The Project Gutenberg EBook of Jeannot et Colin, by Voltaire (#11 in our series by Voltaire) Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. You can also find out about how to make a donation to Project Gutenberg, and how to get involved. **Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Title: Jeannot et Colin Author: Voltaire Release Date: December, 2003 [EBook #4772] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on March 16, 2002] Edition: 10 Language: French *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, JEANNOT ET COLIN *** This eBook was produced by Carlo Traverso. We thank the Bibliotheque Nationale de France that has made available the image files at www://gallica.bnf.fr, authorizing the preparation of the etext through OCR. Nous remercions la Bibliothèque Nationale de France qui a mis à dispositions les images dans www://gallica.bnf.fr, et a donné l'authorization à les utilizer pour preparer ce texte. OEUVRES DE VOLTAIRE. TOME XXXIII DE L' IMPRIMERIE DE A. FIRMIN DIDOT, RUE JACOB, N° 24. OEUVRES DE VOLTAIRE PRÉFACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC. PAR M. BEUCHOT. TOME XXXIII. ROMANS. TOME I. A PARIS, CHEZ LEFÈVRE, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉPERON, K° 6. WERDET ET LEQUIEN FILS, RUE DU BATTOIR, N° 2O. MDCCCXXIX. JEANNOT ET COLIN. Préface de l'Éditeur Les deux contes, _Le blanc et le noir_, _Jeannot et Colin_, font partie du volume qui parut, en 1764, sous le titre de Contes de Guillaume Fade. ------ Les notes sans signature, et qui sont indiquées par des lettres, sont de Voltaire. Les notes signées d'un K sont des éditeurs de Kehl, MM. Condorcet et Decroix. Il est impossible de faire rigoureusement la part de chacun. Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes des éditeurs de Kehl, en sont séparées par un--, et sont, comme mes notes, signées de l'initiale de mon nom. BEUCHOT. 4 octobre 1829. JEANNOT ET COLIN. Plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire, en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très renommé; Colin devait le jour à un brave laboureur des environs, qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sou pour livre, la capitation, et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année. Jeannot et Colin étaient fort jolis pour des Auvergnats; ils s'aimaient beaucoup; et ils avaient ensemble de petites privautés, de petites familiarités, dont on se ressouvient toujours avec agrément quand on se rencontre ensuite dans le monde. Le temps de leurs études était sur le point de finir, quand un tailleur apporta à Jeannot un habit de velours à trois couleurs, avec une veste de Lyon de fort bon goût; le tout était accompagné d'une lettre à M. de La Jeannotière. Colin admira l'habit, et ne fut point jaloux; mais Jeannot prit un air de supériorité qui affligea Colin. Dès ce moment Jeannot n'étudia plus, se regarda au miroir, et méprisa tout le monde. Quelque temps après un valet de chambre arrive en poste, et apporte une seconde lettre à monsieur le marquis de La Jeannotière; c'était un ordre de monsieur son père de faire venir monsieur son fils à Paris. Jeannot monta en chaise en tendant la main à Colin avec un sourire de protection assez noble. Colin sentit son néant, et pleura. Jeannot partit dans toute la pompe de sa gloire. Les lecteurs qui aiment à s'instruire doivent savoir que M. Jeannot, le père, avait acquis assez rapidement des biens immenses dans les affaires. Vous demandez comment on fait ces grandes fortunes? C'est parcequ'on est heureux. M. Jeannot était bien fait, sa femme aussi, et elle avait encore de la fraîcheur. Ils allèrent à Paris pour un procès qui les ruinait, lorsque la fortune, qui élève et qui abaisse les hommes à son gré, les présenta à la femme d'un entrepreneur des hôpitaux des armées, homme d'un grand talent, et qui pouvait se vanter d'avoir tué plus de soldats en un an que le canon n'en fait périr en dix. Jeannot plut à madame; la femme de Jeannot plut à monsieur. Jeannot fut bientôt de part dans l'entreprise; il entra dans d'autres affaires. Dès qu'on est dans le fil de l'eau, il n'y a qu'à se laisser aller; on fait sans peine une fortune immense. Les gredins, qui du rivage vous regardent voguer à pleines voiles, ouvrent des yeux étonnés; ils ne savent comment vous avez pu parvenir; ils vous envient au hasard, et font contre vous des brochures que vous ne lisez point. C'est ce qui arriva à Jeannot le père, qui fut bientôt M. de La Jeannotière, et qui, ayant acheté un marquisat au bout de six mois, retira de l'école monsieur le marquis son fils, pour le mettre à Paris dans le beau monde. Colin, toujours tendre, écrivit une lettre de compliments à son ancien camarade, et lui fit ces lignes pour le congratuler. Le petit marquis ne lui fit point de réponse: Colin en fut malade de douleur. Le père et la mère donnèrent d'abord un gouverneur au jeune marquis: ce gouverneur, qui était un homme du bel air, et qui ne savait rien, ne put rien enseigner à son pupille. Monsieur voulait que son fils apprît le latin, madame ne le voulait pas. Ils prirent pour arbitre un auteur qui était célèbre alors par des ouvrages agréables. Il fut prié à dîner. Le maître de la maison commença par lui dire: Monsieur, comme vous savez le latin, et que vous êtes un homme de la cour.... Moi, monsieur, du latin! je n'en sais pas un mot, répondit le bel esprit, et bien m'en a pris: il est clair qu'on parle beaucoup mieux sa langue quand on ne partage pas son application entre elle et les langues étrangères. Voyez toutes nos dames, elles ont l'esprit plus agréable que les hommes; leurs lettres sont écrites avec cent fois plus de grâce; elles n'ont sur nous cette supériorité que parcequ'elles ne savent pas le latin. Eh bien! n'avais-je pas raison? dit madame. Je veux que mon fils soit un homme d'esprit, qu'il réussisse dans le monde; et vous voyez bien que, s'il savait le latin, il serait perdu. Joue-t-on, s'il vous plaît, la comédie et l'opéra en latin? plaide-t-on en latin quand on a un procès? fait-on l'amour en latin? Monsieur, ébloui de ces raisons, passa condamnation, et il fut conclu que le jeune marquis ne perdrait point son temps à connaître Cicéron, Horace, et Virgile. Mais qu'apprendra-t-il donc? car encore faut-il qu'il sache quelque chose; ne pourrait-on pas lui montrer un peu de géographie? A quoi, cela lui servira-t-il? répondit le gouverneur. Quand monsieur le marquis ira dans ses terres, les postillons ne sauront-ils pas les chemins? ils ne l'égareront certainement pas. On n'a pas besoin d'un quart de cercle pour voyager, et on va très commodément de Paris en Auvergne, sans qu'il soit besoin de savoir sous quelle latitude on se trouve. Vous avez raison, répliqua le père; mais j'ai entendu parler d'une belle science qu'on appelle, je crois, l'astronomie. Quelle pitié! repartit le gouverneur; se conduit-on par les astres dans ce monde? et faudra-t-il que monsieur le marquis se tue à calculer une éclipse, quand il la trouve à point nommé dans l'almanach, qui lui enseigne de plus les fêtes mobiles, l'âge de la lune, et celui de toutes les princesses de l'Europe? Madame fut entièrement de l'avis du gouverneur. Le petit marquis était au comble de la joie; le père était très indécis. Que faudra-t-il donc apprendre à mon fils? disait-il. A être aimable, répondit l'ami que l'on consultait; et s'il sait les moyens de plaire, il saura tout: c'est un art qu'il apprendra chez madame sa mère, sans que ni l'un ni l'autre se donnent la moindre peine. Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit: On voit bien, monsieur, que vous êtes l'homme du monde le plus savant; mon fils vous devra toute son éducation: je m'imagine pourtant qu'il ne serait pas mal qu'il sût un peu d'histoire. Hélas! madame, à quoi cela est-il bon? répondit-il; il n'y a certainement d'agréable et d'utile que l'histoire du jour. Toutes les histoires anciennes, comme le disait un de nos beaux esprits[1], ne sont que des fables convenues; et pour les modernes, c'est un chaos qu'on ne peut débrouiller. Qu'importe à monsieur votre fils que Charlemagne ait institué les douze pairs de France, et que son successeur ait été bègue? [1] Fontenelle. B. Rien n'est mieux dit! s'écria le gouverneur: on étouffe l'esprit des enfants sous un amas de connaissances inutiles; mais de toutes les sciences la plus absurde, à mon avis, et celle qui est la plus capable d'étouffer toute espèce de génie, c'est la géométrie. Cette science ridicule a pour objet des surfaces , des lignes, et des points, qui n'existent pas dans la nature. On fait passer en esprit cent mille lignes courbes entre un cercle et une ligne droite qui le touche, quoique dans la réalité on n'y puisse pas passer un fétu. La géométrie, en vérité, n'est qu'une mauvaise plaisanterie. Monsieur et madame n'entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire; mais ils furent entièrement de son avis. Un seigneur comme monsieur le marquis, continua-t-il , ne doit pas se dessécher le cerveau dans ces vaines études. Si un jour il a besoin d'un géomètre sublime, pour lever le plan de ses terres, il les fera arpenter pour son argent. S'il veut débrouiller l'antiquité de sa noblesse, qui remonte aux temps les plus reculés, il enverra chercher un bénédictin. Il en est de même de tous les arts. Un jeune seigneur heureusement né n'est ni peintre, ni musicien, ni architecte, ni sculpteur; mais il fait fleurir tous ces arts en les encourageant par sa magnificence. Il vaut sans doute mieux les protéger que de les exercer; il suffit que monsieur le marquis ait du goût; c'est aux artistes à travailler pour lui; et c'est en quoi on a très grande raison de dire que les gens de qualité (j'entends ceux qui sont très riches) savent tout sans avoir rien appris, parcequ'en effet ils savent à la longue juger de toutes les choses qu'ils commandent et qu'ils paient. L'aimable ignorant prit alors la parole, et dit: Vous avez très bien remarqué, madame, que la grande fin de l'homme est de réussir dans la société. De bonne foi, est-ce par les sciences qu'on obtient ce succès? s'est-on jamais avisé dans la bonne compagnie de parler de géométrie? demande-t-on jamais à un honnête homme quel astre se lève aujourd'hui avec le soleil? s'informe-t-on à souper si Clodion-le-Chevelu passa le Rhin? Non, sans doute, s'écria la marquise de La Jeannotière, que ses charmes avaient initiée quelquefois dans le beau monde, et monsieur mon fils ne doit point éteindre son génie par l'étude de tous ces fatras; mais enfin que lui apprendra-t-on? car il est bon qu'un jeune seigneur puisse briller dans l'occasion, comme dit monsieur mon mari. Je me souviens d'avoir ouï dire à un abbé que la plus agréable des sciences était une chose dont j'ai oublié le nom, mais qui commence par un _B_.--Par un _B_, madame? ne serait-ce point la botanique?--Non, ce n'était point de botanique qu'il me parlait; elle commençait, vous dis-je, par un _B_, et finissait par un _on_.--Ah! j'entends, madame; c'est le blason: c'est, à la vérité, une science fort profonde; mais elle n'est plus à la mode depuis qu'on a perdu l'habitude de faire peindre ses armes aux portières de son carrosse; c'était la chose du monde la plus utile dans un état bien policé. D'ailleurs cette étude serait infinie; il n'y a point aujourd'hui de barbier qui n'ait ses armoiries; et vous savez que tout ce qui devient commun est peu fêté. Enfin, après avoir examiné le fort et le faible des sciences, il fut décidé que monsieur le marquis apprendrait à danser. La nature, qui fait tout, lui avait donné un talent qui se développa bientôt avec un succès prodigieux; c'était de chanter agréablement des vaudevilles. Les grâces de la jeunesse, jointes à ce don supérieur, le firent regarder comme le jeune homme de la plus grande espérance. Il fut aimé des femmes; et ayant la tête toute pleine de chansons, il en fit pour ses maîtresses. Il pillait _Bacchus_ et _l'Amour_ dans un vaudeville, la nuit et le jour dans un autre, les charmes et les alarmes dans un troisième; mais, comme il y avait toujours dans ses vers quelques pieds de plus ou de moins qu'il ne fallait, il les fesait corriger moyennant vingt louis d'or par chanson; et il fut mis dans l'_Année_ littéraire au rang des La Fare, des Chaulieu, des Hamilton, des Sarrasin, et des Voiture. Madame la marquise crut alors être la mère d'un bel esprit, et donna à souper aux beaux esprits de Paris. La tête du jeune homme fut bientôt renversée; il acquit l'art de parler sans s'entendre, et se perfectionna dans l'habitude de n'être propre à rien. Quand son père le vit si éloquent, il regretta vivement de ne lui avoir pas fait apprendre le latin, car il lui aurait acheté une grande charge dans la robe. La mère, qui avait des sentiments plus nobles, se chargea de solliciter un régiment pour son fils; et en attendant il fit l'amour. L'amour est quelquefois plus cher qu'un régiment. Il dépensa beaucoup, pendant que ses parents s'épuisaient encore davantage à vivre en grands seigneurs. Une jeune veuve de qualité, leur voisine, qui n'avait qu'une fortune médiocre, voulut bien se résoudre à mettre en sûreté les grands biens de monsieur et de madame de La Jeannotière, en se les appropriant, et en épousant le jeune marquis. Elle l'attira chez elle, se laissa aimer, lui fit entrevoir qu'il ne lui était pas indifférent, le conduisit par degrés, l'enchanta, le subjugua sans peine. Elle lui donnait tantôt des éloges, tantôt des conseils; elle devint la meilleure amie du père et de la mère. Une vieille voisine proposa le mariage; les parents, éblouis de la splendeur de cette alliance, acceptèrent avec joie la proposition: ils donnèrent leur fils unique à leur amie intime. Le jeune marquis allait épouser une femme qu'il adorait et dont il était aimé; les amis de la maison le félicitaient; on allait rédiger les articles, en travaillant aux habits de noce et à l'épithalame. Il était un matin aux genoux de la charmante épouse que l'amour, l'estime, et l'amitié, allaient lui donner; ils goûtaient, dans une conversation tendre et animée, les prémices de leur bonheur; ils s'arrangeaient pour mener une vie délicieuse, lorsqu'un valet de chambre de madame la mère arrive tout effaré. Voici bien d'autres nouvelles, dit-il; des huissiers déménagent la maison de monsieur et de madame; tout est saisi par des créanciers; on parle de prise de corps, et je vais faire mes diligences pour être payé de mes gages. Voyons un peu, dit le marquis, ce que c'est que ça, ce que c'est que cette aventure-là. Oui, dit la veuve, allez punir ces coquins-là, allez vite. Il y court, il arrive à la maison; son père était déjà emprisonné: tous les domestiques avaient fui chacun de leur côté, en emportant tout ce qu'ils avaient pu. Sa mère était seule, sans secours, sans consolation , noyée dans les larmes; il ne lui restait rien que le souvenir de sa fortune, de sa beauté, de ses fautes, et de ses folles dépenses. Après que le fils eut long-temps pleuré avec la mère, il lui dit enfin: Ne nous désespérons pas; cette jeune veuve m'aime éperdument; elle est plus généreuse encore que riche, je réponds d'elle; je vole à elle, et je vais vous l'amener. Il retourne donc chez sa maîtresse, il la trouve tête à tête avec un jeune officier fort aimable. Quoi! c'est vous, M. de La Jeannotière; que venez-vous faire ici? abandonne-t-on ainsi sa mère? Allez chez cette pauvre femme, et dites-lui que je lui veux toujours du bien: j'ai besoin d'une femme de chambre, et je lui donnerai la préférence. Mon garçon, tu me parais assez bien tourné, lui dit l'officier; si tu veux entrer dans ma compagnie, je te donnerai un bon engagement. Le marquis stupéfait, la rage dans le coeur, alla chercher son ancien gouverneur, déposa ses douleurs dans son sein, et lui demanda des conseils. Celui-ci lui proposa de se faire, comme lui, gouverneur d'enfants. Hélas! je ne sais rien, vous ne m'avez rien appris, et vous êtes la première cause de mon malheur; et il sanglotait en lui parlant ainsi. Faites des romans, lui dit un bel esprit qui était là; c'est une excellente ressource à Paris. Le jeune homme, plus désespéré que jamais, courut chez le confesseur de sa mère; c'était un théatin très accrédité, qui ne dirigeait que les femmes de la première considération; dès qu'il le vit, il se précipita vers lui. Eh! mon Dieu! monsieur le marquis, où est votre carrosse? comment se porte la respectable madame la marquise votre mère? Le pauvre malheureux lui conta le désastre de sa famille. A mesure qu'il s'expliquait, le théatin prenait une mine plus grave, plus indifférente, plus imposante: Mon fils, voilà où Dieu vous voulait; les richesses ne servent qu'à corrompre le coeur; Dieu a donc fait la grâce à votre mère de la réduire à la mendicité? Oui, monsieur.--Tant mieux, elle est sûre de son salut.--Mais, mon père, en attendant, n'y aurait-il pas moyen d'obtenir quelques secours dans ce monde?--Adieu, mon fils; il y a une dame de la cour qui m'attend. Le marquis fut prêt à s'évanouir; il fut traité à peu près de même par tous ses amis, et apprit mieux à connaître le monde dans une demi-journée que dans tout le reste de sa vie. Comme il était plongé dans l'accablement du désespoir, il vit avancer une chaise roulante, à l'antique, espèce de tombereau couvert, accompagné de rideaux de cuir, suivi de quatre charrettes énormes toutes chargées. Il y avait dans la chaise un jeune homme grossièrement vêtu; c'était un visage rond et frais qui respirait la douceur et la gaieté. Sa petite femme brune, et assez grossièrement agréable, était cahotée à côté de lui. La voiture n'allait pas comme le char d'un petit-maître: le voyageur eut tout le temps de contempler le marquis immobile, abîmé dans sa douleur. Eh! mon Dieu! s'écria-t-il, je crois que c'est là Jeannot. A ce nom le marquis lève les yeux, la voiture s'arrête: C'est Jeannot lui-même, c'est Jeannot. Le petit homme rebondi ne fait qu'un saut, et court embrasser son ancien camarade. Jeannot reconnut Colin; la honte et les pleurs couvrirent son visage. Tu m'as abandonné, dit Colin; mais tu as beau être grand seigneur, je t'aimerai toujours. Jeannot, confus et attendri, lui conta, en sanglotant, une partie de son histoire. Viens dans l'hôtellerie où je loge me conter le reste, lui dit Colin; embrasse ma petite femme, et allons dîner ensemble. Ils vont tous trois à pied, suivis du bagage. Qu'est-ce donc que tout cet attirail? vous appartient-il?--Oui, tout est à moi et à ma femme. Nous arrivons du pays; je suis à la tête d'une bonne manufacture de fer étamé et de cuivre. J'ai épousé la fille d'un riche négociant en ustensiles nécessaires aux grands et aux petits; nous travaillons beaucoup; Dieu nous bénit; nous n'avons point changé d'état, nous sommes heureux, nous aiderons notre ami Jeannot. Ne sois plus marquis; toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un bon ami. Tu reviendras avec moi au pays, je t'apprendrai le métier, il n'est pas bien difficile; je te mettrai de part, et nous vivrons gaiement dans le coin de terre où nous sommes nés. Jeannot éperdu se sentait partagé entre la douleur et la joie, la tendresse et la honte; et il se disait tout bas: Tous mes amis du bel air m'ont trahi, et Colin, que j'ai méprisé, vient seul à mon secours. Quelle instruction! La bonté d'âme de Colin développe dans le coeur de Jeannot le germe du bon naturel, que le monde n'avait pas encore étouffé. Il sentit qu'il ne pouvait abandonner son père et sa mère. Nous aurons soin de ta mère, dit Colin; et quant à ton bon-homme de père, qui est en prison, j'entends un peu les affaires; ses créanciers, voyant qu'il n'a plus rien, s'accommoderont pour peu de chose; je me charge de tout. Colin fit tant qu'il tira le père de prison. Jeannot retourna dans sa patrie avec ses parents , qui reprirent leur première profession. Il épousa une soeur de Colin, laquelle étant de même humeur que le frère, le rendit très heureux. Et Jeannot le père, et Jeannotte la mère, et Jeannot le fils, virent que le bonheur n'est pas dans la vanité. FIN DE JEANNOT ET COLIN. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, JEANNOT ET COLIN *** This file should be named 4772.txt or 4772.zip Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. We are now trying to release all our eBooks one year in advance of the official release dates, leaving time for better editing. Please be encouraged to tell us about any error or corrections, even years after the official publication date. Please note neither this listing nor its contents are final til midnight of the last day of the month of any such announcement. The official release date of all Project Gutenberg eBooks is at Midnight, Central Time, of the last day of the stated month. A preliminary version may often be posted for suggestion, comment and editing by those who wish to do so. Most people start at our Web sites at: https://gutenberg.org or http://promo.net/pg These Web sites include award-winning information about Project Gutenberg, including how to donate, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter (free!). Those of you who want to download any eBook before announcement can get to them as follows, and just download by date. This is also a good way to get them instantly upon announcement, as the indexes our cataloguers produce obviously take a while after an announcement goes out in the Project Gutenberg Newsletter. http://www.ibiblio.org/gutenberg/etext03 or ftp://ftp.ibiblio.org/pub/docs/books/gutenberg/etext03 Or /etext02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90 Just search by the first five letters of the filename you want, as it appears in our Newsletters. Information about Project Gutenberg (one page) We produce about two million dollars for each hour we work. The time it takes us, a rather conservative estimate, is fifty hours to get any eBook selected, entered, proofread, edited, copyright searched and analyzed, the copyright letters written, etc. Our projected audience is one hundred million readers. If the value per text is nominally estimated at one dollar then we produce $2 million dollars per hour in 2002 as we release over 100 new text files per month: 1240 more eBooks in 2001 for a total of 4000+ We are already on our way to trying for 2000 more eBooks in 2002 If they reach just 1-2% of the world's population then the total will reach over half a trillion eBooks given away by year's end. The Goal of Project Gutenberg is to Give Away 1 Trillion eBooks! This is ten thousand titles each to one hundred million readers, which is only about 4% of the present number of computer users. Here is the briefest record of our progress (* means estimated): eBooks Year Month 1 1971 July 10 1991 January 100 1994 January 1000 1997 August 1500 1998 October 2000 1999 December 2500 2000 December 3000 2001 November 4000 2001 October/November 6000 2002 December* 9000 2003 November* 10000 2004 January* The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been created to secure a future for Project Gutenberg into the next millennium. We need your donations more than ever! As of February, 2002, contributions are being solicited from people and organizations in: Alabama, Alaska, Arkansas, Connecticut, Delaware, District of Columbia, Florida, Georgia, Hawaii, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky, Louisiana, Maine, Massachusetts, Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Nevada, New Hampshire, New Jersey, New Mexico, New York, North Carolina, Ohio, Oklahoma, Oregon, Pennsylvania, Rhode Island, South Carolina, South Dakota, Tennessee, Texas, Utah, Vermont, Virginia, Washington, West Virginia, Wisconsin, and Wyoming. We have filed in all 50 states now, but these are the only ones that have responded. As the requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund raising will begin in the additional states. Please feel free to ask to check the status of your state. In answer to various questions we have received on this: We are constantly working on finishing the paperwork to legally request donations in all 50 states. If your state is not listed and you would like to know if we have added it since the list you have, just ask. While we cannot solicit donations from people in states where we are not yet registered, we know of no prohibition against accepting donations from donors in these states who approach us with an offer to donate. International donations are accepted, but we don't know ANYTHING about how to make them tax-deductible, or even if they CAN be made deductible, and don't have the staff to handle it even if there are ways. Donations by check or money order may be sent to: Project Gutenberg Literary Archive Foundation PMB 113 1739 University Ave. Oxford, MS 38655-4109 Contact us if you want to arrange for a wire transfer or payment method other than by check or money order. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation has been approved by the US Internal Revenue Service as a 501(c)(3) organization with EIN [Employee Identification Number] 64-622154. Donations are tax-deductible to the maximum extent permitted by law. As fund-raising requirements for other states are met, additions to this list will be made and fund-raising will begin in the additional states. We need your donations more than ever! You can get up to date donation information online at: https://www.gutenberg.org/donation.html *** If you can't reach Project Gutenberg, you can always email directly to: Michael S. HartProf. Hart will answer or forward your message. We would prefer to send you information by email. **The Legal Small Print** (Three Pages) ***START**THE SMALL PRINT!**FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS**START*** Why is this "Small Print!" statement here? You know: lawyers. They tell us you might sue us if there is something wrong with your copy of this eBook, even if you got it for free from someone other than us, and even if what's wrong is not our fault. So, among other things, this "Small Print!" statement disclaims most of our liability to you. It also tells you how you may distribute copies of this eBook if you want to. *BEFORE!* YOU USE OR READ THIS EBOOK By using or reading any part of this PROJECT GUTENBERG-tm eBook, you indicate that you understand, agree to and accept this "Small Print!" statement. If you do not, you can receive a refund of the money (if any) you paid for this eBook by sending a request within 30 days of receiving it to the person you got it from. If you received this eBook on a physical medium (such as a disk), you must return it with your request. ABOUT PROJECT GUTENBERG-TM EBOOKS This PROJECT GUTENBERG-tm eBook, like most PROJECT GUTENBERG-tm eBooks, is a "public domain" work distributed by Professor Michael S. Hart through the Project Gutenberg Association (the "Project"). Among other things, this means that no one owns a United States copyright on or for this work, so the Project (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth below, apply if you wish to copy and distribute this eBook under the "PROJECT GUTENBERG" trademark. Please do not use the "PROJECT GUTENBERG" trademark to market any commercial products without permission. To create these eBooks, the Project expends considerable efforts to identify, transcribe and proofread public domain works. Despite these efforts, the Project's eBooks and any medium they may be on may contain "Defects". Among other things, Defects may take the form of incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other eBook medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. LIMITED WARRANTY; DISCLAIMER OF DAMAGES But for the "Right of Replacement or Refund" described below, [1] Michael Hart and the Foundation (and any other party you may receive this eBook from as a PROJECT GUTENBERG-tm eBook) disclaims all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees, and [2] YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE OR UNDER STRICT LIABILITY, OR FOR BREACH OF WARRANTY OR CONTRACT, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES, EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGES. If you discover a Defect in this eBook within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending an explanatory note within that time to the person you received it from. If you received it on a physical medium, you must return it with your note, and such person may choose to alternatively give you a replacement copy. If you received it electronically, such person may choose to alternatively give you a second opportunity to receive it electronically. THIS EBOOK IS OTHERWISE PROVIDED TO YOU "AS-IS". NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, ARE MADE TO YOU AS TO THE EBOOK OR ANY MEDIUM IT MAY BE ON, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE. Some states do not allow disclaimers of implied warranties or the exclusion or limitation of consequential damages, so the above disclaimers and exclusions may not apply to you, and you may have other legal rights. INDEMNITY You will indemnify and hold Michael Hart, the Foundation, and its trustees and agents, and any volunteers associated with the production and distribution of Project Gutenberg-tm texts harmless, from all liability, cost and expense, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following that you do or cause: [1] distribution of this eBook, [2] alteration, modification, or addition to the eBook, or [3] any Defect. DISTRIBUTION UNDER "PROJECT GUTENBERG-tm" You may distribute copies of this eBook electronically, or by disk, book or any other medium if you either delete this "Small Print!" and all other references to Project Gutenberg, or: [1] Only give exact copies of it. Among other things, this requires that you do not remove, alter or modify the eBook or this "small print!" statement. You may however, if you wish, distribute this eBook in machine readable binary, compressed, mark-up, or proprietary form, including any form resulting from conversion by word processing or hypertext software, but only so long as *EITHER*: [*] The eBook, when displayed, is clearly readable, and does *not* contain characters other than those intended by the author of the work, although tilde (~), asterisk (*) and underline (_) characters may be used to convey punctuation intended by the author, and additional characters may be used to indicate hypertext links; OR [*] The eBook may be readily converted by the reader at no expense into plain ASCII, EBCDIC or equivalent form by the program that displays the eBook (as is the case, for instance, with most word processors); OR [*] You provide, or agree to also provide on request at no additional cost, fee or expense, a copy of the eBook in its original plain ASCII form (or in EBCDIC or other equivalent proprietary form). [2] Honor the eBook refund and replacement provisions of this "Small Print!" statement. [3] Pay a trademark license fee to the Foundation of 20% of the gross profits you derive calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. If you don't derive profits, no royalty is due. Royalties are payable to "Project Gutenberg Literary Archive Foundation" the 60 days following each date you prepare (or were legally required to prepare) your annual (or equivalent periodic) tax return. Please contact us beforehand to let us know your plans and to work out the details. WHAT IF YOU *WANT* TO SEND MONEY EVEN IF YOU DON'T HAVE TO? Project Gutenberg is dedicated to increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form. The Project gratefully accepts contributions of money, time, public domain materials, or royalty free copyright licenses. Money should be paid to the: "Project Gutenberg Literary Archive Foundation." If you are interested in contributing scanning equipment or software or other items, please contact Michael Hart at: [email protected] [Portions of this eBook's header and trailer may be reprinted only when distributed free of all fees. Copyright (C) 2001, 2002 by Michael S. Hart. Project Gutenberg is a TradeMark and may not be used in any sales of Project Gutenberg eBooks or other materials be they hardware or software or any other related product without express permission.] *END THE SMALL PRINT! FOR PUBLIC DOMAIN EBOOKS*Ver.02/11/02*END*