La flore utile du bassin de la Gambie

By André Rançon

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Title: La flore utile du bassin de la Gambie

Author: André Rançon

Release date: May 24, 2024 [eBook #73689]

Language: French

Original publication: Bordeaux: Imprimerie G. Gounouilhou, 1895

Credits: Galo Flordelis (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France/Gallica and the HathiTrust Digital Library)


*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA FLORE UTILE DU BASSIN DE LA GAMBIE ***

                      ÉTUDE DE BOTANIQUE EXOTIQUE
                               * * * * *

                           =LA FLORE UTILE=
                                  DU
                         =BASSIN DE LA GAMBIE=

                                PAR LE
                           =Dr ANDRÉ RANÇON=
                MÉDECIN DE PREMIÈRE CLASSE DES COLONIES
                   CHEVALIER DE LA LÉGION D’HONNEUR

                               * * * * *
     Extrait du _Bulletin de la Société de géographie commerciale
                             de Bordeaux_.
                               * * * * *

                               BORDEAUX
                       IMPRIMERIE G. GOUNOUILHOU
                         11, RUE GUIRAUDE, 11
                               * * * * *
                                 1895




[Illustration : BASSIN DE LA GAMBIE.

_Dessinée par A. M. MARROT. BORDEAUX._]




                           =LA FLORE UTILE=
                       =DU BASSIN DE LA GAMBIE=
                               * * * * *


Ce n’est, à notre avis, que par une connaissance approfondie des
richesses minières, agricoles et forestières de son sol que l’on
peut arriver à se faire une idée exacte de ce que vaut, pour la
colonisation, une contrée quelle qu’elle soit. Aujourd’hui que
le courage de nos explorateurs et la vaillance de nos soldats nous ont
dotés d’un immense empire colonial, il importe d’indiquer à ceux
de nos compatriotes qui seraient désireux de contribuer à sa mise
en valeur quels sont les produits indigènes dont l’exploitation
serait capable de leur donner des résultats rémunérateurs.

Dans un programme d’étude aussi vaste il n’est pas, à notre
avis, de travaux, si petits et si insignifiants qu’ils paraissent,
qui n’aient leur importance. Aussi avons-nous cru qu’il serait
de quelque intérêt de faire une revue rapide de la _Flore utile_
du bassin de la Gambie et de faire connaître les végétaux que
l’on peut rencontrer dans ces régions, encore peu explorées,
ainsi que le parti que l’on pourrait en retirer pour notre commerce
et notre industrie.

Mais, auparavant, quelques détails géographiques et géologiques
me semblent indispensables pour bien faire comprendre au lecteur
toute l’importance de cette petite portion du vaste continent
africain. Dans ce but, je ne crois pas mieux faire que de reproduire
ici ce que j’écrivais, il y a déjà un an, dans mon mémoire _La
France en Gambie_, auquel la revue _Les Nouvelles géographiques_
avait bien voulu accorder l’hospitalité de ses colonnes.

La Gambie est, après le Congo, le Niger et le Sénégal, le plus
grand fleuve de la côte occidentale d’Afrique. Elle prend sa
source dans le pays de Labé, à 30 ou 35 kilomètres au nord de
cette grande ville noire, dans les environs du petit village peulh
de Orédimmah. Ses sources ont été particulièrement visitées
par Hecquart, Bayol et Noirot. Ce n’est d’abord qu’un mince
ruisseau, que les indigènes désignent sous le nom de _Dimmah_. Elle
prend rapidement une importance considérable par suite de l’apport
des eaux d’un grand nombre de marigots qui descendent du versant
est du contrefort que le Fouta-Djallon émet au nord, dans cette
région. Les habitants lui donnent alors le nom de _Gambia_, qui lui
reste jusqu’à son embouchure. C’est aussi le nom que lui avaient
attribué les premiers voyageurs qui l’ont explorée. Non loin des
sources de la Gambie se trouvent celles du _Rio Grande_, la _Comba_
des indigènes. Quelques kilomètres seulement les séparent l’une
de l’autre.

Sur les 100 premiers kilomètres de son cours environ, la Gambie suit
une direction générale ouest-est. Elle oblique alors brusquement au
nord, et suit cette direction jusqu’au gué de Tomborocoto. Là,
son cours s’infléchit tout à coup vers l’ouest, et elle se
dirige dans ce sens jusqu’à l’embouchure.

Le régime de ses eaux est celui de tous les grands fleuves de
la côte occidentale d’Afrique. Comme le Sénégal et le Niger,
elle présente dans le cours de la même année des différences
considérables de niveau. Dans sa partie moyenne, celui-ci varie,
en quelques mois, de 12 à 15 mètres, du moment où il est le plus
bas à celui où il est le plus élevé. Pendant l’hivernage,
la Gambie est un fleuve majestueux aux eaux bourbeuses, et dont le
courant est excessivement rapide. Sa largeur est alors quadruplée. En
maintes régions, elle déborde, et, comme le Nil, fertilise les
terrains avoisinants. Mais, dès que cessent les pluies, elle
rentre rapidement dans son lit et, à la fin de la saison sèche,
elle laisse à découvert les barrages qui obstruent son cours,
et de nombreux bancs de sable qui, en maints endroits, forment son
lit. Il n’y a pas alors, à proprement parler, de biefs véritables,
car il est peu de régions où la profondeur soit uniforme.

La Gambie reçoit un grand nombre d’affluents, si nous pouvons
appeler ainsi les marigots qui l’alimentent. Sur sa rive droite,
nous ne trouvons, à proprement parler, qu’un seul cours d’eau
qui mérite réellement le nom de rivière, parce qu’il a une
source qui lui est propre : c’est la rivière _Oundou_. Vu leur
importance, on pourrait également donner ce nom au _Niocolo-Koba_
qui arrose le Badon et le pays de Gamon, au _Balé_ qui coule
dans le Tenda et au _Sandougou_, qui sépare le pays de ce nom du
Niani. Mais ces cours d’eau n’ont pas d’origine première
véritable. Ils ne sont uniquement formés que par les nombreux
marigots qui leur apportent les eaux de pluies et d’infiltration
des contrées à travers lesquelles ils coulent. Quant aux marigots
proprement dits qui se jettent dans la Gambie, sur sa rive droite,
ils sont innombrables, et il serait fastidieux d’en donner ici
une énumération complète. Sur sa rive gauche, elle ne reçoit
qu’une seule rivière également, c’est le _Koulontou_, que les
Anglais désignent sous le nom de _Rivière Grey_. Elle descend du
versant ouest du contrefort du Fouta-Djallon, dont nous avons parlé
plus haut. C’est une jolie petite rivière qui, dans la dernière
partie de son cours, sépare le Kantora du pays de Damantan. Beaucoup
de marigots sont aussi tributaires de la Gambie de ce côté.

On ne saurait, en réalité, donner aux marigots le nom
d’affluents. Le régime de leurs eaux diffère, en effet, absolument
de celui des cours d’eaux que l’on a l’habitude de désigner
ainsi. Pendant l’hivernage, ils reçoivent le trop-plein des eaux du
fleuve. Leur courant est alors dirigé du fleuve vers l’intérieur
des terres. Pendant la saison sèche, en revanche, ils se déversent
dans le fleuve ou rivière au bassin duquel ils appartiennent. Leur
courant est alors dirigé en sens contraire du précédent. Une petite
levée de terre ou de sable, suivant les régions, se forme peu à peu
à leur embouchure. C’est un véritable barrage qui ne tarde pas à
devenir assez élevé pour arrêter complètement l’écoulement des
eaux. Il se forme ainsi dans tout leur cours, de distance en distance,
de véritables réservoirs où les eaux croupissent et finissent par
disparaître complètement, par évaporation, sous l’action de la
chaleur solaire, et quand les terrains environnants, complètement
desséchés, ne peuvent plus les alimenter.

Dans la dernière partie de son cours, les marigots que reçoit la
Gambie ne sont plus, à proprement parler, des marigots. Ce sont de
véritables _diverticula_ du fleuve que les Anglais désignent sous
le nom de _Creek_.

Depuis sa source jusqu’à son embouchure, les pays qu’arrose la
Gambie sont, sur la rive droite : le pays de _Labé_, le _Koïn_,
le _Gadaoundou_, le _Sangala_, le _Gounianta_, le _Dentilia_,
le _Badon_, le _Gamon_, le _Tenda_, l’_Ouli_, le _Sandougou_,
le _Niani_, le _Badibou_ et le _Bar_. Sur sa rive gauche, nous
trouvons : le _Labé_, le _Yambéring_, le _Tamgué_, le _Sabé_,
le _Niocolo_, le _Coniaguié_, le _Bassaré_, le _Damantan_, le
_Kantora_, le _Fouladougou_, le _Guimara_, le _Diara_, le _Kian_ et le
_Combo_. La population de ces différents pays peut s’élever à un
total d’environ 400,000 habitants, dont 60,000 à peine résident
sur le territoire anglais. Partout, sauf dans le Gamon, le Badon,
le Damantan et le Kantora, les rives du fleuve sont éminemment
fertiles et peuvent être cultivées avec profit.

D’après l’énumération qui précède, il est facile de se
rendre un compte exact de l’immense superficie du bassin de ce
grand fleuve africain. Qu’il nous suffise de dire que ses limites
extrêmes sont : au nord, le 13° 50′ ; au sud, le 11° 30′ de
latitude nord ; à l’est, le 13° 55′ ; à l’ouest, le 19°
12′ de longitude ouest.

A l’époque des basses eaux, le fleuve est navigable pour les
grands vapeurs jusqu’à l’île de Mac-Carthy. De ce point, les
navires de faible tirant d’eau peuvent remonter en toutes saisons
jusqu’au barrage de _Kokonko-Taloto_ ; au-dessus, on ne peut guère,
du moins pendant la saison sèche, y faire circuler que des chalands
en bois et à fond plat et des pirogues indigènes. L’entrée de
son estuaire est beaucoup moins dangereuse que celle du Sénégal. La
mer y est meilleure et surtout plus profonde. Les navires calant
3 mètres, par exemple, peuvent, en toutes saisons, venir mouiller
devant Bathurst, et là on ne trouve pas moins de 20 mètres de fond
au pied même des appontements des maisons de commerce.

La constitution géologique du sol du bassin de la Gambie diffère
peu de celle des autres parties du Soudan français. D’une
façon générale, on peut dire qu’il appartient tout entier à la
période secondaire[1]. Certes, en maints endroits, on pourra signaler
l’existence d’épaisses couches d’alluvions, mais le squelette,
l’ossature elle-même de tout le pays se rattache absolument à
cet âge géologique. Du reste, les roches qui la forment ne peuvent
laisser aucun doute à ce sujet. On n’y rencontre guère, en effet,
que des grès, des quartz simples ou ferrugineux et des schistes
de toutes variétés, ardoisiers, lamelleux et micacés. Dans les
vallées, la croûte terrestre est formée d’argiles compactes
résultant de la désagrégation des roches qui composent le
terrain ardoisier et, sur les plateaux, c’est la latérite qui
domine. Partout où l’on rencontre ce dernier terrain, le sol est
d’une surprenante fertilité, et les indigènes en connaissent si
bien la richesse que c’est là, de préférence, qu’ils cultivent
les arachides, le mil, le maïs, etc., etc., qui forment la base
de leur nourriture. Les bords du fleuve et des marigots, sont, en
général, couverts d’alluvions récentes qui sont transformées
en belles rizières pendant la saison des pluies. En fait, la
masse d’eau souterraine se trouve, suivant les régions, à des
profondeurs variables. Sur ces plateaux, il faut parfois descendre
jusqu’à 30 et 40 mètres pour la trouver, et dans ces plaines il
n’est pas rare de la rencontrer à 1m50 au maximum. L’eau du
fleuve et de la plupart des marigots est d’excellente qualité,
ne contient aucun principe nuisible et est propre à tous les usages
domestiques. Celle des puits présente souvent un aspect laiteux
et contient en abondance des matières terreuses en suspension. Il
suffit de la laisser reposer et de décanter ensuite pour avoir une
eau absolument claire, limpide et potable.

L’orographie du bassin de la Gambie est des plus simples. L’aspect
général de cette région est plat à l’ouest et montagneux au
sud-est. Sauf en ce qui concerne le contrefort nord du Fouta-Djallon,
il n’y a pas, pour ainsi dire, de système orographique bien
déterminé. Les marigots et le fleuve lui-même, à partir du
gué de Tomborocoto, coulent généralement entre deux rangées
de collines parallèles dont la hauteur ne dépasse pas 60 à 70
mètres. Les collines qui forment les lignes de partage des eaux qui
le séparent des bassins de la Falémé à l’est, du Saloum et du
Sénégal au nord, et de la Casamance et du Rio-Grande au sud, sont à
peine marquées et, en maints endroits, ces différentes régions se
confondent et empiètent l’une sur l’autre. Enfin, on y rencontre
fréquemment de ces petites collines isolées qui ne se rattachent
à aucune chaîne, à aucun système et qui, selon toute apparence,
ont été formées par les dépôts que les eaux ont laissés en
se retirant à l’époque où cette contrée a dû émerger. Leur
longueur ne dépasse pas 8 à 10 kilomètres, leur hauteur 40 à 50
mètres, et leur forme rappelle celle des buttes de nos champs de tir.

Le bassin de la Gambie appartient tout entier aux climats tropicaux
par excellence. Sauf, toutefois, dans les régions qui avoisinent
les massifs montagneux du contrefort nord du Fouta-Djallon, il est
d’une remarquable insalubrité. La température y est naturellement
élevée, surtout pendant la saison chaude. Pendant l’hivernage,
au contraire, le thermomètre ne monte jamais bien haut. Il ne
dépasse guère 30 à 32 degrés centigrades. Mais l’atmosphère
y est absolument saturée d’humidité et d’électricité. Aussi
cette saison y est-elle des plus pénibles à supporter, et c’est
à cette époque de l’année que les Européens y sont le plus
éprouvés. L’hivernage y est précoce et les premières pluies
apparaissent au commencement de mai. Elles sont toujours très
abondantes et durent jusqu’au mois de novembre. Les vents du
sud-ouest règnent pendant toute cette saison. Durant la période
sèche, au contraire, de novembre à mai, soufflent les vents
brûlants d’est et de nord-est. A cette époque, le rayonnement
nocturne est tel que, pendant les mois de novembre, décembre et
janvier, il n’est pas rare de voir le thermomètre descendre
parfois jusqu’à 10 degrés au-dessus de zéro et même plus
bas. On comprend combien de semblables variations sont pernicieuses
à la santé. De plus, la constitution géologique du sol contribue
puissamment à augmenter l’insalubrité. Enfin, les nombreux marais
et l’imperméabilité du sous-sol qui ne permet pas aux eaux de
s’écouler en font un des pays les plus malsains du globe.

A l’exception de sa partie la plus septentrionale, qui est
absolument stérile, aride, inculte et inhabitée, le bassin de la
Gambie peut être, au point de vue botanique, rangé tout entier dans
cette zone intermédiaire qui sépare les steppes soudaniennes et
sénégalaises des régions tropicales et à végétation luxuriante
qui forment notre colonie des Rivières du Sud. On peut aisément,
d’après ce que nous venons de dire, se faire une idée générale
de ce que peut être la flore de ces vastes contrées. A peu de
différence près, nous trouvons dans les terrains limitrophes de la
rive droite du fleuve les essences qui caractérisent le Sénégal
et le Soudan français, et, dans les pays qui avoisinent la rive
gauche, les végétaux propres aux climats chauds et humides des
tropiques. Là, l’exploitation des richesses botaniques ne donnera
jamais que de piètres résultats. Ici, au contraire, elle peut
être éminemment rémunératrice.

Afin d’apporter plus de clarté à cette exposition, nous avons cru
devoir adopter une classification basée surtout sur l’emploi que
font les indigènes de ces végétaux, tout en ayant soin d’indiquer
à quoi ils pourraient également nous être utiles.


                     I. — =Plantes alimentaires.=


Les végétaux qui entrent dans l’alimentation des indigènes
qui habitent le bassin de la Gambie sont excessivement nombreux,
et beaucoup d’entre eux ne sont pas à dédaigner même pour des
palais européens. Nous citerons en première ligne le _Mil_.

Le _Mil_ (_Sorghum vulgare_, Pers) forme au Sénégal, au Soudan, en
un mot dans la plupart des régions de l’Afrique tropicale, la base
de l’alimentation des indigènes et de leurs bestiaux. C’est une
graminée de haute stature dont la tige atteint parfois en certaines
régions 3 et 4 mètres de hauteur. Il croît, de préférence, dans
les climats chauds, là où les deux saisons sèche et pluvieuse
sont parfaitement tranchées. Il demande un sol assez fertile et
riche surtout en nitrate de potasse.

Son grain est généralement petit, rond. Il est enveloppé de
deux écailles coriaces, résistantes, difficiles à séparer et de
couleur tantôt noirâtre, tantôt rouge foncé.

On le sème au commencement de la saison des pluies, vers la fin de
mai, dans les premiers jours de juin. La récolte se fait pendant
la saison sèche, aux mois de novembre et décembre.

Les terrains destinés à sa culture demandent peu de
préparation. Les indigènes se contentent d’enlever les mauvaises
herbes et de les brûler sur place. Ils en répandent les cendres sur
les terrains destinés à être ensemencés et placent environ huit à
dix graines par trou. Ces trous, profonds de 8 à 10 centimètres au
plus, sont distants les uns des autres de 30 à 40 centimètres. La
graine enfouie est ensuite légèrement recouverte de terre. Dans
certaines régions, comme à Damantan, au Niocolo, etc., etc., les
cultivateurs ne s’en tiennent pas à ces procédés primitifs et
forment de véritables sillons, sans doute dans un but d’irrigation,
afin de permettre à l’eau des pluies de séjourner plus longtemps
au pied de la plante.

J’ai remarqué, en effet, que ce mode de culture était surtout
employé dans les régions sèches, pauvres en marigots, et dans
lesquelles on ne peut compter que sur l’eau du ciel pour fertiliser
le sol.

Le rendement donné par le mil est considérable. Il est d’environ
une tonne et demie par hectare, et sa valeur vénale est de 10
francs à peu près les 100 kilog. Dans la Haute-Gambie, tout le
mil récolté est consommé sur place.

Il y existe certaines régions, comme le Sandougou et le Niani,
dans lesquelles on en fait deux récoltes par an, la première
dans les terrains élevés, et la seconde sur les berges du fleuve
et des marigots, lorsque l’inondation a cessé et que les eaux
sont rentrées dans leur lit. Le sorgho croît alors, grâce à
l’humidité que le sol a conservée. Mais, en tous cas, cette
seconde récolte est bien moins fructueuse que la première.

En général, le mil n’a qu’une panicule ; mais il n’est pas
rare de voir des tiges en porter trois ou quatre. Cela se produit
surtout dans les années très pluvieuses. Mais alors ces pousses
secondaires sont petites et produisent peu.

Les feuilles sont longues et assez larges. Vertes, elles forment un
aliment précieux pour les animaux, et sèches, elles sont surtout
recherchées par les chèvres et les moutons. Les bœufs, animaux
délicats, n’en mangent que fort peu dans le second cas. Il en
est de même pour les chevaux.

Le diamètre d’une tige de mil, pris à partie moyenne, varie
entre 2 et 3 centimètres et demi.

On distingue deux sortes de sorghos ou mils : le _gros_ et le
_petit_. Elles se subdivisent à leur tour en un nombre infini de
variétés portant chacune un nom indigène particulier et qui se
distinguent les unes à la forme et les autres à la couleur de
leurs grains.

Les variétés de gros mil les plus communes dans la Haute-Gambie
sont : le _gadiaba_, le _guessékélé_, le _baciba_, le
_hamariboubou_, le _madio_.

Le _gadiaba_ demande des terrains argileux comme, du reste, toutes
les variétés de gros mil. Sa tige est très élevée. Les axes de
ses panicules sont très longs et très nombreux. Ils portent à
leur extrémité libre une graine de la grosseur d’un pois dont
l’enveloppe est noirâtre.

Le _guessékélé_ est cultivé un peu partout. Il ressemble beaucoup
comme port au gadiaba ; mais il en diffère par ses panicules dont les
axes sont peu fournis et beaucoup plus longs. Sa graine dépourvue
de son enveloppe, moins noire que celle du précédent, est d’un
beau blanc nacré. C’est le _mil nacré_, très recherché pour
les animaux. Il est tendre et se broie facilement.

Le _baciba_ a le même aspect que les précédents, mais ses feuilles
sont plus courtes et plus larges. Ses panicules sont relativement
courtes et leurs axes moins longs que ceux des variétés dont nous
venons de parler. La couleur de ses grains est rouge, ainsi, du
reste, que les détritus que donne la préparation de sa farine. Il
est surtout employé par les indigènes pour la fabrication de leur
couscouss. Son grain très dur est difficilement broyé par les
animaux. Aussi doit-on éviter de l’employer pour leur alimentation
à l’exclusion des autres, car il peut parfois déterminer de
graves occlusions intestinales. Il importe de ne pas le confondre
avec le _mil rouge de Sierra-Leone_, qui est une autre variété
tout aussi mauvaise pour les chevaux.

Le _hamariboubou_ diffère des précédents par sa panicule dont
les axes sont excessivement courts, ce qui la fait ressembler à un
véritable pain de sucre. La taille de la plante ne dépasse jamais
1m50 à 2 mètres, et ses grains sont enveloppés par une pellicule
de couleur roussâtre caractéristique. Le rendement de ce mil est
considérable. C’est la plus productive de toutes les variétés.

Le _madio_ est la seule espèce de gros mil dont la panicule porte des
axes si rapprochés et si courts qu’on pourrait la confondre avec un
véritable épi. Il ressemble comme forme au millet que nous donnons
en France aux oiseaux. Arrivé à maturité, les panicules ont une
couleur brunâtre caractéristique. Leur longueur est d’environ
30 à 35 centimètres. Il n’en vient généralement qu’une
seule à l’extrémité de la tige dont la hauteur ne dépasse
pas deux mètres. Les feuilles sont longues et très étroites en
forme de fer de lance. Une des enveloppes de la graine se termine,
à son extrémité libre, par un filament de plusieurs centimètres
(5 ou 6) de longueur qui tombe à maturité. La graine, dépourvue
de ses enveloppes, qui sont moitié blanches et noires, a une belle
couleur d’un blanc mat. On le récolte un des premiers.

Les variétés de petit mil les plus communes dans la Haute-Gambie
sont : le _souna_, le _sanio_, le _n’guéné_.

Le _souna_ est, de toutes les variétés de mil, celle qui arrive le
plus rapidement à maturité. Semé en juillet, on peut le récolter
en septembre et en octobre. Sa tige est de petite taille. Ses
feuilles, très étroites et très longues, sont peu nombreuses,
huit ou dix au maximum par pied. Sa panicule est relativement
longue, 30 à 35 centimètres environ, et ses axes sont si courts
que son diamètre à la partie moyenne ne dépasse pas 1 centimètre
et demi. Contrairement au madio, l’enveloppe de sa graine ne se
termine pas en filament. La graine, très petite, égale en grosseur
la moitié de celle du gros mil. Elle est d’un blanc mat et est
très difficile à décortiquer. Sa farine donne à la cuisson un
couscouss fort apprécié.

Le _sanio_ ressemble beaucoup à ce dernier. Par exemple, il ne mûrit
que longtemps après lui, vers le milieu de novembre. Quand il est
mûr, ses panicules diffèrent de celles du souna par leur couleur
vert glauque qui permet de ne pas les confondre. L’enveloppe de
ses graines est aussi légèrement verte. Il est de petite taille,
et ses feuilles, au lieu de retomber comme celles des autres mils,
sont presque droites, fortement engainantes à la base et presque
appliquées contre la tige.

Le _n’guéné_ pourrait presque être considéré comme une
variété intermédiaire entre le gros mil et le petit mil. Il a
l’aspect du sanio, mais ses graines sont plus volumineuses, sans
égaler toutefois la grosseur de celles du gros mil. Il arrive à
maturité complète de fin octobre à fin novembre. Quand il est mûr,
ses graines se détachent facilement. Aussi le cueille-t-on avant
qu’il soit arrivé à maturité complète et le fait-on sécher
en tas de forme cubique dressés sur des piquets qui soutiennent
des nattes et qui sont fixés sur une aire bien battue et enduite
au préalable de bouse de vache délayée dans une petite quantité
d’eau.

Mentionnons encore une variété intermédiaire entre le gros et le
petit mil. C’est le _tiokandé_. Cette variété est très sucrée
et peu cultivée. Elle est peu appréciée pour le couscouss. Mais
je crois qu’il serait bon d’en favoriser le développement et
la propagation : car elle pourrait être utilisée avec profit
pour la fabrication d’un alcool qui a été reconnu être de
bonne nature. C’est avec de la farine de tiokandé que, dans les
pays mandingues, on confectionne, le dernier jour de l’année,
pour la fête des captifs (_Dionsali_), les friandises, boulettes
et galettes que l’on distribue ce jour-là aux enfants.

Il existe enfin une dernière variété de mil assez commune dans
le Niani, le nord du Ouli et du Sandougou, le Tenda et le pays
de Gamon. C’est le _bakat_ ou _mil des oiseaux_, qui croît à
l’état sauvage et ressemble au millet de France. Les indigènes
n’en font guère usage que lorsque le mil cultivé vient à manquer.

Toutes ces variétés de mil servent à la nourriture des
indigènes. Sauf le mil rouge, toutes pourraient être également
employées dans l’alimentation des animaux. Mais nous croyons
préférable de n’avoir recours qu’au gros mil. Il se broie,
en effet, aisément et se digère bien. Il n’en est pas de même
du petit mil. Ses grains sont parfois trop petits pour être saisis
sous les arcades dentaires ; ils glissent, sans être broyés, dans
le pharynx et l’animal les avale, en majeure partie, entiers. De
ce fait, ils se digèrent mal, et la bête se nourrit peu. Nous
avons vu des animaux chez lesquels l’usage exclusif du petit mil
déterminait parfois des diarrhées qui disparaissaient dès qu’on
en supprimait l’emploi. Pour se bien nourrir, un cheval doit,
en temps ordinaire, consommer de 4 à 5 kilog. de mil par jour.

La paille des panicules constitue également un excellent aliment
dont les chevaux, bœufs, chèvres, moutons, sont particulièrement
friands. Mais elle est loin d’égaler en principes nutritifs la
paille d’arachides.

Les indigènes consomment les grains de mil sous quatre formes
différentes : en entier, crus ou bouillis, concassés (c’est le
_sankalé_) ou bien transformés en farine.

Rarement ils les mangent crus. Ils n’en font guère usage sous
cette forme que lorsqu’il est vert et pendant les longues routes
quand ils sont pressés par la faim. De même, il est peu fréquent
qu’ils les mangent simplement bouillis avec leur écorce. Ils
préfèrent surtout le sankalé et la farine.

Pour préparer le _sankalé_, les grains de mil sont placés dans
un mortier spécial que tout le monde connaît. On y ajoute un peu
d’eau simplement pour les mouiller légèrement. Puis, à l’aide
d’un pilon manié de haut en bas, on les écrase et on les réduit
en fragments de la grosseur d’une tête d’épingle environ. Cette
opération terminée, le sankalé est vanné à l’air libre pour
le débarrasser des parcelles de son écorce qui lui donneraient un
goût astringent peu agréable. Il est ensuite mis à sécher au
soleil pendant quelques heures et cuit ensuite, soit à la vapeur
d’eau, soit à l’étuvée. On le mange alors avec de la viande
ou du poisson et une sauce relevée dans laquelle entre souvent
une décoction mucilagineuse de feuilles de baobab destinée à
en masquer l’astringence. Le sankalé se conserve peu de temps ;
il prend rapidement, au bout de trois jours à peu près, une odeur
rance qui le rend impropre à la consommation.

La farine demande une préparation plus longue et plus délicate. Elle
se prépare de la même façon que le sankalé, et l’appareil dont
on se sert, un mortier et un pilon, est le même. Mais l’opération
doit être continuée jusqu’à ce que les grains soient réduits en
poudre absolument impalpable. Quand ce résultat a été obtenu, le
produit est versé soit dans une calebasse, soit dans des corbeilles
finement tressées. On leur imprime une sorte de mouvement circulaire
qui a pour but de faire venir à la surface les résidus et les
fragments mal pulvérisés. On les enlève à la main ; ces déchets
sont donnés au bétail et à la volaille et souvent consommés par
les indigènes eux-mêmes en temps de disette. La farine obtenue ainsi
est de couleur café au lait clair, douce au toucher, hygrométrique,
avec tendance à se pelotonner. Elle dégage rapidement une forte
odeur d’huile rance. Cuite à l’étuvée ou à la vapeur, elle est
mangée sous forme de bouillie, de galettes ou de boulettes avec de la
viande ou du poisson et une sauce très relevée. Séchée au soleil,
elle constitue un couscouss précieux pendant les longues marches.

Le mil est relativement assez riche en matières azotées. Malgré
cela, il ne constitue pas un aliment très nourrissant ; aussi les
indigènes en consomment-ils de grandes quantités pour arriver à
satisfaire leur faim.

Les Malinkés et les Bambaras confectionnent avec le mil une sorte de
boisson fermentée, légèrement alcoolique, qu’ils nomment _dolo_,
et pour laquelle ils ont un penchant tout particulier. Cette bière
a un petit goût aigrelet qui est loin d’être désagréable,
et l’Européen appelé à vivre dans ces régions s’y habitue
rapidement. Prise en petite quantité, elle est rafraîchissante,
mais elle finit par occasionner des gastrites et des dyspepsies
quand on en fait un usage prolongé. Ces affections disparaissent
dès que l’on cesse d’en boire. Mélangé avec du miel, le dolo
forme un hydromel très apprécié des Bambaras du Bélédougou.

Les cendres données par les tiges de mil sont remarquablement
blanches et fines. Elles renferment une notable quantité de nitrate
de potasse.

Des feuilles et des tiges de certaines variétés, le baciba et
le guessékélé par exemple, les forgerons retirent, je ne sais
trop par quel procédé, une belle couleur rouge vineux qui leur
sert à teindre les pailles avec lesquelles ils tressent leurs
corbeilles, leurs chapeaux et les paillassons destinés à couvrir
les calebasses. Avec la farine, on fait d’excellents barbottages
pour les chevaux. Quand nous aurons dit enfin que les tiges servent
dans la construction des cases et des palissades qui les entourent,
on comprendra aisément que le mil, vu ses usages multiples, soit
regardé, à juste titre, par les indigènes comme la plante la
plus précieuse.

On retire du mil une proportion relativement forte d’alcool de bonne
nature, sans aucun goût désagréable. C’est cette branche de notre
industrie qui pourrait l’utiliser avec le plus de profit. Mais il
faudrait pour cela que nos usines puissent en avoir toujours à leur
disposition en quantité suffisante. Or, la production, même dans
les pays d’origine, n’arrive que difficilement à satisfaire
la consommation. De plus, le prix d’achat sur place trop élevé,
le transport et les droits de douane viennent augmenter le prix de
revient dans de telles proportions qu’on ne peut songer, du moins
en France, à en faire une exploitation suivie. Ajoutons enfin que
le bas prix des alcools ne saurait permettre à nos fabricants
de lutter contre la concurrence étrangère et de réaliser des
bénéfices appréciables.

Voici, d’après E. Raoul, les résultats que donne l’analyse
des grains du _Sorghum vulgare_. Pour 100 parties, on trouve :
matières azotées, 9,18 ; amidon, 74,53 ; matières grasses, 1,93 ;
matières minérales, 1,69 ; eau, 12,70.

Le _Maïs_ (_Zea maïs_, L.) est cultivé dans le bassin de la
Gambie, comme dans les autres parties du Soudan français. Il en
existe deux variétés : le _maïs jaune à grains moyens_ et le
_maïs blanc_. Elles sont toutes les deux aussi estimées, mais les
champs de maïs sont loin d’avoir l’étendue et l’importance
des champs de mil. Le mil est l’aliment indispensable ; c’est la
manne quotidienne. Le maïs est, au contraire, un aliment de luxe,
bien moins estimé que le mil et le riz. Il n’en est pas moins
précieux, car de toutes les céréales c’est celle qui arrive la
première à maturité et qui, vers la fin de la saison des pluies,
permet au noir imprévoyant d’attendre la récolte du mil.

Le maïs demande une terre bien plus riche que le mil. C’est
pourquoi on ne le trouve qu’en quantité relativement peu
considérable, et on peut dire que la production de cette céréale
est à celle du mil comme 1 est à 50. Les indigènes le sèment, de
préférence, dans l’intérieur même des villages et aux alentours,
surtout dans les ruines, et partout où le terreau est assez abondant.

Les indigènes utilisent les jeunes tiges de maïs pour la nourriture
des animaux : bœufs, chevaux, moutons, chèvres. C’est un des
meilleurs fourrages du Soudan ; mais il serait mauvais, je crois,
d’en faire la nourriture exclusive des bestiaux, car il peut
parfois, surtout quand on en fait un usage trop copieux, déterminer
des coliques funestes.

Le grain est également employé pour les animaux et dans
l’alimentation des indigènes. A peine mûr, et lorsqu’il
vient d’être cueilli, il constitue un excellent aliment d’une
très facile digestion. Mais, lorsqu’il a été récolté depuis
plusieurs semaines déjà, il durcit très rapidement et devient
excessivement coriace. Aussi les animaux, les chevaux et les mulets
particulièrement, le broient-ils très difficilement et, par ce
fait même, le digèrent-ils mal. Le mieux, pour remédier à cet
inconvénient, est de le concasser avant de le leur donner. Ainsi
préparé, il constitue un aliment précieux et rapidement
assimilable.

Les indigènes consomment le maïs sous plusieurs formes. Quand il
est à peine mûr, ils en font griller légèrement au feu les épis
et en mangent les grains tels quels, en les détachant simplement
avec les dents. C’est, dans les villages, un véritable régal
pour les petits enfants, et, dans les longs voyages, un élément
précieux de ravitaillement par ce fait même que la préparation
en est facile et rapide. Secs, les grains sont concassés dans
le mortier à couscouss à l’aide du pilon, et mangés bouillis
avec de la viande ou du poisson et assaisonnés d’une sauce très
relevée. Réduits en farine, ils sont consommés sous forme de
bouillie cuite à la vapeur. Les propriétés rafraîchissantes
de la farine de maïs la font rechercher pour l’alimentation des
malades. Mélangée avec du lait, elle constitue la nourriture des
convalescents et des jeunes enfants.

Cette farine ne se conserve que peu de jours. Elle fermente rapidement
et doit être immédiatement consommée. Il en est de même du maïs
en grains, quand il est enfermé dans les greniers avant d’être
parfaitement sec.

Les Bambaras et les Malinkés fabriquent, avec le maïs, une sorte
de bière (dolo), qui est loin d’avoir les qualités de celle du
mil. Son goût est un peu fade et sa digestion plus difficile. Aussi
ne sert-on du maïs, pour cet usage, que lorsque le mil vient
à manquer.

Le rendement du maïs est un peu supérieur à celui du mil. Il
est à peu près de deux tonnes à l’hectare, quand la culture en
est faite dans de bonnes conditions et quand la saison lui a été
favorable. Sa valeur est environ de 10 francs les 100 kilog. Nous
pourrions répéter ici, à propos du maïs, ce que nous venons de
dire plus haut au sujet de l’emploi des sorghos pour la fabrication
des alcools. C’est pour les mêmes motifs que l’on est forcé de
renoncer à utiliser nos maïs de la côte occidentale d’Afrique
pour ce genre d’industrie.

Le _Riz_ (_Oryza sativa_, L.) est, dans tout le bassin de la Gambie,
l’objet de grandes cultures et de soins attentifs. Les rives du
fleuve, les bords des marigots et les marécages que laissent les
eaux en se retirant, sont aux environs des villages transformés en
rizières de bon rapport. La production, déjà très considérable,
pourrait être augmentée dans de notables proportions si les
habitants voulaient utiliser tous les terrains propres à cette
culture. Mais, pour le riz, ils procèdent absolument comme pour les
autres céréales, et ne sèment que ce qui leur est strictement
nécessaire pour leur consommation. C’est toujours la même
imprévoyance. Que, pour une cause quelconque, la récolte vienne
à manquer, c’est la famine !

Le riz ne demande que peu de soins. Le terrain et le climat sont
si favorables à sa culture que le rendement qu’il donne est
toujours considérable. Pour préparer le sol destiné aux semailles,
on se contente simplement de le débroussailler. On choisit, de
préférence, un terrain humide sur les bords du fleuve, des marais
et même dans le lit des marigots. A l’aide d’un bâton, on
sème le riz en faisant un trou dans lequel on place trois ou quatre
graines. Ces trous sont situés à environ 15 centimètres l’un
de l’autre. Dans certaines régions, on le sème simplement à la
volée et on recouvre les grains en piochant peu profondément le
sol. Tout ce travail est peu pénible. Aussi est-il généralement
exécuté par les femmes et les enfants. Les semis se font au
commencement des pluies, quand il est déjà tombé une certaine
quantité d’eau, vers la fin de juillet. L’inondation, qui
survient en août, fertilise la rizière et permet aux graines de se
bien développer. La récolte se fait en octobre et en novembre. Un
mois avant d’y procéder, on a bien soin d’enlever toutes les
mauvaises herbes, afin de lui permettre de bien mûrir.

La cueillette est faite brin par brin, et, de ce fait, demande un
temps assez long et une grande patience. On sait que cette qualité ne
manque pas aux noirs. Coupés à dix centimètres au-dessus du sol,
les épis, dont le chaume a une longueur d’environ vingt-cinq
centimètres, sont réunis en paquets assez volumineux, liés
fortement et mis à sécher sur le toit des cases. Ils sont rentrés
tous les soirs, afin de ne pas les exposer à la rosée de la nuit,
qui les altérerait sûrement et les ferait pourrir. Quand ils sont
bien secs, ils sont battus, et le grain destiné à la consommation
est enfermé dans des récipients en terre sèche placés dans les
cases elles-mêmes.

Pour procéder à la décortication, les grains sont pilés dans
un mortier à l’aide d’un pilon en bois dur. Ils sont ensuite
vannés et débarrassés ainsi de leurs enveloppes.

Les épis destinés aux semailles sont conservés avec leur chaume,
réunis et liés en paquets comme précédemment, et suspendus aux
bambous qui forment la charpente du toit de la case.

Le riz du Soudan, que l’on désigne généralement sur les marchés
sous le nom de _riz malinké_, pour ne pas le confondre avec le riz
Caroline et le riz de Cochinchine, que nous importons, est d’un
blanc légèrement grisâtre. Il présente de petites stries brunes,
qui sont évidemment dues à ce qu’il est mal décortiqué. Il
est plus dur que les autres riz et son goût est moins fade. Quand
il a été bouilli, ses grains sont poisseux et s’agglutinent
aisément. Cela est probablement dû au mucilage abondant qu’ils
contiennent. On le mange bouilli ou cuit à l’étuvée et mélangé
avec de la viande ou du poisson. Les indigènes lui préfèrent
le couscouss de mil, car ils prétendent que le riz ne les nourrit
pas autant.

La valeur commerciale du riz en Gambie est environ de 0 fr. 15 le
kilogramme, et le rendement moyen à peu près de 4,550 kilog. à
l’hectare. La production en est relativement si faible qu’il
est, à notre avis, absolument inutile que notre commerce et notre
industrie songent à tirer autrement que sur place un parti quelconque
de cette céréale.

La paille de riz forme un excellent fourrage dont tous les bestiaux
sont excessivement friands. Les indigènes s’en servent pour
fabriquer des chapeaux, des couvercles de calebasses et de petites
corbeilles qui sont loin de manquer d’originalité.

Sur les marchés, on se sert pour mesurer le mil, le riz, les
haricots, le sel, etc., etc., d’une mesure toute spéciale que
l’on désigne sous le nom de _moule_. Sa contenance varie suivant
les pays. Ainsi, le moule bambara vaut 2 kilog. environ ; le moule
malinké, en Gambie, 1 kilog. 800, et le moule toucouleur, dans le
Bondou, 1 kilog. 500.

_Le Fonio._ — On a souvent regardé le fonio comme une variété de
sorgho. Il n’en est rien. Cette confusion provient de ce que, dans
certaines régions, le Fouta sénégalais par exemple, les indigènes,
quand on leur demande les noms des différentes variétés de mil,
désignent l’une d’elles sous ce nom. Mais il ne faut pas s’y
tromper. Ce mot s’applique à deux plantes absolument différentes,
une variété de petit mil toucouleur et une autre céréale qui
n’a avec elle rien de commun.

Le fonio, proprement dit, n’est autre chose que le _Penicellaria
spicata_, Wild, que les Ouolofs appellent encore _dekkélé_. C’est
une graminée dont les proportions sont bien plus petites que celles
du sorgho. Sa tige a environ trente-cinq centimètres de hauteur,
cinquante au plus, à feuilles très étroites, relativement longues,
et dont la forme rappelle celle d’un fer de lance très effilé. Ses
graines sont très petites, de forme légèrement oblongue, très
nombreuses et groupées sur une inflorescence cylindrique en forme
d’épi très allongé. Elles sont plus nourrissantes que celles
du sorgho et servent à préparer un aliment très apprécié des
indigènes. Voici, du reste, à titre de renseignement, d’après
E. Raoul, l’analyse des graines de fonio. Pour cent parties, on
a : matières azotées, 10,84 ; amidon, 72,18 ; matières grasses,
3,01 ; matières minérales, 1,99 ; eau, 11,98.

La culture du fonio, très facile, ne demande pas une préparation
méticuleuse du terrain. Après avoir enlevé et brûlé les herbes
des champs que l’on veut ensemencer de fonio, les semis sont faits
à la volée. Un léger grattage du sol à l’aide d’une pioche _ad
hoc_ suffit pour recouvrir les semences. Ce travail peu pénible est
fait surtout par les femmes et les enfants. On sème cette céréale
au début de la saison des pluies, après les premières tornades,
vers le commencement de juillet, et la récolte se fait vers la fin
de novembre.

Les grains de fonio sont petits et de couleur légèrement brune. Mais
quand ils ont été décortiqués à l’aide du mortier et du pilon
à couscouss et débarrassés de leurs enveloppes, ils présentent
un aspect légèrement jaunâtre qui rappelle beaucoup celui de
la semoule, avec laquelle le fonio a, du reste, de grands points
de ressemblance.

Les indigènes préparent avec le fonio un couscouss qui jouit partout
d’une grande faveur. On le fait bouillir ou cuire à la vapeur
d’eau et on le mange avec de la viande ou du poisson et une sauce
très relevée. Il est considéré, par les noirs, comme la plante la
plus nourrissante. Il contient, en effet, une proportion relativement
considérable de matières azotées, 10 84 0/0 environ. Très
facile à préparer, il est, de ce fait, excessivement précieux
pour l’alimentation dans les expéditions. C’est le viatique
indispensable de tous les Dioulas et l’aliment que l’on emporte,
de préférence, pour les longs voyages et les longues chasses dans
la brousse. Il est, au préalable, bien décortiqué, bien pilé et
bien séché au soleil. Le voyageur en emplit sa peau de bouc et,
à l’étape, le fait cuire généralement dans une vieille boîte
de conserves qu’il porte habituellement attachée à la ceinture.

Le fonio est peu utilisé pour la nourriture des animaux, des chevaux
particulièrement. D’abord, il n’y en a jamais assez pour cela,
et, ensuite, il est assez difficilement digéré, ses grains étant
généralement mal broyés. On lui préfère de beaucoup le mil pour
cet usage.

La paille, très fine, constitue un excellent fourrage dont les
bestiaux sont très friands. Très hygrométrique, les Dioulas
s’en servent, après l’avoir légèrement mouillée, pour
emballer leurs kolas. Bien empaquetée dans des paniers _ad hoc_,
elle conserve son humidité pendant plusieurs jours. De ce fait, les
kolas ne se dessèchent pas et, pour les maintenir toujours frais,
il suffit d’asperger les ballots tous les quatre jours à peu près.

Le rendement du fonio est bien plus considérable que celui du mil
ou du riz. De toutes les céréales cultivées dans ces régions,
c’est celle qui produit le plus. Il donne environ 5,000 kilogrammes
à l’hectare. Sa valeur commerciale est à peu près de 20 francs
les 100 kilog. On en trouve, du reste, fort peu sur les marchés. La
récolte est consommée presque entièrement sur place.

_Le Diabéré._ — Le diabéré est une sorte d’aroïdée
très commune dans le Tenda, le Diaka, le Ouli, le Sandougou et
le Niani. Les Bambaras et les Sarracolés la nomment _diabéré_,
les Malinkés _diabéro_ et les Peulhs _oussoudié_. Elle croît,
de préférence, dans les endroits humides et à l’abri des rayons
du soleil. Elle aime une terre riche en humus. C’est pourquoi les
lougans de diabérés sont toujours situés à l’ombre des grands
arbres où la terre est plus fraîche et plus fertile du fait même du
terreau que forment les feuilles en y pourrissant. Nous avons été
assez heureux pour être le premier à étudier cette plante. Je
passe sous silence ses caractères botaniques, que le lecteur pourra
trouver en détail dans mon livre : _Dans la Haute-Gambie, voyage
d’exploration scientifique_. Je la dédie à mon excellent maître
et ami M. le professeur Heckel, en la nommant _Arum Heckeli_.

Sa racine est un tubercule de la grosseur du poing environ, d’un
brun noirâtre et ayant un peu la forme d’un oignon légèrement
allongé. Sur ce tubercule, viennent, quand la plante arrive à
maturité, douze ou quinze turions environ, dont les plus volumineux
atteignent tout au plus la grosseur d’un œuf. C’est la partie
comestible et qui sert à la reproduction. Leur forme est celle du
tubercule auquel ils adhèrent fortement. Leur couleur est aussi
la même. La chair de ces turions est blanche, fortement aqueuse
et compacte ; elle rappelle celle de la pomme de terre ou, plutôt,
de la patate. Leur odeur est légèrement vireuse.

Les semis de diabéré se font en juin et en juillet. Il suffit,
pour cela, de placer les turions dans un trou creusé dans la terre
à une profondeur d’environ dix à quinze centimètres. La récolte
se fait en décembre. Vers la fin d’octobre ou au commencement
de novembre, les habitants du Sandougou ont l’habitude de couper
les feuilles à une hauteur de dix centimètres du sol environ pour
faire grossir davantage les turions.

Le diabéré est un légume qui n’est pas à dédaigner,
même pour le palais délicat des Européens. Bouilli ou frit à
la poêle, il constitue un aliment d’un goût agréable. Je me
souviens en avoir mangé avec plaisir en ragoût avec du mouton. Les
indigènes le préfèrent bouilli, et dans certaines régions, le
Diaka, le Sandougou, le Tenda, par exemple, ils en font une grande
consommation. Dans ce dernier pays, surtout, on en consomme beaucoup,
et les habitants des pays voisins attribuent à l’abus qu’ils en
font la maladie de peau et les nombreux goîtres dont sont atteints
les Malinkés du Tenda.

_Tigalo N’galo_ ou _Niébé-Gherté._ — Il existe dans tout le
bassin de la Gambie une légumineuse qui peut être considérée
comme la plante qui forme la transition entre l’arachide (_Arachis
hypogæa_, L.) et le haricot (_Phasæolus vulgaris_, L.), avec
lesquels elle a des caractères communs. Du reste, les indigènes
lui ont donné un nom composé de ceux de ces deux plantes. Les
peuplades de race mandingue la nomment : _Tigalo N’galo_. Arachide,
en malinké, se dit _tigo_ ou _tiga_, suivant les régions. _N’galo_
est le nom d’un petit haricot très commun dans tout le Soudan. Les
peuplades d’origine peulhe la nomment : _Niébé-Gherté_. En peulh,
_niébé_ signifie haricot, et _gherté_ arachide.

Elle est très cultivée dans tout le Soudan, et ses graines
constituent un aliment recherché des indigènes et apprécié
des Européens eux-mêmes. Le port de cette légumineuse diffère
de celui de l’arachide et rappellerait plutôt celui de nos
haricots nains. On la sème au commencement de juin dans un
terrain bien préparé, et souvent aussi en bordure autour des
lougans de mil, maïs et arachides. Elle demande une humidité assez
prononcée et donne, vers le commencement de novembre, un fruit sec,
indéhiscent. Si on en brise la coque, il s’en échappe une graine
ronde, d’une blancheur nacrée et de la grosseur d’une noisette,
dont elle a un peu la forme. Cette graine est munie d’une enveloppe
épaisse, dure, coriace, et qui se détache à la cuisson. De blanche
qu’elle était, elle prend une couleur violacée très prononcée et
qui colore fortement le bouillon dans lequel on la fait cuire. Cette
enveloppe n’est pas comestible. On l’enlève dès qu’elle
n’adhère plus aux cotylédons, qui sont volumineux et très
savoureux. Les indigènes mangent les niébés-ghertés bouillis
et, dans nos postes, on en fait de bonnes purées et d’excellents
potages. Elle remplace avantageusement le haricot.

_Haricots._ — Les haricots (_Phasæolus vulgaris_, L.), que les
Ouolofs désignent sous le nom de _Niébés_ et que les Malinkés
et les Bambaras appellent _Soo_ ou _Soso_, sont l’objet d’une
culture relativement importante. Cette plante alimentaire demande
un terrain légèrement humide, relativement riche en humus et
situé surtout à l’abri des rayons du soleil. Aussi, les semis en
sont-ils généralement faits dans les lougans de mil et de maïs. On
y procède, d’habitude, dans les premiers jours d’août, quand
ces deux céréales ont atteint déjà une certaine hauteur. On
pratique simplement, à l’aide d’un petit morceau de bois, des
trous d’environ quatre à six centimètres de profondeur, dans
lesquels on place une ou deux graines au plus, que l’on recouvre
d’un peu de terre. La plante germe rapidement et la récolte se
fait vers le commencement de décembre au plus tard. Il en est de
deux espèces différentes qui, elles-mêmes, se divisent en un grand
nombre de variétés. L’une a absolument l’aspect de nos haricots
nains et l’autre affecte le port de nos haricots grimpants. Ses
rameaux rampent sur le sol et s’étendent parfois au loin. Ces deux
espèces donnent des fruits qui diffèrent surtout par la forme et la
couleur. Il en est de ronds, d’ovoïdes, de discoïdes, de roses,
de blancs, de jaunes, de gris et de mouchetés. Ces deux dernières
variétés sont les meilleures, les plus recherchées et celles qui se
conservent le mieux. Les autres sont presque toujours attaquées par
les insectes. La récolte faite, les gousses sont mises à sécher,
au soleil, sur le toit des cases, et les graines, bien nettoyées,
sont conservées dans des paniers _ad hoc_ ou dans des récipients
en terre, où elles sont à l’abri de l’humidité.

Les indigènes mangent les haricots bouillis. Au Sénégal, on les
mélange au couscouss et, avec différentes sortes de viandes, on en
fait un plat connu sous le nom de _baci-niébé_ et qui est apprécié
même par les Européens. Ce légume, d’un goût très parfumé,
pourrait remplacer avantageusement le fayol que l’on fait venir de
France pour la ration des troupes. Sa valeur commerciale est environ
de 12 francs les 100 kilog. Nous estimons qu’il serait profitable
d’en favoriser la propagation et d’en augmenter la culture.

On trouve encore assez communément, dans le Niocolo surtout,
d’énormes haricots auxquels les indigènes donnent le nom
de _Fanto_. Ils sont donnés par une légumineuse (Phaséolée
papilionacée) qui atteint des dimensions énormes. Dans les
villages de culture, on la sème autour des cases, et, en peu
de temps, ses rameaux ont bien vite couvert celle à laquelle ils
s’attachent. Elle est, d’une façon générale, peu cultivée ; on
lui préfère le petit haricot nain dont nous venons de parler. Dans
tout le Soudan, il en existe un grand nombre de variétés qui ne
diffèrent entre elles que par la couleur de la graine. Il en est,
en effet, de violettes, de mouchetées, de rouges, de noires, de
bleuâtres, de blanches, etc., etc. Cette dernière est la plus
commune. Cette légumineuse donne une gousse longue d’environ
douze centimètres, large de trois à cinq, légèrement rosée et
excessivement dure et résistante. Sa couleur, lorsqu’elle est
mûre, est d’un blanc légèrement jaunâtre. Cette gousse contient
huit ou dix semences excessivement volumineuses, ayant à peu près
la grosseur d’une noisette, longues d’environ deux centimètres
à deux centimètres et demi, larges d’un centimètre et dont les
deux faces sont légèrement bombées. Leur couleur est d’un blanc
nacré éclatant. Les indigènes les mangent rarement. Ce n’est
guère que dans les années de disette qu’ils y ont recours, car
ces graines sont excessivement dures, coriaces. Il faut les faire
bouillir pendant des journées entières, afin de les ramollir, pour
qu’elles puissent être mangées. Leur goût est excessivement
fade et loin d’être agréable. On ne peut guère les manger que
mélangées avec du mil ou du maïs, et surtout après les avoir
fortement épicées et pimentées. De plus, les indigènes les
accusent de donner une maladie qui ferait tomber les dents.

Dans tout le bassin de la Gambie, nous n’avons rencontré qu’une
seule variété de _doliques_. C’est le _Dolichos Lablab_,
L. Le port de cette légumineuse papilionacée rappelle celui du
haricot. Il n’y a guère, dans toute cette région, que les Diolas,
les Coniaguiés et les Bassarés qui la cultivent, et encore sur
une bien petite échelle. Sa tige et ses feuilles constituent un bon
fourrage pour les animaux ; les bœufs, chèvres et moutons en sont
particulièrement friands.

_Patates douces._ — La patate (_Ipomœa Batatas_, Poir.), de la
famille des convolvulacées, est également très cultivée, mais
surtout dans les régions humides et bien arrosées. On en fait
de beaux lougans dans le Sandougou, le Niani, le Kalonkadougou et
à Mac-Carthy. Elle pousse très rapidement et ses ramifications
souterraines prennent, en peu de temps, un développement si
considérable, qu’il est difficile d’en débarrasser le terrain
où elle s’est implantée. Les indigènes la plantent de deux
façons : ou bien par bouture ou bien encore par une méthode
mixte, qui consiste à faire germer en terre des tubercules sur
lesquels on prend ensuite des boutures que l’on pique à environ
soixante centimètres les unes des autres. En peu de temps, elles
émettent en tous sens des rameaux qui rampent sur le sol, où ils
s’implantent par des racines adventives multiples. Au bout de
deux ou trois mois, il se forme au pied de la plante des tubercules
farineux qui grossissent pendant toute la saison des pluies, et que
l’on récolte au début de la saison sèche, quand les feuilles
commencent à jaunir. La sécheresse est préjudiciable à la patate,
aussi ne la cultive-t-on que pendant l’hivernage.

Il en existe un grand nombre de variétés qui ne diffèrent, du
reste, entre elles, que par la forme et la couleur. Il en est de
longues et de rondes ou plutôt ovoïdes. Les unes sont blanches,
les autres jaunâtres, d’autres enfin légèrement rosées. Ces
dernières sont, d’ailleurs, d’une qualité supérieure.

Le goût de la patate rappelle un peu celui de la pomme de terre,
mais il est plus sucré. De plus, sa chair est parsemée de nombreux
filaments désagréables quand on la mange. Les indigènes la font
bouillir ou cuire sous la cendre. Les Européens en font de bonnes
fritures, d’excellents potages et de succulentes purées. Cuite
dans un sirop de sucre, elle sert à confectionner un entremets dont
le goût rappelle celui du marron glacé.

Les feuilles constituent un excellent fourrage pour les animaux. La
patate se conserve peu de temps pendant la saison sèche. Elle est
attaquée par les insectes et pourrit rapidement.

_Dioscorea bulbifera_, L., Dioscoréacées. — Dans la _Revue des
sciences naturelles appliquées_, M. le prof. Heckel vient de publier,
en collaboration avec le prof. Schlagdenhauffen, de Nancy, une étude
des plus intéressantes sur le _Dioscorea bulbifera_. Cette plante
alimentaire, que l’on trouve en si grande abondance au Gabon-Congo,
à la Nouvelle-Calédonie et dans l’Inde, existe également
au Soudan et notamment dans le bassin de la Gambie. L’étude du
prof. Heckel que nous venons de relire nous l’a remise en mémoire
et, vu la nouveauté de ce travail original, nous croyons devoir
dire ici quelques mots de l’histoire botanique de ce végétal.

Le _Dioscorea bulbifera_ est une dioscoréacée à rhizome tubéreux,
allongé transversalement, arrondi et presque sphérique, de couleur
noirâtre, rugueux, ridé, couvert de fibrilles radiculaires. Tige
grêle, cylindrique, tordue, striée, volubile à gauche. Feuilles
alternes, larges, cordiformes, étalées, entières, luisantes en
dessus, nervées, un peu ondulées sur les bords et terminées par
une pointe scarieuse. Inflorescence en longs épis axillaires ou
terminaux. Fleurs dioïques, petites. Périgone petit, violacé. Six
étamines, ovaire infère, triloculaire. Loges biovulées. Le fruit
est une capsule trigone, comprimée, triloculaire, à déhiscence
loculicide. Graines ailées. De l’aisselle des feuilles supérieures
naissent des bourgeons qui se transforment en bulbes de formes
diverses, plus ou moins volumineux, grisâtres, rugueux, bosselés
et de dimensions très variables. En germant, ils donnent naissance
à une ou plusieurs tiges.

Ces bulbes sont toxiques. Mais, après les avoir soumis à des lavages
répétés, les indigènes de la Nouvelle-Calédonie, les Pahouins,
les M’Pongués, les Mandingues du Sud, les Soussous, etc., etc.,
en font un usage alimentaire journalier, particulièrement en temps
de disette.

Il résulte de l’analyse chimique que les prof. Heckel et
Schlagdenhauffen ont faite de ces bulbes « qu’ils contiennent en
réalité, à côté de substances alimentaires (_fécule, matières
albuminoïdes, saccharose_, etc.), un principe amer et toxique. Mais
il est facile de s’en débarrasser, comme l’indique M. de Lanessan
(_Plantes utiles des colonies françaises_), par des lavages à
l’eau alcaline ou, plus simplement encore, comme le pratiquent les
indigènes néo-calédoniens et ceux des Rivières du Sud (Afrique
tropicale), par un simple lavage à l’eau ordinaire. Bien plus, il
n’est pas nécessaire de râper les bulbes avant de les soumettre
à ce lavage : il suffit de les couper en tranches comme des pommes
de terre. Celles-ci, préalablement trempées dans l’eau pendant
deux à trois heures, perdent la substance toxique. Un mets de
ce tubercule ainsi traité, et sauté au beurre ou mis en salade,
remplacerait évidemment notre classique pomme de terre accommodée
de la même façon. Par cette opération très facile, la totalité
du principe amer disparaît. On peut donc classer les bulbes aériens
de ce _dioscorea_ à côté des produits similaires souterrains du
_Jatropha manihot_, L., qui, doués aussi d’une certaine toxicité,
peuvent être débarrassés de leur poison par un simple lavage à
l’eau après avoir été râpés.

Il résulte aussi nettement de cet examen chimique que, selon toute
vraisemblance, ces tubercules, quand ils sont absorbés à l’état
naturel par les bestiaux avec leur fourrage, peuvent, doivent même,
suivant la quantité qui en est ingérée, et suivant le poids de
l’animal, par rapport à la dose de toxique introduite dans les
organes, déterminer des accidents mortels. »

Quant aux tubercules souterrains du _Dioscorea bulbifera_, il
résulte de l’analyse faite par les mêmes auteurs, « qu’ils se
distinguent très nettement des bulbes aériens de la même plante
en ce _qu’ils ne renferment pas de matière toxique amère_ et
qu’ils contiennent beaucoup moins de fécule et beaucoup moins de
matières albuminoïdes. A tous ces points de vue, ils sont donc
moins nutritifs. Mais, pour servir à l’alimentation en cas de
disette, ils n’auraient pas besoin de subir le lavage préalable
nécessaire pour débarrasser les bulbes aériens de leur matière
amère et toxique. »

_Tacca involucrata_, Schu. et Thön. — Cette plante alimentaire
appartient encore à la famille des dioscoréacées et a encore été
étudiée par Heckel et Schlagdenhauffen dans la _Revue des sciences
naturelles appliquées_. Elle est très commune au Gabon-Congo, où
les indigènes lui donnent le nom de _pembarogué iba_. Binger l’a
trouvée dans la boucle du Niger, où elle est appelée _bouré_
en langue dagomsa, et aux environs de Médine. Les Khassonkés
la désignent sous le nom de _sangatamba_. C’est ainsi que
l’appellent également les Malinkés de Koundou et les Mandingues
de la Gambie, où nous en avons relevé quelques échantillons.

Le _Tacca involucrata_ constitue une espèce voisine de _Tacca
pinnatifida_, Forst. Pour l’examen chimique de ses tubercules,
on a procédé comme pour le _Dioscorea bulbifera_. Chaque
plante en porte deux, un jeune très petit et un autre de
l’année précédente, plus ancien et plus ridé (comme dans
les orchidées). L’un et l’autre ont été consciencieusement
étudiés, et il en est ressorti ceci, à savoir que « leur
valeur nutritive est sensiblement la même que celle du _Dioscorea
bulbifera_ et diffère considérablement de celle des autres produits
alimentaires rapprochables. Cette conclusion justifie pleinement la
_similitude_[2] de la dénomination imposée par les M’Pongués à
ces deux tubercules abondants sur le sol gabonais ; mais elle met
dans toute son évidence aussi la pauvreté de cet aliment, auquel
on ne peut évidemment recourir qu’en cas de disette absolue. Il
n’en est pas de même du bulbe aérien du _Dioscorea bulbifera_,
qui est très nutritif, et qui, partant, mérite d’être cultivé
et propagé dans toutes nos colonies françaises tropicales. Il est
certain que la culture en améliorera les produits.

Mais on ne doit point s’étonner de voir une similitude de
composition chimique si rapprochée entre des rhizomes tubéreux
appartenant à deux plantes dont les familles présentent des
affinités reconnues par tous les botanistes (dioscoracées et
taccacées). Certains auteurs ont même confondu en un tout ces
deux familles, qui ne se différencient, du reste, que par le
port, par le nombre des graines contenues dans l’ovaire à trois
loges, enfin, par la structure interne des graines. Lindley, qui
avait le sens des affinités très accusé, reconnaît sous le nom
commun de _dictyogènes_ (ainsi nommées à cause de la disposition
réticulée des nervures foliaires) l’ensemble des _taccacées_,
des _dioscorées_ et des _smilacées_.

Nous avons établi, par la similitude de composition chimique du
rhizome, un lien de plus entre les deux premières familles de
ce groupe.

Tout nous porte à supposer que les tubercules de _Tacca
pinnatifida_ ont une composition approchée de celle de _Tacca
involucrata_. Cependant ils paraissent renfermer beaucoup plus
de fécule. »

Le _Piment_ qui est le plus généralement cultivé par les indigènes
appartient à cette variété que l’on désigne sous le nom de
_poivre de Cayenne_ (_Capsicum frutescens_, L., solanées). Il est
rouge vif, long de 20 à 30 millimètres, large de 7 à 9 à sa base,
rétréci au voisinage du calice qui est cupuliforme. Son odeur
est très forte, caractéristique, et sa saveur d’une âcreté
insupportable. Les noirs en sont très friands et s’en servent
pour assaisonner leur couscouss, dont il relève le goût fade
et écœurant. Le piment est, de plus, regardé par eux comme un
véritable spécifique contre les hémorroïdes. Pour l’administrer,
ou bien ils se contentent de le mélanger à doses assez fortes avec
les aliments, ou bien ils le pilent quand il est sec et absorbent
dans du lait 3 ou 4 grammes de la poudre ainsi obtenue. Il faut avoir
le palais des noirs pour ingurgiter une semblable mixture. Mais,
administrée dans du pain azyme, la poudre de piment ainsi préparée
ne cause aucun désagrément. Nous avons pu en faire nous-même
l’expérience, et le résultat que nous avons obtenu a été
satisfaisant sous tous les rapports.

_Poivre._ — Ce que les indigènes désignent sous le nom de
_poivre_ et que les Ouolofs appellent _enoué_ et les Malinkés
et Bambaras _niamoco_, n’est autre chose que la graine d’une
amomée, l’_Amomum melegueta_, Roscoë, qui est très commune au
Fouta-Djallon et que l’on rencontre aussi en grande quantité au
Niocolo et dans les montagnes du Manding. C’est une plante vivace
à rhizome charnu et à feuilles engainantes dont le fruit est une
capsule à trois loges polyspermes et à déhiscence loculicide. Les
semences sont grosses comme des grains de poivre, anguleuses,
de couleur brun rougeâtre, très odorantes, à saveur âcre et
brûlante, rappelant celle du poivre. On ne le trouve qu’en très
petites quantités sur les marchés, où il est apporté par les
Dioulas qui viennent du Fouta-Djallon. Il est alors contenu dans les
coques de ces fruits qui ressemblent à des oranges, que les Malinkés
désignent sous le nom de _cantacoula_, et dont les Toucouleurs
se servent pour enfermer la résine du hammout. Afin qu’elles
se tiennent fraîches, ces graines sont toujours mélangées de
feuilles du végétal, que les Dioulas ont soin de mouiller un peu,
surtout pendant la saison sèche. Les indigènes ont un goût très
prononcé pour ces graines. Ils les mangent sèches, entières,
en les puisant une à une dans la coque qui les renferme. Les
Toucouleurs surtout en sont particulièrement amateurs et ils en
ont toujours dans la poche de leur boubou. Réduites en poudre,
ils s’en servent encore pour assaisonner leur couscouss. Enfin,
le niamoco entre dans la composition d’un fard dont font usage,
pour se parer, les Toucouleures, les Peulhes et les Mauresques.

_Oseille._ — Dans les jardinets qui entourent généralement les
villages, on trouve deux variétés d’oseille dont les indigènes
sont excessivement friands. Les noirs de la Gambie leur donnent
le nom de _dakissé_, bien qu’elles diffèrent profondément
l’une de l’autre. L’une n’est qu’un _Rumex_ (polygonées)
de la section des _Acetosella_, dont elle présente tous les
caractères. Elle est surtout cultivée dans les jardins. L’autre
est, au contraire, une malvacée. C’est l’_Hibiscus sabdariffa_,
L., connu surtout sous le nom d’_oseille de Guinée_. On la
rencontre particulièrement dans les lougans d’arachides, où
elle est semée en bordure. Ses feuilles, sa tige et son fruit sont
utilisés comme condiments. Ses différentes parties ont à un haut
degré les caractères propres des malvacées. Ses graines sont
très appréciées et entrent dans la composition des sauces avec
lesquelles sont mangés les couscouss. Elles sont auparavant soumises
à une préparation toute spéciale. Aussitôt après la récolte,
elles sont mises, alors qu’elles ne sont pas encore sèches, à
bouillir dans l’eau pendant quelques minutes. Retirées du liquide
et bien égouttées, elles sont étendues sur des nattes fines et
séchées au soleil. Elles exhalent alors une odeur épouvantable,
et telle que 2 ou 3 kilog. suffisent pour empoisonner un village
entier. On juge ce que ce doit être quand, dans chaque famille,
on se livre à cette opération. Quand elles sont bien séchées,
elles sont enveloppées dans du calicot ou de la guinée, et ces
petits paquets sont suspendus à l’intérieur de la case, aux
rayons du toit qui la recouvre. Elles peuvent, ainsi préparées,
se conserver indéfiniment. Quand on veut s’en servir, on en pile,
dans le mortier à couscouss, la quantité dont on a besoin, et on
la réduit en poudre absolument impalpable. Cette poudre sert, comme
nous l’avons dit plus haut, à assaisonner certaines sauces. Il faut
avoir soin de n’en fabriquer que la quantité dont on a absolument
besoin, car elle perd rapidement son arome et devient insipide. Le
goût qu’elle donne aux aliments est loin d’être succulent,
mais, somme toute, il est parfaitement supportable. Je doute cependant
qu’il ait quelque succès dans la cuisine européenne.

_Tomates._ — Il existe dans tout le bassin de la Gambie une
solanée que les indigènes désignent sous le nom de _Diakato_
et qui, par son port, ses fleurs et ses fruits, rappelle la tomate
des pays tempérés. Elle en diffère sensiblement pourtant. Ainsi,
quand la plante est arrivée à complet développement, elle n’a
pas besoin de support pour soutenir ses rameaux. Sa tige est plutôt
arborescente. Elle ne rampe pas ; elle se dresse, au contraire,
vigoureusement. Par ce caractère, elle se classe tout naturellement
dans la catégorie des solanées arborescentes. Ses fleurs, toujours
très nombreuses, ressemblent absolument aux fleurs de nos tomates,
mais elles sont de couleur légèrement violacée. Ses feuilles sont
bien moins profondément découpées. Elles présentent une curieuse
particularité. Les nervures principales, à leurs faces inférieures,
sont très saillantes et sont munies de plusieurs épines légèrement
molles, très adhérentes cependant, et très acérées. On les
trouve encore sur les jeunes rameaux. La tige principale et ses
premières divisions en sont dépourvues. La face supérieure des
feuilles est d’un vert luisant, et la face inférieure, blanchâtre
et légèrement veloutée. Les fruits ressemblent à ceux de la
tomate ordinaire, mais sont un peu plus petits. Leur forme et leur
disposition intérieure sont les mêmes. Leur goût est, par contre,
tout différent. Au lieu d’être acide, comme cela a généralement
lieu, ou sucré, il est excessivement amer. Cette amertume est surtout
très prononcée quand ce fruit est mangé cru. Elle disparaît un
peu quand il est cuit. La couleur de ce fruit n’est jamais d’un
rouge vif, comme celle de nos tomates. Elle est jaune pâle et rouge
écarlate mélangés.

Les semis se font vers la fin de mai. Quand la plante a atteint
environ 8 à 10 centimètres de hauteur, elle est repiquée dans
les jardins. Les pieds sont placés à environ 30 centimètres les
uns des autres. Cette opération s’effectue généralement dans
les premiers jours de juillet. La floraison a lieu en août, et les
fruits arrivent à maturité en octobre et en novembre.

Les indigènes mangent cette tomate crue ou cuite, et, dans ce dernier
cas, elle leur sert surtout à assaisonner leur riz. Nous avons
souvent, au cours de nos voyages, mangé de ce riz ainsi préparé,
et nous l’avons toujours trouvé plus savoureux. Cette espèce
tient, par sa tige, ses feuilles et ses fleurs, au groupe _Melongena_
du genre _Solanum_.

Il existe encore dans toute cette région une solanée qui donne de
magnifiques petits fruits rouges de la grosseur d’une cerise et que
l’on trouve en abondance sur tous les marchés du Soudan. C’est
la _tomate cerise_. Elle croît partout en grande quantité, et,
dans beaucoup de villages, elle tapisse les clôtures en bambous
des jardins. Son port est absolument le même que celui de nos
tomates des climats tempérés. Sa feuille et sa fleur ont les
mêmes caractères. Elle se développe spontanément et n’a besoin
d’aucune culture. Les indigènes la mangent crue, ou bien s’en
servent comme condiment. Son goût aigrelet et rafraîchissant
la fait rechercher des Européens, et il n’est pas de poste où
elle ne paraisse, chaque jour, régulièrement sur la table. On la
mange comme hors-d’œuvre avec ou sans sel, ou bien en salade, ou
bien en omelette. Elle entre également dans la composition d’un
excellent potage.

Nous croyons, à ce sujet, devoir mentionner ici combien dans
les pays chauds notre tomate d’Europe dégénère, afin de bien
faire ressortir que ce fruit, tel que nous l’obtenons, n’est
absolument qu’un produit de la culture. La première année, les
plantations donnent un fruit absolument identique quant à la forme,
à la grosseur, au goût et à la couleur, à notre tomate. Si on
sème, l’année suivante, les graines récoltées sur place,
on n’obtient plus qu’une tomate de la grosseur d’une noix
au plus et dont la forme, au lieu d’être discoïde, est devenue
parfaitement oblongue. L’acidité est moins prononcée aussi. Semons
des graines de cette dernière récolte, et nous n’avons plus
alors que la tomate cerise. Quels que soient les procédés de
culture que l’on emploie, c’est à cet inévitable résultat
que l’on arrive toujours fatalement. Nul doute que le climat et
la nature du sol n’influent sur ces transformations rapides. Deux
années suffisent pour ramener la plante améliorée par la culture
à l’échantillon origine. Nous avons observé le fait sur bien
d’autres végétaux, et nous sommes persuadé que, sous les climats
tropicaux, tout ce qui vit et se cultive sous les climats tempérés
ne tarde pas à s’étioler et à dégénérer. Le règne végétal
suit en cela les mêmes règles que le règne animal.

_Oignon._ — Cette plante potagère est surtout cultivée par
les peuples de race mandingue. On n’en trouve que rarement et
en très petite quantité dans les villages de race peulhe. Autour
des villages bambaras et malinkés, on trouve bon nombre de petits
carrés de jardins ensemencés avec soin. On choisit, de préférence,
une terre riche en humus. Elle est proprement préparée et on n’y
voit jamais le moindre brin d’herbe. Les semis sont faits avec la
plus grande régularité et chaque pied distant de son voisin de 25
centimètres. Plantés vers la fin de l’hivernage, en octobre,
la récolte se fait vers la fin de décembre. Chaque jour, les
femmes et les enfants, à l’aide de calebasses, procèdent à
l’arrosage. Ils se servent de ce légume pour assaisonner leur
couscouss. L’oignon du Soudan est bien plus petit que celui de
nos climats tempérés. La grosseur est à peu près celle d’une
noix. La saveur est excessivement sucrée, et il est très recherché
par l’Européen qui s’égare dans ces contrées. Avec les queues,
on assaisonne les omelettes, les sauces, et les bulbes sont mangés en
salade ou comme condiments. C’est pour l’estomac de l’Européen,
délabré par le climat et la mauvaise alimentation, un des meilleurs
excitants de l’appétit et surtout le plus inoffensif.

Le _Manioc_ (_Manihot edulis_, H. Bn.) est assez rare dans le bassin
de la Gambie. On ne le trouve guère que dans les régions les
plus méridionales. La variété à laquelle il appartient est le
manioc doux. Les maniocs vénéneux y sont relativement rares. Les
indigènes le plantent par bouture, chaque année, au commencement
de la saison des pluies. Les tubercules sont bons à manger vers
la fin de février. La tige vit plusieurs années, mais elle se
dessèche pendant l’hivernage. Les tubercules, au contraire,
se conservent parfaitement dans la terre pendant toute la saison
sèche, et émettent de nombreux rameaux qui se flétrissent à
leur tour. Mais les tubercules de deux ou trois ans deviennent
durs et coriaces. C’est pourquoi il est préférable, pour la
consommation, de les cueillir chaque année et de multiplier la plante
par boutures. Les indigènes mangent le manioc bouilli et mélangé
à leur couscouss ou simplement cuit sous la cendre. Dans tous les
jardins de nos postes, il est cultivé avec succès. Ses tubercules
sont d’excellents légumes pour les potages, et je me souviens
avoir mangé à Kita des galettes frites à la poêle et faites avec
de la farine de manioc, du sucre et des jaunes d’œufs. Elles
étaient absolument savoureuses et n’auraient été déplacées
dans aucune de nos meilleures pâtisseries. On sait combien le
tubercule du manioc ordinaire (_M. edulis_, Plum.) est vénéneux,
et quelle est la préparation qu’il faut lui faire subir pour le
rendre inoffensif. Il est connu que, dans le manioc doux, le principe
nuisible est très peu abondant et que la cuisson suffit pour le
faire disparaître. On ne saurait en nier l’existence, car les
animaux eux-mêmes sont incommodés s’ils mangent simplement les
feuilles, et meurent empoisonnés s’ils boivent le suc extrait du
tubercule. Le manioc appartient à la famille des euphorbiacées. Il
affectionne surtout les climats pluvieux et est précieux par ce seul
fait que son tubercule se conserve longtemps dans la terre. Quant
à l’aliment qu’il donne, il se digère facilement, est très
rafraîchissant, mais possède peu de principes nutritifs.

L’_Igname_ (_Dioscorea alata_, Plum.), de la famille des dioscorées
(monocotylédones) est peu cultivée. La variété que l’on
rencontre donne un tubercule ovoïde, aplati, de couleur noirâtre,
en général, peu apprécié des indigènes. Quoi qu’il en soit,
cette plante alimentaire prospère à merveille dans toute la région
sud du bassin de la Gambie.

Les _Courges_ et _Calebasses_ sont partout cultivées en grande
abondance dans tous les villages. Les courges sont généralement
semées au pied des cases au début de la saison des pluies. Elles
rampent sur les toits qui, en peu de temps, finissent par
disparaître complètement sous leurs larges feuilles. Les fruits
sont comestibles et cueillis au commencement de la saison sèche,
vers la fin d’octobre. Il en existe un grand nombre de variétés ;
la plus commune, le _Lagenaria vulgaris_, Ser., sert à faire des
vases et des bouteilles. Les indigènes connaissent les propriétés
thérapeutiques des graines de courges et les utilisent, dans
certaines régions, pour expulser le ténia, qui y est très commun.

Le _Calebassier_ (_Crescentia Cujete_, L.) est, au contraire, cultivé
en pleine terre dans les lougans. Son fruit est comestible et sa
coquille, coupée en deux, sert de vase et d’ustensile de ménage.

Le _Gombo_ (_Hibiscus esculentus_, L.), de la famille des malvacées,
se cultive surtout dans les jardins. C’est une plante annuelle
qui atteint de grandes dimensions. Elle aime les terrains humides
et riches en humus. On la sème vers le commencement de juillet et
ses fruits sont cueillis et mangés au commencement de la saison
sèche. Dès que les pluies ont cessé, la plante se dessèche
rapidement et meurt. Les graines germent très rapidement et, en trois
mois, le développement est complet. Les fruits sont oblongs et ont
environ 10 centimètres de longueur sur 3 ou 4 de largeur. La coque
porte des côtes très marquées suivant lesquelles elle s’ouvre
quand elle est sèche. Elle est très pointue au sommet et couverte
de poils. On mange les fruits quand ils sont encore jeunes. Si alors
on en sectionne un transversalement, on trouve les graines noyées
dans une pulpe blanchâtre, visqueuse. A la cuisson, cette pulpe se
transforme en une sorte de mucilage peu savoureux. Elle disparaît
quand le fruit est sec. Les indigènes mangent le gombo bouilli avec
du riz, du couscouss, de la viande ou du poisson. Cuit à l’eau
et assaisonné ensuite à froid, à l’huile et au vinaigre, on en
fait une salade qui n’est pas dédaignée des Européens.

Dans cette catégorie de plantes, nous citerons pour mémoire
l’_arachide_ (_Arachis hypogæa_, L.) dont les graines constituent
un précieux aliment. Dans le cours de ce mémoire, nous ferons de
ce végétal une étude aussi approfondie que possible.

Le _M’Bolon-M’Bolon_ est une petite plante herbacée de
la famille des légumineuses, qui croît dans le Tenda, le
Dentilia, le Konkodougou, le Diébédougou, etc., et dont les
indigènes utilisent les feuilles et les jeunes pousses comme
condiments. Elle peut atteindre au maximum 30 à 40 centimètres
de hauteur. Tige herbacée dont la grosseur ne dépasse jamais
celle du petit doigt. Feuilles lancéolées, longues d’environ
4 centimètres. Leur face supérieure est vert pâle, lisse ;
leur face inférieure, blanchâtre et légèrement rugueuse. Si on
écrase entre les doigts une de ces feuilles, elle exhale une odeur
vireuse très prononcée. Leur saveur est légèrement acidulée. Le
fruit est une gousse à valves excessivement convexes et qui se
dessèchent très rapidement. Ces valves sont transparentes et, à
leur charnière, viennent s’insérer les graines très nombreuses,
petites, ressemblant à celles du radis. Elles se détachent très
facilement de leur point d’insertion et sont presque toujours,
de ce fait, libres dans la gousse.

Les indigènes du Tenda, du Diébédougou et du Konkodougou font
bouillir les feuilles du m’bolon-m’bolon, les réduisent en pâte
qu’ils mangent avec leur couscouss ou bien s’en servent pour
fabriquer une sorte de sauce verdâtre dans laquelle ils trempent
leur poignée de couscouss, ou de riz avant de la manger. Le goût
de ce condiment rappellerait un peu celui des épinards. Il est
cependant moins fade.

Parmi les arbres fruitiers, on remarquera tout particulièrement les
_Dattiers_, _Papayers_, _Bananiers_, _Citronniers_, _Orangers_. Ces
végétaux sont trop connus pour que nous en parlions plus
longuement. De même, nous ne citerons que pour mémoire : le
_Karité_, le _Laré_ ou _Saba_, le _Baobab_ dont nous ferons dans
les chapitres suivants une description aussi complète que possible,
et le _Kola_ qui ne se rencontre pas dans ces régions, mais dont les
noix y sont importées de Sierra-Leone et de Konakry et consommées en
grande quantité par les indigènes. Nous ne nous occuperons ici que
du _Nété_, du _N’taba_, du _Dougoura_, du _Seno_, du _Cantacoula_
et de la _vigne du Soudan_ dont l’histoire botanique est encore
peu connue.

Le _Nété_ ou _Néré_ (_Parkia biglobosa_, H. Benth.) est une
belle légumineuse de la tribu des Parkiées. On la trouve en grande
quantité dans le Bambouck, le Bélédougou et la Haute-Gambie. Il est
facile de la reconnaître à ses feuilles profondément découpées,
qui ressemblent à s’y méprendre à celles de certaines de nos
fougères, et à ses fleurs d’un beau rouge foncé et disposées
en forme de boule à l’extrémité des jeunes rameaux. Son fruit
est une gousse d’une belle dimension en tout semblable à nos
plus beaux haricots. Il contient une douzaine de graines entourées
d’une pulpe jaune relativement assez compacte et abondante. Cette
pulpe est très parfumée. Sèche, elle forme une sorte de farine
que les indigènes mangent volontiers pendant la disette. Les fruits
poussent au nombre de huit ou dix au maximum à l’extrémité des
jeunes rameaux. Ce végétal fleurit de juin à août et ses fruits
ne sont guère comestibles avant le mois de mars de l’année
suivante. Son bois est généralement peu employé.

_N’taba._ Le _N’taba_, que les Ouolofs appellent
encore _N’Dimb_, est une Malvoïdée de la famille des
Sterculiacées. C’est le _Sterculia cordifolia_, Cav. ou _Kola
cordifolia_, Rob. Brown, ainsi nommé parce que ses feuilles sont en
forme de cœur. C’est un des plus beaux végétaux de l’Afrique
tropicale. On le reconnaît aisément à son tronc énorme,
à ses feuilles excessivement larges et à son fruit absolument
caractéristique. Ce fruit, qui vient à l’extrémité des jeunes
rameaux, la forme d’une gousse volumineuse, dont les valves
charnues s’ouvrent à la pression par son arête convexe. Son
extrémité libre est munie d’une sorte d’appendice charnu en
forme d’aiguillon de 0m06 environ de longueur. Quand il est mûr,
il a une couleur rouge clair qui ne peut laisser aucun doute. Il
renferme une douzaine de graines polyédriques noyées dans une
pulpe jaunâtre, savoureuse et excessivement parfumée. C’est
un des meilleurs desserts que j’aie rencontrés au Soudan, et
souvent nous nous en sommes régalés. Les fruits sont accouplés au
nombre de trois, cinq ou sept en faisceaux et adhèrent fortement au
pédoncule et à la tige qui les porte. Ils tombent rarement et, pour
les cueillir, on est obligé de sectionner le rameau qui les porte.

Cet arbre acquiert des proportions gigantesques. Nous en avons vu
dans le Ouli, le Sandougou, le Kantora, à Mac-Carthy, etc., etc.,
des spécimens vraiment remarquables. Dans ces régions, c’est
l’arbre à palabres préféré dans tous les villages, et son épais
feuillage est recherché pendant les heures chaudes de la journée.

Le n’taba habite, de préférence, les terres riches en humus
et les terrains à latérite. On ne le trouve, pour ainsi dire,
jamais sur les bords des marigots. Et, pourtant, il affectionne tout
particulièrement les régions humides. Aussi est-il excessivement
rare dans les régions sablonneuses et les steppes du Soudan. C’est
surtout dans le sud de nos possessions qu’on le rencontre, de
préférence, dans le Sandougou, le Ouli, le Konkodougou, le sud du
Diébédougou, le Damantan, le Niocolo, le pays des Coniaguiés et
des Bassarés, etc., etc. Il se prête cependant assez volontiers à
la culture dans des régions plus septentrionales. Ainsi, à Bammako,
notre excellent ami M. le vétérinaire Körper a obtenu, à ce sujet,
des résultats surprenants et a pu acclimater absolument ce végétal
sur cette partie des bords du Niger. Il ne faut pas oublier que le
n’taba est le congénère du kola. Il est donc permis d’espérer
que l’on pourra arriver un jour à cultiver ce dernier végétal
dans les régions où croît le premier.

Le n’taba est peu utilisé par les indigènes. Dès qu’ils sont
mûrs, les fruits sont mangés avec avidité par les enfants. Dans
certaines régions, à Missira (Sandougou) notamment, il m’a été
dit que ces fruits étaient parfois employés avec succès contre
certaines diarrhées rebelles. Je n’ai jamais eu à le constater.

Le n’taba, suivant les régions qu’il habite, fleurit du mois
de janvier au mois de mars, et les fruits arrivent à maturité du
commencement de juin à la fin de juillet. Il porte des feuilles
pendant toute l’année. Il a été introduit à la Guyane (Maroni).

_Dougoura._ — Le dougoura est un bel arbre, qui atteint des
proportions énormes, et qu’à la forme de sa graine j’ai cru
reconnaître appartenir à la famille des Térébinthacées. Son
tronc volumineux, droit, élancé, s’élève parfois à 6 ou 8
mètres de hauteur. Il émet à ce niveau des branches maîtresses
énormes qui donnent elles-mêmes un grand nombre de rameaux. Son
écorce est épaisse, profondément fendillée, et si on y pratique
une incision intéressant toute son épaisseur, il en découle un
suc blanc, laiteux, épais, poissant les doigts et exhalant une
odeur prononcée de térébenthine. Son bois est blanc, dur, et
parfois les indigènes s’en servent pour fabriquer des mortiers
à couscouss. Ses feuilles, peu épaisses et peu touffues, sont
d’un vert tendre, luisantes, et leur forme rappelle un peu celle
de l’acacia de nos jardins. Je n’en ai jamais vu la fleur. Le
fruit est des plus caractéristiques et permet de reconnaître de
loin l’arbre qui le porte. Il croît à l’extrémité des jeunes
rameaux. Sa forme et sa couleur rappellent celles du citron. Sa
grosseur est celle du poing à peu près. Quand il est vert, il
adhère fortement à la tige qui le porte. Il tombe à maturité
complète et, sous les arbres, le sol en est parfois couvert,
car il est excessivement abondant. Son épicarpe, relativement
épais, laisse couler à l’incision une notable quantité de suc
blanc, semblable à celui que l’on obtient en incisant le tronc,
mais plus fluide. La membrane qui le recouvre est mince, luisante
et de la couleur d’une peau de citron arrivé à maturité. Le
sarcocarpe est formé par une pulpe abondante, d’un jaune clair,
dans laquelle sont noyées les graines qu’entoure un spermoderme
membraneux peu résistant. Cette pulpe, très savoureuse, est
fort appréciée des indigènes et nous nous en sommes fréquemment
régalé. Les graines sont volumineuses. Chaque fruit en contient dix
ou douze au maximum. Elles ont la forme d’une grosse fève dont les
cotylédons énormes se séparent aisément. Elles sont entourées
d’une enveloppe brune qui se détache facilement lorsqu’elles
sont restées quelques heures à l’air et au soleil. L’embryon,
très volumineux, est très apparent. C’est une _Burséracée_
dont il n’a pas été possible de faire la détermination exacte à
cause de l’absence des fleurs. Ce fruit est très rafraîchissant et
constitue une précieuse ressource pour les indigènes de ces régions
qui, dans les temps de disette, en font une abondante consommation.

_Séno._ — Le séno (Bambara et Malinké) est un végétal sur
lequel je ne saurais trop attirer l’attention de ceux qui sont
appelés à voyager au Soudan français. C’est un arbuste de taille
moyenne qui, par son port, son feuillage, ses fruits et ses fleurs,
rappelle absolument une rosacée du genre Prunus. Jusqu’à ce
jour, je l’avais considéré comme tel, n’ayant pu constater que
ses caractères macroscopiques. Mais, après un examen attentif,
M. Cornu, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris,
est arrivé à le déterminer exactement. C’est une _Olacinée_
du genre _Ximenia_. M. le professeur Heckel, de la Faculté des
sciences de Marseille, la rapproche du _Ximenia americana_ et l’a
nommée _Ximenia Seno_, D. C.

Ce végétal est assez commun au Soudan, surtout dans le Fouladougou,
le pays de Kita, le Manding, le Bambouck, le Dentilia, le
Konkodougou. Il croît, de préférence, dans les terrains pauvres
en humus et dans l’interstice des rochers. Très rare sur les
bords des marigots, il fait également défaut dans les terrains
argileux. Cet arbuste atteint au plus 3 mètres de hauteur. Sa tige,
rarement droite, est difforme, et son diamètre ne dépasse pas 10
centimètres. A sa partie supérieure, elle émet un grand nombre
de rameaux, qui portent, en général, quelques dards acérés
d’environ 3 centimètres au plus de longueur. Ce caractère n’est
pas constant. Ces rameaux ne sont pas parfaitement cylindriques,
ils sont plutôt polyédriques, et leur écorce, au bout de peu de
temps, prend une teinte grisâtre caractéristique. Les feuilles
sont simples, entières, généralement stipulées. Leur face
supérieure est d’un beau vert foncé, et leur face inférieure
est blanchâtre. Elles sont peu abondantes. La fleur est blanche,
régulière, à cinq divisions, et croît à l’extrémité des
jeunes rameaux. Les fruits ressemblent, à s’y méprendre,
à la prune mirabelle. Ils sont moins allongés cependant
et parfaitement sphériques. Ils sont presque toujours très
abondants. Leur grosseur est celle d’une grosse noisette. Verts
quand ils sont jeunes, ils sont d’un beau jaune doré quand ils
sont arrivés à maturité. Tous ceux qui ont voyagé au Soudan les
connaissent parfaitement. Ils possèdent une pulpe peu abondante,
rafraîchissante, d’un goût aigrelet, légèrement aromatique
et très agréable. Le noyau, très volumineux relativement à la
grosseur du fruit, est d’un blanc bleuâtre ou jaunâtre. Il se
laisse facilement broyer sous les dents et est complètement rempli
par une amande d’un beau blanc nacré. Cette amande a un goût
très agréable de laurier-cerise, mais il faut bien se garder de
la manger. Elle contient, en effet, une proportion considérable
d’acide cyanhydrique. L’ingestion de sept ou huit d’entre
elles suffit pour provoquer de graves accidents toxiques. J’en
ai eu un jour un exemple frappant sous les yeux. Dans le courant du
mois d’avril 1888, je faisais route de Koundou à Kita avec M. le
sous-lieutenant Fournier, de l’infanterie de marine, décédé
l’année suivante à Bammako ; à peu près à mi-chemin de
Koundou au village de Siguiféri, où nous devions faire étape,
nous trouvâmes un magnifique séno absolument chargé de fruits
arrivés à maturité complète. Nous en fîmes chacun une ample
provision. J’en mangeai environ une quinzaine, mais sans absorber
une seule amande. Mon compagnon, au contraire, que, par mégarde,
je n’avais pas songé à avertir, en croqua une dizaine à
peu près. Tout se passa bien jusqu’à Siguiféri, où nous
arrivâmes deux heures après. Mais à peine étions-nous installés
à notre campement qu’il se plaignit de nausées et de violentes
coliques. Peu après, quatre heures environ après l’ingestion
des fruits, diarrhée abondante, vomissements fréquents, pâleur
du visage, sueurs profuses et froides, légère stupeur, grande
fatigue générale. J’eus, de suite, l’explication de tous ces
symptômes quand, sur ma demande, il m’eut avoué avoir mangé une
dizaine d’amandes de séno. Vers cinq heures du soir, il se sentit
un peu mieux et nous pûmes nous remettre en route. Mais ce ne fut
que deux jours après qu’il fut complètement rétabli. Pendant
tout ce laps de temps, il éprouva fréquemment de désagréables
nausées et, surtout, une saveur persistante d’amandes amères
qui l’écœurait et l’empêchait absolument de manger.

_Cantacoula._ — Le cantacoula est un arbuste qui a de grandes
ressemblances, par son port et son fruit, avec l’oranger. D’après
E. Heckel, ce serait une _Rutacée aurantiacée_ qui se rapprocherait
beaucoup des _Feronia_ de l’Inde. Les plus beaux spécimens ne
dépassent pas 2 à 3m50 de hauteur, et leur tronc à sa partie
moyenne n’a pas plus de 10 à 15 centimètres de diamètre. Les
feuilles, qui sont d’un vert pâle, rappellent par leur forme celles
de l’oranger. Elles sont généralement rares et tombent dès les
premières chaleurs. Les rameaux portent des dards acérés qui
peuvent atteindre de 4 à 5 centimètres de longueur. Il fleurit
vers la fin de septembre. Ses fleurs, blanches ou jaunes, sont
situées à l’extrémité de petits rameaux et ne tombent guère
que quinze ou vingt jours après leur éclosion. Le fruit qui les
remplace a absolument la forme d’une orange, et sa couleur, quand
il est mûr. Ce fruit possède une coque très épaisse et très
résistante, dans laquelle sont noyées, au milieu d’une pulpe
abondante, trente ou quarante graines de forme discoïde. Cette pulpe,
excessivement acide, est légèrement et agréablement parfumée. Elle
est précieuse pour le voyageur pendant les grandes chaleurs, car
elle est excessivement rafraîchissante et désaltère celui qui en
fait usage. Elle aurait, paraît-il, des vertus astringentes, et les
indigènes l’utiliseraient contre certaines diarrhées rebelles. Le
cantacoula croît, de préférence, dans les terrains pauvres en
humus et surtout dans les terrains à roches ferrugineuses. Il
affectionne tout particulièrement les plateaux rocheux et les
versants dénudés des collines. Son fruit arrive à maturité
complète à la fin de janvier et dans le courant de février. Il
se détache difficilement, et, pour le cueillir, il faut couper le
pédoncule à l’extrémité duquel il s’insère. Les indigènes
utilisent sa coque pour en faire des tabatières et s’en servent
pour fabriquer des récipients dans lesquels ils renferment des
grains de cette espèce d’encens que l’on désigne sous le nom
de _Hammout_, et sur lequel nous reviendrons plus loin.

_Vigne du Soudan._ — Ce végétal est très commun au Soudan. Je
l’ai trouvé un peu partout, mais particulièrement aux environs
de Kayes, à Koundou, à Niagassola, dans le Bondou, le Tiali,
le Niéri, le Ouli, le Bélédougou, le ravin de Soknafi, non
loin de Bammako. Nulle part il n’est cultivé et croît partout
spontanément. Il affectionne particulièrement les terrains bas,
humides et surtout les forêts les plus épaisses et dont le sol est
le plus riche en humus. J’ai remarqué que les pieds qui croissaient
sur les plateaux portaient rarement des fruits. Ils étaient brûlés
par le soleil avant d’avoir produit, et n’arrivaient jamais à
complet développement.

La vigne du Soudan ressemble beaucoup, comme port, aux vignes
américaines et surtout aux espèces _Othello_ et _Hundinckton_
que l’on cultive actuellement en France, mais elle est loin
d’atteindre les dimensions qu’elles acquièrent sous nos
climats. C’est surtout par le feuillage qu’elle s’en rapproche
le plus.

Elle fleurit vers la fin de juillet ou le commencement d’août ;
ses fruits arrivent à maturité complète vers la fin d’octobre ou
au commencement de novembre. Les grappes en sont généralement peu
nombreuses et peu fournies. Nous avons souvent vu des pieds adultes
qui n’en portaient aucune.

Jusqu’à ce jour on en a déterminé cinq espèces principales : les
_Vitis Lecardi_, _Durandi_, _Faidherbi_, _Chantini_ et _Narydi_. Les
trois dernières sont les plus productives. Le _Vitis Faidherbi_
donne un raisin jaunâtre et le _Vitis Narydi_ un raisin très
doré. Quant à l’espèce _Lecardi_, qui est surtout très commune
sur les bords du Niger, elle produit un grain violet noirâtre,
qui n’a que peu de saveur.

Les grains de toutes les espèces de vignes du Soudan sont
petits. Leur grosseur ne dépasse pas celle d’un gros pois. La
pulpe est peu abondante, et les graines très volumineuses. C’est,
du reste, la caractéristique de la majeure partie des fruits non
cultivés des pays chauds. Cette pulpe a légèrement le goût du
raisin, et encore n’arrive-t-on à le découvrir qu’avec la plus
grande bonne volonté. On a fait à ces végétaux une réputation
qu’ils sont loin de mériter, et certains utopistes leur ont
attribué une importance que, dans l’état actuel des choses,
ils sont loin d’avoir. Peut-être arrivera-t-on, par la culture,
à les améliorer et à en augmenter la production, mais bien des
siècles s’écouleront encore avant qu’on ait pu en tirer un
produit qui puisse rappeler de loin les vins de nos plus mauvais crus.

Il existe encore dans le bassin de la Gambie un grand nombre
d’autres végétaux dont les fruits sont comestibles. Nous estimons
qu’il serait fastidieux, dans cette revue rapide, d’en donner
l’énumération et d’en faire la description. Aussi avons-nous
cru ne devoir parler que des plus intéressants.


        II. — =Végétaux pouvant être utilisés pour le tannage.=


Il existe en Gambie de nombreuses espèces végétales qui pourraient
être utilisées avantageusement par l’industrie du tannage. Nous
citerons les principales.

L’_Anacarde_ ou _Acajou à pommes_ (_Anacardium occidentale_,
L.), famille des Térébinthacées, est relativement rare dans ces
régions. On ne le rencontre guère que dans le Konkodougou et le
Niocolo. C’est un arbre de taille moyenne, qui croît généralement
dans les terrains humides. Ses feuilles sont simples, ovales, obtuses
au sommet. Ses fleurs sont disposées en panicules terminales ; leur
corolle, plus longue que le calice, est à cinq divisions. Le fruit,
qui est connu sous le nom de _Noix d’acajou_, est réniforme, à
péricarpe coriace, creusé d’alvéoles remplies d’une huile
visqueuse, noirâtre et caustique. Amande blanche, réniforme,
huileuse, de saveur douce et agréable. La noix d’acajou est
suspendue, par sa base plus renflée, à l’extrémité supérieure
d’un corps charnu, piriforme, dû au développement anormal
du réceptacle. Ce corps, nommé _Pomme d’acajou_, est sucré,
acidulé, un peu âcre.

L’écorce de l’anacarde donne à l’incision une résine jaune
et dure que l’on désigne sous le nom de _Gomme d’anacarde_. Les
feuilles de ce végétal sont riches en tannin et pourraient être
utilisées avec avantage pour préparer les peaux d’animaux.

Le _Manguier_ (_Mangifera indica_, L., _Mangifera domestica_,
Gærtn) appartient encore à la famille des Térébinthacées. Il
est excessivement rare. D’après Avequin, l’amande de son fruit
est très astringente et contient beaucoup d’acide gallique.

Le _Rhus typhina_, L., Térébinthacées, est beaucoup plus
commun. C’est un beau végétal qui présente les caractères
suivants : fleurs polygames ; calice à cinq divisions persistantes,
cinq pétales ovales étalés ; cinq étamines à filets courts ;
ovaire uniloculaire ; trois styles très courts. Le fruit est une
drupe monosperme. L’écorce de cet arbre contient une grande
quantité de tannin. Les feuilles et le fruit sont relativement
moins riches. Les indigènes utilisent de préférence les feuilles
et l’écorce.

L’écorce du _Touloucouna_ (_Carapa touloucouna_, L., ou _Carapa
guyanensis_, Guill.) contient également de notables proportions de
tannin. Nous parlerons, du reste, plus loin plus longuement de cet
intéressant végétal.

Nous n’insisterons pas davantage sur les végétaux que notre
industrie pourrait utiliser pour le tannage. Il est facile, en
effet, de se faire une idée à peu près exacte de la valeur de ces
différentes essences, si on songe qu’avec les moyens si primitifs
dont disposent les noirs, ils arrivent à fabriquer des cuirs d’une
grande solidité et d’une souplesse remarquable.


                    III. — =Plantes oléagineuses.=


Les plantes oléagineuses sont nombreuses et leurs graines riches en
matières grasses. Nous citerons en première ligne l’arachide
(_Arachis hypogæa_, L.). Elle appartient à la famille des
Légumineuses césalpiniées. Elle est cultivée dans toute notre
colonie du Sénégal et au Soudan français. Celles de la Gambie sont
particulièrement recherchées et jouissent dans le commerce d’une
faveur bien méritée. C’est une plante herbacée, radicante,
annuelle, à tige et rameaux cylindriques, pubescents ; feuilles
engainantes, composées de deux paires de folioles, inflorescence
axillaire au cyme unipare, biflore, fleurs hermaphrodites, parfois
polygames, subsessiles, calice gamosépale à cinq divisions et à
préfloraison quinconciale ; corolle gamopétale, papilionacée ;
10 étamines monadelphes, l’antérieure stérile ; ovaire supère
3-4 sperme ; style long, pubescent à l’extrémité ; pas de
stigmate ; ovules anatropes, ascendants ; fruit sec indéhiscent,
testacé, porté à l’extrémité d’un long pédoncule porté
à l’aisselle des feuilles ; embryon homotrope, à radicule
infère ; cotylédons huileux. Après la fécondation, le pédicule
floral s’allonge vers le sol et y fait pénétrer l’ovaire qui
s’enfonce jusqu’à une profondeur de 5 à 8 centimètres, grossit
et se transforme en une gousse un peu étranglée en son milieu ;
cette gousse est longue de 25 à 30 millimètres et épaisse de 9 à
14. Elle est composée d’une coque blanche, mince, réticulée,
contenant 1-4 semences rouge vineux au dehors, blanches au dedans,
et d’un goût rappelant assez celui de la noisette.

Ces graines donnent une huile d’excellente qualité qui peut
remplacer dans tous ses usages et sans inconvénient l’huile
d’olives.

Depuis que le commerce des arachides a pris une extension
considérable et telle que l’on peut dire qu’il est le plus
important de la côte occidentale d’Afrique, les indigènes
cultivent cette plante avec beaucoup plus de soin et sur une plus
grande échelle. La production en augmente chaque année, et elle
serait bien plus considérable encore si les procédés de culture
n’étaient pas aussi primitifs.

L’arachide est une plante excessivement épuisante. Pour la
cultiver, les indigènes fertilisent le sol en brûlant simplement les
mauvaises herbes qu’ils ont d’abord coupées et laissées sécher
sur place ; les femmes et les enfants bêchent alors légèrement le
terrain, sèment les graines et les recouvrent de terre. Les semis
se font de la fin juin au commencement d’août, et la récolte
a lieu trois ou quatre mois après. Quand les gousses sont mûres,
on arrache les pieds d’arachides qu’on laisse sécher au soleil,
puis on sépare les gousses des feuilles et des tiges.

Les noirs utilisent l’arachide en maintes circonstances et de
toutes façons. La graine constitue pour eux un aliment de premier
ordre, soit fraîche, soit sèche, soit crue, soit torréfiée. Ils
en extraient l’huile qui sert à leur cuisine. Nous avons eu
souvent recours à leur industrie pour en avoir et nous n’avons
pas eu à nous en plaindre. Cette huile leur sert également à
fabriquer, avec les cendres de certains végétaux, un savon dont
nous nous sommes souvent servi et qui nous a été souvent très
utile. L’arachide pilée ou écrasée entre deux pierres leur
sert de condiment pour la plupart des sauces avec lesquelles ils
assaisonnent leur couscouss. Ils font également des cataplasmes
d’arachides en certaines circonstances et se frictionnent avec
son huile dans les cas de douleurs rhumatismales. Enfin, la poudre
qu’ils obtiennent, en les écrasant après les avoir fait brûler,
leur sert pour se tatouer les gencives et la lèvre inférieure.

Les feuilles vertes sont employées pour les sauces et en
cataplasmes ; après la récolte, ils les font sécher avec leurs
tiges, et cela constitue une paille qui est, à juste titre,
considérée comme le meilleur fourrage du Soudan. Les animaux qui
en mangent engraissent rapidement, et le lait des vaches qui en
consomment est plus savoureux et plus riche en principes nutritifs
que celui de celles qui n’en font pas usage.

Le commerce des arachides commence à prendre dans le bassin de la
Gambie une réelle importance. La Compagnie française de la côte
occidentale d’Afrique y en achète, chaque année, de notables
quantités qu’elle transporte à Mac-Carthy, où elle les charge
sur ses vapeurs. Il ne fera que croître, surtout si on peut arriver
à améliorer les moyens de transport et à lui créer sur le fleuve
de nouveaux débouchés.

La valeur commerciale de l’arachide dans la Gambie est environ
de 17 francs les 100 kilog. En France, elle vaut, suivant le cours,
de 25 à 30 francs les 100 kilog. Le rendement est considérable et
peut être évalué à 3,000 kilog. par hectare.

La _Pourghère_ (_Jatropha Curcas_, L.) ou _Médicinier cathartique_,
appartient à la famille des Euphorbiacées. C’est une plante
à feuilles lobées ou palmées, à fleurs dioïques disposées en
grappes et pourvues d’un calice et d’une corolle. Les mâles ont
dix étamines monadelphes, et les femelles un ovaire à trois loges
monospermes, avec trois styles bifides. Son port rappelle celui
du ricin, et ses graines, plus grosses que celles de ce dernier
végétal, sont noirâtres plutôt que mouchetées. Leur forme
est celle des graines de ricin. La pourghère donne des graines
oléagineuses et éminemment purgatives et émétiques. Elle croît
et se multiplie au Sénégal, au Soudan et dans les Rivières du Sud
avec une grande rapidité. On s’en sert surtout dans les Rivières
du Sud, le Baol, le Sine, le Saloum, etc., pour faire des haies de
jardins. Nous avons vu à Damentan une jolie plantation de coton
complètement entourée de pourghères. Les indigènes en utilisent
les graines comme purgatives. Deux de ces semences suffisent pour
déterminer une abondante évacuation. Six à huit occasionnent
des symptômes alarmants d’empoisonnement. L’absorption d’une
douzaine est suivie de mort. L’huile est purgative à la dose de
huit à dix gouttes au plus. Une dose plus élevée ne manquerait
pas d’entraîner de graves accidents. Cette huile peut servir
également à l’éclairage. Elle brûle en donnant peu de fumée
et peu d’odeur. Elle est encore utilisée avec avantage pour la
fabrication des savons et pour le graissage des machines. Elle est
très fluide, presque incolore, âcre et très peu soluble dans
l’alcool.

Cultivée sur une grande échelle, la pourghère pourrait donner de
sérieux profits, car elle demande peu de soins et donne un rendement
considérable. Les quelques essais faits jusqu’à ce jour,
mal dirigés et peu encouragés, n’ont donné aucun résultat
appréciable. Il faut dire aussi qu’on n’y a apporté aucune
méthode ni aucun soin et que l’on s’est vite lassé de lutter
contre l’apathie des indigènes. Tout est à recommencer.

Le _Ricin_ (_Ricinus communis_, L.) croît à merveille au Sénégal
et au Soudan, mais il n’est guère cultivé qu’au Sénégal,
dans le Cayor, et encore depuis quelques années seulement, grâce à
l’intelligente initiative de M. le Dr Castaing, pharmacien principal
de la marine. Les indigènes n’aiment généralement pas à en
ensemencer leurs lougans, car ils prétendent que ce végétal nuit à
leurs autres cultures. Le fait est qu’il prolifère avec une grande
rapidité et finit par couvrir de ses rejetons, en peu de temps,
de grandes étendues de terrain. Sa destruction demande beaucoup de
travail, ce qui, on le sait, n’est guère l’affaire du noir. La
graine du ricin du Sénégal et du Soudan est plus petite que celle
des ricins d’Amérique, mais elle jouit des mêmes propriétés
purgatives, et l’huile qu’elle donne peut être employée, avec
avantages, aux mêmes usages. Cette graine est ovoïde, convexe du
côté externe, aplatie avec un angle longitudinal peu saillant du
côté interne. Sa surface est généralement lisse et luisante, grise
avec des taches brunes. Sa largeur est d’environ 8 millimètres.

Le ricin donne au Sénégal et au Soudan un rendement
considérable. Il pourrait, de ce fait, faire l’objet de
transactions commerciales importantes. Déjà, les résultats
obtenus dans la banlieue de Saint-Louis sont des plus satisfaisants,
et la Compagnie française de la côte occidentale d’Afrique le
paie couramment dans le Cayor 20 et 25 francs la barrique. Il serait
facile de le cultiver en grand dans tout le bassin de la Gambie. Cette
plante ne demandant que peu de soins et croissant, pour ainsi dire,
spontanément, les indigènes en feraient de belles plantations,
si, surtout, on s’efforçait de leur faire comprendre tout le
bénéfice qu’ils en pourraient retirer.

Le _Karité_ ou _Shee_ (_Butyrospermum Parkii_, Don.) est un bel arbre
de la famille des Sapotacées. Dans ce chapitre, nous ne parlerons
que du corps gras que l’on retire de ses graines et qui est connu
sous le nom de _beurre de karité_, nous réservant de faire plus
loin une étude plus complète de ce précieux végétal. Voici
comment les indigènes préparent ce beurre. La récolte faite,
on verse les graines dans de grands trous creusés généralement
dans les cours des villages. On les laisse là pendant plusieurs
mois. Elles y perdent la pulpe qui les entoure et qui y pourrit. Les
noix retirées sont ensuite placées dans une sorte de four en
argile où on les fait sécher et griller assez, de façon que
leurs enveloppes puissent facilement se détacher. L’amande est
alors écrasée de façon à former une pâte bien homogène. Cette
pâte est plongée dans l’eau froide où on la laisse pendant
vingt-quatre heures, puis battue, pétrie et tassée en forme de
pains, enveloppée de feuilles sèches et bien ficelée. Ces pains
sont suspendus dans l’intérieur des cases et peuvent ainsi se
conserver pendant longtemps. Le prix du beurre de karité est
d’environ 2 francs le kilog. dans les pays de production. Il
pourrait servir avantageusement en Europe pour la fabrication du
savon et des bougies ; car il est très riche en matières grasses ;
mais son prix de revient est trop élevé pour qu’on puisse songer
à l’utiliser sur une grande échelle. Son goût est, au premier
abord, assez répugnant. Cela tient à ce qu’il n’est jamais
pur. Pour la cuisine, on le fait fondre dans une grande marmite, et,
quand il est bouillant, on y projette avec la main quelques gouttes
d’eau froide qui, en se volatilisant, entraînent avec elles les
huiles empyreumatiques qui lui donnent sa saveur désagréable et
nauséabonde. Ainsi préparé, il peut être utilisé même pour
la cuisine européenne. Nous nous en sommes fréquemment servi pour
notre usage personnel et nous nous y sommes très vite habitué.

Le beurre de karité sert également à panser les plaies. C’est
un excellent cérat, et nous en avons obtenu de bons résultats dans
le traitement d’ulcères anciens et pour panser les crevasses de
nos chevaux. Il est également précieux quand on a à soigner des
plaies résultant de brûlures profondes.

Le karité, comme nous le verrons plus loin, est très abondant dans
tout le Soudan occidental et, dans le bassin de la Gambie notamment,
on le trouve en notable quantité dans le Tenda, le Gamon, le Badon,
le Damentan, le Niocolo et le Coniaguié. Il y aura là certainement
une grande source de richesses quand on sera arrivé à améliorer
la production et l’exploitation.

Le _Palmier oléifère_ (_Elæis guineensis_, Jacq.) est
très rare au Sénégal et au Soudan. On ne commence guère à
le rencontrer que dans le sud du bassin de la Gambie, dans le
Combo, le Fouladougou, le Coniaguié, etc., etc. Il se multiplie
rapidement, croît spontanément et ne demande aucune culture. Dans
les pays de production, il donne deux récoltes par an, en mars et
en novembre. Chaque pied donne deux ou trois régimes au plus qui
portent un grand nombre de fruits. Ces fruits, qui ressemblent à de
grosses cerises, sont formés par un sarcocarpe fibreux et huileux et
contiennent une amande grasse incluse dans un noyau très dur et qui
est connue dans le commerce sous le nom d’_amande de palme_. Ces
fruits donnent une huile qui, sous le nom d’_huile de palme_,
est utilisée avec avantage par nos industries. Voici comment les
indigènes la fabriquent : Les fruits mûrs sont jetés dans une
fosse de terre entourée d’un petit mur et tapissée de feuilles du
végétal. On y verse une quantité d’eau assez considérable pour
qu’ils y baignent. Puis on les écrase de façon à en détacher
la pulpe. L’opération terminée, on verse encore de l’eau
et on agite violemment à plusieurs reprises. L’huile apparaît
alors à la surface en écume rougeâtre. On la recueille dans de
grands canaris (sortes de vases en terre) placés sur des brasiers
ardents. Elle est alors soumise à une ébullition prolongée,
puis tamisée dans un grand vase à moitié rempli d’eau. Le
liquide ainsi obtenu est alors écrémé et c’est l’huile de
palme du commerce.

Cette huile est d’un beau jaune orange. Elle exhale une odeur très
agréable d’iris ou plutôt de violette. Elle rancit rapidement
au contact de l’air. Sa saveur est douce et elle se solidifie
au-dessous de 30°. On la désigne alors sous le nom de _beurre de
palme_. Les indigènes du bassin de la Gambie lui donnent en langue
mandingue le nom de _N’té N’toulou_. Elle sert à assaisonner
certains mets qui ne sont pas à dédaigner.

De l’amande du palmier oléifère, on extrait également une
matière grasse, solide, qui peut servir, quand elle est fraîche,
aux mêmes usages que le beurre. Les indigènes ne l’utilisent
pas. L’amande de palme donne environ 53 0/0 d’huile, et
le brou de la noix, quand il est frais, en donne jusqu’à 70
0/0. L’huile et les amandes de palme donnent lieu en Gambie et
surtout à Sainte-Marie-de-Bathurst à des transactions commerciales
relativement importantes. Il serait facile, en propageant le végétal
dans toute la région sud du bassin de la Gambie, de leur donner
une plus grande extension.

Le _Coula_ (_Coula edulis_, H. Bn.), que l’on rencontre surtout dans
le Sandougou, le Ouli, le Tenda et le pays de Gamon, appartient à
la famille des Olacinées. Ce végétal se reconnaît à ses feuilles
alternes. Inflorescence en grappes axillaires ; fleurs hermaphrodites,
régulières, pentamères ; corolle polypétale, valvaire, hypogyne ;
vingt étamines inégales ; ovaire supère ; style petit, conique ;
placenta central, libre, trois ovules descendants. Le fruit est une
drupe sphérique à brou peu épais ; noyau très dur et monosperme ;
albumen abondant et charnu, goût de noisette. Il donne jusqu’à
33 0/0 d’une huile comestible. Ce végétal est relativement
assez rare. Toutefois, les échantillons que nous en avons vus nous
permettent d’affirmer qu’il serait très facile de le propager
rapidement.

Le _Cotonnier_ (_Gossypium punctatum_, Guil. et Perrotet), sur lequel
nous reviendrons plus longuement plus loin, est cultivé sur une
grande échelle dans toute cette région. Ses graines donnent une
huile que notre industrie emploie utilement. Marseille a, pour ainsi
dire, en France le monopole de sa fabrication. Il y aurait là une
source considérable de bons revenus.

Le _Touloucouna_ (_Carapa touloucouna_, L. ou _Carapa guyanensis_,
Guil.), de la famille des Méliacées, commence à prendre
une importance considérable. Il abonde dans toute la partie
méridionale du bassin de la Gambie et est également très commun
à la Guyane, surtout dans le haut Maroni. En faisant bouillir
ses graines dans l’eau, en les pilant, puis en les faisant
égoutter dans un récipient creusé en gouttière et exposé au
soleil, on obtient une huile onctueuse qui se solidifie très vite
et a un goût amer. La graine de touloucouna est très riche en
matières grasses et son rendement en huile atteint parfois, lorsque
l’opération est faite en de bonnes conditions, 38 0/0. Cette huile
est encore peu employée dans l’industrie, on l’utilise surtout
en pharmacie contre les affections de la peau ; elle préserverait
également, d’après les indigènes, des piqûres des insectes et
particulièrement des atteintes de la chique. Outre le tannin que
renferme l’écorce du touloucouna, Caventou y a trouvé un principe
amer qui serait fébrifuge et qu’il a nommé _touloucounin_. Grâce
à l’intelligente initiative de M. le comte de Chasteigner,
de Bordeaux, qui, dans sa belle propriété de la Martinique,
a créé un véritable jardin d’essai de cultures botaniques,
ce précieux végétal ne tardera pas à être introduit dans notre
vieille colonie.

Le _Berre_ (_Parinarium senegalense_ ou _excelsum_, Perr. Neou),
Rosacées, dont les fruits sont appelés _nou_ au Sénégal, donne
une huile grasse assez bonne quand elle est récente, mais noircissant
fort vite et d’une odeur absolument nauséabonde.

Le _Ben ailé_ (_Moringa pterygosperma_, Gærtn), de la famille
des Moringées, est un beau végétal d’une dizaine de mètres
de hauteur à longues grappes de fleurs blanches. Sa graine est
amère et purgative. On en extrait une huile douce et inodore qui,
peu de temps après sa fabrication, se sépare en deux parties :
l’une, toujours fluide, qui est utilisée dans l’horlogerie
et l’autre, épaisse, qui est facilement congelable. Cette huile
rancit difficilement. L’huile de ben sert pour extraire le principe
odorant de plusieurs fleurs à odeurs fugaces, telles que le jasmin
et les tubéreuses. Voici ce que E. Raoul écrit dans son savant
_Manuel des cultures tropicales_ au sujet de la propagation de ce
précieux végétal : « Par le semis, on obtient au bout de deux
ans un arbre de 6 mètres de haut, mais nous engageons plutôt
à planter de bouture ; il suffit pour cela de mettre en terre de
grosses branches qui s’enracinent de suite. »

L’_Anacarde_ (_Anacardium occidentale_, L.), Térébinthacées,
produit un fruit renfermant également un suc oléagineux. Cette huile
rancit à l’air et n’a encore été utilisé qu’en pharmacie.

Le _Cocotier_ (_Cocos nucifera_, L.), Palmiers, ne croît dans
le bassin de la Gambie que dans la zone maritime. Il affectionne
particulièrement les terrains sablonneux. Son amande mûre est
comestible et donne, par expression, la moitié de son poids d’une
huile incolore très employée dans la savonnerie. Cette huile,
lorsqu’elle est ancienne, a une odeur très forte et ne peut
plus servir qu’à la stéarinerie. Elle est fluide au-dessus
de 18°. Au-dessous de cette température, elle se solidifie et
devient alors blanche et opaque. Les savons fabriqués avec elle
moussent beaucoup, mais sont très cassants. Elle est formée par un
mélange de divers glycérides dont l’acide gras (_ac. cocinique_
et _ac. cocostéarique_) est peu connu et paraît être composé par
de l’acide laurique additionné d’acides palmitique et myristique.

Ce végétal se développe rapidement et ne demande aucune
culture. D’après certains auteurs, un cocotier adulte donnerait
chaque année un rendement qui peut être évalué à 20 francs
environ.

La _Luffa acutangula_, Roxb. donne des graines qui contiennent
également une notable quantité d’huile.

Le _Niattout_ (_Bdellium africanum_, _Balsamodendron africanum_,
Arnott), Burséracées, donne une huile volatile peu utilisée que
l’on extrait du bdellium.


                     IV. — =Plantés médicinales.=


Les végétaux de cette catégorie sont excessivement nombreux dans
tout le bassin de la Gambie et la pharmacopée indigène est d’une
richesse remarquable. Nous ne nous occuperons ici que des principales
et passerons sous silence toutes celles si nombreuses auxquelles
les noirs attribuent des vertus plus ou moins problématiques.

Le _Belancoumfo_ (_Ceratanthera Beaumetzii_, Heckel) a été pour
la première fois étudié par M. le professeur Heckel, de la
Faculté des sciences de Marseille. Il appartient à la famille
des Scitaminées, tribu des Mantisiées. Ce végétal croît un peu
partout dans ces régions. Il aime surtout les marigots à eau limpide
et courante. C’est un purgatif et un tænifuge énergique. Les
indigènes du Soudan et de la Haute-Gambie s’en servent couramment ;
mais ils en utilisent principalement les propriétés purgatives. Nous
l’avons trouvé en grande quantité dans le Tenda, le Gamon, le
Dentilia et le Badon. Nous en avons également relevé quelques
échantillons dans le Tiali, mais en petite quantité. Il est
à la côte occidentale d’Afrique ce qu’est le kousso à la
côte orientale. On trouve sur tous ses marchés ses rhizomes qui
sont seuls employés, et il est connu de toutes les peuplades qui
habitent nos colonies du Sénégal, du Soudan et des Rivières du
Sud. Les Mandingues de la Gambie le nomment _Belancoumfo_ ; les
Soussous, _Gogoféré_ et _Gogué_ ; les Sosés, _Baticolon_ ; les
Mandingos, métis portugais de la Casamance, _Cassiou_ ; les Ouolofs,
_Garaboubiré_ ; les Malinkés du Soudan, _Dialili_ ; les Bambaras,
_Baralili_ ; les Kroumans, _Paqué_ ; les Timnés, _Abololo_ ;
les Akous, _Bachunkarico_ ; les Pahouins du Gabon, _Essoun_ ; les
Peulhs, les Toucouleurs, les Sarracolés, _Dadigogo_ (nom formé
des deux mots _dadi_, racine, et _gogo_, nom proprement dit de la
plante). Quoi qu’il en soit, au Soudan, au Sénégal et dans les
Rivières du Sud, c’est surtout sous les noms de _Belancoumfo_
et de _Dadigogo_ que ce végétal est le plus connu.

Arrivée à complet développement, cette plante mesure environ
1 mètre à 1m50 de haut. Elle a absolument l’aspect d’un
roseau flexible, qui s’incline facilement dans le sens du courant
du marigot où elle croît. Ses feuilles ont environ de 12 à 15
centimètres de long sur 3 à 5 de large. Elles sont d’un beau vert,
légèrement velouté à la face supérieure. La face inférieure
est plus pâle et la nervure médiane y est fortement accusée. Leur
pétiole est très allongé et fortement engainant dans la moitié
de sa longueur environ.

Ce végétal présente au point de vue floral un dimorphisme tout
particulier. Les fleurs apparentes, d’après les renseignements
qui nous ont été donnés, sont d’une belle couleur jaune
orangé. M. le Dr Heckel, de la Faculté des sciences de Marseille,
qui a étudié ce végétal dans tous ses détails, a reconnu
que ces fleurs étaient stériles et que les fleurs clandestines,
cleistogames, étaient seules fécondes.

Le fruit est ovoïde, légèrement allongé, long de 3 à 6
centimètres, à l’état de maturité complète, et de couleur
rougeâtre. Il renferme plusieurs graines noirâtres, ovales,
ressemblant, à s’y méprendre, à celles de l’_Amomum
melegueta_, Rosc., que nous avons trouvé en quantité notable
dans le Niocolo. Il s’ouvre spontanément quand il est sec. La
floraison a lieu en septembre et les fruits sont mûrs en novembre
et décembre. La racine est un rhizome dont le diamètre est
d’environ 1 centimètre à 1 centimètre et demi. Sa couleur
est légèrement jaunâtre. Il acquiert de grandes dimensions,
prolifère très rapidement, et le lit des marigots du Damentan en
est littéralement tapissé. A des distances qui varient de 2 à 5
centimètres, il présente des bourrelets assez saillants, d’où
émanent les rejets de la plante. Ce rhizome se casse facilement
et sa chair présente une belle couleur blanche. Cette chair est,
de plus, excessivement aqueuse. Toutes les parties du belancoumfo
exhalent une odeur poivrée très prononcée, qui rappelle beaucoup
celle du gingembre. Le rhizome possède cette odeur à un degré
bien plus pénétrant que les feuilles ou les graines. Le goût en
est également poivré. On sait que les noirs aiment beaucoup cette
saveur. Aussi mangent-ils souvent un fragment de belancoumfo pour
« se donner la bonne bouche » (_sic_).

C’est surtout dans les Rivières du Sud, à partir de la Casamance,
que les noirs se servent du belancoumfo comme tænifuge. Suivant
les régions, ils se l’administrent sous forme de décoction,
d’infusion ou de macération. Dans la Haute-Gambie, le Bondou, le
Soudan et le Sénégal, ce sont surtout ses propriétés purgatives
qui sont appréciées. Je dirai même que je n’y ai rencontré
que fort peu d’indigènes qui connaissent ses propriétés
tænifuges. Voici comment on s’en sert dans ce cas : On peut
administrer le rhizome de belancoumfo soit à l’état frais,
soit sec. Frais, on le mange tel quel. Deux fragments de 10 à 15
centimètres de longueur suffisent pour provoquer une abondante
diarrhée. On le coupe encore en petits fragments, de 3 centimètres
environ de longueur, que l’on met à macérer pendant vingt-quatre
heures dans l’eau froide. On décante, et on boit un verre et
demi de cette liqueur après y avoir ajouté un peu de sel. Si, au
contraire, le rhizome est sec, on le pile, et la poudre ainsi obtenue
est mise à infuser dans l’eau tiède pendant douze à quinze heures
environ. Ceci fait, l’on décante et l’on boit à peu près un
verre de la liqueur ainsi obtenue, après y avoir ajouté un peu
de sel. Dans les deux cas, on obtient un effet purgatif violent. La
dose de poudre à employer est de 60 à 80 grammes par litre d’eau.

M. le professeur Schlagdenhauffen, de Nancy, a isolé le principe
actif de cette plante. C’est une huile essentielle, qui possède
à un haut degré les propriétés tænifuges. Il résulte des
expériences absolument concluantes faites par MM. Heckel et
Dujardin-Beaumetz que vingt gouttes de cette huile, enfermées dans
une capsule de gélatine et administrées au réveil, suffisent
pour provoquer l’expulsion d’un tænia. Il est bon, afin de
hâter l’évacuation, d’administrer deux heures après une dose
d’huile de ricin. Le grand avantage de ce tænifuge est de ne
provoquer ni nausées ni vertiges, et d’agir rapidement.

Le _Gingembre_, que les Ouolofs désignent sous le nom de
_N’Hydiar_, appartient à la famille des Amomées. C’est le
_Zingiber officinalis_, Rosc. Il croît surtout à Sierra-Leone
et dans le Fouta-Djallon. Nous en avons trouvé quelques rares
échantillons dans la région sud du Niocolo. On trouve son rhizome
sur tous les marchés du Sénégal et du Soudan. Il est long, grêle,
légèrement aplati et ramifié. Dépouillé de son écorce jaunâtre,
il est alors aussi blanc à l’extérieur qu’à l’intérieur. Il
est léger, tendre, et sa texture est un peu fibreuse. Sa saveur
est brûlante et son odeur aromatique. Les indigènes en sont
très friands. A Saint-Louis, on fabrique avec le rhizome du
gingembre une boisson gazeuse ressemblant à de la limonade et
qui est loin d’être déplaisante au goût. Les Ouolofs et les
Peulhs, particulièrement, en font un grand usage pour assaisonner
leur couscouss. Ils lui attribuent des vertus aphrodisiaques, et il
n’est pas rare de voir des femmes ouoloves et peulhes porter autour
des reins des ceintures de rhizomes de gingembre destinées à rendre
la vigueur à leurs époux quand ils sont affaiblis par l’âge.

_Baobab._ — Dans presque toutes nos possessions sénégambiennes
et soudaniennes, on trouve cet arbre fantastique, étrange, aux
formes bizarres, véritable Titan végétal, auquel on a donné le
nom curieux de _baobab_, comme si, rien qu’en le prononçant,
on voulait attirer sur lui l’attention. C’est l’_Adansonia
digitata_, L., de la famille des Malvoïdées. Il peut atteindre
jusqu’à 12 mètres de diamètre. Ce végétal est aujourd’hui
trop connu pour que nous en fassions ici une description botanique
complète. Il est, du reste, bien facile à reconnaître. Quiconque
l’a vu une fois n’oubliera jamais sa forme bizarre, ses dimensions
gigantesques, l’aspect tout particulier de ce géant des solitudes
africaines qui le fait ressembler à quelque animal légendaire
et préhistorique. On dirait une pieuvre de taille démesurée,
dont le corps serait représenté par la tige courte et énorme,
et les tentacules par les rameaux tordus et noueux.

Les indigènes utilisent les fibres de son écorce pour fabriquer
des cordes excessivement solides et résistantes, avec lesquelles ils
confectionnent des hamacs qui ne manquent pas d’élégance. Le bois
est peu utilisé. Difficile à travailler, on ne l’emploie qu’à
défaut d’autre dans la construction des pirogues. Les jeunes
feuilles entrent dans la composition de sauces avec lesquelles on
assaisonne le couscouss. C’est surtout comme médicament qu’il est
employé. Les feuilles, fraîchement cueillies et bouillies, servent
à confectionner des cataplasmes excessivement émollients. Les
bains de feuilles de _Lalo_ (c’est le nom sous lequel le baobab
est généralement connu) jouissent également à un haut degré de
cette propriété. Elle est évidemment due à la grande quantité
de mucilage qu’elles contiennent. Je me suis très bien trouvé,
en maintes circonstances, de m’en être servi.

Le fruit est de beaucoup le plus employé, et c’est la pulpe
qui entoure ses graines qui est principalement active. En temps de
disette, les indigènes en font une grande consommation et il est
pour eux une précieuse ressource. Les Européens le connaissent
sous le nom de _Pain de singe_. Il est très commun dans tous les
villages et on le trouve en abondance sur tous les marchés. Il est
considéré par les habitants comme le médicament antidysentérique
par excellence. Il est mélangé aux aliments mêmes. Ainsi le noir
se nourrit souvent de farine de mil et de lait caillé. On désigne
ce mélange sous le nom de _Sanglé_. Lorsqu’il est atteint par
la dysenterie, il mélange le pain de singe à cette bouillie. La
pulpe desséchée et réduite à l’état de farine s’expédiait
autrefois en Europe sous le nom de _terre sigillée de Lemnos_ ou
_terra Lemnia_. D’après Heckel et Schlagdenhauffen, l’action
de cette pulpe est due, dans la dysenterie, à l’abondance des
corps gras qui, suspendus par les matières gommeuses, peuvent
constituer un léger laxatif et un émollient. L’écorce pilée
et les graines torréfiées sont aussi usitées contre cette
affection, mais seulement dans les cas graves. Elles sont également
préconisées contre les hémorragies, les fièvres intermittentes
et la lientérie. Leur action est alors due vraisemblablement au
tannin spécial qu’elles renferment. Tous les médecins qui se
sont servis du baobab sont unanimes à en reconnaître les bons
effets et ne lui ont trouvé aucun inconvénient.

Le _Téli_ (_Erythrophlæum guineense_, Rich) est un végétal
de haute stature. C’est une belle légumineuse Parkiée. Bien
qu’il n’ait encore aucune application dans la thérapeutique,
nous croyons devoir le placer dans cette catégorie à cause de ses
propriétés particulières.

Le téli croît, de préférence, sur les bords des marigots, et
j’en ai vu de beaux échantillons dans les environs de Nétéboulou
(Ouli). Il est facile à reconnaître à la couleur sombre de son
feuillage et à son fruit, qui est une gousse rougeâtre quand elle
est sèche et plus large que ne le sont, en général, celles des
autres légumineuses. Son écorce est profondément fendillée,
et, si on l’enlève, sa partie intérieure présente une belle
couleur rouge foncé. Chaque gousse contient environ huit à dix
graines à deux faces bombées, ressemblant à s’y méprendre à
celles de certains haricots. Ces graines, qui ont toujours à peu
près le même poids, servent dans certaines régions, le Bouré,
par exemple, pour peser l’or. Cinq de ces graines équivalent à
peu près à un gros, environ 3gr82.

Le téli ou tali (peulh, bambara, malinké) est la plante
vénéneuse par excellence au Soudan français, au dire du moins des
habitants. Il entrerait du téli dans la composition du _korté_,
le fameux poison qui est si redouté des Bambaras du Bélédougou
et des Malinkés du Bambouck et du Konkodougou, et qui est si connu
dans le Baleya, l’Amana, le Dinguiray, et même à Siguiri. Mais
quelle est la partie de la plante qui est utilisée ? C’est ce
que nous n’avons pas encore pu savoir. Toutefois, nous avons
appris que, dans certaines de nos Rivières du Sud, le Rio-Nuñez,
le Rio-Pongo particulièrement, et dans le pays de Loango, où le
téli est appelé _boudu_ ou _boudou_, les indigènes fabriquent
avec sa racine, par infusion, une liqueur d’une extrême amertume
et qui sert de poison d’épreuve. Quand elle est trop chargée,
elle cause la suffocation, la rétention d’urine, etc., etc. :
l’accusé tombe, et est déclaré coupable. A dose plus faible,
elle n’amène pas d’accidents graves : alors l’accusé résiste,
et est déclaré innocent.

On a dans tout le Soudan une peur épouvantable du korté. Ceux qui le
fabriquent ou qui en connaissent la composition sont universellement
redoutés, et, de ce fait, jouissent dans leur village d’une
incontestable autorité et d’un pouvoir sans limites. Les indigènes
qui sont sans cesse en contact avec nous et qui ont été élevés
dans nos écoles, nos interprètes eux-mêmes, frémissent à la
seule pensée des souffrances qu’occasionne ce terrible poison.

Le korté, d’après ce que m’en ont dit les Malinkés du Bambouck
et du Konkodougou, ne s’administre pas seulement dans les boissons
et les aliments. Dans toutes les circonstances de la vie, on peut
être exposé à en absorber. Il existe même une certaine catégorie
d’individus qui excellent à le « lancer ».

Voici, à ce sujet, ce que dit le lieutenant-colonel Monteil dans la
relation de son voyage _De Saint-Louis à Tripoli par le lac Tchad_ :
« Les sorciers détiennent, en outre, les secrets de la fabrication
des poisons que les Bambaras appellent korté ; c’est là surtout la
vraie cause de leur omnipotence. Il est hors de conteste que certains
de ces poisons sont d’une efficacité extraordinaire et amènent la
mort en quelques heures. Les uns servent à empoisonner les flèches,
d’autres se mélangent aux aliments. Ces deux catégories semblent
avoir pour base, d’après le Dr Crozat[3], qui les a spécialement
étudiées, une graine de strophantus, qui est un poison du cœur. Il
est une autre sorte de korté, dont j’ai souvent entendu parler ;
il se présenté sous la forme d’une poudre très fine. L’individu
qui veut se débarrasser d’un ennemi en place une très petite
parcelle sous l’ongle de l’annulaire et la lance avec l’ongle
du pouce sur un membre quelconque, jambe, bras, cou, laissé à
nu par les vêtements. L’effet n’en est pas immédiat. Peu à
peu, s’éveillent des démangeaisons qui amènent la victime à
se gratter. Par les points ainsi avivés, le poison s’insinue
dans l’économie ; puis les démangeaisons deviennent de plus en
plus vives, jusqu’à ce que, l’empoisonnement étant complet
(cela au bout de plusieurs mois), la victime succombe. Il ne m’a
pas été donné de vérifier d’empoisonnement de cette espèce ;
mais nombre de fois j’ai entendu parler de gens qui avaient fini de
cette manière. Bien des chefs que je n’ai pu voir avaient de moi la
crainte avouée que je pouvais leur lancer un korté perfectionné. »

Plus heureux, nous avons eu la bonne fortune de pouvoir examiner
un malade empoisonné avec du korté par le procédé que vient
de décrire le lieutenant-colonel Monteil. J’avouerai que ce que
j’ai pu constater a été loin de dissiper les doutes que j’ai
toujours eus sur l’action à terme de ce mystérieux toxique. En
1889, lors de la mission que nous fîmes dans le Bambouck et le
Konkodougou, M. le commandant Quiquandon, M. le lieutenant Valton et
moi, nous séjournâmes pendant plusieurs jours à Kassama, capitale
du Diébédougou, et j’eus ainsi la facilité de voir fréquemment
le roi de ce pays, Famalé. C’était un vieillard d’environ
soixante-cinq à soixante-dix ans, sourd et impotent. Il passait
ses journées dans son fauteuil et était incapable de marcher. Ses
frères et ses fils, me sachant médecin, me demandèrent de le
soigner. Ce que je me gardai bien de faire, certain d’avance que
j’étais de l’insuccès du traitement, quel qu’il fût, auquel
j’aurais pu le soumettre. Mais je pus l’examiner à loisir,
et je le fis avec d’autant plus de soin et d’intérêt que ses
proches m’avaient dit et assuré qu’il était dans cet état
depuis qu’un sorcier lui avait « lancé le korté », et cela,
depuis plusieurs années déjà. Le résultat de mes observations
fut que j’étais tout simplement en présence d’un cas bien
caractérisé d’« hémiplégie gauche » consécutive à une
hémorragie cérébrale. Ce diagnostic, absolument certain et facile,
du reste, à établir, me confirma dans l’opinion que j’avais
depuis longtemps déjà, à savoir que les habitants de ces régions
où le korté règne en maître lui attribuaient fréquemment des
effets qu’il est loin d’avoir. C’est, en somme, pour eux,
une explication facile des maladies dont ils sont incapables de
trouver les causes.

Les sentiments de crainte et de frayeur que leur cause ce terrible
poison sont surabondamment expliqués par ce qui précède. Je me
souviens qu’en cette même année 1889, nous trouvant à Tombé
(Konkodougou), nous reçûmes la visite des chefs et des notables du
village de Komboréah, dont les habitants passent pour être très
experts dans la fabrication du korté, et sont renommés pour leur
adresse à le lancer. Notre interprète fut tellement épouvanté
à leur vue qu’il ne consentit à les introduire auprès de nous
qu’après leur avoir fait jurer sur le kola (serment terrible
pour les Malinkés et auquel ils ne manquent jamais) qu’ils ne
nous lanceraient pas de korté.

D’après les indigènes du Soudan, toutes les parties de la plante
seraient excessivement vénéneuses. Il serait même dangereux de
faire boire les animaux dans les marigots sur les bords desquels
croissent des télis. Fait singulier : cette eau, qui est toxique
pour le cheval, paraît-il, ne le serait pas pour l’homme. Je ne
sais ce qu’il peut y avoir de vrai pour le premier, mais ce que
nous pouvons assurer, c’est qu’il nous est arrivé souvent de
faire usage d’eau puisée au pied d’un téli et que nous n’en
avons jamais été incommodé. Il en a été toujours de même
pour nos hommes. Quoi qu’il en soit, l’écorce de la plante
en est assurément la partie la plus active. L’écorce fraîche
l’est plus que l’écorce sèche, et celle des jeunes sujets
plus que celle des vieux arbres. Après l’écorce, la racine ;
puis les fleurs et les graines. Les feuilles n’auraient que de
faibles propriétés nocives, mais, cependant, encore assez fortes
pour occasionner la mort à une faible dose.

Les animaux qui absorbent du téli à doses toxiques éprouveraient
les premiers accidents deux heures environ après l’ingestion. Leur
ventre deviendrait très volumineux. Ils présenteraient une écume
abondante à la bouche, des convulsions qui dureraient une demi-heure
environ, et la mort surviendrait deux heures et demie ou trois heures
après l’ingestion du poison.

Les noirs du Soudan utilisent les feuilles du téli contre le ver de
Guinée, et voici comment : lorsque l’abcès qu’occasionne le ver
s’est ouvert spontanément ou bien à la suite d’une manœuvre
opératoire, et que le parasite commence à sortir, ils enveloppent
la partie malade avec des feuilles de téli. Deux ou trois suffisent
pour la couvrir complètement. Un pansement fait avec des feuilles
d’un autre végétal quelconque inoffensif et maintenu toujours
humide est appliqué par-dessus. Le tout est fixé à l’aide de
lacs. Ils prétendent que le ver est alors empoisonné et qu’il
sort plus facilement.

Le téli ne sert en aucune autre circonstance. Il inspire aux
indigènes une telle frayeur qu’ils ne l’utilisent ni dans la
construction de leurs cases ni même pour faire cuire leurs aliments.

_Kinkélibah._ — Ce végétal, encore peu connu, est, à notre
avis, un des plus précieux de tous ceux que l’on peut rencontrer
au Sénégal et au Soudan, et nous avons été à même d’en
constater, par expérience, la bienfaisante action. Il appartient à
la famille des Combrétacées. C’est le _Combretum Raimbaultii_,
Heckel. Nous l’avons rencontré un peu partout en Gambie, mais
c’est surtout sur les hauts plateaux du Sandougou qu’il est
le plus commun. Très abondant dans les Rivières du Sud, on le
trouve encore dans le Cayor, où les Ouoloffs lui donnent le nom
de _sekhaou_ et _khassaou_. Avec ses rameaux, ils construisent des
greniers dans lesquels ils conservent leur mil et leurs haricots. Ces
greniers sont appelés _lakhass_, nom que, dans certaines régions,
on donne encore parfois au kinkélibah, qui est son nom en langue
soussou. Il croît dans les terrains pierreux et sablonneux. On ne
le trouve jamais au bord de la mer. Il fleurit de mai à juin. Voici
la description que donne de ce végétal le professeur Heckel, de
Marseille : « Cet arbuste, plus ou moins touffu, suivant l’âge,
et dont la tige peut atteindre un décimètre de diamètre, devient
alors tout blanc et tranche beaucoup sur les arbres et arbustes qui
l’environnent ; aussi, est-ce à cette époque qu’il est le plus
facile de le reconnaître. Son fruit caractéristique se dessèche
en même temps que les feuilles et tombe avec elles pendant la saison
sèche. Son ombrage agréable est très recherché. Il donne souvent
abri pendant la nuit aux caravanes de l’intérieur. Ce végétal
est muni d’une racine pivotante, dont les ramifications se terminent
par des nœuds à radicelles, d’où naissent de nouveaux rejets. Une
des tiges s’élève au-dessus des autres pour former un arbrisseau
(jamais un arbre) avec branches étendues dans tous les sens, mais
plutôt horizontales que verticales. La tige du kinkélibah est lisse
et blanchâtre ; elle porte des rameaux opposés. Son bois est blanc,
dur et serré. »

Les feuilles fraîches ou sèches sont utilisées. Les indigènes
des Rivières du Sud les emploient avec succès dans les cas
de fièvres bilieuses simples ou inflammatoires, de rémittentes
bilieuses et de bilieuses hématuriques. C’est au R. P. Raimbault,
missionnaire apostolique à la côte occidentale d’Afrique, que
l’on doit d’avoir attiré l’attention du monde scientifique
sur ce précieux végétal, et ce sont les savants professeurs
Heckel et Schlagdenhauffen qui l’ont, les premiers, étudié
et analysé. Voici comment, d’après le P. Raimbault, qui
l’a fréquemment employé, et toujours avec succès, on doit
le prescrire :

« Le kinkélibah est administré sous forme de tisane. Ses feuilles
sont employées en décoction. On les fait bouillir pendant un quart
d’heure environ, soit fraîches, soit desséchées. Sous ce dernier
état, les feuilles pilées peuvent se conserver pendant plusieurs
années avec les mêmes propriétés.

Pour se servir de la poudre de kinkélibah, on met dans une bouilloire
autant de cuillerées à café de cette poudre qu’il y a de verres
d’eau (4 grammes pour 250 grammes d’eau ; 16 grammes pour un
litre). On couvre bien, et on laisse bouillir quinze minutes ; on
décante, on filtre, ou bien on boit le liquide tel quel, au choix
du malade.

La tisane doit être amère et jaunâtre. Si elle prenait une couleur
brune, c’est qu’elle serait trop forte, et il faudrait ajouter
de l’eau ; si elle devient jaune clair, c’est qu’elle est trop
faible, alors il faut faire bouillir plus longtemps et ajouter au
besoin de la poudre.

On prend un verre (250 grammes) de kinkélibah dans les cas
de fièvre bilieuse hématurique, le plus tôt possible ; puis,
après dix minutes de repos, un demi-verre (125 grammes) ; ensuite,
repos de dix minutes, et enfin un autre demi-verre. Les vomissements
se produisent alors, mais ils ne tardent pas à s’arrêter et à
cesser pour toujours. On doit, du reste, faire boire du kinkélibah
à la soif du malade durant tout le cours de la maladie, et pendant
quatre jours au moins, en ne dépassant guère toutefois un litre
et demi par jour.

Aucune nourriture ne doit être prise pendant toute la durée de
la teinte ictérique, c’est-à-dire pendant les trois premiers
jours. Le quatrième jour, nourriture très légère et peu à la
fois. Le mieux même, le quatrième jour, est de ne prendre que du
kinkélibah comme boisson. Le R. P. Raimbault nourrit ses malades
avec des œufs crus battus dans du rhum et du cognac. Il donne avec
succès un purgatif dès le commencement de l’accès ; c’est
nécessaire, en tout cas, quand la constipation intervient.

Le quatrième jour, au matin, en même temps que le kinkélibah,
il donne 0gr80 de sulfate de quinine ; il continue ce fébrifuge
autant que dure la fièvre, en diminuant chaque jour la dose, tout
en continuant le kinkélibah.

Il conseille de prendre un verre de kinkélibah chaque fois qu’il
y a embarras gastrique de nature biliaire et considère comme un
moyen sûr d’acclimatement pour l’Européen de prendre chaque
matin à jeun un verre de cette décoction. » (_De l’emploi
des feuilles du_ Combretum Raimbaultii, Heckel, _contre la fièvre
bilieuse hématurique des pays chauds_, par le Dr Édouard Heckel,
professeur à la Faculté des sciences et à l’École de médecine
de Marseille. — Extrait du _Répertoire de pharmacie_, juin 1891.)

Nous avons expérimenté deux fois sur nous-même, à Nétéboulou,
alors que j’étais atteint de rémittente bilieuse, et à Oualia,
contre un violent accès bilieux. Je m’en suis également servi à
Mac-Carthy pour soigner plusieurs de mes hommes, qui y furent atteints
de fièvres intermittentes compliquées d’embarras gastriques
prononcés. Je m’en suis toujours très bien trouvé et n’ai
eu à enregistrer que des succès. Je me suis toujours attaché à
suivre à la lettre les indications formulées par le R. P. Raimbault,
et j’ai toujours vu le médicament agir comme il vient d’être
dit. D’après ce que nous avons observé, nous croyons donc que les
feuilles de kinkélibah jouissent de précieuses propriétés. Il
est, à n’en pas douter, tonique, diurétique, et légèrement
cholagogue. Il est, de plus, émétique au début, et, par l’emploi
répété, empêche le retour des vomissements. D’après Heckel,
ses propriétés toniques et diurétiques seraient justifiées par
la présence du tannin et du nitrate de potasse. Quant aux autres
actions, la composition chimique n’en donne aucune explication
plausible. Au moment où nous rédigeons ce paragraphe de notre
mémoire, nous recevons de notre excellent ami le capitaine Roux, de
l’infanterie de marine, une lettre dans laquelle il nous dit qu’il
vient de s’entretenir avec un de nos collègues revenu récemment
du Dahomey. Il a eu, dans cette colonie, à soigner de nombreux cas
de fièvres bilieuses hématuriques. Il a employé le kinkélibah
chez vingt de ses malades, et a obtenu _dix-huit_ cures. Ce succès
remarquable vient pleinement confirmer ce que nous disions plus haut.

Le _Caïlcédrat_ (_Khaya senegalensis_, G. et Per.), de la
famille des Cédrélacées, est désigné, au Soudan, sous le nom
de _diala_. C’est un bel arbre qui peut atteindre de remarquables
proportions. Son écorce jouit de propriétés fébrifuges. Caventou
en a isolé le principe actif, qu’il a nommé _caïlcédrin_. Les
indigènes utilisent encore son écorce dans le traitement de la
blennorragie et de la dysenterie. Réduite en poudre impalpable,
ils s’en servent encore pour panser les ulcères et les plaies
de mauvaise nature. Binger l’a utilisée avec succès dans un
cas de cette nature, et nous-même, nous avons pu, à Koundou,
constater les bons résultats qu’elle a donnés dans un cas de
plaie ulcérée datant de plusieurs mois déjà. Nous ne saurions
trop recommander ce remède à ceux qui se trouveraient dans le cas
de l’expérimenter et d’en déterminer les propriétés curatives.

Le bois du caïlcédrat est rouge foncé et rappelle celui
de l’acajou par sa couleur et sa texture. C’est pourquoi ce
végétal a été souvent appelé l’_acajou du Sénégal_. Il est
dur et très cassant, même lorsqu’il est vert. Malgré cela, on en
fait à Saint-Louis et au Soudan de beaux meubles, et, en France, il
pourrait servir pour les travaux d’ébénisterie les plus délicats.

Le _Tamarinier_ (_Tamarindus indica_, L.), de la famille des
Légumineuses césalpiniées, est un bel arbre dont le fruit est
fort employé dans la thérapeutique indigène et qui rend également
aux Européens de grands services. Très commun dans tout le bassin
de la Gambie, il est facile à reconnaître, car il présente à un
haut degré les caractères propres à la grande famille botanique
à laquelle il appartient.

Son bois est dur, dense, solide, liant et bon pour le charronnage. On
s’en sert beaucoup à Kayes pour faire des couples d’embarcations.

La pulpe du fruit du tamarinier est utilisée par les indigènes et
les Européens dans la thérapeutique indigène. Elle a une saveur
légèrement astringente et acidule. D’après Vauquelin, elle
renfermerait des acides tartrique, citrique, malique, du bitartrate
de potasse, du sucre, de la gomme, de la pectine. C’est un des
meilleurs laxatifs et des plus inoffensifs. On trouve le tamarin
sur la plupart des marchés du Sénégal et du Soudan sous forme de
boules de la grosseur du poing environ. Ces boules sont de couleur
rougeâtre quand elles sont fraîches, et brunes, presque noires,
quand elles ont été récoltées depuis quelque temps. Elles sont
formées par les graines et la pulpe, qui, réduite en pâte, les
agglutine solidement. On y trouve encore des fragments d’écorce,
des morceaux de la coque du fruit et surtout, en grande quantité,
les fibres rouges qui, dans le fruit mûr, tapissent la face interne
de la gousse.

La façon dont les noirs préparent le tamarin pour l’administrer
est de beaucoup la meilleure. Elle a surtout pour résultat de donner
une boisson d’un goût des plus agréables. Dans un litre et demi
d’eau environ, on met à peu près à macérer à froid 50 à
60 grammes de pulpe, telle qu’on la trouve au marché, avec ses
graines, ses fragments d’écorce et ses fibres rouges. En trois
heures au plus, la pulpe a été complètement dissoute. On n’a
plus qu’à décanter, et on obtient ainsi une liqueur d’un blanc
roussâtre, à odeur et saveur acides, et légèrement astringente. Si
on y ajoute un peu de sucre, on peut en faire une excellente limonade,
qui nous a été souvent précieuse pendant les longues étapes. Trois
ou quatre verres par jour de cette boisson suffisent pour maintenir
la liberté du ventre, si précieuse sous ces climats malsains.

L’usage prolongé et en abondance du tamarin finit par fatiguer
l’estomac et détermine des gastrites et des dyspepsies qui
disparaissent dès qu’on cesse d’en consommer. On peut également
manger la pulpe sans la faire dissoudre, en en débarrassant
simplement les graines avec les dents ; mais on ne saurait trop
s’en abstenir, malgré tout le plaisir que procure, pendant les
grandes chaleurs, sa saveur acide, car elle détermine en peu de
temps une gingivite souvent très rebelle et très douloureuse.

Sur les marchés du Soudan, la valeur du tamarin est d’environ 0
fr. 30 la boule de 250 grammes. Il est plus cher à Saint-Louis,
Rufisque, Dakar et Gorée, où une boule de 150 grammes se vend
couramment 0 fr. 50.

_Dion-Mousso-Dion-Soulo._ — Les indigènes du bassin de la Gambie
emploient contre la blennorragie la racine d’une plante qu’ils
désignent sous le nom de « dion-mousso-dion-soulo », ce qui
signifie, en malinké du sud, _Herbe de la femme captive_. Elle est
ainsi nommée parce que, dans les pays mandingues, la captive est, en
général, la seule qui se livre ouvertement à la prostitution. Cette
plante se trouverait, d’après les indigènes, en grande quantité
particulièrement dans le sud de nos possessions soudaniennes. Il
m’a été impossible de la déterminer, car, malgré tout ce que
j’ai pu faire, je n’ai jamais eu un échantillon entier à ma
disposition, mes confrères indigènes conservant avec un soin jaloux
leurs secrets thérapeutiques. Cette racine, charnue, ayant à peu
près la consistance du manioc, est rougeâtre à l’extérieur. Si
on la casse, on la trouve blanche à l’intérieur et très
aqueuse. Elle n’a pas de goût particulier, mais son odeur est
légèrement vireuse. Voici comment cette racine est employée :
On en sectionne environ 100 grammes par petits fragments, quand
elle est fraîche, et on les fait bouillir dans un litre et demi
d’eau environ. Quand le liquide est devenu d’un blanc laiteux,
on le laisse refroidir, et on boit après l’avoir légèrement
salé au préalable. La dose est d’environ deux à trois litres par
vingt-quatre heures. Si, au contraire, on se sert de la racine sèche,
on la pile et on prend pour une dose environ 60 à 80 grammes de la
poudre ainsi obtenue. Elle est enveloppée dans un morceau d’étoffe
et mise à bouillir dans deux litres environ d’eau. Quand la
liqueur, comme plus haut, est devenue d’un blanc laiteux, on la
sale légèrement, et on la laisse refroidir. La dose est la même
que précédemment. Je crois que c’est un excellent diurétique,
qui agit en même temps sur l’élément douleur, et cela d’une
façon absolument efficace. J’en ai eu une preuve évidente à
Nétéboulou, où un de mes hommes, atteint d’une violente et
douloureuse blennorragie, se traita avec du dion-mousso-dion-soulo.

_Barambara._ — Le barambara est un petit arbuste qui croît de
préférence sur les plateaux rocheux, dans les terrains pauvres
et dans l’interstice des roches. Il nous a semblé être un
_Combretum_, mais nous ne saurions dire lequel. Ses feuilles sont
peltées, de petites dimensions. Leur face supérieure est d’un
vert pâle, et leur face inférieure, blanchâtre, est couverte
de poils qui donnent au toucher la sensation du velours. Cette
couleur caractéristique du feuillage permet de reconnaître la
plante de loin. Son port est celui d’un petit arbuste de 1m60
au plus. Si on écrase les feuilles dans la main, elles dégagent
une odeur vireuse très prononcée. Les fleurs sont jaunâtres,
toujours peu nombreuses, et les fruits ont l’apparence d’une
drupe très coriace. La tige est cylindrique, généralement courte,
et les rameaux sont polyédriques, à côtes très prononcées. Leur
écorce est vert pâle, tandis que celle des rameaux principaux et
de la tige est plutôt blanchâtre. Cet arbuste est très commun
dans tout le Soudan. Ses rameaux servent partout aux indigènes
pour se nettoyer les dents. Voici comment : on coupe un fragment
d’environ 0m15 de longueur (son diamètre ne doit pas avoir plus
d’un centimètre au grand maximum) ; on mâche une des extrémités,
de façon à en faire une véritable brosse, avec laquelle on se
frotte ensuite les dents. Ce procédé est excellent. Je crois que
c’est à son fréquent usage que les noirs doivent de conserver
si longtemps à leurs dents leur éclatante blancheur. De plus, le
tannin qui s’y trouve en grande quantité contribue beaucoup à
donner aux gencives une remarquable tonicité. Sur tous les marchés,
on trouve ces petites tiges de bois. Elles se vendent couramment 5
centimes les cinq. Les Ouoloffs leur donnent le nom de _sottio_.

Les Malinkés de la Haute-Gambie vantent les propriétés fébrifuges
de ses racines. Ils les emploient, fraîches ou sèches, en décoction
et en macération. Dans le premier cas, si on se sert de racines
fraîches, on en prend environ 200 grammes de petits fragments
munis de leur écorce. On fait macérer pendant vingt-quatre heures
dans environ un litre d’eau. D’autre part, on fabrique avec la
même quantité, que l’on fait bouillir dans deux litres et demi
d’eau, une légère tisane. La macération est administrée au
début de l’accès de fièvre, et la tisane entre les accès. Cette
macération donnerait, paraît-il, de bons résultats. Nous n’avons
jamais été à même de les constater.

Si, au contraire, on emploie la racine sèche, on la réduit en petits
fragments que l’on pile de façon à en faire une poudre assez
grossière. On prend environ 100 grammes de cette poudre, que l’on
met à macérer pendant vingt-quatre heures environ dans 750 grammes
d’eau. Pour la tisane, on met à bouillir dans deux litres d’eau
à peu près 150 grammes de cette poudre, que l’on a, au préalable,
enveloppée dans un petit morceau d’étoffe. L’administration
se fait comme ci-dessus. La racine fraîche serait, paraît-il,
plus active que la racine sèche.

_Thé de Gambie._ — Le thé de Gambie se trouve particulièrement au
Niocolo, dans le Tenda et le Kantora. Il est formé par les feuilles
d’une verbénacée du genre _Verbena_. Ses feuilles sont velues à
leur face inférieure, luisantes à la face supérieure. Elles sont
oblongues et, au froissement, dégagent une odeur qui n’est pas
désagréable. La récolte faite, on les laisse sécher, et on s’en
sert sous cette forme pour faire des infusions que les indigènes
s’administrent contre les coliques et les migraines. Le goût
rappelle de loin celui du thé de Chine ; mais ce qui domine surtout,
c’est une saveur amère qui est loin d’être agréable. Ces
infusions sont, du reste, fort peu goûtées des Européens.

_Strophantus._ — Le strophantus (Apocynées) est relativement commun
au Soudan. Il en existe, à ma connaissance, trois variétés dans
le bassin de la Gambie : le _Strophantus hispidus_, D. C. et H.,
le _Strophantus gratus_, Franchet, et une troisième variété qui
diffère sensiblement de ces deux dernières par les feuilles et le
fruit surtout. Cette dernière n’est pas encore déterminée, mais
elle se rencontre assez fréquemment surtout au Sénégal et dans les
Rivières du Sud. Le strophantus croît de préférence sur les bords
des marigots. On le trouve en notable quantité dans les environs de
Thiès, à environ deux kilomètres de la ligne du chemin de fer de
Dakar à Saint-Louis, dans cette partie du pays sérère que l’on
désigne sous le nom de _Ravin des Voleurs_. Assez commun également
aux environs de Mérinaghen et sur les bords du lac de Guier, il est
très rare dans le Fouta, le Ferlo et le Bondou. Nous n’en avons
également trouvé que de rares échantillons dans la Haute-Gambie,
le Bambouck et le Bélédougou. Mais où il croît vigoureusement,
c’est dans le Manding, le long des rives du Tankisso et dans tous
les pays compris dans la boucle du Niger. Il croît généralement
en bouquets épais. Les individus isolés sont rares. C’est une
belle apocynée vivace, dont la feuille est simple et entière. Elle
est d’un vert sombre, et ses deux faces, surtout l’inférieure,
sont légèrement velues. La tige, peu volumineuse, a une couleur
grisâtre quand la plante est arrivée à complet développement,
verte quand elle est jeune. La grosseur est à peu près celle du
pouce, et elle est légèrement rugueuse. Elle porte des dards peu
résistants. Ce caractère n’est pas absolument constant, et j’ai
vu des individus où il faisait absolument défaut. Le fruit, tout
spécial et qui ne permet pas de se tromper, est un follicule sec,
long d’environ 20 à 30 centimètres. Il s’ouvre spontanément à
maturité complète et laisse échapper une soie blanche très fine,
qui brûle sans laisser de résidu. C’est dans cette soie que sont
noyées les graines. Ces graines, qui ont à peu près la grosseur
du café, sont plus comprimées et sont munies d’une aigrette
plumeuse. Graines et aigrette renferment les principes actifs de
la plante.

Les Bambaras de la boucle du Niger se servent du strophantus pour
empoisonner leurs flèches, ainsi que les Pahouins du Gabon. Le poison
qu’ils confectionnent ainsi porte le nom de _Kouna_ en bambara. Les
Malinkés disent _Kouno_. Ces derniers n’en font généralement pas
usage. Voici comment, d’après Binger, se fait cette préparation :
« Après la cueillette, qui a lieu en décembre et en janvier,
les cosses sont ficelées par petites bottes et suspendues aux
solives des cases, afin d’être séchées. Pour préparer le
poison, on pile les graines quand elles sont bien sèches, et on
les laisse macérer pendant plusieurs jours ; le tout est ensuite
cuit avec du mil et du maïs, jusqu’à ce que la préparation ait
la consistance d’une pâte ressemblant au goudron. C’est dans
cette pâte que l’on trempe ensuite les pointes des flèches,
des lances, et même les balles.

Quand la préparation est fraîche, les blessures occasionnées par
des armes enduites de kouno sont toutes mortelles ; mais quand il
y a longtemps que celle-ci n’a pas été renouvelée, on peut en
guérir en prenant une boisson qui sert d’antidote. La formule de
ce contre-poison n’est connue que de peu d’individus. Ils se font
payer cher les doses qu’ils administrent aux blessés. Quelques
forgerons et kéniélala (diseurs de bonne aventure) seuls en
possèdent le secret ; il ne m’a pas été possible d’obtenir
la moindre information à ce sujet. »

Comme Binger, je n’ai pas pu arriver à connaître la composition
de ce précieux antidote. Je ne serais cependant pas éloigné de
croire qu’il y entrerait dans une notable proportion de la fève
de Calabar, et voici ce qui me le ferait supposer : Un jour, non
loin de Mouralia, dans le Diébédougou, pendant une halte que nous
fîmes sur les bords d’un marigot, je m’amusais à regarder les
graines d’un superbe _Physostigma venenosum_, qui croissait tout
près. Je demandai alors à un de mes hommes, Bambara du pays de
Ségou, à quoi cela servait ; il me répondit seulement : _Y a bon
pour kouno, quand y a boire ça, y a toujours gagné guéri_. Je ne
pus lui en faire dire davantage. La fève de Calabar entre-t-elle
réellement dans la composition de l’antidote du kouno, et sous
quelle forme ? Nous ne saurions le dire.

Quoi qu’il en soit, ce poison agit sur le cœur d’une façon
analogue à la digitaline. Il en paralyse les mouvements, et on meurt
par arrêt du cœur. Lors même que l’on n’en meurt pas, son effet
se fait sentir longtemps encore après que l’on a été blessé.

Un de mes meilleurs amis, le capitaine Sansarric, de l’infanterie
de marine, dont la mort glorieuse aux côtés du colonel Bonnier, à
l’affaire de Goundam, est connue de tous, reçut, à l’assaut
de Dienna, je ne me rappelle plus à quel doigt, une légère
blessure faite avec une flèche empoisonnée à l’aide de
kouna. Il me raconta, à ce sujet, ce qu’il avait ressenti
dans la suite. Aussitôt après la blessure, il n’éprouva,
pour ainsi dire, pas de douleurs ; mais, dès le lendemain,
il fut sujet à de fréquentes syncopes. En peu de jours, il
s’affaiblit sensiblement. Il lui semblait parfois que, pendant
quelques secondes, son cœur cessait de battre, et il éprouvait une
sorte d’angoisse. Ces symptômes durèrent pendant près d’un
mois, et ce ne fut qu’au bout de quarante-cinq jours qu’il fut
complètement remis et qu’il eut recouvré toutes ses forces.

Je venais de terminer ce chapitre, lorsque j’eus la bonne
fortune de recevoir la visite de mon excellent collègue M. le Dr
Collomb, médecin de première classe des colonies, qui, pendant
plusieurs campagnes, a occupé au Soudan français, avec autant
de distinction que de zèle et de dévouement, le poste important
de chef du service de santé. Je lui montrai mon livre : _Dans la
Haute-Gambie_. En l’ouvrant, il tomba par hasard sur la page que
j’y ai consacrée au _kouna_, et, à ce propos, me demanda si
j’avais entendu parler du succès qu’il avait obtenu dans le
traitement de l’empoisonnement par cette substance à l’aide de
l’_aconit_. A ma réponse négative, il voulut bien me communiquer
l’observation suivante, qui est absolument caractéristique. Je
lui cède la parole :

« En 1891, lors de ce même assaut de Dienna où notre pauvre
ami Sansarric fut blessé, trois de nos hommes furent également
atteints par des flèches bambaras empoisonnées au kouna, dans un
village distant de quelques kilomètres du camp et où ils étaient
allés piller en cachette. Tous les trois furent blessés, soit
à la région lombaire, soit à la région fessière. Les flèches
avaient pénétré au plus de trois ou quatre centimètres, et pas
assez profondément pour occasionner des désordres mortels. Deux
des blessés succombèrent avant d’avoir pu regagner le camp,
l’un à mi-route, et l’autre à la porte même du tata du village
où nous nous étions installés. Quant au troisième, il eut la
force d’arriver jusqu’à la tente de son officier et de lui
dire qu’il venait d’être blessé par une flèche empoisonnée ;
puis il perdit connaissance. Celui-ci, sans tarder, me fit prévenir,
et je me rendis immédiatement auprès du malade.

Je constatai à la fesse droite une petite plaie pénétrante
d’environ trois ou quatre centimètres au plus de profondeur,
sur un centimètre de diamètre. Pas d’écoulement sanguin. Pas
de tuméfaction, ni de rougeur, ni de chaleur. En résumé, état
local aussi satisfaisant que possible.

Il était loin, par contre, d’en être de même pour l’état
général. Avant d’entrer dans de plus amples détails, je
ferai remarquer tout d’abord que j’examinai le malade peu
de temps après qu’il eut reçu sa blessure, deux heures au
plus. Je constatai : perte absolue de connaissance, paralysie
et anesthésie complète des membres et de tout le corps. Le
malade ne manifeste aucune douleur, même lorsqu’on explore sa
blessure. Facies cadavérique ; pupille à peine sensible à la
lumière. Insensibilité cutanée excessivement prononcée. Battements
du cœur très rares, très espacés, très faibles. C’est
à peine si, en appliquant la main sur la région cardiaque,
on arrive à percevoir, à de longs intervalles, un léger
frémissement. Respiration presque nulle. Mouvements thoraciques
très espacés et peu étendus. La mort est fatale et imminente.

J’avais déjà essayé, pour combattre ce terrible poison, de
tous les moyens thérapeutiques mis à ma disposition, et cela
sans pouvoir obtenir de résultats appréciables. Littéralement
à bout d’expédients, j’avais, en d’autres circonstances,
déjà administré l’aconit sous forme d’alcoolature, par la
bouche, aussitôt après la blessure, et à la dose de XXX gouttes,
dans une potion _ad hoc_, et j’avais observé que la vie du
malade se trouvait prolongée, mais sans avoir cependant jamais
obtenu de succès. Dans le cas présent, la mort étant certaine et
pouvant survenir d’un moment à l’autre, il fallait intervenir
rapidement et vigoureusement. Ce fut alors que je songeai à employer
la méthode hypodermique. A l’aide d’une seringue de Pravaz, je
pratiquai donc aussitôt au flanc du blessé une première injection
de XX gouttes d’alcoolature d’aconit. Quelques minutes après,
le malade s’agita, et je constatai des battements désordonnés
du cœur. En même temps, je faisais méthodiquement pratiquer la
respiration artificielle. Encouragé par ce demi-succès, et sentant,
au bout d’un quart d’heure environ, le cœur s’arrêter de
nouveau et ses battements diminuer de nombre et de force, je pratiquai
une seconde injection de XX gouttes d’alcoolature d’aconit. Cette
fois, l’amélioration s’accentua ; le malade reprit connaissance
vingt minutes environ après. Mais, pendant près d’une heure, le
cœur battit de la façon la plus désordonnée, et notre ressuscité
entra dans un violent délire. Quarante-huit heures après, tout
rentra dans l’ordre, et le malade put suivre la colonne dans
sa marche ; mais il était sujet à de fréquentes syncopes, qui
finirent par disparaître grâce à l’administration journalière
d’une potion à XXX gouttes d’alcoolature d’aconit. J’ai
consigné tous ces faits dans mon rapport médical de fin de
campagne. Maintenant, comment agit l’aconit ? C’est ce que je
ne saurais dire. Il y a là, à n’en pas douter, un véritable
succès à enregistrer. Depuis, j’ai entendu dire que, par le même
procédé, notre collègue le Dr Emily, médecin de deuxième classe,
avait, dans des cas analogues, constaté les mêmes phénomènes et
obtenu les mêmes résultats. Comme on peut ne pas avoir toujours
sous la main de l’alcoolature d’aconit, on peut indifféremment
se servir d’une solution d’_aconitine_ titrée à un milligramme
par gramme, et en injecter, selon les circonstances, une, deux ou
trois seringues de Pravaz. Toutefois, on ne saurait se servir de ce
dernier médicament qu’avec la plus extrême prudence. »

_Fève de Calabar._ — La fève de Calabar est la graine du
_Physostigma venenosum_, Balf., de la famille des Légumineuses
papilionacées. C’est une plante vivace, ligneuse, grimpante,
atteignant jusqu’à 12 mètres de long. Elle croît de préférence
sur les bords des marigots. Relativement rare au Soudan, nous
ne l’avons rencontrée que dans le Diébédougou, non loin de
Mouralia, et dans le Dentilia, sur les bords du Daguiri-Kô et
du Koumountourou-Kô. Ses feuilles sont larges, et ses fleurs,
disposées en grappes pendantes, sont roses ou rouge pourpre. Le
fruit est une gousse de couleur brun foncé, longue de 15 à 20
centimètres, et contenant environ cinq à sept semences ovales,
de couleur brun chocolat, à épisperme dur, cassant, chagriné. Les
cotylédons sont volumineux, durs, friables, rétractés, et laissent
entre eux une sorte de cavité.

Nous avons supposé plus haut qu’elle entrerait dans l’antidote
du kouna. Les indigènes ne l’emploient pas autrement dans leur
thérapeutique.

J’ai entendu dire que, dans certaines de nos Rivières du Sud,
les habitants s’en servaient comme poison d’épreuve.

_Sénés._ — Le séné que l’on trouve au Niocolo est donné
par une espèce de cassia que l’on désigne sous le nom de _Cassia
obovata_, Coll. C’est une légumineuse césalpiniée. On en trouve
les trois variétés dans presque tout le Soudan. Mais c’est surtout
la _Platycarpa_, Bisch. qui est la plus commune. Toutefois, dans le
Grand-Bélédougou, notamment, et au Sénégal, dans les environs du
poste de Kaaédi, nous avons reconnu l’existence de deux autres
variétés, _genuina_ et _obtusata_. La variété _platycarpa_ est
caractérisée par des feuilles arrondies, obtuses. Ses grappes
florales égalent les feuilles, et ses gousses sont plus larges,
plus incurvées que celles des deux autres variétés. La variété
_genuina_, Bisch. diffère des deux autres en ce que ses folioles
sont arrondies au sommet, rarement aiguës. Les folioles extrêmes
sont obovées, et les grappes florales sont plus longues que les
feuilles. Quant à la variété _obtusata_, Vogel, les folioles sont
très obtuses au sommet. Les gousses sont en forme de faux. Les
folioles sont rarement toutes tronquées au sommet. Ce végétal,
à quelque variété qu’il appartienne, n’atteint jamais de
grandes dimensions, 2m50 au maximum. Il est facilement reconnaissable
à ses belles grappes florales, qui sont d’un beau violet, et à
ses fleurs, qui sont celles qui caractérisent particulièrement
les Légumineuses césalpiniées.

Les indigènes connaissent parfaitement les propriétés purgatives
du séné ; ils en récoltent les folioles, les font sécher, et les
administrent en infusion à la dose de 10 à 15 grammes dans environ
200 à 250 grammes d’eau. Ils s’en servent surtout dans les cas
de fièvres bilieuses, affection à laquelle ils sont fréquemment
sujets, surtout dans le sud de nos possessions soudaniennes. On
trouve le séné sur tous les marchés du Sénégal et du Soudan.

Le _Canéficier_ (_Cathartocarpus Fistula_, Pers., _Cassia Fistula_,
L.) est beaucoup moins connu que certains auteurs ont bien voulu
l’écrire. Nous n’en avons, au Soudan, trouvé que de fort
rares échantillons. C’est un beau végétal, dont le fruit est
connu sous le nom de _casse_. Ce fruit est une gousse siliquiforme,
indéhiscente, longue de 15 à 50 centimètres, épaisse de 2 à 3
centimètres, noire, lisse, pourvue de deux sutures longitudinales
assez larges et marquées de sillons annulaires peu apparents,
qui correspondent à autant de cloisons transversales.

Les loges déterminées par ces fausses cloisons renferment chacune
une graine, arrondie, lisse et rousse, qu’entoure une pulpe
légèrement aigrelette, noirâtre et sucrée. Cette pulpe est la
substance active. Elle est laxative. La casse d’Afrique est de
moins bonne qualité que celle d’Amérique, et peu connue dans
le commerce.

_Fogan._ — Le fogan, comme l’appellent les Ouoloffs, est
désigné par les Bambaras sous le nom de _Tirba_, et par les
Malinkés sous le nom de _Tirbo_. C’est une plante terrestre,
à tige souterraine, qui est bien connue de tous ceux qui ont
voyagé au Soudan. Vers le mois de décembre, la tige émet un
pédoncule long d’environ 5 centimètres et qui se termine par
un bourgeon floral. La fleur est éclose vers le commencement de
janvier. Elle est caractéristique. Ses larges pétales jaunes ne
permettent pas de la confondre avec les autres fleurs similaires
que l’on pourrait rencontrer. Elle est peu odorante et très
fugace. Ses pétales tombent cinq ou six jours après leur éclosion,
et sont remplacés par un fruit capsulaire qui arrive à maturité
vers le mois de mai. Quand la capsule est sèche, elle s’ouvre
d’elle-même et laisse échapper de nombreux flocons d’une
bourre blanche ressemblant à de la soie végétale. Dans cette
bourre sont noyées une quinzaine de graines noirâtres. Cette
bourre brûle presque instantanément, si on y met le feu avec
une allumette, en ne laissant, pour ainsi dire, pas de résidu. Le
fogan affectionne tout particulièrement les terrains ferrugineux,
et il croît de préférence dans les interstices des roches. On le
rencontre rarement dans les argiles et la latérite. Les indigènes
attribuent à ses graines des vertus aphrodisiaques. Le fogan
appartient probablement à la famille des Asclépiadées. Ce serait
l’_Asclepias curassavica_, L.

Le _Faham_ (_Angræcum fragrans_, Pet. Th.) est une orchidée dont
les feuilles servent à faire des infusions théiformes. Ces feuilles
sont longues de 8 à 16 centimètres, larges de 7 à 14 millimètres,
entières, coriaces, rectinerviées. Leur odeur est très agréable
et leur saveur très parfumée. Elles contiennent de la _coumarine_.

Le _Pois-de-cœur_ (_Cardiospermum halicacabum_, L.), Sapindacées,
est une plante herbacée, grimpante. Feuilles alternes, longuement
pétiolées. Fleurs irrégulières, polygames ou dioïques. Calice
à quatre divisions. Corolle blanchâtre à quatre pétales, huit
étamines, ovaire biloculaire. Loges uniovulées. Le fruit est une
capsule loculicide. La racine exhale une odeur nauséabonde. Elle
est diurétique et stimulante ainsi que les feuilles. Cette plante
est relativement rare.

Le _Cissampelos Pareira_, L., Ménispermacées, est plus commun que le
pois-de-cœur dans le bassin de la Gambie. On le trouve surtout dans
les régions les plus méridionales. Il croît également à la Guyane
dans le Maroni. C’est un arbuste grimpant dont il existe un grand
nombre de variétés. Feuilles alternes, peltées. Fleurs petites,
nombreuses. Inflorescence en grappes axillaires et dioïques. Fleurs
mâles régulières. Calice à quatre divisions. Corolle en forme de
capsule. Androcée représenté par une colonne courte, portant sur
les bords du sommet discoïde quatre loges d’anthères. Fleur
femelle composée d’un sépale et d’un pétale. Ovaire
uniloculaire. Style à trois branches. Le fruit est une drupe presque
globuleuse, rouge, comprimée et recouverte de longs poils.

Voici ce que de Lanessan, dans son remarquable ouvrage : _Les Plantes
utiles des Colonies françaises_, écrit au sujet des propriétés
de ce végétal : « La racine est une de celles qui constituent le
_Pareira brava_. Elle est amère, un peu sucrée, très diurétique,
mucilagineuse, et renferme de la _Pelosine_, identique, d’après
Flückiger, avec la bébérine et la buxine. Bien qu’elle soit fort
peu usitée aujourd’hui, cette racine passe encore pour pouvoir
dissoudre les calculs vésicaux ou rénaux et guérir les morsures
de serpents. La tige paraît posséder les mêmes propriétés que
la racine. »

_Doundaké_ ou _quinquina d’Afrique_ ou _Pêcher des
Nègres_ (_Sarcocephalus esculentus_, Afzel). (_Doy_
à Bassa, _Amelliky_ à Sierra-Leone, _Judali_ en
toucouleur). Rubiacées. Sarcocéphalacées. Ce végétal a dans
ces dernières années fait beaucoup parler de lui, et beaucoup
d’auteurs l’ont regardé comme un succédané du quinquina. Corre,
Afzélius, Féris, Bochefontaine, Marcus, Schlagdenhauffen et Heckel
l’ont successivement observé à différents points de vue. Mais
l’étude la plus consciencieuse et la plus complète qui en ait
été faite est assurément celle que notre excellent maître et ami
M. le professeur Heckel publia en collaboration avec M. le professeur
Schlagdenhauffen, de Nancy, dans les _Archives de médecine navale_
en 1885-1886. Leur beau mémoire fut couronné par l’Académie
des sciences et valut à ses auteurs le prix Barbier. Après leur
remarquable travail, nous n’avons rien à ajouter au sujet de cette
intéressante essence botanique. Aussi prions-nous le lecteur de ne
voir dans ce qui suit qu’un résumé trop succinct peut-être des
observations de ces deux éminents collaborateurs.

Ce végétal est aujourd’hui universellement connu sous le nom
de _Doundaké_. C’est ainsi que le désignent les peuplades qui
parlent la langue soussou. On le trouve en grande quantité dans
les environs de Hann, près de Dakar, dans toutes les Rivières
du Sud, et en Gambie nous en avons dans nos voyages rencontré de
nombreux et beaux échantillons. A Dakar ses fruits sont vendus
sur le marché. Les indigènes en sont excessivement friands et
les Européens eux-mêmes ne les dédaignent pas. Ces derniers les
appellent les _Pêches des Nègres_, bien qu’ils aient plutôt le
goût de la pomme.

Le doundaké croît un peu partout, mais il affectionne plus
particulièrement la zone maritime.

C’est un arbre ou plutôt un arbrisseau qui ne dépasse pas
quatre à cinq mètres en hauteur. Le diamètre de la tige des plus
beaux spécimens que nous ayons vus atteint tout au plus trente à
trente-cinq centimètres. Le tronc est à peu près complètement
nu et ne porte que rarement de petits ramuscules. Les branches
maîtresses se détachent sur le même plan à l’extrémité
de la tige, si bien que vu de loin, le doundaké présente en
quelque sorte l’aspect d’un énorme champignon. De plus,
son tronc est noueux. L’écorce en est rugueuse, fendillée et
jaunâtre. Les feuilles sont caractéristiques. Elles sont opposées,
acuminées et rétrécies à la base. Le limbe en est entier. Sa face
supérieure est lisse, d’un beau vert luisant. Sa face inférieure
est d’un vert pâle. Le pétiole est court et porte deux petites
stipules. Ces feuilles servent à envelopper les kolas. Comme elles
sont fort épaisses, elles contribuent à conserver ces graines
fraîches, car elles s’opposent, par leur constitution même, à
l’évaporation de l’eau qu’elles contiennent, et, de ce fait,
les kolas ne se dessèchent que lentement, si on a soin surtout de
les mouiller légèrement de temps en temps.

L’inflorescence est en faux capitules terminaux et
axillaires. Calice à cinq divisions. Corolle formée de cinq
pétales, caduque, de couleur blanc pâle ou blanc jaunâtre et
exhalant une bonne odeur de fleur d’oranger. Cinq étamines, ovaire
biloculaire. Style blanc. Loges pluriovulées. Ovules anatropes. Le
fruit est globuleux, ressemblant par la forme à celui du pêcher. Il
est syncarpique et de couleur rouge noir. Les graines en sont petites,
blanchâtres, ovoïdes. L’albumen en est charnu et les cotylédons
oblongs.

Le doundaké fleurit, suivant les régions, en mai, juin ou juillet,
et le fruit est mûr en octobre ou en novembre. Ce fruit a le goût
et l’odeur de la pomme.

Les propriétés toxiques et fébrifuges du doundaké sont connues
des indigènes des pays où il croît. Ainsi, Féris rapporte que
les Peulhs du Fouta-Djallon utilisent ses propriétés toxiques
pour empoisonner les flèches dont ils se servent pour chasser
les petits animaux, et que les indigènes du Rio-Nuñez, où il
est excessivement abondant, emploient son écorce en décoction
(30 grammes d’écorce environ pour 1,000 grammes d’eau)
pour combattre le paludisme. M. l’aide-pharmacien Combemale a
remarqué enfin qu’à Dakar et à Hann, les noirs en faisaient des
macérations qu’ils administraient contre les coliques. Nous-même,
enfin, avons pu constater que les Mandingues du sud de la Gambie
l’utilisaient également sous forme de macération et de tisane
pour combattre toutes les fièvres de quelque nature qu’elles
soient. Je me souviendrai toujours de l’extrême amertume d’une
macération de doundaké que m’administra à Nétéboulou un vieux
forgeron, grand expert, disaient ses compatriotes, pour ces sortes
de maladies, lorsque je fus atteint, dans cet hospitalier village,
d’accès journaliers de fièvre intermittente consécutifs à la
fièvre rémittente bilieuse grave qui y mit mes jours en danger.

Il résulte de ce qui précède que l’écorce du doundaké est
la partie réellement active de ce végétal, et que les indigènes
l’emploient couramment à l’exclusion de ses autres éléments
botaniques.

Corre est, à proprement parler, le premier qui, dans sa _Flore de
Rio-Nuñez_, ait attiré l’attention du monde savant sur cet arbre
et en ait fait connaître les propriétés fébrifuges.

Après lui, les différents médecins de la marine appelés
à servir dans les régions où on le rencontre en parlèrent
fréquemment dans leurs rapports. Mais, en réalité, ce furent
Féris, médecin-professeur du corps de santé de la marine,
aujourd’hui décédé ; Bochefontaine et Marcus qui l’étudièrent
et l’expérimentèrent méthodiquement. De l’intéressant
mémoire qu’ils publièrent à ce sujet et présentèrent à
l’Académie de médecine, il résulte que la partie la plus
active du doundaké serait bien l’écorce et qu’elle doit
ses propriétés fébrifuges à un alcaloïde spécial qu’ils
appelèrent la _doundakine_. Heckel et Schlagdenhauffen reprirent
peu après cette étude et démontrèrent de la façon la plus
évidente et la plus scientifique que cet alcaloïde n’existait
pas, et que le doundaké ne devait son action qu’à la matière
colorante spéciale que renferme son écorce. Voici, du reste,
les conclusions de leur remarquable travail :

« 1o La doundakine en tant qu’alcaloïde cristallisable n’existe
pas ; mais on peut conserver ce nom si l’on veut à la matière
colorante qui lui donne son action physiologique.

2o L’amertume des écorces de doundaké, tant de Boké que de
Sierra-Leone, est due à deux principes colorants, azotés, de nature
résinoïde, diversement solubles dans l’eau et dans l’alcool.

3o Les écorces contiennent, en outre, un autre principe sans saveur,
insoluble dans l’eau, mais soluble dans la potasse caustique,
de la glucose et des traces de tannin. »

Il existe deux variétés de doundaké que l’on a désignées sous
les noms de Doundaké de Boké et de Doundaké de Sierra-Leone d’où
elles sont originaires. Ces écorces diffèrent entre elles à la
fois par leurs caractères macroscopiques et par leur composition
chimique. Leur action est la même et, à ce point de vue, elles ne
se distinguent l’une de l’autre que par une différence de degré,
l’écorce de Sierra-Leone étant la plus puissante. On les falsifie
souvent avec l’écorce du _Morinda citrifolia_, L., Rubiacées.

Il résulte des expériences de Féris, Heckel, Bochefontaine,
et des observations de Besson, Vigné, Sambuc, Combemale, etc.,
etc., que le doundaké peut être employé contre l’anémie et
la cachexie palustres, la paralysie agitante. Il est fébrifuge et
antipériodique, mais à un degré moindre que le quinquina. Sous
ce rapport, il n’occupe que le deuxième rang, et malgré cela
il est précieux dans son pays d’origine où les cinchonées
sont inconnues.

_Fouff._ — Le fouff serait, d’après Lecart, un nom ouoloff donné
à un _Polygala_. M. le professeur Heckel dit qu’il est utilisé
au Sénégal et au Soudan contre la morsure des serpents. On
le préconise également contre la blennorragie. On se sert
particulièrement de la racine en macération et en infusion. Cette
dernière racine est caractérisée par une pénétrante odeur qui
ressemble un peu à celle du jasmin. D’après E. Heckel, cette
odeur serait vraisemblablement due à l’éther méthylsalicylique,
dont la présence a été récemment constatée par M. Bourquelot
dans plusieurs espèces du genre _Polygala_.

Le _Sendiègne_ est un petit arbuste très commun dans toute
cette région. Les indigènes vantent ses propriétés
antiblennorragiques. Ce végétal nous a paru être une
légumineuse. On fait avec la racine pilée ou concassée des
infusions et des tisanes qui sont regardées absolument comme
souveraines contre la blennorragie. Cette plante est très connue des
marabouts et des forgerons, et on la trouve sur le marché de Kayes,
au Soudan, aussi bien que sur celui de Saint-Louis, au Sénégal.

Le _Bakis_ (_Tinospora Bakis_, Miers), Ménispermacées, très
commun au Sénégal dans la province du Cayor, est au contraire
relativement rare au Soudan. Je ne l’y ai guère reconnu que dans
les environs de Kayes, non loin du petit village de Goundiourou. Dans
la Haute-Gambie, je l’ai rencontré en assez grande quantité
dans le pays des Coniaguiés. Elle affectionne particulièrement
les terrains sablonneux. C’est une plante grimpante, à feuilles
alternes. Inflorescence en grappes. Calice à six sépales. Corolle
à six pétales. Six étamines, trois carpelles. Le fruit est
une drupe. La racine est excessivement amère. On la trouve dans
les officines des marchands indigènes, sur tous les marchés de
Saint-Louis, Dakar, Gorée, Rufisque, Kayes. Les noirs utilisent ses
propriétés toniques, diurétiques et fébrifuges. Ils l’emploient
surtout contre la fièvre bilieuse simple ou rémittente à laquelle
ils sont aussi sujets que l’Européen. Ils en font des décoctions,
des macérations, et son usage est particulièrement fréquent
chez les peuples d’origine ouolove et sérère. Elle est aussi
préconisée contre les écoulements blennorragiques.

L’_Herbe au diable_ (_Datura tatula_, L.), de la famille
des Solanacées, croît en grande quantité dans le sud de nos
possessions soudaniennes. Elle affectionne particulièrement
les endroits humides et à l’abri des rayons du soleil. Elle
acquiert, dans ces régions, des proportions surprenantes. C’est
une plante annuelle, feuilles ovales oblongues, tige dressée,
fleurs axillaires de couleur violacée, ovaire à quatre loges. Le
fruit est une capsule couverte de piquants, graines noires.

Je ne crois point que les indigènes connaissent les propriétés
thérapeutiques de l’herbe-au-diable. Les feuilles de ce végétal
renferment un principe actif qui est un narcotique puissant, la
_daturine_. A dose élevée, il est toxique. On le regarde comme
plus efficace contre l’asthme que le _Datura stramonium_, L.

Le _Khoss_ (_Nauclea inermis_, H. Bn.) est un bel arbre qui atteint
parfois jusqu’à 15 mètres de hauteur. Feuilles ovales, opposées,
pétiolées. Inflorescence capituliforme. Bractées persistantes,
calice à cinq divisions gamosépale, corolle blanche tubulaire
exhalant une odeur agréable, cinq étamines libres, ovaire
infère. Le fruit est une capsule loculicide. Graines ailées.

L’écorce et les feuilles, employées en décoction, macération et
tisane, sont, paraît-il, fébrifuges. On les emploierait également
avec avantage contre les douleurs de l’enfantement.

Le _Bois-Ortolan_ (_Jatropha gossypifolia_, L.), Euphorbiacées,
est une plante herbacée à feuilles alternes, stipulées. Fleurs
monoïques, inflorescence en cymes, cinq sépales, cinq
pétales. Étamines en nombre variable, dix à douze ; ovaire à
trois loges. Le fruit est une capsule. C’est une des plantes les
plus usitées dans la pharmacopée des indigènes. Les graines
sont purgatives, l’écorce est réputée antiblennorragique,
et les feuilles sont couramment employées en tisane contre la
colique. Dans cette dernière affection, le bois-ortolan réussirait
à merveille. C’est pourquoi on lui a donné souvent le nom
d’_Herbe au mal de ventre_.

La _Cléome_ (_Cleome pentaphylla_, L.), Capparidacées, est très
commune dans tout le Soudan. Ses feuilles sont comestibles et passent
pour jouir des mêmes propriétés antiscorbutiques que le cresson
et le cochléaria.

Le _Bentamaré_ (_Cassia occidentalis_, L.) est une légumineuse
césalpiniée. Cette plante est connue sous le nom de _café nègre_
et d’_herbe puante_. Elle croît surtout dans les terrains
élevés et jouit d’une grande faveur dans la thérapeutique
indigène. C’est une plante facile à reconnaître. Elle est
buissonneuse. Fleurs jaunes. Le fruit est une gousse. On la trouve
également à la Martinique, où les noirs emploient ses feuilles
bouillies contre les maladies de peau. Ses graines, torréfiées,
sont employées en infusion contre les fièvres intermittentes. Sa
racine est diurétique et purgative. Ses graines, torréfiées et
réduites en poudre, servent à frauder le café, d’où le nom de
_café nègre_ qu’on lui donne parfois.

Le _Détar_ (_Detarium senegalense_, Gmel) est encore une légumineuse
césalpiniée que les Ouoloffs appellent _Méli_ ; les Malinkés
l’appellent _Mambo_, et les Bambaras _Manaba_. C’est un
bel arbre de 5 à 8 mètres de hauteur. Il croît surtout dans
les régions septentrionales du bassin de la Gambie et dans le
Bondou. Feuilles alternes, fleurs axillaires disposées en grappes,
calice à quatre divisions. Corolle à l’état embryonnaire, dix
étamines, ovaire uniloculaire, biovulé. Le fruit est une drupe
dont le sarcocarpe est abondant. La chair de ce fruit est farineuse
et sa couleur verdâtre est caractéristique. Il ressemble à une
pomme grise dont la peau serait rugueuse au toucher. On en trouve
en grande quantité sur les marchés du Sénégal et du Soudan,
et les indigènes en sont excessivement friands. Quand on le mange
avant qu’il soit arrivé à maturité complète, il a un goût
âpre absolument désagréable. Mais quand il est bien mûr, il est,
au contraire, excessivement parfumé. Il passe pour un des fruits
les plus nourrissants du Soudan. L’écorce de l’arbre serait un
poison très violent.

Il existerait dans le Rio-Nuñez une variété de détar dont le
fruit, absolument semblable au précédent, serait excessivement
vénéneux.

L’_Hojou_ (_Argemone mexicana_, L.), Papavéracées, croît
spontanément dans la brousse. On la trouve en notable quantité
dans les régions désertes et incultes du Tenda, du Kantora et du
Damantan. C’est une plante annuelle à tige épineuse et à latex
jaune citron. Feuilles alternes, fleurs terminales, calice à trois
divisions, corolle à quatre pétales jaunes. Étamines en nombre
variable, ovaire uniloculaire, pluriovulé. Le fruit est une capsule
épineuse s’ouvrant par trois valves.

Toutes les parties de la plante sont utilisées dans la
thérapeutique. Les graines sont purgatives. Elles donnent une
huile dont les propriétés drastiques sont aussi énergiques que
celles de l’huile de croton ; elles sont également vomitives. Les
fleurs sont narcotiques. Le latex sert à panser les verrues. Il
contiendrait également de la morphine. Enfin, l’écorce de la tige
et de la racine est employée en décoction contre les maladies de
la peau et de la vessie. Toutefois, les renseignements que j’ai
recueillis sur cette plante me permettent d’affirmer que seuls les
indigènes du Tenda l’emploient pour combattre cette maladie de
peau particulière qui y est si commune et qui a pour conséquence de
détruire complètement le pigment des parties du corps qui en sont
atteintes. Ils utilisent particulièrement le latex comme substitutif.

Beaucoup d’autres plantes sont encore utilisées par les
habitants de la Gambie dans leur thérapeutique. Elles sont trop
connues pour que nous en fassions une histoire complète. Nous
nous contenterons de citer ici les principales. Le _Touloucouna_
(_Carapa touloucouna_, Guill. et Per.), Méliacées, dont l’huile
est préconisée contre les rhumatismes, les dartres et les maladies
du cuir chevelu. L’_Anacarde_ (_Anacardium occidentale_, L.),
Térébinthacées, dont les feuilles sont employées en lotions
et gargarismes astringents. La racine est regardée comme
purgative. Le _Benailé_ (_Moringa pterygosperma_, Gærtn),
Capparidacées. Les fruits sont connus sous le nom de _noix de
ben_. L’embryon est purgatif et fébrifuge. L’écorce et la
racine sont antiscorbutiques, rubéfiantes et vésicantes. Le
_Guiguis_ (_Bauhinia reticulata_, Guill. et Per.), Légumineuses
césalpiniées, dont les feuilles sont expectorantes et l’écorce
antidiarrhéique et antidysentérique. Le _Cassia absus_, L.,
Légumineuses césalpiniées, dont les graines sont employées
contre les ophtalmies. Le _Papayer_ (_Carica papaya_, Gærtn),
Bixacées, dont les graines sont anthelminthiques. Le fruit, riche
en papaïne, est digestif et stomachique. Le _Dartrier_ (_Cassia
alata_, L.), Légumineuses césalpiniées, antiherpétique. Ce
sont ses feuilles qui sont utilisées surtout. Le _Djandam_ (_Boscia
senegalensis_, Lamk.), Capparidacées, est préconisé contre les maux
de tête. Ce sont ses feuilles, bouillies et réduites en pâte, qui
sont généralement employées. L’écorce du _Connarus africanus_,
Cov., Connaracées, est employée en décoction pour panser les plaies
et les brûlures. Les graines de _Cassia tora_, L., Légumineuses
césalpiniées, servent à frauder le café en poudre. Le mélange (1
café, 5 cassia) est connu sous le nom de _cassophy_. Ce végétal est
regardé comme purgatif et anthelminthique. Il est surtout employé
dans la thérapeutique des enfants. L’infusion des feuilles du
_Dialium nitidum_, Guil. et Per., Légumineuses césalpiniées,
_Cocito_ en malinké, est réputée sudorifique. Le _Pterocarpus
erinaceus_, (Poir.), Légumineuses papilionacées, _Vène_ en
ouoloff, _Kino_ en malinké, donne le _Kino de Gambie_. L’écorce
du _Benténier_ (_Eriodendron anfractuosum_, D. C.), Malvacées, est
émétique. Ses feuilles sont émollientes. Sa gomme est employée
contre certaines affections de l’intestin et surtout contre
les entérites chroniques. Le _Zanthoxylum senegalense_ (D. C.),
Rutacées, est regardé comme sudorifique et stimulant. Le _Quassia
africana_, L., _Simaba africana_, H. Bn., Rutacées, est fébrifuge
et surtout stomachique et tonique. La _Pourguère_ (_Jatropha curcas_,
L.), et le _Ricin_ (_Ricinus communis_, L.), Euphorbiacées, sont des
purgatifs bien connus. La _Brucea antidysenterica_, Mill., Rutacées,
est un excellent tonique réputé antidysentérique. Le _Guenoudek_
(_Celastrus senegalensis_, Lamk.), Célastracées, est un purgatif
léger précieux contre les diarrhées chroniques. La racine, le
bois et l’écorce du _Terminalia macroptera_, Guill. et Per.,
Combrétacées, sous forme d’infusion, sont purgatifs. Les fruits
sont astringents et employés contre la dysenterie. Le _Guiera
senegalensis_, Lamk., est diurétique et purgatif. Ses feuilles sont
utilisées sous forme d’infusions.

Les graines de l’_Amomum melegueta_, Rosc., en ouoloff _Enoué_,
sont employées dans la médecine vétérinaire. Le _Guieb-Golo_ ou
_Riz de Singe_ (_Vitis quadrangularis_, L.), Ampelidées, est utilisé
comme topique dans les brûlures. Ce sont les tiges qu’on emploie de
préférence, pilées et réduites en pâte bien homogène. Le _beurre
de karité_, que donne le _Butyrospermum Parkii_, Kotsch, Sapotacées,
sert à panser les plaies et ulcères de mauvaise nature. Il est aussi
utilisé contre les douleurs rhumatismales. L’écorce du _Calotropis
procera_, R. Bn., Asclépiadées, connue sous le nom d’_écorce de
Mudar_, est réputée tonique et diaphorétique. Celle du _Garigari_
(_Avicennia africana_, P. Beauv.), Verbénacées, est employée
par les indigènes pour combattre la gale. Le _Calebassier_
(_Crescentia cujete_, L.), Solanacées, jouit également de
propriétés thérapeutiques précieuses. On utilise son fruit dans
les bronchites rebelles, et il est également employé sous forme de
cataplasme contre les inflammations. Le _Perianthopodus globosus_,
H. Bn., Cucurbitacées, est employé comme purgatif. Le _Canthium
afzelianum_, Hiern, Rubiacées, est employé comme astringent. Ses
feuilles sont utilisées pour combattre l’enflure des jambes
(?). On les applique comme cataplasmes sur les parties malades, après
les avoir fait bouillir au préalable. L’écorce de l’_Eugenia
guineensis_, H. Bn., (_Sizygium guineensis_, D. C.), Myrtacées,
employée sous forme de décoction et d’infusion, est regardée
comme stimulante, antirhumatismale et antisyphilitique. Le fruit
du _N’taba_ (_Sterculia cordifolia_, Rob. Brown), Sterculiacées,
est employé contre certaines diarrhées rebelles par les indigènes
de la Haute-Gambie.

Nous mentionnerons enfin, en terminant, le _Kola_ (_Kola
acuminata_, R. Br. ; _Sterculia acuminata_, Pal. Beauv. ; _Sterculia
verticellata_, Shum. et Thoun.), Sterculiacées, que les indigènes
désignent, suivant les régions, sous le nom de _Ouoro_, _Gourou_,
etc. Bien que ce végétal ne croisse absolument nulle part dans
aucune région du bassin de la Gambie, nous ne croyons pas devoir
le passer sous silence, car les indigènes en font une abondante
consommation. Ses graines, connues sous le nom de _noix de kola_, leur
viennent par Bathurst et Mac-Carthy. Après les remarquables travaux
de M. le professeur Heckel, de Marseille, nous n’avons rien à dire
au sujet des propriétés thérapeutiques de ce précieux végétal,
qui est passé aujourd’hui dans la pratique courante. Nous prions
donc le lecteur que cette question pourrait intéresser, de vouloir
bien consulter le livre de notre savant maître et ami : _Les Kolas
africains_ (Société d’éditions scientifiques, Paris, 1893),
et notre mémoire : _La Noix de Kola_ (_Bulletin de la Société de
géographie commerciale de Bordeaux_, mars 1893, no 5).


           V. — =Végétaux produisant des matières textiles.=


Les végétaux de cette catégorie sont particulièrement communs
dans le bassin de la Gambie. Nous nous contenterons de parler ici des
principaux, de ceux seulement que notre industrie pourrait utiliser.

Le _Cotonnier_ (_Gossypium punctatum_, Guill. et Perrotet), de la
famille des Malvacées, croît d’une façon remarquable dans tout
le bassin de la Gambie. Les indigènes en font de superbes lougans
(champs cultivés) auxquels ils apportent un soin relativement
attentif. Ces lougans sont généralement situés aux alentours du
village afin que les femmes et les enfants, auxquels incombe le soin
de la cueillette, ne s’écartent et ne s’éloignent pas trop au
moment de la récolte.

Le terrain est, au préalable, bien débarrassé de toutes
les herbes qui pourraient entraver le bon développement du
végétal. Quand elles sont sèches, on les réunit en tas et on
les brûle. Les cendres sont répandues sur le sol et contribuent
à le fertiliser. Puis, à l’aide de la pioche, on pratique des
sillons distants les uns des autres d’environ 40 centimètres. La
terre en est bien relevée en dôme et, quand tout est fini, on
croirait que tout ce travail a été fait à la charrue. C’est
sur le point culminant de ces sillons que sont faits les semis. On
pratique simplement, à l’aide d’un morceau de bois, un trou
de 5 à 6 centimètres de profondeur dans lequel on introduit deux
ou trois graines que l’on recouvre d’un peu de terre. Le coton
lève environ deux semaines après avoir été semé. Il rapporte
six ou sept mois après. Une plantation faite en juin fleurit vers
la fin d’octobre, et la récolte peut être faite en janvier ou
février. Ce n’est guère que lorsque la capsule s’est ouverte et
que les soies s’en échappent que l’on y procède. Ce travail,
peu pénible, est fait par les femmes et les enfants. La cueillette
terminée, le coton est étendu sur des nattes, au soleil, afin
de le bien sécher et de le faire blanchir. Puis, les graines sont
enlevées et séparées de la bourre. Celle-ci, si on ne l’emploie
pas immédiatement, est placée dans des vases en terre où elle est
absolument à l’abri de l’humidité. A leurs moments perdus,
le soir notamment, dans les dernières heures du jour, les femmes
le filent à l’aide de petits fuseaux analogues à ceux dont on se
sert encore dans nos campagnes, et fabriquent un fil très résistant
avec lequel les tisserands tissent ces étoffes si appréciées des
noirs et dont, en maintes régions, ils se servent comme monnaies.

De tout temps, les indigènes ont cultivé et utilisé le coton,
et bien avant notre installation dans le pays, ils savaient en
fabriquer des étoffes. Mais pour cela, comme pour tout du reste,
ils font preuve de la plus grande imprévoyance et ne récoltent
que ce qui leur est absolument nécessaire pour leurs besoins. La
production, depuis que ces régions sont soumises à notre autorité,
n’a pas augmenté d’un kilogramme. Il faut dire aussi que nous
n’avons rien fait pour cela.

Le coton le plus commun en Gambie est le coton à courte soie
(_Gossypium Punctatum_, Guill. et Perrotet). Il est loin d’être
aussi beau qu’on a bien voulu le dire. Si l’on ne regarde que la
couleur, il est d’une blancheur éclatante. Mais il est peu souple,
difficile à filer et, surtout, le rendement est peu considérable. En
résumé, un coton de cette valeur n’est pas commercial en
Europe. En 1827, on a bien tenté d’acclimater, au Sénégal,
les espèces les plus estimées sur nos marchés. Successivement,
on y a cultivé les espèces _indicum_, Lk. ; _hirsutum_, L. ;
_barbadense_, L. ; _acuminatum_, Roxb. ; mais aucune n’a donné de
résultats satisfaisants. Les essais ont dû être abandonnés. Il
en sera encore de même aujourd’hui. Seule, l’espèce indigène
y réussira. Le climat, la nature du sol n’ont pas changé et
ne permettront jamais aux cotons de qualité supérieure d’y
prospérer. Bien plus, nous sommes intimement persuadé qu’ils
y dégénéreront aussi bien que les autres végétaux que l’on
a voulu y importer. Il serait bien plus logique d’améliorer par
la culture celui qui y croît déjà que de tenter des expériences
qui ne seront jamais, quoi qu’il arrive, rémunératrices.

Outre les espèces dont nous venons de parler, il en existe encore
une autre dite _Gossypium intermedium_, Tod. Peu abondante dans
le bassin de la Gambie, elle est surtout cultivée au Sénégal
et dans le Grand-Bélédougou. Elle donne un coton plus grossier,
de couleur jaune sale et dont les soies adhèrent fortement aux
graines. Le tissu que l’on en obtient est plus grossier et de
moins bonne qualité que le tissu que donne la première.

Les graines sont peu utilisées en dehors des semis. En Gambie, on en
extrait parfois l’huile et l’on s’en sert dans la thérapeutique
courante, surtout pour le pansement des plaies. En temps de disette,
les indigènes mangent parfois les jeunes feuilles de coton sous
forme de bouillie. On en fait également des cataplasmes très
émollients, et elles servent à préparer des bains souverains,
disent-ils, contre les douleurs rhumatismales des extrémités.

Le _Fromager_ (_Bombax ceiba_, L.) est une malvoïdée de la famille
des Bombacées. Sa tige est très volumineuse et atteint parfois
jusqu’à 8 et 10 mètres de hauteur. On montre, à Goniokori, les
deux fromagers sous lesquels campa Mungo-Park lorsqu’il passa dans
le village, et tous les Européens les connaissent sous le nom de :
« Fromagers de Mungo-Park. » Ils ont des dimensions réellement
gigantesques.

L’écorce du fromager ordinaire est d’une belle couleur vert
lézard. Elle est couverte d’épines volumineuses très acérées
et qui se détachent difficilement. Le bois, très tendre, est peu
employé. Les feuilles sont alternes, stipulées et généralement
peu abondantes. L’arbre en porte toute l’année. Il fleurit
en janvier ou en février et ses fruits arrivent à maturité
en juin ou juillet. Ces fruits secs ont l’endocarpe chargé de
poils à l’intérieur, et ils renferment une trentaine de graines
qu’entoure une sorte de bourre laineuse caractéristique qui permet
aisément de reconnaître ce végétal.

Le fromager proprement dit croît dans les terrains légèrement
humides et a besoin d’une forte terre pour bien prospérer. Nous
en avons vu à Mac-Carthy de beaux spécimens.

Il existe au Soudan deux sortes de fromagers : le fromager proprement
dit et le _Dondol_. Ce dernier présente des particularités qui
méritent d’être signalées. A l’encontre de son frère, il
croît, de préférence, dans les terrains pauvres en humus, surtout
sur les plateaux ferrugineux, si communs dans ces régions arides
et désolées. Il n’acquiert jamais les énormes proportions du
fromager proprement dit. Le diamètre de sa tige ne dépasse guère 40
ou 50 centimètres au maximum. Son écorce, au lieu d’être verte,
a une couleur brun noirâtre prononcée. Elle est profondément
fendillée et il n’y a que les jeunes rameaux qui présentent
des épines peu adhérentes et qui tombent au bout de deux ou
trois ans. Ses rameaux sont peu nombreux et de petites dimensions
si on les compare au tronc. Ils ne portent que de rares feuilles
alternes et stipulées, peu persistantes, et qui tombent dès les
premières chaleurs. Les feuilles ne se montrent que longtemps après
la floraison. Celle-ci a lieu vers la fin de décembre. A cette
époque, l’arbre se couvre de belles fleurs d’un rouge vif qui
sont absolument caractéristiques de ce végétal. Elles ne durent
guère que trois à cinq jours au plus et tombent naturellement. Au
pied de l’arbre, le sol en est littéralement jonché. Rien de
curieux à voir comme le dondol en fleur : on dirait un superbe
pied de flamboyant, mais absolument dépourvu de feuilles. Du rouge,
rien que du rouge, les rameaux disparaissent entièrement sous cette
avalanche de couleurs vives et chatoyantes. A ces fleurs succèdent,
en quantité relativement considérable, les fruits. Ces fruits sont
secs, déhiscents, à coque de couleur marron foncé, et s’ouvrant
aisément au choc. La grande chaleur suffit pour les faire éclater
quand ils sont arrivés à maturité. L’endocarpe est chargée
de poils doux et soyeux à l’intérieur. La cavité de ce fruit
(tous ceux qui ont vécu au Soudan le connaissent bien) est remplie
par une bourre épaisse, laineuse, douce au toucher, et ayant à
la lumière le reflet de la soie. A l’époque de la maturité,
c’est-à-dire en mai, juin et juillet, le sol en est couvert au
pied des arbres. Elle est excessivement légère, très riche en
nitrate de potasse, et, même sous un gros volume, s’enflamme
rapidement et brûle comme le coton-poudre en ne laissant qu’un
résidu absolument insignifiant. Cette bourre est très difficile à
tisser et à filer. J’ai, cependant, entendu dire que les indigènes
du Canadougou, pays situé à l’est du Niger, dans la partie la plus
méridionale de sa boucle, s’en servaient parfois pour fabriquer des
étoffes de prix et pour exécuter de fines broderies. Elle est, par
contre, très bonne pour confectionner des matelas et des oreillers ;
nous l’avons souvent employée à cet usage.

Cette bourre enveloppe une trentaine de graines noirâtres qui
diffèrent de celles du fromager ordinaire, d’après M. le
professeur Cornu, du Muséum d’histoire naturelle de Paris, en ce
qu’elles ne sont pas bosselées. Je dédie cette espèce nouvelle
à M. le professeur Cornu, en l’appelant _Bombax Cornui_.

Parmi les végétaux de cette catégorie, nous pouvons encore citer
le _Baobab_ (_Adansonia digitata_, L.), Malvoïdées. Les fibres
de son écorce servent à fabriquer des cordes excessivement
résistantes. Celles du _Bambou_ (_Bambusa arundinacea_, L.),
Graminées, sont employées aux mêmes usages. Il en est de même
de celles des feuilles du _Rônier_ (_Borassus flabelliformis_,
L.), Palmiers. Les feuilles du _Bananier_ (_Musa paradisiaca_,
L.), Musacées ; celles de l’_Agave_ (_Agavus americana_, L.),
Agavées, renferment également des fibres que le tissage pourrait
utiliser. Le squelette fibreux du fruit de la _Liane-Torchon_
(_Momordica operculata_ ou _muricata_, L.), Cucurbitacées ; les
fibres du _Fafetone_ (_Calotropis procera_, R. Br.), Asclépiadées,
et la soie qui entoure ses graines sont encore employés soit pour
la couture, soit pour la fabrication de cordages et le tissage des
étoffes. Enfin, on pourrait également faire servir aux mêmes usages
les fibres de l’_Ananas_ (_Bromelia ananas_, L.), Broméliacées,
et celles de l’_Aloès_ (_Aloé_, L.), Liliacées, qu’il serait
facile de cultiver dans ces régions où ils prospèrent d’une
façon remarquable.


       VI. — =Végétaux pouvant être utilisés pour la teinture.=


Le plus commun, et celui qui pourrait donner lieu à l’exploitation
la plus rémunératrice, est l’_Indigo_. Ce végétal est très
commun dans toute cette région et chaque village en possède
plusieurs beaux lougans aux environs des cases. Les indigènes en
retirent la couleur bleue dont ils se servent pour teindre leurs
étoffes. L’indigo de la Gambie est donné par l’_Indigofera
tinctoria_, L., Légumineuses papilionacées. La culture de cette
plante est très facile. Elle croît, pour ainsi dire, spontanément,
et on n’a besoin absolument que de la semer. Ses feuilles sont
récoltées vers la fin du mois de novembre et les ménagères leur
font subir la préparation suivante : On les fait sécher au soleil et
macérer ensuite dans environ trois fois leur poids d’eau pendant
plusieurs heures ; on y ajoute une petite quantité de cendres, on
laisse reposer et on décante. Le produit ainsi obtenu est alors
pétri en pains qui ont la forme de cônes et mis à sécher au
soleil. On a soin tous les soirs de les rentrer pour ne pas les
exposer à l’humidité. Ces pains ont à peu près la forme
conique. Leur poids varie de 500 grammes à 3 et 5 kilog. C’est
sous cette forme, ou bien en petits fragments, que l’on trouve
l’indigo sur tous les marchés du Soudan. Son prix varie de 4 à
6 francs le kilog. Cet indigo donne une couleur bleu violacé, qui
est en grand honneur chez tous les peuples du Soudan. Mais elle passe
rapidement et les étoffes qu’elle a servi à colorer déteignent
au lavage. Les indigènes ignorent, en effet, les procédés les
plus efficaces pour la fixer. Ils ne se servent, pour cela, que des
cendres d’un arbre très commun dans toutes ces régions, le _Rhatt_
(_Combretum glutinosum_, G. et Perr.), Combrétacées.

Bien que l’indigo du Soudan soit de qualité inférieure aux
indigos de Java, du Bengale et d’Amérique, nous estimons qu’il
pourrait être utilisé avec fruit par nos industriels. C’est
pourquoi nous devrions faire tous nos efforts pour propager dans
notre colonie cette plante dont le rendement considérable sera
certainement rémunérateur.

Le _Rocouyer_ (_Bixa orellana_, L.), Bixacées, existe à l’état
sauvage dans le bassin de la Gambie. Les indigènes ne le cultivent
pas. Il est de plus relativement rare. Les graines de cet arbuste,
écrasées dans l’eau chaude, donnent une matière colorante rouge
et résineuse que l’on désigne sous le nom de _rocou_. Cette
matière une fois fermentée et desséchée est dure et peu
odorante. Elle renferme deux principes colorants : un rouge vif
que l’on désigne sous le nom de _bixine_, qui est résineux et
soluble dans l’alcool bouillant, et un jaune appelé _orelline_,
qui est soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther. Le rocou du
commerce exhale une odeur nauséabonde parce que, pour le maintenir
mou, on l’additionne d’urine.

Le rocouyer se reproduit de lui-même et pousse très rapidement
dans les terrains humides.

Le _Calama_, que les Ouolofs appellent _Rhatt_ ou _Rehatt_, est
un beau végétal de haute taille. C’est une Combrétacée,
le _Combretum glutinosum_, Perr. Il croît, de préférence,
dans les terrains pauvres en humus, sur les terrains rocheux
et sur le versant des collines. On le trouve partout au Soudan,
mais c’est surtout dans le Bambouck, le Birgo, le Gangaran, le
Manding et le Bélédougou qu’il est le plus commun. Les Malinkés
l’emploient surtout en teinture. Ce végétal est appelé _Calama_
par les Bambaras, _Rehatt_ ou _Rhatt_ par les Ouolofs, _Kéré_
par les Malinkés et _Kodioli_ par les Sarracolés. Les cendres de
son bois servent à fixer les couleurs de l’indigo ; les Bambaras
et les Malinkés surtout retirent de ses feuilles une couleur qui
leur sert à teindre en jaune sale et en rouge couleur de rouille
leurs boubous et leurs pagnes.

Cette couleur est, pour ainsi dire, la couleur nationale des
Malinkés. Ils l’affectionnent tout particulièrement. Voici
comment ils procèdent : Ils récoltent les feuilles sur l’arbre
quand elles sont encore très vertes, les font sécher, puis les
écrasent entre leurs mains. Ceci fait, on verse dessus environ deux
fois autant d’eau qu’il y a de feuilles, et on laisse infuser
à froid pendant au moins vingt-quatre heures. On plonge alors
l’étoffe à teindre dans cette infusion et on la laisse tremper
pendant douze heures. On la retire alors et on fait sécher. La teinte
plus ou moins foncée donnée à l’étoffe tient non pas au temps
plus ou moins long qu’elle reste dans la liqueur, mais au degré
plus ou moins grand de concentration de celle-ci. Cette couleur est
aussi contenue dans les racines, mais je ne me souviens pas avoir
entendu dire qu’elles soient utilisées par les indigènes.

Cette teinture est très adhérente. On la fixe à l’aide des
cendres du végétal lui-même. Elle résiste même à la pluie,
au lavage à l’eau chaude et au savon. Chez les Bambaras et
les Malinkés, les femmes de forgerons acquièrent une véritable
habileté pour la préparer. La façon de cette teinture se paie
environ cinq moules de mil (8 kilog. à peu près) par pagne ou
par boubou.

Les feuilles du _Khoss_ (_Nauclea inermis_, H. Bn.) donnent
également une belle couleur jaune que les indigènes utilisent
pour teindre leurs cuirs. Il en est de même de la _Morinde_
(_Morinda citrifolia_), Rubiacées. La couleur que l’on retire
de ce dernier végétal est d’un beau jaune safran. Enfin, des
feuilles et des tiges de certaines variétés de _Mil_ (_Sorghum
vulgare_, L.), Graminées, le _Baciba_ et le _Guessékélé_, par
exemple, les forgerons retirent, je ne sais trop par quel procédé,
une belle couleur rouge vineux qui leur sert à teindre les pailles
avec lesquelles ils tressent leurs corbeilles, leurs chapeaux et
les paillassons destinés à couvrir les calebasses.

Le _Diabé_ n’est autre chose que le _Henné_ (_Lawsonia inermis_,
L.), de la famille des Lythrariées. Ce végétal est assez commun
dans toute cette région, mais on le trouve surtout dans le Bambouck,
le Dentilia et le Manding. Les indigènes en utilisent les feuilles
pour teindre en jaune très foncé leurs cuirs ; mais elles sont
surtout estimées des femmes qui s’en servent pour se colorer en
rouge acajou les ongles et souvent aussi la paume des mains. Voici
comment on procède pour obtenir cette coloration si appréciée
des élégantes : On récolte les plus jeunes feuilles de diabé ;
on les pile de façon à en faire une pâte bien homogène. Puis,
on enduit de cette pâte chaque ongle. La main tout entière
est ensuite enveloppée de feuilles quelconques et on a soin
de maintenir très humide ce pansement pendant trois ou quatre
jours. Puis, on l’enlève, et, les mains lavées, on trouve les
ongles teints en jaune rougeâtre acajou. Cette coloration persiste
pendant trois ou quatre mois ; après ce temps, il faut recommencer
l’opération. Cette teinture des ongles est considérée par les
négresses comme un attribut essentiel de l’élégance. Filles,
femmes de chefs et de notables, ne manquent pas de la faire avec
soin. Les griotes s’offrent parfois aussi ce luxe.

Cette pratique est surtout en honneur chez les Peulhs et chez les
peuples qui appartiennent à cette race. Elle est plus rare chez
les peuples de race mandingue. Quelques jeunes gens adoptent aussi
cette mode, mais ce fait est peu fréquent.

Le henné est appelé _Diabé_ par les peuples de race mandingue,
et _Pouddi_ par les Peulhs et leurs congénères.


   VII. — =Végétaux produisant du caoutchouc et de la gutta-percha.=


Ils existent en quantité considérable dans tout le bassin de la
Gambie et leur exploitation pourrait donner des résultats importants
et des bénéfices certains.

Les _Ficus_ sont très communs dans toute cette région. Ils
donnent tous des caoutchoucs plus ou moins estimés. On y trouve
les variétés les plus nombreuses de ce beau végétal. Les plus
fréquentes sont : le _Ficus sycomorus_, L., le _Ficus Afzelii_, L.,
le _Ficus rugosa_, L., le _Ficus macrophylla_, Desf. Ce dernier est
très commun, surtout dans le Bondou. C’est, pour ainsi dire, le
seul arbre de toute cette région qui donne un beau feuillage. Le
_Ficus elastica_, Roxb., est malheureusement assez rare ; on ne
le trouve guère que dans la Haute-Gambie, la Haute-Falémé et
dans le haut cours du Bakhoy et du Bafing. Nous en avons trouvé
quelques rares échantillons dans le Dentilia, le Konkodougou et
le Bambouck. Quant au _Banyan_ (_Ficus religiosa_, W.), il est
très commun dans tout le bassin de la Haute-Gambie où il atteint
des proportions gigantesques. Le Niocolo, le Badon, le Dentilia et
le Gounianta notamment en possèdent de superbes échantillons. A
l’incision, il donne également du caoutchouc ; mais il paraîtrait
qu’il est de plus mauvaise qualité que celui qui est extrait du
_Ficus elastica_.

Les caoutchoucs qui nous viennent de la côte occidentale d’Afrique
sont, en majeure partie, donnés par diverses grandes lianes de
la famille des Apocynées. Il en existe dans tout le bassin de la
Gambie un grand nombre de variétés. Nous ne parlerons ici que
de celles dont l’exploitation pourrait donner des résultats
satisfaisants. « Le caoutchouc qu’on en extrait est très
inférieur aux caoutchoucs d’Amérique et d’Asie. Néanmoins,
quand il a été travaillé tout frais, on parvient à en obtenir
d’assez bons produits, tandis que si on le laisse d’abord
s’égoutter et sécher à l’air, il éprouve à la surface une
oxydation particulière à la suite de laquelle il se décompose et
coule comme de la mélasse. Il exhale une odeur désagréable qui
lui est propre et qu’il conserve même après la vulcanisation. »
(Roret.)

Le _Fafetone_ n’est autre chose que le _Calotropis procera_,
R., Br., de la famille des Asclépiadées ; il donne par incision
du caoutchouc. _Fafetone_ est le nom ouolof de cette plante. Les
Malinkés l’appellent _N’goyo_, les Bambaras _N’gei_ et les
Peulhs _Poré_. C’est une liane qui atteint parfois des dimensions
considérables. Elle croît partout dans les Rivières du Sud,
au Gabon, au Fouta-Djallon, sur les bords du Tankisso et dans la
majeure partie des régions situées dans la boucle du Niger. Elle
aime un terrain humide ; aussi est-elle très commune dans les pays
où l’hivernage se prolonge. Au Soudan, au contraire, où la saison
des pluies ne dure guère plus de quatre mois au maximum, on ne la
trouve que sur les bords des marigots. Elle fait absolument défaut
dans le Bondou, le Ferlo, le Kaméra, le Fouladougou, le Bambouck et
le Manding. Elle est, par contre, très abondante dans les bassins
de la Gambie et de la Haute-Falémé. Elle sécrète un suc laiteux
qui, par évaporation, donne du caoutchouc d’excellente qualité.

Les noirs du Soudan ignorent absolument tout procédé pour recueillir
le caoutchouc. Ce n’est guère qu’à partir de la Gambie qu’on
commence à le récolter, et la production augmente sensiblement au
fur et à mesure qu’on s’avance dans le sud. Mac-Carthy est le
point le plus septentrional où l’on commence à voir apparaître
ce précieux produit. Les indigènes du sud de la Gambie en apportent
chaque année davantage aux comptoirs de la _Compagnie française
de la côte occidentale d’Afrique_ et de la _Bathurst trading
Company, limited_. En 1890, il en a été acheté environ 4,500
kilog. et, d’après les renseignements qui m’ont été donnés,
cette quantité n’était qu’un minimum comparé aux achats faits
depuis. Le caoutchouc que les indigènes apportent aux factoreries
de la Gambie est en boules, de la grosseur du poing environ. Sa
couleur est brun foncé à la surface ; mais, à l’intérieur,
il est d’un blanc grisâtre. Quand on les fend par le milieu,
on constate à l’intérieur des lacunes assez grandes remplies
d’un liquide parfois abondant, surtout quand la récolte a été
faite récemment. Ce liquide est absolument nauséabond. Aussi les
commerçants, avant d’acheter, ont-ils l’habitude de fendre
les boules pour le faire écouler et aussi pour s’assurer
que le caoutchouc n’est pas fraudé ; car les indigènes ont
l’habitude, dans certaines contrées, d’introduire des cailloux
à l’intérieur des boules. A Mac-Carthy, le caoutchouc se vend à
peu près 1 fr. 25 le kilog. Les noirs mélangent parfois à leur
stock de boules, des boules de gutta. Les traitants les refusaient
toujours comme du caoutchouc de mauvaise qualité ; il n’en est
plus de même aujourd’hui.

Les Dioulas emploient, paraît-il, l’écorce du fafetone comme
stimulant. Ils lui attribuent des vertus aphrodisiaques. L’écorce
de la racine est connue depuis longtemps en matière médicale
sous le nom d’_écorce de Mudar_ ; elle est réputée tonique et
diaphorétique. Les feuilles de ce végétal ont de plus, pour les
Malinkés du Ghabou et les Peulhs du Fouladougou, la propriété
de clarifier l’eau. Les Pahouins du Gabon, les Soussous et les
Balantes fabriquent avec ses fibres des fils très résistants. Enfin,
les graines sont entourées d’une courte soie qui sert à faire
des fils qui, colorés en jaune ou en rouge, servent à coudre les
boubous des élégants du Fouta-Djallon. On dit que cette soie serait
dangereuse à manier et à travailler, car elle est très cassante
et les petits fragments que l’on en peut absorber par la voie
respiratoire détermineraient de graves affections pulmonaires.

_Laré_ ou _Saba._ — Cette liane (_Vahea senegalensis_,
A. D. C.) est nommée _Laré_ par les peuples de race peulhe et
_Saba_ par les noirs de race mandingue. Elle atteint souvent des
proportions gigantesques. Nous en avons vu fréquemment dont le tronc
atteignait la grosseur de la cuisse d’un homme vigoureux. C’est
une Apocynée du genre _Landolphia_ ou _Vahea_. Elle s’attache
toujours aux grands végétaux et acquiert parfois un si grand
développement que l’arbre qui la porte disparaît complètement
sous son feuillage. Elle est très facile à reconnaître à son
port majestueux et au dôme de verdure qu’elle forme au-dessus
des végétaux auxquels elle s’attache. Ses fleurs, blanches,
qui ont la forme de celles du jasmin, exhalent une odeur des plus
agréables qui permet d’en reconnaître au loin la présence. Ses
fruits sont tout aussi caractéristiques. Ils sont volumineux et
affectent la forme d’une orange, de celles que l’on désigne
sous le nom de _Pamplemousses_ (_Citrus decumana_). Leur coloration
est vert sombre quand ils ne sont pas mûrs. Arrivés à maturité,
ils sont, au contraire, d’une jaune rouge qui ne permet de les
confondre avec aucun autre. Ils poussent à l’extrémité des
petits rameaux. Ils contiennent à l’intérieur une trentaine de
graines de formes pyramidales qui sont noyées dans une pulpe jaune
d’or d’un goût délicieux et excessivement rafraîchissante. Ce
goût rappelle un peu celui de la cerise.

On trouve le laré partout au Soudan français ; mais les contrées
où il est en plus grande abondance sont le Niocolo, le Baleya,
l’Amana, le Dinguiray, etc., etc. Il croît de préférence,
sur les bords des marigots, dans les terrains humides, marécageux
surtout. Nous avons pu remarquer que les larés qui poussent dans les
argiles et sur les plateaux ferrugineux sont moins développés et
présentent une vitalité bien moins grande que ceux qui croissent
sur les rives des marigots.

Plus on avance vers le sud et plus ce végétal devient commun. Nul
doute qu’il ne croisse également sur le bord des rivières du sud
et de leurs affluents. Le Dr Crozat, dans son voyage au Fouta-Djallon,
l’a trouvé partout dans ce pays et en grande abondance. Il existe
de même en grande quantité dans toutes les régions situées dans la
boucle du Niger, dans le pays de Ségou et dans le Macina. D’après
les renseignements que nous avons pu recueillir sur ce précieux
végétal, il ne disparaîtrait complètement que sur les confins du
Sahara, au nord, à l’ouest, sur les limites extrêmes de la zone
maritime, et on le trouverait partout dans les régions méridionales
et orientales du centre Afrique.

Toutes les parties du laré donnent un suc abondant. A part quelques
ficus, c’est peut-être au Sénégal et au Soudan le végétal
qui donne la plus grande quantité de latex. En outre, ce latex
donne un caoutchouc qui nous semble le meilleur de tous les produits
similaires de vahea d’Afrique.

Pour l’extraction, point n’est besoin de procédés particuliers
pour pratiquer les incisions. La simple incision longitudinale
ou transversale laisse écouler de grandes quantités de suc. Les
Pahouins du Gabon extraient le caoutchouc en sectionnant complètement
les lianes. Au bout de chaque fragment se forme une petite boule de
la substance, qu’ils récoltent vingt-quatre heures après. Mais
c’est là un procédé barbare, dont le résultat sera de dépeupler
rapidement leur pays. Le procédé par la simple incision donne, il
est vrai, un rendement bien moins abondant, mais il a pour avantage
de conserver au végétal toute sa vitalité, car il ne souffre
aucunement des blessures qu’on peut lui faire, si nombreuses
qu’elles soient.

En toutes saisons et à n’importe quelle heure du jour le laré
donne une grande quantité de latex. L’âge et l’état des
végétaux influent peu sur la production. J’ai remarqué, toutefois
que les individus qui croissaient dans les terrains riches en humus
en donnaient beaucoup plus que ceux qui habitaient les terres maigres
et les plateaux rocheux et argileux.

Le suc ainsi obtenu a l’aspect d’un blanc parfait. Il ressemble
à s’y méprendre à du lait frais. Il renferme une proportion
considérable de caoutchouc et poisse fortement les doigts. A l’air
libre, il se coagule rapidement par la simple évaporation. C’est
assurément de tous les végétaux à caoutchouc celui qui donnera
toujours en tous lieux et en tous temps les résultats les plus
satisfaisants et surtout les plus rémunérateurs. Il nous souvient
avoir entendu raconter par nos camarades ce fait, à savoir que,
sur les bords du Tankisso, M. le lieutenant de vaisseau Hourst,
commandant la flottille du Niger, avait pu, en un temps relativement
court, par les moyens tout primitifs qu’il avait à sa disposition,
en récolter des quantités relativement considérables. Cela permet
d’augurer que l’exploitation en serait facile et fructueuse.

Le caoutchouc du laré présente, à s’y méprendre, les
caractères macroscopiques de celui de l’hevea. Jouit-il des mêmes
propriétés ? Tout permet de l’espérer. Des échantillons ont
été rapportés en France et ont été soumis à l’analyse. Les
résultats obtenus en ont été favorablement concluants. Nous ne
saurions trop attirer l’attention sur ce précieux végétal,
qui, à notre avis, est appelé prochainement à un grand avenir
industriel et commercial.

Le _Delbi_ est encore une liane de la famille des Apocynées. Son
feuillage rappelle celui du laré ou saba dont nous avons parlé
plus haut. Il croît de préférence sur les hauts plateaux et,
en bien moins grande quantité, sur les bords des rivières,
fleuves et marigots. On le trouve partout au Soudan. Ce sont les
peuples de race peulhe qui lui ont donné le seul nom sous lequel
nous le connaissions. Il n’acquiert que rarement de grandes
dimensions, et son pied a, tout au plus, 6 à 8 centimètres de
diamètre. Ses fleurs, blanches, ont à peu de chose près les
caractères macroscopiques de celles du laré, et, comme elles,
ressemblent à s’y méprendre à celles du jasmin, dont elles
rappellent du reste l’odeur. Le fruit est un follicule sec, qui
contient environ 25 à 30 graines comprimées. Il est mûr vers la
fin de mars. L’aspect maigre et chétif de cette liane ne permet
pas de la confondre avec le laré. Comme cette dernière, elle laisse
découler à l’incision un suc blanc laiteux, très aqueux, et qui
poisse les doigts. Nous serions tenté volontiers de croire que ce
n’est autre chose qu’un caoutchouc de mauvaise qualité. Pendant
la saison sèche, le suc fait absolument défaut. On n’en trouve
que pendant l’hivernage et encore en très petite quantité. Les
indigènes du Niocolo notamment se servent des feuilles du delbi pour
panser certains ulcères de mauvaise nature. Nous ne voyons pas quelle
peut bien être leur action thérapeutique. Cette plante doit être,
d’après le professeur Heckel, le _Vahea Heudelotii_, A. D. C.

Le _Bonghi_, ainsi nommé par les peuples de race peulhe, est appelé
_Nombo_ par les Bambaras et les Malinkés. C’est encore une belle
liane de la famille des Apocynées. Elle croît, de préférence,
dans les bas-fonds humides, et est très rare. Nous ne l’avons
trouvée en grande quantité que dans les environs de Dalafine
dans le Tiali ; on la rencontre, il est vrai, un peu partout au
Soudan, mais elle est partout très clairsemée. Elle acquiert
de grandes dimensions, surtout dans les terrains très humides,
et elle est facile à reconnaître à son port majestueux et au
dôme de verdure qu’elle forme au-dessus des végétaux auxquels
elle s’attache. Son feuillage rappelle celui du laré et celui
du delbi, mais ses fleurs ne permettent pas de la confondre avec
ces deux dernières lianes. Au lieu d’être blanches, elles sont
rosées, volumineuses, et leur calice est hypocratérimorphe. Elle
donne à l’incision un suc blanc laiteux, aqueux, et qui poisse
légèrement les doigts. Contrairement au delbi, elle en laisse
découler en toutes saisons, mais en bien plus grande quantité
pendant l’hivernage que pendant la saison sèche. A cette
époque de l’année, c’est à peine s’il vient sourdre, peu
après l’incision, quelques rares gouttelettes qui se coagulent
immédiatement et donnent un produit ayant l’aspect de celui
que l’on obtient du laré. Pendant l’hivernage, au contraire,
le rendement est bien plus considérable, sans cependant égaler ce
que l’on obtient du laré. Les indigènes n’emploient le bonghi
à aucun usage. Cette plante, d’après l’opinion du professeur
Heckel, serait le _Vahea florida_, F. Mueller.

De même que le caoutchouc, à la côte occidentale d’Afrique,
est presque uniquement donné par des végétaux appartenant à
la grande famille des Apocynées, de même la gutta-percha n’y
est extraite que des essences d’un même échelon botanique, la
famille des Sapotacées. Les guttas ayant une autre origine sont
généralement peu commerciales et de qualités inférieures.

La question de la gutta est aujourd’hui absolument capitale en
France. Jusqu’à ce jour elle a été uniquement donnée par un
végétal de la famille des Sapotacées, l’_Isonandra-gutta_. Cet
arbre croît dans les forêts de la presqu’île de Malacca et dans
les îles voisines : Singapoore, Poulo-Pinang, etc., et surtout dans
les îles qui forment l’archipel malais, Sumatra, Java, Sumbava,
Timor, Bornéo, etc., etc. On ne le trouve pas ailleurs que dans cette
partie du monde. L’isonandra-gutta se développe lentement et on
ne peut guère extraire de gutta que des végétaux âgés d’au
moins vingt années. Le procédé le plus généralement employé
dans toutes ces régions pour se procurer ce précieux produit est
l’abatage. Les arbres étant parvenus à une grosseur suffisante
sont coupés au pied ; puis on pratique sur le tronc, à la distance
de 40 à 50 centimètres, des incisions annulaires dont la profondeur
ne dépasse pas l’épaisseur de l’écorce. On place alors sous
chaque incision un récipient quelconque pour recevoir le suc. Si
l’on songe que la production d’un arbre âgé de cent ans ne
dépasse pas 18 kilogrammes et qu’en moyenne il faut abattre
environ dix arbres pour obtenir 7 à 8 kilogrammes ; si, de plus,
l’on considère que, chaque jour, la consommation et les besoins
augmentent dans d’énormes proportions, on comprendra aisément que,
par ce procédé brutal, la destruction des forêts devait être la
conclusion fatale et la conséquence inévitable. « Or, écrivait
un auteur technique il y a quelques années, quelque rapide que soit
la végétation dans les contrées tropicales, quelque rapide que
puisse être la multiplication de l’isonandra-gutta, il n’est
guère possible de penser que de telles pertes puissent être
réparées, et il semble certain que, dans un avenir peu éloigné,
la gutta-percha deviendra d’abord rare et plus tard manquera
peut-être aux nombreuses industries qui en tirent aujourd’hui un
utile parti. » Ce fut pour entraver cette rapide destruction que
l’on imagina le procédé d’extraction par incision, analogue à
celui que l’on emploie pour le caoutchouc. Mais l’écoulement
par les incisions se fait très difficilement, en sorte que, les
bénéfices des travailleurs baissant considérablement, on en est
revenu au procédé par abatage. C’est actuellement en Malaisie
le seul en usage.

Ce qui avait été prédit jadis est aujourd’hui un fait accompli
et la gutta de l’isonandra se fait de jour en jour plus rare sur
nos marchés européens. De plus, nous sommes, sous ce rapport,
absolument tributaires des Anglais, et jusqu’à ce jour rien
n’avait été fait pour tenter d’en découvrir des sources de
production nouvelles. En 1891, à la suite d’un article paru, sous
la signature de M. le professeur Heckel, dans le _Petit Marseillais_,
et traitant de la rareté et de la disparition prochaine de la gutta
des îles de la Sonde, article qui amena la réunion à Paris d’une
conférence technique à laquelle prit part son auteur, dont la
mission était de rechercher le remède à apporter à une situation
menaçante pour une branche primordiale de l’industrie française,
le gouvernement, sur sa proposition, décida que des missions
scientifiques seraient envoyées dans nos principales colonies,
en Cochinchine, au Soudan français, à la Guyane pour y rechercher
des végétaux similaires de l’isonandra susceptibles d’être
immédiatement exploitables. Le long séjour que j’avais fait au
Soudan français et les différentes missions dont j’y avais été
chargé me firent choisir par M. le sous-secrétaire d’État des
colonies pour explorer à ce point de vue nos possessions africaines
de cette région. Je devais particulièrement étudier le _Karité_
(_Butyrospermum Parkii_, Kotschy), sapotacée qui donnait une gutta
qui semblait pouvoir être utilisée, et rechercher d’autres
végétaux susceptibles d’être exploités. Ce sont les résultats
que j’ai obtenus que je vais exposer dans ce qui suit.

En même temps, M. le pharmacien de 2e classe des colonies Geoffroy,
licencié ès sciences naturelles, fut chargé d’aller à la Guyane
étudier le _Mimusops Balata_, Gærtn, Sapotacées. Ce vaillant est
mort dernièrement, à la suite des fatigues de sa mission accomplie
au Maroni avec le plus grand dévouement et le plus grand succès. De
son côté, la direction générale des postes et télégraphes
envoyait en Cochinchine M. Sérullas pour y faire des recherches
analogues sur d’autres végétaux similaires. M. Sérullas réussit
pleinement et découvrit même un procédé d’extraction nouveau,
dont il fut beaucoup parlé, il y a quelques années, mais qui, je
crois, n’est pas encore passé dans la pratique courante. Voici
à ce sujet ce que publiait, le 28 novembre 1891, la _Revue
scientifique_ : « On a beaucoup parlé de la nécessité de mettre
un terme à la destruction des forêts d’_Isonandra-gutta_ par
les Malais, si l’on ne veut que d’ici à un temps peu éloigné
la gutta ne soit plus qu’un souvenir. Mais comment empêcher
des barbares, qui vivent indépendants ou ne reconnaissent la
suzeraineté d’un état civilisé qu’à peu près nominalement,
de continuer à suivre leurs usages destructeurs et d’abattre sans
merci les arbres précieux que la nature met un siècle à faire,
pour recueillir de leur précieux produit la fraction dérisoire
qu’un botaniste anglais, M. Wray, évalue à un trente-septième ?

M. Sérullas, qui a retrouvé l’_Isonandra-gutta_ dans l’île
de Singapoore, où l’on croyait l’espèce éteinte, a cherché
la solution dans une exploitation rationnelle de l’arbre par
les Européens, complétée par des procédés scientifiques
d’extraction de la gutta. L’abatage des arbres ferait place
à des émondages périodiques des feuilles et des jets, et ce
serait de ceux-ci que se ferait l’extraction. La manutention
qu’on leur ferait subir à cet effet consisterait, d’après
l’_Électricien_, à les hacher finement et à les traiter
par un acide dont la composition reste le secret de M. Sérullas,
jusqu’à obtention d’un liquide rouge-brunâtre. Ce liquide, mis
avec un peu d’eau dans un alambic, est soumis à la distillation
sous la température douce d’un bain de vapeur prolongé pendant
une demi-heure seulement. Ce temps suffit à l’élimination de
l’acide, et la gutta-percha reste dans l’alambic comme résidu.

Les feuilles et les jets ainsi traités fourniraient en gutta 2 0/0 de
leur poids. C’est beaucoup, si l’on considère que le procédé
barbare des indigènes ne donne en gutta, suivant les calculs de
M. Wray, que 5 0/0 du poids de l’écorce de l’arbre abattu. »
(_Revue scientifique_, 28 novembre 1891.)

Bien que ce qui précède soit un peu en dehors de l’objet tout
spécial de ce mémoire, nous avons cru devoir le rapporter ici
pour bien montrer au lecteur combien est importante aujourd’hui
la question de la gutta-percha. Mais revenons à notre sujet. Nous
disions en commençant ce paragraphe que la gutta-percha était
au Soudan français et dans toute l’Afrique centrale donnée par
des végétaux appartenant à la famille des Sapotacées. Le plus
important est, sans contredit, le _Karité_.

Le _Karité_ ou _Shée_ (_Butyrospermum Parkii_, Kotschy) est un arbre
qui atteint des proportions fort respectables et qui est assez commun
au Soudan français. Il appartient à la famille des Sapotacées. Tige
droite, cylindrique, feuillage vert sombre, feuilles verticillées à
l’extrémité des jeunes rameaux qui se terminent par un bourgeon
caractéristique. Fleurs anisostémonées, gamopétales hypogynes,
étamines en nombre multiple, ovaire à fleurs uniovulées —
fleurs toujours hermaphrodites — périsperme charnu. Le fruit
est une drupe. La pulpe de ce fruit est fort appréciée de tous,
Européens et indigènes, quand il est mûr. Mage, le Dr Bayol, le
colonel Gallieni, Binger en parlent avec le plus grand bien dans leurs
relations de voyages. Nous-même avons pu nous en assurer fréquemment
pendant nos différents séjours au Soudan. Son écorce noirâtre,
la couleur rougeâtre de son bois quand on le sectionne et le latex
qui découle des incisions qu’on y pratique ne peuvent permettre
aucun doute à son sujet.

Il existe au Soudan deux variétés de karités qu’il importe de
ne pas confondre, le _Shée_ et le _Mana_. Le shée, de beaucoup
le plus commun, se distingue assez difficilement du mana à
première vue. Cependant, un caractère tout particulier, très
visible à l’œil le moins exercé permettra de ne pas commettre
d’erreur. _L’écorce du shée est noirâtre, tandis que celle
du mana est blanchâtre._ De plus, et c’est là le caractère
distinctif, capital et sur lequel nous insisterons le plus :
_Le shée, à l’incision, laisse couler un suc blanc laiteux,
relativement abondant, tandis que le mana n’en a pas, en quelque
saison et en quelque circonstance que ce soit qu’on opère._ Le
fruit de tous les deux donne un beurre végétal que les indigènes
utilisent pour la cuisine et pour panser les plaies, et dont nous
avons déjà parlé dans le cours de ce Mémoire.

Le shée, de même que le mana, du reste, se développe très
lentement, et c’est à peine si, au bout de vingt années environ,
son tronc acquiert un diamètre d’une vingtaine de centimètres.

On trouve le karité, d’une façon générale, dans tout le Soudan
français. Disons tout d’abord que le shée est de beaucoup le plus
commun. On ne trouve guère le mana que dans les régions du sud
de la colonie, et encore y est-il assez rare. Le karité habite,
de préférence, les terrains à latérite et les terrains à
roches ferrugineuses. Il est rare d’en trouver dans les argiles
compactes. Nous avons à ce point de vue remarqué que le mana
affectionnait surtout ces derniers terrains, tandis que les premiers
étaient particulièrement aimés du shée. On ne trouve jamais,
disons plutôt que très rarement, l’une et l’autre espèce
sur les bords des marigots, des fleuves et des rivières. Elles
fuient tout particulièrement les terrains vaseux et marécageux. On
rencontre, en résumé, le shée sur les plateaux ferrugineux, dans
les terrains à latérite et sur le versant des collines formées
de grès, quartz et conglomérats. Il n’est pas rare de voir de
beaux échantillons se développer parfois vigoureusement où la
terre végétale semble faire absolument défaut. En général,
les karités qui poussent dans ces endroits atteignent de faibles
proportions et affectent des formes bizarres, qui frappent par
leur étrangeté et leur monstrueux aspect. Les karités qui se
développent, au contraire, dans les terrains riches en latérite
sont de beaux végétaux à tiges absolument droites et à ramures
et feuillages bien fournis. Ces quelques remarques s’appliquent
d’une façon régulière à tous ces végétaux.

De ce que nous venons de dire de son habitat, il est facile de
conclure quelle peut être l’aire d’extension de ce végétal.

Quoi qu’on en ait pu dire et quoi qu’on en puisse dire encore,
nous ne craignons pas d’affirmer que le karité est très abondant
au Soudan français. On ne le rencontre, il est vrai, nulle part en
forêts compactes, et dans les régions où nous l’avons vu le
plus abondant, le Niocolo, par exemple, les pieds sont toujours
distants les uns des autres de cinquante à soixante mètres
environ. Ils n’en sont pas moins fort nombreux et nous estimons
qu’il y en a partout une quantité suffisante pour donner lieu à
une exploitation rémunératrice. Nous croyons, en outre, qu’il
serait très facile d’arriver à développer considérablement
ce végétal par les semis et la culture. Ce résultat pourrait
même s’obtenir sans cela, si on pouvait arriver à empêcher les
indigènes d’incendier, chaque année, la brousse pour défricher
les terrains qu’ils destinent à la culture. Ces incendies ont, en
effet, pour résultat, au point de vue tout spécial qui nous occupe,
de détruire en grand nombre les jeunes pieds de karité et même
ceux qui n’offrent pas une résistance suffisante. Mais aussi,
hâtons-nous de dire que, chez les peuples du Soudan, la routine a
une telle puissance qu’il sera, de longues années, impossible de
leur faire comprendre tout l’intérêt qu’ils ont à multiplier ce
végétal et à le cultiver. On arrivera difficilement à persuader
au noir qu’il aurait grand intérêt à planter et à semer tout
autre végétal que ceux qui lui donnent un rendement immédiat.

On ne trouve le karité ni dans le _Baol_, ni dans le _Saloum_, ni
dans le _Sine_, le _Fouta_, le _Ouli_, le _Sandougou_, le _Niani_,
le _Oualo_, le _Rip_, le _Badibou_, le _Djoloff_, le _Ferlo_,
le _Bondou_, le _Cayor_ et le _pays des Maures_, c’est-à-dire
dans tous les pays où le sol est formé de sables ou de terrains
argileux. On ne le trouve pas non plus dans la zone maritime. De
la côte au 14° environ de longitude ouest, il fait absolument
défaut. Encore à partir de là, la ligne qui sépare les deux zones
suit-elle une courbe que nous allons essayer de décrire. Nous ne nous
occuperons pas ici de la région située au nord du Sénégal. Nous ne
l’avons jamais visitée, et, à ce sujet, nous n’avons pu obtenir
que des renseignements absolument contradictoires. En remontant
le fleuve le Sénégal, et en suivant la ligne ferrée de Kayes
à Bafoulabé, nous trouvons les premiers karités aux environs du
village de Diamou, environ vers le kilomètre 58 de la ligne. Nous
prendrons ce point comme départ de notre ligne de démarcation. De
là, notre ligne se dirigerait vers l’ouest-sud-ouest et
atteindrait la Falémé au village de Bountou environ. Au sud de
cette ligne, nous trouvons des karités et au nord pas. De Bountou,
elle suivrait à peu près la frontière sud du Tiali par Coufadou,
Dianna, Safalou et aboutirait au confluent du Niéri-Kô et de la
Gambie. De là, elle suivrait la Gambie jusqu’aux environs de la
rivière Grey et se dirigerait directement au sud. Tous les pays
situés au nord, nord-ouest, ouest et sud-ouest de cette ligne ne
possèdent aucun karité. Tous les pays à l’est, au contraire, en
contiennent en quantité. Le _Tenda_, le _Gamon_, le _Damantan_, le
_Coniaguié_, tout le _Fouta-Djallon_, le _Niocolo_, le _Kolladé_,
le _Dentilia_, le _Bambouck_, le _Konkodougou_ entiers en sont
tous couverts. Partout à l’est de cette ligne on en trouve des
quantités. Parmi les régions où ce végétal est le plus commun,
nous citerons particulièrement le _Tenda_, le _Coniaguié_,
le _Bassaré_, le _Damantan_, le _Niocolo_, le _Dentilia_, le
_Konkodougou_, le _Manding_, le _Bélédougou_ (grand et petit), le
_pays de Ségou_. A l’est du Niger il y en aurait aussi beaucoup
dans les états de Samory, les états de Tiéba, etc., etc. Binger
le cite fréquemment dans la relation de son voyage, comme un des
végétaux les plus communs des pays qu’il a explorés. De même,
Mage pour le Ségou, Quiquandon pour le Kénédougou et tous les
officiers de la colonne du colonel Humbert que j’ai pu interroger
à ce sujet, pour les pays compris entre le Niger et Kérouané,
point extrême où nos colonnes s’étaient avancées dans cette
région à l’époque à laquelle nous écrivions ce Mémoire. En
résumé, au Soudan français, les karités n’apparaissent, en
allant de l’ouest à l’est, que vers le 15° 10′ de longitude
ouest point extrême, et dans le Tenda, du nord au sud, que vers le
16° 22′ de latitude nord. Au sud, nous ne pouvons guère fixer
que la limite extrême. Mais nous croyons toutefois qu’on ne
trouve pas les espèces shée et mana au-dessous de la latitude de
la Mellacorée. Nous croyons cependant que l’on en doit trouver
dans toutes les régions orientales de l’Afrique centrale, et
ce qui nous permettrait de le dire, c’est que Schweinfurth en a
reconnu l’existence jusqu’en Abyssinie. Quoi qu’il en soit,
ce qui doit surtout nous intéresser, c’est qu’on en trouve
partout au Soudan français dans les limites que nous venons de
décrire. Ce point était important à établir.

Si l’on pratique des incisions intéressant toute l’épaisseur du
karité, on verra s’écouler un suc blanc laiteux. Ce suc, coagulé,
donne de la gutta-percha. On a cru pendant longtemps que le produit
ainsi obtenu était du caoutchouc. Les travaux de M. le professeur
Heckel, de Marseille, ne peuvent laisser subsister aucun doute à
ce sujet. Nous croyons qu’il n’était guère facile cependant
de s’y tromper, lors même qu’on ne s’en serait uniquement
tenu qu’à un examen attentif de ses caractères macroscopiques.

On ne peut songer à user pour le karité du procédé de
l’abatage. Ce végétal disparaîtrait rapidement. Nous estimons
que l’incision est de beaucoup préférable. D’abord parce
qu’elle donne moins de travail et, en second lieu, parce que, si
nombreuses qu’elles soient sur un même végétal, il n’en souffre
pas. Nous avons pu constater, en effet, que des karités auxquels
les indigènes avaient antérieurement fait d’énormes blessures
n’en avaient pas souffert et conservaient toute leur vitalité. Il
résulte des nombreuses expériences auxquelles nous nous sommes
livré, que l’incision longitudinale parallèle à l’axe du
tronc ou du rameau ne donnait pas de résultats satisfaisants, de
même, du reste, que la simple incision faite perpendiculairement
à l’axe. L’écoulement de suc produit dans les deux cas est,
en toutes circonstances, peu abondant. A force de tâtonnements nous
sommes arrivé à trouver deux modes d’incisions qui paraissent
atteindre le but que l’on se propose. La première consiste à
faire à la hache pour les grosses billes, au couteau pour les
jeunes rameaux, deux incisions inclinées et se réunissant à la
base en forme de V, puis pratiquer au point de jonction de ces deux
incisions une troisième assez large, une sorte de lèvre qui les
réunisse. Le suc qui coule des deux premières incisions se collecte
dans la troisième, où on le récolte. Le second procédé consiste
à inciser simplement l’écorce perpendiculairement à l’axe,
en forme de lèvre. Cette dernière incision a le désavantage de
donner un rendement plus faible que les deux premières.

Quel que soit, du reste, le procédé employé, le rendement
est toujours peu abondant. Ainsi, nous estimons tout au plus à
500 grammes la production d’un arbre arrivé à son complet
développement, et encore, en pratiquant environ une dizaine
d’incisions sur toutes les parties de l’arbre et aux époques
les plus favorables.

Le rendement obtenu diffère suivant les saisons, les heures du jour
où on pratique les incisions, l’âge et l’état des végétaux
et les régions où ils habitent.

Répétons tout d’abord qu’en aucune saison les manas ne
donnent de latex. Il ne faut donc s’adresser uniquement qu’aux
shées. C’est pendant l’hivernage, et à l’époque de la
floraison, que le rendement est le plus considérable, c’est-à-dire
de la fin de juin au commencement de février. Pendant la saison
sèche, du mois de février au mois de juin surtout, il ne faut pas
compter faire une récolte abondante. Cela tient sans doute à ce
que, à cette époque de l’année, se font le plus sentir les vents
secs de nord-est et d’est. Selon toutes probabilités, ces vents
brûlants favorisent et excitent au plus haut degré l’évaporation
de l’eau du latex et rendent ainsi l’écoulement moins abondant
et pour ainsi dire nul.

D’après les observations auxquelles nous nous sommes livré,
il résulterait que le rendement serait bien plus faible pendant la
journée que le soir, le matin et pendant la nuit. C’est surtout
pendant la nuit, de huit heures du soir à sept heures du matin,
que ces opérations doivent être faites. Nous avons pu constater
que des végétaux qui, saignés à deux heures de l’après-midi,
ne nous donnaient qu’une récolte insignifiante, produisaient,
au contraire, un suc abondant pendant la nuit. Dans ces deux cas, le
rendement est, pendant la saison sèche à celui de l’hivernage,
comme un est à quinze, et pendant le jour à celui de la nuit, du
matin ou du soir, comme un est à dix. L’explication que nous avons
donnée de ces différences, au sujet des saisons, peut parfaitement
s’appliquer aussi aux différences de rendement observées pendant
le jour et la nuit. Un fait que nous avons pu également enregistrer
est le suivant : le rendement est bien plus faible pendant les nuits
où soufflent les vents secs de nord-est et d’est que pendant
celles où se font sentir les vents humides du sud et du sud-ouest.

L’âge des végétaux influe aussi sensiblement sur le rendement
en suc. Il ne faut pas s’attaquer aux végétaux trop jeunes pour
plusieurs raisons importantes. Trop jeune, le karité ne supporterait
pas aussi bien les blessures faites par les incisions et alors la
destruction de l’arbre serait aussi rapide que par le procédé
de l’abatage. De plus, le rendement est bien moins abondant,
et le suc contient une proportion d’eau bien plus considérable,
à tel point qu’il se coagule difficilement par l’évaporation,
qui est pourtant très rapide dans ces régions, surtout par vent
d’est. Enfin ce produit obtenu ne m’a pas paru aussi bon que
celui que donnent les végétaux plus âgés.

Il ne faut non plus opérer sur des individus trop âgés. Dans
ce cas, les incisions sont plus difficiles à pratiquer, car on a
affaire à des billes de bois souvent très volumineuses. Nous avons
vu dans le Niocolo, le Dentilia et le Konkodougou notamment, des
végétaux dont le diamètre du tronc atteignait aisément quarante
et cinquante centimètres. Enfin, le rendement est peu abondant,
peu rémunérateur et demande un travail plus grand. L’écorce
du karité, surtout chez les végétaux âgés, est exclusivement
épaisse, il ne faut l’oublier ; de plus, le suc est relativement en
quantités minimes et, sur les grosses billes, c’est à peine si,
après avoir normalement et profondément incisé, on voit sourdre
quelques gouttelettes qui se coagulent aussitôt.

D’après ce que nous venons de dire, nous croyons qu’il serait
bien plus profitable de n’opérer que sur des végétaux d’âge
moyen et arrivés à complet développement. Là, on trouve un suc
relativement abondant, se coagulant aisément par l’évaporation,
et donnant un rendement en gutta bien plus considérable que dans les
deux autres cas. De plus, point capital, en aucune circonstance,
l’arbre ne souffre des incisions, si nombreuses qu’elles
puissent être.

L’état des végétaux n’est pas non plus sans avoir une grande
influence sur le rendement. Nous avons pratiqué de nombreuses
incisions sur toutes sortes de karités, et voici quel a été le
résultat de nos observations. Les végétaux qui nous ont donné les
résultats les plus satisfaisants ont toujours été ceux qui étaient
absolument sains, ceux qui étaient les plus vigoureux. Hâtons-nous
de dire cependant que, sur les végétaux portant déjà de grandes
cicatrices de blessures anciennes, nous avons également bien réussi
en incisant les bourrelets d’écorce qui se forment autour des
blessures. De même, on rencontre fréquemment des karités dont le
tronc semble absolument mort. Les rameaux principaux ont disparu,
et, à leur place, à un endroit quelconque de la bille, a poussé
un rameau que j’appellerais volontiers de seconde végétation. Eh
bien ! si on incise le tronc, on n’aura qu’un rendement absolument
insignifiant, tandis que, si l’on opère sur le rameau, le rendement
est tout au moins normal. Quoi qu’il en soit, en général,
il faut surtout s’adresser aux végétaux sains. D’après les
renseignements que m’ont donnés les indigènes, les rameaux de
second ordre dont nous avons parlé plus haut ne porteraient jamais
ni fleurs ni fruits et ne se développeraient que péniblement et
lentement. Malgré cela, je le répète, ils donnent un rendement
suffisant. Il y aurait donc lieu de ne pas les négliger.

La région influe peu sur la production du suc. Toutefois, nous
tenons à signaler ce fait que le rendement nous a semblé plus
considérable chez les karités qui se trouvent sur les plateaux
et sur les versants des collines que chez ceux qui vivent dans
les vallées. Ceci mérite explication. Nous voulons dire que le
rendement en gutta extraite est plus abondant chez les premiers que
chez les seconds. Ceux-ci donnent peut-être un suc plus abondant ;
mais il nous a paru contenir une plus grande proportion d’eau.

La nature du terrain influe aussi beaucoup sur la production. Les
karités réellement riches en gutta sont ceux qui croissent dans les
terrains ferrugineux dont la latérite forme la base. Les quelques
échantillons que l’on trouve dans les terrains argileux marécageux
et sur le bord des marigots sont peut-être plus riches en latex,
mais ils sont assurément plus pauvres en gutta. Nous citerons à
ce propos un fait que nous ne saurions expliquer ; c’est que les
karités qui nous ont paru les plus propres à être exploités et
être ceux qui donnent le rendement le plus considérable, sont
ceux qui croissent sur le flanc des collines, entre les rochers,
où la terre végétale fait parfois complètement défaut.

Si de ce que nous venons de dire nous voulons tirer quelques
conclusions pratiques, nous pourrons, en terminant ce chapitre,
établir les règles suivantes :

Pour extraire la gutta-percha du karité, il sera bon d’opérer
sur des individus sains, d’âge moyen, croissant de préférence
dans un terrain ferrugineux à latérite. Le procédé à employer
sera l’incision soit en forme de V dont les branches seront
réunies à leur point de jonction par une troisième incision en
forme de lèvres, soit la simple incision en forme de lèvres. Elles
devront être pratiquées sur le tronc et les rameaux du végétal,
et faites le soir vers huit heures. On laissera couler pendant toute
la nuit, et la récolte sera faite vers sept heures du matin. Il sera
préférable de pratiquer l’exploitation à la saison des pluies
ou à l’époque de la floraison, de la fin de juin au commencement
de février.

Nous terminerons ce chapitre en exposant sur quelles parties du
végétal doivent porter autant que possible les incisions afin
d’obtenir un résultat favorable.

En principe, toutes les parties du karité laissent écouler du suc ;
mais en plus ou moins grande quantité. Le tronc donne le rendement
le plus faible, surtout pendant la saison sèche. Les rameaux, et
particulièrement les jeunes, sont relativement les plus riches. Il
en est de même des racines et de la pulpe du fruit. Les feuilles
en contiennent également. Il serait intéressant, à ce propos,
de rechercher si, par le procédé préconisé par M. Sérullas, et
dont nous avons parlé plus haut, on obtiendrait avec les feuilles
du karité les résultats qu’il a obtenus pour les feuilles et les
jeunes tiges de l’isonandra. D’après ce qui précède, il est
facile de conclure que les incisions devront porter, de préférence,
sur les rameaux ; mais nous ne voulons pas dire par là que les tiges
doivent être négligées. Bien loin de là, elles doivent être,
au contraire, incisées avec le même soin que les autres parties
du végétal.

Le liquide ainsi obtenu est un suc d’un blanc laiteux, sirupeux. Il
ne coule pas en grande quantité, et la production varie, comme nous
l’avons exposé plus haut, dans maintes circonstances. Quoi qu’il
en soit, cette production est toujours très faible. Cela tient
beaucoup à ce que, l’évaporation étant excessivement active, la
coagulation se fait presque immédiatement après l’apparition de
la goutte. L’orifice produit par la section des canaux producteurs
est alors presque de suite obstrué. Cela nous amène évidemment
à indiquer le procédé d’extraction le plus pratique. Après
ce que nous avons dit plus haut à ce sujet, nous estimons qu’il
serait plus profitable de pratiquer les incisions d’abord sur un
grand nombre de végétaux à la fois que sur un seul isolément. On
laissera le suc s’échapper à l’air libre ; il se coagulera,
et, le lendemain ou même simplement quelques heures après, on
procédera à la récolte de la gutta ainsi coagulée. C’est,
du reste, le procédé employé par les Pahouins, au Gabon, pour la
récolte du caoutchouc, et il donne de très bons résultats.

Répandu sur les doigts, ce suc les poisse et les rend collants. On
ne peut guère alors s’en débarrasser que par le raclage. Son
odeur est légèrement vireuse et sa saveur celle que l’on
peut avoir en mâchant des feuilles vertes de peuplier. Il se
coagule rapidement sous l’action de la chaleur solaire et par
évaporation. De même sa coagulation se fait vivement à l’aide
des acides (acide acétique surtout), éthers et alcools. Mais,
pour l’extraction, je le répète, point n’est besoin de se
servir des acides, l’évaporation suffit. Les noirs s’en servent
simplement, parfois, pour panser des ulcères de mauvaise nature. Ils
se contentent de l’étendre sur la plaie. Il ne joue là que le
rôle de corps isolant, absolument comme ce topique auquel on a
donné le nom de _traumaticine_, et qui n’est autre chose que de
la gutta-percha dissoute dans du chloroforme.

Le coagulum ainsi obtenu est de la gutta. Si on laisse
l’évaporation se faire sur l’arbre lui-même, il est brun
rougeâtre, et, sous une masse assez épaisse, il prend la couleur
noir chocolat très foncée. Cette coloration est due, croyons-nous,
aux matières colorantes que contient l’écorce du karité. Obtenu,
au contraire, dans un vase à l’air libre, il se présente sous
l’aspect d’une masse de couleur blanchâtre, légèrement teintée
de rose. Vue sous une faible épaisseur, la gutta est absolument
opaque. Réduit en boule et pétri, le coagulum, obtenu comme nous
venons de le dire, donne au palper la sensation d’un corps gras.

Nous croyons, en effet, que la gutta du karité n’est pas absolument
pure et doit contenir des matières grasses en quantité relativement
considérable.

L’exploitation des karités au Soudan français, au point de vue
de la gutta, pourra-t-elle se faire dans des conditions assez peu
onéreuses et surtout rémunératrices ? Car il convient de ne pas
perdre de vue que cette question de la gutta est absolument capitale
pour plusieurs branches importantes de notre industrie nationale. Le
jour est peut-être plus proche qu’on ne le pense où l’isonandra
aura complètement disparu. Il faudra alors demander ce précieux
produit au karité et aux autres végétaux similaires de la famille
des Sapotacées, quitte à le débarrasser de ses impuretés, à
moins toutefois que d’ici là le problème ne soit résolu par la
chimie. Nous ne craignons pas tout d’abord de dire qu’au point
de vue de l’extraction, on se heurtera à de grandes difficultés
matérielles. Il ne faut pas oublier que les régions où l’on
trouve le karité en Afrique sont fort éloignées de la côte. Le
plus grand obstacle que l’on aura en premier lieu à surmonter sera
donc celui que présentent les moyens de transport. Les dépenses
qu’il y aura à faire pour amener la substance à la côte ou même
simplement à un point quelconque où le transport pourra se faire
plus économiquement, soit par eau, soit à l’aide d’animaux,
soit par voie ferrée, quintupleront au moins sa valeur intrinsèque,
et le prix de revient en sera de ce fait remarquablement élevé. En
second lieu, par qui faire exploiter ? Les habitants des pays de
production le pourraient évidemment, mais il y aura là à lutter
contre la routine, l’inertie si connue des noirs. Il faudra bien
des années pour arriver à leur faire comprendre tout l’avantage
qu’ils pourraient avoir à se livrer à cette industrie. Cela
n’est pas dans leurs habitudes, et il est bien difficile de leur
en faire prendre de nouvelles. Faire exploiter par des Européens,
il n’y faut pas songer. Il en est bien peu qui résisteraient à
l’influence pernicieuse du climat. Le mieux, croyons-nous, en ce
qui concerne la côte occidentale d’Afrique serait de dresser à
ce travail des indigènes de Saint-Louis, Dakar, Rufisque, Gorée,
des Ouolofs. Ils y arriveraient rapidement et pourraient aisément,
sous la direction de quelques contremaîtres blancs ou mulâtres,
enseigner aux indigènes du pays les procédés d’extraction. Mais
le meilleur remède serait encore d’introduire, de multiplier, de
cultiver les végétaux à gutta dans toutes celles de nos colonies
tropicales où ils seraient susceptibles de s’acclimater et de
prospérer. L’objection qui me fut faite un jour que j’exprimais
ce desiratum au sujet du karité, à savoir « qu’on ne voyait
pas l’utilité de cette propagation, puisqu’on trouvait ce
végétal au Soudan », ne me paraît même pas digne d’être
discutée. Sans doute, les résultats ne seront pas immédiats. Il
faudra des années avant que l’on puisse récolter le fruit de son
travail. Mais, comme je l’écrivais dernièrement dans mon mémoire
_La France en Gambie_, « l’égoïsme contemporain ne saurait
trouver place dans les questions si importantes de colonisation et
de commerce d’outre-mer. » Il convient de songer à l’avenir
et, par une négligence coupable, de ne pas, dans un temps plus ou
moins lointain, laisser péricliter, au profit de nos voisins, notre
industrie nationale. C’est là une œuvre non seulement de première
nécessité, mais encore éminemment patriotique. Faisons donc tous
nos efforts pour que ceux qui viendront après nous ne nous adressent
pas le reproche amer de ne pas avoir su interpréter dans son sens
le plus large et vraiment humanitaire ce beau vers du poète :

  _Insere, Daphni, piros ; carpent tua poma nepotes._

Il existe encore au Soudan, paraît-il, mais en très petites
quantités, vers Siguiri et Kangaba surtout, et dans le
nord des états de Samory, un autre végétal qui donne de
la gutta-percha. C’est encore une Sapotacée, l’_Achras
Sapota_, L. (_Sapotillier_). C’est un bel arbre à feuilles
entières alternes ; fleurs blanchâtres ; calice et corolle
à six divisions. Douze étamines dont six stériles. Ovaire
supère, pluriloculaire. Fruit charnu très délicat à
épiderme grisâtre. Graines noirâtres. Elles passent pour être
diurétiques. On sait depuis longtemps que le latex du sapotillier
donne par évaporation de la gutta-percha. Mais on ignorait qu’il
en existât au Soudan. Les indigènes qui apportaient ce produit à
la côte se le voyaient régulièrement refuser par les négociants,
comme étant un caoutchouc de mauvaise qualité. Le hasard fit qu’un
jour un échantillon tomba entre les mains d’un pharmacien de la
marine[4] qui l’analysa. Le résultat de cette analyse fut que le
produit dont il s’agissait n’était nullement du caoutchouc,
mais bien de la gutta-percha. Je dois dire ici que nulle part
dans le bassin de la Gambie, ni dans aucune des autres parties
du Soudan français que j’ai visitées, je n’ai rencontré
de sapotillier. Je dirai plus, c’est qu’à Kayes notamment,
ce végétal est loin de prospérer. Je me souviens, en effet,
que mon bon camarade, M. Louisy, commissaire adjoint des colonies,
créole des Antilles et grand amateur de ce fruit, en avait fait des
essais de culture. Aucun des individus qu’il avait obtenus par
semis ne vécut en pleine terre, malgré les soins attentifs dont
il les entoura. Jusqu’à plus ample informé, nous ne pouvons donc
citer l’achras sapota que sous toutes réserves. Comme ce végétal
ressemble beaucoup au karité et qu’à cette époque le professeur
Heckel n’avait pas encore publié dans la _Nature_ son mémoire sur
la gutta donnée par cette dernière sapotacée, il a pu parfaitement
se faire que l’on ait confondu et que l’on ait pris l’un pour
l’autre. Nous croyons toutefois que, vu la nature du climat des
régions moyennes et méridionales de la boucle du Niger, il serait
possible d’y introduire le sapotillier et de l’y cultiver.


        VIII. — =Végétaux donnant de la gomme et de la résine.=


Nous ne nous occuperons pas ici d’une façon complète de cette
question si importante de la gomme. Cette étude ne rentrerait
pas dans le cadre de notre travail. Nous nous contenterons donc
de parler simplement des quelques végétaux qui donnent cette
précieuse substance et que l’on peut rencontrer dans le bassin de
la Gambie. D’une façon générale, d’ailleurs, les variétés
d’acacias qui donnent de la gomme sont peu abondantes dans toute
cette région. On n’en trouve guère que dans sa partie la plus
septentrionale, dans le Kalonkadougou, le Bondou, le Ferlo-Bondou,
le Gamon, le Tenda, le Dentilia et le Badon, et encore leurs produits
sont-ils peu commerciaux.

L’_Acacia Verek_, Guill. et Perr., Légumineuse mimosée, qui
donne la gomme de meilleure qualité, est très rare. On ne le trouve
que dans le Bondou, le Ferlo, le Ferlo-Bondou et le Kalonkadougou,
et encore les individus produisent-ils si peu que les indigènes
ne s’en occupent même pas. C’est un petit arbre à rameaux
pâles, glabres. Feuilles alternes, biparipennées, stipulées,
composées ; fleurs disposées en épis. Calice gamosépale,
corolle à cinq divisions alternes et libres. Étamines nombreuses en
nombre variable. Anthères biloculaires, introrses. Ovaire supère,
uniloculaire, pluriovulé (huit ou dix ovules). Style terminal. Le
fruit est une gousse s’ouvrant en deux valves et renfermant cinq
ou six graines à peu près rondes.

L’_Acacia tomentosa_, Wild. (Neb-Neb des Ouolofs) se distingue du
précédent par son fruit surtout. C’est comme celui du précédent
une gousse, mais, quand il est arrivé à maturité, il est couvert
d’un duvet abondant. De plus, les ramuscules et les pétioles
sont pubescents. On le trouve presque uniquement dans le Bondou et
le Ferlo-Bondou.

L’_Acacia Seyal_, Del. est un arbre de moyenne taille. Écorce
brun rougeâtre ou blanc laiteux. Les rameaux sont munis de
grandes épines d’un blanc laiteux. Feuilles glabres longuement
pétiolées. Deux épines à la base du pétiole. Pétioles
secondaires portant de huit à vingt paires de folioles. Fleurs
en capitules pédonculés. Pétales plus longs que le calice. Le
fruit est une gousse falciforme. On le rencontre particulièrement
dans le Kalonkadougou, le Gamon et le Badon. Il donne une gomme de
qualité inférieure.

L’_Acacia astringens_, Cunning, ou _Adansonii_, Guill. et
Perr. (Gonakié) est un arbre de 10 à 12 mètres de hauteur,
très commun dans toute la partie nord du bassin de la Gambie. Il
donne une gomme dite _gomme de gonakié_, rouge, et qui est peu
estimée dans le commerce. Il en est de même de la gomme du _Khadd_
(_Acacia albicans_, Kunth.) et de celle des _acacias Néboueb_
et _fasciculata_. Ces deux dernières variétés se rencontrent
surtout dans le Gamon, le Badon et le sud du Bondou. La première
est surtout commune dans le Dentilia et le Tenda.

_Gomme de Kellé._ — Il existe encore dans le Bondou notamment,
le Bambouck et les pays avoisinants, un sorte de gomme que les
Toucouleurs nomment _Kellé_, et les Malinkés _Kelli_. D’après
les renseignements que nous avons pu nous procurer à son sujet,
ce ne serait pas, à proprement parler, une gomme véritable. Ses
caractères la rapprocheraient davantage de la gutta-percha. Il nous a
été impossible de nous en procurer. Les indigènes lui attribuent,
en effet, des propriétés remarquables. D’après eux, tout noir
qui posséderait dans sa case un fragment de kellé serait assuré
de voir tout lui réussir et d’acquérir une grosse fortune. Aussi,
quand ils en possèdent, ils la cachent précieusement, avec un soin
jaloux. De même, quand ils connaissent l’existence quelque part
d’un échantillon du végétal qui la produit, ils se gardent
bien d’en faire part à qui que ce soit. Je n’ai jamais pu
le voir. Quoi qu’il en soit, cette plante est très rare et
est regardée comme fétiche dans toutes les régions où on la
rencontre. On trouverait aussi, paraît-il, la gomme de kellé
au Gabon.

_Gomme d’anacarde._ — L’écorce du tronc de l’anacarde
(_Anacardium occidentale_, L.), Térébinthacées, dont nous
avons déjà eu à parler au cours de ce mémoire, laisse
exsuder une résine jaune, dure, désignée sous le nom de _gomme
d’anacarde_. Les Anglais l’appellent _Cashew-Gum_. Elle est
soluble dans l’eau et employée aux mêmes usages que la gomme
arabique.

L’écorce du _Ben ailé_ (_Moringa pterygosperma_, Gærtn),
Capparidacées, laisse également exsuder une gomme qui se gonfle
dans l’eau et passe pour être abortive.

Le _Bois à cochon_ (_Symphonia globulifera_) produit un suc
résineux qui sert à goudronner les cordages et les navires et à
faire des torches.

Le _Niattout_ (_Bdellium africana_, H. Bn., _Balsamodendron
africanum_, Arn.), Burséracées, est un arbrisseau de 3 à 4 mètres
de hauteur, à feuilles alternes, imparipennées, trifoliées. Fleurs
petites, rougeâtres, axillaires, hermaphrodites ; calice tubuleux
à quatre dents, persistant ; corolle à quatre pétales linéaires ;
huit étamines libres ; ovaire libre biloculaire, biovulé. Le fruit
est un drupe sec, pisiforme, à un noyau, à exocarpe se séparant
en deux valves.

Cet arbuste produit le _Bdellium_ d’Afrique, gomme-résine dont les
Maures se servent parfois pour frauder la gomme qu’ils apportent à
nos escales. Ils lui donnent le nom de _Mounass_. Cette introduction
du bdellium n’est, du reste, qu’accidentelle, car il communique
à la gomme qui avoisine ses fragments une odeur spéciale qui la
ferait rejeter tout au moins pour les emplois en pharmacie et en
confiserie. Le bdellium se présente sous l’aspect de morceaux
d’un gris jaunâtre, rougeâtre ou verdâtre, à cassure terne,
cireuse, d’une odeur balsamique pénétrante et d’une saveur
amère.

Les Maures s’en servent, ainsi que les noirs, comme parfum, et en
font brûler fréquemment sous leurs tentes ou dans l’intérieur de
leurs cases pour en chasser les « mauvaises maladies » (_sic_). Il
renferme de la gomme, de la résine, de l’huile volatile, etc.,
etc. Il était autrefois employé comme excitant. Il est aujourd’hui
complètement délaissé et n’entre plus que dans l’emplâtre
de Vigo.

Le _Fromager_ (_Bombax Ceiba_, L.), Malvacées, donne aussi une
gomme-résine qui sert parfois à frauder la gomme arabique. On
retire également du _Caïlcédrat_ (_Khaya Senegalensis_, G. et
Per.), Cédrélacées, une matière gomme-résineuse qui n’a pas
encore été utilisée.

_Hammout._ — Il existe dans tout le bassin de la Gambie,
mais particulièrement dans la région sud du Bondou et dans le
pays de Gamon, un végétal qui laisse exsuder une résine dont
l’odeur rappelle celle de l’encens. Ce végétal, d’après
Heckel, appartiendrait au genre Balsamodendron (Burséracées)
et serait voisin du _Balsamodendron africanum_, Arn. Sa hauteur
dépasse rarement 3 mètres et il croît, de préférence, dans les
terrains pauvres. Le diamètre de son tronc est d’environ 20 à
25 centimètres au maximum. Bien qu’on trouve le hammout un peu
partout au Soudan français, il est cependant relativement rare. Les
individus vivent fort éloignés les uns des autres et c’est surtout
dans le Ferlo-Baliniama qu’il est le plus commun. On en trouve
également en notable quantité dans cette partie déserte qui se
trouve aux environs de Koussan-Almany (Bondou), entre Kéniémalé,
Kouddy, Hodioliré et le marigot d’Auguidiouol, entre Koukoudak
et Kounamba, dans le Tiali.

Cette résine s’extrait, annuellement, du commencement de décembre
à la fin d’avril. C’est, paraît-il, l’époque pendant
laquelle elle est le plus abondante, et où le rendement est le
plus avantageux et la qualité meilleure. De plus, comme en cette
saison les indigènes ne sont pas retenus chez eux par les travaux
des champs, ils peuvent se livrer plus facilement à cette récolte,
qui est pour eux la source de quelques profits.

Pour l’extraire, les indigènes pratiquent sur le tronc de la
plante, jusqu’aux maîtresses branches, des incisions en nombre
variable, huit ou dix au plus. Ces entailles intéressent l’écorce
dans toute son épaisseur. La résine qui en découle est peu
abondante, et il faut attendre six à huit jours avant d’en avoir
une petite boule de la grosseur d’une noisette. On procède alors
à la récolte. A l’air libre, la résine durcit par le froid et
elle prend une consistance telle que, pour la détacher, il faut se
servir d’une tige de fer, spécialement fabriquée pour cela, ou
bien de petites hachettes dont les indigènes usent pour défricher
leurs lougans. La liqueur qui vient sourdre à l’incision est
généralement blanche et limpide, mais, en se coagulant, elle prend
une couleur opaline légèrement teintée en jaune.

En enlevant la petite boule de hammout qui s’est ainsi formée, les
noirs ont l’habitude de détacher toujours en même temps la partie
de l’écorce du végétal à laquelle elle adhère d’ordinaire si
fortement. Revenus au village, ils mettent le produit de la récolte
à chauffer au soleil pendant quelques jours pour le ramollir et afin
de le débarrasser de la plus grande partie des détritus végétaux
qu’il renferme. Quand il s’est refroidi et durci, il est pilé,
de nouveau ramolli à la chaleur solaire, et pétri en forme de
boules qui sont renfermées dans des coques de fruits de Cantacoula,
comme je l’ai dit plus haut en parlant de ce dernier végétal.

La résine durcit alors à la fraîcheur ; elle adhère fortement
aux parois du récipient qui la contient, et, pour l’en retirer,
il faut se servir de la pointe d’un solide couteau. Cette résine
se présente alors sous l’aspect d’une masse noirâtre, au milieu
de laquelle se distinguent aisément les fragments d’écorce qui
n’ont pu être enlevés. Son odeur est légèrement térébenthinée
et sa saveur très aromatique. C’est sous cette forme que l’on
trouve le hammout sur les marchés du Soudan.

Il ne faut pas confondre le hammout avec le _Tiéoué_, qui est une
autre variété d’encens que les Dioulas du Fouta-Djallon, où on le
récolte surtout, apportent annuellement dans nos comptoirs et sur nos
marchés de Bakel, Kayes et Médine. Cet encens est, d’après les
indigènes, de qualité absolument inférieure. Il est généralement
présenté sur les marchés sous forme de grosses boules grisâtres,
à cassure terne et citreuse, non transparentes, se ramollissant sous
la dent, et contenant une notable quantité d’écorce. Leur odeur
est moins térébenthinée que celle du hammout, et sa saveur est
également aromatique. Le végétal d’où il s’extrait habite
surtout le Fouta-Djallon. On le trouve également dans cette partie
du Bondou qui confine au Tenda et au pays de Badon. Les noirs ne lui
attribuent qu’à un faible degré les propriétés bienfaisantes
du hammout.

Le hammout est l’objet au Soudan d’un petit commerce qui est assez
actif sur les marchés de Kayes, Bakel et Médine. Les traitants
de ces comptoirs accaparent presque tout ce qui est apporté et le
revendent soit à Saint-Louis aux Ouolofs, soit aux habitants du
Khasso, du Logo, du Natiaga, du Kaarta et du Guidimakha. Mais de
tous, ce sont les Ouolofs et les Khassonkés qui en sont les plus
avides. Les femmes ouoloves de Saint-Louis le font brûler sur des
charbons ardents, dans des espèces de petits fourneaux fabriqués _ad
hoc_. Le hammout ainsi brûlé produit une fumée blanchâtre et dont
l’odeur se rapproche un peu de celle de l’encens. Les indigènes
s’en servent pour parfumer leurs cases. En outre, ils lui attribuent
de puissantes vertus curatives. D’après eux, en effet, le hammout
serait, pour ainsi dire, une panacée universelle. Sa fumée serait
très saine pour la santé. Elle chasserait les miasmes nuisibles,
ferait disparaître les maux de tête, guérirait les bronchites et
les rhumes de cerveau, et développerait surtout l’intelligence,
etc., etc.

Le prix du hammout varie suivant les époques et les régions. Avant
la récolte, une boule de moyenne grosseur se vend, à Kayes, de 2
à 3 francs ; mais quand les arrivages commencent à se faire plus
nombreux, le prix baisse rapidement. Ainsi, à Bakel, par exemple,
il n’est pas rare, à ce moment, de trouver jusqu’à soixante
boules pour une pièce de guinée, soit 10 à 12 francs environ.

A Saint-Louis, le hammout se vend couramment de 1 fr. 50 à 2 francs
la boule. Dans le Guidimakha, trois boules coûtent environ 2 fr. 50
en mil, et dans le Khasso, à Kouniakary, par exemple, trois boules
se vendent environ 5 francs en mil ou en étoffes.


     IX. — =Végétaux pouvant être utilisés pour les constructions,
                   la menuiserie et l’ébénisterie.=


C’est, à notre avis, une profonde erreur que de croire que
les régions intertropicales sont des pays couverts de forêts
impénétrables. La simple expression de « paysage tropical »
éveille de suite dans l’esprit l’image d’oasis délicieuses,
d’arbres touffus toujours verts, de fleurs parfumées et
resplendissantes des couleurs les plus vives. Quant à la « forêt
vierge », c’est un véritable labyrinthe dans lequel les plus
belles essences botaniques sont couvertes d’un feuillage si épais
que les rayons du soleil eux-mêmes n’y peuvent pénétrer, et dont
le sol est couvert de lianes si vigoureuses qu’en s’entrelaçant
elles forment, pour ainsi dire, de véritables cloisons qu’on
ne peut franchir que la hache à la main. Eh bien ! du moins en
ce qui concerne nos possessions sénégambiennes et soudaniennes,
il faut beaucoup rabattre de ce captivant tableau. Ce que nous
venons de dire peut être vrai pour les régions équatoriales de
l’Amérique et de l’Afrique centrale, mais c’est avec regret
que nous sommes forcé d’avouer qu’il est loin d’en être
ainsi pour les contrées tropicales proprement dites. Sans doute
les végétaux acquièrent là-bas des proportions remarquables,
gigantesques même, mais nous y sommes bien loin de ces belles forêts
préhistoriques dont les poètes se plaisent à nous faire une si
enchanteresse description. Dans le bassin de la Gambie, notamment,
la végétation est bien d’une remarquable puissance ; mais la
forêt compacte dont il était certainement couvert aux temps les plus
reculés de l’histoire a presque complètement disparu partout, et,
dans sa partie la plus septentrionale, nous ne trouvons plus que la
steppe sénégalienne, avec toute son aridité, toute sa décevante
et désespérante monotonie. Et d’où vient cet inexplicable
dépeuplement ? me dira-t-on. Uniquement, répondrons-nous, de
l’exploitation à outrance et sans méthode aucune de ces immenses
richesses forestières ! Certainement, les modifications survenues,
à travers les âges, aux conditions climatériques de ces régions,
ont puissamment contribué à la disparition d’un grand nombre des
espèces végétales qui les habitaient jadis. Mais la principale
cause doit être cherchée surtout dans les sacrifices innombrables
auxquels l’indigène est forcé de se livrer pour satisfaire aux
besoins de sa vie journalière, et aussi dans les immenses incendies
qu’il allume, avec cette insouciance qui lui est propre, pour donner
au sol l’engrais salin qui lui assurera des récoltes faciles.

Aujourd’hui, les essences précieuses ont presque complètement
disparu partout où l’accès était relativement facile, près
des centres habités et le long des voies de communication. Il
faut s’avancer loin dans l’intérieur des terres pour les y
retrouver encore. Il commence même à en être de même pour les
espèces les plus communes, si bien qu’à Saint-Louis, Foundioungne,
Bathurst, Mac-Carthy, etc., etc., où l’on ne se sert que de bois
pour les besoins de la cuisine, il ne se paie pas moins de 4 et 5
francs le stère, prix énorme si l’on songe que l’on est là
en pays à peine exploré. Nous pourrions même citer de nombreux
villages, profondément situés dans l’intérieur, où il se fait
journellement un véritable trafic de ce précieux combustible.

Toutefois, je me hâte de dire que le tableau est loin d’être
aussi sombre qu’on se le pourrait imaginer à la lecture de
ce qui précède. Le mal est loin d’être sans remède, et une
réglementation sage et méthodique de l’exploitation pourrait
aisément le conjurer et amener rapidement le repeuplement de régions
aujourd’hui absolument désertes, incultes et inhabitées. Mais
c’est là une question d’administration et de haute économie
forestière et rurale, qui ne saurait trouver place dans ce
mémoire. Nous n’insisterons donc pas davantage, et nous nous
contenterons de faire une revue rapide des végétaux originaires
du bassin de la Gambie, que la menuiserie, l’ébénisterie, le
charpentage, etc., etc., pourraient utiliser avec profit.

Le _Rônier_ (_Borassus flabelliformis_, L.), Palmiers. Les rives de
la Gambie sont couvertes de ce précieux végétal, et il en existe
des forêts d’une étendue relativement considérable où l’on
peut remarquer des échantillons de ce végétal qui atteignent des
dimensions vraiment gigantesques. C’est le plus grand des palmiers,
le _Borassus flabelliformis_, L. Il est facilement reconnaissable
à son port élevé et caractéristique. Sa tige est très grande
et peut atteindre parfois jusqu’à 25 et 30 mètres. Elle est
renflée au milieu et ses parties inférieures et supérieures
sont bien moins volumineuses et bien plus effilées. Son écorce
est noirâtre et porte les cicatrices des blessures qu’y font les
feuilles en tombant. Le bois, bien qu’il ait l’aspect spongieux,
est très dur et est difficilement attaquable par la scie. Les billes
de rôniers sont plus lourdes que l’eau. C’est un des rares bois
qui ne flottent pas. Il est d’une longue durée et d’une solidité
remarquable. Inattaquable par les insectes et par l’humidité,
il est excellent pour les pilotis, et l’on s’en sert couramment
dans la construction des ponts et des appontements. Les arbres mâles
sont seuls employés ; les arbres femelles ne peuvent servir qu’à
des palissades, car ils sont creux et peu résistants.

Les feuilles d’un rônier adulte sont groupées en un bouquet
volumineux situé au faîte de la tige et présentent de profondes
découpures. Le tronc n’en porte jamais, sauf quand il est
jeune. Leur couleur vert foncé et leur résistance rappellent de loin
les feuilles artificielles en zinc de certains décors de théâtre et
de girouettes. Les plus jeunes, fortement imbriquées et engainantes
au sommet du végétal, sont d’un blanc d’ivoire. Très tendres,
elles forment le _chou palmiste_. Elles ne tombent qu’après
dessiccation complète. Terminales, elles présentent un limbe
arrondi, étalé en éventail, à divisions bifides. Les indigènes
utilisent les feuilles du rônier pour couvrir les constructions
provisoires qu’ils font dans leurs villages de cultures. Nous
nous sommes très bien trouvé de les avoir employées pour nos
campements. Avec les jeunes feuilles, ils fabriquent aussi, en les
tressant, des liens très résistants. Nous avons été à même
d’apprécier leur solidité quand nous avons traversé en radeau
la Gambie au gué de Bady. Le rônier, il ne faut pas l’oublier,
est un arbre dioïque. Les fleurs sont disposées en spadices
sortant du milieu des feuilles, les mâles plus volumineux et plus
ramifiés que les femelles. Les fleurs mâles sont disposées dans
les logettes d’un chaton à écailles imbriquées ; calice à trois
folioles, corolle à trois divisions. Six étamines stériles, ovaire
triloculaire, ovules solitaires. Le fruit est une drupe connue sous le
nom de _rônes_, de forme globuleuse. Ils sont disposés en grappes
de quarante ou cinquante environ, et très lourds. L’enveloppe
en est verte quand ils sont jeunes ; à maturité, elle est jaune
orange. Le mésocarpe charnu, d’abord mou et blanc, puis jaune,
est parcouru par des fibres ténues. Il est aqueux et d’un goût
agréable, mais légèrement térébenthiné. Les indigènes en
font une grande consommation en temps de disette. Les graines sont
volumineuses, noirâtres, discoïdes ou en forme de sphère aplatie
aux deux pôles. Leur albumen est régulier, cartilagineux et creux
à maturité.

Outre les fruits, les noirs mangent encore les racines des jeunes
plants ; elles ont un goût légèrement astringent et assez
déplaisant.

_Vène_ (_Pterocarpus erinaceus_, Poir.), Légumineuses
papilionacées. Ce végétal, appelé _vène_ en ouolof et _kino_
en malinké, est un bel arbre dont la tige, généralement droite,
atteint parfois de 12 à 15 mètres de hauteur. Feuilles alternes,
imparipennées, à onze et quinze folioles alternes, ovales,
oblongues, obtuses ; fleurs jaunes en grappes solitaires groupées
sur le vieux bois ; gousse stipitée, membraneuse, veloutée, sinuée,
ondulée et épineuse au centre.

L’écorce blanchâtre du vène permet aisément de le reconnaître
dans la forêt et de ne pas le confondre avec ses voisins. Son
feuillage est généralement maigre et d’un blanc terne. Il fleurit
vers la fin de janvier. Son bois est à grain fin, très dur, serré
et propre pour la menuiserie fine. Il est moins attaqué que les
autres bois par les termites. On le trouve en grande quantité dans
le bassin de la Gambie et dans tout le Soudan, et pourrait être
l’objet d’une exploitation sérieuse.

Les indigènes utilisent les propriétés astringentes de son écorce
contre les diarrhées rebelles et comme fébrifuges. Ils en font des
macérations très concentrées dont ils boivent par jour environ la
valeur de deux verres à bordeaux matin et soir. A l’incision, son
écorce laisse découler une sorte de cachou à saveur excessivement
astringente. C’est le _kino de Gambie_, soluble en grande partie
dans l’eau. Il n’est plus utilisé aujourd’hui.

Le vène est utilisé dans nos ateliers pour la menuiserie et pour
la construction de nos chalands. On s’en sert également avec
avantage pour fabriquer des traverses de chemin de fer et pour la
construction des charpentes de nos postes.

Le _Kaki_ (_Diospyros mespiliformis_, Hochst.), Ébénacées, est un
arbre de taille moyenne, de 6 à 15 pieds de hauteur. Il croît de
préférence sur le sommet des collines et est assez rare dans tout
le Soudan. C’est ce végétal que l’on désigne généralement
sous le nom de _faux ébénier_. Feuilles oblongues ou elliptiques,
arrondies à chaque extrémité, un peu coriaces. Fleurs dioïques,
blanches, à cinq divisions, axillaires. Fleurs mâles, à calice
campanulé, à cinq divisions ovales, soyeuses en dehors ; corolle
urcéolée, dix à seize étamines. Fleurs femelles solitaires,
six à huit staminodes ; ovaire ovoïde, à quatre et huit loges
uniovulées. Fruit subglobuleux, glabre, accompagné par le calice
accru. Le fruit est comestible.

Le bois du kaki est compact, excessivement serré. Lorsqu’il est
poli, il est impossible d’y découvrir traces de fibres. C’est
ce qui lui a fait donner le nom d’ébène. Il est loin d’être
du noir parfait de ce dernier. Il est rare de rencontrer des
échantillons sans défaut, et fréquemment il est veiné de
blanc. Très cassant, surtout quand il est sec, les indigènes
ne s’en servent guère qu’aux environs de nos postes. Ils en
fabriquent des cannes, qu’ils vendent aux Européens. En certains
cas, il pourrait remplacer l’ébène, dont il est loin toutefois
d’avoir le brillant. Les Maures, avec les plus beaux échantillons
de kaki, confectionnent des bracelets qu’ils incrustent d’argent
et qui ne manquent pas d’une certaine originalité. Ils en font
également de curieux manches de poignards.

Le _Fromager_ (_Bombax ceiba_, L.), Bombacées, possède un bois
qui ne peut guère être utilisé que pour les charpentes. Encore
est-il particulièrement attaqué par les insectes. La variété
_Dondol_ donne un bois qui ressemble, à s’y méprendre, à celui
du peuplier, dont il a, du reste, toutes les qualités, et je me
souviens avoir entendu dire, en 1892, par mon excellent camarade M. le
capitaine Huvenoit, de l’artillerie de marine, alors directeur
des travaux du chemin de fer de Kayes à Bafoulabé, aujourd’hui
décédé, victime de cet épouvantable climat du Soudan, qu’il en
avait fait débiter des planches dont il avait tiré grande utilité.

Le _Caïlcédrat_ (_Khaya senegalensis_, G. et Per.), Cédrélacées,
est un des plus beaux arbres non seulement du bassin de la Gambie,
où il est très commun, mais encore du Soudan tout entier. Il
peut atteindre 30 à 35 mètres de hauteur et 1 mètre de
diamètre. Feuilles alternes, paripennées, à folioles opposées,
ovales, oblongues, entières. Fleurs blanches. Inflorescence en
panicules terminales et axillaires. Calice à quatre divisions
imbriquées. Quatre pétales étalés. Huit étamines. Ovaire
à quatre loges multiovulées. Le fruit est une capsule ligneuse
à quatre loges, septicide de haut en bas. Sa tige, droite, prend
parfois de telles proportions qu’on y peut creuser des pirogues de
toutes pièces. Je me souviens avoir franchi la Gambie à Sillacounda
(Niocolo), dans une embarcation de ce genre qui n’avait pas moins de
4 mètres de longueur sur 0m50 de largeur et 0m35 de profondeur. Elle
avait été creusée dans une seule bille de caïlcédrat, ce qui
permet de supposer que l’arbre qui l’avait fournie devait être
énorme.

L’écorce du caïlcédrat est large, cintrée, légèrement
fendillée, rougeâtre et couverte d’un épiderme presque lisse
et d’un gris blanchâtre. Sa cassure est grenue en dehors, puis
un peu lamelleuse, et formée en dedans par une série simple de
fibres ligneuses aplaties et agglutinées. Elle est dure, cassante,
fort lourde, amère et légèrement odorante. Si on y pratique une
incision intéressant toute son épaisseur, il s’écoule par la
blessure un liquide rougeâtre qui se coagule à l’air libre en une
petite masse résineuse de couleur brune très foncée. Si, enfin,
on fait brûler des morceaux du bois, la fumée qu’ils donnent
exhale une odeur douce et caractéristique. Aussi est-il impossible
de s’en servir pour faire cuire les aliments grillés ou rôtis,
car ils s’en imprègnent tellement qu’ils sont, de ce fait,
absolument exécrables à manger. Les cendres que l’on obtient
en faisant brûler le caïlcédrat à l’air libre renferment une
grande quantité de nitrate de potasse et sont d’une blancheur
immaculée. C’est, du reste, à la présence de ce sel, je crois,
qu’il faut attribuer la propriété toute particulière que possède
ce végétal de brûler rapidement, même lorsqu’il est vert. Je
me souviens, étant à Koundou, avoir ainsi enflammé une planche de
caïlcédrat rien qu’en y posant mon cigare allumé. En quelques
minutes, 5 centimètres carrés se consumèrent de ce fait.

Le bois est rouge foncé, à teinte vineuse, droit, assez serré,
mais gardant mal le poli, se conservant dans l’eau à cause de
la résine qu’il contient, mais se fendant par dessiccation. Il
ressemble à l’acajou, et c’est pourquoi on lui a donné le nom
d’_acajou du Sénégal_. Il est dur et très cassant. Malgré cela,
on en fait à Saint-Louis et au Soudan de beaux meubles. Il se laisse
facilement travailler. Il pourrait, en France, servir utilement pour
la charpente, la tabletterie et pour les travaux d’ébénisterie
les plus délicats.

Les indigènes s’en servent pour la construction de leurs cases
et de leurs pirogues, et pour la fabrication de certains ustensiles
de ménage, tabourets, pilons et mortiers à couscouss.

_Samboni_ ou _Bois-guitare_ (_Cytharexylum quadrangulare_,
Jacq.), Verbénacées. C’est un bel arbre de 5 à 15 mètres
de hauteur. Feuilles elliptiques, oblongues. Fleurs en grappes
allongées. Calice subsessile. Quatre étamines. Ce fruit est un drupe
noir qui renferme deux noyaux. Son bois, à fibres bien parallèles,
peut être utilisé pour la menuiserie fine et la confection des
instruments de musique. C’est pourquoi on lui a donné le nom
de _Bois-guitare_.

Les espèces dites _Luteum_ et _Villosum_ peuvent également être
employées pour l’ébénisterie.

_Dialium nitidum_, Guill. et Perr., Légumineuses césalpinées,
_Cocito_ en malinké. Bel arbre de 5 à 6 mètres de hauteur,
très rameux. Son tronc ne dépasse pas 0m75 à 1 mètre
de diamètre. Feuilles alternes, imparipennées. Folioles
alternes. L’inflorescence est une grappe composée de cimes
terminales. Calice à cinq sépales. Corolle nulle dans les
fleurs latérales supérieures, à un seul pétale dans les
fleurs terminales, deux étamines latérales, ovaire uniloculaire,
biovulé. Le fruit est une baie noire et veloutée remplie d’une
pulpe farineuse.

Le tronc du dialium est tortueux. Son bois est dur, incorruptible dans
l’eau salée. Il est, par le fait, propre aux petites constructions
navales. Il peut être également employé avec avantage au tour et
pour la menuiserie fine.

Le _Guiguis_ (_Bauhinia reticulata_, Guill. et Perr.), Légumineuses
césalpinées, est un arbre à feuilles alternes, simples. Fleurs en
grappes axillaires ou terminales, pentamères. Dix étamines. Ovaire
uniloculaire, multiovulé. Le fruit est une gousse. Très commun au
Sénégal, plus rare dans le bassin de la Gambie. Son bois peut être
utilisé dans l’ébénisterie, la menuiserie et le charronnage. Il
est dur, facile à travailler et de longue durée.

Le _Manguier_ (_Mangifera indica_, L.), Térébinthacées, ne
pousse pas spontanément dans le bassin de la Gambie. Il y a
été importé et il y est excessivement rare. On n’en trouve
que quelques individus isolés dans le sud, à Gérèges, Vintang,
etc. C’est un grand arbre à feuilles alternes entières. Fleurs
polygames dioïques. Panicules terminales, cinq sépales, cinq
pétales, cinq étamines dont une fertile ; ovaire uniloculaire,
uniovulé. Le fruit est un drupe à gros noyaux fibreux. Ce fruit,
connu sous le nom de _mangue_, est délicieux, parfumé, mais
son goût légèrement térébenthiné ne plaît pas à tout le
monde. L’espèce commune, connue sous le nom de _mango_, est
la seule que l’on rencontre en Gambie. Elle donne un fruit bien
inférieur à celui du manguier greffé.

Le bois du manguier, assez dur, lourd, homogène et liant, est d’un
bon emploi dans les pays tempérés ; mais, dans les régions chaudes,
il est de peu de durée. Il est, en effet, rapidement attaqué par
les insectes. On s’en sert pour la fabrication du charbon de bois,
et pour la confection des charrettes.

Le _Berre_ ou _Mampata_ (_Parinarium senegalense_, Perr. Neou.,
et _Parinarium excelsum_, Sab.), Rosacées, est un arbre de 5 à 10
mètres de hauteur environ. Feuilles alternes, simples, persistantes,
sessiles, stipulées. Fleurs d’un blanc rosé. Inflorescence
en cimes corymbiformes. Calice subbilabié, corolle à cinq
divisions. Étamines nombreuses en nombre indéterminé, pas toutes
fertiles ; ovaire biloculaire, loges uniovulées. Le fruit est un
drupe ovoïde à mésocarpe charnu. Le bois est à grain dur et
serré. Très beau, il est précieux pour l’ébénisterie et la
menuiserie fine. Il peut être aussi employé pour les constructions.

_Karité_ (_Butyrospermum Parkii_, Kotschy), Sapotacées. Son bois,
très fin et très résistant, peut servir à plusieurs usages. On
peut l’employer avec succès pour la menuiserie, le charpentage et
pour les meubles. La plupart des charpentes de nos postes du Soudan
ont été construites avec ce bois, et, de ce fait, à Kita, Koundou,
Niagassola et Bammako on a été forcé d’en abattre des quantités
considérables. Il a également servi à fabriquer bon nombre des
meubles qu’on y trouve. Les indigènes l’emploient principalement
pour la fabrication des mortiers et pilons à couscouss et pour la
confection de ces petits sièges sur lesquels les femmes s’assoient
dans la cour intérieure des cases. Comme il est relativement moins
attaqué par les insectes que les autres essences, on a tenté de
l’utiliser pour fabriquer des traverses du chemin de fer de Kayes
à Bafoulabé ; mais, pas plus que les autres, il n’a pu résister
à la dent cruelle des termites.

Le _Gonakié_ (_Acacia astringens_, Cunning, ou _Adansonii_, Guill. et
Perr.), Légumineuses mimosées, possède un bois très dur, très
fin et qui se conserve longtemps. Il est difficile à travailler
à sec. A Kayes, c’est le bois dont on se sert pour fabriquer
les membrures des chalands de la flottille du Haut-Sénégal. On a
tenté également de l’utiliser pour fabriquer des traverses de
chemin de fer ; mais il est attaqué par les termites aussi bien
que le karité et les autres essences. De plus, certains insectes
l’affectionnent particulièrement et le rongent rapidement. Aussi
ne l’emploie-t-on que fort peu dans les constructions. Par contre,
il possède la propriété de durcir dans l’eau et de ne s’y
corrompre que lentement. On pourrait alors s’en servir avec avantage
pour la construction des pilotis et pour les constructions navales.

Les différentes espèces de _Ficus_ pourraient être utilisées sur
place. Il n’y aurait, à notre avis, aucun avantage à les importer
en Europe ; car leur bois n’a pas une valeur qui permette d’en
faire une exploitation rémunératrice.

Le _Ficus afzelii_, L., Ulmacées, est un très grand arbre assez
commun. Son bois, analogue à celui du sapin, est blanc, léger et
employé aux mêmes usages.

Le _Sycomore_ (_Ficus sycomorus_, L.), Ulmacées, est moins abondant
que ce dernier. Les Égyptiens s’en servaient pour fabriquer des
cercueils et pour sculpter des figures qui remontent jusqu’aux temps
les plus reculés. Il peut être employé pour la menuiserie. Il en
est de même des espèces _angustissima_, L., _macrophylla_, Desf.,
_laurifolia_, Lamk., _racemosa_, L., etc., etc. Le _Ficus ferruginea_,
L., que les Mandingues de la Gambie appellent _Scotto_, donne un
bon bois pour la menuiserie. Mais il faut écorcher l’arbre dès
qu’il est abattu, car, dans le cas contraire, il est rapidement
attaqué par les insectes. Quant au _Banyan_ (_Ficus religiosa_,
W.), qui est si commun dans le Badon, le Niocolo et le Dentilia,
il donne un bois assez dur et de couleur jaune sale dont on peut
faire usage pour la menuiserie et le tour.

Le _Benténier_ (_Eriodendron anfractuosum_, D. C.), Malvacées,
croît, de préférence, sur les plateaux élevés, mais riches
en terre végétale. Relativement rare dans les plaines, on le
rencontre surtout dans le Kalonkadougou et le Bambouck. C’est
un bel arbre de 15 à 20 mètres d’élévation, à tige droite,
se terminant par un bouquet de rameaux au feuillage touffu et
toujours vert. Feuilles palmées, à cinq et huit folioles entières,
lancéolées, dont la face supérieure est d’un vert foncé, et
la face inférieure blanchâtre et légèrement veloutée. Fleurs
grandes, jaunâtres. Calice à cinq divisions irrégulières,
corolle à cinq pétales, étamines en nombre variable. Le fruit est
une capsule à cinq loges contenant un nombre indéfini de graines
qu’entoure une bourre dense qui ressemble à de la laine. Son
bois est tendre et léger, facile à travailler. Les indigènes
l’emploient pour construire des pirogues d’une seule pièce. Il
pourrait être employé dans les charpentes comme madriers.

Le _Canéficier_ (_Cassia fistula_, L. ; _Cathartocarpus fistula_,
Pers.), Légumineuses césalpinées, donne un bois léger, rougeâtre
ou gris rougeâtre, à grain grossier, de peu de durée et très
facile à travailler. Il pourrait être utilisé pour la marqueterie
et la tabletterie. Les indigènes s’en servent pour confectionner
des pilons et mortiers à couscouss et des manches d’outils.

Il existe encore dans tout le bassin de la Gambie un grand
nombre d’autres végétaux dont le bois pourrait être utilement
employé. Nous citerons particulièrement le _Tamarinier_ (_Tamarindus
Indica_, L.), Légumineuses césalpinées, dont le bois dur,
dense, solide et liant, est bon pour le charronnage. On s’en sert
beaucoup à Kayes pour faire des couples d’embarcation. Le _Khoss_
(_Nauclea inermis_, H. Bn. ; _Nauclea africana_, Walh), Rubiacées,
donne un bois facile à travailler, d’assez longue durée et
se fendant peu. Il est utilisable pour la menuiserie et pour la
charpente ; mais ses dimensions sont assez restreintes. Le _Rhatt_
(_Combretum glutinosum_, Perr.), Combrétacées, est très bon pour
la menuiserie. De même que le _Souroure_ (_Acacia species_, L.),
Légumineuses mimosées, le _Nété_ (_Parkia biglobosa_, H. Bn.),
Légumineuses mimosées, le _Touloucouna_ (_Carapa touloucouna_,
Guil. et Perr.), Méliacées, donne un bois peu attaquable par les
insectes. Il pourrait être employé pour les charpentes s’il ne
se fendait pas aussi facilement. Il peut être utilisé pour de
petits travaux de menuiserie. Le _Dank_ (_Detarium microcarpum_,
Guill. et Perr.), Légumineuses césalpinées, dont le bois est
excessivement dur, peut être utilisé pour les constructions
navales. Le _Khad-Kred_ (_Cratæva Adansonii_, D. C., ou _religiosa_,
Forst), Capparidacées, possède un bois dur à grain fin, bon pour
le tour. Le _N’taba_ (_Sterculia cordifolia_, Guill. et Perr.,
_Kola cordifolia_, Rob. Brown), Malvoïdées sterculiacées, dont le
bois est dur et difficilement attaqué par les insectes, pourrait
être avantageusement employé pour les grandes constructions
navales. Le bois du _Téli_ (_Erythrophlæum guineense_, Afz.),
Légumineuses césalpinées, est très dur et incorruptible. Il
se conserve longtemps dans l’eau. Il est tellement serré, dur
et compact, qu’il résiste même au feu des incendies que les
indigènes, pour défricher, allument dans la brousse. Il pourrait
être utilisé pour les pilotis, les constructions navales et les
grandes charpentes. Les noirs, à cause de ses propriétés toxiques,
ne l’utilisent en aucune façon. Le _Cordia macrophylla_,
V., Borraginées, serait précieux pour l’ébénisterie,
car sa texture est fine et serrée, il se polit facilement. Le
_Gardenia Jovis Tonantis_, Hiern., Rubiacées, est ainsi nommé
parce qu’il possède, disent les indigènes, la propriété de
conjurer la foudre. Les noirs du sud du bassin de la Gambie, les
Diolas particulièrement, en plantent, dans ce but, des rameaux au
sommet de leurs cases. Son bois est lourd, très durable, compact et
jaunâtre. Il peut être employé avec avantage pour l’ébénisterie
et le tour, car il se fend difficilement même sous l’action de
la chaleur. Il en est de même du _Mabolo_ (_Conocarpus racemosa_,
L. ; _Laguncularia racemosa_, Gærtn.), Combrétacées, du _Mboull_
(_Sapindus saponaria_, L., et du _Kener_ (_Sapindus senegalensis_,
Poir.), Sapindacées. Le bois du _Baobab_ (_Adansonia digitata_,
L.), Malvacées, est mou et léger. Les indigènes s’en servent
pour construire des pirogues d’une seule pièce. Je me rappelle
avoir lu, dans je ne sais quel livre, que les noirs l’employaient
pour fabriquer des cercueils. Jamais, de mémoire d’homme, dans
n’importe quel village indigène du Sénégal ou du Soudan, le
cadavre d’un noir n’a été enfermé dans un cercueil quelconque
pour être inhumé. L’auteur faisait allusion sans doute à ce
fait que, dans certaines régions, le Djolof, par exemple, on avait
l’habitude de creuser dans le tronc des baobabs la sépulture
des griots. Cette caste si méprisée y est, de ce fait, exclue
des cimetières communs. On jugera par là combien sont grandes les
dimensions que peut atteindre ce végétal.


        X. — =Végétaux pouvant être employés à d’autres usages
                             industriels.=


Les végétaux de cette catégorie sont relativement peu nombreux,
et après ce que nous avons dit au cours de ce mémoire, il ne nous
reste plus que quelques rares essences à signaler à l’attention
du lecteur.

Le _Tabac._ — La variété de tabac qui est cultivée dans le
bassin de la Gambie et dans tout le Soudan français est la Nicotiane
rustique, ou tabac à feuilles rondes (_Nicotiana rustica_, L.),
Solanacées. Il diffère sensiblement du _Nicotiana tabacum_,
L. C’est une plante glutineuse et velue, dont les feuilles sont
ovales, obtuses, pétiolées. Les fleurs sont en cimes paniculées
denses. La corolle, d’un vert jaunâtre, est à tube court et
velu. Son fruit est une capsule arrondie. De toutes les Solanacées,
c’est la plus commune au Soudan, et celle qui est cultivée avec
le plus de soin. Elle croît surtout à merveille dans les terrains
riches en humus et aime un climat chaud et humide. On conçoit dès
lors qu’elle prospère d’une façon remarquable dans tout le
bassin de la Gambie.

Le terrain dans lequel cette plante est cultivée est préparé
avec un soin méticuleux et on n’y voit jamais le moindre brin
d’herbe. De plus, chose rare au Soudan, j’ai vu, dans certains
villages, fumer avec de la bouse de vache et le crottin des chevaux la
terre destinée à recevoir la semence. Les semis sont généralement
faits à la fin de juin ou au commencement de juillet. Quand la
plante a atteint environ douze à quinze centimètres de hauteur,
les pieds sont repiqués dans les jardins préparés _ad hoc_. Ils
sont placés à peu près à trente ou quarante centimètres les
uns des autres dans le plus grand ordre. Ils sont sarclés tous les
deux jours et arrosés matin et soir avec soin. La récolte des
feuilles a lieu dans le courant de janvier, et celle des graines
vers la fin de février. Sur les bords des fleuves et rivières,
le tabac est cultivé toute l’année. Les eaux, en se retirant,
laissent une couche relativement épaisse de limon, qui conserve
son humidité pendant longtemps et qui permet au tabac de se bien
développer. Cette plante prospère à merveille dans tout le
Soudan et ses feuilles y atteignent de remarquables dimensions. Le
rendement qu’elle donne est considérable. Il est à peu près de
2,500 kilog. à l’hectare. Les feuilles brutes se vendent sur les
marchés couramment 1 fr. 50 le kilog.

Jusqu’à ce jour, il n’a été fait que des essais de culture
absolument insuffisants. Rien de systématique et de méthodique
n’a été tenté, et pourtant tout permet de croire que des efforts
sérieux seraient couronnés de succès et qu’il serait facile
d’acclimater dans ces régions les tabacs de qualités supérieures.

Les indigènes prisent et fument le tabac. Mais, avant de s’en
servir, ils lui font subir une préparation qui diffère dans les
deux cas :

1o _Tabac à priser._ — On procède de la même façon, que l’on
ait affaire au tabac du commerce ou au tabac indigène. Les feuilles,
réduites en petits morceaux, sont mises à sécher au soleil ou
devant le feu. Il est préférable qu’elles soient séchées au
soleil. Elles sont ensuite pilées dans un mortier _ad hoc_ avec un
pilon spécial et réduites en poudre absolument impalpable. Mortier
et pilon sont de petites dimensions. Ce sont surtout les femmes qui
sont chargées de ce soin, ou bien des vieillards qui ont acquis
dans cet art une véritable habileté. La poudre ainsi obtenue est
étendue sur un linge et de nouveau mise à sécher au soleil. Puis
(voilà l’opération délicate), on prend des tiges de petit mil que
l’on fait brûler. La cendre obtenue est mise à bouillir dans une
petite marmite avec de l’eau. On fait chauffer jusqu’à ce que
l’eau, étant absolument évaporée, la cendre soit entièrement
desséchée et adhérente aux parois de la marmite. On râcle alors
cette cendre, on la réduit en poudre très fine et on la mélange
au tabac dans la proportion du cinquième. Puis on ajoute à tout
cela un peu de beurre ou de graisse de mouton. On mélange bien, on
fait sécher, on triture de nouveau et voilà le produit que le noir
s’introduit avec tant de délices et en si grande quantité dans
le nez. D’après ce qui disent les indigènes, la cendre de mil
aurait pour résultat de donner plus de montant au tabac. Le beurre
lui donnerait un arome tout spécial et très recherché des amateurs,
et aurait surtout pour effet de lui enlever toute son âcreté. Quoi
qu’il en soit, nous avons maintes fois essayé d’en priser et nous
lui avons trouvé une force que n’ont pas nos tabacs européens.

2o _Tabac à fumer._ — On ne lui fait guère subir de préparation
spéciale. Les feuilles sont simplement séchées au soleil,
écrasées dans la main et fumées ainsi dans la pipe.

Au Soudan, l’homme est surtout priseur et c’est la femme
qui fume le plus. Pour priser, on introduit le tabac dans les
narines avec les doigts ou bien on se sert d’une sorte de petite
spatule en fer ou en laiton à l’aide de laquelle on puise dans
la tabatière. A son extrémité étroite est percé un trou dans
lequel passe une petite lanière en cuir qui sert à la suspendre au
cou. L’extrémité large, couverte de tabac, est appliquée contre
les narines alternativement et on n’a qu’à humer la poudre. Dans
certaines régions, et, chez les Malinkés particulièrement, on ne
se contente pas seulement de priser le tabac en poudre, on le chique
de plus pour ainsi dire. Pour cela, on en place une volumineuse
pincée sur la langue soit à la main, soit à l’aide du petit
instrument dont nous venons de parler. Les femmes l’introduisent
avec une merveilleuse dextérité entre la lèvre et l’arcade
dentaire inférieure.

Pour fumer, la femme se sert d’une pipe généralement en
caïlcédrat, dont le tuyau est en bambou. Cette pipe est des plus
rudimentaires. Il est rare qu’une femme fume sans offrir de temps
en temps sa pipe à ses voisines. Les hommes font également de même.

Nous avons souvent essayé de fumer de ce tabac et nous avons toujours
été forcé d’y renoncer. Son âcreté est telle qu’après
deux ou trois bouffées au plus nous éprouvions à la langue
et aux gencives une douleur si vive que nous étions forcés de
cesser. Toutefois nous avons constaté que le tabac français fumé
dans ces pipes avait un arome tout particulier et très délicat.

Les peuples de race mandingue fument et prisent beaucoup plus que les
peuples de race peulhe. Ils préfèrent de beaucoup notre tabac au
leur, et le cadeau le plus apprécié que l’on puisse faire à un
chef est de lui offrir un litre de tabac à priser et quelques têtes
de tabac en feuilles. On nomme ainsi au Sénégal et au Soudan ces
petits paquets de cinq ou six feuilles de tabac liées ensemble par
le pétiole et dont on fait un commerce relativement important. De
même aussi ils ont une préférence bien marquée pour les pipes
en terre de Marseille ou de Valenciennes que nous leur vendons.

_Raphia vinifera_, P. Beauv. — Ce palmier est peu commun au
Sénégal et au Soudan. Ce n’est guère qu’à partir de la
Gambie qu’on commence à le trouver en assez grand nombre. Sa
tige est, en général, peu élevée, épaisse, irrégulièrement
crénelée. Feuilles grandes. Inflorescence en spadices très
grands. Fleurs roses, jaunâtres, monoïques dans le même spadice,
en épis comprimés, distiques. Calice campanulé à trois dents
peu marquées. Corolle mâle trifide. Six à douze étamines
libres. Corolle femelle infundibuliforme. Ovaire trilobulaire. Le
fruit est une baie jaune verdâtre, à noyau dur, oblong et aigu
aux deux extrémités.

Ce palmier habite surtout la Guinée, Sierra-Leone et le Congo. Nous
n’en avons rencontré que de rares échantillons dans le
Coniaguié. Les pétioles servent à faire des meubles légers. Les
feuilles donnent des fibres textiles. Les indigènes des pays où
il croît en récoltent la sève qui, légèrement fermentée,
donne le _vin de palme_ dont ils sont si friands et avec lequel
ils aiment tant à s’enivrer. C’est une boisson aigrelette que
l’Européen lui-même ne dédaigne pas. Les indigènes donnent à
ce vin le nom de _bourdou_.

_Rônier_ (_Borassus flabelliformis_, L.), Palmiers. — Outre les
différents usages auxquels peut être employé le palmier-rônier,
dont nous avons déjà parlé au cours de ce mémoire, ce végétal
est encore précieux à plus d’un titre. Dans l’Inde, où il
est très commun, un poème tamul ne lui attribue pas moins de
quatre-vingts usages. Le suc sucré qui en découle abondamment par
les incisions faites en temps voulu et à l’époque favorable
au niveau de l’insertion des spadices, est très estimé comme
boisson. Par la fermentation, il donne une liqueur alcoolique analogue
au vin de palme. Les rôniers mâles en laissent découler en plus
grande quantité que les rôniers femelles. Les indigènes du sud
du bassin de la Gambie, du Combo, du Coniaguié et du Bassaré, en
sont particulièrement friands. Dès que l’arbre peut supporter
l’opération, c’est-à-dire dès qu’il a atteint environ deux
ou trois mètres de hauteur, ils le saignent sans pitié. La récolte
du vin de palme est, dans ces conditions, relativement facile ; mais
quand le rônier a atteint son complet développement, comme alors
il est très élevé et qu’il peut atteindre de grandes dimensions
(nous en avons vu qui n’avaient pas moins de 25 à 30 mètres de
hauteur), elle est plus délicate. Si vigoureux que soit un noir et
si parfaite que puisse être sa ressemblance avec le singe, il lui
serait difficile de grimper aussi haut à l’aide seulement des
pieds et des mains. Alors, de distance en distance, et au fur et à
mesure qu’il s’élève, il fixe dans la bille même de l’arbre
et d’une façon symétrique de solides chevilles en bois, longues
d’environ 40 ou 50 centimètres, qui transforment le tronc en une
véritable échelle. Dès qu’il est arrivé au faîte, il pratique
les incisions nécessaires pour que le suc puisse s’écouler, et
au-dessous attache pour le recevoir des calebasses ou des courges
ayant une forme appropriée à cet usage. Ces récipients portent
le nom de _boulines_. Les Mandés Dioulas de la boucle du Niger,
qui ont un penchant tout particulier pour cette liqueur, lui donnent
le nom de _mboin_.

Le bourgeon terminal du rônier est très tendre. C’est un _chou
palmiste_ moins savoureux assurément que celui de l’_Oreodoxa
oleracea_, Mart., mais qui est quand même fort apprécié par les
Européens. Coupé en petits fragments de deux centimètres carrés
et bien assaisonné d’huile, de vinaigre, sel et poivre, on en
fait une excellente salade, surtout si on a eu la précaution de
la faire macérer pendant vingt-quatre heures. Voici, au sujet du
chou palmiste, en général, ce qu’écrit dans son remarquable
_Manuel des cultures tropicales_ notre excellent maître et ami,
M. le pharmacien en chef des colonies E. Raoul : « Un des meilleurs
légumes des pays chauds est le chou palmiste, c’est-à-dire
le bourgeon terminal tendre de certains palmiers dépouillé de
ses enveloppes extérieures. Cuit, il est très agréable et peut
se comparer au fond d’artichaut, auquel il est bien supérieur
cependant. Cru et divisé en lanières minces, il peut se manger en
salade. Pour le recueillir, il faut sacrifier l’arbre qui le porte,
l’abattre à la hache au moment le plus convenable, couper sa cime
et débarrasser le bourgeon tendre des feuilles qui l’entouren et
des enveloppes dures qui le recouvrent. Les palmiers sont souvent
si communs, soit dans les forêts, soit au bord des cours d’eau,
soit en bouquets dans les savanes ou sur leurs bords que l’on peut
en détruire sans dommage un certain nombre. On pourrait en couper
sans regret un plus grand nombre si on avait la prévoyance d’aider
par quelques soins leur repeuplement et leur multiplication. Plusieurs
palmiers différents donnent un bourgeon tendre volumineux, de saveur
douce et d’un usage alimentaire excellent ; mais un très grand
nombre n’ont qu’un bourgeon trop petit pour être utilisé. Chez
quelques-uns le bourgeon est amer et présente même un principe
nuisible et narcotique. »

_Bambou_ (_Bambusa arundinacea_, Retz.), Graminées. Le bambou, par
ses usages multiples, est un des végétaux les plus précieux des
régions équatoriales et intertropicales. En Cochinchine, où il
n’en existe pas moins de huit espèces auxquelles les Annamites
donnent les noms de _Tre-lang-nga_, _Tre-xiem_, _Tam-vong_,
_Tre-lau_, _Tre-mo_, _Tre-gai_, _Tre-bong_, _Tre-buong_ ; ils
s’en servent pour faire des poteaux, des poutres, des manches de
lances, d’outils, des pieux, des bancs, des sièges, des objets de
vannerie, etc., etc. A la Martinique, où il est très commun et où
il acquiert des dimensions considérables, il constitue l’espèce
végétale la plus utile par sa force de résistance, la dureté
de son épiderme siliceux et la légèreté que lui communique la
cavité centrale de ses tiges sans nuire à sa résistance. On l’y
utilise particulièrement pour faire des tuyaux pour le drainage, des
gouttières, des charpentes, etc. A la Nouvelle-Calédonie, le bambou
est surtout employé par les Canaques pour confectionner des cannes,
des piques. Ses éclats tiennent lieu d’instruments de chirurgie,
de couteaux, etc., etc. A Tahiti, où les Maoris lui donnent le nom
de _Ohe_, il sert aux usages les plus nombreux et les plus variés. A
Nossi-Bé, il prospère à merveille, et les Malgaches en tirent le
plus grand parti. Dans tout l’Extrême-Orient, outre les usages
que nous venons de mentionner plus haut, on se sert de ses fibres
pour fabriquer des nattes, des paniers, de la pâte à papier, etc.,
etc. Sa sève sucrée sert à faire une boisson qui jouit d’une
certaine faveur. L’emploi que l’on fait en Europe du bambou pour
la menuiserie, l’ébénisterie, la bimbeloterie, etc., etc., est
trop connu pour que nous insistions davantage. C’est un végétal
dont la tige solide, creuse, résistante, présente des nœuds
nombreux au niveau desquels se trouvent les rameaux. L’inflorescence
est un épillet en panicules à fleurs nombreuses, imbriquées,
distiques. Glumes mutiques, concaves. Deux glumelles coriaces. Six
étamines. Ovaire sessile uniloculaire, uniovulé. Le fruit est un
caryopse libre dans les glumelles.

Le bambou est assez commun au Soudan et dans tout le bassin de la
Gambie ; mais il est loin d’y avoir les proportions énormes
auxquelles il atteint à la Guyane, en Extrême-Orient et à la
Martinique. Malgré cela, tel qu’on l’y trouve, il présente
déjà des dimensions fort respectables. Il y en existe deux
variétés dont l’une a la tige creuse, tandis que, chez la seconde,
elle est pleine. On le rencontre un peu partout, mais surtout dans le
Bambouck, le Bafing, le Konkodougou, le Gamon, le Tenda, le Damantan,
le Badon, le Niocolo, etc., etc. Il croît dans presque tous les
terrains ; mais c’est surtout sur les bords des marigots et dans
certaines plaines à fond d’argiles, inondées pendant la saison
des pluies, qu’il est le plus commun et qu’il acquiert ses plus
grandes dimensions. Toutefois, sa tige n’atteint pas au Soudan,
dans les terrains qui lui sont le plus propices, un diamètre de
plus de 6 à 8 centimètres et sa hauteur 4 ou 5 mètres. Sur les
plateaux rocheux, il ne dépasse pas 2 mètres d’élévation
et 3 centimètres au plus de diamètre. Il est là toujours très
peu vigoureux.

Ce végétal, si abondant autrefois dans le Gamon, le Badon, le
Dentilia, y est devenu, depuis cinq ou six années, plus rare et
finira par y disparaître complètement. Il est atteint depuis ce
temps d’une maladie que les indigènes désignent sous le nom de
_diambarala_. Je n’ai pas besoin de dire qu’elle est attribuée
à des pratiques de sorcellerie et que les génies malfaisants (les
_Mamma-Diombos_) sont accusés de l’en avoir frappé. Cette maladie,
cependant, est causée par un cryptogame parasite qui croît à
l’aisselle des jeunes rameaux et qui, en un an, deux au plus, finit
par tuer le végétal. La tige se flétrit, les feuilles tombent,
le bambou sèche sur pied, et il suffit d’un vent léger pour en
abattre des bouquets entiers. Les tiges ainsi couchées ne peuvent
plus servir à rien, car elles ont perdu toute leur souplesse et sont
devenues excessivement cassantes. C’est dans ces seules régions que
nous avons trouvé cette maladie. Nous ne l’avons constatée nulle
part ailleurs. Les indigènes du Gamon, du Badon et du Dentilia sont
très affectés de voir ainsi disparaître cette graminée qui leur
est si précieuse. Dans tout le Soudan, en effet, on s’en sert pour
construire les charpentes des toits des cases, on l’utilise pour
fabriquer des nattes, des corbeilles, des cordes, des ruches pour
les abeilles et pour construire les clôtures des petits jardinets
que l’on trouve aux environs des jardins. Les bambous pleins sont
préférés pour les constructions et les bambous creux pour les
autres usages. Les Bambaras de la boucle du Niger utilisent aussi
les jeunes tiges de bambous pleins pour fabriquer leurs flèches, et
la corde de leurs arcs est presque toujours faite avec ce végétal.

Le feuillage du bambou constitue un excellent fourrage dont les
animaux, les chevaux surtout, sont excessivement friands. Le
meilleur et le plus tendre est fourni par les rameaux les plus
jeunes. Ce fourrage doit probablement ses qualités nutritives à la
quantité relativement considérable de sucre que contiennent les
jeunes pousses et les jeunes feuilles de cette plante. Cependant,
d’après certains indigènes auxquels je l’ai entendu dire,
il pourrait à la longue devenir nuisible et il faut bien se garder
d’en faire la nourriture absolument exclusive des bestiaux.

Les entre-nœuds des tiges de bambou renferment souvent des
concrétions siliceuses, analogues à l’opale. Elles sont
désignées sous le nom de _tabaschirs_. Elles ont été préconisées
contre un grand nombre de maladies, mais sans avoir en réalité
aucune efficacité.

_Palétuvier_ (_Rhizophora Mangle_, L.), Rhizophoracées. — Le
palétuvier, que l’on désigne encore sous le nom de _manglier_,
est très commun à l’embouchure de la Gambie et dans tous les
marigots qui en sont tributaires et dont les eaux sont saumâtres.

Il existe plusieurs variétés de palétuviers : le _palétuvier
blanc_ (_Avicennia nitida_, Jacq.), Verbénacées, très commun
à la Guyane, surtout dans les vases salées à l’embouchure
des fleuves, et dont le bois droit et élevé est utilisé pour
la mâture des petits bâtiments. Le duramen est excellent pour
les constructions dans l’eau salée. Il est remarquable par
l’entre-croisement en tous sens de ses fibres. Le _palétuvier
jaune_, originaire de la Guadeloupe, donne un bon bois pour le
charronnage et les charpentes. Enfin le _palétuvier rouge_ se
rencontre particulièrement à la Martinique, à la Guyane et à
la côte occidentale d’Afrique. C’est celui que l’on trouve
uniquement en Gambie. On le rencontre également en grande quantité
dans le Saloum, la Casamance, etc., etc., et en général dans
tous les fleuves de la côte de Guinée, à Joal et à Portudal. Ce
végétal présente les caractères suivants : racines adventives qui
le maintiennent solidement au bord de l’eau et auxquelles viennent
s’attacher en grande quantité ces petites huîtres si précieuses
dans les pays chauds que l’on désigne sous le nom d’_huîtres
de palétuviers_. Tige épaisse à feuilles opposées, entières,
elliptiques, coriaces, glabres, stipulées. Inflorescence en forme
de cimes. Fleurs axillaires, régulières, hermaphrodites. Calice
à quatre sépales persistants. Corolle à quatre pétales. Huit
étamines. Ovaire infère à deux loges biovulées. Fruit coriace,
indéhiscent, monosperme. La graine germe sur l’arbre.

Le bois du palétuvier est de petites dimensions, serré, dur et
d’une couleur rougeâtre qui permet de le reconnaître aisément. Il
peut être employé pour confectionner les couples des petites
embarcations. Inattaquable par l’eau de mer, il sert aussi à
faire des palissades sur le rivage. Son écorce laisse exsuder un
suc qui, concentré au soleil, donne le _kino de Colombie_. Voici
ce que dit Cauvet de cette substance : « Le kino de Colombie est
en pains de 1,000 à 1,500 grammes, aplatis, offrant l’empreinte
d’une feuille de palmier et couverts d’une poussière rouge. Ces
pains se divisent aisément en fragments irréguliers, transparents
sur les bords et d’un rouge un peu jaunâtre ; leur cassure est
inégale, brune, brillante, leur saveur amère et très astringente,
leur odeur faible, particulière.

Ce kino fournit une poudre rouge orangé ; il se dissout assez bien
dans l’eau froide, davantage dans l’eau bouillante et presque
complètement dans l’alcool ; ces solutés ont une belle couleur
rouge. Si on le dissout dans l’eau froide et qu’on évapore la
solution avec soin, on obtient un extrait rouge foncé brillant,
fragile, qui ne diffère du kino d’Amboine que par l’absence de
cannelures. » Ce kino s’emploie contre les mêmes affections que
le cachou ; mais il a moins d’énergie.

Le végétal désigné vulgairement sous le nom d’_Yeux-Crabes_
appartient à la famille des Sapindacées. C’est le _Cupania
sapida_, D. C. Il est particulièrement commun dans le Ouli,
le Sandougou, le Niani, le Fouladougou et le Kantora. C’est
un arbre à feuilles alternes, imparipennées. Fleurs blanches,
régulières, polygames, dioïques. Inflorescence en grappes de cimes
simples. Corolle et calice à cinq divisions. Huit étamines. Ovaire
triloculaire. Loges uniovulées. Le fruit est déhiscent. C’est
une capsule loculicide, rouge, charnue. Ce fruit est comestible et,
d’après de Lanessan, sert à préparer avec du sucre et de la
cannelle une conserve employée contre les diarrhées. Cuit sous la
cendre, il est appliqué comme maturatif sur les abcès. Les fleurs,
dont l’odeur est suave, servent à préparer par distillation une
eau parfumée. L’infusion de l’écorce et des feuilles passe
pour être stomachique.

Le _Palmier-nain_ (_Chamærops humilis_, L.), Palmiers, possède une
tige peu élevée ; feuilles palmatifides ; inflorescence en spadice ;
fleurs dioïques, polygames ; le fruit est une baie.

Les tiges du palmier-nain sont employées comme crin, sous le
nom de _crin végétal_. On les fait rouir dans l’eau, puis on
les expose au soleil, et quand elles sont parfaitement sèches,
on détache l’écorce ainsi que les feuilles ; on met ainsi à
nu les fibres de la tige. Ce crin remplace le crin animal pour la
confection des matelas. Ce palmier est relativement rare dans le
bassin de la Gambie ; mais il y prospère parfaitement et il serait
d’autant plus facile de l’y multiplier qu’il ne demande que
peu de soins pour se développer.

Les graines du _Gombo_ (_Hibiscus esculentus_, L.), Malvacées,
appelées _graines d’ambrette_, contiennent une oléo-résine jaune
et ont une odeur musquée très prononcée. Elles sont utilisées dans
la parfumerie. De plus, les racines de ce végétal peuvent remplacer
la guimauve et des fibres pourraient être employées pour fabriquer
le papier. La tige du _Bananier_ (_Musa ensete_, L.), Musacées,
donne une fibre textile de bonne qualité. Enfin, nous citerons en
dernier lieu parmi les végétaux de cette catégorie le _Nymphæa
lotus_, L., Nymphéacées. Nous l’avons particulièrement trouvé
dans le haut cours du Sandougou, aux environs de Koussanar (Ouli)
et dans les marigots du Tenda, du Kantora et du Damantan. C’est
une plante herbacée, vivace, habitant les eaux douces. La
tige est un rhizome. Feuilles alternes, longuement pétiolées ;
limbe pelté et flottant à la surface de l’eau. Fleurs grandes,
longuement pédonculées. Calice à quatre divisions. Pétales en
nombre indéfini. Étamines nombreuses, en nombre variable. Ovaires
nombreux ; loges multiovulées. Le fruit est une baie spongieuse
s’ouvrant irrégulièrement ; graines nombreuses, plongées dans
une substance gommeuse. Il existe deux variétés de nymphæa lotus :
l’une à fleurs blanches, l’autre à fleurs rouges. Le rhizome
féculent est comestible, de même que les graines. Les fleurs sont
astringentes et se prescrivent contre les diarrhées et les affections
du foie.


Nous venons, dans cette longue énumération, de passer en revue la
plus grande partie des végétaux utiles que l’on rencontre dans le
bassin de la Gambie. Il y a là, comme on a pu s’en rendre compte,
de véritables richesses botaniques. Malheureusement, le manque absolu
de voies de communication en rendra de longtemps l’exploitation
difficile, et pourtant on ne peut s’empêcher de reconnaître
qu’il y aurait, dans toute cette région, de puissantes ressources
pour notre commerce et notre industrie. Cette flore si intéressante
et si belle, étant donnée surtout la situation géographique
et climatérique de ces régions littéralement à cheval sur les
deux zones qui se partagent le Soudan français, la zone aride des
steppes et la zone fertile des tropiques, est absolument typique. Ce
qui précède pourrait s’appliquer parfaitement à toute notre
vaste colonie soudanienne et notre Mémoire aurait aussi bien pu
s’intituler la _Flore utile du Soudan français_. Mais, comme
il est des parties de ce vaste territoire que nous n’avons pas
visitées, nous avons cru, de crainte d’erreurs ou d’omissions,
devoir lui donner simplement le titre sous lequel nous le présentons
au lecteur et n’y parler que de régions que nous connaissons bien.

Après avoir traité des végétaux qui croissent naturellement dans
le bassin de la Gambie, il y aurait assurément grand intérêt à
parler de ceux qui y pourraient être introduits. Peut-être un jour
ou l’autre le ferons-nous, car cette étude est, à notre avis,
la seconde et logique partie de notre travail.

                               * * * * *




NOTES :


[Note 1 : L’expression _période secondaire_ dont nous nous
sommes fréquemment servi dans nos différentes études sur la
constitution du sol du Soudan français ne caractérise pas pour
nous l’époque géologique que l’on est aujourd’hui convenu
d’appeler ainsi. Nous l’employons pour désigner cette seconde
partie de la période primaire dans laquelle sont classés les
terrains de sédiment et dont les grès, les quartz et les schistes
sont les roches fondamentales. (Note de l’auteur.)]

[Note 2 : Les M’Pongués du Gabon désignent, en effet, le
_Dioscorea bulbifera_ sous le nom de _pembarogué ogolli_, et
appellent le _Tacca involucrata_, _pembarogué iba_. _Ogolli_,
en langue m’pongué, signifie _grimpant_.]

[Note 3 : Nous avons le regret de ne pas partager, à ce sujet,
l’opinion du vaillant explorateur et d’être d’un avis
contraire à celui de notre regretté collègue et ami le Dr
Crozat. L’expression _korté_, du moins dans le Bambouck et
le Konkodougou, ne signifie pas _poison_ en général. Elle sert
pour désigner un poison tout spécial, qui a pour base le _téli_
(_Erythrophlæum guineense_, Rich). Le poison dans la composition
duquel entre le strophantus porte en bambara le nom de _kouna_
et en malinké celui de _kouno_.]

[Note 4 : Cet échantillon fut remis en notre présence, en 1885, à
M. le Dr Castaing, alors pharmacien de première classe de la marine,
par mon excellent ami M. Beynis, agent général, à Saint-Louis,
de la Maison Maurel et Prom. Autant que je puisse me le rappeler,
il avait les caractères macroscopiques de la gutta du karité.]




                     INDEX DES NOMS SCIENTIFIQUES
                               * * * * *


                                  =A=                           Pages.

  Acacia Adansonii                                            124, 137

    —    albicans                                                  124

    —    astringens                                           124, 137

    —    fasciculata                                               124

    —    Neboueb                                                   124

    —    Seyal                                                     123

    —    species                                                   139

    —    tomentosa                                                 123

    —    verek                                                     123

  Achras sapota                                                    121

  Adansonia digitata                                   37, 59, 95, 140

  Agavus americana                                                  96

  Aloe                                                              96

  Amomum melegueta                                              30, 90

  Anacardium occidentale                               45, 54, 88, 124

  Angræcum fragrans                                                 80

  Arachis hypogæa                                           22, 36, 46

  Argemone mexicana                                                 88

  Arum Heckeli                                                      21

  Asclepias curassavica                                             80

  Avicennia africana                                           90, 149

                                  =B=

  Balsamodendron africanum                                     55, 125

  Bambusa arundinacea                                          95, 146

  Bauhinia reticulata                                          89, 136

  Bdellium africanum                                           55, 125

  Bixa orellana                                                     97

  Bixine                                                            97

  Bombax ceiba                                            93, 125, 133

    —    Cornui                                                     95

  Borassus flabelliformis                                 96, 130, 144

  Boscia Senegalensis                                               89

  Bromelia ananas                                                   96

  Brucea antidysenterica                                            89

  Butyrospermum Parkii                            37, 50, 90, 109, 137

                                  =C=

  Calotropis procera                                       90, 96, 100

  Canthium Afzelianum                                               90

  Capsicum frutescens                                               29

  Carapa guyanensis                                         46, 53, 88

    —    Touloucouna                                   46, 53, 88, 139

  Cardiospermum halicacabum                                         80

  Carica papaya                                                     89

  Cassia absus                                                      89

    —    alata                                                      89

    —    fistula                                               79, 139

    —    genuina                                                    78

    —    obovata                                                    78

    —    obtusata                                                   78

    —    occidentalis                                               87

    —    platycarpa                                                 78

    —    tora                                                       89

  Cassophy                                                          89

  Cathartocarpus fistula                                           139

  Celastrus Senegalensis                                            90

  Ceratanthera Beaumetzii                                           55

  Chamærops humilis                                                151

  Cissampelos Pareira                                               80

  Citrus decumana                                                  102

  Cleome pentaphylla                                                87

  Cocos nucifera                                                    54

  Combretum glutinosum                                         97, 139

    —       Raimbaultii                                             65

  Connarus africanus                                                89

  Conocarpus racemosa                                              140

  Cordia macrophylla                                               140

  Coula edulis                                                      53

  Coumarine                                                         80

  Cratæva Adansonii                                                139

    —     religiosa                                                139

  Crescentia Cujete                                             36, 90

  Cupania sapida                                                   150

  Cytharexylum luteum                                              135

      —        quadrangulare                                       135

      —        villosum                                            135

                                  =D=

  Datura tatula                                                     86

  Daturine                                                          86

  Detarium senegalense                                         87, 139

  Dialium nitidum                                              89, 135

  Dioscorea alata                                                   35

    —       bulbifera                                               26

  Diospyros mespiliformis                                          133

  Dolichos lablab                                                   25

  Doundakine                                                        84

                                  =E=

  Ecorce de mudar                                              90, 102

  Elæis guineensis                                                  51

  Eriodendron anfractuosum                                     89, 138

  Erythrophlæum guineense                                      60, 139

  Eugenia guineensis                                                90

                                  =F=

  Ficus Afzelii                                               100, 138

    —   angustissima                                               138

    —   elastica                                                   100

    —   laurifolia                                                 138

    —   macrophylla                                           100, 138

    —   racemosa                                                   138

    —   religiosa                                             100, 138

    —   rugosa                                                     100

    —   Sycomorus                                             100, 138

                                  =G=

  Gardenia Jovis tonantis                                          140

  Gossypium acuminatum                                              93

    —       Barbadense                                              93

    —       hirsutum                                                93

    —       Indicum                                                 93

    —       intermedium                                             93

    —       punctatum                                           53, 91

  Guiera Senegalensis                                               90

                                  =H=

  Hibiscus esculentus                                          36, 151

    —      sabdariffa                                               31

                                  =I=

  Indigofera tinctoria                                              96

  Ipomœa Batatas                                                    25

                                  =J=

  Jatropha curcas                                               48, 89

    —      gossypifolia                                             86

    —      Manihot                                                  34

                                  =K=

  Khaya Senegalensis                                      68, 125, 134

  Kino                                                    89, 132, 150

  Kola acuminata                                                    91

    —  cordifolia                                              38, 139

                                  =L=

  Lagenaria vulgaris                                                36

  Laguncularia racemosa                                            140

  Lawsonia inermis                                                  99

  Luffa acutangula                                                  55

                                  =M=

  Mangifera domestica                                               46

    —       Indica                                             46, 136

  Manihot edulis                                                    34

  Momordica muricata                                                96

    —       operculata                                              96

  Morinda citrifolia                                            84, 98

  Moringa pterygosperma                                    54, 89, 124

  Musa ensete                                                      151

    —  paradisiaca                                                  96

                                  =N=

  Nauclea africana                                                 139

    —     inermis                                          86, 98, 139

  Nicotiana rustica                                                141

    —       tabacum                                                141

  Nymphæa lotus                                                    151

                                  =O=

  Orelline                                                          97

  Oryza sativa                                                      17

                                  =P=

  Parinarium excelsum                                          54, 136

      —      Senegalense                                       54, 136

  Parkia biglobosa                                             38, 139

  Pelosine                                                          81

  Penicellaria spicata                                              19

  Perianthopodus globulosus                                         90

  Phasæolus vulgaris                                            22, 23

  Physostigma venenosum                                         74, 77

  Pterocarpus erinaceus                                        89, 132

                                  =Q=

  Quassia africana                                                  89

                                  =R=

  Raphia vinifera                                                  144

  Rhizophora Mangle                                                149

  Rhus typhina                                                      46

  Ricinus communis                                              49, 89

  Rocou                                                             97

                                  =S=

  Sapindus Senegalensis                                            140

  Sarcocephalus esculentus                                          81

  Simaba africana                                                   89

  Solanum melongena                                                 33

  Sorghum vulgare                                                8, 98

  Sterculia acuminata                                               91

    —       cordifolia                                     38, 90, 139

    —       verticellata                                            91

  Strophantus gratus                                                72

      —       hispidus                                              72

  Symphonia globulifera                                            125

  Syzygium guineensis                                               90

                                  =T=

  Tacca involucrata                                                 28

    —   pinnatifida                                                 28

  Tamarindus Indica                                            68, 139

  Terminalia macroptera                                             90

  Terra Lemnia                                                      60

  Terre Sigilée de Lemnos                                           60

  Tinospora Bakis                                                   85

  Touloucounin                                                      54

  Traumaticine                                                     119

                                  =V=

  Vahea florida                                                    106

    —   Heudelotii                                                 105

    —   Senegalensis                                               102

  Vitis Chantini                                                    44

    —   Durandi                                                     44

    —   Faidherbi                                                   44

    —   Lecardi                                                     44

    —   Narydi                                                      44

    —   quadrangularis                                              90

                                  =X=

  Ximenia Seno                                                      41

                                  =Z=

  Zanthoxylum Senegalense                                           89

  Zea maïs                                                          15

  Zingiber officinalis                                              58




            INDEX DES NOMS INDIGÈNES ET DES NOMS VULGAIRES
                               * * * * *


                                  =A=                           Pages.

  Abololo                                                           56

  Acajou à pommes                                                   45

    —    du Sénégal                                            68, 135

  Aconit                                                            75

  Agave                                                             96

  Aloès                                                             96

  Amande de palme                                                   52

  Amelliky                                                          81

  Anacarde                                                  45, 54, 88

  Ananas                                                            96

  Arachide                                                      36, 46

                                  =B=

  Bachunkarico                                                      56

  Baciba                                                        10, 98

  Baci-niébé                                                        24

  Bakat                                                             12

  Bakis                                                             85

  Bambou                                                       95, 146

  Bananier                                                      37, 96

  Banyan                                                      100, 138

  Baobab                                               37, 59, 95, 140

  Baralili                                                          56

  Barambara                                                         71

  Baticolon                                                         56

  Belancoumfo                                                       55

  Ben ailé                                                 54, 89, 124

  Bentamaré                                                         87

  Benténier                                                        138

  Berre                                                        54, 136

  Beurre de palme                                                   52

    —    de karité                                              50, 90

  Bois-à-cochon                                                    125

  Bois-guitare                                                     135

  Bois-Ortolan                                                      86

  Bonghi                                                           105

  Boudou                                                            61

  Boudu                                                             61

  Boulines                                                         145

  Bourdou                                                          144

  Bouré                                                             28

                                  =C=

  Café nègre                                                        87

  Caïlcédrat                                              68, 125, 134

  Caïlcédrin                                                        68

  Calama                                                            97

  Calebassier                                               35, 36, 90

  Canéficier                                                   79, 139

  Cantacoula                                                30, 37, 43

  Cashew-gum                                                       124

  Casse                                                             72

  Cassiou                                                           56

  Cassophy                                                          89

  Chou palmiste                                               131, 145

  Citronnier                                                        37

  Cléome                                                            87

  Cocito                                                       89, 135

  Cocotier                                                          54

  Cotonnier                                                     53, 91

  Coula                                                             53

  Courges                                                           35

  Crin végétal                                                     151

                                  =D=

  Dadigogo                                                          56

  Dakissé                                                           31

  Dank                                                             139

  Dartrier                                                          89

  Dattier                                                           37

  Dekkélé                                                           19

  Delbi                                                            104

  Détar                                                             87

  Diabé                                                             99

  Diabéré                                                           21

  Diabéro                                                           21

  Diakato                                                           32

  Diala                                                             68

  Dialili                                                           56

  Diambarala                                                       148

  Dion-Mousso-Dion-Soulo                                            70

  Djandam                                                           89

  Dolique                                                           25

  Dolo                                                          14, 16

  Dondol                                                       94, 133

  Dougoura                                                      37, 39

  Doundaké                                                          81

  Doy                                                               81

                                  =E=

  Ecorce de mudar                                              90, 102

  Enoué                                                         30, 90

  Essoun                                                            56

                                  =F=

  Fafetone                                                     96, 100

  Faham                                                             80

  Fanto                                                             24

  Faux ébénier                                                     133

  Fève de Calabar                                                   77

  Fogan                                                             79

  Fonio                                                             19

  Fouff                                                             85

  Fromager                                                93, 125, 133

                                  =G=

  Gadiaba                                                            9

  Garaboubiré                                                       56

  Garigari                                                          90

  Gingembre                                                         58

  Gombo                                                        36, 151

  Gogoféré                                                          56

  Gogué                                                             56

  Gomme d’anacarde                                             45, 124

    —   de gonakié                                                 124

    —   de kellé                                                   124

  Gonakié                                                     124, 137

  Gourou                                                            91

  Guénoudek                                                         90

  Guessékélé                                                     9, 98

  Guieb-golo                                                        90

  Guiguis                                                      89, 136

  Graines d’ambrettes                                              151

                                  =H=

  Hamariboubou                                                      10

  Hammout                                                      43, 125

  Herbe au diable                                                   86

  Herbe au mal de ventre                                            87

  Herbe de la femme captive                                         70

  Herbe puante                                                      87

  Hojou                                                             88

  Huile de palme                                                    52

  Huîtres de palétuviers                                           149

                                  =I=

  Igname                                                            35

  Indigo                                                            96

                                  =J=

  Judali                                                            81

                                  =K=

  Kaki                                                             133

  Karité                                              37, 50, 109, 137

  Kéré                                                              98

  Khassaou                                                          65

  Khed-kred                                                        139

  Khoss                                                    86, 98, 139

  Kinkélibah                                                        64

  Kino                                                              89

  Kino de Colombie                                                 150

    —  de Gambie                                               89, 132

  Kodioli                                                           98

  Kola                                                          37, 91

  Korté                                                         61, 62

  Kouna                                                         62, 73

  Kouno                                                         62, 73

                                  =L=

  Lalo                                                              59

  Laré                                                         37, 102

  Liane-torchon                                                     96

                                  =M=

  Mabolo                                                           140

  Madio                                                             10

  Maïs blanc                                                        15

    —  jaune                                                        15

  Mambo                                                             87

  Mampata                                                          136

  Mana                                                             110

  Manaba                                                            87

  Manglier                                                         149

  Mango                                                            136

  Mangue                                                           136

  Manguier                                                     46, 136

  Manioc                                                            34

  M’Bolon M’Bolon                                                   37

  M’Boull                                                          140

  Médicinier cathartique                                            48

  Méli                                                              87

  Mil                                                            8, 98

  Mil des oiseaux                                                   12

  Morinde                                                           98

  Moule                                                             19

  Mounass                                                          125

                                  =N=

  Néré                                                         38, 139

  Nété                                                     37, 38, 139

  N’Dimb                                                            38

  N’Guéné                                                           11

  N’Hydiar                                                          58

  Niamoco                                                           30

  Niattout                                                     55, 125

  Niébé                                                             23

  Niébé-Gherté                                                      22

  Noix d’acajou                                                     45

    —  de ben                                                       89

    —  de kola                                                      91

  N’Taba                                               37, 38, 90, 139

  N’Té N’Toulou                                                     52

                                  =O=

  Oignon                                                            34

  Oranger                                                           37

  Oseille de Guinée                                                 31

  Ouoro                                                             91

  Oussoudié                                                         21

                                  =P=

  Pain de singe                                                     59

  Palétuvier blanc                                                 149

      —      jaune                                                 149

      —      rouge                                                 149

  Palmier nain                                                     151

    —     oléifère                                                  51

  Pamplemousse                                                     102

  Papayer                                                       37, 89

  Paqué                                                             56

  Pareira brava                                                     81

  Patates douces                                                    25

  Pêcher des nègres                                                 81

  Pembarogué Iba                                                    28

      —      Ogolli                                                 28

  Piment                                                            29

  Pois-de-cœur                                                      80

  Poivre                                                            30

  Poivre de Cayenne                                                 29

  Pouddi                                                            99

  Pourghère                                                     48, 89

                                  =R=

  Rehatt                                                       97, 139

  Rhatt                                                        97, 139

  Ricin                                                         49, 89

  Riz                                                               17

  Riz malinké                                                       18

  Rocou                                                             97

  Rocouyer                                                          97

  Rônes                                                            131

  Rônier                                                  96, 130, 144

                                  =S=

  Saba                                                         37, 102

  Samboni                                                          135

  Sanga-Tamba                                                       28

  Sanglé                                                            60

  Sanio                                                             11

  Sankalé                                                           13

  Sapotillier                                                      121

  Scotto                                                           138

  Sekhaou                                                           65

  Sendiègne                                                         85

  Séné                                                              78

  Séno                                                          37, 41

  Shee                                                         50, 109

  Soo                                                               23

  Souna                                                             11

  Souroure                                                         139

  Soso                                                              23

  Sottio                                                            71

  Sycomore                                                         138

                                  =T=

  Tabac                                                            141

  Tabaschirs                                                       149

  Tamarinier                                                   68, 139

  Téli                                                         60, 139

  Thé de Gambie                                                     72

  Tiéoué                                                           127

  Tigalo N’galo                                                     22

  Tiokandé                                                          12

  Tirba                                                             79

  Tirbo                                                             79

  Tomates                                                           32

  Tomate cerise                                                     33

  Touloucouna                                          46, 53, 88, 139

  Traumaticine                                                     119

                                  =V=

  Vène                                                         89, 132

  Vigne du Soudan                                               37, 44

  Vin de palme                                                     144

                                  =Y=

  Yeux-crabes                                                      150




                         =TABLE DES MATIÈRES=
                               * * * * *


  Généralités. — Description géographique du
  bassin de la Gambie                                                  1

  Constitution géologique. — Climat                                    5

  Plantes alimentaires                                                 7

  Végétaux pouvant être utilisés pour le tannage                      45

  Plantes oléagineuses                                                46

  Plantes médicinales                                                 55

  Végétaux produisant des matières textiles                           91

  Végétaux pouvant être utilisés pour la teinture                     96

  Végétaux produisant du caoutchouc et de la gutta-percha             99

  Végétaux donnant de la gomme et de la résine                       122

  Végétaux pouvant être utilisés pour les constructions,
  la menuiserie et l’ébénisterie                                     128

  Végétaux pouvant être employés à d’autres usages industriels       140

  INDEX des noms scientifiques                                       153

  INDEX des noms indigènes et des noms vulgaires                     156


                               * * * * *
          Bordeaux. — Imp. G. GOUNOUILHOU, rue Guiraude, 11.




Note du transcripteur :


  Page 25, " _Ipomæa Batatas_ Poir. " a été remplacé par " _Ipomœa_ "

  Page 44 (x2), " _Fadherbi_ " a été remplacé par " _Faidherbi_ "

  Page 53, " surtout dans le Saudougou " a été remplacé par
  " Sandougou "

  Page 64, " après l’ingestion dn poison " a été remplacé par " du "

  Page 66, " se conserver pondant plusieurs années " a été remplacé par
  " pendant "

  Page 89, " _Dialum nitidum_ " a été remplacé par " _Dialium_ "

  Page 89, " _Banhinia reticulata_ " a été remplacé par
  " _Bauhinia reticulata_ "

  Page 98, " _Nanclea inermis_ " a été remplacé par
  " _Nauclea inermis_ "

  Page 115, " au moins de juin surtout " a été remplacé par " mois "

  Page 122 (note 4), " première classse de la marine " a été remplacé
  par " classe "

  Page 126, " défricher leurs lougaus " a été remplacé par " lougans "

  Page 138, " espèces _augustissima_ " a été remplacé par
  " _angustissima_ "

  Page 153, " Cardiospermum helicacabum " a été remplacé par
  " halicacabum "

  Page 154, " Ipomæa Batatas " a été remplacé par " Ipomœa Batatas "

  Page 155, " Symphonia globulifora " a été remplacé par
  " globulifera "

  Page 156, " Caskew-gum " a été remplacé par " Cashew-gum "

  Plusieurs pages, " Gœrtn " a été remplacé par " Gærtn "





*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA FLORE UTILE DU BASSIN DE LA GAMBIE ***


    

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Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
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state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
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and official page at www.gutenberg.org/contact

Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

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