L'illustre Olympie, ou Le St Alexis: Tragedie

By Nicolas-Marc Desfontaines

Project Gutenberg's L'illustre Olympie, ou Le St Alexis, by Nicolas Mary

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Title: L'illustre Olympie, ou Le St Alexis
       Tragedie

Author: Nicolas Mary

Release Date: April 5, 2006 [EBook #18121]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRE OLYMPIE, OU LE ST ***




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                               L'ILLUSTRE

                                 OLYMPIE

                                  OU LE

                               ST ALEXIS.


                                TRAGEDIE.

                      _Par le Sieur DESFONTAINES._




                                À PARIS,
                   Chez PIERRE LAMY, en la Grand'Salle
                      du Palais, au second Pillier.

                              M. DC. XXXXV.

                         AVEC PRIVILEGE DU ROY.




                                 À TRES
                               GENEREUSE,
                               TRES-NOBLE
                                 ET TRES
                             VERTUEUSE DAME
                           MADAME DE TALMANT,
                                   &c.


MADAME,

Je ne pretends pas vous faire un present quand je prends la liberté de
vous offrir mon ALEXIS, & que je vous conjure de le recevoir & de
l'agreer; Je vous demande une grace pour un Vagabond, mais qui cessera
de l'estre, s'il est aujourd'huy assez heureux pour esprouver en vostre
maison les effets de cette bonté qui vous est si naturelle, & que vous
pratiquez si genereusement envers ceux-là mesmes qui ne l'ozeroient
esperer: ou s'il se laisse encore une fois emporter au desir de
s'esloigner; ce ne sera plus que pour apprendre à tout l'Univers tant
de rares qualitez que vous possedez si advantageusement à la confusion
de toutes celles de vostre sexe, & pour faire connoistre à tout le
monde qu'il marche desormais à la faveur de la plus aimable & plus
vertueuse personne qui fut jamais. C'est pour obtenir un si glorieux
adveu qu'il se vient donner à vous avec toute la passion & le respect
dont il peut estre capable; sa chere Olympie l'accompagne en cet
hommage; vous la recevrez favorablement je m'asseure, puis qu'avec
beaucoup de verité l'on peut dire que c'est la _Vertu_ qui se veut
mettre en la protection _de la Vertu_, car comme cette noble partie la
rendit autresfois le prodige de son siecle, tant de genereuses
inclinations qui vous sont communes avec cette illustre Romaine vous
rendent aujourd'huy la merveille du nostre, & cette bien-heureuse
immortalité qu'elle possede ne sera pas moins quelque jour le prix de
vostre merite, qu'elle est à present sa recompence. Ce sont les
souhaits de tous ceux qui ont l'honneur de vous connoistre, & ce sont
les voeux les plus ardents & les plus passionnez de celuy qui borne son
ambition en la qualité glorieuse,

MADAME,

          De

          Vostre tres-humble, tres-obeïssant &
          tres-affectionné serviteur,

                              DESFONTAINES.




                     _Extraict du Privilege du Roy._

Par grace & Privilege du Roy donné à Paris le septiesme de May 1644. il
est permis à Pierre Lamy Marchand Libraire à Paris, d'imprimer ou faire
imprimer, vendre & distribuer pendant le temps & espace de dix ans un
livre intitulé _Sainct Alexis Tragedie saincte_, composée par le sieur
DESFONTAINES, Avec deffences à tous Libraires & Imprimeurs, & autres
personnes de quelque qualité & condition qu'ils soient, d'imprimer ny
faire imprimer ledit livre, de n'en vendre ny distribuer autres
exemplaires que ceux qui seront imprimez par ledit Lamy, ou de son
consentement, à peine de confiscation, & de cinq cens livres d'amende
comme il est declaré plus amplement en l'original des lettres passées
le jour & an que dessus, scellées du grand sceau, & signées. Par le Roy
en son Conseil. MATHAREL.


Achevé d'imprimer le 4. Decembre 1644.




                                À MADAME
                               DE TALMANT.

                               Epigramme.

      En vain pour chercher la vertu
  ALEXIS a couru presque toute la Terre,
      En vain il a tant combatu
  Ses propres sentimens qui luy faisoient la guerre:
      Sans voir tant de Climats divers
      Qui composent cet Univers,
  S'il cherchoit la vertu c'est chez vous qu'elle abonde;
  Et s'il consulte bien vostre ame, & ses attraits,
  Il advoura bien-tost qu'il en voit plus de traits
      Qu'il n'en à veuz par tout le monde.




                           _LES PERSONNAGES._

  SAINCT ALEXIS   Fils d'Euphemien Senateur Romain, mary d'Olympie.

  EUPHEMIEN       Pere de S. Alexis.

  HONORIUS        Empereur Romain.

  POLIDARQUE}    Generaux d'Armée d'Honorius
  PHILOXENE }

  SOSIMENE        Conseiller d'Estat de l'Empereur.

  ARISTANDRE      Capitaine des Gardes.

  CLITOPHON }    Soldats revestus des habits de S. Alexis
  ALCIPE    }
  MEGISTE   }

  LICAS     }    Valets d'Euphemien.
  ARGAMOR   }

  ARASPE          Suivant d'Euphemien.

  OLYMPIE         Femme de S. Alexis.

  AGLES           Mere de S. Alexis.

  LUCELLE   }    Suivantes d'Olympie.
  VIRGINIE  }

  Choeur des Anges.

                          La Scene est à Rome.




                                ARGUMENT
                            DU PREMIER ACTE.

Euphemien Senateur Romain & grand Ministre d'Estat de l'Empereur
Honorius, n'ayant qu'un fils nommé Alexis, le veut arrester aupres de
soy par le lien du mariage, & pour cet effet, demande à l'Empereur pour
recompence de ses services qu'il vueille accorder à son fils Olympie,
fille du General d'armée Olympias, qui mourant en la guerre contre le
Roy Attale l'avoit recommandée à Honorius, lequel du depuis l'avoit
fait eslever en sa Cour avec tant de soins que luy-mesme en estoit
amoureux, mais comme il vit que cette belle & prudente fille avoit de
l'aversion pour les grandeurs excessives & disproportionnées à sa
naissance, s'estant rendue sage par le malheur d'Athenaïs, fille du
Philosophe Leonce, qui apres avoir espousé ce grand Theodose, pere
d'Honorius, en avoit esté repudiée; il la donna aux prieres d'Euphemien
à son Alexis, qui n'ozant desobeir à son pere, la reçeut pour espouse,
& luy donna la foy, mais sans consommer le mariage, la quitta le soir
mesme qu'il l'eust espousée pour obeïr au commandement du Ciel qui luy
ordonna de la laisser; Incontinent que l'Empereur l'eust donnée à
Alexis, Philoxene & Polidarque tous deux Generaux d'Armées d'Honorius
envoyez l'un contre Alaric Roy des Gots: & l'autre contre Stilicon,
Vassal revolté de l'Empire, retournent victorieux, & apportent en mesme
temps aux pieds de l'Empereur, l'un le Sceptre & la Couronne d'Alaric;
& l'autre la teste de Stilicon & tous deux amis, Amans & Rivaux,
demandent pour prix de leurs victoires cette mesme Olympie qu'Honorius
venoit d'accorder à Alexis, de sorte que ne pouvant satisfaire à leurs
desirs, il veut ceder à Polidarque le Sceptre qu'il a conquis, & veut
faire place à Philoxene dans son Trône; ce qu'ils refusent
genereusement par une humilité que leur prescrivoit leur devoir qui
porte Honorius à leur prometre toute sorte de faveurs aux occasions qui
se pourront presenter.




                               ST ALEXIS.

                                TRAGEDIE.




                                ACTE Ier.


                             SCENE PREMIERE.

  HONORIUS, EUPHEMIEN, ALEXIS, SOSIMENE, ARISTANDRE, OLYMPIE, & suitte.


                        HONORIUS _dans le Trône_.

  Demande, Euphemien, ouy demande, & de plus
  N'apprehende de nous, ny froideur, ny refus:
  Je sçay ce que tes soins ont fait pour cet Empire,
  Je sçay que c'est par toy que mon peuple respire,
  Et que par tes conseils & ta fidelité,
  Rome est au plus haut poinct qu'elle ait jamais esté.
  Fay toy-mesme ton prix, regne dans ses Provinces,
  Fay toy, si tu le veux, des sujets de mes Princes,
  Partage mes Grandeurs, prens le tiltre de Roy,
  Ayant tout fait pour nous, je feray tout pour toy.

                               EUPHEMIEN.

  Seigneur, quand un sujet vertueux & fidele
  Sert son Prince & l'Estat avec beaucoup de zele,
  Quelques nobles effets que son coeur fasse voir
  Il ne fait qu'obeir aux loix de son devoir,
  Et sa fidelité rencontre son salaire
  Dans l'honneur qu'il reçoit, ayant l'heur de vous plaire.
  Aussi quand je demande à vostre Majesté,
  Je n'attends rien de moy, mais tout de sa bonté.
  Ouy j'espere, Seigneur de vos mains liberales
  Un bon-heur sans pareil, & des faveurs royales;
  Mais ne presumez pas en cette occasion
  Qu'un Sceptre soit l'objet de mon ambition,
  Je donne à mes desirs de plus justes limites,
  Et j'ajuste mes voeux à mon peu de merites.
  Je demande... ah grand Prince! ozeray-je parler?

                                HONORIUS.

  Ouy parle, je le veux,

                               EUPHEMIEN.

                         Mes jours vont s'écouler
  Des-jà l'âge à mon sang communique sa glace,
  Et vous voyez icy tout l'espoir de ma race.
  C'est ce cher Alexis que le Ciel m'a donné,
  Et pour vostre service à l'instant destiné:
  Je vous le viens offrir, recevez cet hommage,
  Vous avez veû mes soins, vous verrez son courage
  Mais s'il vous plaist, Seigneur, agreez qu'aujourd'huy
  J'implore à vos genoux une grace pour luy.
  Olympie... ah Seigneur, perdez un temeraire,
  Je voy bien dans vos yeux que j'ay pû vous deplaire,
  Et je connois assez que ma presomption
  A produit d'un seul mot leur alteration.

                                HONORIUS.

  Olympie... achevez...

                               EUPHEMIEN.

                        Ah ma faute est trop grande!
  Un pardon maintenant est ce que je demande,
  L'obtiendray-je Seigneur?

                                HONORIUS.

                            Quoy?

                               EUPHEMIEN.

                                  Le bien que j'ay dit.

                                HONORIUS.

  Olympie?

                               EUPHEMIEN.

           Ah c'est trop!

                                HONORIUS.

                          Que je suis interdit!
  Parle, ouy si je puis, je tiendray ma Promesse,
  Mais Olympie est libre, Olympie est maistresse,
  Et celuy dont tu viens implorer le secours
  N'est rien que son Esclave.

                                OLYMPIE.

                              Ah changez de discours,
  Magnanime Empereur, je me sçay mieux connoistre,
  Je sçay qu'Honorius est mon Prince & mon maistre,
  Et je tiendray tousjours à bon-heur de me voir
  Soubsmise aux sainctes loix d'un si juste pouvoir.

                                HONORIUS.

  Mais vous mesme cessez, belle & sage Olympie,
  De tenir un discours contraire à mon envie;
  Si le Sort en naissant vous soubsmit à mes loix,
  Vostre rare beauté qui triomphe des Rois
  Vous dispense aujourd'huy de cette obeïssance
  Que toute autre que vous devroit à ma puissance,
  Et par ces doux attraits qui sçavent tout ravir,
  Inspire aux plus grands coeurs l'ardeur de vous servir.
  Cette necessité qui n'espargne personne
  Me fait mettre à vos pieds mon Sceptre & ma Couronne,
  Et mes sens devenus vos plus chers partisans
  Ont adjoûté mon coeur à ces nobles presens:
  Recevez, Olympie, & Sceptre & Diadéme,
  Recevez pour Espoux un Prince qui vous aime,
  Et par un peu d'amour respondant à ses voeux,
  Vous payrez ses bien-faits, & le rendrez heureux.

                                OLYMPIE.

  Je pourrois écouter l'offre que vous me faites,
  Si je pouvois, Seigneur, ignorer qui vous estes,
  Mais cet auguste front qui se fait reverer
  Me dit trop, grand Monarque, où je dois aspirer,
  Et qu'un peu de beauté que je treuve imparfaite
  Ne me dispense pas du devoir de sujette:
  Dans cette connoissance étouffant mon orgueil,
  Le Thrône est à mes yeux un dangereux écueil,
  Où les ambitieux & superbes courages
  Pensans trouver un port rencontrent leurs naufrages.
  Ne me parlez donc plus de ces rares presens,
  Ces illustres fardeaux sont pour moy trop pesans,
  Et vous devez donner à ce coeur adorable
  Un objet plus parfait & plus considerable:
  Pour moy je ne veux rien de vostre Majesté,
  Sinon que mon repos ne me soit pas osté;
  Si j'obtiens ce bon-heur, mon ame est satisfaite,
  Et mon esprit content à tout ce qu'il souhaite.

                                HONORIUS.

  Par cette humilité vous me rendez confus,
  Mais cet abaissement n'est qu'un adroit refus,
  Et quand vous aurez mieux reconnû mon hommage
  Vous changerez peut-estre un si triste langage.
  Souvenez vous enfin qu'il est beau de regner.

                                OLYMPIE.

  Le sort d'Athenaïs a pû me l'enseigner.

                                HONORIUS.

  Je suis Honorius, & non pas Theodose.

                                OLYMPIE.

  Vos desirs sont pareils, & pourroient mesme chose.

                                HONORIUS.

  Athenaïs & vous differez en ce poinct
  Qu'elle eût une Rivale, & vous n'en avez point.

                                OLYMPIE.

  En un autre, Seigneur, nous differons encore,
  Elle ayma les grandeurs, & moy je les abhorre.

                                HONORIUS.

  Hé bien, puis que mon rang fait vostre aversion,
  Je ne forceray point vostre inclination,
  Mais je conjureray vostre rigueur extréme
  De se rendre en faveur de cet autre moy-mesme,
  De ce cher Alexis, de qui les qualitez
  Ont beaucoup de raport avecque vos beautez:
  Il est jeune; il est noble, adroit, & magnanime,
  Et (si vous me croyez) digne de vostre estime.
  Acceptez, Olympie, acceptez cet Espoux,
  Vous l'aimez, je le sçais; pourquoy rougissez vous?
  En un si juste choix vous n'estes point blâmable,
  Alexis vous cherit, Alexis est aimable,
  Et le ciel fait en vous des accords trop charmans
  Pour separer jamais deux si parfaits Amans.

                                OLYMPIE.

  Ouy, Seigneur, je l'advoue, Alexis a des charmes
  Contre qui ma rigueur n'a que de foibles armes,
  Mon coeur contre ses traits a long-temps combatu,
  Mais enfin il se rend, & cede à sa vertu,
  Et pour luy mon amour est tellement entiere
  Qu'elle sera ma flâme, & premiere & derniere;
  J'eus pour luy cet instinc presque dés le berceau,
  Et je l'emporteray jusque dans le tombeau,
  Où mesme le destin unissant nos deux ames
  Souz nos cendres encor fera vivre nos flâmes.

                                 ALEXIS.

  Trop heureux Alexis! hé bien que feras-tu?
  Coeur ingrat cede enfin, cede à tant de vertu.
  Ouy, cedons... Mais helas! qu'est-ce que je vay faire?
  Dois-je icy, grand Monarque, ou parler, ou me taire?
  L'excez de mon bon-heur me dérobe la voix
  Donne moy, juste Ciel, moins de biens à la fois.
  Ah mon Prince! ah Madame! ô mon coeur! ô ma langue!
  À qui s'adressera ma premiere harangue?
  Quelle voix, quels discours, quels termes si charmans
  Exprimeront mes voeux, & mes remercimens?
  Pour de si grands bien-faits il n'est point d'eloquence
  Qui ne dise bien moins que ne fait mon silence,
  Et vous voyez assez dans ma confusion,
  Et mes profonds respects, & mon affection.
  Contentez vous, Seigneur, de ce muët langage,
  Et vous, chere Olympie, agreez mon servage,
  Puis que le Ciel le veut, mon amour, & mon Roy,
  Avec mon coeur icy je vous donne ma foy.

                                HONORIUS.

  Sus donc puis que le Ciel l'a pour vous destinée,
  Celebrons aujourd'huy cet illustre Hymenée,
  Allez vous preparer.

                                OLYMPIE.

                       Heureux commandement!

                                 ALEXIS.

  Allons, obeissons.

                               EUPHEMIEN.

                     Dans mon ravissement,
  Je ne sçaurois, Seigneur, vous respondre autre chose,
  Sinon que je connois le sang de Theodose,
  Et qu'avecque son rang vous avez herité
  De ce coeur si remply de generosité,
  Qui pouvant par le fer dompter la terre et l'onde;
  Par ses seules bontez s'acquerroit tout le monde.

                                HONORIUS.

  Allez Euphemien, vous connoistrez encor
  Que mon coeur vous cedent un si rare tresor,
  Je n'ay pas fait pour vous tout ce que je medite:
  Je veux joindre aujourd'huy la fortune au merite,
  Et donner en faveur d'Olympie et de vous,
  À mon heureux rival, un prix digne de nous.



                                SCENE II.

  HONORIUS, SOSIMENE, ARISTANDRE.


                                SOSIMENE.

  Certes une vertu si rare & si sublime
  Montre combien, Seigneur, vous estes magnanime,
  Et combien aux grands coeurs doit estre cher & doux
  L'honneur & le bon-heur d'estre estimez de vous,
  Aprez cette action, & cet effort extreme
  Que vostre Esprit royal a fait contre soy-mesme,
  Apres ce grand combat que vous avez rendu
  Quel Empire, Seigneur, ne vous sera point deû?
  Vaincre les nations c'est faire peu de chose,
  De ces Evenemens la fortune dispose,
  Et les plus valeureux succombent quelquefois
  Par un trait de malheur soubz de honteuses loix:
  Mais quiconque eslevé dans un degré suprême
  Peut vaincre ses desirs & regner sur soy-mesme,
  Triompher de l'amour & de ses passions
  Il peut facilement dompter les nations,
  Et quoy que la fortune ou projette, ou conspire,
  De tout cet Univers ne faire qu'un Empire.

                                HONORIUS.

  Quiconque songe moins à ses sujets qu'à soy,
  Est indigne du Rang & du tiltre de Roy,
  Comme ce nom sacré nous tire du vulgaire
  Tout ce que nous faisons doit passer l'ordinaire,
  Tout doit estre royal, tout illustre, tout grand,
  Tout juste, & tout en fin digne de nostre sang.
  Un Monarque qui veut signaler sa memoire
  Doit estre seulement amoureux de sa gloire,
  Et pour cet interest qu'il doit seul regarder
  Aux services des siens prest de tout accorder:
  J'estois (je le confesse) amoureux d'Olympie,
  Ses aimables attraits m'avoient l'ame ravie,
  Et ses hautes vertus qui peuvent tout charmer
  Avoient porté mon coeur & mes yeux à l'aimer.
  Mais quand j'ay sur ce poinct ma raison consultée,
  Quand en d'autres liens je l'ay veue arrestée,
  Quand j'ay consideré les soins d'Euphemien,
  Le zele de son fils, mon amour, & le sien,
  La mutuelle ardeur qui bruloit ces deux ames,
  Ne nous opposons pas à de si belles flames,
  Ay-je dit, & faisant un effort genereux,
  Pour un coeur que je cede, acquerons nous en deux.

                               ARISTANDRE.

  Quoy qu'ayent fait pour l'Estat, & le Fils, & le Pere,
  Olympie est pour eux un assez grand salaire,
  Sans que vous adjoûtiez en cette occasion
  À vos rares bontez tant de profusion:
  Songez que vostre espargne est tantost espuisée
  Par les guerres sans fin où Rome est exposée,
  Et qu'un Prince prudent ne doit pas oublier
  Tous ses autres sujets pour un particulier.

                                HONORIUS.

  Quoy que vous me disiez, vous n'avez rien à craindre,
  Et mon peuple aura peu de sujet de se plaindre,
  Si le noble mespris que je faits des tresors
  Me fait mesme aux vivans recompenser les morts.
  Il me souvient amis, quel estoit ce grand homme,
  Qui prodigua son sang pour le salut de Rome,
  Quand le superbe Attale eut dessein de m'oster
  Du Trône où son orgueil l'invitoit de monter:
  C'estoit, vous le sçavez, le pere d'Olympie,
  Il m'en laissa le soing quand il laissa la vie,
  Et je l'ay du depuis eslevée en ma Cour
  Avec beaucoup de zele & beaucoup plus d'amour,
  Luy donnant un Espoux je luy tiens lieu de pere,
  Et par cette raison un illustre douaire
  Me doit envers la fille acquitter aujourd'huy
  Du service important que j'ay receu de luy.

                               ARISTANDRE.

  Seigneur.

                                HONORIUS.

            C'est assez dit, il suffit Aristandre?
  Qu'on ne m'en parle plus. Mais que viens-je d'entendre?
  D'où procede ce bruit? Dieu? qu'est-ce que je vois?



                               SCENE III.

  POLIDARQUE, HONORIUS, PHILOXENE, ARISTANDRE, SOSIMENE, & suitte.


                               POLIDARQUE.

  Deux Rivaux, mais Subjets du plus juste des Rois,
  Ouy vous voyez Seigneur, vous voyez, grand Monarque,
  Philoxene à vos pieds, avecque Polidarque,
  Tous deux plains de respect, tous deux victorieux,
  Mais tous deux aujourd'huy l'un de l'autre envieux,
  Nostre rang est égal, nos charges sont pareilles,
  Et mes exploits, Seigneur, égalent ses merveilles:
  Car si pour cet Estat il a bien combatu,
  J'ay pour vous l'agrandir signalé ma vertu,
  D'une pareille ardeur nous avons fait la guerre,
  Son bras est une foudre, & le mien un tonnerre:
  Un semblable succez a suivy nos combats,
  Alaric est vaincu, Stilicon est à bas,
  Et nous avons tous deux en cette concurrence,
  Et les mesmes desirs, & la mesme esperance.
  Tous deux sommes amis, & tous les deux Amans
  Tous deux ont mesme coeur & mesmes sentimens,
  Et tous deux, grand Monarque, attendent d'Olympie,
  Et de vostre faveur, ou la mort, ou la vie.

                                HONORIUS.

  Ce que vous demandez n'est plus en mon pouvoir.

                               PHILOXENE.

  Ah Seigneur, regardez le prix de nostre espoir:
  Voyez de ce costé le Sceptre & la Couronne,
  Que portoit Alaric, que mon Rival vous donne:
  Et si malgré l'éclat d'un don si precieux
  Vous daignez devers moy tourner un peu les yeux,
  Vous verrez un objet peut-estre moins aimable,
  Mais bien plus important & plus considerable,
  Puis qu'avecque le sang de ce grand ennemy,
  J'ay rendu desormais vostre Trône affermy.
  Ouy voilà Stilicon, ce superbe, ce traistre,
  Qui vouloit envahir l'Empire de son Maistre,
  Et qui par ma valeur justement abatu
  Est contraint de baiser les pas de la vertu:
  Voyez ces deux presens, regardez l'un & l'autre,
  Il vous donne un Empire, & je sauve le vostre,
  Et nous ne demandons pour prix de nos travaux
  Que l'amour d'Olympie.

                                HONORIUS.

                         Adorables Rivaux,
  Je vois, je vois assez, & j'ay dans la memoire
  Tant d'efforts signalez de valeur & de gloire,
  Que vous avez tousjours heureusement produits
  Malgré tant de mutins que vous avez détruits.
  Ouy, ouy, je vous dois tout; mais cette recompance
  Est plus en mes desirs que dedans ma puissance.
  Vous voulez Olympie; elle n'est plus à moy,
  Alexis la possede, il a receu sa foy,
  Elle s'est à ses voeux elle-mesme donnée,
  Et j'en ay ce matin accordé l'Himenée:
  Mais Princes genereux apres tant de hauts faits
  Il est juste qu'aussi vous soyez satisfaits;
  Vous qui me presentez ce Sceptre, & cette marque,
  Que portoit cy-devant un indigne Monarque,
  Prenez les de ma main, & leur rendez l'esclat
  Qu'Alaric a terny par son lâche attentat.
  Et vous à qui je dois mon Estat & ma vie
  Qu'un rebelle sujet m'eust sans doute ravie,
  Entrez, puis qu'autrement je ne puis m'acquiter
  Au Trône où la raison vous permet de monter.
  Occupez.

                               PHILOXENE.

           Ah Seigneur! Excusez nostre audace,
  Ou bien si nostre offence est indigne de grace,
  Adjoûtez, grand Monarque, à ce chef odieux
  Celuy d'un temeraire & d'un ambitieux:
  Mais qui dans ses desirs n'a jamais fait paroistre
  Qu'il eust aucun dessein sur le rang de son maistre.

                               POLIDARQUE.

  Ouy commandez, Seigneur, qu'on nous prive du jour,
  Et donnez nous la mort pour un crime d'amour,
  Aussi bien Alexis possedant Olympie
  Avecque nostre espoir, faut-il perdre la vie.

                                HONORIUS.

  Non, vivez: le destin vous doit estre plus doux,
  Vous aimiez Olympie, & j'aimois comme vous,
  À tous trois mesme objet a fait nostre esperance,
  Une mesme rigueur fait nostre recompance;
  Et puis qu'en vain tous trois nous avons combatu
  Consolons nous tous trois par la mesme vertu,
  Et témoignons au Ciel que nos ames bien nées
  Attendent de ses soins nos bonnes destinées.



                                SCENE IV.

  ALEXIS, & suitte.


                                 ALEXIS.

  Amis, je suis assez redevable à vos soins,
  Mon amour desormais ne veut plus de tesmoins,
  Et dans les deux transports dont mon ame est saisie
  Elle n'a plus besoin de vostre courtoisie.
  Adieu, laissez moy seul, afin qu'en liberté
  Je songe aux beaux liens où je suis arresté;
  Vous sçavez qu'à cette heure à mes voeux opportune,
  Le grand nombre deplait, & la suitte importune,
  Un amant est timide, on contraint son ardeur,
  Et je sçay qu'Olympie a beaucoup de pudeur.
  Accordez aujourd'huy cette grace à ma flâme.

                        ARASPE, _au nom de tous_.

  Nous vous obeissons.



                                SCENE V.


                             ALEXIS _seul_.

                       Que feras-tu mon ame?
  Hé bien me voylà seul où tu m'as fait venir.
  Que resoudray-je enfin? que dois-je devenir?
  Où tourneront mes pas? quel chemin dois-je suivre?
  Quitteray-je un objet sans qui je ne puis vivre?
  Quitteray-je un objet de graces revestu;
  La perfection mesme, & la mesme vertu?
  Un objet que je dois, & puis cherir sans blâme?
  Olympie en un mot, & qui plus est ma femme?
  Ah mon ame! c'est trop, je n'y puis consentir.
  Dis moy qu'a-t'elle fait qui m'oblige à partir?
  L'amour qu'elle a pour moy n'est-il pas legitime?
  Ne puis-je pas aussi la posseder sans crime?
  N'a-t'elle pas mon coeur? n'est-elle pas à moy?
  Puis-je blâmer ses feux, ou douter de sa foy?
  Non non, elle est charmante, elle est sage & modeste,
  Son ame est toute pure, & sa flâme est celeste:
  Toutesfois inhumain, ouy tu la veux laisser.
  Estouffe coeur ingrat, estouffe ce penser,
  Et croy qu'il n'appartient qu'à des ames barbares
  D'abandonner ainsi des Espouses si rares,
  Mais quoy le Ciel le veut, & son commandement
  Dessus mes volontez agit absolument.
  J'ay beau luy resister, il faut que j'obeisse,
  Que pour suivre ses loix, Alexis se haisse,
  Qu'il se prive de tout, & qu'en ce mesme jour
  Il renonce à soy-mesme ainsi qu'à son amour.
  Vous me le commandez Princesse souveraine
  De la Terre & des Cieux incomparable Reyne.
  Hé bien j'obeiray, je ne conteste plus,
  Et sans perdre le temps en regrets superflus,
  Je vais où vostre voix aujourd'huy me convie.
  Adieu donc chere espouse, adieu chere Olympie,
  Doux charme de mes sens, vertueuse beauté,
  Rare exemple d'amour & de fidelité.
  Adieu pardonne moy, si mon obeissance
  Nous impose à tous deux une si rude absence,
  Je te quitte, il est vray: mais j'atteste les Cieux
  Que j'emporte en mon coeur, ce qu'on oste à mes yeux
  Et qu'en quelques endroits que mon destin m'appelle
  Malgré l'esloignement je te seray fidele.
  Tout le monde n'a rien d'esgal à tes appas,
  Et rien ne me pourroit arracher de tes bras
  Si le divin objet qui m'invite, et me presse
  N'estoit ma souveraine & premiere maistresse,
  Je l'entend, elle veut que je quitte ce lieu,
  Et tout ce que je puis, est de te dire Adieu.


                         _Fin du Premier Acte._




                                ARGUMENT
                              DU II. ACTE.

Polidarque & Philoxene ne pouvans si facilement se despouiller de la
passion qu'ils avoient pour Olympie, rodent sur la fin de la nuict
autour du Palais d'Euphemien, où s'imaginans que leur maistresse estoit
en la possession d'Alexis, ils s'eschappent à quelques transports qui
finissent par l'abbord d'Aristandre qui les meine vers l'Empereur qui
les mandoit pour s'informer d'eux, s'ils ne sçavoient rien de l'absence
d'Alexis qui mettoit toute la Cour en peine; en suitte de ce mandement
s'ouvre la chambre nuptiale, en laquelle Olympie paroist en
des-habillé, ses habits nuptiaux estans preparez sur une table, où
apres plusieurs plaintes qui témoignoient son inquietude & son amour,
elle rencontre soubs sa toillete le portraict d'Alexis, & une chaine de
diamans qu'Alexis avant son depart y avoit laissée: cette veue redouble
sa passion & ses regrets, dans lesquels Aglés, mere d'Alexis vient
témoigner qu'elle prend beaucoup de part. Apres ces Scenes, Alexis
paroist dans un bois avec deux ou trois Gueux qu'il a revestus de ses
plus beaux habits en ayant pris un d'esclave, & là leur donnant son
espée & son chapeau qu'il avoit encor en main avec son argent, les
embrasse & leur dit Adieu. Ces pauvres si superbement revestus, & tous
estonnez d'un eschange si advantageux font dessein d'aller à l'armée de
l'Empereur.




                                ACTE II.


                             SCENE PREMIERE.

  PHILOXENE, POLIDARQUE.


                               PHILOXENE.

  Nos debas sont finis, s'en est fait Polidarque,
  Nostre valeur en vain oblige un grand Monarque;
  En vain nous terrassons ses plus faux ennemis,
  Alexis a le prix qu'il nous avoit promis;
  Il a tout nostre espoir, il a nos recompences,
  Et voylà, cher amy, le fruict de nos absences.
  Cependant qu'un Mignon par un destin plus doux
  Triomphe insolemment d'Olympie & de nous.
  Ah le lâche! il ne mit jamais la main aux armes,
  Et nous tirions du sang quand il versoit des larmes;
  Toutesfois son bon-heur le va mettre en un rang
  Qui nous fera verser & des pleurs, & du sang.

                               POLIDARQUE.

  Sans faire l'esprit fort, j'advoueray, Philoxene,
  Que cet évenement m'a fait beaucoup de peine,
  Et que le souvenir d'un si sensible affront
  M'a mis la rage au coeur comme la honte au front:
  Mais puisque s'en est fait, le mal est sans remede,
  Nous perdons Olympie, Alexis la possede,
  Et cet effeminé l'ayant en son pouvoir,
  Se mocque maintenant de nostre desespoir:
  Dissimulons Amy, quittons cette humeur noire,
  Songeons doresnavant à sauver nostre gloire,
  Et pour nous retirer d'une indigne prison,
  Mettons au front d'amour les yeux de la raison.

                               PHILOXENE.

  Que tu sens Polidarque une legere atteinte!
  Qu'une flâme en ton coeur est aisément esteinte;
  Et que facilement tu portes tes esprits
  À passer sans regret de l'amour au mespris.
  Helas, je tâche en vain d'estouffer en mon ame
  Ce brazier importun qui me perd & m'enflâme,
  Le vent de mes souspirs le rend plus violent,
  Et plus je le combas plus il est insolent.
  À quoy donc me resoudre? ah lâche en cet orage
  Qu'un reste de prudence assiste ton courage:
  Fuy cet indigne objet qui causa ton amour,
  Quitte un injuste Prince, abandonne sa Cour,
  Et par un traittement & si prompt & si rude
  Tu puniras leur hayne, & leur ingratitude.
  Mais que dis-je insensé? non changeons de projet,
  Espargnons l'Empereur, & perdons un sujet,
  Le traistre l'a seduit & gaigné par adresse,
  Allons le poignarder au sein de sa maistresse,
  Faire que cette nuict luy dérobe le jour,
  Et qu'un traict de la mort chasse celuy d'amour.

                               POLIDARQUE.

  Ah rappelle tes sens? & pour ton allegeance,
  Qu'un genereux mespris te serve de vengeance,
  Laisse les malheureux dans leurs fers enlassez,
  Le temps & les regrets les puniront assez,
  Et croy que le seul bruit de tes hautes conquestes
  T'acquerera les voeux des beautez plus parfaictes.
  Mais que cherche Aristandre? il s'advance vers nous.



                                SCENE II.

  PHILOXENE, POLIDARQUE, ARISTANDRE.


                               PHILOXENE.

  Que veux-tu?

                               ARISTANDRE.

               L'Empereur est en peine de vous,
  Et vous mande par moy d'aller en diligence
  Le trouver au Palais pour chose d'importance.

                               PHILOXENE.

  Pour chose d'importance? en cette occasion
  J'ay peine à concevoir cette commission,
  Si matin, & si tost; quelle affaire le presse?

                               ARISTANDRE.

  J'ignore son dessein, mais ma charge est expresse.

                               POLIDARQUE.

  Marche, nous te suivons.

                               ARISTANDRE.

                           L'absence d'Alexis,
  Ou je suis bien trompé cause tous ses soucis.

                               PHILOXENE.

  L'absence d'Alexis? Sa Majesté s'ennuye
  Qu'il demeure si tard dans les bras d'Olympie,
  Elle nous veut sans doute envoyer à present
  Pour haster son reveil.

                               ARISTANDRE.

                          Non non, il est absent,
  On le cherche par tout, & sa femme elle-mesme
  En est ainsi que nous en une peine extreme.

                               POLIDARQUE.

  Allons voir ce que c'est.

                               PHILOXENE.

                            Escoute mes souhaits!
  Amour; & qu'Alexis ne revienne jamais.



                               SCENE III.

  OLYMPIE, LUCELLE, VIRGINIE, _dans la Chambre nuptiale_.


                                OLYMPIE.

  Alexis est sorty! Que dites vous Lucelle?
  Alexis est sorty! non non, il m'est fidele,
  Il m'aime, il me cherit, & son retardement
  N'est que pour esprouver si je l'ayme ardemment.
  Ouy, je t'ayme Alexis, ouy je t'ayme mon ame,
  Et tu me ferois tort de douter de ma flâme;
  Puis qu'il est asseuré qu'il n'est rien soubs les Cieux
  Qui soit cher à mes sens à l'esgal de tes yeux;
  Toutesfois inhumain. Que dis-tu miserable!
  Vois-tu pas que ce mot te peut rendre coupable!
  Ah pardon, cher Espoux, ce mot m'est eschappé
  Sans consulter ce coeur que ton oeil a frappé,
  Et que hors de saison ton absence desole
  Quand tu le peux guerir d'une seule parole.
  Quoy tu ne parois pas? & dans un mesme jour
  J'auray veu commencer & finir ton amour?
  Est-ce là cette ardeur que tu m'avois jurée?
  Cette fidelité d'eternelle durée,
  Ces tendresses, ces feux, & ces ravissemens
  Qu'en ces occasions témoignent les amans?
  Quoy donc feray-je vefve aussi tost qu'espousée?
  Quoy, ne t'ay-je chery que pour estre abusée?
  Et ne respondras-tu qu'avecque des mespris
  Au brazier innocent dont mon coeur est espris?
  Ah c'est trop de rigueur, & trop d'ingratitude;
  Lucelle tire moy de cette inquietude,
  Va, retourne.

                                LUCELLE.

                Où Madame.

                                OLYMPIE.

                           Ah tu me faits mourir,
  Vole, & faits qu'Alexis me vienne secourir,
  Ouy, dis luy mon amour & mon impatience,
  Conjure-le de rendre à mes yeux sa presence,
  Et si c'est son dessein d'abandonner ce lieu,
  Qu'il vienne au moins me dire un pitoyable adieu.

                                VIRGINIE.

  Vous luy donnez, Madame, une peine inutile;
  En vain on a desja couru toute la ville,
  En vain on l'a cherché dans son appartement,
  Ceans, chez l'Empereur, tout s'est fait vainement,
  Euphemien confus met chacun en alarmes,
  Il dépesche par tout, sa mere fond en larmes,
  Et d'une voix qui fend les coeurs plus endurcis,
  Remplit l'air du beau nom de son cher Alexis.

                                OLYMPIE.

  Quoy donc il est party cet Astre de ma vie?
  Il a donc à mes yeux sa lumiere ravie?
  Et cet oeil provident qui nous donne le jour
  Ne me fait point revoir l'objet de mon amour?
  Ah soleil importun! odieuse lumiere,
  Pourquoy commences tu ta funeste carriere?
  Cesse, cesse de luire en ces lieux obscurcis,
  Et n'y parois jamais qu'avec mon Alexis.
  Alexis! ah beau nom qui charme mon oreille,
  Beau nom unique prix d'une amour sans pareille,
  Nom seul allegement d'un feu continuel,
  Pourquoy m'es-tu si doux quand il m'est si cruel?
  Mais pourquoy m'amuse-je à d'inutiles plaintes?
  Mon esprit n'est-il pas esclaircy de ses craintes.
  Ah dans un sentiment & si juste & si vif,
  Suivons, suivons les pas de ce beau fugitif,
  Et faisons reconnoistre aux esprits infideles,
  Aussi bien que des fers que l'amour a des aisles.
  Allons donc... mais où vay-je? où? qu'importe, où le sort
  Voudra que je rencontre Alexis ou la mort.
  Allons.

                                VIRGINIE.

          En cet estat? Hé de grace, Madame,
  Moderez ces transports qui bourellent vostre ame,
  Remettez vous un peu, prenez ces vestemens.

                                OLYMPIE.

  Ah cachez à mes yeux ces pompeux ornemens:
  En un si pitoyable & si triste Hymenée,
  Ils ont par trop d'esclat pour une infortunée;
  Ensevelissez moy dans un habit de deuil,
  Et pour lit nuptial qu'on m'apreste un cercueil:
  Ostez moy ces tableaux, abatez ces balustres,
  Ce faste ne sied bien qu'aux personnes illustres,
  Que le ciel plus benin void d'un regard plus doux,
  Et non pas aux objets qu'il regarde en couroux.
  Mais que trouvé-je icy? Grand Dieu, c'est la figure
  Du mortel plus charmant qui soit en la nature,
  Mais helas, c'est aussi l'insensible tableau
  De ce cruel Espoux qui m'envoye au tombeau:
  Precieuse faveur? agreable relique,
  Doux charme de mes maux, & mon espoir unique,
  Beau portrait d'Alexis, dis moy cher imposteur,
  Pourquoy dedans tes traits parois-tu si menteur!
  Pourquoy soubz la douceur d'un si charmant visage
  Caches-tu les rigueurs d'un esprit si sauvage?
  Il est vray qu'en ce poinct mon doute est esclaircy,
  Car je vois que son coeur ne paroist pas icy,
  Et que de ce Captif pour qui je suis en peine
  Il ne m'est rien resté que l'ombre & que la chaine.
  Chers gages d'un Hymen que le ciel rigoureux
  Ou devoit empescher, ou rendre plus heureux,
  Agreables liens, belle & cruelle feinte,
  Du vray bien dont la perte anime icy ma pleinte,
  Tesmoins de mon amour comme de mes douleurs,
  Prenez en mesme temps mes baisers & mes pleurs.
  Helas, combien de fois quand la Troupe importune
  De mille Amans pressez d'une flâme commune
  Sollicitoient mon ame à leur donner ma foy,
  Ay-je dit, Alexis tu seras seul à moy:
  Mais de ce peu de mots, Espoux impitoyable!
  Une partie est fausse, & l'autre est veritable,
  Car en ton seul objet est mon souverain bien,
  Mais, ô triste pensée! cruel, tu n'es pas mien.



                                SCENE IV.

  LUCELLE, OLYMPIE, VIRGINIE.


                                LUCELLE.

  Appaisez vous. Voicy...

                                OLYMPIE.

                          Qui? mon Espoux?

                                LUCELLE.

                                           Sa mere.

                                OLYMPIE.

  Ô foible & vain remede à ma douleur amere!
  Sans mon cher Alexis je ne la sçaurois voir.

                                VIRGINIE.

  Preparez vous pourtant à la bien recevoir,
  Et malgré les regrets d'une si rude absence
  Joignez à vostre amour un peu plus de constance,
  Elle ne vient icy que pour vous consoler.

                                OLYMPIE.

  Et c'est de quoy jamais il ne me faut parler,
  Comme pour Alexis mon amour fut extréme,
  Mon regret aujourd'huy le doit estre de mesme,
  Et mon ressentiment paroistroit bien leger,
  Si par de vains discours il pouvoit s'alleger.

                                LUCELLE.

  La voicy.



                                SCENE V.

  AGLEZ, OLYMPIE, LUCELLE, VIRGINIE.


                                 AGLEZ.

            Chere fille, & femme trop aymable
  D'un fils qui me fut cher, autant qu'impitoyable,
  Helas avec quel front me puis-je presenter
  Devant ces yeux divins que je crains d'irriter,
  Si je vous parle encor de cet autre Thesée
  Qui vous a comme moy lachement abusée.
  Ouy Madame, l'ingrat a trahy sans pitié
  Son Espouse, & son sang; l'amour & l'amitié;
  Et pour vous consoler en ces tristes alarmes
  Je viens joindre à vos pleurs ma tristesse & mes larmes;
  Je sçay que ma presence est un foible secours,
  Et qu'en vain j'y voudrois adjouster le discours,
  Les petits desplaisirs font de belles harangues,
  Mais la nature aux grands n'a point donné de langues;
  Aussi pour relever vostre esprit abatu
  Je laisse cet effort à sa seule Vertu,
  Et j'espere de vous interdite & confuse
  La consolation qu'un enfant me refuse.

                                OLYMPIE.

  Comment pourrois-je, helas, en ces occasions
  Donner à vos regrets des consolations,
  Si dans l'extremité du malheur qui m'accable
  En mes propres ennuis, je suis inconsolable.
  Ah Madame, je vois où tendent vos propos,
  Ma presence aujourd'huy trouble vostre repos,
  Elle accroit vos douleurs, & vous me venez dire
  Qu'il faut que je vous laisse, & que je me retire,
  Alexis est party, bien, vous avez raison,
  Luy seul me donnoit droit dedans cette maison.
  Sortons donc, j'y consens, ouy changeons de demeure.

                                 AGLEZ.

  Ô Ciel! que dites vous?

                                OLYMPIE.

                          J'obeïs toute à l'heure,
  Il est juste.

                                 AGLEZ.

                Ah ma fille, appaisez ce transport,
  Et ne nous faictes pas un si sensible tort;
  Vous respondez d'un sens contraire à ma pensée,
  Alexis est party, l'ingrat vous a laissée,
  Mais luy seul a failly, personne n'y consent,
  Fait-il pour le coupable attaquer l'innocent?
  Ou pour estre comprise au mal qu'il a pû faire,
  Suffit-il de porter la qualité de mere?
  C'est là toute ma faute, & la seule raison
  Qui vous porte à haïr cette triste maison;
  Mais si vostre ame encor estant si genereuse
  A quelques sentimens pour une malheureuse,
  Demeurez Olympie, & ne nous privez pas
  Du seul objet qui peut empescher mon trespas:
  La perte d'Alexis n'est que trop sans la vostre,
  Sans que vous redoubliez ce malheur par un autre,
  Ou que vous adjoûtiez à ma calamité
  Un traittement si rude & si peu merité.
  Alexis vit en vous, il vit dedans vostre ame,
  En vous je vois encor, & mon fils, & sa femme,
  Où par un rare effet d'un insigne amitié
  Il nous reste du moins sa plus noble moitié:
  Accordez chere fille à ma juste priere
  Cet heur que je souhaitte, & ce bien que j'espere,
  Sinon vostre rigueur par un cruel effort
  Achevera le coup qui me donne la mort.

                                OLYMPIE.

  Quoy que vous m'ordonniez vous serez satisfaicte,
  Mais vous dévriez plutost consentir ma retraite,
  Et bannir de chez vous un objet odieux
  Qui vous prive d'un fils qui fut cher à vos yeux.
  Ouy, mes deffauts Madame, ont causé son absence,
  Il montre son respect par son obeissance;
  Mais son aversion ayant plus de pouvoir
  L'a contraint à la fin d'oublier ce devoir,
  Et de se desgager par une prompte fuite
  Des fers où vous aviez sa belle ame reduite.
  J'obeïray pourtant, puisque vous le voulez,
  J'acheveray mes jours dans ces lieux desolez,
  Et je vous feray voir au fort de ma misere
  Que j'ayme encor le fils, en honorant sa mere;
  Trop heureuse perdant un adorable fruit
  Que l'on me laisse au moins l'arbre qui l'a produit.



                                SCENE VI.

  ALEXIS, CLITOPHON, ALCIPE, MEGISTE.


    ALEXIS _dans un Temple, tenant deux manteaux en ses deux mains_.

  Restes vains & honteux de ma Grandeur passée,
  Allez, quittez mes mains ainsi que ma pensée,
  Et par les faux appas d'un esclat odieux
  Ne blessez plus jamais mon esprit, ny mes yeux:
  Mais vous chers ennemis de cette vaine pompe,
  Qui charme les mondains, les seduit & les trompe,
  Habits de mon bon-heur, glorieux instrumens,
  Soyez doresnavant mes plus beaux ornemens,
  Que la pourpre vous cede, & servez de trophée
  À mon ambition par vostre aide estouffée.
  Charmeresses des sens qui flattiez mes desirs,
  Trompeuses voluptez, ridicules plaisirs,
  Luxe, jeux, passe-temps, dangereuses delices,
  Tresors de leurs erreurs, partizans & complices,
  Assez, & trop long-temps vous m'avez abusé,
  Mais pour moy desormais vostre piege est brisé,
  À mon aveuglement la lumiere succede,
  Je verray sans regret qu'un autre vous possede,
  Et mesme j'advouray d'estre fort obligé
  À ceux qui de vos fers me rendront deschargé,
  Ouy, prenez chers amis tout ce bien qui me reste,
  Partagez entre vous cet or que je deteste,
  Usez bien de ce traistre & dangereux metal,
  Et prenez garde enfin qu'il ne vous soit fatal:
  Adieu mes chers amis, embrassez moy mes freres,
  Encore un coup Adieu.

                               CLITOPHON.

                        Les Cieux vous soient prosperes,
  Et respandent sur vous pour ces rares bontez
  Milles torrens de grace et de prosperitez.



                               SCENE VII.

  CLITOPHON, ALCIPE, MEGISTE.


                                MEGISTE.

  Quelle fortune Alcipe à la nostre est pareille?

                                 ALCIPE.

  En l'estat où je suis, je doute si je veille,
  Et j'ay bien de la peine en cette occasion
  De ne point prendre tout pour une illusion.

                                CLITOPHON.

  Mais aussi n'est-ce pas un charme qui nous trompe?
  Sommes nous bien certains que toute cette pompe,
  Et que ces vestemens qui nous semblent si beaux
  Ne soient pas en effet d'effroyables lambeaux?
  Non, mes attouchemens d'accords avec ma veue,
  M'asseurent puissamment qu'elle n'est pas deceue,
  Et cet or par son poids persuade à ma main
  Qu'en cette occasion nostre espoir n'est pas vain.

                                MEGISTE.

  Agreable rencontre! & bien-heureux eschange!

                                 ALCIPE.

  Certes, cet accident me semble bien estrange,
  Et remplit mon esprit d'aise & d'estonnement.

                               CLITOPHON.

  Si nous sommes heureux, il n'importe comment.
  Pour moy je suis d'advis sans tarder davantage
  Qu'en changeant de destin nous changions de courage,
  Et que nous nous rendions par quelques beaux effets
  Dignes de tant de biens que le Ciel nous a faits.

                                MEGISTE.

  C'est bien dit, Clitophon, allons prendre les armes,
  L'Empereur des Romains a besoin de gens-d'armes,
  Allons nous enroller dessoubs ses estendars,
  Il vaut mieux s'exposer à ces nobles hazards,
  Que de tramer icy dans une ame craintive
  Une vie ennuyeuse, importune & oysive.

                                 ALCIPE.

  Puisque nous sommes tous resolus à ce poinct,
  Suivons ce beau projet, & ne differons point.


                          _Fin du Second Acte._




                                ARGUMENT
                              DU III. ACTE.


Olympie continuant ses regrets sur l'absence de son Alexis, est
interrompue par l'Empereur, Philoxene, & Polidarque, qui se persuadans
que cet éloignement l'obligeroit à changer en leur faveur, trouverent
en cette genereuse Fille une constance admirable, & une vertu sans
exemple; en la derniere Scene de cet Acte, Alexis s'estant embarqué
pour aller en Edesse, ville de Sirie, est rejetté par la tempeste au
port d'Ostie, où ayant fait naufrage, il fait dessein de retourner à
Rome, & de chercher en faveur de son déguisement une retraitte en la
maison de son pere mesme.




                                ACTE III.


                             SCENE PREMIERE.

                       OLYMPIE _dans sa Chambre_.


      Arbitre des feux de mon ame,
      Et de mes inclinations,
      Toy qui vois tant de Nations
  Sous ton Char éclatant de lumiere & de flâme:
      Beau Principe de la clarté,
      Grand Astre de qui la beauté
  A des traits de l'objet que mon ame revere,
  Soleil qui malgré moy nous redonnes le jour,
  Confesse qu'il n'est rien d'égal à ma misere,
  Et qu'il n'est point d'ardeur pareille à mon amour.

      Tout me cherit, un Prince m'aime,
      Un empereur m'offre ses voeux,
      Je suis insensible à ses feux,
  Et d'un oeil de mespris je vois son Diadéme;
      En vain il me presse & me suit,
      J'adore un ingrat qui me fuit,
  Qui tout cruel qu'il est ne sçauroit me déplaire:
  Bel Astre dont l'esclat nous redonne le jour,
  Confesse donc que rien n'esgale ma misere,
  Et que tout est de glace au prix de mon amour.

      Alexis en quelle contrée
      Fais tu reluire tes appas?
      Amour adresses y mes pas,
  Permets que ton flambeau m'en descouvre l'entrée;
      Cher Espoux, encore une fois,
      Souffre que j'entende ta voix,
  Et qu'enfin ton bel oeil & m'enflâme & m'esclaire:
  Et tu confesseras avec l'Astre du jour,
  Qu'il n'est rien dessous l'un & sous l'autre Hemisphere
  Qui puisse aucunement esgaler mon amour.

  Ah qu'avecque raison je puis nommer cruelle,
  L'injuste region qui chez toy te recelle,
  Qui détruit mon bonheur pour establir le sien,
  Et se rend aujourd'huy superbe de mon bien:
  Si me voeux sont permis, que l'ombre soit maudite,
  De qui premier ouvrit un passage à la fuite,
  Qui sceut franchir les Monts, & qui premierement
  Osa tenter les flots d'un perfide Element.
  Autresfois lors que Rome estoit en sa naissance,
  Et n'avoit pas si loin estendu sa puissance,
  Le Tybre & sept Côtaux que l'on voit à l'entour,
  Bornoient tous ses Estats, son Empire, & sa Cour.
  La ville estoit à peine à soy mesme connue,
  Sa curiosité ne passoit pas sa veue,
  Et le Senat sans faste & sans ambition,
  N'estoit point la terreur d'une autre Nation.
  Pleût au Ciel, Alexis, que ce superbe Empire
  Fust encore en l'estat que je viens de descrire,
  Et que sans dominer tant de peuples divers,
  Nos murs luy tinssent lieu de tout cet Univers.
  Avec toy, cher Espoux, un petit toict de chaume
  Me seroit plus aimable, & plus cher qu'un Royaume,
  Et mon ambition borneroit son espoir
  Au seul contentement de t'aimer & te voir.
  Cruel, pourquoy fuis tu? que t'a fait ta patrie,
  Où chacun te cherit avec idolatrie?
  Que t'a fait ton Espouse, un Pere, & tes Parens,
  Leurs trespas te sont-ils si forts indifferens?
  Que sans estre touché de l'ennuy qui les presse,
  Tu puisses consentir qu'ils meurent de tristesse?
  Ah change de dessein, c'est par eux que tu vis,
  Et c'est d'eux que tu tiens ce que tu leur ravis;
  Ils t'ont donné le jour & l'esprit qui t'anime,
  Ils ont dessus ta vie un pouvoir legitime;
  Et quelques sentimens que tu puisses avoir,
  Rien ne peut t'exempter d'un si juste devoir.
  Reviens donc Alexis, contente leur envie,
  À toute ta maison rends la joye & la vie,
  Le repos à mon coeur, l'espoir à mon amour,
  La lumiere à mes yeux, & le lustre à la Cour.



                                SCENE II.

  HONORIUS, PHILOXENE, POLIDARQUE.


  HONORIUS, _surprenant Olympie_.

  Mais vous mesme suivez une si juste envie,
  Redonnez nous la joye, adorable Olympie,
  Vos voeux à nos desirs, l'espoir à nostre amour,
  La lumiere à nos yeux, & le lustre à ma Cour.

                                OLYMPIE.

  Que dites vous Seigneur, & quelle est vostre attente,
  La joye est un effet d'une ame plus contente,
  Et vous n'ignorez pas qu'un Espoux rigoureux
  Emporte avec mon coeur, mon espoir & mes voeux.
  Ne retombez donc plus en vostre erreur premiere,
  Vostre esprit à vos yeux a rendu la lumiere
  Qu'amour pensoit couvrir d'un funeste bandeau
  Pour vous mieux obliger à suivre son flambeau:
  Au reste vostre Cour me semble trop illustre
  Pour emprunter de moy son éclat & son lustre,
  Elle tire de vous son premier ornement,
  Et tout à vostre exemple y paroist noblement:
  La grace, la valeur, l'honneur, la courtoisie,
  Ont dans vostre Palais leur demeure choisie,
  Et par vos qualitez le vice combatu,
  Montre que c'est l'escole où s'apprend la vertu,
  Il n'est donc pas besoin que cette infortunée
  Aux regrets, aux souspirs, aux pleurs abandonnée
  Du bruit de ses malheurs trouble un calme si doux,
  La pompe est mal seante à qui perd un Espoux,
  Et vostre majesté blâmeroit ma conduite,
  Si je pouvois jamais oublier son merite.

                                HONORIUS.

  Madame, avant sa fuitte & son esloignement
  Je l'ay crû comme vous adorable & charmant;
  Mais depuis son depart une si haute estime,
  Et pour vous, & pour moy seroit illegitime:
  Mon esprit desormais a quitté son erreur,
  Et loing de le cherir il vous doit faire horreur.
  Souvenez vous qu'apres vous avoir abusée
  D'un espoir decevant, il vous a mesprisée,
  Et que par une insigne & lâche cruauté
  Il joint l'ingratitude à la deloyauté.
  Quel pretexte, Madame, authorise sa fuitte,
  A-t'il pû soupçonner vostre rare conduitte?
  De quoy se peut-il plaindre? & par quelle raison
  Pense-t'il envers vous couvrir sa trahison?
  Non, non, rien ne sçauroit le deffendre du blâme
  D'avoir si lâchement abandonné sa femme,
  Et vous seriez sans coeur si vous luy conserviez
  La foy qu'il a receue, & que vous me deviez:
  Revoquez, revoquez un don si favorable,
  Il s'en rendit indigne en se rendant coupable,
  Et dés qu'il fit dessein de vous laisser ainsi,
  L'ingrat vous enseigna de le quitter aussi.
  Croyez moy, quittez le, faictes un choix plus juste,
  Donnez à vostre amour un objet plus auguste,
  Et puis qu'il a voulu luy-mesme se bannir,
  Chassez en desormais jusques au souvenir.

                                OLYMPIE.

  Que je rompe, Seigneur, le beau noeud qui nous lie?
  Que j'oublie Alexis, ô Ciel! que je l'oublie?
  Quoy donc pour estre absent, est-il moins mon Espoux?
  Ah s'il sort de mon coeur, que le Ciel en couroux
  Fasse esclatter sur moy les carreaux de la foudre
  Pour punir ce coupable & le reduire en poudre:
  Non non, n'attendez pas ce lâche changement,
  Mon amour doit durer plus que le firmament,
  Et faire que ma flâme aujourd'huy sans seconde
  Subsiste encore entiere apres celle du monde.
  Alexis est absent, mais malgré sa rigueur
  L'esloignement des yeux n'est pas celuy du coeur,
  Un coeur comme le mien a tousjours mesme zele,
  Qu'il me soit desloyal, je luy seray fidelle,
  Qu'il soit cruel, ingrat, inconstant, inhumain,
  Tousjours sur mon esprit il sera souverain:
  Et sans considerer s'il fait tort à ma flâme
  Je l'aimeray tousjours, puis que je suis sa femme.

                               POLIDARQUE.

  Vous l'aimerez, Madame? ô Ciel que dites vous?
  N'est-il pas lâche, ingrat, cruel?

                                OLYMPIE.

                                     Mais mon Espoux.

                               POLIDARQUE.

  Vostre espoux? quel espoux! est-il digne de l'estre,
  Puis qu'il vous a trahie?

                                OLYMPIE.

                            Il ne fut jamais traistre,
  Et vous m'obligerez de parler autrement.

                               POLIDARQUE.

  Ce que je dis pourtant n'est pas sans fondement,
  Et sa fuitte Madame, est sans doute une marque.

                                OLYMPIE.

  Qui comme moy peut estre abuse Polidarque.

                               POLIDARQUE.

  On ne se trompe pas quand l'effect est si clair,
  Mais vostre esprit se plait soy-mesme à s'aveugler,
  Et croiroit témoigner un excez de foiblesse
  S'il renonçoit si tost à l'erreur qui le blesse.

                               PHILOXENE.

  Le temps vous apprendra...

                                OLYMPIE.

                             Qu'on se travaille en vain,
  Si l'on croit que jamais je change de dessein.

                               PHILOXENE.

  Serez vous donc injuste, & si peu raisonnable
  Que de nous preferer un Rival si coupable,
  Un Amant qui vous quitte, & qui vous fait mourir?
  Quoy donc quand il vous hait, devez vous le cherir!
  Et ne croyez vous pas commettre une injustice
  Quand vos facilitez recompensent le vice?
  Ah Madame, sortez de cet aveuglement,
  Et ne souspirez plus pour un indigne Amant,
  Accordez vos desirs aux desirs d'un Monarque:
  Regardez Philoxene, ou voyez Polidarque,
  Ils sont pour vous tous deux pleins d'ardeur & de foy,
  Et la vostre en l'un d'eux peut obliger un Roy.

                                OLYMPIE.

  Je sçay ce que je dois aux desirs d'un grand Prince
  Au rang que vous tenez dedans cette Province;
  Et je ne doute pas que par vos qualitez,
  Vous ne puissiez ravir les plus rares beautez,
  Mais malgré ce pouvoir & ce merite extreme
  Je sçay que je me dois encor plus à moy-mesme,
  Et que mon Alexis ayant receu ma foy,
  Rien plus ne me sçauroit affranchir de sa loy;
  Dés lors que je jouis du bien de la lumiere,
  Mon ame à ses vertus se donna toute entiere:
  Et vostre arrest, Seigneur, ne fit que confirmer
  La resolution que j'avois de l'aimer.
  Je l'ayme donc en fin, & mon amour est telle
  Que mon coeur malgré luy la veut rendre eternelle
  Pour donner un exemple à la posterité
  De constance, d'honneur, & de fidelité.
  S'il me cherit encor, une amour si durable
  Le rendra quelque jour à mes voeux exorable:
  Et s'il ne m'aime plus, en cette affection
  Il trouvera sa peine, & sa punition;
  Car les saintes ardeurs d'une si belle flâme
  Luy mettent chaque jour mille regrets en l'ame,
  Et ma fidelité luy fera ressentir
  Les peines qu'aux grands coeurs donne le repentir.

                                HONORIUS.

  Cette erreur qui vous plait vous rend opiniâtre,
  Et sa force s'accroit plus on veut la combatre;
  Mais si jamais le Ciel permet à la raison
  De guerir vostre esprit de ce mortel poison,
  Vous vous verrez reduite à ce malheur extreme
  De vous plaindre, mais tard, de vous mesme à vous mesme,
  Et de vous repentir d'avoir tant souspiré
  Pour un ingrat qu'à tort, vous m'avez preferé,
  Mais comme vos ennuis auront usé vos charmes,
  Nos voeux si mal traittez se riront de vos larmes,
  Et vostre passion mesprisée à son tour
  Vous verra sans amant, & nos coeurs sans amour.

                                OLYMPIE.

  N'importe.

                                HONORIUS.

             Adieu cruelle.

                               POLIDARQUE.

                            Adieu belle inhumaine.

                                OLYMPIE.

  Adieu.

                               PHILOXENE.

         Souvenez vous que je suis Philoxene,
  Que je vous ayme enfin.

                                OLYMPIE.

                          J'ay bien d'autres soucis.

                               PHILOXENE.

  J'espere tout du temps.

                                OLYMPIE.

                           Et moy tout d'Alexis,
  Luy seul est tout le soing & l'espoir d'Olympie;
  Et j'attens de luy seul ou la mort ou la vie.



                               SCENE III.

                            OLYMPIE _seule_.


  Sacré flambeau du jour, Ame de l'Univers
  Qui vois tant de pays & de peuples divers,
  Bel Astre si faisant ta course accoustumée
  Tu descouvres jamais cette personne aymée
  Dont l'injuste depart me donne tant d'ennuy;
  Aprens à cet ingrat ce que je faits pour luy,
  Conte luy les combats qu'un Empereur me livre
  Avec combien d'ardeur tu l'as veu me poursuivre,
  Et comme avecque luy presque toute sa Cour
  A taché vainement d'alterer mon amour,
  Ou plûtot beau soleil si mon ame affligée
  Merite d'estre encor par tes rais obligée;
  Seconde mon amour, sers de guide à mes pas,
  Nous le descouvrirons par ses propres appas,
  Et je seray bien aise en ce bon-heur extréme
  D'estre de mes travaux Messagere moy-mesme;
  Mais helas, où m'emporte une si belle ardeur?
  Ma passion combat avecque ma pudeur,
  De deux traits differens je sens mon ame atteinte,
  L'espoir donne à mon coeur, ce que m'oste la crainte,
  Et dans ce dur combat de peur & de desir
  Mon esprit incertain ne sçauroit que choisir.
  Quoy je consulte encor lâche, & je delibere,
  Ce que je dois vouloir, & ce que je dois faire?
  Vains & foibles respects pourquoy m'arrestez vous?
  Une femme en tous lieux doit suivre son espoux,
  Et ny tous les perils de la terre & de l'onde,
  Ny les monstres affreux dont l'Univers abonde,
  Ny le chaud, ny le froid, ne doivent empescher
  La poursuitte d'un bien qui doit estre si cher.
  N'a-t'on pas veu jadis une constante femme
  Mespriser noblement & le fer & la flâme,
  Et passer à travers de mille bataillons
  Pour tuer un Tiran dedans ses pavillons?
  Pourquoi luy laisseray-je un si grand advantage?
  Je n'ay pas moins de coeur, d'adresse, & de courage,
  Et le divin objet qui fait ma passion
  Ne merite pas moins de resolution.
  Allons donc Olympie, allons, allons le suivre,
  C'est aupres d'Alexis qu'il faut mourir ou vivre,
  Le Ciel & mon amour m'imposent cette loy.
  Mais helas cet effet ne depend pas de moy,
  Mon malheur me cachant en quel endroit du monde,
  Il peut avoir borné sa course vagabonde,
  Je souffrirois pour luy des travaux superflus,
  Et chercherois un bien qui peut estre n'est plus.
  Ô funeste pensée! ô rigoureuse atteinte,
  Divertisse le ciel les effects de ma crainte;
  Mais malgré mes desirs, & la nuict & le jour,
  Tousjours cette importune est jointe à mon amour:
  Vien donc cher Alexis, ou bien fay que je sçache
  Quel endroit à mes yeux te dérobe & te cache,
  Et malgré les rigueurs & de l'onde & de l'air
  Sur les aisles d'amour on m'y verra voler:
  Sinon autant qu'à moy ta mort est incertaine,
  Sois certain, cher Espoux, que la mienne est prochaine,
  Et que sans un si doux quoy qu'inutile espoir,
  Le renom dedans peu te la feroit sçavoir.



                                SCENE IV.

  ALEXIS, _en un costé du Theatre où sera representé un naufrage_.


  Triste jouet des vents de l'onde, & de la terre,
  Faut-il tant d'Elemens pour te faire la guerre?
  Miserable Alexis, la rigueur de ton sort
  Ne suffit-elle pas pour te donner la mort?
  Sans que le ciel encore arme contre ta teste,
  Et la foudre, & les traits d'une horrible tempeste?
  Non non, pour te priver de tant de maux divers,
  Qu'à ton occasion, Olympie a souffert;
  Ses divines beautez à qui tu faits injure
  Te doivent rendre horrible à toute la Nature,
  Et te faire sentir les traits plus furieux
  Que puisse décocher la colere des Cieux,
  Mais en obeissant à leur decret auguste,
  Encor que ton depart fust cruel, il est juste;
  Et je souffre pourtant un supplice eternel
  Par ce mesme depart, si juste & si cruel.
  N'importe, c'est du ciel la fatale ordonnance,
  Ne murmurons jamais contre sa providence,
  Et voyons d'un mesme oeil & d'un esprit égal
  Tout ce qu'il nous prepare, ou de bien ou de mal.
  Mais quel est ce climat où m'a jetté l'orage?
  Si je ne suis deçeu, je connois ce rivage,
  Je connois ce pays, & ces aimables lieux
  Qui furent autrefois si charmans à mes yeux:
  Rome en fin n'est pas loing, & le sort m'y ramene,
  Comme on fait un esclave eschappé de sa chaine,
  Qui par un coup secret de ses fatalitez
  Retombe dans les fers qu'il avoit évitez.
  C'est icy ma vertu que malgré ces amorces
  Il me faut au besoin montrer toutes tes forces;
  C'est icy qu'il faut vaincre & qu'il faut triompher
  De tes propres desirs, du monde & de l'enfer;
  Rome est le champ d'honneur & l'illustre theatre
  Où le Ciel te commande aujourd'huy de combattre.
  Mais sçais tu bien mon coeur ce que tu vas tenter?
  Sçais tu les ennemis que tu vas affronter?
  C'est un pere, une soeur, une mere, une femme,
  Olympie, ou plutôt la moitié de ton ame.
  Où vas tu temeraire, & quel est ton espoir?
  Pourras tu seulement te resoudre à les voir?
  Pourras tu soustenir des regards pleins de charmes,
  Entendre ses souspirs, & voir couler ses larmes,
  Sans ceder aussi tost aux traits de la pitié,
  Et te jetter aux pieds de ta chere moitié?
  Ouy ouy, le Ciel encor me promet la victoire,
  Plus le danger es grand & plus grande est la gloire,
  Allons nous couronner en ce combat fameux,
  Et rendre nostre sort memorable aux Neveux.


                        _Fin du Troisiesme Acte._




                                ARGUMENT
                              DU IV. ACTE.


Alexis estant à Rome devant le Palais d'Euphemien le void passer avec
l'Empereur, & les deux Amans Rivaux qui solicitoient Honorius à faire
rompre le mariage d'Alexis, à quoy l'Empereur respond qu'il falloit
assembler le Senat pour une affaire de telle consequence, & promet à
Euphemien d'avoir esgard à ses interests. L'Empereur & sa suitte
s'estans retirez, Alexis extremement changé, & par les vestemens & par
les fatigues qu'il avoit souffertes, mesme à cause du poil qui luy
estoit venu depuis son depart se presente à son pere qui ne le
reconnoit point, & luy accorde un coin dans sa maison pour y vivre des
restes des valets: Cependant Olympie paroist dans un cabinet où il y a
une carte du monde, dans laquelle son inquietude luy fait parcourir
toute la terre & les mers, comme si cette carte luy pouvoit enseigner
le sejour de son Alexis. En suitte de cette Scene, Alexis paroist dans
sa grotte où il est persecuté des valets de son pere, qui s'enfuient
voyant venir Olympie avec Philoxene, qui luy voulant parler de son
amour en est rudement rebuté; de sorte qu'estant contraint de se
retirer: Olympie aborde Alexis pour s'informer de luy, si ayant esté
vagabond en plusieurs contrées il n'auroit point par hazard rencontré
son Alexis, à quoy ne respondant qu'en termes ambigus; Olympie se
retire sans l'avoir reconnu, & Alexis demeure tellement touché de cette
veue, & des assauts qu'il avoit soufferts en son coeur, qu'il se voit
reduit au poinct de sa mort, avant laquelle, il escrit sa vie dans un
billet qu'il tient enfermé dans sa main jusques apres son trespas.



                               ACTE IIII.


                             SCENE PREMIERE.

                                 ALEXIS.


  Enfin c'est à ce coup que tu vois la carriere,
  Il n'est, il n'est plus temps de marcher en arriere;
  Voicy Rome, Alexis, & voylà le Palais
  D'où toy-mesme as banny le repos, & la paix:
  Advance malheureux, qu'est-ce que tu regardes?
  Mais je vois l'Empereur au milieu de ses Gardes,
  Ô ciel en quel estat me trouvé-je reduit.


                                SCENE II.

  HONORIUS, ARISTANDRE, PHILOXENE, POLIDARQUE, SOSIMENE, ALEXIS,
  ARASPE, EUPHEMIEN, & deux Gardes.


  UN GARDE.

  Hola ho faites voye.

                                 ALEXIS.

                       Euphemien le suit.
  Helas à cet abord je me sens tout de glace,
  Tirons nous à l'écart, & dedans cette place
  Attendons les moyens, & la commodité
  De parler à luy seul avecque liberté.

             HONORIUS _parlant à Philoxene & à Polidarque_.

  Je vous l'ay desja dit, invincibles courages,
  Je voudrois qu'Olympie agreast vos hommages,
  Et que coeur entier sensible à vos soucis
  Pût en vostre faveur oublier Alexis:
  Mais à vous dire vray, j'y vois peu d'apparence,
  Vous sçavez ses mespris & son indifference,
  Et que moy-mesme en vain j'ay tâché d'arracher
  Le trait qui l'a blessée, & qui luy fut si cher;
  Si pourtant ma faveur peut pour vous quelque chose,
  Esperez tout de moy.

                               PHILOXENE.

                       Seigneur, toute la cause
  Qui fait que cet objet mesprise nos souspirs,
  Et montre une froideur contraire à ses desirs,
  N'est pas tant un effet de sa premiere flâme,
  Que d'un scrupule vain qui luy reste dans l'ame.
  Ce sexe ayme souvent quand il feint de haïr,
  Et sans doute Olympie est preste d'obeïr,
  Pourveu qu'à cet ingrat dont le trait l'a blessée,
  Elle puisse respondre avoir esté forcée.

                            ALEXIS _à part_.

  Amour, crainte, desirs, esperance, vertu!
  De quels traits mon esprit n'est-il point combatu?
  Resistons toutesfois & souffrons.

                               POLIDARQUE.

                                    Grand Monarque,
  J'attens de vos bontez cette derniere marque.

                                 ALEXIS.

  Qu'espere-t'il ô Dieu!

                                HONORIUS.

                         Que vous puis-je accorder?

                               POLIDARQUE.

  Olympie.

                                 ALEXIS.

           Ah mon coeur!

                               POLIDARQUE.

                         Vous pouvez commander.

                               EUPHEMIEN.

  Polidarque l'amour est libre & volontaire.

                                HONORIUS.

  Il faut plus meurement songer à cette affaire.

                               PHILOXENE.

  Il faut donc la remettre en son premier estat.

                                HONORIUS.

  Il faut sur ce sujet consulter le Senat,
  Et voir s'il est permis de rompre un Hymenée
  Lors que la seule foy sans effet est donnée.
  Allez, Euphemien, & vivez en repos,
  J'auray soin de vos droits.



                               SCENE III.

  EUPHEMIEN, ALEXIS, ARASPE.


                                 ALEXIS.

                               Qu'il demeure à propos,
  Et qu'icy le destin me rend un bon office,
  Advançons.

                               EUPHEMIEN.

             Que veux-tu?

                                 ALEXIS.

                          Le Ciel vous soit propice.
  Seigneur, au nom d'un fils que vous croyez perdu,
  Et qui dans peu de temps vous doit estre rendu,
  Je vous veux conjurer d'une chose assez grande,
  Mais legere pour vous.

                               EUPHEMIEN.

                         Quelle est donc ta demande,
  Parle, mais si tu veux appaiser mes soucis,
  Dis moy ce que tu sçais de mon cher Alexis.

                                 ALEXIS.

  C'est du Ciel, non de moy que vous devez attendre
  Les effects d'un desir si charmant & si tendre.
  Cependant en son nom j'implore à vos genoux
  La grace & la faveur que j'espere de vous.
  Vostre maison, Seigneur, fut tousjours opportune
  À tous les malheureux qu'outrage la fortune,
  Et je dévray beaucoup à vos rares bontez
  Si sensible à l'excez de mes calamitez,
  Vous daignez m'accorder quelque demeure obscure
  Où je puisse obeïr aux loix de la nature
  Soulager mes ennuis & par vostre secours
  Attendre que le Ciel dispose de mes jours.

                               EUPHEMIEN.

  Ouy, va, ma volonté s'accorde à ta demande,
  Araspe ayez en soing, je vous le recommande.



                                SCENE IV.

  OLYMPIE, _dans un cabinet où il y doit avoir une carte du monde_.


  Helas, en quel estat m'a reduit mon amour?
  Je souffre également, & la nuict & le jour,
  J'ouvre & je ferme en vain ma mourante paupiere,
  Si l'une est sans repos, l'autre a peu de lumiere,
  Et mes yeux alterez du cours de mes malheurs
  Ne semblent plus ouvers qu'à l'usage des pleurs,
  J'ay beau pour me tirer de mon inquietude,
  Fuir le monde & le bruit, chercher la solitude,
  L'ennuy qui me travaille & me suit en tous lieux,
  N'abandonne jamais, ny mon coeur, ny mes yeux.
  Tantost pour adoucir la rigueur de ma peine,
  J'exhale mes souspirs aux bords d'une fontaine,
  Et là loing d'appaiser l'excez de mon tourment
  Mes larmes & ses eaux coulent confusément,
  Je contemple tantost les plus aimables choses;
  Je voy naistre les lys, je voy fleurir les rozes,
  Mais toutes ces beautez où paroit tant d'appas,
  Contentent tout le monde & ne me plaisent pas.
  Quelquefois pour charmer ma douleur sans pareille
  Les plus doux instrumens chatouillent mon oreille;
  Mais les luts plus mignards sans la voix d'Alexis
  Se treuvent impuissans à bannir mes soucis.
  De luy seul aujourd'huy depend toute ma joye:
  Fay donc, cher Alexis, fay que je te revoye,
  Et donnes pour le moins à la compassion
  Ce que ton coeur refuse à mon affection;
  Voy combien ma douleur est sensible & profonde,
  Mon esprit inquiet te suit par tout le monde,
  Sans sçavoir en quels lieux, je m'attache à tes pas,
  Et mon oeil bien souvent te cherche où tu n'es pas,
  Mais n'es-tu point peut-estre en ces vastes campagnes?
  Ton sejour n'est-il pas sur ces hautes montaignes?
  N'es-tu pas retiré dans ce lieu que je vois,
  Ne te caches-tu pas à l'ombre de ces bois?
  Ah quitte ces desirs, que quelque main barbare
  N'oste à cet univers ce qu'il a de plus rare,
  Fuy ces tristes repairs des Lyons & des Ours
  Que leur aspre fureur n'attente à tes beaux jours.
  Et s'il te reste encor quelque soing d'Olympie,
  N'expose pas sur mer son espoir, & ta vie.
  Mais que fay-je insensée, helas dans ce tableau
  Je vois tous les Climats de la terre & de l'eau,
  Des villes, des châteaux, des plaines, des rivages,
  Des fleuves, des estangs, des prez, des marescages.
  Et je suis toutesfois malheureuse à ce poinct,
  Qu'en tant de lieux divers tu ne me parois point:
  Peintre trop inhumain! trop cruelle peinture!
  Helas, pourquoy faut-il qu'en toute la nature
  Que vous me faictes voir en vos traits racourcis,
  Vous ne me montrez point le sejour d'Alexis?
  Faut-il qu'il manque seul où toute chose abonde:
  Imposteur, rens le moy, je te rens tout le monde,
  Et comme il m'est plus cher que tout ce que je voy
  Il me rendra luy seul plus contente que toy.



                                SCENE IV.

  ALEXIS, LICAS, ARGAMOR.


                                 ALEXIS.

  En quoy mes chers amis ay-je pû vous déplaire,
  Que vous preniez plaisir à croistre ma misere?
  Quelle humeur vous oblige à me persecuter?

                                ARGAMOR.

  Camarade tout beau; nous devons respecter
  Cet homme de credit, & de haute importance.

                                 LICAS.

  Dis plutost l'ornement d'une haute potence,
  L'exercice de Gueux qu'il fait avec tant d'art
  N'est gueres differend de celuy de pendart.
  S'il valloit quelque chose estant de cette taille,
  Il seroit maintenant au fort d'une bataille,
  Ou du moins dans un camp, & non pas vagabond,
  Faineant...

                                ARGAMOR.

              C'est assez.

                                 LICAS.

                           Voy comme il me respond.
  Dés long-temps je connois les ruses de ces rustres,
  Ils font tout Gueux qu'ils sont les personnes illustres.
  Ils vivent sans soucis, & dans leur lâcheté
  Ils accusent le sort de leur calamité.
  Penses-tu qu'il voudroit de meilleures fortunes?
  Les plus belles croy moy luy seroient importunes,
  Il auroit trop de peine, il faudroit trop de soing,
  Il se trouve bien mieux à dormir dans ce coing,
  Où dés lors qu'il s'esveille à son aise il rumine
  Quand on luy portera des restes de cuisine.
  Dis moy, n'est-il pas vray que c'est là ton soucy?

                                 ALEXIS.

  Amis, vous avez tort de me traittez ainsi;
  Mais quoy que vous disiez, le ciel veut que j'endure
  L'estrange nouveauté de vostre procedure,
  Et je serois icy plus injuste que vous,
  Si j'en ozois attendre un traittement plus doux.
  Le blâme, les affronts, les coups & les malices
  Sont ordinairement vos plus doux exercices,
  Et desirer de vous le respect, ou la paix,
  C'est souhaitter un bien que vous n'eustes jamais.

                                ARGAMOR.

  De vray nous faisons tort à son rare merite.

                                 LICAS.

  Ô l'amy complaisant, ô le bon hypocrite!
  Tu feints de le flatter, mais je voy dans tes yeux
  Que malgré tes discours tu n'en juges pas mieux,
  Depuis quand cette langue est-elle si discrette?
  Tantost tu le traittois de fol, de faux Prophete,
  Maintenant le voyant d'un esprit plus rassis
  Tu feints de l'honnorer comme un autre Alexis;
  Mais contemples le bien, il n'en a pas la mine,
  Et je suis asseuré sans que je le devine,
  Que si ce rustre avoit Olympie en ses bras,
  Il ne seroit pas homme à quitter tant d'appas.

                                 ALEXIS.

  Il ne faut point juger de l'arbre par l'escorce.

                                ARGAMOR.

  Comme un autre Joseph on te prendroit à force,
  Olympie... à ce mot tu changes de couleur,
  C'est un signe d'amour.

                                 ALEXIS.

                          Mais plutost de douleur.

                                 LICAS.

  On n'en est pas exempt quand il est vray qu'on aime,
  Mais.

                                ARGAMOR.

        Brisons-là, Licas, je la vois elle-mesme,
  Allons, retirons nous.



                                SCENE VI.

  ALEXIS, OLYMPIE, PHILOXENE.


                            ALEXIS _à part_.

                         Que je crains cet abord!
  C'est icy qu'il faut faire un genereux effort,
  C'est icy qu'il faut vaincre un aimable adversaire;
  J'ay bravé les assauts des valets de mon pere,
  J'ay veu d'un oeil égal leur haine & leur mespris,
  Leurs malices n'ont pas esbranlé mes esprits;
  Mais contre cet objet si rare & si fidelle
  Ma vertu perd courage, & mon ame chancelle.
  Ciel, escoute mes voeux, preste moy ton secours.

                         PHILOXENE _à Olympie_.

  Quoy donc, voulez vous estre insensible tousjours?
  Voulez vous à jamais d'un coeur opiniâtre
  Adorer qui vous fuit, fuir qui vous idolâtre?
  Ah Madame, prenez de plus justes desseins,
  Alexis est absent, & vos souspirs sont vains:
  Oubliez cet ingrat, oubliez ce rebelle,
  Il est traistre envers vous, & je vous suis fidelle,
  Vous serez juste, en fin si vous l'abandonnez
  En faveur de mes feux.

                                OLYMPIE.

                         Que vous m'importunez!
  Laissez moy Philoxene, ou changez de langage.

                               PHILOXENE.

  Quoy, je vous importune?

                                 ALEXIS.

                           Ah l'illustre courage.

                               PHILOXENE.

  Ouy, je connois assez que je suis malheureux,
  J'en vois, j'en vois l'arrest dans cet oeil rigoureux,
  Au lieu de l'adoucir ma presence l'irrite,
  Avec beaucoup d'amour j'ay trop peu de merite,
  Et moy pour mon malheur je descouvre en ce jour
  Tout le merite en vous Madame, & point d'amour.

                                OLYMPIE.

  Je n'ayme point de vray cette cajollerie,
  Voulez vous m'obliger, laissez moy je vous prie.

                               PHILOXENE.

  Hé bien, je vay partir, recevez mes adieux;
  Mais au moins pour un peu tournez vers moy les yeux,
  Et ne refusez pas à ma douleur profonde
  Ce que la courtoisie accorde à tout le monde,
  Je ne demande plus ny pitié ny secours,
  Et mon espoir finit avecque ce discours.

      S'en est fait, malgré mon attente
  Mon amour va ceder à la rigueur du sort:
  Ma flâme vous déplaist, hé bien; vivez contente.
      Moy je vay courir à la mort,
  Je vay par mon trespas complaire à vostre envie,
  Et finir vos mespris par la fin de ma vie.

      Dés lors que je vis vos attraits
  Et vos yeux si sçavans en l'usage des charmes
  Tout blessé que j'estois j'en adoray les traits,
      Ma franchise mit bas les armes,
  Et jamais toutesfois ces superbes vainqueurs
  Ne se sont desarmez des traits de leurs rigueurs.

      Jamais cette ardeur non commune
  Dont encor aujourd'huy je combas vos mespris,
  N'ont pû changer le cours de ma triste fortune.
      Tousjours le desdain fut mon prix,
  Et tousjours vos rigueurs seront la recompence
  Que vostre cruauté promet à ma constance.

      Mais puisque cet ingrat amour
  Qui soubsmit ma franchise aux loix de vostre empire,
  Consent avecque vous que je perde le jour,
      De peur d'alleger mon martire
  Avecque vos rigueurs je vay quitter ce lieu,
  Et je vous dis, Madame, un eternel adieu.

      Mars qui connoit bien que vos charmes
  Ne se disposent pas à faire mon bon-heur,
  Me commande aujourd'huy d'aller prendre les armes
      Pour mourir dans le lit d'honneur,
  Et je vay satisfaire à cette noble envie
  Si l'on peut vous laisser sans qu'on laisse la vie.

      Adieu donc celeste beauté,
  Beaux yeux pleins de rigueurs autant que de merveilles,
  Graces qui sans ma flâme & ma fidelité
      Seriez aujourd'huy sans pareilles;
  Objet si peu sensible à ma tendre amitié,
  Du moins en ma faveur escoutez la pitié.

      Soit que Mars parmy les batailles
  Me fasse succomber soubs l'effect de ses coups,
  Ou qu'ailleurs le destin fasse mes funerailles;
      Sçachez que je mouray pour vous,
  Et le dernier souspir qui finira ma vie
  Parlera de l'amour que j'eus pour Olympie.

                                OLYMPIE.

  Et le dernier soûpir qui m'ostera le jour
  Fera voir qu'Alexis a toute mon amour.



                               SCENE VII.

  ALEXIS, OLYMPIE.


                                 ALEXIS.

  Tu le vois, tu l'entens, la preuve en est visible,
  Et pourtant inhumain, tu restes insensible?
  Quoy tu causes sa mort, & tu vis? mais helas.
  Elle vient. Ô vertu ne m'abandonne pas.

                                OLYMPIE.

  Digne objet de pitié, mais beaucoup plus d'envie,
  Si ton sort se compare à celuy de l'impie,
  Cesse de t'estonner de me voir pres de toy,
  Tousjours un malheureux cherche un semblable à soy,
  Et les amis du sort ne sont pas agreables:
  À ceux que la fortune a rendus miserables,
  Remets donc ton esprit, & rappelle tes sens,
  Sçache que je prends part aux maux que tu ressens,
  Et que loing de te fuir, l'excez de ta misere
  Fait que je te cheris, & que je te revere.
  Je treuve aupres de toy mes consolations,
  Et l'unique secours de mes afflictions:
  C'est de toy que j'apprens à vaincre l'insolence
  Du malheur qui m'attaque avecque violence,
  Et c'est toy seul aussi qui braves les travaux,
  Que je veux faire icy confident de mes maux.

                                 ALEXIS.

  Un homme dont le sort est abjet à l'extreme,
  Qui pressé du malheur y succombe luy-mesme,
  Et ne peut subsister sans ayde, ou sans appuy,
  Est mal propre Madame, à secourir autruy:
  Regardez qui je suis, regardez qui vous estes,
  Vous changerez bien-tôt le dessein que vous faictes,
  Et sans rien esperer d'un esprit abatu
  Vous tiendrez tout du ciel, & de vostre vertu.

                                OLYMPIE.

  Il est vray que le ciel s'il m'estoit plus propice
  Pourroit à mes desirs rendre ce bon office;
  Mais il m'apprend assez qu'il est trop rigoureux
  Pour se rendre jamais favorable à mes veux.

                                 ALEXIS.

  Ah Madame!

                                OLYMPIE.

             J'ay tort, il est vray je blaspheme,
  Mais on perd la raison en perdant ce qu'on ayme,
  Et lors que le malheur nous reduit à ce poinct
  Un coeur est bien constant qui ne murmure point:
  J'ay perdu, mais ô Dieu puis-je dire ma perte
  Sans voir en mesme temps ma sepulture ouverte?
  J'ay perdu, dis-je, helas l'objet le plus parfaict
  Que l'Univers ait eu, que la Nature ait faict
  Un espoux tout divin, un homme incomparable;
  Mais cruel à moy seule, & pourtant adorable.

                                 ALEXIS.

  Ah ne luy donnez pas ces belles qualitez
  Ny ces noms glorieux qu'il n'a pas meritez;
  Traittez le plutôt d'ingrat & de barbare,
  Puis qu'il a pû quitter une beauté si rare,
  Et ne regrettez pas un infidele espoux
  Que le ciel vous ravit comme indigne de vous.

                                OLYMPIE.

  Comme indigne de moy? ton erreur est insigne,
  Dy plutôt un Espoux dont j'estois trop indigne,
  Puisque mes seuls deffaux ont causé mes malheurs,
  Et cet esloignement qui nourrit mes douleurs.

                                 ALEXIS.

  Dites qu'une beauté si rare & si parfaicte
  Cause cette cruelle & facheuse retraitte
  De peur que moins Espoux que vostre adorateur,
  L'ouvrage ne luy fasse oublier son autheur.
  Mais que fay-je imprudent? ah changeons de langage!

                                OLYMPIE.

  À peine un Courtisan en diroit davantage.

                                 ALEXIS.

  Quoy que grossier, Madame, au moins ay-je des yeux.

                                OLYMPIE.

  Je ne suis pas si vaine, & je me connois mieux,
  Sa retraitte sans doute a bien une autre cause.

                                 ALEXIS.

  Je ne puis toutefois vous en dire autre chose,
  Ou bien vous espousant il voulut vous trahir.

                                OLYMPIE.

  Ah ne l'offences pas, il ne fit qu'obeir,
  Et puis pour se punir de son obeissance,
  Il conclud aussi tost une eternelle absence.
  Mais toy que le destin dont tu sens le revers
  A fait errer long-temps en cent climats divers,
  N'as-tu pas rencontré mon Alexis.

                                 ALEXIS.

                                    Peut-estre;
  Mais.

                                OLYMPIE.

        Sa seule beauté le fait assez connoistre:
  As-tu veu quelque objet dont l'esprit & le corps
  Ayent du Ciel & d'amour espuisé les tresors,
  Un chef-d'oeuvre, un prodige, une rare merveille,
  C'estoit mon Alexis.

                                 ALEXIS.

                       Ô bonté sans pareille!
  Ce n'est qu'en vous Madame, où j'ay veu tant d'atraits.

                                OLYMPIE.

  Tu ne connois donc pas l'autheur de mes regrets.

                                 ALEXIS.

  Quand du ciel irrité la rigueur est extréme,
  À peine un malheureux se connoit-il soy-mesme.

                                OLYMPIE.

  N'esperons donc plus rien ny du Ciel ny du sort,
  Et cherchons Alexis dans les bras de la mort,
  Adieu.

                                 ALEXIS.

         Consolez vous.

                                OLYMPIE.

                        Il ne m'est pas possible,
  Ah cruel Alexis?

                                 ALEXIS.

                   Ô reproche sensible!



                               SCENE VIII.

                             ALEXIS _seul_.


  Seigneur, apres ce traict qui me perce le coeur
  Je sens bien que mon corps succombe à sa langueur.
  Que l'excez de mon mal à ma force affoiblie,
  Et que de sa prison mon ame se delie:
  Mes travaux sont finis, je vay quitter le jour,
  Mais accorde une grace encore à mon amour,
  Maistre des actions & du salut des hommes,
  Toy qui vois mes douleurs & l'estat où nous sommes,
  Lance Pere eternel un regard de pitié
  Sur une inviolable & constante amitié,
  Je ne demande pas à ta bonté supréme
  De me rendre vivant à l'Espouse que j'ayme,
  Mais quand la mort aura trouvé mes ennuis
  Souffre au moins que ma main luy montre qui je suis,
  Et tire son esprit de cette incertitude
  Qui nourrit ses regrets & son inquietude:
  Ouy Seigneur, je sens bien que tu me le permets.
  Chere Espouse, en tes mains je me rends desormais,
  Un billet t'apprendra, quelle est mon adventure,
  Escoute la raison plutost que la nature,
  Adieu. Le Ciel un jour par un destin plus doux
  Te réjoindra la haut avecque ton Espoux.


                        _Fin du Quatriesme Acte._




                                ARGUMENT
                               DU V. ACTE.

L'empereur entrant au Palais d'Euphemien entend une voix qui prononce
ces paroles.

  Arreste Honorius, c'est le Ciel qui l'ordonne,
      Commande qu'on cherche un tresor
  Plus riche mille fois que les perles ny l'or,
  Abaisse devant luy ton Sceptre & ta Couronne.
      C'est le Palais d'Euphemien
      Qui te recelle un si grand bien.

Honorius à ces paroles demande à Euphemien quel est ce Tresor qui luy
recelle, & pourquoy il ne luy en avoit jamais parlé, luy à qui il avoit
confié la conduite de tous ses Estats; Euphemien proteste qu'il ne
sçait quel peut estre ce Tresor, & qu'il consent qu'on visite son
Palais afin qu'il soit trouvé; L'Empereur tout à coup encor atteint de
quelque reste d'amour pour Olympie, s'imagine qu'elle est le Tresor
dont parle le Ciel, & qu'il luy ordonne de l'espouser, pour cet effet
il envoye Euphemien pour l'y disposer; mais Euphemien entrant dans la
salle où estoit Alexis sous le degré, le trouve expirant & environné
d'Anges qui font un concert de musique autour de luy; à l'abord
d'Euphemien un nuage descend qui envelope les Anges & les fait
disparoistre; Euphemien les suivant de la veue & de la voix, leur
demande quel est le Tresor que le Ciel avoit declaré à l'Empereur, ils
respondent du nuage que le corps qui gisoit à terre devant ses yeux
estoit ce qu'il desiroit. Apres cette response Euphemien fait mettre le
corps sur un lit de parade; & va rendre compte à l'Empereur de ce qu'il
a veu; l'Empereur avec toute sa Cour entre dans la salle, couvre le
corps du Sainct de son Manteau Royal, & met son Sceptre & sa Couronne à
ses pieds, le priant d'estre le protecteur de ses Estats; Apres ayant
apperceu le billet qui estoit en la main d'Alexis, il le demande avec
respect, le Sainct ouvre la main, l'Empereur le donne à son Chancelier
qui le lit. Ce billet qui fit recognoistre Alexis, ayant donné de
l'estonnement, & arraché des larmes de toute l'assemblée, Olympie
protestant qu'elle estoit preste de le suivre, fondant en pleurs,
s'arrachant les cheveux, & se penchant pour l'embrasser expire sur le
corps de son Espoux, ausquels l'Empereur commande qu'on fasse eriger un
Temple pour Tombeau.




                                 ACTE V.


                             SCENE PREMIERE.

  HONORIUS, EUPHEMIEN, POLIDARQUE & suitte.


       _Une voix prononce ces paroles lors que l'Empereur entre._

  Arreste Honorius, c'est le Ciel qui l'ordonne,
      Commande qu'on cherche un tresor
  Cent fois plus precieux que les perles, ny l'or,
  Et mets bas devant luy ton Sceptre & ta Couronne:
      C'est le Palais d'Euphemien
      Qui te recele un si grand bien.

                                HONORIUS.

  Ciel, d'où vient cette voix? & quel est cet oracle
  Qui parle d'un tresor, ou plutost d'un miracle,
  Devant qui ma Couronne & mon Sceptre aujourd'huy
  Se doivent abaisser comme moindres que luy?
  Tu sçais Euphemien ce que je viens d'entendre,
  Ce tresor est chez toy, c'est à toy de le rendre
  Assez & trop long-temps tu me l'as recelé,
  Mais en vain, car le Ciel enfin l'a revelé.

                               EUPHEMIEN.

  Moy Seigneur un tresor, & que je vous recelle?
  Moy je serois, grand Prince, à ce poinct infidelle?
  Moy qui perdrois la vie afin de vous servir
  Je garderois un bien que je voudrois ravir?
  Ah Seigneur, renoncez à cette deffiance,
  Jugez mieux de mon coeur & de ma conscience,
  Et ne ruynez point par cette opinion
  Ma gloire, mon estime, & vostre affection.
  Le Ciel vous advertit Monarque incomparable
  Que mon palais recelle un bien inestimable,
  Mais que le mesme Ciel me confonde à vos yeux
  Si je sçais où peut estre un bien si precieux:
  Qu'on le cherche par tout, qu'on fouille, qu'on visite
  Loing de vous destourner je vous en sollicite,
  Et je seray ravy qu'on rencontre chez moy
  Un tresor admirable & digne de mon Roy.

                               POLIDARQUE.

  Cette voix toutesfois n'est pas l'effet d'un songe,
  Et ce que dit le Ciel ne peut estre un mensonge
  Contre luy les sermens ne sont jamais receus.

                                HONORIUS.

  Vous travaillez en vain vos esprits la dessus:
  Je sçais, je sçais amis quelle est cette merveille
  Qui dans tout l'Univers n'eut jamais de pareille,
  Et devant qui je dois plein de zele & d'ardeur
  Abaisser ma Couronne & toute ma grandeur:
  Ouy, je sçay le tresor qu'Euphemien recelle
  C'est Olympie.

                               EUPHEMIEN.

                 Helas!

                                HONORIUS.

                        Ouy, ouy, c'est cette belle
  Que le Ciel aujourd'huy par sa divine voix
  M'ordonne de placer au dessus de cent Roys
  Par sa rare vertu qui n'ait jamais d'exemple,
  Elle est digne du trosne, elle est digne d'un temple;
  Elle peut par mes voeux s'eslever au premier,
  Et de mon coeur ardent se faire le dernier:
  Allons luy de ce pas presenter l'un & l'autre,
  C'est le vouloir du Ciel, & c'est aussi le nostre;
  Je suis respectueux comme il est absolu,
  Il faut que j'obeisse, & j'y suis resolu.
  Va donc Euphemien, va trouver Olympie,
  Prepare son esprit à cette juste envie.
  Cependant que j'iray me disposer aussi
  Aux honneurs que je veux qu'elle reçoive icy.



                                SCENE II.

  AGLES, VIRGINIE.

  _Dans un Cabinet où doit estre un Tableau representant la Vierge
  cherchant son fils._


                                 AGLES.

  Approche Virginie, & voy cette peinture,
  Ah qu'elle a de raport avec mon adventure!
  Qu'ingenieusement pour flatter mes douleurs
  Le Peintre a fait agir sa main, & ses couleurs!
  Contemple cet objet, regarde, considere,
  Ces pleurs coulent des yeux d'une dolente mere,
  Qui triste comme moy fait tout ce que je fis
  À l'instant malheureux que je perdis mon fils.
  Voy comme elle est troublée, interdite, incertaine,
  Ne sçachant où chercher la cause de sa peine;
  Voy ce corps qui s'avance, & puis comme à son tour
  La pudeur sert d'obstacle au dessein de l'amour;
  Elle est vierge, elle est mere, & son ame est atteinte
  Par ces deux qualitez de desir & de crainte;
  Mais en fin son amour de la peur triomphant
  Luy fait heureusement recouvrer son enfant.
  Ô vierge bien-heureuse, ô pitoyable mere
  Qui sentistes les traits de ma douleur amere,
  Puisque vos maux aux miens eurent tant de raport,
  Faictes que mes desirs ayent un semblable sort;
  Assez et trop long-temps mon ame est à l'espreuve,
  Redonnez moy mon fils, faictes qui je le treuve,
  Et que par vos bontez mes ennuis adoucis
  Se perdent tout à fait à l'abord d'Alexis.

                                VIRGINIE.

  Vous devez l'esperer, Madame.

                                 AGLES.

                                Ah Virginie,
  Que je ressentirois une joye infinie,
  Si ce rare bon-heur me pouvoit arriver;
  Mais où court Olympie?

                                VIRGINIE.

                         Elle vous vient trouver.

                                 AGLES.

  Allons à sa rencontre.



                               SCENE III.

  OLYMPIE, AGLES, VIRGINIE.


                OLYMPIE _revestu de ses habits nuptiaux_.

                         Est-il bien vray mon ame?
  Reverray-je Alexis?

                                 AGLEZ.

                      Ah ma fille.

                                OLYMPIE.

                                   Ah Madame,
  Ne vous estonnez point de me voir cet esclat,
  Je dois, je dois parestre en ce superbe estat:
  Voyez ces vestemens, regardez mon visage,
  Vous en devez tirer un bien-heureux presage,
  Et croire en me voyant si richement parer,
  Que le Ciel aujourd'huy nous permet d'esperer.
  Nous verrons Alexis.

                                 AGLEZ.

                       Que mon ame est ravie!
  Nous verrons Alexis? ah ma chere Olympie,
  N'abusez point mon coeur d'un espoir decevant;
  Dites moy, car les bruits nous trompent bien souvent,
  De qui le sçavez-vous? quelque courier fidelle
  Vous a-t'il apporté cette heureuse nouvelle?

                                OLYMPIE.

  Non Madame.

                                 AGLEZ.

              Qui donc?

                                OLYMPIE.

                        Le Ciel me l'a promis.

                                 AGLEZ.

  Cet espoir m'est bien doux, & pourtant je fremis.

                                VIRGINIE.

  Quand nos sens sont surpris d'une ioye excessive,
  C'est lors qu'ils goustent moins le bien qui nous arrive.

                                OLYMPIE.

  N'en doutez point Madame, ouy, ouy les cieux plus doux
  Vous rendront vostre fils, me rendront mon Espoux
  Une celeste voix m'en donne l'asseurance,
  Et l'effect doit bien-tost suivre mon esperance,
  Car sçache a-t'elle dit qu'avant la fin du jour
  Tu reverras chez toy l'objet de ton amour.

                                 AGLES.

  Agreable nouvelle & bien-heureux Oracle!

                                OLYMPIE.

  Je reste quelque temps confuse à ce miracle,
  Mais en fin ma raison ayant remis mes sens
  Qui demeuroient ravis à de si doux accens,
  Je rens graces au Ciel du bon-heur qu'il m'envoye
  Mon esprit sur mon front fait renaistre la joye,
  Et d'un pas diligent je viens vous faire part
  De l'extreme faveur que le Ciel me depart.

                                 AGLES.

  Euphemien sçait-il cette heureuse nouvelle!

                                OLYMPIE.

  Non.

                                 AGLES.

       Faisons luy sçavoir.

                                OLYMPIE.

                            Providence eternelle
  Qui fais, & qui regis le destin des humains,
  Favorise un espoir que je mets en tes mains.



                                SCENE IV.

  ALEXIS _mourant_, EUPHEMIEN, ARASPE.


                           _Choeur des Anges._

      Belle Ame qui sceus triompher
  De toy-mesme, d'amour, du monde & de l'enfer,
      Viens où nostre voix te convie,
  Nous te tendons les bras pour te mener au port:
        Ah qu'heureuse est la mort
  Qui donne dans le Ciel une immortelle vie.

                         EUPHEMIEN _en entrant_.

  Qu'ay-je veu? qu'ay-je ouy? quel éclat radieux
  M'a frappé tout ensemble, & l'oreille & les yeux?
  Quelle divine voix a charmé mon ouye?
  Quels Astres juste Ciel ont ma veue esblouye?
  Est-ce une illusion? est-ce une verité?
  Quelle douce harmonie! ô Dieu, quelle clarté
  Ah je vous reconnois beaux Anges de lumiere,
  Ne disparoissez pas, escoutez ma priere,
  Et ne desdaignez pas de m'esclaircir icy
  D'un tresor qui me cause un estrange soucy,
  Rendez esprits divins mon ame satisfaicte
  Accordez cette grace à ma juste requeste.

                           _Choeur des Anges._

      Tu vois ce tresor precieux,
  Ce corps qui sur la terre est gisant à tes yeux
      Est le sujet de ton envie,
  Son ame est maintenant dans le celeste port:
        Ah qu'heureuse est la mort
  Qui donne dans le ciel une immortelle vie.

                               EUPHEMIEN.

  Ô prodige! ô merveille! allons vers l'Empereur
  Luy conter ce miracle & le tirer d'erreur:
  Araspe cependant commandez à Tanclade
  De mettre ce sainct corps sur un lit de parade,
  Que toute ma maison qu'il comble de bon-heur
  Avec ordre & respect vienne luy rendre honneur:
  Depeschez.

                                 ARASPE.

             J'obey.



                                SCENE V.

  HONORIUS, POLIDARQUE, SOSIMENE, ARISTANDRE.


                               POLIDARQUE.

                     Certes, cette merveille
  Auroit une rigueur à nulle autre pareille,
  Si voyant cet esclat & cette majesté
  Elle ne relaschoit de sa severité:
  Jugez mieux, jugez mieux de l'esprit d'Olympie,
  Et croyez desormais qu'elle sera ravie
  Alors qu'elle sçaura que ce supreme honneur
  Est un arrest du Ciel comme de son bon-heur.

                                HONORIUS.

  La pompe luy deplait, & son excez l'irrite;
  Mais le vouloir du Ciel me tient lieu de merite,
  Et par cette raison j'espere qu'aujourd'huy
  Ne pouvant rien de moy j'obtiendray tout de luy.



                                SCENE VI.

  HONORIUS, POLIDARQUE, SOSIMENE, ARISTANDRE, EUPHEMIEN.


                                SOSIMENE.

  Seigneur, Euphemien...

                                HONORIUS.

                         Hé bien quelle nouvelle?
  Avez vous adoucy cette beauté rebelle?
  Se resout-elle enfin d'obeir à la voix
  Qui veut qu'elle commande au plus puissant des Roys?

                               EUPHEMIEN.

  Grand Monarque la voix que vous avez ouye
  Vous parloit d'un tresor & non pas d'Olympie,
  Et ce rare tresor qui m'estoit inconnu
  À mes yeux estonnez est enfin parvenu;
  Mais ce n'est pas Seigneur, cette beauté mortelle
  Pour qui vous témoignez tant d'ardeur & de zele,
  Elle n'attend de vous, ny respect, ny devoir,
  Et c'est un autre objet qui les doit recevoir:
  Ouy Seigneur, vous devez mettre bas la Couronne,
  Et mesme humilier vostre illustre personne
  Devant un sainct objet que je viens delaisser,
  Et devant qui j'ay veu des Anges s'abaisser.

                                HONORIUS.

  Ô Ciel que dites vous? qui croira ce miracle.

                               EUPHEMIEN.

  Mes yeux Sire, en ont veu l'admirable spectacle,
  Et je venois icy pour vous en asseurer.

                                HONORIUS.

  Allons Euphemien, allons le reverer.



                               SCENE VII.

  AGLEZ, OLYMPIE, VIRGINIE.


                                OLYMPIE.

  D'où vient que l'Empereur en sa pourpre royale,
  Et le Sceptre en la main entre dedans la sale?
  Ah Madame, il n'est pas en ce faste esclattant
  Que pour bien recevoir mon Espoux qu'il attend
  Sans doute qu'ayant veu ses rivaux pleins de gloire
  Revenir triomphans d'une illustre victoire,
  Et pour le noble prix de leurs exploits guerriers
  Demander qu'on joignit le myrthe à leurs lauriers.
  Il a voulu montrer que sa main estoit preste
  À le rendre comme eux digne de sa conqueste,
  Et c'est pour ce sujet qu'on void toute la Cour
  Avecque tant d'éclat attendre son retour.

                                 AGLES.

  Allons voir ce que c'est.

                                OLYMPIE.

                            Je le veux bien Madame;
  Cieux, rendez moy bien-tost la moitié de mon ame.



                             SCENE DERNIERE.

  HONORIUS, EUPHEMIEN, POLIDARQUE, SOSIMENE, ARISTANDRE, AGLES, VIRGINIE,
  ARASPE, &c.


      HONORIUS _entrant dans la chambre où est le corps d'Alexis
                sur un lit de parade._

  Que l'on cherche Olympie, & qu'elle vienne icy.

                               EUPHEMIEN.

  La voylà.

                                HONORIUS.

            Qu'elle advance.

                                OLYMPIE.

                             Ah bon Dieu qu'est cecy?
  À quoy tend ce mystere? & quelle est cette pompe!
  Cet objet que je vois, si mon oeil ne se trompe,
  Est cet infortuné qui depuis quelque jours
  A de cette maison imploré le secours;
  C'est luy, j'en reconnois l'habit & le visage.

                                HONORIUS.

  À genoux Olympie, accompagnez l'hommage
  Que vous me voyez rendre à ce corps glorieux
  Dont l'ame bien-heureuse est desja dans les Cieux:
  Mettons bas devant luy l'esclat qui m'environne,
  Abaissons à ses pieds mon Sceptre & ma Couronne,
  Et tachons par nos voeux d'obtenir aujourd'huy
  Qu'il serve à nos Estats de bon-heur & d'appuy.
  Sainct & puissant Esprit qui sortant de la terre
  Viens de prendre ta place au dessus du tonnerre
  Dans ces trosnes d'azur parmy les immortels,
  S'il te reste là haut quelque soing des mortels,
  Si l'hommage d'un Roy te peut estre agreable,
  Jette dessus son peuple un regard favorable,
  Et fay que desormais il doive à ta bonté,
  Sa gloire, son repos, & sa prosperité.
  Mais quel est ce billet qu'on void icy parestre?
  Grand Sainct, ouvre la main s'il te plaist de permettre
  Qu'il nous fasse sçavoir ce que tu veux de nous,
  J'implore cette grace & l'attens à genoux,
  Le voylà.

                                OLYMPIE.

            Juste Ciel!

                                HONORIUS.

                        Lisez le Polidarque,
  Mais avecque respect.

                               POLIDARQUE.

                        J'obeïs grand Monarque.

                           _Billet d'Alexis._

  Mets fin chere Olympie au cours de tes soucis,
      Ne cherche plus ton Alexis,
  Il a par son retour satisfait ton envie;
  Tes yeux sur qui l'amour avoit mis son bandeau
  Ne l'ont pas reconnu quand il estoit en vie,
      Reconnois le dans le tombeau.

  Je tiens d'Euphemien la naissance & le jour
      Tu fus l'objet de mon amour
  Dés lors que mon esprit fut capable de flâme
  Je te quittay pourtant, & sans te dire adieu,
  Car si tu pris mon coeur le Ciel ravit mon ame,
      Mais je te quittay pour un Dieu.

  J'eus pour luy de l'amour aussi bien que pour toy,
      À tous deux j'ay gardé ma foy,
  Et par une admirable & divine adventure
  Je puis vous satisfaire, & vous mettre d'acords,
  Le Ciel aura mon ame, & dans ma sepulture
      Tu pourras posseder mon corps.

                                OLYMPIE.

  Ouy, c'est là cher Espoux qu'il faut que je te suive,
  Aussi bien apres toy ne croy pas que je vive,
  Ce moment que sans toy je conserve le jour,
  Semble desja durer un siecle à mon amour.
  Attens moy, je te suy, Ciel permets que je meure!
  Quoy, mon ame, as-tu peine à quitter ta demeure?
  Et vous perfides yeux qui l'avez mesconnu
  Quand il s'est presenté tout tremblant & tout nu,
  Osez vous bien jouir du bien de la lumiere?
  Fermez traistres, fermez vostre lâche paupiere;
  Puis qu'un si foible obstacle a pû vous decevoir,
  Vous ne meritez plus desormais de la voir.
  Alexis...

                               EUPHEMIEN.

            Ah mon fils!

                                 AGLES.

                         Ah mon ame s'envole,
  Pour suivre dans les airs cette triste parole.

                                OLYMPIE.

  Alexis, Alexis, ouvre, ouvre un peu les yeux,
  Revoy pour un moment la lumiere des Cieux,
  Et regarde à tes pieds ta deplorable femme
  Qu'un excez de douleur va priver de son ame;
  Songe à ce que je fus, songe à ce que je suis,
  Ne m'abandonne pas au milieu des ennuis,
  Et dans ce haut éclat d'une immortelle gloire
  De ta chere moitié ne pers point la memoire;
  Ayde moy, cher Espoux, à me tirer au port
  Et pour toute faveur accorde moy la mort,
  Delivre de ce corps mon ame prisonniere.
  Ah je sens que le Ciel exauce ma priere.
  Rien plus doresnavant ne nous peut diviser
  Prens ce dernier souspir, & ce dernier baiser.

                   _Elle tombe sur le corps d'Alexis._

                               POLIDARQUE.

  Prodigieuse amour!

                               ARISTANDRE.

                     Ô vertu sans exemple!

                                HONORIUS.

  Qu'on ne leur dresse pas un tombeau, mais un Temple;
  Et sans verser des pleurs sur ces corps bien-heureux
  Offrons leur desormais de l'encens & des voeux.

                   _Fin du Cinquiesme & dernier Acte._






End of the Project Gutenberg EBook of L'illustre Olympie, ou Le St Alexis, by 
Nicolas Mary

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