Le moyen de parvenir, tome 1/3

By Béroalde de Verville

The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by 
François Béroalde de Verville

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Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3

Author: François Béroalde de Verville

Release Date: September 9, 2018 [EBook #57878]

Language: French


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LE

MOYEN

DE

PARVENIR.

_NOUVELLE ÉDITION._

Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.

_Caritas inter jocosve regnat Moria._

TOME PREMIER.


A LONDRES.

M. DCC. LXXXI.




DISSERTATION

_Qui doit être lue(*)._

* Cette dissertation est du savant BERNARD DE LA MONNOYE. Elle donne une
assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne
devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand
ils lisent.


Le livre, qui a pour titre _le Moyen de Parvenir_, étant en son espece
véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en
est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est _François
Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien_, & de plus chanoine
de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa
réception du vendredi 5 Novembre 1593.

Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à
l'exception du _Moyen de Parvenir_, il n'a fait nulle difficulté de
mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas
voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il
s'en explique, pag. 461 & 462 de son _Palais des Curieux_. «Cependant je
vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes,
j'ai fait un oeuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends
les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est
tel: _le Moyen de Parvenir_. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir
le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je
l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est
insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon
écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des
convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes
désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni
prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à
telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à
réformation».

Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû
l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son
style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet
ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, &
de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se
l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations
ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble
familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses
différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis
de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses _Jeux d'esprit
& de mémoire_, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du
_Moyen de Parvenir_. L'auteur y suppose une espece de festin général,
où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute
condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour
se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles
passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La
vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine
à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à
cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on
a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il
soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment.

Le _Moyen de Parvenir_ en est le répertoire général; c'est en cette
source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore
Daubigné dans son _Baron de Fæneste_, & Sorel dans son _Francion_.

Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se
délassoit quelquefois à lire le _Moyen de Parvenir_, & qu'il l'estimoit
en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être
rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à
la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant
allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma,
au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui
avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de
sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce
que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en
ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant;
après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle
Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre,
s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le _Moyen
de Parvenir_. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle
n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en
rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant
ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la
pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité
au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le
propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le
lui donna.

Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été
une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour
nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie
à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais
aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la
formation de ce livre plein d'imagination.

Une remarque particuliere, sur le _Moyen de Parvenir_, c'est que le mot
_car_, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit.

Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de
Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu,
originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose,
fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec
éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome.
«Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (_dit-il_) huomo non solamente nella
lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli
studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor
Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di
Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella
fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore
del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso».

Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde,
Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette
même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit
profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve.
Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels
furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns
cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que
celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un,
surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il
l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son _Moyen de
Parvenir_, tome II. chap. XXI. intitulé _Sommaire_, & en parle plus au
long & plus sérieusement, sur la fin de son _Palais des Curieux_.

Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien,
mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont
presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son
_Voyage des Princes Fortunés_, livre ennuyeux à la mort, au chapitre
près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio.
On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe.
livre de son _Berger Extravagant_. Claude Barthelemi Morisot, avocat au
Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les
noms, & l'a insérée dans son _Veritatis lacrima_, petite satire que les
jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par
arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce _Voyage des
Princes Fortunés_ n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour
dédommager son libraire, le _Moyen de Parvenir_, dont il s'est fait des
éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est
assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la
pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa
religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il
n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort
de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son _Moyen de
Parvenir_; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que,
s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni
l'autre.

Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par
l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses _Mémoires_, au nombre
des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de
poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de
tems après que le _Moyen de Parvenir_ eut paru, à en tourner quelques
contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai
vues, rien n'est plus sec.




_SOMMAIRE_

DES CHAPITRES.


_TOME PREMIER._

I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé:
_Moyen de Parvenir_; satyrise les géometres, les géographes & les
chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous,
qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de
leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir
chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent
légérement leur parole.

_Guillaume qui fait jurer pour lui_, Page 3.

_Honnête démenti de Coguerean_, p. 4.

_Seigneur de paroisse qui ne refuse rien_, p. 5.

II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne
peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les
pindariseurs de la langue françoise.

_L'assesseur pindarisant_, p. 6.

III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, &
tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les
révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon.

IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne
sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de
madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit.

V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les
buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation.
Histoire de la découverte de _la vérité au fond d'un puits_ par
Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain.
Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: _vessies
sont des lanternes_.

_Sermon du curé_, page 10.

_Démocrite qui trouve la vérité dont un puits_, p. 12.

VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit
arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin,
Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se
placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre.

_L'archidiacre grand gourmand_, p. 15.

_Moine circonspect au pied de la potence_, p. 16.

VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde
dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle
Imperia avec le gentilhomme de Lierne.

_Naissance de la couronne impériale_, p. 23.

_De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse_, page 24.

_Naissance des orties_, 26.

VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les
cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs
indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta,
font le sujet de cette section.

_Marciole ramassant les cerises_, p. 27.

_Prudence de l'abbesse de Montfleury_, p. 33.

IX. Il est bien intitulé _coq-à-l'âne_; chacun, rempli de l'histoire de
Marciole, raisonne sur son _cela_, & pourquoi _cela_ est appellé cela.
Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade.

_Médecin examinant une malade_, p. 35.

X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce
livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du
bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce
qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet
ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le
mot _cela_. Homme & femme sont honteux de montrer leur _cela_, selon la
petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite &
de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de
la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui,
pour se moquer des notaires, fait passer des pois _pardevant eux_.

_Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle_, page 36.

_La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne_, p. 39.

_Pois passés pardevant notaires_, p. 43.

XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez
spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec
verre & bouteille.

XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour
avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires.
Le conte du bréviaire du curé, & du _quiproquo_ de la femme du libraire,
n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue
que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le
peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom
qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de
clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M.
du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une
invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes.

_Le bréviaire du curé_, page 48.

_Quiproquo de la femme d'un libraire_, p. 49.

_Médecine apéritive de Rabelais_, p. 53.

XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un
ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions
catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées
très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit.

_Guérison du ministre malade_, p. 58.

XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il
disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier
jour disent _votre_; le second, _notre_: & le troisieme _mon_. Quelques
_quiproquo_ fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté;
elle est commencée, & tout d'un coup interrompue.

_Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu_, p. 62.

_Gradations de familiarité des chambrieres_, p. 64.

_La tête de veau de l'avocat du Mans_, p. 65.

_Le bachelier fouetté & fouettant_, p. 66, contin. p. 71.

XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de
braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur
les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de _faire
la pauvreté_. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence &
la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, &
la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie.

XVI. Propos de soeur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir
tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur
l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des
enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le
putanisme des meres.

_La nonnain curieuse reprimandée_, p. 78.

_Réponses naïves d'un enfant à sa mere_, p. 81.

_Naïveté d'un curé_, p. 82.

XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on
lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine,
(sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je
dirai _aventure de moine_, cela aura cette signification) & sur
l'explication de _omnis caro foenum_. Thevet tourné en ridicule sur son
style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour
détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte,
vis-à-vis sa femme.

_Décision sur les femmes en général_, page, 83.

_Femme prise pour un boiteau de foin_, p. 84.

_Frere Jérôme le chimiste_, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89.

_Expression reprise_, p. 86.

_Plaisant serment de Georget_, 87.

XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut
_graisser_ la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand
alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des
entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la
bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui
le fait faire sept coups.

_Façon de graisser les mains de son juge_, p. 88.

XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon
_mundus caro dæmonia_, differe un moment l'histoire de la pierre à
casser les oeufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y
paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême.

_Naïveté d'un valet_, page 91.

_Pierre à casser les oeufs_, p. 91,

XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux
gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se
trouvent.

XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la
gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une
cascade inattendue, elle rentre dans les _quiproquo_. Comment faire dans
un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y
paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un
mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison.

_Cornu, le modele des gourmands_, page 99.

_Quiproquo d'une femme_, p. 100.

_La fille qui veut mourir_, p. 101.

XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu
qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée
d'annoncer la fête de la Madelaine.

_Sermon de la Madelaine_, p. 104.

XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section;
les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en
font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de
matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le
meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur
coeur!

_Sermon sur la charité_, p. 106.

_L'achat d'un meilleur outil_, p. 108.

XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est
coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y
développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce
développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par
Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes
qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer,
à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de
prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se
coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa
faux.

_Le pré fauché & le petit faucheur_, p. 113, continuée, 117.

_Maladresse d'un faucheur_, p. 116.

XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, &
finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit
une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires.
Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès
qu'il fut moine.

_Le ministre marchand de lanternes_, page 119.

_Le novice méchant comme un diable_, p. 123.

XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui
est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme
contre la vénalité des bénéfices & la simonie.

_Stupidité d'un écolier_, p. 126.

_Le pere de Melchisedech_, p. 130; continuée, 133; fin. 134.

_Evêque généreux comme de raison_, p. 131.

_Conte de Robin mon oncle_, p. 132.

XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment
la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire
Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte
sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere.

XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton,
sur les carmes. Soeur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du
mot _coquebin_. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de
mari.

_Chapelain chatré d'une Angloise_, page 137.

_Valet qui n'est pas coquebin_, p. 138.

XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de
Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du
diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on
doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si
beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit
tout nud.

_Le diable châtré_, p. 141.

_Nom de sculpteur tronqué plaisamment_, p. 143.

XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité
d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour;
mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans
ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit
dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau.

_Naïveté d'une fille de chambre_, p. 147; continuée, p. 148.

_Sermon expressif fait à des jacobins_, p. 148.

_Conte de la reine des pois pilés_, p. 149.

XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente,
plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte,
pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à
besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il
laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit
auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs
faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu &
recousu.

_Martine qui promet une flûte à son mignon_, p. 154.

_Amphibologie dans le sermon d'un curé_, p. 156.

_Le testament en faveur d'une femme_, page 156.

_Conte des pelotons & de l'honneur cousu_, p. 159.

_Madeleine la bien fêtée_, p. 161.

XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute
sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit
exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué.
Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse.
Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas
trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole.
Satire contre l'inquisition d'Espagne.

_Conte du farfadet de Poissi_, p. 162.

_Chûte d'un sergent_, p. 165.

_Naïvetés d'un paysan d'Orléans_, p. 165.

_Sermon d'un ministre de Strasbourg_, p. 167.

_Prudence d'une servante_, p. 168.

_Nom donné à un enfant par un sermon_, page 171.

_Conte sur Amiot & sa vérole_, p. 171.

_Bon avis d'un fils à sa mere_, p. 172.

XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das
Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une
parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence
d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas
Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de
Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette
section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne.

_Conte de la soupe de S. Glougourde_, p. 174.

_Mere d'Erasme, qui oublia son pater_, p. 175.

_Naïveté d'un berger_, p. 178.

_Histoire de Dom Rodigue das Yervas_, p. 178.

_Balourdise d'une paysanne_, p. 182.

XXXIV. Invective contre les moeurs & la fourberie des gens du siecle.
Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder;
plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien
éloquente, du moins est-elle bien sensible.

_Chanoine qui veut le bien d'autrui_, p. 185.

XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils
s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle
dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang
bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre.


_TOME SECOND._

I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des
parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de
dissolution.

_Plaisant parti d'un domestique_, p. 6.

II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses
instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de
par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de
Busançois, divisé en trois points.

_Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7.

_Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10.

III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie:
_castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni
raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni
raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes
ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un
prêtre, &c.

_Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14.

_Conte de la malvoisie_, p. 16.

_Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19.

IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre
d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du
linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un
besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.

_Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20.

_Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24.

_Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23.

_Propos de pisseurs_, p. 28.

V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué.
Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que
celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule.
Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la
sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_,
que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style
des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y
avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à
faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il
demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du
chose. La section finit par une question, dont le titre de la section
suivante fait la réponse.

_Aventure de Platon & de Prédicac_, page 30.

_Bonne logique d'une chambriere_, p. 32.

_Plaisante origine des minimes_, p. 34.

_Description élégante de la sphere_, p. 35.

_Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37.

_Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37.

_Question d'une chambriere_, p. 38.

VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou
de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par
les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape,
qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les
femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux
femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent
leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a
bon coeur, qu'il mange de la merde_.

_Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42.

_Changemens de noms_, p. 44.

_Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45.

VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie
noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves
semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois
tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme
dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf
ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.

_Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47.

_Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48.

_Obstination d'un marinier_, p. 49.

_Disputes de deux maquerelles_, p. 50.

VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les
distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du
désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit
le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de
continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou
trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des
véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison.
Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos
facétieux.

_Lamentation de putain_, p. 51.

_Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52.

_Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53.

_La couture des mâles & femelles_, p. 54.

_Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin.
p. 63.

_Propreté des femmes_, p. 57.

_Caractere des moines_, p. 58.

IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section,
toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer
que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI,
tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le
bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la
vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le
conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire
contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du
livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.

_Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60.

_Expérience de Sculpture_, p. 63.

_Conte du médecin_, p. 65.

_Mot à double entente_, p. 67.

X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa
liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine
du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des
convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin,
rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté
sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se
fendre la bouche.

_Le revenant_, p. 71.

_Conte du sac du bon homme_, p. 72.

_Réponse humble d'un valet_, p. 73.

_Propos naïf d'une fille_, p. 75.

XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre.
Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de
l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée.
Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.

XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation
sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames.
Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet.
Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur
les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure,
& de la naïveté du procureur avec son écritoire.

_Conte du bonnet tombé_, p. 83.

_Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85.

_Conte du moulin à barbe_, p. 87.

_Chanoine pris par son propos_, p. 88.

_Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89.

XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des
prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient
accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont
il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de
papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_.

_Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93.

_Le jeune homme en couche_, p. 93.

_Quiproquo d'un domestique_, p. 94.

_Nom tronqué_, p. 95.

_Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95.

_Plaisant jugement_, p. 96.

_Description du pays de papimanie_, p. 99.

XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan &
Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre
contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos
passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité,
& l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux,
les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse
attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre
supérieure du mari par l'autre.

_Eloge de la vis des tuileries_, p. 100.

_Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104.

_Les beaux sont les gros_, p. 105.

XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui
mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant
être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.

_Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108.

XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un
sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un
moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose
qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise.
Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres
intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens
qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé
un cocu. Maniere d'être poussé.

_Sermon dont le texte est plaisant_, page 110.

_Conte du moine & des voleurs_, p. 110.

_Conte du fagot_, p. 112.

_Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113.

_Secret pour être poussé_, p. 116.

XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue;
cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas
putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du
paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon
subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur
du terme de chausse-pied de mariage.

_Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117.

_Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120.

_Confession d'une femme_, p. 121.

_Bon avis d'un galant homme_, p. 124.

XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les
cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le
cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il
s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.

_Conte des hommes vissés_, p. 124.

_Conte de la courtisanne Conscience_, page 130.

XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit
ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend &
continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame
l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames
de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On
dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.)

_Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134.

_Naïveté de la belle Dubois_, p. 137.

XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de
ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si
libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre
remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours
_vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.)

_Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145.

_Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146.

XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers &
conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in
illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit,
pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.

_La ville de Lubec_, p. 148.

XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin
prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris
dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.

_Conte de l'origine du putanisme_, p. 155.

XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée
de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont
injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c.
&c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre
la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_.
Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une
réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_.

_Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163.

_Conte de la fesse tondue_, p. 162.

_L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168.

_Le Chanoine dupe_, p. 170.

XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent
sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut
toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux
miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre
ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet;
dissertation sur l'origine des mitres.

XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double
linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de
Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en
sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison.
Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu
autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il
faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou,
deux moines.

_Conte d'un page attrapé_, page 177.

_Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180.

_Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192.

XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met
dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux
moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis
à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se
reprend & se termine.

_Musique d'un moine_, page 188.

_Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191.

_Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189.

XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de
gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a
crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie
naturelle d'une présidente.

_Histoire d'une femme de sergent_, p. 194.

_Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198.

_Plaisant mot d'une présidente_, p. 198.

XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église,
diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier.
Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des
religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est
que femmes pour bien juger des choses.

_Conte de la femme d'un huissier_, p. 200.

_Conte des religieuses de Poissi_, p. 203.

_Conte sur le mot groseille_, p. 204.

_Résolution académique de trois nonnains_, p. 205.

XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa
stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon.
Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé &
inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de
femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la
preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures
vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces.
Façon d'un curé d'imposer silence.

_Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209.

_La confession sincere_, page 214.

_Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218.

XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son
prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des
charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle.
Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque
chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale
furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.

_Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220.

_Conte du chaudron_, p. 223.

_Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228.

XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de
l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un
appareil mis sur une blessure.

_Le cheval de Rabelais_, p. 229.

_Conte du mulet_, p. 231.

XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie.
Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence
de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques
chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de
la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne
& Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.

_Le ministre en cave_, p. 238.

_Franchise d'un hôtelier_, p. 242.

_La huguenote en colere_, p. 244.

XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une
femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans
ses souhaits.

_Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251.

_Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255.

XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées.
Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des
prunes.

_Bans publiés_, p. 256.

_Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259.

_Le jardinier & les prunes_, p. 258.

Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques
explications de phrases latines.

_Le conte de_ thuribulum, p. 266.


_TOME TROISIEME._

I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du
meûnier complaisant.

_Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.

II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée;
& de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à
ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je
crois, elle fut dupe.

_La file violée_, p. 8.

_L'amant trop complaisant_, p. 9.

_La femme chere à vivre_, p. 10.

III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.

_Conte du ministre et de la servante_, p. 13.

IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.

_Conte de l'âne bâté_, p. 15.

_Conte du nom du paysan_, p. 17.

V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux
mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans
une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée.
Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son
rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes
délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.

_La famille bien élevée_, p. 23.

_Le paysan et le rapporteur_, p. 25.

VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la
conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus
impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la
femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par
l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la
main.

_Conte du barbier_, p. 32.

VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier
qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties
singulieres.

_Le barbier ladre & le médecin_, p. 35.

_L'homme saigné par quiproquo_, p. 39.

_Pari d'un paysan_, p. 40.

VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de
séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques
& du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité.
Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque.
Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau
froide.

_Conte de Pâques & du jambon_, p. 44.

_L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47.

_L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50.

IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les
prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés,
présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de
prédicateurs.

X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur;
explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les
convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui
déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne
se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un
François.

_Le curé curieux_, p. 55.

_Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60.

XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien.
Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une
épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de
circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central.
Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on
presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens
très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui
fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église.
Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.

_Conte du cheval chrétien_, p. 64.

_La fille & l'oeuf_, p. 66.

_Conte du crucifix du curé_, p. 67.

XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des
prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats &
rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils
s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris
pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste
que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le
transport au cerveau.

_Soldat pris en maraude_, p. 73.

_Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77.

XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre
nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une
connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage.
Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le
lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la
fourchette de St. Carpion.

_Le serrurier de Bourgueil_, p. 82.

_La fourchette de S. Carpion_, p. 86.

XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui
peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des
femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce
qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent
encore. Conversation de Frostibus & de Luther.

XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une
abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour
rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On
recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour
épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi &
privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si
reconnoissantes.

_Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105.

XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne
cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la
maison. Métier de huguenot à vendre.

XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans
son genre.

XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont
les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable
au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas
obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le
latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.

_Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125.

XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes.
Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce
qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un
maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être
ministre, c'est à peu-près de même.

XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison.
Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_.

_Confession du Chien_, p. 135.

XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande
dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la
Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un
bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine,
qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont
faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le
nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il
y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames.
Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas
les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le
sotier de Genêve.

_Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153.

XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire
des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou
l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_.
Obstination d'une femme. Invention du célibat.

_Conte des génitoires noires_, p. 156.

XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux
prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que
cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand
on passe devant la porte d'une putain.

XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots
plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.

_Le Pendu de Douai_, p. 166.

_La bonne fortune de Colette_, p. 170.

XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.

XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_.

XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le
fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche
la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets
singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.

XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu
de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris
pour le diable.

_Conte de Jean Tenon_, p. 181.

_Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184.

XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui
croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités
d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve
clairement que Rabelais a été évêque.

XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter
des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni.
Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties.
Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue
par un savant & un menuisier.

_Femme qui rend le pain béni_, p. 195.

XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots.
Rêverie de Cardan.

XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante
demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide
de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la
femme battue.

XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de
l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.

XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de
l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois.
Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de
conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere
de connoître les hommes & les femmes fideles.

_La femme battue_, p. 208.

_Le jeu de la courte-paille_, p. 216.

XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de
part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse
favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte
de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on
en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce
livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses
affaires par trop de zele de son valet.

_Conte de la femme bercée_, p. 220.

XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la
bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées.
Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de
souliers en une heure.

XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort
demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.

XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les
Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux
dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation
s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une
marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon
de se torcher le cul avec du papier blanc.

_Le jardinier & sa femme_, p. 239.

_Le faiseur d'enfans_, p. 242.

XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où
une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir
de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de
femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il
faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui
n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le
condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un
libraire à l'article de la mort.

XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de
contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître.
Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, &
quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le
prunier, devinez ce que c'est.

XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur
l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_.

.cgap Fin du Sommaire des Chapitres.




LE

MOYEN

DE

PARVENIR.


I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére,
en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au
terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, &
justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres,
les étoeufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les
molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si
joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la
jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce
point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un
diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir
ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en
mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui
troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde.
Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, &
telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les
personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux
aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au
retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par
rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les
bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion
que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux
haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que
rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur,
d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en
cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans
jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois
ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme;
ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire
Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne
sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne
suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera
pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné,
(comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit &
proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient
serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit
été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès
affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de
quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la
conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon
homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en
dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de
rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à
la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne
faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher
pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand
péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de
perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de
pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes
d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme
ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout
ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux
qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti
un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à
Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions
frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit
à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha,
dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais
effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet,
est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien,
& baille encore moins.




POINT.


II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de
Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, _promettre
& effectuer_: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que
les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les
balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer
quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce
propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs
sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire
tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce
volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée
de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de
l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je
vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui
sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez
hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les
fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne
notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine;
que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se
mange. Je pindarise; je voulois dire: _on mange la soupe_. Aussi
Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce
qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui
durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit
couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les
passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il
leur demanda: Messieurs, me leverai-je?




PARAPHRASE.


III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à
moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous
pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le
maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu,
Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous
sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc
mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes,
chez notre pere _se puisse tuer_, que Madame avoit choisi pour y
célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par
ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les
pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; &
pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de
langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la
façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite
Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il
y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés,
nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous
fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre,
autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien
rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité &
lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus
de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de
cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys.




AXIOME.


IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les
rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes,
nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne
sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle,
comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens
qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la
magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le
plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais
sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes &
parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre
congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant
par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre
les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection,
(reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle
est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son
contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant
soient-elles ferues du desir de science.




SONGE.


V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux
plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer
autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid &
d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le
corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de
fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que
Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de
deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer
_honteux_; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre
vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles
qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma
querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en
va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte
paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander
davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste;
mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du
meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un
malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal
irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que
tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des
messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables,
qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir
discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi
bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce
qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après
les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils
se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, &
cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là,
tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en
sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose
meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de
bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent
envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en
état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin:
mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles,
d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons,
pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la
trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit
à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce
puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla,
avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons
dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit
mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos
flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que
sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement
arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles,
couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du
bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est
plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est
long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la
vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de
votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin,
qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait
bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau;
elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait
devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu
à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou.
Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs,
que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous
serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du
siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, &
de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous
amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne
vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une
écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires,
prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on
accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du
vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, &
attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous
emmailloter l'esprit.




PROPOSITION.


VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous
ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je
vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous
envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme
les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les
laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit
fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui
s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à
cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus
s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel
qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne
pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses,
il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans
quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume
le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi
qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la
bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux
proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié
les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se
pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on
se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant
ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos
maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber
des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines
personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour
avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis
bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à
discrétion de conscience. Il n'osa dire _liberté_, de peur d'être estimé
huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y
auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout
ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en
furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit
philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les
réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce
que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il
étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas
été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en
rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son
absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de
sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit
séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant,
d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les
haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les
Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle
piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute
futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous
montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete
le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin,
qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice
délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence
de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un
habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui
habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les
anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez,
allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez
tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant
compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent
d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur
donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit
des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à
genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les
yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit
des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables
heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine:
il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur
barbe de pipeux; (je cuidois dire _depuis peu_) aussi savoit-il de
vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de
discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est
lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé
hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des
choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui
lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus
les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier
inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres.
Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene.
J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est
certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y
parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est
qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud;
honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un
torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir
trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne
ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué
Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché
le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre
fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il
n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais
est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de
derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de
ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les
médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont
aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de
Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez
diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix
mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes
justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce
livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent
selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la
réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la
semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie,
ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité.
Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean
Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa
réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres
cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation
d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on
choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de
président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits.
Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre,
d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir
séance entre gens d'honneur.




COUPLET.


VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens
apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout
qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût
égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres
spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas
tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On
m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre
religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans)
qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre,
dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis;
c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se
faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en
veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des
odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs
des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses
mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette
belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une
grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures
musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original
en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par
le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une
courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le
savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme
celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué,
selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de
telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit
aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise
d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une
petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de
sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet.
Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui
donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir,
avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, &
contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec
délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il
s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si
bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames
Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec
un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture
aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices
odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le
bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre
naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par
circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au
naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la
chasse des pets, (de-là vient le proverbe, _mené par le nez_) oyant ce
corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil,
afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu
être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus
que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure
le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin
endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si
puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le
bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma
breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une
galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien
doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles
que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas.
Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche,
l'été passé.




CÉRÉMONIE.


VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier
de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là,
il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins;
c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des
chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice;
ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de
Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau
petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La
belle, qui étoit de l'âge d'un vieil boeuf, désirable & fraîche, vint à
la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce
fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus,
dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui
soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il
falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype
de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que,
comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon
canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval,
entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit
au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le
laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de
l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps
étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se
prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire;
Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou
je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que
je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, &
puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée
sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en
large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux
cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau
chef-d'oeuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en
diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux
tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent
des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles
parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient
vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté
communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient
de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient
remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées
en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût
curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où
chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où
se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent
semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de
merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux
labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien
de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau
parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli
fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais
yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit:
il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus
n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa
fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce
spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette
liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en
mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui
ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que
la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce
spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel
attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses
images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du
prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier,
la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux
des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore
quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis
l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue,
toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient
tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de
présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche
cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en
quarré plus d'un pied & demi dans le coeur, ayant toutefois dessein à
écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se
délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les
observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun
avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un
laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne
faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le
commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la
réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de
plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré
tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de
gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut
avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête,
comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer
son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de
bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui
sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant,
votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne
grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun
ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps,
poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez
tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les
vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de
Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées,
que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé,
elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les
paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui
payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou
l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi
cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux
mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à
Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée
de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à
Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que
c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à
votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y
en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si
courent plus grande fortune.




COQ-À-L'ASNE.


IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables
effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de
bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant
délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée
d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer
par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs
langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est
nommé _cela_. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une
fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le
devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui
ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade,
coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y
avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire?
Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre
pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que
les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela?
C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre.




CIRCONCISION.


X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez
ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous
formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez
en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens &
enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont
survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations,
apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui
le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit
d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand
vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes
prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême,
ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes
à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais,
des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le
poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce
livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore,
bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon
homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il
avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit
cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint
ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de
tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair,
soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi
ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut,
mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger
de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre
cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous
produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le
texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait
aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous
commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles
instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le
lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre
dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a
ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les
doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante.
Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des
Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien
des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon
prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot _cela_, sur-tout à
cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des
membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux
exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui
s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des
femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le
montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit
mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur,
jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez
les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine;
c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à
le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore,
s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois,
tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la
belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont
une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la
faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la
libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que
l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose,
pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la
belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu,
madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou
faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la
belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour
faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce
qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours
du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que
mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot
de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a
perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui
regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre
petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon,
bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est
ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je
l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite
répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi.
Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous
tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous
dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour
cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi
bien: _Signor mio, sur ma fe_, je deviendrai sage; je prends en gré &
fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne
grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que
répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des
remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à
nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de
l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'_endroit où l'on chie_) & grand
jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul _derriere_ ou
_fondement_; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en
un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est
tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un,
non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux
cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai
l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès
productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne
soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen,
sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un
& en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage
conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là
_honteuses_, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant
autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces
parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises,
comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir
honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse
de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de
jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les
tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui
est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux &
mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de
concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut
desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la
belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui
ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y
mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette
belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par
devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la
rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir
ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir
à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, &
Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit
commandé; _notate verba_. Servantes, sont celles qui servent chez les
gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles
qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes
leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les
notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant
notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit,
là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent,
& l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en
ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils
alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez,
dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son
épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent &
l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens
hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux
mie tuer.




PAUSE DERNIERE.


XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces
précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter
honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en
porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites
tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué
honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce
banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que
de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut
jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, &
plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées &
fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu,
égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont
étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été,
& seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit,
qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils
avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils
s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait
des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage
compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre &
façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle
voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel
ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse
& sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant
de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on
mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta,
on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on
moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on
entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on
trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on
s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura,
on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on
redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en
avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de
perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes
graces, _Ce Moyen de Parvenir_, unique bréviaire de résolutions
universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer
d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez,
captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous,
sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui
aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems
inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; _volume_ dit, à cause
de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre
& volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est
le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon
bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels
volumes, ils sont capables, de rendre _victus_ tout le monde, tant docte
soit-il.




VIDIMUS.


XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé
pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il
enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement
gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de
cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci
l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui
s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à
notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le
Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie,
mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il
ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant
pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que
ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le
Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai
rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait
comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à
Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, &
prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le
payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil
bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à
qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je
voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je
vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce
sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si
vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que
vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux
autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait
contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire
naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative,
l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires
de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point
faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir
point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous
avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui
vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces
élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive &
inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché,
séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à
crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours &
d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, &
quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de
gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous
raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces
énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des
sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la
lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu
d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons
part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant
les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que
quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les
secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos,
comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été
compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence,
pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en
grosse lettre dit, nommé le _Livre_. Ne dites pas sans queue, d'autant
qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands,
au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit
vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple
queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes
personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons
pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout
aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de
bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de
daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne
l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le
vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel
on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or,
comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront
affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de
cet oeuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans,
il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout
qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir &
entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour
autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure
cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou
clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins
grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon
volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau
de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui
fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en
avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de
ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de
l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque,
fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut
avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à
Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit
accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette
résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux
employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un
trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le
plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit
ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs
descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit:
Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant
apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à
l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la
derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que
cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment
épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus
livres, cahiers, volumes, tomes, oeuvres, livrets, opuscules, libelles,
fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards,
originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les
pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais
encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués;
de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si
quelqu'un a dérobé un oeuvre, il sera découvert, comme il se présume en
vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires,
métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires,
lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses &
interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans
qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes &
bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après
que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu.
A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le coeur de beaucoup de
gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages
avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard,
lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment
relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant
vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au
tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de
surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de
fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu
des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres
acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne
s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables
dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en
main un _Moyen de Parvenir_. Sur quoi je vous dirai un grand secret, &
puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de
pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui
n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des
secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner
le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. CE LIVRE EST LE CENTRE
DE TOUS LES LIVRES. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte
du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le
fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui
gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces
pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se
calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en
scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de
sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent &
prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de
théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui
aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles
bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à
gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner;
non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre
nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces
sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle
impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut
servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de
Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai.




CONCLUSION.


XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je
lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de
ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il
arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire,
_inter privatos parietes_, je me mis à faire des contes, & lui aussi;
mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour
m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui
prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés,
de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous
le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici
_distingo_ Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems
de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit
n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, &
qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un
homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de
Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration:
c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon
ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites
qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste.
Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits.
Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui
furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou
garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou
prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin
finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront
qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par
dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire.
Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce
qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite
idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais
opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou
autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle
qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise
de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une
bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant
toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de
fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un
chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble
avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant
qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en
l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte
affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause,
d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à
cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise
cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne
serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous.
Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre
en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de
même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous
en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent
bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur
d'être incommodés.




COROLLAIRE.


XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je
ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le
monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur
l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne
l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le
greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont
promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami,
fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous
sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur
d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la
conscience, pour éclorre quelque oeuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé
sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, &
pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'oeil sur ce
monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera
peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos
paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations;
alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent
rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil,
bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il
se fait volontiers en nos cloîtres.

BEZE. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours;
beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle
s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere;
le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi
conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec
nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant
sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la
vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où
venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre
vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout
est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même
posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous
laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y
avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien
autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul!
Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma
vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé.
Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste,
perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux
comprendre le légitime _Moyen de parvenir_, auquel tu prétends d'arriver
par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons
ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il
te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup
de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de
hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; &
en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas
de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à
dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa
cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé
pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous
avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre
dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On
parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres
paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur,
vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de
tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à
la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont
_doctores à docendo_, comme _montes a movendo_. C'est lancer du latin
cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, &
vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis
du coeur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette
analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet
& aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit
celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce
qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet
homme de bien.

RAMUS. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près,
que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit
madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise,
sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau
jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour
étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un
accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé
d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, _un saye_
tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de
tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la
raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce
grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention,
voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant &
racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant,
transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure
que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez,
& que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la
vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens
pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre
science universelle, mondaine & céleste.




DESSEIN.


XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en
Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement
des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en
plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu
commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été
déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous
étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme
avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions:
c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres
quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier _pere de la foi_, ou
_suivant la foi paternelle_. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où
nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il
nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant
ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de
ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant _heureusement
reconnoissant_. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je
revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les
laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la
religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez
jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler
beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du
Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique.
Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau &
avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de
l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes
belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, &
de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend
l'outil à faire la pauvreté.

CESAR. Qu'est-ce que _faire la pauvreté_?

RAMUS. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on
fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin,
ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre
cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre _entregent_: mais il me
sembleroit dire _entre-jambes_; tant cela est fat. Mais oyez: _Bipes
facit damnum_, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut
célestement puni. _Quadrupes facit pauperium._ Venez un peu ici, hé!
couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté;
c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux
androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à
femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres;
c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne
personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a,
_Fac benè, & benè tibi erit_. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un
beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que
faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers,
qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller.

SEVOLA. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la
principale?

CARPENTIER. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée,
(ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement &
directement, &, _à contrario, quia_) elle, lui rendant son salut, lui
dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de
fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; &
les dames saluent du cul.

RAMUS. Poursuis, garçon.

CARPENTIER. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il
desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre,
où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de
creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait,
par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en
prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les
verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me
connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement
se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie
fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La
dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de
l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma
voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut
appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la
principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris:
Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit
ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra
content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne
de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours,
être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure
fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le
trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de
Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems
& la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en
alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les
badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi
étoit-elle de nos soeurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit
exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: _fac benè, & benè tibi
erit_. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses.
Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous
faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il
est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour
avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon coeur,
(laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit
pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne
faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout
entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes;
parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les
autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y
en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles
ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi
commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, _in utroque
genere_. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: _vous avez bû
la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré_) lui envoya sa
haquenée. J'ai quasi dit _son haquené_, d'autant que son fils représente
sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui
aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre
religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou
dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de
moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui
vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez,
vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime
sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans
que _chose_. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez
moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à
elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de
basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes,
passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit
sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la
trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la
fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere.
Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le
fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit
autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé
docteur à Orange, sous le nom de _Joannes Cavallus_. Après la fessade
accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle
tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la
ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette
revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq
jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse.

CESAR. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable
si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels
fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement.

CARPENTIER. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles
bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage.
Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées.
Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une
merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de
son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel
toutes les autres ames s'en vont.

ESOPE. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame?

RAMUS. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si
sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont
courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les
théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce
fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous
hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes:
rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du
grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime
pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte
St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques
ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un
vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se
connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il
le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen.




HOMÉLIE.


XVI. CUJAS. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la
Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en
font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au
vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent
autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour
savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou
déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami,
à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle
ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni
ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou
un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à
gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font
par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans
être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour,
s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au choeur, la prit
à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les
capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à
leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis
vont banqueter ensemble. Soeur Dronice, qui ne voulut point être tancée
pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne
pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: _bonum est
omnia scire_, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner
le feuillet, vous eussiez trouvé: _& non uti_, & n'en faut pas user.
S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere,
excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai
le feuillet.

SOLON. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si
jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, &
promulguerai cette-ci: _Toute fille qui aura fait un enfant à crédit,
sera dotée aux dépens de la ville_.

PLUTARQUE. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres
feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que,
selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent
leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix.

DENIS. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere.

PLUTARQUE. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes
apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere,
disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui
reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere,
dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai
que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut
l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose:
otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une
autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant
relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté
son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand
maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain.

POLIPHILE. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre
moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre
fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui
en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle
me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il
est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre,
fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui
lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je,
dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône;
il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes
bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos
enfans sont de mauvais fils de putains.




JOURNAL.


XVII. COMINES. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à
deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes
(c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le
seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y
avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu,
l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au
commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des
dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en
dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient,
votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les
femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous
êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés.

BRUTUS. Comment vous parlez au désavantage des dames?

COMINES. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à
savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit
une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de
l'appeller putain?

BRUTUS. Il n'y a point d'apparence.

COMINES. Et si c'est une même chose, que direz-vous?

BRUTUS. Je ne sais.

COMINES. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut
surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une _grace_; il n'y a que
transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, _cum commento_, &
la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En
s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté
de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: _quia omnis caro foenum_,
parce que toute chair est foin. Concluez.

GUIDO. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, &
parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les oeufs.

ALAIN. Qu'est-ce à dire!

VIVES. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement,
cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été
en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne
vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que,
durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en
ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô
gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il
n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de
jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en
ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende
cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu
dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il
témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut
parenthésaquement au monde.

THEVET. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant
de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune
chambriere.

BRUTUS. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il
t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la
derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un
grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous
vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire _il chevauche
mal_.

VIVES. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant
la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je
vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la
compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que
Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que
te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami,
mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, &
que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y
faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere,
alin bere).




MAPPE-MONDE.


XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche,
& n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait
moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette
heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil
haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere
Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de
lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la
faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les
mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les
mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins.
Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a
dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne
femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour
tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut
charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la
commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment _athanor_, dont les
fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot
_Athanorum_, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont
la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux,
il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, &
n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant:
mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur
jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût
encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé
l'oeuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le
principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y
transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui
fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame
choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge.
Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt
hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la
main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la
pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités,
mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos
déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons
appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître
& penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être
sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de
vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela
aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être
content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage
par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame
ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus
gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point.
Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je
suis assez content d'avoir le _victum_ & le _vestitum_: mais sachez, ô
bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette
divine oeuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au
soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; &
je le ferai sept coups.




MÉTAPHRASE.


XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que
l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse,
avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils
eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour
plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta
en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce
contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui
criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, _mundus, caro,
dæmonia_, le monde n'a cure de moines.

CUJAS. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à
casser les oeufs.

VIVES. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune
gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint,
durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour
décider, qui étoit le mieux dit: _c'est demi-vie que d'être saoul_: ou,
_c'est demi-vie que de rire_; sur quoi ils se confondoient comme
hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces
débats de théologie, jetta l'oeil sur la servante, qui étoit une assez
belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez
froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes
des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse
pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si
bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends
graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien,
je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal
qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la
ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits oeufs, qui y
grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles
montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt.
Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque
chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint,
qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est
bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je
vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa
chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura,
& lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un
peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que
madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa
contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que
voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un
oeuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit
céleques; il lui mit chair vive en chair vive.

CUJAS. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en
chair vive?

LYCURGUS. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous
mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est
auprès de la merde.

VIVES. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne
sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si
peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon
qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y
retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit
souvent des oeufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu
en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans,
sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, &
qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut
descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque
méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine,
qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez
menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous
faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame,
ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du
monde: il m'étoit venu des oeufs au ventre; & il me les a cassés. Quels
oeufs sont-ce, vilaine, quels oeufs? O regardez, madame, s'il n'est pas
vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout
mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit.

TERENCE. Sa maîtresse ne lui fit rien?

GUIDO. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans
qu'il y parût.

TERENCE. Comment ce feroit cela?

GUIDO. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y
paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la
bouche.

TITE-LIVE. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés.




PARAGRAPHE.


XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant
les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites
putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels
diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que
trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je
l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de
raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain,
penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute
vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de
cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu
n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu
oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien
que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit
d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les coeurs des
savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès
esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes,
selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient
que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en
avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou
puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale.
Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien
aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile
croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; &
possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de
haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous
donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez
ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres
d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les
Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas
le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher
cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la
fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me
venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait
bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis,
après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme
une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma
fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne
vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous
faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume;
ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher.




OCCASION.


XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il
y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son
prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à
l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit,
dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que
prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la
langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout,
considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé
avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur,
vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que
j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus
maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents
écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le
docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus
de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres
petits écoliers, en parchemin vierge.

GALIEN. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos
de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait
oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge?

CORDUS. _Virgo est puella intacta_, vierge est une fille à qui on n'a
rien fait; mot à mot, une fille non touchée.

GALIEN. Ha, ha, hé, appelez-vous cela _intacta_? Une dame de Blois ne
l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, &
sa femme étoit demeurée _intacta_. Cette femme l'ouit, & dit que ceux
qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il
ne tenoit point du tactac.

HYPOCRATE. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied
d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une
pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme
monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les
pas de la pucelle ne parussent point?

CORDUS. Je ferois comme fit l'autre.

HYPOCRATE. Et quel autre?

CORDUS. Fils baise cul.

PINDARE. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine:
c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois.

VIVES. Et quoi?

PINDARE. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la
fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de
ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va,
méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la
prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle
musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va.
Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta
mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas
quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en
soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille
les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau
naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh
viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc
encore un coup.

VIVES. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le
quitte.

PINDARE. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper?

HYPOCRATE. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont
les chênes mâles & femelles.

PINDARE. Dis-moi comment cela, je te prie.

HYPOCRATE. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un
arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle.

PERION. Va, la gorge te coupe le col.




PLUMITIF.


XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce
que vous connoîtriez si une fille est pucelle?

PLINE. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais
pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape
Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses
quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec
eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus
doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en
conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de
connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier
médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien
faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir
debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par
entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il
est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit:
sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite
garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui
fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre
salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre
main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en
éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre
force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la
main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de
qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien
aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de
Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du
notaire de mon chapitre.




PROBLÊME.


XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius
dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que
c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête.

MADAME. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je
vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la
parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé
dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse,
à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement &
multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il
contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle
symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé,
sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit
aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est
que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche,
un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement,
ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans.
Je parle d'un petit corpuscule nommé _consistoire_. Je n'entends pas
proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des
chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un
dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut
que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent
de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus:
ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me
conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu
sais ce qui avint, _in illo tempore_. Voire, monsieur. Il y eut un
pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux
robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous
oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que
vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une
ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à
votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise,
dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur,
dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre;
je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho,
dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur.
Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon,
vous eussiez oui, _in illo tempore_, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je
prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà
bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos
d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y
suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient.
Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet
de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere,
tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je
dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere
femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous
travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de
l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne
tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces
écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant
gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien.
Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous
aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de
l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il
eût été bon pour no'mere.

MADAME. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne
poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur
escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien.
Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de
réciter?

CICERON. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût
interrompu.

PERION. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous
fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable
raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé:
_des prélats_. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant;
parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder
à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait
où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur.

CARDAN. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent;
d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le
ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui
eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce
récit.




ENSEIGNEMENT.


XXIV. L'EVEQUE. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à
Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai.
Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les
textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit
l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; _Aristoteles, au livre des
bêtes_, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit
sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que
devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui
toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me
reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je
les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera
pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu
chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je
leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain
service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément
effectuer; (_perdonate mi_; je n'ose parler en termes épiscopaux, à
cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce
service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit.
(Il y a quelque docte qui a lu, _traînoit long comme la gaîne d'une
faux, ou l'étui d'une lance_. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y
vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche
qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si,
par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce
service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu
annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges &
saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi
taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment?
quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, &
me voilà constipé.

CICERON. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois
combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé.
Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince;
bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre.

L'EVÊQUE. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du
chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire,
la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés
de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement
étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que
résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent
d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un
contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le
président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse
exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses!
(Il leur fut avis qu'il avoit dit de _messieurs_.) Vous ne remédiez pas
mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce
discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait
autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de
peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une
petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere,
vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le
fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous
présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si
vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois
commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne
peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le
bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou
tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs
les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le
prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la
compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre
empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut:
messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les
autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup
de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on
contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet,
iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y
trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise
entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de
honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés
aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je
cuidois dire _procuration_; voilà comment les belles paroles nous
croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien
& dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au
pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; &
délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant
train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là,
revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se
vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa
négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement &
catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au
profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit
fait marché avec les _fratti ignoranti_, (je n'entends pas bien le grec)
lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce
qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant
aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire
étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit
au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis,
le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable;
mais je les nomme tels, _honoris gratiâ_, pour conserver notre
institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma
salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur
notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous
étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le
soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit
homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme
mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche,
avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa
faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui
trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva
merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en
fut fait, _il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas
ses pieds_. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils
eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement;
regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les
signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler.
Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin
ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à
battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le
long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si
qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha
plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de
soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein
de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le
vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux
angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or,
& trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles
antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le
notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le
reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute
au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres,
qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux,
comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce
faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez
en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez
après, tandis qu'il fait beau.

DEMOSTHENE. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures.

EUCLIDE. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que
c'est?




RÉSULTAT.


XXV. En bonne dà, je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat,
qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé
à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne.

BUDÉE. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le coeur tout
gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai.
Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi
sainte, vu le marchand qui me la vendit.

CICERON. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere.

BUDÉE. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je
suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit
avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui
veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du
sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel
Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la
protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en
parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce
Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les
enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas,
& qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17
du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point
défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son
devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement,
charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant
de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases:
il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du
consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint
compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut
passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un
pot en tas; & lors fut inventé le jeu _au ministre dépouillé_. La triste
condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir:
toutefois il eut meilleur coeur. Il ne voulut pas se donner au diable
après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les
petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire
profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se
mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de
venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup
de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y
fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me
promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il
m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de
même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de
bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit
qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le
regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon
ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre
synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que
vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous
êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les
ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que
j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut
qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique.

BADIUS. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous
trouble. _Cabalistique_ ou _cavalistique_ ne vient pas de cavalerie. Il
ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient
dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend
souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin
Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre _du
moyen d'accorder les religions_, nommant le premier ministre de
Strasbourg, _le grand lanternier d'ubiquité_.

BUDÉE. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt:
c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui
vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple
homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié
dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez
incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous
épargne; la doctrine vous a civilisé.

BADIUS. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici
en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de
confesser que vous avez raison; votre chevau baille.

BUDÉE. Ha, ha, _chevau_; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y
avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de
Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage,
humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, &
n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit,
ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout.
Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il
le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours &
sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout
métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre
chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit,
pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous
faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas
toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que,
contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le
vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui
autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je
reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, &
l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce
mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que
dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là; aujourd'hui
j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y.

GORREUS. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit
ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi
que j'en ris de bon foie.

FERNEL. Pourquoi d'aussi bon foie!

GORREUS. Parce que, selon votre doctrine, au livre _de abditis rerum
causis_, où vous deviez mettre _effectis_, d'autant que vous ne parlez
aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle
vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de
la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les
orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore
de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans,
afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde
connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou
cela.




LIVRE DE RAISON.


XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois
dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il
avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant
qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que
je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son
livre. Je lui dis: _quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem._ Or çà,
où est cette belle leçon? _In oratione pro Murenâ._ Voilà qui va bien:
or sus, qu'est-ce à dire _Murena_? Il se leva, & tournant son bonnet sur
les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il
avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir
coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une
pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de
fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, &
lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une
syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au
reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: _une lamproie_. Là, dis-je,
hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à
corde avalée: _une lan_. Achevez, courage, dites assurément. Lors le
pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot,
va dire tout haut: _une lanterne_, _domine_.

DE CUSA. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce
elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé
de l'excellence des écritures?

LINACRE. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes
garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis _graces_)
pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire _congé_; comme
Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant
le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous
dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, &
réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus.

TOSTATUS. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis,
sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce
fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas
celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé _le concile de xxx_.

BUCANAN. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des
ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques
qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou
ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire _les rangs_. Vous
voilà bien ahuris, pour une parole.

RUFIN. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul
ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est
besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si
justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces
fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire,
comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses.

MACROBE. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli.
Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné;
les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont
moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres
femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans
quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels
sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui
disent que ministre signifie _boureau_. Ainsi il n'y aura que le pape
qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui
répond à la messe est dit ministre: par-là, il n'y auroit évêque,
prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier.

RUFIN. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que
tu avois été marié à deux veuves.

TOSTATUS. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi
d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel,
prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le
prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il
n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles &
incompatibles.

PROCLUS. Quel animal est-ce?

PANORME. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté.

PROCLUS. Et qu'est-ce que vous dites?

PANORME. Poursuivez.

TOSTATUS. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce
prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la
soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de
fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu
à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre,
n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé,
pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc
il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre
de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot,
s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par
toutes les quatre clefs de musique.

ORLANDE. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur
le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique.

MACROBE. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va,
bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se
peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en
suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; &
sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit,
que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la
divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave;
c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais
c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de choeur
n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le
commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous
un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma
mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa
femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche.




PARABOLE.


XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres &
lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par
quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la
bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours,
regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son
intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit
agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre?
Oui, monsieur. Or donc, messire _alterutrum_, il vous faut ouïr parler.

PLOTIN. Pourquoi l'appelloit-il _alterutrum_?

DURANDUS. Parce qu'il est écrit: _confitemini alterutrum_, c'est-à-dire,
confessez-vous au prêtre.

MAROT. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux
docteurs.

GENEBRARD. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire
brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme
par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les
mâchoires, comme un official fâché.

TOSTATUS. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de
moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les
diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant
savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce
bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin
qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les
écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond:
monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha,
ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous;
répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous
pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit
ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier.
Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour
obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question:
entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de
Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme
cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa
pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, &
ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole
philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de
même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine
de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez
qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante
écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout
de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les
enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme
figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc,
monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême
de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est
_docere_; c'est expliquer le latin du chapitre _recitas docendo_. i.
qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il
faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en
danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous
l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber
toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous
serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions
incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties.




FEN.


XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande
pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot,
qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire,
bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: _primo_, d'autant qu'on n'en
donne plus; _secundo_, on baille de l'argent à un maître, pour le
servir; _item_, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du
mérite parfait.

BACON. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit
opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant
que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct
d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus
grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé.

DE CUSA. Et pour être carme, qu'en est-il?

BACON. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens
théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? _Si
deus est animus, nobis ut carmina dicunt_. _Carmina_, sont les carmes
qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre
compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un
verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Soeur
Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis
aise que ce gros coquebin là est hors de céans!

VARRO. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que _coquebin_?

SOEUR JEANNE. Ce que les Tourangeaux appellent _coquebin_; les Angevins
le nomment _jagois_, & à Paris les femmes le huchent _bringuenel_.

VARRO. Quelle sorte de personne est-ce?

HERMÈS. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou
de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin;
il eut beau le voir.

VARRO. Quand?

HERMÈS. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa
fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui
demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que
je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire,
dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui
voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou
quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au
médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui
avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur
le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son _cela_ en belle
vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce
docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva
des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin
de Tours.

LE TREVISAN. Que lui fit-on à ce pauvre diable?

HERMÈS. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la
commission de le faire châtrer.

VARRO. Dites-nous ce que c'est, de grace.

HERMÈS. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous
en fasse le conte.




CHAPITRE GÉNÉRAL.


XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses
cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous
sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait
ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme
Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, _il
a fait gille_.

PROTAGORAS. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se
cacha de peur d'être fait roi.

EPAMINONDAS. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu,
j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui
se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a
d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la
fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne
me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs,
d'autant que je n'ai point le coeur à la caimanderie. J'en sais bon gré
à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement
des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous
dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront
enfin ces pauvres gens?

MESSIRE GILLES. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne
vaudrez jamais rien.

EPAMINONDAS. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme.

MESSIRE GILLES. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes
bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or
paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire
une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit
suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, &
le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas
bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi
sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, &
tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de
religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel
couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes
aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de
Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit
que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il
falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à
l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le
fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud,
avec une robe de _Quasimodo_. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est
que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi
sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour
n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand
chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous
savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il
montra son composé de deux grosses fesses de provision.

SILVIUS. Etoit-ce plate peinture, ou bosse?

MESSIRE GILLES. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un
sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez
eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle
me dit: j'ai céans le meilleur _culteur_ du monde). Je vous dis que
cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien
portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce
diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros
dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons
pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit
chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime,
qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques
filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien,
qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu
cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les
hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit
garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce
diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié,
commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement,
selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des
autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à
exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre
l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la
conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: _coupibus
couillibus rasibus du culibus à diabolus_. Et cela entendu, lui dit:
frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues,
qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la
réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut
visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand
préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices
y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là, est
avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là _pauvres diables_; & de
fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on
les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un
grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le
bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les
méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes.
La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems
des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en
forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres
impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit
aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui
vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est
une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable,
viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que
le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde &
telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi
les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe _rasibus_ du
goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale!
Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de
droit: _à mas ventos, mas vellas_; & gai, que je sais de langues! Je
vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche
que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de
trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit
françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés,
parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes
qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de
récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en
quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre!




RENCONTRE.


XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de choeur, lévron de
l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine
à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les
pendloches humaines. Mais dà, quand j'y pense, vous êtes de grosses
bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de
ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de
Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue
quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere;
c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des
hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui
avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les
(il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit
pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de
chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que
tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de
lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils
lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire
le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit:
mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les
histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos soeurs, que ce qu'on
dit _faire la pauvreté_, ou _besogner_, est maintenant nommé _histoire_,
en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier,
prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le
Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de
faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée _reine des
pois pilés_, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée
que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand
tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit
l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, _basta, basta_. Passez, révérend;
ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous
m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son
ouvrier avoit nom _maître Nicolas_; ce fut lui véritablement, ainsi
qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà,
qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit.

EGEZZIPPUS. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue
si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est
certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René
Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit
la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de
parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je
la besogne tous les jours; & ne la puis achever.

DIOGENES. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces
gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous,
Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés
de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange,
l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous
vous tuez le coeur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie,
tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous
emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le
savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous,
lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites
tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose
ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que
toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles
vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une
pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent
toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait,
je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens
mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez
extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi
faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier,
pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, &
Orateurs, & _fouilleaucoffres_ qui les ont écrites en buvant & se riant;
& les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres
symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous,
dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils
deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos
savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation,
en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces
gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de
vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à
mon chevau.




CAUSE.


XXXI. CATAN. Jean vere, compere, votre chevau bâille.

DIOGENE. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui
groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux,
qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent.
C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût
tout d'or en ma cave.

CATAN. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine
d'écus?

DIOGENE. Non dà, si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand
je t'aurois acheté.

CATAN. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix
mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la
triste aumône?

DIOGENE. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une
couvée de rats dedans!

CATAN. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le
Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau
pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup.

ARISTOTE. N'aurez-vous meshui fait-là? Après, achevez ces histoires. Tu
y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes.

CICERON. C'est mal parlé, il faut dire _à Martine de sa flûte_. La cause
est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, &
lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous
sifflez; vous aurez vraiment une flûte.

THÉMISTOCLES. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites
tout.

ARISTOTE. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on
n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est
en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare,
nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que
sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils
deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus
certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de
doctrine universelle, sans tant d'arts.

ARATUS. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne
parlez gueres bien.

PORPHIRE. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous
autres mettez sept arts _libéraux_; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce
qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire _nobles_ &
_libres_; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art _libéral_ au monde, qui
est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines.
Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses
bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral
arbitre. Que ne disent-ils _libre_ & _franc_ arbitre. Mais, pour vous
ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est
unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là; il
s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le
bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui
qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des
six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec
honneur.

APPOLONIUS. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six.

PORPHIRE. Oui, j'ai dit six.

APPOLONIUS. Et qui est le sixieme?

PORPHIRE. C'est le sens du cul.

APPOLONIUS. Ta male'bosse, vilain gueux.

PORPHIRE. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien
davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son
prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses
fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une
serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits
enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure.

BALDUIN. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur
laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même
à sa femme.

DONAT. Comment?

BALDUIN. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade,
avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y
penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour
d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque
chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit
pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme:
hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a... Hélas!
dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là, là, Monsieur, là,
courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la
plus grosse motte de con qui soit en cette ville.

DONAT. Que dit à cela cette pauvre femme?

BALDUIN. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui
est assez belle; mais elle rechigne toujours.

ARTÉMIDORE. Quoi! cette petite friande-là, est-elle ainsi grondeuse? Il
y a du cas-tu en son fait.

PHILOSTRATE. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que
je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de
songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à
ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un
geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais
comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait
point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en
est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes,
elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher
l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse
aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne
l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront
aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le
grand bruit du crible. (J'eusse dit le _son_; mais les Moines ne
m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que _son_ appartient aux
cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui
appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace,
qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice
quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse.

SANDÉ. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles
ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est
éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui
disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois
mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens
couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en
diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre.

DONAT. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la
reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos
histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit
priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que
paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce
qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un
grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle
point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde
avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à
regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au
diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire _le centre où
doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore_. Coipeau, qui l'avisa
ainsi merde en vos lippes, (je dis, _mélancolique_) vint à elle, & lui
dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre
mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne
laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O,
ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette
petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui
dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie
de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui
enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son
honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; &
l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là. Quand
ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant
affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle
en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez.
Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à
Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant;
toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé
des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son
honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit.
En dà, dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle,
& qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient
entre les jambes.




MINUTE.


XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours
par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut,
comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé,
il faut se reposer; _à l'Italiano sermo disme_. Beuvons & faisons une
pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir
d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut
tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous
sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la
porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée
(comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent,
pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles,
prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise
s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus
potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint
par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il
s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un
cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé &
contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à
Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit
exercice de la religion.

CLICHTOVEUS. Qu'est-ce à dire cela?

LE BON HOMME. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si
bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons
cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la
porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la
chair, aux jours défendus. Tel est le _petit exercice_, d'autant que le
grand est d'aller au prêche.

PETRONIUS. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné
Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais
jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair
morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point
défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il
faisoit la guerre de nuit.

LE BON HOMME. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut
mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie.
Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en
liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille
aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit.
Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à
nommer ainsi le _privé_, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup,
les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la
conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni
sépulcreux, (je cuidois dire _scrupuleux_) je vous assure & jure que
j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne
s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce
maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval,
alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui
dit: en dà, monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous
faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en
devint ladre, & sa postérité.

AMIOT. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de
bande.

LE BON HOMME. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il
étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant
l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là, un
avocat se nomme aussi baillif.

PHILON. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement
à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus
commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois
connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes
pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt
ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez.

LE BON HOMME. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont
des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations
légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y
sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le
moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres.

APULÉE. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin
coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour
deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin.

LE BON HOMME. Là, là, disons bien; & si vous avez envie de trébucher en
éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de
bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que
savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut
qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup
qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans;
c'est-là. Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos
parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui,
prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous
dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos
jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous
gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce
soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez
mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec
honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille
Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du
vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle
d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la
pénultieme page du _Talmud_) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si
une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien
qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont
été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause,
sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais
pourquoi le con d'une femme est il mâle?

ARTEMIDORE. _Omne, viro soli quod convenit, esto virile._ Les docteurs
de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui
entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y
va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme
Balaam à _propos de quoi_, c'est-à-dire, _de boire_). En quel tems le
vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on
a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en
hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu.

ALBERT LE GRAND. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le
jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du
temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques
doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me
baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si
ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du
jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous
étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et
puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: _goûtez_ à ce vin, de ce
vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand
viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu
boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à
te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu
point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus
favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer
avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape
aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que,
venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de
l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par
ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est
sage?

LE BON HOMME. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien
jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne
le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux.

AZOARE. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans,
qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme
Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du
pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un
jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit
d'alléguer l'écriture, & disoit, _Adam, ubi es?_ Cette fillette sortit
tout incontinent de là, très-aise de savoir le nom de son fils. On lui
avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son
fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte
de l'église cathédrale.

AMIOT. Qui est l'autre?

AZOARE. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, &
que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui
vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas!
monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en
gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a
gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi
est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette
qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui
dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle.
Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain;
tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines.

AUGUSTE. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais.
Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé.

AZOARE. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la
barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions
& rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent
que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui
de Don Rodigue das Yervas.

SOPHOCLES. Pourquoi nommez-vous cettui là?

AZOARE. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il
eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris.




REMONTRANCE.


XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à
notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je
désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je
crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de
Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un
peu de cette vie sans fin; c'est-à-dire de cette langue de boeuf, de ce
jambon. Çà, çà, Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si
la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on
pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon
chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire?
C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre.
Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute.

CESAR. Il n'est pas Flamand.

AZOARE. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême?

ERASME. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être
écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis
que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe;
& bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à
courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin
naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris
de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est
l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a
guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est
le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici
l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis:
par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée.
Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au
tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent
si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les
novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que
cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils
surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois _in
pace_, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes.

APULÉE. Et qu'est-ce que cela?

ALCUIN. C'est le déjeûner.

ERASME. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai
tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant
plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit
tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles
françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur
l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de
l'épître.

TRITEMIUS. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique.

ALCUIN. Vous n'êtes pas recevable à le dire.

TRITEMIUS. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne
valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le
gain le plus avantageux y est.

ERASME. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni
moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui
donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les
écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes
interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie,
les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en
richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon
fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler
bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de
France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre &
sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant
que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul.

MUNSTER. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle.

ERASME. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que
lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois
chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma
fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient
emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles
auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel
de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles
puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la
généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là
avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand
parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux.
Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel,
en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces
inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle
naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie,
disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval.

AZOARE. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je
vais errant çà là. Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome,
duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de
nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant
désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour
ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut
gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il
avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son
roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette
condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de
lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître
devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas,
ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien
d'autres l'y ont; & là-dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les
femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître?

SUIDAS. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des
couilles bénites pour l'éteindre.)

AZOARE. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta,
d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de
fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause
de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui
demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit
point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le
laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il
n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce
prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la
troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses
yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme
chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit
fort loin; &, là-dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont
il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au
roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme,
sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa
majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci
lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon
_bien se poede hazer hoder à mi machos_, c'est-à-dire, _qu'il se fasse
saillir à mon mulet_. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les
chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où
entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina
avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha
son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en
France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas
laissé là, sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la
fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux
gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui
dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien
que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en
son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa
majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru
un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie,
ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations
qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur &
fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté,
vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable
récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi,
malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là-bas.
Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi.
Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme
prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter
ainsi: _mon mulet est là-bas, faites-le monter, il vous en donnera une
venue._

GALATINUS. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille
de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon
jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour
donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il
vous plaira, mademâselle.

CÉSAR. Que fit le roi à Rodigue?

AZOARE. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le
retint près de sa personne.

PIMANDER. Voilà; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces
des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on
l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir
des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand &
gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les
hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait
des diables, qu'il aille au palais & à la cour.




GÉNÉALOGIE.


XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande
misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant
vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret
rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils
soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises
voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le
commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent
en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant
les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle
sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien &
charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus
d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à
dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin
que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de
payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres,
desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains
multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit
sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la
tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos
discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité.

EPICARME. Savez-vous bien ce que c'est que vérité?

Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne
soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis,
par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à
mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui
est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec
la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre
satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du
mauvais monde.

PÉTRARQUE. Mais de quoi sont composées les affaires du monde?

QUELQU'UN. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui
plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles
gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des
bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me
protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre
servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien
retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le
mêler avec le sien.

PÉTRARQUE. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du
monde.

PARACELSE. C'est le moyen de parvenir.

CELSUS. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine,
en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie,
amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai
de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend
tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur
quinte-essence.

ERASTE. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la
connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a
qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir
des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les
incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes
merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances
mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni
chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement &
philosophiquement en charité.

SCOT. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je
connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se
fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous;
vous n'y entendez rien vous-même.

SCOT. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache.

ULDRIC. Vous en avez menti, au respect de Dieu.

MADAME. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent
ainsi? Buvez, & vous accordez.

PARACELSE. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle.

ULDRIC. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt,
m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie,
Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser
en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas
quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je
lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; &
m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre.

SCOT. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce
qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais
me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame.

MADAME. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi?

ULDRIC. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y
penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere
plus notable.

MADAME. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là,
déclarez ce tort & injure.

ULDRIC. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a
appellé viédaze.

MADAME. Que lui avez-vous répondu?

ULDRIC. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois.

MADAME. Mais vous, vraiment!

ULDRIC. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander
plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand
il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je
serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il.
J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire,
mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul.




NOTICE.


XXXV. LE BON HOMME. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait
comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique?
Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs
comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer,
comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là; il te feroit devenir
aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du
siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à
se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons
non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un
noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas,
s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames,
qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science:
& nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt
qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est
tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien,
puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur.

PARACELSE. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont
formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne
grace, comme un apprentif qui retire sa quittance.

    Quand maître coût, & putain file,
    Petite pratique est en ville.

La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent,
sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de
proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, &
pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa
matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous
dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous
adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne
s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas
que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout
ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est
le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en
proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence,
ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là, & vous qui
jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste
prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose
que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur
d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints
& justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs,
falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces
trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand
j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de
peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les
abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus
subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là
sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet,
comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance,
sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne
sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse
donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains
élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous
lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt
que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais
que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui
quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué
comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément
génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, &
ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé,
effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus
sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les
embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui
ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance
chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence
magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de
jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens
l'oeuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé
par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour
après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les
autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des
ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs &
risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait
d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois
boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la
fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces
quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés;
tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont
fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver;
c'est un... Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a
coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole,
ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces
élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés,
trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé,
compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie;
& ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté
perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le
mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues.
L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux.
Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui
disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent
prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y
fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons
ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers
le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas
pourquoi les boeufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils
ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que
vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me
voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, &
vous la montrerai au doigt & à l'oeil.

NICANDER. Il est vrai, notre ami, c'est-là; & je voulois considérer si
votre analogie seroit parfaite.

L'AUTRE. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre
cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là, laissez-moi
achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par
le bord de sa robe.


_Fin du Tome premier._





End of the Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by 
François Béroalde de Verville

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***

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