Le chanteur parisien

By Louis Ange Pitou

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Title: Le chanteur parisien
       Recueil des chansons de L.A. Pitou

Author: Louis-Ange Pitou

Release Date: January 29, 2010 [EBook #31117]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE CHANTEUR PARISIEN ***




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  Note de transcription:
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  corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été
  harmonisée.


  LE

  CHANTEUR PARISIEN.

  RECUEIL

  DES CHANSONS DE L. A. PITOU,

  AVEC

     Un Almanach-Tablette des grands Évènements depuis 1787 jusqu'à
     1808, chaque fait placé à son rang de date et de jour, ou
     Calendrier Éphéméride pour l'année 1808;

  PAR LOUIS-ANGE PITOU,
  dit _le Chanteur_, auteur du Voyage à Cayenne.

     Jadis j'ai vendu des chansons
     et d'excellentes aventures.


  PARIS,

  Chez L. A. PITOU, libraire, rue Croix-des-Petits-Champs,
  nº. 21, près celle du Bouloy.




  DE L'IMPRIMERIE DES FRÈRES MAME,
  rue du Pot-de-Fer, nº. 14.

  1808.




ON TROUVE A LA MÊME ADRESSE:


     Voyage à Cayenne, dans les deux Amériques et chez les
     Antropophages; ouvrage orné de gravures, contenant le tableau
     général des déportés, la vie et les causes de l'exil de
     l'auteur, des notions sur Collot-d'Herbois et
     Billaud-de-Varennes, sur les îles Séchelles, etc., 2 volumes
     in-8. de 400 pages chacun, seconde édition. Prix, 7 fr. 50
     cent. pour Paris.




PRÉFACE.

COMMENT JE M'ÉTAIS FAIT CHANTEUR.


Je me souviens toujours avec plaisir d'avoir chanté à Paris, depuis
1795 jusqu'en 1797, pour chasser la misère et gagner ma vie, et je
remercie le public d'avoir déposé en ma faveur le préjugé qu'il a
contre tous ceux qui exercent la même profession que moi. Jadis les
troubadours inspirèrent aux Français cette gaieté qui fera toujours
notre caractère distinctif: mais, depuis notre civilisation, tout le
monde a voulu chanter, et la paresse, la misère, l'ignorance et la
mauvaise conduite ont bientôt fait pulluler les chanteurs. C'était
autrefois un état considéré, et même lucratif; car les premiers
troubadours étaient instruits, gais et probes. Ils ne chantaient que
par délassement leurs maîtresses, leurs infortunes, et les exploits
des sires, des damoisels et des châtelains. Ils voyageaient pour
s'instruire; ils trouvaient un asile chez les grands dont ils
composaient l'histoire en vers gothiques.

Un grain de vanité est le partage de tous les hommes: le nain prend
des échasses, pour s'égaler au géant; ainsi je me crus historien en me
faisant chanteur.

Dans le premier volume de mon Voyage à Cayenne[1] j'ai parlé des
motifs qui me forcèrent à chanter en public; beaucoup de personnes me
croient mort, d'autres viennent me demander si réellement c'est bien
moi? Oui, oui, leur dis-je, j'ai traversé gaiement une fournaise
ardente; j'ai écrit mon voyage, j'ai chanté au milieu des tourments:
à ma voix, le Ténare a souri.... Aujourd'hui, je joins au récit de mes
traverses, et les chansons qui m'ont fait exiler, et les airs qui
m'ont préservé des influences malignes du climat dévastateur que j'ai
foulé pendant trente mois.

    [1] Voyage à Cayenne, 2 volumes in-8., avec figures; chez L. A.
    Pitou, libraire, rue Croix-des-Petits-Champs, nº. 21. Prix, 7 fr.
    50 cent.

Si mon retour fait croire aux revenants, c'est que je suis revenu d'un
autre monde avec la même gaieté que j'avais avant mon départ.

Comme l'originalité est mon lot, je me suis établi libraire dans la
rue Croix-des-Petits-Champs, numéro 21, près la place des Victoires.
Du seuil de ma porte, je vois l'ancien théâtre en plein air, où j'ai
chanté les _mandats_, les _patentes_, le _père Hilarion_, les
_incroyables_, les _collets noirs_, les _contradictions_, les
_lunettes_, la _béquilles_ et autres vaudevilles, accompagnés de
commentaires qui m'ont valu la déportation.

Toutes les fois que je passe dans la rue Saint-Denis, je m'arrête à
considérer la maison de l'Homme Armé, où je débutai en 1795, le
premier juillet, à cinq heures du matin. Une marchande de la halle,
qui s'aperçut que je m'enrouais à force de chanter contre l'agiotage,
me dit en style énergique, qu'un chanteur sans violon sonnait comme un
pot cassé. J'avais fait ma journée, et j'allai compter ma recette dans
un petit cabaret borgne, où je trouvai des gens attablés, qui me
donnèrent un gros morceau de pain!.... Dans ce moment de disette, ce
fut pour moi un gros morceau d'or: je donnai en retour quelques
cahiers de chansons.

A six heures et demie, je m'en retournai chez moi, persuadé qu'en me
retirant tous les jours à la même heure je ne serais reconnu de
personne, le jour ne venant ordinairement qu'à dix heures du matin
chez les gens du bon ton; mais la faim, qui chasse le loup du bois,
réveilloit alors tout le monde avant l'aurore, et je me trouvai caché
au milieu des halles, comme la perdrix qui met sa tête sous l'aile
pour se dérober au chasseur.

A dix heures j'allai à mon ordinaire rédiger la séance de la
Convention, pour les Annales patriotiques et littéraires. En revenant
je trouvai au coin de la place Dauphine un opérateur (le marchand de
vulnéraire suisse) entouré de toute sa musique, qui, suivant l'argot
du métier, _postigeait à faire quimper le trepe_, s'arrêtait, et
faisait jouer pour attirer les passants.

L'observation de la dame de la halle m'avait frappé. J'avais besoin de
musique. Je parlai à l'oreille d'un membre de l'orchestre du marchand
de vulnéraire. Convention faite à partage égal, nous nous donnons
rendez-vous, pour le lendemain à cinq heures du matin, dans un petit
cabaret de la rue du Puits, près des halles. Comme l'opérateur ne
sortait de chez lui qu'à sept heures du matin, son musicien trouvait
son compte à nous servir tous deux. Nous nous attablons; un verre de
cassie met de la colophane à l'archet et dérouille le gosier: nous
répétons notre cahier, et nous allons _posticher_. J'étais plus hardi;
le _trepe quimpe_, et à six heures et demie nous avons fait quatre
cents francs.

Nous allons compter notre recette, et déjeûner à un petit cabaret;
c'était la galerie de mon musicien et le rendez-vous des autres
chanteurs. Je payai mon entrée. Bientôt les accords discordants des
chanteurs et chanteuses font une cacophonie risible. Les savants
composent en un clin d'oeil de la prose, et des vers outre mesure. Les
censeurs et les admirateurs sont des commères du marché aux poirées,
qui viennent avec leurs amoureux affublés d'un large chapeau blanc et
la pipe en gueule, juger l'impromptu fait à coup de verres. Comme je
figure dans cette tabagie, au milieu d'un nuage de fumée, les coudes
appuyés sur une table couverte d'une serpillière humide, grise, rouge,
brune et violette!

L'homme qui se trouve là dans sa sphère, gagnant de l'argent sans
beaucoup de peine, le dépense de même, et ne compte jamais pour
l'avenir.

Ici, commence la démarcation entre l'être oisif et taré, et l'honnête
indigent qui s'accroche à une branche, se secoue sur le rivage au
milieu des nageurs, et sait faire de nécessité vertu.

Une jolie femme disait un jour à une dévote qui répondait de sa vertu,
que l'amour était par-tout le même et qu'il n'y a que manière de le
faire. Que d'actions sont susceptibles du même proverbe! Quand je
commençai à paraître en public, j'avais contre moi-même le préjugé que
je reconnaissais aux autres; et ce préjugé était une mauvaise honte
qui me faisait rougir de ma profession. En m'interrogeant par ma
détresse, je me répondais que cet acte de courage était louable, puis
tout à coup je me rendais aux clameurs du préjugé: cette dispute de
moi-même contre moi-même ne dura pas long-temps: l'accueil et la
bienveillance du public m'auraient presque fait tomber dans un autre
excès. Je prie le lecteur de faire attention à cet instant. Il est
décisif, et tous les hommes se trouvent plus ou moins souvent dans la
même passe. De la coupe de cette jointure des circonstances dépend
toujours la prétendue fatalité de malheur ou de bonheur attachée à nos
pas ou plutôt à nos déterminations: ce moment est aussi prompt qu'un
éclair.

En chantant sur les places, je me trouvai associé à la plupart des
gens sans état et sans considération; le public, qui devina les motifs
qui m'avaient réduit là, vint me voir avec autant de curiosité que
d'intérêt et de plaisir. L'argent ne me manqua plus: je faisais
jusqu'à cinquante francs de recette par jour. En 1796, moment où le
numéraire ne commençait qu'à reparaître, je nageais dans l'abondance
au milieu de la disette. Cette abondance me donna le goût du plaisir
et de la dissipation. On ne se doute pas des rencontres que trouve un
acteur et un chanteur; sa physionomie, que tout le monde regarde sans
contrainte, s'imprime plus ou moins dans la mémoire et dans le coeur
de ceux qui l'entourent. De là ces prévenances, ces visites, ces
avances qu'on lui fait sans conséquence et sans crainte. S'il
assaisonne ses vaudevilles de quelques lazzis ou quolibets, la petite
fille qui ne désire qu'un amant entreprenant les prend pour elle, et
le chanteur remplace l'amant timide qui se gêne en sa présence.

Deux hommes aimables se présentent dans un cercle; l'un est libre,
l'autre a fait un choix; le premier sera assidu et galant auprès de
toutes les femmes, le second sera poli; le premier aura dix maîtresses
sans y songer, sans excepter même celle de son ami. La vanité de
plaire est souvent plus puissante que l'amour, elle se prend pour lui:
plus un homme est exposé aux regards, s'il est goûté du public ou de
la société, plus on s'oublie pour lui faire des avances. On ne rougit
même pas d'acheter ses faveurs.

Les marchands de la place Saint-Germain-l'Auxerrois, où j'avais établi
mon théâtre ambulant, m'ont vu plus d'une fois refuser différents
cadeaux; les commissionnaires insister, au point qu'un jour je remis
sur la borne trois paires de bas de soie qu'on venait de me présenter
en plein jour. Et je ne me rappelle jamais sans rire la ruse d'une
jeune femme qui, se trouvant un jour à mon cercle avec son vieux mari,
vint le lendemain chez moi me gronder de l'avoir regardée en public,
et pour appuyer sa plainte, me montrer une contusion qu'il lui avait
faite au cou, en la menaçant du divorce si jamais elle revenait
m'entendre: je la voyais pour la première fois. Un jour, au sortir de
plaider ma cause pour mes chansons, je fus accosté par une autre qui
me pria de lui montrer la musique.--Madame, je ne la sais
pas.--N'importe, dit-elle, mon mari est vieux et aveugle, nous lui
ferons compagnie, et vous serez musicien.--Mais, madame, on le
préviendra.--Je me charge de tout.--Je vous tromperais, madame, j'ai
une amie.--Et moi un mari. Ainsi l'amour ou le caprice sautent à pieds
joints sur toutes les bienséances; et les femmes sont plus entêtées
que nous dans leurs résolutions, et plus habiles à en venir à leurs
fins. Ce vertige passé il ne reste pas une étincelle d'amour, et
l'homme est souvent dupe de l'illusion.

Je ne connais pas de moyens plus dangereux que ces chances de bonne
fortune pour plonger l'homme dans l'oubli de son être, de son état, de
son coeur et de ses facultés morales et physiques. Les anciens nous
ont dépeint cette vérité dans la fable de Circé: tous les chanteurs,
comme les compagnons d'Ulysse, sont entourés de femmes plus ou moins
dignes de respect, qui les plongent dans l'ivrognerie, l'oisiveté et
la stupeur: les libéralités de ces femmes font perdre à leurs amants
cette délicatesse qui distingue l'honnête homme en amour du traitant
déhonté: souvent elles volent ce qu'elles donnent au favori receleur,
et le tout se termine quelquefois par une association qui finit d'une
manière aussi honteuse que déplorable.

Sous ce point de vue, mon préjugé contre moi-même était raisonnable de
ma part comme de celle du public; mais ma conduite me permet d'avouer
que j'ai été chanteur sans que personne ait à rougir de me donner
cette qualification. Si j'ai vaincu le préjugé et la mauvaise honte,
je ne l'ai pas déraciné dans tous les esprits; car l'épithète de
chanteur m'a fait juger incapable d'occuper certaines places, et j'ai
admiré plus d'une fois l'inconséquence de certaines gens qui, me
trouvant propre à tout autre emploi, m'éliminaient directement
parce que je professais celui-là: c'était me dire de n'en prendre aucun
ou d'en choisir un moins honnête, et de le faire adroitement. Le monde
est plein de ces donneurs de conseils qui vous trouvent du mérite pour
tous les emplois dont ils ne disposent pas, et l'eau bénite de cour se
répand par-tout.

Du reste, mes malheurs et l'estime publique sont ma meilleure réponse
contre le préjugé attaché à la profession de chanteur. C'est dans cet
état, comme dans les prisons, que j'ai appris ce qu'il en coûte pour
être honnête homme. Si l'appât de l'or eût pu me séduire, je serais
riche et considéré; mais j'aurais perdu le seul titre qui me console
dans ma médiocrité. J'ai lutté dix ans contre l'adversité; la fortune
qui m'a trouvé inébranlable à mon départ comme à mon retour, m'a
conduit au port lorsque je me préparais encore à une tourmente. On
m'a demandé les vaudevilles qui me firent voir les bords de la Guyane.
Comme on rit du mal passé et que le voyageur, dans un temps calme,
revoit avec plaisir les lieux affligés par l'orage, ce petit mémorial,
que personne ne sera tenté de rédiger à aussi cher gage que moi, nous
paraît aujourd'hui dans le calme du réveil un songe affreux dont le
souvenir nous plaît et nous corrigerait pour l'avenir.

Je composerai ce recueil,

1º Des vaudevilles faits avant mon départ;

2º Des romances et des loisirs de mon exil;

3º Des chansons érotiques et critiques des anciens et des modernes;

4º D'un choix de pièces analogues au temps et aux moeurs;

5º D'un tableau général et varié de prose et de vers pour tous les
goûts.




LE CHANTEUR

PARISIEN.




LE PRÉJUGÉ VAINCU.


    Air: _Avec les jeux dans le village_.

  L'amour inventa l'art de plaire,
  Celui de peindre et de chanter.
  Daphnis, auprès de sa bergère,
  Chanta le premier l'art d'aimer.
  Homère, après lui dans la Grèce
  Chantant ses vers harmonieux,
  Sut apprivoiser la rudesse
  De ce peuple de demi-dieux.

  Des tyrans les projets superbes
  Ont tout mis en combustion;
  Soudain je vois relever Thèbes,
  Par les doux accords d'Amphion.
  En Thrace le sensible Orphée
  Chante l'amour et ses malheurs;
  Sa lyre lui fraye une entrée
  Dans le sombre manoir des pleurs.

  Le sort, qui d'un cardeur de laine
  Avait fait un législateur,
  Me donna la force et l'haleine,
  Et le talent d'être chanteur.
  Modeste au lit tout comme à table,
  Je ne cherche point le haut bout,
  Croyant qu'il faut pour être aimable
  Rester plus couché que debout.




LES MANDATS DE CYTHÈRE.


Au mois de mai 1796, on donna au théâtre de la Cité les Mandats de
Cythère. Je fis les couplets suivants qui me firent condamner à une
amende de 1000 liv. en mandats, somme que j'acquittai pour 2 liv, 10
s. en argent, au mois de septembre de la même année.


    Air: _Un jour la petite Lisette_.

  En France, en Europe, à Cythère,
  On veut fabriquer des mandats.
  L'amour, en prenant ses ébats,
  Disait l'autre jour à sa mère.
  Prendront-ils, ne prendront-ils pas?
  C'est ce que nous ne savons pas.

  A l'entreprise je préside,
  Dit Vénus montrant ses états;
  J'hypothèquerai nos mandats
  Sur le double monde de Guide.
  Prendront-ils, ne prendront-ils pas?
  Oh, ma foi, nous n'en doutons pas.

  Deux beaux yeux, une belle bouche,
  Deux globes taillés pour l'amour;
  L'Élysée ou le dieu du jour
  N'entre que quand Priape y couche,
  Sont les secrets de nos états
  Pour hypothéquer nos mandats.

  Si les législateurs de France
  Avaient d'aussi jolis états,
  Ils seraient moins dans l'embarras
  Pour débrouiller notre finance:
  Car chez nous toujours les mandats
  Sont au pair avec les ducats.

  Dans notre aimable république
  On bénit le contrefacteur,
  Et sur le front du délateur
  Croissent les cornes du tropique.
  En tous temps nos jolis mandats
  Sont au pair avec les ducats.

  L'amour voyant venir Glycère,
  Pour échanger ses assignats,
  Lui donne un rouleau de mandats
  Qu'il avait reçus de sa mère.
  La friponne disait tout bas....
  Que ce rouleau vaut de ducats!

  Une vieille en perruque blonde,
  Dont le temps ride les appas,
  Veut captiver le beau Lucas
  Et renaître dans le grand monde.
  Pour certain rouleau de mandats,
  Elle offrira mille ducats.

  Un vieux Mondor de l'assemblée
  De Lise veut voir les états;
  Il offre un rouleau de mandats,
  Timbré par une planche usée;
  Mais Lise lui dit: vos mandats
  Perdent, cent contre mes ducats.

Les mandats étaient un papier-monnaie, décrété en avril 1796, en
remplacement des assignats. En août il perdait autant que l'assignat,
c'est-à-dire, neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit trois quarts
pour cent.... Ce qui les fit appeler, dans le temps, enfants
mort-nés.




LES PATENTES.


Ce vaudeville, composé au mois d'octobre 1796, a été une des causes
principales de ma déportation. Comme il m'arrivait de porter souvent
ma main à ma poche, on prétendit que je faisais des gestes indécents
et contre-révolutionnaires, délit prévu par la loi du 27 germinal,
emportant peine de mort. L'application m'en fut réellement faite le
premier novembre 1797. La peine de mort fut commuée en déportation
perpétuelle, et, le 8 septembre 1803, je reçus ma grace et ma liberté
de sa majesté l'Empereur et Roi.


    Air: _Un jour Guillot trouva Lisette_.

  Républicains, aristocrates,
  Terroristes, buveurs de sang,
  Vous serez parfaits démocrates,
  Si vous nous comptez votre argent.
  Et comme la crise est urgente,
  Il faut vous conformer au temps,
  Et prendre tous une patente,
  Pour devenir honnêtes gens.

  Mon dieu, que la patrie est chère
  A qui la porte au fond du coeur!
  Tous les états sont à l'enchère,
  Hors celui de législateur.
  La raison en est évidente,
  C'est qu'aucun des représentants
  Ne pourrait payer la patente
  Qu'il doit à tous ses commettants.

  Un jacobin, nommé Scrupule,
  En s'approchant du receveur,
  Retourne sa poche et spécule,
  Qu'il n'a plus rien que son honneur.
  Oh! que cela ne te tourmente,
  Dit le receveur avisé,
  Ton dos a le droit de patente,
  Commerce donc en liberté.

  Une vierge du haut parage,
  Imposée à quatre cents francs,
  Dit en descendant d'équipage,
  Bon dieu! vous moquez-vous des gens?
  Mais, monsieur, je vis d'industrie;
  Le financier, le directeur,
  Vous diront que pour ma patrie
  J'ai vendu jusqu'à mon honneur.

  Un gros procureur, honnête homme,
  Cousin de tous les fins Normands,
  Murmure de payer tout comme
  Les malheureux honnêtes gens.
  Oh! cette injustice est criante,
  On se pendrait d'un pareil coup!
  Faire payer une patente
  A ce grand maître grippe-sou.

  Sous ce déguisement cynique,
  Remets-tu ce fameux voleur?
  Fournisseur de la république,
  Autrefois simple décrotteur.
  Depuis qu'on parle de patentes,
  Monsieur dit qu'il n'a plus d'états,
  Que la république indulgente
  Le classe parmi les forçats.

  Combien paierai-je de patente,
  Dit certain faiseur de journal?
  Si tu devais un sou de rente
  A tous ceux dont tu dis du mal,
  Je crois bien qu'au bout de l'année,
  Sans compter tous tes revenus,
  Ta dette serait augmentée
  De trois ou quatre mille écus.

  Un vieux médecin se présente,
  Hé quoi! dit un des assistants,
  Peut-on payer une patente
  Pour avoir droit de tuer les gens?
  Non, dit un auteur dramatique,
  Il vaut bien mieux les égayer;
  Et mais, répond certain critique,
  Nous vous payons bien pour bâiller.

  En fredonnant un air gothique,
  Arrive un chanteur écloppé.
  Si pour chanter la république
  Il faut que je sois patenté,
  Je ferai, dit-il, sans contrainte,
  Cette offrande à la liberté,
  Si désormais je puis sans crainte
  Chanter par-tout la vérité.




LES CONTRADICTIONS.


    Air: _Pour attendrir Junon rebelle_ (d'Anacréon chez Polycrate.)

  Ah! qu'on a bien raison de dire
  Qu'amour est un étrange enfant;
  Plus il nous cause de martyre,
  Et plus il nous paraît charmant.
  Dans son inconcevable empire,
  Tout comme en révolution,
  Chacun de nous veut se conduire
  Toujours par contradiction.

  Quand Fanchette fut moins cruelle
  Je songeais à peine à l'aimer;
  Aujourd'hui qu'elle est infidèle,
  Fanchette a tout pour me charmer.
  Et dans mon aveugle délire,
  Tout comme en révolution,
  Fanchette, tu vas me conduire
  Toujours par contradiction.

  On se recherche, l'on s'évite,
  On s'ennuie de résister;
  Pour être pris, l'un court moins vîte;
  L'autre aussitôt va s'arrêter.
  A Cythère on fait comme en France,
  Pour l'amour ou pour la raison,
  Quand l'un recule, l'autre avance,
  Toujours par contradiction.

  Aux pieds de la reine de Gnide,
  Tous les dieux se sont réunis;
  Elle vole où son coeur la guide,
  Et c'est dans les bras d'Adonis.
  De ce choix qu'elle vient de faire,
  L'amour murmure avec raison;
  Mais en France, comme à Cythère,
  Tout va par contradiction.

  Quand Lucas aime sa voisine,
  Avec sa peau de maroquin[2],
  Pluton épouse Proserpine,
  Et Vénus épouse Vulcain;
  Mais dans leur aveugle délire,
  Tout comme en révolution,
  Les objets peuvent les séduire,
  Toujours par contradiction.

  Quand nous pourrons couper les ailes
  De ce petit fripon d'amour,
  Nos dames seront plus fidèles,
  Et nous les paierons de retour;
  Quand les trois pouvoirs en cadence
  Peuvent chanter à l'unisson,
  Nous voyons que tout dans la France;
  Marche sans contradiction.

    [2] Si on crie à l'invraisemblance sur ce goût dépravé, on se
    souviendra qu'Horace est mon garant. Il dit que l'amour est si
    bizarre qu'il a vu un galant baiser avec transport le polype de
    sa maîtresse.




LES COLLETS NOIRS.


Je composai ce vaudeville au mois de juillet 1797, au moment où l'on
se faisait la guerre à Paris pour un ruban, un collet rouge ou noir;
pour des souliers pointus ou carrés, et sur-tout pour les nattes. J.
J. Rousseau, en écrivant sa lettre contre la musique française, dit
que la querelle qui s'anima au sujet de cette futilité fut si grande,
qu'on oublia de grands intérêts et des démêlés plus sérieux pour
celui-là. Pour moi, je voulais voir les deux partis s'amuser de leurs
ridicules, et on m'arrêta lorsque je chantai cette chanson pour la
quatrième fois.


    Air: _Il y a cinquante ans et plus_ (de la Caverne).

  Faut-il pour un collet noir,
  Pour une perruque blonde,
  Pour une toque, un mouchoir,
  Bouleverser tout le monde.
  Les frondeurs de cette mode,
  Comme moi dans un boudoir,
  N'ont rien vu de plus commode,
  Qu'un collet bordé de noir.

  Dans l'olympe radieux,
  Quand Vénus sortant de l'onde,
  Fut admise au rang des dieux
  On dira qu'elle était blonde.
  Pour lui donner l'art de plaire,
  L'amour fit apercevoir,
  Près du temple du mystère,
  Son collet bordé de noir.

  A la mère de l'amour
  Chaque dieu fit son offrande;
  Mais Mars eut, avant son tour,
  Le premier droit de prébende.
  Oh! ma plus belle parure,
  Lui dit-elle, c'est d'avoir
  Au-dessous de ma ceinture,
  Ton collet bordé de noir.

  D'un déchireur de collet,
  Pour punir l'audace extrême,
  L'amour juge du méfait,
  Sut s'en venger par lui-même.
  Le galant, par aventure,
  Chez Thisbé montant le soir,
  Trouve au bas de sa ceinture,
  Collet rouge, et blanc, et noir.

  Si d'un pantalon crasseux,
  D'une robe rouge ou grise,
  Aristide est amoureux,
  Qu'il se vêtisse à sa guise;
  Si le bonnet et la pique
  Peuvent flatter son espoir,
  Qu'il les prenne sans réplique,
  Moi je veux un collet noir.

  On peut, sans être malin,
  Vous dire avec assurance
  Que c'est l'habit d'Arlequin
  Qui sied le mieux à la France.
  Car le démon de la mode,
  Chez nous du matin au soir,
  Fait, défait et raccommode,
  Collet rouge, et blanc et noir.




LE PÈRE HILARION

AUX FRANÇAIS.

_Fait au premier janvier 1797._

Parallèle des abus du cloître avec les abus de 1793, 94, 95 et 96.


    Air: _A moins que dans ce monastère_.

  Peuple français, peuple de frères,
  Souffrez que père Hilarion,
  Turlupiné dans vos parterres,
  Vous fasse ici sa motion      (_bis_).
  Il vient sans fiel et sans critique,
  Et sans fanatiques desseins,
  Comparer tous les capucins
  Aux frères de la république.

  Nous renonçons à la richesse
  Par la loi de notre couvent,
  Votre code, plein de sagesse,
  Vous en fait faire tout autant.
  Comme dans l'ordre séraphique,
  Ne faut-il pas, en vérité,
  Faire le voeu de pauvreté,
  Pour vivre dans la république.

  On nous défend luxe et parure,
  Et vos frères les jacobins
  Avaient la crasseuse figure
  De nos plus sales capucins.
  Notre chaussure est sympathique;
  Souvent sans bas et sans souliers,
  On voit par-tout des va-nu-pieds,
  Capucins de la république.

  Tout comme dans nos monastères,
  Vous aviez vos frères quêteurs,
  C'étaient vos braves commissaires
  Et vos benins réquisiteurs.
  Par leur douceur évangélique
  Et par leur sainte humanité,
  Comme ils faisaient la charité
  Aux pauvres de la république!

  On nous ordonne l'abstinence,
  Dedans notre institut pieux:
  N'observait-on pas dans la France
  Le jeûne le plus rigoureux?
  Dans votre carême civique[3],
  Vous surpassiez le capucin;
  En vivant d'une once de pain,
  Vous jeûniez pour la république.

  Par un vieux règlement d'usage
  Nous faisons voeu de chasteté;
  Le sacrement de mariage
  Par vos frères est rejeté[4].
  Dans cette gaillarde pratique,
  Qu'il est beau de voir à présent,
  Pour une femme seulement,
  Vingt filles de la république!

  Nous avons notre discipline,
  Instrument de punition.
  Vous avez votre guillotine,
  Fraternelle correction.
  Ce châtiment patriotique
  Est bien sûr de tous ses effets;
  Il n'en faut qu'un coup pour jamais
  Ne manquer à la république.

  Demandant toujours des réformes,
  Vous avez fait tout réformer;
  De toutes vos nouvelles formes,
  Quand je vous entends murmurer,
  Je vous dis, trève de critique,
  Puisque vous l'avez fait créer,
  Il faut bien vous accoutumer,
  A supporter la république.

  Rien ne vous plaît, tout vous ennuie,
  Vous voulez toujours innover;
  En abhorrant la monarchie,
  Vous ne pourrez vous en passer.
  Pour jouer nos capucinades,
  Notre cloître était excellent;
  Faudrait qu'il fût cent fois plus grand,
  Pour jouer vos arlequinades.

  Agréez, mes chers camarades,
  Le salut de l'égalité,
  Et recevez mes accolades,
  En signe de fraternité;
  Mais respectez ma barbe antique,
  Lorsque je viens vous embrasser,
  Et ne la faites point passer
  Au rasoir de la république.

    [3] Disette du pain, depuis le mois de décembre 1791, jusqu'en
    avril 1796.

    [4] Le mariage à l'église fut défendu à l'époque de leur
    fermeture, en octobre 1793, jusqu'au mois de septembre 1795.




LA CHARENTE.


Ce vaudeville poissard est la relation fidèle du combat que nous
soutînmes depuis minuit jusqu'à six heures du matin, le 21 mars 1797,
sur la frégate la Charente, qui sortit de la rade de Rochefort dans la
nuit du 20 mars, pour nous déporter à Cayenne. Le lendemain, en
avançant en haute mer, nous vîmes à notre poursuite trois bâtiments
anglais, le Vieux Canada, de 74 canons, escorté des frégates la Pomone
et la Flore, toutes deux de 42 pièces. Toute la journée nous tentâmes
de gagner les côtes de Médoc; mais la Flore nous rasait la terre: la
Pomone gagnait au large, et le Vieux Canada fermait la marche. Dans la
journée on jeta à la mer toute la cargaison et une partie de nos
effets pour délester le bâtiment. La nuit vint, et nous nous perdîmes
de vue; à minuit la lune nous trahit et nous nous trouvâmes près de
l'écueil du phare Cordouan. Les Anglais nous débouquèrent; la marée
montait; le combat s'engagea. On délesta de nouveau le bâtiment, qui,
démâté par le canon, le gouvernail brisé, nous fit échouer sur les
ruines de l'ancienne ville des Olives, près la rade de Royan, à
dix-huit lieues de Bordeaux.


    Air: _Stuila qu'a pincé Berg-op-Zoom_.

  Ventrebleu qu'il est donc brutal,      (_bis._)
  Ce carillon de germinal;
  J'crayons ma foi que c'te Charente,
  Au diable f.... l'épouvante.

  Voyant ces trois châtiaux flottants,
  J'avions largué la voile aux vents;
  Avec tout nout échapatoire,
  Fallut nous casser la mâchoire.

  Par là corbleu, monsieu Breuillac,
  N'est ma foi point un monsieu d'Crac,
  C'est f.... ben un pinc' sans rire,
  Que malgré lui l'Anglais admire.

  Not maison quand brutal ronflait,
  Sur le rocher se reposait.
  J'avions un pied dans l'onde noire,
  Et plus qu'nout saoul j'ons failli boire.

  Au milieu de tout c't'embarras,
  Le grand marin qu'je n'voyons pas,
  Qui ben mieux qu'nous connaît l'parage,
  A lui seul sauva l'équipage.




LES LUNETTES

ET LA NOUVELLE BÉQUILLE.


    Air: _De la béquille_.

  Tous nos messieurs du jour,
  Pour lorgner les brunettes,
  Font porter à l'amour
  Cent sortes de lunettes;
  Mais fillette gentille
  Bien mieux s'amusera,
  D'une grosse béquille
  Du père Barnaba.

  Hortense est dans son lit,
  Hortense est bien malade;
  N'amenez point ici
  D'Hippocrate maussade.
  De cette jeune fille
  Le bobo guérira
  Par un coup de béquille
  Du père Barnaba.

  Hélas! depuis long-temps
  Comme tout change en France!
  Dès nos plus jeunes ans
  Le malheur nous devance;
  Garçon et jeune fille,
  En sortant du berceau,
  Prennent tous la béquille
  Pour aller au tombeau.

  C'est en se chamaillant
  Pour la chose publique,
  Qu'on fit clopin clopan,
  Boiter la république.
  Moins leste que nos filles,
  La jeune liberté
  Court avec des béquilles
  A la caducité.

  Pour réconcilier
  Tous les aristocrates,
  Il faut les marier
  Avec les démocrates.
  A la grande famille
  Tout se réunira,
  Par un coup de béquille
  Du père Barnaba.




LE COUP DU LOUP.

Vaudeville-proverbe, composé en brumaire, octobre 1799.


    Air: _Lise voyait deux pigeons se becquer_.

  Vous qui n'aimez que les dons de Plutus,
  Le bruit de Mars, les myrtes de Vénus,
  Votre bonheur est sur l'aile d'Eole;
  Le char se brise et tombe tout à coup;
  Appliquez-vous ce proverbe d'école,
            Y n'faut qu'un coup
            Pour assommer un loup.

  J'ai vu le loup, disait la jeune Iris,
  Il m'a pris hier mes deux jolis cabrits;
  Pour m'en venger, je tiens cette houlette;
  C'était le bien du beau berger Pâris.
  Pâris lui dit, la jetant sur l'herbette,
            N'en faut qu'un coup
            Pour assommer le loup.

  Par intérêt, ou pour tout autre cas,
  Sa vieille mère avait suivi ses pas;
  En la voyant tomber sous la coudrette,
  Bon dieu, bon dieu, qu'elle fit de fracas!
  Elle disait à la pauvre fillette:
            Voilà le coup
            Pour assommer le loup.

  Par son voisin, Guyot voit ses enfants;
  Mais au voisin ils sont très ressemblants.
  Un vieil ami que Laure répudie,
  Rend du mari les yeux trop clairvoyants:
  Au bois d'amour quand naît la jalousie,
            I' n'faut qu'un coup
            Pour assommer un loup.

  Guyot annonce un voyage important:
  Laure a déjà prévenu son amant.
  Madame, il faut voyager à ma place,
  Lui dit l'époux au beau milieu du champ;
  Guyot revient, Laure fait la grimace.
            I' n'faut qu'un coup
            Pour assommer un loup.

  Pour mieux tromper les yeux de ses voisins,
  Pour enchaîner leurs caquets assassins,
  A son amant Laure avait, par prudence,
  Fait fabriquer un bon passe-partout.
  Guyot absent, il venait en silence.
            I' n'faut qu'un coup
            Pour assommer un loup.

  Sur le minuit il entra doucement;
  Le gars savait toiser l'appartement:
  En tâtonnant sur le lit de la dame,
  Il le pressait.... Guyot dit tout à coup:
  Réservez donc vos baisers pour ma femme.
            I' n'faut qu'un coup
            Pour assommer un loup.




LES INCROYABLES,

LES INCONCEVABLES,

ET LES MERVEILLEUSES.

Tableau des aimables du jour, et du costume des plus élégants de la
révolution de 1796 et 1797.


    Air: _Dans nos bois, dans nos campagnes_.

  Tout est incroyable en France
  Dans la révolution:
  La sagesse est la démence,
  La folie est la raison.
  Faisant la guerre aux coutumes
  Pour rappeler les vertus,
  Sous d'incroyables costumes,
  Se vois rentrer les abus.

  Nous n'avons plus de comtesses,
  Nous n'avons plus de barons;
  Nos merveilleuses déesses
  Leur ont pris leurs phaétons:
  Et Margot dans l'équipage
  Vient d'oublier son talent;
  Se voyant dans l'apanage,
  Ne connaît plus ses parents.

  Son incroyable Narcisse
  Lui dit du haut de son char:
  Vénus, ou que je périsse!
  A moins de graces et moins d'art.
  Pa'ol' d'honneur, dit-elle,
  Sous ce costume élégant,
  Je voudrais être aussi belle
  Que vous paraissez galant.


_La merveilleuse à l'incroyable._

  En vous tout est incroyable,
  De la tête jusqu'aux pieds;
  Chapeau de forme effroyable,
  Gros pieds dans petits souliers;
  Si pour se mettre à la mode
  Gargantua venait ici,
  Rien ne serait plus commode
  Que d'emprunter votre habit.

  Botté tout comme un saint George,
  Culotté comme un Malbrouk,
  Gilet croisant sur la gorge,
  Épinglette d'or au cou;
  Trois merveilleuses cravattes
  Ont bloqué votre menton,
  Et la pointe de vos nattes
  Fait cornes sur votre front.

  Je vois un autre incroyable
  Chaussé comme une catin,
  A la belle inconcevable
  Présenter sa blanche main;
  Cette incroyable coiffure
  A, dit-elle, tant d'appas,
  Qu'en voyant votre figure
  Je ne vous remettais pas.

  De vos boucles de culottes
  Ménageant les ardillons,
  Nous déborderons nos cottes,
  Pour vous faire des cordons;
  Mais venez en diligence,
  O merveilleux chevaliers!
  Chez nous par reconnaissance
  Chercher chaussure à vos pieds.


_Réponse des incroyables aux merveilleuses._

  O charmante merveilleuse!
  Mère du divin amour,
  De votre taille amoureuse
  Rien ne gêne le contour;
  De votre robe à coulisse
  Les plis sont très peu serrés;
  C'est pour faire un sacrifice
  Que vos bras sont retroussés.

  Vous avez déjà l'étole
  Des prêtresses de Vénus,
  Et je vois à votre école
  Un essaim de parvenus:
  Cythérée à sa toilette,
  Voulant enchaîner l'espoir,
  Tous cèderait son aigrette
  Pour votre immense mouchoir.

  De votre robe traînante
  Quand les replis ondulants
  Avaient interdit l'attente
  A nos désirs renaissants,
  Je vois votre main légère,
  Conduite par les amours,
  De l'asile du mystère.
  Nous découvrir les détours.

  Talons à la cavalière,
  Boucles et souliers brodés,
  Bottines à l'écuyère,
  Ou bas à coins rapportés;
  Ridiculement mondaines
  Dans tous vos ajustements,
  Des reines et des Romaines
  Vous quêtez les agréments.

  Mais vos perruques frisées
  Tout comme un poil de barbet
  Ne sont donc plus couronnées
  Par des chapeaux à plumet;
  Et vos toques prolongées
  Disent aux maris françois,
  Que leurs femmes corrigées
  Portent la moitié du bois.

  Mais ces autres dédaigneuses
  Ont un bonnet plus galant;
  Leurs têtes impérieuses
  Sont un vrai moulin à vent:
  Celles-ci plus souveraines
  Vous disent éloquemment,
  En France nous sommes reines,
  Et nous portons un turban.




REGRETS DE DAVID

A LA MORT DE BETHSABÉE.


David, surnommé le prophète-roi, était le plus jeune des fils d'Isaïe,
bethléémite, et, suivant certaines versions, le moins aimé de son
père, qui l'avait relégué dans la campagne pour garder ses troupeaux.
Dieu le tira de ce néant pour le placer sur le trône d'Israël. David,
au milieu de la prospérité, oublia une si grande faveur. Dans un
moment d'oisiveté, en se promenant, il vit au bain Bethsabée femme
d'Urie, un des capitaines de ses troupes. Urie était absent pour le
service de son prince. David s'enflamma pour Bethsabée, qui devint
enceinte en l'absence de son mari. Le roi rappela Urie pour que son
adultère ne fût point connu; mais ce guerrier se rendit au palais du
roi sans vouloir rentrer chez lui, et répondit à David qui l'y
engageait: Comment ne jeûnerais-je pas et rentrerais-je dans ma
maison, quand l'arche du seigneur couche dans les camps et qu'elle est
peut-être au pouvoir des infidèles?.... Le roi, loin d'être touché de
ces paroles, fit marcher Urie dans un défilé, d'où, il ne put échapper
à la mort. Bethsabée épousa David, donna le jour à Salomon, et mourut
subitement à la fleur de son âge, au moment où David l'idolâtrait....

L'auteur de ce chef-d'oeuvre peint David debout, les bras étendus sur
les tristes restes de son amante, dont le visage à découvert dans le
cercueil, en lui laissant le souvenir de ses charmes, lui rappelle son
ingratitude envers Dieu et son crime envers Urie. David, en proie à
l'amour, au remords, à la reconnaissance, cède tour à tour à sa
passion, à son désespoir et à son repentir. Cette héroïde arrachait
des larmes aux sauvages de la Guyane, quand nous la chantions sur les
bords de la mer: l'écho des forêts et des montagnes lui donnait
quelque chose de mélodieux, et les cultivateurs quittaient leurs
travaux pour nous écouter. Je me croirais poëte si j'eusse fait ces
couplets.

  Je suis puni, je perds ce que j'adore,
  Ce cher auteur de mes forfaits.
  C'est malgré moi que je t'offense encore,
  Seigneur, par mes tristes regrets.
  Mon coeur est déchiré sans cesse
  Par le remords et le désir.
  Ah! j'en mourrais de repentir
  Si je n'expirais de tendresse.      (_bis._)

  De mon amour, déplorable victime,
  Je n'ai long-temps fait que gémir.
  J'ai succombé, j'ai vécu dans le crime....
  Tu ne pouvais mieux m'en punir....
  Grand Dieu! ta puissance suprême
  N'a plus de coups à me porter.
  On n'a plus rien à redouter
  Quand on a perdu ce qu'on aime.      (_bis._)

  Elle n'est plus; la mort impitoyable
  A moissonné ses jeunes ans;
  Et c'est du fond d'un sépulcre effroyable
  Qu'elle ravit encor mes sens.
  En t'implorant mon coeur t'outrage,
  Seigneur; mes voeux sont criminels,
  Puisque j'apporte à tes autels
  Un coeur rempli de son image.

  Si je l'aimai cette amante adorable,
  Si j'oubliai tant de bienfaits,
  C'est toi, mon Dieu, qui me rendis coupable
  En la formant de tes attraits.
  A mes devoirs toujours fidèle,
  Et toujours soumis à ta loi,
  Hélas! je n'eusse aimé que toi,
  Si je n'avais brûlé pour elle.




LE DÉPORTÉ

DANS LA GUYANE FRANÇAISE.

Romance composée à la Franchise, en frimaire an huitième (24 novembre
1799).


    Air de l'opéra de Tom-Jones; _Vous voulez que je vous oublie_.

  _Reprise._ O ma maîtresse! ô ma patrie!
      Oui, je chéris jusqu'à vos coups.
  Vos arrêts font le destin de ma vie;
  Vous m'exilez quand je brûle pour vous....

  Déporté dans le nouveau monde,
  Un troubadour, au bord de l'onde,
  Soupirait ainsi ses revers!
  Sombres forêts, affreux rivage,
  Faut-il qu'au printemps de mon âge
  J'expire ici chargé de fers?....

  O ma maîtresse! ô ma patrie! etc.

  Oh! je ne suis pourtant coupable
  Que d'aimer un objet aimable,
  Et de soupirer pour un roi;
  Trop fier de ce vertueux crime,
  De l'amour sensible victime,
  J'expire en adorant ta loi.

  O ma maîtresse! ô ma patrie! etc.

  Dès que l'orient se colore,
  Je dis à la naissante aurore:
  Mêle tes larmes à mes pleurs;
  Mais conserve pour ma patrie,
  Et pour l'ingrate qui m'oublie,
  Tes dons et tes riches couleurs.

  O ma maîtresse! ô ma patrie! etc.

  Quand de cette zone torride
  Mon pied foule le sable aride,
  Je porte la main sur mon coeur.
  Zulma, pour toi comme il palpite!
  Vers toi comme il se précipite,
  Beau climat où naît le bonheur!....

  O ma maîtresse! ô ma patrie! etc.

  Le nouveau siècle qui commence
  Rendra l'âge d'or à la France;
  Sur les lis l'aigle volera.
  Soit qu'ici je végète encore,
  Ou soit qu'un tigre m'y dévore,
  Ma langue en se glaçant dira:

  O ma maîtresse! ô ma patrie! etc.

  O Dieu! je reverrais la France!
  Je jouirais de ta présence!
  Zulma! tu m'as ravi ton coeur!....
  Non.... Laissez-moi sur cette rive,
  Et qu'en mourant, ma voix plaintive
  Nomme Zulma pour mon malheur.

  O ma maîtresse! ô ma patrie!
  Oui, je chéris jusqu'à vos coups:
  Vos arrêts font le destin de ma vie;
  Vous m'exilez quand je brûle pour vous.

Un de nos compagnons d'exil fut déporté, en 1797, pour avoir ramené en
France, dans sa famille, une jeune émigrée comme lui dont il venait
demander la main. Pendant que nous étions dans la Guyane, il apprit
qu'elle avait épousé un autre jeune homme qui lui avait fait obtenir
sa radiation: il en mourut de douleur. C'est le sujet de cette
romance.




LE TOMBEAU D'ISMÈNE.


Un jeune homme dont les parents avaient éprouvé de grands revers
parvint, par amour et par séduction, à obtenir les faveurs d'Ismène
d'Orv.... que ses parents lui destinaient, avant que la fortune eût
allumé entre les deux maisons une haine irréconciliable. Ismène
d'Orv.... devint enceinte. Cette nouvelle éclata un jour au milieu
d'une fête que toute la famille donnait au grand-papa. M. d'Orv....,
plaint par les gens sensés, et ridiculisé par les jeunes étourdis,
concentra sa colère durant le repas: mais le soir, en rentrant chez sa
fille, il la traîne aux cheveux, lui donne des coups de pied dans le
ventre, et assassine la mère et l'enfant, qui moururent au bout de
huit jours. Le premier auteur de cette catastrophe était un de nos
compagnons d'exil. L'amour et la douleur le traînèrent au sanctuaire.
Il me demanda les couplets suivants; me permit de les publier, et me
pria de taire son nom par égard pour la famille de son amie, dont le
chef expie sa faute dans un deuil éternel.


   Air de la nouvelle Clémentine: _Une jeune bergère, les yeux baignés
   de pleurs_.

  J'ai perdu mon Ismène,
  J'ai perdu mon bonheur;
  Échos, forêts, fontaines,
  Répétez ma douleur.
  Pour moi, belle nature,
  Tes dons sont superflus;
  Dépouille-toi de ta verdure,
  Mon Ismène n'est plus.

  Claire et pure fontaine,
  Sur tes bords enchanteurs,
  Chaque jour, pour Ismène,
  Tu t'émaillais de fleurs;
  Je vais grossir ton onde
  De mes pleurs superflus;
  Je reste isolé dans le monde,
  Mon Ismène n'est plus!

  Si l'or me rend Ismène[5],
  Si l'or me rend mon fils,
  Je veux m'ouvrir la veine
  Pour en doubler le prix:
  Tes largesses tardives
  Sont des biens superflus;
  Les habitants des sombres rives
  Payent de leurs vertus.

  Coudrier dont l'ombrage
  Protégeait nos plaisirs,
  Assis sous ton feuillage,
  Je pousse des soupirs.
  Au récit de ma peine,
  Ces rochers sont émus;
  Écho répète encore Ismène,
  Mais Ismène n'est plus!

  Près de cette hécatombe,
  Venez en sanglotant;
  Ce marbre sert de tombe
  A la mère, à l'enfant.
  Son bourreau fut son père,
  L'amour fit ses malheurs,
  Et son amant se désespère:
  Vous leur devez des pleurs.

    [5] M. d'Orv...., après la mort de sa fille, offrit sa dot à son
    amant. On devine ses motifs.




MES LOISIRS

DANS LA GUYANE FRANÇAISE

en 1801.

_Loyauté, Commerce, et Usure._


Durant le fameux hiver de 1784 une femme, chargée d'un poêlon de
cuivre, se présenta chez le sieur Crugeon, chaudronnier sur le pont
Marie, à Paris. «Il y a sept mois, lui dit-elle, que vous m'avez vendu
cet ustensile; je le payai huit livres dix sous, et vous me promîtes
de le reprendre à sept livres dix sous, si je voulais m'en défaire
dans l'année. Mais ne pouvant prévoir que nous eussions un hiver si
rigoureux, je suis obligée de m'en défaire; reprenez votre poêlon et
donnez-moi ce qu'il vous plaira. Je loge maintenant à l'autre bout de
la ville. Je l'ai offert à cinq ou six personnes, aucun n'a passé le
prix de trois livres dix sols. Je vous reconnais et je reconnais le
poêlon, répondit l'artisan. Vous avez eu tort de l'offrir à cinq ou
six personnes, il fallait venir droit à moi: je suis homme de parole
en hiver comme en été; voilà vos sept livres dix sous.»

_Beau modèle de franchise et de probité de l'artisan: voilà la vraie
justice. Voici l'usure._

Durant le même hiver, un homme de lettres malade entra chez un riche
bijoutier dont on rougit de dire le nom, et lui dit: «Vous m'avez
vendu il y a six mois, avec garantie, une pendule que je vous payai
cinq cents livres. Je suis forcé de m'en défaire; voyez pour quelle
somme vous voulez la reprendre. Mon cher monsieur, répondit le
trafiquant, il faut aller suivant la saison: l'hiver est très rude: je
vous donne deux louis et demi de votre pendule. Le marché se conclut à
quatre-vingts livres....»




PHÉNOMÈNE. _Anecdote de 1788._


Pierre Noël Le Cauchois avait servi long-temps dans un régiment de
dragons où il avait mérité et obtenu des distinctions et des grades;
mais son bon coeur l'ayant porté à défendre les opprimés, il embrassa
la profession d'avocat. Cet homme généreux et infatigable, qui s'était
ruiné pour faire éclater dans tout son jour l'innocence de la fille
Salmon, est mort à Paris, le 16 février 1788, dans l'indigence la plus
déplorable. Ses amis seuls suivirent son convoi en fondant en larmes,
et ce fut monsieur Cosson qui, ne voulant point qu'un homme si
estimable fût enterré par charité, paya les frais de son enterrement à
Saint-Sulpice. Voici ce que le propriétaire de la maison qu'occupait
le vertueux Le Cauchois écrivit le jour de sa mort à monsieur Cosson.

«Monsieur, je vous donne avis que le pauvre monsieur Le Cauchois vient
de mourir dans la plus affreuse misère, n'ayant pas laissé un sou pour
se faire enterrer; vous étiez son ami, monsieur, voyez à régler la
manière dont nous lui ferons rendre les derniers devoirs.»

Voilà la fin d'un citoyen qui venait d'arracher un être innocent du
bûcher. Il ne faisait que du bien. Il est mort indigent, sans
ostentation; donnez à ses mânes des larmes de repentir et de
reconnaissance pour le siècle qui a ressuscité un Aristide au milieu
de tant d'Alcibiades.

M. Jame de Saint-Léger lui a payé son tribut dans l'épitaphe suivante:

  De Mars et de Thémis noble et sage soutien,
  Il servit son pays, il sauva l'innocence;
  Il mourut sans regrets, hélas! quand l'indigence
  Lui ravit le pouvoir de faire encor du bien.
  Vous voilà consolés, détracteurs méprisables,
  Par qui de ses succès l'honneur fut envié!
  Mais la vertu le pleure au sein de l'amitié,
  Et sa mort, à jamais, les laisse inconsolables.




CONTRE LA TOILETTE TROP RECHERCHÉE.


    Air: _Et ça ne se peut pas_, ou de l'Officier de Fortune: _Fidèle
    époux, franc militaire_.

  Pourquoi, d'une main indiscrète,
  Vouloir orner vos doux appas?
  On montre, à force de toilette,
  Des défauts que l'oeil ne voit pas.
  Loin d'ajouter à la nature,
  Cet art enlaidirait Vénus:
  Sur un front qui plaît sans parure
  Tous les pompons sont superflus.

  Parmi les plaisirs de la table,
  Au sein des ris et des amours,
  Est-il objet moins agréable
  Qu'une pompe de vains atours?
  Si ma voisine a quelques charmes,
  Bacchus me promet des larcins;
  Mais la coquette sous les armes
  Fait échouer tous mes desseins.

  David, ce roi dévot et sage,
  Aimait Bethsabé sans habit;
  Holopherne en même équipage
  Voulut voir la chaste Judith.
  A tort on croirait que Lucrèce
  Pour la vertu trancha ses jours;
  C'est que Tarquin, par maladresse,
  Avait chiffonné ses atours.

  Le berger qu'au Pinde on renomme
  Pour un arrêt digne des dieux,
  A Vénus adjugea la pomme:
  Était-ce donc pour ses beaux yeux?
  Non, non; Junon, nous dit Homère,
  Les avait plus beaux et plus grands;
  Mais en femme orgueilleuse et fière,
  Elle avait mis trop d'ornements.

  Minerve, par trop de sagesse,
  Avait trop voilé ses appas;
  Vénus, par un trait de finesse,
  Prudemment ne les cacha pas:
  Sous ces habits de la nature
  Elle parut coquettement,
  Et sa beauté touchante et pure
  Reçut deux prix au même instant.




SUR UN RENDEZ-VOUS.


      Demain, dans le palais de Flore,
      Je dois rencontrer mon berger.
  Amour, ouvre mes yeux à la naissante aurore,
      Et ferme-les sur le danger.




MES QUATRE AGES.

STANCES ANACRÉONTIQUES.


  Dans mon ame douce et paisible
  A quinze ans il n'était pas jour.
  A vingt ans mon coeur insensible
  Émoussa les traits de l'amour.

  A vingt-cinq ans, moins intraitable,
  Je sus distinguer la beauté,
  Et, de raison toujours capable,
  Je conservai ma liberté....

  Mais j'ai vu la jeune Amaranthe;
  Elle compte quinze printemps,
  Et moi, qui déjà vise à trente,
  Je suis moins sage qu'à quinze ans.

  Amour, enfant doux et barbare,
  Cher ennemi qu'enfin je sers,
  Sont-ce des fleurs, sont-ce des fers
  Que ton caprice me prépare?

  Loin de ma première saison,
  J'aime une belle à son aurore;
  Dans son coeur trompé fais éclore
  Le désir avec la raison.

  Inspire-lui des goûts plus sages
  Que ceux du plus fou des amants:
  Amour, en opposant nos âges,
  Accorde au moins nos sentiments.




LA BONNE AMITIÉ

NÉE DE L'AMOUR.


  Je l'attendais avec impatience,
  Cet ami si cher à mon coeur;
  Je me disais que sa présence
  Serait pour moi l'aurore du bonheur.
  Je l'attendais sans espérance
  Qu'il partagerait mon ardeur;
  Mais je me contentai d'avance
  D'un sourire plein de douceur.
  Je l'attendais avec sagesse,
  L'amitié seule eût donné mon baiser,
  Et rien n'eût trahi ma tendresse
  Que la douleur de le voir refuser.
  Je l'attendais dans ma retraite,
  Où les amours ne logent plus;
  Un seul encor, mais en cachette,
  Vit dans mon coeur en vrai reclus.
  Je l'attendais sans art et sans parure.
  Ah! le plaisir eût animé mes traits:
  Le sentiment embellit la nature,
  Elle lui doit ses plus touchants attraits.
  Il ne vient point. Je ne veux plus l'attendre,
  L'ingrat ami qui me fait soupirer;
  Mais sans le voir, même sans y prétendre,
  Je puis au moins le désirer.

  Par Madame DE MONTANCLOS.




LA LANTERNE MAGIQUE.


Un chanteur tire ordinairement le diable par la queue; ce diable est
une des merveilles de la lanterne magique. Un joueur de gobelets, un
promeneur de vielle et un chanteur, se disputent souvent le terrain
sur la même place. Si ces trois hommes sont au niveau de leur état,
ils doivent amuser en instruisant. Le premier peint l'adresse des
filous, le second les ridicules des sots, et le troisième présente un
miroir à la société; il est vrai que le spectateur voit sans être vu;
mais un émule du père Ducerceau les a pourtant assez bien attrapés
dans la lanterne magique suivante. Le vaudeville entrait dans notre
recueil de la Guyane, et je ne le répète jamais sans un doux souvenir
du convive qui me l'apprit. Il me rappelle les bois et les cases où
nous passions quelques heures de bonheur; et celui-ci était bien vif,
car il était payé bien cher.


  L'on voit dans ma boîte magique
  La rareté! la rareté!
  Rien qui ne flatte et qui ne pique
      La curiosité.
  Le monde en peinture mouvante,
  Par mon verre se montre aux yeux,
  Et la figure est si parlante,
  Qu'elle fait dire aux curieux:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Je fais voir un grand sans caprice;
  La rareté! la rareté!
  Un courtisan sans artifice;
      La curiosité!
  Une cour où dame fortune
  Ne trouble point les plus beaux jours,
  Et n'a pas, ainsi que la lune,
  Et son croissant et son décours.
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Un seigneur sans faste et sans dettes;
  La rareté! la rareté!
  Un commis riche et les mains nettes;
      La curiosité!
  Un Crésus chez qui l'industrie
  Enfante la prospérité,
  Sans que dans l'éclat il oublie
  Ce que ses parents ont été:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Un bel esprit sans suffisance;
  La rareté! la rareté!
  Un joueur parmi l'abondance;
      La curiosité!
  Un ami qui, dans ma disgrace,
  M'aime autant que dans mon bonheur;
  Qui, quand le sort m'ôte ma place,
  M'en conserve une dans son coeur:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Un conteur qui jamais n'ennuie;
  La rareté! la rareté!
  Un breteur qui jamais ne fuie;
      La curiosité!
  Un tartuffe à lui-même austère,
  Qui, sous la douceur du miel,
  Ne déguise point le mystère
  D'un coeur amer et plein de fiel:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Mari d'accord avec sa femme;
  La rareté! la rareté!
  Deux coeurs qui ne fassent qu'une âme;
      La curiosité!
  Paisible et vertueux ménage,
  Où sans cesse d'heureux enfants
  Trouvent, d'une conduite sage,
  Le modèle dans leurs parents:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Un petit maître raisonnable;
  La rareté! la rareté!
  Un plaideur qui soit équitable;
      La curiosité!
  Un modeste et sage critique
  Qui, sans mélange d'âpreté,
  Assaisonne d'un sel attique
  Ce que la raison a dicté:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Mérite à l'abri de l'envie;
  La rareté! la rareté!
  Plaisir sans trouble dans la vie;
      La curiosité!
  Un coeur où n'eut jamais d'empire
  Le souci contraire à ses voeux,
  Et qui toujours se puisse dire:
  Je suis content, je suis heureux!
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Un grand coeur exempt de foiblesse;
  La rareté! la rareté!
  Un coeur fier exempt de bassesse;
      La curiosité!
  Politique sans tromperie,
  Courage sans témérité,
  Prudence sans pédanterie,
  Jeunes appas sans vanité:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!

  Grand spectacle où l'on divertisse;
  La rareté! la rareté!
  Fête où tout le monde applaudisse;
      La curiosité!
  Chanson badine ou satirique,
  Où les couplets soient d'un goût fin,
  Dont chaque mot sans blesser pique,
  Et prépare un heureux refrain:
        Oh la merveille!
  Oh la merveille sans pareille!




VOICI LE SECOND TABLEAU DE MA LANTERNE MAGIQUE.




L'AMI DE TOUT LE MONDE.


  L'amour-propre des grands seigneurs
  Fait le revenu des flatteurs;
  C'est où leur fortune se fonde.
  En parlant trop sincèrement,
  On n'est pas ordinairement
      Ami de tout le monde.

  Quand j'aime, j'aime uniquement;
  Je parle toujours franchement;
  Comme le corps j'ai l'ame ronde,
  Il ne faut rien faire à demi:
  Je compte pour rien un ami
      Ami de tout le monde.

  Prêtez argent sans intérêts,
  Ne le redemandez jamais;
  Qu'en bon vin votre cave abonde;
  Ouvrez la porte à tous venants,
  Et vous serez en peu de temps
      Ami de tout le monde.

  Aux badauds donnez de l'encens,
  Aux Gascons des repas friands,
  Aux Bretons, buvez à la ronde,
  Ne demandez rien aux Normands,
  Et vous serez, avec le temps,
      Ami de tout le monde.




QUE DEVIENDRAIT LE MONDE.


    Air: _Ma femme le sait_.

  Suivons l'amour et la folie
  Pour goûter un plaisir charmant;
  L'amour est l'ame de la vie,
  La folie en fait l'agrément:
  La raison jalouse en vain gronde,
  Fermons l'oreille à ses discours,
  Sans la folie et les amours,
  Que deviendrait le monde?

  A jeune fillette, une mère
  Défend toujours d'aller au bois;
  Mais on se rit de sa colère,
  Et l'on s'échappe en tapinois:
  L'Amour fait le guet à la ronde,
  Les Sylvains sont vifs et charmants....
  Si l'on écoutait les mamans,
  Que deviendrait le monde?

  On ne me veut voir occupée
  Que de joujoux ou de pompons;
  On me renvoie à ma poupée,
  Lorsque je fais des questions:
  Oh! c'est alors que l'on me gronde....
  Si certain désir curieux,
  Aux fillettes n'ouvrait les yeux,
  Que deviendrait le monde?

  Sous le joug de la continence
  Un abbé gémit nuit et jour;
  Des rigueurs de la pénitence,
  Il vole aux plaisirs de l'amour;
  Et c'est alors que l'on en gronde.
  Mais si ceux qui portent rabat
  Observaient tous le célibat,
  Que deviendrait le monde?

  A dépeupler la terre entière,
  Travaillent tous les médecins:
  Vous les voyez dans leur carrière
  Livrer bataille au genre humain.
  Mais si, pendant qu'ils font leur ronde,
  Leur sage et prudente moitié
  Des maux d'autrui n'avait pitié,
  Que deviendrait le monde?

  Pauvres maris que l'on offense,
  Et dont toujours on rit après,
  Chez les autres prenez vengeance,
  Et n'en vivez pas moins en paix:
  Qu'on vous raille ou que l'on vous fronde,
  Ne vous mettez pas en courroux;
  Messieurs, si vous vous fâchiez tous,
  Que deviendrait le monde?

  Que ce repas est délectable!
  Ah! qu'on y voit briller d'attraits!
  Vénus, que nous vante la fable,
  N'en eut jamais d'aussi parfaits!
  Embrassons-nous tous à la ronde,
  Trinquons ensemble et buvons plein;
  Sans le beau sexe et le bon vin
  Que deviendrait le monde?

  (ANONYME)




L'EMPIRE.


    Air: _Amusez-vous, jeunes fillettes_.

  L'homme prétend avoir l'empire;
  L'homme s'abuse: il est à nous.
  Joli minois n'a qu'à sourire,
  Notre maître est à nos genoux.
  Nous commandons par la tendresse,
  C'est un droit qu'Amour nous donna:
  Le premier qui dit ma maîtresse,
  Fut celui qui nous couronna.          (_bis._)

  L'homme regretta son hommage
  Aussitôt qu'il nous l'eut rendu:
  Il nous en a laissé l'image;
  Mais son orgueil n'a rien perdu;
  Il nous cajole, il nous caresse;
  Il a toujours l'air de céder;
  Il nous appelle sa maîtresse;
  Mais c'est pour mieux nous commander. (_bis._)




LE DÉPIT

CONTRE LA SAGESSE.


    Air: _Du réservoir d'amour_.

  Corinne, ta beauté n'est pas
    Ce qui cause ma flamme;
  Oui, je résiste à tes appas,
    Mais je cède à ton ame:
  Je cède à l'esprit d'Apollon,
    Aux talents d'Uranie;
  Et c'est même un peu ta raison
    Qui cause ma folie.           (_bis._)

  En toi, ce qu'on aime le plus,
    Fait qu'on se désespère:
  En nous montrant moins de vertus,
    Tu saurais moins nous plaire.
  De toi j'ai reçu le poison,
    De toi j'attends la vie:
  Corinne, rends-moi ma raison,
    Ou bien prends ma folie.      (_bis._)




L'AMANT PRÉSOMPTUEUX.


    Air: _C'est la fille à ma tante_.

  La simple violette,
  Tendre dans ses couleurs,
  Sur la naissante herbette
  Règne parmi les fleurs.
  La jeune Églé, comme elle,
  Simple dans ses atours,
  Craint de paraître belle,
  Mais triomphe toujours.

  Le plus beau du village
  Lui peint tous ses désirs;
  On entend sous l'ombrage
  Ses amoureux soupirs;
  Mais elle a ma tendresse,
  Et mon coeur et ma foi;
  Elle m'a dit sans cesse
  Qu'elle n'aimait que moi.

  En vain elle est sévère;
  Mais qu'importe à mon coeur?
  Le seul bien de lui plaire
  Suffit à mon bonheur.
  Sa tendresse m'assure
  De sa fidélité
  Quel bien dans la nature
  Vaut un souris d'Églé?




ROMANCE

DE MADAME DE LA VALLIÈRE.


En 1806, le chef-d'oeuvre des miniatures de l'exposition du Muséum
était un tableau représentant madame de La Vallière dans sa cellule de
carmélite. Un livre de prières à la main: le sermon de Bourdaloue sur
la Madeleine. Sur sa fenêtre est un lis, emblème de Louis XIV et de la
France: elle le fixe; son livre lui tombe des mains, ses yeux se
mouillent de douces larmes, la bonté de son ame se peint dans la
douceur de ses traits avec l'amour, le sentiment, la franchise et
l'amitié. Ce morceau achevé m'inspira ces couplets.


    Air: _C'est à mon maître en l'art de plaire_.

  Un grand roi captiva mon ame,
  J'osais espérer du retour;
  J'eus pour lui la plus tendre flamme,
  Il ne la devait qu'à l'amour:
  A tout l'éclat qui l'environne
  Mon coeur ne trouvait point d'attraits;
  Ce n'était pas une couronne,
  C'est un amant que je voulais.

  Sa grandeur faisait mon martyre;
  Et je songeais avec effroi
  Que, des sentiments qu'il inspire,
  Rien ne peut assurer un roi.
  J'aurais voulu, dans mon ivresse,
  Réunir tout pour le charmer;
  Mais je n'avais que ma tendresse,
  Et tout mon art fut de l'aimer.

  Je lui donnai plus que ma vie,
  Car j'oubliai l'amour pour lui.
  L'amour punit ma perfidie
  Par le plus insensible oubli;
  Un autre à présent sait lui plaire....
  Plus que moi je plains mon amant;
  Il perd une amante sincère:
  Les rois n'en trouvent pas souvent.


_A madame de Montespan, sa rivale, en regardant le lis._

  Et toi, qui me sembles si vaine
  De la douleur où tu me voi,
  Je te pardonnerai sans peine
  Si tu sais l'aimer mieux que moi.
  Dans une retraite profonde
  Je ne forme plus qu'un désir:
  Qu'il existe heureux dans ce monde;
  Moi, j'attends un autre avenir.




CHANSON

SUR LE TRICTRAC.


    Air: _Ma plus belle promenade_.

  Galants, je veux vous apprendre,
  Sans livre et sans almanach,
  Un jeu facile à comprendre,
  Un nouveau jeu de trictrac.
  Il faut, en suivant la chance,
  Mettre les dames en bas;
  C'est par-là que l'on commence,
  Sans quoi l'on ne case pas.

  Quand on a su les abattre,
  On les pousse encore un peu
  Pour avoir de quoi combattre,
  Il faut étendre son jeu.
  Si votre partie adverse
  Craint, et ne s'avance point,
  Que votre savoir s'exerce
  A battre vite son coin.

  C'est par le coin que l'on s'ouvre
  L'entrée aux coups importants:
  On passe une dame, on couvre,
  On avance, on met dedans;
  Mais ne faites point d'école,
  N'oubliez point à marquer:
  Jamais on ne se console
  D'être assez sot pour manquer.

  Pour faire de grands vacarmes,
  N'avoir jamais le dessous,
  Il faut amener des carmes,
  Car ils font les plus grands coups.
  L'autre jour, grand dieu! quel charme,
  Et quel plaisir d'y songer!
  Je vis prendre par un carme
  Cinq ou six trous sans bouger.

  Une fille jeune et vive
  Ne peut modérer son jeu,
  Ni, quand un beau coup arrive,
  Garder un juste milieu:
  Elle pousse un peu trop vite,
  Et, son jeu se serrant trop,
  On l'enfile tout de suite
  Et l'on va le grand galop.

  Si par heureuse fortune,
  En l'absence d'un époux,
  Vous jouez contre une brune,
  Soyez bien sûr de vos coups:
  Sur-tout point d'étourderie,
  Et prenez bien votre jour;
  Car on manque la partie
  Souvent par jan de retour.




VOILA COMME ILS SONT TOUS.


    Air: _Si des galants de la ville_.

  Je conçois bien qu'un novice
  En amour perde son temps;
  Qu'il soit dupe du caprice,
  Qu'il prend pour du sentiment.
  Pour moi, satisfait de plaire,
  Je ne crois pas aux serments
  Qu'une femme peu sincère
  Fait toujours à ses amants.

  Je déteste l'esclavage,
  Le plaisir seul est ma loi;
  Je me plais au badinage,
  Sans jamais donner ma foi;
  Et, de peur qu'une volage
  Ne me donne mon congé,
  Le matin si je m'engage,
  Le soir je suis dégagé.

  Églé, Corinne, Julie,
  Ont eu mes voeux tour à tour:
  Je suis né sans jalousie,
  Et mon coeur est sans détour.
  J'offre aux belles mon hommage,
  Fruit de ma sincérité;
  C'est comme un droit de passage
  Que l'on doit à la beauté.




LE VIEILLARD JEUNE HOMME.


    Air: _Si de tous les maux de l'absence_.

  Permets, Hébé, que la vieillesse
  Chante la saison des amours,
  Ou calme, auprès de la jeunesse,
  L'ennui cruel de ses vieux jours:
  L'hiver goûte un plaisir céleste
  En se rapprochant du printemps;
  Laisse-moi savourer un reste,
  Un vieux reste de mon bon temps.

  Quand dans nos champs une bergère
  Couronne son heureux berger;
  Quand la molle et verte fougère
  Obéit sous son pas léger;
  Quand de ses pleurs la jeune aurore
  Arrose les fleurs du printemps;
  Quand dans le monde tout s'adore,
  C'est l'âge d'or, c'est le bon temps.

  Jeune Hébé, je commence à croire,
  Aux feux que je sens près de toi,
  Que les dieux veulent pour ta gloire
  Faire un nouveau Titan de moi:
  Quand sur ton teint je vois éclore
  Toutes les roses du printemps;
  Ce tableau me rappelle encore
  Ce que je fis dans mon bon temps.

  Si jamais de quelque puissance
  Je suis revêtu dans les cieux,
  Je rends le monde à son enfance;
  Et quant au dieu d'amour, je veux
  Qu'il immortalise les belles,
  Qu'il éternise leur printemps;
  Et qu'il coupe, en brûlant ses ailes,
  Les ongles et la barbe au temps.

  _Attribuée au duc de Nivernois._




LE JEUNE HOMME VIEILLARD.


  Souffrez, amis, que je vous dise
  Le triste état de mes amours;
  Je vais le faire avec franchise,
  Ne vous y fiez pas toujours:
  Déplorez tous mon sort funeste,
  L'hiver succède à mon printemps.
  Ah! quand on y va de son reste,
  Hélas! c'est bien le pauvre temps!

  Quand j'aperçois cette bergère
  Auprès de son heureux berger;
  Quand je songe à ce qu'il doit faire,
  Oui, je suis prêt d'en enrager:
  Auprès d'un objet qu'il adore,
  Ses feux sont toujours renaissants....
  Vainement je l'appelle encore
  La vigueur de mon ancien temps!

  A cinquante ans, nos joyeux pères
  Brûlaient jadis de nouveaux feux!
  Aujourd'hui, quels effets contraires!
  A trente ans je suis déjà vieux.
  Comme à Titan, l'Aurore aimable
  Devrait ressusciter mes sens;
  Mais, hélas! ce n'est qu'une fable
  Des annales du bon vieux temps.

Pour m'en consoler, reprit le chanteur, buvons du vin de Palme jusqu'à
ce que l'air de France me rajeunisse, et disons en dépit du sort:

  Amis, jusqu'en notre vieillesse
  Ménageons-nous d'heureux moments;
  C'est un songe que la vieillesse
  Après la saison des amants.
  Vivent les plaisirs de la table;
  L'automne vaut bien le printemps:
  Savourons ce jus délectable,
  Croyez-moi, c'est-là le bon temps.




CHANSON CRÉOLE.


_Musique Créole._

  Moi las de tant souffrir,
    Moi v'lè mourir.
    Zizi trop cruelle,
  Moi las de tant souffrir,
    Moi v'lè mourir,
    Pour mal moi finir.
  Moi bandi en yeux li qui belle;
  Moi jurè li, et moi fidèle,
      Zizi ny l'air ben doux,
          Mais coeur cailloux,
        Ly cache là-z-ous.

  Z'autre qui toujours heureux,
      Ben amoureux;
  La sou-z-un feuillage,
  Zozo n'a pas chantè....
      Yo moment, pèt!....
    Zo moi trop mauvais;
  Malgré moi, ben content, ben sage,
  Pas zottè, Zizi, li volage,
    Zozo n'a pas chantè!....
      Yo moment pèt,
  Sont moi trop mauvais.

  Zizi, pas save aimer,
      Ayant charmé,
  Çà tout ça li scave,
  Coeur moi tant désiré,
        Tant soupiré
      Li sont déchiré,
  Moi vinit plat comme youm casave,
  Moi semblè un viel pauvre esclave;
      Zizi pas save aimer,
          Ayant charmé,
        Li tout déchiré.

  Premier jour, moi voi li
      Ça moi sentir
  Parlé petit'chose,
      Premier jour moi voir ly
          Ça moi sentir
        Yous trop grand plaisir;
  Couler lis et couler la rose,
  Si moi fou, ça li qui la cause,
      Ly dit: ay l'air ben doux;
          Mais coeur cailloux
        Li cache là-zous.




DESTINÉE

DE LA FEMME COQUETTE.


    Air: _Tôt tôt tôt, battez chaud, etc._

  La jeune Elvire à quatorze ans,
  Livrée à des goûts innocents,
  Voit, sans en deviner l'usage,
  Éclore ses charmes naissants;
  Mais l'amour, effleurant ses sens,
  Lui dérobe un premier hommage:
              Un soupir
              Vient d'ouvrir
              Au plaisir
              Le passage,
  Un songe a percé le nuage.

  Lindor, épris de sa beauté,
  Se déclare: il est écouté:
  D'un songe, d'une vive image,
  Lindor est la réalité.
  Le sein d'Elvire est agité,
  Le trouble a couvert son visage;
              Quel moment,
              Si l'amant
              Plus ardent
              A cet âge
  Avait hasardé davantage!

  Mais quel trouble vient la saisir
  Cet objet d'un premier désir,
  Qu'avec rougeur elle envisage,
  Est l'époux qu'on doit lui choisir.
  On les unit; dieux! quel plaisir!
  Elvire en fournit plus d'un gage;
              Les ardeurs,
              Les langueurs,
              Les fureurs,
              Tout présage
  Qu'on veut un époux sans partage.

  Dans le monde, un essaim flatteur
  Vivement agite son coeur.
  Lindor est devenu volage,
  Il a méconnu son bonheur.
  Elvire a fait choix d'un vengeur
  Qui la prévient, qui l'encourage;
              Vengez-vous,
              Il est doux,
              Quand l'époux
              Se dégage,
  Qu'un amant répare l'outrage.

  Voilà l'outrage réparé,
  Son coeur n'est que plus altéré.
  Des plaisirs le fréquent usage
  Rend le désir immodéré.
  Son regard fixe et déclaré
  A tout amant tient ce langage:
              Dès ce soir,
              Si l'espoir
              De me voir
              Vous engage,
  Venez, je reçois votre hommage.

  Elle épuise tous les excès;
  Mais au milieu de ses succès,
  L'époux meurt, et pour héritage
  Laisse des dettes, des procès.
  Un vieux traitant demande accès,
  L'or accompagne son message:
              Un coup d'oeil
              Est l'écueil
              Où l'orgueil
              Fait naufrage;
  Un écrin couronne l'ouvrage.

  Dans ces laborieux passe-temps,
  Elvire a passé son printemps:
  La coquette d'un certain âge
  N'a plus d'ami, n'a plus d'amants.
  En vain de quelques jeunes gens
  Elle ébauche l'apprentissage;
              Tout est dit,
              L'amour fuit
              On en rit,
              Quel dommage!
  Mais Elvire enfin devient sage.




LES GANTS.


    Air: _Du petit Matelot_.

  L'hiver, mes amis, sera rude,
  Et de pester j'aurai le droit;
  Car ma singulière habitude
  Va me reprendre avec le froid.
  J'ai beau m'en faire le reproche,
  Même sottise tous les ans;
  Pour avoir chaud, c'est dans ma poche
  Que j'ai toujours porté mes gants.

  Pourtant la lecture rend sage;
  J'ai beaucoup lu, sans vanité.
  Ganter ses mains est un usage
  Consacré par l'antiquité.
  Nos paladins à l'humeur fière,
  Que faisaient-ils au bon vieux temps,
  Pour rendre plus chaude une affaire,
  Au nez ils se jetaient leurs gants.

  Assez souvent un homme en place,
  De tous les vices suit la loi;
  Est-ce en lui faisant la grimace
  Que nous obtiendrons un emploi?
  Quoique son méchant caractère
  Agite et révolte nos sens;
  Voulons-nous gagner notre affaire?
  Pour lui parler prenons des gants.

  Au théâtre, si mon ouvrage
  Satisfait peu les assistants;
  S'il est suivi, non d'un orage,
  Mais de sourds applaudissements,
  Rendons ma honte supportable;
  Disons par tout: quel contre-temps!
  Il faisait froid, un froid du diable!
  Tout le monde avait mis des gants.

  Jeunes fillettes qu'on marie,
  Le gant blanc vous est présenté;
  A votre main, il signifie
  Innocence et fidélité.
  Faut-il qu'un seul point m'importune!
  Faut-il, au bout de quelque temps,
  Qu'à chaque doigt, sans crainte aucune,
  Vous déchiriez ainsi vos gants!

  Si, dès la première journée,
  Parfois l'époux a du souci,
  N'accusons point la destinée;
  Il n'en est pas toujours ainsi.
  Voyez celui qu'amour invite
  A cueillir rose du printemps;
  Pour peu que l'arbuste s'agite,
  Il s'écriera: j'en ai les gants.

  GRÉTRY neveu.




LE MOT ET LA CHOSE.

Adressé à une femme susceptible par d'autres femmes.


    Air: _Dans ce salon où du Poussin_.

  Avec un maintien aussi doux,
  Avec autant de modestie,
  Pourquoi tous fâcher contre nous
  A la moindre plaisanterie?
  Pour tous, un aussi mauvais lot
  Fait dire à chacun dans sa glose,
  Que vous vous offensez du mot,
  Et que vous aimez mieux la chose.

  Si tel est votre bon plaisir,
  Votre goût est vraiment louable;
  Il est toujours bon de choisir
  L'utile au lieu de l'agréable.
  Quand l'hymen sera votre lot,
  Je vois que votre seule clause
  Sera de tous priver du mot,
  Et d'aimer plus souvent la chose.

  Ne disputons plus désormais,
  Chacun a son goût dans ce monde;
  Qu'il soit bon, ou qu'il soit mauvais,
  C'est bien à tort que l'on en gronde.
  Mais pour rétablir au plutôt
  Une paix que je vous propose,
  De grace, laissez-nous le mot,
  Nous vous abandonnons la chose.

  F. D.




COUPLET

Adressé avec une rose à Mademoiselle ***.


    Air: _J'ai vu par-tout dans mes voyages_.

  De toutes parts on se dispose
  A vous fêter, à vous fleurir;
  L'amour m'a fourni cette rose,
  Permettez-moi de vous l'offrir.
  Une rose pour votre fête....
  L'hommage n'est point indiscret,
  Et c'est un moyen fort honnête
  De vous donner votre portrait.

  ARMAND-GOUFFÉ.




LE DEVIN.


    Air: _De la Fanfare de Saint-Cloud_.

  Je suis d'un fort bon augure,
  Approchez gens de céans;
  Je lis sur chaque figure
  Avec des yeux pénétrants.
  Plus d'une vieille commère
  Me traitera de sorcier;
  C'est ce qu'on dit d'ordinaire
  A qui sait bien son métier.

  Commençons par vous, Thérèse:
  Vous soupirez nuit et jour;
  Vous éprouvez un malaise
  Qu'on appelle mal d'amour;
  Votre maman trop cruelle
  Long-temps vous fera languir;
  Sans tarder, faites comme elle,
  Ne vous laissez pas mourir.

  Pour vous, belle Marguerite,
  Vous avez ce qu'il vous faut;
  Mais cependant au plus vite,
  Qu'un mari soit votre lot;
  Jacques, Pierre, ou Nicodême,
  Eh! n'importe qui vraiment,
  Pourvu qu'avant le carême
  Vous puissiez être maman.

  Qu'avez-vous, gros maître Blaise?
  Vous marchez d'un pas bien lourd;
  Pour voir vos pieds à votre aise,
  Comment ferez-vous un jour?
  Votre amour pour le beau sexe
  Vous menace d'un affront;
  Car un accent circonflexe
  Orne déjà votre front.

  Vous, Thomas, sans retenue,
  A chaque instant vous criez
  Que votre vin diminue;
  Quoique vous le ménagiez.
  Votre femme feint de croire
  Aux esprits, aux loups-garoux.
  Mais votre voisin Grégoire
  Est ivrogne comme vous.

  De moi, vous voulez apprendre
  Si vous vivrez dans six mois?
  A ce terme on doit vous pendre,
  Vous a-t-on dit autrefois.
  Il est certain que j'ignore
  Si dans six mois vous vivrez;
  Mais si vous vivez encore,
  Il est sûr que vous boirez.

  GRÉTRY neveu.




LES AINÉS ET LES CADETS.


    Air: _Du ballet des Pierrots_.

  Le plus heureux en toutes choses
  Est celui qui vient le premier.
  Le premier venu prend les roses,
  Et l'épine reste au dernier.
  Il en est ainsi chez Thalie,
  Trop tard, hélas! nous sommes nés;
  Il nous faut glaner pour la vie,
  La moisson fut pour nos aînés.

  L'Hymen de l'Amour est le frère,
  Mais l'Amour naquit le premier;
  Et dans les jardins de Cythère
  L'Hymen ne vint que le dernier.
  Tous deux ont part à l'héritage,
  Mais l'Hymen, souvent chagriné,
  N'a que les fruits pour son partage,
  Les fleurs sont toujours pour l'aîné.

  On sait assez que la nature
  Donne encore un frère à l'Amour:
  C'est l'Amour-propre; et l'on assure
  Qu'avant l'autre il reçut le jour.
  A perdre, en naissant, la lumière,
  Le jeune Amour fut condamné;
  Aussi le voit-on sur la terre,
  Souvent conduit par son aîné.

  DUPATY.




LE TOMBEAU DE CÉCILE.


    Air: _C'est à mon maître en l'art de plaire_.

  Tout reposait dans la nature,
  Phoebée seule éclairait les cieux,
  Et sa lumière douce et pure
  Répandait le calme en tous lieux;
  Le berger, près de sa compagne,
  Du sommeil goûtait la douceur;
  Victor, parcourant la campagne,
  Veillait seul avec sa douleur.

  Victor, au printemps de son âge,
  Avait connu les coups du sort;
  Le tendre objet de son hommage
  Dormait dans les bras de la mort.
  Prêt à fixer sa destinée,
  Victor voyait combler ses voeux;
  Et le flambeau de l'hyménée
  S'allume et s'éteint à ses yeux.

  Chaque nuit, cet amant fidèle,
  Le coeur navré, versant des pleurs,
  Au pied du tombeau de sa belle,
  A veiller trouvait des douceurs.
  Placé dans un champêtre asile,
  Et loin des regards curieux,
  Ce tombeau renfermait Cécile,
  Où Victor eût-il été mieux?

  C'est là, disait-il, que repose
  Celle que m'accordait l'amour;
  Semblable à la naissante rose,
  Son éclat n'a duré qu'un jour!
  Cécile était faite pour plaire,
  L'amour la forma de ses traits;
  Hélas! faut-il donc que la terre
  Ensevelisse tant d'attraits?

  Son front, trône de l'innocence,
  Brillait d'une aimable pudeur;
  Les vains plaisirs de l'inconstance
  N'avaient point corrompu son coeur;
  Ses yeux, où se peignait son ame,
  Ne s'ouvraient que pour mon bonheur;
  Ses yeux, où j'allumais ma flamme,
  Sont fermés même à ma douleur.

  Ombre chère, tendre victime,
  Accours, vient recevoir ma foi;
  Sors du froid cercueil qui t'opprime
  Pour voltiger autour de moi.
  Que de l'hymen la chaîne heureuse,
  Malgré la mort, double nos feux;
  Et que la tombe moins affreuse
  Se ferme ensuite sur tous deux.

  Peut-être tu me dis, Cécile:
  Faible ami, pourquoi, quand la mort
  Ouvrit pour moi ce triste asile
  N'as-tu pas partagé mon sort?
  Oui, ton amant voit la lumière,
  Au trépas il n'eut pas recours;
  Mais sa peine est bien plus amère,
  Il vit pour mourir tous les jours.

  Adieu, tombeau de ma maîtresse,
  Toi que j'arrose de mes pleurs!
  Puissent ces marques de tristesse
  Sur toi faire éclore des fleurs!
  Alors Victor, d'un pas tranquille,
  Mais le désespoir dans le sein,
  Quittait la tombe de Cécile,
  Pour la revoir le lendemain.

  GRÉTRY neveu.




LA BOUCHE.


    Air: _Du vaudeville de Cassandre Agamemnon_.

  Il faut convenir que les cieux
  Ont fait pour nous bien des merveilles;
  Les cieux nous ont donné des yeux,
  Des mains, des pieds et des oreilles....
  Sans doute, ici, vous devinez
  Pourquoi je tousse et je me mouche?
  C'est qu'avant de parler du nez,
  Je veux commencer par la bouche.

  On a vu des aveugles nés,
  Chantant gaîment leurs chansonnettes;
  On peut bien se passer d'un nez,
  Lorsqu'on sait lire sans lunette.
  On brave les bruits les plus fous
  Lorsqu'on est sourd comme une souche....
  Mais, ventrebleu! que diriez-vous
  Si vous n'aviez pas une bouche?

  De comestibles succulents
  Quand notre hôte garnit sa table,
  Ortolans, merlans, éperlans
  Composent un groupe admirable:
  Mes yeux convoitent chaque mets;
  Avec plaisir ma main les touche;
  Et mon nez les respire.... mais
  Je n'en mange qu'avec ma bouche!

  L'Amour, cet espiègle marmot,
  A, je le sais, plus d'un langage.
  Par un geste, il remplace un mot;
  Souvent c'est un grand avantage:
  Sans rien dire, l'on dit beaucoup
  A la beauté la plus farouche;
  Mais le mot j'aime, qui dit tout,
  On ne le dit qu'avec la bouche.

  Ce vin dont vous vous enivrez,
  Qui vous échauffe et vous réveille,
  Peut-être vous me soutiendrez
  Que vous l'avalez par l'oreille?
  Qu'on apporte ce jus divin;
  Eh vite! qu'on le débouche!....
  Je suis sûr qu'en parlant du vin,
  L'eau déjà vous vient à la bouche.

  Sur ma bouche faut-il rester?
  Non, non; dans mon transport bachique,
  J'aime mieux vingt fois mériter
  D'être mordu par la critique.
  Jamais, messieurs, je ne m'en plains;
  Et loin que sa fureur me touche,
  C'est à coup de verres bien pleins
  Que je veux lui fermer la bouche.

  Mesdames, vous qui m'inspirez,
  En voyant ma bouche paraître,
  Dans ma bouche vous trouverez
  Mille et mille défauts peut-être.
  Combien je ferais de jaloux
  Si vous ne preniez pas la mouche,
  Et si ma bouche, parmi vous,
  Volait gaîment de bouche en bouche.

  ARMAND-GOUFFÉ.




LA VEILLE.


    Air: _Vous qui de l'amoureuse ivresse_.

  N'en puis douter, ô mon Estelle!
            C'est donc demain,
  Que pastoureau tendre et fidèle
            Reçoit ta main?
  Nuit semblera bien longue encore,
            Vais soupirer:
  Serai surpris par douce aurore
            A désirer.

  Tendres parents, vous que tant j'aime!
            Vous dis adieu;
  De fleurs, demain, viendrai moi-même
            Parer ce lieu:
  Mettrai par-tout rose nouvelle;
            Car, pour se voir,
  Ne puis donner à mon Estelle
            Plus doux miroir.

  Chacun s'éloigne, ô mon amie!
            Un seul baiser:
  Bouche d'Estelle est trop jolie
            Pour refuser.
  Premier bon soir ne peut suffire,
            Quand par amour
  Le temps approche où l'on peut dire
            Premier bon jour.

  Pourquoi ce trouble, mon Estelle?
            N'aime que toi;
  Toujours amant, époux fidèle
            Vivrai pour toi.
  Nuit est déjà bien avancée,
            Repose-toi,
  Et crois que suis par la pensée
            Bien près de toi.

  GRÉTRY neveu.




L'AIR.

CHANSON LÉGÈRE.


    Air: _Du ballet des Pierrots_.

  A l'exemple du bon Horace,
  Si je veux faire une chanson,
  Ce n'est pas l'air qui m'embarrasse,
  Bacchus vient me donner le ton.
  Presque toujours ma voix ingrate
  Le prend trop bas, ou bien trop clair;
  Mais, pour cette fois, je me flatte
  De chanter des couplets sur l'air.

  Travailler est notre habitude;
  Sans le travail, adieu nos jours;
  Le besoin et l'inquiétude
  Viendront en abréger le cours.
  Aussi, j'ai la preuve certaine
  Que l'on jouirait plus long-temps,
  Et que l'on prendrait moins de peine
  Si l'on vivait de l'air du temps.

  Jugeant du ton par la dépense,
  Dans un repas de cent couverts,
  Voyez avec quelle insolence
  Mondor se donne de grands airs:
  Oui; mais dans sa métamorphose,
  Quand Mondor, avec tout son bien,
  Veut avoir l'air de quelque chose,
  Hélas! il n'a plus l'air de rien.

  Lise a seize ans, Lise est jolie
  Avec son air embarrassé;
  Jusqu'à présent, par modestie,
  Elle marcha le nez baissé.
  Depuis que sa mère lui nomme
  L'époux qui viendra cet hiver,
  Dès qu'elle voit le nez d'un homme,
  La friponne a le nez en l'air.

  De mes couplets sans conséquence
  Jamais je ne me montre fier;
  Mais je suis, dans cette occurrence,
  Tout gonflé d'avoir chanté l'air.
  Vous dont je brigue la conquête,
  Belles, convenez sans façon,
  Que désormais si j'ai l'air bête,
  J'en aurai l'air et la chanson.

  BRAZIER fils.




LES YEUX.


    Air: _J'étais bon chasseur autrefois_.

  Que les yeux sont bien inventés!
  Comme ils parent bien un visage!
  Qu'ils procurent de voluptés
  Lorsque l'on en peut faire usage!
  Des yeux j'admire le pouvoir;
  Mais je crois qu'il est nécessaire,
  Quand on fait tant que d'en avoir,
  D'en avoir au moins une paire.

  C'est sur-tout dans un bon repas
  Qu'avec les yeux on fait merveille,
  Un gourmand qui n'y verrait pas,
  Pourrait mettre dans son oreille.
  Le convive laborieux
  Doit savoir, quand il n'est pas louche,
  Dévorer tout avec ses yeux,
  S'il ne met pas tout dans sa bouche.

  Au théâtre, où l'on va souvent
  Pour voir avec un oeil sévère,
  On a presque l'air d'un savant
  Quand on porte des yeux de verre;
  Mais en dépit de ce moyen,
  Soit par erreur ou maladresse,
  Dans mainte salle on ne voit rien,
  Et quelquefois rien dans la pièce.

  Les yeux sur la terre fixés
  Sont ceux de l'homme qui médite;
  Les yeux toujours embarrassés,
  Le fripon lorgne et tous évite;
  La coquette a les yeux malins,
  Avec la tournure agaçante;
  Mais il faut des yeux un peu fins
  Pour trouver ceux d'une innocente.

  Sans les yeux, verrait-on le jour?
  Sans les yeux, verrait-on les femmes?
  Sans les yeux, ferait-on l'amour?
  Pourrait-on lire dans les ames?
  Sans les yeux, verrait-on les cieux,
  Les fleurs, la lune, les planettes?
  Si l'homme n'avait pas des yeux,
  A quoi serviraient les lunettes?

  Quand on n'a des yeux que pour soi,
  La vue est un faible avantage;
  Avec les yeux purs de la foi
  On est heureux en mariage.
  Sur les yeux j'ai fait ma chanson
  Avec les yeux de l'espérance,
  Et peut-être la lira-t-on
  Avec les yeux de l'indulgence.

  ANTIGNAC.




ÉPITAPHE.


    Air: _Nous sommes précepteurs d'amour_.

  Exact plus qu'on ne peut penser,
  Ci-gît le docteur la Balue:
  Il est mort exprès pour passer
  Tous ses malades en revue.

  GRÉTRY neveu.




UNE CARESSE.


    Air: _Avez-vous sous le même toit_.

  Pour animer le sentiment,
  Rien n'est plus sur qu'une caresse:
  Douce caresse est un aimant
  Pour l'amitié, pour la tendresse.
  Dans l'enfance et dans l'âge mûr,
  Même jusque dans la vieillesse,
  Si le coeur goûte un plaisir pur,
  Il est l'effet d'une caresse.

  Les frères caressent leurs soeurs,
  La fille caresse sa mère,
  Le zéphir caresse les fleurs,
  Dorilas caresse Glicère.
  Voyez les ramiers dans les bois
  S'aimer, se caresser sans cesse:
  Par-tout l'amour dicte ses lois;
  Dans l'univers tout se caresse.

  Quelquefois des soupçons jaloux
  Troublent la paix d'un bon ménage,
  Et l'on voit entre deux époux
  S'élever un sombre nuage:
  L'orage, avant la fin du jour,
  Est dissipé par la tendresse;
  Et la colère de l'amour
  S'apaise par une caresse.

  Dans nos plaisirs, dans nos amours,
  D'Anacréon suivons les traces;
  Comme lui, caressons toujours
  Bacchus, les Muses et les Graces:
  Du temps qui fuit sachons jouir;
  Bonheur d'aimer passe richesse:
  Jusqu'à notre dernier soupir,
  Rendons caresse pour caresse.

  FAVART.




A AGLAURE.


    Air: _Un soir dans la forêt prochaine_.

  Sous la fenêtre de sa belle
  Un jeune amant contait ses maux;
  Sa plainte attendrit les échos,
  Mais n'attendrit point l'infidelle.
  Le désespoir au fond du coeur,
  Sur un luth dont sa main craintive
  Fait gémir la corde plaintive,
  Il soupire ainsi sa douleur:

  «Beauté, de mon coeur souveraine,
  «Apporte un terme à mes tourments;
  «Est-ce à mon âge, est-ce à vingt ans
  «Qu'on devrait connaître la peine?
  «Eh quoi! me faut-il sans retour
  «Fermer mon coeur à l'espérance?
  «Et sans qu'il s'ouvre à la souffrance,
  «Ne peut-il s'ouvrir à l'amour?

  «Objet de ma constante flamme,
  «Je t'ai dû mon premier désir;
  «Je t'ai dû le premier soupir
  «Qui soit échappé de mon ame;
  «Par un sentiment de plaisir,
  «Quand j'ai commencé ma carrière,
  «Faut-il qu'un sentiment contraire
  «Vienne si vite la finir?

  «Tu reposes, et moi je veille!
  «Si du moins un songe amoureux,
  «Interprète de tous mes voeux,
  «Les murmurait à ton oreille!
  «Il te dirait qu'un même jour
  «Je vis, j'adorais mon Aglaure,
  «Et qu'un même jour doit encore
  «Finir ma vie et mon amour.»

  C'était ainsi que sur sa lyre
  Il contait sa peine aux échos,
  Quand le confident de ses maux,
  L'écho cessa de les redire.
  Soit qu'il fit des voeux superflus,
  Soit qu'il eût touché l'infidelle,
  Sous la fenêtre de sa belle
  Le jeune amant ne chanta plus.

  M. A. M.




LE JE NE SAIS QUOI.


    Air: _Avec les jeux dans le village_.

  Un jour je rêvais qu'à Cythère
  Le dieu du goût donnait un thé;
  Il voulait fêter l'art de plaire,
  Qu'il chérit plus que la beauté.
  Il dit: «Ceux qui voudront des places,
  «Montreront, pour entrer chez moi,
  «De l'esprit, du goût et des graces,
  «Le séduisant je ne sais quoi!»

  N'osant pénétrer dans le temple,
  A la porte je cherche un coin;
  Comme un amant, là, je contemple
  Toutes les nymphes avec soin.
  Minois charmants, tailles divines,
  Que d'aimables choses je voi!
  Des pieds mignons, des jambes fines,
  M'inspirent le je ne sais quoi!

  Je vis monter au péristyle
  Boufflers, Ovide, Anacréon,
  Delille, et son ami Virgile,
  Bernis, Pannard, Chaulieu, Piron;
  Et ce dieu, les voyant paraître,
  Leur dit: «Amis, entrez chez moi;
  «Vos vers charmants ont fait connaître
  «De l'esprit le je ne sais quoi!»

  En ce moment entre une file
  D'acteurs que Molière conduit;
  Le dieu du goût voyant Préville,
  En lui serrant la main, lui dit:
  «Imitateur inimitable,
  «Quel plaisir j'ai quand je vous voi!
  «Vous avez, du talent aimable,
  «Trouvé le vrai je ne sais quoi!»

  Entre l'Amour et la Folie,
  J'aperçois un objet charmant,
  Je reconnais mon Aspasie;
  Le plaisir m'éveille à l'instant.
  Que n'a-t-il duré ce mensonge!
  J'éprouvais un si doux émoi,
  Que j'aurais vu, peut-être en songe,
  De la belle je ne sais quoi!

  P. B.




LA RÉSISTANCE,

OU LE SECRET DES FEMMES.


    Air: _Ah! quelle gêne et quel tourment_. (Opéra de Pierre-le-Grand.)

  Oui, je me livre au désespoir,
  Disait certain amant novice,
  «Églé, je ne veux plus te voir;
  «Car tes charmes font mon supplice!--
  «Si je te refuse un baiser,»
  Répond elle avec innocence,
  «Mes yeux toujours t'ont dit d'oser
  «Triompher de ma résistance.--      (_bis._)

  «Pour me rendre plus amoureux,
  «Tu m'agaces par un sourire:
  «Si nous ne sommes que tous deux,
  «Tu n'as jamais rien à me dire.--
  «Des femmes voilà le secret,
  «Dit-elle, contre l'inconstance;
  «Mais nous n'employons qu'à regret
  «L'appareil de la résistance.       (_bis._)

  «La nature, égale pour tous,
  «Nous partagea bien ses données;
  «Les femmes, plus faibles que vous,
  «Doivent être les plus rusées.
  «Si chacune garde pour soi
  «Les ruses de la résistance,
  «C'est pour mieux enfreindre la loi
  «Qui la réduit à l'abstinence.      (_bis._)

  «Lorsque sous des verrous dorés
  «Un turc élève notre enfance,
  «Nos coeurs alors sont dispensés
  «Des charmes de la résistance.
  «Du tyran de notre bonheur,
  «Comme des bons maris de France,
  «L'amour faisant brèche à l'honneur,
  «Nous guérit de la continence.      (_bis._)

  «Moins esclaves dans ce climat,
  «Il faut que la pudeur nous guide;
  «Pour bien garder le célibat,
  «La résistance est notre égide.
  «Car par-tout les hommes sont rois,
  «Et nous sommes sous leur puissance;
  «En l'enfreignant, ils ont des droits
  «De nous réduire à l'abstinence.»

  Avant, tout comme après l'hymen,
  Le plus doux charme de la vie,
  C'est quand l'amour donne la main
  A quelque tour de tricherie:
  L'homme doit être l'agresseur;
  La femme, toujours par prudence,
  En cédant doit couvrir l'honneur
  Du voile de la résistance.          (_bis._)




LA SUITE DU SECRET,

OU DE L'HYMEN.


    Air: _Femmes, voulez-vous éprouver_.

  Victimes d'une douce erreur,
  Si nous en faisons un mystère;
  Quand vous attaquez notre coeur,
  Alors nous avons l'art de plaire.
  Avons-nous comblé vos désirs,
  Le dégoût suit la jouissance:
  Quand vous variez vos plaisirs,
  Nous imitons votre inconstance.     (_bis._)

  Notre amant, avant d'être époux,
  Était un mortel adorable!
  Mais l'hymen l'a rendu jaloux,
  Avare, ivrogne, impitoyable.
  Nous étions l'objet le plus beau;
  Les dieux auraient voulu nous plaire:
  L'amour a changé son flambeau
  Pour une torche funéraire.          (_bis._)

  Pour bien juger ce différent,
  Il faut être célibataire;
  Il faut être Français galant,
  Et sentir le besoin de plaire.
  Pendant l'absence de l'époux,
  On se dit, sans lui faire injure:
  Vos femmes valent mieux vous,
  Et je rends grace à la nature.      (_bis._)




RONDES

FAITES A MONTLUÇON,

CHARMANTE VILLE DU BOURBONNAIS. (EN 1807)


Une cause assez célèbre, que je me propose de publier bientôt, me
força d'aller à Montluçon plaider moi-même contre une femme riche, que
sa famille, ses alliés et ses gendres faisaient passer pour folle, à
l'époque où elle fit des billets d'un tiers de moins que la somme
qu'elle devait. Le tribunal et les habitants de Montluçon
m'accueillirent avec bonté: ma réputation de chanteur, à Paris,
m'avait devancé dans cette ville, qui mérite un rang distingué dans
les fastes de l'empire français. Pendant la terreur, Montluçon ne fut
troublé par aucune sédition; on n'y versa jamais une goutte de sang;
personne n'y fut dénoncé, malgré que cette petite cité renfermât plus
de nobles qu'aucune autre ville. Elle se chargea elle seule du
maintien de sa police, et répondit avec fermeté de ses concitoyens aux
autres communes qui voulaient s'immiscer dans son gouvernement.

Ces prérogatives m'inspirèrent autant de vénération pour les
Montluçonnais, que de confiance dans les lumières et l'intégrité des
magistrats de leur ville. Pendant que j'attendais l'issue de mon
procès, des comédiens de village, qui n'avaient ni bas ni souliers,
arrivent à Montluçon, et annoncent une représentation pour restaurer
leur caisse et leur estomac. Le théâtre, le plaisir, la table, le jeu
et les vierges, sont fêtés dans ce pays, peuplé de riches
propriétaires qui mangent leur fortune sans souci, sans ambition, et
sans rixe. La troupe ambulante était aussi pitoyable que comique par
son nombre et son équipée: elle était composée d'un secrétaire avec
ses deux enfants, d'une amoureuse de coulisse, et de trois personnages
pour jouer la comédie: cependant la première représentation de la
Jeune Hôtesse remonta les finances, et l'aubergiste de l'Écu, où je
logeais, leur fit crédit et bonne mine. Nous soupâmes à la même table
d'hôte.... Au dessert on parla de donner pour la clôture une seconde
représentation; chacun des convives calcula la recette: le directeur,
inquiet, répondit que s'il faisait deux cents livres dimanche il
aurait ville gagnée.... Je lui en fis bon, et, d'un commun accord, je
devins directeur, plaideur, et chanteur. Le lendemain dimanche, car
nous étions au samedi, je fis annoncer la Banqueroute du Savetier, le
Ventriloque, et un vaudeville sur les habitants de Montluçon; le
succès répondit à l'attente: puisse cet impromptu avoir le même
avantage à vos yeux!


    Air: _Du vaudeville du Chaudronnier de St.-Flour_.

  Au milieu d'un riant vallon,
      Près d'un coteau fertile,
  On voit un joli petit mont,
      D'où s'élève une ville.
    Vos bons aïeux, sans façon,
    La nommèrent Montluçon.
      Dans ce charmant asile,
  Caton, Ovide, Anacréon,
      Contents d'un sort tranquille,
      Trinquent à l'unisson.      (_bis._)

  (_Ritournelle générale, en choeur_.)

      Des beaux jours de la France,
  Veut-on retrouver l'horizon?
      Le plaisir en cadence
      Ramène à Montluçon.      (_bis._)

  Qu'on nomme bien cette cité
      Vrai pays de Cocagne.
  Car on y sable en liberté
      Le Pouilly, le Champagne.
    Momus, Bacchus et l'Amour
    Y président tour à tour.
      Dans ce charmant asile,
  Caton, Ovide, Anacréon,
      Contents d'un sort tranquille,
      Trinquent à l'unisson.      (_bis_.)

  (_Refrain général, en choeur_.)

      Des beaux jours de la France,
  Veut-on retrouver l'horizon, etc.

On ne trouve à Montluçon ni libraire, ni bibliothèque, ni cabinet de
lecture: tous les habitants lisent la gazette, fêtent la table; les
dames vont à l'église et à la comédie, et tous ont un esprit naturel
et une amabilité sociable et aussi usagée que celle des érudits; le
bon coeur fait dans ce pays le meilleur et le plus savant livre
d'éducation.

  L'encyclopédie en ces lieux,
      Sans charger la mémoire,
  Vient de Beaune ou de Condrieux,
      Adressée à Grégoire;
    Momus, Bacchus et l'Amour,
    La rédigent tour à tour.
      Dans ce charmant asile, etc.
      Des beaux jours de la France, etc.

On voit peu de pays plus galant et plus dévot que cette petite ville;
une douzaine de jolies quêteuses parcourent les rues tous les
dimanches, et vont rendre visite à tous les hôtels, tenant la bourse
paroissiale des pauvres de l'Église, de la chapelle ardente de la
Vierge, etc. Tous les dimanches, chaque fille offre une bougie à la
Sainte Vierge; et toute l'année, l'Église du lieu est illuminée, comme
les nôtres, le jour de la Chandeleur.

  C'est ici qu'on voit défiler
      Un bataillon de vierge,
  Puisque chacune y fait brûler
      Chaque dimanche un cierge;
    Voilà l'innocent détour,
    Pour sanctifier l'amour.
      Dans ce charmant asile, etc.
      Des beaux jours de la France, etc.

  Dans le long siècle de terreur
      Où régnait la discorde,
  C'est ici qu'on eut le bonheur
      De fixer la concorde;
    Vos actes de probité
    Valent l'immortalité.
      Dans ce charmant asile,
  Caton, Ovide, Anacréon,
      Contents d'un sort tranquille,
      Trinquent à l'unisson.
      Des beaux jours de la France,
  Veut-on retrouver l'horizon,
      Le plaisir en cadence
      Ramène à Montluçon.      (_bis._)

Huit jours après, mes débiteurs vinrent à l'audience; la cause fut
remise jusqu'au mois d'août. Ce vaudeville fut répété, et le soir nous
dansâmes ensemble au refrain en attendant le revoir.

Je retournai à Montluçon au mois d'août suivant. On me demanda des
couplets pour le 15, jour de la fête de Napoléon. Pendant que je les
faisais, mes débiteurs vinrent consigner des fonds et me forcer de
prendre une somme que deux mois auparavant ils ne voulaient pas me
payer pour un empire.


    Air: _Vive Henri Quatre_.

      Vive la gloire,
  Vive Napoléon!
      Paix et victoire
  Ont couronné son nom:
      Vive la gloire,
  Vive Napoléon!

      A coups de verre
  Cognons une chanson;
      Pour la mieux faire,
  Cognez, de son flacon,
      Remplit mon verre,
  Et chante à l'unisson,

      Vive la gloire, etc.

      A coups de verre,
  On fait à Montluçon
      La paix, la guerre,
  L'amour et l'oraison.
      Les dieux sur terre
  Choisiraient ce vallon.

      Vive la gloire, etc.

      O paix chérie!
  Ce lieu fut ton berceau,
      Quand l'anarchie
  Mit la France au tombeau:
      O paix chérie!
  Ce lieu fut ton berceau.

      Vive la gloire,
  Vive Napoléon!
      Paix et victoire
  Ont couronné son nom:
      Vive la gloire,
  Vive Napoléon!




  TABLE

  DU CHANTEUR PARISIEN,

  DE L. A. PITOU,


  _Le Préjugé vaincu._                         page 1

  _Les Mandats de Cythère._                         2

  _Les Patentes._                                   5

  _Les Contradictions._                             8

  _Les Collets noirs._                             10

  _Le Père Hilarion._                              13

  _La Charente._                                   16

  _Les Lunettes et la nouvelle Béquille._          18

  _Le Coup du Loup._                               20

  _Les Incroyables, les Inconcevables et les
  Merveilleuses._                                  22

  _Regrets de David à la mort de Bethsabé.
  (Anonyme.)_                                      28

  _Le Déporté dans la Guyane. (L. A. Pitou.)_      29

  _Le Tombeau d'Ismène. (Idem.)_                   32

  _Mes Loisirs durant mon exil. (Idem.)_           34


  DES AUTEURS ANCIENS,

  _La Toilette trop recherchée, Conte._            38

  _Sur un Rendez-vous._                            39

  _Mes quatre Ages._                               40

  _La bonne Amitié née de l'Amour._                41

  _La Lanterne magique._                           42

  _L'Ami de tout le monde._                        46

  _Que deviendrait le Monde?_                      47

  _L'Empire._                                      49

  _L'Amant présomptueux._                          51

  _Romance de madame de la Vallière. (L. A. P.)_   52

  _Le Trictrac._                                   54

  _Voilà comme ils sont tous._                     56

  _Le Vieillard Jeune-Homme._                      57

  _Le Jeune-Homme Vieillard, par un Avocat de
  Moulins en Bourbonnais._                         58

  _Chanson Créole._                                59

  _Destinée de la Femme coquette. (Anonyme.)_      61

  _Les Gants. (Grétry neveu.)_                     64

  _Le Mot et la Chose. (F. D.)_                    66

  _Couplet, joint à une Rose. (Armand-Gouffé.)_    67

  _Le Devin. (Grétry neveu.)_                      68

  _Les Aînés et les Cadets. (Dupaty.)_             70

  _Le Tombeau de Cécile. (Grétry neveu.)_          71

  _La Bouche. (Armand-Gouffé.)_                    73

  _La Veille. (Grétry neveu.)_                     76

  _L'air. (Brazier fils.)_                         77

  _Les Yeux. (Antignac.)_                          79

  _Épitaphe. (Grétry neveu.)_                      81

  _Une Caresse. (Favart.)_                      ibid.

  _A Aglaure. (M. A. M.)_                          83

  _Le Je ne sais quoi! (P. B.)_                    84

  _La Résistance, ou le Secret des Femmes. (L. A.
  Pitou.)_                                         86

  _La suite du Secret. (L. A. Pitou.)_             88

  _Notice sur le caractère des Habitants de Montluçon.
  Le Chanteur devenu Directeur de
  comédie, etc. (L. A. Pitou.)_                    89

  _Rondes faites à Montluçon. (L.A. Pitou.)_       91


  Fin de la Table du Chansonnier Parisien.




  ALMANACH-TABLETTES

  OU

  CALENDRIER ÉPHÉMÉRIDE

  POUR L'ANNÉE 1808;

  Contenant les grands Évènements qui se sont succédés
  depuis 1787 jusqu'à 1808, chaque fait classé par
  ordre de date et de jour.

  PAR LOUIS-ANGE PITOU,
  dit _le Chanteur_, auteur du Voyage à Cayenne.

    Jadis j'ai vendu des chansons
    et d'excellentes aventures.


         *       *       *       *       *

  PRIX

  L'Almanach, ou le Chansonnier.        1 fr. chacun.

  Les deux réunis.                      1 fr. 80 c.

  PARIS,

  Chez L. A. PITOU, libraire, rue Croix-des-Petits-Champs
  nº. 21, près celle du Bouloy.

         *       *       *       *       *

  DE L'IMPRIMERIE DES FRÈRES MAME,
  rue du Pot-de-Fer, nº. 14.

  1808.






End of Project Gutenberg's Le chanteur parisien, by Louis-Ange Pitou

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE CHANTEUR PARISIEN ***

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