Histoire des voyages de Scarmentado

By Voltaire

The Project Gutenberg EBook of Histoire des Voyages de Scarmentado
by Voltaire
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Title: Histoire des Voyages de Scarmentado

Author: Voltaire

Release Date: December, 2003  [EBook #4718]
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[This file was first posted on March 6, 2002]

Edition: 10

Language: French


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			     OEUVRES

			       DE

			    VOLTAIRE.

			   TOME XXXIII

	      DE L' IMPRIMERIE DE A.  FIRMIN DIDOT,

			RUE JACOB, N° 24.




			     OEUVRES

			       DE

			    VOLTAIRE

	      PRÉFACES, AVERTISSEMENTS, NOTES, ETC.

			PAR  M. BEUCHOT.

			  TOME XXXIII.

			ROMANS.  TOME I.

			    A PARIS,

		     CHEZ LEFÈVRE, LIBRAIRE,

	 RUE DE L'ÉPERON, K° 6.  WERDET ET LEQUIEN FILS,

		     RUE DU BATTOIR, N° 2O.

			   MDCCCXXIX.




	       HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO


Préface de l'Éditeur

Le prospectus des frères Cramer, pour leur édition de 1756,
comprend les trois romans _Les deux consolés_, _Histoire des
voyages de Scarmentado_, _Le songe de Platon_, au nombre des
_morceaux neufs_ qu'ils allaient publier.

Cependant la table chronologique qui est dans le tome LXX de
l'édition in-8°de Kehl range les _Voyages de Scarmentado_ à
l'année 1747.  Longchamp[i] dit qu'ils furent composés en octobre
1746, avec plusieurs autres romans, pendant la retraite de
Voltaire à Sceaux.  S'il fallait en croire Colini[ii], Voltaire
aurait écrit les Voyages de Scarmentado après l'aventure de
Francfort, en 1753.  «Encore froissé des injustices qu'il venait
d'éprouver, il composa les Voyages de Scarmentado, conte
ingénieux, qui renferme des allusions visiblement applicables aux
événements dans lesquels il avait figuré.» C'est au lecteur à
prononcer si ce roman contient les allusions dont parle Colini.
Pour moi, je ne les y ai point aperçues.

  [i] _Mémoires_, etc., page 140.

  [ii]  _Mon séjour_, etc., page 61.


Une édition de la Princesse de Babylone, qui parut en 1768 , est
présentée comme une Suite des Voyages de Scarmentado.


				------

Les notes sans signature, et qui sont indiquées par des lettres,
sont de Voltaire.

Les notes signées d'un K sont des éditeurs de Kehl, MM. Condorcet
et Decroix.  Il est impossible de faire rigoureusement la part de
chacun.

Les additions que j'ai faites aux notes de Voltaire ou aux notes
des éditeurs de Kehl, en sont séparées par un--, et sont, comme
mes notes, signées de l'initiale de mon nom.

                                                 BEUCHOT.

4 octobre 1829.





			    HISTOIRE
			   DES VOYAGES
			 DE SCARMENTADO,

		      ÉCRITE PAR LUI-MÊME.

			      1756.



Je naquis dans la ville de Candie, en 1600.  Mon père en était
gouverneur; et je me souviens qu'un poète médiocre, qui n'était
pas médiocrement dur, nommé _Iro_[1], fit de mauvais vers à ma
louange, dans lesquels il me fesait descendre de Minos en droite
ligne; mais mon père ayant été disgracié, il fit d'autres vers où
je ne descendais plus que de Pasiphaé et de son amant.  C'était
un bien méchant homme que cet Iro, et le plus ennuyeux coquin qui
fût dans l'île.

  [1] Anagramme de Roi, poète né avec des talents que son
  penchant pour la satire, les aventures qui en furent la suite,
  sa jalousie contre les hommes de la littérature qui lui étaient
  supérieurs, avilirent et rendirent malheureux.  Le ballet des
  _Éléments_ et l'opéra de _Callirhoé_ sont les seuls de ses
  ouvrages qui lui aient survécu: il mourut vieux, et avait fini
  par se faire dévot.  K.


Mon père m'envoya, à l'âge de quinze ans, étudier à Rome.
J'arrivai dans l'espérance d'apprendre toutes les vérités; car
jusque-là on m'avait enseigné tout le contraire, selon l'usage de
ce bas monde, depuis la Chine jusqu'aux Alpes.  Monsignor
Profondo, à qui j'étais recommandé, était un homme singulier, et
un des plus terribles savants qu'il y eût au monde.  Il voulut
m'apprendre les catégories d'Aristote, et fut sur le point de me
mettre dans la catégorie de ses mignons: je l'échappai belle.  Je
vis des processions, des exorcismes, et quelques rapines.  On
disait, mais très faussement, que la signora Olimpia, personne
d'une grande prudence, vendait beaucoup de choses qu'on ne doit
point vendre.  J'étais dans un âge où tout cela me paraissait
fort plaisant.  Une jeune dame de moeurs très douces, nommée _la
signora Fatelo_, s'avisa de m'aimer.  Elle était courtisée par le
révérend P.  _Poignardini_, et par le révérend P.  _Aconiti_,
jeunes profès d'un ordre qui ne subsiste plus: elle les mit
d'accord en me donnant ses bonnes grâces; mais en même temps je
courus risque d'être excommunié et empoisonné.  Je partis, très
content de l'architecture de Saint-Pierre.

Je voyageai en France; c'était le temps du règne de
Louis-le-Juste[2].  La première chose qu'on me demanda, ce fut,
Si je voulais à mon déjeuner un petit morceau du maréchal
d'Ancre, dont le peuple avait fait rôtir la chair[3], et qu'on
distribuait à fort bon compte à ceux qui en voulaient.

[2] Louis XIII eut dès son enfance , dit Voltaire, le surnom de
Juste, pai'cequ'il était né sous le signe de la Balance.  Voyez
tome XIX, _Le Siècle de Louis XIV_, chapitre 2.  B.

[3] Voyez: tome XVIII, page 177.  B.


Cet état était continuellement en proie aux guerres civiles,
quelquefois pour une place au conseil, quelquefois pour deux
pages de controverse.  Il y avait plus de soixante ans que ce
feu, tantôt couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces
beaux climats.  C'étaient là les libertés de l'Église gallicane.
Hélas!  dis-je, ce peuple est pourtant né doux: qui peut l'avoir
tiré ainsi de son caractère?  Il plaisante, et il fait des
Saint-Barthélemi.  Heureux le temps où il ne fera que plaisanter!

Je passai en Angleterre: les mêmes querelles y excitaient les
mêmes fureurs.  De saints catholiques avaient résolu, pour le
bien de l'Église, de faire sauter en l'air, avec de la poudre, le
roi, la famille royale, et tout le parlement, et de délivrer
l'Angleterre de ces hérétiques.  On me montra la place où la
bienheureuse reine Marie, fille de Henri VIII, avait fait brûler
plus de cinq cents de ses sujets.  Un prêtre ibernois m'assura
que c'était une très bonne action: premièrement parceque ceux
qu'on avait brûlés étaient Anglais; en second lieu parcequ'ils ne
prenaient jamais d'eau bénite, et qu'ils ne croyaient pas au trou
de saint Patrice[4].Il s'étonnait surtout que la reine Marie ne
fût pas encore canonisée; mais il espérait qu'elle le serait
bientôt, quand le cardinal neveu aurait un peu de loisir.

  [4] Sur le trou de Saint-Patrice , voyez tome XXXII, page 177;
  et dans les _Mélanges_, année 1763, la septième des _Lettres
  sur les miracles_.  B.


J'allai en Hollande, où j'espérais trouver plus de tranquillité
chez des peuples plus flegmatiques.  On coupait la tête à un
vieillard vénérable lorsque j'arrivai à La Haye.  C'était la tête
chauve du premier ministre Barneveldt, l'homme qui avait le mieux
mérité de la république.  Touché de pitié, je demandai quel était
son crime, et s'il avait trahi l'état.  Il a fait bien pis, me
répondit un prédicant à manteau noir; c'est un homme qui croit
que l'on peut se, sauver par les bonnes oeuvres aussi bien que
par la foi.  Vous sentez bien que, si de telles opinions
s'établissaient, une république ne pourrait subsister, et qu'il
faut des lois sévères pour réprimer de si scandaleuses horreurs.
Un profond politique du pays me dit en soupirant: Hélas!
monsieur, le bon temps ne durera pas toujours; ce n'est que par
hasard que ce peuple est si zélé; le fond de son caractère est
porté au dogme abominable de la tolérance, un jour il y viendra:
cela fait frémir.  Pour moi, en attendant que ce temps funeste de
la modération et de l'indulgence fût arrivé, je quittai bien vite
un pays où la sévérité n'était adoucie par aucun agrément, et je
m'embarquai pour l'Espagne.

La cour était à Séville, les galions étaient arrivés, tout
respirait l'abondance et la joie dans la plus belle saison de
l'année.  Je vis au bout d'une allée d'orangers et de citronniers
une espèce de lice immense entourée de gradins couverts d'étoffes
précieuses.  Le roi, la reine, les infants, les infantes, étaient
sous un dais superbe.  Vis-à-vis de cette auguste famille était
un autre trône, mais plus élevé.  Je dis à un de mes compagnons
de voyage: A moins que ce trône ne soit réservé pour Dieu, je ne
vois pas à quoi il peut servir.  Ces indiscrètes paroles furent
entendues d'un grave Espagnol, et me coûtèrent cher.  Cependant
je m'imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque
fête de taureaux, lorsque le grand-inquisiteur parut sur ce
trône, d'où il bénit le roi et le peuple.

Ensuite vint une armée de moines défilant deux à deux, blancs,
noirs, gris, chaussés, déchaussés, avec barbe, sans barbe, avec
capuchon pointu, et sans capuchon; puis marchait le bourreau;
puis on voyait au milieu des alguazils et des grands environ
quarante personnes couvertes de sacs sur lesquels on avait peint
des diables et des flammes.  C'étaient des juifs qui n'avaient
pas voulu renoncer absolument à Moïse, c'étaient des chrétiens
qui avaient épousé leurs commères, ou qui n'avaient pas adoré
Notre-Dame d'Atocha[5], ou qui n'avaient pas voulu se défaire de
leur argent comptant en faveur des frères hiéronymites.  On
chanta dévotement de très belles prières, après quoi on brûla à
petit feu tous les coupables; de quoi toute la famille royale
parut extrêmement édifiée.

  [5] Sur Notre-Dame d'Atocha, voyez dans les _Mélanges_, année
  1769, une des notes de Voltaire sur son _Extrait d'un journal_
  (ou Mémoires du Dangeau).  B.


Le soir, dans le temps que j'allais me mettre au lit, arrivèrent
chez moi deux familiers de l'inquisition avec la sainte
Hermandad: ils m'embrassèrent tendrement, et me menèrent, sans me
dire un seul mot, dans un cachot très frais, meublé d'un lit de
natte et d'un beau crucifix.  Je restai là six semaines, au bout
desquelles le révérend père inquisiteur m'envoya prier de venir
lui parler: il me serra quelque temps entre ses bras, avec une
affection toute paternelle; il me dit qu'il était sincèrement
affligé d'avoir appris que je fusse si mal logé; mais que tous
les appartements de la maison étaient remplis, et qu'une autre
fois il espérait que je serais plus à mon aise.  Ensuite il me
demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j'étais là.  Je
dis au révérend père que c'était apparemment pour mes péchés.  Eh
bien!  mon cher enfant, pour quel péché?  parlez-moi avec
confiance.  J'eus beau imaginer, je ne devinai point; il me mit
charitablement sur les voies.

Enfin je me souvins de mes indiscrètes paroles.  J'en fus quitte
pour la discipline et une amende de trente mille réales.  On me
mena faire la révérence au grand-inquisiteur: c'était un homme
poli, qui me demanda comment j'avais trouvé sa petite fête.  Je
lui dis que cela était délicieux, et j'allai presser mes
compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu'il est.
Ils avaient eu le temps de s'instruire de toutes les grandes
choses que les Espagnols avaient faites pour la religion.  Ils
avaient lu les mémoires du fameux évêque de Chiapa[6], par
lesquels il paraît qu'on avait égorgé, ou brûlé, ou noyé dix
millions d'infidèles en Amérique pour les convertir.  Je crus que
cet évêque exagérait; mais quand on réduirait ces sacrifices à
cinq millions de victimes, cela serait encore admirable.

  [6] Las Cases: voyez tome XVII, pages 399, 426; et tome XXXII,
  pages 490-91.  B.


Le désir de voyager me pressait toujours.  J'avais compté finir
mon tour de l'Europe par la Turquie; nous en prîmes la route.  Je
me proposai bien de ne plus dire mon avis sur les fêtes que je
verrais.  Ces Turcs, dis-je à mes compagnons, sont des mécréants
qui n'ont point été baptisés, et qui par conséquent seront bien
plus cruels que les révérends pères inquisiteurs.  Gardons le
silence quand nous serons chez les mahométans.

J'allai donc chez eux.  Je fus étrangement surpris de voir en
Turquie beaucoup plus d'églises chrétiennes qu'il n'y en avait
dans Candie.  J'y vis jusqu'à des troupes nombreuses de moines
qu'on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire
Mahomet, ceux-ci en grec, ceux-là en latin, quelques autres en
arménien[7].  Les bonnes gens que les Turcs!  m'écriai-je.  Les
chrétiens grecs et les chrétiens latins étaient ennemis mortels
dans Constantinople; ces esclaves se persécutaient les uns les
autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et à qui
leurs maîtres donnent des coups de bâton pour les séparer.  Le
grand-vizir protégeait alors les Grecs.  Le patriarche grec
m'accusa d'avoir soupé chez le patriarche latin, et je fus
condamné en plein divan à cent coups de latte sur la plante des
pieds, rachetables de cinq cents sequins.  Le lendemain le
grand-vizir fut étranglé; le surlendemain son successeur, qui
était pour le parti des Latins, et qui ne fut étranglé qu'un mois
après, me condamna à la même amende, pour avoir soupé chez le
patriarche grec.  Je fus dans la triste nécessité de ne plus
fréquenter ni l'église grecque ni la latine.  Pour m'en consoler,
je pris à loyer une fort belle Circassienne, qui était la
personne la plus tendre dans le tête-à-tête, et la plus dévote à
la mosquée.  Une nuit, dans les doux transports de son amour,
elle s'écria en m'embrassant, _Alla, Illa, Alla!_ ce sont les
paroles sacramentales des Turcs; je crus que c'étaient celles de
l'amour: je m'écriai aussi fort tendrement, _Alla, Illa, Alla!_
Ah!  me dit-elle, le Dieu miséricordieux soit loué!  vous êtes
Turc.  Je lui dis que je le bénissais de m'en avoir donné la
force, et je me crus trop heureux.  Le matin l'iman vint pour me
circoncire; et, comme je fis quelque difficulté, le cadi du
quartier, homme loyal, me proposa de m'empaler: je sauvai mon
prépuce et mon derrière avec mille sequins, et je m'enfuis vite
en Perse, résolu de ne plus entendre ni messe grecque ni latine
en Turquie, et de ne plus crier, _Alla, Illa, Alla_, dans un
rendez-vous.

  [7] Voyez tome XVI, page 493.  B.


En arrivant à Ispahan on me demanda si j'étais pour le mouton
noir ou pour le mouton blanc.  Je répondis que cela m'était fort
indifférent, pourvu qu'il fût tendre.  Il faut savoir que les
factions du _mouton blanc_ et du _mouton noir_[8] partageaient
encore les Persans.  On crut que je me moquais des deux partis;
de sorte que je me trouvai déjà une violente affaire sur les bras
aux portes de la ville: il m'en coûta encore grand nombre de
sequins pour me débarrasser des moutons.

  [8] Voyez tome XVI, page 478.  B.


Je poussai jusqu'à la Chine avec un interprète, qui m'assura que
c'était là le pays où l'on vivait librement et gaiement.  Les
Tartares s'en étaient rendus maîtres[9], après avoir tout mis à
feu et à sang; et les révérends Pères jésuites d'un côté, comme
les révérends Pères dominicains de l'autre, disaient qu'ils y
gagnaient des âmes à Dieu, sans que personne en sût rien.  On n'a
jamais vu de convertisseurs si zélés; car ils se persécutaient
les uns les autres tour-à-tour: ils écrivaient à Rome des volumes
de calomnies; ils se traitaient d'infidèles et de prévaricateurs
pour une âme.  Il y avait surtout une horrible querelle entre eux
sur la manière de faire la révérence.  Les jésuites voulaient que
les Chinois saluassent leurs pères et leurs mères à la mode de la
Chine, et les dominicains voulaient qu'on les saluât à la mode de
Rome[10].  Il m'arriva d'être pris par les jésuites pour un
dominicain.  On me fit passer chez sa majesté tartare pour un
espion du pape.  Le conseil suprême chargea un premier mandarin ,
qui ordonna à un sergent qui commanda à quatre sbires du pays de
m'arrêter et de me lier en cérémonie.  Je fus conduit après cent
quarante génuflexions devant sa majesté.  Elle me fit demander si
j'étais l'espion du pape, et s'il était vrai que ce prince dût
venir en personne le détrôner.  Je lui répondis que le pape était
un prêtre de soixante-dix ans[11]; qu'il demeurait à quatre mille
lieues de sa sacrée majesté tartaro-chinoise; qu'il avait environ
deux mille soldats qui montaient la garde avec un parasol; qu'il
ne détrônait personne, et que sa majesté pouvait dormir en
sûreté.  Ce fut l'aventure la moins funeste de ma vie.  On
m'envoya à Macao, d'où je m'embarquai pour l'Europe.

  [9] Voyez tome XVIIl, page 457.  B.

  [10] Sur les querelles des cérémonies chinoises, voyez, tome XX.
  le chapitre XXXIX du _Siècle de Louis XIV_.  B.

  [11] Innocent X, qui a régné de 1644 à 1655.  B.


Mon vaisseau eut besoin d'être radoubé vers les côtes de
Golconde.  Je pris ce temps pour aller voir la cour du grand
Aureng-Zeb, dont on disait des merveilles dans le monde: il était
alors dans Delhi.  J'eus la consolation de l'envisager le jour de
la pompeuse cérémonie dans laquelle il reçut le présent céleste
que lui envoyait le shérif de la Mecque.  C'était le balai avec
lequel on avait balayé la maison sainte, le _caaba_, le _beth
Alla_.  Ce balai est le symbole du balai divin qui balaie toutes
les ordures de l'âme.  Aureng-Zeb ne paraissait pas en avoir
besoin; c'était l'homme le plus pieux de tout l'Indoustan.  Il
est vrai qu'il avait égorgé un de ses frères et empoisonné son
père; vingt raïas et autant d'omras étaient morts dans les
supplices; mais cela n'était rien, et on ne parlait que de sa
dévotion.  On ne lui comparait que la sacrée majesté du
sérénissime empereur de Maroc, Muley Ismael[10], qui coupait des
têtes tous les vendredis après la prière.

  [12] Voltaire a parlé d'Aureng-Zeb et de Muley Ismael, tome
  XVIII, page 420; voyez aussi la table de ce tome XVIII.  B.


Je ne disais mot; les voyages m'avaient formé, et je sentais
qu'il ne m'appartenait pas de décider entre ces deux augustes
souverains.  Un jeune Français, avec qui je logeais, manqua, je
l'avoue, de respect à l'empereur des Indes et à celui de Maroc.
Il s'avisa de dire très indiscrètement qu'il y avait en Europe de
très pieux souverains qui gouvernaient bien leurs états et qui
fréquentaient même les églises, sans pourtant tuer leurs pères et
leurs frères, et sans couper les têtes de leurs sujets.  Notre
interprète transmit en indou le discours impie de mon jeune
homme.  Instruit par le passé, je fis vite seller mes chameaux:
nous partîmes le Français et moi.  J'ai su depuis que la nuit
même les officiers du grand Aureng-Zeb étant venus pour nous
prendre, ils ne trouvèrent que l'interprète.  Il fut exécuté en
place publique, et tous les courtisans avouèrent sans flatterie
que sa mort était très juste.

Il me restait de voir l'Afrique, pour jouir de toutes les
douceurs de notre continent.  Je la vis en effet.  Mon vaisseau
fut pris par des corsaires nègres.  Notre patron fit de grandes
plaintes, il leur demanda pourquoi ils violaient ainsi les lois
des nations.  Le capitaine nègre lui répondit: Vous avez le nez
long, et nous l'avons plat; vos cheveux sont tout droits, et
notre laine est frisée; vous avez la peau de couleur de cendre,
et nous de couleur d'ébène; par conséquent nous devons, par les
lois sacrées de la nature, être toujours ennemis.  Vous nous
achetez aux foires de la côte de Guinée, comme des bêtes de
somme, pour nous faire travailler à je ne sais quel emploi aussi
pénible que ridicule.  Vous nous faites fouiller à coups de nerfs
de boeuf dans des montagnes, pour en tirer une espèce de terre
jaune qui par elle-même n'est bonne à rien, et qui ne vaut pas, à
beaucoup près, un bon ognon d'Egypte; aussi quand nous vous
rencontrons, et que nous sommes les plus forts, nous vous fesons
labourer nos champs, ou nous vous coupons le nez et les oreilles.

On n'avait rien à répliquer à un discours si sage.  J'allai
labourer le champ d'une vieille négresse, pour conserver mes
oreilles et mon nez.  On me racheta au bout d'un an.  J'avais vu
tout ce qu'il y a de beau, de bon, et d'admirable sur la terre:
je résolus de ne plus voir que mes pénates.  Je me mariai chez
moi: je fus cocu , et je vis que c'était l'état le plus doux de
la vie.

FIN DE L'HISTOIRE DES VOYAGES DE SCARMENTADO.


***

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by Voltaire

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