEIFFER, _Novitates Concholog._, 1866, p. 286, pl. LXX, fig. 1-4 [_non_ _Ampullaria Bernardianus_ Morelet].] [Note 446 : MORELET, _Journal de Conchyliologie_, VIII, 1860, p. 190 [_Ampullaria_].] [Note 447 : GERMAIN (Louis), Liste des Mollusques recueillis par M. E. FOA dans le lac Tanganika et ses environs ; in : _Bulletin Muséum hist. nat. Paris_, 1905, XI, no 4, p. 256. Cette espèce sera figurée dans mon _Etude sur les Mollusques recueillis par M. Foa, etc._, actuellement sous presse.] [Note 448 : DUPUIS (lieutenant P.), et PUTZEYS (Dr S.), Diagnoses de quelques espèces de coquilles nouvelles provenant de l’état indépendant du Congo, etc..., in : _Annales soc. roy. malacolog. Belgique_, XXXVI, 1901, _Bullet. des séances_ (7 décembre 1901), p. LVI, fig. 27.] [Note 449 : MÜLLER, _Verm. terr. et fluv. histor._, II, 1774, p. 136.] [Note 450 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques de l’Afrique équatoriale_ ; mars 1889, p. 185 et 186.] [Note 451 : Il est même possible que le _Plotia Bloyeti_ ne soit qu’une forme jeune du _Melania scabra_. Les caractères donnés par BOURGUIGNAT (taille plus faible, spire moins haute, sculpture spirale plus accentuée) tendraient à le montrer ; malheureusement je ne puis affirmer le fait n’ayant pas retrouvé le type de l’auteur.] [Note 452 : DUPUIS et PUTZEYS, Diagnoses coquilles nouvelles Congo ; _in Annales (Bull. des séances) soc. roy. malacol. Belgique_ ; XXXV, 1900, p. XV-XIX, fig. 23-34. Ces Mélanies sont les suivantes : _Melania ponthiervillensis_ et sa var. _spoliata_ ; _M. nyangweensis_ ; _M. depravata_ ; _M. nseudweensis_ ; _M. soror_ ; _M. consobrina_ et _M. kinshassænsis_.] [Note 453 : PHILIPPSSON, _Dissert. hist. natur. sistens. nov. test. gen._ etc., 1788, p. 16.] [Note 454 : Dans les exemplaires recueillis par M. A. CHEVALIER.] [Note 455 : Dans les échantillons du lac Tchad, récoltés par M. le lieutenant LACOIN.] [Note 456 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques fluviat. du Nyanza Oukéréwé_, etc., août 1883, p. 15, fig. 13-15.] [Note 457 : CONRAD, _Proceed. Acad. nation. sc. Philad._ ; 1853, p. 268.] [Note 458 : DESHAYES, _Histoir. natur. Mollusques Algérie_, 1847, Atlas, Pl. CVIII, fig. 8-9 ; Pl. CIX, fig. 9 ; Pl. CX, CXI, CXIII, CXIV (toutes les figures) et Pl. CXII, fig. 1-4.] [Note 459 : Espèce dédiée à mon excellent ami, M. GEORGES CHIVOT, aquafortiste distingué.] [Note 460 : Ce système de dentition s’éloigne déjà de celui des _Nodularia_ typiques pour se rapprocher de celui des _Unio_ vrais. Il est d’ailleurs fort difficile, si la chose est toutefois possible, de séparer nettement les Nodularia des Unio. Les cardinales qui, dans les _Nodularia_ sont ordinairement fort longues, ne conservent pas toujours ce caractère. Bien souvent elles n’ont plus qu’une faible longueur, même chez les espèces qui normalement ont des cardinales longues ; d’autres fois, comme dans l’_Unio bangoranensis_, la cardinale de la valve gauche se dédouble et la dentition est alors très voisine de celle des Unios vrais. Dans ce dernier cas, il est facile d’observer, sur une série suffisante d’exemplaires, tous les passages entre la cardinale simple et longue et la cardinale dédoublée.] [Note 461 : Espèce dédiée à M. le lieutenant LACOIN qui, au cours de ses reconnaissances au lac Tchad, a réuni d’importants documents concernant la faune malacologique de ce lac.] [Note 462 : BOURGUIGNAT, Monogr. nouv. genre d’Acéphale du lac Tanganika ; in : _Bullet. soc. malacolog. de France_, II, 1885, pp. 1-12, pl. I.] [Note 463 : CHAPER, Descript. espèces nouv. coquilles vivantes prov. Afrique austr. et d’Assinie ; in : _Bulletin soc. zoolog. France_, X, 1885, p. 481, pl. XI, fig. 8-9.] [Note 464 : GERMAIN (Louis), Contributions faune malacolog. équatoriale ; VI, Mollusques recueillis par M. le capitaine Duperthuis, dans la région du Kanem (lac Tchad) ; in : _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, XII, 1906, no 3, p. 172.] [Note 465 : MARTENS (D!r E. von), Süsswasser Conchylien vom Südufer des Tsad sees ; in : _Sitz. berich. der gesellsch. naturforsch. freunde Berlin_, 1903, no 1, p. 8, no 2.] [Note 466 : Avec le Dr R. ANTHONY, je place les Æthéries dans la famille des UNIONIDÆ.] [Note 467 : LAMARCK (J.-B. de), _Annales Muséum hist. natur. Paris_, X, 1807, p. 398.] [Note 468 : LAMARCK (J.-B. de), Mémoire sur la division des Mollusques acéphalés conchylif., sur un nouveau genre de coquille app. à cette division, l’Ethérie ; in : _Annales Muséum hist. natur. Paris_, X, 1807, p. 398.] [Note 469 : ANTHONY (Dr R.), Influence de la fixation pleurothétique sur la morphologie des Mollusques acéphales dimyaires ; in : _Annales des sciences naturelles ; Zoologie et Paléontologie_, etc., 9e série, I, 1905, p. 340.] [Note 470 : Le voyageur français PERRIER DE LA BATHIE a retrouvé l’_Ætheria elliptica_ dans les rivières de Madagascar. Je viens de publier une note sur ce sujet : GERMAIN (LOUIS), Note sur la présence du genre _Ætheria_ dans les rivières de Madagascar ; _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_ ; 1907, no 3, pp. 225-227.] [Note 471 : ANTHONY (R.), La constit. de l’arête ligament. et l’évol. du ligament chez les Acéphales actuels analog. aux Rudistes ; in : _C. R. Paris_, 3 avril 1905.] [Note 472 : M. le Dr R. ANTHONY a étudié dans ses détails le développement de la coquille des Æthéries. Je renvoie le lecteur à ses savants mémoires : ANTHONY (R.), Organisation et morphologie des Æthéries ; in : _C. R. Paris_, 1904. L’acquisition de la forme arrondie chez les Mollusques Acéphales dimyaires fixés en position pleurothétique : in : _Archives zoolog. expérim. et générale_, 1904, 4e série, II, no 11, pp. CLXXIII-CLXXXVII. De l’influence de la fixation pleurothétique sur la morphologie des Mollusques Acéphales dimyaires ; in : _Annales sc. natur. zoologie_, 1905, pp. 165-397, pl. VII-IX.] [Note 473 : LEA (I.), _Trans. Amer. phil. soc._, VI, 1838, p. 141.] [Note 474 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Histoire malacol. de l’Abyssinie_ ; 1883, p. 136.] [Note 475 : MARTENS (E. von), _Malakozool. Blätter_ ; XIII, 1866, p. 9.] [Note 476 : JICKELI, Fauna der Land- und Süsswasser Mollusken Nord Ost- Afrika’s ; in : _Nova acta der kes. Leop. Carol. deutschen Akad. naturf._ ; XXXVII, 1874, p. 259, Taf. VIII, fig. 1.] [Note 477 : JICKELI, _loc. cit._, 1874, p. 265, Taf. IX, fig. 4.] [Note 478 : Variété dédiée à M. CHUDEAU, qui a recueilli, dans la région du lac Tchad, de nombreux matériaux zoologiques.] [Note 479 : ANCEY, Résult. recherch. malacol. Mgr Lechaptois sur bords lac Nyassa et rivière Shiré ; in _Mém. soc. zoolog. de France_, VII, p. 229, fig. 4-5-6 [_Spathella Kirki_].] [Note 480 : SIMPSON (C.-T.), _Synopsis of the Naïades_, etc., in : _Proceed. unit. stat. nation. Museum_, XXII, 1900, p. 896.] [Note 481 : Le cotype, déposé par le Dr JOUSSEAUME au Muséum de Paris, a comme dimensions : longueur : 91 millimètres ; hauteur maximum : 63 millimètres : épaisseur maximum : 33 1/2 millimètres. Ses valves sont relativement plus épaisses, plus pesantes, recouvertes d’un épiderme plus résistant, d’un vert rougeâtre un peu brillant.] [Note 482 : C’est par erreur que j’ai classé, dans le no V de mes _Contributions à la faune malacologique de l’Afrique équatoriale_, cette espèce dans le sous-genre _Leptospatha_ (_Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, 1906, no 3, p. 172).] [Note 483 : Ces figures correspondent parfaitement aux exemplaires recueillis par M. A. CHEVALIER.] [Note 484 : ROCHEBRUNE (A. T. de) et GERMAIN (Louis), Mollusques recueillis par la Mission du Bourg de Bozas ; in : _Mém. soc. zoolog. France_ ; XVII, 1904, p. 25. Le nom de _Spathella_ donné par BOURGUIGNAT en décembre 1885 [_Espèces nouvelles, genres nouv. Oukéréwé, Tanganika_, p. 13] à un groupe d’espèce du genre _Spatha_ (type : _Sp. Bourguignati_ Ancey) a dû être changé, J. HALL ayant employé ce nom, en novembre 1885, pour des Lamellibranches du Dévonien d’Amérique [_Geolog. Survey of New- York, Paleontol._, V, part. I, p. 407, Pl. LXVI, fig. 36-42].] [Note 485 : Espèce dédiée à M. le Dr DECORSE, membre de la Mission Chari-Tchad.] [Note 486 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; 1898, p. 250, fig. à la même page.] [Note 487 : Les échantillons qui ont servi de type à BOURGUIGNAT pour établir ses espèces ont été recueillis par BLOYET. Celui étiqueté _Sp. Bloyeti_ provient de Mkata ; quant à celui nommé _Sp. spathuliformis_, il provient de la rivière Magogo, à Ounyangouira dans l’Ougogo.] [Note 488 : GERMAIN (Louis), Contrib. faune malacolog. Afrique équatoriale, V, in : _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, no 3, p. 173.] [Note 489 : L’exemplaire décrit par le Dr E. von MARTENS mesure 35 millimètres de longueur, 18 de hauteur maximum et 10 millimètres seulement d’épaisseur maximum.] [Note 490 : Dans un grand nombre d’espèces appartenant au genre _Spatha_ l’épiderme est peu adhérent au test et s’exfolie très facilement sous l’influence de la sécheresse.] [Note 491 : SIMPSON, _Synopsis of Naïades_, in : _Proceed. unit. st. national Museum_, XXII, 1900, p. 898. C’est le _Spatha Anceyi_ Bourguignat in : ANCEY, _Mém. soc. zoolog. France_, VII, p. 231, fig. 7 (figuré à la page 232).] [Note 492 : SCOPOLI, _Introduction ad historiam naturalem_, etc., 1777, p. 397.] [Note 493 : CAILLIAUD, _Voyage à Méroë_, IV, 1827, p. 262 ; atlas, II, 1823, pl. LX, fig. 11.] [Note 494 : Espèce dédiée à M. A. CHEVALIER, chef de la Mission Chari- Tchad.] [Note 495 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichthiere Ost-Afrikas_ ; 1898, p. 255, Taf. VII, fig. 17 [_Mutela Bourguignati_ Ancey, var. _truncata_ Martens]. Par les caractères de sa charnière, cette espèce ne peut être maintenue dans le genre _Mutela_ ; elle appartient aux _Pliodon_ de la série des _Cameronia_ Bourguignat.] [Note 496 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Espèces nouvelles et genres nouveaux découverts, etc., dans les grands lacs africains Oukéréwé et Tanganika_, Paris, décembre 1885, p. 11.] [Note 497 : Voici les caractères comparatifs des _M. legumen_ et _M. Tholloni_ : _M. legumen_. | _M. Tholloni_. | Bord dorsal antérieur droit, | Bord dorsal légèrement subconcave postérieur légèrement ascendant, | dans une direction ascendante. à peine subconvexe. | | Bord inférieur très largement | Bord inférieur largement convexe convexe se terminant par un | se terminant par un rostre aigu rostre aigu et placé un peu haut.| placé un peu haut. | Test un peu plus mince que chez | Test mince. _M. Tholloni_. | | 1 seule valve, Gancini (Congo). | 1 valve et une 1/2 valve. Gancini | (Congo). ] [Note 498 : Toutes ces Mutelines ont été décrites par le Dr A. T. DE ROCHEBRUNE : Sur quelques Lamellibranches nouveaux provenant du Congo et de ses tributaires ; _in : Bullet. soc. malacol. France_ ; II, 1886 ; p. 6-8.] [Note 499 : Il est évident que les _M. Mabillei_ et _M. paludicola_ sont synonymes. L’espèce qu’elles constituent doit prendre le nom de _Mutelina Mabillei_ de Rochebrune, puisque le nom de _Mabillei_ est imprimé à la page 7 tandis que celui de _paludicola_ l’est seulement à la page 8 du mémoire précité du Dr A. T. DE ROCHEBRUNE.] [Note 500 : =_Mutelina falemeensis_= Germain, nov. sp. 1907. _Mutelina falemeensis_ Germain, _Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, no 1, p. 67. Coquille assez petite, médiocrement allongée, bien comprimée ; valves minces, fragiles, bibaillantes ; bords supérieur et inférieur très divergents ; bord supérieur subrectiligne dans une direction nettement ascendante ; bord inférieur d’abord subconvexe, puis très convexe et remontant vers l’extrémité postérieure ; région antérieure médiocre, arrondie, décurrente à la base ; région postérieure 2 fois 1/2 aussi longue que l’antérieure, remarquablement élargie et terminée par un rostre arrondi placé très haut ; sommets petits, médiocrement saillants ; crête dorsale fortement émoussée ; ligament long et robuste ; impressions musculaires très faibles. [Illustration : FIG. 96. — _Mutelina falemeensis_ Germain. Grandeur naturelle.] Longueur max. : 66 millimètres ; hauteur maximum : 32 millimètres à 29 1/2 millimètres des sommets ; hauteur sous les sommets : 22 millimètres : épaisseur maximum : 13 millimètres. Test marron verdâtre foncé, jaunacé olivâtre vers les sommets et la région postérieure ; stries d’accroissement très irrégulières ; nacre bleuâtre, très irisée. Le fleuve Falémé (Sénégal).] [Note 501 : Je figure ici (fig. 97) cette coquille recueillie dans le Niger par le Dr FRAS. On ne saurait la considérer comme spécifiquement distincte du _Mutelina Mabillei_ Roch., dont elle constitue une variété de forme beaucoup plus allongée à bords supérieur et inférieur plus divergents, à région postérieure plus développée terminée par un rostre subtronqué-arrondi placé très bas. [Illustration : FIG. 97. — _Mutelina Mabillei_ de Rocheb., var. _Frasi_ Germain. Grandeur naturelle.] Longueur max. : 63 millimètres ; largeur max. : 24 millimètres ; épaisseur max. : 13 millimètres. Test relativement épais, solide, d’un brun marron un peu rougeâtre postérieurement, verdâtre au voisinage des sommets qui sont notablement excoriés ; stries fortes et irrégulières ; nacre bleue, assez irisée. Je donne à cette coquille le nom de _Mutelina Mabillei_ de Rochebrune, var. =_Frasi_= Germain.] [Note 502 : Le _Mutelina Carrei_ décrit par Putzeys [_Proc. verb. soc. malacolog. Belgique_ ; XXVII, 1898, p. XXVIII, fig. 16 (_Burtonia Carrei_)] est également très voisin du _M. rostrata_. S’il doit rentrer dans cette espèce, il en constitue une variété _maxima_.] [Note 503 : Espèce dédiée à M. le Dr Louis JOUBIN, professeur de Zoologie au Muséum d’histoire naturelle de Paris (Chaire de Malacologie).] [Note 504 : SOWERBY _in_ : REEVE, _Conchol. Icon._, XVI. pl. II, fig. 3 [_Mycetopus plicatus_]. L’habitat de cette espèce est encore inconnu ; il est fort probable, ainsi que le pensent JICKELI [_Land- und Süssw. Mollusk. Nord. Ost-Afrik._, 1874, p. 270] et SIMPSON [_Synopsis of Naïades, in : Proceed. unit. st. nation. Museum_, XXII, 1900, p. 905] que cette coquille est africaine. Ses rapports avec le _Mutelina Joubini_ viennent corroborer cette opinion.] [Note 505 : ANCEY (C. F.), On the generic name of a remarkable Bivalve Shell, found in the Congo ; _in : Conch. Exchange_ ; II, 1888, p. 22.] [Note 506 : ROCHEBRUNE (A. T. DE), Sur quelques Lamellibr. nouv. du Congo, etc., _in : Bullet. soc. malacolog. France_ ; III, juillet 1886, p. 3.] [Note 507 : ROCHEBRUNE (A. T. DE), _loc. cit._ ; juillet 1886, p. 4, Pl. I, fig. 1-4 [_Chelidonura arietina_].] [Note 508 : MARTENS (Dr E. von), Zwei Binnen Conchylien aus Angola ; in _Sitz. ber. natur. freunde_ ; 1881, p. 122. MARTENS a figuré cette coquille dans ses _Concholog. Mittheilungen_, II, 1883, p. 139, Taf. XXVII [_Spatha (Mutela) hirundo_].] [Note 509 : Cette coquille a été figurée par le Dr A. T. DE ROCHEBRUNE (_loc. cit._ ; 1886, Pl. II, fig. 5-6.] [Note 510 : CONRAD, Descript. of a new gen. of fresh wat. shells ; _in : Journ. Acad. of natur. sc. Philadelphia_ ; VII, 1834, p. 178.] [Note 511 : BOURGUIGNAT (J. R.), Descript. esp. nouv. Mollusques Egypte, Abyss., etc. ; 1879, p. 42.] [Note 512 : GERMAIN (Louis), Contribut. faune malacolog. Afrique équator. ; IV. Mollusques recueillis par M. le lieutenant Moll. etc. ; _in Bullet. Muséum hist. natur. Paris_ ; XII, 1906, no 1, p. 60, fig. 4.] [Note 513 : Espèce dédiée à M. le lieutenant HARDELET, un des explorateurs du lac Tchad.] [Note 514 : GERMAIN (Louis), Contributions, etc., III. Sur quelques Lamellibr. du Tchad, etc., _in : Bullet. Muséum hist. natur. Paris_, XII, 1906, no 1, p. 56, fig. 2.] [Note 515 : Variété dédiée à M. le lieutenant MOLL, explorateur.] [Note 516 : GERMAIN (Louis), _loc. cit._ ; 1906, p. 58, fig. 3.] [Note 517 : MEGERLE VON MÜHLFEDT, Entwurf. eines neuensyst. der schalth. geh. in : _Mag. d. gesel. naturf. freunde z. Berlin_, V, part. 1, 1811, p. 38.] [Note 518 : Espèce dédiée à M. le lieutenant L. LACOIN qui a recueilli, dans le lac Tchad, de précieux matériaux pour l’étude malacologique de ce lac.] [Note 519 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Mollusques terrestres et fluv. recueillis Soleillet voy. Choa_, septembre 1885, p. 36, pl. I. fig. 12.] [Note 520 : Espèce dédiée à M. H. FISCHER, auteur de nombreux et importants travaux de Malacologie.] [Note 521 : MARTENS (E. von), Verzeichniss der von Prof. Peters in Mossambique gesammelten Land- und Süsswasser-Mollusken ; in : _Malakozoolog. Blätter_, 1860, p. 219, taf. III, fig. 6-7. [La planche est datée de 1859].] [Note 522 : MARTENS (E. von), Süsswasser Conchylien vom Südufer des Tsad-Sees ; in : _Sitz. bericht. der gesellsch. naturf. freunde_, 1903, p. 9, no 4.] [Note 523 : BERNARDI, 1860.] [Note 524 : DAUTZENBERG (Ph.), Mollusques recueillis au Congo par M. E. Dupont, etc. ; _in : Bullet. Mus. roy. hist. nat. Belgique_ ; XX, 1890, p. 578, Pl. III, fig. 5-8.] [Note 525 : SCOPOLI, _Introd. ad histor. natur._ ; 1777, p. 297.] [Note 526 : Espèce dédiée à M. COURTET, membre de la mission Chari- Tchad.] [Note 527 : MARTENS (E. von), _Beschalte Weichth. Ost-Afrik._ ; 1898, p. 261, Taf. VII, fig. 8.] [Note 528 : Ce genre a été réédité par CLESSIN sous le nom de _Limosina_ [_Malakozool. Blätter_, 1872, p. 160].] [Note 529 : BOURGUIGNAT (J.-R.), _Amén. malacolog._, I, 1854, p. 30 et 73.] [Note 530 : C’est à cette forme que se rapporterait la fig. 17 (pl. XI) de l’ouvrage de JICKELI ; la figure 16 correspondrait au type _parasitica_ Parreyss.] [Note 531 : GERMAIN (Louis), Contributions à la faune malacologique de l’Afrique équatoriale, XI, _Bulletin Muséum hist. natur. Paris_, 1907, no 5, pages 343-351, fig. 24-26.] [Note 532 : Voyez ci-dessus, pages 462-464.] [Note 533 : D’AILLY (Adolf), Contributions à la connaissance des Mollusques terrestres et d’eau douce du Kameroun ; _Bihang Till K. Swenska Vet. Akad. Handlingar_, XXII, Afd. IV, no 2, 1896, p. 39.] [Note 534 : MORELET (A.), _Revue et Magasin de zoologie_, 1848, p. 351. Figuré dans les _Séries Conchyliologiques_, etc., 1re livraison, _Côte occidentale d’Afrique_, 1858, p. 11, Tabl. II, fig. 1 (_Helix troglodytes_).] [Note 535 : Espèce dédiée à M. Édouard LAMY, auteur d’importants mémoires de Malacologie.] [Note 536 : MARTENS (E. von), Die von prof. Dr B. Buchholz in Westafrika gesammelten Land- und Süsswasser-Mollusken ; _Monatsb. Akad. Wissensch. Berlin_, 1876, p. 256, taf. I, fig. 16-18.] [Note 537 : PFEIFFER, _Symbol. Heliceor._, III, 1846, p. 66, et _Monogr. heliceor. vivent._, I, 1848, p. 51 (_Helix ibuensis_).] [Note 538 : Espèce dédiée à M. COURTET, membre de la Mission Chari- Tchad.] [Note 539 : Espèce dédiée à mon excellent ami, M. J. GUÉRIN, préparateur au laboratoire de Malacologie du Muséum.] =GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE= PAR H. COURTET =GEOLOGIE ET MINERALOGIE= * * * * * CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Les roches rencontrées appartiennent jusqu’au Tchad à des types granitiques variés, des schistes cristallins, et des roches sédimentaires représentées par les grès horizontaux. Absence totale de roche volcanique. La diabase, abondante dans d’autres régions congolaises et sur l’Oubangui, est au contraire rare car on ne la rencontre que sur un point du Gribingui. A signaler un peu de norite et de gabbro. Enfin il y a lieu de faire remarquer l’absence de calcaire. Dans la région Fort Sibut-Ndélé, une latérite remaniée a recouvert ces roches que les érosions ont fait ensuite reparaître. Les schistes cristallins sont plus ou moins redressés, quelquefois verticaux et sont recouverts en stratification discordante par les grès horizontaux, ils sont traversés par les granites. Au voisinage du Tchad, on entre dans une province pétrographique particulière caractérisée par des roches alcalines (rhyolite d’Hadjer- el-Hamis) que l’on retrouve à 3° environ plus au sud sur le Mayo-Kebbi. A l’E. de ce point la grande plaine du Logone et du Ba-Illi sépare ces roches des granites des Niellims et de Korbol. A l’E. du Tchad, le granite reparaît au Dar-el-Hadjer (Pays des roches) et au S.-E. la rhyolite n’a pas été rencontrée sur l’itinéraire de la mission. Il est donc suffisamment démontré qu’on ne rencontre plus de roches alcalines à l’E. et au S.-E. du Tchad et que ces roches sont là à leur limite[540]. =GÉOLOGIE= RÉGIONS RECONNUES ET ASPECT GÉNÉRAL DE CES RÉGIONS Les investigations géologiques de la Mission scientifique Chari-Lac Tchad portent : 1o En prenant pour point de départ Fort-de-Possel, poste situé au confluent de la Kémo avec l’Oubangui, sur une région mesurant au N.N.E., 525 kilomètres environ à vol d’oiseau, soit de la Haute-Ombella (5° 30 de latitude et 16° 45 de longitude) jusqu’au pays des Goullas du Mamoun (9° 50 de latitude et 19° de longitude). 2o En prenant pour point de départ Ndélé, capitale des Etats du sultan Senoussi, sur une région mesurant au N.-O. 825 kilomètres à vol d’oiseau, soit de Ndélé (8° 25 de latitude et 18° 25 de longitude) jusqu’à Mondo dans le Kanem (13° 45 de latitude et 13° 10 de longitude). Jusqu’à présent, au point de vue géologique proprement dit, dans la plus grande partie de ces régions, aucune reconnaissance n’avait été faite. Les renseignements que l’on possédait à ce sujet avaient été fournis par M. G. BRUEL, administrateur des Colonies, qui, au cours des nombreux itinéraires qu’il a parcourus dans le Haut-Chari, avait eu l’heureuse idée de recueillir des échantillons qui ont été ensuite déposés et étudiés à la Sorbonne. Après M. G. BRUEL vint M. le lieutenant LACOIN, qui terminait son exploration au moment où la mission Chari-Tchad commençait la sienne. M. LACOIN recueillit des échantillons le long de la ligne d’étapes entre Fort-de-Possel et Fort-Crampel, en faisant un crochet à l’E. vers la Haute-Kémo et les M’Brès. Il suivit ensuite le Gribingui, le Bamingui et le Chari jusqu’au Tchad, reconnut les rochers de Hadjer-el-Hamis, et alla jusqu’à Bir-Allali dans le Kanem. Les échantillons de M. LACOIN ont été déposés et déterminés à la Sorbonne par M. GENTIL. La mission Chari-Tchad a en outre reconnu quelques points du cours de l’Oubangui entre Bangui et Fort-de-Possel et plus en amont à la mission catholique de Bessou. M. LACOIN a également fourni des indications géologiques sur ce même parcours. Signalons en outre la mission Foureau-Lamy dont les échantillons ont été aussi étudiés par M. GENTIL[541]. _La première région_ offre sur tout son parcours l’aspect d’un immense plateau légèrement ondulé dont les altitudes vont en croissant dans la direction du N.-N.-E., et varient de 442 mètres (Fort-Sibut) à 611 mètres Ndélé, résidence du sultan (671 à 682 mètres plateau) pour atteindre un maximum de 827 mètres en un point dominant M’Bélé, grande cité Kreich aujourd’hui détruite, qui est située au S.-E. de Ndélé, à 78 kilomètres environ à vol d’oiseau. Après Ndélé et toujours dans la même direction, les altitudes décroissent car on descend vers le pays des Goullas habitant la région marécageuse du Mamoun. Dans cette région elles varient de 490 mètres à 500 mètres. Des points culminants on aperçoit, s’estompant jusqu’à l’horizon, les lignes de plus en plus indécises des collines, lignes desquelles émergent par endroits des mamelons disséminés arrondis, ou des rochers abrupts que l’on nomme indistinctement kagas, qui atteignent rarement 100 mètres de hauteur au-dessus du niveau général des terrains environnants. Les lignes indécises que l’on voit à l’horizon ont pu faire croire à des alignements montagneux, il n’en est rien et il n’y a là qu’un effet d’optique. Parfois on aperçoit une ligne sombre continue dont la distance à vol d’oiseau est d’environ 20 à 40 kilomètres, ligne qu’on atteint généralement en une ou deux étapes par les sentiers. Si arrivé là on se retourne vers l’endroit que l’on a quitté on remarque le même phénomène, et on reste tout étonné d’avoir franchi l’intervalle séparant les deux points sans avoir rencontré d’accidents sensibles de terrain. Les mamelons et autres protubérances rocheuses que l’on nomme kagas apparaissent souvent aussi, selon l’endroit d’où on les aperçoit, sous la forme d’imposants massifs quand ce ne sont que de petits accidents. On ne peut, en réalité, que les comparer à des termitières ou des blocs de rochers disséminés dans une prairie. C’est aussi avec l’apparence d’un alignement montagneux qu’apparaît le plateau qui sépare le Boungoul du Bahr-Salamat, et cependant ce plateau n’a qu’une altitude variant de 30 à 60 mètres au-dessus de la plaine et on y accède par une pente insensible. Dans la plaine du Bangoran, quand on quitte le pays montueux du Kouti dont l’altitude varie entre 500 et 685 mètres, avec quelques rares points culminants d’une altitude un peu supérieure, la plaine étant à une altitude variant de 444 mètres (Bangoran, piste Kaga M’Bra-Ndélé) à 410 mètres (Bangoran, piste Ndélé-Fort-Archambault) et 470 mètres (Télé extrémité O. du Kouti), on aperçoit de divers endroits le point culminant dominant Télé et on a l’illusion d’un important massif. Des bords du Bangoran, à plus de 50 kilomètres à vol d’oiseau, on voit encore distinctement les sommets bleuâtres dominant Télé. C’est sous l’influence sans doute de ces illusions qu’ont été créés : Le massif des M’Brés, les monts Niellims, les monts de Gamkoul, la chaîne de montagne séparant les bassins du Boungoul, du Bamingui et de la Kotto, du bassin du Nil ; et aussi les monts Guérés. Cette première région constitue un centre hydrographique important, d’où ruissellent les eaux alimentant par une multitude d’affluents plusieurs grands cours d’eau qui sont : L’Oubangui, ayant comme principaux affluents alimentés par ce centre hydrographique, la Kémo, le Kouango et la Kotto. Le Bahr-Sara ayant comme affluent la Fafa. Le Bamingui ayant comme principaux affluents, le Gribingui et le Bangoran. Le Boungoul ayant comme principaux affluents, le Tété et la Moussoubourta (Ngardjam). La réunion de ces trois grands cours d’eau en aval de Fort- Archambault forme le Chari. Enfin dans la région de M’Bélé on rencontre un petit cours d’eau nommé Bakaka qui d’après le sultan Senoussi va au Ouadi Kabassa (Darfour). Une certaine quantité de petits cours d’eau, prenant naissance dans la région de Ndélé et du Kouti, n’atteignent aucune grande artère d’écoulement et se perdent dans la plaine. _La seconde région_ constitue une immense plaine s’étendant du Kouti au Kanem, généralement marécageuse et dont la pente est très faible vers le N.-O. Cette pente n’atteint qu’une différence de 110 mètres environ sur une distance à vol d’oiseau de 700 kilomètres, c’est-à-dire du confluent du Bangoran avec le Bamingui au Tchad. De cette plaine émergent quelques mamelons ou des rochers abrupts, toujours de faible altitude au-dessus du niveau général. LES GRANDES FORMATIONS SUPERFICIELLES ROCHE FERRUGINEUSE La roche ferrugineuse n’est pas la latérite en place, c’est-à-dire une roche formée par la décomposition sur place et en masses profondes des roches silico-alumineuses, granites ou gneiss qui affleurent dans beaucoup d’endroits, mais une latérite remaniée. Cette latérite se présente en gisements différents selon qu’elle occupe les parties élevées, les parties basses ou plaines dans lesquelles circulent les grands cours d’eau, ou le pourtour des affleurements granitiques des grandes plaines. Les différentes formes sont les suivantes : Argilo-ferrugineuse, à aspect scoriacé, agglomérée, contenant des débris ténus ou des menus cailloux roulés de quartz et de quartzites, contenant des cailloux roulés assez volumineux, contenant des fragments assez volumineux de quartz, de quartzites ou autres roches stratifiées, contenant de gros fragments de quartzites ou autres roches stratifiées. La forme argilo-ferrugineuse ne se rencontre que dans les parties basses et on ne peut l’observer nettement que dans les berges des cours d’eau, elle prend parfois à la surface un aspect scoriacé par suite de la désagrégation des parties molles. Celles contenant des fragments plus ou moins volumineux de quartz, quartzites ou autres roches stratifiées ne se rencontrent qu’au voisinage ou au contact de ces roches. Celle contenant des cailloux roulés ne se rencontre en général qu’à une certaine profondeur et n’est visible que dans les berges de certains cours d’eau. Enfin les formes, scoriacée, agglomérée, contenant des débris ténus ou des menus cailloux roulés, se rencontrent partout et constituent dans leur ensemble la forme générale de la roche. En réalité, sauf pour la forme argilo-ferrugineuse, toutes les autres sous lesquelles la roche ferrugineuse se présente, ne sont que des agrégats ou des conglomérats rougeâtres plus ou moins riches en fer et en éléments quartzeux. Les plus riches en fer sont utilisés comme minerai par les indigènes qui les traitent par une méthode analogue à la méthode catalane. Que ce soit dans les parties élevées, les parties basses, ou les plaines, c’est généralement en plateaux horizontaux que l’on rencontre la roche ferrugineuse. Ces plateaux couvrent parfois de grands espaces soit totalement dénudés, soit recouverts par une maigre végétation. Les endroits dénudés sont le plus souvent imperméables et il y règne une chaleur intense, la roche fait fonction d’accumulateur et la chaleur accumulée ne disparaît qu’assez tard dans la nuit. A côté des plateaux rocheux et arides des parties élevées, la formation ferrugineuse apparaît aussi sous la forme argilo-sablonneuse et constitue alors des terrains plus ou moins fertiles, cultivés par les indigènes quand ils trouvent à proximité l’eau nécessaire à leur alimentation. Dans les parties élevées, les plateaux rocheux constituent évidemment la fraction de la formation ayant résisté à l’érosion et dans laquelle les eaux ont creusé des vallons et des ravins, dont les flancs sont souvent abrupts et parsemés de gros blocs de roche dure provenant du sommet et ayant roulé parfois jusqu’au bas des pentes. Un des témoins les mieux caractérisés de la désagrégation est le Kaga Dokélé ou Dogbéré, situé tout près et à l’est de Fort-Sibut sur la rive gauche de la Tomi. Sur ce Kaga, le plateau du sommet formant la partie la plus résistante est à peu près détruit et de nombreux blocs ont roulé sur les pentes mélangés à d’autres blocs provenant des flancs du Kaga même. Ces derniers sont les restes compacts des couches plus tendres gisant au-dessous du plateau supérieur et qui ont été désagrégées. La formation ferrugineuse du Kaga Dogbéré et de Fort-Sibut repose sur des gneiss qui affleurent, dans le ruisseau coulant au pied du Kaga, à Bongbo, village situé à 3 km. 500 à vol d’oiseau à l’ouest de Fort- Sibut, et entre le poste et le passage de la Tomi sur l’ancienne route de Fort-Crampel. Jusqu’au voisinage de Ndélé c’est la formation ferrugineuse qui prédomine à la surface du sol. Par places, les érosions ont mis à nu des roches diverses, gneiss, granites, quartzites, dont il sera parlé plus loin. Dans la région de Ndélé ce n’est plus la roche ferrugineuse qui domine à la surface, et tout en occupant encore de grandes superficies elle n’existe réellement que sur les parties culminantes. Partout ailleurs on la rencontre par petites masses épargnées par le ravinement et en contact visible avec la roche sous-jacente. Dans beaucoup d’endroits son épaisseur reste faible, et dès qu’on quitte les parties culminantes on retrouve les grès horizontaux ou les quartzites sur lesquels elle repose. L’épaisseur actuelle de la roche ferrugineuse des parties élevées est très variable et sur le pourtour de la cuvette de Ndélé des épaisseurs de 10, 15 et 23 mètres ont été mesurées. Comme il vient d’être dit c’est dans la région de Ndélé que la formation ferrugineuse est la moins importante. Dans la région de Fort-Sibut, au Kaga Dogbéré, l’épaisseur de la formation serait de 60 à 66 mètres, cette dernière cote étant l’altitude du sommet au-dessus du niveau moyen du sol environnant. Sur le plateau dominant le versant ouest du petit ruisseau Banga situé à 8 kilomètres environ à l’ouest de Fort-Crampel, on rencontre une roche qui doit être évidemment rattachée à la roche ferrugineuse. Cette roche en plateaux horizontaux se compose de sable siliceux ou de petits galets quartzeux, anguleux ou peu roulés, et qui ne sont que faiblement agglomérés entre eux ; elle s’effrite très facilement sous le choc du marteau. Plus loin on rencontre la même roche, mais cette fois avec éléments cimentés par le fer. La roche ferrugineuse des plaines dans lesquelles circulent les grands cours d’eau s’est évidemment formée avec les résidus de la désagrégation de celle des parties élevées, et ses différents modes de gisement, ainsi que les modifications générales de leur composition ont pu être particulièrement étudiés, sur le Bangoran, le Gribingui et le Bamingui. On peut considérer le Gribingui comme coulant définitivement en plaine, au confluent de la Vassako des Ngamas, c’est-à-dire à 130 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval de Fort-Crampel. C’est un peu en aval de ce confluent que les gisements deviennent bien caractérisés. Beaucoup plus en amont, c’est-à-dire au voisinage du poste des Arétous (Lutos) situé à 90 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval de Fort-Crampel, le terrain devient ondulé et les ondulations s’accentuent au fur et à mesure qu’elles se rapprochent de Fort-Crampel. Dans cette partie, le cours sinueux du Gribingui se heurte partout à des falaises de roche ferrugineuse appartenant à la formation des parties élevées. En aval du confluent de la Vassako des Ngamas avec le Gribingui, et jusqu’au confluent du Gribingui avec le Bamingui, les profils relevés au-dessus du niveau de l’eau (hautes-eaux) sont les suivants : 1o A la surface une couche de roche ferrugineuse de 1 m. 50 d’épaisseur reposant sur une couche argileuse ayant un mètre d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau ; 2o A la surface une couche argilo-ferrugineuse de 1 m. 50 d’épaisseur, ensuite une couche de roche ferrugineuse d’un mètre d’épaisseur reposant sur une couche argileuse de 0 m. 80 d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau ; 3o A la surface une couche argileuse de 1 m. 50 d’épaisseur, ensuite une couche de roche ferrugineuse de 2 m. 50 d’épaisseur reposant sur une couche argileuse de 2 mètres d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau ; 4o A la surface une couche argileuse de 1 m. 50 d’épaisseur, ensuite une couche de roche ferrugineuse de 1 mètre d’épaisseur reposant sur une couche argileuse de 2 m. 50 d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau ; 5o A la surface une couche de roche ferrugineuse de 2 mètres d’épaisseur reposant sur une couche argileuse de 2 mètres d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau. Sur le Bamingui, un peu en amont du confluent du Bangoran, un profil relevé donne : à la surface une couche de roche argilo-ferrugineuse de 3 mètres d’épaisseur reposant sur une couche argileuse de 3 mètres d’épaisseur au-dessus du niveau de l’eau. La couche argilo-ferrugineuse contient des parties de roche ferrugineuse compacte et des blocs éboulés gisent le long de la falaise. On peut considérer le Bangoran comme coulant définitivement en plaine au confluent de la Mindja Engoulou, petit cours d’eau venant de Ndélé. Ce confluent est situé à 55 kilomètres environ à vol d’oiseau à l’ouest de Ndélé. Dans cet endroit, le Bangoran est encaissé dans la roche ferrugineuse. A 45 kilomètres environ en aval, c’est-à-dire au passage de la piste de Ndélé au Bamingui par le village de Ngara, on retrouve encore la roche ferrugineuse compacte sur les rives du Bangoran. A 20 kilomètres à vol d’oiseau plus en aval, la berge rongée n’est plus formée par la roche compacte, mais par une roche argilo-ferrugineuse avec nodules ferrugineux disséminés, se transformant plus loin en une roche se rapprochant davantage de la roche compacte. Dans cette dernière roche, les éléments les plus chargés en fer forment à la surface une couche scoriacée, aspect qui est dû à la désagrégation des parties molles, et qui est plus ou moins caractérisé dans les divers endroits où on l’observe. Enfin auprès du confluent, la berge est constituée par une falaise de 5 mètres de hauteur (basses-eaux) montrant trois couches : A la surface une couche argileuse, ensuite une couche argilo-ferrugineuse à aspect scoriacé par suite de la désagrégation des parties molles, reposant sur une couche sablonneuse compacte constituée par des débris siliceux. Sur le Bamingui (basses-eaux) au village de Bongo, situé à 60 kilomètres environ à vol d’oiseau en amont de Fort-Archambault, la falaise haute de 10 mètres montre les trois mêmes couches. A 7 kilomètres à vol d’oiseau plus bas que ce point, la piste passe sur une couche de roche ferrugineuse compacte contenant des débris de quartzites. Cette couche est analogue à celles qui ont été remarquées sur le Bangoran en amont de Ngara et sur le Gribingui en amont de son confluent avec le Bamingui. Elle appartient à cette même formation qui s’étend du Gribingui vers la région de Mandjatezzé et plus au nord jusqu’au Bamingui où on la retrouve. A Fort-Archambault, au poste même, on remarque une falaise de 10 mètres de hauteur (basses-eaux) présentant les mêmes couches que la falaise du village de Bongo. Au confluent du Kalabari situé à 14 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval de Fort-Archambault et à 3 kilomètres en aval de la bouche la plus éloignée du Boungoul (juin 1903) les trois mêmes couches se rencontrent encore, mais la couche argilo-ferrugineuse a subi une modification et a été transformée en un agrégat d’aspect scoriacé, très caverneux, constitué par des menus débris siliceux cimentés par un ciment ferrugineux, le profil relevé dans cet endroit donne ; A la surface une couche argilo-sablonneuse en pente douce venant en général s’atténuer au bord de la berge. Ensuite une couche de roche ferrugineuse à aspect scoriacé, très caverneuse se divisant en deux parties : La partie supérieure dure, mesurant 1 m. 50 d’épaisseur, et la partie inférieure moins dure, mesurant 1 m. 60 d’épaisseur. L’ensemble de cette couche repose sur la couche sablonneuse compacte mesurant 2 m. 60 au-dessus du niveau de l’eau (basses-eaux). Ensuite et jusqu’au confluent du Bahr-Salamat situé à 50 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval de Fort-Archambault, la berge ne montre plus que des couches alluvionnaires dont il sera parlé plus loin. Les autres endroits où la roche ferrugineuse des plaines a été rencontrée dans des conditions analogues sont : A 80 kilomètres environ à vol d’oiseau au N.-N.-E. de Ndélé dans la plaine située entre le Tété et la Moussoubourta, elle repose là sur des quartzites. Des deux côtés de la trouée de la Mindja M’Banga sur le plateau argilo-sablonneux séparant le Boungoul du Bahr-Salamat, et plus à l’O. entre ce plateau et le Bahr-Salamat, c’est-à-dire à 55 kilomètres environ à vol d’oiseau au N.-E. de Fort-Archambault. Enfin quelques menus faits d’ordre plus local ont été observés : Auprès de Ndélé, au fond du vallon de Golo, les restes d’une couche ferrugineuse d’un mètre d’épaisseur ont été remarqués reposant sur une couche d’argile. La couche d’argile a peu d’étendue et sur son extrémité gît la roche ferrugineuse. Cette roche s’écroule sur les déclivités de la bande argileuse au fur et à mesure que cette dernière est entamée par les érosions. A 32 kilomètres environ à vol d’oiseau au N. de Ndélé, dans la vallée de Djalmada, on remarque une couche de roche ferrugineuse paraissant reposer sur une couche argileuse. A Koubou, village du Kouti, situé à 18 kilomètres à vol d’oiseau au N.-O. de Ndélé, au fond d’un vallon, une couche d’un mètre d’épaisseur environ repose sur des quartzites. Enfin comme phénomène actuel, dans les flaques d’eau dormante du lit du Bahap (130 kilomètres environ à vol d’oiseau au N.-E. de Ndélé) le fer se dépose en couche rougeâtre sur le gravier du fond. Il résulte de l’ensemble des observations ci-dessus, qu’à une époque déterminée, époque dont l’éloignement peut s’apprécier par l’épaisseur de la couche argileuse de la surface, la désagrégation de la roche ferrugineuse des parties élevées, qui sont aujourd’hui des centres hydrographiques, a été particulièrement intense. Les résidus de cette désagrégation ont formé dans les plaines voisines des couches de roche ferrugineuse d’une certaine étendue et d’une certaine épaisseur. Plus loin dans les grandes plaines, où des masses d’eau plus considérables ont circulé en entraînant par conséquent une plus grande quantité de matières alluvionnaires, la proportion de fer ne s’est plus trouvée en rapport avec la masse de ces matières, et il n’a pu se former qu’une roche argilo-ferrugineuse. Au confluent du Kalabari, un phénomène d’ordre local, un remous sans doute, a accumulé là les éléments siliceux et le fer nécessaire pour les cimenter. Il y a lieu de faire remarquer que cet endroit est proche du point de jonction de trois grands cours d’eau actuels, le Boungoul, le Bamingui et le Bahr-Sara. Les auréoles ferrugineuses des affleurements granitiques des grandes plaines se présentent sous forme de plateaux d’une certaine étendue ; ce mode de gisement est donc le même que pour les deux autres formations exposées plus haut. Cette roche paraît former non pas des auréoles isolées autour de chaque affleurement, mais un ensemble plus ou moins continu englobant tous les affleurements d’une région. C’est l’impression qui se dégage de l’examen de la région du lac Iro, où un certain nombre d’affleurements saillants de granites ont été observés. Cette région est sans pente sensible, c’est donc une grande plaine basse où se sont accumulés des alluvions divers et les résidus ferrugineux provenant soit de la désagrégation directe des granites, soit de la désagrégation de la latérite proprement dite qui pouvait exister autrefois par suite de l’altération de ces mêmes granites. Il est à présumer que la roche ferrugineuse de cette formation, dès qu’on s’éloigne des affleurements granitiques pour s’avancer dans la plaine où on la rencontre encore, repose aussi sur des couches alluvionnaires. Comme elle n’a pas été remarquée dans les berges du Bahr-Salamat ni dans celles du Bassa, déversoir du lac Iro, ni dans celles du Ba-Moufa, aucune observation réellement précise ne peut confirmer ce dire. Les affleurements granitiques des Niellims, de Korbol, ceux situés à 50 kilomètres au N.-E. de ce point, et 70 kilomètres environ au N., ceux du Dar-el-Hadjer (Pays des roches) situé à 200 kilomètres à l’E. du Tchad, sont entourés aussi par une auréole ferrugineuse. ALLUVIONS DES GRANDES PLAINES En général, dans les grandes plaines, le sol est argileux ou argilo- sablonneux, et ces plaines sont toujours plus ou moins marécageuses, fait qui s’explique par leur peu de pente. Pendant les hautes eaux, les masses d’eau considérables descendant des centres hydrographiques s’épandent et séjournent sur de vastes surfaces qu’elles transforment en marais. Après les pluies, ces eaux disparaissent, soit par écoulement superficiel, soit par infiltration, soit par évaporation, et les grandes plaines présentent pendant la saison sèche une surface sillonnée de nombreuses et profondes crevasses. Quelques-unes des couches sous-jacentes ont déjà été indiquées en parlant de la roche ferrugineuse, mais indépendamment des renseignements fournis, il en est d’autres qu’il importe de donner. A Ngara, dans la plaine du Bangoran, 50 kilomètres environ à vol d’oiseau à l’E. du confluent, deux puits ont été creusés par les indigènes. L’un de ces puits, situé en dehors du village, a 10 mètres environ de profondeur, il est entièrement creusé dans une couche argilo- ferrugineuse contenant des nodules ferrugineux. L’autre creusé dans le village même et abandonné, a aussi 10 mètres de profondeur, mais le fond atteint une couche de schiste argileux. En suivant le Bangoran, à 11 kilomètres de son confluent, la couche argileuse superficielle repose sur une couche sablonneuse constituée par des débris siliceux plus ou moins volumineux dans lesquels on rencontre des fragments de cristaux de quartz. C’est la première apparition dans les berges de la couche sablonneuse compacte qui se poursuit jusqu’au confluent du Kalabari. A 3 kilomètres en aval du village de Bongo, la couche sablonneuse plus chargée en fer devient plus compacte et forme roche dans le lit du Bamingui. Un autre genre de roche que l’on peut jusqu’à un certain point rattacher au schiste argileux de Ngara existe encore dans le lit du Bamingui, à 13 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval du confluent du Bangoran, et forme un banc émergeant d’un mètre au-dessus du niveau de l’eau (basses- eaux). Ce banc est constitué par une roche argileuse (argillite) en couches stratifiées et diversement colorées. La partie la mieux caractérisée mesure 25 à 30 mètres de largeur et se prolonge sur une partie de la rivière. La stratification tendant à l’horizontalité à la partie N. se relève à la partie S., et la cassure en cet endroit a une direction E.-O. La pente au N. de l’affleurement est de 10° et au S. de 25°. L’ensemble des roches visibles (20 mai 1903) a de 300 à 400 mètres de largeur. Selon toutes probabilités, cette roche repose sur des roches quartzeuses que l’on rencontre en fragments isolés provenant vraisemblablement du fond rocheux de la rivière, fait que le manque d’embarcation n’a pas permis de vérifier. Après le confluent du Kalabari les profils de la berge, rive droite (basses-eaux, 8-9 juin 1903) montrent les couches suivantes : A 5k,500 en aval, à la surface une couche argilo-sablonneuse de 2m,50 d’épaisseur, ensuite une couche d’argile grise, une couche de sable, et une couche d’argile grise, ces trois couches ayant une épaisseur totale de 5m,50 au-dessus du niveau de l’eau. A 5 kilomètres plus loin, la berge est formée par une couche de sable de 6 mètres. A 4k,500 plus loin, à la surface une couche de sable de 2m,50 d’épaisseur, ensuite une couche d’argile grise de 2 mètres d’épaisseur reposant sur une couche argilo-sablonneuse de 2m,60 d’épaisseur au- dessus du niveau de l’eau. A 3k,500 plus loin, la berge est formée par une couche de sable de 6 mètres. Les quatre profils ci-dessus sont dans la partie de la plaine où le Bahr-el-Arzeg et le Bahr-Sara se réunissent au Bamingui. Enfin au confluent du Bahr-Salamat une berge de 5 mètres de sable reposant sur le granite à l’endroit où l’on rencontre cette roche en masses arrondies dans le Chari. Cette alternance de couches qui caractérise cette partie de la plaine et qui se sont formées à une époque qui ne saurait être très éloignée, s’observe dans les phénomènes actuels produits par les crues du fleuve. Le cours du Bamingui serpente dans un sillon de 1500 à 2000 mètres de largeur qui constitue son lit véritable, dont les hautes berges restent bien visibles et dans lequel il reste des mares et des étangs n’asséchant pas, vestiges d’un cours déplacé ou obstrué par les crues. Entre ces hautes berges, au moment des grandes crues, les matières entraînées se déposent, et un profil relevé à Fort-Archambault donne les couches suivantes, la berge secondaire se trouvant éloignée de 60 mètres de la haute berge : A la surface, une couche d’argile jaunâtre d’un mètre d’épaisseur servant à la fabrication des briques, ensuite une couche de sable ordinaire de 75 centimètres d’épaisseur, ensuite une couche de sable fin de 20 centimètres d’épaisseur, et enfin une couche de sable ordinaire de 1m,50 d’épaisseur du dessus du niveau de l’eau. Ces couches ne sont pas continues car plus bas l’argile disparaît et la berge est entièrement formée de couches de sable. Le phénomène actuel et celui qui s’est produit autrefois sur une plus grande échelle entre le confluent du Kalabari et le confluent du Bahr- Salamat sont donc bien identiques. Un peu à l’E. de Fort-Archambault, au village de Kembaga ou mieux du chef Solo situé sur la rive droite du Boungoul, les berges de cette rivière montrent à découvert des amas de concrétions blanchâtres calcaires, et d’autres amas de concrétions ferrugineuses. Les concrétions calcaires contiennent parfois des nodules ferrugineux qui indiquent qu’elles sont de formation plus récente que les concrétions ferrugineuses. Les amas de concrétions calcaires sont plus abondants. Ces amas sont disséminés dans une couche argileuse ou argilo- sablonneuse. Les amas de concrétions calcaires ont été rencontrés non seulement dans la plaine du Boungoul mais aussi dans la plaine du Bahr-Salamat où on les observe jusqu’au lac Iro. Ils forment des bosses un peu saillantes indiquant par ce fait que les érosions ont moins d’action sur eux que sur la couche environnante. On rencontre aussi des concrétions calcaires disséminées à la surface des plaines du Dekakiré. Partout où le Bahr-Salamat a été observé ses berges sont argileuses ou argilo-sablonneuses. Dans la plaine du Bahr-Salamat, le lac Iro s’est formé dans un bas-fond entouré d’une ceinture de roche ferrugineuse surélevée de quelques mètres et boisée. La roche apparaît à la surface sur presque tout le pourtour du lac, sauf dans la partie où se trouve le déversoir qui ne fonctionne qu’aux hautes-eaux. Aux basses-eaux ce déversoir n’a aucun écoulement. L’altitude du lac est de 380 mètres (juin 1903), celle du village de Souka 383, et celle de la bande ferrugineuse entre Moufa et Souka et entre le déversoir et Sourouba est de 387 mètres. La plus grande longueur du lac est de 18 kilomètres et la plus grande largeur de 3 kilomètres. Du côté de Souka et de Sourouba, les abords du lac sont vaseux et en pente très douce. Le lac ne reçoit aucun cours d’eau, il n’est donc alimenté que par les eaux pluviales qui glissent sur la roche ferrugineuse et vont s’accumuler dans la partie la plus basse qui est le lac. ÉTUDE DES DIVERS GROUPES _Fort-de-Possel à Fort-Sibut (Krébedjé) par la Kémo et la Tomi (hautes- eaux)[542] et retour par la voie de terre longeant la Tomi._ Dès qu’on quitte Fort-de-Possel pour remonter le cours de la Kémo et celui de la Tomi on rencontre la roche ferrugineuse. Les premières roches stratifiées se rencontrent sur la Tomi à 5 kilomètres environ de son confluent avec la Kémo, et on suit ces roches sans interruption jusqu’au voisinage du poste de la Tomi (M’Brous), c’est-à-dire à 48 kilomètres environ du confluent, où l’on rencontre dans des quartzites un filon de quartz translucide intercalé entre les couches, et un peu plus loin des granites. Entre les premières roches rencontrées et les granites, la distance à vol d’oiseau est de 26 kilomètres environ et la rivière parcourt pour atteindre le même point 45 kilomètres environ. Au delà de ce point et jusqu’à Fort-Sibut, on ne rencontre plus dans les berges que la roche ferrugineuse sous différents aspects. La Basse-Kémo est sinueuse ; quant à la Tomi, son cours n’est qu’un continuel lacet à courbes brusques et courtes, et il donne du confluent à Fort-Sibut un développement approximatif de 115 à 120 kilomètres pour une distance à vol d’oiseau de 80 kilomètres environ. La différence d’altitude entre le niveau de l’eau à Fort-de-Possel au confluent de la Kémo avec l’Oubangui, et le niveau de l’eau à Fort-Sibut est de 53 mètres environ. Les environs des rives présentent de légères ondulations dans la région où l’on rencontre les roches stratifiées. Après le poste de M’Brous, la Tomi serpente dans une plaine herbeuse avec arbustes et arbres rabougris clairsemés et parties marécageuses boisées, jusqu’au voisinage de Fort- Sibut où l’on rencontre de nouvelles ondulations. En résumé, de Fort-Sibut à M’Brous, la Tomi a creusé son lit dans la roche ferrugineuse et chaque changement de direction est provoqué par la rencontre d’une partie dure. Entre le poste de M’Brous et le confluent, le cours de la Tomi franchit un gradin constitué par des granites et des roches stratifiées dont les dépressions et les fractures ont été comblées par la roche ferrugineuse. Ces roches occasionnent de très fréquents changements de direction et le cours est coupé par de nombreux rapides. Dans cette partie la roche ferrugineuse se montre souvent en conglomérats. Les dépôts sablonneux contiennent de nombreuses paillettes de mica. Il est particulièrement difficile de relever la direction de la stratification des couches rencontrées et l’inclinaison de ces couches. Sur quelques points la stratification est horizontale, sur d’autres elle est inclinée, mais les pentes sont très indécises et l’ensemble seul peut donner une indication à ce sujet. Sur une distance à vol d’oiseau de 12 à 13 kilomètres environ représentant la partie principale du gradin franchi par la Tomi, la direction de la stratification prise en cinq endroits varie de N. à N. 25° O. (nord magnétique), la pente vers l’O. varie de 7° à 30°. En cinq autres endroits où la stratification a été également observée, elle est horizontale. La direction générale du cours correspond sensiblement à la direction moyenne de la stratification aux endroits où elle a pu être relevée, la rivière longe donc les fractures. A 3km500 plus au N., la direction de la stratification des quartzites contenant le filon de quartz est N. 20° O. mais la pente de 30° environ est vers l’E. Le gradin de roches stratifiées franchi par la Tomi est constitué par des schistes micacés, des grès siliceux, des quartzites micacés calcarifères, une leptynite (6, p. 682)[543], et des calcschistes. Un peu plus au N. et à peu de distance des derniers quartzites affleurent un granite à épidote (17, p. 670) et un granite en décomposition, ce dernier recouvert par la roche ferrugineuse. Si au lieu de suivre en embarcation le cours de la Tomi, on suit la piste longeant cette rivière à quelque distance, en retournant à Fort- de-Possel, dans le lit encaissé du ruisseau Kouli ou Gouli, à 15 kilomètres de Fort-Sibut on rencontre un affleurement de gneiss amphibolique et pyroxénique (276, p. 683), dont la structure varie du rubané au granitoïde. On rencontre encore ces mêmes gneiss à 3km500 plus loin dans le lit encaissé d’un autre ruisseau. Immédiatement après le poste de M’Brous, la piste franchit une petite ondulation où l’on remarque de nombreux fragments de quartz provenant de filons sous-jacents dont l’un signalé plus haut affleure dans les quartzites de la rive droite de la Tomi. C’est dans la région de M’Brous que les femmes bandas viennent chercher les cristaux allongés de quartz, pour se confectionner, en arrondissant par usure les arêtes de ces cristaux, l’ornement qu’elles portent dans la lèvre inférieure. A 26 kilomètres environ avant d’atteindre Fort-de-Possel, la roche quartzeuse affleure et on rencontre des amas de fragments de cette roche dans le lit du ruisseau situé à 3km500 de ce point. Ensuite jusqu’à la série de mamelons situés à 14 kilomètres environ de Fort-de-Possel, c’est-à-dire sur un parcours d’environ 8km500, de nombreux fragments de roche quartzeuse sont enchâssés dans la roche ferrugineuse et indiquent par ce fait le contact de ces deux roches dont l’une est aujourd’hui disparue. Aux mamelons, les roches schisteuses apparaissent et se prolongent jusqu’à la Tomi où elles ont déjà été rencontrées. _Haute-Ombella._ A l’O.-S.-O. de Fort-Sibut (40 à 45 kilomètres à vol d’oiseau, d’après les cartes du poste) on est dans la région de la Haute-Ombella définie ici par les bassins des rivières Yambéré et Bouma, formant par leur réunion la Ombella et ayant leurs sources au voisinage de celle de la Tomi. Le principal accident de cette région est le Kaga Do ou Dodo formé de plusieurs petits mamelons. On rencontre à ce Kaga un lambeau important de gneiss amphibolique (31, p. 683). En réalité ce gneiss est peu caractérisé, il se présente plutôt avec l’aspect granitoïde et constitue la forme générale de l’affleurement. Il prend comme forme accidentelle un aspect rubané caractérisé par des bandes claires et foncées, ces dernières évidemment plus chargées en éléments colorés. On remarque encore, mais plus rarement, des rognons enclavés dans la forme générale (33, p. 683). Au N. du Kaga Do affleure le gneiss ordinaire (39, p. 680) et à Oualiko (13 kilomètres environ au N.) on rencontre le granite. _Moyenne-Kémo._ A l’E. de Fort-Sibut, on rencontre, à 10 kilomètres environ avant d’atteindre Griko, poste situé sur la rive gauche de la Kémo, deux ruisseaux dans lesquels on trouve des micaschistes, et un peu plus loin une ondulation constituée par des éboulis de roche ferrugineuse et de grès passant aux schistes. _Fort-Sibut (Krébedjé)._ Aux environs immédiats de Fort-Sibut, les ondulations deviennent plus distinctes et mieux caractérisées, elles peuvent être considérées jusqu’à un certain point comme des lignes de collines de faible altitude dans lesquelles on rencontre quelques mamelons qui dominent. La Tomi cesse d’être navigable même pour des pirogues et son cours n’est plus qu’une succession de rapides occasionnés soit par la roche ferrugineuse soit par des roches granitiques. Au N., entre le poste et le point de l’ancienne route de Fort-Crampel où l’on franchissait la Tomi (5 kilomètres environ) le gneiss affleure partout sur la seconde moitié du parcours. Ce gneiss est souvent pyroxénique et parfois pyroxénique et amphibolique (20, 22, 23, p. 684). Il passe au gneiss à grands cristaux et constitue ainsi une roche ayant l’apparence d’un granite grossier sub-porphyroïde. L’apparition d’un semblable gneiss a un caractère accidentel, et le même phénomène parfaitement visible par suite d’une dénudation complète se reproduit, mais plus restreint, au Kaga Bandéro dont il sera question plus loin. A l’O.-S.-O., on rencontre le petit mamelon de Bongbo ayant une altitude approximative de 24 mètres au-dessus du niveau moyen du terrain environnant. Ce petit mamelon n’offre aucun escarpement et les couches de gneiss sont concentriques. La forme générale est le gneiss ordinaire (26, p. 680), dans lequel on rencontre accidentellement des lentilles ou lits de gneiss à pyroxène de couleur plus sombre. A l’E.-S.-E., on remarque le Kaga Dogbéré constitué par la roche ferrugineuse et ayant une altitude approximative de 72 mètres au-dessus du ruisseau coulant entre le pied de ce mamelon et la Tomi, dans le lit de ce ruisseau le gneiss affleure. La distance E.-O., entre le mamelon de Bongbo et le Kaga Dogbéré est d’environ 6 kilomètres à vol d’oiseau, et la présence du gneiss au pied de ce dernier Kaga permet de constater la continuité des couches gneissiques sur lesquelles repose la roche ferrugineuse des alentours de Fort-Sibut. Enfin il existe encore au voisinage de Krébedjé, village situé à 2 kilomètres au S.-O. de Fort-Sibut, une leptynite dont on a apporté un gros fragment au poste (28 _bis_, p. 682). Les indigènes utilisent les gneiss comme pierre à aiguiser et il est rare que chaque case ne possède pas sa pierre, plus ou moins usée par le frottement des couteaux, lances, haches, et souvent concave. Le long des sentiers fréquentés on remarque souvent sur les roches des traces bien apparentes du frottement des divers instruments en fer. _Fort-Sibut à Fort-Crampel._ En quittant le poste de Fort-Sibut (par l’ancienne route), on franchit la Tomi à 5 kilomètres du poste. Dans cet endroit, cette rivière coule entre des collines où affleurent des gneiss de structures différentes qui passent au gneiss à grands cristaux. Ces gneiss sont d’ailleurs identiques à ceux de la rive droite dont il a été parlé au groupe Fort- Sibut. Vers le 14e kilomètre on rencontre un mamelon de gneiss et à 2km500 plus loin, une leptynite pyroxénique (55, p. 682). Le long de la piste, le gneiss disparaît ensuite de la surface du sol et on ne le rencontre plus que dans le lit du ruisseau du poste de M’Pokou et dans le lit du ruisseau Méné à 2 kilomètres environ à vol d’oiseau de ce poste. A 5 kilomètres plus loin on rencontre un affleurement de granite à pyroxène (59, p. 670). A 2km500 au delà du poste des Ungourras affleure un gneiss à pyroxène. Au N. de ce poste à 11 kilomètres à vol d’oiseau commence en s’étendant sur une longueur de 2km500 une zone où l’on rencontre en trois endroits des affleurements de quartz. A 8 kilomètres avant d’atteindre le poste de Dekoua on rencontre le granite à épidote dont les affleurements se poursuivent jusqu’au poste même (61, 62, p. 670). A 6 kilomètres au delà de Dekoua on rencontre encore un granite. La région de Dekoua est une région culminante d’où ruissellent les eaux allant, d’un côté vers l’Oubangui par la Kémo, et de l’autre vers le Gribingui par la Nana. A 17 kilomètres plus loin, au Kaga Takoungo, commencent les quartzites. La direction de la stratification de ces quartzites est O. 35° N., la pente vers le N.-E. varie de 50 à 60°. Au nouveau poste de Nana on rencontre des gneiss qui forment l’ossature du mamelon sur lequel le poste est construit (71, p. 681). Entre le nouveau poste et l’ancien poste qui était situé au confluent du Gou avec la Nana, à 3km500 environ du nouveau poste affleure un gneiss à pyroxène. Au poste de Nana, l’argile à poterie, qui contient des grains de quartz et de nombreuses paillettes de mica, vient de chez N’Dagué (village Boutana), rivière Kobo qui se jette dans la Nana. Ensuite en suivant à quelque distance le cours de la Nana sur la rive droite on ne rencontre aucun affleurement de roches avant d’arriver aux quartzites barrant la rivière et occasionnant une série de chutes (76, p. 688). On retrouve ces quartzites à l’O. de Fort-Crampel. Dans les endroits où la stratification a pu être observée, on trouve : Avant la grande chute de la Nana, direction N. 5° O., pente variable vers l’O. ; à la grande chute, direction N. 7° O., pente vers l’O. 12° ; aux secondes chutes, direction O. 5° N., pente vers le N. 15° ; aucune direction n’a pu être relevée à la 3e chute où on rencontre des quartzites avec mica blanc abondant ; à l’O.-N.-O. de Fort-Crampel, 11 à 12 kilomètres environ à vol d’oiseau, direction O. 22° S., pente vers le N. 45°. _Kaga Bandéro (Fort-Crampel)._ Au confluent de la Nana avec le Gribingui et sur la rive droite, le Kaga Bandéro constitue un important mamelon de 90 mètres de hauteur environ au-dessus du niveau de la plaine du Gribingui. Ce mamelon est largement dénudé, ce qui en rend l’étude facile, et ce fait a une importance particulière en ce sens qu’il permet de rattacher à un ensemble continu les divers gneiss rencontrés à Fort Sibut et qui sont identiques à ceux du Bandéro. Dans la région de Fort-Sibut, le gneiss n’affleure pas toujours sur de grandes étendues, et en général, il est difficile sinon impossible d’avoir le contact certain de ses différentes formes. C’est ainsi qu’on y rencontre du gneiss ordinaire, du gneiss pyroxénique, quelquefois pyroxénique et amphibolique, du gneiss à grands cristaux, des leptynites, faisant partie évidemment de la même formation et dont on ne fait que deviner les relations. Le Kaga Bandéro possède les divers gneiss qui viennent d’être énumérés en couches dont les relations sont parfaitement visibles. [Illustration : FIG. 101. — Les gneiss de Fort-Crampel.] D’abord au pied, en plaine, le gneiss ordinaire (80, p. 681) constitue la forme générale et dans les couches apparaissent des couches accidentelles de gneiss à grands cristaux (82, p. 681) ayant souvent l’aspect d’un granite grossier sub-porphyroïde. Ensuite apparaît accidentellement un gneiss pyroxénique et amphibolique (85, p. 684), passant parfois à la pyroxénite (84, p. 685). Viennent après des gneiss ordinaires contenant des lentilles ou lits de gneiss pyroxénique et amphibolique. Si on examine ensuite l’escarpement, on voit que les gneiss ordinaires (270, p. 681) alternent avec des leptynites (269, p. 683), ces deux roches contenant aussi des lentilles ou lits de gneiss pyroxéniques et amphiboliques (271, p. 685) et de gneiss à grands cristaux. On a donc là, mais sur une échelle moindre, l’explication de ce que l’on rencontre dans la région de Fort-Sibut. Les gneiss basiques ont souvent une structure granitoïde et dans certains cas il est difficile de se prononcer sur l’attribution d’un échantillon au gneiss ou au granite. A l’O. du Kaga Bandéro (7 kilomètres environ) dans le lit du ruisseau Banga on rencontre une leptynite grenatifère très rubéfiée en contact avec un quartzite micacé dont la stratification est O. 25° N. Enfin les gneiss affleurent encore à 22 et 30 kilomètres environ à l’O. de ce même Kaga, gneiss ordinaire et gneiss à pyroxène en lits ou lentilles dans le gneiss ordinaire (97, p. 685). _Le Kaga Tambago (Gourara), le Kaga M’Bra et les quartzites._ Avant le passage de la rivière Koddo (50 kilomètres environ à vol d’oiseau à l’O. de Fort-Crampel), on retrouve les quartzites. Ces quartzites forment là un affleurement assez important dont la stratification est O. 18° N, la pente vers le S. est de 25°. Plus loin (11 kilomètres environ à vol d’oiseau avant le Kaga M’Bra) on rencontre, précédé d’une bande de roche ferrugineuse avec cailloux anguleux de quartz, un affleurement de quartzites et de schistes siliceux micacés dont la direction de la stratification est O. 18° N., la pente vers le N. est de 10°. A l’O. du Kaga M’Bra (7 kilomètres environ à vol d’oiseau) le Kaga Tambago ou Gourara est constitué par des quartzites en grandes masses formant une sorte de longue falaise au pied de laquelle passe le sentier. La direction de la stratification est O. 40° S. et la pente vers le N. O. est de 30°. Au pied de la falaise, la roche ferrugineuse existe et englobe de gros fragments de ces quartzites. _Kaga M’bra._ — Le Kaga M’Bra est formé par un amas de 20 à 30 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la base, de blocs gigantesques de quartzites. Dans ces blocs jetés comme au hasard, il est impossible de déterminer une direction certaine de stratification. Comme cas particuliers citons : Une ligne de pente a donné une direction E. O. avec une pente vers l’O. de 32°, la stratification serait donc N. S. Un bloc a une direction N. 7° O, avec une pente vers l’O. de 48°. Deux autres blocs ont une direction N. S., avec une pente presque verticale vers l’O. Tout le reste est confondu et l’ensemble a subi une violente dislocation. Les strates paraissent avoir glissé les unes sur les autres et beaucoup de surfaces de contact sont polies et striées. En général les blocs sont rubanés et ont subi une action métamorphique indiquée par la présence du disthène (104, 105, 107, p. 688). On trouve çà et là des parties tendres se réduisant en sable sous le choc du marteau. L’eau a désagrégé ces parties en laissant de grands vides. [Illustration : FIG. 102. — Un mamelon granitique des Kagas Djé.] Le Kaga M’Bra fait peu saillie sur l’ensemble de la région et si sa masse peut être aperçue du S. et du sentier passant au pied du Kaga Tambago, elle n’est plus visible dès qu’on s’éloigne de quelques kilomètres sur le chemin de Ndélé. D’un des mamelons des Kagas Djé (40 kilomètres environ, à vol d’oiseau au N.-E), le guide montre, se détachant imperceptiblement à l’horizon, deux petites saillies séparées par une petite échancrure, c’est le Kaga M’Bra. Des sommets accessibles, la région présente l’aspect d’un immense plateau sur lequel s’échelonnent vaguement et à l’infini des ondulations de faible altitude. Vers le N.-E. on aperçoit quelque chose de vague paraissant comme une ondulation un peu plus accentuée, ce sont les Kagas Djé. Il y a lieu de mentionner ici les quartzites des M’Brés qui, d’après les échantillons rapportés par M. GAUD à Fort-Crampel, sont analogues aux quartzites des Kagas M’Bra et Tambago. Les quartzites des M’Brés ont déjà été signalées par M. le capitaine TRUFFERT comme vaguement susceptibles de recéler des dépôts houillers (_Revue générale des sciences_, no 2, 1902). M. Truffert donne une direction approximative N.-E. à la stratification, avec un plongement variant entre 40 et 80°. _Kagas Djé._ Les Kagas Djé constituent un important affleurement granitique apparaissant sous la forme mamelonnée. Les mamelons sont disséminés sur un espace mesurant environ 7 kilomètres de longueur et 4 kilomètres de largeur, et on en compte 16 bien caractérisés. Au N.-O., à 13 kilomètres environ à vol d’oiseau, il existe encore un autre mamelon nommé Kaga Baga. L’altitude de ces mamelons au-dessus du niveau de la plaine ne dépasse pas 60 mètres. En réalité ils ne sont que les parties culminantes de l’affleurement qui s’étend vers l’est et qui sépare le bassin du Koukourou du bassin du Bamingui. Entre les mamelons le granit se montre sous forme d’ondulations ou de grands espaces plus ou moins aplanis. Il paraît donc rationnel d’admettre que les mamelons proprement dits se sont formés par suite de l’inégale désagrégation du massif. Le granite est à grain moyen comme forme générale, il passe parfois à un granite dont les éléments sont un peu plus gros et qui se rapproche très sensiblement du granite porphyroïde. On rencontre accidentellement des rognons zonés transformés en gneiss et des lentilles, lits ou inclusions dans lesquels le grain est fin et les éléments colorés dominent, également transformés en gneiss (109, 110, 111, p. 671). _Kagas Balidja et Batolo._ L’affleurement granitique qui commence au village de Balidja est beaucoup plus important que le précédent et les mamelons visibles s’étendent sur un espace ayant environ 24 kilomètres de longueur et 21 kilomètres de largeur, on peut compter 31 mamelons. Le groupe le plus important est celui du village de Balidja. Comme pour les Kagas Djé, il paraît rationnel d’admettre que tous ces mamelons se sont formés par suite de la désagrégation inégale du même massif. L’altitude au-dessus du niveau du sol environnant du plus haut mamelon de Balidja est d’environ 80 mètres, et l’altitude du Kaga Batolo (15 kilomètres N.-N.-E. de Balidja) est de 64 mètres. Tous ces mamelons sont dénudés et souvent ont éclaté en couches concentriques, parfois minces, parfois ayant une épaisseur de plusieurs mètres ; les blocs ont roulé ou glissé jusqu’en bas des pentes, mais on en rencontre beaucoup qui sont en place. Il existe sur ces mamelons des cuvettes de peu de surface mais profondes et contenant de l’eau presque toute l’année, cette eau sert à l’alimentation des indigènes. Au Kaga Batolo une de ces citernes que les indigènes considèrent comme « fétiche » est sensiblement elliptique, a 5 mètres environ de grand axe, 2m50 de petit axe et plus de 4 mètres de profondeur ; elle a ses bords arrondis et s’élargit dans le roc en forme de vase, ce qui fait qu’un indigène tombant dans cette citerne ne peut en sortir. Les habitants en ont une grande crainte et n’utilisent pas son eau. Le type de granite est le granite porphyroïde à grands cristaux de microcline, mais il passe parfois à un granite à grain uniforme, fait que l’on observe surtout dans un important mamelon de Balidja sillonné de filons d’aplite dans toutes les directions. Il passe aussi mais accidentellement à un granite à grain fin dans ce même mamelon. Dans l’ensemble des mamelons de Balidja et Batolo, on rencontre des filons de granite à grain fin et d’aplite (116, 126, p. 671), à bords parallèles atteignant plus d’un mètre d’épaisseur, ces filons ont en général une direction N.O.-S.E. Les principales cavités du Kaga Batolo dont l’une est la citerne dont il vient d’être parlé, sont situées sur le trajet d’une fissure ayant également une direction N.O.-S.E. Le long de cette fissure, la roche est comme laminée et les grands cristaux sont orientés parallèlement à la fissure ; là, on rencontre aussi une pegmatite avec très grands cristaux de microcline (124, p. 672). Cette fissure est l’indice d’une puissante action mécanique ayant modifié dans certains endroits la structure du granite. On rencontre encore mais accidentellement dans le granite des Kagas de Balidja des enclaves de granite amphibolique (119, p. 671). _Région de Ndélé (Pays de Senoussi)._ _Djigangou._ — Au voisinage de Ndélé, à Djigangou, on rencontre des mamelons et des collines constitués par des roches granitiques. Dans un mamelon formé par du gneiss glanduleux à grands cristaux (197, p. 681), on remarque un filon d’aplite de plusieurs mètres d’épaisseur dont la direction est N.O.-S.E. qui est celle des filons des Kagas de Balidja (127, p. 672). A la base du mamelon apparaissent des gneiss ordinaires. Un peu plus loin on arrive aux grès horizontaux. Ces grès forment autour de la cuvette de Ndélé des falaises d’un aspect pittoresque et ruiniforme. Ndélé. — On rencontre à Ndélé : Des roches granitiques, un dyke de norite, des quartzites et des grès horizontaux. _Groupe granitique._ — Dans la cuvette de Ndélé, un des contre-forts s’allonge dans une direction N.O.-S.E. et à son extrémité forme trois mamelons. Sur le mamelon le plus N.O., qui est le plus petit et le moins élevé on a construit le poste français. Au N.E. de la ligne formée par ces mamelons se trouve une échancrure de 600 à 700 mètres de largeur dans laquelle coule une petite rivière, la Mindja Engoulou ; le bord de cette échancrure est couronné par les grès horizontaux, et le fond est formé par des quartzites sur lesquels les grès horizontaux reposent. Dans cet ensemble, le groupe granitique est représenté par les mamelons et par un petit affleurement situé au pied du bord N.O. de l’échancrure, en face les mamelons. Ce groupe est constitué par des roches riches en feldspath rouge, pauvres en mica ou dépourvues de mica, passant tantôt aux aplites et tantôt aux pegmatites. La roche des mamelons passe aux aplites (151, 192, p. 672) et celle du petit affleurement situé en face passe aux pegmatites. Dans les mamelons on rencontre une sorte de stratification dont la direction varie de N. 15° O. à N.O. Les couches ont une pente de 70 à 80° vers le N.E. ou sont verticales. Les quartzites ont une direction variant de O. 40° N. à N. 15° O., avec une pente de 40 à 50° vers le S.O. Un peu au S. des mamelons du poste affleure un gneiss à grands cristaux analogue à celui de Djigangou (197, p. 681) et sur ce gneiss reposent les grès horizontaux. Enfin au N.N.O. du poste, à 5 kilomètres environ, avant le village de Golo et au village même, on retrouve ces mêmes gneiss en collines isolées ou supportant les grès horizontaux (198, p. 682). Si on prend maintenant la direction de l’O., au village de Kaka (13 kilomètres du poste) on rencontre encore du gneiss et une pegmatite grenatifère. [Illustration : FIG. 103. — Les grès turriformes de Ndélé.] _Dyke de Norite._ — Au pied du contrefort dont le prolongement forme les mamelons du poste et au S.O. paraît un dyke de norite (190, p. 679). Ce dyke est en contact avec les mamelons d’aplite, et avec les quartzites qui ont été traversés et métamorphisés. Il supporte les grès horizontaux. _Groupe des quartzites._ — L’ensemble est constitué par des quartzites plus ou moins micacés. Au voisinage des aplites et des pegmatites, ces quartzites sont souvent riches en mica (muscovite) et passent parfois aux micaschistes. Au contact des pegmatites on trouve des roches quartzeuses quelquefois pauvres en mica et passant au quartz, mais le plus souvent très riches et prenant un aspect pegmatoïde ou schisteux. Le fer oligiste apparaît dans certaines couches. Ces roches sont stratifiées. Au contact de l’aplite on rencontre des affleurements de quartz stratifié. Au contact de la norite on rencontre un affleurement de quartz. Tous les faits remarqués dans les quartzites indiquent bien l’action métamorphique des roches éruptives. Enfin il a été recueilli un échantillon de quartz haché portant l’empreinte de cristaux disparus. _Groupe des grès horizontaux._ — Les grès horizontaux couronnent la cuvette et les échancrures, d’énormes blocs de ces grès ont souvent roulé jusqu’au bas des pentes. Leur plus grande épaisseur totale est de 60 mètres. Ils reposent sur les quartzites ou sur les gneiss à grands cristaux, ou sur la norite dans l’endroit où cette roche affleure. L’épaisseur totale de 60 mètres se décompose ainsi en prenant pour plan de comparaison, 0,00 le fond du ruisseau coulant dans l’échancrure : De 0 à 10 mètres. — Quartzites. 10 mètres. — Commencement des grès horizontaux. 10 à 22. — Inspection difficile par suite des éboulements. 22 à 22,15. — Couche argileuse. 22,15 à 23,25. — Grès. 23,25 à 23,50. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 23,50 à 24,00. — Grès. 24,00 à 26,00. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. Dans les poudingues intercalés dans les grès, il existe des galets roulés atteignant jusqu’à 20 centimètres dans leur plus grande dimension. 26,00 à 35,75. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 35,75 à 36,00. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 36,00 à 38,80. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 38,80 à 39,00. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 39,00 à 41,50. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 41,50 à 41,70. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 41,70 à 42,50. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 42,50 à 42,70. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 42,70 à 43,70. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 43,70 à 43,90. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 43,90 à 48,00. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 48,00 à 59,00. — Grès plus grossier (conglomérat) de couleur claire, jaunâtre, dans lequel on rencontre des amas de grès à grain fin de même couleur contenant quelques menus galets roulés. 59,00 à 61,75. — Grès à grain fin de couleur claire, rougeâtre ou jaunâtre. 61,75 à 62,00. — Poudingue ferrugineux à gros éléments. 62,00 à 70,00. — Inspection difficile par suite des éboulis de roche ferrugineuse. 70,00. — Fin des grès horizontaux et commencement de la roche ferrugineuse. Les galets roulés des poudingues ferrugineux proviennent de quartzites identiques à ceux qui supportent en stratification discordante les grès horizontaux. Ces grès auraient donc été formés aux dépens des quartzites. Les poudingues ferrugineux à gros éléments indiqueraient les périodes les plus violentes de la formation, et l’épaisseur des grès qui les séparent, les périodes plus calmes ainsi que la durée proportionnelle de ces périodes. _Circuit Ndélé, rivière Tété, ruisseau Boro._ — Aux grès horizontaux succède la roche ferrugineuse, mais elle n’est plus la roche dominante car on rencontre sur tout le parcours les grès précédents et des quartzites. Sur la déclivité du Vou (affluent du Tété) la roche ferrugineuse a disparu et il n’en reste qu’une couche mince englobant des fragments des grès horizontaux. Les grès horizontaux reposent là sur des quartzites plus ou moins micacés à stratification presque verticale, c’est-à-dire ayant une pente de 75° à l’O. avec une direction N.-S. Les vides de ces quartzites sont remplis par la roche ferrugineuse. Sur le Vou apparaît un dyke de gabbro qui traverse les quartzites et s’arrête aux grès horizontaux qui recouvrent les deux roches quartzite et gabbro (170, p. 678). Au contact de ce dyke les quartzites sont riches en mica (muscovite) et passent parfois aux micaschistes. On retrouve des quartzites sur la rive gauche du Tété avec une direction N. 22° O. et une pente vers l’E. de 80°. Plus loin le Tété et le Boro coulent entre des grès horizontaux à la base desquels apparaissent les quartzites, et sur le plateau sous une couche peu épaisse de roche ferrugineuse, gisent toujours les grès horizontaux qui apparaissent dans les endroits où la roche ferrugineuse a disparu par la désagrégation. _Circuit Ndélé, Kaga Bongolo, Ara, M’Bélé, Kaga Toulou, Tété._ — Jusqu’à la grande falaise verticale constituant le Kaga Bongolo, l’itinéraire longe le bord O. d’un grand plateau se terminant brusquement sur la plaine du Bangoran, tantôt suivant les parties culminantes, tantôt franchissant les échancrures du bord même de ce plateau. Après avoir franchi l’échancrure dans laquelle coule le ruisseau Bongolo, la piste suit le pied d’une grande falaise verticale formée par les grès horizontaux et ayant environ 10 kilomètres de longueur, et remonte ensuite sur le plateau. Cette falaise a environ 85 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la plaine au Kaga Bongolo. Le Kaga Firindi est un curieux groupe de roches isolées ou bizarrement découpées de grès horizontaux, n’atteignant au-dessus du sol environnant qu’une hauteur de 25 mètres. Le Kaga Sibi est un curieux mamelon isolé aujourd’hui du plateau dont il devait autrefois faire partie. Entre Ndélé et Ara, l’altitude du plateau se maintient entre 678 et 732, ce dernier point proche de la source du Bangoran. L’altitude du Bangoran est de 683 et celle du Bamingui 662. L’altitude de la plaine au pied du plateau oscille entre 560 et 578. Entre Ara et M’Bélé l’altitude générale du plateau augmente insensiblement pour atteindre la cote 827, point culminant de la région. Des alentours de ce point partent la Gounda coulant vers le Chari, la Bata coulant vers la Kotto et la Bakaka coulant vers le Ouadi Kabassa (Dar Four). Les kagas Fofo et Toulou, voisins l’un de l’autre, sont formés de quelques rochers de grès horizontaux émergeant de 10 à 12 mètres et ayant le premier une altitude de 614 et le second de 634 mètres. Dans le rocher E. du Kaga Toulou existe une grande grotte traversant ce rocher de part en part et possédant une large cheminée verticale. A 11 kilomètres environ à vol d’oiseau du Kaga Toulou on rencontre le Kaga Diffili qui n’est qu’un îlot de rochers de grès horizontaux émergeant de 4 à 6 mètres, et d’une altitude de 591 mètres. Sur tout le parcours les grès horizontaux dominent et la roche ferrugineuse n’existe réellement que sur les parties culminantes du plateau. Partout ailleurs on la rencontre en petites masses épargnées par le ravinement et en contact visible avec la roche sous-jacente. Son épaisseur reste faible et dès qu’on quitte les parties culminantes on rencontre les grès horizontaux. De Ndélé au Kaga Bongolo les grès horizontaux reposent sur des gneiss et des granites (gneiss granitoïde, granite et gneiss à grands cristaux) qui apparaissent à Goumba dans l’échancrure des ruisseaux M’Bélégué et Yofo (174, 175, p. 682 et 673). [Illustration : FIG. 104. — Le kaga Sibi.] Après le Kaga Bongolo, au pied de la grande falaise, de vagues indications permettent de supposer que la roche granitique n’est pas très éloignée, mais aucun fait positif n’a été remarqué à ce sujet. A Ndélé, les grès horizontaux reposent sur des roches dont il a été parlé plus haut. Dans l’intervalle qui sépare le Kaga Diffili de la rivière Tété (7km,500 environ) on rencontre d’abord un affleurement quartzeux en couches minces verticales, de 1 à 5 centimètres d’épaisseur et ayant une direction E.-O. Plus loin on rencontre les quartzites ayant une direction N. 25° E. et une pente vers l’O. de 80°. Le circuit se ferme au Tété sur le circuit précédent. _Ndélé-Mamoun._ — Du village de Golo, après avoir gravi le flanc de la colline dont la base est granitique on circule sur les grès horizontaux jusqu’à l’échancrure de Mansaka. Aux approches de cette échancrure la couche des grès horizontaux s’amincit et laisse voir çà et là les quartzites qui apparaissent nettement au sommet de la colline O. de l’échancrure. Là, les couches ont une direction N. E. avec une pente au S.-E. de 40 à 45°. On retrouve les mêmes quartzites : Dans les collines de Djalmada avec des directions E. 15° N. et E. 20° N. et des pentes vers le S. variant entre 50 et 70° ; à Ndélou, direction O. 35° E. avec pente vers le S. de 25°, S. 20° O. avec pente vers l’O. de 45° ; à Akoulousoulba direction N.-E. et pente au S.-E., direction E. 10° S. et pente vers le S. Ces quartzites ont reçu la roche ferrugineuse. Cette roche dans beaucoup d’endroits n’existe plus que dans les interstices et cavités des quartzites. Dans la colline qui sépare les villages de Dankounga et Djalmada on rencontre quelques blocs isolés de gneiss amphibolique et accidentellement dans les quartzites du grès avec fer oligiste. On rencontre encore du gneiss en fragments isolés non en place à Ndélou et à Akoulousoulba. A Akoulousoulba, la texture des quartzites devient grossière et ces roches présentent de grands espaces aplanis par la désagrégation, espaces desquels émergent des couches plus compactes. Les derniers affleurements de ce genre ont été rencontrés entre le Tété et la Moussoubourta recouverts par la roche ferrugineuse. Entre Golo et Mansaka l’altitude du plateau se maintient entre 719 et 767 mètres. Après Mansaka où disparaissent les grès horizontaux les altitudes diminuent insensiblement jusqu’au Tété où l’on entre dans une vaste plaine d’une altitude variant entre 471 et 498 mètres, dans laquelle circulent les rivières Tété, Moussoubourta, Boungoul, Diahap ou Mindja, Koumara, Mamoun et Bahap. Toutes ces rivières sont réunies entre elles par des bras marécageux que l’on peut supposer nombreux et dont quelques-uns ont été reconnus. Cette disposition semble indiquer qu’une vaste dépression existait autrefois dans cet endroit, dépression aujourd’hui comblée par des dépôts alluvionnaires et dans laquelle venaient se jeter un certain nombre de cours d’eau dont quelques-uns, le Tété, la Moussoubourta, le Boungoul et le Diahap, ont été reconnus. Les parties basses de la grande plaine actuelle sont inondées à la saison des pluies et deviennent impraticables. La largeur des dépressions proprement dites, c’est-à-dire des lits plus ou moins anciens dans lesquels circulent les cours d’eau, sont : Pour le Tété et la Moussoubourta de 1500 à 2000 mètres ; pour le Koumara-Bahap-Mamoun de 4,500 à 5,000 mètres à l’endroit où ces trois cours d’eau se réunissent. Dans les parties basses, argileuses ou parfois argilo-sablonneuses, on rencontre çà et là à la surface du sol des concrétions calcaires. _Ndélé-Télé (région montueuse du Kouti)._ A peu de distance de Ndélé on entre dans la région montueuse du Kouti et jusqu’à Télé, village situé à l’extrémité O. de cette région (80 kilomètres à vol d’oiseau O.-N.-O. de Ndélé), la piste franchit une série interminable de vallons et de collines rocheuses de faible altitude, à Télé on entre dans la plaine du Bangoran. [Illustration : FIG. 105. — Les quartzites du Kouti.] A part quelques points culminants d’une altitude un peu supérieure, les collines restent à une altitude variant entre 570 et 685, la plaine au pied étant à 470 à Télé. Tout le massif montueux traversé est constitué par des quartzites micacés ou non, dans lesquels on rencontre un peu de gneiss. Ces quartzites sont en général inclinés avec pentes très fortes, souvent verticaux, et dans quelques endroits à stratification bouleversée. Leur structure varie du grossier au compact, mais les couches compactes dominent et constituent des affleurements saillants. La roche ferrugineuse en forme continue est l’exception, elle n’existe ainsi qu’en de rares endroits du parcours. Partout ailleurs elle est disparue et on ne la rencontre que dans les cavités et les interstices des quartzites. L’ordre successif des principales observations sur la stratification est le suivant : Village de Koubou. — Direction N. 15° E., pente 60° vers l’E. Ruisseau Kiokioro. — Dans le vallon, on rencontre un petit affleurement de gneiss amphibolique (208, p. 686), de chaque côté de cet affleurement existent des quartzites dont la stratification est verticale avec une direction E. 25° N. Entre le ruisseau Pendé et le ruisseau Miadigui. — Stratification verticale et direction S.-O. Entre le ruisseau Miadigui et le Kaga Batolo. — Direction O. 30° S., avec pente vers le N.-O. de 60°. Kaga Batolo. — Direction E. 20° N. avec pente vers le N. de 60°. Entre le ruisseau Yofo et le ruisseau Soukoumba. — Direction O. 20° N. avec pente vers le N. de 60°. Ruisseau Mandza. — Direction N.-S., avec pente à l’E. de 40°. Entre les villages Kourou et Télé. Stratification bouleversée. Direction S. 35° O., pente vers le N.-O. de 30°. — — stratification verticale. — — pente vers le S.-E. de 60°. — O. 35° S., pente vers le S.-E. de 20°. Village de Télé. — Direction S. 35° O., pente vers le N. de 25°. Collines au N. de Télé. — Direction S.-O., pente au N.-E. de 40° (216, p. 689). Collines au S. de Télé. — Direction S. 25° O., pente vers le N.-O., de 25°. NOTA. — Toutes les pentes sont perpendiculaires aux directions et l’indication, pente vers l’E. ou l’O., indique seulement le point cardinal vers lequel la pente est inclinée. RÉSUMÉ. — En résumé les formations géologiques de la région de Ndellé sont les suivantes : 1o Les roches granitiques représentées par un granite à grain fin et un gneiss granitoïde, par le gneiss à grands cristaux et le gneiss ordinaire, par des aplites et des pegmatites. 2o Les quartzites plus ou moins micacés ayant subi dans certains endroits l’influence de roches éruptives. Des dykes de norite et de gabbro ayant traversé ces quartzites. 2o Les roches précédentes désagrégées et ravinées par les érosions ont reçu les grès horizontaux qui après avoir rempli les dépressions ont constitué sur ces roches une couche épaisse. Aucune découverte n’ayant permis de déterminer l’âge de ces grès on ne peut que les assimiler par analogie de gisement en couches horizontales à ceux du Karoo. 4o Les grès horizontaux désagrégés et leurs éléments entraînés, les roches sous-jacentes ont reparu dans beaucoup d’endroits. La roche ferrugineuse (latérite remaniée) fait alors son apparition, comblant les dépressions et recouvrant ensuite le tout. 5o La désagrégation attaquant la roche ferrugineuse à son tour, les ravinements ont fait reparaître les autres roches, et dans l’état actuel, elle est arrivée dans beaucoup d’endroits jusqu’au contact primitif de la roche ferrugineuse avec les quartzites et les grès horizontaux. _Boungoul, Bahr-Salamat et Lac Iro._ Le Boungoul se jette dans le Bamingui (Bahr-el-Abiod) à Fort- Archambault, un bras secondaire à 3 kilomètres en aval du poste, et le bras principal actuel à 11 kilomètres environ à vol d’oiseau. Si on donne la dénomination de Chari au cours d’eau résultant de la réunion du Bamingui et du Bahr-Sara, le Bahr-Salamat se jette dans le Chari à 49 kilomètres environ à vol d’oiseau, en aval de Fort- Archambault. Au voisinage du Chari, le Bahr-Salamat a rencontré des affleurements granitiques (granite porphyroïde) qui ont fait dévier le cours du Chari vers le N.-N.-E., et s’est frayé un passage dans ces roches en formant un delta assez étendu. Le granite porphyroïde se présente dans le lit du Chari et dans celui du Bahr-Salamat en masses arrondies et plus ou moins décomposées ces masses sont sillonnées de filons d’aplite. Auprès de la branche principale actuelle (juin 1903), du Bahr-Salamat et à un kilomètre environ du Chari, on rencontre un rocher qui n’est qu’un fragment des grès horizontaux de structure plus compacte et qui a résisté à l’érosion. Ce rocher mesure de 50 à 60 mètres de hauteur, de 15 à 20 mètres de largeur et 8 à 10 mètres de hauteur. L’extrémité E. forme un chaos dans lequel on ne remarque aucune trace bien nette de stratification. A la partie inférieure de l’extrémité O., les galets roulés quartzeux que la roche contient sont en lits horizontaux. Si on monte sur le rocher, on remarque dans la masse une sorte d’alignement dont la direction est O. 10° N. Ce curieux rocher constitue un témoin de la continuité des grès horizontaux dans une direction O.-N.-O. de l’éperon de Ndélé, dont il est aujourd’hui séparé par une distance de 270 kilomètres à vol d’oiseau. Entre le Boungoul et le Bahr-Salamat existe un plateau argilo-sablonneux de 30 à 60 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la plaine, et de 15 à 18 kilomètres de largeur, auquel on accède par une pente très douce. Ce plateau qui s’atténue sur la plaine marécageuse de la rive droite du Chari et à 25 kilomètres environ à vol d’oiseau du cours d’eau, se prolonge vers l’E.-N.-E. A 70 kilomètres environ, il est interrompu par la trouée de la Mindja M’Banga qui aboutit d’un côté au Boungoul et de l’autre au Bahr-Salamat. A l’extrémité E. du plateau, avant la trouée de la Mindja M’Banga, la roche ferrugineuse apparaît en plusieurs endroits en couche continue à la surface du sol. Sur l’autre partie du plateau après la trouée, elle apparaît en blocs isolés. On peut considérer ce plateau, dont la direction générale est sensiblement parallèle à celle du cours du Bahr-Salamat, comme ce qui reste de la surface de la plaine primitive, dans laquelle au moment du retrait des eaux le Bahr-Salamat a creusé son lit. La plaine actuelle dans laquelle circule cette rivière est limitée au S. par ce plateau et au N. par les premiers mamelons et les premières ondulations d’une région à affleurements granitiques qui s’étend jusqu’aux monts Guérés. Les affleurements de granite apparaissent sur la rive droite, soit en mamelons rocheux comme Sakoura et Karou (252, p. 673), soit en rochers disséminés comme à Mali (250, p. 673). Le granite de Mali est sillonné de filons d’aplite et les rochers ont de 10 à 15 mètres de hauteur. Entre le lac Iro et le Bahr-Salamat à peu de distance de cette rivière émergent les mamelons rocheux de Bagolo constitués aussi par du granite. _Confluent Bamingui-Gribingui et rivière Gribingui (Hautes-eaux)[544]._ En aval du confluent on rencontre un affleurement quartzeux barrant la rivière et émergeant le long de la rive gauche, la direction de cet affleurement est O. 15° N. En amont du confluent, le granite apparaît barrant le Gribingui sur un parcours d’environ 5 kilomètres à vol d’oiseau et occasionnant des rapides assez dangereux, rapides que l’on retrouve avec la même cause sur le Bamingui (261, p. 673). Sur le Gribingui à l’extrémité S. de l’affleurement granitique apparaît une aplite en décomposition dont la partie ténue est du Kaolin. A 54 kilomètres environ à vol d’oiseau en amont du confluent se dresse, sur la rive droite, une grande falaise rocheuse constituée par un agrégat sans cohésion composé de menus fragments quartzeux cimentés par un ciment argilo-ferrugineux. Il faut considérer cette roche comme une forme particulière de la roche ferrugineuse. Elle contient, irrégulièrement disséminées et en tout sens, de nombreuses gaines ferrugineuses sub-cylindriques, creuses, de 20 millimètres environ de diamètre intérieur et atteignant une certaine longueur. Enfin à Finda, poste situé à 64 kilomètres environ à vol d’oiseau en aval de Fort-Crampel, on rencontre des fragments de diabase en décomposition. _Niellims_ Les masses rocheuses des Niellims sont constituées par un granite porphyroïde à grands cristaux d’orthose, passant en plusieurs endroits à un granite ordinaire (231, p. 674). On y rencontre aussi des filons d’aplite. _Puits de Oulgou_ (30 kilomètres environ à vol d’oiseau O.S.O. des Niellims), profondeur de 10 à 11 mètres. 0m,50. — Petits nodules ferrugineux, formation actuelle, couche manquant souvent. 1m,50. — Terre végétale mêlée d’argile grise et de quelques petits galets. 4m,00. — Argile grisâtre mêlée d’agglomérats ferrugineux (ordinairement exploités), caverneux, de petits galets disséminés dans l’argile et d’oolithes ferrugineuses disséminées. Ces oolithes sont parfois réunies en petits agrégats ferrugineux exploités. Ce serait à la base de cette couche que le Dr DECORSE aurait observé en un puits une couche compacte épaisse de 0m,30 de fer oolithique. 5m,00. — Argile gris-jaunâtre avec grains ténus de quartz et petits cailloux ferrugineux disséminés. ------- 11m,00. ------- _Groupe de Korbol._ Le granite de (346A, p. 673) Korbol est traversé par un filon de microgranite à microcline (285, 347, 349, 355, p. 677). Ce microgranite est à structure ordinaire ou à structure porphyrique. Dans le granite on rencontre aussi des filons d’aplite et des rognons de pegmatite. _Groupe Djember-Mandéré._ Au delà de Korbol, vers le N.-E. et le N., la région de Djember-Mandéré est caractérisée par du granite ordinaire, du gneiss et du granite porphyroïde. _Koli._ A Koli on rencontre un affleurement de granite de couleur rougeâtre (340, p. 673) _Groupe de l’ancien lac Baro dans le Dar-el-Hadjer (Pays des roches)._ A l’E. du Tchad, à 200 kilomètres environ, on rencontre un groupe granitique important et cette région a été nommée par les indigènes Dar- el-Hadjer (Pays des roches). Les principaux affleurements sont groupés autour d’une dépression qui constituait autrefois le lac Baro, lac aujourd’hui asséché. Du S. au N. le groupe s’étend d’Ardèbe à la lagune de Rédéma, c’est-à-dire sur un parcours d’environ 125 kilomètres. Les granites de ce groupe sont fréquemment porphyroïdes. Ils contiennent aussi des filons d’aplite et des pegmatites (305, 342, 413, 114, p. 674). _Lac Fittri._ Le granite affleure à Yao au N. du lac Fittri (410, p. 674). A 24 kilomètres environ au sud de ce lac on rencontre un affleurement de porphyrite (p. 680). _Groupe de Hadjer-el-Hamis._ Les rochers de Hadjer-el-Hamis sont constitués par une rhyolite verdâtre dans la pâte de laquelle sont disséminés de nombreux cristaux de feldspath et de quartz. _Monts Guérés._ L’administration locale n’ayant pas cru devoir fournir à la mission les moyens de se rendre dans cette région, les deux échantillons recueillis proviennent de Djongoro et sont dus à l’obligeance de M. le capitaine DUJOUR alors lieutenant. Le premier est un granite porphyroïde et le second une syénite à pyroxène. _Les terrains du Kanem._ Dans l’ensemble de la partie du Kanem visitée par la mission, on remarque partout de l’argile calcaire ou non calcaire et du tuf calcaire (Ngouri, Mondo, Clitoua). L’étude des échantillons de Mondo montre qu’ils contiennent un grand nombre de diatomées, 32 espèces ou variétés dans le tuf calcaire et 9 espèces dans l’argile. Ces diatomées ont été étudiées par M. Paul PETIT. Ils contiennent en outre du quartz et du feldspath (dont du microcline en fragments déterminables). A Clitoua, le tuf calcaire contient de nombreux fragments d’_Arundo fragmites_. Au delà du Bahr-el-Ghazal, à la lagune de Rédéma, située à 120 kilomètres environ à vol d’oiseau à l’E.S.E. de Clitoua, on rencontre également de l’argile calcaire. Cette argile contient en abondance des coquilles fossiles de _Mélanies_. La mission a trouvé en outre au même endroit des débris fossilisés d’ossements de tortue. _Les sels de la région du Tchad[545]._ On peut considérer le Tchad comme la limite méridionale d’une vaste région du centre africain dans laquelle abondent les sols alcalins. Cette région s’étend au nord jusqu’à Bilma (18° 30 de lat. et 11° de long.) à l’ouest jusqu’à Agadès (17° de lat. et 6° de long.), et à l’est jusqu’au Dar Ouara (18° de lat. et 20° de long.). Les deux principaux gisements alcalins sont : 1o Le gisement de l’oasis de Bilma qui approvisionne l’Aïr (Agadès), une partie des contrées situées au nord de cette région, le Damergou et une partie du Bornou ; 2o Le gisement du Dar Ouara qui approvisionne le Borkou, le Thibesti, le Ouadaï et le Baguirmi. _Gisement de Bilma._ — Le Kaouar dont fait partie l’oasis de Bilma fut visité en 1822 par OUDNEY, DENHAM et CLAPPERTON ; en 1855 par BARTH, en 1866, par G. ROHLFS, en 1870 par NACHTIGAL et 1892 par MONTEIL. Ce gisement était déjà connu au XIIe siècle car EDRISI parle du trafic de l’alun dans la vallée du Kaouar et ce qu’il a dit se rapporte vraisemblablement au commerce du sel. Selon BARTH ce gisement fournit deux espècees de sel, le sel en pains ayant un goût amer, et un autre sel plus fin pouvant être utilisé par les Européens. Des échantillons rapportés par M. FOUREAU et provenant de ce gisement, les uns sont constitués par du sulfate de soude ne renfermant que 12 0/0 de chlorure de sodium, et d’autres ne sont qu’un mélange (presque à parties égales) de carbonate (trona) et de sulfate de soude[546]. _Gisement du Dar Ouara._ — D’après les échantillons que la mission a pu se procurer, échantillons qui sont étudiés pour la première fois, ce gisement fournit trois espèces de sel : 1o Du sel gemme que l’on trouve dans un endroit appelé Toro ou Tourou (Tourkéchi), en couches stratifiées dans le lit du rahat (étang) Saraf, où il n’y a de l’eau qu’à la saison des pluies. En saison sèche on creuse le sol à 0m40 ou 0m50 de profondeur et l’on recueille la roche par petits blocs de 8 à 12 centimètres d’épaisseur, jamais en tables comme à Taodénit (grand gisement situé à 575 kilomètres environ à vol d’oiseau au N. de Tombouctou). C’est un sel à grands cristaux renfermant beaucoup de sulfate de magnésie (_épsomite_) qui s’effleurit à l’air sec. 2o Un sel gemme impur, en fragments de couleur rougeâtre, contenant près de 50 0/0 de matières terreuses ou siliceuses et même des menus galets roulés. On le trouve dans un endroit qui s’appelle Ouadi Démi ou Démé, endroit qui appartient aux arabes Mohamid du Dar Ouara et qui est situé à l’E. du Toro ou Tourou. 3o Le même endroit (Ouadi Démi) fournit aussi le minéral désigné vulgairement sous le nom de _natron_ et qui est constitué par l’espèce minérale le _trona_ (3 Na²O, 4CO², 5H²O). Le _trona_ du Dar Ouara constitue une véritable roche et offre la plus grande ressemblance avec celui des lacs Natron (Egypte). Il est débité par les indigènes en morceaux tabulaires de 6 à 8 centimètres d’épaisseur, de couleur gris-jaunâtre, à structure caverneuse. Leur cassure montre qu’ils sont constitués par des cristaux monocliniques allongés suivant _ph_¹ (001) (100) et possédant un clivage facile suivant _p_, à éclat vitreux très vif. Ces cristaux de longueur inégale atteignent 20 à 25 millimètres de longueur. Ils se groupent en agrégats fibro-bacillaires terminés par des pointements aigus, libres dans les cavités de la roche ou engagés dans de l’argile ; leurs faces sont trop arrondies pour pouvoir être mesurées exactement. Il existe parfois une seconde génération de cristaux plus petits, implantés sur les premiers, ou constituant des masses blanches à texture très lâche, qui remplissent leurs intervalles : on peut y constater l’aplatissement des cristaux suivant _a_¹ (101). Le Borkou et le Dar Ouara dépendent actuellement du Ouadaï, le Tibesti appartient au Fezzan. _Gisement d’Agadès._ — Agadès fut visitée par BARTH en 1850 et d’après ce voyageur on recueille du natron un peu au N.E. de cette ville et les grès sont saturés de sel. Elle fut de nouveau visitée en 1899 par la mission FOUREAU-LAMY qui rapporta de ce point des échantillons de natron provenant de Bilma et du sel brun d’Imgal[547]. _Pays des Krédas._ — Le pays des Krédas, nommés aussi Gouranes, traversé par le Bahr-el-Ghazal, est situé à l’E. du Tchad (14° environ de latitude et 15° de longitude). D’après des renseignements recueillis par la mission, dans ce pays, une région nommée Sagarda renferme aussi du trona en grandes tables, mais, au dire des indigènes, il n’existe pas de sel gemme. Dans cette même région on rencontre le calcaire sous forme de roches affleurant à la surface du sol. _Lagune de Rédéma._ — A 200 kilomètres environ à l’E. du Tchad, au sud du pays des Krédas, on rencontre la lagune de Rédéma qui est en relations avec le Bahr-el-Ghazal. L’eau de cette lagune est alcaline et après évaporation il reste sur le sol une croûte de 5 millimètres d’épaisseur que les indigènes appellent natron, renfermant surtout du chlorure de sodium avec du carbonate de chaux et un peu de carbonate et de sulfate de soude. C’est la terre qui laisse suinter le natron, disent les indigènes, plus on en recueille et plus il en pousse, ce sel est contenu dans la terre et rien ne saurait appauvrir celle-ci. Il faut creuser à une brasse pour obtenir de l’eau, et dès que la couche est atteinte, le liquide s’élève constamment presque jusqu’au niveau du sol. L’eau est claire et fortement alcaline. _Lac Tchad._ — Les environs immédiats de la partie E. et N.-E. du Tchad sont caractérisés par une série de bassins alcalins ou de lagunes alcalines communiquant plus ou moins avec le lac au moment de la crue (La crue de l’hivernage élève le niveau du Tchad de 0m,70 dans une année de pluie moyenne) et s’asséchant pendant la saison sèche en abandonnant à la surface du sol des croûtes alcalines. Les terres des talus des canaux ou lagunes sont aussi fortement alcalines. Une des lagunes qui a été particulièrement étudiée est celle de Grand- Baissé située à 60 kilomètres environ du Tchad. Au moment de l’assèchement de cette lagune, les premières croûtes cristallines qui se forment sur les bords sont essentiellement constituées par du carbonate de soude (_trona_). Plus bas, il se forme une croûte constituée par un mélange de carbonate et de sulfate de soude (_thénardite_) avec des traces de chlorure de sodium. Des échantillons de cette croûte emballés dans un tonnelet étanche ont fourni par cristallisation secondaire, au cours du voyage de retour, des nodules de _mirabilite_ qui s’efflorissaient rapidement à l’air sec et tombaient en poussière. Quand les eaux deviennent plus basses encore, la croûte qui se forme est surtout constituée par du sulfate de soude. Un échantillon d’eau de la lagune de Grand-Baissé a été rapporté. L’analyse faite par M. A. HÉBERT[548] a montré que cette eau contenait 11,94 d’acide sulfurique, 10,30 de soude, 0,49 de chlore, 1,74 de potasse, avec traces de chaux et de magnésie. _Bédanga._ — Comme dernier renseignement ajoutons que l’eau du puits du poste de Bédanga (345 kilomètres environ à vol d’oiseau au S.E. du Tchad) est alcaline. _Considérations générales._ — En résumé le Tchad constitue une cuvette recevant les eaux d’un bassin particulier et où ces eaux viennent s’évaporer en abandonnant sur le pourtour du lac les principes alcalins qu’elles contiennent, soit pour les avoir dissous du sol alcalin de la plaine, soit provenant de très loin. Les sols de Mandjaffa (190 kilomètres environ à vol d’oiseau du Tchad) et de Bousso (330 kilomètres environ à vol d’oiseau du Tchad), postes situés sur le Chari, sont sodiques, mais, ainsi qu’il résulte des analyses de M. A. HÉBERT, le sol de la galerie forestière du ruisseau Boro, au S.E. de Ndélé, c’est-à-dire à l’extrême limite du bassin (810 kilomètres du Tchad), contient une notable proportion de soude. Il paraît difficile de rattacher les gisements alcalins de la région du Tchad, formant aujourd’hui un bassin spécial, aux autres gisements disséminés dans toute la partie de l’Afrique située au N. de la 20e parallèle. On ne peut que constater qu’il existe au Tchad du carbonate de soude, du sulfate de soude et du carbonate de chaux. Dans d’autres régions le carbonate de soude se formant par la réaction du chlorure de sodium sur le carbonate de chaux, on peut supposer que le chlorure de sodium existe disséminé dans le sous-sol de la plaine. En outre nous pensons qu’il y a lieu de tenir compte pour la formation des carbonates de soude au Tchad, de la soude dissoute des terrains du bassin et amenée par les eaux. A l’O. du Tchad, entre le lac et Zinder, une région alcaline a été particulièrement étudiée par M. le commandant MOLL et ses collaborateurs. Les principaux centres de cette région sont Ouacha (460 kilomètres environ du Tchad), Gourselick (300 kilomètres environ du Tchad) et Adeber (120 kilomètres environ du Tchad). En outre M. Foureau a recueilli dans les dépressions du Tchad des croûtes salines constituées par du carbonate de soude. LES PUITS DU DAR-EL-HADJER (RÉGION ARDÈBE-GOGO) _Puits d’Ardèbe._ — Le puits d’Ardèbe a une profondeur totale de 47 mètres. On y remarque les couches suivantes : { 7 m. — Terre noire mélangée de nombreux grains de sable. { 40m {16m,50. — Sable fin blanc jaunâtre. { { 15 50. — Argile blanc verdâtre prenant parfois un aspect schistoïde. 2 35. — Marne blanche. Calcaire en morceaux de la grosseur d’une noix. 2 35. — Sable blanc très fin. 2 35. — Sable grossier formé de gravats siliceux, quartz, quartzite, roche ferrugineuse, de la grosseur d’une noisette. ------ 47m,05 ------ Le calcaire contient des diatomées (35 espèces ou variétés)[549]. Les _Navicula_ et les _Epithemia_ forment le fond de ces diatomées. En outre il contient du quartz, du feldspath (dont oligoclase en fragments parfois déterminables), de la biotite, du zircon et de la magnétite. La marne très argileuse de la même couche ne contient que quelques rares diatomées. La partie lourde des résidus de lévigation contient du quartz, du feldspath (dont microcline en fragments déterminables, de la biotite, de l’apatite, de l’ilménite et de l’hématite). Pour expliquer la présence de ces minéraux il faut rappeler qu’il existe à Ardèbe un affleurement de granite. _Puits de Lahmeur (El Amer)._ — Ce puits a une profondeur totale de 33m,70. On y remarque les couches suivantes : 2m,20. — Terre noire recouverte d’un lit superficiel de sable. 9 00. — Argile grise ou blanc-verdâtre avec petites concrétions gréseuses et petits grains de quartz. 9 00. — Sable blanc très fin avec petits morceaux de quartz à angles mal arrondis. 6 75. — Marne blanchâtre. 6 75. — Sable plus ou moins grossier avec gros gravier siliceux. ------ 33m,70 ------ _Puits de Bolo_, 36m,00 de profondeur. 11m,25. — Sable grisâtre mélangé d’une très petite quantité de terre. 11 25. — Sable très blanc avec particules nombreuses de quartz en grains anguleux. 13 50. — Sable ocracé, en petits grains, friable, mélangé d’une très petite quantité d’argile. ------ 36m,00 ------ _Puits de Reddedioum_, profondeur 26m,60. 7m,15. — Sable grisâtre. 6 75. — Sable de couleur ocre. 4 50. — Sable blanc avec petits galets quartzeux. 8 20. — — — ------ 26m,60 ------ _Puits de Gogo_, profondeur 25 mètres. 2m,25. — Sable grisâtre. 11 25. — Sable de couleur ocre. 2 25. — Siniaka béda. 9 25. — — ------ 25m,00 ------ _Puits de Moziout_, profondeur 28m,40. 6m,75. — Sable grisâtre avec lits alternatifs de terre végétale. 9 00. — Sable jaune ocracé assez bien agglutiné. 4 50. — Sable blanc assez fin avec petits grains de quartz et quelques petits nodules de calcaire de la grosseur d’un haricot. 8 15. — — — ------ 28m,40 ------ _Puits de Kanam_, profondeur 43 mètres. { 4m,50. — Sable grisâtre. { { 11 25. — Terrain sableux assez aggloméré, d’un jaune ocracé. { { 6 75. — Sable fin jaune ocracé avec petits cailloux de quartz. 33m75 { { 11 25. — Sable blanc avec petits cailloux de quartz et petits { morceaux de calcaire, le plus gros de la grosseur { d’une noix comme à Ardèbe. { { 9 25. — — — ------ 43m,00 ------ On ne peut guère tirer de conclusions de l’examen de ces couches. Un vague rapprochement existe cependant entre le puits d’Ardèbe où le calcaire existe à 40 mètres de profondeur en morceaux de la grosseur d’une noix, et celui de Kanam où l’on rencontre aussi du calcaire sous la même forme à 33m,75 de profondeur. Le nivellement du sol n’étant pas fait, il est difficile de considérer ce vague rapprochement comme pouvant constituer un repère permettant de supposer que le calcaire existe en couche continue à cette profondeur. Les puits étudiés se trouvent dans une région formant une dépression limitée par les affleurements granitiques du Dar-el-Hadjer et recevant trois cours d’eau, le Batha ou Ba Laïri, le Ba Bourda et le Batha du Ouadaï. Cette dépression a évidemment été comblée par les apports de ces cours d’eau et il ne reste plus du lac primitif que le petit lac Fittri. L’OUBANGUI ENTRE BANGUI ET FORT-DE-POSSEL Les quelques renseignements que la Mission a pu recueillir malgré les difficultés de la navigation et la hauteur des eaux sont les suivants (Les distances sont comptées en partant de Bangui et le chiffre donné n’est qu’une indication. Les directions sont orientées au N. magnétique. Le chaland a constamment suivi la rive droite). _Bangui._ — Le fleuve est barré par un affleurement de quartz en couches épaisses, dans lesquelles on rencontre la roche ferrugineuse remplissant les fissures et les cavités. La direction générale des couches est celle du barrage même, c’est-à-dire N. 7° E., avec pente de 58° environ vers l’E. Dans ce barrage on rencontre un autre filon transversal de quartz avec clivages verticaux ayant l’apparence de strates de 10 à 30 centimètres d’épaisseur ; la direction de ce filon est presque perpendiculaire à celle du barrage. _Mission catholique._ — Conglomérat paraissant former une couche épaisse à la surface du sol, composé de cailloux quartzeux plus ou moins roulés de 1 à 7 centimètres environ, agglutinés par un ciment ferrugineux. [Illustration : FIG. 106. — Barrage de diabase entre Bangui et Fort-de- Possel.] _5 kilomètres._ — Conglomérat de petits cailloux quartzeux agglutinés par un ciment ferrugineux. Roches quartzeuses, blocs de roche ferrugineuse. Alternance du conglomérat et de couches d’apparence quartzeuses. _8 kilomètres._ — Conglomérat de petits cailloux quartzeux agglutinés par un ciment ferrugineux. La hauteur de ce conglomérat au-dessus du niveau de l’eau était de 2 mètres (21 août 1902). Au-dessus il existe une couche d’argile de 4 mètres. _10 kilomètres._ — Village de Bongasso. _13 kilomètres._ — Schistes micacés, stratification ondulée, direction E. 25° N., avec pente vers le N. de 20°. _23 kilomètres._ — Village de Bafourou. Schistes micacés. _29 kilomètres._ — Blocs de quartzites avec fissures remplies par un ciment ferrugineux. _32 kilomètres._ — Roche quartzeuse dans les cavités de laquelle existe la roche ferrugineuse. _33 kilomètres._ — Village de Kika. Quartzites mélangés de roche ferrugineuse. _42 kilomètres._ — Rapide de Belli. Roches stratifiées, direction E.-O., avec pente vers le S. de 65°. _45 kilomètres._ — Quartzites, direction E.-O., avec pente vers le S. de 73°. Fissures remplies par la roche ferrugineuse. _50 kilomètres._ — Village d’Itongo. _52 kilomètres._ — Quartzites, direction E.-O., avec pente vers le S. de 77°. Fissures remplies par la roche ferrugineuse. _56 kilomètres._ — Rapide de l’En-Avant. Affleurement de diabase, direction E.-O., largeur approximative de la partie visible 50 mètres. La roche contient dans les cavités quelques fragments d’un conglomérat ferrugineux avec petits cailloux roulés quartzeux de 1 à 3 centimètres, et en outre de la roche ferrugineuse scoriacée. _57 kilomètres._ — Roche ferrugineuse avec fragments d’autres roches englobés. _63 kilomètres._ — Rapide de l’Eléphant ou de Mokouanghai. Affleurement de diabase, direction E.-O., largeur approximative de la partie visible 40 mètres. La roche contient dans ses cavités quelques fragments d’un conglomérat ferrugineux avec galets roulés de quartz de 1 à 7 centimètres environ, et des fragments de diabase même. A la partie N. de l’affleurement on remarque la roche ferrugineuse englobant des fragments de quartz et de quartzites plus ou moins volumineux et plus ou moins roulés. _65 kilomètres._ — Roches ferrugineuses et quartzeuses mélangées. _67 kilomètres._ — Roche stratifiée mélangée de roche ferrugineuse, direction E.-O., avec pente vers le N. de 45 à 50°. _72 kilomètres._ — Quartzites, direction E.-O., avec pente vers le S. de 30°. Fissures et cavités remplies par la roche ferrugineuse. _83 kilomètres._ — Village de Oudounjié. Grès grossier, caverneux, à éléments assez fins ; au-dessus, c’est-à-dire à la surface du sol, conglomérat ferrugineux avec petits cailloux roulés. Un peu au S. de ce point roche ferrugineuse. _90 kilomètres._ — Village habité par des Ouaddas. Dans la berge, à un mètre au-dessous de la surface du sol on remarque une couche de 15 à 20 centimètres d’épaisseur, humifère, contenant des coquilles d’huîtres du fleuve. _94 kilomètres._ — Confluent de la Ombella. _99 kilomètres._ — Factorerie de Ouadda. _110 kilomètres._ — Fort-de-Possel au confluent de la Kémo. Après le village de Oudounjié la roche ferrugineuse devient abondante et surtout en amont de la factorerie de Ouadda. _Mission catholique de Bessou._ — En amont de Fort-de-Possel, à 20 kilomètres environ, à la mission de Bessou, les schistes affleurent dans le fleuve, avec une direction E. 25° N. et une pente de 12° vers le N.-O. En aval de cet affleurement existe un conglomérat ferrugineux avec cailloux roulés. Un puits creusé auprès des bâtiments de la mission fournit les renseignements suivants : 1m,50. — Argile rouge avec blocs de conglomérat ferrugineux. 1 50. — Conglomérat ferrugineux. 2 50. — Sable ferrugineux. 2 50. — Schistes semblables à ceux du fleuve. ----- 8 00. — Profondeur du puits. ----- _Zangha._ — (57 kilomètres environ à vol d’oiseau en amont de Fort-de- Possel). Un échantillon de quartzite micacé provenant de Zangha, a été rapporté à la Mission. RÉSUMÉ. — Entre Fort-de-Possel et Bangui, l’Oubangui a rencontré une ligne de collines provoquées par un puissant affleurement de diabase dont la direction générale est E.-O., recouvert par la roche ferrugineuse, et s’est frayé un passage dans ces collines. Il franchit cette ligne de collines dans une direction N.E.-S.O. et au rapide de Belli prend une direction E.-O. Il s’infléchit ensuite brusquement au contact des quartzites de Kika et coule N.-S. jusqu’au voisinage de Bangui. Au contact des collines de Bangui, il s’infléchit de nouveau brusquement pour couler E.-O. et former ensuite le coude de Bangui. PÉTROGRAPHIE ROCHES ÉRUPTIVES GRANITES DESCRIPTION DES ÉCHANTILLONS TAILLÉS EN PLAQUES MINCES 17. Granite à épidote, groupe de la Tomi (auprès du poste des M’Brous). Roche de couleur grisâtre et à grain très fin. A l’œil nu on distingue cependant les petits cristaux de feldspath et les petites lamelles de biotite. Quartz, orthose et oligoclase damouritisés et biotite, épidote comme autre produit d’altération. Quelques rares cristaux d’oligoclase sont déterminables. Le quartz présente des extinctions roulantes[550]. Apatite et zircon. 59. Granite à pyroxène, groupe Fort-Sibut à Fort-Crampel (entre le poste de M’Pokou et celui des Ungourras). Roche à grain fin, quartz, orthose et oligoclase damouritisés et biotite. On remarque une certaine quantité d’augite passant au diallage. Magnétite, apatite, zircon et sphène. 61. Granite à épidote, groupe Fort-Sibut à Fort-Crampel (Dekoua). Roche à grain fin et de couleur assez claire. Quartz, feldspath et biotite. Les feldspaths sont damouritisés et parsemés de lamelles de muscovite souvent allongées mais en général sans orientement précis, l’oligoclase domine. L’épidote est abondante comme autre produit secondaire, elle se présente aussi en filonnets. Elle appartient à un type ferrifère car dans les lames minces son pléochroïsme est assez accentué en jaune citron. Apatite et zircon. 62. Granité à épidote, groupe Fort-Sibut à Fort-Crampel (poste même de Dekoua). Même roche que la précédente sauf qu’il faut ajouter une quantité notable de microcline très peu altéré et du rutile. Pas d’apatite. 109. Granite des Kagas Djé. Granite ordinaire dans lequel les feldspaths sont un peu damouritisés. Le quartz est parfois vermiculé. Les feldspaths sont le microcline, l’oligoclase et l’orthose. L’oligoclase englobe parfois le microcline. A la biotite il faut ajouter un peu de muscovite et un peu d’augite mais rare. Magnétite, apatite et zircon. 110. Gneiss amphibolique et pyroxénique en enclave dans le granite précédent. Dans ce gneiss l’élément dominant est la hornblende qui est pléochroïque en vert pâle brunâtre suivant _Np_ et en vert sale suivant _Ng_. Comme feldspaths l’oligoclase avec un peu d’orthose. Le quartz est peu abondant. On remarque en outre un peu d’augite. Apatite et magnétite. 111. Gneiss (rognon zoné dans le granite précédent). Quartz, oligoclase et orthose, biotite abondante, un peu de muscovite. Magnétite, zircon, apatite. 116. Aplite, filons dans les granites porphyroïdes des Kagas de Balidja. Roche de couleur rosâtre. Le microcline domine, l’orthose et l’oligoclase sont damouritisés. Quartz, un peu de biotite et de muscovite. Magnétite, apatite et zircon. 119. Granite amphibolique accidentel dans les granites des Kagas de Balidja. Ce granite est à grain fin et à la biotite il faut ajouter une notable quantité de hornblende. Les feldspaths, orthose, oligoclase et microcline sont un peu damouritisés. Le quartz existe aussi à l’état vermiculé. Apatite, zircon, ilménite, sphène, calcite. 126. Granite en filon sillonnant les mamelons après le Kaga Batolo. Roche compacte de couleur rosâtre. Les feldspaths sont le microcline, l’oligoclase et l’orthose, ces deux derniers damouritisés. Le quartz est parfois vermiculé. A la biotite assez disséminée il faut ajouter de la muscovite. Magnétite, apatite, zircon, calcite et chlorite. 124. Microcline du Kaga Batolo. Les cristaux provenant des pegmatites du Kaga Batolo contiennent de nombreux filonnets d’albite un peu damouritisée et parsemée de vermicules de quartz. 127. Aplite en filon de Djigangou. Le quartz est en grands cristaux contenant de longues et fines inclusions de rutile, en plages de cristaux plus petits et parfois sous la forme vermiculée. En outre des vermiculisations de quartz parsèment les feldspaths, les cristaux qui les constituent sont parfois allongés et orientés et le groupement passe alors à la micropegmatite. Les feldspaths sont l’orthose, l’oligoclase et le microcline. La roche contient en outre un peu de biotite. Minéraux accessoires, magnétite et zircon. A l’œil nu le quartz tranche nettement sur la pâte feldspathique de la roche. 151. Aplite des mamelons du poste de Ndélé. Roche de couleur rougeâtre et d’aspect gneissique. La coloration est due à l’abondance de feldspaths roses, ces feldspaths sont damouritisés. Elle est composée d’oligoclase, d’orthose, de quartz et de rare muscovite. Un peu de magnétite et de calcite. 192. Aplite (avec feldspaths altérés) des mêmes mamelons. Roche compacte dans laquelle abondent les feldspaths de couleur rose très chargés en inclusions et damouritisés. Le feldspath dominant est l’orthose avec association microperthitique d’anorthose. Un peu d’oligoclase. Le quartz est assez abondant, il existe aussi à l’état secondaire en plages ou en filonnets traversant la roche. On remarque un peu de muscovite et de magnétite. La calcite est abondante et forme souvent des filonnets ; il faut ajouter un peu de chlorite. 175. Granite de Goumba (pays de Senoussi). Roche à grain fin et de couleur blanchâtre. Oligoclase et microcline un peu damouritisés, quartz et biotite. Un peu de muscovite et du zircon. 250. Granite de Mali (Lac Iro). Roche à grain fin et de couleur rosâtre dans laquelle le biotite est de couleur vert foncé. Les feldspaths sont le microcline avec association micropertithique d’albite et l’oligoclase, ce dernier damouritisé, l’altération étant souvent au centre des cristaux. Quartz ordinaire et vermiculisation de quartz dans le microcline. La biotite est pléochroïque dans les teintes brunes ou vertes et on a suivant _Ng_, brun clair ou brun verdâtre et suivant _Np_, vert ou vert sale. La roche contient en outre un peu d’augite et de hornblende. Comme autres éléments : Ilménite, sphène, zircon et allanite. Epidote. 252. Granite des mamelons Karou (Lac Iro). Roche de couleur blanche à grain fin. Quartz, orthose, oligoclase et biotite. Un peu de muscovite. Le quartz est assez abondant sous la forme vermiculée. Un peu d’apatite. 261. Granite des rapides du Gribingui. Quartz, microcline, oligoclase et biotite. Un peu de muscovite. Les feldspaths sont un peu damouritisés et on remarque un peu de quartz vermiculé. Magnétite et zircon. 346A. Granite de Korbol. Roche de couleur rosâtre. Quartz, microcline avec association microperthitique d’albite, oligoclase un peu damouritisé et biotite. On remarque en outre un peu d’augite. Magnétite, zircon, apatite. 340. Granite à muscovite (granulite) de couleur rougeâtre. Quartz, oligoclase, orthose et muscovite. Apatite, zircon et sphène. La coloration rougeâtre de ce granite est due à l’hématite qui existe disséminée dans les cristaux et qui remplit les fissures et les interstices. 413. Granite à grain très fin en enclave dans le granite de Ngoura (Dar- el-Hadjer). Quartz, microcline, biotite et un peu de muscovite. Allanite et zircon. 414. Granite de Ngoura (Dar-el-Hadjer). Roche à grain fin et de couleur blanche. Quartz, microcline et oligoclase un peu damouritisés. Biotite avec pléochroïsme suivant : _Ng_, brun foncé ou vert sale ; _Np_, brun très pâle ou vert brun pâle. On remarque aussi un peu de muscovite. Allanite, magnétite, zircon, sphène et un peu d’apatite. 305. Granite de Moïto (Dar-el-Hadjer). Roche à grain fin et de couleur claire. Quartz, orthose et oligoclase damouritisés, un peu de microcline. Biotite et un peu de muscovite. Magnétite, calcite et chlorite. 342. Granite à muscovite de Moïto (granulite) (Dar-el-Hadjer). Roche rose dans laquelle les cristaux de quartz assez volumineux ont un aspect opalin. Microcline, oligoclase et orthose. La muscovite est assez abondante, très rare biotite. Magnétite, zircon, apatite. 410. Granite de Yao (Lac Fittri). Roche de couleur blanche. Quartz parfois vermiculé. Microcline, oligoclase et orthose. L’oligoclase et l’orthose sont damouritisés et contiennent parfois des vermiculisations de quartz. Biotite et un peu de muscovite. Apatite, magnétite, sphène et zircon. Un peu d’épidote. 231. Granite des Niellims. Quartz quelquefois vermiculé, oligoclase, orthose et microcline avec association microperthitique d’albite. Les feldspaths sont souvent damouritisés et contiennent parfois des vermiculisations de quartz. L’orthose existe en phénocristaux et en plages, il englobe parfois l’oligoclase. Le pléochroïsme est très intense dans la biotite, on a : _Np_, brun verdâtre plus ou moins clair ; _Ng_, noirâtre. Allanite, magnétite, zircon, sphène et un peu de fluorine. Un peu de chlorite. 235. Granite à grain très fin en rognon dans le granite des Niellims. Quartz, oligoclase et orthose damouritisés et biotite. La biotite est abondante et possède un pléochroïsme très intense dans les cristaux bien conservés. Un peu de muscovite. Magnétite, zircon, quelques microlites allongés d’apatite, allanite. NOTA. Les grands cristaux d’orthose du granite porphyroïde des Niellims sont sillonnés de filonnets d’albite. RÉSUMÉ _Au point de vue pétrographique._ Les granites rencontrés appartiennent au type normal, à orthose (avec ou sans microcline) et oligoclase, parfois l’orthose est entièrement remplacé par le microcline. La biotite est le mica dominant, elle est parfois associée à fort peu de muscovite. Il y a lieu de signaler aussi la présence du quartz vermiculé dans les feldspaths de certains échantillons. On observe en outre d’une façon presque constante les minéraux accessoires habituels, magnétite, apatite, zircon. Le quartz présente presque constamment des extinctions roulantes plus ou moins bien caractérisées, résultat d’actions mécaniques subies par la roche postérieurement à sa consolidation. Il y a lieu en outre de signaler quelques particularités intéressantes propres à certains échantillons : La présence de l’allanite primaire[551], et la grande abondance de l’épidote dans certaines régions, qui, elle, est nettement secondaire. Comme variétés pétrographiques peu répandues je signale le granite à muscovite (granulite), et le granite à pyroxène. Enfin certains de nos granites renferment des enclaves amphiboliques et pyroxéniques ou seulement amphiboliques, à structure grenue. Tous nos granites ne sont pas à grain moyen et on rencontre assez fréquemment le granite porphyroïde, soit à microcline, soit à orthose. Toutes ces variétés sont traversées par des filons d’aplite remarquablement simples de composition, ou par des granites à biotite à grain fin. La pegmatite est beaucoup plus rare. _Au point de vue géologique._ — Il y a lieu de distinguer deux groupes de gisements d’une importance très inégale. Le plus important est représenté par tous les échantillons recueillis dans le pays de Senoussi entre le Koukourou et le Bangoran, ceux des rapides du Gribingui, du lac Iro, du confluent du Bahr-Salamat, des Niellims, de Korbol, de Koli, de l’ancien lac Baro (Dar-el-Hadjer) et du lac Fittri, on n’y rencontre pas d’autre roche que des granites et des granites normaux, les types basiques ne sont représentés que sous forme d’enclaves de petite étendue. Dans le second groupe, les gisements de granites s’observent au milieu des gneiss de la région s’étendant de la Haute-Ombella à Fort-Crampel ; aussi est-il assez difficile de se décider sur l’attribution de tel ou tel échantillon soit au granite soit au gneiss, les schistes cristallins ayant selon toute vraisemblance subi l’influence propre du granite, comme dans tant d’autres régions de constitution similaire. La question est encore compliquée par l’écrasement qu’ont subi les roches de cette région, écrasement qui dans certains cas peut être considéré comme la cause du rubanement offert par certains gisements tels que celui des granites à épidote de Dekoua. Un autre petit groupe que l’on rencontre au village de Goumba (20 kilomètres à vol d’oiseau au S. de Ndélé) offre la même particularité de rubanement que le granite à épidote de Dekoua. Les affleurements sont recouverts par les grès horizontaux et n’apparaissent que dans l’échancrure de Goumba et du ruisseau Yofo. MICROGRANITES DESCRIPTION DES ÉCHANTILLONS TAILLÉS EN PLAQUES MINCES 285. — Microgranite à microcline de Korbol. Roche à cassure esquilleuse et de couleur assez sombre sur laquelle tranchent de petits cristaux porphyriques de quartz et de feldspath. Dans une pâte microgrenue de microcline et de quartz avec un peu de biotite, sont distribués des plages plutôt que des cristaux isolés de quartz, de microcline avec association microperthitique d’albite, du grenat ainsi que des lamelles de biotite et de microcline. On remarque en outre du zircon, un peu de magnétite et de sphène. Le microcline englobe parfois des éléments de la pâte. Certains cristaux ont continué de s’accroître après leur formation, le feldspath de la pâte a été absorbé et il est resté, dans la forme la mieux caractérisée au bord de ces cristaux, une bande de grains de quartz avec quelques lamelles de biotite disséminées. 347. — Même roche que la précédente, la biotite, au lieu de se présenter en lamelles isolées, constitue en général des nids de petites lamelles diversement orientées. 349. — Microgranite à microcline à structure porphyrique de Korbol. Dans une pâte microgrenue de quartz, de microcline, d’oligoclase avec un peu de muscovite, sont disséminés des cristaux de quartz englobant parfois un peu de muscovite, de microcline avec association microperthitique d’albite, d’oligoclase damouritisé, de la biotite et du grenat. On remarque, en outre, de la magnétite, du sphène, du zircon, de l’allanite et de la chlorite. 355. — Même roche que la précédente, l’allanite est plus abondante, le sphène manque et on voit un peu de calcite. RÉSUMÉ Ce qui caractérise les microgranites de Korbol que l’on rencontre en filon dans le granite, c’est la présence du microcline qui existe en abondance dans la roche, alors que dans les autres gisements connus, le microcline n’existe qu’à l’état exceptionnel. Les phénocristaux de quartz ne se montrent pas nettement corrodés. Leurs contours sont parfois linéaires, ou plus ou moins irréguliers, c’est-à- dire plus ou moins entamés par la pâte. Dans le type non porphyrique le grenat est relativement abondant et très corrodé, il n’existe généralement qu’à l’état de squelette dans la pâte. Dans le type porphyrique le grenat est plus rare et ne présente pas des caractères de corrosion aussi accentués, il y a lieu en outre de signaler la présence de l’allanite dans ce type. RHYOLITE DE HADJER-EL-HAMIS Cette roche ayant été étudiée et décrite par M. GENTIL (Documents scientifiques de la Mission Saharienne), avec les échantillons rapportés par M. LACOIN, elle ne figure ici que pour indiquer que la Mission Chari-Tchad en a rapporté de nombreux échantillons. GABBROS ET NORITES 170. Gabbro du Vou. — Type de gabbro banal à tendance ophitique. [Illustration : FIG. 107. — Schéma de l’ouralitisation du diallage du gabbro du Vou.] Plagioclases (Labrador-Bytownite) maclés suivant la loi de l’albite, de Carlsbad, et de la péricline. Diallage souvent maclé suivant _h_¹, avec inclusion ferrugineuse fine, titanomagnétite. Un certain nombre de cristaux de feldspath sont déformés longitudinalement par une légère courbure. Cette roche est intéressante à cause des modifications minéralogiques de l’ordre de celles qui se montrent dans les régions dynamo- métamorphisées, mais sans déformations structurales. Ces modifications sont : 1o Ouralitisation (transformation du diallage en hornblende verte) par trois modes. _a._ — Facules irrégulières s’orientant quelquefois, ou gros grains quelquefois dentelliformes. _b._ — Par petits cristaux isolés distribués dans les clivages _m_ et les plans de séparation _p_ du diallage. _c._ — Par un cristal unique de hornblende, transformation toujours incomplète, gagnant de la périphérie au centre, et toujours réduite à un cadre extérieur. Tous ces modes peuvent être réalisés ensemble et donnent alors une apparence des plus complexes. 2o Formation de grenat (grossulaire) avec formes géométriques dans les feldspaths, soit en cristaux isolés, soit plus ordinairement en bordure cristallitique quelquefois constituée entre le feldspath et le diallage ou la titanomagnétite. Cette particularité rappelle quelques cas de saussuritisation des gabbros des Alpes et aussi de la norite d’Arvieu décrite par M. Lacroix B.S. min. XIX, 1896, p. 70. 3o Formation de lamelles de biotite autour de la titanomagnétite ou dans les feldspaths, et enfin un peu de quartz secondaire. 190. Norite quartzifère de Ndélé. — Roche leucocrate à structure grenue. Apatite, titanomagnétite, hypersthène (diallage), biotite, fort peu de hornblende verte secondaire, plagioclases ne dépassant pas l’andésine, et quartz quelquefois en vermiculisations dans la hornblende et la biotite. Les métasilicates sont presque incolores en lames minces, le pyroxène rhombique (hypersthène) se transforme en talc et en xylotile pléochroïque en jaune brun suivant _ng_ et en jaunâtre suivant _np_. Feldspaths granulitiques moulés par du quartz qui par place est granitique (xénomorphe). Les minéraux colorés au moins en partie sont antérieurs aux feldspaths. Cette roche ne saurait être confondue avec les gneiss à pyroxène et hypersthène du Kaga Bandéro. Ces derniers sont plus basiques, les métasilicates sont plus abondants et plus riches en fer (plus colorés), la hornblende est plus abondante. En outre, les gneiss du Kaga Bandéro sont parfois vaguement rubanés. DIABASES _Rapides de l’Oubangui, entre Bangui et Fort-de-Possel._ Rapide de l’En-Avant. — Roche à structure ophitique ouralitisée, à feldspath plagioclase et à augite en cristaux très déchiquetés ; un peu de quartz, ce minéral existe aussi en association micropegmatitique. Amphibole d’ouralitisation rare et peu pléochroïque, on a : _np_ verdâtre pâle un peu jaunâtre, _ng_ verdâtre. Un peu de biotite assez pléochroïque, on a : _np_ brun très clair, _ng_ brun grisâtre. Ilménite assez abondante généralement transformée en sphène et quelquefois complètement disparue des plages de sphène. Rapide de l’Éléphant. — Même roche que ci-dessus, il faut ajouter une notable quantité d’épidote et un peu de chlorite. L’ilménite se présente sous forme de longs bâtonnets croisés dans les plages de sphène, et a quelquefois complètement disparu de ces plages. _Porphyrite du sud du Lac Fittri._ Roche formée par une pâte microlitique d’augite et de feldspath, quartz rare, mais ce minéral existe en outre en plages micro-cristallines, irrégulières ou allongées et en filonnets. Dans la pâte sont disséminés des phénocristaux d’augite parfois maclés suivant _h′_ (100). La pyrite est abondante et on remarque encore une notable quantité d’épidote. SCHISTES CRISTALLINS GNEISS ET LEPTYNITES DESCRIPTION DES ÉCHANTILLONS TAILLÉS EN PLAQUES MINCES =Gneiss ordinaires.= 39. Gneiss de Koussougou (Haute-Ombella). Dans ce gneiss le quartz est souvent vermiculé et présente des extinctions roulantes. Le feldspath dominant est le microcline, mais on trouve aussi un peu d’oligoclase. Le mica est le biotite. Magnétite, apatite, sphène et zircon. 26. Gneiss du Kaga Bongbo (Fort-Sibut). Oligoclase, un peu d’orthose, quartz, biotite abondante et un peu de muscovite. Grenat abondant et englobant parfois de la biotite, du zircon et du quartz. Magnétite, un peu de sphène et d’apatite. 71. Gneiss du nouveau poste de la Nana (groupe Fort-Sibut à Fort- Crampel). Roche à grain très fin. Quartz, oligoclase, un peu de microcline et biotite. On remarque encore un peu de hornblende et un peu d’augite. Apatite, magnétite, sphène et zircon. 80. Gneiss du Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Dans ce gneiss le quartz est très abondant et présente des extinctions roulantes, on l’observe aussi sous la forme vermiculée. Orthose, oligoclase et biotite. Magnétite, apatite, zircon. 82. Gneiss à grands cristaux accidentel dans les gneiss du Kaga Bandéro. Le quartz présente parfois des extinctions roulantes. Les feldspaths sont un peu damouritisés. L’oligoclase est le plus abondant et dans les grands cristaux les lamelles sont courbées. L’orthose est parsemé de quartz en association micropegmatitique. Le mica est la biotite. Magnétite, apatite et zircon. Un peu de calcite secondaire. 270. Gneiss du Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Dans cette roche le quartz est très abondant et présente des extinctions roulantes. Les feldspaths sont l’oligoclase, l’orthose et du très rare microcline. Biotite abondante. Apatite, magnétite et zircon. 197. Gneiss glanduleux à grands cristaux de Ndélé. Le quartz ordinaire est peu abondant et présente des extinctions roulantes. Les feldspaths orthose et oligoclase sont damouritisés, les grands cristaux ont la partie intérieure intacte et présentent une zone extérieure grenue, de couleur rougeâtre, indice de leur écrasement. L’orthose domine, il est parsemé de quartz en association micropegmatitique. Le mica est la biotite parfois parsemée aussi de quartz en association micropegmatitique. La roche contient en outre une certaine quantité de hornblende. Magnétite, apatite et zircon. Un peu de calcite et de chlorite. 198. Gneiss à grands cristaux de Golo (Ndélé). Roche de couleur rougeâtre, coloration due à l’abondance des feldspaths rouges. Le quartz présente des extinctions roulantes bien caractérisées, on l’observe aussi sous la forme vermiculée et sous la forme microgrenue. Orthose, microcline et oligoclase plus ou moins damouritisés. { _Np_, brun très clair, _Ng_, { brun noirâtre On a pour le pléochroïsme de la biotite { { _Np_, brun très clair, { _Ng_, vert Magnétite, sphène, zircon et un peu d’allanite. Un peu de chlorite. 174. Gneiss granitoïde de Goumba. Orthose et oligoclase un peu damouritisés, quartz présentant des extinctions roulantes, biotite et un peu de muscovite. On a pour le pléochroïsme de la biotite : _Np_, brun clair, _Ng_ brun. Zircon abondant et un peu de magnétite. =Leptynites.= 6. Leptynite de la Basse-Tomi. Dans cette leptynite le quartz domine, le feldspath le plus abondant est le microcline, on remarque aussi un peu d’oligoclase. Le mica (biotite) est assez rare. La magnétite est abondante en petits grains visibles à l’œil nu. Un peu de zircon. 28 bis. Leptynite à microcline de Fort-Sibut. Dans cette roche le microcline est très abondant à l’état grenu. Le quartz englobant parfois du zircon présente des extinctions roulantes. Biotite, un peu de muscovite. Grenat et zircon. 55. Leptynite pyroxénique (groupe de Fort-Sibut à Fort-Crampel, entre la Tomi et M’Pokou). Roche compacte dont les principaux éléments sont le quartz, l’oligoclase, un peu de microcline et le pyroxène. Le quartz est très abondant et présente généralement des extinctions roulantes. L’augite est assez abondante, un peu d’hypersthène. Magnétite, apatite et zircon. 269. Leptynite du Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Orthose, oligoclase et microcline un peu damouritisés. Quartz abondant et présentant des extinctions roulantes. Biotite et un peu de muscovite. Magnétite, apatite, sphène et zircon. Un peu de calcite. =Types basiques.= 276. Gneiss granitoïde amphibolique et pyroxénique de la rivière Kouli (affluent de la Tomi). Dans ce gneiss la hornblende ne se présente jamais en cristaux ayant conservé des formes géométriques, elle est en général peu pléochroïque et épigénise souvent des cristaux d’augite mieux caractérisés. Le feldspath dominant est l’oligoclase, on remarque aussi un peu d’orthose. Le mica est la biotite. Le quartz se présente parfois sous la forme vermiculée. Magnétite, apatite, allanite et zircon. 31. Gneiss amphibolique du Kaga Do (Haute-Ombella). Cet échantillon d’aspect granitoïde est essentiellement composé d’oligoclase, de hornblende et de quartz. Le mica manque, cependant il existe dans les clivages des blocs. On remarque de la magnétite assez abondante et de l’apatite souvent enclavée dans la hornblende. Les cristaux de hornblende n’ont jamais de contours géométriques mais ils présentent les clivages nets des sections _h_¹ (100) et _g_¹ (010) et des sections perpendiculaires à l’arête _h_¹_g_¹ (100) (010). Quelques rares cristaux plus petits présentent des contours géométriques. 33. Gneiss amphibolique en rognon dans le précédent. Cette roche est beaucoup plus complexe que la précédente dont elle n’est d’ailleurs qu’un accident. Le feldspath est toujours l’oligoclase, et à la hornblende il faut ajouter de l’augite et de la biotite. Le grenat est abondant. Apatite, zircon et magnétite. Un peu de calcite. Les cristaux d’amphibole sont très déchiquetés, ou très petits et disséminés dans une structure grenue. 20. Gneiss à pyroxène (Fort Sibut). Le quartz présente souvent des extinctions roulantes. Le feldspath dominant est l’oligoclase, il est accompagné d’un peu de microcline. Augite, biotite et un peu de hornblende. Magnétite assez abondante, apatite, sphène et zircon. 22. Gneiss à pyroxène à grands cristaux (Fort-Sibut). Cette roche a l’aspect d’un granite grossier sub-porphyroïde. L’oligoclase domine, mais on remarque aussi du microcline sous la forme grenue et en grands cristaux disséminés. Le quartz présente des extinctions roulantes et se montre parfois en grands cristaux, ces cristaux contiennent alors de longues et assez larges bandes d’inclusions liquides. L’hypersthène est assez abondant et il faut ajouter une certaine quantité d’augite, un peu de hornblende et comme mica la biotite. Magnétite abondante, apatite et zircon. Un peu de chlorite. 23. Gneiss pyroxénique (Fort-Sibut). Roche compacte à cassure esquilleuse. Le quartz présente des extinctions roulantes. Le feldspath dominant est le microcline à l’état grenu, il est accompagné d’oligoclase. L’hypersthène est assez abondant avec pléochroïsme assez accentué en vert suivant _Ng_ et en rose-brunâtre suivant _Np_. Le mica manque. L’apatite est abondante et quand les cristaux se présentent suivant leur allongement, ils ont très fréquemment des lignes transversales d’inclusions. Magnétite, sphène et zircon. 85. Gneiss pyroxénique et amphibolique du Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Ce gneiss se présente en lentilles ou lits dans les autres gneiss. Le quartz est comparativement peu abondant. Le feldspath est l’oligoclase qui se présente rarement sous des formes nettes, les lamelles sont souvent courbées, déformées et l’ensemble des cristaux présente des extinctions roulantes. L’augite domine et englobe parfois de l’apatite. Il faut ajouter une notable quantité d’hypersthène, de hornblende, et un peu de biotite. Magnétite assez abondante patite. Le pléochroïsme de l’augite est à peine sensible et on a : _Ng_, vert pâle. _Nm_, vert. _Np_, vert. _Ng_ C¹ = 42° environ. Le pléochroïsme de l’hypersthène est assez accentué et on a : _Ng_, vert pâle. _Nm_, jaune un peu brunâtre-clair. _Np_, rose saumon. _Ng_ C¹ = 0. 2 E est relativement petit, ce qui indique un hypersthène très ferrifère. 84. Pyroxénite associée au gneiss précédent. Le gneiss précédent passe dans certains endroits de la base du Kaga Bandéro à la pyroxénite. Dans cette roche, les éléments essentiels sont l’augite, la hornblende et la biotite. L’augite domine, après vient le hornblende. Elle contient en outre un peu de quartz et un peu d’anorthite. Zircon et apatite. 271. Gneiss pyroxénique et amphibolique du Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Ce gneiss se présente en lentilles ou lits dans les gneiss et leptynites. A part quelques cristaux plus volumineux, cette roche a une structure microgrenue. Quartz, oligoclase, orthose, biotite. L’augite est assez abondante. La roche contient en outre une certaine quantité d’hypersthène et de hornblende. Magnétite abondante, apatite et zircon. 97. Gneiss à pyroxène de l’O. du Kaga Bandéro (Fort Crampel). Ce gneiss se présente en lits ou lentilles dans les autres gneiss. Quartz, oligoclase, biotite et augite. L’élément le plus abondant est le feldspath, après viennent la biotite et l’augite en quantités sensiblement égales. Le quartz est relativement peu abondant. Magnétite abondante, apatite abondante en cristaux et en microlites allongés, et zircon. 199. Gneiss amphibolique de Djalmada (Itinéraire Ndélé-Mamoun). Quartz présentant des extinctions roulantes, oligoclase et hornblende. La hornblende est abondante et présente souvent les clivages des sections _h_¹ (100) et _g_¹ (010) et les sections perpendiculaires à l’arête _h_¹_g_¹ (100) (010). Sphène très abondant, apatite, magnétite et un peu de zircon. 208. Gneiss amphibolique de la région montueuse du Kouti. Quartz présentant des extinctions roulantes. L’élément principal est la hornblende. Un peu de diallage. Comme feldspath de l’oligoclase. Sphène abondant, hématite, apatite et zircon. RÉSUMÉ _Au point de vue pétrographique._ — Il y a lieu de distinguer, dans cette première partie des schistes cristallins, les gneiss normaux, les leptynites et les gneiss basiques. Toutes ces roches présentent des traces d’actions mécaniques qui se traduisent par des extinctions roulantes assez fréquentes dans le quartz et par l’altération plus rare des autres éléments et en particulier des feldspaths. Gneiss normaux. — Roches rubanées et à grain variable mais ne devenant jamais schisteuses, à orthose (avec ou sans microcline) et oligoclase, parfois l’orthose est entièrement remplacé par le microcline. La biotite est le mica dominant, elle est très rarement accompagnée de muscovite. On observe en outre d’une façon presque constante les minéraux accessoires habituels, magnétite, apatite, zircon, et d’autres minéraux, l’un assez fréquent le sphène, le grenat et l’allanite très rares. Il y a lieu en outre de signaler la présence du quartz en association micropegmatitique dans les feldspaths de quelques échantillons. Leptynites. — Roches rubanées de couleur rose à grain très fin dans lesquelles le mica est plus ou moins abondant en couches minces. Les éléments sont les mêmes que dans les gneiss normaux, sauf que la muscovite est un peu plus fréquente et que le sphène est plus rare. Types basiques. — Ces roches sont rarement rubanées, et quand le rubanement existe, il est généralement vague. Les feldspaths sont les mêmes que dans les roches précédentes, mais avec prédominance de l’oligoclase. Les éléments essentiels sont l’augite, la hornblende, la biotite et parfois l’hypersthène. Ces divers minéraux sont quelquefois réunis dans la même roche mais dans certains types la biotite manque. Dans d’autres types on ne rencontre que l’augite ou la hornblende. La proportion des minéraux colorés est variable, mais parfois elle devient considérable et il arrive même que les feldspaths viennent à disparaître complètement, la roche est alors une pyroxénite. On remarque en outre les mêmes minéraux accessoires que dans les gneiss normaux, mais le sphène est parfois plus abondant. _Au point de vue géologique._ — Les gneiss forment deux groupes. Le plus important comprend tous les échantillons recueillis dans la région s’étendant de la Haute-Ombella à Fort-Crampel. A ces gneiss sont associées des leptynites, des gneiss amphiboliques, pyroxéniques, ou amphiboliques et pyroxéniques, et en outre les granites dont il a été parlé plus haut. Les types basiques paraissent accidentels et intercalés en lits ou lentilles dans les gneiss normaux et les leptynites, mais ce fait n’est réellement démontré qu’au Kaga Bandéro (Fort-Crampel). Signalons enfin la présence accidentelle dans les gneiss et leptynites ci-dessus de gneiss à grands cristaux ayant souvent l’apparence d’un granite sub-porphyroïde. Les particularités qui viennent d’être citées ne constituent rien d’anormal et se reproduisent dans des régions gneissiques françaises. Le second groupe comprend les gneiss glanduleux à grands cristaux de Ndélé, gneiss qui ont parfois l’aspect du granite porphyroïde, et les rares gneiss ordinaires de la même région. Les gneiss à grands cristaux sont traversés à Djigangou par un filon d’aplite. On peut être tenté de rattacher ces gneiss au granite et de les considérer comme un granite écrasé. Mais si l’écrasement particulier des grands cristaux de feldspath autorise jusqu’à un certain point cette hypothèse, d’autres faits permettent aussi de légitimer la place de ces roches dans les gneiss. En particulier le filon d’aplite qui les traverse n’a pas subi de modifications structurelles. Signalons enfin un autre petit groupe composé de deux échantillons de gneiss amphibolique recueillis dans les quartzites du Kouti. Le premier à Djalmada où ce gneiss n’apparaît qu’en deux points d’une étendue très restreinte, le second provenant d’un affleurement assez important interstratifié dans des quartzites dont les couches sont verticales au ruisseau Kiokioro (village de Koubou). Quoique recueillis à 30 kilomètres environ l’un de l’autre, dans une direction respective N.E.-S.O., qui correspond sensiblement à la direction générale de la stratification des quartzites, on peut admettre qu’ils appartiennent à un même affleurement dont ils ne sont que des points isolés, car ils ont la même composition minéralogique. QUARTZITES DESCRIPTION DES ÉCHANTILLONS TAILLÉS EN PLAQUES MINCES 76. Quartzite micacé des chutes de la Nana. Roche dans laquelle sont disséminées des lamelles de muscovite. On remarque aussi du zircon et un peu de magnétite. 104. Quartzite micacé à disthène et dumortiérite du Kaga M’Bra. Roche avec muscovite assez abondante. Disthène assez abondant, très peu de dumortiérite. Magnétite, ilménite, zircon et un peu de rutile. Le disthène constitue des cristaux très aplatis, allongés suivant l’axe vertical, mesurant souvent deux et parfois trois millimètres sur leur plus grande dimension. Ils présentent très rarement des macles microscopiques, leur couleur est le bleu verdâtre un peu pâle. La dumortiérite est constituée par de petites baguettes faciles à reconnaître à leur pléochroïsme intense : On a : _Ng_, incolore, _Nm_, incolore, _Np_, bleu azur, avec maximum suivant l’axe vertical. L’allongement est de signe négatif. 105. Même roche que ci-dessus mais sans dumortiérite. Magnétite, sphène et zircon. 107. Quartzite micacé à disthène et klaprothite du Kaga M’Bra. Roche avec muscovite assez abondante. Disthène abondant avec un peu de klaprothite. Apatite, rutile, tourmaline. Bien que les grains de klaprothite soient très petits, leur attribution à ce minéral n’est pas douteuse. Ils possèdent une haute biréfringence et un pléochroïsme très intense : _Ng_, bleu azur, _Nm_, bleu azur, _Np_, incolore. La bissectrice aiguë est négative et l’angle 2 V assez grand. On n’y observe ni clivage ni macles. De petits fragments ont pu être isolés de la roche pulvérisée par un traitement à l’iodure de méthylène, puis par un triage à l’aiguille sous la loupe. Des essais microchimiques ont mis en évidence la présence de l’acide phosphorique, de l’alumine et de la magnésie. La klaprothite est toujours en contact avec le disthène, elle est même parfois englobée par ce minéral. 216. — Quartzite micacé de Télé (Kouti). Roche avec muscovite assez abondante, du zircon, un peu d’hématite et de tourmaline. RÉSUMÉ _Au point de vue minéralogique._ — Ces quartzites constituent les types les plus intéressants que nous ayons rencontrés. La présence de la dumortiérite et de la klaprothite est particulièrement à signaler. A l’exception du gisement de Tvedestrand en Norwège dans lequel MM. Michel LÉVY et LACROIX ont trouvé la dumortiérite en inclusion dans la cordiérite, ce minéral se rencontre dans des roches granitiques. Il y a peut-être lieu cependant de faire une réserve pour la dumortiérite de Clip dans l’Arizona qui paraît se trouver comme la nôtre dans un quartzite ; mais elle est très abondante au lieu de n’y constituer qu’un élément microscopique. Quant à la klaprothite, son gisement habituel est bien des quartzites ; mais il est rare de la trouver dans une roche uniquement à l’état de minéral microscopique. _Au point de vue géologique._ — Appartenant à des régions très éloignées l’une de l’autre, les quartzites de la Nana et ceux de Télé (Kouti), présentant les mêmes caractères de gisement présentent aussi les mêmes caractères pétrographiques. L’échantillon de la Nana provient de couches ayant une pente de 12°, et celui de Télé d’une couche ayant une pente de 40°. Les échantillons du Kaga M’Bra quoique faisant partie de la même formation proviennent d’un endroit bouleversé dans lequel les couches comme gisement ne sont plus comparables à celles de la Nana ni de Télé. Aussi remarque-t-on dans les quartzites du Kaga M’Bra des minéraux spéciaux tels que le disthène et accessoirement de la klaprothite, et aussi, mais très rare, de la dumortiérite. Etude faite au laboratoire de M. LACROIX, professeur de minéralogie au Muséum d’Histoire naturelle. La collection complète des échantillons est déposée au laboratoire de géologie du Muséum d’Histoire naturelle. [Note 540 : On a découvert des objets polis en rhyolite un peu au sud du lac Fittri, mais beaucoup plus rares que ceux confectionnés avec d’autres roches et surtout des porphyrites qui affleurent dans cette région.] [Note 541 : G. BRUEL, La Région civile du Haut-Chari (_La Géographie_, t. V, 1902). L. LACOIN, Observations sur la géologie du pays de l’Oubangui au Tchad (_Bulletin de la Société géologique de France_, 4e série, t. III, 1905). Documents scientifiques de la Mission Saharienne, 1905.] [Note 542 : Par suite de la hauteur des eaux il est évident que certaines roches ont dû échapper aux investigations.] [Note 543 : Se reporter à la partie pétrographique, le premier chiffre indique le numéro de l’échantillon, le second la page.] [Note 544 : Par suite de la hauteur des eaux il est évident que certaines roches ont dû échapper aux investigations.] [Note 545 : Voir Comptes rendus de l’Académie des sciences, 30 janvier 1905, t. CXL.] [Note 546 : Résultats minéralogiques et géologiques de récentes explorations dans l’Afrique occidentale française et dans la région du Tchad, par A. LACROIX, membre de l’Institut, professeur au Museum, 1905, _Revue Coloniale_.] [Note 547 : Documents scientifiques de la Mission saharienne, 1905.] [Note 548 : _Bulletin de la Société chimique de Paris_, 3e série, t. XXXIII, p. 310 ; 1905.] [Note 549 : Il est vraisemblable que tous les terrains de la plaine du Tchad contiennent des diatomées.] [Note 550 : Ce caractère étant général ne sera pas reproduit dans les descriptions suivantes.] [Note 551 : Ce minéral était autrefois considéré comme très rare, mais l’étude en plaques minces au microscope a démontré qu’il était assez commun dans certains granites. M. GENTIL l’a également signalé dans les granites de l’Anahef, dont la mission Foureau a rapporté des échantillons.] =DIATOMÉES= =_Récoltées par la mission CHEVALIER, au Chari-Tchad,_= DÉTERMINÉES PAR PAUL PETIT DIATOMÉES * * * * * Quatre échantillons ont été soumis à mon examen, au point de vue de la recherche des Diatomées : 1o _Trois fragments d’un calcaire provenant du puits d’Ardèbe_ ; 2o _Deux fragments d’une marne du puits d’Ardèbe_ ; 3o _Trois fragments d’un tuf calcaire de Mondo, no 402_ ; 4o _Deux fragments d’un dépôt ou Tripoli de Mondo, no 408_. Après lavages avec les acides et décantages selon les procédés employés ordinairement, les nos 1, 3 et 4 m’ont fourni des diatomées qui appartiennent toutes aux Eaux douces et plus spécialement aux Eaux courantes. Ce sont, à part quelques espèces, des Diatomées vulgaires qui se rencontrent dans les cours d’eau douce du monde entier. Les espèces rares sont les suivantes : Cymbella americana ; Navicula obtusa, var. : lata ; un autre Navicula figuré sans nom dans l’Atlas d’Ad. Schmidt ; le Surirella arcta, figuré dans le même atlas, sans diagnose ; et enfin le Stephanodiscus Astræa. L’abondance de certaines espèces contraste avec la rareté d’autres. C’est ainsi que le Surirella arcta A. S. forme le fond des diatomées du Tuf calcaire de Mondo et que le Navicula oblonga avec les Epithemia forment le fond des diatomées du no 2 du puits d’Ardèbe. Le Calcaire du Puits d’Ardèbe a présenté un fait assez curieux. Ayant lavé un des trois fragments, dans lequel je n’avais rencontré qu’une très petite quantité de valves de diatomées, brisées pour la plupart, comme cela arrive souvent dans les dépôts fossiles ; je fis le lavage d’un deuxième fragment. J’obtins une assez grande quantité de diatomées renfermant des espèces qui n’existaient pas dans le premier, et manquant, d’autres qui se trouvaient dans le premier. Il est évident que les fragments provenaient de roches appartenant à des couches distinctes, comme le démontre la liste que j’ai établie. Quant à la marne du puits d’Ardèbe, elle ne renferme qu’un Cyclotella Kützingiana et ce n’est qu’après de longues recherches qu’on peut arriver à en découvrir une valve. On m’a fait observer, avec une préparation de matériaux, non lavés à l’acide, mise à l’appui, qu’il y avait des diatomées dans cette marne. Dans la dite préparation, examinée méthodiquement sans laisser un point inexploré, je n’ai trouvé qu’une seule valve de Cyclotella et un article de Gallionella. J’ai donc lavé toute la marne que je possédais, espérant avoir un résultat. La masse s’effrite complètement dans l’acide nitrique et laisse un dépôt de sable brun très abondant, qui fut lavé à l’acide sulfurique et chlorate de potasse. Le dépôt a été bien lavé et les eaux de lavage décantées avec précaution et réunies. Monté au baume et à sec le dépôt ne m’a fourni que quelques valves très rares des Diatomées indiquées ci-dessus. Il est certain que ces diatomées ont dû être apportées par le vent, en même temps que le sable et qu’elles ne forment pas un dépôt fossile. I. — CALCAIRE PROVENANT DU PUITS D’ARDÈBE ÉCHANTILLONS No 1 ET No 2 No 1 No 2 =Gomphonema intricatum= K. CC.| + | + | | — =subclavatum= Grun. A. S. atlas, t. CCXXXVII, f. 36. CCC.| + | + | | Les Gomphonema sont très abondants. | | | | =Amphora libyca= Ehr. R.| + | + | | =Cocconema cymbiforme= Ehr. C.| + | + | | — =lanceolatum= Ehr. C.| + | + | | =Cymbella Cucumis= (A. S., t. IX, fig. 21-22) Clève | + | » Nav. Diat., I, p. 165 | | | | =Encyonema gracile= Rabenh. | + | » | | — =prostratum= K. | » | + | | — =ventricosum= (Ag.) Grun. | + | + | | =Epithemia ocellata= K. C.| + | » | | — =turgida= K. C.| + | + | | — gibberula K. AR.| + | + | | — =Zebra= K. R.| + | » | | — =Sorex= K. R.| » | + | | =Rhopalodia gibba= (K.) O. Müll. CC.| + | + | | — — var. : =parallela= Grun. AR.| + | + | | — — var. : =tumida= Schaar. R.| » | + | | =Navicula oblonga= K. Très abondant CCC.| » | + | | — =limosa= K. AR.| + | + | | — =viridis= (Ehr.) K. var. : A. S. atlas, t. XLII, f. RR.| » | + 22. | | | | — =radiosa= K. C.| » | + | | — =obtusa= Ehr. var. : =lata= Rattr. (North Tolsta, RR.| + | + p. 422, pl. XXIX, f. 1, 2) | | | | — =æquatorialis= (A. S. atlas, t. L, f. 48, sans | | nom et sans diagnose). Valves linéaires-elliptiques | | à extrémités cunéiformes arrondies ; long. 76 μ, | | largeur 24 μ ; area longitudinale étroite, légèrement | | dilatée au centre ; stries très fines, non ponctuées, | | 11 dans 10 μ, perpendiculaires à l’axe vers le centre | | et faiblement rayonnantes aux extrémités. | | | | Je n’ai vu qu’une seule valve de cette espèce, qui | » | + n’a encore été trouvée que dans l’Orégon. | | | | =Mastogloïa Grevillei= W. Sm. AR.| + | + | | =Surirella bifrons= Ehr. | + | + | | =Cymatopleura Solea= W. Sm. R.| » | + | | =Synedra Ulna= (Nitzs) Ehr. C.| + | + | | =Odontidium Tabellaria= W. Sm. AR.| + | + | | =Eunotia gibbosa= V. H. Syn., pl. XXXV, f. 13. Long. R.| + | » 48 μ. | | | | =Stephanodiscus Astræa= Ehr. var. : minutulus Grun. R.| + | + | | =Cyclotella Meneghiniana= K. C.| + | + | | — =Kützingiana= Thw. | + | + | | =Gallionella granulata= Ehr. CC.| + | + | | — =distans= Ehr. CC.| + | + | | — =crenulata= Ehr. R.| » | + II. — TUF CALCAIRE DE MONDO, No 402 =Gomphonema intricatum= Kg. CC. =Cocconema cymbiforme= (Kg.) Ehr. C. — =lanceolatum= Ehr. C. — =parvum= W. Sm. AR. =Cymbella heteropleura= Ehr. (A. S. atlas, t. IX, f. 51) R. — =Cucumis= A. S. (ut suprà) long. 91 μ, larg. 24 AR. — =americana= A. S. atlas, t. IX, f. 15 et 20, var. : =acuta=. Diagnose dans Clève Nav. Diat., I, p. 164. — =delecta= A. S. atlas, t. IX, f. 17 et t. LXXI, f. 80. Diagnose dans Clève, l.c. =Epithemia Argus= (Ehr.) K. AR. — =Sorex= K. R. — =ocellata= Ehr. AR. =Rhopalodia gibba= (K.) O. Müll. C. =Encyonema turgidum= Grun. C. — =prostratum= (Berk) Ralfs. C. — =gracile= Raben R. =Amphora libyca= Ehr. R. =Navicula sphærophora= K. R. — =rynchocephala= K. var. : =amphiceros= (K.) Grun. R. — =viridis= Nitzs. var. : =commutata= Grun. AC. — =rupestris= Hantz. AR. =Stauroneis anceps= Ehr. R. =Mastogloia Grevillei= W. Sm. R. =Surirella arcta= A. S. atlas, t. XXIII, f. 23 (sans diagnose). CCC. Valves longuement linéaires à extrémités cunéiformes et à partie centrale fortement contractée ; longueur 160 à 204 μ, plus grande largeur 35 μ 20 à 36 μ 80 ; axe longitudinal formé par une ligne ; côtes robustes, 1 1/4 dans 10 μ, atteignant l’axe longitudinal, perpendiculaires vers le centre et rayonnées vers les extrémités Cette espèce, qui malheureusement est sous forme de fragments dans le tuf de Mondo, ne se rencontre entière que rarement dans les préparations, dont elle forme le fond. Elle est très abondante. Jusqu’ici cette espèce n’a été rencontrée que dans Demerara river et figurée par le Révérend Ad. Schmidt dans son Atlas der Diatomaceenkunde. =Cymatopleura elliptica= W. Sm. et ses variétés C. — =Solea= W. Sm. AC. =Nitzschia amphioxys= W. Sm. variété : =vivax= AR. — =stagnorum= Raben R. =Synedra Ulna= (Nitzs.) Ehr. CC. =Stephanodiscus Astræa= Ehr. var. : =minutulus=. Grun. R. =Cyclotella Kützingiana= Thw. R. =Gallionella granulata= Ehr. AC. — =distans= Ehr. AC. III. — TRIPOLI DE MONDO, No 408 =Amphora libyca= Ehr. AR. =Encyonema turgidum= (Greg) AC. =Rhopalodia gibba= (K.) O. Müll, variété : =tumida= Schaar. R. =Navicula anglica= Ralfs. RR. =Odontidium Harrissonii= W. Sm. R. variété =minus= Roper. =Cyclotella Meneghiniana= K. CCC. — =operculata= Hantz. AC. } } — =Kützingiana= Thw. CC. } Abondants, formant le fond } de la préparation. =Gallionella distans= Ehr. CC. } } — =granulata= Ehr. CC. } IV. — VASE DU LAC TCHAD RÉCOLTÉE A KOUKIA La vase du Lac offre l’aspect de la tourbe desséchée, elle ne fait pas effervescence sous l’action des acides forts, elle ne contient donc pas de carbonates calcaires. Après lavages par les procédés ordinaires, on obtient un dépôt renfermant une grande quantité de sable brun, qu’il faut éliminer pour avoir les diatomées, ce qui nécessite des lavages et des décantages longs et délicats. Par suite d’une cause inexplicable et rare même dans les dépôts fossiles, la plus grande quantité des valves se trouve réduite à l’état de fragments, ce qui nécessite un grand nombre de préparations pour pouvoir trouver un échantillon complet et encore, sur 15 préparations, il n’a pas été possible de rencontrer une Surirella robusta entière. Le dépôt est assez riche en Surirellées et en Naviculées ; il renferme deux espèces très rares : Navicula americana Ehr. et Navicula Perrotetii Grun. ; cette dernière a été découverte au Sénégal, et en outre une variété nouvelle très abondante de la Surirella Kittonii A. S. _Espèces rencontrées dans la vase._ =Cocconeis Pediculus= Ehr. =Gomphonema acuminatum= Ehr. variété =Turris=. — =capitatum= Ehr. — =gracile= Ehr. variété =minor= Grun. — =Turris= Ehr. =Cymbella bengalensis= Grun. =Cocconema cymbiforme= Rabh. =Amphora ovalis= Kg. =Epithemia Sorex= Kg. =Rhopalodia gibba= O. Müll. — =parallela= O. Müll. =Navicula americana= Ehr. (Très rare). — =Cardinalis= Ehr. — =cuspidata= Kg. — =elegans= W. Sm. — =elliptica= Kg. — =macilenta= Ehr. — =major= Kg. — =Perrotetii= Grun. — =viridis= (Nitz.) Kg. =Stauroneis acuta= W. Sm. — =Phœnicenteron= (Nitz.) Ehr. =Surirella arcta= A. S. — =bifrons= Ehr. variété : =tumida= O. Müll. — =Kittoni= A. S. var. nov. =elliptica=. — =robusta= Ehr. — =tenera= Greg. — — variété =nervosa= A. S. =Cymatopleura elliptica= (de Bréb) W. Sm. — =Solea= (de Bréb) W. Sm. =Eunotia Arcus= Ehr. — =gibbosa= V. Hk. =Himantidium pectinale= Kg. =Stephanodiscus Astræa= (Ehr) Kg. =Cyclotella Meneghiniana= Kg. — =operculata= (Ag.) Kg. =Gallionella crenulata= Ehr. — =distans= Ehr. — =granulata= Ehr. — =lyrata= Ehr. Variété =tenuior=. Grun. — =varians= Ehr. =NOTE= SUR LES =COLLECTIONS D’INSECTES= =_rapportées par la Mission CHARI-TCHAD=_ ARACHNIDES, MYRIAPODES ET CRUSTACÉS PAR M. BOUVIER Professeur au Muséum d’Histoire naturelle. ARACHNIDES ET MYRIAPODES Très nombreux sont les matériaux recueillis dans ces deux groupes, mais aucun spécialiste n’a pu encore les étudier. D’un examen sommaire de ces matériaux, on peut conclure toutefois que certaines espèces à très large distribution se trouvent constamment représentées jusqu’au centre de l’Afrique. Dans la classe des Arachnides, c’est le cas des grands Scorpions noirs, _Pandinus imperator_ C. L. Koch et _Pandinus dictator_ Pocock ; dans le groupe des Myriapodes de la Scolopendre géante, _Scolopendra subspinipes_ Leach et d’une espèce plus petite, la _S. morsitans_ L. qui remonte jusqu’en Algérie. CRUSTACÉS Tous les Crustacés recueillis par la mission appartiennent naturellement à la faune des eaux douces. Ils ne sont pas très nombreux en espèces, mais présentent presque tous un fort grand intérêt. Parmi les Crevettes d’eau douce, il convient de citer deux espèces : d’abord un Palémon d’une grande taille, le _Palemon macrobrachion_ Heiklots qui paraît identique à une espèce américaine, le _P. acanthurus_ Wiegm., qu’on avait signalé en divers points de l’Afrique occidentale et qui fut capturé par M. DECORSE à Brazzaville. En second lieu une petite espèce de la tribu des Stynier, la _Caridina togoensis_ var. _Decorsei_ Bouvier. Cette forme nouvelle a été découverte au cours de la mission et paraît très commune dans l’Afrique centrale et occidentale, où elle représente, peut-être à elle seule, le genre _Caridina_. M. DECORSE l’a prise à Krebédjé, à Fort-Archambault, au Bangoran, mais on la trouve bien en dehors de ces régions centrales ; M. CHEVALIER vient d’en recevoir des exemplaires recueillis au Fouta- Djalon, et le Muséum du capitaine COTTE de la mission Sud-Kameroun. Les Crabes d’eau douce ne manquent pas dans les régions tropicales, où ils sont d’ordinaire assez étroitement localisés. Parmi ceux capturés au cours de la mission, il convient de citer le _Potamonautes Aubryi_ Edw. trouvé à Bessou, mais déjà connu dans l’Afrique occidentale. Un jeune voisin du _P. Sidneyi_ Rathbun connu seulement dans l’Inde, et trois beaux spécimens qui tiennent à la fois du _P. Johnstoni_ Miers et du _P. perlatus_ Edw. Il est bon d’observer que ces exemplaires proviennent du Chari, tandis que le _P. Johnstoni_ se trouve au Kilimandjaro et le _P. perlatus_ dans l’Afrique méridionale. =COLÉOPTÈRES= PAR M. PIERRE LESNE Assistant au Muséum d’Histoire naturelle. Les collections de Coléoptères recueillies au cours de la mission Chari- Tchad sont fort riches et permettront d’entreprendre une étude approfondie de la faune des vastes régions explorées par MM. A. CHEVALIER et le Dr J. DECORSE. La détermination de ces importants matériaux est seulement commencée, mais on peut noter dès maintenant quelques remarques qui se dégagent de leur examen sommaire. Le caractère le plus frappant de la faune du Chari moyen et inférieur et de la région du Tchad réside dans sa grande analogie avec celle du Sénégal et du Soudan occidental. Il est assurément remarquable de retrouver communément aux environs de Fort-Archambault les espèces qui comptent aussi parmi les plus fréquentes à Saint-Louis-du-Sénégal. Tels sont les : _Tetragonoderus quadrum_ Ol. (Carabides). _Sternocera interrupta_ Ol. (Bupestides). _Sinoxylon senegalense_ Karsch (Bostrychides). _Thalpophila abbreviata_ Fabr. (Ténébrionides). _Entomoscelis cincta_ Ol. (Chrysomélides). _Hoplostomus fuliginosus_ Ol. (Cétonines). Etc. Les espèces suivantes, qui ont été recueillies en divers points du bassin moyen et inférieur du Chari, sont également sénégalaises : _Cicindela Dumolini_ Dej. (Cicindélides). _Luperca Goryi_ Guér. (Carabides). _Harpalus ephippium_ Dej. (Carabides). _Bradybænus scalaris_ Ol. (Carabides). _Sternocera castanea_ Ol. (Buprestides). _Bostrychopsis Reichei_ Mars. (Bostrychides). _Epicanta flavicornis_ Dej. (Méloïdes). _Rhyxiphlæa corticina_ Ol. (Cétonines). Etc. D’une façon générale, les affinités avec la faune du Sénégal sont particulièrement marquées dans la région même du Tchad. Plus au sud, sur le Chari inférieur et moyen apparaissent des formes paraissant propres à l’Afrique centrale, tels le _Sternocera Colmanti_ Kerremans (Bupestides) déjà connu du Bahr-el-Ghazal, le _Thalpophila reticulata_ Fairmaire (Ténébrionide) primitivement décrit du pays de Nyams-Nyams, un _Onitis_ géant, apparenté à l’_On. Castelnani_ Harold, de l’Afrique australe, etc. C’est ce mélange de formes centre-africaines avec des espèces sénégalaises en nombre prédominant qui imprime un cachet spécial à la faune des régions riveraines du Chari. Mais si l’on s’écarte du fleuve, pour pénétrer dans les pays Saras qui s’étendent à l’O. de Fort- Archambault on constate la présence dans ces contrées de types tout particuliers révélant la proximité d’un centre faunistique distinct. De remarquables espèces qui paraissent être inédites et qui appartiennent aux genres _Myrmecoptera_ parmi les cicindélides, _Anthia_, _Graphipterus_, _Pheropsophus_ parmi les Carabiques caractérisent notamment cette faune dar-sarienne dont on doit la découverte à M. le Dr J. DECORSE. Parmi les captures intéressantes faites par le même naturaliste il faut citer celle d’un petit carabique, le _Somotrichus elevatus_ Fabr. dont le pays d’origine était resté jusqu’ici inconnu. L’insecte se rencontre de temps à autre dans les ports de commerce et paraît vivre à demeure dans les cales de certains navires. Sa découverte aux environs de Fort- Archambault permet d’affirmer qu’il est d’origine africaine. Les récoltes faites sur le cours de la rivière Gribingui ont été moins fructueuses que celles effectuées dans les régions dont nous venons de parler ; mais plus au sud, au-delà de la ligne de partage des eaux entre le Chari et le Congo, sur la Kémo et ses affluents, la mission a rencontré en abondance les Cétoines du genre _Gnathocera_ et une foule d’autres formes à affinités guinéennes prononcées, faisant pressentir la proximité de la faune gabonaise proprement dite. Il est à noter d’ailleurs que dans toute l’étendue des régions explorées dans le bassin du Chari ont été rencontrées les formes à aire de dispersion très étendues en Afrique comme les _Opilo gigas_ Cost., _Tenebrio guineensis_ Hid., _Xystrocera nigrita_ Serv., etc. En résumé, les points que met en évidence un examen rapide de l’ensemble des Coléoptères de la mission Chari-Tchad sont : 1o L’existence d’une ligne de démarcation importante au point de vue faunistique dans la région de la rivière Gribingui. Au nord de cette région les espèces sont en grande majorité soudanaises ; au sud, elles se rattachent à la faune congolaise ou à la faune guinéenne. 2o La présence, dans le bassin du Chari, de formes qui paraissent être propres à l’Afrique centrale. 3o L’existence d’une faune très spéciale, à affinités soudanaises, dans les pays Saras s’étendant à l’Ouest de Fort-Archambault. =HYMÉNOPTÈRES, ORTHOPTÈRES ET NÉVROPTÈRES= PAR M. R. DU BUYSSON HYMÉNOPTÈRES Les Hyménoptères récoltés par M. A. CHEVALIER pendant ses voyages dans l’Afrique centrale et occidentale sont peu nombreux, mais leur diversité permet de déduire quelques renseignements sur la faune des pays où ils ont été trouvés. Comme on le sait, les Hyménoptères vivent en général de matières sucrées provenant des nectaires des fleurs ou des miellées produites soit par les Pucerons et les Coccides, soit par les stigmates des feuilles des plantes sous l’influence de certaines conditions climatériques. Une des plus grandes familles, celle des Mellifères, a la spécialité de recueillir le miel et le pollen. Aussi les insectes appartenant à cette famille peuvent être comptés parmi les principaux facteurs de la fécondation des plantes. Leur présence est donc d’un intérêt capital pour le colon. Une région riche en fleurs nourrit toujours beaucoup d’Hyménoptères mellifères et inversement : l’abondance des unes permet de calculer le nombre des autres. Parmi les Mellifères, on peut signaler l’Abeille mellifique qui se rencontre, à l’heure actuelle, dans toutes les parties du monde, soit comme patrie normale, soit qu’elle ait été importée par l’homme. En Casamance, comme dans la région parcourue par la mission Chari-Tchad, M. A. CHEVALIER a rencontré la variété _fasciata_ Latr. de l’Abeille domestique. C’est un nouveau point à enregistrer dans la dispersion de ce précieux animal sur le continent africain. En effet l’_Apis mellifica_ L. var. _fasciata_ Latr. habite l’Égypte : Le Caire, Ramlé, Suez, les environs de Kartoum, Obock. On l’a rapportée de Dakar, de la Guinée : Bissao, de Libéria : Monrovia, de la Sierra-Leone, du Haut-Niger et du Bénoué, du Congo, de la Cafrerie, du pays des Basoutos et E. FOA l’a retrouvée dans la vallée du Haut-Zambèze. Dans bien des endroits, cette abeille est plus ou moins cultivée par l’indigène, mais elle vit à l’état sauvage dans beaucoup d’autres. C’est une ressource qui attend qu’elle soit mise en valeur, modeste sans doute mais qui n’en existe pas moins. D’autres Hyménoptères sont chasseurs de grillons, de criquets, de chenilles, de papillons et d’autres insectes nuisibles à l’agriculture. D’un coup d’aiguillon, ils paralysent leur proie et l’emmagasinent pour nourrir leur progéniture. A cette catégorie appartiennent les _Eumenes tinctor_ Christ et _caffra_ Olivier qui approvisionnent leurs nids de terre gâchée avec des chenilles. M. CHEVALIER a reconnu leur présence dans plusieurs localités du Baol oriental, de Thiès à N’djourbel. Ils ont comme ennemi un autre Hyménoptère, aux couleurs étincelantes, la _Chrysis stilboides_ Spin. qui dépose ses œufs dans leurs cellules. La larve de la Chrysis dévore celles des Eumènes. Cette Chrysis se rencontre partout où vivent les gros Eumènes. Elle est signalée d’Égypte, d’Abyssinie, de Saint-Louis du Sénégal, de la Casamance, de la Sénégambie, du Congo français, des environs du Tanganyika, du Zambèze et du Zanzibar. Les récoltes de M. A. CHEVALIER viennent ajouter de nouvelles localités d’habitat à celles déjà connues et nous prouver une fois de plus que certaines espèces d’insectes ont une aire de dispersion bien plus étendue qu’on ne le suppose. M. CHEVALIER a rapporté vingt- huit espèces de Fourmis qui, si elles sont de peu d’intérêt pour le colon, nous serviront de jalons pour la géographie zoologique. Je dois indiquer aussi quelques Guêpes : _Belonogaster junceus_ Oliv. et _Polistes marginalis_ F. Elles peuvent être considérées comme des animaux utiles. En effet, elles vivent en sociétés parfois nombreuses et elles nourrissent leurs larves avec de petits lépidoptères, de petites chenilles et autres menus insectes nuisibles aux plantes et aux fruits. Enfin pour terminer l’étude des Hyménoptères recueillis par M. A. CHEVALIER, je parlerai d’un Ichneumon, fort beau par son coloris, le _Cryptus vittatus_ Tosq., mais qui malheureusement a des mœurs fort préjudiciables pour les chenilles dont on a cherché à utiliser la soie dans l’Afrique occidentale, la _Faidherbia Bauhiniæ_ Guérin et les _Anaphe_ qui vivent des feuilles du Tamarinier. ORTHOPTÈRES Il y a peu de chose à signaler dans ce groupe, d’abord parce qu’ils sont en trop petit nombre, ensuite parce qu’on ne connaît pas assez leurs habitudes. Nous devons dix-neuf Acridiens à M. CHEVALIER, appartenant tous aux petites espèces non migratrices, qui vivent sédentaires dans les herbages et dont les dégâts n’ont pas encore été signalés, sans doute parce qu’ils sont insignifiants. En effet, les Acridiens se nourrissent de plantes et ils ne deviennent nuisibles que par leur nombre. Il en est de même des deux Gryllides rapportés par M. CHEVALIER. Ces animaux peuvent être malfaisants dans les habitations, mais on ne connaît pas leur manière de vivre. D’autres Orthoptères, les Mantides, sont carnassiers ; ils se nourrissent de proies vivantes qu’ils saisissent avec habileté et maintiennent avec les pattes antérieures puissamment armées à cet effet. M. A. CHEVALIER en a recueilli quatre espèces, des _Harpax_, dont l’aire de dispersion est encore fort mal connue. Il n’en est pas de même des Blattides ; car, en outre des petites Phyllodromies sans beaucoup d’intérêt au point de vue agricole, M. CHEVALIER a rencontré, dans plusieurs localités du Soudan et du Baol oriental, de Thiès à N’djourbel, la grande Blatte qui porte le nom de _Rhyparobia maderæ_ F. Ce gros insecte est connu de Madère, de Ténériffe, des Comores, du Sénégal, de la Guinée, du Congo, de Madagascar et même de la Guadeloupe. Partout où il a été signalé, on a reconnu ses méfaits. Sa voracité et sa fécondité le font redouter des colons et des voyageurs. NÉVROPTÈRES CORRODANTS Parmi les Névroptères, on classe dans un sous-ordre les Termites, qui pratiquent la vie en société. Leur existence n’est pas encore connue dans le détail, mais tous les voyageurs savent que beaucoup construisent avec de la terre et des débris végétaux des dômes de forme variable suivant les espèces. Leurs téguments délicats les forcent à ne sortir que la nuit, car les ardeurs du soleil les feraient mourir promptement et leurs ennemis, les oiseaux en particulier, les auraient vite détruits. Les uns s’établissent sous le sol, les autres dans les bois morts et même dans le tronc des arbres. Ils se façonnent des galeries couvertes pour pouvoir impunément monter sur les arbres à la recherche de leur nourriture. Dans les branchages, ils construisent des nids de refuge où ils peuvent s’abriter le jour et attendre ainsi la complète exploitation du feuillage dont ils font usage. La Mission Chari-Tchad a récolté un certain nombre d’espèces parmi lesquelles se trouvent les _Termes natalensis_ Hav., _bellicosus_ Smeath, et l’_Eutermes fungifaber_ Sjœstedt. =DIPTÈRES= PAR M. SURCOUF Parmi les diptères piqueurs qui ont été recueillis par MM. le Dr DECORSE et CHEVALIER dans la mission Chari-Tchad, il y a lieu de mentionner les espèces suivantes : 1o Un _Tabanus latifer_ Macquart. Ce taon est étroitement allié au _T. africanus_ Gray du S. et du S.-E. de l’Afrique, qui n’en diffère que par une fascie noirâtre à l’extrémité des ailes hyalines. Son aire comprend la boucle du Niger et les bords du Bénoué, affluent de droite. 2o _Tabanus Chevalieri_ nov. sp. Surcouf, provenant du Fouta Djalon. Cette espèce appartient au même groupe que T. gratus et T. rujens de Cep. Ces trois espèces sont de petite taille et rares dans les collections. 3o Un grand nombre de _Tabanus ditæniatus_ Moquart répartis sur toute la région comprise entre l’archipel Kouri et le Fort Lamy. On le rencontre d’autre part depuis Gilgil (Afrique orientale anglaise) et l’île Maurice jusqu’à Tombouctou au N. et la Guinée française à l’O. Le Dr CHAPUIS avait déjà mentionné que sa piqûre faisait périr les chameaux. 4o _Tabanus tæniola_ Pal-Beauv. Espèce répandue dans toute l’Afrique intertropicale. 5o _Tabanus sufis_ Jænnicke. Espèce rare dans les collections et dont les quelques exemplaires possédés manifestent une extension considérable : Egypte, Nubie, Congo, Sénégal. Outre ces Tabanides, la mission a rapporté de nombreux _Simulium damnosum_ Theobald. Cette simulie appelée : mouche de _Jifa_ dans l’Afrique orientale anglaise, pullule sur la rive droite du Nil et vers le Tanganyika elle s’étend dans l’Uganda et existe beaucoup plus à l’O. sous le nom indigène de _fourou_. Elle a été retrouvée au Congo par M. le Dr BRUMPT. Sa présence au Fouta- Djalon où elle a été prise par M. CHEVALIER démontre que le _Simulium damnosum_ est une espèce équatoriale dont l’aire d’habitat comprend toute la largeur de l’Afrique. La description de _Tabanus Chevalieri_ paraîtra avec plusieurs autres dans le _Bulletin du Muséum_. =QUESTIONS AGRICOLES & DIVERSES= PAR AUG. CHEVALIER ET H. COURTET QUESTIONS AGRICOLES ET DIVERSES Indépendamment de ce qui a été dit dans divers chapitres de la première partie de ce livre au sujet de l’agriculture et des plantes cultivées, nous avons cru devoir réunir ici un certain nombre de questions éparses qui intéressent également l’agriculture des régions parcourues. LISTE DES PLANTES CULTIVÉES PAR LES PEUPLADES ANTHROPOPHAGES DE L’OUBANGUI =Espèces dont on mange les fruits.= _Musa paradisiaca_ (Banane). — _sapientum_ (Banane). — _sinensis_ (Banane). _Carica papaya_ (Papaye). _Ananas sativa_ (Ananas). _Solanum Pierreanum_. — _melongena_ (Aubergine) _Lycopersicum cerasiformis_ (Tomate cerise). Tomate amère (employée comme condiment). _Capsicum frutescens_ (Piment). — _anthropophagorum_ (Piment). _Cucurbita maxima_ (Potiron). — _moschata_ (Giraumon). _Cucumis citrullus_ (Pastèque). — _species_ (Courge). _Hibiscus esculentus_ (Gombo). _Canarium Nsafu_ (Nsafu). =Espèces dont on mange les graines.= _Zea maïs_ (Maïs). _Andropogon Sorghum_ (Sorgho ou gros mil). _Penicillaria spicata_ (Petit mil). _Eleusine coracana_ (Eleusine). _Sésamum indicum_ (Sésame). _Hyptis spicigera_ (Labiée à graine oléagineuse). _Vigna Catjang_ (Haricot). _Phaseolus lunatus_ (Haricot de Lima, petite et grosse variété). _Voandzeia subterranea_ (Pois de terre). _Arachis hypogea_ (Arachide). =Espèces dont on mange les tubercules.= _Manihot utilissima_ (Manioc amer). — var. _dulcis_ (Manioc doux). _Dioscorea anthropophagorum_ (Igname à tubercules aériens). — _alata_ (Igname). — _sativa_ (Igname). _Ipomœa batatas_ (Patate douce, plusieurs variétés). _Coleus rotundifolius_ (Ousonifing ou Pomme de terre de Madagascar). — _dazo_ (Dazo). — _langouassiensis_ (Dazo). _Colocasia antiquorum_ (Colocase). =Espèces dont on mange les feuilles.= _Hibiscus sabdariffa_ (Oseille de Guinée). _Corchorus olitorius_ (Jute). _Rumex_ (Oseille). _Solanum guineensis_. =Pour fumer ou Plantes à parfums.= _Nicotiana tabacum_ (Tabac). — _rustica_ (Tabac). _Canabis sativa_ (Chanvre). _Ocymum viride_ (Basilic). — _basilicum_ (Basilic). =Plantes textiles.= _Gossypium barbadense_ (Coton). — _herbaceum_ (Coton). =Espèces donnant des matières grasses.= _Ricinus communis_ (Ricin). _Jatropha curcas_ (Pignon d’Inde ou Pourguère). BANANIERS La banane constitue le fond de la nourriture des peuples de la forêt congolaise. Avant l’introduction du manioc venu en Afrique à la suite de la découverte de l’Amérique, elle devait jouer un rôle plus grand encore. On cultive plus particulièrement le _Musa paradisiaca_. Le nombre des variétés est très grand. Chez certaines, les fruits atteignent jusqu’à 30 centimètres de long. Entre le 4e et le 5e degré de lat. N., chez les Bondjos, les bananiers sont encore très abondants. On les cultive exclusivement autour des villages car ils exigent un sol très riche. Le grand bananier ne donne des fruits que 18 mois après que le rejet a été mis en terre. Dans les bananeraies indigènes on ne trouve des fruits en abondance que dans la saison humide. On les cueille ordinairement bien avant leur complète maturité. En temps de famine les Bondjos vivent aussi des racines de leurs bananiers qui sont ainsi sacrifiés. D’après les missionnaires que nous avons interrogés, le nombre des variétés qui existent dans les villages de la forêt est presque illimité. Les Bondjos ne savent pas les cultiver séparément, de sorte que dans une seule plantation elles sont ordinairement mélangées. Entre Bangui et La Kémo prédominent les deux variétés suivantes : 1o _Zimbala_ (mot à mot _la dent de l’éléphant_, c’est-à-dire la pointe d’ivoire en banda). Tronc s’élevant jusqu’à 3 mètres et 4 mètres. La gaine des feuilles et par suite le tronc sont complètement noirs. Se nomme _Benza_ en balari. On a vu à Bessou des régimes de cette variété pesant jusqu’à 40 kilogrammes. 2o _Ndon_. Pieds de 3 à 4 mètres de haut. Tronc d’un vert glauque, pétiole vert profondément canaliculé avec un étroit liseré rose. Limbe des feuilles ordinairement très déchiré. Bananes serrées arquées d’une longueur moyenne de 15 à 20 centimètres. Régimes longs de 1 mètre, très chargés de fruits pesant jusqu’à 30 ou 40 kilogrammes. Il existe enfin dans divers villages de la forêt (de Brazzaville à Bangui) un Bananier à feuilles et tronc rouges donnant en petite quantité des bananes longues et sucrées. On cultive aussi à Brazzaville une variété ornementale à feuilles pourpres qui ne produit jamais de fruits. Les fruits du _Musa paradisiaca_, nommés encore _Bananes cochon_, se mangent ordinairement rôtis sur la cendre ou bien les indigènes les préparent en farine. A maturité très avancée la peau de ces bananes noircit, les fruits deviennent blets à la surface et beaucoup d’Européens les préfèrent en cet état comme fruits de dessert aux bananes sucrées. Ces dernières, qui n’excèdent pas ordinairement 15 centimètres de long, sont produites par le _Musa sapientum_ également cultivé par les indigènes dans tout le Congo, mais en beaucoup moins grande quantité. Les bananes sucrées (les seules connues en Europe) sont surtout recherchées des enfants et consommées sans être cuites. Cette espèce porte le nom de Toto dans la plupart des langues du Congo, les Banziris l’appellent Benza. Le bananier nain _Musa sinensis_ (_M. Cavendishii_) commence à se répandre au Congo même chez les indigènes. Il paraît qu’il fut introduit en 1878 à Landana au Congo portugais de pied venant du Muséum. L’introducteur était le P. DUPARQUET. Depuis il a été transporté par les missions dans toutes les directions. La mission de Liranga l’a propagé chez les indigènes du moyen Congo, aussi les peuples du Haut-Oubangui l’appellent le Bananier des Mangala, peuplade chez laquelle il est aujourd’hui abondant. Il réussit très bien dans les terres fertiles. A la mission de Bessou on a vu des régimes de cette espèce d’un poids considérable. Cependant les missionnaires n’en étendent pas la culture plus que celle des autres variétés. Ils trouvent que les bananiers occupent beaucoup de place et mettent longtemps à produire. Aussi donnent-ils la préférence comme grandes cultures au manioc, au maïs, aux patates et au dazo. Dans chaque village banda et mandja on trouve encore quelques pieds de _Musa paradisiaca_ et de _M. sapientum_ cultivés, mais leurs fruits tiennent très peu de place dans l’alimentation des indigènes. Le _Musa sinensis_ n’existait pas encore dans le pays ; la mission a apporté les premiers pieds au Jardin de Fort-Sibut. Dans le pays de Senoussi on ne trouve plus que le _Musa paradisiaca_ et en très petite quantité. C’est à _Damtar_ vers le 10e parallèle que nous avons vu les derniers beaux bananiers dans un jardin européen. Plus au N. ils ont beaucoup de peine à vivre en Afrique centrale à moins de soins très spéciaux (abris contre le vent et le soleil, fréquents arrosages). AUG. CHEVALIER CAFÉIER DES BORDS DE L’OUBANGUI (_Coffea congensis_). Ce caféier croît en abondance dans les parties boisées des rives de l’Oubangui. On le suit sans interruption de Bangui à Zangha et d’après les renseignements fournis, bien au-delà de Mobaye. Ses endroits préférés sont les terrains plats ou en pente douce inondés à la saison des hautes eaux et couverts de grands arbres dont l’ombre lui est favorable. Dès que les grands arbres s’espacent ou que le feuillage s’éclaircit, le caféier disparaît. On le rencontre dans les mêmes conditions au pied de quelques berges élevées, comme à Fort-de- Possel, par exemple, entre le poste et la factorerie, au sommet de ces berges il ne végète plus. Certains pieds à la saison des hautes eaux sont dans l’eau sur plus de 1m50 de hauteur. Un peu en aval de Bangui sous les grands arbres des bords du fleuve, on rencontre de véritables petits taillis de caféiers. Aux environs de Fort-de-Possel la hauteur de certains arbustes atteint environ 4 mètres, ils sont rarement verticaux, très flexible ce caféier se courbe. Les pieds sont souvent ramifiés à quelque distance du sol. Parmi les arbustes de 2 à 4 mètres de développement un pied sur 5 peut seul être considéré comme fructifié, les autres n’ont qu’un nombre insignifiant de fruits, quelquefois nul. La moyenne des pieds que l’on peut considérer comme fructifiés donne 221 fruits par pied. Les fruits ont généralement deux graines, mais quand les conditions de végétation ne sont pas normales, il y a un certain nombre de fruits qui n’ont qu’une graine et les autres fruits sont plus petits. Cent grammes de grains décortiqués et secs contiennent 820 grains. Si on rapproche ce chiffre de la moyenne donnée plus haut, un caféier produirait normalement 442 grains soit 53 grammes de café par an. Ces chiffres ne se rapportent évidemment qu’à l’année où l’étude a été faite et à la région de Fort-de-Possel. Dans les parties boisées de la plaine de Fort-de-Possel, parties situées en général dans les terrains bas et marécageux on ne trouve plus ce caféier. Les indigènes de la région n’utilisant pas le café, se soucient très peu de la conservation des pieds et les coupent sans scrupules pour les utiliser aux mêmes usages que les autres bois flexibles. Plus en amont, les Européens ont appris aux indigènes à récolter ce café qui est alors utilisé. Quoique ce caféier n’ait jamais été cultivé ni à Fort-de-Possel ni à Fort-Sibut, en 1902, l’administrateur commandant le cercle n’a pas hésité, en réponse à une dépêche ministérielle du 29 octobre 1901, dans une notice no 977 datée du 28 août, à s’exprimer ainsi : « En isolant les pieds et en les cultivant on arrive à des résultats appréciables. Cet essai a été tenté avec succès à Fort-de-Possel. Il a donné de moins bons résultats à Fort-Sibut (Krébedjé), à 100 kilomètres environ de l’embouchure de la Kémo dans l’Oubangui. » Ceux qui s’intéressent à cette question se trouvent donc indignement induits en erreur par cette notice. Dans le cimetière de Bangui ce caféier a été planté et a donné d’assez beaux pieds ramifiés, mais en 1903 la production de ces pieds a été nulle, et il doit être de même pour les autres années, car il ne se trouve pas, quoique assez ombragé, dans ses conditions normales de végétation, aucun renseignement n’a été trouvé à ce sujet dans les archives du poste. H. COURTET. L’AGRICULTURE CHEZ LES SARAS Le Sara est cultivateur et cultiverait au delà de ses besoins si les produits qu’il récolte avaient un débouché commercial, mais ce débouché n’existe pas. Cependant chez les Saras Mbanga et les Saras Ngaké il se fait quelques transactions, c’est-à-dire que des habitants du pays Salamat, et des Ouled Rachid (arabes) viennent s’approvisionner de mil chez eux, apportant en échange des lances, des perles, des vêtements confectionnés avec des bandes d’étoffe de leur pays et quelques autres objets. Le Sara se contente donc en général de cultiver la surface nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et pour boire copieusement le Sam (bière de mil) qu’il apprécie beaucoup. Aussi dans chaque village, chaque jour de l’année ou à peu près, quand la récolte a été bonne, il y a toujours quelque part grande beuverie de Sam, souvent avec accompagnement de danses et de chants. Chaque famille possède pour la fabrication du Sam de grandes marmites en terre cuite et certaines cases sont de véritables brasseries. _Culture chez les Tounias (tribu Sara)_ Une famille composée de 5 personnes cultive en mil une surface de 1 hectare 90 ares, et un petit champ de 20 ares environ de haricots, pois de terre, ou arachides, soit une superficie totale de 2 hectares 10 ares, ce qui donne par tête une superficie de 42 ares. La surface cultivée en mil lui rapporte 38 hectolitres environ de mil, soit 20 hectolitres par hectare qui au poids moyen de 80 kilos l’hectolitre donne un rapport de 1600 kilos à l’hectare. Aux champs l’homme, c’est-à-dire le chef de famille, travaille avec les femmes et les enfants, la durée du travail est en moyenne de 6 heures par jour et la culture exige un travail de 5 mois par an, soit 1357 heures de travail par hectare. (Ce chiffre ne comprend que le travail de 3 personnes, les enfants pouvant être en bas âge et ne faire aucun travail.) Il reste donc aux indigènes 7 mois de liberté pour les travaux accessoires consistant dans la réparation ou la réfection des cases leur prenant environ un mois par an, pour la chasse, et pour fabriquer et boire le Sam. Tout le mil récolté est donc consommé sauf une petite quantité servant à faire quelques menus échanges avec les pêcheurs, les gens du poste de Fort-Archambault et à payer l’impôt, quantité évaluée à 300 kilos. La récolte totale étant de 3.000 kilos, il reste à la famille pour sa consommation directe 2.700 kilos, soit 1kgr,525 par tête et par jour. En admettant une consommation moyenne de 0kgr,800 par jour pour la nourriture, il reste 0kgr,725 de mil disponible. (La ration de nos tirailleurs est fixée à 1 kilo.) Tout le mil disponible et en particulier le gros mil est consommé en bière de mil, ce qui explique pourquoi les indigènes ont toujours une grande quantité de cette bière en consommation. La culture se fait soit à labour plat soit à labour en ados ; quand il y a des vides trop considérables dans les champs, ces vides sont comblés en y repiquant des jeunes plants enlevés aux endroits où les champs sont trop touffus. L’indigène dissémine en outre dans les champs de mil, des haricots, des courges, la petite courge à huile et la pastèque dont la graine lui sert également à faire de l’huile. [Illustration : FIG. 108. — Instruments agricoles des Saras.] Les indigènes se servent pour leurs labours d’un seul instrument, c’est une petite bêche de 0m,15 de largeur, arrondie aux angles supérieurs, la partie inférieure complètement arrondie, portant une douille droite pour recevoir le manche. Cette bêche est montée sur un long manche droit ou légèrement cintré pour le labour à plat. Pour le labour en ados elle est montée sur l’extrémité de la dent du milieu d’une sorte de trident en bois, et forme ainsi un instrument ressemblant assez à un long louchet évidé ; cet instrument est manœuvré à genoux. Enfin pour les piochages, sarclages et binages, elle est montée en houe sur un manche court fait avec une branche d’arbre coudée à angle droit. Le labour en ados ressemble assez aux sillons de nos charrues, la graine est mise en terre sur les ados. Le labour à plat consiste en un sarclage ou un piochage léger de la surface du sol. Le cultivateur pratique l’assolement. Les cases sont disséminées dans les cultures. _Fabrication du Sam._ — Le Sam est fabriqué méthodiquement. Le Sara emploie le gros mil pour cette fabrication et rarement le petit mil, on pourrait presque dire qu’il ne cultive du gros mil que pour la fabrication du Sam. Après avoir fait tremper le mil dans l’eau pendant le temps nécessaire pour que la germination se fasse dans de bonnes conditions, c’est-à-dire pendant 24 heures, on l’étend sur le sol à l’ombre, sous un arbre, sur une épaisseur de 5 à 10 centimètres et on recouvre le tout de feuillage. Quand la germination est terminée, le mil est séché, débarrassé des germes, et concassé dans des mortiers en bois avec un pilon également en bois. Après le concassage, vient la macération ou brassage dans la quantité d’eau nécessaire pour faire le Sam plus ou moins fort, et qui dure trois heures. Le tout, liquide et mil, est ensuite transvasé dans une ou plusieurs marmites et on procède à la cuisson qui dure 12 heures, c’est-à-dire du lever au coucher du soleil. La cuisson terminée on filtre dans de grands entonnoirs confectionnés à demeure avec des baguettes et garnis de paille à l’intérieur. Le liquide ainsi filtré est recueilli dans des calebasses où on le laisse fermenter. _Comparaison des surfaces cultivées par habitant et rendements._ Saras. — 40 à 45 ares. Culture dominante : Mil. Arétous. — 30 à 35 ares. — — Bandas. — 30 à 35 ares. — Manioc, maïs, mil. Mandjas. — 25 à 30 ares. — Manioc, maïs, mil. Rendements : Saras, mil, 1600 kg. à l’hectare Arétous, — 1200 kg. — Bandas, — 1200 kg. — En introduisant dans la Colonie un élément d’échange intermédiaire qui serait l’argent français et éventuellement seulement le thaler, en attirant les gens du Ouadaï manquant de mil et possédant du bétail et les gens du Tchad, le pays des Saras deviendrait rapidement un centre important de production du mil et Fort-Archambault un marché pour le commerce intérieur. On pourrait, en procédant ainsi et à l’aide de l’élément métal, faire diriger sur cette région nos produits manufacturés venant par l’Oubangui. H. COURTET. LE BÉTAIL DANS LA RÉGION DU CHARI La principale région d’élevage de nos possessions du Chari est située à l’E. de ce fleuve et s’étend dans une direction N.-O. du Dékakiré ou Djiguékaré au Dagana et Bahr-el-Ghazal, soit une longueur de 350 kilomètres à vol d’oiseau. L’élevage est pratiqué dans cette région par les Peuls et les Arabes. Un fait particulier c’est que lors des razzias de Rabah, ce dernier enleva les troupeaux des Peuls et ménagea ceux des Arabes, et aujourd’hui dans le Dékakiré, les Peuls n’ayant pu reconstituer leurs troupeaux faute de reproducteurs font l’élevage pour le compte des Arabes. En 1893, une épizootie sévit dans toute la région du Tchad et détruisit une grande partie des troupeaux[552]. Les bœufs sauvages et les antilopes ont été également atteints et se laissaient tuer à coups de lance par les indigènes. En 1894, l’épizootie ravagea les troupeaux de moutons et de chèvres. Dans le Dékakiré, région montueuse et parsemée de mamelons et d’affleurements granitiques où l’herbe fait défaut, pendant la saison sèche, les troupeaux émigrent vers les plaines arrosées par les grands cours d’eau ou leurs ramifications. _Reproduction._ — Pour la reproduction, les bouviers du pays admettent une période de 20 mois qui se décompose ainsi : gestation 10 mois, traite du lait 6 mois, repos 4 mois. Théoriquement une vache donnerait donc dans un troupeau un veau tous les 20 mois, soit 6 veaux par an pour 10 vaches. Quelques éleveurs ont fait produire par an 7 veaux pour 10 vaches, ce qui porte la période à 17 mois se décomposant ainsi : gestation 10 mois, traite du lait 6 mois, repos 1 mois. Une vache qui s’appelait Daké a donné chez le peul Djébril, éleveur dont les troupeaux avaient été razziés par Rabah et bouvier du troupeau de Fort-Archambault en 1903, 14 veaux, elle était donc âgée de 23 à 26 ans quand elle est morte. Les vaches vivent ordinairement de 13 à 15 ans. La mortalité par 100 têtes est de 5 à 7 têtes par an pour une mortalité ordinaire et 10 têtes par an pour une mortalité exceptionnelle. La perte sur les élèves est de 10 0/0 par an environ. Dans les troupeaux de reproduction les bouviers admettent en moyenne un taureau pour 30 vaches. Les vaches sont rarement vendues, les bœufs seuls sont livrés soit pour la consommation, soit pour le portage. Les éleveurs vivent presque exclusivement du lait des troupeaux ou des produits fabriqués avec le lait. _Races._ — Dans le Dékakiré, il existe deux races type, qui sont le type Peul et le type Arabe et les métis de ces deux types. Type Peul : Zébu à pelage souvent brun, souvent noir, quelquefois blanc, et présentant des dérivés du blanc avec le brun ou le noir. Cornes moyennes, fines, légèrement aplaties, courbées en arc. Œil rentré sous une grosse paupière plissée. Long et large fanon allant de la gorge jusque sous le sternum. Membres fins. Corps bien proportionné. C’est le type des Peuls du Sénégal et du Soudan, que les Arabes fréquentant ces régions ont adopté et qu’on utilise comme porteur. Type Arabe : Mêmes caractères que le précédent, sauf pour les cornes qui sont courtes, droites ou très peu arquées. Ces deux types ont de grandes affinités et leurs qualités sont égales. [Illustration : FIG. 109. — Taureau : _Type peul_.] Dans le Bas-Chari et plus rarement dans le Dékakiré on rencontre encore un troisième type qui mérite d’attirer l’attention. C’est un grand zébu dont la taille atteint celle de nos plus forts taureaux à cornes longues et très fortes, à long et large fanon allant de la gorge jusque sous le sternum. Ce type se rencontre également au Sénégal, dans le Baol, le Cayor, le Djoloff et le Saloum ; il existe également dans le Haut- Sénégal. Au dire des bouviers il est beaucoup moins rustique que les deux types précédents. C’est ce grand zébu qu’emploie le sultan Senoussi pour le portage de son canon de montagne en bronze pesant 100 kilogrammes et de son affût. Une autre petite race sans bosse, de taille inférieure à notre race bretonne, a été aussi remarquée dans les troupeaux des postes, elle paraît très rustique ; signalons enfin le bœuf des îles du Tchad, sans bosse, ayant de grosses cornes, dont la taille atteint celle du grand zébu, fortement charpenté, mauvais animal de boucherie, mais bon animal de transport. _Rendement en lait et beurre._ — A Koussri dans le Bas-Chari on a obtenu en 1900 un rendement moyen de deux litres de lait par vache. A Ndellé, pays de Senoussi, une vache type arabe a donné pendant quatre mois (saison sèche) deux litres et demi de lait par jour. A Fort-Archambault, en août 1903, c’est-à-dire pendant la saison des pluies, époque où l’herbe est belle et tendre, sur 10 vaches, on a obtenu un rendement moyen de 2 litres 58 par jour. Le 11 août trois de ces vaches ont donné l’une 5 litres 17, la seconde 4 litres 65, et la troisième 4 litres 13. Le rendement en beurre a été de 40 grammes de beurre par litre de lait. _Ennemis du bétail._ — Un ennemi redoutable du bétail est la mouche nommée Boguéné, Bodjéné, Boadjani (Tsétsé) par les Arabes qui occasionne une mortalité considérable dans les troupeaux qui s’aventurent dans les endroits où elle existe. Cette mouche pique comme le taon. Elle est particulièrement abondante le long des rives boisées et toujours plus ou moins marécageuses des cours d’eau importants et dans les parties boisées confinant à ces cours d’eau. Dans les parties surélevées et découvertes elle n’existe pas, et il en est de même de beaucoup de régions plus ou moins boisées n’étant pas en contact avec les cours d’eau précités. Elle est plus abondante à la saison des pluies qu’à la saison sèche et ne circule pas la nuit. Il existe aussi un moucheron nommé Douche par les Peuls possédant un appareil de succion comme la tsétsé (?) qui s’attaque aux paupières du bétail adulte et occasionne parfois la mort quand le nombre en est trop considérable. Il laisse sur la peau de l’homme une petite tache rouge comme celle que laisse la piqûre de la puce et qui persiste pendant 36 ou 48 heures ; pendant la succion si on chasse le douche, une gouttelette de sang vient perler sur l’épiderme. Comme fauves, citons le lion particulièrement abondant entre Bongo en amont de Fort-Archambault et le poste des Lutos (Arètous), et la panthère. _Élevage dans les autres parties du territoire._ — Dans la colonie l’élevage est possible ailleurs que dans les deux régions spéciales d’élevage citées ci-dessus, et s’il n’est pas pratiqué ce n’est pas parce que le terrain est défavorable, c’est parce que les indigènes qui l’occupent ne sont pas des pasteurs. La région proprement dite de l’élevage a été envahie à une certaine époque par les Arabes et les Peuls, qui avec eux ont amené les troupeaux indispensables à leur existence toute pastorale, et les descendants ont fait ce que les ancêtres avaient fait. C’est donc par tradition que les Arabes et les Peuls actuels sont pasteurs, et c’est par tradition aussi sans doute que les nègres des régions limitrophes considérés avec dédain par les Arabes et les Peuls et qualifiés de Kirdis (sauvages) ne sont pas pasteurs. L’élevage est possible ailleurs et il suffit pour cela de faire un choix judicieux et prudent des emplacements. On peut s’en rapporter pour cela aux bouviers qui, vivant continuellement avec leurs troupeaux, auront vite déterminé les endroits favorables. Le sultan Senoussi possédait en 1903 un magnifique troupeau à Ndélé. La même année le poste de Fort-Archambault possédait aussi un magnifique troupeau, une partie au poste même et l’autre partie à Balimba sur le Bahr-el-Azreg. Le troupeau de Fort-Sibut était en bonne voie de prospérité en novembre 1903, quoique ayant reçu des sujets trop jeunes et de race défectueuse. La mission catholique de Bessou (21 kilomètres en amont de Fort-de- Possel sur l’Oubangui) possédait un superbe troupeau, une partie provenant du Chari et l’autre partie de chez le sultan Senoussi. Il est évident que la stabulation pour la nuit et pendant les mauvais temps s’impose dans beaucoup d’endroits. Un troupeau de 33 bœufs et 8 vaches provenant du Bas-Chari a été expédié à Brazzaville où il est arrivé en juillet 1903. Quoique les sujets aient été mal choisis au départ et trop jeunes pour un semblable voyage, la moitié des animaux était dans un état très satisfaisant, l’autre moitié était plus fatiguée. Les types représentés dans ce troupeau étaient les types peul et arabe décrits ci-dessus, la petite race, et la race à grosses cornes des îles du Tchad. En décembre 1904, il restait encore à Brazzaville un certain nombre de têtes provenant de ce troupeau et en particulier quelques beaux sujets du type peul et arabe et métis de ces deux types. H. COURTET. LES CHEVAUX DU MOYEN-LOGONE La région comprise entre le Bamingui et à l’O. la frontière allemande, entre 7° 45 et 10° de latitude N. frontière allemande, est une région où l’on pratique l’élevage du Cheval. On y rencontre deux types : le type du Moyen-Logone, de petite taille (1m,25 à 1m,30) robuste et très rustique ; et plus à l’O., dans la région de Palla, Léré et Binder, le type des plateaux de l’Adamaoua et du Mandara, plus grand, plus élancé, mais moins rustique. C’est ce dernier type qui est préféré par les Baguirmiens et les gens du Ouadaï, qui ne visent dans ce choix que la vitesse de la course, vitesse que sa taille plus grande lui permet. L’occupation de Laï en 1903, et les reconnaissances faites ensuite ont permis de déterminer approximativement les limites de la région d’élevage, et de déclarer que cette région était à ce sujet d’une certaine richesse. MAISTRE avait d’ailleurs signalé, lors de sa célèbre exploration en 1892-1893, qu’il existait dans la région de Laï un grand nombre de Chevaux. La région d’élevage des types du Moyen-Logone s’étend environ à 80 kilomètres à l’O. de Laï et 110 kilomètres à l’E. ; 40 kilomètres au N. de Laï et 110 kilomètres au S. En dehors de ces limites, jusqu’à 10° de latitude N. d’un côté, 7° 45 de l’autre, et jusqu’au voisinage du Bamingui on pratique encore l’élevage mais d’une façon moins intensive. En 1903, d’après les renseignements qui nous ont été fournis à Fort- Archambault, nous avons évalué la population chevaline adulte de cette région à 10.000 têtes environ. Les indigènes prétendent que leur petite race est peu susceptible aux atteintes de la mouche tsétsé, ce qui peut être vrai. Les Baguirmiens sont du même avis, et déclarent que la mouche tsétsé fait des ravages beaucoup plus sérieux dans le type des plateaux de l’Adamaoua et du Mandara, que dans le type du Moyen-Logone. Les Chevaux de l’Adamaoua et du Moyen-Logone s’exportent par razzia ou par impôt en général, dans tout le Baguirmi et de là au Ouadaï. Par le Ouadaï, ils gagnent le Dar Rounga et le pays de Senoussi et ces deux dernières contrées envoient au Ouadaï des esclaves en échange. L’exportation doit être considérable, car en 1903 un chef baguirmien opérant pour le compte du sultan Gaourang a ramené 1.000 Chevaux d’une razzia, et il est fort probable que ce chef en a mis à part selon l’usage, un certain nombre pour son propre compte. Un seul village (Bangoul) payait comme impôt annuel au Baguirmi quinze Chevaux. Certains chefs pour éviter les razzias traitaient avec le Baguirmi pour un impôt annuel, et dans certains endroits, il y avait des représentants du sultan Gaourang. Les petits Chevaux du Moyen-Logone se comportent admirablement en route, dans les sentiers étroits, tortueux, encombrés de troncs d’arbres, dans les futaies si difficiles de bambous, dans les terrains rocheux et escarpés. Au passage à gué des rivières, dans les rivières non guéables on les fait facilement passer à la nage, et ils ont le pied très sûr, qualité appréciable surtout dans les terrains rocheux et escarpés, et dans les grandes plaines sillonnées de profondes crevasses pendant la saison sèche. On peut leur demander des étapes de 30 kilomètres avec un jour de repos après quatre ou cinq jours de marche consécutive. M. CHEVALIER, chef de la mission scientifique Chari-Lac Tchad, a pu faire tous les itinéraires suivis par la mission avec une jument du Moyen- Logone qui lui avait été donnée par le sultan Senoussi, conduire cette jument de Fort-Crampel à Ndélé, faire les parcours du pays de Senoussi et du Mamoun, de Ndélé à Fort-Archambault, du lac Iro, du territoire de Korbol dans le Baguirmi, du Baguirmi au Kanem, du Kanem à Fort-Lamy, où M. CHEVALIER s’embarqua. De Fort-Lamy, la jument remonta le Chari, le Bamingui, le Gribingui jusqu’à Fort-Crampel. De Fort-Crampel elle fut ensuite dirigée sur Fort-de-Possel (Oubangui) et de là à la mission catholique de la Sainte-Famille à Bessou, où elle arriva sale par suite du manque de soins et fatiguée, mais encore en bon état. Comme nourriture il est nécessaire d’ajouter à la ration d’herbe de ce Cheval 10 à 12 grammes de sel par jour, et au minimum deux à trois litres de gros mil[553] (Sorgho). Sur la ligne d’étape entre Fort-Sibut et Fort-Crampel, on attribue à la tsétsé et à une foule d’autres causes inconnues, la mortalité considérable qui sévit sur les Chevaux servant au transport des Européens. Il est bien plus rationnel d’attribuer cette mortalité au manque de soins et au surmenage. Il était notoire au moment où nous avons circulé dans cette région, que, si l’Européen ne distribuait pas lui-même la ration de sel au cheval, que s’il ne lui faisait pas distribuer et manger le mil devant lui, le tout allait aux palefreniers et aux boys ; en outre l’Européen a trop souvent considéré que le Cheval que l’Administration lui confiait, était un animal fait pour caracoler, ou pour franchir le plus rapidement possible la distance qui sépare un gîte d’étape d’un autre ; dans de semblables conditions, la mortalité s’explique en partie sans autre intervention. Le cavalier ne doit considérer le Cheval que comme animal de transport, il doit le laisser aller librement son pas et ne forcer l’allure qu’en cas de nécessité absolue. Les indigènes du Moyen-Logone ont grand soin de leurs chevaux, malheureusement leur mors trop rudimentaire leur abîme la bouche, et n’ayant comme selle qu’une peau, qui sert plutôt d’isolateur entre le cavalier et l’animal, il est très rare de voir un Cheval sans plaie ou sans cicatrice de plaie sur le dos. H. COURTET. LA MOUCHE TSÉTSÉ La Tsétsé (Bodjené, Boadjani) est très vive et au moindre mouvement que l’on fait pour s’en emparer elle se déplace, et ce n’est que lorsqu’elle est alourdie par le sang ou pendant la succion que l’on peut la prendre avec la main ; elle frotte ses pattes de devant et celles de derrière et les passe sur sa tête ou ses ailes comme la mouche vulgaire. Sa pose est très légère et on sent instantanément une petite douleur vive qui devient irritante, douleur produite par la piqûre. Son puissant appareil de succion lui permet de gonfler son abdomen dans un temps très court qui varie de 30 à 70 secondes après la piqûre. Entre les 5 et 10 premières secondes on voit par transparence le sang affluer dans l’abdomen (l’auteur a fait ces observations sur lui-même). Elle ne sort que pendant le jour, la nuit elle se blottit dans le feuillage. Dans les territoires du Chari et au pays de Senoussi, on la rencontre le long des rives boisées et toujours plus ou moins marécageuses des cours d’eau importants. On ne la rencontre pas le long des rives dénudées ; à une courte distance des rives boisées ou des endroits inondés où croît la même végétation on ne la rencontre plus. Sur les petits cours d’eau, où la végétation n’est plus celle des rives basses ou inondées on ne la rencontre pas. Elle est plus abondante pendant l’hivernage que pendant la saison sèche. En remontant le Bamingui et le Gribingui en baleinière à la saison des hautes-eaux (septembre-octobre 1903), dès que la baleinière frôlait les arbres, elle était envahie par la Tsétsé à tel point que dans certains endroits les pagayeurs presque nus en étaient incommodés ; dès que la baleinière prenait le milieu de la rivière la mouche devenait rare ou disparaissait. A la tombée du jour les Tsétsés surprises dans la baleinière ne regagnaient pas les arbres, mais se réfugiaient sous la bâche abritant les caisses de matériel ou dans les intervalles de ces caisses. Au cours du voyage entre Fort-Archambault et Fort-Crampel elle n’a été rencontrée qu’à partir de Bongo, endroit où les rives deviennent boisées. Elle a été particulièrement abondante du confluent du Bangoran au confluent de la Vassako des Ngamas, un peu moins abondante plus en amont et retrouvée abondante jusqu’à Fort-Crampel. Les postes de l’Irina, des Arétous (Lutos), de Finda et de Tinguéré sont très dangereux pour les chevaux et il importe de ne pas les laisser séjourner même quelques minutes au voisinage immédiat de la rivière et surtout des parties boisées de la rive. La Tsétsé existe encore en amont de Fort-Crampel et sur la Nana. Elle a également été rencontrée à Fort-Sibut sur la Tomi, affluent de l’Oubangui par la Kémo. En résumé, la mouche Tsétsé existe en plus ou moins grande abondance le long de tous les cours d’eau importants rencontrés et en particulier le long des rives boisées de ces cours d’eau, sauf au voisinage immédiat des centres hydrographiques où ces cours d’eau ne sont que des ruisseaux. Ces principaux cours d’eau sont : Kémo, Tomi, Basse-Nana, Gribingui, Koukourou, Bamingui, Bangoran, Tété, Moussoubourta, Boungoul (Aouk), Diahap ou Mindja, Koumara et Bahr Salamat. H. COURTET. LE COTON AU BORNOU, AU BAGUIRMI ET AU TCHAD Deux espèces de coton sont cultivées au Bornou, au Baguirmi et au Tchad : Le _Gossypium hirsutum_ (Niéré Barma) dans la proportion des deux tiers, et le _Gossypium arboreum_ (Niéré Massara) dans la proportion d’un tiers. Le Niéré Massara comme son nom l’indique est venu du Soudan égyptien[554]. Il a été primitivement l’espèce cultivée dans le continent africain. Le Niéré Barma d’origine américaine (il est la souche du Upland) est arrivé en Afrique centrale par le Soudan occidental où il est répandu partout. Le nom de Barma qu’on lui donne semble indiquer que les Baguirmiens (Barmagués en langue soudanaise) ont eu quelque temps la spécialité de sa culture. Le _Gossypium barbadense_, planté çà et là dans les villages de la côte d’Afrique et dans ceux de la forêt du Congo, est inconnu au Baguirmi, mais on en rencontre quelques touffes chez les Saras de l’Ouest. Il faut joindre à cette énumération le _Gossypium anomalum_ qui croît à l’état sauvage au sud du Kanem, chez les Krédas du Bahr el Ghazal et chez les Koukas du Dar el Hadjer, à l’E. du Tchad. _La culture du coton au Baguirmi._ Tandis que le cotonnier se sème toute l’année dans les Bahrs du Tchad, au Baguirmi on ne le sème qu’à la saison des pluies. L’époque la plus favorable est le mois de juin, c’est-à-dire le début de l’hivernage. Par négligence quelques cultivateurs sèment seulement en septembre, cette pratique défectueuse empêche la plante de fleurir la première année ; de plus la saison sèche arrive trop vite ensuite et cette plante est encore trop faible pour résister convenablement à la sécheresse et au vent d’E. Le coton dans ces conditions reste toujours rachitique. Pour l’ensemencement le sol subit la même préparation que pour le mil ou le sorgho, écobuage et grattage ou léger labour. Les graines au nombre d’une vingtaine sont très légèrement enterrées avec le pied dans des trous espacés de 0m60 à 0m80. La germination se fait très vite. On a la fâcheuse habitude de laisser en place tous les jeunes plants qui sortent (soit une dizaine environ), il est vrai que les plus faibles finissent par disparaître, mais il en reste cependant encore de 3 à 5 qui ne forment qu’une seule touffe, qu’il s’agisse du Niéré Massara ou du Niéré Barma. Nous n’avons vu nulle part repiquer le cotonnier, la racine pivotante se prêtant mal à cette opération. Les deux espèces cultivées vivent de 4 à 5 ans. Les plants du _Gossypium hirsutum_ atteignent en octobre 0m60 à 0m80 de hauteur, ils fleurissent à cette époque et donnent en moyenne de 4 à 8 capsules mûres en décembre. La floraison continue jusqu’à la fin de la saison sèche, mais il ne faut cependant compter que sur un rendement maximum de 20 capsules pour la première année. C’est la deuxième année que le _Gossypium hirsutum_ atteint la taille adulte et donne son plus grand rendement. Les années suivantes une partie des branches se dessèchent, et les inflorescences, beaucoup plus grêles, ne se forment plus que sur certaines pousses latérales à entre-nœuds courts et très chétives. Le _Gossypium arboreum_ fleurit quelquefois la première année et alors donne très peu. C’est seulement la troisième année qu’il atteint son complet développement. Il peut atteindre alors 2m,50 de hauteur et ses rameaux grêles, retombants, couvrent parfois un espace de 1m,20 à 1m,50 de diamètre. L’écartement de 0m,70 donné par les indigènes à la plantation est donc trop faible. Les rameaux de cette espèce se renouvellent chaque année et dans les bons terrains un pied peut vivre 7 ou 8 ans (comme le _Gossypium peruvianum_ de Piura au pied des Andes). Le rendement est naturellement très variable selon la nature du sol. Je ne m’occuperai ici que du rendement des terrains moyens (terres à _Sorgho_) du S. du Baguirmi. Dans les meilleures conditions le _Gossypium hirsutum_ peut donner annuellement dans ces terrains 20 capsules la première année, 50 capsules la deuxième, 30 capsules la troisième, 20 capsules la quatrième et presque rien la cinquième. Voyons ce que cela représente en coton. Des capsules choisies, parfaitement mûres, ont donné à Mandjaffa : +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ | POIDS TOTAL | NOMBRE DE GRAINES |POIDS DES |POIDS DE |RENDEMENT| |GRAINES ET SOIE | | GRAINES | LA SOIE | 0/0 | +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ | 1gr20 |15, dont 4 mauvaises| 0gr96 | 0gr24 | 20 | | | | | | | | 1 24 |16, — 4 — | 0 90 | 0 34 | 27 | | | | | | | | 1 42 |16, toutes bonnes | 1 08 | 0 34 | 24 | | | | | | | | 1 36 |20, dont 3 mauvaises| 1 04 | 0 32 | 23 | +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ En prenant une moyenne on obtient 1gr,30, poids du coton brut d’une capsule et un rapport de la soie au poids total de 23,5 0/0. Comme il s’agit de capsules choisies, il ne faut prendre en réalité que 1gr,25 comme poids moyen et 22,5 0/0 pour le rapport de la soie au poids total. Dans un lot de coton non choisi, non égrené, apporté sur le marché, j’ai trouvé comme rendement 22 0/0 à un premier essai et 23 0/0 à un autre. Pour le _Gossypium arboreum_ et toujours avec des capsules choisies on a les chiffres suivants à Mandjaffa : +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ | POIDS TOTAL | NOMBRE DE GRAINES |POIDS DES |POIDS DE |RENDEMENT| |GRAINES ET SOIE | | GRAINES | LA SOIE | 0/0 | +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ | 1gr70 |17, toutes bonnes | 1gr35 | 0gr35 | 20 | | | | | | | | 1 18 |12, — | 0 97 | 0 21 | 18 | | | | | | | | 1 34 |17, — | 1 07 | 0 27 | 20 | | | | | | | | 0 68 |6, dont 3 mauvaises | 0 52 | 0 16 | 23 | +----------------+--------------------+----------+---------+---------+ Soit un rendement de 20 0/0. Dans les meilleures conditions les rendements par pied sont : première année, rien ; deuxième année, 40 capsules ; troisième année, 80 capsules ; quatrième année, 40 capsules dont beaucoup pèseront moins de 1 gramme. Le défaut capital des cotons du Baguirmi est la brièveté et l’inégalité de longueur des soies. Dans un lot de capsules provenant du même champ on observe des différences très grandes. Cela tient à ce que l’ensemencement se fait sans soins, sans qu’aucune sélection n’intervienne dans le choix des graines. Le _Gossypium arboreum_ a une graine arrondie de 7 millimètres de longueur, recouverte d’un duvet épais, adhérent et verdâtre ; la soie est blanche, longue de 16 à 20 millimètres, très laineuse, scabre et très adhérente. Le _Gossypium hirsutum_ a une graine arrondie de 8 à 9 millimètres de longueur recouverte d’un duvet très court, blanchâtre et peu dense ; la soie est blanche, longue de 20 à 25 millimètres, molle et duveteuse, peu adhérente. Ce coton semble se rapprocher de celui du Texas dont les soies ont de 18 à 25 millimètres de longueur. Tous les cotons de l’Afrique centrale ont la soie très blanche. Quelques capsules ont la soie tachée de jaune, ce qui les déprécie. Cette coloration est probablement due à une petite punaise qui enfonce son suçoir dans les capsules encore vertes qui se dessèchent. En même temps elle laisse ses excréments sur les touffes de soie, ce qui colore fortement en jaune les parties atteintes. Le coton taché ainsi est très commun au Niger. Dans le système radiculaire des deux espèces de coton cultivées au Baguirmi, le pivot des pieds adultes s’enfonce verticalement à une profondeur qui varie de 0m,60 à 0m,80, j’en ai vu rarement aller à plus d’un mètre de profondeur. Les racines latérales plus ou moins nombreuses rampent assez près de la surface du sol, c’est-à-dire à une profondeur inférieure à 0m,30. Les ennemis du coton que nous avons remarqués sont : Une chenille d’un blanc-verdâtre longue de 5 à 6 centimètres mange les fleurs et parfois les feuilles. Un petit coléoptère jaune roux terne fréquent sur toutes les malvacées attaque les feuilles qu’il transforme en véritable dentelle. Des araignées qui enroulent les feuilles autour de leurs cocons. Des punaises dont une espèce perce les jeunes capsules pour en sucer le suc. Enfin des poux et des pucerons. Une maladie dont la cause m’a échappé se manifeste par l’apparition de taches d’un rouge pourpre sur les feuilles. Celles-ci ne tardent pas à rougir entièrement et à tomber. On attribue aux rosées de novembre, décembre et janvier la chute de boutons, l’avortement d’un grand nombre de fleurs et la chute de jeunes capsules ; l’effet se fait beaucoup plus sentir dans les lieux ombragés. L’immersion prolongée des plantations installées au bord des cours d’eau les fait périr. Tous les huit jours les femmes passent dans les plantations pour faire la récolte. Elles cueillent non seulement le coton mûr, mais encore les capsules presque mûres souvent à peine entr’ouvertes. Ces dernières sont étalées sur une natte à l’ombre et s’ouvrent au bout de quelques jours. Ce procédé est défectueux, car les soies des capsules qui n’ont pas mûri sur pied sont moins résistantes et moins brillantes, de plus elles adhèrent fortement aux graines. La récolte commence dès la fin d’octobre[555] et se poursuit presque sans interruption jusqu’à la fin d’avril. C’est pendant les deux mois où la température est la moins élevée, décembre et janvier, que la production est la plus forte. AUG. CHEVALIER. DIVERS =Courges.= — Les Cucurbitacées de ce genre sont très abondamment cultivées en Afrique centrale et se rencontrent autour de tous les villages, spécialement sur les débris de cuisine à proximité des habitations. On les observe parfois sur l’emplacement des villages détruits, mais on ne les observe jamais à l’état spontané. Les Courges d’Afrique n’atteignent jamais la taille prodigieuse des variétés cultivées en France. Cependant le rendement est toujours assez faible et comme cette plante exige un sol très riche, si on ne veut pas se contenter de ce produit il faut associer la culture de la Courge à d’autres cultures. A Fort-Sibut nous avons remarqué que la _Cucurbita maxima_ (Potiron) était fréquemment atteinte d’une maladie cryptogamique. Les feuilles se recouvrent d’efflorescences blanches et se dessèchent ensuite. =Le Pourpier.= — Le Pourpier est abondamment répandu dans toute l’Afrique centrale. Partout où l’homme séjourne quelque temps et établit des cultures, le Pourpier se répand avec rapidité. On le rencontre surtout dans les terrains vagues entourant les villages, mais il s’observe aussi dans les terrains cultivés, le long des sentiers, sur les talus des rivières et des fleuves à proximité des lieux habités. La variété de l’Afrique centrale forme des touffes dressées et a la tige rougeâtre. L’usage de cette plante est à peu près perdu et les indigènes l’utilisent à peine, même en temps de famine. Elle n’est cultivée nulle part. =Eleusine.= — Cette plante est cultivée par les Bandas et les Mandjas. Le grain sert à faire une farine analogue à celle du Sorgho ou du Mil, et une espèce de boisson fermentée. [Illustration : FIG. 110.— _Phaseolus lunatus_. 1. Feuille. — 2. Inflorescence. — 3. Face latérale d’une fleur. — 4. Face postérieure d’une fleur. — 5. Face antérieure d’une fleur. — 6. Etamine isolée. — 7. Grappe de fruits presque à maturité. — 8. Gousse ouverte. — 9. Embryon. — 10. Coupe transversale d’une gousse.] On la rencontre aussi dans le S. du Baguirmi où elle se récolte à la fin d’octobre. =Sésame.= — Le Sésame est la plante la plus cultivée en Afrique centrale pour ses graines oléagineuses. En saison des pluies, on la trouve formant des petits carrés à proximité de tous les groupes de cases. Son rendement est pourtant faible, mais elle donne une huile très estimée des indigènes, et le tourteau est encore utilisé comme nourriture. =Haricot de Lima= (_Phaseolus lunatus_). — Deux variétés de ce haricot existent dans le Haut-Oubangui et le Haut-Chari où elles sont très rustiques et très productives. Pour la variété dont la graine est la plus petite, un kilogramme pris dans des gousses bien sèches sur la plante contient environ 2.250 haricots. L’autre variété, déjà signalée par MAISTRE, paraît plus cultivée par les indigènes que la variété précédente à partir de Fort-Sibut. Beaucoup plus grosse, le kilogramme contient de 1.000 à 1.200 haricots. =Le Riz sauvage du Bas-Chari.= — Les Kotokos en distinguent deux espèces : Le _Gadora ava_ (Kot.) riz rouge venant dans les parties inondées par le fleuve et le _Gadora nkouabé_. Le premier se développe exclusivement dans les lieux baignés par le fleuve, et le second dans les Bouda ou dépressions sans arbres qui s’étendent jusqu’au Tchad et au Bahr el Ghazal, et dans tout le Baguirmi ; c’est ce dernier que nous avons surtout étudié. Il croît dans les flaques d’eau ayant de 0m,20 à 0m,80 de profondeur en septembre et qui sont asséchées ou presque asséchées au 15 octobre. Les chaumes émergent de 0m,30 à 0m,50 au-dessus de l’eau. Il commence à mûrir dès que les mares s’assèchent. Les Kotokos nomment la paille de riz _Ngouafan_ et les petites gerbes _Yaban Gadora_. AUG. CHEVALIER et H. COURTET. [Note 552 : Nachtigal signale une épizootie qui sévit un peu avant son passage chez les Dekenas (Dagana) en 1873.] [Note 553 : Le petit mil ne vaut rien pour les Chevaux, son grain est trop petit et ils ne peuvent le broyer, ils l’avalent donc en majeure partie sans être broyé.] [Note 554 : El Massar signifie en arabe, l’Egypte et plus particulièrement la ville du Caire.] [Note 555 : Au Tchad, la saison des pluies va ordinairement de juillet au 15 septembre, soit deux mois et demi, pendant lesquels il tombe une quinzaine d’averses. Au Baguirmi elle est un peu plus longue et va de juin à octobre, soit 4 mois, il tombe environ 50 centimètres d’eau. Dès octobre, la saison sèche se fait sentir et les capsules commencent à mûrir.] =PRÉHISTOIRE & ETHNOGRAPHIE= PAR AUG. CHEVALIER. PRÉHISTOIRE ET ETHNOGRAPHIE SUR L’ANTIQUITÉ DE L’HOMME EN AFRIQUE CENTRALE Les documents tirés de la préhistoire qui pourraient nous éclairer sur l’ancienneté de l’homme en Afrique centrale sont aussi pauvres que ceux que BARTH et NACHTIGAL ont exhumés de l’histoire ou de la tradition. C’est à désespérer de lever jamais le voile qui recouvre le passé de ces contrées. D’où sont venus les Peuls ? Quels rapports ont existés entre les Barmas et les Bambaras dans les langues desquels on retrouve un certain nombre de mots communs, et notamment le nom du mil (Nion), base de l’alimentation au Soudan ? Mystère. Les documents de l’âge de la pierre sont rares ; j’ai visité une cinquantaine de cavernes au Dar Banda, chez les troglodites Noubas et Bouas, et partout les parois sont enfumées, mais le fond ne contient que des débris de poteries semblables à celles qu’on fabrique actuellement. Nulle part nous n’avons rencontré de monuments mégalitiques bien que les gros blocs de granit éboulés des massifs se prêtent fort bien à ce genre d’architecture. Je n’ai point rencontré de traces de la période paléolitique. La période néolithique n’a laissé que des témoins fort rares dans les régions que j’ai parcourues. On a vu entre les mains des Ngaos de Ndélé, originaires du Gribingui, des objets en pierre dont ils se servaient comme affutoirs. A Moïto on m’a donné une petite hachette longue de 4 centimètres sur 3cm,5 de large. Il paraît qu’elle aurait été trouvée à Aouni. On n’acquiert que fort rarement de ces instruments, car les indigènes leur attachent de nombreuses vertus parce qu’ils les croient tombés du ciel. On en rencontre parfois çà et là à travers le Baguirmi et le pays Kotoko ; mais c’est surtout dans les Empires du Nord, Ouadaï et Bornou, qu’on les trouve en grande quantité. Les caravanes en font même un petit commerce et les vendent comme pierres à fusil[556]. Un Ouadaïen qui vint me voir à Aouni, Bayouri, me dit que les objets en pierre polie abondent à trois jours de marche au N. d’Aouni ; qu’on pourrait, sur certains points du pays des Krédas, en ramasser plusieurs charges de chameau à la même place[557] ; qu’on en trouve aussi en quantité aux environs d’Abeschr, capitale du Ouadaï. D’après Bayouri, ces objets sont de diverses formes et de toutes tailles, depuis 4 centimètres de long jusqu’à 40 centimètres. La tradition n’a point conservé la nomenclature des peuplades qui se sont succédées dans ces contrées. Tout porte à croire qu’elles étaient autrefois infiniment plus nombreuses et plus riches qu’aujourd’hui. Partout où l’on creuse le sol, au pays Sara, sur les bords du Chari, aux environs du lac Iro, sur les plateaux de Ndéllé, à la base des rochers de Moïto, on retire de terre, jusqu’à 1 mètre et même 2 mètres de profondeur, des morceaux de charbon et des débris de poteries tout à fait semblables aux amphores qui se fabriquent encore de nos jours. Les scories de fer de Kome chez les Ndamms indiquent une très longue exploitation ; de même que les carrières de latérite sur les bords du lac Iro où l’on prélève simplement la terre employée pour l’aire des cases. Tous les pics au N. du 10e parallèle ont été habités par des peuplades qui y ont laissé des traces innombrables. Çà et là comme près des Niellims, et de Korbol, il y avait des ateliers pour fabriquer les pilons grossiers à moudre le grain ; de nombreux éclats de granit provenant de cette industrie gisent au pied de ces rochers ; ailleurs ce sont de petits murs ou des tas de pierres dont les uns comme aux Niellims, indiquent l’emplacement d’une sépulture, dont les autres ont été simplement entassés pour débarrasser les terrains cultivés. C’est certainement entre le Niger et le Tchad qu’a pris naissance la civilisation soudanienne. Si elle était venue d’Égypte elle aurait laissé des traces sur sa route. Les pays Haoussas, le Bornou et les pays Somraï ont été les centres où cette civilisation a vu son essor. Elle était arrivée à un développement assez élevé : travail du cuivre et de l’or, préparation des cuirs, tissage du coton et teinture des cuirs et des étoffes, culture du riz et du froment, construction en briques sèches du style de Djenné. Du Bornou et de la boucle du Niger cette civilisation rayonnait vers les pays limitrophes, à l’O. sur l’empire de Mali, à l’E. sur le Baguirmi et le Ouadaï, mais en s’atténuant à mesure qu’elle s’éloignait de son foyer. Au Ouadaï on connaît à peine la construction en terre et l’on ignore l’art de la teinture. Il est vraisemblable que cette civilisation était florissante avant l’introduction de l’Islam et que cette religion n’a fait que provoquer le plein épanouissement des germes latents. C’est sur l’Islam que se sont édifiés les empires qui ont prospéré durant le Moyen Age et les temps modernes. Puis la décadence de ces empires a commencé dès le début du siècle dernier. La pénétration des armes à feu en a été la cause. Avec les engins de destruction plus meurtriers que leur fournissait l’Europe, les sultans ont voulu se mesurer, terminer les vieilles rivalités, agrandir leurs Etats. L’esprit de conquête s’est réveillé plus fort que jamais. De là ces ruines accumulées par les guerres d’Empire à Empire, par l’ambition du moindre trafiquant qui, possesseur de quelques fusils, peut espérer fonder un État et qui, comme Senoussi, y réussit quelquefois. Une autre cause a précipité la décadence de la civilisation soudanaise et la dépopulation des régions voisines : c’est l’esclavage. Avec les guerres entre Empires, il prend de l’extension. On a besoin de recrues pour faire des soldats : on va les chercher chez les païens. On a besoin de captifs pour récompenser les services des chefs militaires ou acheter des fusils, on va les chercher chez les fétichistes. Les femmes esclaves deviennent les épouses avouées ou non des conquérants. Le génie de la population supérieure disparaît peu à peu dans les croisements. En outre le vainqueur ne travaille plus. C’est une honte pour un prétendu Arabe de toucher un outil de culture. Les fétichistes, razziés chaque année, abandonnent leurs villages et leurs champs, parfois aussi bien soignés que ceux de nos paysans. Les survivants se sauvent dans la brousse. Les populations agricoles, Bandas, Saras, disparaissaient. Au moment où l’Europe a pris possession du centre de l’Afrique, le Soudan allait devenir un désert. L’intervention de la France, de l’Angleterre, leurs luttes contre des bandits comme Samory et Rabah, a pu sembler et a été parfois la défense de la civilisation, la protection de la vie humaine. PIERRES POLIES ANCIENNES Les pierres polies que la mission a recueillies dans la région du Fittri et du Tchad forment deux groupes sortant certainement d’ateliers différents. Le premier groupe est constitué par des instruments recueillis au S. du lac Fittri (pl. VI). Ils sont tous en porphyrite, roche dure qui affleure à 24 kilomètres environ au S. du lac où la plupart ont été trouvés à Korbou et Boullong. Un d’entre eux a été trouvé à El Amer, localité beaucoup plus éloignée et située à 84 kilomètres environ au S.-O. du lac. Ils possèdent tous une forme d’ensemble plus ou moins allongée qui va jusqu’au poinçon (no 8 de la planche), forme qui, conjointement avec la nature de la roche, indique une commune origine. Beaucoup semblent être des percuteurs. Le second groupe (pl. VII, nos 13 à 27) est constitué par des instruments recueillis pour la plupart dans le Dar el Hadjer (pays des roches), c’est-à-dire dans la région de l’ancien lac Baro entre le lac Fittri et le Tchad. Quelques-uns proviennent de la plaine de Massakori et même du poste de Bol situé sur la rive N. du Tchad. Ils sont en porphyrite, en rhyolite, ou en roche quartzeuse provenant vraisemblablement de cailloux roulés. La forme d’ensemble diffère de la précédente, les instruments sont moins allongés, mieux finis, plus tranchants, et on peut admettre qu’ils servaient à la préparation des peaux. Certains de ces objets en rhyolite ont une surface non attaquée par les agents atmosphériques, ce qui indique qu’ils ont été soustraits à l’action de ces agents, soit qu’ils aient été enterrés dès leur origine, soit de toute autre manière. Le no 28 de la pl. VII est un grattoir en quartzite bien aiguisé. PIERRES UTILISÉES DE NOS JOURS _Percuteurs._ — La mission a recueilli dans la région du lac Iro quelques percuteurs sphériques en granite. Ces percuteurs sont utilisés par les Goullas pour briser les noyaux durs de certains fruits à amandes comestibles. Ils sont plus ou moins bruts ou polis selon la durée de leur usage. Le no 1 de la figure 111 représente un de ces percuteurs recueilli à Moufa. [Illustration : FIG. 111. — Pierres utilisées de nos jours.] Un percuteur analogue en granite a été également recueilli entre le pays des Goulfés et Korbol. Un autre sub-sphérique, galet roulé quartzeux, a été recueilli dans le Dar el Hadjer. Enfin au début de la mission, sur l’Oubangui, au village de Bafourou, entre Bangui et Fort-de-Possel, nous avons recueilli un percuteur sphérique, de forme vraisemblablement naturelle, qui servait à briser les noyaux des fruits de l’_Irvingia_, dont l’amande est comestible. _Broyeurs._ — La mission a recueilli dans le Dékakiré une plaque de gneiss poli provenant de Djember. Cette plaque servait à écraser les grains de mil et d’autres graminées. Dans le pays de Senoussi, à Ndellé, il a été recueilli un grand fragment de galet roulé (quartzite) séparé suivant deux plans parallèles de stratification. Les bords polis de cet instrument servaient à réduire le tabac en poudre. _Polissoirs._ — Dans la région du lac Iro, les Goullas polissent l’aire en argile battue de leurs cases avec des fragments de granite. Ces fragments prennent par l’usage des formes particulières. Le no 4 de la figure 111 représente un de ces polissoirs en granite de Mali, recueilli au village de Ro qui venait d’être détruit par Senoussi. _Pierres à aiguiser._ — Les numéros 2 et 3 de la figure 111 montrent deux pierres à aiguiser les couteaux recueillies dans la région du Tchad. Ces pierres ont été percées pour être suspendues. Les Djellabahs emportent avec eux des fragments de roches quartzeuses qui servent pour affuter les couteaux, l’usage leur donne certaines formes. [Note 556 : Elles se nomment Razzo (arabe), Tott hell (Baguirmien), Masson en ouadaïen.] [Note 557 : Il me cita notamment les localités suivantes, à 3 ou 4 jours au N.-E. d’Aouni : Ouali, Iméi, Gounfout, Am Goutouna (Goudouna), Bay. Toutefois les Krédas que j’interrogeai à Massakori n’ont connaissance de rien d’analogue.] =LA GALERIE FORESTIÈRE= PAR AUG. CHEVALIER LA GALERIE FORESTIÈRE Si la végétation soudanaise était réduite aux savanes boisées présentant l’aspect parc et brousse, elle serait d’une pauvreté très grande, d’une monotonie désespérante. Dans toute cette zone, heureusement, le bord des moindres ruisseaux est jalonné de hautes futaies formant d’étroites bandes verdoyantes remplissant complètement le ravin, large au plus d’une centaine de mètres et souvent de 20 mètres seulement. Au fond du ravin coule un clair filet d’eau qui va se perdre dans une rivière moins encaissée qui à son tour ne présente plus sur sa rive qu’un très étroit ruban d’arbres et d’arbustes analogue à la bordure des berges de toutes les rivières de France. Cette superbe et grandiose futaie qui environne tous les petits cours d’eau du Soudan méridional, est généralement connue aujourd’hui des géographes sous le nom de _galerie forestière_, depuis que G. SCHWEINFURTH et JUNKER en ont publié des descriptions et des dessins pris sur le vif : La galerie forestière est non seulement le décor verdoyant des plaines et des collines du pays de Senoussi, elle en est aussi la richesse. C’est sur ses bords que croissent les plus grandes lianes à caoutchouc (_Landolphia owariensis_) ; c’est dans son épais fouillis qu’on trouve les grands caféiers de l’Afrique centrale (_Coffea Dybowskii_ et _Coffea excelsa_), les lianes à poivre (_Piper guineensis_), le poivre d’Ethiopie (_Xylopia æthiopica_), le palmier raphia du Haut-Bahr el Ghazal (_Raphia monbuttorum_) et parfois des palmiers à huile (_Elæis guineensis_). C’est aussi au milieu de ces hautes futaies, véritables tentacules prolongeant la grande sylve équatoriale jusqu’au cœur du Soudan qu’on rencontre les bois les plus précieux pour cette région, notamment l’acajou de l’Oubangui (_Khaya grandifoliolata_ C. de Candolle), le tilleul d’Afrique (_Nauclea stipulacea_), le grand colatier voisin du Ntaba du Sénégal (_Cola gigantea_ A. Chev.), le bois rouge inattaquable aux termites dont l’écorce en d’autres pays sert de poison d’épreuve (_Erythrophlæum guineense_), le bois jaune (_sarcocephalus xanthoxylon_ A. Chev.), des fromagers, etc. C’est dans les branchages de ces grands arbres que vivent les Colobes Guéréza et parfois au dire de Senoussi le chimpanzé. Pour celui qui ne l’a jamais vue il est difficile de se faire une idée de l’aspect et de la galerie forestière et de sa composition. Par la figure 112 demi-schématique qui représente la moitié de la galerie du Boro large de 50 à 80 mètres, le lecteur verra combien cette composition est variée. Nous avons supposé une ligne idéale coupant transversalement le cours du ruisseau et montrant les divers escaliers qu’il faut descendre pour arriver à la nappe liquide. De 1 à 6 on remarque la limite de la savane-parc, avec les principaux végétaux caractéristiques : en 1 les grandes herbes-roseaux hautes de 2 à 3 mètres appartenant surtout au genre _Andropogon_, en 2 un des arbres les plus abondants de la savane, le _Lophira alata_, en 3 un gros monticule de terre, large de 5 à 10 mètres et haut de 1 à 3 mètres au dessus du niveau du sol. Ces gros monticules, arrondis, très abondants dans toute la savane à proximité des ruisseaux, paraissent être d’anciennes termitières ayant eu une durée séculaire et parfois abandonnées depuis longtemps. Ces monticules sont occupés par une végétation spéciale qui empêche l’eau des pluies de les niveler. Sur les flancs de la butte existent presque constamment des _Sanseviera_ et au sommet une touffe plus ou moins forte de Tamarinier (_Tamarindus indica_). En 4 de grosses touffes du bambou d’Abyssinie aux rhizomes vivaces, mais dont les grands chaumes hauts de 8 à 12 mètres sont bisannuels ; en 5 une touffe de l’_Encephalartos septentrionalis_ Schweinf., cette cycadée si curieuse que l’on ne rencontre que dans le Haut-Nil et le Haut-Chari. 6 marque la première berge du ravin bordé d’une rangée d’arbres de moyenne grandeur parmi lesquels domine le _Vitex cuneata_. Dans la galerie forestière il n’existe ordinairement pas de lianes à caoutchouc ; celles-ci vivent à travers la savane ou bien s’appuient sur le bord extérieur des arbres de la galerie : elles s’élèvent à une quinzaine de mètres au maximum. En 7 existe une de ces lianes allant s’appuyer sur le _Vitex_ et envoyant un long sarment sur le gros arbre du fond de la galerie dont les premières branches viennent affleurer au niveau du terrain de la savane. De 6 à 9 on descend par une pente raide dans une dépression profonde de 5 à 15 mètres ; au fond est la galerie proprement dite. Sur cette pente on trouve des arbustes ou de petits arbres et notamment le _Coffea excelsa_ représenté en 8. [Illustration : FIG. 112. — Schéma d’une galerie forestière.] De 9 à 16 s’étend la demi-galerie comprise entre la savane et l’un des côtés du ruisseau. Le sol est noir et couvert d’humus (voir les analyses de M. Hébert) ; la lumière filtre à peine à travers le feuillage des arbres qui forment ordinairement deux étages superposés. La composition de cette galerie est entièrement analogue à celle de la forêt vierge équatoriale. En 9 existe une liane légumineuse (_Dalbergia_) qui grimpe au haut des plus grands arbres, s’étale sur leur cime en vaste draperie enveloppante, descend, remonte, saute d’un arbre à l’autre en décrivant les courbes les plus fantastiques ; son tronc grêle atteint parfois plus de 100 mètres de développement. En 10 existe le _Costus afer_, plante herbacée haute de 2 mètres, employée par de nombreuses races de la forêt congolaise pour coaguler le latex des lianes à caoutchouc. En 11 un de ces hauts arbres (_Erytrophlæum_) qui s’élève jusqu’à 35 à 40 mètres de haut et dont le tronc est dépourvu d’épiphytes, tandis que les branches étalées horizontalement supportent souvent de grosses touffes d’orchidées ou des fougères du genre _Platycerium_. En 12 est une touffe de ce palmier grimpant du genre _Calamus_ dont la tige est garnie d’aiguillons très piquants et dont les feuilles se terminent par de longs flagellums de plusieurs mètres de long et dont la piqûre est très redoutable pour le voyageur. En 12 le dessin représente encore un très grand arbre, mais son port diffère complètement du précédent. C’est un Ficus qui a germé dans la fourche d’un arbre ; les racines adventives ont descendu le long du tronc formant un réseau puissant d’anastomoses, réseau qui a enserré si fortement le tronc de l’arbre support qu’il l’a tué pour se substituer à lui. En 8 bis existe encore un caféier sauvage ; en 14 nous avons représenté un grand arbre (Afzelia) qui au lieu d’avoir le tronc nu comme le no 11 présente au contraire toute une gaine de végétation épiphyte (Aroidées grimpantes et poivrier de Guinée). En 15 on voit encore un caféier. En 16 existe un second escarpement qui limite de ce côté le lit actuel du ruisseau au moment des crues. Son bord escarpé est couvert de petits buissons vivant dans le sous-bois et penchés sur le ruisseau. Nous avons noté surtout l’abondance d’une guttifère à latex jaune du genre _Garcinia_ dans ce genre de station. De là on descend d’un mètre à peine pour tomber dans le lit du ruisseau qui ne forme plus qu’un étroit filet d’eau serpentant entre des bandes de sable à demi vaseux sur lequel poussent en 17 des Cypéracées. Sur l’autre rive du ruisseau inclinée en pente douce on observe un véritable fouillis de hautes scitaminées des genres _Costus_ et _Aframomum_ qui sont les genres les plus caractéristiques des sous-bois dans la forêt vierge. De l’autre côté du lit du ruisseau on trouve de hauts arbres dont les branches rejoignent les rameaux de la rive opposée, formant ainsi un immense dôme de verdure, sur les flancs duquel les fûts des troncs d’arbres, tantôt nus, tantôt garnis d’épiphytes, s’élèvent comme les colonnes d’une cathédrale. La zone des galeries forestières, dans le Soudan central ne monte pas au delà du 8e degré de lat. N., tandis que dans le Soudan nigérien elle ne s’arrête qu’au 12e paralèlle. TABLES & INDEX L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE PAR M. AUG. CHEVALIER * * * * * TABLE DES MATIÈRES Pages INTRODUCTION V CHAP. I. — =La route de l’Afrique centrale.= I. — De Bordeaux à Brazzaville 1 II. — Etudes botaniques autour de Brazzaville. — Le 8 caoutchouc des herbes III. — De Brazzaville à Bangui 12 CHAP. II. — =Le Haut-Oubangui.= I. — De Bangui à Fort-Sibut 28 II. — De Fort-Sibut à la Haute-Kémo et à la Haute-Ombella 66 CHAP. III. — =De Fort-Sibut à Ndellé= 80 CHAP. IV. — =Les populations de la forêt et des hauts plateaux.= I. — Les Sylvatiques et les Fertits 88 II. — Les Bandas 96 III. — Les Mandjias 107 CHAP. V. — =Généralités sur le Haut-Chari= 116 CHAP. VI. — =Le Sultan Senoussi.= I. — Origines de Senoussi et de son état 129 II. — Sa personnalité. — Sa vie à Ndellé 141 III. — Sa puissance militaire 145 IV. — Comment le Sultan exploite le pays 152 CHAP. VII. — =Excursion autour de Ndellé.= I. — Vers la Tété 165 II. — Voyage au Bangoran 182 III. — Voyage au Mamoun 183 IV. — De Ndellé à Ngara et au Bamingui 200 CHAP. VIII. — =Généralités sur le pays de Senoussi.= I. — Aperçu général 209 II. — Aperçu sur la météorologie de Ndellé 214 III. — Végétation et agriculture 216 CHAP. IX. — =Le Dar Banda.= I. — Histoire du Dar Banda 225 II. — Les Roungas 228 III. — Renseignements divers recueillis à Ndellé 230 IV. — Notes sur les peuplades du Haut-Oubangui et notes 232 diverses CHAP. X. — =Le moyen-Chari.= I. — Hydrographie, généralités 235 II. — Le Bahr el Abiod (Bamingui) et le Chari 239 III. — Excursions à l’O. du Chari 244 CHAP. XI. — =Le Lac Iro.= I. — Généralités 260 II. — En route pour le lac 262 III. — Pays des Goulfés ou Koulfés 278 IV. — Autour du Lac 292 V. — Chez les Saras de l’E. et retour chez les Koulfés 300 CHAP. XII. — =Le Sud du Baguirmi.= I. — Le pays des Noubas ou Faguias 307 II. — Le Dekakiré 315 III. — La région du Bahr el Erguig 321 IV. — Le climat de Tcheckna 330 V. — Les cours d’eau 331 VI. — Les marais entre Massénia et le Ba Laïri 336 CHAP. XIII. — =Le nord du Baguirmi.= I. — Dans les steppes du Baguirmi 339 II. — Région de Moïto 349 CHAP. XIV. — =Le Baguirmi.= I. — L’esclavage au Baguirmi 355 II. — Le commerce du Baguirmi 360 III. — Histoire 364 IV. — Histoire de Rabi, racontée par Si Sliman, Iman du 370 Sultan Gaourang V. — Notes du Dr Decorse 377 CHAP. XV. — =Le Bahr el Ghazal.= I. — Généralités sur le Bahr el Ghazal 379 II. — Le Bahr el Ghazal à Massakori 382 III. — La région du Haut-Bahr el Ghazal 384 IV. — Les populations du Bahr el Ghazal 386 CHAP. XVI. — =Le Kanem.= I. — Aspect général 396 II. — Climat 397 III. — Flore 397 IV. — Culture et élevage du bétail 398 V. — Elevage des chameaux 400 VI. — Commerce et industrie 402 VII. — Aperçu géologique 402 CHAP. XVII. — =Le Lac Tchad.= I. — Généralités 404 II. — Les Kouris du Tchad 405 III. — Hadjer el Hamis 410 CHAP. XVIII. — =Dernières notes.= I. — Le Chari entre Fort-Lamy et Mandjaffa 417 II. — Le Chari à Mandjaffa 418 III. — Le Chari entre Mandjaffa et les Niellims 419 IV. — Les Routos 424 CONCLUSION 427 APPENDICE * * * * * INDEX DIVERS * * * * * INDEX DES NOMS DE VÉGÉTAUX _Acacia_, p. 62, 215, 248, 281, 290, 295, 296, 297, 308, 323, 333, 338, 339, 348, 352, 390, 392, 398, 401, 431, 433. _Acacia albida_, p. 253, 258, 268, 317, 318, 321, 322, 326, 330, 397, 422, 424. _Acacia arabica_, p. 278, 289, 300, 343, 393, 397, 399. _Acacia pennata_, p. 204, 279, 298, 300, 397. _Acacia tortilis_, p. 281, 393, 412. _Acacia vereck_, p. 328, 397. Acanthacées, p. 70, 74, 76, 221, 328, 347. _Acridocarpus_, p. 190, 273. _Acridocarpus plagiopterus_, p. 75. _Acrospira_, p. 264, 278, 282, 300, 330, 345. _Aframomum_, p. 10. _Afzelia_, p. 41, 166, 210, 215, 273, 326, 328. _Afzelia africana_, p. 182, 308. _Agrostis_, p. 348. _Agrostis vulgaris_, p. 277. _Alisma humilis_, p. 191. Aloès, p. 84, 172, 298. Amarante, p. 26, 37, 76, 86, 352. _Amarantus caudatus_, p. 220, 267. Amaryllidées, p. 27, 277, 328. _Amaryllis nivea_ ? p. 70. _Amorphophallus_, p. 264. Ampélidées, p. 122, 124. _Ampelocissus_, p. 122, 123, 290, 323. _Ampelocissus bombycina_, p. 123. _Ampelocissus Chantinii_, p. 123. _Ampelocissus multistriata_, p. 123. Ananas, p. 8. _Andropogon_, p. 8, 14, 16, 61, 62, 84, 177, 191, 192, 252, 259, 267, 278, 287, 289, 294, 295, 341, 346, 415, 418, 421. _Andropogonées_, p. 10, 72, 197. _Andropogon hirtum_, p. 268. _Andropogon nigritanum_, p. 53. _Anogeissus_, p. 215, 279, 290, 295, 297, 315, 322, 323, 346. _Anogeissus leiocarpus_, p. 248, 397. _Anona senegalensis_, p. 5. _Anthericum_, p. 264, 323. _Anthocleista_, p. 84. Arachide, p. 7, 56, 70, 78, 217, 218, 220, 229, 245, 252, 267, 273, 304, 312, 317, 328, 391. Aroïdées, p. 111, 188. Aroïdées épiphytes, p. 37. _Arundo_, p. 413, 414, 421. Asclépiadées, p. 323, 382, 396, 397. Aubergine, p. 20, 86. Avielle myrtille, p. 10. Avocatier, p. 8, 57, 127. _Azolla pinnata_, p. 262. _Balanites_, p. 251, 253, 290, 296, 322, 323, 326, 330, 340, 346, 382, 398, 401, 412. _Balanites ægyptiaca_, p. 195, 213, 279, 297. _Balsamodendron_, p. 406. Bambou, p. 78, 167, 177, 215, 233, 248, 249. Bananiers, p. 8, 14, 16, 19, 22, 24, 26, 27, 55, 82, 106, 220, 233. _Banga_, p. 66. Barbadine, p. 57. Basilic (_Ocymum_), p. 220. _Bauhinia_, p. 190, 295, 315, 346, 401, 415. _Bauhinia reticulata_, p. 34, 191, 298. _Bauhinia rufescens_, p. 412. _Berlinia_, p. 15. Bignoniacées, p. 297, 298, 397, 412. _Blechnum spicatum_, p. 75. Blé, p. 391, 399. _Bombax buonopozense_, p. 84. _Borassus_, p. 50, 178, 213, 233, 250, 253, 268, 316, 318, 321, 322, 326, 417. _Boscia_, p. 187, 323. _Boscia senegalensis_, p. 213, 298. Bourgou, p. 333, 421. Brizes, p. 277. _Butyrospermum_, p. 126, 127, 176, 186, 190, 215, 220, 222, 248, 251, 279, 424. _Butyrospermum mangifolium_, p. 126. Cæsalpiniées, p. 17, 19. Caféier de Liberia, p. 7, 34, 170, 176. Cailcédrat, p. 213, 297, 322. _Calamus_, p. 13, 41, 168, 174, 179. _Caillea_, p. 290, 298, 323, 412. _Caillea dicrostachys_, p. 34, 279. _Calotropis_, p. 316, 381, 382, 412, 414. Canne à sucre, p. 51. _Caoutchouc des herbes_, p. 9. _Caoutchouc des racines_, p. 9. _Capparis_, p. 187, 279, 297, 323, 330, 396, 401. _Capparis mordo_, p. 393. _Capparis sodada_, p. 397. _Capparis tomentosa_, p. 401. Capparidées, p. 187, 259, 278, 296, 397. _Capsicum frutescens_, p. 16, 219. _Cadalvena spectabilis_, p. 277. Catjang, p. 304. _Carpodinus lanceolatus_, p. 9, 10. _Cassia fistula_, p. 63, 298, 328. _Cassia occidentalis_, p. 37. _Cassytha filiformis_, p. 323. _Celtis_, p. 312, 330. _Celtis integrifolius_, p. 297, 322, 412. Centaurée, p. 415. _Ceratophyllum_, p. 265. _Ceteria_, p. 346. Chanvre, p. 16, 20, 26, 328, 416. _Chlorophytum_, p. 264, 323. _Cissus_, p. 122, 123, 172, 323. _Cissus bignonioïdes_, p. 124. _Cissus cæsia_, p. 124. _Cissus cornifolia_, p. 124. _Cissus populnea_, p. 124. _Cissus quadrangularis_, p. 82, 290, 322. Citronnier, p. 17, 18, 22, 26, 57, 64, 65. Cléomes, p. 352. _Clitandra_, p. 184. _Clitandra Schweinfurthii_, p. 61. _Cocculus leæba_, p. 354. _Codarium nitidum_. _Coffea congensis_, p. 35, 47. _Coffea Dewevrei_, p. 34. _Coffea excelsa_, p. 168, 176, 178. _Coffea obscura_, p. 174. _Coffea silvatica_ A. CHEV., p. 34. _Coffea Staudtii_, p. 34. _Cola Ballayi_, p. 32. Coleus, p. 34, 56, 57, 317. _Coleus Dazo_, p. 55, 221. _Coleus rotundifolius_, p. 55, 204, 221. _Colocasia_, p. 26. _Colocasia antiquorum_ ? p. 74, 114. _Commelina_, p. 347. _Commiphora_, p. 279, 323, 352, 398. Combrétacées, p. 19, 182, 326. _Combretum_, p. 15, 62, 77, 171, 176, 213, 214, 215. _Combretum aculeatum_, p. 187, 213, 290, 401. _Combretum album_, p. 323. _Combretum glutinosum_, p. 191, 266, 279, 322, 333, 346, 397. _Combretum micranthum_, p. 298. _Combretum reticulatum_, p. 298. _Combretum spinosum_, p. 298. Composées, p. 328. _Conocarpus_, p. 328. Copaliers, p. 15, 17, 18, 19, 22, 23, 32, 37. _Corchorus_, p. 70, 112, 220, 412. _Corchorus olitorius_, p. 414. Convolvulacées, p. 397. _Copaiba_, p. 15. _Copaiba Mopane_, p. 15. Courges, p. 20, 219, 220, 245, 300, 317, 327, 328, 417. Cotonnier, p. 76, 82, 194, 218, 239, 267, 284, 327, 304, 328, 393, 399, 416. _Cratæva religiosa_, p. 412. _Crinum_, p. 264, 278, 282, 287, 289, 295, 298, 300, 323, 326. _Crinum giganteum_, p. 93. _Crinum pauciflorum_, p. 267, 345. _Crinum Sanderianum_, p. 93. _Crossopteryx febrifuga_, p. 5. Crucifères, p. 397. Cucurbitacées, p. 56, 62, 219, 397, 415, 416. _Cucurbita maxima_, p. 56. _Cucurbita moschata_, p. 56. _Cucumis_, p. 56, 57, 219, 322. _Culcasia_, p. 209. Cyperacées, p. 74, 259, 277, 295, 323, 383, 413, 414, 415. _Cyperus_, p. 294. _Cynodon_, p. 415. _Cytharexylon_, p. 417. _Dactyloctenium_, p. 342, 331, 346. _Daniella_, p. 62, 176, 184, 186, 188, 210, 216, 229, 248, 249, 268, 273, 292, 308, 326, 328. _Daniella thurifera_, p. 322, 424. Dattiers, p. 391. Dattes, p. 399. Dazo, p. 78, 233, 328. _Detarium_, p. 62, 166, 184, 190, 214, 215, 216, 273, 326, 328. _Detarium senegalense_, p. 298. _Dioscorea_, p. 26, 112, 323. _Dioscorea alata_, p. 112, 220, 267. _Dioscorea anthropophagorum_, p. 92. _Dioscorea sativa_, p. 220. _Diospyros_, p. 259, 278, 290, 417. _Diospyros mespoliformis_, p. 213, 298. _Dipcadi_, p. 323, 326, 330. _Doum_, p. 253, 352, 387, 393, 398, 406. _Dracæna_, p. 27, 71, 72. Ebéniers, p. 330. _Elæis_, p. 14, 18, 19, 20, 22, 23, 25, 27, 50, 71, 90, 168, 176, 190. _Eleusine_, p. 56, 86, 166, 168, 217, 218, 322, 328, 342, 424. _Eleusine indica_, p. 53, 72. _Encephalartos septentrionalis_, p. 184. _Entada_, p. 62. _Eriodendron_, p. 17, 71, 253. _Eriodendron anfractuosum_, p. 177, 205. _Erythrophlæum_, p. 187, 214. _Eugenia_, p. 180, 192. _Eugenia guineensis_, p. 176. _Eugenia Michelii_, p. 57. _Eugenia owariensis_, p. 187. _Eulandolphia_, p. 6. _Euphorbia Hermentiana_, p. 92. Euphorbiacée, p. 220. Euphorbe, p. 20, 27, 305. Euphorbes cactiformes, p. 70, 82. Ficus, p. 16, 19, 41, 90, 127, 172, 186, 190, 229, 248, 250, 252, 284, 304, 312, 317, 318, 322, 415. _Ficus lili_, p. 233. _Ficus populifolia_, p. 417. _Ficus Rokko_, p. 109, 131, 267, 284, 289, 297, 315. Ficus Vallis-choudæ, p. 61. Figuier des palabres, p. 314. Fonio, p. 328. Fougères, p. 16, 20, 36. Fromager, p. 27, 32, 268. _Funtumia elastica_, p. 9, 32. _Galeopsis_, p. 348. _Gardenia_, p. 295, 298, 315. _Gardenia Thunbergia_, p. 5, 34. Glaïeul, p. 308. Gombo, p. 317, 327. _Gossypium_, p. 312. _Gossypium barbadense_, p. 86, 218. _Gossypium herbaceum_, p. 86, 218, 229, 245. _Gossypium hirsutum_, p. 218. _Gossypium punctatum_, p. 86, 219. Goyaviers, p. 57. Graminées, p. 10, 39, 63, 195, 251, 259, 261, 264, 277, 317, 322, 323, 331, 338, 348, 352, 383, 384, 397, 402, 413, 414, 415, 418, 424. Graminée saccharifère, p. 38. _Grewia_, p. 112, 315. Groseillier de l’Oubangui, p. 61. _Guiera_, p. 298, 323. _Gynandropsis_, p. 279, 304. _Gynandropsis pentaphylla_, p. 267. Haricot, p. 78, 245, 265, 300. _Hæmanthus_, p. 264. Henné, p. 217. _Heudelotia tomentosa_, p. 298. _Hibiscus_, p. 62. _Hibiscus cannabinus_, p. 219, 322, 412, 416. _Hibiscus esculentus_, p. 26, 86, 220. _Hibiscus sabdariffa_, p. 86, 220, 304. _Hydrosme Chevalieri_, p. 111. _Hyphæne_, p. 250, 257, 258, 268, 281, 298, 316, 318, 321, 322, 326, 411, 412, 417. _Hyphæne guineensis_, p. 3. _Hyptis_, p. 168. _Hyptis spicigera_, p. 166, 221. _Icacina senegalensis_, p. 54, 190. Igname, p. 20, 58, 78, 112, 222, 300, 312, 328. _Imperata cylindrica_, p. 53. Indigo, p. 217, 416. _Indigofera_, p. 348. Indigotiers, p. 327. Ipomæa, p. 37, 62, 294, 295, 323, 418. _Ipomæa involucrata_, p. 170. _Iré_, p. 66. _Irvingia Smithii_, p. 37. _Jussieria_, p. 191. _Jussiæa_, p. 265. Jujubiers, p. 387, 401, 417. Jute, p. 304, 312, 352. Karité, p. 127, 128, 213, 229, 250, 266, 268, 287, 292, 298, 301, 308, 316, 317. _Kæmpferia_, p. 264, 328. _Kæmpferia æthiopica_, p. 277. _Kæmpferia rosea_, p. 277, 298. _Khaya_, p. 77, 322, 328, 424. _Khaya africana_, p. 75. _Khaya grandifoliolata_, p. 50. _Kigelia_, p. 191, 205, 397. _Kigelia africana_, p. 322. _Kigelia pinnata_, p. 297, 298. Kola, p. 25, 433. Kolatier, p. 20, 27. _Krebs_, p. 392. Labiées, p. 328. _Lagenaria_, p. 20, 26, 56, 70, 219, 267, 327, 416, 422, 424. _Landolphia_, p. 163, 190, 308. _Landolphia amœna_, p. 184. _Landolphia florida_, p. 19, 166, 174, 182, 187, 258. _Landolphia Heudelotii_, p. 174, 184, 210. _Landolphia humilis_, p. 11. _Landolphia Klainei_, p. 5, 6, 9, 15. _Landolphia owariensis_, p. 9, 11, 61, 84, 120, 165, 174, 178, 184, 187, 210. _Landolphia Tholloni_, p. 10, 11, 12. _Landolphiées_, p. 9, 10, 11, 19. Légumineuse, p. 15, 17, 44, 62, 75, 215, 295, 322, 326, 328, 352, 383, 397, 402, 415, 418. _Leptadenia_, p. 415. _Leptadenia lancifolia_, p. 412. _Leptadenia spartum_, p. 354, 397, 412. Liliacées, p. 27, 248, 277, 308, 328. _Lippia_, p. 72. _Lippia adoensis_, p. 62, 222. _Lissochilus_, p. 264. _Lonchocarpus erinaceus_, p. 215. _Lophira_, p. 62, 176, 180, 186, 190, 216, 220, 228, 229, 424. _Loranthus_, p. 62, 187. _Luffa_, p. 56, 70. _Luffa cylindrica_, p. 173. Maïs, p. 26, 37, 54, 55, 56, 58, 70, 78, 105, 156, 217, 218, 229, 300, 304, 391. Malvacées, p. 295, 412. Mandariniers, p. 65. Manguiers, p. 8, 18, 26, 57. Manioc, p. 8, 16, 18, 19, 24, 27, 34, 55, 58, 70, 78, 89, 220, 232, 233, 328, 428. Manioc amer, p. 26. Manioc doux, p. 26. Marantacées, p. 91. Mil, p. 77, 105, 106, 165, 168, 232, 252, 286, 300, 312, 330, 425. Mil sauvage, p. 333. _Mimosa_, p. 296, 333. _Mimosa aspera_, p. 168. _Mimosa asperata_, p. 277, 294. _Mimosa polyacantha_, p. 188. _Mimusops_, p. 47, 215. _Mimusops Chevalieri_, p. 298. _Mucuna_, p. 82. _Musa paradisiaca_, p. 220. _Musa sinensis_, p. 17. _Musanga Smithii_, p. 77. _Mussænda_, p. 60. _Nauclea_, p. 295, 332, 333. _Nauclea inermis_, p. 190, 191, 237, 259. Nénuphar, p. 192, 265, 387, 413. Nété, p. 213, 216. _Nicotiana rustica_, p. 70, 74, 218. _Nicotiana tabacum_, p. 51, 70, 74, 218. Niébé (haricot), p. 217, 218. Ninigago, p. 173. _Nitella_, p. 413. Noix de kola, p. 156. Nsafou, p. 22. _Nymphæa_, p. 191, 413. Oignon, p. 317. _Oncoba spinosa_, p. 101. Orchidées, p. 16, 37, 277, 308. Orchidées épiphytes, p. 23, 36. Orangers, p. 8, 57, 65. _Ormosia_, p. 308. _Orobanchia lutea_, p. 393. _Obseckia_, p. 62. Oseille de Guinée, p. 76, 166, 267, 312, 327. Palmiers, p. 13, 22, 90, 127, 251, 318, 381. Palmier à huile, p. 14, 46, 78, 171. Palmiers rôniers, p. 37. Palétuviers, p. 13. _Pancratium_, p. 323. _Panicum_, p. 46, 53, 61, 259, 267, 331, 333, 339, 346, 348, 383, 399. _Panicum Burgu_, p. 38. _Panicum épineux_, p. 414. _Panicum Sorgho_, p. 217. Papayer, p. 17, 18, 19, 22, 26, 64. _Papyrus_, p. 197, 413. _Parinarium_, p. 229. _Parkia_, p. 41, 176, 184, 186, 215, 222, 248, 251, 266, 279, 298, 301, 308, 317, 424. _Parkia biglobosa_, p. 77. _Parkia filicifolia_, p. 316. Parinarium, p. 37, 75. _Parinarium excelsum_, p. 37. _Paspalum_, p. 53. Pastèque, p. 56, 194, 219, 328. Patate, p. 8, 16, 27, 34, 54, 56, 70, 74, 77, 78, 106, 166, 168, 217, 218, 220, 232, 328. Penicillaria, p. 53, 56, 86, 239, 245, 267, 301, 304, 322, 323, 328, 330, 331, 384, 391, 398, 399, 416, 424. _Penicillaria spicata_, p. 217. _Pennisetum_, 331, 383, 408. _Phœnix_, p. 74, 75. _Phœnix Dybowskii_, p. 84. _Phaseolus lunatus_, p. 58, 220. Pignon d’Inde, p. 300. Piment, p. 19, 312, 327. _Piper Clusii_, p. 173, 177, 187, 209. _Piper guineensis_, p. 35. Piperacées, p. 35. _Pistia_, p. 413. Plante à sel, p. 168. _Platycerium_, p. 37. _Plectranthus_, p. 317, 328. _Poa_, 277, 348. _Podaxon_, p. 354. Poivre du Kissi, p. 36. Poivrier, p. 35, 76. _Polygala_, p. 267. _Polygonum_, p. 281. _Pontederia_, p. 413. Pourpier, p. 26, 37, 304, 220, 312, 352. _Potamogeton_, p. 191, 192. Pourghère, p. 267, 312. _Prosopis_, p. 82, 415. _Prosopis dubia_, p. 298. _Prosopis oblonga_, p. 315. _Pteris aquilina_ L., p. 10. _Pterocarpus_, p. 91, 112. _Raphia monbuttorum_, p. 50. _Raphia_, p. 91, 171, 176, 180, 187, 188. Ricin, p. 20, 37, 82, 86, 166, 168, 194, 220, 267, 312. Rôniers, p. 15, 298, 317. Riz, p. 162, 233, 239, 329, 384. _Salvadora_, p. 354, 398. _Sarcocephalus_, p. 173, 188. _Sarcocephalus esculentus_, p. 5, 71. _Sanseviera_, p. 178, 259. Sapotacées, p. 39. _Scirpus lacustre_, p. 413. Scitaminées, p. 188. _Sclerocarya_, p. 295, 352, 417. _Sclerocarya Birrœa_, 123, 213, 298, 322, 348. _Sesbania_, p. 294, 396, 412, 413, 414. _Sesbania ægyptiaca_, p. 277. Sesame, p. 56, 78, 86, 217, 218, 220, 328. _Setaria_, p. 331. _Smilax Kraussiana_, p. 10. Sorgho, p. 26, 50, 53, 56, 74, 110, 162, 168, 229, 239, 245, 250, 265, 267, 282, 286, 301, 304, 323, 328, 331, 384, 399, 416, 424, 425. _Sterculia tomentosa_, p. 84, 248, 298, 327. Sterculiacées, p. 177. _Synsepalum dulcificum_, p. 39, 47, 127. Tabac, p. 16, 20, 26, 70, 76, 77, 78, 90, 168, 218, 233, 267, 304, 327. _Tacca_, p. 298. _Tacca pinnatifida_, p. 111. _Tamarindus_, p. 62, 186. _Tamarindus indica_, p. 322. Tamariniers, p. 72, 86, 127, 174, 188, 190, 205, 250, 259, 268, 278, 289, 290, 297, 315, 317, 323, 330. Tamaris, p. 397. Taro, p. 78. _Tephrosia_, p. 26, 70, 348. _Tephrosia Vogelii_, p. 17. Térébinthacée, p. 26, 398. _Terminalia_, p. 62, 75, 176, 182, 213, 215, 264, 266, 315, 323, 333, 424. _Terminalia avicennoïdes_, p. 298. _Terminalia macroptera_, p. 279, 298. _Tetrapleura_, p. 112, 222. _Tetrapleura Thonningii_, p. 178. Tiliacée, p. 298, 401, 415. Tomate, p. 16, 19, 327. Tomate aubergine, p. 26. Tomate cerise, p. 37. _Trachylobium hornemannianum_, p. 15. _Trichilia_, p. 264, 266. _Uapaca_, p. 173, 188. _Unona monopetala_, p. 290, 298. Urticacée, p. 13. _Usnea_, p. 37. _Usnea barbata_, p. 27. _Uredo_, p. 326. _Utricularia_, p. 413. Vanille sauvage, p. 36. _Vernonia_, p. 214. Vetiver, p. 8, 333. _Vigna_, p. 56, 70, 250, 317, 323, 328, 391, 398, 399, 417. _Vigne à feuilles ordinaires à tige rugueuse_, p. 124. Vigne du Soudan, p. 122. _Vigne sauvage du Chari_, p. 121. _Vitex_, p. 215, 248, 249, 298. _Vitex cuneata_, p. 75. _Vitis_, p. 122. _Voandzeia_, p. 70, 78, 245, 265, 267, 304, 312, 317, 328. _Vossia_, p. 16, 418, 421. _Vouapa_, p. 166, 176, 184, 210, 216. Voandzou, p. 217, 218. _Wolfia_, p. 339, 413. _Ximenia_, p. 216, 298. _Xanthoxylum_, p. 179. Zingiberacées, p. 19. _Zizyphus_, p. 279, 281, 297. _Zizyphus Baclei_, p. 190. _Zizyphus orthocantha_, p. 397. INDEX DES NOMS D’ANIMAUX Aigrette, p. 193, 292. _Anophèles_, p. 338. Antilope, p. 14, 18, 63, 84, 102, 118, 178, 183, 188, 193, 217, 229, 249, 261, 266, 278. _Aulacode swinderien_, p. 191. _Aulacodus_, p. 213. _Blastophaga_, p. 61. Bœuf, p. 53, 255, 392, 399. Boguéné, p. 223. Bovins, p. 8. Buffle, p. 63, 84, 177, 183. Cabri, p. 19, 78, 252, 255. Caïman, p. 192. Canard, p. 26, 292. Chameau, p. 392, 397, 398, 400. Charançon, p. 398. Chauve-souris, p. 181. Chat, p. 19, 26. Chenille, p. 33. Chevaux, p. 223, 233. Chèvre, p. 26, 53. Chien, p. 19, 26, 268. Cigale, p. 14. Cochenille, p. 44. Coléoptère, p. 33. Crocodile, p. 51, 121, 183, 240, 305, 332, 335. _Culex_, p. 338. Cynocéphale, p. 292. Echassiers, p. 292. Eléphant, p. 20, 33, 63, 76, 84, 120, 129, 162, 177, 178, 179, 193, 217, 249, 262, 278, 287, 326, 415, 425. Girafe, p. 178, 302. Grenouille, p. 14. Grue couronnée, p. 292. _Glossina palpalis_, tsé tsé des bois, p. 44. Grillon, p. 14. Guêpe, p. 43. Héron, p. 193. Hippopotame, p. 14, 16, 20, 121, 183, 192, 200, 236, 240, 260, 262, 277, 292, 296, 305, 332, 335, 380, 424. Hyménoptères, p. 193. Hyène, p. 63. _Hyrax_, p. 181. Lion, p. 63, 102, 401. Mammifères, p. 112. Martin pêcheur, p. 23. Mouton, p. 8, 26, 53, 233, 255, 399. _Neophron monachus_, p. 292. _Œcophylla maragdina_, p. 43. Papillons, p. 27. Panthère, p. 63. Passereaux, p. 23. Pélican, p. 193. Phacochère, p. 16, 183. Porc, p. 26. Rhinocéros, p. 199. Sarcelle, p. 193. Sauterelles, p. 398. Singe, p. 16, 44, 200. Termites, p. 6, 43, 90, 174, 258, 269. Tortue, p. 121. Tsétsé, p. 53, 121, 153, 192, 223, 224. Vanneau, p. 193. LES POISSONS PAR M. J. PELLEGRIN * * * * * INDEX ALPHABÉTIQUE _Alestes baremose_, p. 441, 446. _Alestes dentex_, p. 441. _Alestes macrolepidotus_, p. 446. _Alestes nurse_, p. 441. Anabantidæ, p. 431. _Anabas Weeksi_, p. 451. _Bagrus bayad_, p. 441. _Barbus_ ? p. 440. =Characinidæ=, p. 440, 441, 446. _Chrysichthys auratus_, p. 449. _Chrysichthys macrops_, p. 449. Cichlidæ, p. 440, 441, 451. _Citharinus citharinus_ ? p. 440, 441, 448. _Citharinus Geoffroyi_ Cuv., p. 448. _Citharinus sp_ ? p. 440. _Clarias lazera_, p. 441. _Clarotes laticeps_, p. 441, 449. Cyprinidæ, p. 440, 441, 448. Cyprinidé, p. 442. Cyprinodontidæ, p. 452. _Distichodus altus_, p. 446. _Distichodus brevipinnis_, p. 441. _Distichodus rostratus_, p. 441. _Eutropius Grenfelli_, p. 449. _Gnathonemus cyprinoïdes_, p. 443. _Gnathonemus senegalensis_, p. 444. _Gnathonemus tamandua_, p. 444. _Gymnarchus niloticus_, p. 441, 446. _Haplochilus_, p. 442. _Haplochilus cameronensis_, p. 454. _Haplochilus Chevalieri_, p. 452. _Haplochilus Decorsei_, p. 454. _Haplochilus singa_, p. 454. _Haplochilus spilauchen_, p. 455. _Hemichromis bimaculatus_, p. 442, 452. _Hemichromis fasciatus_, p. 451. _Heterobranchus senegalensis_, p. 441. _Heterotis niloticus_, p. 440, 442. _Hydrocyon brevis_, p. 441. _Hydrocyon Forskali_, p. 440, 446. _Hyperopisus_, p. 442. _Hyperopisus bebe_, p. 441, 444. _Hyperopisus sp._ ? p. 440. _Hyperopisus tenuicauda_, p. 444. _Ichthyoborus besse_, p. 446. _Ichthyoborus microlepis_, p. 446. _Labeo_, p. 442. _Labeo chariensis_, p. 448. _Labeo coubie_ =Rüppell=, p. 448. _Labeo falcifer_, p. 449. _Labeo horie_, p. 441, 448. _Labeo Lukuloe_, p. 449. _Labeo parvus_, p. 449. _Labeo Selti_, p. 448. _Lates niloticus_, p. 440, 441, 442. _Labeo senegalensis_, p. 448. Lepidosirenidæ, p. 443. _Marcusenius Lhuysi_, p. 443. Mastacembelidæ, p. 452. _Mastacembelus Lœnnbergi_, p. 452. Mormyridæ, p. 440, 441, 443. Mormyridé, p. 442. _Mormyrops engystoma_, p. 443. _Mormyrus caschive_ ? p. 440, 441, 446. _Mormyrus Jubelini_, p. 446. _Ophiocephalidæ_, p. 451. _Ophiocephalus obscurus_, p. 451. Osteoglossidæ, p. 440. Ostéoglossidé, p. 442. _Pantodon Buchholzi_ ? p. 440, 441. Pantodontidæ, p. 440. _Petrocephalus bane_, p. 441, 443. Polypteridæ, p. 440, 443. _Polypterus bichir_ ? p. 440, 443. _Polypterus Delhezi_, p. 443. _Protopterus annectens_, p. 443. _Sarcodaces odoë_, p. 446. _Schilbe mystus_, p. 441, 449. Serranidæ, p. 440, 441. Siluridæ, p. 441, 449. Siluridé, p. 442. _Synodontis_, p. 442. _Synodontis batensoda_, p. 441. _Synodontis clarias_, p. 441. _Synodontis Courteti_, p. 449. _Synodontis Schall_, p. 449. _Synodontis serratus_, p. 441. _Tetrodontidæ_, p. 440, 441, 452. _Tetrodon fahaka_, p. 440, 441, 452. _Tilapia Heudeloti_, p. 452. _Tilapia nilotica_, p. 441, 452. _Tilapia sp._ ? p. 440. _Tilapia Zillii_, p. 452. LES MOLLUSQUES TERRESTRES ET FLUVIATILES DE L’AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE PAR M. LOUIS GERMAIN Pages Voir index spécial 607 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE PAR M. H. COURTET Pages CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 621 GÉOLOGIE 622 Régions reconnues et aspect général de ces régions 622 LES GRANDES FORMATIONS SUPERFICIELLES 625 Roche ferrugineuse 625 Alluvions des grandes plaines 631 ETUDE DES DIVERS GROUPES 635 Fort-de-Possel à Fort-Sibut 635 Haute-Ombella 637 Moyenne-Kémo 638 Fort-Sibut 638 Fort-Sibut à Fort-Crampel 639 Kaga Bandéro (Fort-Crampel) 640 Kaga Tambago et Kaga M’Bra 642 Kagas Djé 644 Kagas Balidja et Batolo 644 Région de Ndélé 646 Ndélé-Télé 653 Boungoul, Bahr-Salamat et Lac Iro 655 Confluent Bamingui-Gribingui et rivière Gribingui 657 Niellims 657 Korbol 658 Djember-Mandéré 658 Koli 658 Groupe de l’ancien lac Baro (Dar-el-Hadjer) 658 Lac Fittri 659 Hadjer-el-Hamis 659 Monts Guérés 659 Les terrains du Kanem 659 Les sels de la région du Tchad 660 Les puits du Dar-el-Hadjer 664 L’Oubangui entre Bangui et Fort-de-Possel 666 PÉTROGRAPHIE 670 ROCHES ÉRUPTIVES 670 Granites 670 Microgranites 677 Rhyolite 678 Gabbros et Norites 678 Diabases 679 Porphyrite 680 SCHISTES CRISTALLINS 680 Gneiss et leptynites 680 Gneiss ordinaires 680 Leptynites 682 Types basiques 683 Quartzites 688 DIATOMÉES PAR M. PAUL PETIT Pages DIATOMÉES 693 Diatomées du calcaire provenant du puits d’Ardèbe 694 — du tuf calcaire de Mondo 695 — du tripoli de Mondo 696 — de la vase du lac Tchad récoltée à Koukia 697 ARACHNIDES, MYRIAPODES ET CRUSTACÉS PAR M. BOUVIER Professeur au Muséum d’Histoire naturelle Pages Arachnides et myriapodes 701 Crustacés 701 COLÉOPTÈRES PAR M. PIERRE LESNE Assistant au Muséum d’Histoire naturelle. Pages _Anthia_ 704 _Bostrychopsis Reichei_ 704 _Bradybænus scalaris_ 704 _Cicindela Dumolini_ 703 _Entomoscelis cincta_ 703 _Epicanta flavicornis_ 704 _Gnathocera_ 704 _Graphiterus_ 704 _Harpalus ephippium_ 703 _Hoplostomus fuliginosus_ 703 _Luperca Goryi_ 703 _Myrmecoptera_ 704 _Onitis Castelnani_ 704 _Opilo gigas_ 705 _Pheropsophus_ 704 _Rhyxiphlæa corticina_ 704 _Sinoxylon senegalense_ 703 _Somothricus elevatus_ 704 _Sternocera castanea_ 704 _Sternocera Colmanti_ 704 _Sternocera interrupta_ 703 _Tenebrio guineensis_ 705 _Tetragonoderus quadrum_ 703 _Thalpophila abbreviata_ 703 — _reticulata_ 704 _Xystrocera nigrita_ 705 HYMÉNOPTÈRES, ORTHOPTÈRES ET NEVROPTÈRES PAR M. R. DU BUYSSON Pages Hyménoptères 706 Orthoptères 708 Névroptères 708 DIPTÈRES PAR M. SURCOUF Pages _Simulium damnosum_ 711 _Tabanus Chevalieri_ 710 — _ditæniatus_ 710 — _latifer_ 710 — _tæniola_ 710 — _sufis_ Jænnicke 710 QUESTIONS AGRICOLES ET DIVERSES PAR M. AUG. CHEVALIER ET H. COURTET Pages PLANTES DES PEUPLADES ANTHROPOPHAGES DE L’OUBANGUI : Espèces dont on mange les fruits 715 — dont on mange les graines 715 — dont on mange les tubercules 716 — dont on mange les feuilles 716 — pour fumer ou à parfums 716 — textiles 716 — donnant des matières grasses 716 Bananiers 716 Caféier des bords de l’Oubangui 719 L’Agriculture chez les Saras 720 Le Bétail dans la région du Chari 723 Les chevaux du Moyen-Logone 728 La mouche Tsétsé 730 Le Coton au Bornou, au Baguirmi et au Tchad 731 Divers : Courges 736 Pourpier 736 Eleusine 736 Sésame 738 Haricot de Lima 738 Riz sauvage du Bas-Chari 738 PRÉHISTOIRE ET ETHNOGRAPHIE PAR M. AUG. CHEVALIER Pages Sur l’antiquité de l’homme en Afrique centrale 741 Pierres polies anciennes 744 Pierres utilisées de nos jours 744 LA GALERIE FORESTIÈRE PAR M. AUG. CHEVALIER Pages La galerie forestière 749 TABLE DES ILLUSTRATIONS Pages FIG. 1. — Pipe des fumeurs de chanvre de l’Oubangui 21 — 2. — Deux _Eriodendron anfractuosum_ à Bangui 35 — 3. — Halage d’une embarcation dans les rapides de 45 l’Oubangui — 4. — Préparateurs indigènes. — Séchage des herbiers 49 — 5. — Cultures de manioc dans le Haut-Oubangui 55 — 6. — Sous bois au bord d’un ruisseau 65 — 7. — Bananier sauvage dans la brousse 73 — 8. — La région de Fort-Crampel vue du sommet du Kaga 81 Bandéro, et une partie des constructions du poste — 9. — _Phœnix reclinata_ 83 — 10. — Un _Daniella thurifera_ 85 — 11. — Femmes bandas à Fort-Sibut 89 — 12. — Mon boy, de race ndi 95 — 13. — Porteurs de la région de Fort-Sibut 97 — 14. — Couteaux du pays Banda 99 — 15. — Divers sifflets d’appel des Bandas et des Mandjias 101 — 16. — Culture de la plante à sel (_Hygrophila spinosa_) 105 chez les Bandas — 17. — Couteaux de jet bandas et Mandjias 106 — 18. — Le chef Mandjia Makourou et ses femmes 109 — 19. — Mandjias de la Nana 111 — 20. — Case et plantes fétiches dans un village mandjia. — 113 Fétiches divers — 21. — Semis de lianes à caoutchouc fait par MARTRET à 117 Fort-Sibut — 22. — Touffes de bambous dans la brousse 119 — 23. — Grande Euphorbe cactiforme naturalisée sur 125 l’emplacement d’un village banda. (Dessin de BILLET, d’après une photographie) — 24. — Défilé des troupes de Senoussi. — Les bannières du 135 chef de guerre Allah Djabou — 25. — El Hadj Tokeur et El Hadj Abdoul recevant deux 139 envoyés du Ouadaï à Ndellé — 26. — Les collines de Ndellé 143 — 27. — Les bannières du Sultan Senoussi 147 — 28. — Les bannières du fils aîné du Sultan Senoussi 151 — 29. — Fac-simile de l’écriture du secrétaire de Senoussi 155 — 30. — Incendie de brousse dans le pays de Senoussi 159 — 31. — L’habitation dans le pays de Senoussi 161 — 32. — Petits _landolphia_ donnant le caoutchouc des racines 163 — 33. — Futaie dans le pays de Senoussi 167 — 34. — Caféier géant du pays de Senoussi (Coffea excelsa) 169 — 35. — La grande falaise et les grottes où les Mbatas 173 s’étaient réfugiés — 36. — _Landolphia owariensis_ (liane à caoutchouc) dans le 175 bush — 37. — Tronc d’arbre de Mbélé, enveloppé par les racines 179 adventives d’un Ficus — 38. — _Encephalartos septentrionalis_ 185 — 39. — Termitières dans les grandes plaines du pays de 189 Senoussi — 40. — Le Boungoul aux basses eaux 193 — 41. — Un étang de la plaine du Mamoun. — Incendie d’herbes 195 — 42. — Groupes de Goullas Homer 197 — 43. — Boucanage de la viande d’un hippopotame 201 — 44. — _Landolphia owariensis_ (liane à caoutchouc) dans 203 une galerie forestière — 45. — Tamarinier et fromager au village de Ngara 205 — 46. — Manifestations artistiques chez des Ndoukas de Ngara 207 — 47. — Têtes d’animaux sculptées à Ngara servant 208 d’attributs pour une danse — 48. — Cultivateurs préparant le sol 241 — 49. — Une danse des Kabas 243 — 50. — Etablissements de cultivateurs Saras et champs 247 préparés en sillons — 51. — Jeunes enfants emmenés en esclavage et délivrés par 249 M. l’administrateur BRUEL — 52. — Femmes Saras préparant le sol pour les semis 251 — 53. — Cultivateur Sara et sa petite fille mettant la 253 semence en terre — 54. — Champ de mil et de haricots, au commencement de la 255 saison des pluies — 55. — Cucurbitacée recouvrant une case de son feuillage 257 — 56. — Saras apportant du mil au poste de Fort-Archambault 265 — 57. — Une tombe chez les Saras, à Simmé 269 — 58. — Les Soundous, ornement des lèvres des femmes Saras 270 — 59. — Femme Sara avec ses Soundous 271 — 60. — Danse de guerre chez les Kindas 275 — 61. — Sculptures chez les Saras 279 — 62. — Pipes en terre des Saras 285 — 63. — Coin du village de Souka 291 — 64. — La plaine herbeuse du lac Iro 297 — 65. — Les bords vaseux du lac Iro 299 — 66. — Nos porteurs Saras 303 — 67. — Cases de Noubas dans les rochers 309 — 68. — L’Infanterie de Gaourang, sultan du Baguirmi 319 — 69. — La cavalerie de Gaourang, sultan du Baguirmi 329 — 70. — Un chef baguirmien et ses cavaliers 339 — 71. — Cuirasse en matelas de coton portée par les 357 cavaliers baguirmiens — 72. — Le sultan Gaourang du Baguirmi rentrant dans sa 367 capitale — 73. — Formule rituelle enterrée à un carrefour par des 375 marabouts — 74. — Acyl, prétendant au Ouadaï partant en captivité 387 — 75. — Mortier portatif et pot à beurre chez les Krédas 393 — 76. — Schéma des rochers de Hadjer el Hamis 409 — 77. — Modèles de pirogues en roseaux des îles du Tchad 413 — 78. — Femmes de soldats rabistes à Koussri 421 — 79. — Un palmier Doum au pied des rochers des Niellims 423 — 80. — _Hyperopisus tenuicauda_ Pellegrin 445 — 81. — _Laboe Chariensis_ Pellegrin 447 — 82. — _Synodontis Courteti_ Pellegrin 450 — 83. — _Haplochilus Chevalieri_ Pellegrin 453 — 84. — _Haplochilus Decorsei_ Pellegrin 454 — 85. — _Limicolaria centralis_ Germain 482 — 86. — _Limicolaria turriformis_ Martens, var. _Obesa_ 485 Germain — 87. — _Achatina Schweinfurthi_ Martens, var. _Foureaui_ 488 Germain — 88. — _Achatina Wynsei_ Dautzenb., var. _Duperthuisi_ 489 Germain — 89. — _Ampullaria Chevalieri_ Germain 526 — 90. — _Ampullaria Speciosa_ Philippi, var. _Globosa_ 531 Germain — 91. — _Spatha rubens_ de Lam., var. _Chudeaui_ Germain 553 — 92. — _Spatha Mabillei_ Joussaume, var. _Mamounensis_ 556 Germain — 93. — _Spatha (Leptospatha) Decorsei_ Germain, var. 559 _persinuata_ Germain — 94. — _Mutela Angustata_ Sowerby, var. _curta_ Germain 565 — 95. — _Mutela Angustata_ Sowerby, var. _ponderosa_ Germain 566 — 96. — _Mutelina falemeensis_ Germain 569 — 97. — _Mutelina Mabillei_ de Rocheb., var. _Frasi_ Germain 570 — 98. — _Pliodon (Cameronia) Tchadiensis_ Germain 576 — 99. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain 577 — 100. — _Pliodon (Cameronia) Hardeleti_ Germain, var. 578 _Molli_ Germain — 101. — Les gneiss de Fort-Crampel 641 — 102. — Un mamelon granitique des Kagas Djé 643 — 103. — Les grès turriformes de Ndélé 647 — 104. — Le kaga Sibi 651 — 105. — Les quartzites du Kouti 653 — 106. — Barrage de diabase entre Bangui et Fort-de-Possel 667 — 107. — Schéma de l’ouralitisation du diallage du gabbro du 678 Vou — 108. — Instruments agricoles des Saras 722 — 109. — Taureau : _type peul_ 725 — 110. — _Phaseolus lunatus_ 737 — 111. — Pierres utilisées de nos jours 745 — 112. — Schéma d’une galerie forestière 751 TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE (A la fin du volume) Mohammed Senoussi, sultan du Dar Kouti (_Frontispice_). Mollusques de l’Afrique Centrale (p. 586). PLANCHE I. — Sous-bois de galerie forestière avec _Aframomum_ et _Costus_. Plaine dénudée du Chari avec buissons de _Guiera_ envahis par des termitières au moment où les herbes sont brûlées. PLANCHE II. — Femmes rabistes mariées aux tirailleurs de Fort-Archambault. PLANCHE III. — Plusieurs tombeaux récents près d’un village. — Le cimetière d’un village. PLANCHE IV. — Boucliers des Saras. Boucliers de Kouri (Tchad) en bois de maréah, ornés de lanières. PLANCHE V. — Mollusques de l’Afrique centrale. PLANCHE VI. — Pierres polies de la région du Fittri et du Tchad. TABLE DES CARTES Pages Croquis des itinéraires suivis par la Mission entre XVI l’Oubangui et le lac Tchad Ndellé 140 Itinéraires levés par M. Courtet. Région de Ndellé 208 Fort-Archambault. Lac Iro 306 Itinéraires suivis 434 Carte économique (_à la fin du volume_). * * * * * DIJON, IMPRIMERIE DARANTIERE. _L’Afrique Centrale française._ _Pl. I_ Aspects divers de la végétation. [Illustration : Sous-bois de galerie forestière avec _Aframomum_ et _Costus_.] [Illustration : Plaine dénudée du Chari avec buissons de _Guiera_ envahis par des termitières au moment où les herbes sont brûlées. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. II_ [Illustration] [Illustration : Femmes rabistes mariées aux tirailleurs de Fort-Archambault. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. III_ Cimetières chez les Saras de l’Est. [Illustration : Plusieurs tombeaux récents près d’un village.] [Illustration : Le cimetière d’un village. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. IV_ [Illustration : 1, 2, 3. Boucliers des Saras. 4, 5. Boucliers de Kouri (Tchad) en bois de Maréah, ornés de lanières. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. V_ [Illustration : Mollusques de l’Afrique Centrale. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. VI_ [Illustration : Pierres polies de la région du Fittri et du Tchad. Phototypie Berthaud, Paris] _L’Afrique Centrale française._ _Pl. VII_ [Illustration : Pierres polies de la région du Fittri et du Tchad. Phototypie Berthaud, Paris] [Illustration : MISSION SCIENTIFIQUE ET ÉCONOMIQUE CHARI-LAC TCHAD Dirigée par A. Chevalier 1902-1904 Carte Economique dressée d’après les Travaux de la Mission _Extrait des Nouvelles Archives des Missions Scientifiques, tome XIII. — Publication du Ministère de l’Instruction publique_ _Imp. par Erhard Fres. — Paris._] Note du transcripteur : Page xi, note 1, " DUCHESNE-FOURMET " a été remplacé par " DUCHESNE-FOURNET " Page 28, " l’Allemand G. SCHVEINFURTH " a été remplacé par " SCHWEINFURTH " Page 34, " voisine du _Coffea Standtii_ (K. Schum.) " a été remplacé par " _Staudtii_ " Page 61, " _Ficus-Vallis choubæ_ " a été remplacé par " _Ficus Vallis-choudæ_ " Page 61, " La chair des réceptales " a été remplacé par " réceptacles " Page 100, " ils les trous vent morts " a été remplacé par " ils les trouvent morts " Page 100, " les femme. Moroubas et Ngaos " a été remplacé par " femmes " Page 112, " les graines d’une cœsalpiniée nouvelle " a été remplacé par " cæsalpiniée " Page 114, " un plant de _Calocasia antiquorum_ " a été remplacé par " _Colocasia_ " Page 116, " Au N., a neuvième parallèle " a été remplacé par " la neuvième " Page 136, " de Rahah, qu’il invoquait " a été remplacé par " Rabah " Page 153, Supprimé ) après "dans les plaines de l’Aouk-Boungoul" Page 173, " la fiente blanchit les anfractuosits " a été remplacé par " anfractuosités " Page 176, " les _Lophira_, les _Butyrospernum_ " a été remplacé par " _Butyrospermum_ " Page 180, " où les _Butyrospernum_ " a été remplacé par " _Butyrospermum_ " Page 213, " commme le _Balanites ægyptiaca_ " a été remplacé par " comme " Page 220, " la valllée où coule le ruisseau " a été remplacé par " vallée " Page 225, " Histoire du Bar Banda. " a été remplacé par " Dar " Page 276, " Smous ou Smoussons sont les " a été remplacé par " Smoussous " Page 277, " _Cardahena spectabilis_ " a été remplacé par " _Cadalvena_ " Page 278, " saupoudrée de _Crinun_ et d’_Acrospira_ " a été remplacé par " _Crinum_ " Page 298, " _Prosobis dubia_ " a été remplacé par " _Prosopis_ " Page 300, " retournant nous dstinguons encore " a été remplacé par " distinguons " Page 313, Ajouté ) après "et Bougail" Page 315, " cela m’inporterait d’ailleurs peu " a été remplacé par " m’importerait " Page 323, " les _Chlorophytun_, 2 ou 3 espèces " a été remplacé par " _Chlorophytum_ " Page 345, " _Crinium pauciflorum_ et _Acrospira_ " a été remplacé par " _Crinum_ " Page 353, " les hauteurs sableuses de Gamélaga " a été remplacé par " Galémaga " Page 383, " Doums et les _Calatropis_ " a été remplacé par " _Calotropis_ " Page 397, " l’_Anogneissus leiocarpus_ n’existe plus " a été remplacé par " l’_Anogeissus_ " Page 402, " Les terrrains du Kanem, au moins " a été remplacé par " terrains " Page 405, " DENHAM et CHAPPERTON (1821) " a été remplacé par " CLAPPERTON " Page 413, " des indigèmes, la nappe " a été remplacé par " indigènes " Page 441, " _Lates niloticus_ Hesselq. " a été remplacé par " Hasselq. " Page 468, " _Corbicula Locoini_ Germain. " a été remplacé par " _lacoini_ " Page 480, La deuxième référence à note (après _Limicolaria Burtoni_) a également été considérée comme une référence à la première note. Page 490, " Genre SUBULINIA Schumacher. " a été remplacé par " SUBULINA " Page 501, " distingue du _Physa Forkali_ Ehrenberg " a été remplacé par " _Forskali_ " Page 516, " bien arondie inférieurement " a été remplacé par " arrondie " Page 536, " variété du _Lanistes besnardianus_ " a été remplacé par " _bernardianus_ " Page 536, note 445, " _non_ _Ampullaria Besnardianus_ Morelet " a été remplacé par " _Bernardianus_ " Page 541, note 456, " _du Nyanza Oukréréwé_ " a été remplacé par " _Oukéréwé_ " Page 548, " 1858. _Ætheria semilunata_ Wovdward " a été remplacé par " Woodward " Page 548, " 1881. _Ætheria elleptica_ Bourguignat " a été remplacé par " _elliptica_ " Page 599, " the researches understaken concerning " a été remplacé par " undertaken " Page 607, " Ampullaria besnardiana Morel, " a été remplacé par " bernardiana " Page 610, " [Spatha] Mabillei Jousseaune " a été remplacé par " Jousseaume " Page 610, " var. mamounsensis Germain " a été remplacé par " mamounensis " Page 612, note 534, " _Côte occcidentale d’Afrique_ " a été remplacé par " _occidentale_ " Page 658, " filon de micrognanite à microcline " a été remplacé par " microgranite " Page 671, " Le microline domine, l’orthose " a été remplacé par " microcline " Page 672, " Microline du Kaga Batolo " a été remplacé par " Microcline " Page 681-685, " angite " a été remplacé par " augite " Page 687, " pyoxéniques " a été remplacé par " pyroxéniques " Page 706, " région parcourue par la mision Chari-Tchad " a été remplacé par " mission " Page 710, " à l’extrémité des ailes hyclines " a été remplacé par " hyalines " Page 716, " _Oncymum viride_ (Basilic). " a été remplacé par " _Ocymum_ " Page 731, " au voisi-sinage immédiat des " a été remplacé par " voisinage " Page 760-765, Les références à la page 423 ont été modifiées à la page 424. Page 761, " _Cardahena spectabilis_ " a été remplacé par " _Cadalvena_ " Page 761, " _Coffea Standtii_ " a été remplacé par " _Staudtii_ " Page 762, " Ficus-Vallis choubœ " a été remplacé par " Ficus Vallis-choudæ " Page 764, " Poivrier, 35, p. 76. " a été remplacé par " Poivrier, p. 35, 76. " Page 767, " _Clarias luzera_ " a été remplacé par " _lazera_ " Page 767, " _Distichodus brevispinnis_ " a été remplacé par " _brevipinnis_ " Page 772, La structure de la table des matières intitulée QUESTIONS AGRICOLES a été légèrement modifiée. Page 775, " _Spatha rubeus_ de Lam. " a été remplacé par " _rubens_ " Page 776, " PLANCHE VI. — Boucliers des Saras " a été remplacé par " PLANCHE IV. " De plus, quelques changements mineurs de ponctuation et d’orthographe ont été apportés. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MISSION CHARI-LAC TCHAD, 1902-1904: L'AFRIQUE CENTRALE FRANÇAISE *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. 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It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. 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