Confédération Balkanique

By Živojin Perić

The Project Gutenberg EBook of Confédération Balkanique, by Jivoin Péritch

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Title: Confédération Balkanique

Author: Jivoin Péritch

Release Date: January 21, 2006 [EBook #17561]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONFÉDÉRATION BALKANIQUE ***




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                                    LA
                         CONFÉDÉRATION BALKANIQUE


                                   PAR
                              JIVOIN PÉRITCH

          PROFESSEUR DE DROIT A L'UNIVERSITÉ DE BELGRADE (SERBIE)

       Extrait du _Bulletin de la Société de Législation comparée_,
                             de Janvier 1912.


PARIS
LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE
20, Rue Soufflot, 20


1912


LA CONFÉDÉRATION BALKANIQUE




Il est des États qui se maintiennent d'une façon toute négative. La
Turquie nous fournit, à ce point de vue, un exemple caractéristique.
Bien que l'Empire ottoman constitue, à tous les égards, une anomalie
parmi les États européens, il n'en est pas moins toujours debout. Sans
doute, ne se tient-il pas tout à fait droit, sans doute chancelle-t-il,
mais il est néanmoins vrai qu'il subsiste. C'est un malade
certainement, mais ce n'est pas un mort. Et c'est un malade dont la
maladie dure depuis si longtemps qu'on commence à douter qu'elle
cessera jamais, une maladie éternelle, c'est-à-dire, une vie éternelle,
puisque la meilleure garantie d'exister, c'est la durée de la maladie,
la mort ne venant qu'après la cessation de celle-ci. La maladie c'est
l'ennemie de la mort. La maladie c'est la vie. Il paraît que la
Turquie le comprend ainsi; aussi soigne-t-elle sa maladie, comme les
autres États soignent leur santé. Tandis que ceux-ci vivent de santé,
la Turquie vie de maladie.

Mais pourquoi cet État malade? Est-ce que ce n'est pas un péril pour
les États sains, les maladies des États pouvant se répandre et se
gagner, de même que les maladies des hommes?

Et pourtant, c'est cette même Europe qui entretient le mal, qui le
fait exister, c'est elle qui s'expose volontairement à être atteinte
par lui et, en vérité, une partie en est déjà considérablement
atteinte: nous faisons allusion aux États balkaniques chrétiens qui,
touchant directement le malade ottoman, en ont subi déjà l'influence
malsaine. Peut-être les autres États de l'Europe ne craignent-ils pas
la Turquie, parce qu'ils en sont séparés par les États balkaniques
chrétiens: le Destin a voulu que ces petits pays gardassent les grands
États de la contagion turque, comme ils les ont gardés, autrefois, de
l'invasion turque. Les petits États ont toujours fait le jeu des
grands États.

Si la Turquie subsiste néanmoins, la faute en est aux grandes
puissances, dont le désaccord, en ce qui concerne l'Empire ottoman,
date de plusieurs siècles. Parmi tous les désaccords internationaux,
celui-ci est, sans conteste, le plus ancien et le plus durable. Grâce
à lui, l'État turc est aussi ancien et durable. Si la Turquie ne peut
dire, quant à ses relations avec l'Europe: _divide ut imperes_, elle
peut dire au moins: _divide ut vivas_.

En effet, il ne suffirait pas de faire disparaître la Turquie de
l'Europe, il faudrait encore mettre autre chose à sa place. La
politique internationale, comme la nature, ne souffre pas de vide.
Cette règle fait aussi la force de l'Autriche-Hongrie, un État qui,
par son hétérogénéité nationale, constitue pareillement une difficulté
internationale. Mais cet État subsiste toujours parce que l'on ne sait
pas par quelle combinaison politique le remplacer. L'Autriche-Hongrie
n'est sans doute pas une combinaison heureuse, mais du moins elle en
est une, et il vaut mieux une mauvaise solution qu'aucune.

Si les grandes puissances tombaient d'accord relativement à la Turquie,
celle-ci cesserait d'être comptée parmi les États européens. La
meilleure preuve nous en est fournie par l'histoire de la Pologne:
aussitôt que la Russie, l'Autriche-Hongrie et la Prusse s'entendirent,
la Pologne disparut par le partage entre les contractants. Mais pour
ce qui est de la Turquie, les puissances ne peuvent s'entendre ni pour
se la partager entre elles, ni pour la donner toute entière à l'une
d'elles. Aucune de ces puissances ne trouve son intérêt à ce qu'une
autre, et non pas précisément elle, s'installe à la Corne d'Or, d'où
on ne pourrait plus la déloger, et c'est toujours la Turquie que
chacune d'elles préfère y voir, cette situation lui donnant des
espoirs pour l'avenir.

Mais hâtons-nous de dire qu'en ce qui concerne la Turquie, il y a,
outre les grandes puissances, un autre facteur très important qui
manquait lors du partage de la Pologne: ce sont les États balkaniques
chrétiens, la Serbie, le Monténégro, la Bulgarie et la Grèce. Ce sont
là les héritiers légitimes de la Turquie d'Europe; ils le sont
ethnographiquement et historiquement. Malheureusement, les grandes
puissances, qui ont, disent-elles, elles aussi, des intérêts dans les
Balkans, ne permettent pas aux États balkaniques de s'arranger pour
faire, entre eux, le partage de leur voisin. Les grandes puissances
élèvent donc, également, des droits de succession par rapport à la
Turquie. Elles émettent, du reste, de pareilles prétentions partout où
il y a quelque chose à prendre. Les grandes puissances sont des
successeurs universels. Et leurs titres? Oh, elles se les fabriquent
elles-mêmes, contrairement à la règle que personne ne peut se créer
soi-même de titre à l'appui du droit réclamé. La force n'est pas gênée
par des règles. La force dit: la règle c'est moi! La force c'est le
titre. Qui dit force dit titre.

Les grandes puissances affirment, il est vrai, que les États
balkaniques chrétiens ne sont pas eux-mêmes d'accord au point de vue
de la question turque et que, pour empêcher la collision armée entre
ces États et la guerre générale qui pourrait éventuellement en
résulter, elles sont obligées d'intervenir. Voilà une affirmation qui
n'est pas une vérité. En effet, ce n'est pas parce que les États
balkaniques chrétiens sont divisés que les grandes puissances
interviennent, mais tout au contraire, c'est parce que les grandes
puissances interviennent, que ces États sont divisés. Pourquoi, pour
ne citer qu'un exemple, la Bulgarie est-elle si intraitable vis-à-vis
de la Serbie, en ce qui concerne la question macédonienne? Parce
qu'elle est secondée, dans ces prétentions nationales, par la Russie,
qui, de même qu'en 1878, ne verrait pas aujourd'hui non plus d'un oeil
favorable l'agrandissement de la Serbie dans la direction du Sud. Les
grandes puissances craignent un accord entre les pays balkaniques
chrétiens, accord qui pourrait donner à la question turque une
solution dont elles ne seraient pas satisfaites. En divisant ces pays
entre eux, les grandes puissances, toujours dans un but intéressé,
ajournent, de la sorte, la fin de la question turque et prolongent la
vie de la Turquie.

C'est en aspirant aux mêmes visées que certaines grandes puissances,
parmi lesquelles la Grande-Bretagne occupe la première place,
préconisent l'idée d'une confédération balkanique, confédération qui
serait composée de la Turquie et des autres États balkaniques
(chrétiens). Ces puissances disent à la Turquie et aux États
balkaniques chrétiens: Vous êtes mal les uns avec les autres parce que
vous constituez autant de différents États; organisez un seul État
dans la forme d'une fédération, et alors la guerre ne vous menacerait
plus, car, pour qu'il y ait guerre, il faut deux ou plusieurs États,
un seul État ne pouvant se faire la guerre à lui-même. La
confédération balkanique aurait, dans les limites des Balkans, le même
résultat que la confédération européenne aurait dans les limites de
l'Europe: elle supprimerait la guerre parce qu'elle assurerait
l'amitié entre anciens adversaires ou, ce qui est la même chose, elle
assurerait l'amitié entre anciens adversaires, parce qu'elle
supprimerait la guerre[1].

Mais proposer la confédération balkanique, ce n'est nullement encore
résoudre la question d'Orient. Cette question consistait, jusqu'à
présent, en ceci: savoir de quelle manière devraient être distribuées
les provinces actuellement gouvernées en Europe par les Turcs, une
fois que ceux-ci auraient été rejetés en Asie. Le projet de
confédération balkanique, en éliminant l'idée de l'évacuation de la
Péninsule balkanique par les Turcs, supprime, comme nous le voyons, la
question d'Orient. Au lieu de résoudre cette question, ce projet la
tourne. Napoléon Ier a bien dit, il est vrai, que lorsqu'on ne peut
vaincre une difficulté, on doit la tourner, règle qu'il avait souvent
mise à exécution dans ses opérations militaires: quand, par exemple,
il ne pouvait traverser avec son armée une grande montagne, il la
tournait. La difficulté se trouvait tranchée par là, puisque Napoléon
débouchait avec son armée là où il désirait. Mais, nonobstant
certaines analogies entre la guerre et la politique, il n'en reste pas
moins acquis qu'il y a aussi entre elles bien des différences. L'une
d'elles est précisément celle qui a trait à la solution des questions:
en politique, on ne résout pas, comme cela peut arriver à la guerre,
une question en la tournant; en politique, une question tournée n'est
pas une question résolue, une question tournée reste toujours une
question.

C'est que la confédération balkanique, telle que l'Angleterre la
voudrait, est une impossibilité, et l'on sait que ce n'est pas qu'en
chimie qu'il y a des impossibilités: on en rencontre aussi en
politique. La confédération balkanique est une alchimie politique, et
la Grande-Bretagne est un alchimiste qui, bien que de date récente et
moderne, ne sera pas plus heureux que ses lointains ancêtres.

En effet, c'est n'avoir pas les notions les plus élémentaires sur la
Turquie et les Turcs que d'oser émettre l'idée d'une confédération
entre les États balkaniques chrétiens et la Porte, et si l'Angleterre
s'est arrêtée à cette idée, cela montre à quel point elle a épuisé
tous les autres moyens pour prévenir la dissolution et le partage de
la Turquie, dissolution et partage qui s'accompliraient, en est-elle
persuadée, au détriment de ses intérêts.

Car, si les peuples chrétiens des Balkans, les Serbes (au nombre
desquels il faut également comprendre les Monténégrins), les Bulgares,
les Grecs et les Koutzo-Valaques, se confédéraient avec la Turquie,
ils devraient alors renoncer à leurs aspirations nationales, la
Turquie étant un État qui est, en principe, habité par les
coreligionnaires de ces mêmes peuples. Faisons remarquer tout de suite
que ce ne serait pas encore un grief sérieux contre l'idée d'une
confédération balkanique que l'obstacle qui en découlerait, pour les
peuples susnommés, quant à la possibilité de la réalisation du soi-disant
principe des nationalités. Car ce qu'on appelle «principe des
nationalités» n'est point un principe, c'est encore moins un droit.
C'est tout simplement et ce ne peut être autre chose qu'un _moyen_
pour atteindre un certain but. Le but, c'est le progrès, la
civilisation, et si les nations non encore unifiées se réclament du
principe des nationalités, c'est parce qu'un peuple n'est à même
d'atteindre le plus haut degré possible de culture et de civilisation
qu'autant qu'il est unifié. Et puisque tel est le sens de ce principe
des nationalités, il s'en suit qu'un peuple non unifié n'a le droit à
son unification politique que s'il a prouvé ses aptitudes à la
civilisation. Sans cela, le droit à l'unification n'existe pas. Et la
meilleure preuve du bien-fondé de ce que nous avançons ici, nous la
trouvons dans ce fait, qui n'est contesté par personne en Europe et en
Amérique, que les nations civilisées (Anglais, Allemands, Français,
Italiens, etc.), au lieu de proclamer, pour les races inférieures et
barbares, le principe des nationalités, au contraire, se les partagent,
afin de relever, autant que possible, leur niveau matériel, moral et
intellectuel. La colonisation de l'Afrique, par exemple, est une
manifestation éclatante contre cette prétention qu'il y ait un
principe ou un droit des nationalités. S'il y a ici un principe, c'est
le _principe de la civilisation_, principe qui seul peut justifier
l'union d'une race ou d'un peuple. Il résulte de cette observation
encore ceci: qu'un État n'a point le droit de tendre à s'adjoindre les
habitants d'un autre État qui seraient de la même nationalité que ses
propres sujets, si ces habitants, bien que séparés du gros du peuple
auquel ils appartiennent, sont placés, dans l'État dont ils sont les
ressortissants, dans les meilleures conditions possibles pour
progresser et prospérer et aussi pour conserver leur nationalité. Du
reste, ce n'est que grâce au respect qu'on a pour sa nationalité qu'on
peut dire qu'un habitant d'un pays est placé dans les meilleures
conditions possibles pour progresser et prospérer. Ainsi, par exemple,
l'Allemagne, la France et l'Italie ne seraient point admises à
prétendre au droit de s'unir les Allemands, les Français et les
Italiens qui composent la République suisse, parce que les Suisses
jouissent, dans cette République, des libertés nécessaires au plein
développement de leurs facultés intellectuelles et morales.

En conséquence, si la Turquie parvenait à doter les populations
chrétiennes qui sont sous sa domination d'un régime de paix et de
bien-être, les États balkaniques chrétiens ne sauraient se prévaloir,
dans ce cas, du principe des nationalités, ce principe ne pouvant
avoir ici sa raison d'être, puisque le but qui l'explique et le
justifie serait, dans le cas supposé, atteint même sans son
application.

Mais il n'en est rien. La situation des sujets chrétiens de la Turquie
d'Europe, au lieu de devenir meilleure depuis l'avènement au pouvoir
des Jeunes Turcs, a, au contraire, empiré. Comment, du reste,
pourrait-il en être autrement, puisque la Jeune Turquie n'est pas
parvenue à changer les conditions d'existence des nationalités
chrétiennes, conditions auxquelles celles-ci avaient été soumises
pendant toute la durée du gouvernement de la Vieille Turquie. La
liberté et l'égalité politique, sans lesquelles on ne peut concevoir
ni progrès individuel, ni prospérité collective, les populations
chrétiennes continuent à en manquer en Turquie, nonobstant
l'introduction de la démocratie dans ce pays.

Car il ne faut pas confondre, quand il s'agit de systèmes de
gouvernement, les États homogènes et hétérogènes, c'est-à-dire les
États peuplés par une seule nationalité et les États qui sont composés
de nationalités différentes.

Dans les premiers États, tous les habitants sont placés sous un même
régime politique, régime conservateur ou démocratique, tandis que dans
les derniers États, il n'en est pas ainsi: une nationalité,--et c'est
celle qui est régnante, dominante,--bénéficie seule des privilèges et
libertés politiques, les autres nationalités restant toujours soumises
à un régime d'exception, toujours, c'est-à-dire sans égard aux
améliorations qui peuvent être apportées à la situation sociale et
politique de la nationalité détenant le pouvoir. Les luttes politiques,
dans les États hétérogènes, sont limitées aux seuls représentants de
la nationalité dominante, de telle sorte que, par exemple, la victoire
de la démocratie ne signifie, dans ces États, autre chose qu'un
changement, dans le sens démocratique, survenu dans la position
politique des membres de ladite nationalité: ce ne seront qu'eux qui
profiteront du nouveau régime basé sur les principes démocratiques.
Mais, quant aux autres nationalités, celles qui sont gouvernées par la
nationalité dominante, elles ne cesseront point, pour cela, d'être
placées sous un régime réactionnaire et rétrograde.

Et il n'y a pas lieu de s'étonner qu'il en soit ainsi. Car, dans un
État hétérogène, la nationalité dominante ne peut mettre sur le même
pied qu'elle les autres nationalités, par cette simple raison qu'elle
ne veut pas lâcher le pouvoir, ni perdre sa prédominance dans l'État,
ce qui pourrait parfaitement arriver si les nationalités qu'elle
gouverne avaient à leur disposition les mêmes moyens de combat et
d'influence qu'elle. On s'en convainc très bien d'après ce qui se
passe en Hongrie: malgré la division des Magyars en différents partis
politiques, les uns libéraux et démocratiques, les autres
conservateurs, qui se sont succédé et qui se succèdent au pouvoir, la
situation des nationalités serbe, croate et roumaine, ne se modifie
pas, elle est toujours précaire et difficile, presque intolérable: la
nationalité magyare, numériquement faible, tire sa prépondérance et sa
force des conditions spécialement favorables qu'elle s'est assurées
dans l'État hongrois.

Il en est de même de la Turquie. La révolution pacifique de 1908 s'est
bornée, quant à ses effets, aux seuls Turcs. Cette révolution a été
tout simplement une affaire interne des Vieux et des Jeunes Turcs, une
affaire de ménage. Au lieu d'être gouvernés par le système absolutiste
d'Abdul-Hamid, les Turcs le sont maintenant par le système
démocratique des Jeunes Turcs. Peut-être pouvons-nous dire que, même à
ce point de vue restreint, c'est-à-dire au point de vue des rapports
entre les Vieux et les Jeunes Turcs, il n'y a rien de changé: de même
que, sous Abdul-Hamid, les Vieux Turcs tyrannisaient les Jeunes Turcs,
de même, à présent, les Jeunes Turcs tyrannisent les Vieux Turcs. Il
n'y a ici que cette différence: sous l'ancien régime, c'était un homme,
Abdul-Hamid, qui exerçait l'absolutisme, maintenant c'est un club,
celui d'«Union et Progrès».

Mais, quoi qu'il en soit à cet égard, toujours est-il que, du moins,
les nationalités chrétiennes n'ont tiré aucun profit de la démocratie
jeune-turque. C'est que ces nationalités signifient, aux yeux des
Jeunes Turcs, la même chose qu'elles signifiaient aux yeux des Vieux
Turcs: un danger pour le maintien et l'intégrité de l'Empire Ottoman.
Aussi les Jeunes Turcs ont-ils vite démenti, en ce qui concerne les
populations chrétiennes, leur programme démocratique: la liberté et
l'égalité politiques, ce sont la dot des Turcs seuls et non pas aussi
des chrétiens, ceux-ci restant, comme sous Abdul-Hamid, plongés dans
la misère et l'obscurité.

Les exemples, à l'appui de ce que nous avançons, sont nombreux et,
même, trop nombreux, et il n'est pas nécessaire de fatiguer le lecteur
par leur énumération. Les Jeunes Turcs se disent: si nous appliquons
également nos principes démocratiques aux chrétiens, nous risquons de
détruire notre Empire, les chrétiens pouvant employer la liberté que
nous leur donnerions pour s'affranchir de nous et pour s'adjoindre aux
différents États Balkaniques chrétiens; mais, d'un autre côté, si nous
exceptons les chrétiens de nos institutions démocratiques pour les
garder toujours en notre pouvoir, nous nous attirerons les mêmes
reproches que s'était déjà attirés le régime despotique d'Abdul-Hamid.
Il fallait donc choisir entre ces deux voies, et les Jeunes Turcs ont
fait ici le même choix que les Vieux Turcs--ce qui démontre qu'en ce
qui concerne les chrétiens, il n'y a pas de vieux et de jeunes Turcs,
mais seulement des Turcs--c'est-à-dire qu'ils ont préféré la Turquie
aux principes, qu'ils ont préféré leur nationalité aux nationalités
chrétiennes, qu'ils ont préféré le pouvoir à la civilisation.

Et puisqu'il en est ainsi, peut-on dès lors soutenir l'idée d'une
confédération entre la Turquie et les États balkaniques chrétiens,
confédération qui aurait pour résultat de laisser définitivement à
leur sort malheureux les populations chrétiennes en Turquie? Est-ce
que ce ne serait pas inhumain de la part des Serbes de la Serbie et du
Monténégro, des Bulgares de la Bulgarie et des Grecs de la Grèce, que
de se désintéresser de leurs frères en Turquie au point de s'allier
avec la nation qui est la cause de leur infortune? Comme nous voyons,
les sentiments des Serbes, des Bulgares et des Grecs se révoltent
contre la pensée d'une confédération avec l'ennemi, non seulement
séculaire mais encore actuel, constant, éternel, de leurs races. La
raison n'est pas ici non plus en opposition avec les sentiments: elle
commande hautement aux États balkaniques chrétiens d'arracher à la
domination turque les populations chrétiennes en leur appliquant le
principe des nationalités, cette application étant rendue ici
nécessaire et inévitable par les besoins de la civilisation. Les
Serbes, les Grecs et les Bulgares formant les États libres de Serbie,
de Monténégro, de Grèce et de Bulgarie, ont certainement donné
suffisamment de preuves de leurs capacités civilisatrices pour qu'ils
aient le droit de s'unir, en vue de faire jouir des bienfaits de la
culture moderne leurs coreligionnaires de Turquie, qui y sont exposés
à toutes sortes de souffrances.

Mais alors même que les Jeunes Turcs se départiraient de leur conduite
actuelle vis-à-vis des chrétiens, une confédération entre l'Empire
ottoman et les États balkaniques chrétiens ne serait pas encore
possible. En effet, pour que ces derniers États qui, bien qu'encore
arriérés en comparaison des vieux États européens, n'en sont pas moins
des pays civilisés, trouvent leur intérêt à se confédérer avec la
Turquie, il faudrait que cet État fût, lui aussi, un pays de culture
ou, du moins, qu'il donnât des garanties, par son organisation, ainsi
que par le caractère du peuple par lequel il est dirigé, permettant de
compter sur cette transformation, dans un avenir plus ou moins
rapproché.

Or, c'est précisément cette condition, si indispensable à la
réalisation de ladite combinaison politique, qui manque. Non seulement
la Turquie ne peut être rangée parmi les États civilisés, mais encore
elle ne promet aucunement de le devenir un jour, malgré le changement
tout de surface qui s'y est accompli, à la suite de la révolution
jeune-turque.

C'est que les Turcs sont absolument réfractaires à la civilisation. Il
suffit, pour s'en persuader, d'observer ce fait que, depuis leur
arrivée en Europe, ils sont restés presque stationnaires dans leur vie
sociale. Si on constate quelques progrès techniques en Turquie, c'est
aux Chrétiens qu'on le doit. On a dit des Chinois que c'était un
peuple momie, on peut en dire autant, avec plus de raison encore, des
Turcs, avec plus de raison, parce que les Turcs étaient, depuis des
siècles, à proximité de la culture européenne, ce qui n'avait pas été
le cas des Chinois. À quel point les Turcs résistent à la poussée de
la civilisation, on le voit aussi d'après ce qui est arrivé lors de la
formation des États chrétiens libres des Balkans. Ne pouvant supporter
le nouvel ordre de choses, ordre européen, qui s'établissait dans ces
États, anciennes provinces ottomanes, les Turcs en ont émigré pour
aller s'installer soit dans la Turquie d'Europe, soit dans la Turquie
d'Asie, où ils retrouvèrent les conditions de vie sociale qui
convenaient à leurs idées et à leur caractère. La même chose se passe,
à l'heure qu'il est, en Bosnie-Herzégovine: les Turcs quittent en
masse ces pays, où l'Autriche-Hongrie projette de priver enfin les
Turcs, par le rachat des droits féodaux des spahis, de la situation
privilégiée que, jusqu'à présent, ils y occupaient comparativement aux
kmètes serbes. Partout où la civilisation européenne commence à
pénétrer, les Turcs s'enfuient; ils ne la souffrent pas plus que les
chauves-souris ne souffrent la lumière. Civiliser la Turquie, ce
serait chasser les Turcs de l'Europe. Le jour où les Turcs auront
passé le détroit des Dardanelles, ce jour-là, la Turquie d'Europe[2]
sera acquise à la civilisation; le jour où la Turquie deviendrait pays
de culture, ce jour-là les Turcs ne seraient plus en Europe. Et cette
incompatibilité entre la civilisation chrétienne et l'islamisme, on la
constate aussi dans les autres pays mahométans. Nous pouvons citer à
cet effet la Perse. Le chaos qui règne dans cet État musulman ne date
que de l'époque où il est venu en contact avec les idées européennes.
On peut comparer les pays ottomans à ces objets qu'on exhume dans les
fouilles de Pompéi et qui, dès qu'ils sont touchés par l'air, tombent
en poussière. Pour ces pays, la civilisation européenne est pleine de
venin: aussitôt qu'ils en sont touchés, ils en meurent. Ce n'est qu'en
respectant le Coran et son système d'organisation de l'État que les
pays mahométans peuvent durer; en s'en écartant pour marcher dans les
voies tracées par la civilisation européenne, ils se sont perdus ou se
perdront. Tant que la Turquie observait scrupuleusement les
injonctions de Mahomet, elle était forte; mais dès qu'elle voulut
introduire chez elle les réformes pour s'élever au rang des États
modernes, sa force commença à décroître rapidement.

C'est qu'il y a une différence profonde entre l'islamisme et le
christianisme. On parle de l'égalité des hommes au point de vue des
_droits_. Nous ne savons pas si ce principe est une vérité, mais il y
a une égalité par rapport à laquelle il ne peut exister aucun doute,
c'est l'égalité devant les _devoirs_ ou, mieux, devant le _devoir_, et
ce devoir consiste dans l'obligation de chacun de nous d'aider, par
ses efforts personnels, au progrès de la société.

Ce devoir, c'est, autrement dit, le devoir du travail. Nous sommes
égaux devant le travail: chacun est tenu de travailler dans la mesure
de ses capacités et de ses forces. Tel est l'enseignement du
christianisme, tel est aussi l'enseignement de la science, qui, de
même que le Christ, prêche la solidarité sociale, prêche le devoir
qu'ont tous les hommes de vivre et d'agir pour cette unité qui
s'appelle société, dont ils ne sont que les parties.

Eh bien! cette égalité devant le travail, le Coran ne la connaît pas.
S'il connaît quelque chose, c'est, tout au contraire, l'inégalité
devant le devoir. Le Coran partage les hommes en deux catégories: les
_fidèles_ (fidèles au prophète), c'est-à-dire les Mahométans, qui
n'ont pas de devoirs, bien qu'ils aient tous les droits, et les
_infidèles_ (infidèles envers le prophète), qui ont tous les devoirs,
mais sans avoir aussi des droits. L'islamisme est donc une
consécration du principe de l'inégalité: inégalité devant les devoirs
de même que devant les droits.

Peut-on, dès lors, espérer de sauver un État, assis sur des bases si
opposées à celles sur lesquelles sont constitués les États européens?
Est-ce qu'un pareil pays, d'où la solidarité sociale est tout à fait
bannie, est capable de répondre aux buts des États modernes, buts qui
ne sont pas réalisables en dehors de l'application du principe
solidariste? Quel esprit de solidarité existe-t-il entre un mahométan,
qui n'a que le droit de jouir sans avoir le devoir de travailler, et
un chrétien qui n'a que le devoir de travailler sans avoir le droit de
jouir? En d'autres termes, quelle solidarité peut-il y avoir entre le
maître et son esclave? Et puis, peut-on parler de la solidarité
sociale, solidarité qui suppose l'existence d'une unité, d'une société,
dans un État où une moitié de la population peine pour l'autre moitié,
où les uns, les giaours, nonobstant leur travail dur et continu,
manquent très souvent des moyens d'existence les plus élémentaires,
tandis que les autres, les Osmanlis, s'adonnent à un luxe effréné et à
une débauche orientale? La Turquie n'est pas un État moderne, parce
que ce n'est pas une société, et elle n'est pas une société parce
qu'elle n'est pas une unité: c'est un tout divisé en deux parties,
dont l'une, les fidèles, méprise l'autre, les infidèles, laquelle, à
son tour, hait la première. Est-ce que les sentiments de mépris et de
haine sont de nature à développer la solidarité parmi ceux entre
lesquels ils existent?

La perturbation politique survenue en Turquie en 1908, sur laquelle
beaucoup de gens avisés de l'Occident fondent tant d'espoir, sera
absolument impuissante à modifier socialement et politiquement les
Turcs. La religion de Mahomet représente, pour eux, un code complet:
c'est un recueil de lois tant religieuses que civiles, c'est un code
social. Il embrasse un fidèle sous tous les rapports, depuis sa
naissance jusqu'à sa mort et même après la mort. Pas de manifestation
de vie humaine qui ne soit réglée par le Coran. Et c'est depuis des
siècles que les Turcs subissent l'action des préceptes de Mahomet;
sous cette action, leur esprit s'est complètement formé ou, si l'on
veut, déformé. À l'égal des gouttes d'eau qui, en tombant longtemps
sur le rocher, finissent par le creuser, les idées finissent aussi par
creuser le cerveau. Les idées de Mahomet ont fait dans le cerveau turc
des fêlures qui le distinguent du cerveau chrétien, à tel point qu'un
Turc et un chrétien sont maintenant des êtres différents même au point
de vue physiologique, êtres qu'on ne peut absolument pas enfermer dans
un même moule social et politique.

Ainsi, par exemple, les Jeunes Turcs ont beau proclamer l'égalité
entre le Turc et le Chrétien--nous avons d'ailleurs vu que cette
proclamation est restée à l'état de proclamation, cette égalité, les
Jeunes Turcs ne la désirant pas sincèrement--un Mahométan ne se fera
jamais à l'idée de considérer comme son égal celui qui, pendant des
siècles, était son inférieur, plus que cela: son serf. Le giaour reste
le giaour, digne seulement de promener les chevaux de son maître, le
Turc, et la Constitution jeune-turque est trop faible pour entamer la
constitution physiologique du Mahométan. A constitution, constitution
et demie.

La démocratie jeune-turque qui, comme toute démocratie, suppose
l'activité de tous les membres de la société, activité dirigée vers le
perfectionnement de celle-ci, ne produira, à cet égard non plus, aucun
effet par rapport aux Turcs. Il y a, à Belgrade, près de l'ancienne
forteresse romaine que baigne le confluent de la Save et du Danube,
une éminence, tournée vers l'Orient, que les Turcs, au temps où ils
étaient maîtres de Belgrade et de la Serbie, appelaient _Fitchir Bair_,
ce qui veut dire: la rive de la réflexion. C'est toute la
caractéristique du Turc: il réfléchit, mais il ne travaille pas. Sans
doute, il est beau de réfléchir, mais la société n'en vit pas. Si la
philosophie peut se contenter de la réflexion, la société demande
autre chose encore: l'action, le travail. Le Turc est philosophe,
parce qu'il lui est possible de l'être: pendant qu'il réfléchit, le
giaour travaille pour lui. C'est comme dans l'ancienne Grèce: Aristote
et Platon pouvaient bien se consacrer à la philosophie, puisque leurs
esclaves labouraient les champs pour eux. Le Turc a toujours été tel
et il restera tel. Il a été et il sera l'homme de la rive de la
réflexion.

Par sa nature, le Turc est encore plus inutile pour la civilisation
que la race noire, également rébarbative à la culture. En effet, si
l'on ne peut faire d'un nègre un homme civilisé, du moins peut-on en
faire un travailleur. Les nègres sont, comme on le sait, un élément
dont les Européens tirent de grands profits dans leurs entreprises
coloniales. Un nègre n'a pas honte d'être employé à des besognes
toutes manuelles. Il en est autrement d'un Turc: il est paresseux,
excepté en ce qui concerne la réflexion, ou il est infatigable: il
peut passer des journées entières dans la contemplation et la
réflexion, c'est-à-dire dans l'oisiveté; il est paresseux, disons-nous,
parce qu'il est fataliste: à quoi bon se mouvoir et agir, puisque
l'homme est impuissant à déranger, tant soit peu, l'ordre naturel des
choses, puisque tout se passera comme la fatalité immuable l'aura
ordonné? Ou bien, il est fataliste parce qu'il est paresseux: pour
donner à sa paresse une explication philosophique, il la rattache au
fatalisme. Et quant à son orgueil, c'est un obstacle à ce qu'il puisse
être employé utilement, comme on emploie les nègres: il est dégradant
pour un Mahométan de travailler, surtout s'il s'agit de travaux
corporels.

Telle est la psychologie du Turc, et elle montre clairement que
l'Empire ottoman est irrémédiablement voué à sa perte. Ce sera
certainement le sort de ce pays dans lequel la race dominante est
dépourvue, au plus haut degré, des qualités requises pour qu'elle
puisse rendre le pays moderne. Aussi est-ce une utopie qu'une
confédération entre un État qui se meurt et les jeunes États
balkaniques chrétiens, qui sont en plein essor de développement
matériel et moral. Une pareille confédération ne ferait qu'affaiblir
ces derniers États, une force n'augmentant qu'autant qu'elle s'allie à
une autre force. Et c'est encore accentuer cette utopie que de
proposer que cette confédération soit placée sous l'hégémonie de la
Turquie. L'hégémonie de la Turquie serait l'hégémonie de l'islamisme
et de ses idées néfastes. L'hégémonie de la Turquie, serait le
panislamisme, dont rêvent les Jeunes-Turcs, qui ont embrassé, avec une
précipitation intéressée, l'idée d'une confédération balkanique sous
l'hégémonie turque. On propose la confédération balkanique comme une
barrière contre le _Drang nach Osten_ allemand, en préparant en même
temps, par là, un autre Drang, le _Drang nach Westen_ turc. Mais, s'il
y a à choisir entre ces deux Drangs, les peuples balkaniques chrétiens,
peuples capables et avides de civilisation, n'hésiteraient
certainement pas un moment à se prononcer pour le premier.

C'est une chose très curieuse que le rôle que l'Angleterre voudrait
imposer aux États balkaniques chrétiens, et, en premier lieu, à la
Serbie. Elle leur dit de barrer la route au _Drang_ allemand. Mais
qu'est-ce que c'est en somme que ce _Drang_? Ce n'est autre chose que
la poussée civilisatrice de l'Europe, et elle est dite _Drang_
allemand, parce que les Allemands étant voisins des Slaves du Sud, ce
sont eux qui transmettent à ces derniers la culture européenne. Ainsi,
en fin de compte, les Anglais voudraient que les Slaves du Sud fussent
un obstacle à la propagation, vers l'Orient, de la civilisation
européenne, ils voudraient que ce fussent eux contre qui cette
civilisation devrait se briser. Et voilà une tâche qu'on ne saurait
précisément appeler une tâche noble, digne d'un peuple moderne! Que
les Slaves du Sud se soient toujours fait un titre de gloire d'avoir
combattu l'islamisme, c'est très concevable: c'est l'Europe et sa
culture qu'ils défendaient contre l'ignorance musulmane, mais qu'on
prétende maintenant, en plein XXe siècle, leur faire jouer un rôle
inverse, c'est à quoi ils ne pourraient jamais consentir, conscients
qu'ils sont que leur destinée est non pas de servir la cause spéciale
de la politique anglaise, mais de servir celle de la civilisation. Et
c'est aussi dans le but de contribuer à celle-ci que, par exemple, les
Serbes se soulevèrent, il y a de cela plus d'un siècle, contre leurs
oppresseurs turcs, et ce serait vraiment une chose bien étrange qu'à
présent, ces mêmes Serbes pussent montrer la velléité de se replacer,
en quelque sorte, par une confédération, avec la Turquie en tête, sous
la même domination dont ils se sont affranchis au prix de tant de
sacrifices. Aujourd'hui qu'ils sont incomparablement plus avancés
qu'au temps de leurs luttes avec les Ottomans, les Serbes feraient si
peu de cas de la civilisation qu'ils seraient prêts à préférer à
celle-ci l'influence de l'islamisme rétrograde! Mais une pareille
tentative serait un démenti des plus cruels qu'ils se donneraient à
eux-mêmes, un pas en arrière qu'ils accompliraient.

Les puissances occidentales et, en premier lieu, l'Angleterre, au lieu
de froisser les Slaves du Sud en leur suggérant des projets qui ne
sauraient que les dégrader, devraient, au contraire, si vraiment elles
sont amies des peuples balkaniques chrétiens et de leur progrès, les
aider à délivrer les Balkans d'une race asiatique, race grâce à
laquelle l'Europe orientale n'est pas encore arrivée au même niveau de
civilisation que le reste de l'Europe, afin qu'une fois maîtres de
toute la Péninsule balkanique, qui, maintenant, on peut le dire, ne
fait que _géographiquement_ partie de l'Europe, ils puissent y faire
rentrer cette presqu'île aussi au point de vue de la culture.


[1] Le projet de confédération balkanique, projet dont l'idée est due,
en principe, à la Grande-Bretagne, montre que la position de cette
dernière puissance dans les Balkans ne s'est point améliorée depuis le
Congrès de Berlin. En 1878, l'Angleterre défendait l'intégrité de
l'Empire ottoman, parce qu'elle craignait l'omnipotence de la Russie;
elle la craignait pour ses possessions asiatiques, et surtout pour
celle des Indes. Aujourd'hui, l'Angleterre a les mêmes craintes, bien
que ce ne soit plus la Russie qui les lui inspire. Toujours est-il que
l'Angleterre ne cesse pas d'être menacée, par la Péninsule balkanique,
dans ses colonies asiatiques, ce qui veut dire, répétons-le, que sa
position dans l'Est européen n'est pas avancée depuis le Traité de
Berlin. Il y a même plus: cette situation est empirée, puisque, en
1878, l'Angleterre avait l'Allemagne comme alliée contre la politique
balkanique russe, tandis qu'aujourd'hui, on ne peut dire avec
certitude qu'elle ait, à l'inverse, la Russie comme alliée contre la
politique balkanique allemande: on le voit d'après l'effort même de la
Grande-Bretagne pour créer une confédération balkanique contre le
_Drang_ allemand, ce dont elle n'aurait pas besoin si elle était sûre
de la Russie; et certainement les États balkaniques ne peuvent être
mis sur le même pied que l'Allemagne au point de vue des garanties
qu'ils assurent à l'Angleterre pour la réalisation de sa politique
balkanique: la garantie que lui donnait, à cet égard, l'Allemagne, en
1878, était autrement efficace que celle que lui pourraient offrir à
présent les États balkaniques.

[2] Le mot _Turquie_ est pris ici dans son acception _géographique_.


70558.--Paris, Imprimerie LAHURE, 9, rue de Fleurus.









End of Project Gutenberg's Confédération Balkanique, by Jivoin Péritch

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