Les Précieuses ridicules

By Molière

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Title: Les Précieuses Ridicules

Author: Molière

Posting Date: April 17, 2013 [EBook #5318]
Release Date: July, 2004
First Posted: June 30, 2002

Language: French


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Les Précieuses Ridicules





Source:

Jean-Baptiste Poquelin (1620-1673), alias Molière,
"Oeuvres de Molière, avec des notes de tous les commentateurs",
Tome Premier,
Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie,
Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56,
1890.

Pages 151-181.

[Spelling of the 1890 edition. Footnotes have been retained because
they provide the meanings of old French words or expressions.
Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped
at the end of the Etext. Text encoding is iso-8859-1.]


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PRÉFACE DES PRÉCIEUSES RIDICULES


C'est une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux ! Je ne vois
rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutôt que
celle-là.

Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mépriser
par honneur ma comédie. J'offenserais mal à propos tout Paris, si je
l'accusais d'avoir pu applaudir à une sottise ; comme le public est le
juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence à
moi de le démentir ; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du
monde de mes "Précieuses ridicules" avant leur représentation, je dois
croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens
ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des grâces
qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de la voix, il
m'importait qu'on ne les dépouillât pas de ces ornements, et je
trouvais que le succès qu'elles avaient eu dans la représentation
était assez beau pour en demeurer là. J'avais résolu, dis-je, de les
faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu'un de
dire le proverbe (1), et je ne voulais pas qu'elles sautassent du
théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu
l'éviter, et je suis dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma
pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilège obtenu
par surprise. j'ai eu beau crier : O temps ! ô moeurs ! on m'a fait
voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès ; et
le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser
aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas
de faire sans moi.

Mon Dieu ! l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour ; et qu'un
auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime ! Encore si l'on
m'avait donné du temps, j'aurais pu mieux songer à moi, et j'aurais
pris toutes les précautions que messieurs les auteurs, à présent mes
confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre
quelque grand seigneur que j'aurais été prendre malgré lui pour
protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tenté la libéralité par
une épître dédicatoire bien fleurie, j'aurais tâché de faire une belle
et docte préface ; et je ne manque point de livres qui m'auraient
fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la
comédie, l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition,
et le reste.

J'aurais aussi parlé à mes amis, qui, pour la recommandation de ma
pièce, ne m'auraient pas refusé ou des vers français, ou des vers
latins. j'en ai même qui m'auraient loué en grec ; et l'on n'ignore
pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace à la tête
d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me
reconnaître ; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots
pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. j'aurais
voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire
honnête et permise ; que les plus excellentes choses sont sujettes à
être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être bernés ; que
ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait ont été de
tout temps la matière de la comédie, et que, par la même raison que
les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore
avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus
que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin (2), ou
quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince,
ou le roi ; aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer
lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme
j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes (3)
veut m'aller faire relier de ce pas : à la bonne heure, puisque Dieu
l'a voulu.


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(1) Molière fait allusion à ce proverbe : "Elle est belle à la
chandelle, mais le grand jour gâte tout."


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(2) Le "Docteur", le "Capitan" et "Trivelin", étaient trois
personnages ou caractères appartenant à la farce italienne.


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(3) Ce de Luynes était un libraire qui avait sa boutique dans la
galerie du Palais.


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LES PRÉCIEUSES RIDICULES




Comédie (1659).



PERSONNAGES                                        ACTEURS

La Grange,                                         La Grange.
Du Croisy, amants rebutés.                         Du Croisy.
Gorgibus, bon bourgeois.                           L'Espy.
Madelon, fille de Gorgibus,                        Mlle De Brie.
Cathos, nièce de Gorgibus, précieuses ridicules.   Mlle Du Parc.
Marotte, servante des précieuses ridicules.        Madel. Béjart.
Almanzor, laquais des précieuses ridicules.        De Brie.
Le Marquis de Mascarille, valet de la Grange.      Molière.
Le Vicomte de Jodelet, valet de du Croisy.         Brécourt.
Deux porteurs de chaise.
Voisines.
Violons.



La scène à Paris, dans la maison de Gorgibus.


SCÈNE PREMIÈRE. - La Grange, Du Croisy.


- Du Croisy -

Seigneur la Grange...

- La Grange -

Quoi ?

- Du Croisy -

Regardez-moi un peu sans rire.

- La Grange -

Eh bien ?

- Du Croisy -

Que dites-vous de notre visite ? En êtes-vous fort satisfait ?

- La Grange -

A votre avis, avons-nous sujet de l'être tous deux ?

- Du Croisy -

Pas tout à fait, à dire vrai.

- La Grange -

Pour moi, je vous avoue que j'en suis tout scandalisé. A-t-on jamais
vu, dites-moi, deux pecques (1) provinciales faire plus les renchéries
que celles-là, et deux hommes traités avec plus de mépris que nous ?
A peine ont-elles pu se résoudre à nous faire donner des sièges. Je n'ai
jamais vu tant parler à l'oreille qu'elles ont fait entre elles, tant
baîller, tant se frotter les yeux, et demander tant de fois : Quelle
heure est-il ? Ont-elles répondu que Oui et Non à tout ce que nous
avons pu leur dire ? Et ne m'avouerez-vous pas enfin que, quand nous
aurions été les dernières personnes du monde, on ne pouvait nous faire
pis qu'elles ont fait ?

- Du Croisy -

Il me semble que vous prenez la chose fort à coeur.

- La Grange -

Sans doute, je l'y prends, et de telle façon, que je me veux venger de
cette impertinence. Je connais ce qui nous a fait mépriser. L'air
précieux n'a pas seulement infecté Paris, il s'est aussi répandu dans
les provinces, et nos donzelles ridicules en ont humé leur bonne
part. En un mot, c'est un ambigu (2) de précieuse et de coquette que
leur personne. Je vois ce qu'il faut être pour en être bien reçu ; et,
si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une pièce qui leur
fera voir leur sottise, et pourra leur apprendre à connaître un peu
mieux leur monde.

- Du Croisy -

Et comment, encore ?

- La Grange -

J'ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe au sentiment de
beaucoup de gens, pour une manière de bel esprit, car il n't a rien de
meilleur marché que le bel esprit maintenant. C'est un extravagant qui
s'est mis en tête de vouloir faire l'homme de condition. Il se pique
ordinairement de galanterie et de vers, et dédaigne les autres valets,
jusqu'à les appeler brutaux.

- Du Croisy -

Eh bien ! qu'en prétendez-vous faire ?

- La Grange -

Ce que j'en prétends faire ? Il faut... Mais sortons d'ici auparavant.



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SCÈNE II. - Gorgibus (3), Du Croisy, La Grange.


- Gorgibus -

Eh bien ! vous avez vu ma nièce et ma fille ? Les affaires iront-elles
bien ? Quel est le résultat de cette visite ?

- La Grange -

C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous.
Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons grâce
de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles
serviteurs.

- Du Croisy -

Vos très humbles serviteurs.

- Gorgibus -

          (seul.)

Ouais ! il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'où pourrait
venir leur mécontentement ? Il faut savoir un peu ce que c'est. Holà !



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SCÈNE III. - Gorgibus, Marotte.


- Marotte -

Que désirez-vous, Monsieur ?

- Gorgibus -

Où sont vos maîtresses ?

- Marotte -

Dans leur cabinet.

- Gorgibus -

Que font-elles ?

- Marotte -

De la pommade pour les lèvres.

- Gorgibus -

C'est trop pommadé. Dites-leur qu'elles descendent.



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SCÈNE IV. - Gorgibus.


- Gorgibus -

Ces pendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me
ruiner. Je ne vois partout que blancs d'oeufs, lait virginal, et mille
autres brimborions que je ne connais point. Elles ont usé, depuis que
nous sommes ici, le lard d'une douzaine de cochons, pour le moins ; et
quatre valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu'elles
emploient.



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SCÈNE V. - Madelon, Cathos, Gorgibus.


- Gorgibus -

Il est bien nécessaire, vraiment, de faire tant de dépense pour vous
graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces
messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous
avais-je pas commandé de les recevoir comme des personnes que je
voulais vous donner pour maris ?

- Madelon -

Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé
irrégulier de ces gens-là ?

- Cathos -

Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût accommoder
de leur personne ?

- Gorgibus -

Et qu'y trouvez-vous à redire ?

- Madelon -

La belle galanterie que la leur ! Quoi ! débuter d'abord par le
mariage ?

- Gorgibus -

Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? par le concubinage ? N'est-ce
pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux, aussi
bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien
sacré où ils aspirent n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté de
leurs intentions ?

- Madelon -

Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me
fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu
vous faire apprendre le bel air des choses.

- Gorgibus -

Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est
une chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de
débuter par là.

- Madelon -

Mon Dieu ! que si tout le monde vous ressemblait, un roman serait
bientôt fini ! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyrus épousait
Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fût marié à Clélie (4) !

- Gorgibus -

Que me vient conter celle-ci ?

- Madelon -

Mon père, voilà ma cousine qui vous dira aussi bien que moi que le
mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut
qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments,
pousser le doux, le tendre et le passionné (5), et que sa recherche
soit dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la
promenade, ou dans quelque cérémonie publique, la personne dont il
devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle par un
parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il
cache un temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend
plusieurs visites, où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une
question galante qui exerce les esprits de l'assemblée. Le jour de la
déclaration arrive, qui se doit faire ordinairement dans une allée de
quelque jardin, tandis que la compagnie s'est un peu éloignée : et
cette déclaration est suivie d'un prompt courroux, qui paraît à notre
rougeur, et qui, pour un temps, bannit l'amant de notre présence.
Ensuite il trouve moyen de nous apaiser, de nous accoutumer
insensiblement au discours de sa passion, et de tirer de nous cet aveu
qui fait tant de peine. Après cela viennent les aventures, les rivaux
qui se jettent à la traverse d'une inclination établie, les
persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses
apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui
s'ensuit. Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières,
et ce sont des règles dont, en bonne galanterie, on ne saurait se
dispenser. Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, ne faire
l'amour qu'en faisant le contrat du mariage, et prendre justement le
roman par la queue ; encore un coup, mon père, il ne se peut rien de
plus marchand que ce procédé ; et j'ai mal au coeur de la seule vision
que cela me fait.

- Gorgibus -

Quel diable de jargon entends-je ici ? Voici bien du haut style.

- Cathos -

En effet, mon oncle, ma cousine donne dans le vrai de la chose. Le
moyen de bien recevoir des gens qui sont tout à fait incongrus en
galanterie ! Je m'en vais gager qu'ils n'ont jamais vu la carte de
Tendre, et que Billets-Doux, Petits-Soins, Billets-Galants et
Jolis-Vers sont des terres inconnues pour eux (6). Ne voyez-vous pas
que toute leur personne marque cela, et qu'ils n'ont point cet air qui
donne d'abord bonne opinion des gens ? Venir en visite amoureuse avec
une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plumes, une tête
irrégulière en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de
rubans ; mon Dieu, quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité
d'ajustements, et quelle sécheresse de conversation ! On n'y dure
point, on n'y tient pas. J'ai remarqué encore que leurs rabats (7) ne
sont pas de la bonne faiseuse, et qu'il s'en faut plus d'un grand
demi-pied que leurs hauts-de-chausses ne soient assez larges.

- Gorgibus -

Je pense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne puis rien
comprendre à ce baragouin. Cathos, et vous, Madelon...

- Madelon -

Eh ! de grâce, mon père, défaites-vous de ces noms étranges et nous
appelez autrement.

- Gorgibus -

Comment, ces noms étranges ? Ne sont-ce pas vos noms de baptême ?

- Madelon -

Mon Dieu, que vous êtes vulgaire ! Pour moi, un de mes étonnements,
c'est que vous ayez pu faire une fille si spirituelle que moi. A-t-on
jamais parlé, dans le beau style, de Cathos ni de Madelon, et ne
m'avouerez-vous pas que ce serait assez d'un de ces noms pour décrier
le plus beau roman du monde ?

- Cathos -

Il est vrai, mon oncle, qu'une oreille un peu délicate pâtit
furieusement à entendre prononcer ces mots-là ; et le nom de Polyxène
que ma cousine a choisi, et celui d'Aminte que je me suis donné, ont
une grâce dont il faut que vous demeuriez d'accord.

- Gorgibus -

Ecoutez, il n'y a qu'un mot qui serve. Je n'entends point que vous
ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains
et marraines ; et pour ces messieurs dont il est question, je connais
leurs familles et leurs biens, et je veux résolument que vous vous
disposiez à les recevoir pour maris. Je me lasse de vous avoir sur les
bras, et la garde de deux filles est une charge un peu trop pesante
pour un homme de mon âge.

- Cathos -

Pour moi, mon oncle, tout ce que je vous puis dire, c'est que je
trouve le mariage une chose tout à fait choquante. Comment est-ce
qu'on peut souffrir la pensée de coucher contre un homme vraiment nu ?

- Madelon -

Souffrez que nous prenions un peu haleine parmi le beau monde de
Paris, où nous ne faisons que d'arriver. Laissez-nous faire à loisir
le tissu de notre roman, et n'en pressez point tant la conclusion.

- Gorgibus -

          (à part.)

Il n'en faut point douter, elles sont achevées.

          (Haut.)

Encore un coup, je n'entends rien à toutes ces balivernes : je veux
être maître absolu : et pour trancher toutes sortes de discours, ou
vous serez mariées toutes deux avant qu'il soit peu, ou, ma foi, vous
serez religieuses ; j'en fais un bon serment.



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SCÈNE VI. - Cathos, Madelon.


- Cathos -

Mon Dieu, ma chère, que ton père a la forme enfoncée dans la matière !
que son intelligence est épaisse, et qu'il fait sombre dans son âme !

- Madelon -

Que veux-tu, ma chère ? J'en suis en confusion pour lui. J'ai peine à
me persuader que je puisse être véritablement sa fille, et je crois
que quelque aventure un jour me viendra développer une naissance plus
illustre.

- Cathos -

Je le croirais bien ; oui, il y a toutes les apparences du monde ; et,
pour moi, quand je me regarde aussi...



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SCÈNE VII. - Cathos, Madelon, Marotte.


- Marotte -

Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son
maître vous veut venir voir.

- Madelon -

Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement. Dites : Voilà un
nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d'être visibles.

- Marotte -

Dame ! je n'entends point le latin : et je n'ai pas appris comme vous,
la filophie dans le grand Cyre.

- Madelon -

L'impertinente ! Le moyen de souffrir cela ! Et qui est-il le maître
de ce laquais ?

- Marotte -

Il me l'a nommé le marquis de Mascarille.

- Madelon -

Ah ! ma chère, un marquis ! un marquis ! Oui, allez dire qu'on nous
peut voir. C'est sans doute un bel esprit qui aura ouï parler de nous.

- Cathos -

Assurément, ma chère.

- Madelon -

Il faut le recevoir dans cette salle basse, plutôt qu'en notre
chambre. Ajustons un peu nos cheveux au moins, et soutenons notre
réputation. Vite, venez nous tendre ici dedans le conseiller des
grâces.

- Marotte -

Par ma foi ! je ne sais point quelle bête c'est là ; il faut parler
chrétien (8), si vous voulez que je vous entende.

- Cathos -

Apportez-nous le miroir, ignorante que vous êtes, et gardez-vous bien
d'en salir la glace par la communication de votre image.

          (Elles sortent.)



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SCÈNE VIII. - Mascarille, deux porteurs.


- Mascarille -

Holà ! porteurs, holà ! Là, là, là, là, là, là. Je pense que ces
marauds-là ont dessein de me briser, à force de heurter contre les
murailles et les pavés.

- Premier porteur -

Dame ! c'est que la porte est étroite. Vous avez voulu aussi que nous
soyons entrés jusqu'ici.

- Mascarille -

Je le crois bien. Voudriez-vous, faquins, que j'exposasse l'embonpoint
de mes plumes aux inclémences de la saison pluvieuse, et que j'allasse
imprimer mes souliers en boue ? Allez, ôtez votre chaise d'ici.

- Deuxième porteur -

Payez-nous donc, s'il vous plaît, Monsieur.

- Mascarille -

Hein !

- Deuxième porteur -

Je dis, Monsieur, que vous nous donniez de l'argent, s'il vous plaît.

- Mascarille -

          (lui donnant un soufflet.)

Comment, coquin ! demander de l'argent à une personne de ma qualité !

- Deuxième porteur -

Est-ce ainsi qu'on paye les pauvres gens ? et votre qualité nous
donne-t-elle à dîner ?

- Mascarille -

Ah ! ah ! je vous apprendrai à vous connaître ! Ces canailles-là
s'osent jouer à moi.

- Premier porteur -

          (Prenant un des bâtons de sa chaise.)

Cà, payez-nous vitement.

- Mascarille -

Quoi ?

- Premier porteur -

Je dis que je veux avoir de l'argent tout à l'heure.

- Mascarille -

Il est raisonnable, celui-là.

- Premier porteur -

Vite donc !

- Mascarille -

Oui-da ! Tu parles comme il faut, toi ; mais l'autre est un coquin qui
ne sait ce qu'il dit. Tiens, es-tu content ?

- Premier porteur -

Non, je ne suis pas content : vous avez donné un
soufflet à mon camarade, et...

          (Levant son bâton.)

- Mascarille -

Doucement ! Tiens, voilà pour le soufflet. On obtient tout de moi
quand on s'y prend de la bonne façon. Allez, venez me reprendre tantôt
pour aller au Louvre, au petit coucher.



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SCÈNE IX. - Marotte, Mascarille.


- Marotte -

Monsieur, voilà mes maîtresses qui vont venir tout à l'heure.

- Mascarille -

Qu'elles ne se pressent point : je suis ici posté commodément pour
attendre.

- Marotte -

Les voici.



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SCÈNE X. - Madelon, Cathos, Mascarille, Almanzor.


- Mascarille -

          (après avoir salué.)

Mesdames, vous serez surprises sans doute de l'audace de ma visite ;
mais votre réputation vous attire cette méchante affaire, et le mérite
a pour moi des charmes si puissants, que je cours partout après lui.

- Madelon -

Si vous poursuivez le mérite, ce n'est pas sur nos terres que vous
devez chasser.

- Cathos -

Pour voir chez nous le mérite, il a fallu que vous l'y ayez amené.

- Mascarille -

Ah ! je m'inscris en faux contre vos paroles. La renommée accuse juste
en contant ce que vous valez ; et vous allez faire pic, repic et capot
tout ce qu'il y a de galant dans Paris.

- Madelon -

Votre complaisance pousse un peu trop avant la libéralité de ses
louanges ; et nous n'avons garde, ma cousine et moi, de donner de
notre sérieux dans le doux de votre flatterie.

- Cathos -

Ma chère, il faudrait faire donner des sièges.

- Madelon -

Holà ! Almanzor.

- Almanzor -

Madame ?

- Madelon -

Vite, voiturez-nous ici les commodités de la conversation.

- Mascarille -

Mais, au moins, y a-t-il sûreté ici pour moi ?

          (Almanzor sort.)

- Cathos -

Que craignez-vous ?

- Mascarille -

Quelque vol de mon coeur, quelque assassinat de ma franchise. Je vois
ici des yeux qui ont la mine d'être de fort mauvais garçons, de faire
insulte aux libertés, et de traiter une âme de Turc à More (9).
Comment, diable ! d'abord qu'on les approche, ils se mettent sur leur
garde meurtrière. Ah ! par ma foi, je m'en défie ! et je m'en vais
gagner au pied, ou je veux caution bourgeoise (10) qu'ils ne me feront
point de mal.

- Madelon -

Ma chère, c'est le caractère enjoué.

- Cathos -

Je vois bien que c'est un Amilcar (11).

- Madelon -

Ne craignez rien : nos yeux n'ont point de mauvais desseins, et votre
coeur peut dormir en assurance sur leur prud'homie.

- Cathos -

Mais de grâce, Monsieur, ne soyez pas inexorable à ce fauteuil qui
vous tend les bras il y a un quart d'heure ; contentez un peu l'envie
qu'il a de vous embrasser.

- Mascarille -

          (après s'être peigné et avoir ajusté ses canons.)

Eh bien, Mesdames, que dites-vous de Paris ?

- Madelon -

Hélas ! qu'en pourrions-nous dire ? Il faudrait être l'antipode de la
raison, pour ne pas confesser que Paris est le grand bureau des
merveilles, le centre du bon goût, du bel esprit, et de la galanterie.

- Mascarille -

Pour moi, je tiens que hors de Paris il n'y a point de salut pour les
honnêtes gens.

- Cathos -

C'est une vérité incontestable.

- Mascarille -

Il y fait un peu crotté ; mais nous avons la chaise.

- Madelon -

Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les
insultes de la boue et du mauvais temps.

- Mascarille -

Vous recevez beaucoup de visites ? Quel bel esprit est des vôtres ?

- Madelon -

Hélas ! nous ne sommes pas encore connues ; mais nous sommes en passe
de l'être ; et nous avons une amie particulière qui nous a promis
d'amener ici tous ces messieurs du Recueil des pièces choisies.

- Cathos -

Et certains autres qu'on nous a nommés aussi pour être les arbitres
souverains des belles choses.

- Mascarille -

C'est moi qui ferai votre affaire mieux que personne ; ils me rendent
tous visite ; et je puis dire que je ne me lève jamais sans une
demi-douzaine de beaux esprits.

- Madelon -

Eh ! mon Dieu ! nous vous serons obligées de la dernière obligation,
si vous nous faites cette amitié ; car enfin il faut avoir la
connaissance de tous ces messieurs-là, si l'on veut être du beau
monde. Ce sont ceux qui donnent le branle à la réputation dans Paris ;
et vous savez qu'il y en a tel dont il ne faut que la seule
fréquentation pour vous donner bruit de connaisseuse, quand il n'y
aurait rien autre chose que cela. Mais, pour moi, ce que je considère
particulièrement, c'est que, par le moyen de ces visites spirituelles,
on est instruite de cent choses qu'il faut savoir de nécessité, et qui
sont de l'essence d'un bel esprit. On apprend par là chaque jour les
petites nouvelles galantes, les jolies commerces de prose et de vers.
On sait à point nommé : Un tel a composé la plus jolie pièce du monde
sur un tel sujet ; une telle a fait des paroles sur un tel air ;
celui-ci a fait un madrigal sur une jouissance ; celui-là a composé
des stances sur une infidélité ; monsieur un tel écrivit hier au soir
un sixain à Mademoiselle une telle, dont elle lui a envoyé la réponse
ce matin sur les huit heures ; un tel auteur a fait un tel dessein ;
celui-là en est à la troisième partie de son roman ; cet autre met ses
ouvrages sous la presse. C'est là ce qui vous fait valoir dans les
compagnies, et si l'on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou
de tout l'esprit qu'on peut avoir.

- Cathos -

En effet, je trouve que c'est renchérir sur le ridicule, qu'une
personne se pique d'esprit, et ne sache pas jusqu'au moindre petit
quatrain qui se fait chaque jour ; et pour moi, j'aurais toutes les
hontes du monde, s'il fallait qu'on vînt à me demander si j'aurais vu
quelque chose de nouveau que je n'aurais pas vu.

- Mascarille -

Il est vrai qu'il est honteux de n'avoir pas des premiers tout ce qui
se fait ; mais ne vous mettez pas en peine : je veux établir chez vous
une académie de beaux esprits, et je vous promets qu'il ne se fera pas
un bout de vers dans Paris, que vous ne sachiez par coeur avant tous
les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m'en escrime un peu
quand je veux ; et vous verrez courir de ma façon dans les belles
ruelles (12) de Paris, deux cents chansons, autant de sonnets, quatre
cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les énigmes
et les portraits.

- Madelon -

Je vous avoue que je suis furieusement pour les portraits : je ne vois
rien de si galant que cela.

- Mascarille -

Les portraits sont difficiles, et demandent un esprit profond : vous
en verrez de ma manière qui ne vous déplairont pas.

- Cathos -

Pour moi, j'aime terriblement les énigmes.

- Mascarille -

Cela exerce l'esprit, et j'en ai fait quatre encore ce matin, que je
vous donnerai à deviner.

- Madelon -

Les madrigaux sont agréables, quand ils sont bien tournés.

- Mascarille -

C'est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux
toute l'histoire romaine.

- Madelon -

Ah ! certes, cela sera du dernier beau : j'en retiens un exemplaire au
moins, si vous le faites imprimer.

- Mascarille -

Je vous en promets à chacune un, et des mieux reliés.  Cela est
au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à
gagner aux libraires, qui me persécutent.

- Madelon -

Je m'imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé.

- Mascarille -

Sans doute. Mais, à propos, il faut que je vous die un impromptu que je
fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je
suis diablement fort sur les impromptus.

- Cathos -

L'impromptu est justement la pierre de touche de l'esprit.

- Mascarille -

Ecoutez donc.

- Madelon -

Nous y sommes de toutes nos oreilles.

- Mascarille -

	Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde :
	tandis que, sans songer à mal, je vous regarde,
	votre oeil en tapinois me dérobe mon coeur ;
	Au voleur ! au voleur ! au voleur ! au voleur !

- Cathos -

Ah ! mon Dieu, voilà qui est poussé dans le dernier galant.

- Mascarille -

Tout ce que je fais a l'air cavalier ; cela ne sent point le pédant.

- Madelon -

Il en est éloigné de plus de deux mille lieues.

- Mascarille -

Avez-vous remarqué ce commencement : "Oh ! oh !" voilà qui est
extraordinaire : "oh ! oh !" Comme un homme qui s'avise tout d'un coup,
"oh ! oh !" La surprise, "oh ! oh !"

- Madelon -

Oui, je trouve ce "oh ! oh !" admirable.

- Mascarille -

Il semble que cela ne soit rien.

- Cathos -

Ah ! mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont là de ces sortes de choses qui
ne se peuvent payer.

- Madelon -

Sans doute ; et j'aimerais mieux avoir fait ce "oh ! oh !" qu'un poème
épique.

- Mascarille -

Tudieu ! vous avez le goût bon.

- Madelon -

Hé ! je ne l'ai pas tout à fait mauvais.

- Mascarille -

Mais n'admirez-vous pas aussi "je n'y prenais pas garde " ?  "Je n'y
prenais pas garde", je ne m'apercevais pas de cela : façon de parler
naturelle : "je n'y prenais pas garde". "Tandis que, sans songer à
mal", tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton ; "je
vous regarde", c'est-à-dire, je m'amuse à vous considérer, je vous
observe, je vous contemple ; "votre oeil en tapinois..." Que vous
semble de ce mot "tapinois" ? n'est-il pas bien choisi ?

- Cathos -

Tout à fait bien.

- Mascarille -

"Tapinois", en cachette ; il semble que ce soit un chat qui vienne de
prendre une souris : "tapinois".

- Madelon -

Il ne se peut rien de mieux.

- Mascarille -

"Me dérobe mon coeur", me l'emporte, me le ravit. "Au voleur ! au
voleur ! au voleur ! au voleur !" Ne diriez-vous pas que c'est un homme
qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter ? "Au voleur !
au voleur ! au voleur ! au voleur !"

- Madelon -

Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant.

- Mascarille -

Je veux vous dire l'air que j'ai fait dessus.

- Cathos -

Vous avez appris la musique ?

- Mascarille -

Moi ? Point du tout.

- Cathos -

Et comment donc cela se peut-il ?

- Mascarille -

Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris.

- Madelon -

Assurément, ma chère.

- Mascarille -

Ecoutez si vous trouverez l'air à votre goût. "Hem, hem, la, la, la,
la, la". La brutalité de la saison a furieusement outragé la
délicatesse de ma voix ; mais il n'importe, c'est à la cavalière.

          (Il chante.)

	Oh ! oh ! je n'y prenais pas garde, etc.

- Cathos -

Ah ! que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu'on n'en meurt
point ?

- Madelon -

Il y a de la chromatique là dedans.

- Mascarille -

Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? "Au voleur !
au voleur !" Et puis, comme si l'on criait bien fort : "au, au, au,
au, au, voleur !" Et tout d'un coup, comme une personne essoufflée :
"au voleur !"

- Madelon -

C'est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout
est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmée de l'air et
des paroles.

- Cathos -

Je n'ai encore rien vu de cette force-là.

- Mascarille -

Tout ce que je fais me vient naturellement, c'est sans étude.

- Madelon -

La nature vous a traité en vraie mère passionnée, et vous en êtes
l'enfant gâté.

- Mascarille -

A quoi donc passez-vous le temps, Mesdames ?

- Cathos -

A rien du tout.

- Madelon -

Nous avons été jusqu'ici dans un jeûne effroyable de divertissements.

- Mascarille -

Je m'offre à vous mener l'un de ces jours à la comédie, si vous voulez ;
aussi bien, on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que
nous voyions ensemble.

- Madelon -

Cela n'est pas de refus.

- Mascarille -

Mais je vous demande d'applaudir comme il faut, quand nous serons là ;
car je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur m'en est
venu prier encore ce matin. C'est la coutume ici qu'à nous autres gens
de condition les auteurs viennent lire leurs pièces nouvelles, pour
nous engager à les trouver belles, et leur donner de la réputation ;
et je vous laisse à penser si, quand nous disons quelque chose, le
parterre ose nous contredire ! Pour moi, j'y suis fort exact ; et quand
j'ai promis à quelque poète, je crie toujours : Voilà qui est beau !
devant que les chandelles soient allumées.

- Madelon -

Ne m'en parlez point : c'est un admirable lieu que Paris ; il s'y
passe cent choses tous les jours, qu'on ignore dans les provinces,
quelque spirituelle qu'on puisse être.

- Cathos -

C'est assez : puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir
de nous écrier comme il faut sur tout ce qu'on dira.

- Mascarille -

Je ne sais si je me trompe, mais vous avez toute la mine d'avoir fait
quelque comédie.

- Madelon -

Hé ! il pourrait être quelque chose de ce que vous dites.

- Mascarille -

Ah ! ma foi ! il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai
composé une que je veux faire représenter.

- Cathos -

Et à quels comédiens la donnerez-vous ?

- Mascarille -

Belle demande ! Aux grands comédiens ; il n'y a qu'eux qui soient
capables de faire valoir les choses ; les autres sont des ignorants
qui récitent comme l'on parle ; il ne savent pas faire ronfler les
vers, et s'arrêter au bel endroit : eh ! le moyen de connaître où est
le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par là
qu'il faut faire le brouhaha ?

- Cathos -

En effet, il y a manière de faire sentir aux auditeurs les beautés
d'un ouvrage ; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir.

- Mascarille -

Que vous semble de ma petite oie (13) ? La trouvez-vous congruente à
l'habit ?

- Cathos -

Tout à fait.

- Mascarille -

Le ruban en est-il bien choisi ?

- Madelon -

Furieusement bien. C'est Perdrigeon tout pur (14).

- Mascarille -

Que dites-vous de mes canons (15) ?

- Madelon -

Ils ont tout à fait bon air.

- Mascarille -

Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier de plus que
ceux qu'on fait.

- Madelon -

Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de
l'ajustement.

- Mascarille -

Attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat.

- Madelon -

Ils sentent terriblement bon.

- Cathos -

Je n'ai jamais respiré une odeur mieux conditionnée.

- Mascarille -

Et celle-là ?

          (Il donne à sentir les cheveux poudrés de sa perruque.)

- Madelon -

Elle est tout à fait de qualité ; le sublime en est touché
délicieusement.

- Mascarille -

Vous ne me dites rien de mes plumes ! Comment les trouvez-vous ?

- Cathos -

Effroyablement belles.

- Mascarille -

Savez-vous que le brin me coûte un louis d'or ? Pour moi, j'ai cette
manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus
beau.

- Madelon -

Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une délicatesse
furieuse pour tout ce que je porte ; et, jusqu'à mes chaussettes, je ne
puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse.

- Mascarille -

          (s'écriant brusquement.)

Ahi ! ahi ! ahi ! doucement. Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal
en user ; j'ai à me plaindre de votre procédé ; cela n'est pas honnête.

- Cathos -

Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous ?

- Mascarille -

Quoi ! toutes deux contre mon coeur en même temps ! M'attaquer à droite
et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas
égale, et je m'en vais crier au meurtre.

- Cathos -

Il faut avouer qu'il dit les choses d'une manière particulière.

- Madelon -

Il a un tour admirable dans l'esprit.

- Cathos -

Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on
l'écorche.

- Mascarille -

Comment, diable ! il est écorché depuis la tête jusqu'aux pieds.



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SCÈNE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte.


- Marotte -

Madame, on demande à vous voir.

- Madelon -

Qui ?

- Marotte -

Le vicomte de Jodelet.

- Mascarille -

Le vicomte de Jodelet ?

- Marotte -

Oui, Monsieur.

- Cathos -

Le connaissez-vous ?

- Mascarille -

C'est mon meilleur ami.

- Madelon -

Faites entrer vitement.

- Mascarille -

Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de
cette aventure.

- Cathos -

Le voici.



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SCÈNE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte, Almanzor.


- Mascarille -

Ah ! vicomte !

- Jodelet -

          (Ils s'embrassent l'un l'autre.)

Ah ! marquis !

- Mascarille -

Que je suis aise de te rencontrer !

- Jodelet -

Que j'ai de joie de te voir ici !

- Mascarille -

Baise-moi donc encore un peu, je te prie.

- Madelon -

          (à Cathos.)

Ma toute bonne, nous commençons d'être connues ; voilà le beau monde
qui prend le chemin de nous venir voir.

- Mascarille -

Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci : sur ma
parole, il est digne d'être connu de vous.

- Jodelet -

Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits
exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes.

- Madelon -

C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la
flatterie.

- Cathos -

Cette journée doit être marquée dans notre almanach comme une journée
bien heureuse.

- Madelon -

          (à Almanzor.)

Allons, petit garçon, faut-il toujours vous répéter les choses ?
Voyez-vous pas qu'il faut le surcroît d'un fauteuil ?

- Mascarille -

Ne vous étonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que
sortir d'une maladie qui lui a rendu le visage pâle comme vous le
voyez.

- Jodelet -

Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre.

- Mascarille -

Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des
vaillants hommes du siècle ? C'est un brave à trois poils (16).

- Jodelet -

Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez
faire aussi.

- Mascarille -

Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion.

- Jodelet -

Et dans des lieux où il faisait fort chaud.

- Mascarille -

          (regardant Cathos et Madelon.)

Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai, hai, hai.

- Jodelet -

Notre connaissance s'est faite à l'armée ; et la première fois que
nous nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les
galères de Malte.

- Mascarille -

Il est vrai ; mais vous étiez pourtant dans l'emploi avant que j'y
fusse ; et je me souviens que je n'étais que petit officier encore,
que vous commandiez deux mille chevaux.

- Jodelet -

La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour récompense bien
mal aujourd'hui les gens de service comme nous.

- Mascarille -

C'est ce qui fait que je veux pendre l'épée au croc.

- Cathos -

Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée.

- Madelon -

Je les aime aussi ; mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure.

- Mascarille -

Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur
les ennemis au siége d'Arras ?

- Jodelet -

Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'était bien une lune toute
entière.

- Mascarille -

Je pense que tu as raison.

- Jodelet -

Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! j'y fus blessé à la jambe d'un
coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de
grâce ; vous sentirez quelque coup c'était là.

- Cathos -

          (après avoir touché l'endroit.)

Il est vrai que la cicatrice est grande.

- Mascarille -

Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci ; là, justement au
derrière de la tête. Y êtes-vous ?

- Madelon -

Oui, je sens quelque chose.

- Mascarille -

C'est un coup de mousquet que je reçus, la dernière campagne que j'ai
faite.

- Jodelet -

          (découvrant sa poitrine.)

Voici un autre coup qui me perça de part en part à l'attaque de
Gravelines (17).

- Mascarille -

          (Mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.)

Je vais vous montrer une furieuse plaie.

- Madelon -

Il n'est pas nécessaire : nous le croyons sans y regarder.

- Mascarille -

Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu'on est.

- Cathos -

Nous ne doutons point de ce que vous êtes.

- Mascarille -

Vicomte, as-tu là ton carrosse ?

- Jodelet -

Pourquoi ?

- Mascarille -

Nous mènerions promener ces dames hors des portes, et leur donnerions
un cadeau (18).

- Madelon -

Nous ne saurions sortir aujourd'hui.

- Mascarille -

Ayons donc les violons pour danser.

- Jodelet -

Ma foi, c'est bien avisé.

- Madelon -

Pour cela, nous y consentons : mais il faut donc quelque surcroît de
compagnie.

- Mascarille -

Holà ! Champagne, Picard, Bourguignon, Cascaret, Basque, la Verdure,
Lorrain, Provençal, la Violette ! Au diable soient tous les laquais !
Je ne pense pas qu'il y ait gentilhomme en France plus mal servi que
moi. Ces canailles me laissent toujours seul.

- Madelon -

Almanzor, dites aux gens de monsieur le marquis qu'ils aillent quérir
des violons, et nous faites venir ces messieurs et ces dames d'ici
près, peupler la solitude de notre bal.

          (Almanzor sort.)

- Mascarille -

Vicomte, que dis-tu de ces yeux ?

- Jodelet -

Mais toi-même, marquis, que t'en semble ?

- Mascarille -

Moi, je dis que nos libertés auront peine à sortir d'ici les braies (19)
nettes. Au moins, pour moi, je reçois d'étranges secousses, et mon
coeur ne tient plus qu'à un filet.

- Madelon -

Que tout ce qu'il dit est naturel ! Il tourne les choses le plus
agréablement du monde.

- Cathos -

Il est vrai qu'il fait une furieuse dépense en esprit.

- Mascarille -

Pour vous montrer que je suis véritable, je veux faire un impromptu
là-dessus.

          (Il médite.)

- Cathos -

Hé ! je vous en conjure de toute la dévotion de mon coeur, que nous
oyons quelque chose qu'on ait fait pour nous.

- Jodelet -

J'aurais envie d'en faire autant ; mais je me trouve un peu incommodé
de la veine poétique, pour la quantité des saignées que j'y ai faites
ces jours passés.

- Mascarille -

Que diable est-ce là ? Je fais toujours bien le premier vers, mais
j'ai peine à faire les autres. Ma foi, ceci est un peu trop pressé :
je vous ferai un impromptu à loisir, que vous trouverez le plus beau
du monde.

- Jodelet -

Il a de l'esprit comme un démon.

- Madelon -

Et du galant, et du bien tourné.

- Mascarille -

Vicomte, dis-moi un peu, y a-t-il longtemps que tu n'as vu la comtesse ?

- Jodelet -

Il y a plus de trois semaines que je ne lui ai rendu visite.

- Mascarille -

Sais-tu bien que le duc m'est venu voir ce matin, et m'a voulu mener à
la campagne courir un cerf avec lui ?

- Madelon -

Voici nos amies qui viennent.



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SCÈNE XIII. - Lucile, Célimène, Cathos, Madelon, Mascarille,
              Jodelet, Marotte, Almanzor, violons.


- Madelon -

Mon Dieu, mes chères (20), nous vous demandons pardon. Ces messieurs
ont eu fantaisie de nous donner les âmes des pieds, et nous vous
avons envoyé quérir pour remplir les vides de notre assemblée.

- Lucile -

Vous nous avez obligées, sans doute.

- Mascarille -

Ce n'est ici qu'un bal à la hâte ; mais l'un de ces jours, nous vous en
donnerons un dans les formes. Les violons sont-ils venus ?

- Almanzor -

Oui, Monsieur ; ils sont ici.

- Cathos -

Allons donc, mes chères, prenez place.

- Mascarille -

          (dansant lui seul comme par prélude.)

La, la, la, la, la, la, la, la.

- Madelon -

Il a tout à fait la taille élégante.

- Cathos -

Et a la mine de danser proprement (21).

- Mascarille -

          (ayant pris Madelon.)

Ma franchise va danser la courante aussi bien que mes pieds. En
cadence, violons, en cadence ! Oh ! quels ignorants ! Il n'y a pas
moyen de danser avec eux. Le diable vous emporte ! ne sauriez-vous
jouer en mesure ? La, la, la, la, la, la, la, la. Ferme ! O violons de
village !

- Jodelet -

          (dansant ensuite.)

Holà ! ne pressez pas si fort la cadence : je ne fais que sortir de
maladie.



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SCÈNE XIV. - Du Croisy, La Grange, Cathos, Madelon, Lucile, Célimène,
             Jodelet, Mascarille, Marotte, violons.


- La Grange -

          (un bâton à la main.)

Ah ! ah ! coquins, que faites-vous ici ? Il y a trois heures que nous
vous cherchons.

- Mascarille -

          (se sentant battre.)

Ahi ! ahi ! ahi ! vous ne m'aviez pas dit que les coups en seraient
aussi.

- Jodelet -

Ahi ! ahi ! ahi !

- La Grange -

C'est bien à vous, infâme que vous êtes, à vouloir faire l'homme
d'importance !

- Du Croisy -

Voilà qui vous apprendra à vous connaître.



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SCÈNE XV. - Cathos, Madelon, Lucile, Célimène, Jodelet, Mascarille,
            Marotte, violons.


- Madelon -

Que veut donc dire ceci ?

- Jodelet -

C'est une gageure.

- Cathos -

Quoi ! vous laisser battre de la sorte !

- Mascarille -

Mon Dieu ! je n'ai pas voulu faire semblant de rien ; car je suis
violent, et je me serais emporté.

- Madelon -

Endurer un affront comme celui-là en notre présence !

- Mascarille -

Ce n'est rien : ne laissons pas d'achever. Nous nous connaissons il y
a longtemps ; et, entre amis, on ne va pas se piquer pour si peu de
chose.



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SCÈNE XVI. - Du Croisy, La Grange, Madelon, Cathos, Célimène, Lucile,
             Mascarille, Jodelet, Marotte, violons.


- La Grange -

Ma foi, marauds, vous ne vous rirez pas de nous, je vous promets.
Entrez, vous autres.

          (Trois ou quatre spadassins entrent.)

- Madelon -

Quelle est donc cette audace, de venir nous troubler de la sorte dans
notre maison !

- Du Croisy -

Comment, Mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux reçus
que nous ; qu'ils viennent vous faire l'amour à nos dépens, et vous
donnent le bal !

- Madelon -

Vos laquais !

- La Grange -

Oui, nos laquais : et cela n'est ni beau ni honnête de nous les
débaucher comme vous faites.

- Madelon -

O ciel ! quelle insolence !

- La Grange -

Mais ils n'auront pas l'avantage de se servir de nos habits pour vous
donner dans la vue ; et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi,
pour leurs beaux yeux. Vite, qu'on les dépouille sur-le-champ.

- Jodelet -

Adieu notre braverie.

- Mascarille -

Voilà le marquisat et la vicomté à bas.

- Du Croisy -

Ah ! ah ! coquins, vous avez l'audace d'aller sur nos brisées ! Vous
irez chercher autre part de quoi vous rendre agréables aux yeux de vos
belles, je vous en assure.

- La Grange -

C'est trop que de nous supplanter, et de nous supplanter avec nos
propres habits.

- Mascarille -

O fortune ! quelle est ton inconstance !

- Du Croisy -

Vite, qu'on leur ôte jusqu'à la moindre chose.

- La Grange -

Qu'on emporte toutes ces hardes, dépêchez. Maintenant, Mesdames, en
l'état qu'ils sont, vous pouvez continuer vos amours avec eux tant
qu'il vous plaira ; nous vous laissons toute sorte de liberté pour
cela, et nous vous protestons, Monsieur et moi, que nous n'en serons
aucunement jaloux.



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SCÈNE XVII. - Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons.


- Cathos -

Ah ! quelle confusion !

- Madelon -

Je crève de dépit.

- Un des Violons -

          (à Mascarille.)

Qu'est-ce donc que ceci ? Qui nous payera nous autres ?

- Mascarille -

Demandez à monsieur le vicomte.

- Un des Violons -

          (à Jodelet.)

Qui est-ce qui nous donnera de l'argent ?

- Jodelet -

Demandez à monsieur le marquis.



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SCÈNE XVIII. - Gorgibus, Madelon, Cathos, Jodelet, Mascarille, violons.


- Gorgibus -

Ah ! coquines que vous êtes, vous nous mettez dans de beaux draps
blancs, à ce que je vois ; et je viens d'apprendre de belles affaires,
vraiment, de ces messieurs qui sortent.

- Madelon -

Ah ! mon père, c'est une pièce sanglante qu'ils nous ont faite.

- Gorgibus -

Oui, c'est une pièce sanglante, mais qui est un effet de votre
impertinence, infâmes ! Ils se sont ressentis du traitement que vous
leur avez fait, et cependant, malheureux que je suis, il faut que je
boive l'affront.

- Madelon -

Ah ! je jure que nous en serons vengés, ou que je mourrai en la
peine. Et vous, marauds, osez-vous vous tenir ici après votre
insolence ?

- Mascarille -

Traiter comme cela un marquis ! Voilà ce que c'est que du monde : la
moindre disgrâce nous fait mépriser de ceux qui nous chérissaient.
Allons, camarade, allons chercher fortune autre part ; je vois bien
qu'on n'aime ici que la vaine apparence, et qu'on n'y considère point
la vertu toute nue.



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SCÈNE XIX. - Gorgibus, Madelon, Cathos, violons.


- Un des Violons -

Monsieur, nous entendons que vous nous contentiez, à leur défaut, pour
ce que nous avons joué ici.

- Gorgibus -

          (les battant.)

Oui, oui, je vous vais contenter ; et voici la monnaie dont je vous
veux payer. Et vous, pendardes, je ne sais qui me tient que je ne vous
en fasse autant ; nous allons servir de fable et de risée à tout le
monde, et voilà ce que vous vous êtes attiré par vos extravagances.
Allez vous cacher, vilaines, allez vous cacher pour jamais.

          (Seul.)

Et vous, qui êtes cause de leur folie, sottes billevesées (22),
pernicieux amusements des esprits oisifs, romans, vers, chansons,
sonnets et sonnettes, puissiez-vous être à tous les diables !



FIN DES PRÉCIEUSES RIDICULES.

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Notes [from 1890 edition]


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(1) Le Duchat donne à ce mot la même signification qu'au mot "pécore".
Ne viendrait-il pas du mot italien "pecca", vice, défaut, ou du mot
latin "pecus", dont on a fait pécore ? (B.)

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(2) On voit par la préface de Molière qu'on distinguait deux ordres de
"précieuses", et que cette appellation ne fut pas toujours prise en
mauvaise part. Le "Grand Dictionnaire historique des Précieuses",
imprimé chez Ribou en 1661, osa nommer ce que la France avait de plus
grand, de plus poli, de plus aimable. Les Longueville, la Fayette,
Sévigné, Deshoulières, le grand Corneille, Ninon de Lenclos, sont à la
tête de cette list nombreuse, où figurent le roi, la reine et toute la
cour. (B.)

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(3) Palaprat, contemporain et ami de Molière, nous apprend que "Gorgibus"
était le nom d'un emploi de l'ancienne comédie, comme les Pasquins,
les Turlupins, les Jodelets, etc. En effet, on trouve souvent le nom
de Gorgibus dans les canevas italiens.

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(4) Cyrus et Mandane, Clélie et Aronce, sont les principaux personnages
d'"Artamène" et de "Clélie", romans alors très à la mode.

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(5) "Pousser le doux, le tendre et le passionné", expressions du temps,
dont les auteurs contemporains offrent plusieurs exemples.

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(6) La carte de "Tendre" est une fiction allégorique du roman de "Clélie".
On voit sur cette carte un fleuve d'"Inclination", une mer d'"Inimitié",
un lac d'"Indifférence", et une multitude d'autres inventions de ce genre.
Pour parvenir à la ville de "Tendre", il fallait assiéger le village de
"Billets-Galants", forcer le hameau de "Billets-Doux", et s'emparer ensuite
du château de "Petits-Soins". (Voy. "Clélie", tome I.)

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(7) Anciennement le "rabat" n'était autre chose que le col de la chemise
"rabattu" en dehors sur le vêtement, et c'est de là qu'il a pris son nom.

-----------

(8) "Parler chrétien", c'est parler en langage intelligible. Cette
expression est venue des Vénitiens, qui disent que, comme il n'y a de
vraie religion que celle des "chrétiens", il n'y a aussi que leur
langage qui doive être entendu. (Le Duchat.)

-----------

(9) Ce proverbe, "traiter de Turc à More", qui signifie "traiter avec
la dernière rigueur", est sans doute fondé sur ce que les Turcs et les
Mores, dans leurs anciennes guerres, ne se faisaient point de
quartier. (A.)

-----------

(10) "Caution bourgeoise", signifie "caution solvable", "caution valable".
Molière a employé une seconde fois cette expression dans la "Critique de
l'Ecole des Femmes" : "La caution n'est pas bourgeoise." (A.)

-----------

(11) Personnage du roman de "Clélie", à qui l'auteur a voulu donner un
caractère enjoué et plaisant. (B.) -- Dans le langage des précieuses,
on disait : "Etre un Amilcar", pour "être enjoué". (Voyez le "Grand
Dictionnaire des Précieuses, ou la Clef de la langue des ruelles",
Paris, 1669, page 21.)

-----------

(12) On donnait le nom de "ruelles" aux assemblées de ce temps-là.
L'alcôve servait de salon, et la société s'y réunissait autour du lit
de la précieuse, qui se couchait pour recevoir ses visites. La "ruelle"
était parée avec beaucoup d'élégance et de goût, et les hommes qui en
faisaient les honneurs prenaient le nom d'"alcôvistes". (P.)

-----------

(13) La "petite oie" se disait alors des rubans, des plumes et des
différentes garnitures qui ornaient l'habit, le chapeau, le noeud de
l'épée, les gants, les bas et les souliers. (B.)

-----------

(14) "C'est Perdrigeon tout pur." -- "Perdrigeon" était le marchand en
vogue qui fournissait les gens du bel air. Il ne faut pas confondre ce
mot avec le nom de la belle couleur violette qui est emprunté d'une
prune nommé "perdrigon".

-----------

(15) Les canons étaient un cercle d'étoffe large, et souvent orné de
dentelles, qu'on attachait au-dessus du genou, et qui couvrait la moitié
de la jambe. Les "importants" se rendaient ridicules par l'ampleur
démesurée de leurs canons. Voilà pourquoi ceux de Mascarille "ont un
grand quartier" de plus que ceux qu'on fait. (B.)

-----------

(16) Locution proverbiale qui rappelle l'ancien usage où étaient les
militaires de terminer chaque côté de la moustache par quelques poils
très effilés, et de tailler en pointe le bouquet de barbe qu'on
laissait croître au milieu du menton. Cette mode venait d'Espagne. On
la retrouve dans quelques portraits du règne de Louis XIII.

-----------

(17) L'"attaque de Gravelines" était un événement récent à l'époque
où fut jouée la pièce, c'est à dire en 1659. L'année précédente, le
maréchal de la Ferté avait pris cette ville sur les Espagnols.
Le "siège d'Arras", dont Mascarille parle plus haut, remontait à 1654.
Turenne avait fait lever ce siège au prince de Condé qui servait alors
dans l'armée espagnole. (A.)

-----------

(18) On disait alors "se promener hors des portes", parce que Paris,
encore entouré de remparts et de fossés, avait des portes auxquelles
aboutissaient les principales rues qui vont du centre à la
circonférence. C'est sur l'emplacement de ces remparts et de ces
fossés que Louis XIV fit ensuite planter la promenade que nous nommons
"boulevards". -- "Donner un cadeau", signifiait autrefois donner une
"fête", un "repas".

-----------

(19) Le mot "braie" a vieilli, et ne se trouve plus dans nos
dictionnaires que comme terme d'imprimerie et de marine. Du temps de
Molière, il signifiait le linge de corps. (B.)

-----------

(20) On disait alors une "chère" comme on aurait dit une "précieuse".
Ces deux mots avaient le même sens, et étaient également à la mode ;
mais "chère" exprimait surtout l'intimité. Ce mot est resté.

-----------

(21) "Danser proprement", pour "bien danser". Expression recherchée,
qui est restée dans notre langue, où même elle est devenue d'un usage
vulgaire. C'est ainsi que dans cette multitude de locutions bizarres
ou ridicules dont Molière s'est moqué avec tant de gaieté, il en est
un assez grand nombre que nous employons tous les jours sans nous
douter qu'elles sont un présent des "précieuses". Qui croirait, par
exemple, que nous leur devons les phrases suivantes : "Tenir bureau
d'esprit" ; "Avoir les cheveux d'un blond hardi" ; "Craindre de
s'encanailler" ; "Avoir l'humeur communicative" ; "Etre pénétré des
sentiments d'une personne" ; "Avoir la compréhension dure" ; "Revêtir
ses pensées d'expressions vigoureuses" ; "Avoir le front chargé d'un
sombre nuage" ; "N'avoir que le masque de la générosité" ; etc. ?
Toutes ces expressions, qui n'ont rien d'extraordinaire aujourd'hui,
sont citées par Saumaise comme faisant partie du nouveau dictionnaire
des "Précieuses" ; et l'on peut en conclure que cette affection de
langage, dont Molière a fait justice, n'a cependant pas été tout à
fait inutile à la langue.

-----------

(22) "Billevesées", ou plutôt "billevezées", ainsi que l'écrit
Rabelais. Balle remplie de vent, et, par allusion, discours vains,
trompeurs. Mot composé de "bille", balle, et de "vezer", souffler, ou
de "veze", musette. De là "billevezée", comme l'explique fort bien
Furetière, pour "balle soufflée", pleine de vent. C'est précisement le
"nugae canorae" des Latins.

-----------










End of the Project Gutenberg EBook of Les Précieuses Ridicules, by Molière

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