Moyens infaillibles de devenir riche

By Antoine de Nossy

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Title: Moyens infaillibles de devenir riche

Author: Antoine de Nossy

Release date: June 29, 2024 [eBook #73946]

Language: French

Original publication: Paris: Édition presse française, 1913

Credits: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))


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  Moyens infaillibles
  de devenir riche

  ANTOINE DE NOSSY


  PARIS
  ÉDITIONS PRESSE FRANÇAISE
  12, Rue Servandoni, 12

  1913
  Tous droits réservés.




Moyens infaillibles de devenir riche




CHAPITRE PREMIER

Le Travail


Qui n’a point fait et qui ne fait point encore le rêve de s’enrichir?

Ceux qui ne possèdent pas voudraient, avec juste raison, se trouver à la
tête d’une importante fortune. Ceux qui ont un peu désireraient
beaucoup. Ceux qui ont beaucoup convoitent plus encore. Si bien que
chacun demande sans cesse et laisse entrevoir que l’homme est insatiable
quand il s’agit de la richesse.

Sans vouloir faire passer un nuage triste et sombre dans ce ciel si pur
et si ensoleillé, créé par des imaginations en mal de chance, d’espoir,
de rêves dorés, nous dirons que s’il n’est pas mauvais pour la gaieté de
l’esprit de caresser de vaines espérances, il n’est pas inutile non plus
de se mettre en face de la réalité et de raisonner un peu.

Peut-on, raisonnablement, s’enrichir sans faire contribuer toutes ses
actions à cette fin? Non. Il faut avant tout se préoccuper des moyens
les plus efficaces et les plus honnêtes. La fortune ne vient pas souvent
sans qu’on l’ait impérieusement sollicitée et sans qu’on ait tout fait
pour obtenir ses faveurs. Elle ne procure le véritable bonheur qu’à la
condition qu’on l’ait acquise par ses efforts, par son intelligence, par
l’ordre dans ses affaires.

Nous allons ainsi passer en revue les meilleurs procédés, capables
d’amener sûrement la richesse, et, en premier lieu, nous placerons le
travail.

Le travail est la clef du bonheur et de la fortune en ce bas monde. Par
lui seul, on peut acquérir une fortune, petite ou grande, qui
satisfasse.

Rien n’est plus nuisible que l’oisiveté et la paresse, et qui s’y livre
tombe forcément dans la misère.

Encore faut-il, pour tirer un véritable profit de son travail, savoir
diriger celui-ci pour en obtenir le plus de fruit possible. Pour cela,
il est nécessaire de se rendre esclave de bonnes habitudes. Cet
esclavage d’un genre nouveau ne peut point dégénérer en un servage qui
rendrait malheureux; au contraire, rien ne pousse plus instinctivement
l’homme à faire quelque chose avec plaisir--ou au moins sans
déplaisir--que l’habitude. Qui a l’habitude du travail s’ennuie et
souffre dès que le repos lui est imposé, de la même façon que le fumeur
trépigne d’impatience et de mauvaise humeur quand on le prive de tabac.
C’est à nos enfants surtout que nous devons faire prendre la bonne
habitude du travail, et nous y arriverons facilement si nous prêchons
par l’exemple.

Quel que soit le métier que nous exercions, levons-nous tôt. A cinq
heures, quittons notre lit et procédons énergiquement à notre toilette.
Il importe que cette dernière opération soit faite rapidement, afin que
l’éveil de nos facultés et du jeu de nos articulations soit complet et
que nous sentions d’instinct le besoin de nous mettre en mouvement,
Cette façon de passer brusquement de l’état engourdi d’une nuit de
sommeil à l’action vibrante, a plusieurs avantages: elle nous préserve
de maux de tête, de lourdeurs, et surtout elle nous éloigne de
l’atmosphère malsaine d’une chambre à coucher où l’oxygène bienfaisant
de l’air s’est raréfié.

Déjeunons ensuite.

A cinq heures et demie, nous serons au travail. Une journée de labeur
commence.

Arrêtons-nous un instant et voyons ce qui s’est passé dans un ménage
d’ouvriers où ces indications seront suivies.

En une demi-heure, la maison a repris sa physionomie vivante. L’époux et
l’épouse sont définitivement habillés; le léger repas du matin leur a
suffisamment garni l’estomac pour qu’ils puissent attendre la collation
de neuf heures; la toilette de l’appartement est faite; le poêle, qui
brûle, est éblouissant de propreté; déjà la bonne soupe qui ne sera
mangée qu’à midi, rejette son écume. Le potage n’en sera que meilleur et
plus profitable, parce que le suc de la viande aura été mieux exprimé.
Alors un moins gros morceau de bœuf sera suffisant. Première économie.
Il faudra un moins grand feu pour amener le bouillon à bonne fin.
Deuxième économie. Pendant que le mari est parti à sa besogne, la
ménagère a pu raccommoder des vêtements, faire un point à son linge,
aérer et approprier la chambre à coucher, comme nous l’avons déjà dit;
et si c’est à la campagne, donner un moment à son jardin, vaquer à ses
animaux domestiques: poules, lapins, porcs, etc., qui engraisseront
mieux parce qu’ils n’auront pas attendu trop longtemps leur pitance. Et
peu après, il lui sera facile de se livrer à un travail rémunérateur
qui, si peu qu’il puisse lui rapporter, fournira toujours à la maison un
supplément de numéraire qu’elle n’aurait point touché si elle était
restée au lit.

Une femme courageuse trouve toujours, même à la campagne, quelque argent
à gagner. L’agriculture n’exige sans doute point tous les jours l’aide
d’une femme; alors, dans les cas de chômage, la bonne ménagère doit
toujours savoir utiliser son temps avec beaucoup de profit. Elle
augmentera le nombre de ses animaux de basse-cour qui, bien soignés, lui
rapporteront sûrement quelques bénéfices. L’élevage des poules, des
lapins, des canards, etc., offre des ressources qui ne sont pas sans
importance quand il est pratiqué avec soin et méthode. Du reste, si
faible que soit le gain, il n’est point à dédaigner et il faut se
rappeler que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ce n’est
point cela qui empêchera l’active ménagère de coudre, de tricoter, de
laver, de repasser, toutes choses faciles à exécuter dans les villages
où existent assurément assez de familles riches pouvant procurer ces
divers travaux.

Vous nous direz que le bénéfice produit par ces occupations est si
minime que la plupart des femmes préfèrent consacrer exclusivement leur
temps au ménage. C’est un argument plutôt spécieux, car une personne
courageuse a, presque chaque jour--à moins qu’elle n’ait des enfants en
très bas âge--des loisirs qu’elle occupera avantageusement pour un
salaire qui sera le bienvenu dans la maison.

A quoi bien des femmes dépensent ces instants? A cirer leurs meubles
avec trop de minutie; à apporter un soin trop méticuleux à l’entretien
de leurs appartements; à exercer une médisance déplacée et nuisible avec
des amies ou des voisines. Autant est belle une maison simplement propre
et soignée, où respirent l’ordre et l’aisance, autant manque de
véritable agrément un intérieur d’ouvriers où ces soucis de propreté
sont exagérés. On peut insister sur ce mot exagérés car il y a des
degrés en tout, et l’excès en cette chose est nuisible en ce sens qu’il
devient du luxe, qu’il est la cause d’une dépense de force qui aurait pu
être plus utilement employée.

Pour ce qui est du commérage, nous ne pouvons point l’interdire à
certaines femmes s’il est un agrément pour elles, mais nous tenons
néanmoins à leur dire que nous le considérons comme l’un des plus grands
défauts d’une ménagère et qui s’oppose, avec le plus de force, à la
réussite dans les affaires et à toute chance de s’enrichir.

Une femme sérieuse ne «voisine» pas. Elle s’occupe de son intérieur et
de ses affaires. Peu lui importe ce qui se passe au dehors. Elle préfère
ne rien laisser en souffrance dans sa maison. Tout ce qu’elle possède de
linge, de vêtements, de vaisselle, etc., est religieusement rangé et
dans un bon état de conservation. Une robe n’entre pas dans l’armoire si
elle est légèrement mouillée ou crottée; un vêtement quelconque ne
pénètre dans le sanctuaire aux habits que si elle est assurée qu’il n’a
aucune déchirure, aucun accroc. Les chaussures ne restent pas
éternellement enveloppées dans leur boue, car elle a la précaution, pour
les conserver, de les nettoyer sans retard et de laisser lentement au
cuir la faculté de reprendre son état normal.

Voilà pour le rôle quotidien de la ménagère campagnarde; il ne pourra
subir que les quelques modifications nécessaires et connues de toutes
les ménagères des villes, en rapport et en harmonie avec la profession
exercée par le mari.

Le rôle du mari est précisément de travailler et de rapporter à la
maison l’argent nécessaire à l’entretien de la famille. Qu’il exerce une
profession libérale, comme celle de menuisier, de forgeron, de maçon,
etc., ou qu’il soit employé chez autrui, il faut toujours que son
salaire excède les dépenses nécessaires ou que ses dépenses soient de
beaucoup inférieures à ce salaire.

Si le salaire peut être parfois difficilement augmenté, il n’en est pas
de même des dépenses qu’on peut rendre moins élevées par une sage
économie.

Il est prudent de ne jamais chercher à s’élever au-dessus de sa
condition. Dans tel ménage où il n’entre en moyenne que 4 francs par
jour, par exemple, ce serait courir à la ruine et partant à la misère
que de s’exposer à vivre sur le train de maison du voisin où le salaire
quotidien est de 6 francs. Que toujours la dépense soit en rapport avec
le produit des salaires, c’est-à-dire bien au-dessous.

Si peu que l’on gagne, il faut s’efforcer de faire quand même des
économies. Ménagères, tenez un compte bien en règle de vos dépenses de
chaque jour. Un petit carnet spécial de dix centimes suffira pour cela.
Étudiez vos opérations de temps en temps; voyez ce qu’il vous reste de
boni dans un temps donné. Si vous trouvez cet excédent de recettes trop
peu important et qu’il ne soit pas possible d’augmenter aucun salaire,
vous verrez facilement les choses que vous pourrez rogner. Car il est
souvent des superfluités qu’on peut supprimer sans inconvénient.

Le tabac, le café, les liqueurs quelconques rentrent dans la catégorie
des articles de consommation courante sans lesquels on peut parfaitement
vivre. Ils sont, en effet, absolument inutiles à la santé, ils lui sont
nuisibles même. Pourquoi ne les point supprimer d’une façon catégorique?
Quel plaisir peut-on goûter à tirer, d’un tuyau de pipe empoisonnée par
la nicotine, une fumée que les lèvres laissent échapper ensuite en un
fil qui monte en s’élargissant vers le plafond et emplit un appartement
de substances malsaines? Ce n’est là que la conséquence d’une mauvaise
habitude contractée dans la jeunesse et qu’on a laissé s’implanter. Il
est probable que bon nombre de fumeurs usent et abusent de la pipe, sans
goût sérieux pour la saveur procurée par le tabac. Rompre avec cette
vilaine habitude, c’est faire preuve de courage moral, paraît-il. Eh
bien! il faut avoir ce courage et bannir le tabac qui nuit autant à la
santé qu’à la bourse.

Prenez-vous le café par goût ou par nécessité? C’est tout un. Encore une
mauvaise habitude. En somme, le café n’est point une boisson agréable,
et de plus, il n’a point, comme beaucoup le pensent, la propriété de
fortifier. Il est un excitant et trouble les fonctions du cœur; il donne
le coup de fouet qui épuise les forces en quelques instants et jette par
conséquent dans un abattement dont on ne se relève qu’en prenant une
seconde dose de ce faux élixir de la vigueur. Il est un digestif, on
peut le reconnaître. Mais n’existe-t-il point de digestifs moins
coûteux? Mangeons lentement et sobrement; ne restons point engourdis
devant notre table après l’ingestion de notre repas; marchons, humons
l’air, soyons de bonne humeur et nous digérerons bien.

Quant à l’alcool, il doit être impitoyablement chassé de toute maison où
l’on professe quelque penchant pour l’ordre, l’économie et la santé. Nos
lèvres ne devraient jamais approcher de ce virulent liquide qui brûle
nos muqueuses, détruit notre raison, ruine nos maisons. Pensez à ce que
coûte en un an un petit verre d’eau-de-vie de dix centimes pris chaque
matin: 36 fr. 50. Et pour quel besoin, pour quelle utilité? Pour le
plaisir de sentir glisser dans notre gosier cet amer et cuisant
médicament qui met moins d’une seconde à accomplir sa descente dans
l’abîme de notre appareil digestif. Allons, rompons net avec lui.
Plaignons de tout notre cœur les malheureux adorateurs de la bouteille;
engageons-les vivement à en finir enfin avec une boisson vendue huit
fois plus cher que le lait à volume égal et qui fait disparaître, comme
par enchantement, une grande partie de leur salaire.

Le fruit d’un travail sérieux et rémunérateur deviendra sans utilité
chez celui qui ne saura pas se priver de ces futilités. Faisons un
aperçu de la dépense annuelle d’un fumeur ordinaire qui se paie, chaque
jour, un verre d’alcool et une tasse de café:

  Tabac      0 20
  Café       0 10
  Alcool     0 10
             ----
    Total    0 40

Ce qui donne pour une année l’énorme dépense de 0,40 × 365 = 146 francs.

  Remarquons, en passant, que cette somme, placée à la Caisse
  d’Épargne, donnerait, à la fin de l’année, en calculant
  l’intérêt à 3%                                              150 fr. 38
  que la seconde année, les 146 fr. de nouveau économisés,
  s’ajouteraient aux 150 fr. 38 ci-dessus indiqués et
  feraient la rondelette somme de                             296 fr. 38
  près de 300 francs.

Ce simple aperçu permet de se rendre compte des économies importantes
réalisables en 10 et en 20 années, rien qu’en négligeant de faire usage
de ces choses absolument inutiles.

  Au bout de 10 années, les économies seraient de           1.724 fr. 35

  Au bout de 20 années, de                                  4.040 fr.

C’est-à-dire qu’un ménage agissant dans ces conditions d’économie et de
prévoyance, et ayant commencé à l’âge de 20 ans, se trouverait, à l’âge
de 40 ans, par ce fait seul, à la tête du joli capital de 4.000 francs.

  En calculant encore, nous trouvons qu’au bout de 30 années, les
  économies réalisées seraient de                           7.158 fr.

  Au bout de 40 ans                                        11.343 fr. 66

  Au bout de 50 ans                                        16.972 fr. 88

Ainsi, en prenant l’âge moyen de 60 ans, qui peut donner droit à prendre
quelque repos, ce ménage disposerait de l’énorme somme de 11.000 francs
(_en chiffres ronds_), rien que pour avoir eu le courage de se priver de
tabac, de café et d’alcool.

Le travail renferme ainsi autre chose que l’action de remplir sa journée
pour un rôle quelconque destiné à procurer l’argent nécessaire à
l’acquisition des choses indispensables à la vie; il comprend aussi la
préoccupation constante de ne perdre aucune des parcelles du salaire,
génératrices du bien-être et de la fortune, et de viser à faire
«travailler» l’argent gagné. Une partie sert aux besoins essentiels et
actuels de l’existence; le reste est placé et travaille en vue des
besoins futurs que nécessiteront peut-être le chômage, la maladie, la
vieillesse. Il forme le petit capital, ruisseau embryonnaire d’abord,
susceptible de devenir, après quelques années, rivière débordante, puis
fleuve opulent, c’est-à-dire fortune.

Combien de fortunes sont nées de cette façon et n’ont d’autres ancêtres
que de vulgaires ouvriers besogneux, économes, soigneux et prévoyants?
Si ceux-ci n’ont pas joui eux-mêmes des revenus considérables que
touchent aujourd’hui leurs enfants, n’ont-ils pas eu l’extrême joie de
voir leur petit capital, produit des premières économies, s’enfler, se
développer et devenir pour eux-mêmes, à l’âge où ils pouvaient encore
pleinement en profiter, la source de revenus suffisants pour terminer,
dans la quiétude d’une bonne aisance, une existence laborieuse?

Mais aussi que d’ordre dans la maison et de courage dans les bras! Avec
de semblables travailleurs, rien n’est livré au hasard. Tout est calculé
à l’avance.

Il reste toujours à un travailleur quelconque des loisirs dont il peut
avantageusement profiter. Tous les travaux de la maison, du jardin, de
la propriété occupée par lui enfin, seront son œuvre. Est-il une porte à
réparer, un bout de mur à restaurer, quelques tuiles à remplacer? Il ne
tardera point à remettre toutes ces choses en ordre. Sa propriété se
conservera ainsi intacte et en bon état sans qu’il lui en coûte
beaucoup.

Les chaussures ont-elles de mauvaises semelles? Il saura prendre un peu
de cuir à de vieilles bottines, et muni d’un tranchet et d’un pied de
fer, refaire aux chaussures une opération peu coûteuse qui les
conservera longtemps encore.

Le travailleur, tel que nous l’avons considéré dans cette étude, est le
manouvrier, l’ouvrier d’usine, le petit patron (cordonnier, menuisier,
cultivateur); il comprend aussi les petits fonctionnaires, les petits
employés, toute la catégorie des hommes qui ne jouissent que d’un maigre
salaire ou d’un modique traitement.




CHAPITRE II

L’Alimentation


C’est naturellement l’alimentation--dans les ménages ouvriers
surtout--qui absorbe la plus grande partie des salaires. Aujourd’hui
surtout que les objets servant à notre nourriture sont d’un prix très
élevé, il sera prudent de veiller à ce que la dépense qu’ils nécessitent
ne soit point faite sans une grande attention.

Pour se bien porter, une alimentation saine et variée est de rigueur. La
qualité est préférable à la quantité. Absorber une trop grande
proportion de nourriture, c’est s’exposer à des troubles d’estomac, à
des migraines, à des maux divers qui rendent moins apte au travail et
augmentent les dépenses sans utilité aucune.

Il n’est guère utile, dans la plupart des cas, de rechercher quels sont
les aliments nutritifs et ceux qui ne le sont pas. Tous remplissent leur
rôle, et vous aurez la santé et la force si vous savez vous faire des
plats sains, propres et variés. Que la viande ne forme pas la base de
votre alimentation. Mangez-en, mais ne la faites point figurer à tous
vos repas. Tous les légumes sont bons; ils renferment tous des matériaux
nécessaires à notre organisme, c’est du reste pour notre usage qu’ils
ont été créés. Les légumineux, tels que pois, haricots, fèves,
lentilles, qui sont très nourrissants, les pommes de terre, les
carottes, les navets, les choux, les salades, etc., permettront de faire
une variété de mets qui aiguisera notre appétit et donnera à notre
organisme tous les éléments dont il a besoin. Le lait, le beurre, le
fromage, les œufs, les poissons, la chair du mouton, du bœuf, du porc,
du gibier, les pâtes alimentaires, etc., sont des aliments dont on
consommera avec grand profit pour la santé.

L’essentiel sera de savoir confectionner des mets peu coûteux et
procurant le maximum utile de nutrition. Pour cela, la ménagère n’aura
qu’à s’enquérir de ce qui lui coûtera le moins et qui pourra être le
plus profitable. Ainsi, en hiver, quand les œufs sont d’un prix élevé,
elle s’attachera à en servir le moins souvent possible; elle en fera, au
contraire, une grande consommation dans les autres saisons.

Certains auteurs préconisent le régime végétarien en lui attribuant
toutes sortes de qualités. Nous ne sommes point de leur avis et
prétendons que l’homme, obligé de fournir une grande somme de travail, a
besoin de viande pour garder l’énergie et la force musculaire qui
pourraient lui faire défaut, s’il s’en abstenait absolument. L’exemple
cité de nos ancêtres qui vivaient très frugalement, mais qui
consommaient tout de même un peu de viande n’est pas assez probant pour
que nous nous inclinions, car il est prouvé que la vie, autrefois, était
moins intense, et que par conséquent, ils avaient moins de forces à
réparer. Tout est relatif. L’artisan qui n’a qu’une tâche facile et peu
fatigante à remplir, n’éprouvera point le besoin de se nourrir de la
même façon que l’ouvrier qui se dépensera chaque jour en exercices
violents et prolongés. L’homme des champs doit vivre autrement que
l’ouvrier de l’usine. La nourriture qui fait la bonne santé de celui-ci
qui a un métier sédentaire, nuirait à celui-là qui, en bras de chemise,
frappe sur l’enclume, ou abat sa lourde cognée sur les racines
résistantes du chêne. Si l’ouvrier s’imaginait un jour de vivre
copieusement, d’aliments riches comme les heureux de la fortune dont les
tables sont le plus souvent abondamment approvisionnées, il arriverait
devant sa besogne et se sentirait incapable de l’accomplir. Ses membres
manqueraient d’élasticité, son corps tout entier serait alourdi et ce
n’est qu’avec peine qu’il pourrait se baisser pour réunir ses outils
afin de retourner chez lui pour s’étendre sur un fauteuil et attendre
quelques heures que la digestion, enfin terminée, lui rende le libre
usage de ses bras.

Ne rien laisser perdre est un grand point en cuisine. Les restes du
repas pourront souvent fournir les éléments essentiels d’un autre repas.
Si on ne peut les accommoder pour la table, il sera bon de les faire
servir à des usages dont on tirera quelque profit. Les poules, les
lapins, les canards se trouveront fort bien de tout ce qu’on laissera
ainsi. Leur élevage et leur engraissement reviendront ainsi à meilleur
marché.

N’habituez pas les enfants à demander à chaque instant des tartines dont
ils gaspillent la plus grande partie. Qu’ils mangent convenablement aux
repas essentiels et leur santé n’en sera que meilleure. Il est aussi
désagréable pour tout le monde que coûteux pour la famille de voir des
bambins mordant sans cesse des morceaux de chocolat ou se barbouillant
les lèvres avec des bonbons. Les enfants n’ont guère besoin de ces
sucreries qui leur gâtent les dents et échauffent leur appareil
digestif. On sait bien qu’éviter tout ce qui est susceptible de
compromettre quelque peu la santé est un moyen de faire des économies,
puisqu’on éloigne ainsi les maladies et les dépenses que celles-ci
exigent: frais de médecins, de pharmacie, perte de temps, etc.

La meilleure boisson serait l’eau, si elle était absolument pure, saine
et fraîche. Mais dans la plupart des cas, il faut se méfier des eaux
réputées potables qui peuvent contenir des microbes nuisibles. On a la
ressource, il est vrai, de faire bouillir l’eau; malheureusement elle
est alors moins digeste.

Le mieux est de fabriquer soi-même une bonne boisson de ménage comme,
par exemple, le cidre de feuilles de frêne. Cette boisson, très
économique, est très saine et suffit bien pour le rôle qu’une boisson
doit jouer dans l’alimentation. La préparation en est très simple. Pour
cent litres, on emploie généralement:

Acide tartrique, 100 gr.; feuilles de frêne, 100 gr.; sucre blanc ou
cassonade, 5 kilog.; levure blanche en pain, 100 gr.; chicorée, 125 gr.
On fait bouillir pendant 20 minutes, l’acide tartrique dans 5 litres
d’eau environ; ensuite on laisse infuser ce liquide avec les feuilles de
frêne et la chicorée pendant six heures. On passe le tout à travers un
linge fin, et on le verse après dans un tonneau qui contient le sucre et
la levure. On bonde et on laisse fermenter de 3 à 5 jours.

Dans les régions où la pomme à cidre est bonne et abondante, il n’en
coûte pas plus cher, sans doute, de faire en hiver, sa boisson de toute
l’année, chose que l’on ne pourra faire aussi économiquement dans les
villes ou les villages, où l’on ne se procure cette pomme qu’avec les
frais accessoires de transport.

Il est des parties de la France où la boisson la plus répandue est la
bière. Dans ce cas, il est possible de se procurer à bon compte la bière
de la dernière qualité. Mise en bouteilles, avec un morceau de sucre
blanc dans chaque bouteille, elle donne une bonne et hygiénique boisson.

Nous citerons aussi le vin qui, dans les pays de production, n’est pas
cher. Il convient bien à la santé. On n’en peut guère faire une boisson
courante dans les ménages ouvriers pour les autres lieux, car le prix de
revient est trop élevé.

Ce chapitre de l’alimentation nous conduit naturellement à parler de
l’hygiène. C’est par une hygiène bien comprise qu’on entretient le corps
en bon état de santé: chose très importante, considérée du point de vue
qui nous occupe, puisque la bonne santé nous permet de nous livrer à
notre besogne sans chômage, de nous passer des secours onéreux d’un
médecin et d’un pharmacien.

En alimentation, il est capital que tout soit proprement préparé. Les
ustensiles de cuisine devront être nettoyés avec le plus grand soin; on
ne souffrira pas une casserole dont l’émail aurait une tendance à
éclater; on n’usera que des aliments reconnus tout à fait sains; les
conserves pourront être employées, mais avec la plus grande
circonspection, à cause des dangers fréquents qu’elles occasionnent. La
viande sera poussée à un bon degré de cuisson. On mangera avec sobriété.




CHAPITRE III

Les Économies


Pour que les économies conduisent réellement à la fortune, il faut
qu’elles soient constantes. Ne voit-on pas des ouvriers prendre la bonne
résolution de diminuer leurs dépenses, de se priver de certains plaisirs
pour s’amasser quelque argent, et s’arrêter en chemin parce que leurs
économies ne grossissent pas à leur gré et qu’elles ne forment pas en
six mois un capital suffisant pour leur permettre d’en vivre sans
continuer le travail? Ceux qui raisonnent et agissent ainsi seront
toujours pauvres. Ce n’est que par l’accumulation sans arrêt des petites
épargnes que l’on parvient à se faire un capital respectable. Économisez
sur toutes choses; tenez-y la main et ne vous lassez pas; vous verrez,
au bout d’un an seulement, quel miracle se sera opéré dans votre bourse.

Un sou épargné reste dans votre poche. A vous de le faire fructifier et
d’y joindre d’autres épargnes. Mais surtout, pour quelque cause que ce
soit, évitez d’y toucher pour le dépenser en vous promettant de le
remplacer rapidement, car ce serait prendre la mauvaise habitude de ne
point garder intact le fruit de vos économies. Ce système vous
conduirait à la vilaine manie de mettre de côté une somme d’argent que
vous vous réserveriez de reprendre à la première occasion pour la faire
servir à quelque dépense. Que pour vous l’argent économisé soit un dépôt
sacré sur lequel vous ne mettrez la main que pour l’utiliser à faire une
opération fructueuse, soit à la Caisse d’épargne, soit en achat
d’obligations de tout repos. Du reste, ne gardez point longtemps cet
argent chez vous. Placez-le aussitôt que possible, afin de n’être point
tenté de le dépenser. Vous serez vous-même très heureux de constater
l’accroissement de votre petite fortune naissante; vous éprouverez le
désir et le besoin d’y apporter souvent quelque chose. Il y aura de
l’entraînement. Le jour où l’occasion se présentera de faire une dépense
qui ne sera pas tout à fait urgente, vous direz: «Et mon magot; il faut
y penser». Vous conserverez votre argent, et votre capital sera gonflé
d’autant.

Un homme qui s’aviserait de ne faire que des économies occasionnelles,
n’arriverait jamais à un bon résultat. C’est chaque jour que la
préoccupation d’épargner doit être présente à l’esprit.

On dit parfois que les gens économes ne sont pas heureux pour la raison
qu’ils restent étrangers aux plaisirs dont se délectent leurs
contemporains. Pauvre raison. Eh! n’éprouve-t-on point de bonheur à
sentir que les choses que l’on a sont bien à soi; à vivre dans une
maison où règnent l’ordre et l’aisance; à payer comptant chaque chose
que l’on est obligé d’acheter; à ne point connaître les créanciers
bourrus qui réclament avec menace des sommes dues; à ignorer les
huissiers dont l’abord sévère produit une si mauvaise impression sur les
débiteurs toujours à court d’argent. Pour un plaisir qui aura duré
quelques heures chez l’homme amoureux des spectacles, des concerts et
d’autres distractions coûteuses, mais qui sera suivi de l’affront des
réclamations incessantes des dettes, quelles peines se prépare
l’imprévoyant chez qui la misère s’installe en maîtresse: ennuis,
brouilles dans le ménage, déceptions, désespoirs, malheur, pleurs des
enfants, découragement des parents. La maison devient un enfer
insupportable que la gaieté visite rarement; on y remarque en complet
désarroi tout ce qui fait chez d’autres le bonheur intime du foyer, sans
compter les expédients--peu honnêtes parfois--qu’il faut imaginer pour
sortir d’un mauvais pas et les craintes qu’une situation qui va en
s’empirant, permettent de supposer.

L’économe qui n’use que du nécessaire est mille fois plus heureux que le
prodigue qui abuse du superflu. L’un a sa conscience tranquille;
l’avenir lui sourit, l’existence lui est douce; il se contente de ce
qu’il a, n’ayant point de désirs au delà de ses moyens; l’autre est
toujours inquiet, il jouit bien par instants de quelques joies procurées
par des distractions quelconques et des voyages, mais ces joies sont
éphémères et bientôt neutralisées par une échéance qui arrive et à
laquelle il ne peut satisfaire. Il sera obligé de descendre quelques
degrés de l’échelle sociale et de subir l’affront de vivre dans une
condition inférieure à celle où il avait prétendu se placer. Son honneur
en souffrira. Le premier aura toutes les chances de s’élever et, parti
du bas de l’échelle, il pourra aspirer à en gravir avec honneur les
degrés qui le placeront dans le cadre qu’il mérite, respecté des autres
hommes. D’un côté, l’honneur et le bonheur; de l’autre, le déshonneur et
la misère. Considérez maintenant laquelle des deux situations sera la
plus digne d’envie.

Faire des économies en toutes choses est d’une grande simplicité. Avec
de l’attention et de la persévérance, comme nous le disions tout à
l’heure, tous les ménages peuvent gravir l’escalier facile qui conduit à
la fortune.

Ne dépensez jamais un sou inutilement. Un sou, c’est peu de chose,
dira-t-on. Remarquons que se laisser aller à dépenser en une
circonstance donnée un seul sou sans besoin, peut amener une autre
dépense plus importante également sans utilité. C’est une affaire de
principe. Si je dépense ce matin cinq centimes pour un cigare,
j’entrerai demain dans un café et j’y prendrai une consommation de dix
centimes; après-demain, j’achèterai une pâtisserie de dix centimes et
ainsi de suite. Toutes choses dont j’aurais pu me passer. Comptez la
somme que je ferais ainsi passer de ma poche dans celle d’autrui, et ce
qu’elle produirait en vingt ans si je la faisais fructifier.

Achetez les marchandises nécessaires à vos besoins dans des maisons de
confiance. Ne prenez point ce qui est trop bon marché. Souvent la
marchandise de bonne qualité fait un plus long et meilleur usage que la
médiocre. Une paire de chaussures que vous aurez payée vingt francs, par
exemple, vous durera quatre ans et sera propre et convenable jusqu’au
dernier jour. Si vous jetez votre choix sur une de dix francs, il vous
faudra une paire chaque année, ce qui vous obligera à une dépense double
dans les quatre années, et vous ne serez pas encore bien chaussé. Il en
sera de même pour un grand nombre d’objets.

Payez comptant: votre premier gain sera une remise, le second, de
posséder entièrement ce que vous avez. Du reste, on ne doit jamais
acquérir ce qu’on n’est pas en mesure de payer immédiatement. Les dettes
sont exactement comme les économies, elles s’enflent et grossissent les
unes comme les autres sans que l’on s’en aperçoive. Une dette chez le
marchand de chaussures vous autorisera à en créer une autre chez le
tailleur, une autre chez le boulanger et ainsi de suite; si bien qu’il
viendra un temps où tous ces retards de paiements vous mettront dans
l’impossibilité de régler vos dépenses qui seront alors trop
considérables. Il ne vous semblera pas pénible de donner trente-cinq
centimes au boulanger qui vous donnera un pain chaque jour; mais vous
ferez la grimace si pour cent pains dus au bout de cent jours, il vous
faudra lui verser la grosse somme de 35 francs.

Acheter à crédit, c’est jeter le trouble dans son budget. Vous ne pouvez
pas connaître nettement l’état de vos finances si vous devez. Vous
paraissez heureux parce que vous avez aujourd’hui cent francs en caisse;
cela vous semble une fortune au premier abord; mais vous réfléchissez et
vous dites: je dois 20 francs au boulanger; 10 francs au boucher; 10
francs au tailleur; 15 francs à l’épicier. Total 55 francs. Que vous
reste-t-il? Voilà votre fortune à moitié évanouie. D’où une cruelle
déception qui vous plonge dans un désarroi tel que vous voyez la misère
à votre porte en même temps que le vide dans votre porte-monnaie. Songez
à quelle joie vous pourriez vous livrer, s’il vous était permis de dire:
Ces cent francs sont à moi. Je n’ai rien prélevé sur eux avant de les
posséder.

Ne faites donc jamais aucune dette, si petite soit-elle. Si vous n’avez
pas d’argent aujourd’hui, privez-vous. Ne risquez point de perdre votre
indépendance en vous créant des obligations envers des fournisseurs.
Ceux qui paient en achetant sont, souvent aussi, mieux servis que ceux
qui remettent à plus tard le paiement. Tout fournisseur est satisfait de
toucher tout de suite le prix de la marchandise qu’il vend et, par
réciprocité, sert bien ses bons clients; il passe aussi ses marchandises
médiocres, s’il en a, aux personnes qui le paient irrégulièrement, car
il se sent exposé à perdre tout ou partie de sa fourniture. Dans ce cas,
il perd moins que s’il avait fourni quelque chose de première qualité.

Qui paie toujours comptant peut se dire déjà riche, puisqu’il ne doit
rien à personne. Mais faites attention qu’il ne tardera pas à le
devenir, car les économies fructifient rapidement chez ceux qui aiment
l’ordre et qui sont ennemis irréductibles des dettes. Ceux-ci
deviennent-ils malades? Des malheurs s’abattent-ils chez ceux? Sont-ils
quand même obligés d’aller à crédit? On leur fera confiance. Ils
trouveront partout aide et secours, et jamais aucune voix ne s’élèvera
chez leurs créanciers pour leur réclamer des dettes forcément
contractées, avant que, de leur bonne volonté et de leurs salaires
réapparus, ils puissent s’acquitter.

Combien dépense-t-on inutilement au cabaret, au jeu, au théâtre, à une
foule d’autres distractions? Ce n’est pas le moyen de s’enrichir. N’y
a-t-il pas d’autres façons agréables d’occuper ses loisirs, pour des
familles économes?

Si le mari va au café, il dépense quelque argent, pendant que sa femme,
seule à la maison, s’ennuie et s’ingénie quelquefois, mais avec peu de
succès le plus souvent, à réparer la perte subie.

Tout ouvrier véritablement désireux de s’enrichir, agira bien mieux en
remplaçant ces stations coûteuses dans les cabarets par une promenade
hygiénique qui n’entraînera aucun frais. A la campagne, les promenades
sont toujours agréables. On visite les bois, les marais, les monts, les
vallées, la plaine; on observe la nature qui nous sourit et qui nous
révèle toujours de nouveaux secrets; et l’on rentre le soir, à la
maison, les poumons remplis d’un air pur, le teint coloré, le sang
rajeuni et l’esprit quiet. S’il y a des enfants, ils profitent
grandement de ces exercices au grand air; leur santé s’en améliore et
leurs mœurs s’adoucissent à la vue des belles choses que recèle la
nature et que bien des gens n’apprécient pas comme il conviendrait.

A la ville, ces promenades sont plus variées et plus utiles, surtout
pour l’ouvrier qui respire chez lui ou dans les manufactures un air
presque toujours vicié. Sur les boulevards, ombragés d’arbres superbes
aux rameaux feuillus qui déversent à foison l’oxygène si bienfaisant
pour les poumons, que d’agréments l’ouvrier et sa famille peuvent
goûter? Ils font pour une semaine leur provision d’air pur et trouvent
la gaieté et la diversité à chaque pas.

Ces distractions innocentes ne sont-elles point préférables à d’autres
qui seraient coûteuses et qui ne laissent point souvent un bon souvenir?

Quand il faut rester à la maison pour une cause quelconque, il y a la
lecture. Partout existent maintenant des bibliothèques bien garnies, et
gratuitement tous les ouvriers sont à même de s’enrichir l’esprit par
des ouvrages de science, d’histoire, de géographie, etc., par les romans
et les œuvres des maîtres de la littérature. C’est là une suprême joie
qui donne la faculté à l’ouvrier de s’instruire sans bourse délier, au
lieu de courir s’amuser dans les lieux d’où l’on ne sort point sans
laisser un peu de sa monnaie.

Avez-vous du goût pour le théâtre? Pourquoi vous installer quelques
heures devant une scène d’où surgiront des artistes qui vous diront ce
que vous pourrez lire à tête reposée dans la bibliothèque de votre
quartier?

Aimez-vous la musique? Allez sur la place publique le dimanche, vous y
entendrez un concert; courez--dans les villes--dans les jardins publics,
les morceaux des maîtres, joués par une musique militaire de premier
ordre, caresseront vos oreilles. Vous jouirez de tous ces plaisirs
gratuitement. Comparez ensuite vos joies à celles de votre voisin qui
aura passé son dimanche, assis devant la table d’un café, au milieu du
bruit de voix des consommateurs et humant à pleine poitrine l’air
empesté de la fumée bleuâtre des cigares et des cigarettes, qui irrite
les organes respiratoires et les prédispose à une inflammation gênante
et douloureuse.

Vous aurez, le soir, le cerveau rempli de bonnes pensées, de souvenirs
agréables, de vos lectures, de vos promenades; une sensation de bonheur
et de bien-être aura été laissée en vous par les impressions saines,
ressenties dans vos diverses distractions du jour; votre voisin
éprouvera de la lassitude et du dégoût. La congestion passagère de son
cerveau, qui sera le fruit recueilli dans une atmosphère malsaine,
s’opposera à son parfait contentement. Le lendemain, il se sentira la
tête encore alourdie des excès de la veille, mais la bourse allégée des
quelques francs dépensés. Rien ne sera à son profit. Engagez-le à rompre
avec cette mauvaise habitude et à vous imiter; sûrement il ne tardera
pas à vous en être reconnaissant.

N’attachez pas trop d’importance à la toilette. Des vêtements propres,
vous habillant décemment, vous seront suffisants. Les modifications de
la mode sont si fréquentes qu’elles ne peuvent être suivies que par les
personnes riches, en état de faire d’importantes dépenses sans faire un
vide bien sérieux dans leur coffre-fort. On n’estime point, en général,
les ouvriers et les ouvrières qui portent une toilette trop recherchée:
la simplicité dans l’habillement est encore ce qu’on loue avec le plus
de chaleur et de raison, du reste. Que signifient ces rubans, ces
garnitures, répandus à profusion sur les vêtements féminins? Ce ne sont
point eux qui ont le pouvoir de donner des charmes à une personne
quelconque. La correction dans l’ajustement, la perfection dans la coupe
qui dessine bien les différentes parties du corps, l’élégance sans
recherche dans l’exécution de la robe, du corsage, du manteau, etc. sont
de nature à accuser plus parfaitement la grâce naturelle de la femme. Il
n’est guère besoin que des modes originales et hardies s’entremettent
ici pour détruire l’harmonie du corps humain, et posent sur une tête
émergeant d’un corps fluet et enserré dans une robe collante, un chapeau
aux dimensions gigantesques où pourraient prendre place, sans qu’il soit
besoin d’exercer de compression, un quarteron d’œufs de poule. Nous
parlons évidemment plutôt de la toilette féminine, cause de grosses
dépenses quand on n’y prend point garde, que des vêtements masculins
qui, en général, sont achetés avec économie et renouvelés seulement
quand besoin est.

Ne dépensons donc pas trop pour la toilette; nous ne serons point
enviés; on nous louera de notre modestie et notre argent nous restera.

Léocadie éblouit par l’éclat que projette sa robe de soie. On la salue
au passage et on s’incline devant sa magnifique toilette. Elle pourrait
en éprouver une juste fierté, mais le temps est brumeux et déjà une
pluie fine voltige en l’air. Oh! que va devenir ma robe, pense-t-elle;
et elle est prise d’une vive inquiétude.

Que sera-ce tout à l’heure quand le sol sera mouillé et que les taches
blanches de la boue s’étaleront sur la soie? Il lui faudra mille
précautions pour la nettoyer et ne point ternir un objet d’un si haut
prix.

Lucie n’a point ces désagréments avec sa robe en drap. S’il pleut, elle
la laissera lentement sécher et il n’y paraîtra point; si la boue la
salit, il suffira d’une minute pour la remettre à neuf. Elle n’est point
l’esclave de ses vêtements; elle les soigne, les conserve le plus
longtemps possible en état de propreté, ne les paie point trop cher et
ne voit pas sa bourse s’aplatir pour ses goûts de toilette.

Prenez donc toujours garde à la dépense. Économisez sur toutes choses.
Il n’est point de petites économies négligeables; toutes concourent au
même but et viennent confluer dans la même mer: la Fortune. Celle-ci est
la conséquence naturelle et logique de l’épargne; elle lui est
intimement liée et ne peut être durable sans son vigilant concours. Les
fortunes les plus grosses disparaissent dans le gouffre du domaine
public dès qu’elle est absente; les plus petites deviennent pléthoriques
quand veille une sage et savante économie qui dirige et redresse leur
flux qui monte.

Ouvriers économes, ne gardez jamais chez vous le superflu de votre
argent. Placez-le sans retard à la Caisse d’épargne. Sans qu’il vous en
coûte aucune peine, vous gagnerez un premier revenu; et vous verrez
comme votre avoir prospérera, grossi sans cesse des sommes nouvelles que
vous y porterez et des intérêts qui y courront chaque jour. Quand votre
livret atteindra le beau capital de mille francs, vous gagnerez ainsi, à
3%, trente francs dans votre année. Que de choses on peut acheter avec
30 francs. Mais vous ne les dépenserez point et les laisserez produire
eux-mêmes des intérêts, si bien que, sans autre versement, la fin de la
deuxième année vous accusera une petite fortune de 1.060 fr. 90.
Rendez-vous bien compte de la différence, et du succès croissant de vos
opérations, sans apport nouveau.

Il faut toujours commencer un livret de Caisse d’épargne lorsqu’on ne
peut faire que de petites économies, en rapport avec le modique salaire
quotidien. Aussitôt que l’importance du capital dépasse un billet de
mille francs, on agit sagement d’acheter une où plusieurs obligations à
lots. Ce sont des valeurs de tout repos, comme on dit, qui donnent une
rente annuelle assez raisonnable, dont le prix augmente plutôt qu’il ne
baisse, et qui vous procurent la chance, plusieurs fois par an, de
gagner un lot important. Certes, ce serait vous exposer à des déceptions
que de vous illusionner au point d’avoir une trop grande confiance dans
votre étoile et de supposer qu’un gros lot ne pourrait manquer de vous
échoir. Sachez que la chance est presque nulle et que le nombre des
heureux dans les tirages est infiniment petit, comparé au nombre des
obligations émises; mais sachez aussi que vous ne pourriez gagner sans
numéro et qu’enfin le hasard peut vous favoriser. Vous ne risquez rien,
puisque votre capital ainsi placé est en même temps productif
d’intérêts. Néanmoins, consultez les journaux de temps en temps pour
vous assurer que votre obligation ne diminue point de valeur et que si
vous l’avez achetée 500 francs, elle ne vaille plus que 480 francs, ce
qui ferait alors une perte de vingt francs. Souvent cet inconvénient ne
se présentera point et ce sera le plus souvent une augmentation que vous
aurez le plaisir de constater.

Les meilleurs placements sont les achats d’obligations et de rentes sur
l’État. Vous aurez un intérêt moins élevé que dans d’autres opérations
financières, mais votre argent aura l’avantage d’être placé en lieu sûr;
et c’est surtout ce point de vue que doit envisager le petit
capitaliste. Vous laisser entraîner par des promesses de bénéfices
élevés et faciles, sera un danger qu’il faudra éviter. Les bénéfices de
dix, vingt et trente pour cent, existent certainement, mais il faut un
flair spécial et une grande habitude des affaires de cette sorte pour
conduire convenablement, dans ces cas, sa barque qu’une petite lame peut
faire chavirer.

Tout ouvrier économe ne peut avoir ce goût des gros bénéfices, puisqu’il
travaille lentement, mais sûrement, à augmenter son avoir. Il sait bien
que l’argent trop facilement gagné est souvent trop vite dépensé, et
qu’alors le gain final est nul. Un sage bénéfice sur ses valeurs
péniblement acquises, lui assurera plus de jouissance qu’un gain exagéré
qui le rendrait inquiet sur ses suites probables. L’économe est un sage
et un pondéré, en général, qui ne se lance point dans l’inconnu et qui
craint tout ce qui est démesuré. Nous pensons donc qu’il est sans
utilité de lui répéter de prendre toutes ses précautions pour que ses
économies ne lui échappent jamais, et, qu’au contraire, elles lui
assurent pour un avenir très prochain, une fortune sinon élevée, du
moins passable et capable de le mettre à l’abri de toute gêne et en état
de vivre en partie du fruit de ses revenus.

Tout en s’assurant un capital personnel, l’ouvrier ne doit point
négliger de faire des versements aux Sociétés diverses garanties par
l’État, dans le but de se créer une retraite quand il atteindra un âge
assez avancé. Qu’il commence sans retard et surtout qu’il soit prévoyant
pour ses enfants en les faisant admettre à la mutualité scolaire. Si
lui-même n’a pas eu l’avantage dans son enfance des progrès accomplis
maintenant dans le domaine de la mutualité et de la prévoyance sociales,
que toute son attention se porte à donner à ses descendants le bénéfice
de ces œuvres de bienfaisance. Un versement hebdomadaire de dix centimes
sur la tête d’un enfant, à partir de l’âge de 3 ans, lui assurera à 55
ans une pension viagère de 200 francs environ, et le droit de toucher en
cas de maladie, jusqu’à l’âge de 18 ans seulement, une indemnité
quotidienne de cinquante centimes pendant le premier mois et de
vingt-cinq centimes pendant les deux mois qui suivraient. C’est un bien
maigre sacrifice qu’une économie de dix centimes par semaine, soit 5 fr.
20 par an. Remarquez quels avantages avec ce léger versement non
interrompu, vous faites à vos enfants. Quand ils seront livrés à
eux-mêmes, qu’ils auront à leur tour fondé une famille, ils ne devront
guère négliger d’apporter chaque semaine leur appoint à la Caisse de la
Mutualité; s’ils ont épousé une jeune femme qui ait été engagée dans la
même voie d’économie et de prévoyance, ils verront tous deux, quand
leurs bras seront moins robustes pour le travail, leur énergie
musculaire diminuée, tomber en leur honnête logis, le joli revenu annuel
de quatre cents francs, c’est-à-dire plus d’un franc par jour. Ce
revenu, ajouté à celui provenant de leurs épargnes personnelles, leur
permettra de vivre heureusement, de jouir en paix et dans l’aisance des
derniers temps de leur existence. Voilà donc une preuve de plus que les
ouvriers doivent commencer le plus tôt possible leurs épargnes. Si leurs
parents n’ont rien fait pour eux, que leur préoccupation soit, dès les
premiers jours du mariage, de penser à l’avenir, de dépenser seulement
pour les choses nécessaires et de mettre précieusement de côté tout ce
qu’ils pourront réaliser d’économies. Rien ne les rendra plus heureux.
On s’oblige parfois à des dépenses dont on se passerait sans
inconvénient, pourquoi ne prendrait-on pas l’obligation de verser chaque
semaine une somme déterminée pour se former un capital, une autre, en
vue d’obtenir une rente viagère dans ses vieux ans? La crainte de la
misère est le commencement de l’épargne.

Si dans le jeune ménage, arrive bientôt un bébé, il sera le bienvenu.
Sans grande dépense, on saura l’élever d’une façon hygiénique.

Il sera peut-être alors nécessaire de recourir aux premières économies
pendant les premières années. Qu’à cela ne tienne, et bien vite, par
votre courage et votre ardeur nouvelle à procurer à un enfant que vous
aimerez, toutes les satisfactions indispensables, vous aurez, ouvriers
économes, comblé le vide que vous aurez dû faire. Retenez qu’il est sage
de ne pas tarder à s’habituer à l’économie. Nous connaissons des ménages
de quarante ans qui, après avoir commencé leur vie de labeur avec le
rudimentaire mobilier des ouvriers, sans aucun autre avoir, ont élevé
plusieurs enfants qu’ils ont pourvus de superbes situations, ont amassé
un pécule respectable--fruit exclusif du travail et de l’économie leur
permettant de vivre, vers l’âge de soixante ans, dans la plus grande
aisance et en véritables rentiers.

Comment ont-ils fait? Ils ont travaillé honnêtement, mettant un soin
scrupuleux à ne dépenser jamais un sou sans absolue nécessité. Pas de
toilette extravagante: La simplicité même; ni cabaret, ni tabac, ni
voyages d’agréments trop dispendieux. Comptez ce qu’ils ont pu
économiser rien qu’en se privant de ces superfluités que certaines
personnes appellent des distractions.

Ne rien dépenser sans besoin urgent et n’avoir en vue que les bons
placements: telle est la base essentielle du commencement certain de la
fortune.

A côté de la fortune que vous vous amassez et dont vous serez en droit
de disposer librement, soit pour entreprendre un commerce, soit pour
fonder une industrie, soit pour acquérir des immeubles, rien ne vous
empêche de jeter les premiers éléments qui devront vous gratifier d’une
rente importante à l’âge où l’on a gagné le repos. Versez un franc par
semaine à la Caisse nationale des Retraites pour la Vieillesse, à partir
de l’âge de 20 ans, vous obtiendrez, au taux actuel de 3 1/2%, une belle
retraite de 586 francs à soixante ans. Si vous désirez réserver à vos
enfants le remboursement des sommes que vous aurez versées ainsi, il
vous sera facile de le déclarer; mais alors il faudra vous trouver
satisfaits d’une retraite de 369 francs. Ce sera à vous de voir quels
seront vos avantages et vos désirs.

Vous pouvez commencer ces versements à un âge plus avancé. Il est
évident que dans ce cas vous serez obligés de donner davantage.

Que représente ce versement d’un franc par semaine? La somme que
beaucoup d’ouvriers, choisis parmi ceux qui dépensent le moins, laissent
au café chaque dimanche. Cela doit provoquer la réflexion chez eux et
les décider à éviter de gaspiller leur argent sans aucun profit autre
qu’une satisfaction bien éphémère et dont ils se passeraient pour jouir
plus tard d’un bien-être beaucoup plus sérieux.

Pensez aussi à vos enfants. Ils vous en garderont une vive
reconnaissance quand leur viendra la raison. Ainsi que pour la
mutualité, il est nécessaire de commencer de bonne heure pour que les
sacrifices annuels soient moins importants. Avec 36 francs par an--soit
dix centimes par jour--versés au nom de l’un de vos enfants pendant
dix-huit ans, c’est-à-dire depuis l’âge de trois ans jusqu’à celui de
vingt et un ans, vous lui assurerez à 60 ans une retraite de 564 francs.
Ne sont-elles point merveilleuses ces combinaisons de la Caisse des
Retraites pour la vieillesse, et dignes de fasciner tous les
travailleurs qui rêvent d’un bel avenir?

A défaut même de mise de fonds en réserve pour la formation d’un capital
en vue de vous créer une fortune, ne voilà-t-il pas des moyens
accessibles à tous les salaires, pour mettre entre la misère et vous une
barrière infranchissable et vous assurer le pain des vieux jours?

Il n’est donc point difficile d’arriver à la fortune, comme vous avez pu
le constater. Il suffit de vouloir et d’être persévérant; de ne faire
aucune dépense inutile; de placer son argent en lieu sûr et fécond; de
n’être point impatient, car la fortune ne peut se faire d’un seul coup.
Une longue gestation lui est nécessaire. Mais elle arrivera sans
manquer, à l’heure où vous pourrez encore en profiter, si vous ne lui
infligez aucun arrêt dans sa marche.

Des personnes sans ordre sont dans l’impossibilité d’acquérir le
bien-être et d’arriver à la fortune, car il y a toujours chez elles une
force invincible qui les engage à suivre toutes les voies qui se
présentent, et surtout les mauvaises, à vivre dans le désordre, à ne
prendre soin de ce qu’elles ont, à prodiguer, à rester impassibles
devant les soucis toujours plus âpres de l’existence, et à penser que
demain pourvoira comme aujourd’hui aux nécessités de la vie. Elles s’en
remettent au hasard du soin de leur assurer un avenir plus souriant;
selon elles, le destin ne pourra que leur être favorable. Il y a peu
d’exemples cependant que seul le hasard ait favorisé quelqu’un au point
de l’élever à la fortune. Qu’importe. C’est la planche de salut qu’on
escompte, et qui, malheureusement, fait souvent défaut. Et l’argent est
dépensé follement; les choses du ménage ne sont ni entretenues ni
soignées; les objets de la toilette sont renouvelés sans besoin; tout
disparaît dans l’abominable gouffre du désordre, sans que personne en
tire le moindre profit. Les années se suivent et la situation s’empire;
les dettes surviennent; les mauvaises mœurs s’accentuent et enfoncent
leurs profondes racines dans la misère du désespoir; l’âge avancé arrive
sans que la pauvreté et la misère aient eu le temps de déguerpir. Cette
fois, le mal est irréparable et il faut subir les conséquences funestes
d’une vie sans ordre et sans économie.

On a bien compté sur un héritage pour sauver la situation: il ne s’est
pas produit. Oh! ne comptez jamais que sur vous-même, sur votre travail,
sur votre courage, sur votre conduite. Que rien ne soit livré au hasard,
et tout vous réussira. Le temps des miracles est passé, dit-on
quelquefois. Cela est vrai surtout ici, et il ne peut tomber une fortune
chez vous que si vous l’avez recherchée, que si vous vous êtes efforcé
de l’attirer à vous, par un incessant labeur et une persévérante
économie.

N.-B.--La loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières, récemment
promulguée, oblige une catégorie très importante de personnes à
effectuer des versements en vue d’obtenir une retraite à l’âge de 65
ans--cet âge est maintenant descendu à 60.--Elle vient précisément
au-devant de nos désirs et n’empêche point les versements particuliers
que nous conseillons.




CHAPITRE IV

L’Union fait la Force


Il n’est pas défendu à l’ouvrier de sortir de sa sphère si ses économies
sont suffisantes et s’il se sent des aptitudes particulières pour
diriger un commerce ou fonder une industrie. L’instruction a pénétré
partout depuis ces derniers temps; les bons livres sont répandus à
profusion dans les bibliothèques populaires où les ouvriers intelligents
et laborieux peuvent faire gratuitement des emprunts et compléter
l’instruction reçue sur les bancs de l’école. Les rudiments
d’orthographe, de calcul et de style qui font la base de l’enseignement
populaire sont donnés aux enfants en un temps où leur mémoire est plus
apte à retenir que leur jugement à comprendre. Néanmoins leurs cerveaux
sont ébauchés; quelques connaissances essentielles ont meublé ceux-ci.
Les ouvriers qui n’ont point eu le bonheur de poursuivre des études plus
importantes dans un collège ou dans une école supérieure, ne devront
donc point négliger, à leur âge adulte, d’augmenter leur bagage de
connaissances utiles. Il y a, dans toutes les matières d’enseignement,
de bons ouvrages où ils puiseront sans cesse; il leur suffira de
beaucoup d’attention, de goût, de méthode et surtout du désir de
s’instruire, pour acquérir les notions qu’une trop courte scolarité leur
aura interdites. Pour un jeune homme intelligent, les professeurs sont
alors inutiles. Presque tous les ouvrages classiques actuels sont
d’excellents professeurs: ils renferment des explications claires et
précises, des exemples saisissants qui viennent à l’appui de la
démonstration, et des exercices nombreux autant que variés dont
l’ouvrier pourra tirer un grand profit. Car, il ne faut pas se le
dissimuler: on ne réussira jamais aussi bien dans une entreprise si l’on
n’a point au moins une instruction assez développée. Nous ne voulons
point dire que les titres de bachelier ou autres soient exigés, mais
vous vous rendez bien compte qu’à aptitudes égales, l’homme instruit
aura plus de chances de réussir que celui qui serait obligé de
s’adjoindre le concours d’une autre personne pour un grand nombre
d’opérations.

On a vu des ouvriers, possesseurs de quelques économies, les réunir
toutes en une bourse commune, et former, avec ce capital devenu plus
sérieux, une Société exploitant un commerce, une industrie, etc. dans
laquelle chaque membre sociétaire s’occupait du rôle qui lui était
dévolu, avec d’autant plus d’activité qu’une part dans les bénéfices lui
était assurée. Ce qui est mieux et montre bien tout le profit que
peuvent tirer des ouvriers sérieux et dignes, de l’association ainsi
comprise, c’est qu’on a été heureux de constater que la dite Société
avait prospéré; que les capitaux avaient considérablement augmenté et
permis, en poursuivant toujours le même but et obéissant à la même idée,
de fonder une maison colossale, justement renommée.

Voilà un bel exemple, digne d’attirer votre attention. Vous trouvez-vous
à la tête de quelques milliers de francs et vous sentez-vous des
dispositions pour diriger une entreprise, installer une manufacture
quelconque, fonder un commerce, créer une industrie nouvelle dans une
région? Consultez quelques ouvriers, comme vous intelligents, économes,
sérieux et honnêtes. Groupez-vous. Si vous apportez chacun 5.000 francs
et que vous soyez à dix, vous aurez cinquante mille francs. Avec cela,
vous pourrez commencer. Travaillez sans relâche en vue du profit commun,
marchez lentement au début et vous verrez prospérer vos affaires.
D’autres vous donneront leur confiance et vous courrez à la fortune;
vous ferez le bonheur des ouvriers qui trouveront un emploi chez vous et
des actionnaires à qui vous verserez de bons dividendes. Vous aurez d’un
seul coup conquis, avec la fortune, l’indépendance, l’honneur et la
reconnaissance de la nation, toujours redevable à ceux qui stimulent le
travail, la production, le commerce et qui augmentent la richesse
publique.

Certes, nous regretterions de donner ce conseil à des ouvriers qui ne
seraient pas suffisamment actifs et doués de l’intelligence des
affaires, et qui seraient exposés à perdre le pécule amassé. Pour
ceux-là, le mieux est de conserver leurs économies et d’en faire des
placements à l’abri de toute mésaventure: un tiens vaut mieux que deux
tu l’auras. Il se peut qu’un ouvrier soit courageux, intelligent,
instruit, économe, et n’ait ni l’énergie, ni le tact, ni l’aptitude
nécessaires pour être autrement qu’au service d’autrui. Des dispositions
spéciales sont indispensables. Ceux qui en sont dotés réussissent
sûrement. On leur accorde la confiance; on les aide et on les pousse
malgré eux vers la fortune que d’autres ne sauraient jamais atteindre.
Combien en compte-t-on de ces ouvriers qui sont parvenus à de superbes
situations, grâce à ce qu’ils se sont placés dans le véritable cadre où
ils ont pu donner libre cours à leurs talents particuliers?

Quelle que soit l’industrie que vous entrepreniez, ou quel que soit le
commerce qui vous tenterait, conservez toujours des fonds suffisants
pour faire face au paiement de vos marchandises. Prenez pour règle
absolue et invariable le paiement comptant, afin de bénéficier de
l’escompte et d’obtenir la confiance de vos fournisseurs. Cette réserve
de fonds doit même être assez importante, car il faut compter avec
l’imprévu et éviter de se trouver dans la nécessité, même une seule
fois, de reculer un paiement ou de vendre vos produits quand le moment
n’est pas favorable. Vous feriez là peut-être, dans le début, de petites
pertes qui, en elles-mêmes, ne seraient sûrement pas ruineuses, mais qui
pourraient vous entraîner sur la pente glissante et dangereuse du
désordre, du laisser-aller, des expédients plus ou moins compliqués pour
sortir d’affaire à une échéance. Qui paie toujours comptant et dispose
sans cesse de fonds libres, est maître du marché et, de ce fait, trouve
en l’occurrence, les meilleurs et les plus clairs profits. Il ne faut
point dire: J’ai une échéance de vingt mille francs le 30 de ce mois;
mes fonds sont bas; je vais vendre à un intermédiaire quelconque, pour
15.000 fr. (qui me manquent) des marchandises et je sortirai d’embarras.
Ce serait un très mauvais calcul, et vous pourriez marquer ce jour d’une
croix, car il commencerait votre gêne dans les affaires et peut-être
votre ruine. En effet, l’intermédiaire qui vous paierait comptant et qui
aurait conscience qu’il vous rend service, ne manquerait point de faire
montre de beaucoup d’exigence. Il n’accepterait le marché et la
combinaison qu’à la condition de prendre un gros bénéfice sur la
marchandise, en la payant les deux tiers, par exemple, de sa valeur
réelle; il deviendrait ainsi votre plus redoutable concurrent pour le
placement de vos produits. Une marchandise que vous vendrez couramment
2.000 fr., par exemple, à des clients, lui serait livrée par vous à
1.200 fr., supposons-nous. Comment feriez-vous pour la vendre dorénavant
à vos clients ordinaires ce prix de 2.000 fr., c’est-à-dire à un chiffre
égal au prix de revient et au bénéfice qui vous est dû à titre
d’intérêts de vos capitaux engagés, alors qu’un intermédiaire
l’offrirait à raison de 1.600 francs? Vos affaires seraient
interceptées; vous seriez la victime toute naturelle de votre mauvaise
opération, et dans l’impossibilité de livrer directement vos
marchandises au consommateur qui les trouverait à meilleur compte chez
votre intermédiaire. Où irait le bénéfice? Tout ailleurs que dans votre
poche.

Vous n’ignorez pas que l’acheteur, à qualité ou fabrication égale,
recherche le vendeur qui lui fait le prix le plus raisonnable,
c’est-à-dire le plus bas. Eh bien! tâchez d’être ce dernier vendeur et
vos affaires marcheront bien. Pour cela, ménagez vos avances de fonds et
ne recourez point à ces intermédiaires dont nous venons de parler.
Adressez-vous directement au consommateur. En même temps que vous
veillez à la marche de votre fabrication, veillez aussi à la recherche
des clients; que tout marche de pair, et si vous savez fabriquer, sachez
aussi vendre.

Vous jugez bien comment, avec un capital personnel peu élevé, vous
pouvez, en vous unissant à d’autres qui disposent, comme vous-même d’un
petit avoir, devenir grand commerçant ou grand industriel. Certes, la
combinaison ne manque point d’écueils; nous vous les avons fait
connaître: c’est à vous de savoir les éviter. Ne vous embarquez point à
la légère, sans avoir, au préalable, sondé vos véritables forces et
celles de vos co-sociétaires. Il faut une unité parfaite en vue d’une
besogne et d’une fin communes. Rien n’est à négliger des précautions les
plus grandes dont on doit s’entourer pour écarter l’échec. Pas de
faiblesse pour vous; pas de mollesse à l’endroit de vos camarades. De
l’énergie toujours, de l’ordre, de la méthode et une scrupuleuse
économie. Soyez attristé si vous éprouvez une perte de dix francs. Vous
auriez dû en gagner dix. Cela fait une différence de vingt francs.
Cherchez la cause de cette perte; si elle est pénible et laborieuse à
découvrir, ne vous découragez point, surtout, car ce n’est qu’à cette
condition que vous la réparerez et ferez en sorte qu’elle ne se produise
plus. Si vous savez vous attacher ainsi à une perte qui regarde une si
modique somme, on vous traitera peut-être de mesquin. Laissez dire et
pensez en vous-même que c’est grâce à ce procédé de tout surveiller et
de tout contrôler, que vous avez évité des pertes plus importantes; que
votre réputation d’ordre vous a attiré un grand nombre de clients; que
votre industrie prospère et que votre fortune s’accroît, au milieu du
respect de tous ceux qui vous connaissent.




CHAPITRE V

Meilleurs salaires et meilleurs traitements


Nous nous sommes adressé jusqu’ici à des personnes jouissant d’un
salaire ou d’un gain ordinaire, soit en qualité d’ouvriers ou d’employés
d’usine, de travailleurs agricoles, de cultivateurs, d’artisans
travaillant pour leur compte personnel, etc. Nous avons vu comment ils
doivent procéder pour se mettre quelque argent de côté et arriver, par
des moyens licites, à une fortune respectable et suffisante.

Forcément, nous devons ranger dans une autre catégorie les personnes qui
gagnent davantage, afin de leur indiquer aussi la façon de conquérir la
fortune ou au moins de conserver une importante partie de leur
traitement. L’exemple qu’ils devront suivre sera le même pour les
riches, pour les propriétaires, pour les hauts fonctionnaires, etc. Il
consistera notamment à ne jamais se laisser aller aux folles dépenses.
C’est le point de départ des économies et des réserves pour l’avenir.

Prenons un fonctionnaire par exemple. Il a un traitement annuel de 3.000
ou de 4.000 ou de 5.000 francs, etc. S’il n’a point de fortune
personnelle, ou si sa femme ne lui a point apporté une sérieuse dot, il
devra compter de près pour se garder une poire pour la soif, car il aura
des dépenses souvent élevées, auxquelles il lui sera impossible,
peut-être, de se soustraire. Il lui faudra tenir son rang, c’est-à-dire
habiter un logis luxueux, avoir au moins un ou une domestique, subir des
réceptions, aller à la montagne ou à la mer, prendre part à des fêtes
coûteuses, en un mot dépenser une bonne partie de son traitement pour ce
qu’on appelle le luxe et la mode. Rompre avec ces coutumes, ce sera,
sans doute pour lui, s’éloigner de ses collègues, se faire la réputation
d’un ennemi de la société et s’exposer à être diminué dans la
considération des autres. Cependant, va-t-il se priver du nécessaire
pour parvenir à faire étalage de luxe, pour paraître? Ce serait
peut-être un calcul favorable à sa réputation, mais en tout cas nuisible
à sa bourse et à sa santé. Le mieux sera sans doute de ne point se
préoccuper du «qu’en dira-t-on»; de poursuivre honnêtement son existence
dans la mesure de ses moyens, de s’adonner à des travaux intellectuels
qui grandissent l’homme, l’assagissent et lui donnent des satisfactions
pures et réelles; de remplir ponctuellement son devoir; de faire fi de
tout ce qui est toilette, luxe et mode; de ne souffrir aucune dépense
qui n’aura point le but d’augmenter le bien-être familial; de rejeter
les fêtes dispendieuses et inutiles; de pourvoir ses enfants d’une
instruction solide; d’établir le compte de ses dépenses et de prélever
chaque année sur son traitement une partie assez importante pour se
former un capital qui sera capable de lui donner de beaux intérêts.
Qu’importe le reste? Ne faut-il point, avant tout, penser aux siens,
créer le bien-être dans son foyer et éviter les dettes ou la gêne dont
les premières victimes seraient d’innocents enfants à qui l’on n’aurait
point demandé leur consentement pour faire ces dépenses exagérées, et à
qui l’on volerait le montant de ces sommes gaspillées?

Établissez donc votre genre de vie sur les bases toujours respectées de
la morale, de l’honneur, du travail, de l’économie. Plaignez votre
collègue s’il est assez faible pour s’engager dans des dépenses
au-dessus de ses moyens dans le but de paraître, pour imiter ceux qui
peuvent se livrer à de plus grandes dépenses sans danger, ou pour
craindre les railleries des sots. Pour vous, vivez tranquillement à
l’abri de votre foyer, au milieu de votre famille; vivez caché; c’est
encore l’un des meilleurs moyens de vivre heureux, comme l’a dit le
fabuliste.

Vous aurez assez de quelques amis véritables avec qui vous échangerez
des idées, à qui vous communiquerez vos impressions, à qui vous pourrez
confier sans crainte vos joies et vos peines. Choisissez ceux qui ont le
plus de franchise et de sincérité, de noblesse de cœur et de simplicité
de manières. Jamais ils ne vous causeront d’ennuis d’aucune sorte, ni ne
vous engageront dans les sentiers d’un luxe effréné et coûteux; comme
vous, ils aimeront tout ce qui est simple. Ayant les mêmes goûts, vous
serez bien faits pour vous entendre et, par vos relations, égayer votre
existence et ajouter à votre bonheur. L’homme est fait pour vivre en
société. Cela ne signifie point qu’il doit se lier intimement avec tout
le monde et ne point limiter le nombre de ses amis. Dans ce cas ainsi
que dans beaucoup d’autres, la qualité vaut mieux que la quantité. Peu
d’amis, mais sûrs et sincères: telle doit être votre devise, si vous ne
voulez point éprouver de grands désagréments. Les relations sont souvent
des causes de dépenses. Vous ne dînerez point chez des amis sans qu’il
vous en coûte au moins un grand dîner que vous rendrez. Si vos amis sont
nombreux, les dépenses de réception se répéteront souvent. Il en sera
avec qui vous serez obligés à plus de cérémonie et par conséquent de
dépenses. Au contraire, avec quelques amis simples comme vous, vous ne
serez entraînés à aucun frais. Les repas que vous échangerez seront
dépourvus de toute pompe et de tout apparat. Ils seront des prétextes à
relations amicales simplement, sans qu’il y soit fait un vain étalage de
toilette ou d’autres futilités du même crû.

Ne vous liez jamais avec des personnes au-dessus de votre condition.
Vous voudriez les imiter; vous feriez comme la Grenouille à l’égard du
Bœuf et c’est le même résultat que vous obtiendriez. Combien en est-il
de familles qui se sont appauvries ou ruinées pour n’avoir point su
rester dans leur milieu et avoir voulu marcher de concert avec de plus
riches? Il y a là un grand danger contre lequel il est de toute
nécessité de se prémunir, car il conduit à une culbute certaine. Si vous
disposez annuellement de 4.000 fr. de recettes, par exemple, allez-vous,
dans le désir de vivre sur le même pied que vos amis qui ont dix mille
francs de rentes, grever votre budget de quelques milliers de francs et
courir à la misère prochaine? Qui vous en saurait gré? Ce ne seraient
certes point vos amis qui seraient les premiers à railler votre naïveté
et votre orgueil, et à vous abandonner dans la détresse.

Qui crie trop fort brise sa voix. Qui vise trop haut tombe de plus haut
et par conséquent plus bas qu’un autre.

songez surtout à commencer votre façon de vivre économiquement dès les
premiers temps du mariage. Les premières économies sont toujours les
plus profitables, en ce sens que, restant plus longtemps placées, elles
augmentent plus le capital et excitent le désir d’épargner.
Réussissez-vous à obtenir ainsi un petit capital de 10.000 fr. à 30 ans,
par exemple; vous aurez, à 31 ans, à 3% 10.300 francs auxquels vous
ajouterez de nouveau vos économies de l’année? Cet intérêt annuel de 300
fr. par exemple, sera comparable à une augmentation naturelle de votre
traitement, et si vous gagnez 4.000 fr. net dans votre profession, vous
pourrez compter que votre traitement annuel est de 4.300 francs et ainsi
de suite. A quarante ans, votre capital sera considérablement grossi en
procédant de cette façon et en comptant les augmentations périodiques de
traitement qui ont lieu dans la plupart des professions dont nous
parlons. Vous serez donc arrivé à la fortune entre quarante et cinquante
ans, à l’âge où il est permis de songer à prendre quelque repos. Votre
existence se sera poursuivie jusqu’alors d’une manière plus tranquille
et plus renfermée que certains de vos collègues, amis des fêtes et du
luxe. Ce sera le moment de comparer et de voir laquelle des deux
situations sera la meilleure, et qui, des deux, aura joui de plus de
bonheur véritable.

Il n’y aura point de doute. Pendant que l’un sera blasé et fatigué de
tous les plaisirs; que rien ne pourra plus lui donner de joies assez
neuves ou inédites pour éveiller sa curiosité, l’autre, n’ayant point
abusé des plaisirs, trouvera des charmes répandus à profusion sur sa
route. L’un devra continuer de travailler pour satisfaire ses besoins
toujours coûteux et dont il lui sera impossible de diminuer
l’importance; l’autre jouira d’un repos salutaire avec les rentes qu’il
aura pu amasser.

Les économies sont bien plus faciles à réaliser chez ces derniers qui
gagnent beaucoup que chez l’ouvrier dont le salaire est rarement élevé.
Fuyez le luxe toujours coûteux. Vous pouvez vous habiller coquettement
et décemment à peu de frais, acquérir un mobilier simple et convenable,
vous dispenser de toutes sortes de futilités dispendieuses autant
qu’encombrantes. Évitez les nombreuses réceptions; n’allez point au
spectacle sans vous rendre compte de ce que ce plaisir vous coûte; ne
prenez point de goût pour l’apéritif quotidien qui grève énormément et
inutilement le budget. Pensez surtout au bien-être de votre foyer vers
lequel toutes vos ressources doivent converger. Cela ne signifie pas
qu’il faille vous priver de tous les plaisirs et rester constamment chez
vous, avec l’unique préoccupation d’éviter les dépenses: vous goûterez
au contraire, d’autant plus de joies à vous octroyer un plaisir de temps
en temps, parce qu’il sera plus rare et que vous ne serez pas blasé.
Celui qui va au théâtre une fois par mois s’y amuse davantage qu’un
autre que l’on y rencontre chaque soir. Le bonheur est relatif. On ne
peut pas nous le servir à jet continu. Nous ne l’apprécions réellement
que si nous avons fait quelques sacrifices pour l’obtenir et que si la
dose en est rare et modérée.

Dans n’importe quelles circonstances, ne vous lancez jamais dans des
dépenses sans vous être assuré à l’avance des ressources dont vous
disposez. Faites votre budget. Inscrivez-y toutes les dépenses
nécessaires du mois ou de l’année; réservez toujours une bonne place aux
économies. Celles-ci ne sont-elles point élevées comme vous le
désireriez, voyez où vous pourriez rogner un peu. Mais n’y touchez
jamais pour les diminuer; considérez-les sur votre compte comme des
dépenses urgentes et vous aurez le plaisir, à la fin de l’année, de
pouvoir les prendre intégralement ou un peu grossies, pour les placer à
intérêts, lesquels, comme nous le disions tout à l’heure, viendront
s’ajouter à votre traitement et vous permettront d’inscrire à votre
article «Recettes», un chiffre plus important.

Nous disons plus loin quelques mots du placement de ces économies.
Chacun saura bien discerner les bons placements des mauvais, et ne se
laissera point entraîner par le goût des trop gros bénéfices ou intérêts
qui, souvent, mettent en danger le capital placé. Inutile de placer sous
les yeux de nos lecteurs des budgets de famille: qui ne connaît les
choses indispensables à son ménage, et celles dont on peut se passer
sans inconvénient?

Nous éviterons aussi de parler des personnes riches, pour la raison
qu’elles ont déjà ce que nous conseillons d’acquérir: la fortune. Nous
leur dirons simplement qu’elles conservent cette fortune que des parents
ou la réussite des affaires leur ont procurée; qu’elles fassent le bien
autour d’elles; qu’elles aident ceux qui ont de réels dons et qui sont
pauvres, et que loin d’elles soient rejetées les passions d’un luxe
immodéré, d’une vie menée à trop grandes guides, du jeu, etc., choses
qui viennent à bout des plus grandes fortunes. On ne peut pas toujours
s’arrêter quand on glisse sur la pente: il est alors trop tard. Il sera
préférable de ne s’y point engager.




CHAPITRE VI

Derniers Conseils


Dans un précédent chapitre, nous avons parlé des économies, des procédés
à employer pour en réaliser sûrement, et nous n’avons fait qu’effleurer
la question de placement, nous étant réservé le plaisir de nous étendre
davantage sur ce sujet en un chapitre spécial.

Le premier besoin que l’on éprouve dès que quelques économies sont
disponibles, est de les mettre en sûreté, c’est-à-dire à la Caisse
d’Épargne.

Vous pouvez vous adresser pour cela au Receveur des Postes--ou à votre
facteur si vous n’habitez pas une commune chef-lieu de bureau de
poste--il vous indiquera la marche à suivre, qui est bien simple, pour
faire un versement à la Caisse d’Épargne postale. Sur votre demande
écrite, il vous sera délivré un livret sur lequel vous trouverez, au fur
et à mesure de vos besoins, toutes les instructions nécessaires
concernant les versements et les remboursements. Cette Caisse d’Épargne
est placée, par la loi du 1er avril 1881, sous la garantie immédiate et
absolue de l’État. Elle sert aux déposants un intérêt annuel de 2 fr.
50%. Chaque versement ne peut être inférieur à un franc ni supérieur à
1.500 fr. Il n’est guère besoin de se déplacer pour effectuer un
versement ou obtenir un remboursement. Il suffit de remplir une demande
imprimée, de la remettre au facteur contre reçu, et l’opération
sollicitée a lieu dans un délai de quelques jours. Le titulaire d’un
livret peut opérer ou faire opérer ses versements dans tous les bureaux
de poste de France, de Corse, d’Algérie, de Tunisie; il peut demander le
remboursement de ses fonds dans les mêmes bureaux ou donner à cet effet
procuration à un tiers.

La Caisse d’Épargne ordinaire diffère de la Caisse d’Épargne postale en
ce que son intérêt annuel est généralement de 3% et qu’il y a lieu de se
rendre au local de la Caisse ou dans une succursale pour une opération
quelconque. Le remboursement se fait moins rapidement et nécessite
quelque dérangement, surtout si l’on habite une localité éloignée du
bureau de la Caisse d’Épargne.

Une même personne ne peut posséder à la fois un livret de la Caisse
d’Épargne postale et un livret d’une Caisse d’Épargne ordinaire, sous
peine de perdre l’intérêt de la totalité des sommes déposées. Elle ne
peut pas davantage être titulaire de deux livrets de la même Caisse.
Cette interdiction ne concerne qu’un même déposant, et il peut être
délivré autant de livrets individuels qu’il y a de personnes composant
une même famille.

Quand la somme inscrite sur un livret atteint ou dépasse 1.500 fr., la
Caisse d’Épargne--ordinaire ou postale--achète pour le compte du
titulaire de ce livret, un titre de rente sur l’État. Si telle n’est
point l’intention du déposant, celui-ci peut demander un remboursement
partiel avant que ses économies atteignent 1.500 francs.

                   *       *       *       *       *

On sait que les ressources ordinaires de l’État sont fournies par les
impôts, directs et indirects. Mais si, par suite d’un événement grave,
l’État est obligé à des dépenses extraordinaires, il préfère, au lieu
d’augmenter les impôts, contracter un emprunt, c’est-à-dire demander de
l’argent à ceux qui veulent lui en prêter. De son côté, il s’engage, non
à rembourser ce capital, mais à payer perpétuellement l’intérêt: c’est
la rente perpétuelle. Alors chaque prêteur reçoit un titre de rente qui
lui donne droit de toucher l’intérêt. L’État peut, dans certains cas, se
réserver la faculté de rembourser; c’est ainsi qu’en 1878, l’État
français, lors d’un emprunt, a pris l’engagement de rembourser, par
parties chaque année, c’est-à-dire d’amortir le montant de cet emprunt
en 75 ans: c’est la rente amortissable. Il y a donc deux espèces de
rentes françaises: le 3% perpétuel et le 3% amortissable.

Les rentes dues par l’État sont inscrites sur le Grand-Livre de la Dette
publique.

Le titre de rente ne porte pas le montant de la somme prêtée, mais
seulement la rente convenue. Il peut être acheté ou vendu. Son prix
varie comme toute marchandise, mais il est évident que le chiffre de la
rente est toujours le même. Ces ventes et ces achats se font à la
Bourse, par l’intermédiaire d’un agent de change qui, seul, peut donner
de l’authenticité au contrat de vente et d’achat des fonds publics et
qui prélève un droit de commission ou de courtage de 0 fr. 125 pour 100
fr. de capital, soit 1 fr. 25 pour 1.000 fr. Il faut ajouter à cela
l’impôt de l’État, soit 0 fr. 10 pour 1.000 fr. de capital ou fraction
de 1.000 fr.

Le prix auquel se vend un titre de rente s’appelle le cours de cette
rente. S’il est aujourd’hui de 89 fr. par exemple, il peut s’élever
demain à 90 fr. et descendre le jour suivant à 88 fr. Quand le cours
atteint 100 fr., on dit qu’il est au pair.

Le payement des rentes se fait au Trésor, à Paris et dans toutes les
Caisses de l’État, sur la présentation, à chaque échéance, de petites
bandes de papier que l’on détache du titre même et que l’on nomme
coupons.

Les titres sont nominatifs ou au porteur, suivant qu’ils portent ou ne
portent pas le nom du propriétaire de la rente. On appelle arrérages les
termes échus et qui n’ont pas été touchés. Il y a prescription au bout
de cinq ans pour les arrérages. Il faut toujours tenir un double des
numéros de ses titres; en cas de perte ou de vol, on doit donner sans
retard ces numéros à son homme d’affaires.

                   *       *       *       *       *

Quand une Compagnie se fonde pour exécuter de grands travaux, comme les
chemins de fer, par exemple, ou pour exploiter des mines, des forêts,
etc., ou pour l’établissement d’une usine, ou pour faciliter le
commerce, l’industrie ou l’agriculture comme la Banque de France, le
Crédit foncier, etc., elle demande au public l’argent dont elle a
besoin. Le capital nécessaire est partagé en un certain nombre de parts
qu’on appelle actions. Celui qui achète une ou plusieurs de ces actions
devient actionnaire. La Compagnie s’engage généralement à lui payer un
intérêt fixe plus un dividende, c’est-à-dire une part dans les
bénéfices, proportionnelle à sa mise de fonds. L’actionnaire supporte
les pertes s’il s’en produit, mais pas au-delà du capital qu’il a
souscrit. C’est donc à lui de ne prendre d’actions que dans les affaires
qui offrent toutes les garanties possibles de sécurité.

Une Compagnie constituée par actions, un État, une Ville, peuvent avoir
besoin de faire un emprunt. S’ils offrent des garanties (propriétés,
matériel, capital action de la Société, etc.), ils émettent des
obligations, c’est-à-dire des titres donnant droit à un intérêt fixe,
mais ne participant ni aux bénéfices ni aux pertes. Pour exciter les
souscripteurs, on offre souvent des lots aux premiers numéros qui
sortent à chaque tirage. Les autres obligations sont remboursées au taux
d’émission, à des époques déterminées. Le placement en obligations est
toujours plus sûr que le placement en actions; ce dernier peut être plus
avantageux, mais il y a des risques à courir que l’on évitera en
surveillant la marche de l’entreprise.

Les actions et les obligations se négocient à la Bourse, comme les
rentes sur l’État, par l’intermédiaire des agents de change. Les frais
de courtage sont généralement les mêmes que dans le cas précédent. Les
établissements de crédit où peuvent se faire toutes les
opérations,--ventes et achats de titres, payements de coupons,
etc.--sont nombreux en France. Il n’est point de petite ville qui ne
possède le sien. Il y a lieu de s’enquérir de l’honorabilité de la
maison avant de s’y adresser. Des banquiers malhonnêtes ont jeté un
discrédit sur la corporation; mais un grand nombre de ces hommes
d’affaires et de ces Sociétés de crédit traitent les affaires avec assez
de loyauté pour être au-dessus de tout soupçon. Il s’agit de ne point se
tromper d’adresse, d’éviter de s’emballer et de s’assurer avant tout du
bon renom, loyalement acquis, de la maison avec laquelle on opère.
Sachez ce que vous désirez avant d’acheter une valeur quelconque; prenez
des références auprès d’amis sûrs, pondérés, sérieux et évitez de vous
laisser prendre à acquérir, sans renseignements précis et étude
approfondie, une valeur, quelle qu’elle soit. Toutes les valeurs sont
bonnes pour qui les vante et pour qui trouve un avantage considérable à
cela: même les plus mauvaises et qui n’ont d’autre valeur que la valeur
matérielle du papier. Vous ne pouvez pas, sans courir un grand danger,
vous exposer à acheter une action sur une industrie, sur une
exploitation, sans avoir au moins entendu quelque connaisseur vous
parler de cette industrie ou de cette exploitation, sans avoir lu sur
des journaux sérieux, non intéressés à l’une ou à l’autre affaire, des
relations documentées sur leur fonctionnement. Il s’est trouvé, en ces
temps derniers, des hommes d’affaires qui n’ont pas craint de lancer des
émissions sur des entreprises qui n’existaient pas et qu’à dessein, ils
plaçaient en des régions lointaines. Des journaux cependant
entretenaient leurs lecteurs des succès toujours croissants de ces
entreprises, mais il était facile de deviner que c’étaient des feuilles
intéressées à le faire, créées même uniquement pour cet objet. Il faut
se défier des louanges sans mesure comme des entreprises que nous ne
pouvons visiter. Pourquoi ne point confier plutôt vos économies à des
industries françaises, dont vous pouvez entendre parler par des gens qui
auront contrôlé leur valeur? Parce qu’elles servent un intérêt moins
élevé, dites-vous? Eh! prenez-vous pour rien la sécurité de votre
placement? Ne vaut-il pas mieux toucher un intérêt moindre et ne pas
risquer de ne plus retrouver son capital? Et puis, c’est une affaire de
patriotisme. Si vous faites prospérer l’industrie française, vous
enrichirez votre pays; vous serez enrichis par là même. L’industrie,
prospérant, nécessitera un plus grand nombre d’ouvriers; il faudra une
production de matières premières plus considérable; le commerce marchera
et chaque Français y trouvera son avantage et un avantage inappréciable
à tous les points de vue.

Ne donnez point votre argent au premier venu, quel que soit le langage
alléchant qu’il vous tienne. A bon vin pas d’enseigne. Sachez discerner
et deviner si vous avez affaire à un honnête homme ou à l’un de ces
personnages dont l’unique industrie consiste à vider les
porte-monnaies... des petits capitalistes surtout. L’expérience prouve
qu’il est nécessaire d’agir avec une grande prudence et de ne livrer ses
fonds qu’autant qu’on s’est assuré de sérieuses garanties. Les moyens
pour en arriver à ce résultat ne manquent pas. Il est encore d’honnêtes
gens en notre beau pays de France, et nous devrions précisément
encourager et aider les hommes d’affaires qui travaillent avec la même
ardeur dans l’intérêt de leurs clients que dans leur intérêt propre.

On a vu, en ces temps derniers, des banquiers ou soi-disant tels,
dilapider les fonds qui leur étaient confiés. N’était-il point évident,
pour un esprit avisé, qu’il ne pouvait en être autrement? Quand un homme
fait des dépenses exagérées, qu’il se prodigue en promesses
fallacieuses, en discours intéressés, en réclames coûteuses, peut-il
réellement inspirer la confiance au capitaliste sérieux qui exige
plutôt, pour sa sécurité personnelle, une garantie sûre et indéniable?
Les superbes discours n’ont, pour ce dernier, aucune valeur. Il ne s’y
arrête même pas. Ce qu’il lui faut et qui lui suffit, c’est l’assurance
que les capitaux qu’on lui demande d’engager ne seront pas perdus; et il
ne se trompe pas souvent, parce qu’il est froid, réfléchi, réfractaire à
l’emballement, et à la séduction que peut exercer sur lui un adroit
banquier.

Les valeurs s’achètent et se vendent au comptant: c’est, du reste, le
procédé le plus logique. Il y a aussi les marchés à terme, ainsi appelés
parce que la livraison des valeurs n’a jamais lieu qu’à une époque plus
ou moins éloignée de celle du marché. Les opérations au comptant sont
sérieuses, car elles obligent et le vendeur et l’acheteur. Il n’en est
pas de même des opérations à terme, qui ne sont, le plus souvent, qu’une
simple spéculation. Ainsi on achète et on vend sans nulle intention de
payer ou de livrer, mais simplement parce qu’on espère réaliser un
bénéfice par suite de la fluctuation du cours, excepté pour le marché
ferme qui oblige le vendeur et l’acheteur, comme le marché au comptant.

                   *       *       *       *       *

Ne vous laissez pas prendre à une combinaison qui peut figurer sur les
journaux et qui consiste dans la vente de la participation aux tirages
de quelques valeurs à lots, moyennant un faible versement mensuel. Il
arrive que le grand nombre des lots annoncés, formant invariablement des
millions au total, peut tenter même les gens les plus sérieux. Mais en
raisonnant quelque peu, vous vous apercevrez bien que le nombre des
participants à un lot qui aurait chance de sortir, est très grand, de
sorte qu’en divisant le lot, si important soit-il, par le nombre des
participants, la partie du lot qui vous sera servie, devra être,
naturellement, très faible. Du reste, le banquier peut faire à chaque
participant la part qu’il voudra, puisque les souscripteurs ne se
connaissent pas entre eux et ne savent pas d’une façon exacte combien
ils seront à se partager le lot. Enfin, cette combinaison est illégale:
son rôle est surtout d’enrichir celui qui l’exploite au détriment de
ceux qui manquent d’assez de circonspection pour n’y pas découvrir un
trompe-l’œil.

                   *       *       *       *       *

Ne donnez jamais une somme quelconque à un inconnu, même contre reçu. Ce
reçu pourrait être faux et il ne vous servirait à rien. Il passe
quelquefois dans les villages et dans les villes de ces escrocs qui se
disent représentants d’une maison de commerce plus ou moins importante
et qui vous demandent si vous avez l’intention d’acquérir un objet
quelconque, de verser un acompte, comme c’est l’usage de leur maison.
Cet acompte est leur profit et l’objet que vous convoitez ne vous
parvient jamais.

N’apposez jamais votre signature sur une feuille blanche qui vous est
présentée. Savez-vous ce qu’on écrira au-dessus? Ne signez pas davantage
un contrat quelconque dont vous n’aurez pas compris parfaitement tous
les termes. Certaines affaires--surtout celles qui paraissent très
pressées à celui qui veut les traiter avec vous--demandent beaucoup de
réflexion. Demandez un délai pour vous documenter; il sera toujours
temps de traiter votre affaire, si elle est loyale et si vous y trouvez
l’avantage que vous recherchez. Combien de personnes ont été ainsi
trompées, pour avoir trop précipitamment cédé aux instances d’un
monsieur qui ne trouvait aucun inconvénient à faire signer tel contrat,
à faire verser une somme quelquefois rondelette. Évidemment, il
n’existait nul inconvénient pour lui, mais il n’en était pas de même de
son client qui, plusieurs jours après, mais trop tard, pouvait se rendre
parfaitement compte de l’escroquerie dont il avait été victime.
Remarquez en passant que ces escrocs ont souvent une mise aussi
impeccable qu’élégante, et que vous craindriez peut-être, en leur
résistant, de froisser des personnages importants: n’ayez point cette
crainte. Les apparences sont souvent trompeuses et c’est précisément le
bel habit qui joue, en ce cas, le plus grand rôle.

                   *       *       *       *       *

Si vous êtes commerçant et qu’un inconnu vienne changer chez vous une
pièce de monnaie, un louis, par exemple; faites attention. Vous serez
peut-être en présence du plus honnête homme du monde, mais il se pourra
aussi que vous ayez affaire à un habile escroc qui saura attirer sur un
autre sujet votre attention et profiter de votre distraction d’un
instant pour reprendre à la fois et la monnaie que vous lui allongez et
le louis qu’il aura gardé à vue et glissé dans sa main, vous laissant en
l’esprit l’assurance intime que le louis a été rangé par vous tout
d’abord. Dans neuf cas sur dix, ces habiles voleurs réussissent ce coup
d’audace. Allez-y donc franchement et méthodiquement quand vous maniez
de l’argent. Placez votre monnaie sur votre table ou comptoir et exigez
que le louis reste là jusqu’au moment où se fait l’échange; de cette
façon, il n’y a ni équivoque ni doute. Vous comptez votre monnaie; le
monsieur la prend pendant que vous versez le louis dans votre tiroir. Si
vous vous sentez incapable d’opérer ainsi, dites au monsieur inconnu que
vous n’avez point de monnaie et que vous le regrettez. Souvent cet
inconnu aura fait, au préalable, une acquisition quelconque de peu
d’importance, pour ne point éveiller les soupçons; refusez quand même la
monnaie. Vous verrez bien, il vous paiera si c’est un escroc. En tout
cas, il vaudrait mieux perdre quelques sous que de s’exposer à perdre
vingt francs. Nous répétons qu’il faut éviter de voir dans toute
personne qui voudrait faire l’échange d’un louis contre de la monnaie,
un voleur de profession. Il est évident que l’homme le plus probe du
monde peut se trouver sans aucune monnaie et avoir besoin, pour s’en
procurer, d’entrer chez un commerçant. Il y a le tact et la manière.

Il est d’autres genres d’escroqueries, d’abus de confiance, etc., contre
lesquels il faut se mettre en garde. Ils sont multiples. Il en est
évidemment d’inédits: un peu de défiance et de sang-froid vous en
préservera.




TABLE


  Chapitre   I.--Le Travail                                      5
  Chapitre  II.--L’Alimentation                                 21
  Chapitre III.--Les Économies                                  29
  Chapitre  IV.--L’Union fait la force                          57
  Chapitre   V.--Meilleurs salaires et meilleurs traitements    66
  Chapitre  VI.--Derniers conseils                              77


Paris--imprimerie des Éditions Presse Française






*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK MOYENS INFAILLIBLES DE DEVENIR RICHE ***


    

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