Chroniques de J. Froissart, tome 04/13

By Jean Froissart

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 04/13

Annotator: Siméon Luce

Author: Jean Froissart

Release date: April 22, 2024 [eBook #73443]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))


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    CHRONIQUES

    DE

    J. FROISSART




    9924.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
    Rue de Fleurus, 9




    CHRONIQUES

    DE

    J. FROISSART

    PUBLIÉES POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE

    PAR SIMÉON LUCE

    TOME QUATRIÈME

    1346-1356

    (DEPUIS LE SIÉGE DE CALAIS JUSQU’À LA PRISE DE BRETEUIL ET AUX
    PRÉLIMINAIRES DE LA BATAILLE DE POITIERS)

    [Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

    A PARIS
    CHEZ Mme Ve JULES RENOUARD
    LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
    RUE DE TOURNON, Nº 6

    M DCCC LXXIII

    Nº 164.




EXTRAIT DU RÈGLEMENT.


ART. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit
les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la
publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable
chargé d’en surveiller l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans
l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration
du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter
d’être publié.


_Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome IV de
l’Édition des_ CHRONIQUES DE J. FROISSART, _préparée par_ M. SIMÉON
LUCE, _lui a paru digne d’être publié par la_ SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE
FRANCE.

    _Fait à Paris, le 7 novembre 1872._

    _Signé_: L. DELISLE.

    _Certifié_,

    Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,

    J. DESNOYERS.




SOMMAIRE




CHAPITRE LXI.

  INVESTISSEMENT ET SIÉGE DE CALAIS; PREMIÈRE PÉRIODE: DU 3 AOÛT A LA
  FIN DE DÉCEMBRE 1346[1] (§§ 288 à 291).

      [1] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXIII et LXXIV,
      p. 95 à 103.


Édouard III investit Calais[2], dont la garnison, composée surtout
de chevaliers de l’Artois, a pour capitaine Jean de Vienne, d’une
famille de Bourgogne[3]. Entre les remparts, la rivière[4] et le pont
de Nieuley[5], le roi anglais fait construire une véritable ville
pour y loger son armée. Le plan des assiégeants est d’affamer cette
place qu’ils n’espèrent point prendre d’assaut. Jean de Vienne, de
son côté, donne l’ordre de sortir à tous ceux des habitants de Calais
qui ne sont point suffisamment approvisionnés pour un long siége; le
roi d’Angleterre laisse passer généreusement ces malheureux à travers
son armée après les avoir fait manger et leur avoir distribué quelque
argent. P. 1 à 3, 201 à 205.

      [2] D’après Michel de Northburgh, chapelain et confesseur
      d’Édouard III, qui accompagnait ce prince dans l’expédition de
      1346, les Anglais arrivèrent devant Calais le 2 septembre 1346.
      (_Hist. Ed. III_, par Robert de Avesbury, p. 140 et 141.) Ainsi
      le roi d’Angleterre mit le siége devant cette place forte une
      semaine seulement après sa victoire de Crécy. On nous permettra
      de citer ici une pièce d’une importance capitale, relative à
      l’incident le plus décisif de cette dernière bataille, que nous
      avons connue postérieurement à la publication du troisième volume
      de notre édition. En novembre 1375, des lettres de rémission
      furent octroyées à Pierre Coquet, âgé de cinquante ans, de
      l’Étoile (Somme, arr. Amiens, c. Picquigny), «_du fait de la mort
      des Geneuoiz_ et autres estrangiers qui, après la desordenance
      qui fu sur la rivière de Somme quant Edwart d’Angleterre nostre
      adversaire et ses alliez passèrent la Blanche Tache, et au retour
      du conflict de la bataille de Crecy, _trente ans a_ ou environ,
      avint _en plusieurs lieux_ ou pais de Picardie, POUR CE QUE
      RENOMMÉE ET VOIX PUBLIQUE COUROIT QUE YCEULX GENEUOIS ET
      ESTRANGIERS AVOIENT TRAY LE ROY PHELIPPE NOSTRE AYEUL, que
      Dieu absoille, nostre dit ayeul fesist dès lors general remission
      et abolicion.... de ce que ou temps dessus dit _ot aucuns des diz
      Geneuoys ou autres estrangiers occis, en la ville de l’Estoille
      sur la dite rivière de Somme, à une lieue de Lonc en Pontieu
      ou environ où il demouroit et encore demoure, par les habitanz
      d’icelle_. (Arch. nat., sect. hist., JJ107, fº 150, p. 310.)

      [3] D’après la plupart des manuscrits de Froissart, Jean de
      Vienne aurait appartenu à une famille de Champagne; mais c’est
      une erreur: le défenseur de Calais descendait d’une des plus
      illustres familles de Bourgogne. Jean de Vienne, de la branche
      des seigneurs de Pagny et de Seignelay, l’un des quatre fils de
      Jean de Vienne et de Jeanne de Genève, seigneur de Pollans et de
      Rothelanges, reçut le 14 novembre 1338 une pension sur le trésor
      royal de cent livres portée à trois cents le 17 septembre 1340 et
      à six cents en 1348; il mourut à Paris le 4 août 1361 (Anselme,
      _hist. généal._, t. VII, p. 806). Il faut bien se garder de
      confondre le héros du siége de Calais avec Jean de Vienne, amiral
      de France sous Charles V, de la branche des seigneurs de Rollans,
      de Clairvaux et de Listenois.

      [4] Il s’agit sans doute ici de la rivière de Hem qui passe à
      Guines et vient se jeter dans la mer à Calais.

      [5] Le pont de Nieuley se trouvait près de remplacement qu’occupe
      aujourd’hui le fort de Nieuley, au sud-ouest de Calais, dans le
      voisinage de la _basse ville_, du côté de Sangatte; il était jeté
      sur la rivière de Hem.

Sur ces entrefaites, Philippe de Bourgogne[6] meurt d’une chute de
cheval au siége devant Aiguillon, que Jean, duc de Normandie, lève par
l’ordre de son père, à la suite du désastre de Crécy. Le capitaine de
la garnison d’Aiguillon, Gautier de Mauny, en harcelant la retraite
des Français, fait prisonnier un des chevaliers de l’entourage du duc
de Normandie nommé Grimouton de Chambly[7]; informé par ce chevalier
de la victoire des Anglais à Crécy, il promet de le mettre en liberté
sans rançon, si Grimouton réussit à obtenir du duc un sauf-conduit
qui permette à Gautier de Mauny de chevaucher à travers la France
avec une escorte de vingt compagnons, pour aller rejoindre à Calais
le roi d’Angleterre, son maître. Jean accorde de très-bonne grâce le
sauf-conduit, moyennant quoi Grimouton de Chambly recouvre sa liberté;
mais au moment où Gautier de Mauny, muni de ce sauf-conduit, traverse
la France, il est arrêté à Orléans[8] et amené prisonnier à Paris par
l’ordre de Philippe de Valois qui veut le faire mettre à mort. Le
chevalier anglais doit son salut à l’intervention chaleureuse du duc
de Normandie en sa faveur; il est mis en liberté et dîne à l’hôtel
de Nesle à la table du roi, qui lui fait au départ de magnifiques
présents; Gautier les renvoie, sur l’invitation de son souverain,
aussitôt après son arrivée à Calais. P. 3 à 10, 205 à 218.

      [6] Le siége d’Aiguillon fut levé dès le 20 août (v. t. III de
      notre édition, sommaire, p. XXXII, note 2 [note 132 de l’édition
      Gutenberg]); et Philippe de Bourgogne ne mourut que le 22
      septembre 1346. Par conséquent si Grimouton de Chambly fut fait
      prisonnier avant le 26 août, il ne put donner à Gautier de Mauny
      des nouvelles de la journée de Crécy. Froissart se trompe en
      attribuant à Philippe le titre de duc de Bourgogne. Philippe,
      marié en 1338 à Jeanne, comtesse d’Auvergne et de Boulogne, était
      simplement le fils et l’héritier présomptif du duc Eudes IV qui
      ne mourut qu’en 1350.

      [7] Philippe de Chambly, dit Grismouton, était, comme le dit
      Froissart, un des favoris du duc de Normandie. Par lettres datées
      d’Arras en août 1347, Jean, duc de Normandie, céda à son amé et
      féal chevalier Philippe de Chambly, dit Grismouton, frère de son
      amé et féal Pierre de Chambly, chevalier, moyennant 1000 livres
      tournois, une rente de 100 livres sur les halles et moulins de
      Rouen achetée 1000 livres de Pierre de Chambly et donnée par
      Philippe de Valois à son fils aîné (Arch. nat., sect. hist.,
      JJ68, p. 198, fº 108).

      [8] Nous apprenons par une lettre de Derby (Robert de Avesbury,
      p. 143) qu’avant le 20 septembre des gens de la suite de
      Gautier de Mauny avaient été arrêtés, malgré leur sauf-conduit,
      à Saint-Jean-d’Angély d’où Gautier lui-même s’était sauvé à
      grand’peine avec deux compagnons.




CHAPITRE LXII.

  1346. CHEVAUCHÉE DU COMTE DE DERBY EN SAINTONGE ET EN POITOU[9]
  (§§ 292 à 294).

      [9] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXV, p. 106 à
      108.


Le comte de Derby, qui s’est tenu à Bordeaux[10] pendant le siége
d’Aiguillon par les Français, aussitôt qu’il apprend que le duc
de Normandie vient de lever ce siége, entreprend de faire une
chevauchée[11] en Saintonge et en Poitou à la tête de douze cents[12]
hommes d’armes, de deux mille archers et de trois mille piétons. P. 10
et 11, 218 et 219.

      [10] Le comte de Derby ne se tint pas à Bordeaux, au moins
      pendant le dernier mois du siége d’Aiguillon. Le 12 août 1346, il
      partit de la Réole pour Bergerac, et il reçut dans cette ville
      des messagers du duc de Normandie, qui venaient lui demander
      une trêve; il ne voulut pas l’accorder, parce qu’il venait
      d’apprendre le débarquement d’Édouard III en Normandie, et c’est
      sans doute la nouvelle de ce débarquement qui força le fils du
      roi de France à lever précipitamment le siége d’Aiguillon. Robert
      de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 141 et 142.

      [11] Le 12 septembre 1346, Derby inaugura cette chevauchée
      en Saintonge par la prise d’Aubeterre (Aubeterre-sur-Dronne,
      Charente, arr. Barbezieux) suivie de celle de
      Chateauneuf-sur-Charente (Charente, arr. Cognac). Robert de
      Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 142 et 143.

      [12] Derby dit dans sa lettre déjà citée qu’il avait seulement
      mille hommes d’armes. _Ibid._, p. 242.

Prise de _Mirabel_[13], d’Aulnay[14], de Surgères[15] et
de Benon[16];--assaut infructueux de Marans[17];--prise de
Mortagne-sur-mer[18];--assaut infructueux du château de
Lusignan[19];--prise de Taillebourg-sur-Charente[20];--arrivée des
Anglais devant Saint-Jean-d’Angély. P. 11 et 12, 219 et 220.

      [13] Peut-être Mirambeau (Charente-Inférieure, arr. Jonzac).
      D’après Jean le Bel, dont Froissart reproduit ici la
      narration, en intervertissant l’ordre des faits d’une manière
      très-malheureuse, Derby prit successivement Taillebourg,
      Surgères, Aulnay, Saint-Jean-d’Angély, Niort, Saint-Maixent,
      Lusignan, Vivonne, Montreuil-Bonnin, Poitiers.

      [14] Aujourd’hui Aulnay-de-Saintonge, Charente-Inférieure,
      arrond. Saint-Jean-d’Angély.

      [15] Charente-Inférieure, arr. Rochefort-sur-Mer.

      [16] Charente-Inférieure, arr. la Rochelle, c. Courçon.

      [17] Charente-Inférieure, arr. la Rochelle.

      [18] Mortagne-sur-Gironde, Charente-Inférieure, arr. Saintes, c.
      Cozes.

      [19] L’assaut de Lusignan précédé et suivi de la prise
      de Mortagne et de Taillebourg semblerait indiquer
      Saint-Germain-de-Lusignan (Charente-Inférieure, arr. et c.
      Jonzac); mais on voit par la lettre de Derby que le Lusignan
      qui fut pris par les Anglais est le célèbre Lusignan au Poitou
      (Vienne, arr. Poitiers).

      [20] Charente-Inférieure, arr. Saint-Jean-d’Angély, c.
      Saint-Savinien.

Après un assaut, Saint-Jean-d’Angély se rend aux Anglais, qui y
restent quatre jours[21];--Derby est repoussé devant Niort, place
très-forte et bien fortifiée, dont la garnison a pour capitaine
Guichard d’Angle;--il emporte d’assaut Saint-Maixent[22] et
Montreuil-Bonnin[23]. P. 12 à 14, 220 à 222.

      [21] La prise de Saint-Jean-d’Angély, qui suivit celle de Saintes
      (_Grandes Chroniques_, éd. in-12, t. V, p. 464 et 465), eut lieu
      vers le 21 septembre 1346; Derby resta huit jours dans cette
      ville. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 143.

      [22] Deux-Sèvres, arr. Niort.

      [23] Vienne, arr. Poitiers, c. Vouillé. Il n’est question dans
      la lettre de Derby ni de l’attaque de Niort ni de la prise de
      Saint-Maixent et de Montreuil-Bonnin. Henri de Lancastre dit
      seulement qu’en chevauchant de Saint-Jean-d’Angély vers Poitiers,
      il s’empara du château de Lusignan, l’un des plus forts de France
      et de Gascogne, et qu’il y laissa une garnison de cent hommes
      d’armes, sans compter les gens de pied. _Ibid._ p. 143 et 144.

Les Anglais attaquent Poitiers et sont repoussés à un premier assaut;
ils se rendent maîtres[24] de cette vaste cité en donnant l’assaut
par trois côtés à la fois. Poitiers est mis à sac[25], à feu et à
sang. Derby, après s’y être reposé douze[26] jours, reprend à petites
journées le chemin de Saint-Jean-d’Angély; puis il retourne à Bordeaux,
d’où il ne tarde pas à s’embarquer pour Londres[27]. P. 14 à 17, 222 à
226.

      [24] D’après la lettre de Derby, Poitiers tomba au pouvoir
      des Anglais «le proschein mersquerdy après le Seint Michel»,
      c’est-à-dire le 4 octobre 1346. _Ibid._, p. 144.

      [25] L’évêque de Poitiers et quatre barons qui avaient essayé de
      résister aux envahisseurs, s’étant sauvés à la prise de la ville,
      les Anglais firent main basse sur tout ce qu’ils trouvèrent.
      Harbert Bellant, l’un des seize hommes d’armes de la garnison de
      Poitiers, fut dépouillé de tous ses biens meubles évalués six
      mille livres. (Arch. nat., sect. hist., JJ81, p. 450.) «....
      apparuit episcopum, capitula, collegia et alias gentes ecclesie
      ville Pictavis, in capcione facta per inimicos nostros de dicta
      villa, omnia bona que tunc habebant, libros, calices, vestimenta,
      vasa argentea.... amisisse....» Il résulte d’une enquête faite
      en 1351 que les parties du diocèse de Poitiers qui souffrirent
      le plus, tant de la chevauchée de Henri de Lancastre en 1346
      que de la peste de 1348, ce furent les archiprêtrés et lieux
      _de Lisigniaco_ (Lusignan, Vienne, arr. Poitiers), _de Sanxaio_
      (Sanxay, Vienne, arr. Poitiers, c. Lusignan), _de Boyno_ (Bouin,
      Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Chef-Boutonne), _de Roffiaco_
      (Rouffiac-d’Aubeterre, Charente, arr. Barbezieux, c. Aubeterre),
      _de Romio_ (Rom, Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Lezay), _de
      Chauniaco_ (Chaunay, Vienne, arr. Civray, c. Couhé), _de Exoduno_
      (Issoudun, Creuse, arr. Aubusson, c. Chénérailles), et partie des
      archiprêtrés et lieux _de Gencayo_ (Gençay, Vienne, arr. Civray)
      et de Melle. JJ80, 778.

      [26] Derby dit qu’il resta à Poitiers huit jours seulement, après
      quoi il revint à Saint-Jean-d’Angély d’où est datée la curieuse
      lettre qui contient le récit de son expédition. Aux conquêtes de
      Derby mentionnées plus haut, des pièces du Trésor des Chartes
      nous autorisent à ajouter Tonnay-Charente (JJ76, p. 821), le
      château de Soubize (JJ81, p. 147), les châtellenies de Loudun
      (JJ80, p. 577), de Soubize, de Taillebourg (JJ77, p. 34) et la
      plupart des forteresses de Saintonge, Poitou et Périgord (JJ77,
      p. 51).

      [27] Derby était de retour à Londres le 14 janvier 1347, jour où
      il s’entretint à la Tour avec David Bruce, roi d’Écosse.




CHAPITRE LXIII.

  1346. INVASION DES ÉCOSSAIS EN ANGLETERRE; VICTOIRE DES ANGLAIS A
  NEVILL’S CROSS[28] (§§ 295 à 299).

      [28] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXVI, p. 109 à
      114.


David Bruce, roi d’Écosse, à l’instigation du roi de France, son
allié[29], profite de l’absence d’Édouard III retenu au siége de
Calais pour envahir l’Angleterre à la tête d’une puissante armée. Le
rassemblement se fait à Édimbourg: les forces des Écossais s’élèvent
à trois mille armures de fer[30], sans compter trente mille d’autres
gens tous montés sur haquenées selon l’usage d’Écosse. David Bruce,
laissant derrière lui Roxburgh[31], la forteresse la plus avancée
de l’Angleterre du côté de l’Écosse, dont la garde a été confiée à
Guillaume de Montagu, entre en Northumberland, et, après une halte
entre Percy[32] et _Urcol_[33], sur une rivière, vient camper à une
journée de Newcastle-upon-Tyne. P. 17 à 20, 226 à 231.

      [29] Les Écossais, qui avaient été compris dans la trêve de
      Malestroit du 18 janvier 1343 comme alliés de la France (Arch.
      nat., sect. hist., J636, nº 17), furent aussi compris au même
      titre dans la trêve de Calais du 28 septembre 1347 (J636, nº
      21). Dans le poëme de Laurent Minot sur la campagne qui aboutit
      à la victoire des Anglais à Nevill’s Cross, le poëte prête à
      David Bruce des paroles où le roi d’Écosse, vaincu et prisonnier,
      attribue son malheur aux conseils de Philippe de Valois et de
      Jean son fils.

      [30] Un clerc du diocèse d’York, nommé Thomas Samson, dans une
      lettre conservée à la Bibliothèque Bodléienne, à Oxford, qui
      est relative à la bataille de Durham ou de Nevill’s Cross et
      contemporaine de cet événement, Thomas Samson, dis-je, fait ainsi
      le dénombrement des forces écossaises: «baronets, chivalers
      et gents d’armes noumbrés entour deux mille, et alteres armés
      envirun vingt mille, et des comunes ou lances, haches et arcs,
      près de quarante mille.» Kervyn de Lettenhove, _Œuvres de
      Froissart_, t. V, p. 489.

      [31] Old Roxburgh, château aujourd’hui détruit, non loin de
      Kelso, près du confluent des rivières de Teviot et de Tweed.

      [32] Aujourd’hui Alnwick, dans le Northumberland, entre
      Berwick-upon-Tweed et Newcastle-upon-Tyne. Ce fief devint au
      commencement du quatorzième siècle la propriété de lord Henri de
      Percy, et prit le nom de cette illustre famille normande, tige
      des ducs de Northumberland.

      [33] Sur _Urcol_, voy. le tome I de notre édition, sommaire, p.
      CLXX, note 1 [note 225 de l'édition Gutenberg].

Philippe de Hainaut, reine d’Angleterre, chargée de la défense du
royaume en l’absence de son mari, fait les plus grands préparatifs
pour repousser l’invasion des Écossais et rassemble ses forces à
Newcastle-upon-Tyne. Elle divise son armée en quatre corps[34]: le
premier est commandé par l’évêque de Durham et le sire de Percy, le
second par l’archevêque d’York et le sire de Nevill, le troisième
par l’évêque de Lincoln et le sire de Mowbray, le quatrième par
Édouard Baillol, gouverneur de Berwick et l’archevêque de Cantorbéry.
Écossais et Anglais en viennent aux mains, à quelque distance de
Newcastle-upon-Tyne[35], le mardi après la Saint-Michel[36] 1346. Les
Écossais sont vaincus et laissent quinze mille des leurs sur le champ
de bataille. David Bruce est fait prisonnier par Jean de Copeland,
écuyer de Northumberland[37], qui se hâte d’emmener le roi d’Écosse,
de peur qu’on ne lui dispute sa capture, loin du champ de bataille, et
l’enferme dans un château appelé _Chastel Orgueilleux_[38].

      [34] D’après la lettre de Thomas Samson, citée plus haut, l’armée
      anglaise, composée de mille hommes d’armes, de mille _hobbiliers_
      ou cavaliers armés à la légère, de dix mille archers et de
      vingt mille gens des communes, fut divisée en trois corps ou
      _échelles_: la première sous les ordres des seigneurs de Percy
      et de Nevill, la seconde que commandait l’archevêque d’York en
      personne, la troisième, qui formait l’arrière-garde, sous la
      conduite du seigneur de Mowbray.

      [35] La bataille se livra, non dans les environs de Newcastle,
      comme Froissart semble l’indiquer, mais beaucoup plus au sud et
      tout près de Durham, en un lieu de la banlieue méridionale de
      cette ville, appelé Nevill’s Cross: _ad crucem Nevyle in campo
      juxta Durham_, dit Robert de Avesbury. Aussi tous les historiens
      anglais désignent-ils cette bataille sous le nom de bataille de
      Durham ou de Nevill’s Cross.

      [36] D’après Thomas Samson, Robert de Avesbury et Knyghton, la
      bataille de Durham ou de Nevill’s Cross se livra le 17 octobre
      1346, veille de Saint-Luc. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_,
      p. 145.

      [37] Le château de Copeland ou Coupland, qui appartenait à cet
      écuyer, est situé dans le comté de Northumberland et le district
      de Kirk-Newton, sur la rivière de Glen; il a été rebâti par les
      Wallace au commencement du dix-septième siècle.

      [38] Aujourd’hui Ogle ou Ogles, dans le comté de Northumberland,
      au nord de Newcastle et au sud-ouest de Morpeth; on voit encore
      les ruines du château à motte féodale où Jean de Copeland mit en
      sûreté sa royale capture.

Du côté des Écossais, les comtes de Fife[39], de Buchan[40], de
Sutherland[41], de Strathdearn[42], de Marr[43], Jean[44] et Thomas de
Douglas, Simon[45] Fraser et Alexandre de Ramsey[46] sont tués; les
comtes de Murray[47] et de March[48], Guillaume[49] et Archibald de
Douglas, Robert de Vescy, les évêques d’Aberdeen et de St-Andrews sont
faits prisonniers. P. 20 à 24, 231 à 239.

      [39] Le comté de Fife, en Écosse, est borné au nord par le golfe
      de Tay, à l’est par la mer du Nord, au sud par le golfe de Forth,
      à l’ouest par les comtés de Perth, de Kinross et de Clackmann.
      Duncan, comte de Fife, ne fut pas tué, comme le dit Froissart,
      mais seulement fait prisonnier; et ordre fut donné le 8 décembre
      1346 de le conduire à la Tour de Londres. Rymer, _Fœdera_, vol.
      III, p. 95.

      [40] L’ancien comté de Buchan formait autrefois une des quatre
      subdivisions du comté d’Aberdeen; il correspond aux districts
      actuels de Deer et d’Ellon.

      [41] Le comté de Sutherland est, comme chacun sait, à la pointe
      septentrionale de l’Écosse. Walsingham et Boethius disent que le
      comte de Sutherland fut fait prisonnier.

      [42] Ancien comté, aujourd’hui district des comtés de Nairn et
      d’Inverness, en Écosse, à l’ouest du comté d’Elgin ou de Moray.
      Maurice de Murray, comte de Strathdearn, fut tué à Nevill’s
      Cross, au témoignage non-seulement de Froissart, mais encore de
      Robert de Avesbury (p. 14) et de Thomas Samson.

      [43] La seigneurie de Marr, à laquelle était attaché le titre de
      comte, est un ancien district du comté d’Aberdeen, en Écosse.

      [44] Jean de Douglas ne fut pas tué, mais fait prisonnier par
      Robert de Ogle et Robert Bertram. Rymer, vol. III, p. 95.

      [45] Ce fut Guillaume Fraser, et non Simon Fraser, qui fut tué à
      la bataille de Nevill’s Cross. Voyez _Annals of Scotland_ by lord
      Hailes, éd. de 1797, vol. III, p. 108.

      [46] Alexandre de Ramsey ne fut pas tué, mais fait prisonnier par
      Jean de Ever. Rymer, vol. III, p. 95.

      [47] Jean ou John Randolph, comte de Murray, fut tué et non fait
      prisonnier. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 145.

      [48] Il s’agit ici de Patrick, comte de Dunbar et de March.
      Dunbar, siége d’un comté et forteresse très-importante au moyen
      âge, est aujourd’hui une ville du comté de Haddington, en Écosse.
      Patrick de Dunbar, comte de March, ne fut pas tué, mais fait
      prisonnier par Raoul de Nevill. (Rymer, vol. III, p. 95.)

      [49] Guillaume de Douglas l’aîné fut en effet fait prisonnier
      par Guillaume Deincourt. (Rymer, vol. III, p. 95.) Thomas Samson
      mentionne un autre Guillaume Douglas qu’il appelle «monsir
      William Douglas le frère» et «monsir Henri Douglas, le frère
      monsir William» comme ayant été faits prisonniers à Nevill’s
      Cross.

«Et moi Jean Froissart[50], auteur de ces Chroniques et Histoires, je
fis un voyage en Écosse en 1365, et je fus de l’hôtel de David Bruce
pendant quinze semaines. Ma très-honorée dame, la reine Philippe
d’Angleterre, m’avait donné des lettres pour le roi et les barons
d’Écosse, qui, à sa recommandation, me firent très-bon accueil,
spécialement le roi, qui parlait fort bien français, car il avait été
dès sa jeunesse élevé en France, ainsi qu’il a été dit plus haut en
cette histoire; et j’eus cette bonne fortune que, tout le temps que je
fus auprès de lui et de son hôtel, il visita la plus grande partie de
son royaume. J’appris ainsi à connaître l’Écosse en l’accompagnant dans
ses excursions, et je l’entendis souvent parler, ainsi que plusieurs
gens de sa suite, de la bataille où il avait été fait prisonnier. Il
y avait là, entre autres chevaliers qui avaient combattu à Nevill’s
Cross, messire Robert de Vescy, qui y fut fait prisonnier par le
seigneur de Sees en Northumberland, messire Guillaume de Glaudigevin,
messire Robert Bourme et messire Alexandre de Ramsey; quant aux comtes
de Douglas et de Murray que je trouvai en Écosse, ils étaient les fils
de ceux qui avaient été à la bataille. Je dis ceci, parce que le roi
d’Écosse avait encore à la tête la pointe de la flèche dont il fut
atteint; et à toutes les nouvelles lunes, il avait coutume de souffrir
beaucoup à la partie de la tête où le fer était resté; il n’en vécut
pas moins encore douze ans après mon voyage d’Écosse: il porta donc ce
fer trente-deux ans.» P. 235 et 236.

      [50] Ce curieux passage ne se trouve que dans la rédaction de
      Rome.

La reine d’Angleterre, qui s’est tenue à Newcastle[51] pendant la
bataille, informée que le roi d’Écosse a été pris par un écuyer nommé
Jean de Copeland, écrit à celui-ci pour l’inviter à lui amener son
prisonnier. Jean de Copeland répond qu’il ne livrera David Bruce qu’au
roi d’Angleterre lui-même; il est mandé par Édouard et se rend à
Calais. P. 24 à 26, 239 à 244.

      [51] Cette mention de la présence de Philippe de Hainaut à
      Newcastle pendant que se livrait la bataille de Nevill’s
      Cross est une erreur que Froissart a empruntée à Jean le Bel
      (_Chroniques_, t. II, p. 110). La reine d’Angleterre dut passer
      la mer vers le 10 septembre, car des lettres de sauvegarde furent
      délivrées à quatre personnes qui devaient l’accompagner dans
      son voyage sur le continent, et ces lettres devaient avoir leur
      effet depuis le 10 septembre jusqu’à Noel 1346. (Rymer, _Fœdera_,
      vol. III, p. 90). On conserve d’ailleurs aux archives de Mons
      une charte qui prouve que le jour même où se livrait la bataille
      de Nevill’s Cross, c’est-à-dire le 17 octobre 1346, Philippe de
      Hainaut se trouvait à Ypres avec sa sœur l’impératrice Marguerite.

Édouard III comble Jean de Copeland de félicitations[52] et d’honneurs;
il l’invite à livrer à la reine son prisonnier, lui assigne cinq
cents livres[53] sterling de pension annuelle et l’attache à son
service personnel. Philippe de Hainaut fait enfermer à la Tour de
Londres David Bruce et le comte de Murray[54], met des garnisons à
Berwick, à Roxburgh, à Durham, à Newcastle et en général dans toutes
les forteresses des frontières d’Écosse dont elle confie la garde
aux seigneurs de Percy et de Nevill; puis elle passe la mer avec une
nombreuse suite de dames et de damoiselles pour aller rejoindre son
mari; elle débarque à Calais trois jours avant la Toussaint: le roi
Édouard célèbre cette fête, à l’occasion de la venue de sa femme, avec
un éclat inusité. P. 26 à 29, 244 à 247.

      [52] Des lettres de félicitation et de remerciment, datées de la
      Tour de Londres le 20 octobre 1346, furent adressées à l’occasion
      de la victoire de Nevill’s Cross par Lionel, régent du royaume en
      l’absence du roi son père, à Guillaume de la Zouche, archevêque
      d’York, et à onze seigneurs du nord de l’Angleterre parmi
      lesquels figure Jean de Copeland. Rymer, _Fœodera_, vol. III, p.
      91 et 92.

      [53] Le 20 janvier 1347, le roi d’Angleterre assigne à son amé
      Jean de Copeland, qui lui a livré David Bruce, roi d’Écosse, son
      prisonnier, cinq cents livres de rente annuelle et perpétuelle
      sur les ports de Londres et de Berwick et en outre cent livres
      de rente annuelle et viagère sur le port de Newcastle pour son
      service de banneret. Rymer, _Fœdera_, vol. III, p. 102 et 103.

      [54] Ce n’est pas le comte de Murray tué à la bataille, mais les
      comtes de Fife et de Menteith qui furent enfermés à la Tour de
      Londres.




CHAPITRE LXIV.

  1347. SIÉGE DE CALAIS; SECONDE PÉRIODE: DE LA FIN DE 1346 À MAI
  1347.--LOUIS, COMTE DE FLANDRE, POUSSÉ CONTRE SON GRÉ PAR LES
  FLAMANDS DANS L’ALLIANCE DU ROI D’ANGLETERRE DONT IL A FIANCÉ LA
  FILLE, SE RÉFUGIE AUPRÈS DU ROI DE FRANCE[55] (§§ 300 à 303).

      [55] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXVII, p. 115 à
      118.


Calais résiste victorieusement à toutes les attaques des Anglais;
mais les habitants commencent à souffrir de la famine, car ils ne
reçoivent des vivres que subrepticement, grâce à deux intrépides
marins d’Abbeville, Marant et Mestriel. Les assiégeants ont à soutenir
de continuelles escarmouches contre les garnisons françaises de
Guines[56], de Hames[57], de Nesles[58], d’Oye[59], de Bayenghem[60],
de Fiennes[61], de la Montoire[62], de Saint-Omer, de Thérouanne[63] et
de Boulogne. P. 29 et 30, 247 à 249.

      [56] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer.

      [57] Auj. Hames-Boucres, Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c.
      Guines.

      [58] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Samer.

      [59] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Audruicq.

      [60] Auj. Bayenghem-lez-Eperlecques, Pas-de-Calais, arr.
      Saint-Omer, c. Ardres.

      [61] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Guines.

      [62] Auj. hameau de Zutkerque, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c.
      Audruicq.

      [63] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. c. Aire-sur-la-Lys.

Pendant l’expédition d’Édouard III en Normandie, les Flamands,
alliés du roi d’Angleterre, avaient assiégé Béthune[64], d’où ils
avaient été repoussés par Geoffroi de Charny, Eustache de Ribemont,
Beaudouin d’Annequin, Jean de Landas, que le roi de France avait mis
à la tête de la garnison. Dès le commencement du siége de Calais, le
roi d’Angleterre négocie, de concert avec les communes flamandes, un
mariage entre sa fille Isabelle et le jeune comte Louis[65]. Ce projet
est combattu par Jean, duc de Brabant, qui, voulant faire épouser sa
propre fille au comte de Flandre, parvient à mettre le roi de France
dans ses intérêts[66]. Par l’entremise du duc de Brabant et du roi
de France[67], le comte de Flandre se réconcilie avec ses sujets et
retourne dans son comté. Il est pressé de nouveau de contracter
mariage avec la fille du roi d’Angleterre; et comme il résiste, ses
bonnes villes le tiennent en chartre privée. P. 30 à 34, 249 à 252.

Le comte de Flandre, pour amener ses sujets à se relâcher de l’étroite
surveillance où ils le soumettent, feint de consentir au mariage qu’on
lui propose. Il a une entrevue à Bergues, entre Nieuport et Gravelines,
avec le roi et la reine d’Angleterre dont il fiance solennellement
la fille Isabelle[68]; Édouard III et la reine Philippe retournent
à Calais, où ils font des préparatifs magnifiques en vue de la
célébration prochaine du mariage. Mais peu après cette entrevue, le
jeune comte de Flandre, profitant de la liberté plus grande dont les
Flamands le laissent jouir, s’égare à dessein un jour qu’il est en
partie de chasse et se réfugie en Artois, d’où il se rend auprès du roi
de France[69]. P. 34 à 37, 252 à 259.

      [64] Philippe de Valois fait sans doute allusion à ce siége dans
      une charte d’avril 1347, où il amortit mille livres de terre en
      faveur des hôpitaux et maladreries de Béthune «pour ce que nos
      amez les eschevins, prevost, maieur et comunauté de la ville
      de Betune _ont esté moult domagiet ceste presente année_ pour
      cause de noz guerres et leurs maisons arses.» (Arch. nat., sect.
      hist., JJ68, p. 168.) D’autres pièces du 27 octobre 1346 (JJ81,
      p. 944), de janvier 1347 (JJ81, p. 950), de février 1347 (JJ81,
      p. 945, 946 et 948), de mars 1347 (JJ81, p. 947), de juillet 1347
      (JJ68, p. 331 et JJ81, p. 949) contiennent des confirmations ou
      concessions de priviléges en faveur des habitants de Béthune.
      La plus importante de ces donations est celle de la ville de la
      Gorgue (Nord, arr. Hazebrouck, c. Merville) située au nord de
      Béthune entre cette ville et Armentières (JJ81, p. 948).

      [65] Louis, III du nom, dit de Male, comte de Flandre, de Nevers
      et de Rethel, baron de Donzy.

      [66] Mahieu Legier de Mouy fut le négociateur employé par le roi
      de France, avant le 10 janvier 1347, pour ses «besoignes secretez
      ès parties de Brebant». Arch. nat., JJ68, p. 128.

      [67] Par lettres de janvier 1347 (n. st.) le roi de France
      autorise le comte de Flandre à aller et venir en Flandre,
      espérant que «pour la presence de lui en son pais de Flandre les
      habitans et subgez d’icellui se porteront et auront envers lui
      comme bons et vrais subgez.... en se retraiant et delaissant de
      leurs simples et indeues emprises et assemblées.» (Arch. nat.,
      sect. hist., JJ77, p. 42.) Louis de Male fit sa première entrée à
      Bruges le 23 janvier 1347. _Inventaire des Archives de Bruges_,
      in-4º, Bruges, 1871, p. 500.

      [68] Un contrat, stipulant promesse de mariage et fiançailles
      entre le comte de Flandre et Isabelle d’Angleterre, fut signé
      par Louis de Male, à Dunkerque, le 3 mars 1347. Édouard III
      donnait pour dot à sa fille le comté de Ponthieu et Montreuil,
      ou en échange vingt-cinq mille livrées de terre, et en outre,
      comme cadeau de mariage, quatre cent mille deniers d’or à l’écu.
      L’instrument authentique de ce contrat fut délivré solennellement
      par le chancelier du comte de Flandre, le 14 mars 1347, à
      Bergues, comme le dit Froissart, en présence du roi d’Angleterre,
      du marquis de Juliers, de Guillaume comte de Northampton, de
      Renaud de Cobham, de Barthélemy de Burghersh et de Jean Darcy le
      Jeune. Rymer, _Fœdera_, vol. III, p. 111 et 112.

      [69] Louis de Male dut s’échapper de Flandre entre le 14 mars
      et les Pâques suivantes, c’est-à-dire le 1er avril 1347. Le
      principal instigateur de cette évasion fut un seigneur à la
      dévotion du roi de France, nommé Marquet du Galleel, chambellan
      et écuyer du jeune comte. Par lettres datées de Montdidier en
      _mai_ 1347, Philippe de Valois assigne cent livrées de rente à
      parisis à prendre sur le havage des grains et argent appartenant
      au havage de Vernon, à son amé et féal Marquet du Galleel,
      chambellan et écuyer du comte de Flandre, «par le conseil duquel,
      avecques la très grant loiauté de nostre dit cousin, nostre dit
      cousin est, _en grant peril de son corps et de son estat, venu
      devers nous et parti d’avec noz anemis et de leur plus grant
      povoir...._» Bibl. nat., dép. des mss., _Chartes royales_, t. II,
      p. 161.

Sur ces entrefaites, Robert de Namur[70] vient à Calais se mettre au
service du roi d’Angleterre qui lui assigne trois cents livres sterling
de pension annuelle. P. 37, 38, 259 et 260.

      [70] Robert de Namur était fils de Jean Ier, comte de Namur,
      et de Marie d’Artois. Froissart écrivit la première rédaction
      du premier livre de ses _Chroniques_ à l’instigation et sous
      le patronage de ce pensionnaire d’Édouard III, personnage à la
      fois si important et si détesté du roi de France, que le roi
      d’Angleterre, en concluant les trêves du 28 septembre 1347, du
      18 novembre 1348 et du 30 juin 1350, eut soin de stipuler que
      Robert de Namur y était compris. (Rymer, _Fœdera_, vol. III,
      p. 137, 177, 197.) Ce passage sur Robert de Namur, ajouté par
      Froissart au texte de Jean le Bel, a été retranché dans la
      seconde rédaction de son premier livre écrite sous le patronage
      d’un prince de la maison de France, de Gui de Blois.




CHAPITRE LXV.

  1345. PRISE DE LA ROCHE-DERRIEN PAR LES ANGLAIS.--1347. SIÉGE
  DE CETTE FORTERESSE PAR CHARLES DE BLOIS, QUI EST VAINCU ET
  FAIT PRISONNIER PAR THOMAS DE DAGWORTH A LA BATAILLE DE LA
  ROCHE-DERRIEN[71] (§§ 304 et 305).

      [71] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXIX, p. 123 à
      126.


La trêve de Malestroit[72] avait été bien observée[73] en Bretagne,
tant par Charles de Blois et les Français que par les partisans de la
comtesse de Montfort et les Anglais ses alliés. A l’expiration de
cette trêve, la guerre se rallume: Édouard III expédie en Bretagne un
renfort de deux cents hommes d’armes et de quatre cents archers sous
la conduite de Thomas de Dagworth[74] et de Jean de Hartsel. Ces deux
chevaliers font souvent, en compagnie d’un vaillant homme d’armes
breton nommé Tannegui du Châtel, des chevauchées contre les gens de
Charles de Blois. P. 38, 39, 260.

      [72] Cette trêve, conclue le 19 janvier 1343, devait durer
      jusqu’à la Saint-Michel 1343 et de là en trois ans, c’est-à-dire
      jusqu’à la Saint-Michel 1346. Voyez le sommaire du t. III de
      notre édition, p. VIII et IX.

      [73] Cette assertion de Froissart est erronée. La trêve de
      Malestroit fut toujours fort mal observée, comme l’atteste, entre
      beaucoup d’autres témoignages, la pièce suivante dont on nous
      saura gré peut-être de donner l’analyse, ne fût-ce qu’à cause de
      la rareté des actes relatifs à cette période de la vie de Charles
      de Blois. Par acte donné «en noz tentes devant Guérande» le 18
      août 1344, Charles, duc de Bretagne, vicomte de Limoges, sire
      de Guise et de Mayenne, charge son sénéchal de Dinan, Olivier
      de Morzelle, de faire une enquête sur une demande d’un marché
      fixé au dimanche présentée par son amé Alain de Rochefort en
      faveur de la ville de Ploer (auj. Plouer, Côtes-du-Nord, ar.
      et c. Dinan). Une réponse favorable à la demande d’Alain de
      Rochefort, délibérée aux plaids de Dinan, tenus le jeudi après la
      Saint-Lucas 1344, en présence de Geffroy Lebart, de Robin Braon,
      de Pierre Leroy, receveur de Dinan, de Trehan Ploret, de Lucas
      Lebouteiller, de Jean Terbuille, de Jean Leroy, après bans faits
      par le sergent Olivier Lemée, une réponse favorable, dis-je,
      est transmise à Charles qui accorde à Alain de Rochefort, en
      dédommagement de «dommages qu’il sueffre de jour en jour à cause
      de noz guerres» le marché demandé, par lettres scellées du sceau
      de sa chancellerie de Guingamp le 25 novembre 1344 et confirmées
      par le roi de France en février 1346 (n. st.) Arch. nat., sect.
      hist., JJ68, p. 161, fº 87.

      [74] Le 10 janvier 1347, Édouard III nomme son amé et féal Thomas
      de Dagworth lieutenant et capitaine dans le duché de Bretagne.
      Rymer, _Fœdera_, vol. III, p. 100.

Thomas de Dagworth, Jean de Hartsel et Tannegui du Châtel s’emparent de
la Roche-Derrien[75] au nom de la comtesse de Montfort. P. 39, 40, 261,
262.

      [75] Côtes-du-Nord, ar. Lannion. Froissart, reproduisant une
      erreur de Jean le Bel (v. p. 124), dit que la forteresse de
      la Roche-Derrien fut prise par Thomas de Dagworth, ce qui
      reporterait la date de cet événement à la fin de janvier 1347
      au plus tôt; en l’absence d’actes à date certaine, il y a lieu
      de préférer aux données vagues et incertaines, quand elles ne
      sont pas inexactes, de Jean le Bel et de Froissart, le récit
      très-précis et très-circonstancié des _Grandes Chroniques_
      d’après lequel le château de la Roche-Derrien se rendit à
      Guillaume de Bohun, comte de Northampton, en décembre 1345. Voyez
      l’édit. de M. P. Paris, in-12, t. V, p. 443 et 444.

A cette nouvelle, Charles de Blois rassemble à Nantes une armée
de douze cents armures de fer, de quatre cents chevaliers, dont
vingt-trois bannerets, et de douze mille hommes de pied[76] et vient
mettre le siége devant la Roche-Derrien. Il fait dresser trois engins
dont le jet incommode fort la garnison de cette forteresse[77]. La
comtesse de Montfort[78] charge Thomas de Dagworth, Jean de Hartsel
et Tannegui du Châtel de marcher au secours des assiégés à la tête de
mille armures de fer et de huit mille hommes[79] de pied. Une première
rencontre entre l’armée de Charles de Blois et la moitié des forces
de Thomas de Dagworth a lieu au milieu de la nuit; Thomas de Dagworth
y est grièvement blessé et fait prisonnier, après avoir perdu la plus
grande partie de ses gens. Au moment où Jean de Hartsel et Tannegui
du Châtel se préparent à effectuer leur retraite dans la direction
d’Hennebont, Garnier, sire de Cadoudal, arrive avec un renfort de cent
armures de fer et les décide à recommencer le combat; ils surprennent,
vers le lever du soleil, l’armée de Charles de Blois endormie et que
ne garde aucune sentinelle[80]. Cette armée est taillée en pièces:
deux cents chevaliers et bien quatre mille hommes restent sur le champ
de bataille[81]. Les Anglais reprennent Thomas de Dagworth; Charles
de Blois, fait prisonnier pendant la bataille, est enfermé au château
d’Hennebont, et le siége de la Roche-Derrien est levé. Les hostilités
n’en continuent pas moins entre Jeanne de Penthièvre, femme de Charles
de Blois, qui dirige les opérations au lieu et place de son mari, et
les partisans de Jeanne de Flandre, comtesse de Montfort. P. 40 à 44,
262 à 269.

      [76] D’après une lettre adressée en Angleterre par Thomas de
      Dagworth, qui est, comme nous dirions aujourd’hui, le _bulletin_
      de la bataille rédigé par le vainqueur, l’armée de Charles de
      Blois se composait de douze cents chevaliers et écuyers, de six
      cents autres gens d’armes, de six cents archers du pays et de
      deux mille arbalétriers, sans compter les gens de commune. Robert
      de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 159.

      [77] D’après les _Grandes Chroniques_ (t. V, p. 472), ces engins
      étaient au nombre de neuf, dont un, d’une dimension énorme,
      lançait des pierres pesant trois cents livres. Du reste, tout
      le récit de la bataille de la Roche-Derrien dans les _Grandes
      Chroniques_ (p. 471 à 478), par l’étendue des développements, par
      l’abondance des détails et des particularités, par la précision
      des indications locales qu’il renferme, semble écrit par un
      témoin oculaire ou du moins sous sa dictée.

      [78] Il y a tout lieu de penser, selon l’observation de dom
      François Plaine, que la comtesse de Montfort, qui s’était retirée
      en Angleterre avec son fils, après la trêve de Malestroit, ne se
      trouvait pas alors en Bretagne. Voyez la brochure intitulée: _De
      l’autorité de Froissart comme historien des guerres de Bretagne_,
      Nantes, 1871, p. 29 à 31.

      [79] Dans le _bulletin_ de sa victoire, dont nous avons parlé
      plus haut, Thomas de Dagworth prétend qu’il n’avait que quatre
      cents hommes d’armes et trois cents archers, sans compter la
      garnison de la Roche-Derrien qui vint au secours des Anglais
      et tomba sur les derrières de l’armée de Charles de Blois, dès
      que le jour fut levé. L’habile capitaine anglais avait eu soin
      de donner à ses hommes un mot d’ordre qui leur permit de se
      reconnaître dans la confusion de cette mêlée de nuit; faute de
      cette précaution, il arriva aux gens de Charles de Blois de
      combattre les uns contre les autres, et de faire eux-mêmes la
      besogne des Anglais. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 158
      à 160.

      [80] La bataille de la Roche-Derrien se livra le 20 juin 1347,
      suivant le témoignage de Thomas de Dagworth: «le vingtième
      jour de juyn, environ le quarter, devaunt le jour.» Robert de
      Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 159.

      [81] D’après Thomas de Dagworth, six ou sept cents chevaliers et
      écuyers périrent à la Roche-Derrien. Le capitaine anglais cite,
      parmi les morts, Alain, vicomte de Rohan, les seigneurs de Laval,
      de Châteaubriand, de Malestroit, de Quintin, de Rougé, de Derval,
      le fils et héritier de ce dernier, Raoul de Montfort; et, parmi
      les prisonniers, Charles de Blois, Gui de Laval, fils du sire de
      Laval, les seigneurs de Rochefort, de Beaumanoir, de Lohéac, de
      Tinteniac (Robert de Avesbury, p. 160). Le seigneur de Rougé, qui
      fut tué à la Roche-Derrien, s’appelait Guillaume. Le 12 mai 1361,
      Charles de Blois donna la châtellenie de _Pontcaleuc_ à Bonabbé,
      seigneur de Rougé et de Derval, «fils de Guillaume, seigneur de
      Rougé, qui morut à la Roche Derian pour la defense de nostre
      droit, quant prins fumes de noz ennemis.» (Arch. nat., sect.
      hist., JJ90, p. 13). Avant de se rendre aux Anglais, Charles
      de Blois s’était battu comme un lion et avait reçu dix-sept
      blessures; un écuyer de sa compagnie, fait prisonnier avec son
      maître, nommé Michel de Chamaire, fut taxé par les Anglais à si
      forte rançon que, pour la payer, il dut se mettre au service de
      Foulque de Mathas, chevalier de Saintonge, comme simple archer.
      JJ85, p. 113.




CHAPITRE LXVI.

  1347. SIÉGE DE CALAIS, TROISIÈME PÉRIODE: DE MAI A AOÛT
  1347.--ARRIVÉE PRÈS DE CALAIS ET RETRAITE SANS COMBAT DE PHILIPPE
  DE VALOIS A LA TÊTE D’UNE NOMBREUSE ARMÉE.--REDDITION DE CALAIS
  (3 AOÛT); DÉVOUEMENT D’EUSTACHE DE SAINT-PIERRE ET DE CINQ AUTRES
  BOURGEOIS[82] (§§ 306 à 314).

      [82] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, chap. LXXX et LXXXI, p. 127 à
      142.


Philippe de Valois entreprend de réunir une armée pour marcher au
secours de Calais; il donne rendez-vous à ses gens à Amiens[83] pour le
jour de la Pentecôte. Il n’adresse son mandement qu’aux gentilshommes,
car il pense que les gens des communautés, à la guerre, ne sont qu’un
obstacle et un encombrement: ces gens-là fondent dans une mêlée comme
la neige au soleil, ainsi qu’on l’a vu à Caen, à Blanquetaque, à Crécy
et dans toutes les affaires où ils ont figuré. Le roi de France n’en
veut plus avoir, excepté les arbalétriers des cités et des bonnes
villes. Il veut bien leur or et leur argent pour subvenir aux frais et
payer les gages des gentilshommes: voilà tout. Qu’ils se contentent
de rester chez eux pour garder leurs femmes et leurs enfants, labourer
la terre et faire le commerce: le métier des armes n’appartient qu’aux
gentilshommes qui l’ont appris et s’y sont formés dès l’enfance[84].
Jacques de Bourbon, comte de Ponthieu, connétable de France par intérim
en l’absence du comte d’Eu, prisonnier en Angleterre, les seigneurs
de Beaujeu et de Montmorency, maréchaux de France, le seigneur de
Saint-Venant, maître des arbalétriers, sont à la tête des forces
françaises réunies à Amiens. On n’y compte pas moins de douze mille
heaumes, ce qui fait soixante mille hommes, car chaque heaume suppose
au moins cinq hommes, et en outre vingt-quatre mille arbalétriers
génois, espagnols et hommes des cités et bonnes villes. P. 44, 269 à
272.

      [83] Philippe de Valois était à Montdidier le 27 avril 1347
      (Bibl. nat., dép. des mss., _Chartes royales_, t. III, p. 70;
      Arch. nat., JJ68, p. 281); il était à Moreuil, entre Montdidier
      et Amiens, au mois de mai (JJ68, p. 140); il passa la plus
      grande partie du mois de mai à Amiens (JJ68, p. 167); il quitta
      cette ville avant la fin de mai, car plusieurs actes qui portent
      la date de ce mois sont donnés, soit sur les champs entre
      Beauquesne (Somme, arr. et c. Doullens, entre Amiens et Doullens)
      et Lucheux, soit à Lucheux (Somme, arr. et c. Doullens, entre
      Doullens et Arras) JJ68, p. 137, 272, 301.

      [84] Ce curieux passage, où l’on voit si bien les préventions
      passionnées de Philippe de Valois et de sa noblesse contre
      l’emploi des villains à la guerre, ne se trouve que dans la
      rédaction de Rome (p. 270 et 271 de ce volume). Des trois combats
      cités, il y en a un au moins où les villains firent très-bonne
      figure, c’est celui de Caen, dont les bourgeois, d’après les
      propres paroles d’Édouard III lui-même, «se defenderent _mult
      bien et apertement_, si que la melle fut _très fort et lung
      durant_.» Voyez Jules Delpit, _Collection générale des documents
      français qui se trouvent en Angleterre_, in-4º, 1847, p. 71.

Le roi de France, qui voudrait bien envoyer une partie de ses gens
du côté de Gravelines[85] et qui a besoin pour cela du concours
des Flamands, essaye de détacher ceux-ci de l’alliance d’Édouard
III; il n’y réussit pas et se décide alors à se diriger du côté de
Boulogne.--Informé de ces préparatifs de son adversaire, le roi
d’Angleterre redouble d’efforts pour réduire Calais par la famine;
il fait construire sur le bord de la mer, à l’entrée du havre, un
énorme château muni d’espringales, de bombardes, d’arcs à tour, et
il y établit soixante hommes d’armes et deux cents archers: aucune
embarcation ne peut entrer dans le port de Calais ni en sortir sans
s’exposer à être criblée par l’artillerie de ce château. En même temps,
les Flamands, à l’instigation d’Édouard III, viennent, au nombre de
cent mille, mettre le siége devant Aire[86]; ils brûlent tout le
pays des environs, Saint-Venant[87], Merville[88], la Gorgue[89],
Estaires[90], Laventie[91], localités situées sur une marche qu’on
appelle Laleu[92], et ils se répandent jusqu’aux portes de Saint-Omer
et de Thérouanne.--Sur ces entrefaites, Philippe de Valois vient camper
à Arras[93] et envoie Charles d’Espagne tenir garnison à Saint-Omer. P.
45, 46, 272 à 274.

      [85] Nord, arr. Dunkerque, à l’est de Calais.

      [86] Aire-sur-la-Lys, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, au
      sud-est de Calais et de Saint-Omer, entre Thérouanne à l’ouest
      et Saint-Venant à l’est. En novembre 1348, Philippe de Valois
      accorda aux maire, échevins et commune d’Aire, en récompense de
      leur fidélité, des priviléges confirmés en 1350 par le roi Jean
      (JJ80, p. 97). En novembre 1353, le roi Jean accorda à la ville
      d’Aire au comté d’Artois, en considération de ce qu’elle avait
      souffert pendant les guerres, une foire annuelle durant quatre
      jours, à partir du lundi avant la Pentecôte (JJ82, p. 151).

      [87] Pas-de-Calais, arr. Béthune, c. Lillers.

      [88] Nord, arr. Hazebrouck.

      [89] Nord, arr. Hazebrouck, c. Merville.

      [90] Nord, arr. Hazebrouck, c. Merville.

      [91] Pas-de-Calais, arr. Béthune.

      [92] Le pays de Laleu, au diocèse d’Arras, était situé à peu
      près au point de jonction de ce diocèse avec ceux de Saint-Omer,
      d’Ypres et de Tournai.

      [93] Philippe de Valois et son fils Jean passèrent à Arras la
      plus grande partie du mois de juin (JJ68, p. 170, 300, 323); le
      roi de France était à Hesdin à la fin de ce mois (JJ68, p. 335).

Philippe de Valois apprend que la position des habitants et de la
garnison de Calais est de plus en plus critique[94]; il quitte Arras
et prend le chemin de Hesdin[95], où il s’arrête pour attendre ceux
de ses gens d’armes qui ne l’ont pas encore rejoint; puis il passe à
Blangy[96], à Fauquembergue[97], à Thérouanne[98], traverse le pays
qu’on appelle l’_Alequine_[99], et vient camper sur la hauteur de
Sangatte[100], entre Wissant et Calais. P. 46, 47, 274 à 276.

      [94] Le roi de France reçut sans doute à Arras l’admirable
      lettre que lui adressa Jean de Vienne dans le courant du mois
      de juin 1347. Les Anglais interceptèrent une copie de cette
      lettre le 26 juin, et voici dans quelles circonstances. Le
      lendemain de la Saint-Jean (25 juin 1347), les comtes de
      Northampton et de Pembroke surprirent, à la hauteur du Crotoy,
      une flotte de quarante-quatre vaisseaux français envoyés pour
      ravitailler Calais et la mirent en déroute. Le 26, à l’aube du
      jour, les Anglais s’emparèrent d’une embarcation, montée par des
      Génois, qui essayait de sortir du port du Crotoy. Le Génois qui
      commandait cette embarcation, n’eut que le temps de jeter à la
      mer, attachée à une hache, une lettre très-importante adressée
      par Jean de Vienne, capitaine de Calais, au roi de France, pour
      lui exposer sa détresse et celle des habitants de Calais; on la
      retrouva à marée basse. «Sachiés, disait Jean de Vienne, que ly
      _n’ad rieus qui ne soit tut mangé et lez chiens et les chates
      et lez chivaux si qe de vivere nous ne poions pluis trover en
      la ville si nous ne mangeons chars des gentz_, qar autrefoiz
      vous avez escript que jeo tendroy la ville taunt que y aueroit
      à mangier; sy sumes à ces points qe nous n’avoms dount pluis
      vivere. Si avons pris accord entre nous que, _si n’avoms en
      brief socour, que nous issiroms hors de la ville toutz à champs
      pour combatre, pour vivre ou pour morir_, qar nous avoms meulz à
      morir as champs honourablement que manger l’un l’autre.» (Robert
      de Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 157 et 158.) Si l’on songe que
      ces lignes étaient écrites dès le mois de juin et que Calais
      se rendit seulement le 3 août, on ne saurait trop admirer la
      résistance vraiment héroïque de Jean de Vienne, de la garnison et
      des bourgeois de Calais.

      [95] Philippe de Valois s’arrêta en effet assez longtemps
      à Hesdin (auj. Vieil-Hesdin, Pas-de-Calais, arr.
      Saint-Pol-sur-Ternoise, c. le Parcq); car, arrivé dans cette
      ville dès la fin de juin (JJ68, p. 335), il y était encore le
      10 juillet (JJ68, p. 321), il campa ensuite près d’Auchy (auj.
      Auchy-lès-Hesdin, au nord-est de Hesdin; JJ68, p. 337), et il
      était devant _la Coupele_ (auj. Coupelle-vieille, Pas-de-Calais,
      arr. Montreuil-sur-Mer, c. Fruges, entre Hesdin au nord et
      Fauquembergue an sud) les 17 et 18 juillet (JJ68, p. 288 et 289).

      [96] Auj. Blangy-sur-Ternoise, Pas-de-Calais, arr.
      Saint-Pol-sur-Ternoise, c. le Parcq.

      [97] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer. Philippe de Valois était
      campé près de Fauquembergue le 20 juillet (JJ68, p. 316).

      [98] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Aire-sur-la-Lys.

      [99] Alquines est aujourd’hui un village du Pas-de-Calais, arr.
      Saint-Omer, c. Lumbres. Froissait se sert, en plusieurs passages
      de ses Chroniques, du mot _Alequine_ pour désigner l’ancien
      pays des Morins. Philippe de Valois était près d’Ausques (auj.
      Nordausques, Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Ardres, sur la
      voie romaine de Leulingue, au nord-ouest de Saint-Omer et au
      sud-est de Guines), le 24 juillet (JJ68, p. 299{2} et 310), le
      même jour entre Ausques et Tournehem (JJ68, p. 299{2}), enfin
      près de Guines (Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, à trois
      lieues environ au sud de Calais) le 26 juillet (JJ68, p. 261).

      [100] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Calais, à 10 kil.
      de cette ville. Ce que Froissart appelle le _mont de Sangatte_
      est une falaise haute de 134 mètres, située entre la mer et
      de vastes marécages, aujourd’hui desséchés en partie. Puisque
      Philippe de Valois était encore à Guines le 26, il ne put arriver
      à Sangatte que le vendredi 27 juillet au plus tôt: c’est du reste
      la date donnée par Édouard III lui-même dans une lettre rapportée
      par Robert de Avesbury: «ceo darrein vendredy proschein devant le
      goul d’aust.» _Hist. Ed. III_, p. 163.

Les assiégeants ont eu soin d’établir leurs campements dans une
situation si favorable à la défense qu’on ne peut s’approcher d’eux,
pour les attaquer, que par trois côtés: ou, par le grand chemin[101]
qui va tout droit à Calais, ou par les dunes qui bordent le rivage de
la mer, ou par Guines[102], Marck[103] et Oye[104], mais les routes
qui vont en ligne directe de ces trois forteresses à Calais sont
impossibles à suivre, tant elles sont coupées de fossés, de fondrières
et de marécages. Du côté le plus accessible, il n’y a qu’un pont où
l’on puisse passer, qu’on appelle le pont de Nieuley[105]. Le roi
d’Angleterre fait ranger en ligne tous ses navires sur la grève et
charge les bombardiers, les arbalétriers, les archers qui montent ces
navires, de garder le passage des dunes. Quant au pont de Nieuley, le
comte de Derby en garde l’entrée à la tête d’une troupe de gens d’armes
et d’archers, afin d’en interdire l’accès aux Français et de ne leur
laisser d’autre moyen d’approche que des marais impraticables. En même
temps, à l’appel d’Édouard III, les Flamands du Franc, de Bruges, de
Courtrai, d’Ypres, de Gand, de Grammont, d’Audenarde, d’Alost et de
Termonde, passent la rivière[106] de Gravelines et se postent entre
cette ville et Calais. Grâce à ces mesures, l’investissement est si
complet qu’un oiselet n’aurait pu s’échapper sans être aussitôt arrêté
au passage. P. 47, 48, 276, 277.

      [101] Froissart veut sans doute désigner ici l’antique voie de
      communication, marquée sur la carte de Cassini comme _Chemin de
      Leulingue, ancienne route des Romains_, qui aboutit à Sangatte et
      dont une prolongation va tout droit, comme dit le chroniqueur, de
      Sangatte à Calais.

      [102] Guines est au sud de Calais; Marck et Oye sont à l’est de
      cette ville, du côté de la Flandre.

      [103] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Calais.

      [104] Pas-de-Calais, arr. Saint-Omer, c. Audruicq.

      [105] Le pont de Nieuley devait être situé, comme nous l’avons
      dit plus haut, non loin de l’emplacement du fort actuel de
      Nieuley, au sud-ouest de Calais, près de la _basse ville_, du
      côté de Sangatte. Ce pont était jeté sur la rivière de Hem qui,
      des environs d’Ardres où elle prend sa source, passe à Guines et
      vient se jeter dans la mer à Calais.

      [106] La rivière de Gravelines est l’Aa.

Entre la hauteur de Sangatte et la mer s’élève une haute tour, entourée
de doubles fossés, où se tiennent trente-deux archers anglais pour
interdire le passage des dunes aux Français. Les gens de la communauté
de Tournai aperçoivent cette tour, s’en emparent après un assaut
meurtrier, et la jettent par terre aux applaudissements des Français.
P. 48, 49, 277, 278.

Les seigneurs de Beaujeu et de Saint-Venant, qui sont allés, aussitôt
après l’arrivée des Français à Sangatte, examiner la position des
Anglais, déclarent au roi que cette position leur paraît inexpugnable.
Philippe de Valois envoie le lendemain Geoffroi de Charny, Eustache
de Ribemont, Gui de Nesle et le seigneur de Beaujeu, offrir la
bataille au roi d’Angleterre en tel lieu qui serait choisi par quatre
chevaliers de l’un et l’autre parti. Édouard refuse d’accepter cette
proposition[107]. P. 49 à 51, 278 à 281.

      [107] D’après la lettre d’Édouard III déjà citée, ce défi ne fut
      porté que le mardi 31 juillet, après trois jours de négociations
      infructueuses. «Et puis le marsdi vers le vespre, viendrent
      certayns graunts et chivalers de part nostre adversarie, à la
      place du treté, et offrirent à nos gentz la bataille de part
      nostre adversarie susdit par ensy que noz vousissoms venir hors
      le marreis, et il nous durroit place convenable pur combatre,
      quele heure qe nous pleroit, entre cele heure et vendredy à soir
      proschein suaunt (3 août); et vorroient que quatre chivalers de
      noz et aultre quatre de lor esleirent place covenable pur l’une
      partie et pur l’autre.» Le roi d’Angleterre prétend qu’il fit
      répondre dès le lendemain mercredi 1er août à Philippe de Valois
      qu’il acceptait son défi; Jean le Bel (t. II, p. 130 et 131) et
      Froissart rapportent le contraire. Il y a lieu de croire, comme
      l’ont pensé Bréquigny (_Mémoires de l’Académie des inscriptions_,
      t. L, p. 611 à 614) et Dacier (p. 346 de son édition de
      Froissart, note 1) qu’Édouard III dut accepter en principe le
      défi du roi de France: le point d’honneur chevaleresque exigeait
      impérieusement cette acceptation qui au fond n’engageait à rien
      le roi anglais, puisqu’il lui restait mille moyens d’éluder ou de
      différer le combat, quand on en viendrait à la mise en pratique,
      à l’exécution. Il semble, à vrai dire, que le défi n’avait guère
      été porté plus sérieusement par Philippe qu’il ne fut accepté par
      Édouard; et le roi de France ne proposa sans doute la bataille
      à son adversaire que pour dérober sa retraite ou du moins se
      ménager une explication honorable.

Grâce à la médiation de deux cardinaux envoyés[108] par le pape
Clément VI, les ducs de Bourgogne et de Bourbon, Louis de Savoie et
Jean de Hainaut[109], du côté des Français, les comtes de Derby et de
Northampton, Renaud de Cobham et Gautier de Mauny[110], du côté des
Anglais, passent trois jours en conférences pour traiter de la paix,
mais ces négociations restent sans résultat. Philippe de Valois, qui ne
voit aucun moyen de faire lever le siége de Calais ni d’en venir aux
mains avec les Anglais, prend le parti de décamper brusquement[111]
et de reprendre le chemin d’Amiens. Ce départ précipité de l’armée,
dont ils attendaient leur délivrance, met les habitants de Calais au
désespoir, tandis que les assiégeants qui poursuivent les Français dans
leur retraite font un grand butin. P. 51 à 53, 281 à 283.

      [108] Ces deux légats étaient Annibal Ceccano, évêque de
      Frascati, et Étienne Aubert, cardinal prêtre du titre des Saints
      Jean et Paul. Du reste, Clément VI n’avait pas cessé, depuis le
      commencement de la guerre, d’intervenir pour la conclusion d’une
      paix entre les deux rois. Il avait même adressé des reproches
      assez vifs au roi d’Angleterre, par lettres datées d’Avignon le
      15 janvier 1347, au sujet du peu d’égard que ce prince avait eu à
      la médiation des légats du saint-siége. Voyez Robert de Avesbury,
      p. 146 à 153 et Rymer, vol. III, p. 100 et 101.

      [109] Les plénipotentiaires français étaient, d’après la lettre
      d’Édouard, les ducs de Bourbon et d’Athènes, le chancelier de
      France (qui était alors Guillaume Flotte, sire de Revel), Gui de
      Nesle, sire d’Offémont, et Geoffroi de Charny.

      [110] D’après la lettre d’Édouard, les plénipotentiaires anglais
      étaient bien ceux indiqués par Froissart; il y faut ajouter
      seulement le marquis de Juliers et Barthélemy de Burghersh,
      chambellan du roi anglais. Voyez Robert de Avesbury, p. 164.

      [111] Édouard dit que Philippe de Valois décampa précipitamment
      le jeudi (2 août) de grand matin: «.... jeosdi, devaunt le
      jour.... s’en departi od toutes ses gentz auxi comme disconfit,
      et hasterent taunt qu’ils arderent lor tentes et graunt partie
      de lor herneys à lor departir; et noz gentz lez pursuerent bien
      près à la cowe: issint, à l’escrivere de cestes, n’estoient ils
      mye unqore revenuz....» (_Ibid._, p. 166). Nous devons dire que
      la date des actes émanés de Philippe de Valois, au commencement
      d’août, s’accorde bien avec le témoignage du roi anglais.
      Plusieurs pièces ont été données devant Calais (JJ68, p. 297) ou
      près de Sangatte (JJ68, p. 132) «ou mois d’aoust» c’est-à-dire
      le 1er août; mais il résulte de deux actes (JJ68, p. 122 et
      283) que, _dès le 3 août_, le roi de France était à Lumbres
      (Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, au sud-ouest de cette ville),
      après avoir passé (JJ68, p. 290) à Ausques (auj. Nordausques,
      Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c. Ardres ou Zudausques, c.
      Lumbres), et que le 7 août il était à Hesdin (JJ68, p. 271) après
      avoir passé à Fauquembergue (JJ68, p. 292 et 207).

Le départ du roi de France vient de faire perdre aux habitants de
Calais leur dernier espoir, et, pendant ce temps, la famine, qui sévit
avec une rigueur croissante, est arrivée à tel point que les riches
eux-mêmes ne sont pas épargnés. C’est pourquoi les assiégés prient
Jean de Vienne de s’aboucher avec les Anglais pour traiter de la
reddition de la ville. Le gouverneur de Calais fait signe, du haut des
remparts, aux assiégeants qu’il a une communication à leur faire. Le
roi d’Angleterre charge Gautier de Mauny de recevoir les ouvertures des
Calaisiens. Jean de Vienne propose de rendre la ville à la condition
que la garnison et la population auront la liberté et la vie sauves.
Gautier de Mauny répond que la volonté bien arrêtée d’Édouard est que
les assiégés se rendent sans conditions. Le capitaine de Calais s’élève
contre une telle prétention, et l’envoyé anglais s’engage à user de
toute son influence pour obtenir des conditions moins dures. De retour
auprès du roi son maître, Gautier de Mauny plaide avec tant d’habileté
et de chaleur la cause des habitants de Calais qu’Édouard, se relâchant
de ses premières exigences, promet de faire grâce aux habitants de
Calais à la condition que six des plus notables bourgeois viendront,
tête et pieds nus, en chemise, la corde au cou, lui présenter les clefs
de leur ville et se mettre entièrement à sa discrétion. P. 53 à 57, 283
à 287.

Gautier de Mauny retourne porter à Jean de Vienne l’ultimatum du roi
d’Angleterre qui plonge dans la consternation les Calaisiens. A la
vue de l’affliction générale, un des plus riches bourgeois, nommé
Eustache de Saint-Pierre, n’hésite pas à exposer sa vie pour sauver ses
concitoyens: il s’offre le premier pour être l’une des six victimes; et
bientôt Jean d’Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes et
André d’Ardres, entraînés par l’héroïque exemple d’Eustache, veulent
bien se joindre à lui et s’associer à son dévouement[112]. Ces six
bourgeois se mettent tête et pieds nus, en chemise, la corde au cou,
comme l’a ordonné le vainqueur; puis, au milieu de toute la population
de Calais qui leur fait cortége et éclate en sanglots, ils se rendent,
dans cet appareil, jusqu’aux remparts. Là, ils sont livrés par Jean de
Vienne à Gautier de Mauny, qui les amène en présence d’Édouard. Ils se
prosternent devant le roi d’Angleterre, lui présentent les clefs de
Calais et le supplient à mains jointes d’avoir pitié d’eux. Édouard
reste sourd à leurs prières et donne l’ordre de leur faire trancher
la tête, malgré les représentations de Gautier de Mauny. La reine
Philippe, qui est enceinte et assiste tout en larmes à cette scène, se
jette alors aux pieds de son mari, et, à force d’instances, parvient
à lui arracher la grâce des six bourgeois; elle distribue ensuite des
vêtements à ces malheureux, les fait dîner à sa table et les renvoie en
donnant à chacun six nobles. P. 57 à 63, 287 à 293.

      [112] Cet épisode du dévouement des six bourgeois de Calais
      est emprunté à Jean le Bel (_Chroniques_, t. II, p. 135 et
      136). Un savant académicien du dernier siècle, Bréquigny,
      a élevé des doutes sur l’exactitude du récit de Froissart
      dans deux dissertations, l’une relative à des recherches sur
      l’histoire de France faites à Londres (_Mémoires de l’Académie
      des inscriptions_, t. XXXVII, p. 538 à 540), l’autre consacrée
      au siége et à la prise de Calais par Édouard III (_Ibid_, t.
      L, p. 618 à 621). Bréquigny se fonde, pour mettre en doute le
      dévouement d’Eustache de Saint-Pierre et de ses compagnons, sur
      les quatre actes suivants qu’il avait eu le mérite de découvrir
      dans les Archives de Londres et de signaler le premier: 1º
      Une concession à vie faite le 24 août 1347 à Philippe, reine
      d’Angleterre, des maisons que Jean d’Aire possédait à Calais
      avec leurs dépendances (Cales. Rol. pat., an. 21 Ed. III,
      memb. 2);--2º une pension de 40 marcs sterling constituée le
      8 octobre 1347 au profit d’Eustache de Saint-Pierre «pro bono
      servicio nobis pro custodia et bona disposicione ville nostre
      Calesii impendendo, _pro sustentacione sua_.... quousque de
      statu ejusdem Eustacii aliter duxerimus providendum.» (Rymer,
      vol. III, p. 138.)--3º La restitution faite le 8 octobre 1347
      au dit Eustache de Saint-Pierre de quelques-unes des maisons
      qu’il possédait à Calais et qui avaient été confisquées «dum
      tamen erga nos et heredes nostros [Eustachius et sui heredes]
      bene et fideliter se gerant et pro salva custodia et municione
      dicte ville faciant debite quod debebunt» (_Ibid._);--4º la
      concession faite à Jean de Gerwadby en date du 29 juillet 1351
      des biens situés à Calais qui avaient appartenu à Eustache de
      Saint-Pierre et qui avaient été confisqués après sa mort sur
      ses héritiers «que per forisfactum heredum ipsius Eustachii,
      qui adversariis nostris Francie contra nos adherentes existunt,
      ad manus nostras devenerunt....» (Rot. Franc., an. 25 Ed. III,
      memb. 5). Bréquigny aurait pu ajouter que le jour même où Édouard
      restituait à Eustache quelques-uns de ses biens, c’est-à-dire
      le 8 octobre 1347, il distribuait encore à trois Anglais, à
      Jean Goldbeter, à Jean Clerc de Londres, à Jean Dalmaigne,
      des propriétés qui avaient appartenu à ce même Eustache de
      Saint-Pierre. Il suffit de citer les arguments de Bréquigny pour
      montrer qu’ils n’infirment nullement le témoignage de Jean le
      Bel et de Froissart. Eustache de Saint-Pierre, âgé de soixante
      ans lors de la capitulation, puisque dans un acte de 1335, où il
      figure comme témoin, il déclare avoir quarante-huit ans, aura
      voulu mourir dans sa ville natale, dans cette ville qui lui avait
      inspiré son dévouement: en quoi cela est-il en contradiction avec
      le récit de Froissart? Voyez l’excellent livre de M. Auguste
      Lebeau, intitulé: _Dissertation sur le dévouement d’Eustache de
      Saint-Pierre et de ses compagnons en 1347_, Calais, 1839, in-12
      de 232 pages.

C’est ainsi que la ville de Calais, qui avait été assiégée au mois
d’août[113] 1346, vers la fête de la Décollation de Saint-Jean, fut
prise dans le courant de ce même mois d’août de l’an 1347.--Par l’ordre
du roi d’Angleterre, Jean de Vienne et tous les gentilshommes de la
garnison sont faits prisonniers, tandis que l’on somme les autres gens
d’armes, venus là comme mercenaires, et tous les habitants, hommes,
femmes et enfants, d’évacuer la ville que l’on veut repeupler de purs
Anglais. On ne garde[114] qu’un prêtre et deux autres personnes âgées
et expérimentées, dont le vainqueur a besoin pour se renseigner sur les
propriétés, les lois et ordonnances. Édouard fait son entrée solennelle
à Calais dont il va habiter le château et où la reine sa femme met au
monde une fille qui a nom Marguerite. En même temps, le roi anglais
donne quelques-uns des plus beaux hôtels de la ville à Gautier de
Mauny, à Renaud de Cobham, à Barthélemy de Burghersh, au baron de
Stafford et à d’autres chevaliers de son entourage. P. 63 à 65, 293 à
297.

      [113] Comme l’a fait observer Dacier (p. 354 de son éd. de
      Froissart, note 1), cette date n’est pas tout à fait exacte:
      c’est une des nombreuses erreurs empruntées par Froissart à Jean
      le Bel (t. II, p. 139). La tête de la décollation de Saint-Jean
      tombe le 29 août, et le roi d’Angleterre, au rapport de Robert de
      Avesbury (_Hist. Ed. III_, p. 140) n’arriva devant Calais que le
      3 septembre. D’après le même historien (_Ibid._, p. 166), cette
      ville se rendit le vendredi 3 août, le lendemain du décampement
      de Philippe de Valois et de son armée: le siége avait duré par
      conséquent juste onze mois.

      [114] «Dominus rex, semper misericors et benignus, _captis et
      retentis paucis de majoribus_, communitatem dictæ villæ cum
      bonis suis omnibus graciose permisit abire, dictamque villam
      suo retinuit imperio subjugatam.» (Robert de Avesbury, p. 167.)
      D’après Gilles li Muisis, Édouard III laissa à Calais vingt-deux
      des plus riches bourgeois «pour rensegnier les hiretages», selon
      l’expression de Froissart. Eustache de Saint-Pierre était désigné
      par sa position de fortune et la considération qui l’entourait
      pour être l’un de ces vingt-deux; ainsi s’expliquent les faveurs,
      _très-relatives_, d’Édouard en faveur d’Eustache: «.... _pro bona
      dispositione villæ Calesii_, quousque de statu ejusdem Eustachii
      duxerimus providendum.»

Les habitants de Calais ne reçoivent aucun dédommagement[115] du
roi de France pour qui ils ont tout perdu; la plupart d’entre eux
se retirent à Saint-Omer.--Grâce à la médiation du cardinal Gui
de Boulogne[116], légat du Saint-Siége, une trêve de deux ans est
conclue entre les rois de France et d’Angleterre: la Bretagne seule
est exceptée de cette trêve.--Édouard repasse en Angleterre, après
avoir confié la garde de sa nouvelle conquête à un Lombard nommé
Aimeri de Pavie[117]; il ne se contente pas d’envoyer à Calais,
qu’il veut repeupler[118], trente-six riches bourgeois anglais, dont
douze de Londres; il octroie à cette ville de grandes libertés et
franchises[119] pour y attirer des étrangers.--Charles de Blois, fait
prisonnier à la Roche-Derrien, et Raoul, comte d’Eu, tombé à Caen au
pouvoir des Anglais, que l’on détient alors à la Tour de Londres avec
David Bruce, roi d’Écosse, et le comte de Murrey, sont traités avec
beaucoup de courtoisie[120], Charles de Blois, à la prière de la reine
d’Angleterre, sa cousine germaine[121], Raoul d’Eu, parce qu’il a su
gagner par sa galanterie les bonnes grâces de toute la cour. P. 65 à
67, 297 à 299.

      [115] Cette erreur a été empruntée par Froissart à Jean le
      Bel (t. II, p. 140). Philippe de Valois, par une ordonnance
      antérieure au 7 septembre 1347 et qui fut renouvelée en septembre
      1349 (Arch. nat., JJ78, p. 162 et 169) fit don de toutes les
      forfaitures qui viendraient à échoir dans le royaume aux
      habitants de Calais chassés de leur ville par les Anglais; le 7
      septembre 1347, il accorda aux dits habitants, en considération
      des pertes que leur avaient fait éprouver les ennemis, tous
      les offices dont la nomination lui appartenait ou au duc de
      Normandie, son fils aîné (Arch. nat., K187, liasse 2, p. 97;
      une copie de cette pièce originale: JJ68, p. 245, est datée
      d’Amiens le 8 septembre). Enfin le 10 septembre suivant, il
      leur octroya, par une nouvelle ordonnance, un grand nombre
      de priviléges et franchises qui furent confirmés sous les
      règnes suivants (_Recueil des Ordonnances_, t. IV, p. 606 et
      suivantes). Ces promesses ne restèrent pas à l’état de lettre
      morte; un grand nombre d’actes authentiques attestent qu’elles
      furent tenues. En mai 1348, le roi de France donne une maison
      sise à Provins à Thomas de Hallangues, bourgeois et habitant
      de Calais (JJ76, p. 10); en septembre 1349, il concède les
      biens confisqués d’un usurier lombard, sis au bailliage de
      Vitry, à Colart de Londeners, jadis bourgeois de Calais, «en
      consideration de ce qu’il a souffert au siège de cette ville»
      (JJ68, p. 390); le 9 mars 1350, il indemnise Mabille, veuve
      d’Enguerrand dit Estrecletrop et Marguerite, fille de feu Lenoir,
      sœurs, lesquelles avaient perdu leurs biens durant le siége de
      Calais (JJ80, p. 226). En juillet 1351, Jean de Boulogne, comte
      de Montfort, lieutenant du roi Jean, son neveu ès parties de
      Picardie et sur les frontières de Flandres, donne à Jean du
      Fresne le Jeune, fils de Jean du Fresne, à présent prévôt de
      Montreuil, _jadis bourgeois de Calais_, des biens sis à Bouvines
      et en la comté de Guines confisqués sur Gillebert d’Aire qui est
      allé demeurer à Calais avec les Anglais. JJ82, p. 271.

      [116] Gui de Boulogne n’eut aucune part à ces trêves qui furent
      conclues le 28 septembre 1347. Les médiateurs furent les
      cardinaux Annibal Ceccano et Étienne Aubert. La trêve ne devait
      durer que quinze jours après la fête de Saint-Jean-Baptiste de
      l’année 1348, c’est-à-dire environ dix mois, et non pas deux
      ans, comme l’avance le chroniqueur trompé sans doute par les
      prolongations accordées à différentes reprises. Froissart se
      trompe aussi en disant que la Bretagne fut exceptée de ces
      trêves. (Rymer, _Fœdera_, vol. III, p. 136 à 138.) Dacier avait
      déjà rectifié Froissart sur tous ces points. Voyez son édit. de
      Froissart, p. 356, note 2.

      [117] C’est Jean de Montgommery, et non Aimeri de Pavie, qui fut
      nommé capitaine de Calais, avant le départ du roi d’Angleterre,
      le 8 octobre 1347 (Rymer, vol. III, p. 138). Jean de Montgommery
      fut remplacé le 1er décembre de cette même année par Jean de
      Chivereston (_Ibid._, p. 142). C’est seulement le 24 avril 1348
      qu’Édouard nomme son amé Aimeri de Pavie, non capitaine de
      Calais, mais capitaine et conduiseur de ses galées et de tous
      les arbalétriers et mariniers montant les dites galées (_Ibid._,
      p. 159). Aimeri de Pavie, chargé sans doute comme capitaine des
      galées de défendre les approches de Calais du côté de la mer,
      remplit-il en outre par intérim ou autrement les fonctions de
      gouverneur de cette ville? On en est réduit sur ce point à des
      suppositions.

      [118] Le 12 août 1347, le roi d’Angleterre fit annoncer par tout
      son royaume qu’il concéderait des maisons, des rentes et ferait
      toute sorte d’avantages à ceux de ses sujets qui voudraient
      s’établir à Calais avant le 1er septembre suivant. V. Rymer, vol.
      III, p. 130.

      [119] Le 3 décembre 1347, Édouard confirma les statuts donnés à
      la ville de Calais en 1317 par Mahaut, comtesse d’Artois. (Rymer,
      vol. III, p. 142 à 144.) Les dispositions que le roi avait
      ajoutées à ces statuts dès le 8 octobre 1347 sont relativement
      libérales. (_Ibid._, p. 139.) V. Bréquigny, _Mém. de l’Académie
      des Inscriptions_, t. 50, p. 623 à 627.

      [120] Le témoignage de Froissart est contredit par George de
      Lesnen, médecin de Charles de Blois, et Olivier de Bignon, son
      valet de chambre, qui déclarent, dans l’enquête faite pour la
      canonisation de ce prince, que les Anglais le soumirent à une
      captivité très-dure. V. dom Morice, _Hist. de Bretagne_, t. II
      des _Preuves_, p. 6 et 7.

      [121] Charles de Blois était fils de Marguerite, et Philippe de
      Hainaut était fille de Jeanne, toutes deux sœurs de Philippe de
      Valois.




CHAPITRE LXVII.

  1348. RAVAGES DES BRIGANDS EN LIMOUSIN ET EN BRETAGNE; EXPLOITS DE
  BACON ET DE CROQUART[122] (§§ 315 et 316).

      [122] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXXII, p. 143
      à 145.


Guillaume Douglas, retiré dans la forêt de Jedburgh, continue de faire
la guerre aux Anglais, même après la prise du roi d’Écosse et malgré
les trêves entre l’Angleterre et la France[123]. P. 67.

      [123] Les Écossais étaient cependant compris dans ces trêves
      comme alliés de la France. V. Arch. Nat., sect. hist., J636, nº
      21.

Les trêves ne sont pas observées davantage en Gascogne, Poitou,
Saintonge et Limousin. Dans ces pays de frontière, les pauvres gens
d’armes exercent le brigandage comme un métier et s’y enrichissent
avec une promptitude merveilleuse; il y en a qui font des fortunes
de quarante mille écus. Voici comment ils procèdent. Rassemblés par
bandes de vingt ou trente, ils épient pendant quelque temps un riche
village ou un fort château situé dans les environs; puis un beau jour,
de très-grand matin, ils y pénètrent furtivement et mettent le feu à
une maison. Les habitants, qui croient avoir affaire à mille armures
de fer, s’enfuient affolés de terreur; les brigands pillent le village
ou le château, après quoi ils se retirent chargés de butin. Ils font
ainsi à Donzenac[124] et ailleurs; ils s’emparent des châteaux et
les revendent. Un de ces brigands emporte par escalade le château de
Comborn[125], en Limousin. Le vicomte de Comborn, fait prisonnier
dans son château, ne recouvre la liberté qu’en payant une rançon de
vingt-quatre mille écus. Ce brigand, nommé Bacon, après avoir vendu le
château de Comborn à Philippe de Valois moyennant vingt mille écus,
devient huissier d’armes[126] du roi de France, qui le comble de
faveurs. P. 67 à 69, 299 à 302.

      [124] Corrèze, arr. Brive, un peu au nord de cette ville, à peu
      près à égale distance des deux rivières de Corrèze et de Vézère.
      En 1355, le fils de Guiraud de Ventadour, seigneur de Donzenac,
      nommé Bernard de Ventadour et châtelain de Beyssac (auj. château
      de Saint-Augustin, Corrèze, arr. Tulle, c. Corrèze) joua un tour
      du même genre à Pierre _de Mulceone_, seigneur de Bar (Corrèze,
      arr. Tulle, c. Corrèze). Il s’introduisit dans le château de
      Bar avec seize hommes armés en disant que les Anglais établis à
      Beaumont (Corrèze, arr. Tulle, c. Seilhac) le poursuivaient et y
      vola deux mille sommées de blé, soixante lards et six mille cinq
      cents deniers de bon or à l’_ange_, au _pavillon_, à la _chaire_,
      à l’_agneau_, à l’_écu_ (Arch. nat., X2a 6, fºs 416 à 424). Le
      15 mars 1362, Guiraud de Ventadour, seigneur de Donzenac, prêta
      serment de fidélité au roi d’Angleterre représenté par Jean
      Chandos, vicomte de Saint-Sauveur, lieutenant dudit roi; il
      s’engagea en outre à faire prêter serment à tous ses tenanciers
      et à rapporter leurs noms à Chandos ou à son sénéchal. V.
      Bardonnet, _Procès-verbal à Jean Chandos des places françaises
      abandonnées par le traité de Brétigny_, Niort, 1870, in-8, p. 115.

      [125] Comborn, autrefois siége d’une vicomté, est aujourd’hui un
      château ruiné de la commune d’Orgnac, Corrèze, arr. Brive, c.
      Vigeois; ce château est situé sur la rive droite de la Vézère.
      Le 23 octobre 1363, à Poitiers, en l’église Saint-Maixent,
      Archambaud, _vicomte de Comborn_, prêta serment de fidélité, tant
      en son nom qu’au nom de Marie sa femme, à Édouard, fils aîné
      du roi d’Angleterre, prince d’Aquitaine et de Galles, duc de
      Cornouaille et comte de Chester. V. Delpit, _Documents français
      conservés en Angleterre_, p. 114.

      [126] Ce Bacon est peut-être Jean Bacon, écuyer, fils de
      Guillaume Bacon, seigneur du Molay (Calvados, arr. Bayeux, c.
      Balleroy), exécuté pour crime de lèse-majesté, au commencement
      de l’année 1344. Comme les biens de sa famille avaient été
      confisqués, Jean Bacon put être plus vivement tenté de refaire
      sa fortune par le brigandage; et la guerre en Limousin entre les
      partisans de Jeanne de Penthièvre et ceux de Jeanne de Montfort
      lui en fournissait l’occasion. Comme il faisait cette guerre de
      partisan au service ou du moins sous le couvert de la maison de
      Blois, le roi de France le combla de faveurs.

En Bretagne, un autre brigand nommé Croquart, ancien page du seigneur
de Herck en Hollande, gagne bien soixante mille écus; il figure à
la bataille des Trente[127] du côté des Anglais et se montre le plus
brave. Le roi de France lui offre une pension de deux mille livres,
s’il veut se faire Français, mais il meurt d’une chute de cheval. P.
69, 70, 302, 303.

      [127] Croquart figure en effet le premier sur la liste des quinze
      gens d’armes qui, réunis à sept chevaliers et à huit écuyers,
      composaient les trente champions du parti anglais.




CHAPITRE LXVIII.

  1349 et 1350. TENTATIVE MALHEUREUSE DE GEOFFROI DE CHARNY POUR
  REPRENDRE CALAIS AUX ANGLAIS (§§ 317 à 321).


Geoffroi de Charny[128], capitaine de Saint-Omer, conclut secrètement
une convention avec un Lombard, nommé Aimeri de Pavie, auquel Édouard
III a confié la garde du château de Calais; Aimeri s’engage à livrer
ce château moyennant vingt mille écus. Le roi d’Angleterre est informé
de cette convention; il mande à Londres Aimeri de Pavie, et, après une
scène de vifs reproches, il promet le pardon au Lombard à condition
que celui-ci fera semblant de poursuivre le marché: Édouard, prévenu à
temps, aura soin de se trouver en force à Calais le jour où Geoffroi de
Charny viendra pour prendre livraison du château, et ainsi les Français
seront pris au piége qu’ils ont voulu tendre.--Geoffroi de Charny, de
son côté, ne confie son secret qu’à quelques chevaliers de Picardie, et
met sur pied cinq cents lances en vue du coup de main projeté. Il est
entendu avec le capitaine du château de Calais que le marché recevra
son exécution dans la nuit du 31 décembre 1349 au 1er janvier[129]
1350. Aussitôt que le jour est fixé, Aimeri envoie à Londres son frère
prévenir le roi d’Angleterre. P. 70 à 73, 303 à 306.

      [128] Geoffroi de Charny, seigneur de Pierre-Perthuis, de
      Montfort et de Savoisy, avait servi, en qualité de bachelier,
      avec six écuyers dans la bataille de Raoul, comte d’Eu,
      connétable de France, du 9 mars 1339 au 1er octobre 1340, sur
      les frontières de Flandre; il était venu de Pierre-Perthuis sous
      Vézelay (Yonne, arr. Avallon, c. Vézelay;--De Camps, portef.
      83, fº 317, à la Bibl. nat.). Le 2 août 1346, Geoffroi promu
      chevalier était au siége devant Aiguillon où, par acte daté de
      Port-Sainte-Marie, il donnait quittance de 150 livres sur ses
      gages et ceux des gens d’armes de sa compagnie (Anselme, _hist.
      généal._, t. VIII, p. 202); le 6 janvier 1352, il était chevalier
      de l’ordre de l’Étoile de la première promotion (Pannier, _hist.
      de Saint-Ouen_, p. 95 et 96); le 10 septembre 1352, il était
      à l’abbaye d’Ardres où il faisait payer 50 livres à Robert de
      Varennes, capitaine de la bastide de Guines (Anselme, _Ibid._,
      p. 203); en octobre 1353, dans un acte où il est qualifié
      «conseiller du roi», il obtenait l’amortissement de 62 livres
      10 sous tournois pour la dotation d’une chapelle ou église
      collégiale dont il avait projeté la fondation dès 1343 dans son
      manoir de Lirey (Aube, arr. Troyes, c. Bouilly;--JJ82, p. 28); en
      juillet 1356 il était gratifié par le roi Jean de deux maisons
      confisquées sur Joceran de Mâcon et sises à Paris, l’une en face
      l’église Saint-Eustache, et l’autre à la Ville-l’Évêque, et
      cette donation était confirmée le 21 novembre 1356, à la requête
      de Jeanne de Vergy sa veuve, par Charles duc de Normandie, en
      faveur de Geoffroi de Charny, fils mineur du dit Geoffroi «tué à
      la bataille livrée dernièrement près de Poitiers.» (Arch. nat.,
      JJ84, p. 671.) Geoffroi de Charny avait été choisi, en effet,
      le 25 juin 1355, pour porter l’oriflamme, et il se fit tuer à
      Poitiers en couvrant le roi Jean de son corps. Comme Boucicaut,
      comme le petit sénéchal d’Eu, comme Jean de Saintré et la plupart
      des chevaliers de son temps, Geoffroi de Charny était lettré;
      il est l’auteur d’un ouvrage en prose intitulé: «Demandes pour
      le tournoy que je, Geoffroi de Charni, fais à haut et puissant
      prince des chevaliers de Nostre Dame de la Noble Maison.»
      (Galland, _Mém. de l’Acad. des Inscriptions_, t. II, p. 739.)
      M. Léopold Pannier a bien voulu nous signaler en outre dans le
      ms. nº 25447 du fonds français, à la Bibliothèque nationale, une
      pièce de vers inédite dont l’auteur est un Geoffroi de Charny.

      [129] Cette date, confirmée par les _Grandes Chroniques de
      France_ (éd. P. Paris, t. V, p. 491) et par Robert de Avesbury
      (181), est donnée par vingt manuscrits de la première rédaction
      proprement dite (p. 313) qui sont ici plus exacts que ceux de la
      première rédaction revisée.

Édouard se rend aussitôt à Calais avec une troupe de trois cents
hommes d’armes et de six cents archers placés en apparence sous les
ordres de Gautier de Mauny, car le roi veut qu’on ignore sa présence.
Au jour dit, c’est-à-dire le 31 décembre 1349, Geoffroi de Charny, à
la tête de cinq cents lances, arrive vers minuit en vue du château de
Calais, ainsi qu’il a été convenu. Il passe le pont de Nieuley dont
il confie la garde à Moreau de Fiennes, au sire de Crésecques, aux
arbalétriers de Saint-Omer et d’Aire, tandis qu’il prend position
entre ce pont et Calais, en face de la porte dite de Boulogne. Puis il
envoie en avant Oudart de Renty avec onze autres chevaliers et cent
armures de fer porter à Aimeri de Pavie les vingt mille écus promis
et prendre possession du château. Oudart de Renty et ses compagnons
trouvent le pont-levis abaissé pour leur livrer passage; mais à peine
ont-ils pénétré dans la cour du château et remis entre les mains
d’Aimeri un sac contenant la somme convenue qu’à un signal donné le
roi d’Angleterre[130], son fils et Gautier de Mauny, suivis de deux
cents combattants, se précipitent sur les Français au cri de: «Mauny,
Mauny, à la rescousse!» Oudart et les siens n’ont pas même le temps
de se reconnaître et sont faits prisonniers. Puis les Anglais montent
à cheval et courent attaquer Geoffroi de Charny qui ne se doute de
rien et commence à s’impatienter en ne voyant pas revenir Oudart de
Renty. Avant d’engager cette seconde action, Édouard, qui veut couper
la retraite aux Français, dépêche en toute hâte un fort détachement
composé de six bannières et de trois cents archers, contre les
arbalétriers des sires de Fiennes et de Crésecques préposés à la garde
du pont de Nieuley. Plus de cent vingt Français sont tués ou noyés en
défendant ce pont; mais les seigneurs de Fiennes, de Crésecques, de
Sempy, de Longvillers et de Mametz parviennent à se sauver. P. 73 à 79,
306 à 311.

      [130] L’affaire fut chaude, et le roi d’Angleterre y fut serré
      de près, car quinze jours après cet engagement, le 15 janvier
      1350, on le voit donner deux cents marcs de rente annuelle à Gui
      de Bryan «considerantes grata et laudabilia obsequia nobis per
      dilectum et fidelem nostrum Guidonem de Bryan a diu multipliciter
      impensa ac bonum gestum suum, _in ultimo conflictu_ inter nos et
      quosdam inimicos nostros Franciæ _apud Calesium habito, vexillum
      nostrum ibidem contra dictos inimicos nostros prudenter deferendo
      et illud erectum sustinendo strenue et potenter_....» Rymer,
      _Fœdera_, vol. III, p. 195.

Le fort de l’action s’engage là où Geoffroi de Charny combat en
personne; il voit tomber à ses côtés, frappés mortellement, Henri du
Bos et Pepin de Wierre; il est fait lui-même prisonnier, ainsi que Jean
de Landas, Hector et Gauvain de Bailleul, le sire de Créquy et tous ses
autres compagnons, après avoir fait des prodiges de valeur. Toutefois,
l’honneur de la journée est pour Eustache de Ribemont, qui se rend au
roi d’Angleterre contre qui il a soutenu une lutte acharnée, sans le
connaître. P. 79 à 81, 311 à 313.

La nuit du jour de l’an, Édouard offre en son château de Calais un
magnifique souper à ses compagnons d’armes et aux chevaliers français
prisonniers. Après le repas, il donne devant tous les assistants son
propre _chapelet_[131] (chapeau) enrichi de perles à Eustache de
Ribemont comme au plus brave, en accompagnant ce présent des éloges les
plus flatteurs; puis il rend la liberté au chevalier français, sans
exiger aucune rançon[132]. P. 81 à 84, 313 à 317.

      [131] Les princes et les grands seigneurs portaient à cette
      époque de chapeaux ou _chapelets_ du plus grand luxe. En 1359,
      le comte d’Étampes, empruntant de Guillaume Marcel, changeur et
      bourgeois de Paris, mille moutons d’or, à raison de quatre cents
      moutons d’intérêt pour six semaines, afin de racheter aux Anglais
      le pays d’Étampes qu’ils occupaient, donne à son prêteur, en gage
      du payement de cet intérêt, son «chapeau d’or du pris de deux
      cenz moutons». Arch. nat., sect. hist., JJ91, p. 399.

      [132] Édouard voulut sans doute se rattraper de cet acte de
      générosité chevaleresque sur ses autres prisonniers. Il est
      certain du moins qu’il soumit Geoffroi de Charny à une rançon
      énorme, puisque le roi Jean, pour aider ce chevalier à la payer,
      lui fit donner, le 31 juillet 1351, douze mille écus d’or.
      Anselme, _Hist. gén._, t. VIII, p. 201.

Mort de Jeanne, fille de Robert, duc de Bourgogne[133], mariée à
Philippe de Valois, et de Bonne[134], fille de Jean de Luxembourg,
roi de Bohême, mariée à Jean, duc de Normandie. Philippe et Jean se
remarient bientôt après, le premier à Blanche[135], fille de Philippe
d’Évreux, roi de Navarre, le second à Jeanne[136], comtesse de
Boulogne, veuve de Philippe de Bourgogne, mort devant Aiguillon. P. 84,
85, 317, 318.

      [133] Jeanne, fille de Robert II, duc de Bourgogne, mourut
      le samedi 12 décembre 1349, d’après les _Grandes Chroniques
      de France_ (éd. de M. P. Paris, in-12, t. V, p. 490). Les
      Bénédictins se sont trompés en faisant mourir cette reine le 12
      septembre 1348.

      [134] D’après l’épitaphe qu’on voyait sur le tombeau de cette
      princesse, dans l’abbaye de Maubuisson, Bonne de Luxembourg
      mourut le 11 septembre 1349. (Dacier, édit. de Froissart, p.
      366, note 2, et _L’Art de vérifier les dates_, t. I, p. 600.)
      Elle serait morte le vendredi 11 août 1349, d’après les _Grandes
      Chroniques de France_ (t. V, p. 490).

      [135] Le 29 janvier 1350, d’après l’_Art de vérifier les dates_
      (t. I, p. 597), le mardi 11 janvier 1350, d’après les _Grandes
      Chroniques de France_ (t. V, p. 491), Philippe de Valois se
      remaria à Blanche, fille de Philippe d’Évreux, roi de Navarre.

      [136] Jean, fils aîné du roi de France, duc de Normandie, se
      remaria à Jeanne, comtesse de Boulogne, le mardi 9 février 1350,
      d’après les _Grandes Chroniques de France_ (_Ibid._, p. 492),
      et non le 19 février 1350, comme on l’a imprimé par erreur dans
      l’_Art de vérifier les dates_, t. I, p. 600.




CHAPITRE LXIX.

  1347. MARIAGE DE LOUIS, COMTE DE FLANDRE, AVEC MARGUERITE FILLE DE
  JEAN, DUC DE BRABANT[137] (§ 322).

      [137] Ce chapitre appartient en propre à Froissart et ne se
      trouve pas dans les _Chroniques_ de Jean le Bel.


Il a été dit plus haut que Louis, comte de Flandre, après avoir fiancé
à Bergues Isabelle, fille d’Édouard III, s’était réfugié en France pour
échapper à la conclusion de ce mariage. Le duc Jean de Brabant ouvre
aussitôt des négociations auprès du roi de France, afin d’obtenir la
main du comte de Flandre pour sa fille Marguerite. Philippe de Valois,
auquel le duc de Brabant promet d’engager les Flamands dans l’alliance
française, conseille à Louis de Male[138] d’agréer les ouvertures de
Jean III. Quant aux bonnes villes de Flandre, le duc de Brabant les
menace, si elles ne lui sont pas favorables, de leur faire la guerre. A
la suite de conférences tenues à Arras entre le jeune comte de Flandre
et les envoyés de Jean III, Louis de Male s’engage solennellement à
prendre Marguerite en mariage, puis il vient en Flandre où il rentre en
possession de tous ses droits seigneuriaux, et bientôt après il épouse
la fille du duc de Brabant. Une clause secrète du contrat fut que
Malines[139] et Anvers, après la mort de Jean III, feraient retour au
comte de Flandre.--L’irritation que le roi d’Angleterre ressent de ce
mariage dans le premier moment ne l’empêche pas au bout de peu de temps
de faire sa paix avec le duc de Brabant et le comte de Flandre[140]. P.
85 à 88, 318 à 320.

      [138] Dès le 17 mai 1347, à Conflans près Paris, Louis de
      Male élisait certains procureurs pour traiter de son mariage
      avec Marguerite, fille de Jean, duc de Brabant (Arch. nat.,
      _Transcripta_, JJC, fº 118 vº); à Saint-Quentin, le 6 juin, il
      promettait d’être le mardi 26 juin à Lewre en Brabant (auj.
      Leeuw-Saint-Pierre, prov. Brabant, à 13 kil. de Bruxelles) pour
      accomplir le dit mariage (Arch. nat., JJC, fº 135 vº, p. 64), et
      il assignait à sa femme 6000 livres en terre sur le comté d’Alost
      (JJC, fº 128 vº). De son côté, Jean, duc de Brabant, le 18 mai
      1347, à Bruxelles, nommait certains procureurs pour traiter du
      mariage entre son fils aîné Henri et Jeanne, fille du duc de
      Normandie, et entre son fils Godefroi et Bonne, fille du duc de
      Bourbon (JJC, fº 123); à Saint-Quentin, le 2 juin, il s’engageait
      à rompre le plus tôt possible son alliance avec les Flamands
      et le comte de Hainaut (JJC, fº 119); il promettait au dit
      Saint-Quentin, le 6 juin, d’aider le comte de Flandre à se faire
      obéir des Flamands (JJC, fº 118); il déclarait n’être aucunement
      l’allié du roi d’Angleterre (JJC, fº 116); enfin, il signait
      une alliance avec le roi de France dans la maison des Frères
      Prêcheurs (JJC, fº 139 vº). En retour, Philippe de Valois, par
      lettres aussi datées de Saint-Quentin, le 6 juin 1347, promettait
      que Jeanne de Normandie et Bonne de Bourbon se trouveraient au
      château de Vincennes le 19 juin pour leurs mariages avec Henri
      et Godefroi de Brabant, et que Louis, comte de Flandre, se
      trouverait à Leeuw en Brabant le 26 juin pour son mariage avec
      Marguerite de Brabant (JJC, fº 140 vº).

      [139] Par cet acte daté de Saint-Quentin, le 5 février 1347,
      Philippe de Valois garantit le comte de Flandre contre l’évêque
      et le chapitre de Liége au sujet de Malines cédée par ledit comte
      à Henri, fils du duc de Brabant, à l’occasion de son mariage avec
      Jeanne, fille du duc de Normandie. (Arch. nat., sect. hist., JJC,
      fº 133.) Par un autre acte rendu aussi à Saint-Quentin le 5 juin,
      le roi de Navarre donne au comte de Flandre cinq mille livres
      de terre en échange de la cession de Malines à Henri de Brabant
      (_Ibid._, fº 131). Philippe de Valois achève de dédommager Louis
      de Male en érigeant en pairie, par lettres patentes du 27 août
      1347, les comtés de Nevers, de Rethel et la baronnie de Donzy. V.
      Blanchard, _Compilation chronologique_, col. 105 et 106.

      [140] Un traité fut conclu entre le roi d’Angleterre et le
      comte de Flandre dans les premiers jours de décembre 1348. Par
      ce traité, Édouard III et Louis de Male ratifient les articles
      arrêtés par leurs députés et renouvellent l’alliance entre
      l’Angleterre et la Flandre. Henri, comte de Lancastre, est chargé
      de recevoir l’acte d’hommage du comte qui s’engage à pardonner
      aux villes de Gand et de Bruges tout ce qu’elles ont fait contre
      lui pendant leurs rébellions. Ce traité fut ratifié par Louis de
      Male, le 4 décembre 1348 (Archives du Nord, fonds de la Chambre
      des Comptes de Lille, orig. parch.) et par Édouard III le 10
      décembre suivant. V. Rymer, _Foedera_, vol. III, p. 178 et 179.




CHAPITRE LXX.

  1350. DÉFAITE DES ESPAGNOLS DANS UNE BATAILLE NAVALE LIVRÉE EN VUE DE
  WINCHELSEA CONTRE LES ANGLAIS.--1352. EXÉCUTION D’AIMERI DE PAVIE A
  SAINT-OMER[141] (§§ 323 à 329).

      [141] Ce chapitre ne se trouve pas dans les _Chroniques_ de Jean
      le Bel.


Édouard III apprend que les Espagnols, dont la marine s’est portée
naguère à des actes d’hostilité contre les Anglais[142], sont allés
avec de nombreux vaisseaux acheter des draps, des toiles et autres
marchandises en Flandre; il ne veut pas laisser échapper cette occasion
de se venger de ses ennemis. Il équipe une flotte puissante, dont
les navires sont montés par l’élite de sa noblesse; il en prend le
commandement et va croiser entre Douvres et Calais. P. 88 à 90, 320,
321.

      [142] Vers la Toussaint, c’est-à-dire au commencement de novembre
      1349, les Espagnols s’étaient emparés, à l’embouchure de la
      Gironde, de plusieurs navires anglais qui portaient une cargaison
      de vin en Angleterre et avaient tué les équipages. (Robert de
      Avesbury, _Hist. Ed. III_, p. 184 et 185.) Édouard se plaint
      amèrement des pirateries des Espagnols, dans une lettre adressée
      le 10 août 1350 à l’archevêque de Cantorbéry pour demander des
      prières publiques; on y trouve ce passage: «Jamque in tantam
      erecti sunt (Hispani) superbiam quod, immensa classe in partibus
      Flandriæ per ipsos congregata et gentibus armatis vallata,
      nedum se navigium nostrum in totum velle destruere et mari
      anglicano dominari jactare præsumunt, sed regnum nostrum invadere
      populumque nobis subjectum exterminio subdere velle expresse
      comminantur.» V. Rymer, vol. III, p. 202.

Les Espagnols, de leur côté, informés des projets du roi d’Angleterre,
ont fait leurs préparatifs pour soutenir la lutte; ils ont muni
d’artillerie leurs quarante gros vaisseaux et pris des brigands à
leur solde.--Au moment où Édouard III, monté sur un navire appelé _La
Salle du Roi_, dont Robert de Namur est capitaine, fait exécuter par
ses ménestrels un air de danse que Jean Chandos vient de rapporter
d’Allemagne, tout à coup une sentinelle placée au haut du mât annonce
que les Espagnols sont en vue: le roi fait aussitôt sonner le branlebas
de combat[143]; les navires se rapprochent pour former une ligne
très-serrée; Édouard et ses chevaliers boivent du vin, revêtent leurs
armes en toute hâte, et la bataille commence. P. 90 à 92, 321 à 324.

      [143] Cette bataille navale se livra en vue de Winchelsea, le
      jour de la fête de la décollation de Saint-Jean, c’est-à-dire le
      29 août 1350. L’armement de la flotte anglaise s’était fait à
      Sandwich. V. Robert de Avesbury, p. 185.

Les navires espagnols et anglais s’accrochent les uns aux autres, deux
par deux, avec des crampons et des chaînes de fer, et l’on se bat à
l’abordage. Après diverses alternatives, le roi d’Angleterre et le
prince de Galles, son fils, montent sur deux vaisseaux ennemis qu’ils
ont conquis après une lutte acharnée; ils sont forcés d’abandonner
leurs propres navires qui ont été horriblement maltraités et font
eau de toutes parts. _La Salle du Roi_ allait être emmenée par les
Espagnols, qui l’avaient accrochée, sans le dévouement d’un valet de
Robert de Namur, nommé Hennequin, qui, en sautant à bord du navire
ennemi, parvient à couper les cordes qui soutiennent les voiles. Le
vaisseau espagnol ne peut plus avancer, et Robert de Namur le prend à
l’abordage. Bref, les Espagnols perdent quatorze[144] de leurs navires;
les autres parviennent à se sauver. La flotte victorieuse rentre à Rye
et à Winchelsea. Édouard va rejoindre sa femme qui l’attend dans un
château situé à deux lieues de là et qui est fort inquiète, car les
habitants de cette partie des côtes d’Angleterre ont vu le combat du
haut des falaises. P. 92 à 98, 324 à 328.

      [144] D’après Robert de Avesbury (p. 185), les Espagnols
      perdirent vingt-quatre vaisseaux à la bataille navale de
      Winchelsea.

Geoffroi de Charny surprend Aimeri de Pavie dans un petit château de la
marche de Calais, nommé Frethun[145], qui lui avait été donné par le
roi d’Angleterre, et le fait mettre à mort à Saint-Omer, pour le punir
de sa trahison. P. 98, 99, 328 à 330.

      [145] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Calais. Geoffroi
      de Charny était encore prisonnier en Angleterre le 20 décembre
      1350 (Rymer, vol. III, p. 212); et le parfait payement de sa
      rançon dut être réglé au mois d’août 1351 au plus tôt (v. plus
      haut, p. XXXIV, note 1). D’un autre côté, ce chevalier, après
      sa mise en liberté, ne fut envoyé de nouveau sur la frontière
      de Calais qu’en février 1352 (Bibl. nat., _Titres scellés_,
      vol. 29). Par conséquent, si ce fut Geoffroi qui surprit à
      Frethun Aimeri de Pavie, cet événement eut lieu sans doute au
      commencement de 1352.




CHAPITRE LXXI.

  1348. RAVAGES DE LA PESTE.--1349. DÉMONSTRATIONS DE PÉNITENCE DES
  FLAGELLANTS; EXTERMINATION DES JUIFS DANS TOUS LES PAYS DE L’EUROPE
  EXCEPTÉ À AVIGNON ET SUR LE TERRITOIRE PAPAL[146] (§ 330).

      [146] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, p. 154.


En ce temps éclate une peste qui fait mourir le tiers de la
population[147]. Pour apaiser la colère de Dieu, il surgit alors en
Allemagne[148] une secte dont les adeptes se fouettent le dos et les
épaules jusqu’au sang avec des courroies garnies d’aiguillons de fer;
d’où on les appelle flagellants. Ils chantent des complaintes[149] sur
la Passion, et vont de ville en ville, en faisant pénitence, pendant
trente-trois jours, parce que Jésus-Christ alla sur terre pendant
trente-trois ans. Ces pénitences font cesser les ravages de la peste
en beaucoup d’endroits; mais le roi de France interdit aux flagellants
l’entrée de son royaume, et le pape lance des bulles d’excommunication
contre eux.--On arrête alors les Juifs par toute l’Europe, on les
brûle et on confisque leurs biens, excepté à Avignon et en la terre
de l’Église, sous les ailes du pape. Une prédiction avait annoncé
aux Juifs, cent ans auparavant, qu’ils seraient détruits quand on
verrait apparaître des gens armés de verges de fer. L’apparition des
flagellants explique le sens de cette prédiction. P. 100, 101, 330 à
332.

      [147] La peste de 1348 fut un de ces nombreux cas de peste
      asiatique qui sont venus à diverses reprises fondre sur
      l’Europe. «Dicta autem mortalitas, dit Jean de Venette, _inter
      incredulos inchoavit_, deinde ad Italiam venit; postea montes
      pertransiens ad Avinionem accessit....» (_G. de Nangis_, édit.
      Géraud, t. II, p. 212.) Simon de Covins, astronome du temps,
      attribua cette peste à l’influence des astres (voyez un article
      de M. Littré, _Bibl. de l’École des Chartes_, t. II, p. 208
      et suiv.). Dans le nord de la France, la peste sévit d’abord
      à Roissy (Seine-et-Oise, arr. Pontoise, c. Gonesse); elle
      fit périr cinquante mille personnes à Paris et seize mille à
      Saint-Denis, et continua ses ravages pendant un an et demi
      (_Grandes Chroniques_, t. V, p. 485 et 486). En Angleterre comme
      en France, la peste commença par le sud; elle éclata d’abord vers
      le 1er août 1348 dans le comté de Dorset; elle exerça ensuite de
      tels ravages à Londres que, de la Purification à Pâques 1349, on
      enterra deux cents cadavres par jour dans un nouveau cimetière
      près de Smiethfield sur l’emplacement duquel s’élève aujourd’hui
      l’école-hospice, jadis couvent, de Charterhouse. De Londres, la
      peste gagna le nord de l’Angleterre et l’Écosse où elle ne cessa
      ses ravages que vers la Saint-Michel 1349 (Robert de Avesbury,
      _Hist. Ed. III_, p. 177 à 179). Comme il arrive toujours, la
      peste de 1348 frappa surtout les classes nécessiteuses. La
      plupart des ouvriers et domestiques étant morts de la peste,
      ceux qui avaient survécu eurent l’idée de profiter de leur petit
      nombre pour se faire donner des gages et des salaires plus
      élevés. Édouard III mit bon ordre à ce qu’il considérait comme
      un abus, par ordonnance du 18 novembre 1350 (Rymer, vol. III, p.
      210 et 211). La Faculté de Médecine de Paris rédigea en 1349 un
      mémoire sur la peste de 1348; il est conservé au dép. des mss.
      de la Bibl. nat., fonds latin, n° 11227. M. le docteur Michon a
      publié en 1860 sur cette épidémie un travail capital intitulé:
      _Documents inédits sur la grande peste de 1348_ (_consultations
      de la Faculté de Paris, d’un médecin de Montpellier, description
      de G. de Machaut_), par L. A. Joseph Michon, in-8º, 99 p., Paris,
      J. B. Baillière.

      [148] La Hollande, la Flandre et le Brabant furent le berceau
      de la secte des flagellants. Cf. Robert de Avesbury, p. 179;
      _Grandes Chroniques_, t. V, p. 492 et 493; G. de Nangis, t. II,
      p. 216 à 218.

      [149] Voyez deux chansons des flagellants dans Le Roux de Lincy,
      _Recueil des chants historiques français_, première série, p. 237
      et suiv.




CHAPITRE LXXII.

  1350. AVÉNEMENT DU ROI JEAN.--1351. VICTOIRE DES ANGLAIS PRÈS
  DE TAILLEBOURG; SIÉGE ET PRISE DE SAINT-JEAN-D’ANGÉLY PAR LES
  FRANÇAIS.--COMBAT DES TRENTE.--ESCARMOUCHE D’ARDRES ET MORT D’ÉDOUARD
  DE BEAUJEU.--1352. AVÉNEMENT D’INNOCENT VI.--1350. EXÉCUTION DE
  RAOUL, COMTE D’EU ET DE GUINES.--1352. VENTE DU CHÂTEAU DE GUINES AUX
  ANGLAIS.--1351. FONDATION DE L’ORDRE DE L’ÉTOILE[150] (§§ 331 à 342).

      [150] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXXV à
      LXXXVII, LXXXIX, p. 157 à 168, 173 à 175.


Mort de Philippe de Valois, avénement du roi Jean[151]. Le nouveau
roi[152], aussitôt après son couronnement à Reims, fait mettre en
liberté ses cousins Jean et Charles d’Artois, fils de Robert d’Artois,
détenus en prison, et comble de faveurs ses deux cousins germains,
Pierre, duc de Bourbon, et Jacques de Bourbon, comte de la Marche. Il
quitte Paris avec un train magnifique, prend le chemin de la Bourgogne,
et se rend à Avignon[153] où le pape Clément VI et le sacré collége
donnent des fêtes en son honneur. D’Avignon, il va passer une quinzaine
de jours à Montpellier[154] d’où il se dirige vers le Poitou[155].
Il convoque à Poitiers ses gens d’armes placés sous les ordres de
Charles d’Espagne, connétable, d’Édouard de Beaujeu et d’Arnoul
d’Audrehem[156], maréchaux de France, et vient mettre le siége devant
Saint-Jean-d’Angély, dont les habitants appellent à leur secours le roi
d’Angleterre. P. 100 à 103, 332 à 334.

      [151] Philippe de Valois mourut le dimanche 22 août 1350 à
      Nogent-le-Roi près Coulombs (auj. Nogent-Eure-et-Loir, ar.
      Dreux). Jean II fut couronné à Reims le dimanche 26 septembre
      suivant (p. 400 de ce volume). Le château de Nogent-le-Roi
      appartenait au roi de Navarre, mais Philippe de Valois mourut
      sans doute à l’abbaye de Coulombs d’où le roi Jean a daté des
      lettres de rémission du mois d’août 1350 (JJ80, p. 31).

      [152] Quelques-uns de nos lecteurs s’étonneront peut-être
      des développements que nous donnons à ces notes. C’est que
      malheureusement beaucoup des erreurs, même grossières, que nous
      relevons dans les Chroniques de Froissart se retrouvent dans
      les ouvrages les plus estimés. Il faut bien le dire, l’histoire
      du quatorzième siècle, dans ses deux parties essentielles, la
      chronologie et la géographie, reste encore en grande partie à
      faire. Il n’entre pas dans notre plan de signaler les erreurs
      qui ont pu échapper à nos prédécesseurs; nous croyons seulement
      qu’il importe de donner une fois pour toutes l’idée de ces
      lacunes dont nous parlons; à ce titre, nous citerons les lignes
      suivantes que les auteurs de l’_Art de vérifier les dates_ (t.
      I, p. 598) ont consacrées aux deux premières années du règne du
      roi Jean: «Nos armes n’avaient aucun succès contre les Anglais.
      Cette même année (1351), ils se rendirent maîtres de Guines au
      mois de septembre par la trahison de Beaucaurroy, lieutenant
      de la place, qui expia ce crime par une mort honteuse. Aimeri
      de Pavie, commandant de Calais, qui avait séduit Beaucaurroy,
      voulut surprendre l’année suivante Saint-Omer où commandait
      Charny. Il est pris lui-même dans une embuscade, et Charny le
      fait écarteler. Le roi d’Angleterre n’avait pas ainsi traité
      Charny, comme on l’a vu, lorsqu’ayant engagé l’an 1348 ce même
      Aimeri à lui livrer Calais, il fut surpris au moment où il allait
      s’emparer de la place. Édouard lui ayant pardonné généreusement,
      Charny, par reconnaissance, devait user de la même générosité.»
      Les Bénédictins ont commis dans ce peu de lignes presque autant
      d’erreurs qu’ils ont avancé de faits. Ce n’est pas au mois de
      septembre 1351, mais en 1352, entre le 6 et le 22 janvier, que
      les Anglais s’emparèrent par surprise du château de Guines. C’est
      Robert de Herle, et non Aimeri de Pavie, qui était capitaine de
      Calais lorsque le Lombard, devenu simple châtelain de Frethun,
      fut surpris à son tour par Geoffroi de Charny. Enfin, la
      tentative de ce dernier contre Calais eut lieu, non en 1348, mais
      dans la nuit du 31 décembre 1349 au 1er janvier 1350.

      [153] Le roi Jean se mit en route pour Avignon dans les derniers
      jours de novembre 1350. Le dernier jour de novembre, il passait
      à Chateauneuf-sur-Loire (Loiret, ar. Orléans); il était arrivé à
      Villeneuve-lès-Avignon (Gard, arr. Uzès, sur la droite du Rhône)
      le 23 décembre (JJ80, p. 867; JJ81, p. 166, 167, 237, 760, 203,
      460).

      [154] Le roi de France, arrivé de Beaucaire à Montpellier le 7
      janvier 1351, tint le lendemain 8 dans cette ville les états
      généraux de la province où avaient été convoqués les prélats,
      barons et communes des sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne,
      Beaucaire et Rouergue, les évêques d’Agde, Béziers, Lodève,
      Saint-Papoul, Lombez et Comminges (dom Vaissette, _Hist. du
      Languedoc_, t. IV, p. 272). La présence de Jean à Montpellier du
      9 au 21 janvier est attestée par divers actes (JJ80, p. 466, 761,
      149, 759, 269, 532, 763, 356, 456, 457, 458). Le roi de France
      fit une excursion à Aigues-Mortes le 22 janvier et jours suivants
      (JJ80, p. 463, 459, 749, 771); il était le 26 (JJ80, p. 318, 455,
      476) de retour à Villeneuve, où il donnait un tournoi magnifique
      et séjournait de nouveau jusque vers les premiers jours de
      février (JJ80, p. 476, 472, 587, 568).

      [155] Le roi Jean ne se dirigea pas vers le Poitou, mais il
      regagna directement Paris, où le rappelaient les états généraux
      de la Languedoil et de la Languedoc convoqués pour le 16 février
      1351, convocation qui fut, il est vrai, prorogée au 15 mars
      suivant. Au retour, il passa par Lyon, où il se trouvait le
      7 février (JJ80, p. 216, 372); il était rentré à Paris le 19
      février au plus tard (JJ80, p. 212).

      [156] Froissart a commis une erreur en donnant dès cette époque
      à Arnoul d’Audrehem le titre de maréchal de France. Le sire
      d’Audrehem prit en effet, comme le dit notre chroniqueur, une
      part active à la campagne des Français en Saintonge pendant la
      première moitié de 1351, mais il n’était alors que capitaine du
      comté d’Angoulême pour Charles d’Espagne. Nous avons des lettres
      données à Angoulême le 5 janvier 1350 par Arnoul d’Audrehem,
      _chevalier du roi et capitaine souverain deputé ou comté
      d’Angoulesme_ (JJ78, p. 87), et le 24 avril 1351 par le même
      Arnoul d’Audrehem, _capitaine et gouverneur du comté d’Angoulesme
      pour Charles d’Espagne_ (JJ84, p. 224). Fait prisonnier au combat
      de Saintes, Arnoul d’Audrehem fut nommé maréchal de France après
      la mort d’Édouard de Beaujeu, entre le 21 et le 30 juin 1351.
      Il avait été mis en liberté et se trouvait à Paris dès le 25
      mai, jour où dans l’hôtel des hoirs feu Vincent du Castel, près
      la porte Saint-Honoré, lui et Jeanne de Hamelincourt sa femme
      se firent une donation entre vifs de tous leurs biens meubles
      et immeubles; il n’est encore qualifié dans cet acte que _noble
      homme et puissant Mgr Arnoul d’Odeneham, chevalier, seigneur du
      dit lieu_, et dans la confirmation, en date du 21 juin suivant,
      de la dite donation, on l’appelle simplement _dilectum et
      fidelem militem et consiliarium nostrum_ (JJ80, p. 495). Mais
      dans une donation que le roi Jean lui fit à Saint-Ouen au mois
      de juin 1351 de la ville et du château de Wassigny (Aisne, ar.
      Vervins), on donne déjà à Arnoul d’Audrehem le titre de _maréchal
      de France_ (JJ81, p. 110). Le P. Anselme s’est donc trompé en
      faisant dater la promotion d’Arnoul d’Audrehem comme maréchal de
      France du mois d’août 1351. V. _Hist. généal._, t. VI, p. 751 et
      752.

Jean de Beauchamp[157] et quarante autres chevaliers anglais, envoyés
au secours de Saint-Jean-d’Angély, débarquent à Bordeaux à la tête de
trois cents hommes d’armes et de six cents archers. Ces forces, réunies
à celles des seigneurs d’Albret, de Mussidan et des autres chevaliers
gascons du parti anglais, s’élèvent à cinq[158] cents lances, quinze
cents archers et trois mille brigands à pied. Gascons et Anglais
franchissent la Garonne, passent à Blaye et arrivent à une journée de
distance de la Charente, en vue du pont de Taillebourg. Les Français,
qui assiégent Saint-Jean-d’Angély, ont envoyé un détachement garder
ce pont sous les ordres de Jean de Saintré, de Guichard d’Angle, de
Boucicaut et de Gui de Nesle[159]. A la vue de ce détachement, les
Anglais veulent rebrousser chemin, mais les Français s’élancent
à leur poursuite. Un combat s’engage qui tourne à l’avantage des
Anglo-Gascons. Tous les Français sont tués ou pris[160]. Les Anglais
qui ne se sentent pas en mesure, malgré ce succès, de faire lever le
siége de Saint-Jean-d’Angély, retournent à Bordeaux avec leur butin et
de bons prisonniers tels que Gui de Nesle, dont par la suite ils ne
tirèrent pas moins de cent mille moutons. P. 103 à 108, 334 à 336.

      [157] D’après Robert de Avesbury, les forces anglo-gasconnes,
      envoyées au secours de Saint-Jean-d’Angély, étaient commandées
      par le sire d’Albret. _Hist. Ed. III_, p. 186.

      [158] L’historien du règne d’Édouard III, qui tend à diminuer
      l’effectif des forces anglaises, toutes les fois qu’il s’agit
      d’une affaire où elles ont donné, ne prête que six cents hommes
      d’armes au sire d’Albret. _Ibid._

      [159] Nous avons des lettres de Gui de Nesle, sire de Mello,
      maréchal de France, lieutenant du roi en Poitou, Limousin,
      Saintonge, Angoumois et Périgord par deçà Dordogne, datées de
      Niort le 4 novembre 1349 (JJ78, p. 87), le 18 décembre 1350
      (JJ80, 577), de Chizé (Deux-Sèvres, arr. Melle, c. Brioux) le 19
      février 1351 (JJ81, p. 118). Par acte daté de Paris le 16 mars
      1351 «presente domino constabulario» (Charles d’Espagne), le
      roi Jean donne à son amé et féal ch{er} et c{er} Gui de Nesle,
      maréchal de France, mille livres tournois de rente annuelle sur
      les forfaitures qui viendront à échoir (JJ83, p. 344).

      [160] D’après Robert d’Avesbury, ce combat se livra près de
      Saintes, le 8 avril 1351, et trois cents chevaliers français
      y furent faits prisonniers (_Hist. Ed. III_, p. 186 et 187).
      D’après les Grandes Chroniques de France (v. p. 401 de ce
      volume), cette affaire eut lieu le 1er avril 1351; et Gui de
      Nesle, maréchal de France, Guillaume son frère, Arnoul d’Audrehem
      tombèrent au pouvoir des Anglais. Ce qui est certain, c’est que
      le combat de Saintes eut lieu avant le mois de juin 1351, puisque
      Gui de Nesle avait déjà recouvré sa liberté, sous caution ou
      autrement, à cette date, comme on le voit par des lettres du roi
      Jean données à Paris _en juin_ 1351, _presente Guidone de Nigella
      marescallo Francie_ (JJ80, p. 552). On lit dans d’autres lettres
      datées du Val Coquatrix le 15 juillet 1351 que le roi Jean donne
      à Gui de Beaumont, pour l’aider à payer sa rançon, trente huit
      arpents de bois dans la forêt de Halate «cum prædictus miles
      nuper cum dilecto et fideli milite et marescallo nostro Guidone
      de Nigella, cujus dictus Guido de Bellomonte marescallus erat,
      in nostro servicio in partibus Xantonensibus per regni nostri
      inimicos captus fuerit et adhuc eorum prisonarius existat» (JJ80,
      p. 719). D’un autre côté, ce combat se livra, comme le dit Robert
      d’Avesbury, près de Saintes, car nous lisons dans des lettres
      de rémission accordées par Gui de Nesle le 24 septembre 1351 à
      Renoul de Saint-Pardoulf, écuyer, que le dit Renoul avait été
      _pris darrainement en la bataille de Sainctes_ (JJ81, p. 62).
      Sismondi, M. H. Martin et tous les historiens contemporains se
      trompent donc à la suite de Froissart en plaçant l’affaire de
      Saintes à l’époque où le roi Jean vint en Poitou et en Saintonge
      pour renforcer le siége de Saint-Jean-d’Angély, c’est-à-dire au
      mois d’août 1351. V. Sismondi, t. X, p. 392 et 393, et M. H.
      Martin, éd. de 1839, t. V, p. 450.

Le roi Jean apprend à Poitiers[161] la déconfiture de Taillebourg;
il est fort irrité à cette nouvelle et vient en personne devant
Saint-Jean-d’Angély pour renforcer le siége. Les assiégés sollicitent
et obtiennent une trêve de quinze jours, à la condition qu’ils
se rendront, s’ils ne sont pas secourus dans cet intervalle. A
l’expiration de cette trêve, le 7 août[162] 1351, Saint-Jean-d’Angély
ouvre ses portes au roi de France. P. 108, 109, 337.

      [161] L’affaire de Saintes eut lieu, comme nous venons de le
      voir, dans les premiers jours d’avril 1351, et le roi Jean
      n’était pas alors à Poitiers. Il est même fort douteux que le
      siége fût déjà mis devant Saint-Jean-d’Angély à cette date.
      La noblesse de la sénéchaussée de Beaucaire, placée sous les
      ordres de Guillaume Rolland, sénéchal de ce pays, ne servit _en
      Poitou_, sous Charles d’Espagne, connétable de France, que de la
      _mi-juillet_ à la mi-septembre 1351 (dom Vaissette, _Hist. du
      Languedoc_, t. IV, p. 274). Nous avons des lettres de Charles
      d’Espagne, connétable de France, lieutenant du roi entre Loire
      et Dordogne, datées _de ses tentes devant Saint-Jean-d’Angély,
      le 26 juillet 1351_ (JJ81, p. 575), _du siége devant
      Saint-Jean-d’Angély, le 30 août 1351_ (JJ82, p. 202).

      [162] La dernière pièce, citée dans la note précédente, prouve
      que la reddition de Saint-Jean-d’Angély n’a pu avoir lieu le 7
      août, puisque Charles d’Espagne assiégeait encore cette ville
      le 30 août 1351. Dans tous les cas, cette reddition n’aurait
      pu être faite au roi Jean, qui était encore à Chanteloup (auj.
      hameau de Saint-Germain-lès-Arpajon, Seine-et-Oise, ar. Corbeil,
      c. Arpajon) le 10 août 1351 (JJ81, p. 160). Le roi de France
      ne dut arriver devant Saint-Jean-d’Angély qu’à la fin d’août;
      il délivra des lettres de rémission le 29 août 1351 à Jean de
      Pontallier, chevallier, _in tentis nostris ante Sanctum Johannem
      Angeliacensem_ (JJ81, p. 917). D’après les Grandes Chroniques (v.
      p. 401 de ce volume), Saint-Jean-d’Angély se rendit au mois de
      septembre. La reddition de cette ville dut avoir lieu entre le 29
      août et le 5 septembre; à cette dernière date, le roi de France
      avait déjà repris le chemin de Paris, comme on le voit par des
      lettres datées de Niort le 5 septembre 1351, auxquelles Jean fit
      apposer le sceau de son cousin Charles d’Espagne _in nostrorum
      magni et secreti absencia_ (JJ81, p. 145). Jean était de retour à
      Paris au plus tard le 17 septembre (JJ81, p. 935).

Après la reddition de Saint-Jean-d’Angély, le roi Jean retourne
à Paris, tandis que Jean de Beauchamp et les siens repassent en
Angleterre où ils emmènent leurs prisonniers. De retour à Londres,
Jean de Beauchamp[163] est nommé, en récompense du succès qu’il a
remporté près de Taillebourg, capitaine et gouverneur de Calais. Le
roi de France, de son côté, envoie à Saint-Omer Édouard, seigneur de
Beaujeu[164], pour garder la frontière contre les Anglais. P. 110, 337.

      [163] Jean de Beauchamp était capitaine du château de Calais dès
      le 19 juillet 1348 (Rymer, vol. III, p. 165). Fait prisonnier à
      l’affaire d’Ardres, au commencement de juin 1351, il fut remplacé
      le 20 de ce mois par Robert de Herle (_Ibid._, p. 222).

      [164] Édouard, sire de Beaujeu, maréchal de France depuis 1347
      par la démission de Charles, sire de Montmorency, ne fut pas
      envoyé à Saint-Omer après la reddition de Saint-Jean-d’Angély,
      puisque, comme nous le verrons, il était certainement mort avant
      le 30 juin 1351.

Combat des Trente. Trente gens d’armes, bretons et français, partisans
de Charles de Blois, sous les ordres de Robert de Beaumanoir,
châtelain de Josselin, se battent en vertu d’une convention et dans
des conditions réglées à l’avance contre trente soudoyers anglais,
allemands et bretons, partisans de la comtesse de Montfort, commandés
par Bramborough, châtelain de Ploërmel[165]. A la première passe,
quatre Français et deux Anglais sont tués. On suspend la lutte pour
prendre quelques instants de repos; puis le combat recommence. A
la seconde passe, les Français prennent le dessus: Bramborough est
tué avec huit de ses compagnons; les autres se rendent. Robert de
Beaumanoir et les Français survivants emmènent leurs prisonniers à
Josselin et les mettent à rançon courtoise, dès que leurs blessures
sont guéries, car il n’y a personne, d’un côté comme de l’autre, qui
n’ait été blessé. P. 110 à 115, 338 à 340.

      [165] Ce combat passe pour s’être livré le 27 mars, quatrième
      dimanche de carême 1351, sur le territoire de la commune de
      la Croix-Helléan (Morbihan, ar. Ploërmel, c. Josselin, à 10
      kil. de Ploërmel). Une pyramide de granit a été élevée en 1823
      en remplacement du _Chêne de Mivoie_, à 150 mètres environ de
      l’endroit où se livra le combat. Une croix, reconstruite après la
      Révolution avec les débris d’une croix plus ancienne, porte une
      vieille inscription commémorative de ce fait d’armes (art. de M.
      Rosenzweig dans le Dictionnaire de la France de M. A. Joanne).
      Le combat des Trente a donné lieu à un curieux poëme, publié en
      1819 par Fréminville, en 1827 par Crapelet, et enfin par Buchon.
      V. l’ouvrage intitulé: _Le Combat de trente Bretons contre
      trente Anglais, d’après les documents originaux des quatorzième
      et quinzième siècles, suivi de la biographie et des armes des
      combattants_, par Pol de Courcy. Saint-Brieuc, 1857, impr.
      Prud’homme, in-4º, 76 p., 3 pl.

«Vingt-deux ans[166] après le combat des Trente, ajoute Froissart,
je vis assis à la table du roi Charles de France un chevalier qu’on
appelait Yvain Charuel. Comme il avait pris part à ce combat, on
l’honorait par-dessus tous les autres. On voyait bien du reste, à
son visage, qu’il savait ce que valent coups d’épées, de haches et de
dagues; car il était très-balafré. Il me fut dit vers ce même temps que
messire Enguerrand de Hesdin avait été lui aussi l’un des Trente, et
que c’était là l’origine de la faveur dont il jouissait auprès du roi
de France. Ce glorieux fait d’armes se livra entre Ploërmel et Josselin
le 27 juillet 1351.» P. 341.

      [166] Ce curieux passage est emprunté au ms. B6 dont le texte est
      très-corrompu. Peut-être le copiste a-t-il mis un X de trop, et
      faut-il lire: «XII ans puissedy» au lieu de: «XXII ans puissedy,»
      ce qui placerait ce séjour de Froissart à Paris vers 1364, au
      lieu de 1374. C’est précisément en cette année 1364 que, d’après
      un fragment de compte découvert par M. Caffiaux, Froissart
      rapporta de Paris des nouvelles d’un procès de la ville de
      Valenciennes pendant devant le Parlement «.... pour yaus moustrer
      les nouvielles que Froisars avoit rapportées au prouvost et as
      jurés dou plait que li ville a à Paris à l’encontre Monseigneur.»
      Compte de 1364. V. _Nicole de Dury_, par H. Caffiaux,
      Valenciennes, 1866, in-12, p. 34 et 100.

Escarmouche d’Ardres[167]. Édouard, sire de Beaujeu, maréchal
de France, envoyé à Saint-Omer après la reddition de
Saint-Jean-d’Angély[168], est tué entre Ausques[169] et Ardres en
poursuivant les Anglais de Calais, qui sont venus un matin faire une
incursion et recueillir du butin jusqu’aux portes de Saint-Omer. En
revanche, Jean de Beauchamp, gouverneur de Calais, et vingt autres
chevaliers anglais sont faits prisonniers par les Français, grâce à
un renfort de cinq cents brigands de la garnison de Saint-Omer, qui
surviennent vers la fin de l’action. En même temps, le butin fait par
les Anglais est repris par le sire de Bouvelinghem, les trois frères de
Hames[170] et les garnisons françaises de Hames, de la Montoire[171]
et de Guines[172].--Arnoul d’Audrehem[173] est envoyé à Saint-Omer,
et succède à Édouard de Beaujeu comme gardien de la frontière contre
les Anglais. D’un autre côté, le comte de Warwick[174] est nommé par
Édouard III gouverneur de Calais en remplacement de Jean de Beauchamp
qui vient d’être fait prisonnier; celui-ci, toutefois, ne tarde pas à
recouvrer sa liberté: les Français l’échangent contre Gui de Nesle[175]
pris par les Anglais à l’affaire de Taillebourg. P. 115 à 122, 341 à
346.

      [167] Sismondi (t. X, p. 398), M. Henri Martin (édit. de 1839,
      t. V, p. 457) et tous les historiens placent l’affaire d’Ardres
      en 1352; c’est une erreur qu’ils ont empruntée à Froissart (v.
      p. 115 de ce volume). Un érudit distingué, M. René de Belleval,
      s’écarte un peu moins de la vérité en disant que ce combat suivit
      immédiatement la reddition de Saint-Jean-d’Angély (_La grande
      guerre_, Paris, Durand, 1862, in-8, p. 48, note 1). Le sire de
      Beaujeu était certainement mort avant le 30 juin 1351, puisqu’à
      cette date l’official de Lyon et le juge ordinaire de Beaujeu
      font citer les témoins qui ont souscrit le testament d’Édouard,
      sire de Beaujeu, ainsi que les principaux parents et amis du
      défunt, à comparaître, le lundi après l’octave de Saint-Pierre
      et Saint-Paul, à Villefranche, pour assister à la publication et
      à l’ouverture du testament dudit Édouard (Arch. nat., orig. lat.
      sur parchemin jadis scellé, sect. adm., P1362{2}, cote 1498. V.
      Huillard-Bréholles, _Titres de la maison de Bourbon_, t. I, p.
      449). Édouard, sire de Beaujeu, est mentionné comme décédé dans
      un acte du 8 juillet 1351: «dilectum et fidelem nostrum Eduardum,
      dominum de Bellojoco, _tunc viventem_.» (JJ80, p. 504). Le combat
      d’Ardres dut même se livrer avant le 20 juin 1351, car Robert de
      Herle fut nommé à cette date Capitaine du château de Calais en
      remplacement de Jean de Beauchamp, fait prisonnier dans cette
      rencontre (Rymer, vol. III, p. 222).

      [168] Édouard de Beaujeu était mort depuis trois mois environ
      lorsque Saint-Jean-d’Angély se rendit aux Français. Le sire de
      Beaujeu n’avait d’ailleurs pris aucune part, quoi qu’en dise
      Froissart, à la campagne des Français en Saintonge pendant
      la première moitié de 1351. Il se tenait pendant ce temps à
      Saint-Omer et à Guines en qualité de gardien de la frontière et
      de lieutenant du roi ès parties de Picardie, tandis que Pierre,
      duc de Bourbon, comte de Clermont et de la Marche, chambrier de
      France, résidait au même titre à Arras (JJ80, p. 607).

      [169] Auj. Nordausques, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c. Ardres
      et Zudausques, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c. Lumbres, au
      nord-ouest de Saint-Omer et au sud-est d’Ardres, sur la route de
      Saint-Omer à Calais, passant par Ardres.

      [170] Hames fut cédé aux Anglais en 1360 par le traité de
      Brétigny; et le roi Jean, par acte daté de Hesdin en novembre
      1360, pour indemniser ses amés et féaux Guillaume, seigneur de
      Hames, et Enguerrand son frère, leur assigna cinq cents livrées
      de terre en rente perpétuelle sur sa recette d’Amiens. JJ118, p.
      92.

      [171] Voy. plus haut, p. XIII, note 62.

      [172] Voy. plus haut, p. XII, note 56.

      Si le combat d’Ardres avait eu lieu en 1352, comme l’avancent
      tous les historiens, la garnison de Guines ne serait pas venue au
      secours des Français, puisque cette forteresse tomba au pouvoir
      des Anglais dès le commencement de janvier de cette année.

      [173] Ce fut Jean de Boulogne, qui succéda à Édouard de Beaujeu
      et fut envoyé à Saint-Omer dès le mois de juillet 1351 comme
      lieutenant du roi ès parties de Picardie et sur les frontières de
      Flandre (JJ82, p. 276).

      [174] Ce ne fut pas Thomas de Beauchamp, comte de Warwick, qui
      succéda à Jean de Beauchamp son frère; Robert de Herle fut nommé
      capitaine du château de Calais le 20 juin 1351 (Rymer, vol. III,
      p. 222).

      [175] Jean de Beauchamp ne fut pas échangé contre Gui de Nesle;
      il était encore prisonnier le 4 décembre 1351 (Rymer, vol. III,
      p. 236).

Mort de Clément VI; avénement d’Innocent VI[176]. Grâce à la médiation
du cardinal Gui de Boulogne, légat du nouveau pape, une trêve[177] est
conclue pour deux ans entre les rois de France et d’Angleterre. P. 122,
123, 346.

      [176] Étienne Aubert, ancien évêque de Clermont, cardinal
      d’Ostie, fut élu pape sous le nom d’Innocent VI le 18 décembre
      1352 en remplacement de Clément VI mort le 6 décembre précédent.

      [177] Une trêve fut en effet conclue, grâce à la médiation du
      cardinal Gui de Boulogne, entre le château et la bastide de
      Guines, le 10 mars 1353 (n. st.); elle devait durer jusqu’au 1er
      août suivant (Rymer, vol. III, p. 254).

Raoul, comte d’Eu et de Guines, connétable de France, peu après son
retour d’Angleterre[178] où il a passé quatre ans en prison, est mis
à mort sans jugement par l’ordre du roi Jean qui donne les biens de
la victime à Jean d’Artois, comte d’Eu; et cette exécution excite de
violents murmures en France comme aussi au dehors du royaume. P. 123 à
125, 346, 347.

      [178] Raoul de Brienne, comte d’Eu et de Guines, connétable de
      France, fait prisonnier à la prise de Caen par les Anglais le 26
      juillet 1346, était encore en Angleterre le 20 octobre 1350, jour
      où Édouard octroya des lettres de sauvegarde à quinze personnes
      envoyées en France pour rassembler l’argent destiné à la rançon
      du connétable (Rymer, vol. III, p. 206). Le 8 novembre 1350,
      Raoul d’Eu était encore dans les bonnes grâces du roi Jean qui
      ordonna, par un mandement en date de ce jour, d’exproprier Jean
      Morier, changeur, qui avait pris la fuite, emportant quatre cents
      deniers d’or à l’écu qui appartenaient à son _très cher et féal
      cousin_ le connétable de France du fait de sa charge (JJ80, p.
      312). Il dut être exécuté le 18 novembre au matin, car il est
      déjà mentionné comme défunt dans un acte de ce jour par lequel
      le roi Jean donne à Gautier duc d’Athènes, marié à Jeanne d’Eu,
      sœur du connétable, l’hôtel que Raoul d’Eu possédait à Paris
      dans le quartier Saint-Paul (JJ80, p. 168). Sauf le château et
      la châtellenie de Beaurain concédés le 23 décembre 1350 à Robert
      de Lorris (JJ81, p. 220), le comté d’Eu donné en février 1351 à
      Jean d’Artois (JJ81, p. 282) et la reprise en mars 1351 (JJ80,
      p. 348) par Catherine de Savoie, fille de feu Louis de Savoie et
      veuve de Raoul d’Eu, d’un apport dotal de quatre mille florins
      d’or assis sur la terre de Sauchay (Seine-Inférieure, arr.
      Dieppe, c. Envermeu), le reste de la succession de Raoul passa,
      en vertu de donations faites par le roi Jean en février (JJ80,
      p. 368) le 16 mars (JJ80, p. 659) et le 26 septembre 1351 (JJ80,
      p. 464), à Gautier de Brienne-Châtillon, duc d’Athènes, comte
      de Braisne, beau-frère, et à Jeanne d’Eu, duchesse d’Athènes,
      sœur de l’infortuné connétable. Villani dit (l. II, c. 50) que
      le roi Jean fit mettre à mort Raoul d’Eu parce que, n’ayant pu
      se procurer l’énorme somme exigée pour sa rançon, le comte de
      Guines promit de livrer au roi d’Angleterre en échange de sa
      liberté le comté et la forteresse de Guines. Ce qui rend la
      version du chroniqueur florentin très-vraisemblable, c’est que
      Jean confisqua au profit de la couronne et ne donna à personne le
      comté de Guines.

Quelque temps après l’exécution du comte de Guines, et durant la
trêve[179] conclue avec le roi d’Angleterre, un traître vend et livre
le château de Guines aux Anglais. Jean de Beauchamp, gouverneur de
Calais, répond à toutes les réclamations du roi de France au sujet de
ce marché que l’achat d’un château ne constitue pas une infraction à la
trêve. P. 125, 126, 347, 348.

      [179] Cette trêve fut conclue entre Guines et Calais le soir du
      11 septembre 1351 et devait durer jusqu’au matin du 12 septembre
      1352 (Rymer, vol. III, p. 232). D’après les Grandes Chroniques
      de France (V. p. 401 de ce volume) et la Chronique des Valois
      (p. 24), le château de Guines fut pris par les Anglais pendant
      la première fête de l’Étoile à laquelle s’était rendu le sire de
      Bouvelinghem, capitaine de ce château. Or cette fête se tint le
      6 janvier 1352. Le rédacteur des Grandes Chroniques rapporte, il
      est vrai, la fête dont il s’agit au mois de novembre 1351: mais
      il aura confondu sans doute l’ordonnance de fondation en date du
      16 novembre 1351 avec la première fête de l’Ordre qui eut lieu,
      comme nous venons de le dire, le 6 janvier 1352. D’un autre côté,
      Robert de Avesbury place la prise de Guines vers la Saint-Vincent
      (22 janvier) 1352: _tunc instante festo Sancti Vincentii_
      (_Hist. Ed. III_, p. 188). D’où il suit que la prise de Guines
      par les Anglais eut lieu du 6 au 22 janvier 1352. Un archer
      anglais, nommé Jean de Dancaster, s’empara-t-il de ce château
      par surprise, suivant le témoignage de Robert de Avesbury; ou la
      forteresse française fut-elle livrée par la trahison de Guillaume
      de Beaucaurroy, suivant la version de la plupart des chroniqueurs
      français? C’est ce que le silence des actes ne nous permet pas de
      décider.

Le roi Jean fonde[180], à l’imitation de la Table Ronde du roi Arthur,
un ordre de chevalerie composé des trois cents chevaliers les plus
preux de France, et appelé l’ordre de l’Étoile, parce qu’il a pour
signe distinctif une étoile d’or, d’argent doré ou de perles qu’on
porte par-dessus le vêtement. Les membres de l’ordre doivent, à toutes
les fêtes solennelles, se réunir à la Noble Maison construite exprès
pour cet objet près de Saint-Denis; c’est là que le roi tient cour
plénière au moins une fois l’an, et que chaque compagnon vient raconter
ses faits d’armes enregistrés sous sa dictée par des clercs. On ne peut
être admis dans la confrérie qu’avec l’assentiment du roi et de la
majorité des compagnons; on fait serment, en y entrant, de ne jamais
fuir dans une bataille plus loin que quatre arpents, au risque d’être
tué ou fait prisonnier; on jure aussi de se porter secours les uns
aux autres en toute occasion. Si un compagnon de l’Étoile se trouve
sans ressource sur ses vieux jours, la Noble Maison lui offre un asile
où il est assuré d’un train de vie honorable pour lui et pour deux
varlets.--Peu après la fondation de l’ordre de l’Étoile, la guerre
redouble en Bretagne où le roi d’Angleterre, allié de la comtesse
de Montfort, expédie des forces considérables. Gui de Nesle, sire
d’Offémont[181], et plus de quatre-vingt-dix chevaliers de l’Étoile,
envoyés par le roi de France au secours de la comtesse de Blois,
trouvent la mort dans une embuscade que les Anglais leur avaient
tendue; ils auraient pu se sauver, mais ils venaient de s’engager par
serment, en vertu des statuts de la nouvelle confrérie, à ne jamais
fuir. Un aussi malheureux début et plus encore les désastres qui
s’abattent ensuite sur la France ne tardent pas à amener la ruine de
l’ordre de l’Étoile. P. 126 à 128, 348, 349.

      [180] L’ordonnance de fondation est du 16 novembre 1351, et la
      première fête se tint le 6 janvier 1352. Du reste, pour tout ce
      qui concerne l’ordre de l’Étoile, il nous suffit de renvoyer à
      l’excellent ouvrage de M. Léopold Pannier, _La Noble Maison de
      Saint-Ouen_, Paris, 1872, in-12, p. 84 à 127.

      [181] Froissart désigne ici le combat de Mauron (Morbihan, arr.
      Ploërmel, au nord-est de Ploërmel, à l’est de Rennes et de
      Montfort-sur-Meu), livré le 14 août 1352, où Gautier de Bentley,
      capitaine pour le roi d’Angleterre en Bretagne, à la tête de
      trois cents hommes d’armes et d’un égal nombre d’archers, battit
      Gui de Nesle, sire d’Offémont, maréchal de France, qui se fit
      tuer ainsi que le sire de Bricquebec et Gui de Nesle, châtelain
      de Beauvais. Robert de Avesbury cite en outre parmi les morts, du
      côté des Français, le vicomte de Rohan, Jean Frère, les seigneurs
      de Quintin, de Tinténiac, de Rochemont, de Montauban, Renaud
      de Montauban, Robert Raguenel, Guillaume de Launay, etc., en
      tout quatre-vingts chevaliers et cinq cents écuyers. V. Grandes
      Chroniques, p. 402 de ce volume, et Robert de Avesbury, p. 189 à
      191.




CHAPITRE LXXIII.

  1354. ASSASSINAT DE CHARLES D’ESPAGNE; RUPTURE ENTRE LE ROI DE
  NAVARRE ET SES FRÈRES, INSTIGATEURS DE CET ATTENTAT, ET LE ROI DE
  FRANCE.--1355. EXPIRATION DES TRÊVES ET OUVERTURE DES HOSTILITÉS
  ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE.--MORT DE JEAN, DUC DE BRABANT, ET
  AVÉNEMENT DE JEANNE, MARIÉE A WENCESLAS DE LUXEMBOURG.--1356. GUERRE
  ENTRE FLANDRE ET BRABANT[182] (§§ 343 et 344).

      [182] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. LXXXVIII, p.
      169 à 171.


Le roi Jean, non content d’avoir fait après l’exécution du comte d’Eu
Charles d’Espagne connétable de France, le comble de biens[183] et
lui donne notamment une terre que le roi de Navarre et ses frères
prétendent leur appartenir. A dater de ce moment, les enfants de
Navarre vouent au favori une haine mortelle. Pour assouvir leur
vengeance, ils ont recours à un guet-apens: ils surprennent une nuit
le connétable dans un petit village situé près de Laigle[184] et le
font mettre à mort par une bande que commande leur cousin le Bascle
de Mareuil. A la nouvelle de l’assassinat de Charles d’Espagne, Jean
confisque le comté d’Évreux et tout ce que le roi de Navarre possède en
Normandie; il fait aussi envahir la Navarre par les comtes de Comminges
et d’Armagnac, mais le comte de Foix, allié du roi de Navarre son
beau-frère, porte la guerre en Armagnac. P. 129 à 131, 349, 350.

      [183] Charles de Castille, dit d’Espagne, fils d’Alphonse de
      la Cerda, seigneur de Lunel, fut fait connétable de France en
      janvier 1351 en remplacement de Raoul de Brienne, II du nom,
      comte d’Eu et de Guines, exécuté le 18 novembre 1350. Dès le
      23 décembre 1350, le roi Jean fit don à Charles d’Espagne, son
      cousin, du comté d’Angoulême (Arch. nat., sect. hist., JJ80, p.
      768), et ce don fut renouvelé en octobre 1352 (JJ81, p. 464). En
      novembre 1352, Charles d’Espagne est gratifié du château et de la
      châtellenie d’Archiac (JJ81, p. 452). En janvier 1353, le roi de
      France unit diverses terres à la baronnie de Lunel en faveur de
      Charles d’Espagne (J166, nº 28). Le 17 juillet 1353, le roi Jean
      concède à Charles d’Espagne les ville, château et châtellenie
      de la Roche d’Agoux (Puy-de-Dôme, ar. Riom, c. Poinsat) donnés
      naguère par Philippe de Valois au connétable Imbert de Beaujeu,
      seigneur de Montpensier (JJ81, p. 767).

      [184] Charles d’Espagne fut assassiné le 6 janvier 1354. Charles,
      roi de Navarre, Philippe et Louis de Navarre, frères du dit
      roi, instigateurs de cet assassinat (JJ82, p. 278), eurent pour
      complices Jean Malet, seigneur de Graville (JJ82, p. 226),
      Guillaume de Mainemares, dit Maubue, chev. (JJ82, p. 469), Colard
      Doublel, écuyer (JJ82, p. 511), Jean dit de Fricamps, chev.
      (JJ82, p. 183), le seigneur de Clères (JJ82, p. 477), le seigneur
      d’Aulnay, chev. (JJ82, p. 468), Ancel de Villiers, chev. (JJ82,
      p. 466), le seigneur de Morbecque, chev. (JJ82, p. 467), Jean de
      Champgerboust (JJ82, p. 443), Gillet de Banthelu (JJ82, p. 445),
      Jean de Belangues (JJ82, p. 446), Jean de Gramoue (JJ82, p. 447),
      Henri de Mucy (JJ82, p. 463), Philippe de Boutanvilliers (JJ82,
      p. 464), Drouet de Lintot (JJ82, p. 465), Jean Du Quesne (JJ82,
      p. 474), Geffroi de Marson (JJ82, p. 475), Henri Du Bois (JJ82,
      p. 476), Guillaume de Manteville (JJ82, p. 510), écuyers, qui
      obtinrent des lettres de rémission le 4 mars 1354.

      Des lettres de rémission, octroyées au roi de Navarre sur le fait
      du meurtre du connétable Charles d’Espagne, furent entérinées au
      parlement, en séance du roi, le 4 mars 1354. Arch. nat., U524, t.
      33, fº 61.

Pierre, duc de Bourbon et Henri, duc de Lancastre, envoyés à
Avignon pour traiter de la paix, ne parviennent pas à s’entendre
malgré tous les efforts du pape Innocent VI; et comme la trêve
vient d’expirer[185], la guerre recommence entre la France et
l’Angleterre.--Mort de Jean[186], duc de Brabant. Le duché de Brabant
échoit à Jeanne, fille aînée de Jean, mariée à Wenceslas, duc de
Luxembourg, fils de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, et d’une sœur de
Pierre, duc de Bourbon. Wenceslas est encore jeune, mais il gouverne
par le conseil de son oncle Jacques de Bourbon[187]. Louis, comte de
Flandre, marié à l’une des filles de Jean de Brabant, réclame Malines
et Anvers comme devant faire retour au comté de Flandre après la mort
de son beau-père, en vertu d’une convention consentie par le feu duc de
Brabant. Une guerre terrible éclate au sujet de cette réclamation entre
Flandre et Brabant; elle ne dure pas moins de trois[188] ans. Cette
guerre prend fin grâce à l’arbitrage de Guillaume de Hainaut[189], fils
de l’empereur Louis de Bavière, qui adjuge Malines et Anvers au comte
de Flandre. P. 132, 133, 350, 351.

      [185] La trêve, conclue _ès tentes devant Guines_ le 6 avril
      1354, devait expirer le 6 avril 1355. Les pleins pouvoirs donnés
      par Édouard à Guillaume, évêque de Norwich, à Michel évêque élu
      de Londres, à Henri duc de Lancastre, à Richard comte d’Arundel,
      à Barthélemy de Burghersh, chambellan du roi, à Gui de Bryan
      seigneur de Laghern, sont datés de Westminster le 28 août 1354
      (Rymer, vol. III, p. 283). Le roi leur adjoignit des auxiliaires,
      le 30 octobre suivant, pour le cas où un traité serait conclu
      (_Ibid._, p. 289). Les plénipotentiaires du roi de France, Pierre
      I, duc de Bourbon et Pierre de la Forêt, archevêque de Rouen,
      chancelier de France, partirent pour Avignon dans le courant du
      mois de novembre 1354. Les négociations, qui remplirent les mois
      de janvier et de février 1355, n’eurent d’autre résultat que la
      prolongation de la trêve jusqu’au 24 juin suivant.

      [186] Jean III, dit le Triomphant, duc de Brabant, mourut le
      5 décembre 1355. Il avait épousé en 1314 Marie, seconde fille
      de Louis comte d’Évreux, décédée le 30 octobre 1335, après lui
      avoir donné trois fils morts sans lignée avant leur père, et
      trois filles: Jeanne, mariée à Wenceslas de Luxembourg, qui lui
      succéda; Marguerite mariée à Louis de Male comte de Flandre;
      Marie femme de Renaud duc de Gueldre. Jean laissait, en outre,
      dix-sept bâtards, sept garçons et dix filles.

      [187] Wenceslas, marié en 1347 à Jeanne de Brabant, veuve de
      Guillaume II comte de Hainaut, comte de Luxembourg à la fin de
      1353, fait duc par l’empereur Charles IV son frère le 13 mars
      1354, était fils de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, tué à
      Crécy, et de sa seconde femme, Béatrix, fille de Louis Ier, duc
      de Bourbon. Wenceslas se trouvait donc, comme le dit Froissart,
      neveu de Jacques de Bourbon, comte de la Marche, frère cadet de
      sa mère.

      [188] Cette guerre ne dura guère qu’un an et demi, et non trois
      ans; elle ne commença qu’en 1356, et fut signalée par la bataille
      de Scheut près Bruxelles (auj. écart d’Anderlecht, prov. Brabant,
      c. Molenbeek-Saint-Jean, à 4 kil. de Bruxelles), gagnée le 18
      août 1356 par les Flamands sur les Brabançons. Le traité de paix
      qui mit fin à cette guerre est daté du 3 juillet 1357.

      [189] Guillaume III, dit l’Insensé, fils de Louis Ier de Bavière,
      empereur d’Allemagne, et de sa seconde femme, Marguerite de
      Hainaut, succéda à sa mère dans le comté de Hainaut le 26 février
      1357.




CHAPITRE LXXIV.

  1355. TRAITÉ D’ALLIANCE ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET DE
  NAVARRE.--CHEVAUCHÉE DU ROI D’ANGLETERRE EN BOULONNAIS ET EN
  ARTOIS; CONCENTRATION A AMIENS ET MARCHE DES FRANÇAIS CONTRE
  L’ENVAHISSEUR.--PRISE DU CHÂTEAU DE BERWICK PAR LES ÉCOSSAIS; RETOUR
  D’ÉDOUARD A CALAIS[190] (§§ 345 à 351).

      [190] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. XC, p. 177 à
      183.


Les frères de Navarre se rendent en Angleterre où ils concluent
une alliance offensive et défensive avec Édouard contre le roi de
France[191]; à leur retour en Normandie, ils mettent en état de
défense les châteaux d’Évreux, de Breteuil et de Conches. Le roi
d’Angleterre lève trois armées à la fois: la première, composée de cinq
cents hommes d’armes et de mille archers sous la conduite du duc de
Lancastre, doit opérer en Bretagne contre Charles de Blois qui vient
de recouvrer sa liberté moyennant une rançon de quatre cent[192] mille
écus; la seconde, dont l’effectif ne s’élève pas à moins de mille
hommes d’armes et de deux mille archers, est dirigée sur la Guienne et
placée sous les ordres du prince de Galles[193] et de Jean Chandos; la
troisième enfin, forte de deux mille hommes d’armes et de quatre mille
archers, est commandée par le roi d’Angleterre en personne et doit
débarquer en Normandie. P. 133 à 136, 351 à 354.

      [191] Les actes ne font aucune mention de ce voyage du roi de
      Navarre et de son frère en Angleterre. On voit seulement par
      la déposition en date du 5 mai 1356 de Friquet, gouverneur de
      Caen pour le roi de Navarre, que le duc de Lancastre, qui était
      alors en Flandre, fit offrir à Charles le Mauvais le secours de
      son cousin Édouard contre la vengeance du roi Jean, que le roi
      de Navarre se réfugia aussitôt auprès du pape à Avignon d’où il
      se rendit en Navarre, et que ce fut de là qu’il expédia un de
      ses agents, nommé Colin Doublet, en Angleterre pour annoncer au
      roi qu’il se rendrait par mer avec des troupes à Cherbourg afin
      de recouvrer ses places occupées par le roi de France. Cette
      déposition de Friquet a été publiée par Secousse, _Preuves de
      l’histoire de Charles le Mauvais_, p. 49 à 57.

      [192] Les lettres de sauvegarde données par le roi d’Angleterre
      à Charles de Blois pour aller en Bretagne assister au mariage
      de sa fille Marguerite avec le connétable Charles d’Espagne et
      chercher l’argent de sa rançon, sont datées du 10 novembre 1354
      (Rymer, vol. III, p. 290). Des lettres de sauf-conduit furent
      aussi délivrées le même jour à seize seigneurs bretons qui, après
      avoir accompagné Charles sur le continent, devaient revenir
      en Angleterre se constituer otages, en cas de non-payement de
      la rançon, si Charles lui-même n’était pas de retour avant le
      24 juin 1355. Parmi ces seigneurs figurent Jean, vicomte de
      Rohan, banneret, Thibaud, sire de Rochefort, banneret, Bonabbé
      de Rougé, sire de Derval, banneret, Jean de Beaumanoir, Yvain
      Charuel, Bertrand du Guesclin. En même temps, par acte daté du 11
      novembre 1354, il fut convenu qu’il y aurait trêve en Bretagne
      entre les Anglais et les partisans de Charles de Blois jusqu’au
      24 juin 1355 (_Ibid._, p. 290 et 291). Le 8 février 1355, Thomas
      de Holland avait été nommé pour un an capitaine et lieutenant
      en Bretagne (p. 295), mais Édouard lui notifia, le 14 septembre
      suivant, qu’il eût à livrer les places fortes à Henri, duc de
      Lancastre, appelé à le remplacer dans le commandement de cette
      province et des pays adjacents (_Ibid._, p. 312).

      [193] Dès le 27 avril 1355, Édouard donne des ordres pour
      rassembler la flotte qui doit transporter en Guienne le prince de
      Galles et son armée; le 6 mai il fait préparer pour l’expédition
      de son fils deux mille cinq cents claies et quinze équipages de
      ponts (Rymer, vol. III, p. 298 et 299).

Édouard s’embarque à Southampton[194] et fait voile vers Cherbourg
où l’attend le roi de Navarre; mais les vents contraires l’obligent
à relâcher quinze jours à l’île de Wight, puis à Guernesey. Le roi
de France est informé de ces préparatifs ainsi que de la prochaine
descente des Anglais en Normandie; il envoie à Cherbourg l’évêque de
Bayeux et le comte de Saarbruck qui parviennent à détacher le roi de
Navarre de l’alliance d’Édouard et le décident à faire la paix[195]
avec Jean son beau-père; toutefois Philippe de Navarre reste attaché au
parti anglais. P. 136 à 138, 354 à 356.

      [194] Le 1er juin 1355, le roi d’Angleterre demande des prières
      à l’archevêque de Cantorbéry, primat du royaume, à l’occasion de
      la guerre contre la France qui va recommencer (_Ibid._, p. 303);
      le 1er juillet suivant, il nomme gardiens du royaume pendant son
      absence Thomas son fils, les archevêques de Cantorbéry et d’York,
      l’évêque de Winchester, Richard comte d’Arundel et Barthélemy de
      Burghersh (_Ibid._, p. 305).

      [195] Un traité fut conclu à Valognes le 10 septembre 1355
      entre Charles II, roi de Navarre, et le roi Jean; il avait été
      négocié au nom du roi de France par Jacques de Bourbon, comte de
      Ponthieu, connétable de France, et par Gautier, duc d’Athènes,
      comte de Braine. Ce traité a été publié par Secousse, _Preuves de
      l’histoire de Charles le Mauvais_, p. 582 à 595.

A la nouvelle de la défection de son allié, le roi d’Angleterre
renonce à descendre en Normandie et débarque à Calais. Il entreprend
une chevauchée à travers la France, passe devant Ardres[196] et la
Montoire[197], court devant Saint-Omer, dont Louis de Namur est
capitaine, et s’avance tellement dans la direction de Hesdin que les
habitants d’Arras s’attendent à être assiégés par les Anglais[198].--Le
roi de France, de son côté, fait de grands préparatifs pour repousser
l’envahisseur; il appelle à son secours ses bons amis de l’Empire,
entre autres Jean de Hainaut; il convoque à Amiens tous les chevaliers
et écuyers depuis quinze jusqu’à soixante ans; il se rend lui-même
dans cette ville avec ses quatre fils, le roi de Navarre son gendre,
le duc d’Orléans son frère et l’élite de la noblesse du royaume; il
parvient à réunir sous ses ordres une armée de douze mille hommes
d’armes et de trente mille gens des communautés. P. 138 à 141, 356 à
359.

      [196] Ardres-en-Calaisis, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer.

      [197] Auj. hameau de Zutkerque, Pas-de-Calais, ar. Saint-Omer, c.
      Audruicq.

      [198] D’après Robert de Avesbury, Édouard fit crier dans les rues
      de Londres le 11 septembre que tous chevaliers, gens d’armes et
      archers se tinssent prêts à partir le 29 septembre de Sandwich
      pour Calais; le 15 et le 26 de ce mois, il défendait de faire
      sortir des ports aucun navire jusqu’à la Saint-Michel (Rymer,
      vol, III, p. 313). Grâce à ces mesures, une armée de plus de
      trois mille hommes d’armes, avec deux mille archers à cheval et
      un grand nombre d’archers à pied, était réunie à Calais avant
      la fin d’octobre. Ce qui avait déterminé le roi d’Angleterre à
      lever des forces si considérables, c’était sans doute la célèbre
      ordonnance par laquelle le roi Jean son adversaire avait convoqué
      à Amiens, dès le 17 mai de cette année, le ban et l’arrière-ban,
      c’est-à-dire tous les hommes valides depuis dix-huit jusqu’à
      soixante ans (Arch. nat., sect. hist., K47, nº 35); mais nous
      apprenons par des lettres de rémission, octroyées en décembre
      1355 aux habitants de Paris, que les contingents des communes,
      outre qu’ils étaient très-incomplets, n’arrivèrent pas en temps
      (JJ84, p. 456). S’il fallait en croire Robert de Avesbury (v.
      p. 205 à 207), Édouard serait entré en campagne et aurait
      marché sur Saint-Omer le 2 novembre. Le roi Jean, arrivé dans
      cette ville avec une puissante armée, n’aurait osé attendre les
      Anglais et se serait retiré devant eux en ayant soin d’enlever
      tous les approvisionnements pour les affamer. La disette de
      vivres seule aurait forcé Édouard à s’arrêter à Hesdin et à
      regagner, par la route de Boulogne, Calais, où il serait rentré
      après dix jours de chevauchée le jour de Saint-Martin d’hiver
      (11 novembre). L’itinéraire du roi Jean, que nous avons dressé
      d’après les actes, prouve que le récit du chroniqueur anglais
      est de toute fausseté, du moins en ce qui concerne la marche de
      l’armée française. Le roi de France, en effet, est à l’abbaye de
      Saint-Fuscien (Somme, ar. Amiens, c. Sains) le 28 octobre (JJ84,
      p. 352), à Amiens le 5 (JJ84, p. 335) et le 7 novembre (JJ84, p.
      412), à Coisy près Amiens (Somme, ar. Amiens, c. Villiers-Bocage)
      en novembre (JJ84, p. 419), à Lucheux (Somme, ar. et c. Doullens,
      sur les confins de l’Artois) le 9 novembre (JJ84, p. 445), à Aire
      et à Saint-Omer en novembre (JJ84, p. 371, 233, 330, 365). On
      voit par ces étapes que, du 2 au 11 novembre, le roi Jean, loin
      de se retirer devant les Anglais en s’enfuyant de Saint-Omer à
      Amiens, ne cessa au contraire de s’avancer à leur rencontre.

Sur ces entrefaites, les Écossais, qui reçoivent des renforts du roi
de France[199], profitent de l’absence d’Édouard, du prince de Galles
et du duc de Lancastre, pour attaquer, sous les ordres de Guillaume de
Douglas, Roxburgh et Berwick; ils échouent devant Roxburgh, mais ils
s’emparent du château de Berwick[200] et sont sur le point de prendre
la cité elle-même dont les bourgeois demandent du secours au roi
d’Angleterre. P. 141 à 143, 359 à 361.

      [199] D’après la _Scala Chronica_, le roi de France avait envoyé
      en Écosse le sire de Garancières avec cinquante hommes d’armes
      et une somme de dix mille marcs à partager entre les barons
      d’Écosse, à condition qu’ils violeraient la trêve.

      [200] D’après Robert de Avesbury (p. 209), les Écossais
      s’emparèrent par surprise, le 6 novembre, de la ville de Berwick,
      et non du château, qui resta au pouvoir des Anglais. Il ne
      fallait pas moins de trois jours pour faire parvenir cette
      nouvelle à Édouard; et en effet le roi d’Angleterre, interrompant
      sa marche en avant à travers l’Artois, se mit en devoir de
      regagner Calais dès le 9 novembre.

Dans le même temps, un chevalier français nommé Boucicaut, prisonnier
des Anglais, qui lui ont permis seulement d’aller quelques mois
dans son pays mettre ordre à ses affaires, vient rejoindre le roi
d’Angleterre devant Blangy, beau château et fort du comté d’Artois.
Édouard met Boucicaut en liberté sans rançon, à condition qu’il ira de
sa part offrir la bataille au roi de France[201] qui se tient toujours
à Amiens où il achève de rassembler ses forces. P. 143 à 146, 361 à 363.

      [201] Robert de Avesbury prétend (p. 206) que Jean fut effrayé en
      apprenant par Boucicaut, qu’il appelle «sire Bursyngaud», combien
      était forte l’armée anglaise qui marchait en bon ordre, divisée
      en trois batailles.

Le roi Jean laisse sans réponse le défi de son adversaire. Ce que
voyant, Édouard rebrousse chemin à travers le comté de Fauquembergue,
passe à Licques[202] dans le pays d’Alquines, contourne la bastide
d’Ardres, et, par le beau chemin de plaine dit de Leulingue, rentre
tout droit à Calais. Arnoul d’Audrehem, capitaine d’Ardres[203], se
jette sur l’arrière-garde anglaise et fait dix ou douze prisonniers.
Jean fait défier à son tour Édouard par Boucicaut et Arnoul d’Audrehem;
mais les mauvaises nouvelles reçues d’Écosse empêchent le roi
d’Angleterre d’accepter ce défi[204]. Le roi de France licencie son
armée.--Au retour de cette expédition, Jean de Hainaut meurt dans la
nuit de la Saint-Grégoire en son hôtel de Beaumont; il est enterré en
l’église des Cordeliers de Valenciennes. Il laisse pour héritiers ses
petits-fils Louis, Jean et Gui, fils du comte de Blois tué à Crécy et
de Jeanne de Beaumont. P. 146 à 150, 363 à 368.

      [202] Pas-de-Calais, arr. Boulogne-sur-Mer, c. Guines.

      [203] Arnoul d’Audrehem, maréchal de France, qui avait été nommé,
      le 1er janvier 1355, lieutenant ès parties de Picardie, d’Artois
      et de Boulonnais (Arch. nat., JJ84, p. 181) tenait habituellement
      garnison à Saint-Omer (JJ85, p. 132) ou à Ardres (JJ84, p. 461).
      Philippe, duc d’Orléans, ayait été nommé aussi lieutenant du roi
      ès dites parties le 6 juillet 1355 (JJ84, p. 499).

      [204] Robert de Avesbury raconte aussi que le lendemain du retour
      d’Édouard à Calais, c’est-à-dire le 12 novembre, le connétable de
      France et d’autres seigneurs vinrent au bout de la chaussée de
      Calais offrir la bataille pour le mardi suivant 16 novembre; mais
      le duc de Lancastre, le comte de Northampton et Gautier de Mauny,
      chargés de s’entendre avec les envoyés français, répondirent
      à ceux-ci par des faux-fuyants, de telle sorte que l’entrevue
      n’aboutit à aucun résultat. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_,
      p. 207 à 209.




CHAPITRE LXXV.

  1356. EXPÉDITION D’ÉDOUARD III EN ÉCOSSE[205] (§§ 352 à 355).

      [205] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. XCI, p. 185 et
      186.


Le roi d’Angleterre quitte Calais dont il confie la garde au comte
de Salisbury, repasse en Angleterre et se dirige tout droit vers
l’Écosse[206]. Gautier de Mauny, qui marche à l’avant-garde de
l’expédition, parvient à reprendre le château de Berwick aux Écossais
avant l’arrivée d’Édouard dans cette ville. P. 150 à 152, 368, 369.

      [206] Édouard, qui repassa en Angleterre dans la seconde
      quinzaine de novembre, octroya, le 3 décembre suivant, à
      Westminster, des lettres de rémission à des seigneurs qui
      avaient chassé avec Édouard Baillol dans sa forêt d’Inglewod
      en Cumberland; dès le 22 décembre, il était à Durham où il
      convoqua à Newcastle-upon-Tyne, pour le 1er janvier 1356, au
      plus tard, tous les hommes valides entre seize et soixante ans;
      il était à Newcastle le 6 et le 9 janvier 1356 (Rymer, vol. III,
      p. 314 et 315). Le 13 janvier, il arriva devant Berwick où il
      rejoignit Gautier de Mauny qui l’avait précédé pour prendre le
      commandement du château et qui avait fait miner les remparts de
      la ville, dont les habitants se rendirent le jour même (Robert de
      Avesbury, p. 228 et 229). Les prélats et barons d’Écosse tenaient
      un grand conseil à Perth, le 17 janvier, pour traiter de la
      délivrance de Robert Bruce (Rymer, vol. III, p. 317). Trois jours
      plus tard, le 20 janvier, à Roxburgh, Édouard III se faisait
      céder solennellement par Édouard Baillol tous les droits de ce
      prétendant sur le trône d’Écosse (_Ibid._, p. 317 à 320).

Les Anglais occupent Édimbourg qui est une ville ouverte; le roi habite
la maison d’un bourgeois auquel David Bruce avait promis naguère de le
faire maire de Londres; il met le siége devant le château. P. 153, 154,
369, 370.

La famine menace bientôt les assiégeants[207]. On est au fort de
l’hiver. Les Écossais, pour affamer les envahisseurs, ont emporté
vivres et bétail de l’autre côté de la rivière de Tay; et une horrible
tempête force la flotte qui apporte des provisions aux Anglais à
rentrer dans le port de Berwick[208]. Édouard reçoit à Édimbourg la
visite de la comtesse de Douglas qui habite le château de Dalkeith; à
la prière de cette dame, il s’engage à ne pas brûler la capitale de
l’Écosse. Pendant ce temps, Guillaume de Douglas[209], mari de ladite
comtesse, garde avec cinq cents armures de fer des défilés par où les
ennemis doivent passer pour retourner chez eux. P. 155, 156, 370, 371.

      [207] D’après Robert de Avesbury (p. 235 et 236), l’armée
      anglaise se composait de trois mille hommes d’armes, de dix mille
      soudoyers, de plus de dix mille archers à cheval et d’un égal
      nombre d’archers à pied; elle avait un front de vingt lieues.

      [208] «Plures naves, de Anglia versus ipsum regem cum victualibus
      venientes, adeo fuerant per tempestates maris horribiliter
      agitatæ quod quædam earum, ut dicebatur, perierunt; et quædam ad
      portus diversos Angliæ redierunt per tempestatem compulsæ, et
      quædam ad partes exteras transvehebantur.» Robert de Avesbury, p.
      237.

      [209] D’après Robert de Avesbury (p. 236 à 238), Guillaume de
      Douglas aurait sollicité et obtenu du roi de l’Angleterre une
      trêve de dix jours, en promettant d’attirer les prélats et barons
      d’Écosse dans l’obéissance d’Édouard; mais au lieu de tenir sa
      promesse, il n’aurait profité de cette trêve que pour faire
      transporter tous les vivres et approvisionnements dans ses places
      fortes ou dans des cachettes souterraines et pour se mettre en
      sûreté lui et les siens dans des forêts inaccessibles.

Aussi, les envahisseurs, à leur retour en Angleterre, sont attaqués à
l’improviste par Guillaume de Douglas au moment où ils traversent,
morcelés en petits pelotons, les défilés de Cheviot d’où sort la Tweed
qui forme la limite entre les deux royaumes. Édouard ne se trouve pas
dans le détachement qui est ainsi surpris et ne doit son salut qu’à
cette circonstance; toutefois, les Écossais ne se retirèrent pas sans
emmener des prisonniers parmi lesquels se trouvent six Brabançons[210].
P. 157 à 159, 371.

      [210] Robert de Avesbury dit seulement que Guillaume de Douglas
      ne cessa d’épier les Anglais pendant leur retour d’Écosse en
      Angleterre et qu’il surprit un jour dans un manoir écarté Robert
      Erlee chevalier et vingt hommes de sa suite.




CHAPITRE LXXVI.

  1355. EXPÉDITION DU PRINCE DE GALLES EN LANGUEDOC[211] (§§ 356 à 362).

      [211] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, t. II, chap. XCII, p. 187 à
      189.


A peine débarqué en Guyenne[212] avec mille hommes d’armes et deux
mille archers, le prince de Galles entreprend de faire une chevauchée
en Languedoc et convoque à Bordeaux les principaux seigneurs de
Gascogne. P. 159 à 161, 371, 372.

      [212] Le prince de Galles débarqua en Guyenne après le 16 juillet
      1355, car c’est la date du mandement par lequel Édouard ordonne
      de réunir une flotte pour transporter en Gascogne le prince et
      son armée. V. Rymer, _Fœdera_, vol. III, p. 308 et 309.

L’armée anglo-gasconne, forte de quinze cents lances, de deux
mille archers et de trois mille bidauds, passe à gué la Garonne au
Port-Sainte-Marie[213] et marche sur Toulouse. Les habitants de cette
ville, alors presque aussi grande que Paris, mettent le feu à leurs
faubourgs par l’ordre du comte d’Armagnac[214] leur capitaine; ils
sont quarante mille hommes sous les armes et font si bonne contenance
du haut de leurs remparts que les Anglais n’osent les attaquer et se
dirigent vers Carcassonne. Leur première halte est Montgiscard[215].
Cette petite place, située dans un pays où la pierre[216] fait défaut,
n’est fermée que de murs de terre. Les Anglais l’emportent d’assaut et,
après l’avoir livrée aux flammes, chevauchent vers Avignonet[217], gros
village ouvert de quinze cents maisons, où l’on fabrique beaucoup de
draperie. Au-dessus de ce village s’élève un château en amphithéâtre
où les riches bourgeois ont cherché un refuge. Les Anglo-Gascons
s’en emparent, mettent tout au pillage et prennent le chemin de
Castelnaudary. P. 161 à 164, 372 à 374.

      [213] Lot-et-Garonne, ar. Agen, entre Aiguillon au nord-est et
      Agen au sud-est. Comme le prince de Galles commença sa chevauchée
      par une incursion dans le comté d’Armagnac, il put faire passer
      la Garonne à son armée au Port-Sainte-Marie, qui n’est pas,
      comme le dit Froissart, à trois lieues de Toulouse, mais entre
      Aiguillon et Agen. Les Anglais ravagèrent ensuite les comtés
      d’Astarac et de Comminges; ils restèrent sur la rive gauche de la
      Garonne jusqu’à une lieue en amont de Toulouse où ils passèrent
      ce fleuve non loin de son confluent avec l’Ariége. Le prince
      de Galles lui-même a pris soin de raconter son expédition dans
      une lettre adressée de Bordeaux, en date de Noel (25 décembre)
      1355, à l’évêque de Winchester; il faut joindre à ce document
      capital deux lettres de Jean de Wingfield, chevalier, l’un des
      conseillers principaux du prince, datées la première de Bordeaux
      le mercredi avant Noel 1355, la seconde de Libourne le 22 janvier
      1356. V. Robert de Avesbury, _Hist. Ed. III_, éd. de 1720, p. 210
      à 227.

      [214] Le prince de Galles (_Ibid._, p. 214) et Jean de Wingfield
      (p. 219) disent qu’au moment du passage des Anglais à une lieue
      en amont de Toulouse, Jacques de Bourbon, connétable, Jean de
      Clermont, maréchal de France, Jean comte d’Armagnac étaient
      enfermés dans cette ville.

      [215] Haute-Garonne, ar. Villefranche-de-Lauraguais, à 21 kil. au
      sud-est de Toulouse, sur la route de Toulouse à Carcassonne.

      [216] Les plateaux du Lauraguais sont en effet boueux aux
      environs de Montgiscard. Encore aujourd’hui, beaucoup de
      constructions sont en briques.

      [217] Haute-Garonne, ar. et c. Villefranche-de-Lauraguais, à
      42 kil. au sud-est de Toulouse, sur la route de Toulouse à
      Carcassonne. Le prince de Galles mentionne dans la lettre déjà
      citée la prise d’Avignonet «qu’estoit bien graunt et fort.»
      La ville est, selon la description fort exacte de Froissart,
      pittoresquemement bâtie en amphithéâtre.

La ville et le château de Castelnaudary[218], qui ne sont entourés
que de murs de terre, sont pris et pillés ainsi que le bourg de
Villefranche[219] en Carcassonnois. Ce pays est un des plus riches du
monde. Des draps et des matelas garnissent les chambres; les écrins et
les coffres sont remplis de joyaux. Les envahisseurs, et surtout les
Gascons, qui sont très-avides, font main basse sur tout. P. 164, 165,
374.

      [218] Castelnaudary fut pris par les Anglais la veille de la
      Toussaint (31 octobre) 1355. _Ibid._, p. 214.

      [219] Nous ne connaissons aucune localité du nom de Villefranche
      entre Castelnaudary et Carcassonne. Si Froissart a voulu
      parler de Villefranche-de-Lauraguais, il aurait dû citer cette
      ville après Montgiscard, car on la trouve avant Avignonet et
      Castelnaudary quand on va de Toulouse à Carcassonne.

La ville de Carcassonne est située au milieu d’une plaine, sur le bord
de la rivière d’Aude; à la main droite, en venant de Toulouse, la cité,
dont les remparts sont hérissés de tours, couronne le sommet d’une
haute falaise et domine la ville. Les habitants de Carcassonne[220]
ont mis en sûreté dans cette cité leurs femmes et leurs enfants, avec
ce qu’ils ont de plus précieux; néanmoins, aidés d’un certain nombre
de bidauds à lances et à pavais, ils entreprennent de défendre la
ville elle-même, dont ils barrent chaque rue au moyen de chaînes. Deux
chevaliers du Hainaut, Eustache d’Auberchicourt et Jean de Ghistelles,
se distinguent à l’assaut de ces chaînes. La ville est conquise rue par
rue, et c’est à peine si quelques-uns de ses défenseurs parviennent
à se sauver dans la cité. Les vainqueurs mettent à sac toutes les
maisons[221], au nombre de près de sept mille, et à rançon les plus
riches bourgeois; ils cherchent ensuite pendant deux nuits et un jour
de quel côté ils pourront assaillir la cité, mais elle est imprenable.
P. 165 à 167, 374, 375.

      [220] La ville de Carcassonne _proprement dite_, ou ville
      basse, que l’Aude sépare de la cité, n’avait pas alors de
      fortifications. L’enceinte, dont une partie subsiste encore,
      fut élevée de 1355 à 1359 par les soins de Thibaud de Barbazan,
      sénéchal de Carcassonne, aux frais des habitants de cette ville,
      qui s’imposèrent pour cela une taille extraordinaire en avril
      1358. Arch. nat., sect. hist., JJ90, p. 141.

      [221] Le prieuré des religieuses de Saint-Augustin, situé dans la
      banlieue de Carcassonne, fut détruit par les Anglais et rebâti
      plus tard dans la ville (Arch. nat., sect. hist., JJ82, p. 353;
      JJ86, p. 24; JJ144, p. 445). Par acte daté de Toulouse en juin
      1359, Jean, fils de roi de France et son lieutenant ès parties
      de Langue d’Oc, comte de Poitiers, accorde des priviléges aux
      bouchers de Carcassonne «propter cursum principis Gallorum
      _et concremacionem dicti loci_» (Arch. nat., JJ112, p. 351).
      Carcassonne devait surtout sa richesse à la fabrication du drap.
      JJ69, p. 41; JJ70, p. 51, 476; JJ143, p. 8.

Cette cité, jadis appelée Carsaude et fondée par les Sarrasins, résista
sept ans à Charlemagne[222].--Les Anglo-Gascons franchissent l’Aude sur
le pont de Carcassonne, passent à Trèbes[223] et à Homps[224] que l’on
épargne à la prière du seigneur d’Albret moyennant le payement d’une
rançon de douze mille écus, et arrivent à Capestang[225], gros bourg
situé près de la mer, dont les salines sont une source de richesses
pour ses habitants[226]. Ceux-ci se rançonnent à quarante mille écus,
qu’ils s’engagent à payer dans cinq jours; mais après le départ des
Anglais, les bourgeois de Capestang reçoivent de Jacques de Bourbon,
connétable de France, qui se tient à Montpellier[227], un renfort
de cinq cents combattants, que leur amène Arnaud de Cervole, dit
l’Archiprêtre; ils fortifient leur bourg et refusent de payer la somme
promise. P. 167 à 170, 375 à 377.

      [222] Jean le Bel, si versé dans l’histoire poétique de
      Charlemagne, n’a pas mentionné cette légende que Froissart
      emprunte aux poëmes chevaleresques.

      [223] Aude, ar. Carcassonne, c. Capendu, à 8 kilomètres à l’est
      de Carcassonne, sur la route qui va de cette ville à Béziers et à
      Narbonne.

      [224] Nous identifions _Ourmes_ de Froissart avec Homps, Aude,
      ar. Narbonne, c. Lézignan, à l’est de Trèbes, sur la route de
      Carcassonne à Capestang et à Béziers.

      [225] Hérault, ar. Béziers, entre Homps à l’ouest et Béziers à
      l’est, à 12 kil. au nord de Narbonne, sur le bord septentrional
      d’un étang que l’Aude met en communication avec la mer.

      [226] M. Cauvet, avocat à Narbonne, a fait gagner un procès
      relatif à la possession de ces salines, en s’appuyant
      principalement sur ce passage de Froissart.

      [227] Jacques de Bourbon ne se tenait pas à Montpellier; il était
      venu de Toulouse à Carcassonne (Robert de Avesbury, p. 221) et
      inquiétait l’armée anglaise sur ses derrières. C’étaient les
      milices de la sénéchaussée de Beaucaire qui s’avançaient par
      Montpellier et qui, combinant leurs mouvements avec ceux du comte
      d’Armagnac et de Jacques de Bourbon, tendaient à envelopper les
      Anglo-Gascons.

Narbonne se compose, comme Carcassonne, d’une cité et d’un bourg. Le
bourg, situé sur le bord de l’Aude, est une ville ouverte; la cité,
attenante au bourg, est défendue par une enceinte munie de portes
et de tours. Aimeri de Narbonne s’est enfermé dans la cité avec une
garnison[228] de gens d’armes de sa vicomté et de l’Auvergne; cette
cité, qui regorge de richesses, possède une église de Saint-Just[229],
dont les canonicats valent par an cinq cents florins. Les Anglais
occupent le bourg et le pillent, mais la cité résiste à tous
leurs assauts. A la grande joie des habitants de Béziers[230], de
Montpellier, de Lunel et de Nîmes, les Anglo-Gascons vident après une
semaine de séjour le bourg de Narbonne, non sans y avoir mis le feu,
et reprennent le chemin de Carcassonne. Sur leur route, ils pillent
Limoux, où l’on fabrique des draps renommés pour leur beauté; en
passant par Carcassonne, ils incendient une seconde fois la ville et
emportent d’assaut Montréal[231]; puis ils gagnent les montagnes dans
la direction de Fougax[232] et de Rodes[233]; enfin, ils repassent la
Garonne au Port-Sainte-Marie. L’inaction du comte d’Armagnac dans tout
le cours de cette incursion occasionne une émeute à Toulouse; le comte
est assiégé dans le château et réduit à se sauver par une fenêtre.
Jacques de Bourbon et le comte d’Armagac opèrent la jonction de leurs
forces trop tard pour pouvoir couper la retraite aux Anglais. De retour
à Bordeaux, le prince de Galles licencie son armée, qui rapporte de
cette expédition un butin immense. P. 170 à 174, 377 à 382.

      [228] Le prince de Galles dit (p. 215) que le vicomte de Narbonne
      avait sous ses ordres cinq cents hommes d’armes. C’est à Narbonne
      que le prince reçut du pape une demande de sauf-conduit pour deux
      évêques envoyés en négociation, mais il refusa d’accorder aux
      deux légats les lettres de sauf-conduit.

      [229] L’église Saint-Just, commencée en 1272, ne consiste que
      dans un chœur dont les voûtes s’élèvent à 40 mètres; elle était
      la cathédrale des archevêques de Narbonne, primats du Languedoc.
      La paroisse de Narbonne qui souffrit le plus du passage des
      Anglais fut celle de Saint-Étienne; elle resta longtemps déserte.

      [230] Jacques Mascaro, historiographe de la commune de Béziers,
      nous a laissé une chronique qui va de 1347 à 1390 où on lit le
      curieux passage qui suit: «L’an 1335, davan las Totz Sanz, venc
      en aquest pays lo princep de Galas; et vengueron los coredos
      entro à Bezes. Mais quand el saup que en Bezes avia grands gens
      d’armas, ne volc pus avant passar; et venc tant gran neu que si
      no s’en fos tornat, non y a guera Engles no fos remangut en las
      plassas.» _Bulletin de la société archéologique de Béziers_, t.
      I, p. 81.

      [231] Montréal-de-l’Aude, Aude, ar. Carcassonne, au sud-ouest de
      cette ville.

      [232] Fougax-et-Barrineuf, Ariége, ar. Foix, c. Lavelanet.

      [233] Aujourd’hui château de la Bastide-de-Sérou, Ariége, ar.
      Foix. Le prince de Galles s’en alla par un autre chemin qu’il
      n’était venu; il opéra sa retraite par les montagnes des diocèses
      de Carcassonne, de Pamiers et de Rieux, soit, comme il l’affirme,
      qu’il poursuivît les Français qui reculaient devant lui dans
      cette direction, soit qu’il craignît de ne plus trouver dans
      le pays qu’il avait ravagé en venant de Toulouse à Carcassonne
      de quoi nourrir son armée. Quoi qu’il en soit, il repassa la
      Garonne à Carbonne (Haute-Garonne, ar. Muret); il campa une
      nuit sur la rive droite de la Save qui le séparait du comte
      d’Armagnac, du connétable de France et du maréchal de Clermont
      dont on apercevait les feux de l’autre côté de la rivière à
      Lombez et à Sauveterre (Gers, ar. et c. Lombez). Il poursuivit
      l’ennemi jusqu’à Gimont (Gers, ar. Auch) où l’armée française
      se débanda, tandis que ses chefs s’enfermaient dans cette place
      forte. Gimont ou Francheville, situé «in inimicorum fronteria»,
      avait été pourvu d’une enceinte avant janvier 1351, date d’une
      charte où Jean concède l’encan aux habitants (JJ80, p. 155). Sur
      la route de Gimont à Bordeaux, le prince de Galles réduisit six
      villes fermées, le Port-Sainte-Marie, Clairac (Lot-et-Garonne,
      ar. Marmande, c. Tonneins), Tonneins (Lot-et-Garonne, arr.
      Marmande), _Bourg Saint-Pierre_, Castelsagrat (Tarn-et Garonne,
      ar. Moissac, c. Valence-d’Agen), Brassac (Tarn-et-Garonne, ar.
      Moissac, c. Bourg-de-Visa) et dix-sept châteaux. Le bâtard de
      l’Isle, capitaine de Castelsagrat, fut tué à l’assaut de cette
      forteresse par Jean Chandos, James d’Audley et Renaud de Cobham.
      Cette chevauchée avait duré deux mois, en octobre et novembre
      1355.




CHAPITRE LXXVII.

  1356. TROUBLES A ARRAS ET EN NORMANDIE A L’OCCASION DE LA GABELLE OU
  IMPÔT SUR LE SEL; ARRESTATION DU BOL DE NAVARRE A ROUEN, EXÉCUTION DU
  COMTE DE HARCOURT.--GUERRE ENTRE LE ROI DE FRANCE ET LES FRÈRES DE
  NAVARRE QUI FONT ALLIANCE AVEC LE ROI D’ANGLETERRE; CHEVAUCHÉE DU DUC
  DE LANCASTRE ET DES NAVARRAIS EN NORMANDIE.--SIÉGE ET PRISE D’ÉVREUX,
  DE RHOTES ET DE BRETEUIL PAR LE ROI DE FRANCE[234] (§§ 363 à 370).

      [234] Cf. Jean le Bel, _Chroniques_, chap. XCIII, t. II, p. 191 à
      194.


L’impôt de la gabelle[235] excite à Arras une révolte des petites gens
qui tuent quatorze[236] des plus riches bourgeois; le roi de France
fait pendre les meneurs.--En Normandie, le roi de Navarre, comte
d’Évreux, le comte de Harcourt, Godefroi de Harcourt, Jean de Graville
et plusieurs autres seigneurs s’opposent aussi à la levée de la gabelle
sur leurs terres. Le roi Jean, furieux de cette résistance, saisit la
première occasion de s’en venger. Un jour que le roi de Navarre et le
comte de Harcourt dînent au château de Rouen à la table de Charles,
duc de Normandie, fils aîné du roi de France, celui-ci survient à
l’improviste[237] pendant le repas; le roi de Navarre est arrêté séance
tenante malgré les supplications du jeune duc dont il est l’hôte; le
comte de Harcourt, Jean de Graville[238], Maubue[239] de Mainemares et
Colinet Doublel[240] ont la tête tranchée. P. 174 à 180, 382 à 386.

      [235] Cet impôt et celui de huit deniers pour livre avaient été
      décrétés par la célèbre ordonnance du 28 décembre 1355 tenue à
      la suite de la réunion des Etats Généraux à Paris le 30 novembre
      précédent. L’impopularité de ces taxes détermina l’assemblée
      qui se réunit de nouveau le 1er mars 1356 à les remplacer par
      une sorte d’impôt sur le revenu ou de capitation qui frappait
      inégalement les nobles, les clercs et les non-nobles.

      [236] Le nombre de dix-sept, donné par les Grandes Chroniques de
      France, est confirmé par les lettres de rémission octroyées à
      Arras le 28 avril 1356 aux habitants de ladite ville par Arnoul
      d’Audrehem, maréchal de France, lieutenant du roi ès parties de
      Picardie, d’Artois et de Boulonnais: «Comme plusieurs commocions,
      rebellions, assemblées et monopoles eussent esté faites en la
      ville d’Aras, et encores de ce fust ensivi uns fais piteux ouquel
      Willaumes li Borgnes, Jaquemart Louchart, esquievin, Andrieu de
      Mouchi, bourgois de le dite ville, et plusieurs autres, jusques
      au nombre de dix-sept personnes, furent ochiz en le maison du dit
      Willaume, et aucuns d’iceulx jeté jus inhumainement en le Cauchie
      par les fenestres du dit hostel, et le ministre de le Trinité de
      l’Ordre Saint Mathelin et un autre navré mortelment, et depuis
      au tiers jour deux autres mis à mort par voie de fait...» Arnoul
      d’Audrehem fit décapiter en sa présence quatorze des coupables,
      jeter leurs cadavres à la voirie et suspendre les têtes au-dessus
      des portes de la ville (Arch. nat., sect. hist., JJ84, p. 528,
      fºs 274 vº et 275). Des lettres de rémission furent accordées en
      octobre 1356 à André de Mouchi, ch{er}, pour avoir tué Henri Wion
      d’Arras, accusé d’avoir provoqué la sédition et le meurtre du
      père du dit André. JJ84, p. 808.

      [237] La tragique scène de Rouen eut lieu le mardi 5 avril 1356,
      d’après des lettres de Charles dauphin du 12 décembre 1357 (JJ89,
      p. 289) et les Grandes Chroniques de France (v. p. 414 de ce
      volume). On lit par erreur: «Le mardi _sixiesme_ jour d’avril»
      dans l’édition de M. P. Paris, in-12, t. VI, p. 26.

      [238] Le seigneur de Préaux fut exécuté avec Jean, comte de
      Harcourt, et Jean Malet, sire de Graville (Table de Lenain, U524,
      t. XXX, fº 64). Le 5 juin 1356, le roi Jean échangea une terre
      située dans le comté d’Alençon, provenant de la confiscation
      des biens de feu Jean Malet, sire de Graville, contre un manoir
      que Marie d’Espagne, comtesse d’Alençon, possédait à Saint-Ouen
      (Arch. nat., J169, nº 32). Le 13 juin 1356, le roi de France fit
      présent à la dite comtesse d’Alençon, pour elle et ses enfants,
      des biens ayant appartenu à Jean Malet à Séez et à Bernai (V.
      Desnos, _Hist. d’Alençon_, t. I, p. 388).

      [239] Maubue était un surnom de ce chevalier, dont le prénom
      était Guillaume (JJ82, p. 469); Jean de Mainemares, écuyer, frère
      aîné de Guillaume, obtint des lettres de rémission en janvier
      1358 (JJ89, p. 215).

      [240] Cet écuyer, désigné par Froissart et les autres
      chroniqueurs sous le nom de _Doublet_, est appelé _Doublel_
      dans les registres du Trésor des Chartes (JJ82, p. 511 et JJ85,
      p. 30). En janvier 1357 (n. st.) le roi Jean donne à Jean du
      Saussay, écuyer, huissier d’armes du duc de Normandie, la maison
      de Raffetot (Seine-Inférieure, ar. le Havre, c. Bolbec), avec 50
      livres tournois de rente, confisquée pour la forfaiture de feu
      Colinet Doublel (JJ85, p. 30). D’autres biens de Colin Doublel
      furent donnés en décembre 1357 à son frère messire Jean Doublel
      (JJ89, p. 330).

A la nouvelle des événements de Rouen, Philippe et Louis de Navarre,
frères du roi Charles, Godefroi de Harcourt, oncle et [Jean] de
Harcourt, fils aîné du feu comte de Harcourt, l’héritier de Jean de
Graville, Pierre de Sacquenville et bien vingt chevaliers défient le
roi de France. Le roi de Navarre, détenu d’abord au château du Louvre,
est bientôt transféré dans la forteresse de Crèvecœur en Cambrésis. P.
180 à 183, 386, 387.

Louis de Harcourt, l’un des familiers du duc de Normandie, frère du
comte de Harcourt exécuté à Rouen, refuse, en dépit des instances et
des menaces de son oncle Godefroi, de prendre parti contre le roi de
France[241]. Philippe de Navarre[242] et Godefroi de Harcourt, laissant
leurs forteresses de Normandie sous la garde de Louis de Navarre et
du Bascle de Mareuil, vont à Londres pendant la session du Parlement
solliciter l’appui du roi d’Angleterre. Édouard s’engage à les soutenir
et, non content de leur fournir cent hommes d’armes et deux cents
archers, sous le commandement des seigneurs de Ross et de Nevill, il
donne l’ordre au duc de Lancastre qui guerroie en Bretagne de seconder
les frères de Navarre avec toutes les forces dont il dispose. P. 183 à
186, 387, 388.

      [241] En mai 1359, Charles régent donne à Louis de Harcourt,
      vicomte de Châtellerault, les terres et châtellenies de Vibraye
      et de Bonnétable dans le comté du Maine, venues à héritage à
      Jean, comte de Harcourt, du chef de sa mère, et confisquées sur
      ledit Jean, neveu de Louis, complice du roi de Navarre. JJ90, p.
      112.

      [242] Philippe de Navarre ne perdit pas de temps, car la tragique
      scène de Rouen avait eu lieu le mardi 5 avril 1356, et dès le
      commencement du mois suivant des négociations étaient ouvertes
      avec le roi d’Angleterre, vers lequel Philippe de Navarre et
      Godefroi de Harcourt avaient député Jean, sire de Morbecque et
      Guillaume Carbonnel, sire de Brevands. Ces négociateurs avaient
      rempli leur mission dès le 12 mai, date du sauf-conduit qui
      leur fut délivré pour revenir en Normandie (Rymer, vol. III, p.
      328, 329). Le 24 juin, Édouard envoyait à Philippe de Navarre
      et à Godefroi de Harcourt un sauf-conduit pour venir à sa cour
      (_Ibid._, p. 331). Mais Godefroi de Harcourt, occupé dès le 22
      juin à guerroyer en Normandie en compagnie du duc de Lancastre
      (Robert de Avesbury, p. 247), n’eut pas le temps de se rendre
      en Angleterre; et son voyage resta, quoi qu’en dise Froissart,
      à l’état de projet. Quant à Philippe de Navarre, il alla bien
      à la cour d’Édouard, mais postérieurement à la campagne du duc
      de Lancastre à laquelle il avait pris part, comme il résulte
      de deux lettres d’Édouard des 20 et 24 août 1356 (Rymer, vol.
      III, p. 338, 339), et du traité de Clarendon du 4 septembre 1356
      (_Ibid._, p. 340). V. Léopold Delisle, _Histoire du château et
      des sires de Saint-Sauveur-le-Vicomte_, p. 84 et 85.

Le duc de Lancastre, qui a sous ses ordres le fameux Robert Knolles,
vient de Pontorson à Évreux rejoindre Philippe de Navarre et Godefroi
de Harcourt, aussitôt après leur retour d’Angleterre. L’armée
anglo-navarraise s’élève à douze cents lances, seize cents archers
et deux mille brigands[243] à lances et à pavais; elle occupe, pille
et brûle successivement Acquigny, Pacy, Vernon, Verneuil[244] et les
faubourgs de Rouen. A cette nouvelle, le roi de France, accompagné
de ses deux maréchaux Jean de Clermont et Arnoul d’Audrehem, vient à
Pontoise, à Mantes, à Rouen; il rassemble une armée de dix mille hommes
d’armes, ce qui fait trente ou quarante mille combattants, et marche
contre les Anglo-Navarrais. Ceux-ci, qui se sentent inférieurs en
nombre, se retirent précipitamment dans la direction de Pontorson et de
Cherbourg. Les Français les poursuivent et parviennent à les joindre à
peu de distance de Laigle[245]; le duc de Lancastre n’évite la bataille
qu’à la faveur d’un habile stratagème. L’armée anglo-navarraise se
disperse: Jean Carbonnel s’enferme à Évreux avec Guillaume Bonnemare
et Jean de Ségur, Foudrigais à Conches, Sanson Lopin à Breteuil en
compagnie de Radigot et de Frank Hennequin, tandis que le duc de
Lancastre et les Anglais regagnent la forte marche de Cherbourg. P. 186
à 191, 388 à 390.

      [243] Le duc de Lancastre avait en tout neuf cents hommes d’armes
      et quatorze cents archers. Les cinq cents hommes d’armes et huit
      cents archers qu’il avait primitivement sous ses ordres s’étaient
      grossis des cent hommes d’armes de Philippe de Navarre et de
      Godefroi de Harcourt et de trois cents hommes d’armes et cinq
      cents archers amenés par Robert Knolles de Carentoir en Bretagne
      (Morbihan, ar. Vannes, c. la Gacilly). L’abbaye de Montebourg,
      et non Evreux, avait été choisie comme quartier général. La
      petite armée se mit en marche le 22 juin; elle était de retour
      à Montebourg le 13 juillet. Ces détails sont tirés d’une lettre
      écrite à Montebourg le 16 juillet 1356 qui donne jour par
      jour l’itinéraire suivi par le duc de Lancastre (v. Robert de
      Avesbury, p. 246 à 251). Le but principal de cette expédition
      était de forcer les Français qui assiégeaient le Pont-Audemer
      sous les ordres de Robert de Houdetot à lever le siége de cette
      ville occupée par les Navarrais. Les dates extrêmes de ce
      siége nous sont fournies par des lettres de rémission de mai
      1357 en faveur de Guillaume l’Engigneur de _Mangreville sur le
      Ponteaudemer_ (auj. Manneville-sur-Risle), où on lit que «...
      nostre amé et feal messire Robert de Houdetot et plusieurs gens
      d’armes eztans sous son gouvernement venissent tenir siège devant
      le dit chastel, et y fussent _depuis Pasques 1356 jusques à la
      Saint Jehan_ (24 juin) ensivant...» Arch. nat., sect. hist.,
      JJ85, p. 120.

      [244] Le 4 juillet, le duc de Lancastre surprit et pilla
      Verneuil, où il se reposa trois jours.

      [245] Le roi Jean attendait les Anglais à une petite lieue de
      Laigle, à Tubœuf (Orne, ar. Mortagne, c. Laigle), avec son fils
      aîné Charles, le duc d’Orléans son frère, une armée de huit
      mille hommes d’armes et de quarante mille arbalétriers et autres
      gens des communes. Le roi de France, au lieu de tomber sur
      les Anglais, envoya deux hérauts offrir la bataille au duc de
      Lancastre, qui profita de cet avertissement pour s’échapper. V.
      Robert de Avesbury, p. 249 et 250.

Évreux se compose d’un bourg, d’une cité et d’un château, et il y a des
fortifications particulières pour chacune de ces trois parties de la
ville. Le roi Jean[246] assiége cette place et réduit successivement
le bourg et la cité à se rendre; le château lui-même, confié à la
garde de Guillaume de Gauville et de Jean Carbonnel, capitule au bout
de quelques semaines: la garnison a la vie sauve et peut se retirer
à Breteuil. Pendant ce temps, Robert Knolles essaye de s’emparer du
château de Domfront. P. 191 à 193, 390 à 392.

      [246] Le siége d’Évreux ne fut pas fait par le roi Jean en
      personne; ce siége, comme celui du Pont-Audemer, suivit
      immédiatement l’arrestation du roi de Navarre: il est antérieur
      à la chevauchée du duc de Lancastre. Évreux s’était rendu
      aux Français avant le 20 juin, jour où Guillaume, abbé de
      Saint-Taurin, fit remise à Jean de Montigny, aumônier, et à Adam
      de Pinchemont, infirmier de ladite abbaye, qui s’étaient enfermés
      dans la cité et église d’Évreux pour mettre en sûreté les joyaux
      de leur abbaye, de la peine qu’ils pouvaient avoir encourue en
      prenant les armes et en concourant à la défense. Ces lettres de
      rémission furent confirmées le 12 août 1356 par le roi Jean:
      «Comme depuis que nous eusmes fait prendre ou chastel de Rouen le
      roy de Navarre et conte d’Evreux, nostre filz et homme, et mettre
      en prison fermée pour certainnes causes, plusieurs personnes se
      soient mis et requeulis en la cité d’Evreux et icelle tenue à
      force par certain temps contre nostre volenté et la puissance
      de certainne quantité de gens d’armes que nous y avions envoié,
      jusques à tant que certain traictié et accort fu fait de nostre
      congié et consentement entre noz dictes gens et les gens
      estans en la dicte cité: par lequel traictié et accort iceulx
      de la dicte cité rendirent à noz dictes gens pour nous icelle
      cité, sauf leurs corps et leurs biens, et par certaines autres
      condicions contenues plus plainnement ès diz traictié et accort
      sur ce fais...» (Arch. nat., JJ84, p. 638). Jean _de Torpo_,
      d’Évreux, poissonnier du roi de Navarre, avait approvisionné de
      poisson salé le château où il s’enferma pendant le siége; et nous
      voyons dans des lettres de rémission qui lui furent délivrées en
      octobre 1356, que Roberge, sa femme, munie d’un sauf-conduit du
      comte de Tancarville, connétable de Normandie, alla se retirer
      avec la femme de Pierre de Sacquenville, après la reddition
      d’Évreux, dans le château de Breteuil. JJ85, fº 67 vº.

Après la prise d’Évreux et du château de Rothes[247], le roi de France,
dont l’armée est forte de soixante mille chevaux, met le siége
devant Breteuil, un des plus forts châteaux assis en plaine qu’il y
ait en Normandie; ce fut le plus beau siége qu’on eût vu depuis celui
d’Aiguillon.--A ce moment, le comte de Douglas d’Écosse et Henri de
Castille, bâtard d’Espagne et comte de Transtamare, viennent offrir
leurs services au roi Jean, qui les accueille courtoisement et assigne
à Douglas cinq cents livres de revenu annuel.--Les assiégeants font
construire un chat ou atournement d’assaut, monté sur quatre roues,
crénelé et cuirassé, composé de trois étages, dont chacun peut contenir
deux cents combattants. On comble pendant un mois, avec des fascines,
les fossés du château de Breteuil, à l’endroit où l’on veut donner
l’assaut, et l’on parvient ainsi à amener, au moyen des roues, cette
énorme machine contre les remparts; mais les assiégés ont eu soin de
se pourvoir de canons qui vomissent du feu grégeois[248]: ce feu
embrase le toit de la machine, et les gens d’armes qui la montent sont
obligés de se sauver. Les assiégeants entreprennent alors de combler,
dans toute leur étendue, les fossés qui entourent les remparts, et ils
emploient à ce travail quinze cents terrassiers. P. 193 à 196, 392, 393.

      [247] Auj. Saint-Léger-de-Rothes ou Saint-Léger-du-Boscdel, Eure,
      arr. et c. Bernai.

      [248] Tout le monde sait qu’il était d’usage dès cette époque
      d’employer l’artillerie au siége des places fortes; ce que l’on
      ignore généralement, c’est que, dès le règne de Charles V, et
      peut-être auparavant, on avait l’habitude de tirer le canon à
      Paris pendant les représentations du mystère de la Passion. C’est
      ce qui résulte de lettres de rémission que nous avons découvertes
      et que nous publions ici pour la première fois. Ces lettres sont
      datées, il est vrai, de 1380; mais elles constatent que l’usage
      de tirer le canon dans cette circonstance était établi depuis
      longtemps. Nous prions les historiens de l’artillerie et de notre
      théâtre au moyen âge de nous pardonner cette publication qui est
      ici un hors-d’œuvre.

      «Charles, etc. Savoir faisons à touz presens et à venir à nous
      avoir esté exposé de la partie de Guillaume Langlois que, comme,
      le mardi après Pasques darrain passées, ès jeux qui furent faiz
      et ordenez en l’onneur et remembrance de la Passion Nostre
      Seigneur Jhesucrit en nostre bonne ville de Paris, par aucuns des
      bourgois et autres bonnes genz d’icelle, le dit exposant eust
      esté requis, prié et ordené de ceulx qui ès diz jeux faisoient
      les personnages des figures des ennemis et deables, de estre aux
      diz jeux pour getter des canons, quant temps seroit, afin que
      leurs personnages fussent mieulz faiz, _si comme ès diz jeux on
      a acoustumé à faire par chacun an à Paris_. Et lors avint que
      avec le dit exposant vint et s’embati illec amiablement Jehan
      Hemon, varlet d’estuves, pour lui cuidier aidier à jouer et
      faire getter des diz canons, quant lieu et temps seroit, _comme
      autreffoiz on a acoustumé à faire_. Et il soit ainsi que ilz
      ordenèrent et mistrent à point iceulx canons pour getter et
      faire bruit sur l’appointement et arroy du Cruxifiement que on
      a acoustumé à faire en iceulx jeux en remenbrance de la mort et
      passion de Nostre Seigneur Jhesucrit. Et pour ce que illec où les
      diz exposanz et Jehan Hemon estoient, fu mise une broche chaude
      et boutée en un canon estant ou dit lieu, la cheville d’icellui
      canon par force de feu s’en issy et sailli plus tost et autrement
      que ne cuidoient et pensoient yceulx exposanz, et Hemon, par tèle
      manière que le dit Hemon d’icelle cheville fu feru et attaint
      d’aventure en l’une de ses jambes. Et aussi fu le dit Guillaume
      par la force du feu qui en yssi embrasé et brûlé parmi le visage
      et fu en grand doubte et en aventure d’estre mort ou affolé de
      touz poins. Après lesquèles choses ainsi avenues, le dit Hemon,
      qui estoit bon et vray ami d’icellui exposant, et qui ne vouloit
      que, pour la bleceure qu’il avoit ainsi de la cheville du dit
      canon, il fust aucunement dommagié ne poursuy.... Donné à Paris
      l’an de grâce mil trois cens et quatre vins, ou moys d’avril et
      le dix septième de nostre regne.» Arch. nat., sect. hist., JJ116,
      p. 254, fºs 152 vº et 153.

Pendant que le roi de France assiége ainsi Breteuil, le prince de
Galles, informé de l’alliance conclue entre son père et les Navarrais,
veut faire une diversion en faveur de ses nouveaux alliés; c’est
pourquoi, il part de Bordeaux aux approches de la Saint-Jean à la
tête d’une armée de deux mille hommes d’armes et de six mille archers
et il se dirige vers la Loire à travers l’Agenais, le Limousin et
le Berry.--A la nouvelle de cette incursion, le roi Jean presse le
siége de Breteuil avec plus de vigueur encore qu’auparavant[249]. Les
assiégés font prisonnier Robert de Montigny, chevalier de l’Ostrevant,
qui s’est aventuré trop près du rempart, et tuent Jacquemart de
Wingles son écuyer. Sept jours après cet incident, le capitaine de
Breteuil nommé Sanson Lopin, écuyer navarrais, qui résiste depuis sept
semaines[250] aux efforts d’une armée tout entière, se voit contraint
de rendre la forteresse moyennant que la garnison aura la vie sauve
et pourra se retirer au château de Cherbourg. Le roi Jean rentre à
Paris et fait ses préparatifs pour marcher à la rencontre du prince de
Galles. P. 196 à 198, 393 à 398.

      [249] Cf. _Chronique des quatre premiers Valois_, p. 42 à 46.
      D’après cette chronique, le roi Jean aurait fait venir le roi de
      Navarre du Château-Gaillard, afin que Charles ordonnât lui-même
      à ses capitaines de Breteuil et du Pont-Audemer d’évacuer ces
      places, démarche qui n’aboutit à aucun résultat.

      [250] On peut dresser sûrement d’après les actes l’itinéraire
      du roi Jean dans le cours de cette expédition de Normandie.
      Le jour même où le duc de Lancastre entrait en campagne,
      c’est-à-dire le 22 juin, le roi de France était à Dreux
      (Arch. nat., JJ84, p. 554), après avoir passé le 7 juin à
      Saint-Arnoul-en-Yvelines (Seine-et-Oise, ar. Rambouillet, c.
      Dourdan), et au Gué-de-Longroi (Eure-et-Loir, ar. Chartres, c.
      Auneau); le 8 juillet, il se trouvait à Tubœuf près Laigle où il
      laissa échapper le duc de Lancastre et les Anglais. Le siége de
      Breteuil dut suivre immédiatement cette poursuite infructueuse,
      car nous avons un très-grand nombre de lettres du roi Jean et de
      son fils Charles datées _Ante Britolium in Normannia anno Domini
      1356, mense_ JULII (JJ84, p. 788. Cf. JJ84, p. 566, 567, 570,
      587, 606, 788). D’autres lettres sont datées: _In exercitu nostro
      ante Britolium, mense_ AUGUSTI (JJ84, p. 571, 574, 582, 586,
      602 à 604, 680, 681, 720). Ces pièces mentionnent la présence
      au siége du connétable Gautier de Brienne, duc d’Athènes, des
      maréchaux d’Audrehem et de Clermont, de l’archevêque de Sens,
      de l’évêque de Châlons, des comtes d’Eu, de Tancarville et de
      Ventadour, de Geoffroi de Charny, de Boucicaut et d’Aubert de
      Hangest. Le 12 août, le roi Jean datait encore ses lettres: _En
      noz tentes devant Bretueil_ (JJ84, p. 638); mais dès le 19 il
      était au château de Tremblay-le-Vicomte (Eure-et-Loir, ar. Dreux,
      c. Châteauneuf-en-Thymerais) et se préparait à marcher contre
      le prince de Galles (JJ84, p. 633). La reddition du château de
      Breteuil eut lieu par conséquent entre le 12 et le 19 août 1356.




     [1] CHRONIQUES
         DE J. FROISSART.


         LIVRE PREMIER.


         § =288=. De le ville de Calais estoit chapitainne uns
         gentilz et vaillans chevaliers de Campagne as armes,
         qui s’appelloit messires Jehans de Viane. Avoecques
         lui estoient pluiseur bon chevalier d’Artois et de le
      5  conté de Ghines, telz que messires Ernoulz d’Audrehen,
         messires Jehans de Surie, messires Bauduins de
         Belleborne; monsigneur Joffroi de le Motte, monsigneur
         Pepin de Were et pluiseur aultre chevalier et
         escuier, liquel trop loyaument en tous estas dou garder
     10  s’en acquittèrent, si com vous orés recorder ensievant.

         Quant li rois d’Engleterre fu venus premierement
         devant le ville de Calais, ensi que cilz qui moult le
         desiroit à conquerre, [il] le assega par grant manière
     15  et bonne ordenance. Et fist bastir et ordonner entre
         le ville et le rivière et le pont de Nulais hostelz et
     [2] maisons, et carpenter de gros mairiens, et couvrir
         les dittes maisons, qui estoient assises et ordonnées
         par rues bien et faiticement, d’estrain et de genestres,
         ensi que donc que il deuist là demorer dix ans
      5  ou douze. Car tèle estoit se intention qu’il ne s’en
         partiroit, ne par ivier ne par esté, si l’aroit conquis,
         quel temps ne quel painne qu’il y deuist mettre ne
         prendre. Et avoit en ceste noeve ville dou roy toutes
         coses necessaires apertenans à une host et plus encores,
     10  et place ordonnée pour tenir marchiet le merkedi
         et le samedi. Et là estoient merceries, bouceries,
         halles de draps et de pain et de toutes aultres necessités,
         et en recouvroit on tout aisiement pour son
         argent. Et tout ce leur venoit tous les jours, par mer,
     15  d’Engleterre et ossi de Flandres, dont il estoient conforté
         de vivres et de marcheandises.

         Avoech tout ce, les gens le roy d’Engleterre couroient
         moult souvent sus le pays en le conté de
         Ghines, en Tierenois, et jusques as portes de Saint
     20  Omer et de Boulongne; si conqueroient et ramenoient
         en leur host grant fuison de proie: dont il
         estoient rafreschi et ravitaillié. Et point ne faisoit li
         dis rois ses gens assallir le ditte ville de Calais, car
         bien savoit que il perderoit se painne et qu’il s’i
     25  traveilleroit en vain. Si espargnoit ses gens et se
         artillerie, et disoit que il les affameroit, com lonch terme
         que il y deuist mettre, se li rois Phelippes de recief ne
         le venoit combatre et lever le siège.

         Quant messires Jehans de Viane, qui chapitainne
     30  estoit de Calais, vei que li rois d’Engleterre s’ordonnoit
         et amanagoit pour là tenir le siège, et que c’estoit
         tout acertes, si fist une ordenance dedens le ville
     [3] de Calais, tèle que toute[s] manières de menues gens,
         qui pourveances n’avoient, vuidaissent sans point
         d’arrest. Si en vuidièrent et partirent sus un merkedi
         au matin, que hommes, que femmes, que enfans,
      5  plus de dix sept cens, et passèrent parmi l’ost dou
         roy d’Engleterre. Et leur fu demandé pourquoi il vuidoient;
         il respondirent que il n’avoient de quoi vivre.
         Adonc leur fist li rois grasce que de passer et aler
         parmi son host sauvement; et leur fist tous et toutes
     10  donner à disner bien et largement, et apriès disner à
         çascun deux estrelins: laquèle grasce et aumosne on
         recommenda à moult belle, ce fu bien raisons. Or
         nous soufferons nous un petit à parler dou siège de
         Calais, et retourrons au duch de Normendie qui seoit
     15  devant Aguillon.


         § =289=. Li dus de Normendie se tenoit[251] devant
         Aguillon, et dedens avoit assegiés les bons chevaliers
         d’Engleterre, monsigneur Gautier de Mauni et les
         aultres, qui si vaillamment s’i estoient tenu et tinrent
     20  toutdis, le siège pendant et durant, et qui tant de
         belles apertises d’armes y fisent, si com chi dessus
         est recordé: pour lesquelz grans apertises li dis dus
         avoit parlé si avant que point ne s’en partiroit, si
         aroit pris le forterèce et chiaus qui dedens estoient.

             [251] Mss. B 1, 3, 4: «_qui_ se tenoit.» _Mauvaise leçon._

     25  Or avint, ce siège estant, environ le mi aoust, que
         une escarmuce se fist devant le chastiel d’Aguillon,
         et se monteplia telement, par convoitise d’armes, que
         le plus grant partie de chiaus de l’ost y alèrent. Adonc
         estoit là venus nouvellement en l’ost messires
     [4] Phelippes de Bourgongne, pour ce temps conte d’Artois
         et de Boulongne, et cousins germains au dit duch de
         Normendie, liquelz estoit uns moult jones chevaliers
         et de grant volenté, ensi que là le moustra. Car si tretos
      5  que li escarmuce fu commencie, il ne volt pas estre
         des darrains, mès se arma et monta sus un coursier
         fort et rade malement, et de grant haste, pour plus
         tost estre et venir à l’escarmuce. Li dis messires Phelippes
         prist une adrèce parmi les camps, et brocha
     10  coursier des esporons, liquelz coursiers, qui estoit
         grans et fors, s’escueilla au cours et emporta le chevalier
         maugré lui: si ques, en traversant un fosset, li
         coursiers trebucha et chei et jetta le dit monsigneur
         Phelippe desous lui. Onques il ne peut estre aidiés ne
     15  secourus si à tans que il ne fust si confroissiés que
         onques puis n’eut santé, et morut de ceste bleceure:
         dont li dus de Normendie fu durement courouciés,
         ce fu bien raisons.

         Assés tost apriès ceste aventure et le trespas de
     20  monsigneur Phelippe, les nouvelles vinrent en l’ost
         de le desconfiture de Creci. Et remandoient li rois et
         la royne de France leur fil le duch de Normendie,
         et li enjoindoient très especialment que, toutes parolles
         et ensongnes mises jus, il se partesist et deffesist
     25  son siège et retournast en France, pour aidier à
         garder son hiretage que li Englès li destruisoient. Et
         encores li segnefioient il clerement le grant damage
         des nobles et proçains de son sanc qui demoret
         estoient à Creci.

     30  Quant li dus de Normendie eut leu ces lettres, si
         pensa sus moult longement, et en demanda conseil
         as contes et as barons qui dalès lui estoient, car moult
     [5] envis se partoit, pour le cause de ce que il avoit
         parlé si avant dou siège tenir. Et ossi il n’osoit aler
         contre le mandement et ordenance dou roy son père.
         Et me samble que adonc il fu si consilliés des plus
      5  especiaulz de son conseil que, ou cas que li rois ses
         pères le remandoit si especiaument, il se pooit bien
         partir sans nul fourfait. Si fu adonc ordonné et arresté
         que à l’endemain on se deslogeroit et s’en retourroit
         on en France. Quant ce vint au point dou
     10  jour, on se commença à deslogier et à tourser tentes
         et très et toutes aultres ordenances, et à recueillier
         moult hasteement et mettre à voie et à chemin.

         Li compagnon, qui dedens Aguillon se tenoient,
         furent durement esmervilliet pour quoi si soudainement
     15  li François se deslogoient. Si se coururent armer
         au plus tost qu’il peurent, et montèrent sus leurs
         chevaus, le pennon monsigneur Gautier de Mauni
         devant yaus; et s’en vinrent bouter en l’ost le duch,
         qui tout n’estoient mies encores deslogié ne mis à
     20  voie. Si en ruèrent par terre pluiseurs, et occirent et
         decopèrent, et fisent un grant esparsin, et en prisent
         d’uns et d’aultres plus de soixante, que il ramenèrent
         arrière en leur forterèce.

         Et entre les aultres prisonniers, il y eut un grant
     25  chevalier de Normendie, cousins dou duc, et moult
         proçain de son conseil, auquel messires Gautiers demanda
         pour quel cause li dus de Normendie si soudainement
         se partoit, et quel cose estoit avenu là
         entre yaus. Li chevaliers moult à envis le dist. Toutes
     30  fois il fu tant aparlés et demenés dou dit monsigneur
         Gautier, que il recorda la besongne ensi comme elle
         aloit, et comment li rois d’Engleterre estoit arrivés
     [6] en Normendie, et tout le voiage que il avoit fait, et
         les passages où il avoit passés, et en le fin à Creci
         en Pontieu desconfi le roi de France et toute se poissance.
         Et li compta par nom les princes et les signeurs
      5  qui mort y estoient, et comment encores, en fin de
         voiage, li rois d’Engleterre ot assis le forte ville de
         Calais. Quant messires Gautiers de Mauni entendi ce,
         si en fu grandement resjoïs; et ossi furent tout li
         compagnon, et en fisent pour ces nouvelles milleur
     10  compagnie à leurs prisonniers. Et li dus de Normendie
         s’en revint en France devers le roy Phelippe son
         père et la royne sa mère, qui moult volentiers le
         veirent.


         § =290=. Depuis ne demora gaires de temps que li
     15  dis messires Gautiers de Mauni, qui grant desir avoit
         de venir devant Calais et de veoir son signeur le roy
         d’Engleterre, mist en parolle le chevalier normant
         qu’il tenoit pour son prisonnier, et li demanda quèle
         quantité d’argent pour sa raençon il poroit paiier.
     20  Cilz respondi, ensi comme cilz qui volentiers veist
         sa delivrance, que jusques à trois mille escus paieroit
         il bien. Dont dist messires Gautiers moult courtoisement:
         «Sire, je sçai bien que vous estes dou sanch
         dou duch de Normendie, et moult amés de lui et très
     25  especiaulz en son conseil: si vous dirai que vous ferés.
         Je vous recrerai sus vostre foy, et vous partirés
         de ci, et irés devers le duch vostre signeur, et me
         impeterés un saufconduit, pour moi vingtime tant
         seulement, à chevaucier parmi France, paiant courtoisement
     30  tout ce que je despenderai. Et se ce me
         poés impetrer dou duch ou dou roy, je n’ai cure
     [7] douquel, je vous quitterai vostre raençon et vous en
         sarai gré. Car je desire tant à veoir mon chier signeur
         le roy d’Engleterre que ce me tourra à grant plaisance,
         se le saufconduit vous me raportés. Et que bien
      5  l’entendés, je ne voeil jesir en une ville que une seule
         nuit, tant que je serai venus devant Calais. Et se ce
         vous ne poés faire, vous revenrés dedens un mois
         tenir prison en ceste forterèce.»

         Li chevaliers respondi qu’il en feroit son plain
     10  pooir; si se parti de Aguillon. Et le recrut li dis
         messires Gautiers sus sa foy. Si chevauça tant li dis
         chevaliers que il vint à Paris, là où il trouva le duch
         de Normendie, son signeur, qui li fist grant cière et
         li demanda de son estat, et comment il avoit finet.
     15  Li chevaliers li conta toute la besongne, et comment
         messires Gautiers de Mauni li voloit quitter sa raençon,
         mès que il ewist un saufconduit que il peuist
         paisieulement, lui vingtime, chevaucier parmi le
         royaume de France jusques à Calais. Li dus li acorda,
     20  et li fist escrire tout tel que il le volt prendre et
         avoir; et le prist desous le seelé dou dit duch et
         s’en passa atant. Et esploita depuis tant par ses journées
         que il retourna en Aguillon, et moustra au dit
         monsigneur Gautier tout ce que il avoit fait et esploitié.
     25  Douquel esploit et saufconduit messires Gautiers
         de Mauni eut grant joie, et quitta tantost le dit chevalier
         normant de sa foy et de sa raençon, et se ordonna
         pour passer parmi le royaume de France sus
         le confort de sa lettre.


     30  § =291=. Assés tost apriès, se parti li dis messires
         Gautiers de Mauni de le ville et dou chastiel
     [8] d’Aguillon à tout vingt chevaus seulement, ensi que sa
         lettre parloit, et se mist au chemin parmi Auvergne.
         En chevauçant le royaume, li gentilz chevaliers ne
         se faisoit point celer, mès se nommoit partout. Et
      5  quant il estoit arrestés, il moustroit sa lettre et tantost
         estoit delivrés. Ensi chevauça il tant que il vint
         jusques à Orliens, et fu là arrestés, et ne peut estre
         desarrestés pour lettres que il moustrast; mès fu
         amenés à Paris et là mis en prison en Chastelet,
     10  comme cilz qui estoit des François grandement hays,
         pour les grans proèces dont il estoit renommés.

         Quant li dus de Normendie le sceut, il en fu durement
         courouciés; si s’en ala tantost par devers le roy
         son père, et li requist si acertes qu’il peut, que il
     15  volsist le chevalier delivrer pour l’amour de lui, ou
         il seroit deshonnourés. Et diroit on que il l’aroit
         trahi, car il l’avoit asseguret par bonnes lettres seelées
         de son seel, par tel raison. Et compta li dis dus
         au roy la cause, ensi que vous l’avés oy. Li rois n’en
     20  volt riens faire, pour requeste ne pour priière que li
         dus ses filz en fesist; mès respondi que il le feroit mettre
         à mort, et qu’il le tenoit pour son trop grant anemi.
         Dont respondi li dus, se il en faisoit ensi, il fust certains
         que il ne s’armeroit jamais contre le roy d’Engleterre,
     25  ne tout cil qui destourner il en poroit. Et
         eut adonc entre le roy de France et le duch de Normendie
         grosses parolles, et s’en parti li dus par
         mautalent. Et dist li dus, au partir, que jamès en
         l’ostel dou roy il n’enteroit, tant que messires Gautiers
     30  de Mauni seroit en prison.

         Ensi demora ceste cose un grant temps, et pourcaçoit
         le dessus dit uns chevaliers de Haynau, uns
     [9] siens cousins, qui se appelloit messires Mansars
         d’Esne. Cils en eut moult de painne et de travel
         pour aler et pour venir devers le duch de Normendie.
         En le fin, li rois de France fu si consilliés que il
      5  delivra le dit monsigneur Gautier de prison, et li fist
         paiier tous ses frès. Et le volt veoir li rois; et disna
         messires Gautiers de Mauni dalès lui, en l’ostel de
         Nielle à Paris. Et li fist adonc li rois presens de dons
         et de jeuiaulz qui bien valoient mil florins. Li dis
     10  messires Gautiers, pour l’onneur dou roy qui li faisoit
         presenter, les rechut par condition que, lui venut
         devant Calais, il en parleroit au roy d’Engleterre son
         signeur; et se il li plaisoit, il les retenroit, ou aultrement
         il les renvoieroit. Ceste response plaisi bien
     15  au roy de France et au duch de Normendie, et disent
         que il avoit parlé comme loyaus chevaliers.

         Depuis ce fait, il prist congiet d’yaus et chevauça
         tant par ses journées que il vint en Haynau. Si se
         rafreschi en Valenciènes trois jours, et puis s’en parti
     20  et esploita tant que il vint devant Calais, où il fu
         receus à grant joie dou roy et de tous les barons, ce
         fu bien raisons. Et là leur recorda toutes ses avenues,
         depuis que partis s’estoit d’Aguillon. Et remoustra
         au roy son signeur les biaus jeuiaus que li rois de
     25  France li avoit fait presenter. Et demanda fiablement
         au roy quel cose en estoit bonne à faire; car il les
         avoit receus par manière que, se il plaisoit à lui, il
         les retenroit, ou aultrement il les renvoieroit. Si me
         samble que li rois d’Engleterre li dist adonc: «Messire
     30  Gautier, vous nous avés tous jours loyaument
         servi jusques à ores, et ferés encores, si com nous
         esperons: renvoiiés au roy Phelippe ses presens;
    [10] vous n’avés nulle cause dou retenir. Nous avons,
         Dieu merci! assés pour nous et pour vous; et sons
         en grant volenté de vous bien faire, selonch le bon
         service que fait nous avés.»--«Monsigneur, ce
      5  respondi messires Gautiers, grans mercis!»

         Tantost apriès ces parolles, il prist tous ces jeuiaus
         et presens, et carga à son cousin monsigneur Mansart,
         et li dist: «Chevauciés en France devers le roy et
         me recommendés à lui moult de fois; et li dittes que
     10  je le mercie grandement des biaus presens que il m’a
         presenté. Mais ce n’est mies li grés ne la pais[252] dou
         roy d’Engleterre, mon signeur, que je les retiegne.»
         Ce dist messires Mansars: «Tout ce ferai je volentiers.»
         Si se parti atant de monsigneur Gautier et
     15  dou siège de Calais, les dis jeuiaus avoecques lui.
         Et esploita tant par ses journées qu’il vint à Paris; si
         fist son message bien et à point. Li rois ne volt
         nulles nouvelles oïr de reprendre les jeuiaus, mès
         les donna, ensi qu’il estoient, au dit monsigneur
     20  Mansart, qui en remercia le roy, et n’eut nulle volenté
         contraire dou prendre.

             [252] Mss. B 4, 3: «li aise ne li plaisir.» Fº 129 vº.


         § =292=. Tous avés bien chi dessus oy recorder comment
         li contes Derbi s’estoit tenus toute le saison en
         le cité de Bourdiaus, le siège pendant des François
     25  devant Aguillon. Si tost qu’il sceut de verité que li
         dus de Normendie avoit deffait son siège et estoit
         retrais en France, il s’avisa que il feroit une chevaucie
         en Poito; si fist son mandement de tous les
         barons, les chevaliers et les escuiers de le Gascongne
    [11] qui pour Englès se tenoient, et leur assigna journée
         à estre à Bourdiaus. A le semonse et mandement dou
         dit conte vinrent li sires de Labret, li sires de Lespare,
         li sires de Rosem, li sires de Moucident, li
      5  sires de Pumiers, li sires de Courton, li sires de Longuerem,
         messires Aymeris de Tarste et pluiseur
         aultre. Et fist tant li contes Derbi qu’il furent bien
         douze cens hommes d’armes, deux mil arciers et
         troi mil pietons.

     10  Si passèrent toutes ces gens le rivière de Garone,
         entre Bourdiaus et Blaves. Quant il furent tout oultre,
         il prisent le chemin de Saintonge et chevaucièrent
         tant que il vinrent à Mirabiel; si assallirent le ville,
         si tost qu’il furent venu, et le prisent de force et
     15  ossi le chastiel, et y misent gens pour yaus. Et puis
         chevaucièrent vers Ausnay; si conquisent le ville et
         le chastiel, et puis Surgières et Benon; mès au
         chastiel de Marant, à quatre liewes de le Rocelle, ne
         peurent il riens fourfaire. Et vinrent à Mortagne sus
     20  mer en Poito, et là eut grant assaut, et le prisent; et
         y misent et laissièrent gens en garnison de par yaus.
         Et puis chevaucièrent vers Luzegnon; si ardirent le
         ville desous, mès au chastiel ne peurent il riens
         fourfaire. En apriès, il vinrent à Taillebourch, sus le
     25  rivière de Charente; si conquisent le pont, le ville
         et le chastiel; et occirent tous ceuls qui dedens
         estoient, pour tant que, en yaus assallant, il leur
         avoient mort un chevalier des leurs, apert homme
         d’armes durement. Et puis passèrent oultre, pour
     30  venir devant le ville de Saint Jehan l’Angelier.

         Et saciés que tous li pays estoit adonc si effraés de
         la venue dou conte Derbi et des Englès que nulz
    [12] n’avoit contenance ne arroy en soy meismes; mès
         fuioient devant yaus et s’enclooient ens ès bonnes
         villes et laissoient tout vaghe, hostelz et maisons, et
         n’i avoit aultre apparant de deffense. Neis li chevalier
      5  et escuier de Saintonge et de Poito se tenoient
         ens leurs fors et ens leurs garnisons, et ne moustroient
         nul samblant de combatre les Englès.


         § =293=. Tant esploitièrent li contes Derbi et leurs
         routes que il vinrent devant le bonne ville de Saint
     10  Jehan l’Angelier, et si ordonnèrent tout à mettre y
         siège. A ce jour, quant li Englès y vinrent, il n’y
         avoit dedens nulles gens d’armes, chevaliers et escuiers,
         pour aidier à garder le ville et consillier les
         bourgois, qui n’estoient mies bien coustumier de
     15  guerriier. Si furent durement effraé li dit bourgois
         quant il veirent tant d’Englès devant leur ville, et qui
         leur livrèrent de venue un très grant assaut; et doubtèrent
         à perdre corps et biens, femmes et enfans, car
         il ne leur apparoit secours ne confors de nul costé.
     20  Si eurent plus chier à trettier devers les Englès que
         plus grans maulz leur sourvenist. Apriès cel assault
         que li Englès eurent fait devant Saint Jehan, et que
         il se furent retrait en leurs logeis pour yaus reposer
         celle nuit, et avoient bien entention que de assallir
     25  à l’endemain, li maires de le ville, que on appelloit
         sire Guillaume de Rion, par le conseil de le plus
         saine partie de le ville, envoiièrent devers le conte
         Derbi pour avoir un saufconduit, alant et venant, six
         de leurs bourgois, qui devoient porter ces trettiés.
     30  Li gentilz contes leur acorda legierement, à durer
         celle nuit et l’endemain toute jour. Quant ce vint au
    [13] matinet à heure de prime, li dit bourgois de Saint
         Jehan vinrent ens ou pavillon dou conte et parlèrent
         à lui quant il [eut[253]] oy messe. Et me samble que
         traittiés se porta en tel manière, que il se misent dou
      5  tout en l’obeissance dou conte et rendirent leur ville,
         et jurèrent à estre bon Englès, de ce jour en avant,
         tant que li rois d’Engleterre, ou personne forte de
         par lui, les voroit ou poroit tenir en pais devers les
         François. Sus cel estat et ordenance les reçut li
     10  contes Derbi et entra en le ville et en prist le foy et
         l’ommage, et devinrent si homme.

             [253] Ms. B 3, fº 137.--Mss. B 1, 4: «eurent.» _Mauvaise
             leçon._

         Si se rafreschirent li contes Derbi et li Englès
         quatre jours en le ville de Saint Jehan; et au cinquime
         il s’en partirent et chevaucièrent devers Niorth,
     15  une très forte ville et bien fremée, de laquèle messires
         Guiçars d’Angle, uns très gentilz chevaliers,
         estoit chapitains et souverains pour le temps. Si y
         fisent li Englès jusques à trois assaus, mès riens n’i
         conquisent; si s’en partirent et chevaucièrent par
     20  devers le cité de Poitiers. Mais ançois qu’il y venissent,
         il trouvèrent le bourch de Saint Maximiien;
         si le prisent de force, et furent tout cil mort qui
         dedens estoient. Et puis chevaucièrent à le senestre
         main, et vinrent devant Moustruel Bonin, où il avoit
     25  pour ce temps plus de deux cens monnoiiers, qui là
         forgoient et faisoient le monnoie dou roy. Et liquel
         disent que trop bien il se deffenderoient; si ne se
         veurent rendre à le requeste des Englès, et moustrèrent
         grant samblant d’yaus deffendre. Li contes
     30  Derbi et ses gens, qui estoient coustumier de assallir,
    [14] assallirent à ce commencement de grant façon. Et
         estoient arcier tout devant, qui traioient as deffendans
         si ouniement que à painnes osoit nulz apparoir
         as deffenses. Et tant s’avancièrent li dit Englès et si
      5  bien s’i esprouvèrent, que de force il conquisent
         Moustruel Bonin. Et furent tout cil mort qui dedens
         estoient: onques homs n’i fu pris à raençon. Et
         retinrent le chastiel pour yaus, et le rafreschirent de
         nouvelles gens.

     10  Et puis chevaucièrent oultre vers Poitiers, qui est
         moult grande et moult esparse. Si fisent tant que il
         y parvinrent, et le assegièrent à l’un des lés; car il
         n’estoient mies tant de gens que pour le assegier de
         tous costés. Si tost que il furent parvenu devant, il
     15  se misent à l’assallir de grant volenté, et cil de le
         ville à yaus deffendre, qui estoient grant fuison de
         menues gens peu aidables en guerre; et encores pour
         le temps de lors il ne savoient gueriier. Toutes fois,
         de ce premier assault, il se portèrent si bien et si
     20  vaillamment, que li Englès ne leur peurent riens
         fourfaire; et se retraisent à leurs logeis tous lassés
         et tous travilliés, et se reposèrent celle nuit. Quant
         ce vint à l’endemain, aucun chevalier dou conte
         Derbi s’armèrent et montèrent as chevaus, et chevaucièrent
     25  autour de le ville dou plus priès qu’il peurent,
         pour aviser et imaginer là où elle estoit plus
         foible. Si trouvèrent bien tel lieu par leur avis qui
         n’estoit mies trop fors à conquerre, car encores n’i
         avoit dedens nul gentil homme qui seuissent que
     30  c’estoit d’armes; si en fisent leur raport au conte de
         tout ce que il avoient veu et trouvé. Si eurent ce
         soir conseil que à l’endemain on assaurroit en trois
    [15] lieus, et que il metteroient le grignour partie de
         leurs gens d’armes et arciers à l’endroit où il faisoit
         le plus foible, ensi qu’il fisent à l’endemain apriès
         soleil levant. Et livrèrent li dit Englès trois assaus
      5  en trois parties à chiaus de Poitiers. La cité de Poitiers
         est grande et esparse, et n’estoit mies adonc fuisonnée
         de gens; si ne pooient tost aler ne courir de
         l’un à l’autre: par lequel meschief et dur assaut elle
         fu par le plus foible lés prise et conquise, et entrèrent
     10  li Englès dedens.

         Quant li homme de Poitiers se veirent pris et conquis,
         si vuidièrent et se partirent au plus tost qu’il
         peurent par aultres portes, car il y a pluiseurs issues;
         mais il ne s’en alèrent mies si à point que il n’en
     15  demorast mors et occis plus de six cens. Et mettoient
         li Englès tout à l’espée, femmes et enfans, dont c’estoit
         pités. Si fu la ditte cités courue, toute pillie et
         robée. Et y trouvèrent et conquisent li dit Englès
         trop fier avoir, car elle estoit malement riche et
     20  trop plainne de grans biens, tant dou leur meismes,
         que de ceulz dou plat pays, qui s’estoient pour le
         doubtance des Englès retrait et recueilliet, et qui
         le leur y avoient amenet. Si ardirent, brisièrent et
         destruisirent li dit Englès grant fuison de eglises, et
     25  y fisent moult de desrois: de quoi li contes Derbi
         fu durement courouciés pour les grans violenses
         que on y fist, et euist encores fait, se il ne fust alés
         au devant. Mès il deffendi sus le hart que nulz ne
         boutast feu en eglise ne en maison qui y fust,
     30  car il se voloit là tenir et reposer dix ou douze
         jours. Nulz n’osa son commandement brisier. Si furent
         cessé en partie li mal à faire, mès encores en
    [16] fist on assés en larecin, qui point ne vinrent à cognissance.


         § =294=. Ensi prist et conquist li contes Derbi, le roy
         d’Engleterre seant devant Calais, le cité de Poitiers.
      5  Et le tint douze jours, et plus l’euist encores tenu,
         se il volsist, car nuls ne li venoit calengier; mès
         trambloit tous li pays jusques à le rivière de Loire
         devant les Englès. Quant il eurent courut tout le
         pays de là environ et pillié et robé, et que riens
     10  n’estoit demoré dehors les fors et les grandes garnisons,
         li contes Derbi eut conseil que il se retrairoit
         et lairoit Poitiers toute vage, car elle n’estoit point
         tenable, tant estoit elle de grant garde. Si se ordonnèrent
         li Englès au partir, mais à leur departement
     15  il emportèrent tout l’avoir de le cité que trouvé
         avoient; et si cargié en estoient que il ne faisoient
         compte de draps, fors d’or et d’argent et de pennes.
         Si s’en retournèrent à petites journées à Saint Jehan
         l’Angelier. Là fu li contes Derbi des bourgois et des
     20  dames de le ville receus à grant joie et à haute honneur.
         Si se reposèrent li contes Derbi et ses gens et
         rafrescirent en le ditte ville de Saint Jehan une espasse
         de temps. En ce sejour, li dis contes acquist grant
         grasce et grant amour as bourgois, as dames et as
     25  damoiselles de le ville, car il leur donna et departi
         largement grans dons et biaus presens et biaus
         jeuiaus. Et fist tant que il disoient communalement
         que c’estoit li plus nobles princes qui peuist chevaucier
         sus palefroy. Et donnoit as dames et damoiselles
     30  li contes Derby priès que tous les jours disners et
         soupers grans et biaus, et les tenoit toutdis en reviel.

    [17] Quant il eut là sejourné tant que bon li fu, il se
         ordonna au partir et toutes ses gens, et prist congiet
         as bourgois et as dames de le ville, et leur commanda
         le ville à garder. Et fist au dessus dit mayeur et as
      5  plus riches hommes de le ville renouveler leur sieremens
         que il tenroient et garderoient le ville bien et
         souffissamment ensi que le bon hyretage dou roy d’Engleterre:
         il l’eurent ensi en couvent. Adonc s’en
         parti li dis contes o tout son arroy, et s’en chemina à
     10  petites journées devers le cité de Bourdiaus par les
         forterèces que conquis avoit, et fist tant que il [y[254]]
         parvint. Et là donna congiet à toutes gens d’armes,
         Gascons et aultres; et les remercia grandement de
         leur bon service. Assés tost apriès, il s’ordonna pour
     15  monter en mer et venir devant Calais veoir le roy
         d’Engleterre son gentil signeur. Or nous soufferons
         nous à parler de lui et parlerons dou roy d’Escoce.

             [254] Ms. B 4, fº 131.--Ms. B 1, t. II, fº 13 (lacune).


         § =295=. Je me sui longement tenus à parler dou roy
         David d’Escoce, mais jusques à maintenant je n’ai eu
     20  nulle cause de parler ent; car, si com ci dessus il est
         contenu, les triewes qu’il prisent et donnèrent par
         acord li un à l’autre furent bien tenues, sans enfraindre
         ne brisier de nulles des parties. Or avint que,
         quant li rois d’Engleterre eut assegiet le forte ville de
     25  Calais, li Escot s’avisèrent que il feroient guerre as
         Englès et contrevengeroient les grans anois que il
         leur avoient fais, car leur pays estoit maintenant vuis
         de gens d’armes, pour le cause de ce que li rois en
         tenoit fuison devant Calais. Et si en avoit ossi en
    [18] Bretagne, en Poito et en Gascongne. A ceste guerre
         et esmouvement adonc rendi grant painne li rois
         Phelippes de France, qui avoit grans alliances au roy
         d’Escoce, car il voloit, se il pooit, si ensonniier les
      5  Englès que li rois d’Engleterre brisast son siège de devant
         Calais et s’en retournast en Engleterre. Si fist li
         rois d’Escoce son mandement tout secretement à
         estre en le ville de Saint Jehan sus Taye en Escoce.
         Si vinrent là tenir leur parlement li conte, li prelat
     10  et li baron d’Escoce; et furent tout d’un acord que, au
         plus hastievement que il poroient et au plus efforciement
         ossi, il enteroient en Engleterre au lés devers
         Rosebourch, si fort et si bien pourveu que pour combattre
         la poissance de tout le demorant d’Engleterre,
     15  qui pour le temps de lors estoit ens ou pays. A cel
         acord furent avoec le roy tout li baron, li prelat, li
         chevalier et li escuier dou royalme d’Escoce où plus
         a de cinquante mil combattans, uns c’autres; et fisent
         leur assemblée tout quoiement, pour plus grever leurs
     20  ennemis. Et fu adonc priiés et mandés Jehans des
         Adultilles, qui gouverne les Sauvages Escos, qui obeissent
         à lui et non à autrui, que il vosist estre en leur
         armée et chevaucie: il s’i acorda legierement, et y
         vint à trois mil hommes, tous des plus outrageus de
     25  son pays.

         Onques li rois d’Escoce ne li baron de ce royalme
         ne sceurent si secretement faire leur mandement ne
         leur assamblée, que madame la royne Phelippe d’Engleterre,
         qui se tenoit ou North sus les marches de
     30  Evruich, n’en fust toute enfourmée, et que elle y
         pourveist de remède et de conseil. Si tost que la très
         bonne dame sceut ce, elle fu toute consillie de escrire
    [19] et de priier ses amis et de mander tous chiaus qui
         tenoient dou roy d’Engleterre son signeur. Et s’en
         vint la bonne dame, pour mieulx moustrer que la
         besongne estoit à lui, tenir en le cité d’Iorch que
      5  on dist Evruich. En le contrée de Northombreland,
         quant li rois d’Engleterre passa oultre, estoient demoret
         li sires de Persi, li sires de Ros, li sires de
         Nuefville et li sires de Montbrai, quatre grant baron,
         pour aidier à garder le pays, se il touchoit. Si furent
     10  tantost cil signeur pourveu et avisé, quant il seurent
         le mouvement des Escos, et s’en vinrent à Evruic devers
         leur dame qui les reçut à grant joie. Dou mandement
         la vaillans dame, qui s’estendi jusques à le cité de
         Londres et oultre, s’esmurent grant fuison de bonnes
     15  gens d’armes et arciers qui estoient ens ou pays. Et
         se prist cescuns dou plus priès qu’il peut, pour estre
         à celle journée contre les Escos. Car tèle estoit li
         intention de le royne et li teneur de son mandement
         que li Escot seroient combatu, et que cescuns pour
     20  se honneur se hastast dou plus que il peuist, et s’en
         venist devers le Nuef Chastel sur Thin, là où li mandemens
         se faisoit.


         § =296=. Entrues que la royne d’Engleterre faisoit
         sen assamblée, li Escot, qui estoient tout pourveu de
     25  leur fait, se partirent de Saint Jehanston en grant arroi
         et à grant route. Et s’en vinrent ce premier jour
         logier à Donfremelin, et l’endemain passèrent un
         petit brach de mer qui là est. Et li rois s’en vint à
         Struvelin; là passa il à l’estroit l’aigue, et le second
     30  jour, il vint en Haindebourch. Là se recueillièrent et
         rassamblèrent tout li Escot. Si estoient trois mil
    [20] armeures de fier, chevaliers et escuiers, et bien trente
         mil hommes d’autres gens, et tous montés sus hagenées,
         car nulz ne va à piet en Escoce, mès tout à
         cheval. Si esploitièrent tant que il vinrent à Rosebourch,
      5  la première forterèce d’Engleterre à ce costé
         de là, laquèle messires Guillaumes de Montagut avoit
         en garde et en gouvrenance, et jadis l’avoit basti
         contre les Escos. Li chastiaus de Rosebourch est
         durement biaus et fors, et ne fait mies à prendre si
     10  legierement. Si passèrent li Escot oultre et point n’i
         assallirent, et s’en vinrent logier entre Persi et Urcol,
         sus une rivière qui là est. Et commencièrent à destruire
         et ardoir le contrée de Northombrelant moult
         villainnement. Et coururent leur coureur jusques à
     15  Bervich, et ardirent tout ce qui dehors les murs estoit
         et tout contreval le marine; et puis revinrent à leur
         grant host, qui estoit logie à une journée dou Noef
         Chastiel sur Thin.


         § =297=. La royne d’Engleterre, qui desiroit à deffendre
     20  son pays et garder de tous encombriers, pour
         mieus moustrer que la besongne estoit sienne, s’en
         vint jusques en le bonne ville dou Noef Chastiel sur
         Thin, et là se loga et attendi toutes ses gens. Avoech
         la bonne dame vinrent en le ditte ville li archevesques
     25  d’Yorch, li archevesques de Cantorbie, li evesques
         de Durem et li evesques de Lincolle, et ossi li sires
         de Persi, li sires de Roos, li sires de Montbray et li
         sires de Nuefville. Et se logièrent cil quatre grant baron
         et cil quatre prelat dedens le ville et li plus grant
     30  partie de leurs gens. Et toutdis leur venoient gens
         des marces dou North et dou pays de Northombrelant
    [21] et de Galles, qui marcissent assés priès de là; car
         cescuns qui segnefiiés estoit se prendoit priès de
         venir contre les Escos pour l’amour de la bonne
         royne leur dame, qui les prioit si doucement que
      5  pour garder leur pays à leur pooir de tout villain
         destourbier.

         Li rois d’Escoce et ses gens, qui efforciement estoient
         entré en Engleterre, entendirent de verité que
         li Englès se assambloient en le ville dou Noef Chastel
     10  pour venir contre yaus; si en furent grandement resjoy
         et se traisent tout de celle part, et envoiièrent
         leurs coureurs courir devant le ville. Et ardirent cil
         qui envoiiet y furent, à leur retour, aucuns hamelés
         qui là estoient, tant que les fumières et flamesches en
     15  avolèrent dedens le Noef Chastiel, et que li Englès se
         rastinrent à grant malaise, et voloient issir hors
         soudainnement sus ciaus qui cel oultrage faisoient, mès
         lor souverain ne les laissièrent. A l’endemain, li rois
         d’Escoce et toute son host, où bien avoit quarante
     20  mil hommes, uns c’autres, s’en vinrent logier à trois
         petites liewes englesces dou Noef Chastiel sur Thin,
         en le terre le signeur de Nuefville. Et mandèrent,
         ensi que par grant presumption, à chiaus qui dedens
         le Noef Chastiel estoient, que, se il voloient issir hors,
     25  il les attenderoient et les combateroient volentiers.
         Li prelat et li baron d’Engleterre furent avisé de respondre
         et disent que oil, et qu’il enventurroient leurs
         vies avoecques l’iretage de leur signeur le roy d’Engleterre.
         Si se traisent tout sus les camps et se trouvèrent
     30  environ douze cens hommes d’armes, troi mil
         arciers et cinq mil autres hommes parmi les Galois.
         Li Escot, qui bien savoient leur poissance, les amiroient
    [22] moult petit, ne prisoient, et disoient que, se il
         estoient quatre tans de gens, se seroient il combatu.
         Et se rengièrent un jour sus les camps devant yaus,
         et se misent en ordenance de bataille, et li Englès
      5  ossi d’autre part.

         Quant la bonne dame la royne d’Engleterre entendi
         que ses gens se devoient combatre, et que li
         affaires estoit si approciés que li Escot tout ordonné
         estoient sus les camps devant yaus, elle se parti de
     10  le ville dou Noef Chastiel et s’en vint là où ses gens
         se tenoient, qui se rengoient et ordonnoient pour
         mettre en arroi de bataille. Si fu là tant la ditte royne
         que leurs gens furent tout ordonné et mis en quatre
         batailles. La première gouvrenoit li evesques de Durem
     15  et li sires de Persi; la seconde, li archevesques
         d’Iorch et li sires de Nuefville; la tierce, li evesques
         de Lincolle et li sires de Montbray; la quatrime,
         messires Edowars de Bailluel, gouvrenères de Bervich,
         et li arcevesques de Cantorbie. Si eut en çascune
     20  bataille se droite portion de gens d’armes et
         d’arciers, selonch leur aisement. Et là estoit la bonne
         royne d’Engleterre en mi eulz, qui leur prioit et
         amonnestoit de bien faire la besongne et de garder
         l’onneur de son signeur le roy et dou royalme d’Engleterre,
     25  et que pour Dieu çascuns se presist priès
         de estre bien combatans. Et par especial elle recommendoit
         toute la besongne en le garde des quatre
         barons qui là estoient et des quatre prelas. Cil qui
         envis, pour leur honneur, se fuissent faint, eurent en
     30  couvent à le bonne dame que il s’en acquitteroient
         loyaument, à leur pooir, otant ou mieulz que donc
         que li rois leurs sires y fust personelment. Lors se
    [23] departi de ses gens la ditte royne et s’en retourna
         arrière au Noef Chastiel sur Thin, et les recommenda
         à son departement en la garde de Dieu et de
         saint Jorge.

      5  Assés tost apriès ce que la bonne dame se fu partie,
         les batailles qui se desiroient à trouver, et par
         especial li Escot, s’encontrèrent. Lors commencièrent
         li arcier l’un à l’autre traire, mès li trais des Escos
         ne dura point grant fuison. Là estoient cil arcier
     10  d’Engleterre able et legier, et qui traioient par art et
         par grant avis, et de tel ravine que grans hideurs
         seroit au regarder. Si vous di que, quant les batailles
         se furent mises et approcies toutes ensamble, il y eut
         ossi dure besongne, ossi forte et ossi bien combatue
     15  que on avoit veu ne oy parler de grant temps. Et
         commença la bataille environ heure de tierce, et dura
         jusques à haute nonne. Si poés bien croire que là en
         dedens il y eut fait tamaintes grans apertises d’armes,
         mainte prise et mainte belle rescousse, car cil
     20  Escot tenoient haces dures et bien trençans, et en
         donnoient trop biaus horions. D’autre part, Englès
         se prendroient priès d’iaus deffendre, pour garder
         leur pays, et pour acquerre le grasce dou roy leur
         signeur, qui pas n’estoit là. Et faisoient tant, au justement
     25  considerer, que li plus petis valoit bien un
         bon chevalier. Et tant se penèrent li uns pour l’autre,
         ensi que par envie, que en le fin il desconfisent leurs
         ennemis; mès grandement leur cousta de leurs gens.
         Toutes fois il obtinrent le place. Et y demorèrent
     30  mort sus le ditte place, des Escos, li contes de Fi, li
         contes de Boskem, li contes Patris, li contes de Surlant,
         li contes d’Astrederne, li contes de Mare, messires
    [24] Jehans de Douglas [messires Thumas[255] de Duglas],
         messires Symons Fresiel et messires Alixandres
         de Ramesay, qui portoit la banière dou roy, et
         pluiseur aultre baron et chevalier et escuier d’Escoce.
      5  Et là fu li rois pris qui vaillamment se combati,
         et durement, au prendre, navrés d’un escuier
         de Northombreland, qui s’appelloit Jehans de Copeland,
         apert homme d’armes durement. Cils Jehans,
         si tretost que il tint le roy d’Escoce, sagement
     10  il en ouvra, car il se bouta au plus tost qu’il
         peut hors de le presse, lui vingtime de compagnons
         qui estoient de sa carge, et chevauça tant que ce
         jour il eslonga le place où la besongne avoit esté environ
         quinze [lieues[256]]. Et vint chiés soy en un chastiel
     15  qui s’appelle Chastiel Orghilleus, et dist bien que
         il ne le renderoit à homme ne à femme, fors à son
         signeur le roy d’Engleterre. Encores en ce jour furent
         pris li contes de Mouret, li contes de le Marce, messires
         Guillaumes de Duglas, messires Archebaus de
     20  Duglas, messires Robers de Versi, li evesques d’Abredane
         et li evesques de Saint Andrieu et pluiseur
         aultre baron et chevalier. Et en y eut mors, uns
         c’autres, sus le place, environ quinze mil, et li demorant
         se sauvèrent au miex qu’il peurent. Si fu ceste
     25  bataille assés priès dou Noef Chastiel sus Thin l’an
         mil trois cens quarante six, le mardi proçain apriès
         le jour Saint Michiel.

             [255] Ms. B 4, fº 132 vº.--Mss. B 1, 3, t. II, fº 15 vº
             (lacune).

             [256] Mss. B 4, 3, fº 132 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 15 vº
             (lacune).


         § =298=. Quant la royne d’Engleterre, qui se tenoit
    [25] au Noef Chastiel, entendi que la journée estoit pour
         li et pour ses gens, si en fu grandement resjoïe, ce
         fu bien raisons. Et monta tantost sus son palefroy,
         et s’en vint dou plus tost qu’[elle[257]] peut sus le place,
      5  là où la bataille avoit esté. Li quatre prelat et li troi
         baron, qui chief et ordeneur de ceste besongne
         avoient esté, reçurent la noble royne moult doucement
         et moult joieusement, et li recordèrent assés
         ordonneement comment Diex les avoit visetés et regardés,
     10  que une puignie de gens qu’il estoient, il
         avoient desconfi le roy d’Escoce et toute sa poissance.
         Lors demanda [la roine] dou roy d’Escoce que il estoit
         devenus. On li respondi que uns escuiers d’Engleterre,
         qui s’appelloit Jehans de Copeland, l’avoit pris
     15  et mené avoech lui, mès on ne savoit à dire où ne quel
         part. Donc eut la royne conseil que elle escriroit
         devers le dit escuier et li manderoit tout acertes que
         il li amenast son prisonnier le roy d’Escoce, et que
         mies bien à point n’avoit fait ne au gret de lui,
     20  quant ensi l’en avoit mené hors des aultres et sans
         congié. Ces lettres furent escrites et envoiies par un
         chevalier de madame. Entrues que li dis chevaliers
         fist son voiage, se parordonnèrent li Englès et se
         tinrent tout ce jour sus le place que gaegnie vaillamment
     25  avoient, et la royne avoech eulz, qui honnouroit
         et festioit grandement les bons et vaillans chevaliers
         qui à ceste besongne avoient esté. Là li furent presenté
         li contes de Mouret, li contes de le Marce et
         tout li aultre. Et retournèrent à lendemain à grant
    [26] joie la royne et tout li signeur en le ville dou Noef
         Chastiel sur Thin.

             [257] Mss. B 3, 4, fº 140.--Ms. B 1, t. II, fº 15 vº:
             «il.»  _Mauvaise leçon._

         Or vous parlerons de Jehan de Copelant, comment
         il respondi as lettres et au message que madame
      5  d’Engleterre li envoia. C’estoit se intention que le dit
         roy d’Escoce son prisonnier il ne renderoit à homme
         nul ne à femme, fors à son signeur le roy d’Engleterre,
         et que on fust tout segur de lui, car il le pensoit
         si bien à garder que il en renderoit bon compte.
     10  Madame d’Engleterre à ceste fois n’en peut aultre
         cose avoir. Se ne se tint elle pas pour bien contente
         de l’escuier; et fist tantost lettres escrire et seeler, et
         les envoia à son chier signeur le roy d’Engleterre
         qui seoit devant Calais. Par ces lettres fu li rois enfourmés
     15  de tout l’estat d’Engleterre et de le prise le
         roy David d’Escoce. Si eut grant joie en soi meismes
         de la belle fortune que Diex avoit envoiiet à se[s]
         gens. Si ordonna tantost li rois pour aler querre ce
         Jehan de Copeland, et le manda bien acertes que il
     20  venist parler à lui devant Calais. Quant Jehans de
         Copeland se vei mandés de son signeur le roy d’Engleterre,
         si en fu moult resjoïs, et obey. Et mist son
         prisonnier en bonnes gardes et segures en un fort
         chastiel sus le marce de Northombreland [et de Galles[258]],
     25  et se mist au chemin parmi Engleterre. Et fist
         tant qu’il vint à Douvres, et là passa le mer, et vint
         devant Calais et ou logeis dou roy.

             [258] Mss. B 4, 3, fº 133.--Ms. B 1, t. II, fº 16
             (lacune).


         § =299=. Quant li gentilz rois d’Engleterre vei l’escuier
         et il sceut que c’estoit Jehans de Copeland, se
    [27] li fist grant cière et le prist par le main et li dist:
         «A bien viegne mon escuier, qui par sa vaillance a
         pris nostre adversaire le roy d’Escoce!»--«Monsigneur,
         dist Jehans, qui se mist en un jenoul devant
      5  le roy, se Diex m’a volut consentir si grant grasce que
         il m’a envoiiet entre mes mains le roy d’Escoce et
         je l’aie conquis par bataille et par fait d’armes, on
         n’en doit pas avoir envie ne rancune sur mi. Car
         ossi bien poet Diex envoiier sa grasce et sa fortune,
     10  quant il eschiet, à un povre escuier que il fait à un
         grant signeur. Et, sire, ne m’en voeilliés nul mal
         gré se je ne le rendi tantost à madame la royne, car
         je tieng de vous et mon sierement ay de vous, et non
         à li, fors tout à point.» Dont respondi li rois et dist:
     15  «Jehan, Jehan, nennil. Li bons services que vous
         nous avés fait et la vaillance de vous vault bien que
         vous soiiés excusés de toutes coses. Et honnit soient
         cil qui sur vous ont envie! Jehan, dist encores li
         rois, je vous dirai que vous ferés. Vous retournerés
     20  en vostre maison et prenderés vostre prisonnier et
         le menrés devers ma femme. Et en nom de remuneration,
         je vous donne et assigne au plus priès de vostre
         hostel que aviser et regarder on pora, cinq cens livres
         à l’estrelin par an de revenue, et vous retieng escuier
     25  de mon corps et de mon hostel.»

         De ce don fu Jehans moult resjoys, ce fu raisons,
         et l’en remercia grandement. Depuis demora il deux
         jours dalés le roy et les barons qui moult l’onnerèrent,
         ensi que bien faire le savoient, et que on doit faire
     30  un vaillant homme. Et au tierch jour s’en departi et
         retourna arrière en Engleterre, et esploita tant par
         ses journées que il vint chiés soy. Si assambla ses
    [28] amis et ses voisins, et recorda tout ce que il avoit
         trouvet ou roy son signeur, et le don que il li avoit
         fait, et comment li rois voloit que li rois d’Escoce
         fust menés devers madame la royne qui se tenoit
      5  encores en le cité de Evruich. Chil qui assamblé là
         estoient furent tout appareilliet d’aler avoech Jehan
         et li faire compagnie. Si prisent le roy d’Escoce et
         le montèrent bien et honourablement, ensi comme
         à lui apertenoit, et l’en menèrent jusques en le cité
     10  dessus ditte. Si le presenta de par le roy d’Engleterre
         li dis Jehans à madame la royne, qui en devant avoit
         esté moult couroucie sus Jehan. Mais la pais en fu
         lors faite, quant elle vei le roy d’Escoce son prisonnier,
         avoech ce que Jehans s’escusa si sagement que
     15  madame la royne s’en tint bien dou tout à contente.

         Depuis ceste avenue, et que madame d’Engleterre
         eut entendu à pourveir bien et grossement le cité de
         Bervich, le chastiel de Rosebourch, le cité de Durem,
         le ville dou Noef Chastiel sur Thin et toutes les
     20  garnisons sus les frontières d’Escoce, et là laissié ou
         pays de Northombreland le signeur de Persi et le
         signeur de Nuefville, comme gardiiens et souverains,
         pour entendre à toutes besongnes, elle se parti de
         Evruich et s’en retourna arrière vers Londres, et enmena
     25  avoecques lui le roy d’Escoce son prisonnier,
         le conte de Mouret et tous les barons qui à le bataille
         avoient esté pris. Si fist tant la ditte dame par ses
         journées que elle vint à Londres, où elle fu recheute
         à grant joie, et tout cil qui avoecques lui estoient, qui
     30  à le bataille dessus ditte avoient esté. Madame d’Engleterre,
         par le bon conseil de ses hommes, fist
         mettre ens ou chastiel de Londres le roy d’Escoce,
    [29] le conte de Mouret et les aultres, et ordonna bonnes
         gardes sus yaus. Et puis entendi à ordonner ses besongnes,
         ensi que celle qui voloit passer mer, et venir
         devant Calais, pour veoir le roy son mari et le prince
      5  son fil, que moult desiroit à veoir. Et se hasta dou
         plus que elle peut, et passa le mer à Douvres, et eut
         bon vent, Dieu merci! et fu tantos oultre. Si fu
         recheue, ce poet on croire et savoir, à grant joie et
         logie tantost moult honnourablement, toutes ses dames
     10  et ses damoiselles ossi largement comme elles
         fuissent à Londres: ce fu trois jours devant la Toussains.
         De quoi li rois d’Engleterre, pour l’amour de
         la royne, tint court ouverte le jour de le Toussains,
         et donna à disner à tous signeurs qui là estoient et à
     15  toutes dames principaument; car la royne en avoit
         d’Engleterre grant fuison amenet avoecques lui, tant
         pour soy acompagnier que pour venir veoir leurs
         maris et leurs pères, frères et amis, qui se tenoient
         au siège devant Calais.


     20  § =300=. Cils sièges se tint longement devant Calais;
         et si y avinrent moult de grandes aventures et des
         belles proèces, d’un costé et d’autre, par terre et par
         mer, lesquèles je ne poroie mies toutes, non le quatrime
         partie, escrire ne recorder. Car li rois de
     25  France avoit fait establir si bonnes gens d’armes [et
         tant par toutes les fortresches qui sont et estoient
         pour ce tamps en le marche des contés de Ghines[259]],
         d’Artois et de Boulongne, et autour de Calais, et tant
         de Geneuois et de Normans et d’autres maronniers sus
    [30] mer, que li Englès qui voloient hors issir, à cheval ou
         à piet, pour aler fourer ou enventurer, ne l’avoient
         mies davantage, mès trouvoient souvent des rencontres
         durs et fors. Et ossi y avoit souvent pluiseurs
      5  paletis et escarmuces, entours les portes et sus les
         fossés, dont point ne se partoient sans mors et sans
         navrés. Un jour perdoient li un, et l’autre jour ossi
         perdoient li aultre, ensi que on voit souvent avenir
         en telz besongnes. Ossi li rois d’Engleterre et ses consaulz
     10  estudioient nuit et jour à faire engiens et instrumens,
         pour chiaus de Calais mieulz apresser et
         constraindre. Et cil de le ville de Calais contrepensoient
         le contraire, et faisoient tant à l’encontre que
         cil engien ne cil instrument ne lor portoient nul damage.
     15  Ne riens ne les grevoit ne les pooit tant grever
         que li affamers; mès nulles pourveances ne leur
         pooient venir, fors en larecin, et par deux maronniers
         qui estoient mestre et conduiseur de tous les aultres,
         lesquels on nommoit l’un Marant et l’autre Mestriel.
     20  Et estoient cil demorant à Abbeville. Par ces deux
         maronniers estoient cil de Calais souvent conforté,
         mès c’estoit en larrecin et par eulz hardiement enventurer.
         Et s’en misent par pluiseurs fois en grant
         peril, et en furent moult de fois caciet et priès atrapé
     25  entre Boulongne et Calais; mès toutdis escapoient il,
         et fisent tamaint Englès morir, ce siège durant.

             [259] Ms. B4, fº 134.--Ms. B 1, t. II, fº 17 (lacune).


         § =301=. Tout cel yvier demora li rois d’Engleterre
         à siège à tout son host devant le forte ville de Calais.
         Et y avinrent grant fuison de mervilleuses aventures,
     30  d’une part et d’autre, et priès que çascun jour. Et
         toutdis, ce siège pendant, avoit li dis rois grant
    [31] imagination de tenir les communautés de Flandres en
         amisté, car vis li estoit que parmi yaus il pooit le
         plus aise venir à sen entente. Si envoioit souvent par
         devers yaus grans prommesses; et leur disoit et faisoit
      5  dire que, se il pooit parvenir à sen entente de
         Calais, il leur recouveroit sans doubte Lille, Douay
         et les appendances: si ques par telz prommesses li
         Flamench s’esmurent en ce temps, et sus le saison que
         li rois d’Engleterre estoit encor en Normendie, douquel
     10  voiage il vint à Creci et à Calais, et vinrent
         mettre le siège devant Bietune. Et estoit pour ce temps
         leur chapitains messires Oudars de Renti, car il estoit
         banis de France. Et tinrent moult grant siège devant
         la ditte ville, et moult le constraindirent par assaus;
     15  mais il y avoit dedens en garnison, de par le roy
         Phelippe, quatre bons chevaliers, qui très bien le
         gardèrent et en pensèrent: monsigneur Joffroi de
         Chargni, monsigneur Eustasce de Ribeumont, monsigneur
         Bauduin Danekin et monsigneur Jehan de
     20  Landas. Si fu la ditte ville de Bietune si bien deffendue
         et poursongnie que li Flamench n’i conquestèrent
         riens, mès s’en retournèrent en Flandres sans
         riens faire.

         Nequedent, quant li rois d’Engleterre fu venus
     25  devant Calais, il ne cessa mies de envoiier devers les
         communautés de Flandres grans messages, et de
         faire grans prommesses pour detenir leur amisté et
         abatre l’opinion dou roy Phelippe, qui trop fort [les[260]]
         pressoit d’yaus retraire à sen amour. Et volentiers
     30  euist li rois d’Engleterre veu que li jones contes Loeis
    [32] de Flandres, qui point n’avoit quinze ans d’aage,
         volsist sa fille Ysabiel espouser. Et tant procura li dis
         rois que li dis communs de Flandres s’i acorda entirement:
         dont li rois d’Engleterre fu moult resjoïs,
      5  car il li sambloit que, parmi ce mariage et ce moiien,
         il s’aideroit des Flamens plus plainnement. Et ossi il
         sambloit as Flamens que, se il avoient le roy d’Engleterre
         et les Englès d’acort, il poroient bien resister
         as François; et plus leur estoit necessaire et pourfitable
     10  li amour dou roy d’Engleterre que dou roy de
         France. Mais leurs sires, qui avoit esté nouris d’enfance
         entre les François et les royaus et encores y
         demoroit, ne s’i voloit point acorder; et disoit franchement
         que jà n’aroit à femme la fille de celi qui
     15  li avoit mort son père.

             [260] Ms. B 3, fº 141 vº.--Mss. B 1, 4 (lacune).

         D’autre part, li dus Jehans de Braibant pourcaçoit
         adonc fortement que cilz jones contes de Flandres
         vosist prendre sa fille, et li prommetoit que il le
         feroit joïr plainnement de la conté de Flandres, par
     20  amours ou aultrement. Et faisoit li dis dus entendant
         au roy de France que, se cilz mariages de sa fille se
         faisoit, il feroit tant que tout li Flamench seroient de
         son acord et contraire au roy d’Engleterre. De quoi
         par telz prommesses li rois de France s’acorda au
     25  mariage de Braibant.

         Quant li dus de Braibant eut l’acort dou roy
         de France, il envoia tantos grans messages en Flandres
         devers les plus souffissans bourgois des bonnes
         villes; et leur fist dire et remoustrer tant de belles
     30  raisons coulourées que li consaulz des bonnes villes
         mandèrent le jone conte leur signeur, et li fisent
         croire et à savoir que il vosist venir en Flandres
    [33] et user par leur conseil: il seroient si bon amit et
         subjet, et li renderoient et deliveroient toutes ses
         justices et juridicions et les droitures de Flandres,
         ensi ou plus avant que nulz contes y ewist ewes. Li
      5  jones contes eut conseil que il l’assaieroit; si vint en
         Flandres et y fu receus à grant joie. Et li furent presenté
         de par les bonnes villes grans dons et biaus
         presens.

         Si tretos que li rois d’Engleterre sceut ces nouvelles,
     10  il envoia en Flandres le conte de Norhantonne, le
         conte d’Arondiel et le signeur de Gobehen, liquel
         parlementèrent tant et pourchacièrent as communautés
         de Flandres, que il eurent plus chier que leurs
         sires presist à femme la fille dou roy d’Engleterre
     15  que la fille au duch de Braibant. Et en requisent et
         priièrent affectueusement leur jone signeur, et li
         remoustrèrent pluiseurs belles raisons pour lui attraire,
         que merveilles seroit à recorder, et tant que li bourgois
         qui portoient le partie dou duch de Braibant
     20  n’osoient dire le contraire. Mais Loeis li jones contes
         ne s’i voloit aucunement consentir, par parolles ne
         par raisons que on li desist; ains disoit toutdis que il
         n’aroit jà à femme la fille de celi qui li avoit son père
         occis, et li deuist on donner la moitié dou royalme
     25  d’Engleterre. Quant li Flamench oïrent ce, il disent
         que cilz sires estoit trop François et mal consilliés,
         et que il ne leur feroit jà bien, puisque il ne voloit
         croire leur conseil. Si le prisent et misent en prison
         courtoise, et bien li disent que jamais n’en isteroit
     30  se ilz ne creoit leur conseil; car bien disoient, se
         messires ses pères n’euist tant amet les François,
         mais ewist creu leur conseil, il euist esté li plus grans
    [34] sires des Crestiiens, et euist recouvré Lille, Douay
         et Bietune, et fust encores en vie.


         § =302=. Ce demora ensi une espasse de temps. Et
         li rois d’Engleterre tint toutdis son siège devant Calais,
      5  et tint grant court et noble le jour dou Noel. Le
         quaresme ensievant, revinrent de Gascongne li contes
         Derbi, li contes de Pennebruch et li contes de Kenfort
         et grant fuison de chevaliers et d’escuiers qui
         passet avoient la mer avoech yaus, et arrivèrent devant
     10  Calais. Si furent li très bien venu et liement recueilliet
         et conjoy dou roy, de la royne, des signeurs
         et des dames qui là estoient. Et se logièrent tout cil
         signeur tantost, et leurs gens, devant Calais: de tant
         fu li sièges renforciés.

     15  Or revenons au pourpos dont je parloie maintenant,
         dou jone conte de Flandres et des Flamens.
         Longement fu li jones contes ou dangier de chiaus
         de Flandres et en prison courtoise, mais il li anoioit,
         car il n’avoit point ce apris. Finablement il mua son
     20  pourpos, ne sçai se il le fist par cautèle ou de volenté;
         mais il dist à ses gens que il creroit leur conseil,
         car plus de biens li pooient venir d’yaus que
         de nul aultre pays. Ces parolles resjoïrent moult les
         Flamens, et le misent tantost hors de prison; se li
     25  acomplirent une partie de ses deduis, tant que d’aler
         en rivière. A ce estoit il moult enclins, mais il y avoit
         toutdis sus lui bonnes gardes, afin que il ne leur
         escapast ou fust emblés, qui l’avoient empris à garder,
         sur leur tiestes, et qui estoient dou tout de le faveur
     30  dou roy d’Engleterre, et le gettoient si priès que à
         painnes pooit il aler pissier. Ceste cose se proceda
    [35] et approça. Et eut li jones contes de Flandres en
         couvent à ses gens que volentiers il prenderoit à
         femme la fille dou roy d’Engleterre. Et ensi li Flamench
         le segnefiièrent au roy et à la royne, qui se
      5  tenoient devant Calais, et que il se vosissent traire
         devers Berghes et venir en l’abbeye et là amener leur
         fille, car il y amenroient leur signeur; et là se concluroit
         cilz mariages.

         Vous devés savoir que li rois et la royne furent de
     10  ces nouvelles grandement resjoy, et disent que li Flamench
         estoient bonnes gens. Si fu par acord de toutes
         parties une journée assignée à estre à Berghes sus le
         mer, entre le Nuef Port et Gravelines. Là vinrent li
         plus notable homme et plus autentike des bonnes
     15  villes de Flandres, en grant estat et poissant, et y
         amenèrent leur jone signeur qui courtoisement s’enclina
         devers le roy d’Engleterre et la royne, qui jà
         estoient venu en très grant arroy. Li rois d’Engleterre
         prist le dit conte par le main droite moult doucement,
     20  et le conjoy en parlant, et puis s’escusa moult
         humlement de la mort son père. Et dist, se Diex li
         peuist aidier, que onques, tout le jour de le bataille
         de Creci ne à l’endemain ossi, il ne vey ne oy parler
         dou conte de Flandres. Li jones contes, par samblant,
     25  se tint de ces escusances assés à contens; et puis fu
         parlé dou mariage. Et eut là certains articles et trettiés
         fais, jettés et acordés entre le roy d’Engleterre et le jone
         conte Loeis [et le pais[261]] de Flandres, sus grans
         confederations et alliances, et toutes prommises et jurées
     30  à tenir. Là jura et fiança li dis contes madame Ysabiel,
    [36] la fille dou roy d’Engleterre, et si le prommist
         à espouser. Si fu ceste journée relaxée jusques à une
         aultre fois que on aroit plus grant loisir. Et s’en
         retournèrent li Flamench en Flandres, qui en remenèrent
      5  leur signeur. Et moult amiablement se partirent
         dou roy d’Engleterre et de la royne et de leur conseil,
         et li rois d’yaus, liquelz s’en retourna devant Calais.
         Ensi demorèrent les coses en cel estat. Et se pourvei
         et fist pourveir li rois d’Engleterre, si grandement
     10  que merveilles seroit à recorder, pour tenir celle feste
         très estoffeement, et ossi de biaus et de riches jeuiaulz
         pour donner et departir au jour des noces; et la
         royne ossi, qui bien s’en voloit acquitter, et qui d’onneur
         et de larghèce passa à son temps toutes dames.

             [261] Mss. B 4, 3, fº 135.--Ms. B 1, t. II, fº 19
             (lacune).

     15  Li jones contes de Flandres, qui estoit revenus en
         son pays entre ses gens, aloit toutdis en rivière, et
         moustroit par samblant que cilz mariages as Englès
         li plaisoit très grandement. Et s’en tenoient li Flamench
         ensi que pour tout asseguré; et n’i avoit mès
     20  sur lui si grant regart comme en devant. Il ne cognissoient
         pas bien encores la condition de leur signeur.
         Car, quel samblant qu’il moustroit deforainnement,
         il avoit dedentrainnement le corage tout françois,
         ensi que on l’esprouva par oevres. Car un jour il
     25  estoit alés voler en rivière; et fu en le propre sepmainne
         que il devoit espouser la dessus ditte la damoiselle
         d’Engleterre. Et jetta ses fauconniers un
         faucon apriès le hairon, et li contes ossi un. Si se
         misent cil doy faucon en cange, et li contes apriès,
     30  ensi que pour le[s] lorier[262], en disant: hoie! hoie! Et
    [37] quant il fu un peu eslongiés, et qu’il eut l’avantage
         des camps, il feri cheval des esporons et s’en ala
         toutdis avant, sans retourner, par tel manière que ses
         gens le perdirent. Si s’en vint li dis contes en Artois,
      5  et là fu à segur; et puis vint en France devers le
         roy Phelippe et les François, asquelz il compta ses
         aventures et com, par grant soutilleté, il estoit escapés
         ses gens et les Englès. Li rois de France en eut grant
         joie et dist que il avoit trop bien ouvret; et otant en
     10  disent tout li François. Et li Englès, d’autre part,
         disent que il les avoit trahis et deceus.

             [262] Ms. B 4: «loyrier.» Fº 135 vº.--Ms. B 3: «leurrer.»
             Fº 143.

         Mès pour ce ne laissa mies li rois d’Engleterre à
         tenir à amour les Flamens, car il savoit bien que li
         contes n’avoit point ce fait par leur conseil, et en estoient
     15  moult courouciet; et l’escusance que il en
         fisent, il le crei assés legierement.


         § =303=. En ce temps que li sièges se tenoit devant
         Calais, venoient veoir le roy et la royne pluiseur baron
         et chevalier de Flandres, de Braibant, de Haynau
     20  et d’Alemagne. Et ne s’en partoit nulz sans grant
         pourfit, car li rois et la royne d’Engleterre, d’onneur
         et de larghèce estoient si plain et si affectuel que
         tout il donnoient, et par celle virtu conquisent il le
         grasce et le renommée de toute honneur.

     25  En ce temps estoit nouvellement revenus en le
         conté de Namur, dou voiage de Prusce et dou Saint
         Sepulcre, cilz gentilz et vaillans chevaliers messires
         Robers de Namur. Et l’avoit li sires de Spontin fait
         chevalier en le Sainte Terre. Messires Robers estoit
     30  pour ce temps moult jones, et n’avoit encores esté
         priiés de l’un roy ne de l’autre. Toutes fois il estoit
    [38] plus enclins assés à estre Englès que François, pour
         l’amour de monsigneur Robert d’Artois, son oncle,
         que li rois d’Engleterre avoit moult amet. Si se avisa
         que il venroit devant Calais veoir le roy d’Engleterre
      5  et la royne et les signeurs qui là estoient. Si se ordonna
         selonch ce, et mist en bon arroi et riche, ensi
         comme à lui apertenoit et que toutdis il a alé par le
         chemin. Si esploita tant par ses journées que il vint
         au siège de Calais, honnourablement acompagniés de
     10  chevaliers et d’escuiers, et se representa au roy, qui
         liement le reçut; et ossi fist madame la royne. Si
         entra grandement en leur amour et en leur grasce,
         pour le cause de ce que il portoit le nom de monsigneur
         Robert son oncle, que jadis avoient tant amé
     15  et ouquel il avoient trouvé grant conseil.

         Si devint en ce temps li dis messires Robers de
         Namur homs au roy d’Engleterre. Et li donna li dis
         rois trois cens livres à l’estrelin de pension par an,
         et li assigna sus ses coffres à estre paiiés à Bruges.
     20  Depuis se tint li dis messires Robers dalés le roy et
         la royne, au siège de Calais, tant que la ville fu gaegnie,
         ensi comme vous orés en avant recorder.


         § =304=. Je me sui longement tenus à parler de
         monsigneur Charle de Blois, duch de Bretagne pour
     25  ce temps, et de la contesse de Montfort. Mais ce a
         esté pour les triewes qui furent prises devant la cité
         de Vennes, lesquèles furent moult bien gardées. Et
         joïrent, les triewes durant, cescune des parties assés
         paisieuvlement de ce que il tenoit en devant. Si tost
     30  comme elles furent passées, il commencièrent à
         gueriier fortement, li rois de France à conforter
    [39] monsigneur Charle de Blois son neveu, et li rois
         d’Engleterre madame la contesse de Montfort, ensi
         que prommis et en couvent li avoit. Et estoient venu
         en Bretagne, de par le roy d’Engleterre, doy moult
      5  grant et moult vaillant chevalier, et parti dou siège
         de Calais, à tout deux cens hommes d’armes et quatre
         cens arciers: ce estoient messires Thumas d’Augourne
         et messires Jehans de Hartecelle; et demorèrent
         dalés la ditte contesse en la ville de Haimbon.
     10  Avoecques eulz avoit un chevalier breton bretonnant,
         durement vaillant et bon homme d’armes, qui s’appelloit
         messires Tanguis dou Chastiel. Si faisoient
         souvent cil Englès et cil Breton des chevaucies et des
         issues contre les gens monsigneur Charle de Blois, et
     15  sus le pays qui se tenoit de par lui; et les gens monsigneur
         Charle ossi sur yaus. Une heure perdoient li
         un, aultre heure perdoient li aultre. Et estoit li pays
         par ces gens d’armes courus, gastés et essilliés et
         rançonnés, et tout comparoient les povres gens.

     20  Or avint un jour que cil troi chevalier dessus
         nommet avoient assamblet grant fuison de gens d’armes
         à cheval et de saudoiiers à piet. Et alèrent assegier
         une bonne ville et forte et un bon chastiel que
         on claime le Roce Deurient, et le fisent assallir par
     25  pluiseurs fois fortement. Et cil de le ville et dou
         chastiel se deffendirent vassaument qu’il n’i perdirent
         riens. En la garnison avoit un chapitainne, de
         par monsigneur Charle, escuier, qui s’appelloit par
         nom Thassart de Ghines, apert homme d’armes durement.
     30  Or y eut tel meschief que les trois pars des
         gens de la ville estoient en coer plus Englès assés que
         François. Si prisent leur chapitainne et disent qu’il
    [40] l’ociroient, se ilz avoech yaus ne se tournoit englès.
         Tassars à ce donc ressongna le mort et dist que il
         feroit tout che que il vorroient. Sus cel estat il le
         laissièrent aler, et commencièrent à trettiier devers
      5  les dessus dis chevaliers englès. Finablement, trettiés
         se porta telz, que il se tournèrent de le partie la contesse
         de Montfort. Et demora li dis Thassars, comme
         en devant, chapitains de la ditte ville. Et quant li
         Englès s’en partirent pour retourner vers Hembon,
     10  il li laissièrent grant fuison de gens d’armes et d’arciers,
         pour la ditte forterèce aidier à garder.

         Quant messires Charles de Blois sceut ces nouvelles
         que la Roce Deurient estoit tournée englesce, si fu
         durement courouciés, et dist et jura que ce ne demorroit
     15  pas ensi. Et manda partout les signeurs de
         sa partie en Bretagne et en Normendie, et fist un
         grant amas de gens d’armes en le cité de Nantes, et
         tant qu’il furent bien seize cens armeures de fier et
         douze mil hommes de piet. Et bien y avoit quatre
     20  cens chevaliers, et entre ces quatre cens, vingt trois
         banerés. Si se departi de Nantes li dis messires Charles
         et toutes ses gens. Et esploitièrent tant que il vinrent
         devant le Roce Deurient; si le assegièrent, toute
         la ville et le chastiel ossi. Et fisent devant drecier
     25  grans engiens qui jettoient nuit et jour et qui moult
         travilloient [ciaulz[263]] de la ville. Si envoiièrent tantost
         messages devers la contesse de Montfort, en remoustrant
         comment il estoient constraint et assegiet,
         et requeroient que on les confortast, car on leur
     30  avoit eu en couvent, se il estoient assegiet. La
    [41] contesse et li troi chevalier dessus nommé ne l’euissent
         jamais laissiet. Si envoia partout la ditte contesse ses
         messages où elle pensoit avoir gens, et fist tant que
         elle eut en peu de temps mil armeures de fier et huit
      5  mil hommes de piet. Si les mist tous ou conduit et
         en le garde de ces trois chevaliers dessus nommés
         qui baudement et volentiers les rechurent; et li disent
         au departement que il ne retourroient mès, si
         seroient la ville et li chastiaus desassegiés, ou il
     10  demorroient tout en le painne. Puis se misent au chemin,
         et s’en alèrent celle part à grant esploit; et
         fisent tant que il vinrent assés priès de l’ost monsigneur
         Charle de Blois.

             [263] Ms. B 4, fº 136 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 20 vº
             (lacune).

         Quant messires Thumas d’Agourne, messires Jehans
     15  de Hartecelle et messires Tangis dou Chastiel,
         et li aultre chevalier qui là estoient assamblé, furent
         parvenut à deux liewes priès de l’ost des François,
         il se logièrent sus une rivière, à celle entente que
         pour combattre à l’endemain. Et quant il furent logiet
     20  et mis à repos, messires Thumas d’Agourne et
         messires Jehans de Hartecelle prisent environ la
         moitié de leurs gens, et les fisent armer et monter à
         cheval tout quoiement. Et puis se partirent et, droit
         à heure de mienuit, il se boutèrent en l’ost de monsigneur
     25  Charle, à l’un des costés; si y fisent grant damage,
         et occirent et abatirent grant fuison de gens.
         Et demorèrent tant, en ce faisant, que toute li hos fu
         estourmis, et armé toutes manières de gens, et ne
         se peurent partir sans bataille. Là furent il enclos et
     30  combatu et rebouté durement et asprement, et ne
         peurent porter le fais des François. Si y fu pris et
         moult dolereusement navrés messires Thumas d’Agourne.
    [42] Et se sauva au mieulz qu’il peut li dis messires
         Jehans de Hartecelle et une partie de ces gens,
         mès la grigneur partie y demorèrent mort. Ensi
         tous desconfis retourna li dis monsigneur Jehan à
      5  ses aultres compagnons, qui estoient logiet sus le
         rivière, et trouva monsigneur Tangis dou Chastiel
         et les aultres, asquelz il recorda sen aventure. Dont
         il furent moult esmervilliet et esbahit, et eurent
         conseil qu’il se deslogeroient et se retrairoient vers
     10  Hembon.


         § =305=. A celle propre heure et en cel estat, entrues
         que il estoient en grant conseil de yaus deslogier,
         vint là uns chevaliers de par le contesse, qui
         s’appelloit Garnier, sires de Quadudal, à tout cent armeures
     15  de fer, et n’avoit pout plus tost venir. Si tost
         qu’il sceut le couvenant et le parti où il estoient, et
         comment par leur emprise perdu il avoient, si
         donna nouviel conseil. Et ne fu noient effraés, et dist
         à monsigneur Jehan et à monsigneur Tangis: «Or
     20  tos armés vous, et faites armer vos gens et monter as
         chevaus qui cheval [a[264]]; et qui point n’en a, si viegne
         à piet, car nous irons veoir nos ennemis. Et ne me
         doubte mies, selonch ce que il se tiennent pour tous
         assegurés, que nous ne les desconfisons et recouvrons
     25  nos damages et nos gens.»

             [264] Ms. B 4, fº 136 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 21 vº
             (lacune).--Ms. B 3: «qui en auroit.» Fº 156 vº.

         Cilz consaulz fu creus, et s’armèrent, et disent que
         de recief il s’enventurroient. Si se departirent cil qui
         à cheval estoient tout premiers, et cil à piet les
    [43] sievoient. Et s’en vinrent, environ soleil levant, ferir en
         l’ost monsigneur Charlon de Blois, qui se dormoient
         et reposoient, et ne cuidoient avoir plus de destourbier.
         Cil Breton et cil Englès d’un costé se commencièrent
      5  à haster et à abatre tentes et trés et pavillons,
         et à occire et à decoper gens et à mettre en
         grant meschief. Et furent si souspris, car il ne faisoient
         point de ghet, que oncques ne se peurent aidier.
         Là eut grant desconfiture sus les gens de monsigneur
     10  Charle, et mors plus de deux cens chevaliers
         et bien quatre mil d’aultres gens, et pris li dis messires
         Charles de Blois et tout li baron de Bretagne et
         de Normendie qui là avoecques lui estoient, et rescous
         messires Thumas d’Augourne et tout leur compagnon.
     15  Onques si belle aventure n’avint à gens
         d’armes, qu’il avint là as Englès et as Bretons, que de
         desconfire sus une matinée tant de nobles gens: on
         leur doit bien tourner à grant proèce et à grant apertise
         d’armes.

     20  Ensi fu pris messires Charles de Blois des gens le
         roy d’Engleterre et la contesse de Montfort, et toute
         la fleur de son pays avoecques lui; et fu amenés
         ens ou chastiel de Hembon, et li sièges levés de la
         Roce Deurient. Si fu la guerre de la contesse de
     25  Montfort grandement embellie. Mès toutdis se tinrent
         les villes, les cités et les forterèces de monsigneur
         Charle, car madame sa femme, qui s’appelloit
         duçoise de Bretagne, prist la guerre de grant
         volenté. Ensi fu la guerre de ces deux dames. Vous
     30  devés savoir que, quant ces nouvelles furent venues
         devant Calais au roy d’Engleterre et as barons, il
         en furent grandement resjoy, et comptèrent l’aventure
    [44] moult belle pour leurs gens. Or parlerons nous
         dou roy Phelippe et de son conseil et dou siège de
         Calais.


         § =306=. Li rois Phelippes de France, qui sentoit
      5  ses gens de Calais durement constrains et apressés
         selonch ce que il estoit enfourmés, et veoit que li rois
         d’Engleterre ne s’en partiroit point, si les aroit conquis,
         estoit grandement courouciés. Si se avisa et
         dist que il les vorroit conforter, et le roy d’Engleterre
     10  combatre, et lever le siège, se il pooit. Si commanda
         par tout son royaume que tout chevalier et
         escuier fuissent, à la feste de le Pentecouste, en le
         cité d’Amiens ou là priès. Chilz mandemens et commandemens
         dou roy de France s’estendi par tout
     15  son royaume. Si n’osa nulz laissier qu’il ne venist
         et fust là où mandés estoit, au jour de le Pentecouste,
         ou tost apriès. Et meismement li rois y fu
         et tint là sa court solennèle, au dit jour, et moult
         de princes et de haus barons dalés li, car li roiaumes
     20  de France est si grans, et tant y a de bonne et
         noble chevalerie et escuierie, que il n’en poet estre
         desgarnis. Là estoient li dus de Normendie ses filz,
         li dus d’Orliens ses mai[n]snés filz, li dus Oedes de
         Bourgongne, li dus de Bourbon, li contes de Fois,
     25  messires Loeis de Savoie, messires Jehans de Haynau,
         li contes d’Ermignach, li contes de Forès, li
         contes de Pontieu, li contes de Valentinois, et tant
         de contes et de barons que merveilles seroit à
         recorder.

     30  Quant tout furent venu et assamblé à Amiens et
         là en le marce, si eut li rois de France pluiseurs
    [45] consaulz par quel costé il poroit sus courir et combatre
         les Englès. Et euist volentiers veu que li pas
         de Flandres li fuissent ouvert; si euist envoiiet au
         costé devers Gravelines une partie de ses gens, pour
      5  rafreschir chiaus de Calais et combatre les Englès à
         ce costé bien aisiement par la ville de Calais. Et en
         envoia li dis rois en Flandres grans messages, pour
         trettier envers les Flamens sus cel estat. Mais li rois
         d’Engleterre, pour ce temps, avoit tant de bons amis
     10  en Flandres que jamais ne li euissent otriiet ceste
         courtoisie. Quant li rois Phelippes vei ce que il n’en
         poroit venir à coron, si ne volt mies pour ce laissier
         se emprise, ne les bonnes gens de le ville de Calais
         mettre en non caloir, et dist que il se trairoit avant
     15  au lés devers Boulongne.

         Li rois d’Engleterre, qui se tenoit là à siège et
         estoit tenus tout le temps, ensi que vous savés, et à
         grans coustages, estudioit nuit et jour comment il
         peuist chiaus de Calais le plus constraindre et grever;
     20  car bien avoit oy dire que ses adversaires li rois
         Phelippes faisoit un grant amas de gens d’armes, et
         que il le voloit venir combatre. Et si sentoit la ville
         de Calais si forte que, pour assaut ne pour escarmuce
         que ilz ne ses gens y feissent, il ne les pooient
     25  conquerre: dont il y busioit et imaginoit souvent.
         Mais la riens del monde qui plus le reconfortoit,
         c’estoit ce que il sentoit la ville de Calais mal pourveue
         de vivres: si ques encores, pour yaus clore et
         tollir le pas de le mer, il fist faire et carpenter un
     30  chastiel hault et grant de lons mairiens, et le fist
         faire si fort et si bien breteskiet que on ne le pooit
         grever. Et fist le dit chastiel asseoir droit sus le rive
    [46] de le mer, et le [fist[265]] bien pourveir d’espringalles,
         de bombardes et d’ars à tour et d’autres instrumens.
         Et y establi dedens soixante hommes d’armes et
         deux cens arciers, qui gardoient le havene et le port
      5  de Calais, si priès que riens n’i pooit entrer ne issir
         que tout ne fust confondut; ce fu li avis qui plus fist
         de contraires à chiaus de Calais, et qui plus tost les
         fist affamer.

             [265] Mss. B 4, 3, fº 137.--Ms. B 1, t. II, fº 22 vº:
             «fisent.» _Mauvaise leçon._

         En ce temps exhorta tant li rois d’Engleterre les
     10  Flamens, lesquelz li rois de France, si com ci dessus
         est dit, voloit mettre en trettiés, que il issirent hors
         de Flandres bien cent mil, et s’en vinrent mettre le
         siège devant la bonne ville d’Aire. Et ardirent tout
         le pays de là environ, Saint Venant, Menreville, le
     15  Gorge, Estelles, le Ventie, et une marce que on dist
         Laloe, et jusques ens ès portes de Saint Omer et de
         Tieruane. Et s’en vint li rois logier à Arras, et envoia
         grans gens d’armes ens ès garnisons d’Artois, et par
         especial son connestable monsigneur Charle d’Espagne
     20  à Saint Omer, car li contes d’Eu et de Ghines,
         qui connestables avoit estet de France, estoit prisonniers
         en Engleterre, ensi que vous savés. Ensi se
         porta toute celle saison bien avant, et ensonniièrent
         li Flamench grandement les François, ançois que il
     25  se retraissent.


         § =307=. Quant li Flamench furent retrait et il eurent
         courut les basses marces en Laloe, donc s’avisa
         li rois de France qu’il s’en iroit à toute son grant host
    [47] devers Calais pour lever le siège, se il pooit aucunement,
         et combatre le roy d’Engleterre et toute se
         poissance qui si longhement avoient là sejourné; car
         il sentoit monsigneur Jehan de Viane et ses compagnons
      5  et les bonnes gens de Calais durement astrains,
         et avoit bien oy dire et recorder comment on leur
         avoit clos le pas de le mer, pour laquèle cause la ville
         estoit en peril de perdre. Si s’esmut li dis rois et se
         parti de le cité d’Arras et prist le chemin de Hedin,
     10  et tant fist qu’il y parvint; et tenoit bien son host
         parmi le charoy trois grans liewes de pays. Quant
         li rois se fu reposés un jour à Hedin, il vint l’autre à
         Blangis, et là s’arresta pour savoir quel chemin il
         feroit. Si eut conseil d’aler tout le pays que on dist
     15  l’Alekine; dont se mist il à voie, et toutes gens apriès,
         où bien avoit deux cens mil hommes, uns c’autres.
         Et passèrent li rois et ses gens parmi le conté de
         Faukemberghe, et se vinrent droitement sus le mont de
         Sangates, entre Calais et Wissant. Et chevauçoient
     20  cil François tout armé au cler, ensi que pour tantost
         combatre, banières desploiies; et estoit grans biautés
         au veoir et considerer leur poissant arroy. Quant
         cil de Calais, qui s’apooient à leurs murs, les veirent
         premierement poindre et apparoir sus le mont de
     25  Sangates, et leurs banières et pennons venteler, il
         eurent moult grant joie, et cuidièrent certainnement
         estre tantost dessegiet et delivret. Mais quant il veirent
         que on se logoit, si furent plus courouciet que
         devant, et leur sambla uns petis signes.


     30  § =308=. Or vous dirai que li rois d’Engleterre fist
         et avoit jà fait, quant il sceut que li rois de France
    [48] venoit à si grant host pour lui combatre et pour
         dessieger la ville de Calais, qui tant li avoit cousté
         d’avoir, de gens et de painne de son corps; et si savoit
         bien que il avoit la ditte ville si menée et si
      5  astrainte que elle ne se pooit longement tenir: se li
         venroit à grant contraire, se il l’en couvenoit ensi
         partir. Si avisa et imagina li dis rois que li François
         ne pooient venir à lui ne approcier son host ne le
         ville de Calais, fors que par l’un des deux pas, ou par
     10  les dunes sus le rivage de le mer, ou par dessus là où
         il avoit grant fuison de fossés, de croleis et de marès.
         Et n’i avoit sur che chemin que un seul pont
         par où on peuist passer; si l’appelloit on le pont de
         Nulais. Si fist li dis rois traire toutes ses naves et
     15  ses vaissiaus par devers les dunes, et bien garnir et
         furnir de bombardes, d’arbalestres, d’arciers et
         d’espringalles, et de telz coses par quoi li hos de François
         ne peuist ne osast par là passer. Et fist le conte
         Derbi son cousin aler logier sus le dit pont de Nulais,
     20  à grant fuison de gens d’armes et d’arciers, par
         quoi li François n’i peuissent passer, se ilz ne passoient
         parmi les marès, liquel sont impossible à
         passer.

         Entre le mont de Sangates et le mer, à l’autre lés
     25  devers Calais, avoit une haute tour que trente deux
         arcier englès gardoient, et tenoient là endroit le passage
         des dunes pour les François; et l’avoient à leur
         avis durement fortefiiet de grans doubles fossés.
         Quant li François furent logiet sur le mont de Sangate,
     30  ensi que vous avés oy, les gens des communautés
         perchurent celle tour. Si s’avancièrent cil de Tournay,
         qui bien estoient là quinze cens combatant, et
    [49] alèrent de grant volentet celle part. Quant cil qui
         dedens estoient les veirent approcier, il traisent à
         yaus, et en navrèrent aucuns. Quant cil de Tournay
         veirent ce, si furent moult courouciet, et se misent
      5  de grant volenté à assallir celle tour et ces Englès;
         et passèrent de force oultre les fossés, et vinrent jusques
         à le mote de terre et au piet de le tour à pik
         et à hauiaus. Là eut grant assaut et dur, et moult de
         chiaus de Tournay bleciés; mais pour ce ne se refraindirent
     10  il mies à assallir, et fisent tant que, de
         force et par grant apertise de corps, il conquisent
         celle tour. Et furent mort tout cil qui dedens estoient,
         et la tour abatue et reversée: de quoi li François
         tinrent ce fait à grant proèce.


     15  § =309=. Quant li hos des François se fu logie sus
         le mont de Sangates, li rois envoia ses mareschaus,
         le signeur de Biaugeu et le signeur de Saint Venant,
         pour regarder et aviser comment et par où son host
         plus aisiement poroit passer, pour approcier les Englès
     20  et yaus combatre. Cil doy signeur, mareschal de
         France pour le temps, alèrent partout regarder et
         considerer les passages et les destrois, et puis s’en
         retournèrent au roy et li disent à brief parole qu’il
         ne pooient aviser que il peuist nullement approcier
     25  les Englès que il ne perdesist ses gens davantage. Si
         demora ensi la cose cesti jour et la nuit ensiewant.

         A l’endemain apriès messe, li rois Phelippes envoia
         grans messages, par le conseil de ses hommes, au roy
         d’Engleterre. Et passèrent li message [par congiet[266]]
    [50] dou conte Derbi au pont de Nulais: ce furent messires
         Joffrois de Chargni, messires Eustasses de Ribeumont,
         messires Guis de Neelle et li sires de Biaugeu.
         En passant et en chevauçant celle forte voie, cil quatre
      5  signeur avisèrent bien et considerèrent le fort passage,
         et comment li pons estoit bien gardés. On les
         laissa paisieuvlement passer tout oultre, car li rois
         d’Engleterre l’avoit ensi ordonné. Et durement en
         passant prisièrent l’arroy et l’ordenance dou conte
     10  Derbi et de ses gens, qui gardoient ce pont parmi
         lequel il passèrent. Et tant chevaucièrent que il
         vinrent jusques à l’ostel dou roy, qui bien estoit pourveus
         de grant baronnie dalés lui. Tantost tout quatre
         il misent piet à terre, et passèrent avant et vinrent
     15  jusques au roy: il l’enclinèrent; et li rois les recueilli,
         ensi comme il apertenoit à faire. Là s’avança messires
         Ustasses de Ribeumont à parler pour tous; et disent:
         «Sire, li rois de France nous envoie par devers vous
         et vous segnefie que il est ci venus et arrestés sus le
     20  mont de Sangates pour vous combatre; mais il ne
         poet veoir ne trouver voie comment il puist venir
         jusc’à vous: si en a il grant desir, pour dessegier sa
         bonne ville de Calais. Si a il fait aviser et regarder
         par ses gens comment il poront venir jusc’à vous,
     25  mès c’est cose impossible. Si veroit volentiers que
         vous volsissiés mettre de vostre conseil ensamble, et
         il metteroit dou sien, et par l’avis de chiaus, aviser
         place là où on se peuist combatre, et de ce sommes
         nous cargié de vous dire et requerre.»

             [266] Mss. B 4, 3, fº 138.--Ms. B 1, t. II, fº 23 vº
             (lacune).

     30  Li rois d’Engleterre, qui bien entendi ceste parolle,
         fu tantost consilliés et avisés de respondre, et
         respondi et dist: «Signeur, j’ay bien entendu tout
    [51] ce que vous me requerés de par mon adversaire, qui
         tient mon droit hiretage à tort, dont il me poise. Se
         li dirés de par mi, se il vous plaist, que je sui ci endroit,
         et y ay demoret, depuis que je y vinc, priès
      5  d’un an. Tout ce a il bien sceu; et y fust bien venus
         plus tost, se il volsist. Mais il m’a ci laissiet demorer
         si longement que jou ay grossement despendu dou
         mien. Et y pense avoir tant fait que assés temprement
         je serai sires de le ville et dou chastiel de Calais.
     10  Si ne sui mies consilliés dou tout faire à sa devise
         et se aise, ne d’eslongier ce que je pense à avoir
         conquis et que j’ay tant desiret et comparet. Se li
         disés, se ilz ne ses gens ne poeent par là passer, si
         voisent autour pour querir la voie.» Li baron et
     15  message dou roy de France veirent bien que il n’en
         porteroient aultre response; si prisent congiet.

         Li rois leur donna qui les fist convoiier jusques
         oultre le dit pont de Nulais. Et s’en revinrent en
         leur host, et recordèrent au roy de France tout ensi
     20  et les propres paroles que li rois d’Engleterre avoit
         dittes. De laquèle response li rois de France fu tous
         courouciés, car il vei bien que perdre li couvenoit la
         forte [ville[267]] de Calais, et se n’i pooit remediier par
         nulle voie.

             [267] Mss. B 4, 3, fº 138 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 24 vº
             (lacune).


     25  § =310=. Entrues que li rois de France estoit sus le
         mont de Sangate, et qu’il estudioit comment et par
         quel tour il poroit combatre les Englès qui si s’estoient
         fortefiiet, vinrent doy cardinal en son host,
         envoiiés en legation de par le pape Clement qui
    [52] regnoit pour ce temps. Cil doi cardinal se misent tantost
         en grant painne d’aler de l’une host à l’autre, et
         volentiers euissent veu que li rois d’Engleterre euist
         brisiet son siège, ce que il n’euist jamais fait. Toutes
      5  fois, sus certains articles et trettiés d’acort et de pais,
         il procurèrent tant que uns respis fu pris entre ces
         deux rois et leurs gens, là estans au siège et sus les
         camps seulement. Et misent par leurs promotions, de
         toutes parties, quatre signeurs ensamble qui devoient
     10  parlementer de le pais. De le partie dou roy de
         France y furent li dus de Bourgongne, li dus de
         Bourbon, messires Loeis de Savoie et messires Jehans
         de Haynau; et dou costé des Englès, li contes Derbi, li
         contes de Norhantonne, messires Renaulz de Gobehem
     15  et messires Gautiers [de Mauni[268]]. Et li doi
         cardinal estoient trettieur et moiien, alant de l’un
         lés à l’autre. Si furent tout cil signeur les trois jours
         la grigneur partie dou jour ensamble; et misent pluiseurs
         devises et pareçons avant, desquèles nulles ne
     20  vinrent à effect.

             [268] Mss. B 4, 3, fº 138 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 24 vº
             (lacune).

         Entrues que on parlementoit et ces triewes durant,
         li rois d’Engleterre faisoit toutdis efforcier son host
         et faire grans fossés sus les dunes, par quoi li François
         ne les peuissent sousprendre. Et saciés que cilz
     25  parlemens et detriemens anoioit durement à chiaus
         de Calais qui volentiers euissent veu plus tost leur
         delivrance, car on les faisoit trop juner. Cil troi jour
         se passèrent sans pais et sans acort, car li rois
         d’Engleterre tenoit toutdis sen oppinion que il seroit
     30  sires de Calais, et li rois de France voloit que
    [53] elle li demorast. En cel estri se departirent les parties,
         ne on ne les peut rassambler depuis; si s’en retournèrent
         li cardinal à Saint Omer.

         Quant li rois Phelippes vei ce que perdre li couvenoit
      5  Calais, si fu durement courouciés; à envis
         s’en partoit sans aucune cose faire. Et si ne pooit
         traire avant ne combatre les Englès qu’il ne fuissent
         tout perdu davantage: si ques, tout consideré, li sejourners
         là ne li estoit point pourfitable; si ordonna
     10  au partir et à deslogier. Si fist, à l’endemain au matin
         que li parlemens fu finés, recueillier en grant
         haste tentes et trés et tourser, et se mist au chemin
         par devers la cité d’Amiens, et donna congiet toutes
         manières de gens d’armes et de commugnes. Quant
     15  cil de Calais veirent le deslogement de leurs gens, si
         furent tout pardesconfi et desbareté. Et n’a si dur
         coer ou monde que, qui les veist demener et dolouser,
         qui n’en ewist pité. A ce deslogement ne perdirent
         point aucun Englès qui s’aventurèrent et qui se ferirent
     20  en la kewe des François, mès gaegnièrent des
         kars, des sommiers et des chevaus, des vins et des
         pourveances et des prisonniers qu’il ramenèrent en
         l’ost devant Calais.


         § =311=. Apriès le departement dou roy de France
     25  et de son host dou mont de Sangates, chil de Calais
         veirent bien que li secours en quoi il avoient fiance
         leur estoit fallis; et si estoient à si très grant destrèce
         de famine que li plus poissans et plus fors se
         pooit à grant malaise soustenir. Si eurent conseil; et
     30  leur sambla qu’il valoit mieulz yaus mettre en le volenté
         dou roy d’Engleterre, se plus grant merci n’i
    [54] pooient trouver, que yaus laissier morir l’un apriès
         l’autre par destrèce de famine, car li pluiseur en
         poroient perdre corps et ame par rage de faim. Si priièrent
         tant à monsigneur Jehan de Viane que il en
      5  volsist trettier et parler, que il s’i acorda; et monta
         as crestiaus des murs de le ville, et fist signe à chiaus
         de dehors que il voloit parler.

         Quant li rois d’Engleterre entendi ces nouvelles,
         il envoia là tantos monsigneur Gautier de Mauni et
     10  le signeur de Basset. Quant il furent là venu, li dis
         messires Jehans de Viane lor dist: «Chier signeur,
         vous estes moult vaillant chevalier et usé d’armes,
         et savés que li rois de France, que nous tenons à signeur,
         nous a ceens envoiiet et commandé que nous
     15  gardissions ceste ville et ce chastiel, si que blasme
         n’en euissions, ne ilz point de damage: nous en
         avons fait nostre pooir. Or est nos secours fallis. Et
         vous nous avés si astrains que nous n’avons de quoi
         vivre: si nous couvenra tous morir ou esragier par
     20  famine, se li gentilz rois qui est vos sires n’a pité de
         nous. Chier signeur, se li voelliés priier en pité qu’il
         voelle avoir merci de nous, et nous en voelle laissier
         aler tout ensi que nous sommes, et voelle prendre
         le ville et le chastiel et tout l’avoir qui est dedens:
     25  si en trouvera assés.»

         Adonc respondi messires Gautiers de Mauni et
         dist: «Messire Jehan, messire Jehan, nous savons
         partie de l’intention nostre signeur le roy d’Engleterre,
         car il le nous a dit. Saciés que ce n’est mies
     30  se entente que vous en peuissiés aler ensi que vous
         avés ci dit; ains est sa volenté que vous vos metés
         tous en se pure volenté, ou pour rançonner chiaus
    [55] qu’il li plaira, ou pour faire morir; car cil de Calais li
         ont tant fait de contraires et de despis, le sien fait
         despendre et grant fuison de ses gens [fait[269]] morir:
         dont, se il l’en poise, ce n’est mies merveilles.»

             [269] Ms. B 3, fº 158 vº.--Mss. B 1, 4, fº 25 vº: «faire.»
             _Mauvaise leçon._

      5  Adonc respondi messires Jehans de Viane et dist:
         «Ce seroit trop dure cose pour nous, se nous consentions
         ce que vous dittes. Nous sommes un petit
         de chevaliers et d’escuiers qui loyaument à nostre
         pooir avons servi nostre signeur, ensi comme vous
     10  feriés le vostre, en samblant cas; et en avons enduré
         mainte painne et tamainte mesaise. Mais ançois en
         soufferions nous tèle mesaise que onques gens n’endurèrent
         ne souffrirent la parelle, que nous consentissions
         que li plus petis garçons ou varlés de le ville
     15  euist aultre mal que li plus grans de nous. Mais nous
         vous prions que vous voelliés aler par vostre humilité
         devers le roy d’Engleterre, et li priiés que il ait
         pité de nous: si ferés courtoisie, car nous esperons
         en lui tant de gentillèce que il ara merci de nous.»
     20  --«Par ma foy, respondi messires Gautiers, messire
         Jehan, je le ferai volentiers. Et vorroie, se Diex
         me vaille, qu’il m’en vosist croire mès: vous en
         vaurriés tout mieulz.»

         Lors se departirent li sires de Mauni et li sires de
     25  Basset, et laissièrent monsigneur Jehan de Viane
         apoiant as murs, car tantost devoient retourner; et
         s’en vinrent devers le roy d’Engleterre qui les attendoit
         à l’entrée de son hostel et avoit grant desir d’oïr
         nouvelles de chiaus de Calais. Dalés lui estoient li
    [56] contes Derbi, li contes de Norhantonne, li contes
         d’Arondiel et pluiseur hault baron d’Engleterre. Messires
         Gautiers de Mauni et li sires de Basset enclinèrent
         le roy, et puis se traisent devers lui. Li sires de
      5  Mauni, qui sagement estoit enlangagiés, commença à
         parler, car li rois souverainnement le volt oïr, et dist:
         «Mon signeur, nous venons de Calais et avons trouvé
         le chapitainne, monsigneur Jehan de Viane, qui longement
         a parlé à nous. Et me samble que ilz et si
     10  compagnon et li communaultés de Calais sont en
         grant volenté de vous rendre la ville et le chastiel de
         Calais et tout ce qui dedens est, mès que leurs corps
         singulerement il en peuissent mettre hors.»

         Dont respondi li rois: «Messire Gautier, vous savés
     15  la grigneur partie en ce cas de nostre entente:
         quel cose en avés vous respondu?»--«En nom
         Dieu, monsigneur, dist messires Gautiers, que vous
         n’en feriés riens, se il ne se rendoient simplement à
         vostre volenté, pour vivre et pour morir, se il vous
     20  plaist. Et quant je leur ay ce remoustré, messires
         Jehans de Viane me respondi et cogneut bien qu’il
         sont moult constraint et astraint de famine; mais,
         ançois que il entrassent en ce parti, il se venderoient
         si chier que onques gens fisent.» Dont respondi li
     25  rois et dist: «Messire Gautier, je n’ai mies espoir
         ne volenté endont que j’en face aultre cose.» Lors
         se retrest avant li gentilz sires de Mauni et parla
         moult sagement au roy, et dist pour aidier chiaus de
         Calais: «Monsigneur, vous poriés bien avoir tort,
     30  car vous nous donnés mauvais exemple. Se vous nous
         voliiés envoiier en aucunes de vos forterèces, nous
         n’irions mies si volentiers, se vous faites ces gens
    [57] mettre à mort, ensi que vous dittes, car ensi feroit
         on de nous en samblant cas.»

         Cilz exemples amolia grandement le corage dou
         roy d’Engleterre, car li plus des barons qui là estoient
      5  l’aidièrent à soustenir. Dont dist li rois: «Signeur, je
         ne voeil mies estre tous seulz contre vous tous. Gautier,
         vous en irés à chiaus de Calais, et dirés au chapitainne,
         monsigneur Jehan de Viane, que vous avés
         tant travilliet pour yaus, et ossi ont tout mi baron,
     10  que je me sui acordés à grant dur à ce que la plus
         grant grasce qu’il poront trouver ne avoir en moy,
         c’est que il se partent de le ville de Calais six des
         plus notables bourgois, en purs les chiés et tous deschaus,
         les hars ou col, les clés de le ville et dou
     15  chastiel en leurs mains. Et de chiaus je ferai ma
         volenté, et le demorant je prenderai à merci.»
         --«Monsigneur, respondi messires Gautiers, je le ferai
         volentiers.»


         § =312=. A ces parlers se departi li gentilz sires de
     20  Mauni, et retourna jusques à Calais là où messires
         Jehans de Viane l’attendoit; se li recorda toutes les
         paroles devant dittes, ensi que vous les avés oyes.
         Et dist bien que c’estoit tout ce que il en avoit
         pout impetrer. «Messire Gautier, dist messires Jehans,
     25  je vous en croi bien. Or vous prie je que vous
         voelliés ci tant demorer que j’aie remoustré tout cel
         afaire à le communaulté de le ville, car il m’ont chi
         envoiiet, et à yaus en tient, ce m’est avis, dou respondre.»
         Respondi li sires de Mauni: «Je le ferai
     30  volentiers.»

         Lors se parti des crestiaus messires Jehans de Viane,
    [58] et vint ou marchié, et fist sonner la cloche pour assambler
         toutes manières de gens en le hale. Au son
         de le cloche vinrent il tout, hommes et femmes,
         car moult desiroient à oïr nouvelles, ensi que gens
      5  si astrains de famine que plus n’en pooient porter.
         Quant il furent tout venu et assamblé en le place,
         hommes et femmes, messires Jehans de Viane leur
         remoustra moult doucement les paroles toutes tèles
         que chi devant sont recitées, et leur dist bien que
     10  aultrement ne pooit estre, et euissent sur ce avis et
         brief response. Quant il oïrent ce raport, il commencièrent
         tout à criier et à plorer telement et si
         amerement qu’il ne fust nulz si durs coers ou
         monde, se il les veist et oïst yaus demener, qui
     15  n’en euist pité, et n’eurent en l’eure pooir de respondre
         ne de parler. Et mesmement messires Jehans
         de Viane en avoit tel pité que il en larmioit moult
         tenrement.

         Une espasse apriès, se leva en piés li plus riches
     20  bourgois de le ville, que on clamoit sire Ustasse de
         Saint Pière, et dist devant tous ensi: «Signeur, grans
         pités et grans meschiés seroit de laissier morir un
         tel peuple que ci a, par famine ou autrement, quant
         on y poet trouver aucun moiien. Et si seroit grant
     25  aumosne et grant grasce à Nostre Signeur qui de tel
         meschief les poroit garder. Je, endroit de moy, ay si
         grant esperance d’avoir grasce et pardon envers
         Nostre Signeur, se je muir pour ce peuple sauver,
         que je voeil estre li premiers. Et me metterai volentiers
     30  en pur ma chemise, à nu chief et à nus piés,
         le hart ou col, en le merci dou gentil roy d’Engleterre.»

    [59] Quant sires Ustasses de Saint Pière eut dit ceste
         parole, cescuns l’ala aourer de pité, et pluiseurs
         hommes et femmes se jettoient à ses piés tenrement
         plorant: c’estoit grans pités dou là estre, yaus oïr et
      5  regarder.

         Secondement, uns aultres très honnestes bourgois
         et de grant afaire, et qui avoit deux belles damoiselles
         à filles, se leva et dist tout ensi, et qu’il feroit
         compagnie à son compère sire Ustasse de Saint Pière;
     10  on appelloit cesti, sire Jehan d’Aire.

         Apriès se leva li tiers, qui s’appelloit sire Jakemes
         de Wissant, qui estoit riches homs de meuble et
         d’iretage, et dist que il feroit à ses deux cousins
         compagnie. Ensi fist sire Pières de Wissant ses frères, et
     15  puis li cinquimez et li siximez. Et se desvestirent là
         cil six bourgois tout nu, en pur leur braies et leurs
         chemises, en le hale de Calais, et misent hars en leurs
         colz, ensi que ordenance se portoit. Et prisent les clés
         de le ville de Calais et dou chastiel; cescuns des six
     20  en tenoit une puignie.

         Quant il furent ensi apparilliet, messires Jehans de
         Viane, montés sus une petite haghenée, car à grant
         malaise pooit il aler à piet, se mist devant et prist le
         chemin de le porte. Qui donc veist hommes, les
     25  femmes et enfans de chiaus plorer et tordre leurs
         mains et criier à haulte vois très amerement, il n’est
         si durs coers ou monde qui n’en euist pité. Ensi
         vinrent il jusques à le porte, convoiiet en plains, en
         cris et en plours. Messires Jehans de Viane fist ouvrir
     30  le porte toute arrière, et se fist enclore dehors
         avoecques les six bourgois, entre le porte et les barrières;
         et vint à monsigneur Gautier qui là l’attendoit,
    [60] et li dist: «Messire Gautier, je vous delivre,
         comme chapitains de Calais, par le consentement
         dou povre peuple de celi ville, ces six bourgois. Et
         vous jur que ce sont au jour d’ui et estoient li plus
      5  honnourable et notable de corps, de chevance et
         d’ancisserie de le ville de Calais; et portent avoech
         yaus toutes les clés de le ditte ville et dou chastiel.
         Si vous pri, gentilz sires, que vous voelliés priier
         pour yaus au gentil roy d’Engleterre pour ces bonnes
     10  gens qu’il ne soient mies mort.»--«Je ne sçai,
         respondi li sires de Mauni, que messires li rois en
         vorra faire, mais je vous ay en couvent que j’en ferai
         mon devoir.»

         Adonc fu la barrière ouverte. Si s’en alèrent li six
     15  bourgois, en cel estat que je vous di, avoech monsigneur
         Gautier de Mauni qui les amena tout bellement
         devers le palais dou roy, et messires Jehans de Viane
         rentra en le ville de Calais.

         Li rois estoit à celle heure en sa cambre, à grant
     20  compagnie de contes, de barons et de chevaliers. Si
         entendi que cil de Calais venoient en l’arroy que il
         avoit deviset et ordonnet; si se mist hors et s’en
         vint en la place devant son hostel, et tout cil signeur
         après lui et encores grant fuison qui y sourvinrent,
     25  pour veoir chiaus de Calais ne comment il fineroient.
         Et meismement la royne d’Engleterre, qui moult
         enchainte estoit, sievi le roy son signeur. Evous venu
         monsigneur Gautier de Mauni et les bourgois dalés
         lui qui le sievoient, et descendi en la place, et puis
     30  s’en vint devers le roy et li dist: «Monsigneur, veci
         le representation de le ville de Calais, à vostre ordenance.»
         Li rois se taisi tous quois et regarda moult
    [61] fellement sur chiaus; car moult haoit les habitans de
         Calais, pour les grans damages et contraires que dou
         temps passet sus mer li avoient fais.

         Cil six bourgois se misent tantost en genoulz par
      5  devant le roy, et disent ensi en joindant leurs mains:
         «Gentilz sires et gentilz rois, ves nous chi six, qui
         avons esté d’ancisserie bourgois de Calais et grans
         marceans. Si vous aportons les clés de le ville et dou
         chastiel de Calais, et les vous rendons à vostre plaisir,
     10  et nous mettons en tel point que vous nous veés,
         en vostre pure volenté, pour sauver le demorant dou
         peuple de Calais; si voelliés avoir de nous pité et
         merci par vostre très haute noblèce.» Certes il n’i
         eut adonc en le place signeur, chevalier ne vaillant
     15  homme, qui se peuist abstenir de plorer de droite
         pité, ne qui peuist en grant pièce parler. Li rois regarda
         sus yaus très ireusement, car il avoit le coer si
         dur et si espris de grant courous que il ne peut parler;
         et quant il parla, il commanda que on leur copast
     20  les tiestes tantost. Tout li baron et li chevalier
         qui là estoient, en plorant prioient si acertes que faire
         le pooient au roy qu’il en vosist avoir pité, merci;
         mais il n’i voloit entendre.

         Adonc parla messires Gautiers de Mauni et dist:
     25  «Ha! gentilz sires, voelliés rafrener vostre corage.
         Vous avés le nom et le renommée de souverainne
         gentillèce et noblèce. Or ne voelliés donc faire cose
         par quoi elle soit noient amenrie, ne que on puist
         parler sur vous en nulle manière villainne. Se vous
     30  n’avés pité de ces gens, toutes aultres gens diront
         que ce sera grant cruaultés, se vous faites morir ces
         honnestes bourgois, qui de lor propre volenté se
    [62] sont mis en vostre merci pour les aultres sauver.»
         A ce point se grigna li rois et dist: «Messire Gautier,
         souffrés vous, il ne sera aultrement, mès on
         face venir le cope teste. Chil de Calais ont fait morir
      5  tant de mes hommes, que il couvient chiaus morir
         ossi.»

         Adonc fist la noble royne d’Engleterre grant humilité,
         qui estoit durement enchainte, et ploroit si tenrement
         de pité que on ne le pooit soustenir. Elle se
     10  jetta en jenoulz par devant le roy son signeur et dist
         ensi: «Ha! gentilz sires, puis que je apassai le mer
         par deçà en grant peril, si com vous savés, je ne
         vous ay riens rouvet ne don demandet. Or vous pri
         jou humlement et requier en propre don que, pour
     15  le fil sainte Marie et pour l’amour de mi, vous voelliés
         avoir de ces six hommes merci.»

         Li rois attendi un petit de parler et regarda la
         bonne dame sa femme, qui moult estoit enchainte et
         ploroit devant lui en jenoulz moult tenrement. Se li
     20  amolia li coers, car envis l’euist couroucie ens ou
         point là où elle estoit; si dist: «Ha! dame, je amaisse
         mieulz que vous fuissiés d’autre part que ci. Vous me
         priiés si acertes que je ne le vous ose escondire; et
         comment que je le face envis, tenés, je les vous
     25  donne: si en faites vostre plaisir.» La bonne dame
         dist: «Monsigneur, très grans mercis.»

         Lors se leva la royne et fist lever les six bourgois,
         et leur fist oster les chevestres d’entours les colz, et
         les amena avoecques lui en sa cambre, et les fist revestir
     30  et donner à disner tout aise; et puis donna à
         çascun six nobles, et les fist conduire hors de l’ost à
         sauveté.


    [63] § =313=. Ensi fu la forte ville de Calais assise par le
         roy Edowart d’Engleterre, l’an de grasce mil trois
         cens quarante six, environ le Saint Jehan decolasse,
         ou mois d’aoust, et fu conquise l’an de grasce mil
      5  trois cens quarante sept, en ce meismes mois.

         Quant li rois d’Engleterre eut fait sa volenté des six
         bourgois de Calais, et il les eut donnés à la royne sa
         femme, il appella monsigneur Gautier de Mauni et ses
         deux mareschaus, le conte de Warvich et le baron de
     10  Stanfort, et leur dist: «Signeur, prendés ces clés de
         le ville et dou chastiel de Calais: si en alés prendre le
         saisine et le possession. Et prendés tous les chevaliers
         qui laiens sont et les metés en prison, ou faites
         leur jurer et fiancier prison; ils sont gentil homme:
     15  je les recrerai bien sus leurs fois. Et tous aultres
         saudoiiers, qui sont là venu pour gaegnier leur argent,
         faites les partir simplement, et tout le demorant de
         le ville, hommes et femmes et enfans, car je voeil la
         ville repeupler de purs Englès.»

     20  Tout ensi [fu fait[270]] que li rois commanda et que
         vous poés oïr. Li doi mareschal d’Engleterre et li sires
         de Mauni, à cent hommes tant seulement, s’en vinrent
         prendre le saisine de Calais; et fisent aler ens
         ès portes tenir prison monsigneur Jehan de Viane,
     25  monsigneur Ernoul d’Audrehen, monsigneur Jehan
         de Surie, monsigneur Bauduin de Bellebourne et les
         aultres. Et fisent li mareschal d’Engleterre aporter les
         saudoiiers toutes armeures et jetter en un mont en
         le halle de Calais. Et puis fisent toutes manières de
     30  gens, petis et grans, partir; et ne retinrent que trois
    [64] hommes, un prestre et deux aultres anciiens hommes,
         bons coustumiers des lois et ordenances de Calais,
         et fu pour rensegnier les hiretages. Quant il eurent
         tout ce fait et le chastiel ordonné pour logier le roy
      5  et la royne, et tout li aultre hostel furent widié et
         appareillié pour rechevoir les gens dou roy, on le
         segnefia au roy. Adonc monta il à cheval, et fist monter
         la royne et les barons et chevaliers, et chevaucièrent
         à grant glore devers Calais; et entrèrent en
     10  le ville à si grant fuison de menestraudies, de trompes,
         de tabours et de muses, que ce seroit merveilles à
         recorder. Et chevauça ensi li rois jusques au chastiel,
         et le trouva bien paré et bien ordonné pour lui recevoir
         et le disner tout prest. Si donna li dis [rois[271]], ce
     15  premier jour que il entra en Calais, à disner ens ou
         chastiel les contes, les barons et les chevaliers qui là
         estoient, et la royne, les dames et les damoiselles,
         qui au siège estoient et qui le mer avoient passet
         avoecques li; et y furent en grant solas, ce poet on
     20  bien croire.

             [270] Ms. B 4, 3, fº 141.--Ms. B 1, t. II, fº 28 (lacune).

             [271] Ms. B 4, fº 141.--Ms. B 1, t. II, fº 28 (lacune).

         Ensi se porta li ordenance de Calais. Et se tint li
         rois ou chastiel et en le ville tant que la royne fu relevée
         d’une fille, qui eut nom Margherite; et donna à
         aucuns de ses chevaliers, ce terme pendant, biaus
     25  hostelz en le ville de Calais, au signeur de Mauni, au
         baron de Stanfort, au signeur de Gobehen, à monsigneur
         Bietremieu de Brues, et ensi à tous les aultres,
         pour mieulz repeupler la ville. Et estoit se intention,
         lui retourné en Engleterre, que il envoieroit là
     30  trente six riches bourgois, leurs femmes et leurs
    [65] enfans, demorer de tous poins en le ville de Calais. Et
         par especial il y aroit douze bourgois, riches hommes
         et notables de Londres; et feroit tant que la ditte ville
         seroit toute repeuplée de purs Englès: laquèle intention
      5  il accompli. Si fu la noeve ville et la bastide,
         qui devant Calais estoit faite pour tenir le siège, toute
         deffaite, et li chastiaus qui estoit sur le havene abatus,
         et li gros mairiens amenés à Calais. Si ordena
         li rois gens pour entendre as portes, as murs, as tours
     10  et as barrières de le ville. Et tout ce qui estoit brisiet
         et romput, on le fist rappareillier: si ne fu mies si
         tost fait. Et furent envoiiet en Engleterre, ains le
         departement dou roy, messires Jehans de Viane et si
         compagnon; et furent environ demi an à Londres, et
     15  puis mis à raençon.


         § =314=. Or me samble que c’est grans a[n]uis[272] de
         piteusement penser et ossi considerer que cil grant
         bourgois et ces nobles bourgoises et leurs biaus enfans,
         qui d’estoch et d’estration avoient demoret, et
     20  leur ancisseur, en le ville de Calais, devinrent: des
         quelz il y avoit grant fuison au jour que elle fu conquise.
         Ce fu grans pités, quant il leur couvint guerpir
         leurs biaus hostelz et leurs avoirs, car riens n’en portèrent;
         et si n’en eurent oncques restorier ne recouvrier
     25  dou roy de France, pour qui il avoient tout
         perdu. Je me passerai d’yaus briefment: il fisent au
         mieulz qu’il peurent; mès la grignour partie se traisent
         en le bonne ville de Saint Omer.

             [272] Ms. B 4: «Or m’est advis que c’est grans anis.»
             Fº 141 vº.--Ms. B 3: «Or m’est il advis que.» Fº 160 vº.

    [66] Encores se tenoit li rois d’Engleterre à Calais pour
         entendre le plus parfaitement as besongnes de le
         ville, et li rois Phelippes en le cité d’Amiens. Si estoit
         dalés lui li cardinaulz Guis de Boulongne, qui venus
      5  estoit en France en legation: par laquel promotion
         il pourcaça une triewe à durer deus ans. Et fu ceste
         triewe acordée de toutes parties; mais on excepta
         hors la terre et ducé de Bretagne, car là tenoient et
         tinrent toutdis les deus dames guerre l’une contre
     10  l’autre.

         Si s’en retournèrent li rois d’Engleterre, la royne
         et leur enfant en Engleterre. Et laissa li dis rois, à
         son departement de Calais, à chapitainne un Lombart
         que moult amoit et lequel il avoit avanciet, qui s’appelloit
     15  Aymeri de Pavie; et li recarga en garde toute
         la ville et le chastiel, dont il l’en deubt estre priès
         mescheu, ensi que vous orés recorder temprement.

         Quant li rois d’Engleterre fu retournés à Londres,
         il mist grant entente de repeupler le ville de Calais
     20  et y envoia trente six riches bourgois et sages hommes,
         leurs femmes et leurs enfans, et plus de quatre
         cens aultres hommes de mendre estat. Et toutdis
         croissoit li nombres, car li rois y donna et seela libertés
         et franchises si grandes que cescuns y vint
     25  volentiers.

         En ce temps fu amenés en Engleterre messires
         Charles de Blois, qui s’appelloit dus de Bretagne, qui
         avoit esté pris devant le Roce Deurient, ensi que chi
         dessus est contenu; si fu mis en courtoise prison
     30  ens ou chastiel de Londres, avoecques le roy David
         d’Escoce et le conte de Mouret. Mès il n’i eut point
         esté longement quant, à la priière madame la royne
    [67] d’Engleterre, qui estoit sa cousine germainne, il fu
         recreus sus sa foy. Et chevauçoit à sa volenté au tour
         de Londres; mès il ne pooit jesir que une nuit dehors,
         se il n’estoit en le compagnie dou roy d’Engleterre
      5  et de la royne.

         En ce temps estoit prisonniers en Engleterre li
         contes d’Eu et de Ghines, mès il estoit si friches et
         si joli chevaliers, et si bien li avenoit à faire quanqu’il
         faisoit, que il estoit partout li bien venus dou
     10  roy, de la royne, des dames et des damoiselles d’Engleterre.


         § =315=. Toute celle anée que celle triewe fu acordée
         que vous avés oy, se tinrent li doy roy à pais li
         uns contre l’autre. Mès pour ce ne demora mies que
     15  messires Guillaumes Douglas, cilz vaillans chevaliers
         d’Escoce, et li Escoçois qui se tenoient en le forest
         de Gedours, ne guerriassent toutdis les Englès par
         tout là où il les pooient trouver, quoique li rois d’Escoce
         leurs sires fust pris. Et ne tinrent onques
     20  triewes que li rois d’Engleterre et li rois de France
         euissent ensamble.

         D’autre part ossi, cil qui estoient en Gascongne,
         en Poito et en Saintonge, tant des François comme
         des Englès, ne tinrent onques fermement triewe ne
     25  respit qui fust ordenée entre les deux rois; ains
         gaegnoient et conqueroient villes et fors chastiaus
         souvent li uns sus l’autre, par force ou par pourcas,
         par embler ou par eschieller de nuit ou de jour. Et
         leur avenoient souvent des belles aventures, une fois
     30  as Englès, l’autre fois as François. Et toutdis gaegnoient
         povre brigant à desrober et pillier les villes
    [68] et les chastiaus, et y conqueroient si grant avoir que
         c’estoit merveilles. Et en devenoient li aucun si
         riche, qui se faisoient maistre et chapitain des aultres
         brigans, que il en y avoit de telz qui avoient
      5  bien le finance de quarante mil escus. Au voir dire
         et raconter, c’estoit grans merveilles de ce qu’il faisoient.
         Il espioient, tèle fois estoit et bien souvent,
         une bonne ville ou un bon chastiel, une journée ou
         deux loing. Et puis si s’assambloient vingt brigant ou
     10  trente, et en aloient, par voies couvertes, tant de
         nuit que de jour qu’il entroient en celle ville ou ce
         chastiel que espiiet avoient, droit sus le point dou
         jour, et boutoient le feu en une maison. Et cil de le
         ville cuidoient que ce fuissent mil armeures de fier,
     15  qui volsissent ardoir leur ville; si en fuioient que
         mieulz mieulz. Et cil brigant brisoient maisons, coffres
         et escrins, et prendoient quanqu’il trouvoient;
         puis en aloient leur chemin, tout cargiet de pillage.
         Ensi fisent il à Donsonak et en pluiseurs aultres
     20  villes; et gaagnièrent ensi pluiseurs chastiaus, et puis
         les revendirent.

         Entre les aultres, eut un brigant en le marce de le
         langue d’ok, qui en tel manière avisa et espia le fort
         chastiel de Combourne, qui siet en Limozin, en très
     25  fort pays durement. Si chevauça de nuit avoecques
         trente de ses compagnons, et vinrent à ce fort chastiel,
         et l’eschiellèrent et le gaegnièrent, et prisent ens
         le signeur que on appelloit le visconte de Combourne.
         Et occirent toutes les mesnies de laiens, et
     30  misent en prison le signeur en son chastiel meismes;
         et le tinrent si longement qu’il se rançonna à vingt
         quatre mil escus tous appareilliés. Et encores detint
    [69] li dis brigans le dit chastiel et le garni bien, et en
         guerria le pays. Et depuis, pour ses proèces, li rois de
         France le volt avoir dalés lui, et achata son chastiel
         vingt mil escus; et fu huissiers d’armes au roy de
      5  France, et en grant honneur dalés le roy. Et estoit
         appellés cilz brigans Bacons, et estoit toutdis bien
         montés de [biaux courssiers[273]], de doubles roncins et
         de gros palefrois, et ossi armés ensi c’uns contes et
         vestis très ricement, et demora en cel bon estat tant
     10  qu’il vesqui.

             [273] Mss. B 4, 3, fº 142.--Ms. B 1, t. II, fº 29 vº
             (lacune).


         § =316=. En tèle manière se maintenoit on ou ducée[274]
         de Bretagne, car si fait brigant conqueroient et gaegnoient
         villes fortes et bons chastiaus, et les roboient
         ou tenoient, et puis les revendoient à chiaus dou
     15  pays bien et chier. Si en devenoient li aucun, qui se
         faisoient mestre deseure tous les aultres, si rice que
         c’estoit merveilles.

             [274] Ms. B 4: «ducyaume.» Fº 142.--Ms. B 3: «duchié.»
             Fº 161 vº.

         Et en y eut un entre les aultres, que on clamoit
         Crokart, qui avoit esté en son commencement uns
     20  povres garçons, et lonc temps pages au signeur d’Ercle
         en Hollandes. Quant cilz Crokars commença à
         devenir grans, il eut congiet; si s’en ala ens ès
         guerres de Bretagne et se mist au servir un homme
         d’armes; si se porta si bien que, à un rencontre où
     25  il furent, ses mestres fu tués. Mès par le vasselage de
         lui, li compagnon le eslisirent à estre chapitainne ou
         liu de son mestre, et y demora. Depuis, en bien peu
         de temps, il gaegna tant et acquist et pourfita par
    [70] raençons, par prises de villes et de chastiaus, que il
         devint si riches que on disoit que il avoit bien le fin
         de soissante mil escus, sans ses chevaus, dont il
         avoit bien sus son estable vingt ou trente bons coursiers
      5  et doubles roncins. Et avoech ce il avoit le nom
         de estre li plus apers homs d’armes qui fust ens ou
         pays. Et fu esleus pour estre à le bataille des Trente;
         et fu tous li mieudres de son costé, de le partie des
         Englès, où il acquist grant grasce. Et li fu prommis
     10  dou roy de France que, se il voloit devenir françois,
         li rois le feroit chevalier et le marieroit bien et ricement,
         et li donroit deus mil livres de revenue par
         an, mès il n’en volt riens faire. Et depuis li meschei
         il, ensi comme je vous dirai.

     15  Chilz Crokars chevauçoit une fois un jone coursier
         fort enbridé, que il avoit acaté trois cens escus, et
         l’esprouvoit au courir. Si l’escaufa telement que li
         coursiers, oultre sa volenté, l’emporta: si ques, au
         sallir un fosset, li coursiers trebucha et rompi son
     20  mestre le col. Je ne sçai que ses avoirs devint, ne qui
         eut l’ame; mès je sçai bien que Crokars fina ensi.


         § =317=. En ce temps se tenoit en le ville de Saint
         Omer cilz vaillans chevaliers messires Joffrois de Chargni.
         Et l’avoit li rois [de France[275]] là envoiiet pour garder
     25  les frontières; et y estoit et usoit de toutes coses
         touchans as armes, comme rois. Cilz messires Joffrois
         estoit en coer trop durement courouciés de le prise
         et dou conquès de Calais; et l’en desplaisoit, par
         samblant, plus c’à nul aultre chevalier de Pikardie.
    [71] Si metoit toutes ses ententes et imaginations au regarder
         comment il le peuist ravoir. Et sentoit pour
         ce temps un capitainne en Calais, qui n’estoit mies
         trop haus homs ne de l’estration d’Engleterre.

             [275] Mss. B 4, 3, fº 142 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 30
             (lacune).

      5  Si s’avisa li dis mesires Joffrois que il feroit assaiier
         au dit chapitainne, qui s’appelloit Aymeris de Pavie,
         se pour argent il poroit marchander à lui, par quoi
         il reuist en se baillie la ditte ville de Calais. Et s’i
         enclina, pour tant que cilz Aymeris estoit Lombars,
     10  et Lombart sont de leur nature convoiteus. Onques
         de ceste imagination li dis messires Joffrois ne peut
         issir; mès proceda sus et envoia secretement et couvertement
         trettier devers cel Aymeri, car pour ce
         temps triewes estoient. Si pooient bien cil de Saint
     15  Omer aler à Calais, et cil de Calais à Saint Omer; et
         y aloient les gens de l’un à l’autre faire leurs marchandises.
         Tant fu trettiet, parlé, et li affaires demenés
         secretement que cilz Aymeris s’enclina à ce marchiet;
         et dist que, parmi vingt mil escus qu’il devoit
     20  avoir au livrer le chastiel de Calais dont il estoit
         chastelains, il le renderoit. [Et se tint li dis messires
         Joffrois de Cargni pour tous asseurs de ce marchiet[276].]

             [276] Mss. B 4, 3, fº 142 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 30 vº
             (lacune).

         Or avint ensi que li rois d’Engleterre le sceut, je
         ne sçai mies comment ne par quèle condition; mais
     25  il manda cel Aymeri qu’il venist à lui parler à Londres.
         Li Lombars, qui jamais n’euist pensé que li
         rois d’Engleterre sceuist cel afaire, car trop secretement
         l’avoient demenet, entra en une nef et arriva
         à Douvres, et vint à Londres à Wesmoustier devers
         le roy.

    [72] Quant li rois vei son Lombart, il le traist d’une
         part et dist: «Aymeri, vien avant. Tu scès que je
         t’ay donnet en garde la riens ou monde que plus
         ayme apriès ma femme et mes enfans, le chastiel et
      5  le ville de Calais; et tu l’as vendu as François et me
         voelz trahir: tu as bien desservi mort.» Aymeris fu
         tous esbahis des paroles dou roy, car il se sentoit
         fourfais; si se getta en genoulz devant le roy et dist,
         en priant merci à mains jointes: «Ha! gentilz sires,
     10  pour Dieu merci, il est bien voirs ce que vous dittes.
         Mès encores se poet bien li marchiés tous desrompre,
         car je n’en receu onques denier.»

         Li gentilz rois d’Engleterre eut pité dou Lombart,
         que moult avoit amet, car il l’avoit nouri d’enfance;
     15  si dist: «Aymeri, se tu voes faire ce que je te dirai,
         je te pardonrai mon mautalent.» Aymeris, qui grandement
         se reconforta de ceste parole, dist: «Monsigneur,
         oil. Je ferai, quoique couster me doie, tout
         ce que vous me commanderés.»--«Je voeil, dist
     20  li rois, que tu poursieves ton marchiet; et je serai si
         fors en le ville de Calais, à le journée, que li François
         ne l’aront mies, ensi qu’il cuident. Et pour toy aidier
         à escuser, se Diex me vaille, j’en sçai pieur gré messire
         Joffroy de Chargni que toy, qui en bonnes triewes
     25  a ce pourchaciet.»

         Aymeris de Pavie se leva atant de devant le roy,
         qui en genoulz et en grant cremeur avoit esté; si
         dist: «Chiers sires, voirement a ce est[é] par son
         pourcac, non par le mien, car jamais je n’i euisse
     30  osé penser.»--«Or va, dist li rois, et fai la besongne
         ensi com je t’ay dit; et le jour que tu deveras
         delivrer le chastiel, si le me segnefie.»

    [73] En cel estat et sus le parole dou roy se departi
         Aymeris de Pavie, et retourna arrière à Calais. Et ne
         fist nul samblant à ses compagnons de cose que il
         euist empensé à faire. Messire Joffrois de Chargni,
      5  qui se tenoit pour tous assegurés d’avoir le chastiel
         de Calais, pourvei l’argent. Et croy que il n’en parla
         onques au roy de France, car li rois ne li euist jamais
         consilliet à ce faire, pour la cause des triewes qu’il
         euist enfraintes. Mès li dis messires Joffrois de Chargni
     10  s’en descouvri bien secretement à aucuns chevaliers
         de Pikardie, qui [tous[277]] furent de son acort, car la
         prise de Calais lor touchoit trop malement, et à telz
         que monsigneur de Fiennes, à monsigneur Ustasse de
         Ribeumont, à monsigneur Jehan de Landas, au signeur
     15  de Kreki, à monsigneur Pepin de Were, à monsigneur
         Henri dou Bos et à pluiseurs [aultres[278]]. Et avoit
         sa cose si bien apparillie que il devoit avoir cinq cens
         lances; mès la grigneur partie de ces gens d’armes ne
         savoient où il les voloit mener, fors tant seulement
     20  aucun grant baron et bon chevalier, as quelz il en
         touchoit bien dou savoir. Si fu ceste cose si approcie
         que, droitement le nuit de l’an, la cose fu arrestée de
         estre faite. Et devoit li dis Aymeris delivrer le chastiel
         de Calais en celle nuit par nuit. Si le segnefia li
     25  dis Aymeris, par un sien frère, ensi au roy d’Engleterre.

             [277] Mss. B 4, 3, fº 143.--Ms. B 1, t. II, fº 31
             (lacune).

             [278] Mss. B 4, 3.--Ms. B 1 (lacune).


         § =318=. Quant li rois sceut ces nouvelles et le certainneté
         dou jour qui arrestés y estoit, si manda
    [74] monsigneur Gautier de Mauni, en qui il avoit grant
         fiance, et pluiseurs aultres chevaliers et escuiers, pour
         mieulz furnir son fait. Quant messires Gautiers fu
         venus, il li compta pour quoy il l’avoit mandé, et
      5  que il [le[279]] voloit mener avoecques lui à Calais. Messires
         Gautiers s’i acorda legierement.

             [279] Mss. B 4, 3, fº 143.--Ms. B 1 (lacune).

         Si se departi li rois d’Engleterre, à trois cens
         hommes d’armes et six cens arciers, de le cité de Londres,
         et s’en vint à Douvres, et emmena son fil le
     10  jone prince avoecques lui. Si montèrent li dis rois
         et ses gens au port de Douvres, et vinrent sus une
         avesprée à Calais; et s’i embuschièrent si quoiement
         que nuls n’en sceut riens pour quoi il estoient là
         venu. Si se boutèrent les gens le roy ens ou chastiel,
     15  en tours et en cambres, et li rois meismes. Et ordonna
         et dist ensi à monsigneur Gautier de Mauni:
         «Messire Gautier, je voeil que vous soiiés chiés de
         ceste besongne, car moy et mes filz nous combaterons
         desous vostre banière.» Messires Gautiers respondi
     20  et dist: «Monsigneur, Diex y ait part: si me
         ferés haulte honnour.»

         Or vous dirai de monsigneur Joffroy de Chargni,
         qui ne mist mies en oubli l’eure que il devoit estre à
         Calais, mès fist son amas de gens d’armes et d’arbalestriers
     25  en le ville de Saint Omer, et puis parti dou
         soir et chevauça avoech sa route, et fist tant que à
         priès de mienuit il vint assés priès de Calais. Si
         attendirent là li uns l’autre. Et envoia li dis messires
         Joffrois devant jusques au chastiel de Calais, deus de
     30  ses escuiers, pour parler au chastelain, et savoir se il
    [75] estoit heure, et se il se trairoient avant. Li escuier
         tout secretement chevaucièrent oultre, et vinrent jusques
         au chastiel, et trouvèrent Aymeri qui les attendoit
         et qui parla à yaus, et leur demanda où messires
      5  Joffrois estoit. Il respondirent que il n’estoit
         point loing, mais il les avoit envoiiés là pour savoir
         se il estoit heure. Messires Aymeris li Lombars dist:
         «Oil, alés devers lui, et se le faites traire avant: je
         li tenrai son couvent, mès qu’il me tiegne le mien.»
     10  Li escuier retournèrent et disent tout ce qu’il avoient
         veu et trouvé.

         Adonc se trest avant messires Joffrois, et fist par
         ordenance passer toutes gens d’armes et les arbalestriers
         ossi, dont il y avoit grant fuison; et passèrent
     15  tout oultre le rivière et le pont de Nulais, et approcièrent
         Calais. Et envoia devant li dis messires Joffrois
         douze de ses chevaliers et cent armeures de fer,
         pour prendre le saisine dou chastiel de Calais. Car
         bien li sambloit que, se il avoit le chastiel, il seroit
     20  sires de le ville, parmi ce que il estoit assés fors de
         gens; et encores sus un jour il en aroit assés, se il
         besongnoit. Et fist delivrer à monsigneur Oudart de
         Renti, qui estoit en celle chevaucie, les vingt mil
         escus, pour paiier à Aymeri. Et demora tous quois
     25  avoecques ses gens li dis messires Joffrois, sa banière
         devant lui, sus les camps, au dehors de le ville et dou
         chastiel. Et estoit sen entente que par la porte de le
         ville il enteroit en Calais: autrement n’i voloit il
         entrée.

     30  Aymeris de Pavie, qui estoit tous sages de son fait,
         avoit avalé le pont dou chastiel de le porte des camps;
         si mist ens tout paisieuvlement tous chiaus qui entrer
    [76] y vorrent. Quant il furent amont ou chastiel, il
         cuidièrent que ce deuist estre tout leur. Adonc demanda
         Aymeris à monsigneur Oudart de Renti où li
         florin estoient. On li delivra tout prest en un sach;
      5  et li fu dit: «Il y sont tout bien compté: comptés
         les, se vous volés.» Aymeris respondi: «Je n’ay
         mies tant de loisir, car il sera tantost jours.» Si prist
         le sach as florins et dist, en jettant en une cambre:
         «Je croy bien qu’il y soient»; et puis recloy l’uis
     10  de la cambre. Et dist à monsigneur Oudart: «Attendés
         moy et tout vo compagnon: je vous vois ouvrir
         celle mestre tour, par quoi vous serés plus assegur
         et signeur de ceens.» Et se traist celle part et
         tira le veriel oultre; et tantost fu la porte de la tour
     15  ouverte. En celle tour estoit li rois d’Engleterre et ses
         filz et messires Gautiers de Mauni, et bien deus cens
         combatans qui tantost sallirent hors, les espées et les
         haces en leurs mains, en escriant: «Mauni, Mauni,
         à la rescousse!» et en disant: «Cuident donc cil
     20  François avoir reconquis, et à si peu fait, le chastiel
         et le ville de Calais!»

         Quant li François veirent venir sus yaus ces Englès
         si soubdainement, si furent tout esbahi, et veirent
         bien que deffense n’i valoit riens; si se rendirent
     25  pour prisonniers et à peu de fait. De ces premiers
         n’i eut gaires de bleciés; se les fist on entrer en
         celle tour dont li Englès estoient parti, et là furent
         enfremé. De chiaus là furent li Englès tout asseguré.
         Quant il eurent ensi fait, il se misent en ordenance,
     30  et partirent dou chastiel, et se recueillièrent en le
         place devant le chastiel. Et quant il furent tout ensamble,
         il montèrent sus leurs chevaus, car bien sçavoient
    [77] que li François avoient les leurs, et misent
         leurs arciers tout devant yaus, et se traisent en cel
         arroy devers le porte de Boulongne. Là estoit messires
         Joffrois de Chargni, se banière devant lui, de
      5  geules à trois escuçons d’argent, et avoit grant desir
         d’entrer premiers en le ville. Et de ce que on ouvroit
         la porte si longhement, il en avoit grant merveille,
         car il volsist bien avoir plus tost fait; et disoit as
         chevaliers qui estoient dalés lui: «Que cil Lombars
     10  le fait longe: il nous fait si morir de froit.»--«En
         nom Dieu, sire, ce respondi messires Pepins de
         Were, Lombart sont malicieuses gens: il regarde vos
         florins se il en y a nul faulz, et espoir ossi il y sont
         tout.»

     15  Ensi bourdoient et gengloient là li chevalier l’un à
         l’autre, mais il [oyrent[280]] tantost aultres nouvelles.
         Car evous le roy desous le banière le signeur de
         Mauni et son fil dalés lui, et ossi aultres banières
         dou conte de Stafort, dou conte d’Akesufforch, de
     20  monsigneur Jehan de Montagut, frère au conte de
         Sallebrin, dou signeur de Biaucamp, dou signeur
         de Bercler et dou signeur de le Ware. Tout cil esstoient
         baron et à banière, et plus n’en y eut à celle
         journée. Si fu tantost la grande porte ouverte arrière,
     25  et issirent li dessus dit tout hors.

             [280] Mss. B 4, 3, fº 144.--Ms. B 1, t. II, fº 32:
             «oront.» _Mauvaise leçon._

         Quant li François les veirent issir, et il oïrent
         escriier «Mauni, Mauni, à le rescousse!» si cogneurent
         bien qu’il estoient trahi. Là dist messires Joffrois
         de Chargni une haute parole à monsigneur
    [78] Ustasse de Ribeumont et à monsigneur Jehan de Landas,
         qui n’estoient pas trop loing de li: «Signeur, li
         fuirs ne nous vault riens; et se nous fuions, nous
         sommes perdu davantage. Mieus vault que nous nos
      5  deffendons de bonne volenté contre chiaus qui viennent
         que, en fuiant comme lasque et recreant, nous
         soions pris et desconfi. Espoir sera la journée pour
         nous.»--«Par saint Jorge, respondirent li doi
         chevalier, sire, vous dittes voir et mal dehait ait
     10  qui fuira!»

         Lors se recueillièrent tout cil compagnon et misent
         à piet, et cacièrent leurs chevaus en voies, car il les
         sentoient trop foulés. Quant li rois d’Engleterre les vei
         ensi faire, si fist arrester tout quoi la banière desous
     15  qui il estoit, et dist: «Je me vorrai ci adrecier et
         combatre: on face la plus grant partie de nos gens
         chevaucier avant viers le pont et le rivière de Nulais,
         car j’ay entendu que il en y a là grant fuison à
         piet et à cheval.»

     20  Tout ensi que li rois ordonna, il fu fait. Si se departirent
         de se route jusques à six banières et trois
         cens arciers, et s’en vinrent vers le pont de Nulais
         que messires Moriaus de Fiennes et li sires de Cresekes
         gardoient. Et estoient li arbalestrier de Saint
     25  Omer et d’Aire entre Calais et ce pont, liquel eurent
         ce premier rencontre. Et en y eut occis sus le place
         [que noiiés[281]] plus de six vingt, car il furent tantost
         desconfi et caciet jusques à le rivière. Il estoit encores
         moult matin, mès tantost fu jours. Si tinrent ce
     30  pont li chevalier de Pikardie, li sires de Fiennes et li
    [79] aultre, un grant temps. Et là eut fait tamaintes grans
         apertises d’armes, de l’un lés et de l’autre. Mès li dis
         messires Moriaus de Fiennes, li sires de Kresekes et
         li aultre chevalier qui là estoient, veirent bien que
      5  en le fin il ne le poroient tenir; car li Englès croissoient
         toutdis, qui issoient hors de Calais, et leurs
         gens amenrissoient. Si montèrent sus leurs coursiers
         cil qui les avoient, et moustrèrent les talons, et li
         Englès apriès en cace.

             [281] Mss. B 4, 3, fº 144.--Ms. B 1, t. II, fº 32 vº
             (lacune).

     10  Là eut à celle journée grant encauch et dur, et
         maint homme reversé; et toutefois li bien monté le
         gaegnièrent. Et se sauvèrent li sires de Fiennes, li sires
         de Cresekes, li sires de Saintpi, li sires de Loncvillers,
         li sires de Maunier et pluiseur aultre. Et si en y eut
     15  moult de pris par leur oultrage, qui se fuissent bien
         sauvet, se il volsissent. Mès quant il fu haus jours, et
         il peurent cognoistre l’un l’autre, aucun chevalier et
         escuier se recueillièrent ensamble et se combatirent
         moult vaillamment as Englès, et tant qu’il en y eut
     20  des François qui en cace prisent des bons prisonniers,
         dont il eurent honneur et pourfit.


         § =319=. Nous parlerons dou roy d’Engleterre qui là
         estoit, sans cognissance de ses ennemis, desous le
         banière monsigneur Gautier de Mauni, et compterons
     25  comment il persevera ce jour. Tout à piet et
         de bonne ordenance, il se vint avoech ses gens requerre
         ses ennemis qui se tenoient moult serré, leurs
         lances retaillies de cinq piés par devant yaus. De
         premières venues, il y eut dur encontre et fort bouteis.
     30  Et s’adreça li rois dessus monsigneur Ustasse de
         Ribeumont, liquelz estoit moult fors chevaliers et
    [80] moult hardis et de grant emprise, et qui recueilli le
         roy moult chevalereusement, non qu’il le cognuist,
         ne il ne savoit à qui il avoit à faire. Là se combati li
         rois à monsigneur Ustasse moult longement, et messires
      5  Ustasses à lui, et tant que il les faisoit moult
         plaisant veoir. Depuis, tout en combatant, fu lor bataille
         rompue, car deux grosses routes des uns et des
         aultres vinrent celle part qui les departirent.

         Là eut grant estour et dur et bien combatu. Et y
     10  furent et François et Englès, cescuns en son couvenant,
         très bons chevaliers. Là eut fait pluiseurs grans
         apertises d’armes. Et ne s’i espargna li rois d’Engleterre
         noient, mès estoit toutdis entre les plus drus;
         et eut de le main ce jour le plus à faire à monsigneur
     15  Ustasse de Ribeumont. Là fu ses filz, li jones princes
         de Galles, très bons chevaliers. Et fu li rois abatus
         en jenoulz, [si com je fuis infourmés[282],] par deux fois,
         dou dessus dit monsigneur Ustasse; mès messires
         Gautiers de Mauni et messires Renaulz de Gobehen,
     20  qui estoient dalés lui, l’aidièrent à relever. Là furent
         bon chevalier messires Joffrois de Chargni, messires
         Jehans de Landas, messires Hectors et messires Gauvains
         de Bailluel, li sires de Creki et li aultre. Mais
         de tout les passoit, de bien combatre et vaillamment,
     25  messires Ustasses de Ribeumont.

             [282] Mss. B 4, 3, fº 144 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 33
             (lacune).

         Que vous feroi je lonch recort? La journée demora
         pour les Englès. Et y furent tout pris ou mort
         cil qui avoech monsigneur Joffroy estoient au dehors
         de Calais. Et là furent mort, dont ce fut damages,
     30  messires Henris dou Bos et messires Pepins de Were,
    [81] doi moult vaillant chevalier, et pris messires Joffrois
         de Chargni et tout li aultre. Et tous li daarainniers
         qui y fu pris, et qui ce jour y fist moult d’armes, ce
         fu messires Ustasses de Ribeumont; et le conquist li
      5  rois d’Engleterre par armes. Et li rendi li dis messires
         Ustasses sen espée, non qu’il sceuist que ce fust
         li rois; ains cuidoit que ce fust uns des compagnons
         monsigneur Gautier de Mauni. Et se rendi à lui pour
         celle cause que ce jour il s’estoit continuelment
     10  combatus à lui. Et bien veoit messires Ustasses ossi
         que rendre ou morir le couvenoit. Si bailla au roy
         sen espée et li dist: «Chevaliers, je me rens vostre
         prisonnier.» Et li rois le prist qui en eut grant joie.

         Ensi fu ceste besongne achievée, qui fu desous
     15  Calais, en l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
         cens quarante huit, droitement le darrain jour de
         decembre.


         § =320=. Quant ceste besongne fu toute passée, li
         rois d’Engleterre se retraist en Calais et droit ou
     20  chastiel, et là fist mener tous les chevaliers prisonniers.
         Adonc sceurent bien li François que li rois
         d’Engleterre avoit là esté en propre personne, et desous
         le banière à monsigneur Gautier de Mauni. Si
         en furent plus joiant tout li prisonnier, car il esperoient
     25  qu’il en vaurroient mieulz. Si leur fist dire li
         rois de par lui que, celle nuit de l’an, il leur voloit
         tous donner à souper en son chastiel de Calais, ce
         lor vint à grant plaisance. Or vint li heure dou souper
         que les tables furent couvertes, et que li rois et
     30  si chevalier furent tout appareilliet et fricement et
         richement revesti de noeves robes, ensi comme à
    [82] yaus apertenoit, et tout li François ossi qui faisoient
         grant chière, quoiqu’il fussent prisonnier, mès li rois
         le voloit.

         Quant li soupers fu appareilliés, li rois lava, et fist
      5  laver tous ces chevaliers françois; si s’assist à table,
         et les fist seoir dalés lui moult honnourablement. Et
         les servirent dou premier més li princes de Galles et
         li chevalier d’Engleterre, et au second més il alèrent
         seoir à une aultre table. Si furent servi bien et à pais
     10  et à grant loisir.

         Quant on ot soupé, on leva les tables. Si demora
         li dis rois en la salle entre ces chevaliers françois et
         englès. Et estoit à nu chief, et portoit un capelet de
         fins perles sus son chief. Si commença à aler li rois
     15  de l’un à l’autre, et à entrer en paroles. Si s’en vint
         sa voie et s’adreça sus monsigneur Joffroi de Chargni.
         Et là, en parlant à lui, canga il un peu contenance,
         car il le regarda sus costé en disant: «Messire
         Joffroi, messire Joffroi, je vous doi par raison
     20  petit amer, quant vous voliés par nuit embler ce que
         j’ay si comparet, et qui m’a coustet tant de deniers.
         Si sui moult liés, quant je vous ay mis à l’espreuve.
         Vous en voliés avoir milleur marchiet que je n’en ay
         eu, qui le cuidiés avoir pour vingt mil escus; mais
     25  Diex m’a aidiet, que vous avés falli à vostre entente.
         Encores m’aidera il, se il li plaist, à ma plus grant
         entente.»

         A ces mos passa oultre li rois et laissa ester
         monsigneur Joffroi, qui nul mot n’avait respondu; et
     30  s’en vint devers monsigneur Ustasse de Ribeumont,
         et li dist tout joieusement: «Messire Ustasse, vous
         estes li chevaliers del monde que je veisse onques
    [83] mieus ne plus vassaument assallir ses ennemis ne
         sen corps deffendre. Ne ne trouvai onques, en bataille
         là où je fuisse, qui tant me donnast à faire,
         corps à corps, que vous avés hui fait: si vous en
      5  donne le pris; et ossi font tout li chevalier de ma
         court par droite sieute.»

         Adonc prist li rois le chapelet qu’il portoit sus son
         chief, qui estoit bons et riches, et le mist et assist
         sus le chief à monsigneur Ustasse, et li dist ensi:
     10  «Messire Ustasse, je vous donne ce chapelet pour le
         mieulz combatant de toute la journée de chiaus de
         dedens et de hors, et vous pri que vous le portés
         ceste anée pour l’amour de mi. Je sçai bien que
         vous estes gais et amoureus, et que volentiers vous
     15  vos trouvés entre dames et damoiselles. Si dittes
         partout là où vous venés que je le vous ay donnet.
         Et parmi tant, vous estes mon prisonnier: je vous
         quitte vostre prison; et vous poés partir de matin, se
         il vous plest.»

     20  Quant messires Ustasses de Ribeumont oy le gentil
         roy d’Engleterre ensi parler, vous poés bien croire
         qu’il fu moult resjoïs. Li une raison fu, pour tant
         que li rois li faisoit grant honneur, quant il li donnoit
         le prix de le journée et li avoit assis et mis sur
     25  son chief son propre chapelet d’argent et de perles
         moult bon et moult riche, voiant tant de bons chevaliers
         qui là estoient. Li aultre raison fu, pour tant
         que li gentilz rois li quittoit sa prison. Si respondi
         li dis messires Ustasses ensi, en enclinant le roy
     30  moult bas: «Gentilz sires, vous me faites plus d’onneur
         que je ne vaille. Et Diex vous puist remerir
         la courtoisie que vous me faites! Je sui uns povres
    [84] homs qui desire mon avancement, et vous me donnés
         bien matère et exemple que je traveille volentiers.
         Si ferai, chiers sires, liement et appareilliement
         tout ce dont vous me cargiés. Et apriès le service de
      5  mon très chier et très redoubté signeur le roy, je ne
         sçai nul roy qui je serviroie si volentiers ne si de coer
         comme je feroie vous.»--«Grans mercis, Ustasse,
         respondi li rois d’Engleterre, tout ce croy je vraiment.»
         Assés tost apriés, aporta on vin et espisses.
     10  Et puis se retrest li rois en ses cambres; si donna
         congiet toutes manières de gens.

         A l’endemain au matin, li rois fist delivrer au dit
         messire Ustasse de Ribeumont deux roncins et vingt
         escus pour retourner à son hostel; si prist congiet as
     15  chevaliers de France qui là estoient et qui prisonnier
         demoroient, et qui en Engleterre s’en alèrent avoecques
         le roy, et il retourna en France. Si disoit partout
         où il venoit ce dont il estoit enjoins et cargiés
         de faire, et porta le chapelet toute l’anée, ensi que
     20  li rois li avoit donnet.


         § =321=. En celle anée trespassa de ce siècle la royne
         de France, femme au roy Phelippe et suer germainne
         au duch Oede de Bourgongne. Ossi fist madame
         Bonne, duçoise de Normendie, fille au gentil roy de
     25  Behagne qui demora à Creci. Si furent li pères et li
         filz veves de leurs deus femmes.

         Assés tost apriès, se remaria li rois Phelippes à madame
         Blanche, fille au roy Loeis de Navare qui morut
         devant Argesille. Et ossi se remaria li dus Jehans
     30  de Normendie, fils ainnés dou roy de France, à la
         contesse de Boulongne qui veve estoit de monsigneur
    [85] Phelippe de Bourgongne, son cousin germain, qui
         mors avoit esté devant Aguillon en Gascongne. Comment
         que ces dames feussent moult proçainnes de
         sanc et de linage au père et au fil, si fu ce tout fait
      5  par le dispensation dou pape Clement qui regnoit
         pour ce temps.


         § =322=. Vous avés ci dessus bien oy compter comment
         li jones contes Loeis de Flandres fiança en l’abbeye
         de Berghes madame Ysabiel d’Engleterre, fille
     10  au roy Edouwart, et comment, malicieusement et par
         grant avis, depuis qu’il fu retournés en France où il
         fu receus liement, [il[283]] li fu dit dou roy et de tous
         les barons qu’il avoit trop bien ouvret et très sagement,
         car cilz mariages ne li valloit riens, ou cas que
     15  par constrainte on li voloit faire faire. Et li dist li
         rois que il le marieroit bien ailleurs, à son plus grant
         honneur et pourfit. Si demora la cose en cel estat un
         an ou environ.

             [283] Mss. B: «et.» Ms. B 1, t. II, fº 34 vº.

         De ceste avenue n’estoit mies courouciés li dus
     20  Jehan de Braibant qui tiroit pour sen ainnée fille,
         excepté une qui avoit eu le conte de Haynau, à ce
         jone conte de Flandres. Si envoia tantost grans messages
         en France devers le roy Phelippe, en priant
         que il volsist laissier ce mariage au conte de Flandres
     25  pour sa moyenne, et il li seroit bons amis et
         bons voisins à tousjours mès, ne jamais ne [s’armeroit[284]],
         ne enfant qu’il euist, pour le roy d’Engleterre.

             [284] Mss. B 4, 3, fº 145 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 34 vº:
             «s’ameroit.» _Mauvaise leçon._

    [86] Li rois de France, qui sentoit le duc de Braibant
         un grant signeur, et qui bien le pooit nuire et aidier,
         se il voloit, s’enclina à ce mariage plus que à nul
         aultre. Et manda au duch de Braibant, se il pooit
      5  tant faire que li pays de Flandres fust de son acord,
         il veroit volentiers le mariage et le conseilleroit
         entirement au conte de Flandres son cousin. Li dus de
         Braibant respondi que oil, et de ce se faisoit il fors.

         Si envoia tantost li dus de Braibant en Flandres
     10  grans messages par devers les bonnes villes, pour
         trettier et parlementer de ce mariage. Et prioit li
         dus de Braibant, l’espée en le main; car il leur faisoit
         dire, se il le marioient ailleurs que à sa fille, il leur
         feroit guerre; et se la besongne se faisoit, il leur
     15  seroit, en droite unité, aidans et confortans contre
         tous aultres signeurs. Li consaulz des bonnes villes
         de Flandres ooient les prommesses et les parolles
         que li dus de Braibant leurs voisins leur offroit. Et
         veoient que leurs sires n’estoit mies en leur volenté,
     20  mès en l’ordenance dou roy de France et de madame
         sa mère. Et ossi leurs sires avoit tout entirement
         le coer françois. Si regardèrent pour le milleur,
         tout consideré, ou cas que li dus de Braibant l’avoit
         si encargié, qui estoit pour le temps uns très puissans
     25  sires et de grant emprise, [que[285]] mieulz valoit que
         il le mariaissent là que aultre part, et que par ce
         mariage il demorroient en paix et raroient leur signeur
         que moult desiroient à ravoir: si ques finablement
         il s’i acordèrent.

             [285] Mss. B 4, 3, fº 146.--Ms. B 1, t. II, fº 35: «qui.»
             _Mauvaise leçon._

    [87] Et furent les coses si approcies, que li jones contes
         de Flandres fu amenés à Arras. Et là envoia li dus
         de Braibant monsigneur Godefroy, son ainsnet fil,
         le conte des Mons, le conte de Los et tout son conseil.
      5  Et là furent des bonnes villes de Flandres tout
         li conseil. Si y eut grans parlemens sus ce mariage
         et grans alliances. Finablement, li jones contes jura,
         et tous ses pays pour lui, à prendre et espouser la
         fille au duch de Braibant, mais que li eglise s’i acordast.
     10  Oil, car li dispensation dou pape estoit jà faite.

         Si ne demora mies depuis lonch terme que li dis
         contes vint en Flandres. Et li rendi on fiefs, hommages,
         francises, signouries et juriditions toutes entieres,
         otant [ou[286]] plus que li contes ses pères en avoit
     15  à son temps, en sen plus grant prosperité, goy et
         possessé. Si espousa li dis contes la fille au dessus
         dit duch de Braibant.

             [286] Mss. B 4, 3, fº 146.--Ms. B 1, t. II, fº 35
             (lacune).

         En ce mariage faisant, deurent revenir la bonne
         ville de Malignes et celle d’Anwiers, apriès le mort
     20  dou duch, au conte de Flandres. Mès ces couvenenches
         furent prises si secretement que trop peu de
         gens en seurent parler. Et de tant acata li dus de
         Braibant le conte de Flandres pour sa fille. Dont
         depuis en vinrent grans guerres entre Flandres et
     25  Braibant, si com vous orés touchier çà en avant;
         mais pour ce que ce n’est point de ma principal matère,
         quant je serai venus jusques à là, je m’en passerai
         assés briefment.

         De ce mariage de Flandres, pour le temps de lors,
     30  fu li rois d’Engleterre moult courouciés sus toutes
    [88] les parties au duc de Braibant qui ses cousins germains
         estoit, quant il li avoit tolut le pourfit de sa
         fille que li contes de Flandres en avant avoit fiancie,
         et sus le conte de Flandres ossi, pour tant que
      5  il li avoit falli de couvent. Mais li dus de Braibant
         s’en escusa bien et sagement depuis, et ossi fist li
         contes de Flandres.


         § =323=. En ce temps avoit grant rancune entre le
         roy d’Engleterre et les Espagnolz, pour aucunes
     10  malefaçons et pillages que li dit Espagnol avoient fait
         sus mer as Englès. Dont il avint que, en celle anée,
         li Espagnol, qui estoient venu en Flandres pour leurs
         marcheandises, furent enfourmé que il ne poroient
         retourner en leur pays qu’il ne fuissent rencontré
     15  des Englès. Sur ce eurent conseil li Espagnol et avis,
         qui n’en fisent mies trop grant compte. Et se pourveirent
         bien et grossement, et leurs nefs et leurs
         vaissiaus, à l’Escluse, de toutes armeures et de bonne
         artillerie, et retinrent toutes manières de gens, saudoiiers,
     20  arciers et arbalestriers, qui voloient prendre
         et recevoir leurs saudées. Et attendirent tout l’un
         l’autre; et fisent leurs emploites et marcheandises,
         ainsi qu’il apertenoit.

         Li rois d’Engleterre, qui les avoit grandement
     25  enhay, entendi qu’il se pourveoient grossement; si
         dist tout hault: «Nous avons maneciet ces Espagnolz,
         de lonch temps a, et nous ont fais pluiseurs
         despis; et encores n’en viènent il à nul amendement,
         mais se fortefient contre: si fault qu’il soient
     30  recueilliet au rapasser.» A celle devise s’acordèrent
         legierement ses gens, qui desiroient que li Espagnol
    [89] fuissent combatu. Si fist li dis rois un grant et especial
         mandement de tous ses gentilz hommes qui pour
         le temps estoient en Engleterre, et se parti de Londres,
         et s’en vint en le conté d’Exesses qui siet sus le
      5  mer, entre Hantonne et Douvres, à l’encontre dou
         pays de Pontieu et de Dieppe. Et vint là tenir son
         hostel en une abbeye sus le mer, et proprement madame
         la royne sa femme y vint.

         En ce temps vint devers le roy, et là en ce propre
     10  lieu, cilz gentilz chevaliers messires Robers de Namur,
         qui nouvellement estoit revenus d’oultre mer; se li
         chei si bien qu’il fu à celle armée. Et fu li rois
         d’Engleterre moult resjoïs de sa venue.

         Quant li rois dessus nommés sceut que poins fu et
     15  que li Espagnol devoient rapasser, il se mist sus mer
         à moult belle gent d’armes, chevaliers et escuiers, et
         à plus grant quantité de haus signeurs que onques
         ewist en nul voiage que il fesist.

         En celle anée avoit il fait et creé son cousin, le
     20  conte Henri Derbi, duch de Lancastre, et le baron
         de Stanfort, conte de Stanfort; si estoient avoecques
         li en celle armée, et si doi fil, li princes de Galles et
         Jehans, contes de Ricemont: mès cilz estoit encores
         si jones que point il ne s’armoit, mais l’avoit li
     25  princes avoecques lui en sa nef, pour ce que moult
         l’amoit. Là estoient li contes d’Arondiel, li contes
         de Norhantonne, li contes de Herfort, li contes de
         Sufforch, li contes de Warvich, messires Renaulz de
         Gobehen, messires Gautiers de Mauni, messires
     30  Thumas de Hollandes, messires Loeis de Biaucamp,
         messires James d’Audelée, messires Bietremieus de
         Brues, li sires de Persi, li sires de Moutbrai, li sires
    [90] de Nuefville, li sires de Clifford, li sires de Ros, li
         sires de Grastoch, li sires de Bercler et moult d’aultres.
         Et estoit li rois là acompagniés de quatre cens
         chevaliers; ne onques n’eut tant de grans signeurs
      5  ensamble, en besongne où il fust, comme il ot là. Si
         se tinrent li rois et ses gens sus mer en leurs vaissiaus,
         tous fretés et appareilliés pour attendre leurs
         ennemis; car ilz estoient enfourmé que il devoient
         rapasser, et point n’attenderoient longement; et se
     10  tinrent à l’ancre trois jours entre Douvres et Calais.


         § =324=. Quant li Espagnol eurent fait leur emploite
         et leur marcheandise, et il eurent cargiet leurs vaissiaus
         de draps, de toilles et de tout ce que bon et
         pourfitable leur sambloit pour remener en leur pays,
     15  et bien savoient que il seroient rencontré des Englès,
         mais de tout ce ne faisoient il compte, il s’en
         vinrent en le ville de l’Escluse, et entrèrent en leurs
         vaissiaus. Et jà les avoient il pourveus telement et
         si grossement de toute artillerie que merveilles seroit
     20  à penser, et ossi de gros barriaus de fer forgiés et
         fais tous faitis pour lancier et pour effondrer nefs,
         en lançant de pières et de cailliaus sans nombre.
         Quant il perçurent qu’il avoient le vent pour yaus,
         il se desancrèrent. Et estoient quarante grosses nefs
     25  tout d’un train, si fortes et si belles que plaisant les
         faisoit veoir et regarder. Et avoient à mont ces mas
         chastiaus breteskiés, pourveus de pières et de cailliaus
         pour jetter, et brigant qui les gardoient. Là
         estoient encores sus ces mas ces estramières armoiies
     30  et ensegnies de leurs ensengnes qui baulioient au
         vent et venteloient et freteloient: c’estoit grans biautés
    [91] dou veoir et imaginer. Et me samble que, se li
         Englès avoient grant desir d’yaus trouver, encores
         l’avoient il grignour, ensi que on en vei l’apparant,
         et que je vous dirai ci apriès. Cil Espagnol estoient
      5  bien dix mil, uns c’autres, parmi les saudoiiers que
         il avoient pris et retenus à gages en Flandres. Si se
         sentoient et tenoient fort assés pour combatre sus
         mer le roy d’Engleterre et se poissance. Et en celle
         entente s’en venoient il tout nagant et singlant à
     10  plain vent, car il l’avoient pour yaus, par devers
         Calais.

         Li rois d’Engleterre, qui estoit sus mer avec sa
         navie, avoit jà ordonné toutes ses besongnes et dit
         comment il voloit que on se combatesist et que on
     15  fesist; et avoit monsigneur Robert de Namur fait
         maistre d’une nef, que on appelloit _La Sale dou Roy_,
         où tous ses hostelz estoit. Si se tenoit li rois
         d’Engleterre ou chief de sa nef, vestis d’un noir jake de
         veluiel; et portoit sus son chief un noir capelet de
     20  [bièvre[287]], qui moult bien li seoit. Et estoit adonc,
         selonch ce que dit me fu par chiaus qui avoec lui
         estoient pour ce jour, ossi joieus que on le vei onques.
         Et faisoit ses menestrelz corner devant lui une
         danse d’Alemagne, que messires Jehans Chandos, qui
     25  là estoit, avoit nouvellement raporté. Et encores par
         ebatement il faisoit le dit chevalier chanter avoech
         ses menestrelz, et y prendoit grant plaisance. Et à
         le fois regardoit en hault, car il avoit mis une gette
         ou chastiel de sa nef, pour noncier quant li Espagnol
     30  venroient.

             [287] Mss. B 3, 4, fº 167.--Ms. B 1: «bevenes.»
             _Mauvaise leçon._

    [92] Ensi que li rois estoit en ce deduit, et que tout li
         chevalier estoit moult liet de ce que il [le] veoient
         si joieus, li gette, qui perçut nestre la navie des
         Espagnolz, dist: «Ho! j’en voi une venir, et me
      5  samble une nef d’Espagne.» Lors s’apaisièrent li
         menestrel; et li fu de recief demandé se il en veoit
         plus. Assés tost apriès, il respondi et dist: «Oil, j’en
         voi deus, et puis trois, et puis quatre.» Et puis dist,
         quant il vey la grosse flote: «J’en voy tant, se Diex
     10  m’ayt, que je ne les puis compter.» Adonc cogneurent
         bien li rois et ses gens que c’estoient li Espagnol.
         Si fist li rois sonner ses trompètes, et se remisent
         et recueillièrent ensamble toutes leurs nefs
         pour estre en milleur ordenance et jesir plus segurement,
     15  car bien savoient que il aroient la bataille,
         puisque li Espagnol venoient en si grant flote. Jà
         estoit tard, ensi que sus l’eure de vespres ou environ.
         Si fist li rois aporter le vin, et but, et tout si
         chevalier, et puis mist le bacinet en la tieste, et ossi
     20  fisent tout li aultre. Tantost approcièrent li Espagnol
         qui s’en fuissent bien alé sans combatre, se il volsissent,
         car selonch ce que il estoient bien freté et
         en grans vaissiaus et avoient le vent pour yaus, il
         n’euissent jà parlé as Englès, se il vosissent; mès, par
     25  orgueil et par presumption, il ne daignièrent passer
         devant yaus qu’il ne parlaissent. Et s’en vinrent tout
         de fait et par grant ordenance commencier la
         bataille.


         § =325=. Quant li rois d’Engleterre, qui estoit en sa
     30  nef, en vei la manière, si adreça sa nef contre une
         nef espagnole qui venoit tout devant, et dist à celui
    [93] qui gouvrenoit son vaissiel: «Adreciés vous contre
         ceste nef qui vient, car je voeil jouster contre li.»
         Li maronniers n’euist jamais oset faire le contraire,
         puisque li rois le voloit. Si s’adreça contre celle nef
      5  espagnole, qui s’en venoit au vent, de grant randon.
         La nef dou roy estoit forte et bien loiie, aultrement
         celle euist esté rompue; car elle et la nef espagnole,
         qui estoit grande et grosse, s’encontrèrent de tel ravine
         que ce sambla uns tempestes qui là fust cheus.
     10  Et dou rebombe qu’il fisent, li chastiaus de la nef
         dou roy d’Engleterre consievi le chastiel de la nef
         espagnole par tel manière, que li force dou mas le
         rompi amont sus le mas où il seoit, et le reversa
         en le mer. Si furent cil noiiet et perdu qui ens
     15  estoient.

         De cel encontre fu la nef dou dit roy si estonnée
         que elle fu crokie, et faisoit aigue tant que li chevalier
         dou roy s’en perçurent; mès point ne le dirent
         encores au roy, ains s’ensonnièrent de widier et
     20  d’espuisier. Adonc dist li rois, qui regarda la nef
         contre qui il avoit jousté qui se tenoit devant lui:
         «Acrokiés ma nef à ceste, car je le voeil avoir.»
         Dont respondirent si chevalier: «Sire, laissiés aler
         ceste, vous arés milleur.» Ceste nef passa oultre, et
     25  une aultre grosse nef vint; si acrokièrent à cros
         de fer et de kainnes li chevalier dou roy leur nef à
         celle.

         Là se commença bataille dure, forte et fière, et
         arcier à traire, et Espagnol à yaus combatre et deffendre
     30  de grant volenté, et non pas tant seulement
         en un lieu, mès en dix ou en douze. Et quant il se
         veoient à jeu parti, ou plus fort de leurs ennemis,
    [94] il s’acrokoient et là faisoient merveilles d’armes. Si
         ne l’avoient mies li Englès d’avantage. Et estoient cil
         Espagnol en ces grosses nefs plus hautes et plus
         grandes assés que les nefs englesces ne fuissent; si
      5  avoient grant avantage de traire, de lancier et de
         getter grans bariaus de fier dont il donnoient moult
         à souffrir les Englès.

         Li chevalier dou roy d’Engleterre, qui en sa nef
         estoient, pour tant que elle estoit en peril d’estre
     10  effondrée, car elle traioit aigue, ensi que chi dessus
         est dit, se haitoient durement de conquerre la nef
         où il estoient acrokiet. Et là eut fait pluiseurs grans
         apertises d’armes. Finablement, li rois et chil de son
         vaissiel se portèrent si bien que ceste nef fu conquise,
     15  et tout chil mis à bort qui dedens estoient.

         Adonc fu dit au roy le peril où il estoit, et comment
         sa nef faisoit aigue, et que il se mesist en celle
         que conquis avoit. Li rois crut ce conseil, et entra
         en le ditte nef espagnole, et ossi fisent si chevalier
     20  et tout chil qui dedens estoient. Et laissièrent l’autre
         toute vuide, et puis entendirent à aler avant et à
         envaïr leurs ennemis qui se combatoient moult vassaument,
         et avoient arbalestriers qui traioient quariaus
         de fors arbalestres qui moult travilloient les
     25  Englès.


         § =326=. Ceste bataille sus mer des Espagnolz et des
         Englès fu durement forte et bien combatue; mais
         elle commença tart. Si se prendoient li Englès priès
         de bien faire la besongne et desconfire leurs ennemis.
     30  Ossi li Espagnol, qui sont gens usé de mer et qui estoient
         en grans vaissiaus et fors, s’acquittoient loyaument
    [95] à leur pooir. Li jones princes de Galles et cil de
         sa carge se combatoient d’autre part. Si fu leur nefs
         acrokie et arrestée d’une grosse nefe espagnole. Et là
         eurent li princes et ses gens moult à souffrir, car
      5  leur nef fu trawée[288] et pertruisie en pluiseurs lieus:
         dont li yawe entroit à grant randon dedens; ne pour
         cause que on entendesist à l’espuisier, point ne demoroit
         que elle n’apesandesist toutdis. Pour laquel
         doubte les gens dou prince estoient en grant angousse,
     10  et se combatoient moult aigrement pour conquerre
         la nef espagnole; mais il n’i pooient avenir, car
         elle estoit gardée et deffendue de grant manière.

             [288] Ms. B 4, fº 147 vº: «trauée.»--Ms. B 3: «trouée.»
             Fº 168.

         Sus ce peril et ce dangier où li princes et ses
         gens estoient, vint li dus de Lancastre tout arifflant,
     15  en costiant la nef dou prince. Si cogneut tantost que
         il n’en avoient mies le milleur, et que leur nefs avoit
         à faire, car on gettoit aigue hors à tous lés. Si ala
         autour et s’arresta à la nef espagnole, et puis escria:
         «[D]erbi, à le rescousse!» Là furent cil Espagnol envay
     20  et combatu de grant façon, et ne durèrent point
         depuis longement. Si fu leur nefs conquise, et yaus
         tout mis à bort, sans nullui prendre à merci. Si
         entrèrent li princes de Galles et ses gens dedens; à
         painnes eurent il si tost fait que leur nefs effondra. Si
     25  considerèrent adonc plus parfaitement le grant peril
         où il avoient esté.


         § =327=. D’autre part, se combatoient li baron et li
         chevalier d’Engleterre, cescuns selonch ce que ordonnés
         et establis estoit. Et bien besongnoit qu’il
    [96] fuissent fort et remuant, car il trouvoient bien à qui
         parler. Ensi que sus le soir tout tart, la nef de _La
         Sale dou Roy_ d’Engleterre, dont messires Robers de
         Namur estoit chiés, fu acrokie d’une grosse nef d’Espagne,
      5  et là eut grant estour et dur. Et pour ce que
         li dit Espagnol voloient celle nef mieulz mestriier à
         leur aise, et avoir chiaus qui dedens estoient, et
         l’avoir ossi, il misent grant entente que il l’en menaissent
         avoec yaus. Si traisent leur single amont, et prisent
     10  le cours dou vent et l’avantage, et se partirent
         maugré les maronniers de monsigneur Robert et
         chiaus qui avoech lui estoient; car la nef espagnole
         estoit plus grande et plus grosse que la leur ne le fust:
         si avoient bon avantage dou mestriier. Ensi en alant
     15  il passèrent devant la nef dou roy; si disent: «Rescoués
         _La Sale dou Roy_!» Mais il ne furent point
         entendu, car il estoit ja tart; et s’il furent oy, si ne
         furent il point rescous.

         Et croy que cil Espagnol les en euissent menés à
     20  leur aise, quant uns varlés de monsigneur Robert,
         qui s’appelloit Hanekin, fist là une grant apertise
         d’armes; car, l’espée toute nue ou poing, il s’escueilla
         et salli en la nef espagnole, et vint jusques au mast et
         copa le cable qui porte le voile, par quoi li voiles
     25  chei et n’eut point de force. Car avoech tout ce, par
         grant apertise de corps, il copa quatre cordes souverainnes
         qui gouvrenoient le mas et le voille, par quoi
         li dis voilles chei en la nef. Et s’arresta la nef toute
         quoie, et ne peut aler plus avant. Adonc s’avancièrent
     30  messires Robers de Namur et ses gens quant il
         veirent cel avantage, et salirent en la nef espagnole
         de grant volenté, les espées toutes nues ens ès mains;
    [97] et requisent et envaïrent chiaus que là dedens il trouvèrent,
         telement qu’il furent tout mort et mis à bort,
         et la nef conquise.


         § =328=. Je ne puis mies de tous parler ne dire:
      5  «Cilz le fist bien, ne cilz mieulz»; mais là eut, le
         terme que elle dura, moult forte bataille et moult
         aspre. Et donnèrent li Espagnol au roy d’Engleterre
         et à ses gens moult à faire. Toutes fois, finablement,
         la besongne demora pour les Englès, et y perdirent
     10  li Espagnol quatorze nefs; li demorant passèrent oultre
         et se sauvèrent. Quant il furent tout passet, et
         que li dis rois et ses gens ne se savoient à qui combatre,
         il sonnèrent leurs trompètes de retrette; si
         se misent à voie devers Engleterre, et prisent terre à
     15  Rie et à Wincenesée, un peu apriès jour falli.

         A celle propre heure, issirent li rois et si enfant, li
         princes et li contes de Ricemont, li dus de Lancastre
         et aucun baron qui là estoient, hors de leurs nefs,
         et prisent chevaus en le ville, et chevaucièrent devers
     20  le manoir la royne qui n’estoit mies deus liewes
         englesces loing de là. Si fu la royne grandement resjoïe,
         quant elle vei son signeur et ses enfans; et avoit
         en ce jour tamainte grant angousse de coer, pour le
         doubtance des Espagnolz. Car à ce lés là des costes
     25  d’Engleterre, on les avoit, des montagnes, bien veu
         combatre, car il avoit fait moult cler et moult bel. Si
         avoit on dit à la royne, car elle l’avoit voulu savoir,
         que li Espagnol avoient plus de quarante grosses
         nefs. Pour ce fu la royne toute reconfortée, quant
     30  elle vei son mari et ses enfans. Si passèrent celle
         nuit li signeur et les dames en grant reviel, en parlant
    [98] d’armes et d’amours. A l’endemain, revinrent
         devers le roy la grignour partie des barons et chevaliers
         qui à le bataille avoient esté. Si les remercia li
         rois grandement de leur bienfait et de leur service, et
      5  puis prisent congiet, et s’en retourna cescuns chiés
         soy.


         § =329=. Vous avés ci dessus bien oy recorder comment
         Aymeris de Pavie, uns Lombars, deut rendre
         et livrer le chastiel et le forte ville de Calais as François
     10  pour une somme de florins, et comment il leur
         en chei. Voirs est que messires Joffrois de Chargni
         et li aultre chevalier, qui avoecques lui furent menet
         en prison en Engleterre, se rançonnèrent au plus tost
         qu’il peurent, et paiièrent leurs raençons, et puis
     15  retournèrent en France. Si s’en vint comme en
         devant li dis messires Joffrois demorer en le ville
         de Saint Omer, par le institution dou roy Phelippe
         de France. Si entendi li dessus dis que cilz Lombars
         estoit amasés en un petit chastiel en le marce
     20  de Calais, que on dist Fretin, que li rois d’Engleterre
         li avoit donnet. Et se tenoit là tous quois li dis
         Aymeris et se donnoit dou bon temps, et avoit avoecques
         lui une trop belle femme à amie que il avoit
         amenet d’Engleterre. Et cuidoit que li François euissent
     25  oubliiet la courtoisie qu’il leur avoit fait, mès
         non avoient, ensi que bien apparut. Car si tretost
         que messires Joffrois sceut que li dis Aymeris estoit
         là arrestés, il enquist et demanda secretement à
         chiaus dou pays, qui cognissoient celle maison de
     30  Fretin, se on le poroit avoir; il en fu enfourmés que
         oil trop legierement. Car cilz Aymeris ne se tenoit
    [99] en nulle doubte, mès ossi segur en son chastiel, sans
         garde et sans get, que donc qu’il fust à Londres ou
         en Calais.

         Adonc li messires Joffrois ne mist mies en non caloir
      5  ceste besongne, mès fist en Saint Omer une assamblée
         de gens d’armes tout secretement, et prist les
         arbalestriers de le ditte ville avoech lui, et se parti
         de Saint Omer sus un vespre; et chemina tant toute
         nuit avoecques ses gens que, droitement au point dou
     10  jour, il vinrent à Fretin. Si environnèrent le chastelet
         qui n’estoit mies grans; et entrèrent chil de piet ens ès
         fossés, et fisent tant qu’il furent oultre. Les mesnies de
         laiens s’esvillièrent pour le friente, et vinrent à leur
         mestre qui se dormoit, et li disent: «Sire, or tos levés
     15  vous sus, car il y a là dehors grans gens d’armes
         qui mettent grant entente à entrer ceens.» Aymeris
         fu tous effraés, et se leva dou plus tost qu’il peut;
         mès il ne sceut onques si tost avoir fait que se cours
         fu plainne de gens d’armes. Si fu pris à mains, et sen
     20  amie tant seulement: on ne viola onques de plus
         riens le chastiel, car triewes estoient entre les François
         et les Englès. Et ossi messires Joffrois ne voloit
         aultrui que cel Aymeri; si en ot grant joie, quant il
         le tint et le fist amener en le ville de Saint Omer.
     25  Et ne le garda gaires depuis longement, quant
         il le fist morir à grant martire ens ou marchiet,
         present les chevaliers et escuiers dou pays qui mandé
         y furent et le commun peuple. Ensi fina Aymeris de
         Pavie, mès sen amie n’eut garde, car il le descoupa
     30  à le mort, et depuis se mist la damoiselle avoecques
         un escuier de France.


   [100] § =330=. En l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
         cens quarante neuf, alèrent li peneant, et issirent
         premierement d’Alemagne. Et furent gens qui faisoient
         penitances publikes et se batoient d’escorgies à bourdons
      5  et aguillons de fier, tant qu’il desciroient leurs
         dos et leurs espaules. Et chantoient cançons moult
         piteuses de le nativité et souffrance Nostre Signeur.
         Et ne pooient par leur ordenance jesir que une nuit
         en une bonne ville, et se partoient d’une ville par
     10  compagnie tant dou plus que dou mains. Et aloient
         ensi par le pays faisant leur penitance trente trois jours
         et demi, otant que Jhesu Cris ala par terre d’ans, et
         puis retournoient en leurs lieus.

         Si fu ceste cose commencie par grant humilité, et
     15  pour priier à Nostre Signeur qu’il vosist refraindre son
         ire et cesser ses verges; car en ce temps, par tout le
         monde generalment, une maladie, que on claime
         epydimie, couroit: dont bien la tierce partie dou
         monde morut. Et furent faites par ces penitances
     20  pluiseurs belles pais de mors d’ommes, où en devant
         on ne pooit estre venu par moiiens ne aultrement.
         Si ne dura point ceste cose lonch terme, car li eglise
         ala au devant. Et n’en entra onques nulz ou royaume
         de France, car li rois le deffendi, par le inhibition et
     25  correction dou pape qui point ne volt approuver que
         ceste cose fust de vaille à l’ame, pour pluiseurs grans
         articles de raison que il y mist, desquels je me passerai
         briefment. Et furent tout beneficiiet et tout
         clerch qui esté y avoient, escumeniiet. Et en couvint
     30  les pluiseurs aler en court de Romme pour yaus purgier
         et faire absorre.

         En ce temps furent generalment par tout le monde
   [101] pris li Juis et ars, et acquis li avoirs as signeurs desous
         qui il demoroient, excepté en Avignon et en le
         terre de l’eglise desous les èles dou pape. Chil povre
         Juis, qui ensi escaciet estoient, quant il pooient venir
      5  jusques à là, n’avoient garde de mort. Et avoient li
         Juis sorti bien cent ans en devant que, quant une
         manière de gens apparroient au monde qui venir devoient,
         qui porteroient flaiaus de fier, ensi le bailloit
         leurs sors, il seroient tout destruit. Et ceste exposition
     10  leur fu esclarcie, quant li dessus dit penitancier alèrent
         yaus batant, ensi que dessus est dit.


         § =331=. En l’an de grasce Nostre Signeur mil trois
         cens et cinquante, trespassa de ce siècle li rois Phelippes
         de France; si fu ensepelis en l’abbeye de Saint
     15  Denis. Et puis fu Jehans ses ainnés filz, li dus de Normendie,
         rois, et sacrés et couronnés en l’eglise de Nostre
         Dame de Rains, à très haut solennité. Apriès son
         couronnement, il s’en retourna à Paris, et entendi à
         faire ses pourveances et ses besongnes, car les triewes
     20  estoient faillies entre lui et le roy d’Engleterre. Et envoia
         grant gens d’armes à Saint Omer, à Ghines, à
         Tieruane, à Aire et tout sus les frontières de Calais,
         par quoi li pays fust bien gardés des Englès. Et
         vint en imagination au roy qu’il s’en yroit en Avignon
     25  veoir le pape et les cardinaulz, et puis passeroit
         oultre vers Montpellier et viseteroit la langue d’och,
         ce bon cras pays, et puis s’en iroit en Poito et en
         Saintonge, et metteroit le siège devant Saint Jehan
         l’Angelier.

     30  Si fist li dis rois ordonner ses pourveances grandes
         et grosses partout, si comme il devoit aler et passer.
   [102] Mais avant toutes coses, ançois que il se partesist de
         Paris, et tantost apriès le trespas dou roy Phelippe
         son père, il fist mettre hors de prison ses deus cousins
         germains, Jehan et Charle, jadis filz à monsigneur
      5  Robert d’Artois, qui avoient esté en prison plus de
         quinze ans, et les tint dalés lui. Et pour ce que li rois
         ses pères leur avoit tolut et osté leurs hiretages, il leur
         en rendi assés pour yaus deduire et tenir bon estat
         et grant. Cilz rois Jehans ama moult grandement ses
     10  proçains de père et de mère, et prist en grant chierté
         ses deus aultres cousins germains monsigneur Pière,
         le gentil duch de Bourbon, et monsigneur Jakeme de
         Bourbon son frère, et les tint toutdis les plus especiaulz
         de son conseil. Et certainnement bien le valoient,
     15  car il furent sage, vaillant et gentil chevalier
         et de grant providense.

         Si se parti li rois Jehans de Paris en grant arroy et
         poissant, et prist le chemin de Bourgongne, et fist
         tant par ses journées qu’il vint en Avignon. Si fu receus
     20  dou pape et dou collège joieusement et grandement,
         et sejourna là une espasse de temps. Et puis
         s’en parti et prist le chemin de Montpellier; si sejourna
         en la ditte ville plus de quinze jours. Et là li
         vinrent faire hommage et relever leurs terres li conte,
     25  li visconte, li baron et li chevalier de le langue d’ok,
         desquelz il y a grant fuison. Si y renouvela li rois
         seneschaus, baillius et tous aultres officiiers, desquelz il
         en laissa aucuns, et aucuns en osta. Et puis chevauça
         oultre, et fist tant par ses journées que il entra ou
     30  bon pays de Poito. Si s’en vint reposer et rafreschir
         à Poitiers, et là fist un grant mandement et amas de
         gens d’armes. Si gouvrenoit l’offisce de le connestablie
   [103] de France, pour le temps d’adonc, li chevaliers
         del monde que le plus il amoit, car il avoient esté
         ensamble nouri d’enfance, messires Charles d’Espagne.
         Et estoient mareschal de France messires Edowars,
      5  sires de Biaugeu, et messires Ernoulz d’Audrehen.

         Si vous di que li rois en se nouveleté s’en vint
         poissamment mettre le siège devant le bonne ville
         de Saint Jehan l’Angelier. Et par especial li baron et
     10  li chevalier de Poito, de Saintonge, de Ango, [du
         Maine[289]], de Tourainne, y estoient tout. Si environnèrent,
         ces gens d’armes, le ville de Saint Jehan
         telement que nulz vivres ne leur pooient venir. Si
         s’avisèrent li bourgois de le ville qu’il manderoient secours
     15  à leur signeur le roy d’Engleterre, par quoi il
         volsist là envoiier gens qui les peuissent ravitaillier,
         car il n’avoient mies vivres assés pour yaus tenir
         oultre un terme que il y ordonnèrent; car il avoient
         partout alé et viseté cescun hostel selonch son aisement.
     20  Et ensi le segnefiièrent il autentikement au roy
         d’Engleterre par certains messages, qui tant esploitièrent
         qu’il vinrent en Engleterre et trouvèrent le
         roy ens ou chastiel de Windesore; se li baillièrent
         les lettres de ses bonnes gens de le ville de Saint
     25  Jehan l’Angelier. Si les ouvri li dis rois et les fist
         lire par deus fois, pour mieus entendre la matère.

             [289] Ms. B 3, fº 170.--Mss. B 1, 4: «de Humainne.»
             _Mauvaise leçon._


         § =332=. Quant li rois d’Engleterre entendi ces nouvelles
         que li rois de France et li François avoient
         assegiet le ville de Saint Jehan, et prioient qu’il fuissent
   [104] reconforté et ravitailliet, si respondi li rois si
         hault que tout l’oïrent: «C’est bien une requeste
         raisonnable et à laquèle je doy bien entendre.» Et
         respondi as messages: «J’en ordonnerai temprement.»
      5  Depuis ne demora gaires de temps que li
         rois ordonna d’aler celle part monsigneur Jehan de
         Biaucamp, monsigneur Loeis et monsigneur Rogier
         de Biaucamp, le visconte de Byaucamp, monsigneur
         Jame d’Audelée, monsigneur Jehan Chandos, monsigneur
     10  Bietremieu de Brues, monsigneur Jehan de
         Lille, monsigneur Guillaume Fil Warine, le signeur
         de Fil Watier, monsigneur Raoul de Hastinges, monsigneur
         Raoul de Ferrières, monsigneur Franke de
         Halle et bien quarante chevaliers. Et leur dist que il
     15  les couvenoit aler à Bourdiaus, et leur donna certainnes
         ensengnes pour parler au signeur de Labreth,
         au signeur de Mouchident, au signeur de
         Lespare et as signeurs de Pommiers, ses bons amis,
         en yaus priant de par lui que il se volsissent priés
     20  prendre de conforter la ville de Saint Jehan par quoi
         elle fust rafreschie.

         Cil baron et chevalier dessus nommet furent tout
         resjoy, quant li rois les voloit emploiier. Si s’ordonnèrent
         dou plus tost qu’il peurent et vinrent à Hantonne,
     25  et là trouvèrent vaissiaus et pourveances
         toutes appareillies: si entrèrent ens; et pooient estre
         environ trois cens hommes d’armes et six cens
         arciers. Si singlèrent tant par mer, que il ancrèrent
         ou havene de Bourdiaus; si issirent de leurs vaissiaus
     30  sus le kay. Et furent grandement bien receu
         et recueilliet des bourgois de le cité et des chevaliers
         gascons qui là estoient et qui attendoient ce
   [105] secours venu d’Engleterre. Li sires de Labreth et li
         sires de Mouchident n’i estoient point pour le jour;
         mès si tost qu’il sceurent le flote des Englès venue,
         il se traisent celle part. Si se conjoïrent grandement
      5  quant il se trouvèrent tout ensamble; et fisent leurs
         ordenances au plus tost qu’il peurent, et passèrent
         la Garone et s’en vinrent à Blaves. Si fisent cargier
         soixante sommiers de vitaille pour rafreschir chiaus
         de Saint Jehan, et puis se misent au chemin celle
     10  part; et estoient cinq cens lances et quinze cens arciers
         et trois mille brigans à piet. Si esploitièrent tant
         par leurs journées que il vinrent à une journée priès
         de le rivière de Carente.

         Or vous dirai des François et comment il s’estoient
     15  ordonné. Bien avoient il entendu que li Englès
         estoient arivet à Bourdiaus, et faisoient là leur
         amas pour venir lever le siège et rafreschir la ville de
         Saint Jehan. Si avoient ordonné li mareschal que messires
         Jehans de Saintré, messires Guichars d’Angle,
     20  messires Boucicaus, messires Guis de Neelle, li sires de
         Pons, li sires de Partenay, li sires de Puiane, li sires
         de Tannai Bouton, li sires de Surgières, li sires de
         Crusances, li sires de Linières, [li sires de Matefelon[290]]
         et grant fuison de barons et de chevaliers jusques à
     25  cinq cens lances, toutes bonnes gens à l’eslite, s’en
         venissent garder le pont sus le rivière de le Charente
         par où li Englès devoient passer. Si estoient là
         venu li dessus dit et logiet tout contreval le rivière.
         Et avoient pris le pont li Englès; et li Gascon qui
     30  chevauçoient celle part ne savoient riens de cela,
   [106] car, se il le sceuissent, il euissent ouvré par aultre
         ordenance; mès estoient tout conforté de passer le
         rivière au pont desous le chastiel de Taillebourch.
         Si s’en venoient une matinée par bonne ordenance,
      5  leur vitaille toute arroutée, par devant yaus, et
         chevaucièrent tant que il vinrent assés priès dou pont,
         et envoiièrent leurs coureurs courir devers le pont.
         Si reportèrent chil qui envoiiet y furent, à leurs signeurs,
         que li François estoient tout rengiet et ordonnet
     10  au pont, et le gardoient telement que on ne
         le pooit passer.

             [290] Mss. B 4, 3, fº 150.--Ms. B 1, t. II, fº 41
             (lacune).

         Si furent li Englès et li Gascon tout esmervilliet de
         ces nouvelles. Et s’arrestèrent tout quoi sus les camps,
         et se conseillièrent un grant temps pour savoir comment
     15  il se maintenroient. Si regardèrent, tout consideret,
         que nullement il ne pooient passer, et que cent
         homme d’armes feroient plus maintenant, pour garder
         le pont, que cinq cens ne feroient pour les assallir:
         si ques, tout consideret et peset le bien contre
     20  le mal, il regardèrent que mieulz leur valoit retourner
         et ramener arrière leurs pourveances, que aler
         plus avant et mettre en nul dangier. Si se tinrent
         tout à ce conseil, et fisent retourner leurs pourveances
         et leurs sommiers, et se misent au retour.

     25  Cil baron de France et de Poito, qui estoient au
         pont et qui le gardoient, entendirent que li Englès se
         mettoient au retour, et leur fu dit qu’il s’enfuioient.
         De ces nouvelles furent il tout resjoy; et furent tantost
         consilliet que il les sievroient et combateroient,
     30  car il estoient [grant[291]] gens et fors assés pour
   [107] combatre. Si furent tantost monté sus leurs coursiers et
         chevaus, car il les avoient dalés yaus, et se misent
         oultre le rivière ou froais des Englès, en disant:
         «Vous n’en irés mies ensi, signeur d’Engleterre: il
      5  vous fault paiier vostre escot.»

             [291] Mss. B 4, 3, fº 150.--Ms. B 1, t. II, fº 41
             (lacune).

         Quant li Englès se veirent ensi si fort poursievi
         des François, si s’arestèrent tout quoi, et leur tournèrent
         les fiers des glaves, et disent que à droit
         souhet il ne vosissent mies mieulz, quant il les tenoient
     10  oultre le rivière. Si fisent par leurs varlès cacier
         tout adies avant leurs sommiers et leur vitaille,
         et puis si s’en vinrent d’encontre et de grant volenté
         ferir sus ces François. Là eut de commencement des
         uns as aultres moult bonne jouste et moult rade, et
     15  tamaint homme reversé à terre, de une part et d’autre.
         Et me samble, selonch ce que je fui enfourmés,
         que en joustant li François s’ouvrirent, et passèrent li
         Englès tout oultre. Au retour que il fisent, il sachièrent
         les espées toutes nues, et s’en vinrent requerre
     20  leurs ennemis.

         Là eut bonne bataille et dure et bien combatue, et
         fait tamainte grant apertise d’armes, car il estoient
         droite fleur de chevalerie, d’un costé et d’aultre. Si
         furent un grant temps tournoiant sus les camps et
     25  combatant moult ablement, ançois que on peuist savoir
         ne cognoistre liquel en aroient le milleur, et liquel
         non. Et fu tel fois que li Englès branlèrent, et
         furent priès desconfi, et puis se recouvrèrent et se
         misent au dessus, et desrompirent, par bien combatre
     30  et hardiement, leurs ennemis, et les desconfirent. Là
         furent pris tout cil chevalier de Poito et de Saintonge
         dessus nommé, et messires Guis de Neelle. Nulz homs
   [108] d’onneur ne s’en parti. Et eurent là li Englès et li
         Gascon de bons prisonniers qui leur vallirent cent
         mille moutons, sans le grant conquès des chevaus et
         des armeures que il avoient eu sus le place. Si leur
      5  sambla que, pour ce voiage, il en avoient assés fait. Si
         entendirent au sauver leurs prisonniers, et que la ville
         de Saint Jehan ne pooit par yaus, tant c’à celle fois,
         estre ravitaillie et rafreschie. Si s’en retournèrent
         vers le cité de Bourdiaus, et fisent tant par leurs journées
     10  que il y parvinrent; si y furent recueilliet à grant
         joie.


         § =333=. Vous devés savoir que li rois Jehans de
         France, qui estoit en le cité de Poitiers, au jour que
         ses gens se combatirent au dehors dou pont de Taillebourch
     15  sur le Charente, fu durement courouciés
         quant il sceut ces nouvelles: que une partie de ses
         gens avoient ensi esté rencontré et ruet jus au passage
         de le rivière de Charente, et pris la fleur de la
         chevalerie de son host, messires Jehans Saintré, messires
     20  Guiçars d’Angle, messires Bouchicaus et li aultre.
         Si en fu li rois durement courouciés, et se parti de
         Poitiers, et s’en vint devant Saint Jehan l’Angelier,
         et jura l’ame de son père que jamais ne s’en partiroit
         s’aroit conquis la ville.

     25  Quant ces nouvelles furent sceues en le ville de
         Saint Jehan, que li Englès avoient esté jusques au
         pont de le Charente et estoient retourné, et en avoient
         remené leurs pourveances, et ne seroient point ravitailliet,
         si en furent tout esbahi, et se consillièrent
     30  entre yaus comment il se maintenroient. Si eurent
         conseil que il prenderoient, se avoir le pooient, une
   [109] souffrance à durer quinze jours. Et se dedens ce jour
         il n’estoient conforté et li sièges levés, il se renderoient
         au roy de France, salve leurs corps et leurs
         biens.

      5  Cilz consaulz fu tenus et creus, et commencièrent à
         entamer trettiés devers le roy de France et son conseil
         qui passèrent oultre. Et me samble que li rois Jehans
         de France leur donna quinze jours de respit; et là en
         dedens, se il n’estoient secourut de gens si fors que
     10  pour lever le siège, il devoient rendre le ville et
         yaus mettre en l’obeissance dou roy de France. Mès
         il ne se devoient nullement renforcier non plus qu’il
         estoient, et pooient leur estat partout segnefiier où
         il lor plaisoit. Ensi demorèrent il à pais, ne on ne
     15  leur fist point de guerre. Et encores, par grasce especial,
         li rois, qui les voloit attraire à amour, lor envoia,
         celle souffrance durant, des vivres bien et largement
         pour leurs deniers raisonnablement: de quoi
         toutes manières de gens li sceurent grant gré, et tinrent
     20  ce à grant courtoisie.

         Cil de Saint Jehean segnefiièrent tout leur estat et
         leur trettiés par certains messages as chevaliers englès
         et gascons qui se tenoient en le cité de Bourdiaus, et
         sus quel estat il estoient. Et me samble que on laissa
     25  les quinze jours espirer, et ne furent point secourut
         ne conforté. Au seizisme jour, li rois de France entra
         en le ville de Saint Jehan à grant solennité. Et le
         recueillièrent li bourgois de le ditte ville moult liement,
         et li fisent toute feaulté et hommage, et se
     30  misent en se obeissance. Che fu le septime jour
         d’aoust l’an mil trois cens cinquante et un.


   [110] § =334=. Apriès le reconquès de Saint Jehan l’Angelier,
         si com chi dessus est dit, et que li rois de
         France s’i fu reposés et rafreschis sept jours, et eut
         renouvelé et ordené nouviaus officiiers, il s’en parti
      5  et retourna en France, et laissa en le ville de Saint
         Jehan à chapitainne le signeur d’Argenton de Poito, et
         donna toutes manières de gens d’armes congiet, et
         revint en France. Ossi se departirent li Englès de
         Bourdiaus, et retournèrent en Engleterre; si menèrent
     10  là leurs prisonniers, dont li rois d’Engleterre eut grant
         joie. Et fu adonc envoiiés messires Jehans de Biaucamp
         à Calais, pour estre là chapitains et gouvrenères
         de toutes les frontières. Se s’i vint li dessus dis tenir,
         et y amena en se compagnie des bons chevaliers et
     15  escuiers et des arciers.

         Quant li rois de France sceut ces nouvelles, il envoia
         à Saint Omer ce vaillant chevalier, monsigneur
         Edowart, signeur de Biaugeu, pour estre là chapitains
         de toutes gens d’armes et des frontières contre
     20  les Englès. Si chevauçoient à le fois ces deus chapitainnes
         et leurs gens l’un sus l’autre; mès point ne se
         trouvoient ne encontroient, dont assés leur desplaisoit.
         Et se mettoient il grant entente à yaus trouver,
         mès ensi se portoit li aventure.


     25  § =335=. En celle propre saison, avint en Bretagne
         uns moult haus fais d’armes que on ne doit mies oubliier,
         mès le doit on mettre avant pour tous bacelers
         encoragier et exempliier. Et afin que vous le
         puissiés mieus entendre, vous devés savoir que toutdis
     30  estoient guerres en Bretagne entre les parties des
         deus dames, comment que messires Charles de Blois
   [111] fust emprisonnés. Et se guerrioient les parties des
         deus dames par garnisons qui se tenoient ens ès chastiaus
         et ens ès fortes villes de l’une partie et de
         l’autre.

      5  Si avint un jour que messires Robers de Biaumanoir,
         vaillant chevalier durement et dou plus grant
         linage de Bretagne, et estoit chastelains d’un chastiel
         qui s’appelle Chastiel Josselin, et avoit avoecques
         lui grant fuison de gens d’armes de son linage et
     10  d’autres saudoiiers, si s’en vint par devant le ville et
         le chastiel de Plaremiel, dont chapitains estoit uns
         homs qui s’appelloit Brandebourch; et avoit avoec
         lui grant fuison de saudoiiers alemans, englès et bretons,
         et estoient de la partie la contesse de Montfort.
     15  Et coururent li dis messires Robers et ses gens par
         devant les barrières, et euist volentiers veu que cil
         de dedens fuissent issu hors, mès nulz n’en issi.

         Quant messires Robers vei ce, il approça encores
         de plus près, et fist appeller le chapitainne. Cilz vint
     20  avant à le porte parler au dit monsigneur Robert, et
         sus assegurances d’une part et d’autre. «Brandebourch,
         dist messires Robers, a il là dedens nul homme
         d’armes, vous ne aultre, deus ou trois, qui volsissent
         jouster de fers de glaves contre aultres trois, pour
     25  l’amour de leurs amies?» Brandebourch respondi et
         dist que leurs amies ne vorroient mies que il se fesissent
         tuer si meschamment que de une seule jouste,
         car c’est une aventure de fortune trop tost passée. Si en
         acquiert on plus tost le nom d’outrage et de folie que
     30  renommée d’onneur ne de pris.

         «Mais je vous dirai que nous ferons, se il vous
         plaist. Vous prenderés vingt ou trente de vos compagnons
   [112] de vostre garnison, et j’en prenderai otant de
         la nostre: si alons en un biel camp, là où nulz ne
         nous puist empeecier ne destourber. Et commandons
         sus le hart à nos compagnons, d’une part et d’aultre,
      5  et à tous chiaus qui nous regarderont, que nulz ne
         face à homme combatant confort ne aye. Et là endroit
         nous esprouvons et faisons tant que on en
         parle ou tamps à venir en sales, en palais, en plaches
         et en aultres lieus par le monde. Et en aient la fortune
     10  et l’onneur cil à qui Diex l’aura destiné.»--«Par
         ma foy, dist messires Robers de Biaumanoir, je
         m’i acord, et moult parlés ores vassaument. Or soiiés
         vous trente: nous serons nous trente, et le creante
         ensi par ma foy.»--«Ossi le creante jou, dist Brandebourch,
     15  car là acquerra plus d’onneur qui bien
         s’i maintenra que à une jouste.»

         Ensi fu ceste besongne affremée et creantée, et
         journée acordée au merkedi apriès, qui devoit estre
         li quars jours de l’emprise. Le terme pendant, cescuns
     20  eslisi les siens trente, ensi que bon li sambla.
         Et tout cil soixante se pourveirent d’armeures, ensi
         que pour yaus, bien et à point.


         § =336=. Quant li jours fu venus, li trente compagnon
         Brandebourch oïrent messe, puis se fisent armer,
     25  et s’en alèrent en le place de terre là où la bataille
         devoit estre. Et descendirent tout à piet, et
         deffendirent à tous chiaus qui là estoient que nuls
         ne s’entremesist d’yaus, pour cose ne pour meschief
         que il veist avoir à ses compagnons. Et ensi fisent li
     30  trente compagnon à monsigneur Robert de Biaumanoir.
         Cil trente compagnon, que nous appellerons
   [113] Englès, à ceste besongne attendirent longement les
         aultres que nous appellerons François.

         Quant li trente François furent venu, il descendirent
         à piet et fisent à leurs compagnons le commandement
      5  dessus dit. Aucun dient que cinq des leurs
         demorèrent as chevaus à l’entrée de le place, et li
         vingt cinq descendirent à piet, si com li Englès estoient.
         Et quant il furent l’un devant l’autre, il parlementèrent
         un petit ensamble tout soixante; puis se
     10  retraisent arrière, li uns d’une part et li aultres
         d’autre. Et fisent toutes leurs gens traire en sus de le
         place bien loing. Puis fist li uns d’yaus un signe, et
         tantost se coururent sus et se combatirent fortement
         tout en un tas; et rescouoient bellement li uns l’autre,
     15  quant il veoient leurs compagnons à meschief.

         Assés tost apriès ce qu’il furent assamblé, fu occis
         li uns des François. Mès pour ce ne laissièrent mies li
         aultre le combatre; ains se maintinrent moult vassaument
         d’une part et d’aultre, ossi bien que tout
     20  fuissent Rollans et Oliviers. Je ne sçai à dire à le verité:
         «cil se maintinrent le mieulz, et cil le fisent le
         mieulz,» ne n’en oy onques nul prisier plus avant
         de l’aultre; mais tant se combatirent longement
         que tout perdirent force et alainne et pooir
     25  entirement.

         Si les couvint arester et reposer, et se reposèrent
         par acord, li uns d’une part et li aultres d’aultre. Et
         se donnèrent trièwes jusques adonc qu’il se seroient
         reposet, et que li premiers qui se releveroit rappelleroit
     30  les aultres. Adonc estoient mort quatre François
         et deus des Englès: il se reposèrent longement,
         d’une part et d’aultre. Et telz y eut qui burent dou
   [114] vin que on leur aporta en bouteilles, et restraindirent
         leurs armeures qui desroutes estoient, et fourbirent
         leurs plaies.


         § =337=. Quant il furent ensi rafreschi, li premiers
      5  qui se releva fist signe et rappella les aultres. Si
         recommença la bataille si forte comme en devant, et
         dura moult longement. Et avoient courtes espées de
         Bourdiaus roides et agues, et espois et daghes, et li
         aucun haces; et s’en donnoient mervilleusement
     10  grans horions. Et li aucun se prendoient as bras à le
         luitte et se frapoient sans yaus espargnier. Vous poés
         bien croire qu’il fisent entre yaus mainte belle apertise
         d’armes, gens pour gens, corps à corps et main
         à main. On n’avoit point en devant, passet avoit
     15  cent ans, oy recorder la cause pareille.

         Ensi se combatirent comme bon campion, et se
         tinrent ceste seconde empainte moult vassaument.
         Mais finablement li Englès en eurent le pieur; car,
         ensi que je oy recorder, li uns des François, qui demorés
     20  estoit à cheval, les debrisoit et defouloit trop
         mesaisiement: si ques Brandebourc leurs chapitains
         y fu tués et huit de leurs compagnons. Et li aultre se
         rendirent prisons, quant il veirent que leurs deffendres
         ne leur pooit aidier, car il ne pooient ne devoient
     25  fuir. Et li dis messires Robers et si compagnon,
         qui estoient demoret en vie, les prisent et les
         emmenèrent ou Chastiel Josselin comme leurs prisonniers,
         et les rancenèrent depuis courtoisement,
         quant il furent tout resanet; car il n’en y avoit nulz
     30  qui ne fust fort blechiés, et otant bien des François
         comme des Englès.

   [115] Et depuis je vi seoir à le table dou roy Charle de
         France un chevalier breton qui esté y avoit, qui
         s’appelloit messires Yewains Charuelz; mais il avoit
         le viaire si detailliet et decopet qu’il moustroit bien
      5  que la besongne fu bien combatue. Et ossi y fu messires
         Engherans du Edins, uns bons chevaliers de
         Pikardie, qui moustroit bien qu’il y avoit esté, et
         uns aultres bons escuiers qui s’appelloit Hues de
         Raincevaus. Si fu en pluiseurs lieus ceste avenue
     10  comptée et recordée. Li aucun le tenoient à proèce,
         et li aucun à outrage et grant outrecuidance.


         § =338=. Nous parlerons d’un aultre fait d’armes
         qui avint en celle saison en le marce de Saint Omer,
         assés priès de la bastide d’Arde. Vous avés bien chi
     15  dessus oy parler comment, apriès le reconquès de
         Saint Jehan l’Angelier, li rois de France envoia à
         Saint Omer ce gentil chevalier, le signeur de Biaugeu,
         pour estre regars et souverains de toutes gens d’armes
         et gouvrenères dou pays. D’autre part estoit à
     20  Calais uns moult vaillans chevaliers de par le roy
         d’Engleterre, qui s’appelloit messires Jehans de Biaucamp.
         Ces deus chapitainnes avoient fuison de bons
         chevaliers et escuiers desous yaus, et mettoient grant
         painne que il peuissent trouver et rencontrer l’un
     25  l’autre.

         Or avint que, droitement le lundi de le Pentecouste,
         l’an mil trois cens cinquante deus, messires
         Jehans de Biaucamp se departi de Calais à trois cens
         armeures de fier et deus cens arciers. Et avoient tant
     30  chevauciet de nuit que, droitement ce lundi au
         matin, il furent devant Saint Omer, environ soleil
   [116] levant, et se misent en ordenance de bataille sus un
         terne assés priès de là. Et puis envoiièrent leurs coureurs
         descouvrir et prendre et lever le proie qui estoit
         issue de Saint Omer et des villages là environ, et
      5  le recueillièrent toute ensamble: si y avoit il grant
         proie.

         Quant il eurent courut et fait leur emprise, il se
         commencièrent à retraire moult sagement, et prisent
         leurs gens de piet qui les sievoient, et vingt hommes
     10  d’armes et soissante arciers, et leur disent: «Retraiiés
         vous bellement viers Calais, et cachiés ceste
         proie devant vous: nous le sieurons et le conduirons.»
         Tout cil qui ordonné furent de cela faire, le
         fisent, et li chevalier et escuier se remisent ensamble,
     15  et puis chevaucièrent tout le pas.

         Les nouvelles estoient jà venues en Saint Omer, et
         au signeur de Biaugeu qui gisoit en le porte de Boulongne,
         que li Englès chevauçoient. Et avoient leurs
         coureurs esté jusques as barrières et en menoient le
     20  proie: de quoi li sires de Biaugeu estoit durement
         courouciés. Et avoit fait sonner sa trompète et aler
         aval le ville, pour resvillier chevaliers et escuiers qui
         là dormoient à leurs hosteulz; si ne furent mies si
         tost armé ne assamblé. Mais li sires de Biaugeu ne
     25  les volt mies tous attendre; ançois se parti, espoir
         li centime, montés bien et faiticement, et fist sa banière
         porter et passer devant lui. Si issi de le ville,
         ensi que je vous di; et li aultre compagnon, ensi que
         il avoient fait, le sievoient caudement. A ce jour estoient
     30  à Saint Omer li contes de Porciien, messires
         Guillaumes de Bourbon, messires Bauduins Dennekins,
         messires Drues de Roie, messires Guillaumes
   [117] de Cran, messires Oudars de Renti, messires Guillaumes
         de Bailluel, messires Hectors Kierés, messires
         Hues de Loncval, li sires de Sains, messires Bauduins
         de Bellebourne, li sires de Saint Digier, li sires de
      5  Saint Saufliu, messires Robers de Basentin, messires
         Bauduins de Cuvilers, et pluiseur bon chevalier
         et escuier d’Artois et de Vermendois.

         Si sievi premierement li sires de Biaugeu les esclos
         des Englès moult radement, et avoit grant doubtance
     10  qu’il ne li escapaissent, car envis les euist laissiés
         sans combatre. Toutes ces gens d’armes et li
         brigant, desquelz il avoit bien cinq cens à Saint
         Omer, n’estoient mies encores avoech le signeur de
         Biaugeu. Et cilz qui le sievoit plus priès derrière,
     15  c’estoit messires Guichars ses frères, qui ne s’estoit
         mies partis avoecques li ne de se route. Ensi chevauçoient
         il li un et li aultre, li Englès devant et li
         François apriès. Et prendoient toutdis li Englès l’avantage
         d’aler devant en approçant Calais; mès leurs
     20  chevaus se commençoient moult à fouler, car il estoient
         travilliet de le nuit devant que il avoient fort
         chevauciet.

         Si avint que li Englès avoient jà eslongiet Saint
         Omer quatre liewes dou pays, et avoient passet le rivière
     25  d’Oske, et estoient entre Arde et Hoske; si regardèrent
         derrière yaus et veirent le signeur de Biaugeu
         et se banière, et n’estoient non plus de cent
         hommes d’armes. Si disent entre yaus: «Nous nos
         faisons cacier de ces François qui ne sont c’un petit;
     30  arrestons nous et nos combatons à yaus: ossi sont
         nostres chevaus durement foulé.» Tout s’acordèrent
         à ce conseil et entrèrent en un pret, et prisent l’avantage
   [118] d’un large fosset qui là estoit environ ce pret;
         et se misent tout à piet, les lances devant yaus, et
         en bonne ordenance.

         Evous le signeur de Biaugeu venu, monté sus un
      5  coursier, et sa banière devant lui, et s’arreste sus ce
         fossé à l’encontre des Englès qui faisoient là visage,
         et toutes ses gens s’arrestent. Quant il vei que il ne
         passeroit point à sen aise, il commença à tourniier
         autour dou fosset pour trouver le plus estroit, et tant
     10  ala qu’il le trouva. Mais à cel endroit li fossés estoit
         nouvellement relevés: si estoit la hurée trop roiste
         pour sallir son coursier; et se il fust oultre, pour ce
         n’i estoient mies li aultre. Si eut avis de descendre à
         piet, et ossi fisent toutes ses gens. Quant il furent à
     15  piet, li sires de Biauge[u] prist son glaive en son poing
         et s’escueilla pour sallir oultre, et dist à celui qui
         portoit sa banière: «Avant, banière, ou nom de
         Dieu et de saint Jorge!» En ce disant il salli oultre
         de si grant volenté que par dessus le hurée dou fosset;
     20  mais li piés li gliça tant que il s’abusça un petit
         et qu’il se descouvri par desous.

         Là fu uns homs d’armes englès apparilliés qui li
         jetta son glave en lançant, et le consievi ou fusiel
         desous, et li embara là dedens; se li donna le cop de
     25  le mort: dont ce fut pités et damages. Li sires de
         Biaugeu, de la grant angousse qu’il eut, se tournia
         deus tours ou pret, et puis si s’arresta sus son costé.
         Là vinrent deus de ses chevaliers de son hostel qui
         s’arrestèrent sur lui, et le commencièrent à deffendre
     30  moult vaillamment. Li aultre compagnon, chevalier
         et escuier, qui veoient leur signeur là jesir et en tel
         parti, furent si foursené que il sambloit que il deuissent
   [119] issir dou sens. Si se commença li hustins et li
         estekeis de toutes pars. Et se tinrent les gens le signeur
         de Biaugeu une espasse en bon couvenant;
         mès finablement cil premier ne peurent souffrir ne
      5  porter le fais, et furent desconfi, et pris la grigneur
         partie. Et là perdi messires Bauduins de Cuvilers un
         oel et fu prisonniers, et ossi furent tout li aultre. Et
         se li Englès euissent eu leurs chevaus, il se fuissent
         tout parti sans damage; mais nennil: dont il
     10  perdirent.

         Evous venu achevauçant moult radement monsigneur
         Guichart de Biaugeu et se route qui estoit tout
         devant les aultres, le trettié d’un arc ou plus. Quant
         il fu venus sus le place où li desconfi estoient, et où
     15  ses frères gisoit, si fu tous esmerveilliés; et feri cheval
         des esporons, et salli oultre le fosset. Et ossi li
         aultre, en venant cescuns qui mieux mieux, en
         sievant le bon chevalier, fisent tant qu’il furent oultre.
         La première voie que messires Guiçars fist, ce fu
     20  qu’il s’adreça sus son frère, pour savoir comment il li
         estoit. Encores parloit li sires de Biaugeu et recogneut
         bien son frère; se li dist: «Biaus frère, je sui navrés
         à mort, ensi que je le sent bien: si vous pri
         que vous relevés le banière de Biaugeu qui onques
     25  ne fui, et pensés de moy contrevengier. Et se de ce
         camp partés en vie, je vous pri que vous songniés
         d’Antoine mon fil, car je le vous recarge. Et mon
         corps faites le reporter en Biaugeulois, car je voel
         jesir en ma ville de Belleville: de lonch temps a, y
     30  ai jou ordonné ma sepulture.»

         Messires Guiçars, qui oy son frère ensi parler et
         deviser, eut si grant anoy que à painnes se pooit il
   [120] soustenir, et li acorda tout de grant affection. Puis
         s’en vint à le banière son frère, qui estoit d’or à un
         lyon de sable couronnet et endentet de geules, et
         le prist par le hanste et le leva contremont, et le
      5  bailla à un sien escuier des siens, bon homme d’armes.
         Jà estoient venu toutes leurs gens à cheval et passet
         oultre ou pré; si estoient moult courouciet quant
         il veirent leur chapitainne là jesir en tel parti, et il
         oïrent dire que il estoit navrés à mort. Si s’en vinrent
     10  requerre les Englès moult fierement en escriant
         «Biaugeu!» qui s’estoient retrait et mis ensamble
         par bonne ordenance, pour le force de François que
         il veirent venir sus yaus.


         § =339=. Tout à piet devant les aultres s’en vint
     15  messires Guiçars de Biaugeu, le glave ou poing, assambler
         à ses ennemis et commencier la bataille.
         Là eut fort bouteis et estecheis des lances, ançois
         que il peuissent entrer l’un dedens l’autre. Et quant
         il y furent entré, si y eut fait pluiseurs grans apertises
     20  d’armes. Là se combatoient li Englès si vaillamment
         que mervelles seroit à recorder. Si s’en
         vint li dis messires Guiçars de Biaugeu assambler
         droitement desous le banière messire Jehan de Biaucamp,
         et là fist grant fuison d’armes, car il estoit
     25  bons chevaliers, hardis et entreprendans; et ossi
         son hardement li estoit doublés pour le cause de son
         frère que il voloit contrevengier. Si s’abandonna à
         ce commencement li dis chevaliers si folement que
         il l’en deubt priès estre mesavenu; car il fu enclos
     30  des Englès et si fort assallis que durement bleciés et
         navrés. Mais à le rescouse vinrent li contes de
   [121] Porsiien, messires Guillaumes de Bourbon, messires
         Bauduins Danekins et pluiseur aultre bon chevalier
         et escuier. Si fu messires Guiçars rescous et mis
         hors de le presse, pour lui un petit rafreschir, car il
      5  estoit tout essannés.

         Si vous di que li Englès se combatirent si bien et
         si vassaument que encores euissent il desconfis chiaus
         qui là estoient venu, se n’euissent esté li brigant qui
         vinrent là au secours plus de cinq cens, as lances et
     10  as pavais, tous bien armés, frès et nouviaus. Si ne
         peurent avoir durée li Englès, quant il furent recargiet
         de ces gens là nommés brigans, car il estoient
         tout lasset et hodet de longement combatre. Ensi
         fisent li brigant la desconfiture. Si y furent pris messires
     15  Jehans de Biaucamp, messires Loeis de Clifort,
         messires Oliviers de Baucestre, messires Phelippes
         de Biauvers, messires Loeis Tuiton, messires Alixandres
         Ansiel et bien vingt chevaliers, tous de nom et
         ossi tout li escuier. Et furent rescous tout li aultre
     20  prisonnier françois qui pris estoient en devant. Si
         fust trop bien la besongne alée pour les François, se
         li sires de Biaugeu n’euist esté là mors; mès li gentilz
         chevaliers, qui si vaillans homs fu et si preudons,
         devia là sus le place: de quoi tout li compagnon
     25  furent durement courouciet, mès amender ne le peurent.
         Si fu cargiés et raportés à Saint Omer; et ossi
         fu messires Guiçars ses frères, qui si navrés estoit
         qu’il ne pooit chevaucier. Si retournèrent tout li
         compagnon à Saint Omer et là ramenèrent leurs
     30  prisonniers.

         Or vous dirai de le proie de Saint Omer que li
         Englès avoient pris devint. Entre Bavelinghehen et
   [122] Hames, li sires de Bavelinghehen et li troi frère de
         Hames, qui estoient moult bon chevalier, et cil de
         le garnison de Ghines et de le Montoire se misent
         en embusce: si estoient bien trois cens armeures de
      5  fier. Si rencontrèrent ces Englès qui le proie emmenoient,
         et leur vinrent au devant et leur coururent
         seure. Vraiement li Englès se tinrent et deffendirent
         tant qu’il peurent durer, mès en le fin il furent desconfit,
         tout mort ou pris, et la proie rescousse, et fu
     10  là sus les camps departie à chiaus des garnisons qui
         au conquerre avoient esté. Onques cil de Saint Omer
         n’en eurent nulle restitution. Si en fisent il bien depuis
         question, mès on trouva par droit d’armes qu’il
         n’i avoient riens; ançois estoit à chiaus qui l’avoient
     15  gaegniet. Si leur couvint porter et passer ce damage
         au plus biel qu’il peurent.

         Or fu li sires de Biaugeu embausmés et aportés en
         son pays de Biaugeulois et ensepelis en l’abbeye de
         Belleville, ensi que deviset l’avoit.

     20  Si fu messires Ernoulz d’Audrehen envoiiés à Saint
         Omer pour là faire frontière contre les Englès, et li
         contes de Warvich à Calais, ou lieu de son oncle
         monsigneur Jehan de Biaucamp; mès il fu delivrés
         en celle anée en escange pour monsigneur Gui de
     25  Neelle. Si se rançonnèrent li compagnon d’une part
         et d’autre, ensi que Englès et François ont eu entre
         yaus toutdis bon usage.


         § =340=. En ce temps trespassa à Villenove dalés
         Avignon papes Clemens; si fu Innocens papes. Assés
     30  tost après le creation dou pape Innocent, s’en vint
         en France et à Paris messires Guis li cardinaulz de
   [123] Boulongne; si fu reçeus et conjoïs grandement dou
         roy Jehan, ce fu bien raisons. Et estoit envoiiés en
         France li dis cardinaulz pour trettier unes trièwes
         entre le roy de France et le roy d’Engleterre. Et l’avoit
      5  en celle istance li papes Innocens là envoiiet en
         legation, liquels papes par ses bulles prioit doucement
         à l’un roy et à l’autre que il vosissent faire
         comparoir leurs consaulz devant lui et le collège de
         Romme ens ou palais en Avignon; et, se on pooit
     10  nullement, on les metteroit à pais.

         Si esploita si bien li dis cardinaulz, qui fu sages
         homs et vaillans, avoech les lettres dou pape, que
         unes trièwes furent données entre les deux rois dessus
         nommés et tous leurs aherdans, excepté Bretagne
     15  (chilz pays là y fu reservés), à durer deus ans. Et
         furent les trièwes données et seelées sus certains articles
         qui devoient estre remoustré de toutes parties
         devant le pape et les cardinaulz. Et se à Dieu il plaisoit,
         on y trouveroit aucun moiien par quoi pais se
     20  feroit; si demora la cose en cel estat.

         Vous avés bien oy et sceu comment li contes de
         Ghines, connestables de France, fu pris des Englès
         jadis en le ville de Kem en Normendie, et li contes
         de Tankarville avoecques lui. Et furent envoiiet prisonnier
     25  en Engleterre où il furent un grant temps,
         et par especial li contes Raoulz d’Eu et de Ghines,
         car on le voloit trop hault rançonner. En ce conte
         Raoul d’Eu et de Ghines et connestable de France
         avoit un chevalier durement able, gay, frice, plaisant,
     30  joli et legier; et estoit en tous estas si très gracieus
         que dessus tous aultres il passoit route. Et le temps
         qu’il demora en Engleterre, il eschei grandement en
   [124] le grasce et amour dou roy et de la royne, des signeurs
         et des dames dont il avoit le cognissance. Et
         procura tant li dis contes devers le roy d’Engleterre
         qu’il se mist à finance, et deubt paiier dedens un an
      5  soissante mil escus ou retourner en le prison dou
         roy.

         Sus cel estat se departi li dis contes de Ghines et
         retourna en France. Quant il fu venus à Paris, il se
         traist devers le roy Jehan, de qui il cuidoit estre
     10  moult bien amés, ensi que il estoit, ançois qu’il fust
         rois, et l’enclina de si lonch que il le vei et le salua
         humlement; et en cuidoit estre bien venus, par tant
         que il avoit esté cinq ans hors dou pays et prisonniers
         pour lui. Si tost que li rois Jehans le vei, il regarda
     15  sur lui et puis li dist: «Contes de Ghines,
         sievés moy: j’ay à parler à vous de conseil.» Li
         contes, qui nul mal n’i pensoit, respondi: «Monsigneur,
         volentiers.» Lors l’en mena li rois en une
         cambre et li moustra unes lettres, et puis li demanda:
     20  «Contes de Ghines, veistes vous onques mès cestes
         aultre part que ci?» Li contes, si com il me fu dit,
         fu durement assouplis et pris deventrainnement, quant
         il vei la lettre. Adonc dist li rois Jehans: «Ha! ha!
         mauvais trahitres, vous avés bien mort desservie; se
     25  n’i faurrés mies, par l’ame de mon père.» Si le fist
         li dis rois tantos prendre par ses sergans d’armes et
         mettre en prison en le tour dou Louvre dalés Paris,
         là où li contes de Montfort fu mis.

         Li signeur et baron de France dou linage le connestable
     30  et aultre, furent durement esmervilliet quant
         il sceurent ces nouvelles, car il tenoient le conte pour
         loyal et preudomme sans nulle lasqueté. Si se traisent
   [125] devers le roy, en priant moult humlement que il leur
         volsist dire pour quoi ne à quel cause il avoit emprisonné
         leur cousin, un si gentil chevalier, et qui tant
         avoit perdu et travilliet pour lui et pour le royaume.
      5  Li rois les oy bien parler, mès il ne leur volt onques
         dire; et jura, le secont jour qu’il fu mis en prison,
         oant tous les amis dou connestable qui prioient pour
         lui, que jamais ne dormiroit tant que li contes de
         Ghines fust en vie. De ce ne falli il point, car il li
     10  fist secretement ou chastiel dou Louvre oster la teste:
         de quoi ce fu grans damages et pités se li chevaliers
         le desservi; mais je le tieng si vaillant et si gentil
         que jamais il n’euist pensé trahison. Toutes fois, fust
         à droit, fust à tort, il morut; et donna sa terre li rois
     15  Jehans à son cousin le conte d’Eu, monsigneur Jehan
         d’Artois. De ceste justice fu li rois durement blasmés
         en derrière de pluiseurs haus barons dou royaume de
         France et des dus et des contes marcissans au dit
         royaume.


     20  § =341=. Assés tost apriès le mort dou conte de
         Ghines, dont toutes manières de bonnes gens furent
         courouciet, fu pris et emblés li fors et li biaus chastiaus
         de Ghines, qui est uns des biaus chastiaus dou
         monde. Et fu acatés à bons deniers se[c]s de monsigneur
     25  Jehan de Biaucamp, chapitainne de Calais, et
         delivrés de chiaus qui le vendirent as Englès, qui en
         prisent le saisine et possession, et ne l’euissent rendu
         pour nul avoir.

         Quant les nouvelles en vinrent à Paris, li rois de
     30  France en fu durement courouciés, ce fu raison, car
         de force il n’estoit mies à reprendre. Si en parla à
   [126] son cousin le cardinal de Boulongne, en priant que
         il volsist mander à chiaus de Calais qu’il avoient mal
         fait, quant dedens trièwes il avoient pris et emblet le
         chastiel de Ghines, et que par ce fait il avoient les
      5  trièwes enfraintes.

         Li cardinaulz à l’ordenance dou roy obei, et envoia
         certains et especiaus messages à Calais devers
         monsigneur Jehan de Biaucamp, en li remoustrant
         que il avoit trop mal fait, quant il avoit consenti à
     10  faire tel cose que prendre et embler en trièwes le
         chastiel de Ghines, et que par ce point il avoit les
         trièwes enfraintes; se li mandoit que ce fust deffait et
         li chastiaus remis arrière en le main des François.

         Messires Jehans de Biaucamp fu tantost consilliés
     15  dou respondre, et respondi qu’il n’eskiewoit nul
         homme en trièwes et hors trièwes acater chastiaus,
         terres, possessions et hyretages; et pour ce ne sont
         mies trièwes enfraintes ne brisies. Il n’en peurent
         chil qui envoiiet y furent aultre cose avoir. Si demora
     20  la cose en cel estat, et obtinrent li Englès le fort
         chastiel de Ghines, qu’il n’euissent rendu pour nul
         avoir.


         § =342=. En ce temps et en celle saison, devisa et
         ordonna li rois Jehans de France une belle compagnie
     25  grande et noble, sus le manière de le Table
         Reonde qui fu jadis au temps dou roy Artus: de laquèle
         compagnie devoient estre trois cens chevaliers,
         li plus vaillant as armes et li plus souffissant dou
     30  royaume de France. Et devoient estre appellé cil chevalier,
         li chevalier de l’Estoille. Et devoit cescuns
         chevaliers de le ditte compagnie porter une estoille
   [127] d’or ou d’argent dorée, ou de perles, sus son deseurain
         vestement, pour recognissance de le compagnie.

         Et eut adonc en couvent li rois Jehans as compagnons
         de faire une belle maison et grande, à son
      5  coust et à son fret, dalés Saint Denis, là où tout li
         compagnon et confrère devoient repairier à toutes
         les festes solennèles de l’an, chil qui seroient ens ou
         pays, se il n’avoient trop grant ensongne qui les escusast,
         ou à tout le mains cescuns une fois l’an. Et devoit
     10  estre appellée li noble maison de l’Estoille. Et y
         devoit li rois, au mains une fois l’an, tenir court plenière
         de tous les compagnons. Et à celle court devoit
         cescuns des compagnons raconter toutes les aventures,
         sus son sierement, qui avenues li estoient en
     15  l’an, ossi bien les honteuses comme les
         honnourables.

         Et li rois devoit establir deus clers ou trois sour
         ses couls, qui toutes ces aventures devoient mettre
         en escript, et faire de ces aventures un livre, afin que
     20  ces aventures ne fuissent mies oubliées, mès raportées
         tous les ans en place par devant les compagnons,
         par quoi on peuist savoir les plus preus, et honnourer
         cescun selonch ce qu’il seroit. Et ne pooit nulz
         entrer en celle compagnie, se il n’avoit le consent
     25  dou roy et de la grignour partie de compagnons, et se
         il n’estoit sans diffame de reproce. Et leur couvenoit
         jurer que jamais il ne fuiroient en bataille plus lonch
         que de quatre arpens à leur avis; ançois morroient ou
         se renderoient pris, et que cescuns aideroit et secourroit
     30  l’autre à toutes ses besongnes comme loyaus
         amis, et pluiseurs aultres estatus et ordenances que
         tout li compagnon avoient juret.

   [128] Si fu la maison priès que faite, et encores est elle
         assés priès de Saint Denis.

         Et se il avenoit que aucun des compagnons de l’Estoille
         en viellèce euissent mestier de estre aidiet, et que
      5  il fuissent affoibli de corps et amenri de chavance, on
         li devoit faire ses frès en le maison bien et honnourablement,
         pour lui et pour deus varlès, se en la maison
         voloit demorer, à fin que le compagnie fust mieulz
         detenue. Ensi fu ceste cose ordenée et devisée.

     10  Or avint que, assés tost apriès ceste ordenance
         emprise, grant fuison de gens d’armes issirent hors
         d’Engleterre et vinrent en Bretagne, pour conforter
         la contesse de Montfort. Tantost que li rois de
         France le sceut, il envoia celle part son mareschal et
     15  grant fuison de bons chevaliers, pour contrester as
         Englès.

         En celle chevaucie alèrent fuison de ces chevaliers
         de l’Estoille. Quant il furent venu en Bretagne, li
         Englès fisent lor besongne si soutievement que, par
     20  un embuschement qu’il fisent, li François, qui s’embatirent
         trop avant folement, furent tout mort et
         desconfi. Et y demora mors sus le place messires
         Guis de Neelle, sires d’Aufemont en Vermendois:
         dont ce fu damages, car il estoit vaillans chevaliers
     25  et preus durement. Et avoecques lui demorèrent
         plus de quatre vingt et dix chevaliers de l’Estoille,
         pour tant qu’il avoient juret que jamais ne fuiroient;
         car se li sieremens n’euist esté, il se fuissent retret et
         sauvet. Ensi se desrompi ceste noble compagnie de
     30  l’Estoille avoecques les grans meschiés qui avinrent
         depuis en France, si com vous orés recorder avant
         en l’ystore.


   [129] § =343=. En ce temps et en celle saison avoit li rois
         de France dalés lui un chevalier que durement amoit,
         car il avoit esté avoecques lui nouris d’enfance: c’estoit
         messires Charles d’Espagne. Et l’avoit li rois fait
      5  son connestable de France, et l’avançoit en quanqu’il
         pooit de donner terres, possessions et hiretages,
         or et argent et tout ce qu’il voloit. Se li donna li
         rois de France une terre qui longement avoit esté en
         debat entre le roy de Navare le père et le roy Phelippe
     10  son père.

         Quant li rois Charles de Navare et messires Phelippes
         ses frères veirent que li rois Jehans leur eslongoit
         leur hyretage, et l’avoit donnet à un homme qui
         ne leur estoit de sanc ne de linage, si en furent durement
     15  courouciet, et en manecièrent couvertement
         le dit connestable; mais il ne li osoient faire nulle
         felonnie, pour le cause dou roy qu’il ne voloient
         mies couroucier, car li rois de Navare avoit sa fille
         à femme, et savoit bien que c’estoit l’omme dou
     20  monde, apriès ses enfans, que li rois amoit le mieulz.
         Si se couva ceste hayne un grant temps.

         Bien sentoit messires Charles d’Espagne que li rois
         de Navare l’avoit grandement contre coer, et s’en
         tenoit en bien dur parti, et l’avoit remoustré au roy
     25  de France. Mais li rois l’en avoit asseguré et disoit:
         «Charle, ne vous doubtés de mon fil de Navare;
         il ne vous oseroit couroucier, car se il le faisoit, il
         n’aroit plus grant ennemi de moy.» Ensi se passa li
         temps, et s’umelioit toutdis li connestables de France
     30  envers les enfans de Navare, quant d’aventure il les
         trouvoit en l’ostel dou roy de France ou ailleurs.

         Pour ce ne demora mies que li enfant de Navare
   [130] n’en feissent leur entente. Car messires Charles d’Espagne
         estoit une fois à l’Aigle en Normendie: si ques,
         ensi que de nuit il gisoit en un petit village assés
         priès de l’Aigle en Normendie, il fu là trouvés des
      5  gens le roy de Navare qui le demandoient, et qui
         avoient fait et bastis agais sur lui, desquelz, tant qu’à
         ceste fois et à ce fait, uns cousins des enfans de Navare,
         qui s’appelloit li Bascles de Maruel, estoit souverains
         et chapitainne. Si fu li dis connestables là
     10  pris et assallis en sa cambre et occis.

         A ce fait pour estre, en fu priiés de ses cousins les
         enfans de Navare li contes Guillaumes de Namur,
         qui pour ce temps se tenoit à Paris; mais il s’en consilla
         à son cousin le cardinal de Boulongne, qui li
     15  dist: «Vous n’irés point, il sont gens assés sans vous.»
         Et si trestost que li fais fu avenus et que li dis cardinaulz
         le peut savoir, il manda son cousin le conte de
         Namur et li remoustra le peril où il en poroit estre
         dou roy Jehan, qui estoit soudains et hastieulz en
     20  son aïr; se li consilla à partir dou plus tost qu’il
         peuist. Li contes de Namur crei ce conseil; si se
         parti de Paris sans prendre congiet au roy, et fist
         tant par ses journées qu’il se trouva en son pays dalés
         madame sa femme: onques depuis ne retourna à
     25  Paris.

         Quant li rois de France sceut le verité de son connestable
         monsigneur Charle d’Espagne, que li rois de
         Navare avoit fait morir, si en fu trop durement courouciés,
         et dist bien que ce seroit trop chierement
     30  comparet; et trop se repentoit que onques li avoit
         donnet sa fille par mariage. Si envoia tantost li dis
         rois grans gens d’armes en Normendie pour saisir
   [131] la conté d’Evrues, qui estoit hiretages au dit roy de
         Navare; et furent repris en ce temps une partie des
         chastiaus que li rois de Navare tenoit.

         D’autre part, li rois Jehans, qui prist ceste cose en
      5  grant despit, esploita tant devers le conte d’Ermignach
         et le conte de Commignes et aucuns barons de le
         haute Gascongne, qu’il fisent guerre au roy de Navare;
         et entrèrent par les montagnes en son pays, et
         li ardirent aucunes povres villes. Mès plenté ne fu ce
     10  mies, car li contes de Fois, qui serourges estoit au
         roy de Navare, ala au devant et se allia avoech le dit
         roy, et entra à grans gens d’armes en le conté d’Ermignach:
         par quoi il couvint que ceste cose se cessast
         et que li contes d’Ermignach et li aultre qui
     15  avoecques lui estoient retournaissent et venissent
         garder leur pays.


         § =344=. En ce temps vinrent en Avignon li esleu
         dou roy de France et dou roy d’Engleterre yaus comparoir
         devant le pape Innocent et les cardinaulz. Et
     20  si especiaulz personnes y vinrent que, de par le roy
         de France, ses cousins germains messires Pières, dus
         de Bourbon, uns très gentilz et vaillans chevaliers;
         et de par le roy d’Engleterre, ses cousins germains
         ossi li dus Henris de Lancastre. Si furent cil doy
     25  signeur en Avignon un grant temps, et y tinrent
         grant estat et noble. Et là eut grans parlemens et
         grans trettiés de pais, et pluiseurs coses proposées et
         parlementées devant le pape; mais à ce donc on n’i
         peut onques trouver moiien de pais, et brisa li articles
     30  de Bretagne, ensi que il a fait aultre fois, grandement
         le pais. Si demora la cose en cel estat, et
   [132] s’en retournèrent li Englès en Engleterre, et li François
         en France. Si fu la triewe inspirée et la guerre
         renouvelée plus forte assés que devant.

         En ce temps trespassa li dus Jehans de Braibant,
      5  qui poissamment et sagement avoit regnet contre
         tous ses voisins. Si reschei la terre et la ducé de
         Braibant à madame Jehane, se ainsnée fille, car messires
         Godefrois ses filz estoit mors. Si fu ceste dame
         duçoise de Braibant, et espousa monsigneur Wincelin
     10  de Boesme, filz jadis au gentil roy de Boesme
         et de le soer monsigneur le duch de Bourbon. Si
         estoit cilz sires pour ce temps moult jones; mais il
         estoit consilliés de son bel oncle monsigneur Jakemon
         de Bourbon qui entendoit à ses besongnes, et
     15  jà estoit il dus de Lussembourch. Si fist en sa nouveleté
         à ce jone duch de Braibant et de Lussembourch
         li contes Loeis de Flandres grant guerre,
         pour la cause de madame sa femme, qui fille avoit
         esté au duc de Braibant pour avoir ses pareçons. Et
     20  par especial il demandoit à avoir Malignes et Anwers
         et les appendances. Et disoit et proposoit et remoustroit
         li dis contes, par seelés, que li dus Jehans de
         Braibant, quant il prist sa fille en mariage, li avoit
         donnet et acordet à tenir apriès son deciès.

     25  Ces demandes venoient à grant contraire à madame
         Jehane, duçoise de Braibant, et au jone duch
         son mari, et à tous les barons dou pays et les bonnes
         villes ossi, car il n’en savoient parler. Et l’avoit li
         dus Jehans fait secretement; car, si com ci dessus en
     30  celle hystore est dit, quant li dus de Braibant maria
         sa fille au conte de Flandres, il acata le mariage.
         Pour lesquèles demandes grans guerres en ce temps
   [133] s’esmurent entre les pays de Braibant et de Flandres,
         et y eut pluiseurs batailles et rencontres, et durèrent
         trois ans ou environ. Finablement, li contes Guillaumes
         de Haynau, filz à Loeis de Baivière le roy
      5  d’Alemagne, y trouva un moiien parmi le bon conseil
         qu’il eut. Et fist loiier toutes les parties telement
         qu’il en fu dou tout à son dit; si en determina sus
         le marce de Flandres, de Braibant et de Haynau, et
         ordonna adonc bonne pais entre les pays de Flandres
     10  et de Braibant; mais Malignes et Anwiers, qui sont
         deus grosses villes et de grant pourfit, demorèrent
         au conte de Flandres. Je me sui de ceste matère
         passés assés briefment, pour tant que elle ne touche
         de riens au fait de ma principal matère, des guerres
     15  de France et d’Engleterre.


         § =345=. Li rois de France avoit pris en si grant
         hayne le fait de son connestable, que li enfant de
         Navare avoient fait morir, que il n’en pooit issir;
         ne li enfant de Navare, pour amendes qu’il en seuissent
     20  offrir ne presenter, li rois de France n’i voloit
         entendre, mais les faisoit guerriier de tous costés.
         Quant il veirent ce, si s’avisèrent qu’il se trairoient
         en Engleterre et se fortefieroient des Englès, et les
         metteroient en leurs chastiaus en Normendie; aultrement
     25  il ne pooient venir à pais, se il ne faisoient
         guerre. Si se departirent de Chierebourch, et montèrent
         en mer et arrivèrent en Engleterre. Si fisent
         tant que il vinrent à Windesore, où il trouvèrent le
         roy et grant fuison de signeurs, car c’estoit à une
     30  feste de Saint Gorge que il festioient.

         Si fu li rois de Navare grandement bien venus et
   [134] conjoïs dou roy d’Engleterre et de tous les barons,
         et ossi fu messires Phelippes ses frères. En celle visitation
         que li rois de Navarre et ses frères fisent en
         Engleterre, eut grans trettiés et grans alliances ensamble;
      5  et devoit li rois d’Engleterre efforciement
         ariver en Normendie et prendre terre à Chierebourch.
         Et li rois de Navare li devoit, à lui et à ses
         gens, prester ses forterèces pour guerriier le royaume
         de France.

     10  Quant toutes ces coses furent bien faites et ordonnées
         à leurs ententes, et li enfant de Navare eurent
         sejourné dalés le roy et le royne environ quinze
         jours, il se departirent et s’en retournèrent arrière
         en le conté d’Evrues. Si fisent pourveir et garnir
     15  leurs chastiaus bien et grossement, et par especial la
         cité, [la] ville et le chastiel d’Evrues, le fort chastiel
         de Bretuel, Konces et tous aultres chastiaus qui dou
         roy de Navare se tenoient.

         Li rois d’Engleterre ne mist mies en non caloir son
     20  pourpos, et dist, puisque pais ne s’estoit pout faire en
         Avignon, que il ne fist onques si forte guerre en
         France que il feroit. Et ordonna en celle saison de
         faire trois armées, l’une en Normendie, et l’autre en
         Bretagne, et la tierce en Gascongne. Car de Gascongne
     25  estoient venu en Engleterre li sires de Pumiers,
         li sires de Rosem, li sires de Lespare et li sires de
         Muchident, qui prioient au roy que il lor volsist baillier
         et envoiier ens ès parties par de delà son fil le
         prince de Galles, et il li aideroient à faire bonne
     30  guerre.

         Li rois d’Engleterre fu adonc si consilliés qu’il
         leur acorda. Et deut li dus de Lancastre aler en Bretagne
   [135] à tout cinq cens hommes d’armes et mil archiers,
         car messires Charles de Blois estoit revenus
         ou pays, qui faisoit grant guerre à la contesse de
         Montfort, car il s’estoit rançonnés quatre cens mil
      5  escus qu’il devoit paiier, et en nom de cran il en
         avoit envoiiés deus de ses filz, Jehan et Gui, en
         Engleterre. Et li rois d’Engleterre, à deus mil hommes
         d’armes et quatre mil arciers, [ariveroit[292]] en Normendie
         sus la terre dou roy de Navare.

             [292] Ms. B 4, fº 154.--Mss. B 1, 3: «arriveroient.»
             _Mauvaise leçon._

     10  Si fist li dis rois faire ses pourveances grandes et
         grosses pour toutes ces besongnes parfurnir, et manda
         partout gens d’armes là où il les peut avoir. Si se
         departirent d’Engleterre en trois parties, et arrivèrent
         en trois pors ou havenes, auques en une saison, ces
     15  trois hos. Li princes de Galles s’en ala devers Bourdiaus
         à mil hommes d’armes et deux mil arciers et
         toute fleur de chevalerie avoecques lui. Premierement
         de se route estoient li contes de Sufforch, li
         contes d’Askesufforch, li contes de Warvich et li
     20  contes de Sallebrin, messires Renaulz de Gobehen, le
         baron de Stanfort, messires Jehans Chandos, qui jà
         avoit le renommée d’estre li uns des milleurs chevalliers
         de toute Engleterre, de sens, de force, d’eur, de
         fortune, de haute emprise et de bon conseil; et par
     25  especial li rois avoit son fil le prince recommendé à
         lui et en sa garde. Là estoient li sires de Bercler,
         messires James d’Audelée et messires Pières ses frères,
         messires Bietremieus de Brues, li sires de le Ware,
         messires Thumas et messires Guillaumes de Felleton,
     30  li sires de Basset, messires Estievenes de Gonsenton,
   [136] messires Edowars, sires Despensiers, li sires de Willebi,
         messires Ustasses d’Aubrecicourt et messires
         Jehans de Ghistelles, et pluiseur aultre que je ne puis
         mies tous nommer.

      5  Si me tairai dou prince et de ses gens, et ossi dou
         duch de Lancastre qui ariva en Bretagne, et parlerai
         dou roy d’Engleterre et de sen armée qui en ce temps
         volt venir en Normendie sus la terre dou roy de
         Navare.


     10  § =346=. Quant li rois d’Engleterre eut fait toutes
         ses pourveances, il monta en mer ou havene de
         Hantonne à tout deus mil hommes d’armes et quatre
         mil arciers. Si estoient en se compagnie li contes
         d’Arondiel, li contes de Norhantonne, li contes de
     15  Herfort, li contes de Stafort, li contes de le Marce, li
         contes de Hostidonne, li contes de Cornuaille, li
         evesques de Lincolle et li evesques de Wincestre,
         messires Jehans de Biaucamp, messires Rogiers de
         Biaucamp, messires Gautiers de Mauni, li sires de
     20  Manne, li sires de Montbray, li sires de Ros, li sires
         de Persi, li sires de Nuefville, messires Jehans de Montagut,
         li sires de Grastoch, li sires de Clifort, messires
         Symons de Burlé, messires Richars de Pennebruge,
         messires Alains de Bouqueselle, et pluiseurs
     25  aultres barons et chevaliers desquels je ne puis mies
         de tous faire mention. Si s’adrecièrent li rois, ces
         gens d’armes et ceste armée, devers Normendie pour
         prendre terre à Chierebourch, où li rois de Navare
         les attendoit.

     30  Quant il furent entré en mer et il eurent singlé un
         jour, il eurent vent contraire, et les couvint retourner
   [137] en l’isle de Wiske, et là furent quinze jours. Et
         quant il s’en partirent, il ne se peurent adrecier vers
         Chierebourc, tant leur estoit li vens contraires; mais
         prisent terre en l’isle de Grenesée, à l’encontrée de
      5  Normendie, et là furent un grant temps, car il ooient
         souvent nouvelles dou roy de Navare, qui se tenoit
         à Chierebourch.

         Bien estoit li rois de France enfourmés de ces armées
         que li rois d’Engleterre en celle saison avoit
     10  mis sus, et comment il tiroit à venir et ariver en
         Normendie, et que li rois de Navare s’estoit alliiés à
         lui, et le voloit et ses gens mettre en ses forterèces.
         Si en fu dit et remoustret au roy de France, par
         grant deliberation de conseil, que ceste guerre de
     15  Normendie li pooit trop grever, ou cas que li rois de
         Navare possessoit des villes et des chastiaus de le
         conté d’Evrues, et que mieuls valoit que il se dissimulast
         un petit et laissast à dire devers le roy de
         Navare que donc que ses royaumes fust si malement
     20  menés ne grevés.

         Li rois de France, qui estoit de grant conception
         hors de son aïr, regarda que ses consauls le consilloit
         loyaument; si se rafrena de son mautalent et laissa
         bonnes gens ensonniier et couvenir de lui et dou roy
     25  de Navare. Si furent envoiiet à Chierebourch li evesques
         de Bayeus et li contes de Salebruce, qui parlèrent
         si doucement et si bellement au roy de Navare,
         et li remoustrèrent tant de belles raisons coulourées,
         que li dis rois se laissa à dire et entendi à raison,
     30  parmi tant ossi qu’il desiroit le pais à son grant signeur
         le roy Jehan de France. Mais ce ne fu mies si
         tost fait; ançois y eut moult de parolles retournées
   [138] ançois que [la] pais venist et que li rois de Navare volsist
         renoncier as trettiés et as alliances qu’il avoit au
         roy d’Engleterre. Et quant la pais entre lui et le roy
         de France fu acordée et seelée, et qu’il renonça en
      5  lui escusant moult sagement as alliances qu’il avoit
         au roy d’Engleterre, si demora messires Phelippes de
         Navare ses frères englès, et sceut trop mauvais gré au
         roy son frère de ce qu’il avoit travilliet le roy
         d’Engleterre de venir si avant, et puis avoit brisiet toutes
     10  ses couvenences.


         § =347=. Quant li rois d’Engleterre, qui se tenoit
         sus les frontières de Normendie en l’isle de Grenesée
         et estoit tenus bien sept sepmainnes, car là en dedens
         il n’avoit oy nulles nouvelles estables dou roy
     15  de Navare pour quoi il euist eu cause de traire avant,
         entendi que li rois de Navare estoit acordés au roy
         de France et que bonne pais estoit jurée entre yaus,
         si fu durement courouciés; mès amender ne le peut
         tant qu’à celle fois, et li couvint souffrir et porter les
     20  dangiers son cousin le roy de Navare. Si eut volenté
         de desancrer de là et de retourner en Engleterre,
         ensi qu’il fist, et s’en revint o toute sa navie à Hantonne.
         Si issirent là des vaissiaus et prisent terre li
         rois et leurs gens, pour yaus rafreschir tant seulement,
     25  car il avoient estet bien douze sepmainnes sus le mer,
         dont il estoient tout travilliet. Si donna li rois
         d’Engleterre grasce à ses gens d’armes et arciers de retraire
         vers Londres ou en Engleterre, là où le mieulz leur
         plaisoit, pour yaus rafreschir et renouveler de vesteure,
     30  d’armeures et de tous aultres ostilz neccessaires
         pour leurs corps, car aultrement il ne donna
   [139] nullui congiet, ançois avoit entention d’entrer en
         France au lés devers Calais. Et fist li dis rois venir et
         amener toute sa navie, où bien avoit trois cens vaissiaus,
         uns c’autres, à Douvres et là arester.

      5  Quant li rois d’Engleterre et li signeur se furent
         rafreschi environ quinze jours sus le pays, il se traisent
         tout en le marce de Douvres; si fisent passer
         tout premierement leurs chevaux, leur harnois et
         leur menues coses, et venir à Calais. Et puis passèrent
     10  li rois et si doi fil, Lyons contes de Dulnestre et
         Jehans contes de Ricemont, et se commençoient jà li
         enfant à armer. Si vinrent à Calais, et se loga li rois
         et si enfant ens ou chastiel, et tous li demorans en le
         ville.

     15  Quant li rois d’Engleterre eut sejourné en le ville
         de Calais un petit de terme, si eut volenté de partir et
         de chevaucier en France. Si fist connestable de
         toute son host le conte de Sallebrin, et mareschaus
         le signeur de Persi et le signeur de Nuefville. Si se
     20  departirent de Calais moult ordonneement en grant
         arroy, banières desploiies, et chevaucièrent vers
         Saint Omer. Et passèrent devant Arde et puis devant
         le Montoire, et se logièrent sus le rivière
         d’Oske. Et à lendemain li marescal de l’host le roy
     25  coururent devant Saint Omer, dont messires Loeis
         de Namur estoit chapitains. Si vinrent jusques as
         barrières, mès il n’i fisent aultre cose.

         Li rois de France, qui bien avoit entendu que li
         rois d’Engleterre toute celle saison avoit fait ses
     30  pourveances grandes et grosses, et qu’il s’estoit tenus
         sus mer, supposoit bien que li rois dessus nommés,
         quoique les alliances de lui et dou roy de Navarre
   [140] fussent brisies, ne se tenroit point à tant que
         il n’emploiast ses gens où que fust. Et quant il sceut
         que il estoit o toute son host arrivés à Calais, si envoia
         tantost grans gens d’armes par toutes les forterèces
      5  de Pikardie en le conté d’Artois. Et fist un
         très grant et especial mandement par tout son
         royaume que tout chevalier et escuier, entre l’eage
         de quinze ans et de soissante, fuissent à un certain
         jour que il y assist, en le cité d’Amiens ou là environ,
     10  car il voloit aler contre les Englès et yaus combatre.
         En ce temps estoit connestables de France li dus
         d’Athènes, et mareschal messires Ernoulz d’Audrehen
         et messires Jehans de Clermont.

         Si envoia encores li dis rois de France devers ses
     15  bons amis en l’Empire, et par especial monsigneur
         Jehan de Haynau en qui moult se confioit de sens,
         de proèce et de bon conseil. Li gentilz chevaliers ne
         volt mies fallir à ce grant besoing le roy de France,
         mès vint vers lui moult estoffeement, ensi que bien
     20  le savoit faire, et le trouva en le cité d’Amiens.

         Là estoient dalés le roy de France si quatre enfant:
         premierement Charles l’ainnet, duch de Normendie
         et dalphin de Viane, messires Loys, li secons
         apriès, contes d’Ango et du Mainne, li tiers
     25  messires Jehans contes de Poitiers, et li quars messires
         Phelippes. Et quoique cil quatre signeur et enfant
         fuissent avoech le roy leur père, il estoient
         pour ce temps encores moult jone; mais li rois les y
         menoit pour aprendre les armes. Là estoit li rois
     30  Charles de Navarre, li dus d’Orliens frères dou roy
         Jehan, li dus de Bourbon, messires Jakemes de Bourbon
         contes de Poitiers ses frères, li contes de Forès,
   [141] messires Jehans de Boulongne contes d’Auvergne, li
         contes de Tankarville, li contes d’Eu, messires Charles
         d’Artois ses frères, li contes de Dammartin, li contes
         de Saint Pol, et tant de contes et de barons que grans
      5  tanisons seroit à recorder.

         Si eut li rois en le cité d’Amiens bien douze mil
         hommes d’armes, sans les communautés dont il avoit
         bien trente mil. Et quoique li dis rois de France
         fesist son amas de gens d’armes et ses pourveances
     10  si grandes et si grosses pour chevaucier contre les
         Englès, pour ce ne sejournoit mies li rois d’Engleterre
         d’aler toutdis avant ou royaume de France,
         car nulz ne li aloit au devant; et chevauçoit vers
         Hedin, dont il avoient si grant paour en le cité d’Arras,
     15  que merveilles seroit à penser, car il cuidoient
         que li rois d’Engleterre deuist mettre le siège devant
         leur ville et leur cité.

         Or vous lairons nous un petit à parler dou roy
         d’Engleterre et dou roy de France, et vous parlerons
     20  de une haute emprise et grande que messires Guillaumes
         Douglas et li Escot fisent en Engleterre, entrues
         que li rois Edowars estoit en ce voiage de
         France.


         § =348=. Messires Guillaumes de Douglas, cils bons
     25  chevaliers d’Escoce, guerrioit toutdis à son pooir les
         Englès, quoique li rois David d’Escoce fust prisonniers,
         ensi que vous savés; et estoit chiés de tous les
         Escos, leur confors et leur ralloiance, et se tenoit en
         le forest de Gedours. Si avoit avoecques lui pluiseurs
     30  chevaliers et escuiers d’Escoce et de France que li
         rois Jehans y avoit envoiiés, liquel faisoient guerre
   [142] avoecques lui as Englès. Et comment qu’il ne fuissent
         c’un petit de gens, se donnoient il à faire moult
         les Englès, et les ressongnoient durement cil dou
         pays de Northombrelande. Cils messires Guillaumes
      5  de Douglas, par proèce et par vasselage, depuis le
         prise dou roy d’Escosse, avoit reconquis sus les Englès
         sept bonnes forterèces qu’il tenoient des Escos,
         et avoit mis chiaus de son pays assés au dessus de
         leur guerre.

     10  Or entendi il ensi que li royaumes d’Engleterre
         estoit durement eswidiés de gens d’armes et d’arciers,
         et que il estoient tout ou en partie avoecques le
         roy d’Engleterre ou son fil prince de Galles, ou le
         duch Henri de Lancastre. Si s’avisa li dessus dis messires
     15  Guillaumes avoecques ses compagnons que il
         feroient secretement une chevaucie en Engleterre et
         venroient eschieller le fort chastiel de Rosebourch
         qui siet sus le rivière de Tuide, et le ville et le
         chastiel de Bervich seant sus celle meisme rivière.
     20  Si fisent leur besongne et leur ordenance tout quoiement;
         et s’en vinrent, pourveu d’eschielles et aviset
         de leur fait, à un ajournement en deus batailles à
         Rosebourch et à Bervich. Les gardes de Rosebourch,
         qui estoient toutdis en doubte et en cremeur pour
     25  les Escos, faisoient bon gait; et fallirent li Escot à
         leur entente de prendre et eschieller Rosebourch.
         Mais cil qui vinrent à Bervich ne fallirent mies; ançois
         assenèrent de prendre et eschieller le chastiel et
         tuèrent toutes les gardes qui dedens estoient.

     30  Li chastiaus de Bervich siet au dehors de le cité,
         et y a murs, portes et fossés entre deus. Et toutdis,
         quoique on garde le chastiel de Bervich, ossi est
   [143] on moult songneus de garder le cité. Si oïrent les
         gardes de le porte l’effroy qui estoit ens ou chastiel;
         si sallirent tantost sus et alèrent rompre les plances,
         par quoi li Escot soubdainnement ne peuissent venir
      5  plus avant. Et esvillièrent ceulz de le ville qui tantost
         s’armèrent et alèrent celle part et deffendirent
         leur ville. Jamais li Escot ne l’euissent eu, puisqu’il
         en estoient mancevi. Toutes fois li chastiaus demora
         as Escos.

     10  Si eurent avis li bourgois de Bervich qu’il le segnefieroient
         au roy d’Engleterre, car encores li sires de
         Grastoch, uns grans barons de Northombrelande,
         qui avoit tout ce pays en gouvrenance, estoit avoecques
         le roy d’Engleterre en ce voiage en France. Si
     15  escripsirent cil de Bervich lettres, et segnefiièrent ens
         tout leur estat, et comment li Escot avoient esploitié,
         desquelz messires Guillaumes Douglas estoit menères
         et souverains. Ançois que ces lettres et ces nouvelles
         venissent au roy d’Engleterre, fist li dis messires
     20  Guillaumes une partie de son emprise, si com vous
         orés compter ensiewant.


         § =349=. Tant ala li rois d’Engleterre que il vint devant
         Blangis, un biau chastiel et fort de la conté
         d’Artois, et estoit pour le temps au jone duch de
     25  Bourgongne. Si s’arresta li rois d’Engleterre par devant,
         dont cil de Hedin furent tout esbahi, car c’est
         marcissant à deus petites liewes priès. Et couroient
         li Englès le pays à leur volenté jusques bien avant en
         le conté de Saint Pol et d’Artois.

     30  Entrues que li rois d’Engleterre se tenoit là, vint
         en son host uns moult bons chevaliers de France des
   [144] basses marces qui s’appelloit Bouchicaus, et estoit
         prisonniers au roy d’Engleterre de le prise de Poito,
         et avoit bien esté trois ans. Se li avoit li rois d’Engleterre
         fait grasce d’estre retournés en France et en
      5  son pays pour mettre ses besongnes à point; si devoit
         dedens le jour Saint Michiel restre en le prison
         dou roy dessus dit. Cilz messires Boucicaus estoit uns
         vaillans homs, grans chevaliers et fors, et durement
         bons compains, et bien en le grasce et amour dou
     10  roy d’Engleterre et des Englès, tout par sens et par
         biau langage qu’il avoit bien apparilliet. Si trouva
         sus les camps d’aventure, entre Saint Pol et Hedin,
         les mareschaus dou roy d’Engleterre qui tantost [le[293]]
         recogneurent et qui li fisent grant cière, car il savoient
     15  bien qu’il estoit prisonniers; se leur demanda
         dou roy où il estoit. Il li respondirent qu’il l’i
         [menroient[294]] tout droit, car ossi aloient il celle part.
         Si se mist li dis messires Bouchicaus en leur compagnie;
         et fisent tant qu’il vinrent devant Blangis où li rois
     20  estoit logiés.

             [293] Mss. B 4, 3, fº 158.--Ms. B 1, t. II, fº 53: «les.»
             _Mauvaise leçon._

             [294] Mss. B 4, 3.--Ms. B 1: «meroient.» _Mauvaise leçon._

         Messires Boucicaus se trest tantost devers le roy,
         que il trouva devant son pavillon, et regardoit une
         luitte de deus Bretons.

         Messires Boucicaus se traist vers le roy, et l’enclina
     25  tout bas, et le salua. Li rois, qui desiroit à oïr nouvelles
         de son adversaire le roy Jehan, dist ensi: «A
         bien viègne Boucicaus!» Et puis li demanda: «Et
         dont venés vous, messire Boucicau?»--«Monsigneur,
         respondi li chevaliers, je vieng de France et
   [145] tout droit de le cité d’Amiens, où j’ay là laissiet le roy
         monsigneur et grant fuison de noble chevalerie: dont
         je espoir que vous orés temprement nouvelles.»

         Li rois d’Engleterre pensa un petit, et puis dist:
      5  «Messire Boucicau, qu’es cou à dire, quant mon adversaire
         scet que je sui logiés en son pays, et ay jà
         esté par trois jours à siège devant uns de ses chastiaus,
         et si a tant de chevaliers que vous dittes, et si
         ne me vient point combatre?» Messires Bouchicaus
     10  respondi moult aviseement, et dist: «Monsigneur, de
         tout che ne sai je riens, car je ne suis mies de son
         secret conseil; mès je me vieng remettre en vostre
         prison pour moy acquitter envers vous.»

         Adonc dist li rois une moult belle parolle pour le
     15  chevalier: «Messire Boucicau, je sçai bien que, se je
         vous voloie plenté presser, j’aroie bien de vous deus
         ou trois mil florins; mais je vous dirai que vous
         ferés: vous en irés à Amiens devers mon adversaire,
         et li dirés où je sui, et que je l’i ay attendu trois
     20  jours, encores l’i attenderai je cinq, et que là en dedens
         il traie avant; il me trouvera tout prest pour
         combatre. Et parmi tant que vous ferés ce message,
         je vous quitte vostre prison.» Messires Boucicaus fu
         tous resjoïs de ces nouvelles et dist: «Monsigneur,
     25  vostre message ferai je sans fallir bien et à point; et
         vous me faites grant courtoisie: Diex le vous puist
         merir!»

         Assés tost apriès ces parolles, fu il heure de souper.
         Si soupa li rois et si chevalier et messires Boucicaus
     30  avoec yaus. Quant ce vint au matin, messires
         Boucicaus monta à cheval et se mesnie, et se mist au
         retour au plus droit qu’il peut devers Amiens, et fist
   [146] tant qu’il y parvint. Si trouva là le roy de France et
         grant fuison de dus, de contes, de barons et de chevaliers.
         Si fu li bien venus entre yaus; et eurent grant
         merveille de ce qu’il estoit si tost retournés: si leur
      5  conta sen aventure. Et fist au roy tout premierement
         son message, ensi que li rois d’Engeterre li mandoit;
         et li dist, presens grant fuison de haus signeurs. Et
         puis dist messires Bouchicaus tout en riant: «Li
         lewiers de ce message est telz que li rois d’Engleterre
     10  m’a quitté ma prison, qui me vient trop bien à
         point.» Li rois de France respondi: «Bouchicau,
         vous avés pris pour vous, et nous y entenderons
         pour nous, quant bon nous samblera, non à l’aise
         ne ordenance de nos ennemis.»


     15  § =350=. Ensi demora la cose en cel estat, et li rois
         de France encores à Amiens; ne point ne se meut si
         tretos pour le mandement dou roy d’Engleterre, car
         toutdis li venoient gens et encores en attendoit il.

         Quant li rois d’Engleterre, puis le departement de
     20  monsigneur Boucicau, vei que li rois Jehans ne trairoit
         point avant, et que li jour estoient passet que
         ordonné il y avoit, il eut conseil de deslogier et de
         lui retraire vers Calais, car pour celle saison il en
         avoit assés fait. Si se desloga li dis rois, et se
     25  deslogièrent toutes ses gens, et puis se misent au chemin
         toute l’Alekine, un biau plain chemin que on dist
         Leueline[295], qui s’en va tout droit devers Calais; si
         passèrent parmi la conté de Faukemberghe.

             [295] Ms. B 3: «Laueline.» Fº 181 vº.

         Quant li rois de France, qui se tenoit à Amiens,
   [147] sceut que li rois d’Engleterre s’en retournoit vers
         Calais, o primes se desloga il; et fu tous courouciés
         sur chiaus qui l’avoient là tant tenu, car on l’avoit
         enfourmé que li rois d’Engleterre venroit mettre le
      5  siège devant Arras, et là le voloit il trouver et combatre.
         Si se hasta li dis rois durement et s’en vint
         jesir ce premier jour à Saint Paul à Tierenois, et l’endemain
         à Tieruane. Et li Englès estoient oultre à
         Faukemberge, et l’avoient toute robée et pillie.

     10  A l’endemain s’en parti li rois d’Engleterre et toute
         son host, et passèrent à Liques et desous Arde, et
         rentrèrent ce jour en le ville de Calais. Messires Ernoulz
         d’Audrehen, qui alant et venant avoit toutdis
         costiiet les Englès, et tenus si cours, que li arrieregarde
     15  ne s’estoit onques oset dessouchier, poursievi
         les Englès de si priès que, au rentrer en Calais, il se
         feri en le kewe et parti à leur butin, et eut de leurs
         chevaus et de leur pillage et bien dix ou douze prisonniers;
         et puis s’en retourna en le bastide d’Arde,
     20  dont il estoit chapitains.

         Ce propre jour vint li rois de France jesir à Faukemberghe,
         et toute son host là environ, où bien avoit plus
         de cent mil hommes. Si se tinrent là li François celle
         nuit. Et l’endemain au matin vint li mareschaus de
     25  France, messires Ernoulz d’Audrehen, qui aporta
         nouvelles au roy que li Englès estoit retrait en le
         ville de Calais. Quant li rois de France entendi ces
         nouvelles, si demanda conseil quel cose il feroit. On
         li dist que de chevaucier plus avant contre les Englès
     30  il perderoit se painne, mès se retraisist vers
         Saint Omer et là aroit nouvel avis.

         A ceste ordenance s’acorda li rois, et se retrest
   [148] vers Saint Omer et toutes ses gens ossi. Et se loga li
         dis rois en l’abbeye de Saint Bertin, qui est abbeye
         royaus. Là manda li rois tous les barons et les plus
         especiaulz de son conseil à savoir comment de ceste
      5  chevaucie il poroit issir à son honneur, car il estoit
         enfourmés que li rois d’Engleterre estoit encores arrestés
         à Calais. Si fu adonc li rois consilliés qu’il envoiast
         monsigneur Ernoul d’Audrehen et monsigneur
         Bouchicau devers le roy d’Angleterre, lesquelz
     10  deus chevaliers il cognissoit assés bien, et li demandassent
         bataille de cent à cent, ou de mil à mil, ou
         de pooir à pooir, «et que vous li liverés place et
         pièce de terre par l’avis de six de vos chevaliers et
         de six des siens.»

     15  Li rois tint ce consseil à bon; et montèrent li doi
         chevalier, et se departirent de Saint Omer, et chevaucièrent
         vers Calais. Et envoiièrent devant un hiraut
         pour empetrer un saufconduit, pour aler parler
         au roy d’Engleterre. Li hiraus s’esploita tant que le
     20  saufconduit il leur raporta à Arde, dont chevaucièrent
         li dessus dit chevalier oultre, et vinrent jusques
         à Calais.

         En ce propre jour au matin estoit arrivés ou havene
         de Calais cilz qui aportoit les nouvelles de Bervich,
     25  comment li Escot avoient pris le chastiel de
         Bervich et volut eschieller Rosebourch. Si en estoit
         encores li rois tous pensieus et merancolieus, et en
         avoit parlé ireusement au signeur de Grastoch, qui la
         terre de Bervich, le cité et le dit chastiel avoit en
     30  garde, quant il s’en estoit partis, telement que il n’i
         avoit mis si bonnes gardes que nulz damages ne l’en
         fust pris, et de ce l’avoit il grandement blasmé. Mais
   [149] li sires de Grastoch s’estoit à son pooir escusés, en
         disant qu’il y avoit laissiet gens assés, mais qu’il en
         euissent bien songniet. Si avoit li rois ordenet de retourner
         en Engleterre et dit ensi que lui venut à Douvres,
      5  il ne giroit jamais en une ville que une nuit, si
         aroit esté à Bervich et atourné tel le pays que on diroit:
         «Ci sist Escoce.»

         Non obstant ce et l’ordenance que il avoit mis de
         retourner en Engleterre, quant il sceut que li chevalier
     10  de son aversaire le roy Jehan voloient parlementer
         à lui, il cessa de sen ordenance tant que il les
         euist oys, et les fist venir avant devant li. Et ne leur
         fist nul samblant, en langage ne aultrement, que il
         vosist partir si soudainnement ne retourner en
     15  Engleterre.


         § =351=. Quant messires Ernoulz d’Audrehen et messires
         Boucicaus furent venu devant le roy, il l’enclinèrent
         et saluèrent bien et à point, ensi que il le
         sceurent bien faire et c’à lui apartenoit. Et puis li
     20  remoustrèrent pourquoi il estoient là venu en requerant
         la bataille, ensi que ci dessus est contenu et qu’il
         estoient chargiet dou dire. Li rois d’Engleterre respondi
         à ce briefment, en regardant sus monsigneur
         Boucicau et leur dist: «Dou temps que j’ay chevaucié
     25  en France et logiet devant Blangis bien dix jours, je
         li mandai, ensi que vous savés, que je ne desiroie
         aultre cose que la bataille. Or me sont venu aultres
         nouvelles pourquoi je ne me combaterai mies à
         l’ordenance de mes anemis, mès à le volenté de mes
     30  amis.»

         Ce fu la response finable que il en peurent dou
   [150] roy avoir et porter. Si prisent congiet et se partirent
         de Calais et retournèrent arrière à Saint Omer; et
         recordèrent au roy de France et à son conseil la response,
         tout ensi que il l’avoient entendu et retenu
      5  dou roy d’Engleterre. Si eurent li François sur ce
         avis, et veirent bien que pour celle saison il ne se
         combateroient point as Englès. Si donna li rois de
         France toutes manières de gens d’armes congiet, et
         de communaultés ossi; si s’en retournèrent cescuns
     10  en leurs lieus. Ilz meismes s’en retourna en France,
         mais à son departement il laissa ens ès garnisons de
         Pikardie grant fuison de bonnes gens d’armes. Et demora
         messires Ernoulz d’Audrehen en le bastide
         d’Arde, pour garder les frontières.

     15  Si retourna messires Jehans de Haynau arrière en
         le conté de Haynau, quant il eut pris congiet au roy
         de France. Ce fu la darrainne chevaucie où li gentilz
         chevaliers fu, car le quaresme ensievant, droitement
         le nuit Saint Grigore, il trespassa de ce siècle en
     20  l’ostel de Byaumont en Haynau; et fu ensepelis en
         l’eglise des Cordeliers en le ville de Valenchiènes: là
         gist il moult reveramment. Si furent hiretier de toute
         sa terre li enfant le conte de Blois qui demora à
         Creci, car il estoient enfant de sa fille: ce furent
     25  Loeis, Jehans et Guis.


         § =352=. Nous parlerons dou roy d’Engleterre qui
         n’avoit mies mis en oubli le voiage d’Escoce, et
         compterons comment il persevera. Il se departi
         adonc de Calais à tout ses gens d’armes et arciers, et
     30  entra en ses vaissiaus, et prist le chemin de Douvres.
         A son departement, il institua le conte de Sallebrin
   [151] à cent hommes d’armes et deus cens arciers, à demorer
         en le ville de Calais, pour garder le ville contre
         les François qu’il sentoit encores à Saint Omer.
         Quant li rois d’Engleterre et ses gens furent arrivet à
      5  Douvres, il issirent des vaissiaus et s’i tinrent ce jour
         et le nuit ensievant, pour ravoir leurs chevaus et
         leurs harnas hors des nefs. Et à l’endemain li dis
         rois se parti et vint à Cantorbie, et fist là sen offrande
         au corps saint Thumas. Et disna en le ville, et puis
     10  passa oultre, et toutes ses gens ossi; et ne prist
         mies le chemin de Londres, mès les adrèces pour
         venir jusques à Bervich.

         Or vous dirai d’une haute emprise et grande que
         messires Gautiers de Mauni, cilz vaillans et gentilz
     15  chevaliers, fist en ce voiage. Il prist congiet dou roy
         et dist qu’il voloit chevaucier devant pour ouvrir les
         chemins. Li rois li ottria assés legierement. Si chevauça
         li dis messires Gautiers o chiaus de sa carge
         tant, par nuit et par jour, qu’il vint devant Bervich
     20  et entra en le ville, quant il eut passet le rivière de
         Tuyde qui keurt devant. Et fu grandement conjoïs
         de chiaus de Bervich et liement recueilliés. Si demanda
         à chiaus qui là estoient dou couvenant des
         Escos et de chiaus dou chastiel. On li dist que li Escot
     25  tenoient le chastiel, mès il n’estoient point fuison de
         gens dedens. «Et qui est leur chapitains?» dist messires
         Gautiers de Mauni. «Il l’est, respondirent chil,
         uns chevaliers escos, cousins au conte de Douglas,
         qui s’appelle messires Guillaumes Asneton.»--«En
     30  non Dieu, dist messires Gautiers, je le cognois
         bien: c’est uns bons homs d’armes. Je voeil qu’il
         sente, et ossi tout si compagnon, que je sui ci
   [152] venus devant pour prendre les logeis dou roy
         d’Engleterre.»

         Adonc messires Gautiers de Mauni mist ouvriers
         en oevre, et avoit usage que il menoit toutdis quarante
      5  ou cinquante mineurs: si ques ces mineurs il
         les fist entrer en mine à l’endroit dou chastiel. Cil
         mineur n’eurent gaires minet quant, par dessous les
         murs, ils trouvèrent uns biaus degrés de pière qui
         avaloient aval et puis remontoient contremont par
     10  desous les murs de le ville et aloient droitement ou
         chastiel. Et euissent li Escot sans faute esté pris par
         celle mine, quant il se perçurent que on les minoit.
         Et furent segnefiiet ossi que li rois d’Engleterre o
         tout son effort venoit. Si eurent conseil entre yaus
     15  qu’il n’attenderoient mies ces deus perilz, l’aventure
         de le mine et le venue dou roy d’Engleterre. Si toursèrent
         tout ce que il avoient de bon une nuit, et
         montèrent sus leurs chevaus, et se partirent dou
         chastiel de Bervich et le laissièrent tout vaghe. Et
     20  volentiers l’euissent ars au partir, et s’en misent en
         painne, mais li feus ne s’i volt onques prendre. Ensi
         reconquist messires Gautiers de Mauni le chastiel de
         Bervich ançois que li rois ses sires i peuist venir et
         l’en fist present des clés. Et li raconta sus les camps,
     25  en venant celle part, comment il l’avoit reconquis
         et l’aventure de le bonne mine qu’il avoit trouvé. Si
         l’en seut li rois d’Engleterre grant gré, et le tint
         pour grant vasselage. Si entra en le ville de Bervich
         à grant ordenance de menestraudies. Si le recueillièrent
     30  moult honnourablement li bourgois de le
         ville.


   [153] § =353=. Apriès le reconquès de Bervich, si com
         vous avés oy, et que li rois et ses gens se furent rafresci
         en le cité et en le marce cinq jours, li dis rois
         ordonna d’aler plus avant ou pays et dist que, ains
      5  son retour, il arderoit tout le plain pays d’Escoce et
         abateroit toutes les forterèces. Et pour ce mieus
         esploitier, il avoit fait cargier sus le rivière de Hombre,
         en grosses nefs, grant fuison d’engiens et d’espringalles
         pour ariver en le mer d’Escoce, desous Haindebourch,
     10  et tout premierement abatre le fort chastiel
         d’Aindebourch. Et disoit li rois que il atourneroit
         tèle Escoce qu’il n’i lairoit chastiel ne forte maison
         en estant. Avoech tout ce, pour ce que li rois
         d’Engleterre savoit bien que il ne trouveroient mies
     15  pourveances à leur aise ens ou royaume d’Escoce,
         car c’est pour gens d’armes aforains uns moult povres
         pays, et que li Escot avoient tout retret ens ès
         forès inhabitables, li dis rois avoit fait cargier bien
         quatre vingt nefs de blés, de farines, de vins, de
     20  chars, d’avaines et de chervoises, pour soustenir
         l’ost, car il estoit jà moult avant en l’ivier.

         Si se departirent li rois d’Engleterre et ses gens,
         et chevaucièrent avant ou pays en approçant Haindebourch.
         Et ensi que il aloient, li mareschal de
     25  l’host et leurs banières couroient, mais il ne trouvoient
         riens que fourer. Si chevaucièrent tant li rois
         et ses gens qu’il vinrent en Haindebourch et se logièrent
         à leur volenté en le ville, car elle n’est point
         fremée. Si se loga li rois en l’ostel de le monnoie,
     30  qui estoit grans et biaus. Et demanda li rois se c’estoit
         li hostelz dou bourgois d’Aindebourch qui avoit
         dit qu’il seroit maires de Londres; on li dist: «oil.»
   [154] Si en eut li rois bons ris, et dist là à ses chevaliers le
         conte, ensi qu’il aloit.

         «Quant li rois David d’Escoce entra en nostre
         pays de Northombrelande, et il vint devant le Noef
      5  Chastiel sur Thin, le temps que nous estions devant
         Calais, il avoit avoecques li un homme qui estoit
         sires de cel hostel; si disoit, et ossi disoient pluiseur
         Escot, que il conquerroit tout nostre royaume d’Engleterre:
         si que cilz homs demanda par grant sens
     10  un don au roy d’Escoce, en remunerant les services
         qu’il li avoit fais. Li rois d’Escoce li acorda et li dist
         qu’il demandast hardiement, et qu’il li donroit, car
         il estoit trop tenus à lui. Cilz homs dist: «Sire,
         quant vous arés Engleterre conquis et vous departirés
     15  les terres et les pays à vos gens, je vous pri que
         je puisse estre vos maires de Londres, car c’est uns
         moult biaus offisces. Et en toute Engleterre je ne
         desir aultre cose.» Li rois d’Escoce li acorda legierement,
         car ce lui coustoit peu à donner. Si fu pris
     20  li rois, ensi que vous savés et qu’il gist encores en
         nostre prison; mais je ne sçai que li homs est devenus,
         s’il est mors ou vis: je le saroie volentiers.»
         Li chevalier, qui avoient oy le conte dou roy, eurent
         bon ris et disent: «Sire, nous en demanderons.»
     25  Si en demandèrent et reportèrent au roy qu’il estoit
         mors puis un an.

         Si passa li rois oultre ce pourpos, et entra en un
         aultre, que de faire assallir le fort chastiel d’Aindebourch
         à l’endemain; mais ses gens, qui l’avoient
     30  avisé et imaginé tout environ à leur pooir, l’en respondirent
         que on s’en travilleroit en vain, et qu’il
         ne faisoit mies à reprendre, fors par force d’engiens.


   [155] § =354=. Ensi se tint li rois d’Engleterre en Haindebourch
         bien douze jours; et attendoit là ses pourveances,
         vivres et artillerie, dont il avoient grant
         necessité, car de bleds, de farines et de chars trouvoient
      5  il petit ens ou pays. Car li Escot avoient
         caciet tout leur bestail oultre le mer d’Escoce et le
         rivière de Taye, où li Englès ne pooient avenir. Et
         se il sentesissent que li Englès venissent avant, il
         euissent tout caciet ens ès bois et ens ès forès. Et
     10  avoient bouté le feu ens ès gragnes, et tout ars bleds
         et avainnes, par quoi li Englès n’en euissent aise.

         Pour celle deffaute convint le roy d’Engleterre et
         ses gens retourner, car il n’avoient nul vivre, se il
         ne leur venoient d’Engleterre, et la grosse navie dou
     15  roy qui estoit cargie sus le Hombre, où bien avoit
         quatre vingt gros vaissiaus de pourveances; mais
         onques il ne peurent prendre terre en Escoce, là où
         il tiroient à venir, car c’est uns dangereus pays pour
         ariver estragniers qui ne le cognoissent. Et y eut, si
     20  com je fui adonc enfourmés, par tempeste de mer,
         douze nefs peries et desvoiies, et les aultres retournèrent
         à Bervich.

         Entrues que li rois d’Engleterre se tenoit en le
         ville de Haindebourch, le vint veoir la contesse de
     25  Douglas, une moult noble, frice et gentil dame, suer
         au conte de Le Mare d’Escoce. La venue de la dame
         resjoy moult le roy d’Engleterre, car il veoit volentiers
         toutes frices dames. Et la bonne dame avoit jà
         envoiiet le roy de ses bons vins, car elle demoroit à
     30  cinq liewes de Haindebourch, en un fort chastiel
         que on dist Dalquest: de quoi li rois l’en savoit bon
         gré. La plus especiaulz cause pour quoi la bonne
   [156] dame vint là, je le vous dirai. Elle avoit oy dire que
         li rois d’Engleterre avoit fort maneciet d’ardoir à
         son departement le plainne ville d’Aindebourch où
         elle retournoit à le fois, car c’est Paris en Escoce,
      5  comment que elle ne soit point fremée: si ques la
         contesse Douglas, quant elle eut parlé au roy, et
         li rois l’eut recueilliet et conjoy, ensi que bien le
         savoit faire, elle li demanda tout en riant que il li
         volsist faire grasce. Li rois li demanda de quoi,
     10  qui jamais ne se fust adonnés que la dame fust là
         venue pour tel cause. Et la dame li dist que il vosist
         respirer de non ardoir le ville d’Aindebourch
         pour l’amour de lui. «Certes, dame, respondi li rois,
         plus grant cose feroi je pour l’amour de vous. Et je
     15  le vous accorde liement que, pour moy ne pour mes
         gens, elle n’ara jà nul mal.» Et la contesse l’en remercia
         pluiseurs fois, et puis prist congiet au roy et
         as barons qui là estoient; si s’en retourna en son
         chastiel de Dalquest.

     20  Saciés que messires Guillaumes Douglas ses maris
         n’estoit mies là, mès se tenoit sus le pays ens ès bois,
         à tout cinq cens armeures de fier, tous bien montés,
         et n’attendoit aultre cose que le retour dou roy et
         des Englès, car il disoit que il leur porteroit contraire.
     25  Avoecques lui estoient li contes de Mare, li
         contes de Surlant, li contes de Boskentin, li contes
         d’Astrederne, messires Arcebaus Douglas ses cousins,
         messires Robers de Versi, messires Guillaumes
         Asneton et pluiseur bon chevalier et escuier d’Escoce
     30  qui estoient tout pourveu de leur fait et savoient
         les destrois et les passages, qui leur estoit grans
         avantages pour porter contraire à leurs ennemis.


   [157] § =355=. Quant li rois d’Engleterre vei que ses
         pourveances ne venroient point, et si n’en pooient
         ses gens recouvrer de nulles ens ou royaume d’Escoce,
         car il n’osoient chevaucier trop avant ou pays,
      5  si eut conseil qu’il s’en retourneroit arrière en
         Engleterre. Si ordonna à deslogier d’Aindebourch, et
         de çascun mettre au retour. Ce fu une cose qui
         grandement plaisi bien à la grignour partie des Englès,
         car il gisoient là moult malaisiement. Et fist li
     10  rois commander sus le hart que nulz ne fust si hardis,
         qui au departement boutast ne mesist feu en le
         ville de Haindebourh. Cilz commandemens fu
         tenus.

         Adonc se misent au retour li rois et ses gens pour
     15  raler en Engleterre. Et vous di que il chevauçoient
         en trois batailles et par bonne ordenance. Et tous
         les soirs faisoient bons gais, car il se doubtoient
         moult à estre resvilliet des Escos. Et bien supposoient
         que li Escot estoient ensamble, mais il ne savoent
     20  où ne de quel costé. Et avint un jour que, au
         destroit d’une montagne où li Englès et toute leur
         host devoient passer, li Escot qui cognissoient ce passage,
         s’estoient mis en embusce. Et chevauçoient li
         Englès par le destroit de le montagne et le malaisiu
     25  chemin en pluiseurs routes; et ne cuidaissent jamais
         que li Escot se fuissent mis sus ce chemin, mais si
         estoient. Et savoient bien que li rois et toute sen host
         devoient rapasser par là.

         Ce propre jour faisoit lait et froit et plouvieus, et
     30  si mauvais chevaucier, pour le vent et pour le froit,
         que il ne pooit faire pieur. Li Englès, qui chevauçoient
         par routes, ne savoient mies que li Escot fuissent
   [158] si priès d’yaus mis en embusce. Et laissièrent li
         Escot passer le première, le seconde et le tierce
         route, et se boutèrent en le quarte, en escriant:
         «Douglas! Douglas!» Et cuidoient certainnement
      5  que li rois d’Engleterre fust en celle compagnie, car
         leur espie leur avoit dit qu’il faisoit le quarte bataille.
         Mais le soir devant, li Englès, par soutilleté,
         avoient renouvelé leurs ordenances; et avoient fait
         sept routes pour passer plus aise ces destrois, qu’il
     10  appellent ou pays les destrois de Tuydon. Et de ces
         montagnes nest la rivière de Tuyde, qui anciennement
         suelt departir Escoce et Engleterre; et tournie
         celle rivière en pluiseurs lieus en Escoce et en Engleterre.
         Et sus se fin, desous Bervich, elle s’en vient
     15  ferir en le mer, et là est elle moult grosse.

         Li contes Douglas et se route, où bien avoit cinq
         cens armeures de fier, s’en vinrent, ensi que je vous
         di, ferir d’un rencontre sus ces Englès, où il avoit
         pluiseurs haus barons et chevaliers d’Engleterre et
     20  de Braibant. Là furent cil Englès reculé et rebouté,
         et en y eut pluiseurs rués par terre, car il chevauçoient
         sans arroi. Et se il euissent attendu l’autre
         route, il fuissent venu à leur entente, car li rois y
         estoit qui fu tantos enfourmés de ce rencontre.
     25  Adonc sonnèrent les trompettes dou roy, et se
         recueillièrent toutes gens qui ces montagnes avoient à
         passer. Et vint là li arrie[re]garde, li contes de Sallebrin
         et li contes de Le Marce, où bien avoit cinq
         cens lances et mil arciers. Si ferirent chevaus des
     30  esporons et s’en vinrent dalés le roy; si boutèrent
         hors leurs banières. Tantost li Escot perçurent qu’il
         avoient falli à leur entente, et que li rois estoit
   [159] derrière. Si n’eurent mies conseil de là plus attendre,
         ançois se partirent; mais il en menèrent pluiseurs
         bons chevaliers d’Engleterre et de Braibant pour
         prisonniers, qui là leur cheirent en ès mains. Il furent
      5  tantost esvanui; on ne sceut qu’il devinrent, car il se
         reboutèrent entre les montagnes ens ou fort pays. Si
         fil li sires de Baudresen priès atrapés, car il estoit
         en celle compagnie; mais il chevauçoit tout derrière,
         et ce le sauva, mais il y eut pris six chevaliers de
     10  Braibant.


         § =356=. Depuis ceste avenue chevaucièrent toutdis
         li Englès plus sagement et mieulz ensamble, tant
         qu’il furent en leur pays, et passèrent devant Rosebourch
         et puis parmi la terre le signeur de Persi. Et
     15  fisent tant qu’il vinrent au Noefchastiel sur Thin,
         et là se reposèrent et rafreschirent. Et donna li
         rois d’Engleterre congiet à toutes manières de gens
         pour retraire çascun en son lieu. Si se misent au retour,
         et li rois proprement ossi, qui petit sejourna
     20  sus le pays; si fu venus à Windesore, où madame la
         royne sa femme tenoit l’ostel grant et estoffet.

         Or nous reposerons nous à parler une espasse
         dou roy d’Engleterre, et parlerons de son ainsnet fil
         monsigneur Edowart, prince de Galles, qui fist en
     25  celle saison et mist sus une grande et belle chevaucie
         de gens d’armes englès et gascons, et les mena
         en un pays où il fisent grandement bien leur pourfit,
         et où onques Englès n’avoient esté. Et tout ce
         fu par l’enort et ordenance des Gascons, que li dis
     30  princes avoit dalés lui de son conseil et en sa
         compagnie.

   [160] Vous avés bien chi dessus oy recorder comment
         aucun baron de Gascongne vinrent en Engleterre,
         et fisent priière au roy d’Engleterre qu’il leur volsist
         baillier son fil le prince de Galles pour aler en Gascongne
      5  avoech yaus, et que tout cil de par de delà,
         qui pour englès se tenoient, en seroient trop grandement
         resjoï et reconforté, et comment li rois leur
         acorda et delivra à son fil mil hommes d’armes
         et deus mil arciers, où il avoit grant fuison de
     10  bonne chevalerie, desquelz de nom et de sournom et
         les plus renommés j’ay fait mention: si ques, quant
         li princes fu venus à Bourdiaus, ce fu environ le
         Saint Michiel, il manda tous les barons et chevaliers
         de Gascongne desquelz il pensoit à estre servis et
     15  aidiés: premierement le signeur de Labreth et ses
         frères, les trois frères de Pumiers, monsigneur Jehan,
         monsigneur Helye et monsigneur Aymemon,
         monsigneur Aymeri de Tarste, le signeur de Mucident,
         le signeur de Courton, le signeur de Longheren,
     20  le signeur de Rosem, le signeur de Landuras,
         monsigneur Bernardet de Labreth, signeur de Geronde,
         monsigneur Jehan de Graili, captal de Beus,
         monsigneur le soudich de Lestrade et tous les
         aultres.

     25  Quant il furent tout venu à Bourdiaus, il leur remoustra
         sen entente, et leur dist qu’il voloit chevaucier
         en France, et qu’il n’estoit mies là venus pour
         longement sejourner. Cil signeur respondirent qu’il
         estoient tout appareilliet d’aler avoecques lui, et que
     30  ossi en avoient il grant desir. Si jettèrent leur avis
         l’un par l’autre, que en ceste chevaucie il se trairoient
         vers Thoulouse, et iroient passer la rivière de
   [161] Garone d’amont desous Thoulouse, au Port Sainte
         Marie, car elle estoit durement basse et li saison
         belle et sèche: si faisoit bon hostoiier.


         § =357=. A ce conseil s’acordèrent li Englès, et fist
      5  cescuns son appareil dou plus tost qu’il peut. Si se
         departi li princes de Bourdiaus à belles gens d’armes;
         et estoient bien quinze cens lances, deux mil arciers
         et trois mil bidaus, sans les Bernès que li Gascon
         menoient avoecques yaus. Si n’entendirent ces
     10  gens d’armes à prendre ne à assallir nulle forterèce,
         jusques à tant que il eurent passet le Garone au Port
         Sainte Marie, à trois liewes priès de Thoulouse, et le
         passèrent adonc à gué; ne, passet avoit vingt ans, cil
         dou pays ne l’avoient veu si petite que elle fu en celle
     15  saison.

         Quant li Englès et li Gascon furent oultre et logiet
         ou pays thoulousain, cil de Thoulouse se commencièrent
         durement à esbahir quant il sentirent les Englès
         si priès d’yaus. En ce temps estoit en le cité de Thoulouse
     20  li contes d’Ermignach ouquel cil de Thoulouse
         avoient grant fiance, et c’estoit raisons; aultrement il
         fuissent trop desconforté et à bonne cause, car il ne
         savoient adonc que c’estoit de gerre. Pour ce temps
         la cité de Thoulouse n’estoit mies gramment menre
     25  que la cité de Paris; mès li contes d’Ermignach fist
         abatre tous les fourbours, où en un seul lieu il avoit
         plus de trois mil maisons. Et le fist pour ce qu’il ne
         voloit mies que li Englès s’i venissent logier ne bouter
         les feus.

     30  Ce premier jour que li Englès eurent passet la rivière
         de Garone, li princes et toute son host se logièrent
   [162] dessus le pays en un très biau vignoble, et li
         coureur vinrent courir jusques as barrières de Thoulouse.
         Et là y eut forte escarmuce des uns as aultres,
         des gens le conte d’Ermignach et des Englès. Et quant
      5  il eurent fait leur emprise, il retournèrent à leur
         host et enmenèrent aucuns prisonniers; si passèrent
         celle nuit tout aise, car il avoient bien trouvé
         de quoi.

         A l’endemain au matin, li princes et tous li baron
     10  de l’host et leur sievant s’armèrent et montèrent as
         chevaus et se misent en ordenance de bataille, et
         chevaucièrent tout arreement, banières desploiies, et
         approcièrent le cité de Thoulouse. Lors cuidièrent bien
         cil de Thoulouse avoir l’assaut, quant il veirent ensi
     15  en bataille les Englès approcier. Si se misent tout en
         ordenance as portes et as barrières, par connestablies
         et par mestiers. Et se trouvoient bien de communaulté
         quarante mil hommes, qui estoient en grant
         volenté de issir hors et de combatre les Englès; mès li
     20  contes d’Ermignach leur deffendoit et leur aloit au devant.
         Et disoit que, se il issoient hors, il s’iroient
         tout perdre, car il n’estoient mies usé d’armes ensi
         que li Englès et li Gascon, et ne pooient faire milleur
         esploit que de garder leur ville. Ensi se tinrent tout
     25  quoi cil de Thoulouse, et ne veurent desobeir au
         commandement dou conte d’Ermignach qu’il ne leur
         en mesvenist, et se tinrent devant leurs barrières.

         Li princes de Galles et ses batailles passèrent tout
         joindant Thoulouse et veirent bien une partie dou
     30  couvenant de chiaus de Thoulouse que, se on les assalloit,
         il se deffenderoient. Si passèrent oultre tout
         paisievlement sans riens dire, et ne furent ne tret ne
   [163] berset, et prisent le chemin de Montgiscart, à trois
         liewes avant, en alant vers Charcassonne. Si se logièrent
         ce secont jour li Englès et li Gascon assés priès
         de là, sus une petite rivière. Et l’endemain bien matin
      5  se deslogièrent et approcièrent le forterèce qui n’estoit
         fremée, fors de murs de terre et de portes de
         terre couvertes d’estrain, car on recuevre ens ou pays
         à grant dur de pière. Nequedent cil de Montgiscart
         se cuidoient trop bien tenir, et se misent tout à deffense
     10  sus les murs et sus les portes. Là s’arrestèrent
         li Englès et li Gascon, et disent que celle ville estoit
         bien prendable. Si l’assallirent fierement et vistement
         de tous lés. Et là eut grant assaut et dur, et pluiseurs
         hommes bleciés dou tret et dou jet des pières. Finablement,
     15  elle fu prise de force, et li mur rompu et
         abatu; et entrèrent tout chil ens qui entrer y veurent.
         Mes li princes n’i entra point ne tout li signeur,
         pour le feu, fors que pillart et robeur. Si trouvèrent
         en le ville grant avoir; si en prisent douquel
     20  qu’il veurent, et le remanant il ardirent. Là eut grant
         persecution d’ommes, de femmes et d’enfans, dont
         ce fu pités.

         Quant il eurent fait leur entente de Montgiscart, il
         chevaucièrent devers Avignonlet, une grosse ville et
     25  marcheande, et où on fait fuison de draps. Et bien y
         avoit à ce donc quinze cens maisons, mais elle n’estoit
         point fremée. Et au dehors sus un terne avoit
         un chastiel de terre assés fort, où li riche homme de
         le ville estoient retret; et cuidoient estre là bien à
     30  segur, mais non furent, car on les assalli de grant
         randon. Si fu li chastiaus conquis et abatus, et cil
         que dedens estoient prisonnier as Englès et as Gascons
   [164] qui venir y peurent à temps. Ensi fut Avignonlet
         prise et destruite, où il eurent grant pillage; et
         puis chevaucièrent devers le Noef Chastiel d’Auri.


         § =358=. Tant esploitièrent li Englès que il vinrent
      5  à Chastiel Noef d’Auri, une moult grosse ville et bon
         chastiel, et raemplie de gens et de biens; mais elle
         n’estoit fremée ne li chastiaus ossi, fors de murs de
         terre, selon l’usage dou pays. Quant li Englès furent
         venu devant, il le commencièrent à environner et
     10  assallir fortement, et cil qui dedens estoient à yaus
         deffendre. Cil arcier qui devant estoient arouté,
         traioient si fort et si ouniement que à painnes se osoit
         nulz apparoir as deffenses. Finablement, cilz assaus fu
         si bien continués, et si fort s’i esprouvèrent Englès,
     15  que la ville de Noef Chastiel d’Auri fu prise et conquise.
         Là eut grant occision et persecution d’ommes
         et de bidaus. Si fu la ville toute courue, pillie et robée,
         et tous li bons avoirs pris et levés; ne li Englès
         ne faisoient compte de draps ne de pennes, fors de
     20  vaisselle d’argent ou de bons florins. Et quant il tenoient
         un homme, un bourgois ou un paysant, il le
         retenoient à prisonnier et le rançonnoient, ou il li
         faisoient meschief dou corps, se il ne se voloit rançonner.
         Si furent la ditte ville et li chastiaus dou Noef
     25  Chastiel d’Auri tout ars et abatu, et reversé les murs
         à le terre.

         Et puis passèrent oultre li Englès devers Charcassonne,
         et cheminèrent tant que il vinrent à Villefrance
         en Carcassonnois, une bonne ville et grosse
     30  et bien seans, et où il demoroient grant fuison de
         riches gens.

   [165] Saciés que cilz pays de Charcassonnois et de Nerbonnois
         et de Thoulousain, où li Englès furent en celle
         saison, estoit en devant uns des cras pays dou monde,
         bonnes gens et simples gens qui ne savoient que c’estoit
      5  de guerre, car onques ne furent guerriiet, ne
         n’avoient esté en devant, ançois que li princes de
         Galles y conversast. Si trouvoient li Englès et li Gascon
         le pays plain et drut, les cambres parées de
         kieutes et de draps, les escrins et les coffres plains
     10  de bons jeuiaus; mès riens ne demoroit de bon devant
         ces pillars; il en portoient tout, et par especial
         Gascon qui sont moult convoiteus.

         Cilz bours de Villefrance fu tantos pris, et grans
         avoirs dedens conquis. Se s’i logièrent et reposèrent
     15  demi jour et une nuit li princes et toutes ses gens; à
         l’endemain, il s’en partirent et cheminèrent devers le
         cité de Carcassonne.


         § =359=. La ville de Carcassonne siet sus une rivière
         que on appelle Aude, et tout au plain; un petit en
     20  sus, à le droite main en venant de Thoulouse, sus un
         hault rocier, siet la cités, qui est belle et forte et bien
         fremée de bons murs de pière, de portes, de tours,
         et ne fait mies à prendre. En le cité que je di, avoient
         cil de Carcassonne mis le plus grant partie de leur
     25  avoir, et retrait femmes et enfans. Mais li bourgois
         de le ville se tenoient en le ville, qui pour celi temps
         n’estoit fremée que de chainnes, mais il n’i avoit rue
         où il n’en y eust dix ou douze; et les avoit on levées,
         par quoi on ne pooit aler ne chevaucier parmi. Entre
     30  ces kainnes, et bien à segur, par batailles, se tenoient
         li homme de le ville, que on appelle ens ou pays
   [166] bidaus à lances et à pavais, et tout ordonné et arresté
         pour attendre les Englès.

         Quant li doi mareschal de l’host veirent celle
         grosse ville, où bien par samblant avoit sept mil maisons,
      5  et le contenance de ces bidaus qui se voloient
         deffendre, si s’arrestèrent en une place devant le
         ville, et consillièrent comment à leur plus grant
         pourfit il poroient assallir ces gens: si ques, tout
         consideret, consilliet et avisé, il se misent tout à piet,
     10  gendarmes et aultres, et prisent leurs glaves; et s’en
         vinrent, cescuns sires desous sa banière ou son pennom,
         combatre parmi ces chainnes à ces bidaus qui
         les recueillièrent ossi faiticement as lances et as pavais.
         Là eut fait pluiseurs grans apertises d’armes,
     15  car li jone chevalier englès et gascon, qui se desiroient
         à avancier, s’abandonnoient et se mettoient en
         painne de sallir oultre ces kainnes et de conquerre
         leurs ennemis.

         Et me samble que messires Ustasses d’Aubrecicourt,
     20  qui pour ce temps estoit uns chevaliers moult
         ables et moult vighereus et en grant desir d’acquerre,
         fu uns des premiers, selonch ce que je fui adonc enfourmés,
         qui le glave au poing salli oultre une
         chainne, et s’en vint combatre, ensonniier et reculer
     25  ses ennemis. Quant il fu oultre, li aultre le sievirent
         et se misent entre ces kainnes, et en conquisent
         une, puis deus, puis trois, puis quatre; car avoech
         ce que gens d’armes s’avançoient pour passer, arcier
         traioient si fort et si ouniement que cil bidau ne
     30  savoient auquel entendre. Et en y eut de telz qui
         avoient leurs pavais si cargiés de saiettes que merveilles
         seroit à recorder. Finablement, ces gens de
   [167] Carcassonne ne peurent durer, mès furent reculet,
         et leurs kainnes gaegnies sur yaus, et bouté tout
         hors de leur ville et desconfi. Si en y eut pluiseur
         qui se sauvèrent par derrière, quant il veirent le
      5  desconfiture, et passèrent le rivière d’Aude et s’en alèrent
         à garant en le cité.

         Ensi fu li bours de Carcassonne pris et grant avoir
         dedens, car les gens n’avoient mies tout widiet; et
         par especial de leurs pourveances n’avoient il riens
     10  widiet. Si trouvoient Englès et Gascon ces celiers
         plains de vins; si prisent desquelz qu’il veurent, des
         plus fors et des milleurs: des petis ne faisoient il
         compte. Et ce jour que li bataille y fu, il prisent
         pluiseurs riches bourgois que il rançonnèrent bien
     15  et chier.

         Si demorèrent li princes et ses gens en le ville de
         Carcassonne, pour les grosses pourveances qu’il y
         trouvèrent, deus nuis et un jour, et ossi pour yaus
         et leurs chevaus rafreschir, et pour aviser comment
     20  ne par quel voie il poroient faire assaut à le cité qui
         leur fust pourfitables; mais elle siet si hault et s’est
         si très bien fremée de grosses tours et de bons murs
         de pière que, tout consideret, il ne pooient trouver
         voie que à l’assallir il ne deuissent plus perdre que
     25  gaegnier.


         § =360=. Ceste cités de Carcassonne dont je vous parolle
         fu anciennement appellée Carsaude, car la rivière
         d’Aude s’i keurt au piet desous; et le fisent
         fremer et edefiier Sarrasin. Onques depuis on ne vei
     30  les murs ne le maçonnement desmentir; et est ceste
         où li grans rois de France et d’Alemagne,
   [168] Charlemainne, sist sept ans, ançois que il le peuist
         avoir.

         Quant ce vint au matin, à heure de tierce, que li
         princes et li signeur eurent oy messe et beu un cop,
      5  il montèrent à chevaus et se misent en ordenance
         pour passer le pont et le rivière d’Aude, car il voloit
         encores aler avant. Si passèrent tout à piet et à
         cheval et assés priès, à le trettie d’un arch de le
         cité de Carcassonne. Au passer, on leur envoia des
     10  bastions de le forterèce en kanons et en espringalles,
         quariaus gros et lons, qui en blecièrent aucuns
         en passant, car d’artillerie la cités estoit bien
         pourveue.

         Quant li princes et tout sen host furent oultre, il
     15  prisent le chemin de Cabestain; mais il trouvèrent
         ançois deus villes fremées, Ourmes et Tèbres, seans
         sus une meisme rivière qu’il pooient passer et rapasser
         à leur aise. Ces deux villes estoient bien fremées
         de bons murs et de bonnes portes, et tout à plainne
     20  terre. Si furent les gens qui dedens estoient si effreé
         des Englès, qui avoient pris Carcassonne et pluiseurs
         villes en devant, que il s’avisèrent que il se racateroient
         à non ardoir et à assallir: si ques, quant li
         coureur furent venu à Ourmes, il trouvèrent aucuns
     25  bourgois de le ville qui demandèrent se li princes
         ou si mareschal estoient en leur route. Cil respondirent
         que nennil. «Et pour quoi le demandés vous?»
         --«Pour ce que nous volons entrer en trettiés
         d’acort, se il y voloient entendre.»

     30  Ces parolles vinrent jusques au prince. Si envoia li
         dis princes le signeur de Labreth, qui vint jusques à
         là, et en fist la composition, parmi douze mil escus
   [169] qu’il deurent paiier au prince, dont il livrèrent bons
         hostages. Et puis chevaucièrent vers Tèbres, qui se
         rançonnèrent ossi. Et tous li plas pays d’environ estoit
         ars et bruis sans nul deport.

      5  Et sachiés que cil de Nerbonne, de Besiers et de
         Montpellier n’estoient mies bien à segur, quant il
         sentoient les Englès ensi approcier. Et par especial cil
         de Montpellier, qui est ville poissans, rice et marcheande,
         estoient à grant angousse de coer, car il n’estoient
     10  point fremet. Si envoiièrent li riche homme
         la grigneur partie de leurs jeuiaus à sauveté en Avignon
         ou ou fort chastiel de Biaukaire.

         Tant esploitièrent li Englès que il vinrent à Cabestain,
         une bonne ville et forte, seans à deus liewes de
     15  Besiers et à deus de Nerbonne. Et vous di que ceste
         ville de Cabestain est durement riche, seans sus le
         mer, et ont les salines dont il font le sel par le vertu
         dou soleil. Si doubtèrent ces gens de Cabestain à tout
         perdre, corps et biens, car il estoient faiblement fremet
     20  et muret. Si envoiièrent au devant dou prince et de
         son host pour trettier que il les laissast en pais, et il
         se racateroient selonch leur poissance. Li sires de Labreth,
         qui cognissoit auques le pays, faisoit ces trettiés
         quant li princes y voloit entendre. Si se rençonnèrent
     25  cil de Cabestain à paiier quarante mil escus,
         mès que il euissent cinq jours de pouveance, et de
         ce livrèrent il ostages. Depuis me fu dit qu’il laissièrent
         perdre leurs hostages et ne paiièrent point d’argent,
         et se fortefiièrent telement de fossés et de palis
     30  que pour attendre le prince et toute son host. Je ne
         sçai de verité comment il en ala, se il paiièrent ou
         non; mais toutesfois il ne furent point ars ne assalli.
   [170] Et s’en vinrent li Englès à Nerbonne, et se logièrent
         au bourch.


         § =361=. A Nerbonne a cité et bourch. Le bourch
         pour le temps estoit une grosse ville non fremée,
      5  seans sus le rivière d’Aude, qui descent d’amont devers
         Carcassonne; et desous Nerbonne, à trois liewes,
         elle chiet en le mer qui va en Cippre et par tout le
         monde.

         La cité de Nerbonne, qui joint au bourc, estoit
     10  assés bien fremée de murs, de portes et de tours. Et
         là dedens est li hostelz le conte Aymeri de Nerbonne,
         qui, pour ce temps que li princes de Galles et li Englès
         se vinrent logier ou bourch, y estoit, et grant fuison
         de chevaliers et d’escuiers dou pays nerbonnois
     15  et d’Auvergne, que li dis contes y avoit fait venir pour
         aidier à garder sa cité. En le cité a canonneries moult
         grandes et moult nobles, et sont en une eglise que
         on dist de Saint Just, et valent par an bien cinq cens
         florins.

     20  Ceste marce de Nerbonne est uns des bons et des
         cras pays dou monde. Et quant li Englès et li Gascon
         y vinrent, il le trouvèrent durement riche et plain.
         Voirs est que cil dou bourg de Nerbonne avoient retrait
         en le cité leurs femmes et leurs enfans et partie
     25  de leur avoir. Et encores en trouvèrent li Englès et
         li Gascon assés.

         Quant li Englès eurent conquis le bourch de Nerbonne
         sus les Nerbonnois, desquelz il y eut mors et
         pris assés, il se logèrent à leur aise dans ces biaus
     30  hostelz, dont il y avoit à ce jour plus de trois mil.
         Et trouvèrent ens tant de biens, de belles pourveances
   [171] et de bons vins, qu’il n’en savoient que faire.
         Et estoit li intention dou prince que de faire assallir
         le cité, ensi qu’il fist, et dou prendre, car dit li fu
         que, s’il le prendoient, il trouveroient tant d’or et
      5  d’argent dedens, de bons jeuiaus et de riches prisonniers
         que li plus povres des leurs en seroit riches à
         tous jours. Et ossi li princes attendoit le redemption
         de chiaus de Cabestain et d’aucunes villes et chastiaus
         en Nerbonnois qui s’estoient rançonné à non ardoir.
     10  Et si se tenoient tout aise sus celle belle rivière d’Aude,
         yaus et leurs chevaus; et buvoient de ces bons vins
         et de ces bons muscades, et toutdis en espoir de plus
         gaegnier.

         Si devés savoir que ces cinq jours que li princes fu
     15  ou dit bourch de Nerbonne, il n’y eut onques jour
         que li Englès et Gascon ne fesissent et livrassent cinq
         ou six assaus à chiaus de le cité si grans, si fors et si
         mervilleus que grant merveilles seroit à penser comment
         de çascun assaut il n’estoient pris et conquis.
     20  Et l’euissent esté, il n’est mies doubte, se ne fuissent
         li gentilhomme qui en le cité estoient; mais cil en
         pensèrent si bien et s’i portèrent si vassaument que li
         Englès ne li Gascon n’i peurent riens conquerre. Si
         s’en partirent li princes et toutes ses gens; mès à leur
     25  departement li Englès varlet et pillart paiièrent leur
         hoste, car il boutèrent en plus de cinq cens lieus le
         feu ou bourch, par quoi il fu tous ars.

         Si chevaucièrent li princes et ses gens en retournant
         vers Carcassonne, car il avoient tant conquis
     30  d’avoir et si en estoient cargié, que pour celle saison
         il n’en voloient plus. De quoi cil de Bediers, de
         Montpellier, de Luniel et de Nimes, qui bien cuidoient
   [172] avoir l’assaut, en furent moult joiant quant il sceurent
         que li Englès leur tournoient le dos.

         Et vinrent li Englès en une bonne et grosse ville,
         par delà la rivière d’Aude, car il l’avoient passet au
      5  pont à Nerbonne en Carcassonnois, que on appelle
         Limous; et y fait pines plus et milleurs que d’autre
         part. Ceste ville de Limous, pour le temps d’adonc,
         estoit faiblement fremée; si fu tantost prise et conquise
         et grant avoir dedens. Et y eut ars et abatu à
     10  leur departement plus de quatre mil maisons et biaus
         hosteuz, dont ce fu grans damages.

         Ensi fu en ce temps cilz bons pays et cras de Nerbonnois,
         de Charcassonnois et de Thoulousain pilliés,
         desrobés, ars et perdus par les Englès et par les Gascons.
     15  Voirs est que li contes d’Ermignach estoit à
         Thoulouse et faisoit son amas de gens d’armes à chevaus
         et à piet pour aler contre yaus, mès ce fu trop
         tart; et se mist as camps, à bien trente mil hommes,
         uns c’autres, quant li Englès eurent tout essilliet le
     20  pays. Mais li dis contes d’Ermignach attendoit monsigneur
         Jakemon de Bourbon, qui faisoit son amas de
         gens d’armes à Limoges et avoit intention d’enclore
         les Englès et Gascons, mais il s’esmut ossi trop tart,
         car li princes et ses consaus, qui oïrent parler de ces
     25  deus grandes chevaucies que li contes d’Ermignach
         et messires Jakemes de Bourbon faisoient, s’avisèrent
         selonch ce, et prisent à leur departement de Limous
         le chemin de Charcassonne, pour rapasser le rivière
         d’Aude. Et tant fisent qu’il y parvinrent; si le trouvèrent
     30  en l’estat où il le laissièrent, ne nulz ne s’i
         estoit encores retrais. Si fu telement pararse et destruite
         des Englès que onques n’i demora de ville
   [173] pour herbergier un cheval; ne à painnes savoient
         li hiretier ne li manant de le ville rassener ne dire
         de voir: «Chi sist mes hiretages»; ensi fu elle
         menée.


      5  § =362=. Quant li princes et ses gens eurent rapasset
         le rivière d’Aude, il prisent leur chemin vers Montroyal,
         qui estoit une bonne ville et fremée de murs
         et de portes, et siet en Carcassonnois. Si l’assallirent
         fortement quant il furent là venu, et le conquisent de
     10  force, et grant pillage dedens que cil dou pays y
         avoient attrait sus le fiance dou fort liu. Et là eut
         mors grans fuison de bidaus hommes de le ville,
         pour tant qu’il s’estoient mis à deffense et qu’il ne
         s’estoient volut rançonner. Et fu au departement des
     15  Englès la ville toute arse. Et puis prisent le chemin
         des montagnes, ensi que pour avaler vers Fougans et
         vers Rodais, toutdis ardant et essillant pays et rançonnans
         aucune[s] villes fremées et petis fors qui n’estoient
         mies tailliet d’yaus tenir. Et devés savoir que
     20  en ce voiage li princes et ses gens eurent très grant
         pourfit.

         Et rapassèrent li Englès et li Gascon tout paisievlement
         desous le bonne cité de Thoulouse au Port
         Sainte Marie la rivière de Garone, si chargiet d’avoir
     25  que à painnes pooient leur cheval aler avant. De quoi
         cil de Tholouse furent durement esmeu et couroucié
         sus les gentilz hommes, quant il sceurent que li Englès
         et Gascon, sans yaus combatre, avoient rapasset
         la rivière de Garone et s’estoient mis à sauveté, et en
     30  parlèrent moult villainnement sus leur partie. Mais
         tout ce se passa: les povres gens le comparèrent qui
   [174] en eurent adonc, ensi qu’il ont encores maintenant,
         toutdis dou pieur.

         Ces chevaucies se desrompirent, car li princes s’en
         retourna à Bourdiaus et donna une partie de ses gens
      5  d’armes congiet, et especialment les Gascons, pour
         aler viseter les villes et leurs maisons. Mais tèle estoit
         li intention dou prince, et se leur disoit bien au partir
         que, à l’esté qui revenoit, il les menroit un aultre
         chemin en France, où il feroient plus grandement
     10  leur pourfit qu’il n’avoient fait, ou il y remetteroient
         tout ce qu’il avoient conquis et encores dou leur assés.
         Li Gascon estoient tout conforté de faire le commandement
         dou prince et d’aler tout partout là où
         il les vorroit mener.


     15  § =363=. Nous nos soufferons un petit à parler dou
         prince, et parlerons d’aucunes incidenses qui avinrent
         en celle saison, qui trop grevèrent le royaume. Vous
         avés bien oy compter ci dessus comment messires
         Charles d’Espagne fu mors par le fait dou roy de Navare:
     20  dont li rois de France fu si courouciés sus le
         dit roy, quoiqu’il euist sa fille espousé, que onques
         depuis ne le peut amer, comment que par moiiens
         et par bonnes gens qui s’en ensonniièrent, li rois de
         France, pour eskiewer plus de damage, en celle anée
     25  li pardonnast.

         Or avint que li consaus dou roy Jehan l’enortèrent
         à ce que, pour avoir ayde sus ses guerres, il mesist
         aucune gabelle sus le sel où il trouveroit grant
         reprise pour paiier ses soudoiiers; se l’i mist li rois,
     30  et fu acordé en trop de lieus en France, et le levèrent
         li impositeur. Dont pour celle imposition et gabelle
   [175] il avint uns grans meschiés en le cité d’Arras en Pikardie;
         car li communauté de le ville se revelèrent
         sus les riches hommes et en tuèrent sus un samedi,
         à heure de tierce, jusques à miedi, quatorze des plus
      5  souffissans. Dont ce fu pités et damages, et est quant
         meschans gens sont au dessus des vaillans hommes.
         Toutes fois il le comparèrent depuis, car li rois y envoia
         son cousin monsigneur Jakemon de Bourbon, qui
         fist prendre tous chiaus par lesquels li motion avoit
     10  estet faite, et leur fist sur le place coper les tiestes.

         J’ay de ceste gabelle touchiet un petit, pour tant
         que, quant les nouvelles en vinrent en Normendie,
         li pays en fu moult esmervilliés, car il n’avoient
         point apris de paiier tel cose. En ce temps y avoit
     15  un conte en Harcourt, qui siet en Normendie, qui
         estoit si bien de chiaus de Roem qu’il voloit: si ques
         il dist ou deubt avoir dit à chiaus de Roem qu’il
         seroient bien serf et bien meschant, se il s’acordoient
         à celle gabelle, et que, se Diex le pooit aidier, elle
     20  ne courroit jà en son pays; ne il ne trouveroit si
         hardi homme de par le roy de France qui l’i deuist
         faire courir, ne sergant qui en levast, pour le
         innobediense, amende, qui ne le deuist comparer dou
         corps.

     25  Li rois de Navare, qui pour ce temps se tenoit en
         le conté d’Evrues, en dist otretant, et dist bien que
         jà ceste imposition ne courroit en sa terre. Aucun
         baron et chevalier dou pays tinrent leur oppinion,
         et se alliièrent tout, par foy jurée, au roy de Navare,
     30  et li rois avoech yaus. Et furent rebelle as commandemens
         et ordenances dou roy, tant que pluiseur
         aultre pays y prisent piet.

   [176] Ces nouvelles vinrent jusques au roy Jehan, qui
         estoit chaus et soudains, comment li rois de Navare,
         li contes de Harcourt, messires Jehans de Graville et
         pluiseur aultre chevalier de Normendie estoient contraire
      5  à ces impositions et les avoient deffendues en
         leurs terres. Li rois retint ceste cose en grant orgueil
         et grant presumption, et dist qu’il ne voloit nul
         mestre en France fors lui. Ceste cose se couva un
         petit avoecques aultres haynes que on y atisa, tant
     10  que li rois Jehans fu trop malement dur enfourmés
         sus le roy de Navare et le conte de Harcourt et ossi
         monsigneur Godefroy de Harcourt, qui devoit estre
         de leur alliance et uns des principaus.

         Et fu dit au roy de France que li rois de Navare
     15  et cil de Harcourt devoient mettre les Englès en leur
         pays, et avoient de nouviel fait alliance au roy
         d’Engleterre. Je ne sçai se c’estoit voirs ou non, ou se on
         le disoit par envie; mais je ne croi mies que si vaillant
         gent et si noble et de si haute estration vosissent
     20  faire ne penser trahison contre leur naturel signeur.
         Il fu bien verités que le gabelle dou sel il ne veurent
         onques consentir que elle courust en leurs terres. Li
         rois Jehans, qui estoit legiers à enfourmer et durs à
         oster d’une oppinion, puis qu’il y estoit arrestés, prist
     25  les dessus dis en si grant hayne que il dist et jura
         que jamais n’aroit parfaite joie tant que il fuissent
         en vie.

         En ce temps estoit ses ainsnés filz, messires Charles,
         en Normendie dont il estoit dus, et tenoit son hostel
     30  ens ou chastiel de Roem et ne savoit riens des rancunes
         mortèles que li rois ses pères avoit sus le roy
         de Navare et le conte de Harcourt et monsigneur
   [177] Godefroy son oncle, mès leur faisoit toute le bonne
         compagnie qu’il pooit, l’amour et le [vicinage[296]]. Et
         avint que il les fist priier par ses chevaliers de venir
         disner avoecques lui ou chastiel de Roem. Li rois de
      5  Navare et li contes de Harcourt ne li vorrent mies
         escondire, mès li acordèrent liement. Toutes fois, se
         il euissent creu monsigneur Phelippe de Navare et
         monsigneur Godefroy de Harcourt, il n’i fuissent jà
         entré. Il ne les crurent pas, dont ce fu folie; mès
     10  vinrent à Roem, et entrèrent par les camps ou chastiel,
         où il furent receu à grant joie.

             [296] Mss. B 4, 3, fº 165.--Ms. B 1, t. II, fº 63:
             «vinage.» _Mauvaise leçon._

         Li rois Jehans, qui tous enfourmés estoit de ce fait
         et qui bien savoit l’eure que li rois de Navare et li
         contes de Harcourt devoient estre à Roem et disner
     15  avoec son fil, et devoit estre le samedi, se departi le
         venredi à privée mesnie; et chevaucièrent tout ce
         jour, et fu en temps de quaresme, le nuit de Pasques
         flories. Si entra ens ou chastiel de Roem, ensi que
         cil signeur seoient à table, et monta les degrés de
     20  la sale, et messires Ernoulz d’Audrehen devant lui,
         qui traist une espée et dist: «Nulz ne se mueve
         pour cose qu’il voie, se il ne voelt estre mors de celle
         espée!»

         Vous devés savoir que li dus de Normendie, li
     25  rois de Navare, li contes de Harcourt et cil qui
         seoient à table, furent bien esmervilliet et esbahi,
         quant il veirent le roy de France entrer en le salle et
         faire tel contenance, et vosissent bien estre aultre
         part. Li rois Jehans vint jusques à la table où il
   [178] seoient. Adonc se levèrent il tout contre lui, et li
         cuidièrent faire le reverensce, mais il n’en avoit dou
         recevoir nul talent. Ançois s’avança parmi la table
         et lança son brach dessus le roy de Navare et le prist
      5  par le kevèce, et le tira moult roit contre lui, en disant:
         «Or sus, traittres, tu n’i es pas dignes de seoir
         à la table mon fil. Par l’ame à mon père, je ne pense
         jamais à boire ne à mengier, tant com tu vives.»

         Là avoit un escuier, qui s’appelloit Colinet de
     10  Bleville, et trençoit devant le roy de Navare: si fu
         moult courouciés, quant il vei son mestre ensi demener;
         et trest son baselaire, et l’aporta en la poitrine
         dou roy de France, et dist qu’il l’occiroit. Li
         rois laissa à ces cops le roy de Navare aler et dist à
     15  ses sergans: «Prendés moy ce garçon et son mestre
         ossi.» Macier et sergant d’armes sallirent tantost
         avant, et misent les mains sus le roy de Navare et
         l’escuier ossi, et disent: «Il vous fault partir de ci,
         quand li rois le voelt.»

     20  Là s’umelioit li rois de Navare grandement, et
         disoit au roy de France: «A! monsigneur, pour
         Dieu merci! Qui vous a si dur enfourmé sur moy?
         Se Diex m’ayt, onques je ne fis, salve soit vostre
         grasce, ne pensay trahison contre vous ne monsigneur
     25  vostre fil, et pour Dieu merci, voeilliés entendre
         à raison. Se il est homs ou monde qui m’en
         voelle amettre, je m’en purgerai par l’ordenance de
         vos pers, soit dou corps ou aultrement. Voirs est
         que je fis occire Charle d’Espagne, qui estoit mon
     30  adversaire; mais pais en est, et s’en ay fait la
         penitance.»--«Alés, trahitres, alés, respondi li rois de
         France. Par monsigneur saint Denis, vous sarés bien
   [179] preecier ou jewer d’enfaumenterie, se vous
         m’escapés.»

         Ensi en fu li rois de Navare menés en une cambre
         et tirés moult villainnement et messires Friches de
      5  Frichans, uns siens chevaliers, avoecques lui, et Colinés
         de Bleville; ne pour cose que li dus de Normendie
         desist, qui estoit en jenoulz et à mains jointes
         devant le roy son père, il ne s’en voloit passer ne
         souffrir. Et se disoit li dus, qui lors estoit uns jones
     10  enfes: «Ha! monsigneur, pour Dieu merci, vous
         me deshonnourés. Que pora on dire ne recorder de
         moy, quant j’avoie le roy et ces barons priiés de
         disner dalés moy, et vous les trettiés ensi? On dira
         que je les arai trahis. Et si ne vi onques en eulz que
     15  tout bien et toute courtoisie.»--«Souffrés vous,
         Charle, respondi li rois: il sont mauvais trahiteur,
         et leur fait les descouveront temprement. Vous ne
         savés pas tout ce que je sçai.»

         A ces mos passa li rois avant, et prist une mace
     20  de sergant et s’en vint sus le conte de Harcourt, et
         li donna un grant horion entre les espaules et dist:
         «Avant, trahittres orguilleus, passés en prison à mal
         estrine. Par l’ame mon père, vous sarés bien chanter,
         quant vous m’escaperés. Vous estes dou linage
     25  le conte de Ghines: vo fourfait et vos trahisons se
         descouveront temprement.» Là ne pooit escusance
         avoir son lieu ne estre oye, car li dis rois estoit
         enflamés de si grant aïr qu’il ne voloit à riens entendre,
         fors à yaus porter contraire et damage.

     30  Si furent pris à son commandement et ordenance
         li dessus nommet, et encores avoech yaus messires
         Jehans de Graville, et uns aultres chevaliers qui
   [180] s’appelloit messire Maubue, et bouté en prison moult
         villainnement. De quoi li dus de Normendie et tous
         li hostelz fu durement tourblés, et ossi furent les
         bonnes gens de Roem, car il amoient grandement le
      5  conte de Harcourt, pour tant qu’il leur estoit propisces
         et grans consillières à leurs besoings. Mais
         nulz n’osoit aler au devant ne dire au roy: «Sire,
         vous faites mal d’ensi trettier ces vaillans hommes.»

         Et pour ce que li rois desiroit le fin des dessus
     10  nommés, et qu’il se doubtoit que li communautés
         de Roem ne l’en fesissent force, car bien sçavoit
         qu’il avoient grandement à grasce le conte de Harcourt,
         il fist venir avant le roy des ribaus et dist:
         «Delivrés nous de telz.» Chilz fu tous appareilliés
     15  au commandement dou roy. Et furent trait hors dou
         chastiel de Roem et mené as camps li contes de
         Harcourt, messires Jehans de Graville, messires Maubue
         et Colinés de Bleville. Et furent decolé sans ce
         que li rois volsist souffrir que oncques fuissent confessé,
     20  excepté l’escuier, mès cesti fist il grasce. Et li
         fu dit qu’il mor[r]oit, pour tant que il avoit tret son
         baselaire sus le roy. Et disoit li dis rois de France
         que trahiteur ne devoient avoir point de confession.

         Ensi fu ceste haute justice faite dehors le chastiel
     25  de Roem, au commandement dou dit roy: dont
         depuis avinrent pluiseurs grans meschiés ou royaume
         de France, ensi que vous orés recorder avant en
         l’ystore.


         § =364=. Ces nouvelles vinrent jusques à monsigneur
     30  Phelippe de Navare et à monsigneur Godefroi de Harcourt,
         qui n’estoient mies lonch de là. Si furent, ce
   [181] poés vous bien croire, grandement esbahi et courouciet.
         Tantost messires Phelippes de Navare fist escrire
         unes lettres de deffiances et les bailla à un hiraut, et
         li commanda de l’aporter au roi Jehan, qui se tenoit
      5  encores ens ou chastiel de Roem. Li hiraus aporta
         les lettres de par monsigneur Phelippe de Navare au
         roy de France, laquèle lettre singulerement disoit
         ensi: «A Jehan de Valois, qui s’escript rois de
         France, Phelippes de Navare. A vous, Jehan de Valois,
     10  segnefions que, pour le grant tort et injure que vous
         faites à nostre très chier signeur de frère monsigneur
         Charle, roy de Navare, que de son corps amettre de
         villain fait et de trahison, où onques ne pensa aucunement,
         et de vostre poissance, sans loy, droit ne
     15  raison, l’avés demené et mené villainnement: de
         quoi moult courouciés sons. Et le fourfet venu et né
         de par vous sur nostre très chier frère, sans aucun
         title juste, amenderons, quant nous porons. Et sachiés
         que vous n’avés que faire de penser à son hyretage
     20  ne au nostre pour lui faire morir par vostre
         cruèle opinion, ensi que jà fesistes pour le convoitise
         de sa terre le conte Raoul d’Eu et de Ghines, car
         jà vous n’en tenrés piet. Et de ce jour en avant vous
         deffions et toute vostre poissance, et vous ferons
     25  guerre mortèle si très grande comme nous porons.
         En tesmoing de laquèle cose averir, nous avons à ces
         presentes fait mettre nostre seel. Données à Conces
         sus Yton, le dix septime jour dou mois d’avril, l’an
         de grasce Nostre Signeur mil trois cens cinquante
     30  cinq.»


         § =365=. Quant li rois Jehans vei ces lettres, et il
   [182] les eut oy lire, il fu plus pensieus que devant; mais
         par samblant il n’en fist nul compte. Toutefois li
         rois de Navare demora en prison. Et ne fist mies li
         dis rois tout ce qu’il avoit empris; car on li ala au
      5  devant, aucun de son conseil, qui un petit li brisièrent
         son aïr. Mais c’estoit bien se intention qu’il le
         tenroit en prison tant comme il viveroit, et li retorroit
         toute la terre de Normendie.

         Encores estoit li dis rois Jehans ou chastiel de
     10  Roem, quant aultres lettres de deffiances li vinrent
         de monsigneur Loeis de Navare, de monsigneur
         Godefroi de Harcourt, dou jone fil ainné le conte
         de Harcourt, qui s’appelloit Guillaumes, de l’oir de
         Graville, de monsigneur Pière de Sakenville et bien
     15  de vingt chevaliers. Or eut li rois plus à faire et à
         penser que devant, mais par samblant il passa tout
         legierement et n’en fist compte, car il se sentoit
         grans et fors assés pour resister contre tous et yaus
         destruire. Si se departi li dis rois de Roem, et li dus
     20  de Normendie avoecques lui, et s’en retournèrent à
         Paris.

         Si fu li rois de Navare en celle sepmainne amenés
         à Paris à tout grant fuison de gens d’armes et
         de sergans et mis ou chastiel dou Louvre, où on li
     25  fist moult de malaises et de paours, car tous les
         jours et toutes les nuis, cinq ou six fois, on li donnoit
         à entendre que on le feroit morir, une heure
         que on li trenceroit la teste, l’autre que on le jetteroit
         en un sac en Sainne. Il li couvenoit tout oïr et
     30  prendre en gré, car il ne pooit mies là faire le mestre.
         Et paloit si bellement et si doucement à ses
         gardes, toutdis en li escusant si raisonnablement,
   [183] que cil qui ensi le demenoient et trettioient, par le
         commandement dou roy de France, en avoient grant
         pité. Si fu en celle saison translatés et menés en
         Cambresis et mis ens ou fort chastiel de Crievecoer,
      5  et sur lui bonnes et especiaulz gardes, ne point ne
         vuidoit d’une tour où il estoit mis, mais il avoit
         toutes coses apertenans à lui, et estoit servis bien
         et notablement. Si le commença li rois de France à
         entroublier; mais si frère ne l’oubliièrent point, ensi
     10  que je vous dirai ensievant.


         § =366=. Tantost apriès les deffiances envoiies des
         enfans de Navare et des Normans dessus nommés
         au roy de France, il pourveirent leurs villes, leurs
         chastiaus et leurs garnisons bien et grossement de
     15  tout ce qu’il apertient, sus entente de faire guerre au
         royaume de France.

         En ce temps se tenoit messires Loeis de Harcourt,
         frères au conte de Harcourt que li rois de France
         avoit fait morir, dalés le duch de Normendie; et
     20  n’estoit de riens encoupés ne retés en France ne en
         l’ostel dou roy ne dou duch, de nulle male façon.
         Dont il avint que messires Godefrois de Harcourt li
         segnefia sen entente, et li manda qu’il retournast
         devers lui et devers son linage, pour aidier à contrevengier
     25  le mort dou conte son frère, que on avait fait
         morir à tort et sans cause, dont ce leur estoit uns
         grans blasmes.

         Messires Loeis de Harcourt ne fu mies adonc consilliés
         de lui traire celle part, mès s’en escusa; et dist
     30  qu’il estoit homs de fief au roy de France et au duch
         de Normendie, et que, se il plaisoit à Dieu, il ne
   [184] guerrieroit son naturel signeur ne iroit contre ce qu’il
         avoit juret.

         Quant messires Godefrois ses oncles vei ce, si fu
         durement courouciés sus son neveu, et li manda
      5  que c’estoit uns homs fallis et que jamais il n’avoit
         que faire de tendre ne de penser à hiretage qu’il tenist,
         car il l’en feroit si exent que il n’en tenroit denrée;
         et tout ce que il li prommist, il le tint bien, si
         com je vous recorderai.

     10  Si tretost que li dessus dis messires Phelippes de
         Navare et messires Godefrois de Harcourt eurent
         garni et pourveu leurs villes et leurs chastiaus, il
         s’avisèrent qu’il s’en iroient en Engleterre parler au
         roy Edouwart, et feroient grans alliances à lui, car
     15  aultrement ne se pooient il contrevengier. Si ordonnèrent
         monsigneur Loeis de Navare à demorer en
         Normendie, et avoech lui le Bascle de Maruel et aucuns
         chevaliers navarois, pour garder les frontières
         jusques à leur retour. Et vinrent à Chierebourch, et
     20  là montèrent il en mer, et esploitièrent tant par
         leurs journées qu’il vinrent à Hantonne: là prisent
         il terre en Engleterre. Et puis issirent de leurs vaissiaus,
         et se rafreschirent en le ville un jour. A l’endemain,
         il montèrent sus leurs chevaus et chevaucièrent
     25  tant que il vinrent à Cènes, où li rois
         d’Engleterre se tenoit, assés priès de Londres, car
         tous ses consaulz estoit adonc à Londres.

         Vous devés savoir que li rois reçut à grant joie
         son cousin monsigneur Phelippe de Navare et monsigneur
     30  Godefroi de Harcourt, car il estoit jà tous
         enfourmés de leur matère: si en pensoit bien
         mieulz à valoir, en fortefiant sa guerre. Li dessus dit
   [185] fisent leur plainte au roy, li uns de le mort de son
         neveu, et li aultres de le prise et dou grant blasme,
         et sans cause, ce disoit, que on faisoit à son frère.
         Si s’en traioient par devers le roy d’Engleterre
      5  comme au plus droiturier signeur de toute crestienté,
         pour avoir vengance et amendement de ce
         fait qui regardoit à trop grant cose. Et ou cas que
         ilz les en vodroit adrecier, conforter et consillier, il
         li raportoient et mettoient en ses mains cités, villes
     10  et chastiaus que il tenoient en Normendie, et que li
         rois de Navare et li contes de Harcourt y tenoient au
         jour de leur prise.

         Li rois d’Engleterre n’euist jamais refuset ce present,
         mais leur dist que volentiers les aideroit et
     15  feroit aidier par ses gens. «Et pour ce que vostre
         fait demande hastieve expedition, et que veci la saison
         qu’il fait bon guerroiier, mon biau cousin de
         Lancastre est sus les frontières de Bretagne. Je li
         escrirai et manderai especialment que, à tout ce
     20  que il a de gens, il se traie devers vous. Et encores y
         envoierai je temprement, tant que pour faire bonne
         guerre à vos ennemis. Si commencerés à guerrier celle
         saison; et toutdis vous croistera et venra devant le
         main force, ayde et poissance.»--«Chiers sires,
     25  respondirent li dessus nommet, vous nous offrés tant
         que par raison il nous doit et poet bien souffire; et
         Diex le vous puist merir!»

         Apriès ces alliances et ces confirmations d’amour,
         li dessus dit, qui tiroient de retourner en Normendie,
     30  ne sejournèrent point plenté; mais ançois leur
         departement, il alèrent veoir madame la royne d’Engleterre
         qui se tenoit à Windesore, laquèle leur fist
   [186] grant feste, et ossi fisent toutes les aultres dames et
         damoiselles.

         Apriès ces honneurs et ces conjoissemens fais, li
         dessus dit se misent au retour, grandement bien contenté
      5  dou roy et de son conseil. Et leur furent bailliet
         cent hommes d’armes et deus cens arciers, desquelz
         li sires de Ros et li sires de Nuefville estoient
         chapitainne. Si fisent tant qu’il arrivèrent sans peril
         et sans damage ou havene de Chierebourch, qui est,
     10  ensi que Calais, une des fortes places dou monde.


         § =367=. Depuis ne demora gaires de temps que li
         dus de Lancastre, qui se tenoit viers Pontourson, fu
         segnefiiés dou roy d’Engleterre, son signeur et son
         cousin, que tout le confort et ayde que il pooit faire
     15  as enfans de Navare et à chiaus de Harcourt et leurs
         alliiés, il le fesist, en contrevengant les despis que
         son adversaire de Valois leur avoit fais. Li dus de
         Lancastre se tint tantost pour tous enfourmés de ceste
         besongne et volt obeir au commandement son signeur
     20  le roy, ce fu raisons; et recueilla toutes ses
         gens, où il avoit bien cinq cens lances et mil arciers.
         Si se mist au chemin par devers Normendie et
         devers Chierebourch.

         En se route estoit messires Robers Canolle, qui se
     25  commençoit jà grandement à faire et à avancier; et
         estoit moult renommés ens [ès] guerres de Bretagne
         pour le plus able et soubtil homme d’armes qui fust
         en toutes les routes, et le mieulz amés de tous povres
         compagnons, et qui plus de biens leur faisoit.

     30  Li dus de Lancastre, messires Phelippes de Navare,
         messires Godefrois de Harcourt et leurs gens se
   [187] misent tout ensamble, et li sires de Ros et li sires de
         Nuefville, qui avoient passet le mer avoech yaus; et
         firent tant qu’il se trouvèrent douze cens lances,
         seize cens archiers et deus mil brigans à lances et à
      5  pavais, et fisent leur assamblée en le cité d’Evrues.

         Là estoient messires Loeis de Navare, li jones contes
         de Harcourt, messires Robers Canolles, messires li
         Bascles de Maruel, messires Pières de Sakenville, messires
         Guillaumes de Gauville, messires Jehans Carbeniaus,
     10  messires Sanses Lopins, messires Jehans
         Jeuiel, messires Guillaumes Bonnemare, messires
         Foudrigais, Jehans de Segure, Fallemont, Hanekin
         François et pluiseurs bons chevaliers et escuiers,
         appert homme d’armes, qui ne desiroient fors que
     15  le guerre. Si se departirent ces gens d’armes d’Evrues
         en grant ordenance, et bon arroi, banières et
         pennons desploiiés; et chevaucièrent devers Vernon.
         Si passèrent à Aquegni et puis à Pasci, et commencièrent
         à pillier, à rober et à ardoir tout le pays par
     20  devant yaus, et à faire le plus grant essil et le plus
         forte guerre dou monde.

         Li rois de France, qui n’en attendoit aultre cose,
         et qui avoit jetté son avis et imagination à entrer
         efforciement en le conté d’Evrues pour saisir villes
     25  et chastiaus, avoit fait son mandement par tout son
         royaume, ossi grant et ossi fort que pour aler contre
         le roy d’Engleterre et se poissance. Si entendi li dis
         rois que li dus de Lancastre, Englès et Navarois,
         chevauçoient vers Roem et mettoient le pays en grant
     30  tribulation, et que li Englès dou temps passé n’i
         avoient point fait tant de despis que chil qui à present
         y estoient y faisoient, par l’enort et confort des
   [188] Navarois. Adonc li rois de France, esmeus de contrevengier
         ces despis, se parti de Paris et s’en vint à
         Saint Denis, où là l’attendoit grant fuison de gens
         d’armes, et encores l’en venoient tous les jours.

      5  Li dus de Lancastre et li Navarois, qui chevauçoient
         en grant route et qui ardoient tout le plat
         pays, s’en vinrent à Vrenon, qui estoit bonne ville
         et grosse; si fu toute arse et toute robée: n’i demora
         que li chastiaus. Et puis chevaucièrent vers Vrenuel,
     10  et fisent tant qu’il y parvinrent. Si fu la ditte ville
         toute arse, et ossi furent les fourbours de Roem.

         Adonc s’esmut li rois de France et s’en vint à Pontoise,
         où si doi mareschal estoient, messires Jehans de
         Clermont et messires Ernoulz d’Audrehen. Et toutes
     15  ses gens d’armes s’en vinrent celle part et le sievoient
         à effort. Li rois s’en vint à Mantes pour aprendre
         dou couvenant des Englès et des Navarois; si entendi
         qu’il se tenoient entours Roem, et ardoient et destruisoient
         le plat pays. Adonc li rois, esmeus et courouciés,
     20  se desparti de Mantes, et chevauça tant qu’il
         vint à Roem; si y sejourna trois jours.

         En ce terme furent toutes ses gens venues, où plus
         avoit de dix mil hommes d’armes, sans les aultres de
         mendre estat; et estoient bien trente mil combatans,
     25  uns c’autres. Si entra li rois ou droit esclos des
         Englès et des Navarois, et dist que jamais ne retourneroit
         à Paris, si les aroit combatus, se il l’osoient
         attendre.

         Li dus de Lancastre, messires Phelippes de Navare,
     30  messires Godefrois de Harcourt et messires Robers
         Canolles, qui gouvrenoient leurs gens, entendirent
         et sceurent de verité que li rois de France et li François
   [189] venoient sus yaus, si efforciement que à quarante
         mil chevaus. Si eurent conseil que petit à petit
         il se retrairoient, et point en forterèce qui fust en
         Normendie ne en Constentin ne s’encloroient. Si se
      5  retraisent tout bellement et prisent le chemin de
         l’Aigle, pour aler devers Pontourson et viers
         Chierebourch.

         Li rois de France, qui grant desir avoit d’yaus
         trouver et combatre, les sievoit moult aigrement, et
     10  avoit grant compassion, ensi qu’il chevauçoit, de son
         bon pays qu’il trouvoit ars, perdu et destruit trop
         malement. Si prommetoit bien as dis Navarois que
         chierement leur feroit comparer ce fourfait, se il les
         pooit attaindre. Tant s’esploita li rois et si fort les
     15  poursievi que si coureur trouvèrent les leurs assés
         priès de l’Aigle en Normendie, où li dit Englès et
         Navarois estoient logiet et arresté; et moustroient
         par samblant contenance et visage qu’il se vorroient
         combatre.

     20  Et tout ensi fu raporté au roy de France, qui en
         eut grant joie, quant il oy ces nouvelles; et chevauça
         avant et commanda toutes gens à logier et à prendre
         place, car il voloit combatre ses ennemis. Si se logièrent
         li François ens uns biaus plains, et estoient
     25  quarante mil hommes. Là estoit toute la fleur de
         la chevalerie de France, et tant de grans et de haus
         signeurs que merveilles seroit au recorder.

         Que vous feroi je lonch compte de ceste besongne?
         Li rois de France et li François cuidièrent bien
     30  ce jour combatre leurs ennemis, car li Englès et li
         Navarois avoient ordonné leurs batailles. Et pour ce
         ossi, d’autre part, li François ordonnèrent les leurs.
   [190] Et furent tout ce jour en cel estat l’un devant l’autre
         que point n’assamblèrent. Et faisoient trop bien
         moustre, li Englès et li Navarois, et ordenance de
         bataille; et puis se faindoient et point ne traioient
      5  avant, car il ne se veoient à juste pareçon contre les
         François.

         Si se retraisent li dit François pour ce soir en
         leurs logeis et fisent grant ghet, car il cuidoient bien
         estre escarmuciet, pour tant que li Navarois ne s’estoient
     10  ce jour point tret avant. Moult fu ceste ordenance
         des Englès et des Navarois sagement et bellement
         demenée, car au soir il ordonnèrent deus cens
         des leurs, tous des mieulz montés, à faire à l’endemain
         moustre et visage contre les François jusques à
     15  heure de nonne, et puis les sievroient; si leur disent
         où il les trouveroient.

         Ensi qu’il fu ordonné, fu il fait. Quant ce vint
         environ mienuit, li dus de Lancastre, messires Phelippes
         de Navare et tout li demorant de l’ost montèrent
     20  et se partirent et prisent le chemin de Chierebourch,
         excepté aucuns chapitains navarois qui se
         retraisent vers leurs garnisons, dont en devant il
         s’estoient parti. Si s’en retournèrent à Evrues messires
         Jehans Carbeniaus, messires Guillaumes Bonnemare
     25  et Jehans de Segure, à Conces messires Foudrigais,
         messires Martins de Spargne, Fallemont, Richars
         Frankelins et Robins Lescot, à Bretuel messires Sanses
         Lopins, Radigos et Hennekins François, et ensi
         tout li compagnon: cescuns se retrest en sa garnison.
     30  Et li dus de Lancastre et li aultre se retraisent en
         celle forte marce de Chierebourch.

         Or vous compterons dou roy de France qui à l’endemain
   [191] cuidoit avoir la bataille; si fist au matin
         sonner ses trompètes. Si s’armèrent toutes gens et
         montèrent à chevaus, banières et pennons devant
         yaus, et se traisent tout sus les camps, et se misent
      5  en ordenance de bataille. Et veoient devant yaus au
         dehors d’une haie ces deus cens Navarois tous rengiés.
         Si cuidoient li dit François que ce fust des leurs
         une bataille à cheval qui s’arrestassent là contre
         yaus. Si les tinrent cil Navarois ensi jusques à nonne,
     10  et puis ferirent chevaus des esporons et se
         partirent.

         Li rois de France envoia ses coureurs jusques à là,
         à savoir que ce voloit estre. Si chevaucièrent cil qui
         envoiiet y furent jusques à la haie, et raportèrent
     15  que il n’avoient nullui trouvet. Assés tost vinrent
         nouvelles en l’ost, des gens dou pays, que li Englès
         et li Navarois pooient bien estre eslongié quinze
         liewes, car il estoient parti très le mienuit. Adonc fu
         dit au roy que de yaus plus poursievir il perderoit
     20  se painne, mès presist un aultre conseil. Lors se conseilla
         li rois à chiaus qui dalés lui estoient où il avoit
         le plus grant fiance, à ses cousins de Bourbon et à
         ses cousins d’Artois et à ses deus mareschaus.


         § =368=. Li rois de France fu adonc consilliés, ou
     25  cas que il avoit là si grans gens d’armes et toutes
         ses ordenances prestes pour guerriier, que il se traisist
         devant la cité d’Evrues et y mesist le siège; car
         mieulz ne pooit il emploiier ses gens que d’aler
         devant celle cité, et fesist tant que il l’euist, et puis
     30  tous les fors et les chastiaus dou roy de Navare. Ce
         conseil tint li rois de France à bon, et s’en retourna
   [192] vers Roem, et fist tant que il y parvint. Et comment
         que il euist laissiet le poursieute des Englès et des
         Navarois, si ne donna il nullui congiet.

         Quant li rois fu venus à Roem, il n’i sejourna point
      5  lonch temps, mès se trest o toutes ses hoos par
         avant le cité d’Evrues, et là mist le siège fortement
         et durement. Et fist achariier et amener avoecques
         lui de le cité de Roem tous les engiens pour drecier
         devant le ville et le cité d’Evrues, et encores en fist
     10  il faire assés.

         A Evrues, a bourch, cité et chastiel, et tout fermé
         à par lui. Si se loga li rois de France devant le bourch
         et y fist faire pluiseurs assaus. Finablement, cil de le
         ville doubtèrent à perdre corps et biens, car il estoient
     15  moult apressé d’assaus que li François leur
         faisoient. Si entrèrent en grans trettiés que d’yaus
         rendre, salve leurs corps et leurs biens. Li rois
         Jehans fu si consilliés qu’il le prist. Si ouvrirent li
         bourgois d’Evrues les portes de leur ville et misent
     20  les François dedens; mès pour ce ne furent il mies
         en le cité, car elle estoit et est ossi bien fremée de
         murs, de portes et de fossés comme li bours est.
         Toutes fois li rois de France fist logier son connestable
         et ses mareschaus et le plus grant partie de son
     25  host en le ditte ville, et il tint encores son logeis as
         camps, ensi comme il avoit fait en devant.

         Les gens le roy de France, quant il se furent logiet
         ou bourch d’Evrues, commencièrent à soutillier
         comment il poroient conquerre la cité. Si fisent emplir
     30  les fossés au plus estroit et mains parfont, tant
         que on pooit bien aler jusqu’à murs pour combatre
         main à main. Quant cil qui en le cité demoroient se
   [193] veirent ensi apressé, si se commencièrent à esbahir,
         et eurent conseil que d’yaus rendre, salve leurs vies
         et leurs biens. On remoustra ces trettiés au roy de
         France, se il le voloit faire; il fu adonc si consilliés
      5  que il les prist à merci.

         Ensi eurent li François le bourch et le cité; mès
         pour ce n’eurent il mies le chastiel qui estoit en le
         garde de monsigneur Jehan Cabriniel et de monsigneur
         Guillaume de Gauville. Ançois y sist li rois
     10  de France plus de sept sepmainnes devant qu’il le
         peuist avoir. Et quant il l’eut, ce fu par composition
         tèle que tout li chevalier et escuier qui dedens
         estoient s’en partirent, salve le leur et leurs
         corps; et se pooient sauvement traire là où il leur
     15  plaisoit. Si se traisent, si com je fui enfourmés, ens
         ou chastiel de Bretuel, qui est uns des biaus et des
         fors, seans à plainne terre, qui soit en toute
         Normendie.

         Si fist li rois Jehans de France prendre le saisine
     20  et possession par ses mareschaus dou chastiel d’Evrues,
         et en ot grant joie quant il en fu sires; et
         dist bien que jamais de son temps ne le renderoit
         as Navarois. Ensi eut li rois de France le bourch, le
         cité et le chastiel d’Evrues; mais moult li cousta
     25  d’or et d’argent en saudoiiers, et le fist depuis bien
         garder à son pooir. Mais encores le reut li rois de
         Navare, par le fait de monsigneur Guillaume de
         Gauville, ensi que vous orés recorder avant en
         l’istore.


     30  § =369=. Apriès le conquès d’Evrues, si com ci dessus
         est dit, li rois de France et toute son host s’en
   [194] parti, et se traist par devant le chastiel de Bretuel,
         et là mist le siège. Si avoit bien en son host soissante
         mil chevaus; et eut devant Bretuel le plus
         biau siège et le plus plentiveus, et le plus grant
      5  fuison de chevaliers et d’escuiers et de haus signeurs
         que on avoit veu en France ensamble devant forterèce
         seant à siège, depuis le siège d’Aguillon.

         Là vinrent veoir le roy de France pluiseur signeur
         estragnier, telz que li contes de Douglas d’Escoce, à
     10  qui li rois de France fist grant cière, et li donna cinq
         cens livrées de revenue par an en hiretage seant en
         France. Et de ce devint li dis contes homs au roy de
         France, et demora toute la saison avoecques lui.
         Ossi vint en l’ost dou dit roy de France dan Henri
     15  de Chastille, qui s’appelloit bastars d’Espagne et
         contes de Tristemare, et amena avoecques lui une
         grant route d’Espagnolz, qui furent tout receu à saus
         et à gages par le commandement dou roy de France.

         Et saciés que li François, qui estoient devant Bretuel,
     20  ne sejournoient mies de imaginer et soutillier
         pluiseurs assaus, pour plus grever chiaus de le garnison.
         Ossi li chevalier et escuier, qui dedens estoient,
         soutilloient nuit et jour, pour yaus porter
         contraire et damage. Et avoient cil de l’host fait
     25  lever et drecier grans engiens qui jettoient nuit et
         jour sus les combles des tours, et ce moult les travilloit.
         Et fist li rois de France faire par grant fuison
         de carpentiers un grant berfroit à trois estages, que
         on menoit à roes, quel part que on voloit: en çascun
     30  estage pooient bien entrer deus cens hommes et tous
         yaus aidier; et estoit breteskiés et cuiriés, pour le
         tret, trop malement fort. Et l’appelloient li pluiseur
   [195] un cat, et li aultre un atournement d’assaut. Si ne
         fu mies si tost fais, carpentés ne ouvrés. Entrues
         que on le carpenta et appareilla, on fist par les villains
         dou pays amener, aporter et achariier grant
      5  fuison de bois, et tout reverser ens ès fossés, et estrain
         et terre sus pour amener le dit engien sus les
         quatre roes jusques as murs, pour combatre à chiaus
         de d’ens. Si mist on bien un mois à emplir les
         fossés, à l’endroit où on voloit assallir, et à faire le
     10  chat. Quant tout fu prest, en ce bierefroi entrèrent
         grant fuison de bons chevaliers et escuiers qui se
         desiroient à avancier. Si fu cis berfrois sus ces quatre
         roes aboutés et amenés jusques as murs.

         Cil de le garnison avoient bien veu faire le dit
     15  berfroi, et savoient l’ordenance en partie comment
         on les devoit assallir. Si s’estoient pourveu, selonch
         ce, de kanons jettans feu et grans gros quariaus, pour
         tout desrompre. Si se misent tantost en ordenance,
         pour assallir cel berfroi, et yaus deffendre de grant
     20  volenté. Et de commencement, ançois que il fesissent
         traire leurs canons, il s’en vinrent combatre à
         chiaus dou berfroi francement, main à main; là eut
         fait pluiseurs grans apertises d’armes. Quant il se furent
         plenté esbatu, il commencièrent à traire de
     25  leur kanons et à jetter feu sus ce berfroi et dedens,
         et avoecques ce feu traire espessement grans quariaus
         et gros qui en blecièrent et occirent grant
         fuison; et telement les ensonniièrent que il ne savoient
         auquel entendre. Li feus, qui estoit grigois,
     30  se prist ou toit de ce berfroi, et couvint chiaus qui
         dedens estoient issir de force; aultrement il euissent
         esté tout ars et perdu.

   [196] Quant li compagnon de Bretuel veirent ce, si eut
         entre yaus grant juperie, et s’escriièrent hault:
         «Saint Jorge! loyauté!» et «Navare! loyauté!»
         Et puis disent: «Signeur françois, par Dieu, vous
      5  ne nous avés point, ensi que vous cuidiés.» Si demora
         la grigneur partie de ce berrefroi en ces fossés,
         ne onques depuis nulz n’i entra; mès entendi on à
         emplir les dis fossés à tous lés, et y avoit bien tous
         les jours quinze cens hommes qui ne faisoient aultre
     10  cose.


         § =370=. En ce temps que li rois de France tenoit
         le siège devant Bretuel, se departi li princes de
         Galles de Bourdiaus sus Garone, où tenus s’estoit
         tout le temps, et avoit fait faire ses pourveances si
     15  belles et si grosses [qu’il avoit peu[297]], car il voloit
         chevaucier en France bien avant, espoir venir jusques
         en Normendie et sus les frontières de Bretagne pour
         conforter les Navarois; car bien estoit enfourmés et
         segnefiiés que li rois ses pères et li enfant de Navare
     20  et cil de Harcourt avoient grans alliances ensamble.
         Si estoit li dis princes de Galles partis en celle istance
         de Bourdiaus, à tout deus mil hommes d’armes et
         six mil arciers parmi les brigans. Et tout chil baron
         et chevalier y estoient, especiaument qui furent
     25  avoecques lui en le chevaucie de Carcassonne et de
         le langue d’ok; se n’ont que faire d’estre maintenant
         nommet.

             [297] Ms. B 3, fº 182 vº.--Ms. B 1, t. II, fº 69:
             «qu’à parer.»--Ms. B 4, fº 162: «preparer.»

         Si chevauçoient li dis princes et cil signeur et leurs
   [197] gens ordonneement, et passèrent la rivière de Garone
         à Bregerach, et puis oultre, en venant en Roerge,
         le rivière de Dourdonne. Si entrèrent en ce pays de
         Roerge, et commencièrent à guerriier fortement, à
      5  rançonner villes et chastiaus ou ardoir, à prendre
         gens, à trouver pourveances grandes et grosses, car
         li pays estoit lors pourveus, et demoroit tout brisiet
         et essilliet derrière yaus. Si entrèrent en Auvergne,
         et passèrent et rapassèrent pluiseurs fois le rivière
     10  d’Allier, ne nulz ne lor aloit au devant. Et prisent
         leur adrèce en Limozin, pour venir en ce bon et
         gras pays de Berri, et trouver celle rivière de Loire.
         Des vivres qu’il trouvoient, faisoient il grans
         superfluités, car ce qui leur demoroit il ardoient et
     15  exilloient.

         Les nouvelles en vinrent au roy de France, qui se
         tenoit à siège devant Bretuel, comment li princes
         efforciement chevauçoit en son royaume, si en fu
         durement esmeus et courouciés. Et volentiers euist
     20  veu que cil de Bretuel se fuissent rendu par composition
         ou aultrement, pour chevaucier contre les Englès
         et deffendre son pays que on li ardoit, et toutdis
         entendoit on à emplir les fossés de tous lés. Et jettoient
         engien nuit et jour à le forterèce pières et
     25  mangoniaus; ce les esbahissoit plus c’autre cose.

         Or avint à un chevalier de Pikardie, qui s’appelloit
         messires Robers de Montegni en Ostrevant, à ce
         siège, une dure aventure, car ilz et uns siens escuiers,
         qui se nommoit Jakemars de Wingles, tout doi appert
     30  homme d’armes, malement s’en alèrent un jour
         au matin sus les fossés que on avoit raemplis, pour
         regarder le forterèce. Si furent perceu de chiaus
   [198] dedens; si issirent hors jusques à sept compagnons
         par une posterne, et s’en vinrent sus le chevalier et
         l’escuier, et furent assalli fierement. Il se deffendirent,
         car il avoient leurs espées. Et se il euissent esté
      5  conforté de chiaus de l’ost d’otant de gens que cil
         estoient, il se fuissent bien osté de ce peril; mais
         nennil, car onques nuls n’en sceut riens. Si fu li dis
         chevaliers pris et menés ou chastiel, et navrés parmi
         le jenoul, dont il demora afolés, et li escuiers mors
     10  sus le place, dont ce fu damages. Et en fu li rois de
         France bien courouciés, quant il le sceut.

         Au septime jour apriès, entrèrent li compagnon
         de Bretuel en trettiés devers le roy de France pour
         yaus rendre; car li engien, qui nuit et jour jettoient,
     15  les travilloient malement, et si ne leur apparoit confors
         de nul costé. Et bien savoient que, se de force
         il estoient pris, il seroient tout mort sans merci. Li
         rois de France, d’autre part, avoit grant desir de
         chevaucier contre les Englès qui ardoient son pays;
     20  et estoit ossi tous tanés de seoir devant le forterèce,
         où bien avoit, et à grant fret, esté et tenu soixante
         mil hommes. Si les prist à merci; et se partirent,
         salves leurs vies et ce qu’il en pooient porter devant
         yaus tant seulement. Si se retraisent li chevalier et
     25  li escuier de Bretuel à Chierebourch; jusques à là
         eurent il conduit dou roy. Si fist li dis rois prendre
         le saisine dou biau chastiel de Bretuel et remparer
         bien et à point. Et se desloga et retourna vers Paris,
         mais il ne donna nuls de ses gens d’armes congiet,
     30  car il les pensoit bien à emploiier aultre part.


FIN DU TEXTE DU TOME QUATRIÈME.




VARIANTES.


§ =288=. Page 1, ligne 1: De le ville.--_Ms. d’Amiens_: L’endemain,
il (le roi d’Angleterre) s’em parti de Wissan et s’en vint devant
le forte ville de Callaix et l’assega de tous poins, et dist qu’il
ne s’en partiroit, par yvier ne par esté, si l’aroit à se vollenté,
com forte qu’elle fust, se li roys Phelippes ne se venoit de rechief
combattre à lui, et l’en levast par force. Et pour tant que la ditte
ville de Callais estoit si forte et qu’il avoit dedens grant fuisson
de bonnes gens d’armes, tels que monseigneur Jehan de Vianne, qui
cappittaine en estoit, messire Ernoul d’Audrehen, monseigneur Jehan
de Surie, monseigneur Pepin de Were, monseigneur Henry dou Bos et
pluisseurs autres, il ne vot oncques conssentir que ses gens d’armes
l’assaillissent, car il y pewissent plus perdre que gaegnier; ains
fist tantost faire son hostel, grande salle, cambres et chou qu’il y
appertenoit de plances et de mairiiens, et bien couvrir d’estrain pour
demourer y tout celui yvier et l’estet enssic, ou plus, se mestier
faisoit, et fist faire grans fossés tout autour de son host, par quoy
on ne les pewist enbrissier ne destourber.

Cascuns des autres seigneurs et li chevalier et chacuns autres, seloncq
son estat, fist faire se loge au mieux qu’il peult, li ungs de bois,
li autres de genestres, li autre d’estrain, tant que en assés petis
de tamps il fissent là endroit une bonne forte ville et grande; et
y trouvoit on à vendre tout ce qu’il besongnoit pour vivre à grant
marchiet. Et si y avoit boucerie, mercerie, hallez de draps et de
touttes mercandises, ossi bien comme à Arras ou à Amiens, car il
avoient les Flammens de leur accord: dont tous li biens leur venoit.
Si leur en venoit il ossi partie d’Engleterre, par le mer qui n’est
mies là grande à passer; encorres leur en venist plus grant fuison, se
ne fuissent Geneuois et autres maronniers qui gisoient sus le mer et
alloient souvent waucrant par le mer avant et arrière, pour destourber
les allans et les venans à l’ost des Englès, et en appelloit on
l’un Marant et l’autre Mestriel. Et avoient souvent grant compaignie
d’autres maronniers qui faisoient grans anois et grans destourbiers as
Englès, et souvent gaegnoient des vaissiaux chargiés de pourveanches,
dont il desplaisoit mout au roy englès et à chiaux de l’ost, et à le
fois estoient rencontré, si perdoient. Et souvent avoit paletis et
escarmuches contre le ville, là où li pluisseur volloient moustrer
leur appertise, de chiaux de hors contre chiaux de dedens; si y avoit
souvent des mors et des navrés, d’une part et d’autre.

Et souvent chevauchoient li marescal aval le pays d’entours Calais à
grant fuisson de gens d’armes et d’archiers pour aventurer, un jour
deviers Saint Omer, l’autre deviers Tieruanne, puis deviers Bouloingne,
pour quère grosses bestes et menues pour avitaillier leur host, et
essilloient tout le pays d’entours yaux. Ossi il y avoit dedens
Saint Omer bonne garnison de gens d’armes, car là se deffendoient et
faisoient frontière contre les ennemis, ossi en le Montoire, en Guines,
en Oye, en Merk, en Likes, en Fiennes, en Bouloingne, en Tieruanne,
en Aire, en Bietune, en Saint Venant, en Hames, en Arde et en tous
les fors là environ. Et y avenoit souvent tout plain d’aventures et
d’encontres aventureulx, dont li ung perdoient et li autre gaegnoient,
enssi que telles aventures aviennent en si faittes guerres et en telx
sièges. Si m’en passerai tant c’à ores assés brefment, car je y pensse
bien à recouvrer, ains que li sièges soit conclus; mès je voeil parler
d’une grant courtoisie que li roys englès fist as povres gens de
Calais, le siège pendant.

Quant chil de le ville de Callais virent que li Englès ne se
partiroient mies de ce siège et que lors pourveanches de vivres
amenrissoient durement, il eurent consseil qu’il envoieroient hors
les povres gens dont il ne se pooient aidier. Si en envoiièrent hors
bien six cens povres hommes mal pourveus, et les fissent passer tout
parmy l’ost des Englès. Si tost que li roys Edouwars le sceut, il les
fist tous arrester et venir devant lui, et leur fist tous dounner à
boire et à mengier plentiveusement en se grande salle de bois qu’il
avoit là fait faire, et fist à chacun dounner troix viés estrellins
pour Dieu; et avoecq chou, il les fist conduire sauvement hors de son
host: laquelle cose on retint à grant aumounne et à grant noblèce. Or
me tairay un petit à parler dou siège de Calais et retouray au siège
de Aguillon, là où je le laissay quant je coummençay à parler dou dit
roy qui ariva en Normendie, et vous diray coumment li departemens s’en
fist. Fºs 95 vº et 96.

--_Ms. de Rome_: Qant li rois d’Engleterre et toutes ses gens furent là
venus, il se boutèrent et amanagièrent en une grande place wide, qui
sciet au dehors de Calais, et conmenchièrent là à faire et à carpenter
maisons et logis petit à petit. Et estoient les Englois signeur dou
havene et envoioient lor navie, qant il lor plaisoit, en Engleterre,
dont vivres et pourveances lor venoient par mer. Et aussi li coureur
englois courirent toute la conté de Boulongne et le conté de Ghines, et
le pais jusques à Saint Omer et Aire et Tieruane, ne il ne trouvoient
qui lor alast au devant. Si fu envoiiés mesires Jehans de Viane, uns
chevaliers de Campagne et de Bourgongne, à estre chapitainne de Calais,
et s’i bouta de nuit à toute sa carge par le sabelon, et cevauça de
Wisan jusques à là. Si le requellièrent tout li honme de la ville, et
en furent moult resjoï de sa venue; et s’i porta li dis chevaliers
vaillanment et sagement. Par la voie de la marine fu la ville de Calais
plus de demi an confortée et rafresqie de vivres; et s’i vinrent bouter
par ce cemin meismes, mesires Arnouls d’Andrehem, mesires Jehans de
Surie, mesires Bauduins de Bellebourne, mesires Joffrois de la Mote,
mesire Pepins de Were, mesires Gerars de Werières, qui adonc estoit
jones esquiers, et pluisseurs aultres chevaliers et esquiers, qui tout
i furent très honnourablement.

Qant li rois d’Engleterre fu venus premierement devant la ville de
Calais, ensi que chils qui moult le desiroit à conquerir, il le asega
par grant manière et par bonne ordenance. Et fist bastir et ordonner
entre la ville et la rivière et le pont de Nulais hostels et maisons,
ouvrer et carpenter de grans mairiiens et couvrir les dittes maisons,
qui estoient asisses et ordonnées par rues, bien et faiticement, de
ros, d’estrain et de genestres et de ce dont on puet recouvrer là ou
pais, ensi que il vosist là demorer diis ou douse ans; car li intension
de li estoit telle que de là il ne s’en partiroit, si l’aueroit conquis
par force ou par tretié. Et avoit en ceste nove ville dou roi, toutes
coses necessaires, apertenans à un hoost et plus encores, et place
ordonnée pour tenir marchiet le merquedi et le samedi. Et là estoient
halles de draps et de merchiers et aussi estas de bouciers et de
boulengiers. Et de toutes coses on i pooit recouvrer aussi largement
comme à Bruges ou à Londres, et tavernes de tous vins de Grenate, de
Grec, de Malevisie, de Rivière, de vins de Gascongne, de Poito, de
France et de Rin, bons cabarès et bien pourveus de chars, de volilles,
de poissons. Et lor venoient de Flandres les marceandises toutes
prestes de Hollandes, de Zellandes et d’Alemagne, et tout par mer. Et
en i avoit là pluisseurs ouvriers juponniers, parmentiers, corduaniers,
peletiers, cabareteur, fourniers et tavreniers, qui i gissoient assés
mieuls à lor plaisance et pourfit que donc que il fuissent chiés leur.
Et furent bien courouciet qant li sièges se desfist et que Calais fu
conquise, car il perdirent le flour de lor wagnage.

Qant mesires Jehans de Viane fu venus en Calais, et il ot veu et
consideré le siège et conment les Englois estoient amasé, ensi que pour
demorer vint ou trente ans là devant au siège, et il ot fait viseter
la poisance des vivres qui estoient en la ville, il en fist un jour
widier et partir plus de vint sept cens honmes, fenmes et enfans, pour
alegerir la ville. Qant chils peuples issi hors premierement de Calais,
tous en blans qamises, et portaient confanons de moustiers en signe de
humelité, auquns Englois quidièrent, qant il les veirent issir, que il
les venissent courir sus. Si se assamblèrent à l’encontre de euls les
archiers, et les fissent requler jusques ens ès fossés de la ville.
Là i ot entre ces Englois, auquns preudonmes piteus, qui congneurent
tantos que ce n’estoient pas gens pour faire nul contraire. Si fissent
cesser les aultres de euls courir sus, et lor demandèrent où il
aloient. Il respondirent que on les avoit bouté hors de Calais, pour
tant que il cargoient trop la ville et le foulloient de vivres et en
aloient ailleurs à l’aventure querir lor mieuls, ensi que povres gens
qui avoient tout perdu sans nul recouvrier.

Ces nouvelles vinrent au roi d’Engleterre et as signeurs que chils
povres peuples de Calais estoit là ensi à merchi. Li rois, meus en
pité, les fist entrer en l’oost, et conmanda que tout et toutes
fuissent bien disné; il le furent. Avoecques tout ce, au departir et
issir de l’hoost, il fist à casqun, grant et petit, donner et delivrer
un estrelin d’Engleterre. Et depuis ces povres gens se departirent
et s’espardirent, pour avoir lor vivre et lor cavance. Par ces gens
orent la congnisance li rois d’Engleterre et ses consauls, que li
vivres afoiblissoient grandement en la ville de Calais: si n’en furent
pas courouchiet. Or retournons au duch de Normendie et au siège qui
se tenoit devant Agillon. Fºs 124 vº et 125. P. 1, l. 1 et 2: uns
gentilz et vaillans chevaliers de Campagne as armes.--_Mss. A 1 à 6_:
un gentil chevalier de Champaigne vaillant aux armes. Fº 152.--_Mss. A
7 à 10_: un gentil et vaillant chevalier de Champaigne aux armes. Fº
136.--_Mss. A 11 à 14_: ung chevalier de Champaigne vaillant aux armes.
Fºs 144 vº et 145.--_Mss. A 15 à 17_: un gentil et vaillant chevalier
de Champaingne aux armes. Fº 151 vº.--_Mss. A 20 à 22_: ung vaillant
et hardy chevalier. Fº 217 vº.--_Mss. A 23 à 29_: ung chevalier de
Champaigne. Fº 169 vº.--_Mss. A 30 à 33_: ung chevalier de Bourgoigne.
Fº 190 vº.--_Ms. B 3_: ung vaillant gentilhomme chevalier du pais de
Champaigne. Fº 135 vº.

P. 1, l. 5 et 6: d’Audrehen.--_Mss. A 11 à 14_: d’Autrehen. Fº 145.

P. 1, l. 7: de le Motte.--_Mss. A 30 à 33_: de la Mente. Fº 190 vº.

P. 1, l. 8: Were.--_Mss. A 1 à 19_: Werie. Fº 152.--_Mss. A 20 à 22, 30
à 33_: Verre. Fº 169 vº.

P. 1, l. 16: Nulais.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 19_, B 3: Milais. Fº
152.--_Mss. A 20 à 22_: Mullais. Fº 218.--_Mss. A 23 à 29_: Calays. Fº
169 vº.--_Mss. A 30 à 33_: Calaiz. Fº 190 vº.

P. 2, l. 3 et 4: d’estrain et de genestres.--_Ms. B 6_: d’estrain ou de
bauque. Fº 343.

P. 2, l. 4 et 5: dix ans ou douze.--_Ms. B 6_: quarante ans. Fº 343.

P. 2, l. 12 et 13: necessités.--_Le ms. B 6 ajoute_: tavernes de toutes
manières de vins osy bien que che fust à Londres. Fº 343.

P. 2, l. 19: Tierenois.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: Therouennois. Fº
152.--_Mss. A 7 à 10_: Therenois. Fº 136 vº.--_Mss. A 11 à 14_:
Theuoroilenois. Fº 145.--_Mss. A 23 à 29_: Ternois. Fº 169 vº.--_Mss.
A_ 30 à 33: Tirenoiz. Fº 190 vº.--_Ms. B 3_: Tiernois. Fº 135 vº.

P. 3, l. 1: menues gens.--_Ms. B 6_: qui tout se vivoient de la mer. Fº
344.

P. 3, l. 11: deux estrelins.--_Ms. B 6_: six estrelins. Fº 344.


§ =289=. P. 3, l. 16: Li dus.--_Ms. d’Amiens_: Tout ce tamps de le
moiienné d’avril jusques à le moiienné de septembre, demora li dus de
Normendie à siège devant le fort castiel d’Aguillon, en Gascoingne,
et y fist maintes fois assaillir par diviersses mannierres, et mout
y eut de bonne chevalerie et de noble avoecq lui. Et y mist grant
coustages d’enghiens et d’autres instrummens et atournemens d’asaut,
desquels messires Loeis d’Espaingne, chilx bons chevaliers de qui
vous avés oy parler ens ès guerres de Bretaingne, estoit souverains
et ordonnères, car li dis dus avoit plus de fianche en lui et en son
consseil, que il n’ewist en tout le demorant de son host. Si y trouva
li dis messires Loeis d’Espaingne, le siège durant, maint nouviel et
soutil enghien dont on n’avoit oncquez veu user devant che, pour chiaux
de le ditte fortrèche grever et adammagier; mès dedens avoit si bonne
bachelerie que il se deffendoient bien contre tout et deffendirent,
si comme vous avés chy dessus oy. Endementroes que cilz sièges se
tenoit devant Aguillon et que tous les jours priès y avoit assault
et escarmuches, ungs assaux se fist de chiaux de l’ost à chiaux de
dedens, et y eut pluisseurs belles appertisses d’armes faittes. Avint
que messires Phelippes de Bourgoingne, filz au duc de Bourgoingne et
cousins germains au duc de Normendie, et qui estoit li ungs des biaux
chevaliers de toutte l’ost de son eage, et qui vollentiers s’avanchoit
en armes, entendi de cel assault qui jà estoit coummenchiéz; si s’arma
vistement et monta sus un courssier durement appert, pour son corps
avanchier et pour plus tost venir à l’assault, et le feri des esperons.
Li courssiers qui estoit durement fors et rades et orguilleus, se mist
au cours et s’abusça parmi un fosset, et chei en lui touillant sus
le dit monsigneur Phelippe de Bourgoingne, et le confroissa et bleça
tellement que li chevaliers n’eut oncquez puis bonne sancté, mès morut
assés briefment, dont li dus de Normendie fu trop durement courouchiés:
che fu bien raisons, car c’estoit li plus puissans de linaige,
d’iretaige et de ricoise de toutte Franche.

Assés tost apriès ceste aventure, vinrent les nouvellez au dit ducq de
le bataille de Crechi et de le grant desconfiture qui y avoit estet. Et
remandoit li roys son fil le duc de Normendie, et li senefioit qu’il
s’en revenist en Franche et deffesist son siège de devant Aguillon.
De ces nouvellez fu li dus de Normendie durement courouchiés, che fu
bien drois, car il avoit juret le siège et dit qu’il ne s’em partiroit,
si aroit le castiel à se vollenté; mès li mandement dou roy son père
escusoient et dispenssoient son sierement. Non obstant ce, ces lettrez
veues, il manda en sa tente tous lez grans seigneurs de l’ost qui
là estoient, le ducq de Bourgoingne, le duc de Bourbon, monsigneur
Jaqueme de Bourbon, le comte de Forès, le daufin d’Auviergne, le comte
de Vendosme, le comte de Laille, le comte de Ventadour, le comte
de Bouloingne, le comte de Nerbonne, monseigneur Loeys d’Espaingne
et monseigneur Carle d’Espaigne, son fil, seigneur de Partenay, le
seigneur de Crain et pluisseurs autres bannerès et chevaliers qui là
estoient, et leur compta lez nouvelles que on leur avoit apportées, et
le mandement que li roys ses pères li faisoit. Si leur pria amiablement
que sour ce il li volsissent conssillier honnerablement. Tout chil
seigneur furent durement courouchiet et dolant de ces nouvelles et
de le desconfiture de Crechi, che fu bien raisons, car li courounne
de Franche estoit moult afoiblie de haulte honneur, et ce ne fu mies
merveillez; nekedent il conssillièrent au dit duc, tout d’un acort et
d’une vois, et li dissent que se plus haute honneur seroit et estoit
dou raller deviers le roy son père, qui le mandoit, que là demourer,
seloncq che que avenu estoit et seloncq l’estat dou royaume qui à lui
parvenir devoit. Adonc fu ordounné et coummandé que chacuns toursast et
deslogast au matin et sieuwist les bannierrez.

Quant ce vint au matin, chacuns se hasta de toursser et de deslogier et
sieuwir les bannierres. Chil qui estoient dedens Aguillon, perchurent
tantost que li hos se deslogoit et s’en alloit en voiez. Sitos que
messires Gautiers de Mauny vit chou, il se courut armer et fist tous
ses compaignons armer et monter sour lors chevaux, et passèrent parmi
le pont qui fais y estoit, et vinrent as loges. Si trouvèrent des
gens assés qui derière estoient atargiés; si leur coururent sus et
en ocirent grant plenté. Li dis messires Gautiers ne se vot mies là
arester, ains fist son pignonciel chevauchier avant jusques à l’arière
garde, qui les darrains volloit rataindre et garder, et dont messires
Carles d’Espaingne, qui portoit les armes de Castille à un quartier de
France, estoit chiés. Là coummencha ungs hustins très grans et très
durs, et y eut pluisseurs chevaliers et escuiers d’un lés et d’autre
reverssés. Touttesfois, Englès et Gascon s’i portèrent si bien que il
obtinrent le plache. Et fu desconfite ceste arrière garde, et pris
ungs bons chevaliers de Normendie, mout amis et prochain dou duc,
qui se clamoit messires Grimoutons de Cambli. Et retourna messires
Gautiers de Mauny avoecq ses compaignons dedens Aguillon et ramenèrent
des pourveances et dou harnas assés des Franchois avoecq pluisseurs
prisonniers.

Quant li compaignon de Aguillon eurent fait leur chevauchie, enssi
comme vous avés oy, et il furent rentrés à tous leurs prisonniers
et lor gaing ou dit castiel, il demandèrent bellement et sagement à
aucuns gentilz hommes qu’il tenoient pour prisonniers, pourquoi li
dus s’estoit deslogiés si soudainnement. A envis le disoient, mès on
les examina et pria tant qu’il le dissent, et recordèrent touttes les
avenues qui estoient avenues au roy englès et à ses gens, et coumment
il avoit à Crechi desconfit le roy de Franche et se puissance, et
leur recordèrent le grant cantitet des prinches et des seigneurs
qui demouret y estoient, et coumment li roys englès avoit assegiet
le forte ville de Callais. De ces nouvelles furent li compaignon de
Aguillon durement liet, et en firent à leurs prisonniers milleur
compaignie et toutte le bonne chière qu’il peurent. A l’endemain, ils
departirent leur butin. Si eschei messires Grimoutons de Cambli en le
part de monseigneur Gautier de Mauny, parmi un restorier qu’il fist as
compaignons, et demoura ses prisonniers. Fº 96.

--_Ms. de Rome_: Li dus Jehans de Normendie, toute la saison,
avoit tenu son siège devant Agillon, et là dedens enclos les bons
chevaliers d’Engleterre, messire Gautier de Mauni et les aultres qui
si vaillanment s’i estoient tenu et porté, et tenoient encores que,
pour asaut que on lor fesist, onques ne s’esbahirent, mais furent trois
jours tous reconfortés, non que li dus de Normendie se tenist là pour
cose que li castiaus de Agillon vausist, fors que par droite herredrie
et merancolie; car on euist fait quatre tels castiaus que Agillon est,
pour ce que li sièges cousta au roiaulme de France. Et encores avint
uns grans mesciés entre les François, ensi que je vous recorderai, et
environ la moiienné d’aoust que li rois d’Engleterre passoit parmi
le roiaulme de France. Il avint que une escarmuce se fist devant le
chastiel d’Agillon, des chevaliers et esquiers de l’hoost à l’encontre
de ceuls de dedens qui vaillanment les requelloient, toutes fois qantes
fois que il estoient requis et assalli.

Assés nouvellement estoit venus en l’oost mesires Phelippes de
Bourgongne, fils au duch Oede de Bourgongne, pour ce temps, contes
d’Artois et de Boulongne, et cousins germains au duch de Normendie.
Chil mesires Phelippes de Bourgongne estoit uns moult jones chevaliers
et de grant volenté, ensi que là le moustra; car si tretos que li
escarmuce fu conmenchie, il ne volt pas estre des darrains, mais se
fist armer et monta sus un coursier fort et rade durement et de grant
haste, pour plus tos venir à l’escarmuce. Li dis mesires Phelippes de
Bourgongne prist une adrèce parmi les camps, et broça coursier des
esporons, liquels estoit grans et fors, et qui se esquella au cours et
enporta le chevalier, tout maugré lui: siques, en traversant et sallant
un fosset, li coursiers trebusça et cei et jetta le dit mesire Phelippe
desous lui. Onques il ne pot estre aidiés ne seqourus, mais fu si
confroissiés que onques depuis n’ot santé, et morut dedens trois jours
apriès: dont li dus de Normendie et tout li signeur furent durement
courechiet et à bonne cause.

Assés tos apriès ceste aventure et la mort dou dit mesire Phelippe
de Bourgongne, vinrent les nouvelles en l’oost de la desconfiture de
la bataille de Crechi. Et remandoient li rois de France et la roine,
lor fil, le duch de Normendie, et li enjoindoient expresseement
et especiaument, toutes paroles et ensongnes misses arrière, il
se partesist et deffesist son siège, et retournast en France pour
aidier à deffendre et garder son hiretage. Et avoecques tout ce
encores li segnefioient il le grant damage que li noble du roiaulme
de France avoient pris et eu par celle bataille de Creci. Quant li
dus de Normendie ot leu tout au lonc ces lettres, si pensa sus moult
longement, et en demanda consel as contes et as barons, qui dalés lui
estoient, car moult à envis se departoit, pour la cause de ce que il en
avoit parlé si avant. Li signeur li dissent que tout estoit reservé,
puisque père et mère le mandoient, et que bien et par son honnour il
se pooit departir. Si fu adonc ordonné et aresté que, à l’endemain, on
se deslogeroit, et retourneroient toutes gens en France: des quelles
nouvelles la grignour partie de ceuls de l’oost furent moult resjoï,
car chils sièges lor avoit esté trop lontains et moult pesans. La nuit
passa. Qant ce vint au point dou jour, on se conmença à deslogier et
à tourser tentes et trés et tout mettre à charoi et à voiture. Et se
hastoit et delivroit casquns dou plus tos conme il pooit; et se missent
tout au cemin environ solel levant. Li compagnon, qui dedens Agillon
estoient, perchurent cel affaire que on se deslogoit; si en furent tout
esmervilliet.

Les nouvelles en vinrent à mesire Gautier de Mauni, qui tous jours
estoit des premiers levés et des darrains couchiés. Sitos que il le
sceut, il fu armés et apparilliés, et aussi furent tout li compagnon,
et montèrent as chevaus: «Or tos, dist il, li François s’en vont sans
dire adieu. Il fault que il paient lor bien allée en auqune manière,
et fault que il aient auqunes nouvelles qui lor soient venues de
France, car li rois, nostres sires, est deçà la mer; et poroit avenir
que ils et ses gens aueroient combatu les François, et i poroit avoir
eu une grande desconfiture. Il nous en fault sçavoir, conment que ce
soit, la verité; car c’est tout acertes que il se deslogent pour celle
saison.» Adonc se departirent euls de le forterèce de Agillon en grant
volenté, et estoient bien trois cens, messires Gautiers de Mauni tout
devant. Et s’en vinrent ferir et fraper en la qoue de ces François
qui s’en aloient; et trouvèrent d’aventure un chevalier de Normendie,
mestre d’ostel dou duch, et de son consel, et estoit demorés derrière,
pour faire haster le charoi et le sonmage: ils et tout chil qui
avoecques lui estoient, furent pris, et biaucop encores d’aultres. Et
retournèrent messires Gautiers de Mauni et les Englois dedens Agillon,
et i ramenèrent tout le butin et les prisonniers.

Par ce chevalier de Normendie sceut li dis mesires Gautiers de Mauni
tout ce qui avenu estoit en France, et conment li rois d’Engleterre
avoit pris terre en Normendie et estoit venus tout son cemin, ardant et
essillant le pais, et avoit passet la rivière de Sainne et de Sonme,
maugré tous ses nuisans, et arestés à Crechi en Pontieu, et là atendu
deux jours le roi de France et sa poissance et combatu et desconfi et
cachiet en voiies. Et i estoient mort et demoret sus la place onse
chiés de pais, quatre vins banerès et douze cens chevaliers et plus de
trente mille honmes d’autres gens. Et apriès tout ce, il estoit alés
mettre le siège devant la forte ville de Calais. De ces nouvelles fu li
dis messires Gautiers de Mauni si resjoïs que il n’en vosist pas tenir
cent mille frans, et dist au chevalier, lequel on nonmoit mesire Mouton
de Cambeli: «Cambeli, des rices et bonnes nouvelles que vous avés
dites, vous en vaudrés grandement mieuls.» Fº 125.

P. 4, l. 8: Li dis messires.--_Ms. B 6_: Messires Phelippes, pour eulx
veoir, demanda son coursier, comme a ung grant seigneur qui pluiseurs
en avoit; on luy amena ung jone poulain, que nouvellement on luy avoit
envoiet et sur lequel il n’avoit oncques monté. Quant on lui ot amenet,
il le refusa, pour che que oncques ne l’avoit chevauchiet. Et ensy que
on en aloit querir ung aultre, vey que ches escarmuches estoient trop
belles. Adonc messires Phelippes, qui eult grant desir de veoir, dist:
«Amène me che coursier. Je monteray desus; chis aultres vient trop
longement.» Il monta sus et le fery des esporons et le hasta moult. Che
poullain, qui les esporons ne connisoit, se commencha à enorguillier
et à se mentenir merveilleusement et assallir et atreper diversement.
Et messires Phelippes, pour lui aprivisier, le feroit des esporons
aigrement. Che coursiés enporta son seigneur de telle fachon que il
n’en peult estre maistre, et l’enporta parmy ung fosset où il trebuscha
li uns dessus l’autre. Oncques il ne pot estre à tamps aidiés qu’il ne
fust blechiés et sy froisiés que oncques puis il n’eut sancté, mais
morut dedens quinze jours: dont tous les seigneurs furent durement
courouchiés, car c’estoit le plus riches et le plus grant de linaige du
royaume de Franche. Fºs 345 et 346.

_Dans les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19, le chapitre ne se termine
pas à_: «Aguillon;» _et la phrase se continue ainsi_: et qui dedens
avoit assiegié les bons chevaliers d’Angleterre, messire Gaultier de
Mauny.... Fº 152 vº.

P. 5, l. 7: fourfait.--_Ms. B 6_: sy ques le duc de Normendie ne fut
mies adonc maistres de son argu. Fº 347.

P. 5, l. 15: deslogoient.--_Ms. B 6_: Et yssirent hors et ferirent en
la keue; et y prirent des chevaliers et des escuiers qui s’estoient
trop tart levet et des chevaulx et du harnast. Fº 347.

P. 5, l. 22: soixante.--_Mss. A 20 à 32_: quarante. Fº 219.


§ =290=. P. 6, l. 14: Depuis.--_Ms. d’Amiens_: Avint ung peu apriès
que messires Gautiers de Mauny dist à sen prisonnier, qui li offroit
trois mil viés escus pour se raenchon: «Grimouton, Grimouton, je say
bien que, se je vous volloie presser, vous me paieriez bien de raenchon
cinq mil ou six mil escus, car vous estes ungs grans chevalierz en
Normendie et forment amet dou duc. Si vous diray que vous ferés: vous
yrés, sur vostre foy, par deviers le duc vostre seigneur, de qui
linage et consseil vous estes, et me pourcacheréz que j’aye une lettre
ouverte, seellée de son seel ou dou seel le roy de Franche, son père,
que je puisse cevaucier seurement parmy le royaumme de Franche à vingt
chevaux tant seullement, mon escot payant raisonnablement de ville en
ville, d’ostel en ostel, tant que je soie venus devant Calais deviers
le roy, mon seigneur, que je desir moult à veoir, et ne vorai jesir en
nulle ville que une nuit et bien paiier mon escot; et, se ce ne me poés
impetrer, vous revenrés chy dedens ung mois.» Li chevaliers li creanta
loyaument qu’il en feroit son pooir. Si se parti dou signeur de Mauny
et vint en France deviers le duc de Normendie, et impetra de lui un
sauf conduit pour le dit seigneur de Mauni, et le raporta arrière en
Aguillon, où il fu recheu à grant joie. Fº 96 vº.

--_Ms. de Rome_: Depuis ne demora gaires de temps que li dis mesires
Gautiers de Mauni, qui très grant desir avoit de venir devant Calais et
de veoir son signeur le roi d’Engleterre, mist en parole le chevalier
et li dist: «Cambeli, je sçai bien que vous estes moult proçains
dou duch de Normendie, et je desire à aler devant Calais et veoir
mon naturel signeur le roi d’Engleterre. Se vous poés tant faire et
esploitier, sus une relaxion que je vous ferai, qui sera telle: je
meterai en souffrance votre prise, et vous recrerai courtoisement sus
vostre foi, tant que vous serés alés deviers le duc vostre signeur et
enpieterés, ou nom de moi, un bon sauf conduit, que je puisse passer
et cevauchier parmi le roiaulme de France, et aler devant Calais, moi
vintime tant seullement, et point dormir en une ville, non plus de une
nuit, se trop grande necessité ne le fait, et bien paiier partout.
Et entendés li sauf conduis soit tels que je m’i puisse bonnement
asegurer, et vous retourné deviers moi, ou cas que vous le m’aporterés,
je vous ferai de vostre raençon si bonne compagnie que vous vodrés.»

Li chevaliers ot grant joie de ceste parole et respondi: «Chiers sire,
vous devés sçavoir que ma ligance veroi je volentiers, et je m’en
meterai en painne. Vous ferés un ject sus quel fourme vous vodrés avoir
le sauf conduit, et nonmerés tous ceuls que vous vodrés avoir en vostre
compagnie; et, sus l’escript que vous me baillerés, je ordonnerai ma
requeste et priière.» Mesires Gautiers respondi: «Vous dites bien.»
Il fist escrire tantos une lettre qui contenoit auques la manière dou
sauf conduit, et puis le bailla au chevalier, et li dist: «Cambeli,
tenés, qant vous venés par de delà, si le faites, par un clerc qui s’i
congnoise, groser sus la fourme et ordenance que on a en France; et le
faites faire si bien, se li dus le vous voelt acorder, que il me puist
partout sus mon cemin valoir.»--«Certes, sire, respondi li chevaliers,
je en ferai en toutes manières bien mon acquit.»

Li chevaliers se departi de Agillon et cevauça tant par ses journées
que il vint à Paris et trouva le duch de Normendie, son seigneur, qui
fu moult resjoïs de sa venue, et li demanda tantos conment il avoit
finet. Li chevaliers li compta la fourme et matère, ensi que chi desus
est contenu. Li dus tantos li acorda et li dist: «Faites le escripre
dou mieuls que vous poés; nous le saiellerons. Ce nous monte petite
cose, qant ils, li vintime tant seullement, voelt courtoisement passer
parmi le roiaulme de Franche. Et se de vous riens n’estoit, il est
bien si gentils chevaliers et si loiaus, que là où il m’en requerroit
ou prieroit, je li acorderoie, car ce ne nous touce à nul prejudice.»
Li chevaliers fu tous resjoïs de ceste response, car il en pensoit
grandement mieuls valoir, ensi que il fist. Et fu li sauf conduis
escrips et grossés dou mieuls que on le pot ne sceut faire à l’usage et
setille de France, ne riens n’i ot oubliiet, qui i fesist à mètre. Li
dus de Normendie le fist seeller et le bailla au chevalier, qui tantos
se mist au retour, et cevauça tant par ses journées que il retourna en
Agillon.

De sa venue et dou sauf conduit que il aportoit, fu mesires Gautiers
de Mauni tous resjoïs, et le fist lire, et li sambla très bons et
très bien fais, ensi que il estoit, et aussi fist il à tout son
consel. Si dist ensi au cevalier: «Cambeli, vous avés bien exploitié
à ma plaisance, et je vous tenrai vostre pronmesse. Je vous quite
vostre prise et vostre foi, et poés partir toutes fois que vous
volés.»--«Sire, dist li chevaliers, grant merchis; je n’euise osé
avoir demandé si avant.» Depuis ne sejourna li chevaliers que un jour.
Il se mist au retour en France, quites et delivrés de sa prison.
Considerés, je vous pri, la vaillance et la bonté de messire Gautier de
Mauni, et la grande affection que il avoit à veoir son signeur le roi
d’Engleterre, car il euist eu dou chevalier que il quitta cinq ou siis
mille florins, se il vosist, et il le laissa aler legierement, par la
manière que dit vous ay. Fºs 125 vº et 126.

P. 6, l. 21: trois mille.--_Ms. B 6_: deux mille. Fº 348.


§ =291=. P. 7, l. 30: Assés.--_Ms. d’Amiens_: Sus le conduit dou duc
de Normendie, se mist [en voie] li sirez de Mauny à vingt chevaux
seullement, et passa parmy Franche sans nul empecement et vint jusques
à Orliiens. Là fu il arestéz et ne peut estre desarestés pour lettrez
qu’il moustrast. Si fu amenés à Paris deviers le roy, et là fu il en
grant peril et en grant dangier; et volloient li plus dou consseil dou
roy que on li coppast le teste pour ses grans baceleries, tant estoit
il fort hays. Finablement, li dus de Normendie, sus quel conduit il
alloit, exploita tant pour lui qu’il fu delivréz sans nul dammaige.
Et vint li gentils chevaliers devant Calais, où il fu grandement bien
festiiés dou roy d’Engleterre et de tous les seigneurs. Fº 96 vº.

--_Ms. de Rome_: Messires Gautiers de Mauni ordonna ses besongnes et
s’en vint à Liebourne, où li contes Derbi se tenoit, et li remoustra
conment il voloit cevauchier parmi France, et aler devant Calais veoir
le roi son signeur et le prince de Galles, son fil, et les signeurs et
cevaliers d’Engleterre.

A tout ce s’acorda assés li contes Derbi et escripsi lettres, qui
devoient venir au roi, et les bailla à mesire Gautier de Mauni, liquels
s’en carga de l’aporter. Assés tos apriès, toutes ses besongnes furent
prestes et se departi d’Aquitaines, lui vintime, ensi que son sauf
conduit parloit, et se mist au cemin, et passa Agens et Agenenois et
Limosin. Et par tout les chités et bonnes villes où il venoit, il
moustroit son sauf conduit; pour l’onnour dou duch de Normendie, il
estoit partout delivrés et passa ensi sans nul empecement, tant que il
vint en la chité d’Orliiens.

Quant il fu là venus, il se traist à ostel et se ordonna là à demorer
dou disner et dou souper, pour lui rafresqir et ses gens, et faire
refierer ses cevaus, et pour partir à l’endemain. On li souffri à
prendre toutes ses aises. Au matin, qant il ot oy messe, li ballieus
d’Orliiens vint deviers li et mist un arest sus lui de par le roi de
France. Tantos mesires Gautiers de Mauni moustra son sauf conduit et
se quida delivrer parmi che, mais non peut. Et dist li baillieus que
il li estoit conmandé estroitement que il le menast à Paris. Force
ne esqusance ne sauf conduit ne aultre cose ne valli riens à messire
Gautier de Mauni. Et fu li baillieus fors de li, et amena à grant
cevauchie de gens d’armes le dit messire Gautier tout courtoisement,
et ses gens, à Paris. Euls là venu, on mist les gens et les chevaus de
messire Gautier à hostel; et le chevalier, on le bouta en la prison de
Chastellet. Et li fu delivrée une cambre assés honeste, et avoit de ses
varlés deus ou trois avecques li, qui li aministroient tout ce que à
lui apertenoit.

Qant la congnisance en fu venue au duch de Normendie conment mesires
Gautiers de Mauni, sus se asegurance et sauf conduit, avoit celle
painne et desplaisance que estoit pris et mis en prison, en Chastellet,
là où on met et boute les larrons, si en fu durement courouchiés, et
s’en vint deviers le roi, son père, et li demanda pourquoi il l’avoit
fait prendre, qant il li avoit donné, sus son seelé, sauf conduit
pour li vintime seullement, et il passoit courtoisement et paioit
partout bien, ne nuls ne se plaindoit de li. Li rois de France, qui
haioit mortelment le chevalier pour ses grandes vaillances, respondi à
son fil et dist: «Jehan, je l’ai fait prendre voirement. Vous n’avés
pas ens ou roiaulme de France, encores tant que je vive, si grande
poissance que pour donner ne seeler sauf conduit à mes adversaires;
et pour ce que vous vos en estes avanciés, je le ferai pendre par le
col: se s’i exemplieront li aultre.»--«Monsigneur, respondi li dus, se
vous faisiés ce faire, jamais en toute ma vie je ne m’armeroie pour la
guerre de France à l’encontre des Englois, ne tout chil qui destourner
je poroie; et en feroie pendre tant de ceuls qui ce consel vous donnent
et qui par envie grieuvent le chevalier que aussi tout li aultre s’i
exemplieroient.» Et se departi adonc li dus de Normendie, par grant
mautalent, de la cambre le roi son père, et se tint bien quinse jours
que point n’aloit deviers le roi. Li rois disoit à le fois que il le
feroit pendre, et en estoit grant nouvelle dedens Paris. Et par trois
ou quatre samedis, moult grant peuple s’asambloit devant Chastellet,
et couroient vois et renonmée: «On pendera Gautier de Mauni; alons le
veoir.»

Li gentils chevaliers estoit en prison en Chastellet et non à sa
plaisance, car il sentoit le roi de France durement crueuls et hauster,
et son consel desraisonnable: si ques, qant telles imaginations li
venoient devant, il avoit grande angousse de coer, et faisoit chanter
messe dedens Chastellet tous les jours devant lui, et donner tous les
jours l’aumonne de l’argent de siis esqus de Phelippe. Et prioient les
povres gens pour lui, et vosissent bien, pour la convoitise de l’argent
et avoir l’aumonne, que il demorast un grant tempore en prison.

Uns chevaliers de Hainnau et de Cambresis, qui se nonma messires
Mansars d’Esne, et son cousin, si tos que il sceut la prise de mesire
Gautier, il vint à Paris et poursievi le duch de Normendie caudement.
Et bien voloit li dus que il en fust poursievois, car ce estoit la cose
dou monde qui pour ces jours li aloit plus priès dou coer, et disoit
bien à ceuls qui le dit chevalier pourcacoient: «Ne vous esbahissiés
en riens de Gautier de Mauni, car il n’i a si osé en France, reservé
monsigneur mon père, qui l’ose jugier à mort ne mettre; et monsigneur
brisera uns de ces jours son aïr, et le rauerés quite et delivré.» En
ce dangier, peril et aventure fu messires Gautiers de Mauni bien sept
semainnes. Et aussi li dus de Normendie n’eslongoit point Paris, mais
petit antoit l’ostel dou roi, et tant que chil qui le plus avoient
apressé le chevalier, furent chil qui dissent au roi: «Sire, il vous
fault brisier de ce Englois qui vous tenés en prison, car monsigneur de
Normendie, vostres fils, l’a encargiet. Et au voir dire et à considerer
raison, petit puet il faire ne avoir en Franche, se il ne puet donner
un sauf conduit. Et se vous aueriez fait morir le chevalier, pour ce ne
seroit pas vostre guerre achievée deviers les Englois, ne pour un cent
de tels; et se i prenderoit vostres fils si grant desplaisance que il
le mousteroit de fait, et jà en veons nous les apparans.»

Li rois conchut et entendi ces paroles bien parfaitement et senti
assés que on li disoit verité, et que il n’avoit que faire de nourir
nulle haine deviers son hiretier, pour un chevalier. Si fist li
rois mettre hors de Castelet messire Gautier de Mauni, et mener par
mesire Bouchicau et par mesire Guichart d’Angle, qui lors estoient
jone chevalier, mesire Gautier de Mauni à son hostel où ses gens
estoient logiet. Et avoient tout dis esté, depuis que il fu mis en
prison, au Chastiel Festu, à le Crois en Tiroi; et fu là laissiés
des chevaliers. Et sus le soir on li vint dire, de par le roi, que à
l’endemain li rois voloit que il venist disner à l’ostel de Nielle,
où il se tenoit conmunement; et mesires Gautiers l’acorda. Qant ce
vint à l’endemain, li rois l’envoia querir moult notablement par ses
chevaliers, qui l’amenèrent tout au lonc des rues de Paris et montés
sus cevaus, et passèrent Grant Pont et Petit Pont et venirent à Nielle
dalés les Augustins; et là fu il receus moult honnourablement de tous
les chevaliers dou roi. Et fu li asisse adonc de la table dou roi,
li arcevesques de Sens, premiers, et puis le roi, et desous, mesire
Jaquemes de Bourbon et mesire Gautier de Mauni: plus n’en i ot à celle
table.

Et là sus la fin dou disner, on presenta à mesire Gautier de Mauni,
de par le roi, moult rices jeuiauls d’or et d’argent, et furent mis
et assis devant lui sus la table. Li chevaliers, qui fu moult sages
et moult honnerables, remercia grandement ceuls qui jeuiauls avoient
aportés: ce fu li sire de Biaujeu et mesire Carle de Montmorensi. Qant
li heure vint de lever la table, encores estoient li jeuiel sus la
table. On dist à mesire Gautier: «Sire, faites lever ces jeuiauls par
vostres gens, car il sont vostre.» Mesire Gautier respondi et dist: «Je
n’ai pas deservi à recevoir dou roi de France si grans dons; et qant
je li auerai fait service qui le vaille, je prenderai bien ce don ou
aultres.» On detria sus cel estat un petit. Li rois volt sçavoir quel
cose il avoit respondu. On li dist. Li rois pensa sus et puis dist:
«Il est frans homs et loiaus. Or li demandés de par nous conment il
les voelt prendre, car nous volons que il li demeurent.» On retourna à
mesire Gautier de Mauni, et li fu dite la parole dou roi. Il respondi à
ce moult prudentement et dist: «Je les prenderai par condition tèle que
je les ferai porter avoecques moi devant Calais, et en parlerai au roi
mon signeur; et se il li plaist que je les retiengne, je les retenrai,
et aultrement non.» Ceste parole fu recordée au roi. Li rois l’en sceut
bon gré et dist: «Faites li lever sus. Nous le volons.» Donc fist lever
sus les jeuiauls messires Gautiers de Mauni, par mesire Mansart d’Esne,
son cousin, et valoient bien mille florins.

Ce disner fait, messires Gautiers prist congiet au roi; li rois li
donna. Et se departi de Nielle et fu raconvoiiés des cevaliers dou roi
à son hostel et là laissiés. Mais au souper, li dus de Normendie l’eut,
et toutes ses gens, et lor fist très bonne chière, et donna à casqun ou
coupe ou hanap d’argent, et fu raconduis à son hostel des chevaliers
dou duch. Et fist li rois de France compter et paiier tout ce que il
avoit fraiiet à Paris, tant en prison conme aillours, là où on le pot
sçavoir. Et qant, au matin, messires Gautiers de Mauni deubt monter
à cheval, li dus de Normendie li envoia une hagenée amblans, et un
coursier bon ou pris de mille livres. Ensi se departi mesires Gautiers
de Mauni de Paris, et cevauça depuis toute la frontière de France en
segur estat, tant que il vint devant Calais et en la ville nove dou roi.

De la venue messire Gautier de Mauni furent li rois et li princes son
fil et tout li signeur de l’oost moult resjoï, car bien avoient oï
parler dou peril et dou dangier où il avoit esté. Assés tos apriès ce
que il fu là venus, et que il ot parlé au roi de pluisseurs coses, il
li remoustra par paroles moult sagement, conment, sa delivrance faite,
on l’avoit honnouré à Paris, et que li rois de France li avoit, seans
à table, fait presenter moult riches dons et jeuiauls; mais nuls n’en
avoit retenus, fors par condition se il li plaisoit, et non aultrement.
Li rois d’Engleterre respondi à ce et dist: «Gautier, nous avons assés
pour vous donner; renvoiiés li. Nous ne volons que vous en retenés
nuls.» Sus ceste parole, mesires Gautiers prist tantos les jeuiauls
ceuls que li rois li avoit fait presenter, et dist à son cousin,
mesire Mansart d’Esne: «Il vous fault cevauchier viers Paris, et
rendre au roi ou à ses conmis ces jeuiauls; car li rois mon signeur ne
voelt point que je en retiengne nuls.» Mesires Mansars d’Esne fu tous
apariliés de faire ce mesage et se ordonna sur ce, et se departi dou
siège de Calais et esploita tant par ses journées que il vint à Paris.
Qant il fu là venus, ils qui estoit assés congneus en l’ostel dou roi,
car on li avoit veu pluisseurs fois, se traist avant et fist tant que
il fu menés devant le roi, pour faire son message, et le fist bien et
sagement, et remercia grandement le roi de par mesire Gautier de Mauni;
mais, tant que des jeuiauls, il les avoit raportés. Donc demanda li
rois où li jeuiel estoient; il dist: «Sire, il sont ceens et tous prês
de mettre là où vous le conmanderés.» Li rois regarda sus le chevalier
et dist: «Va, va; je le tes donne. Nous en avons encores des aultres
assés.» Ensi fu enrichis mesires Mansars d’Esne, des jeuiauls dou roi.
Nous lairons un petit à parler de ces besongnes ichi, et retournerons à
celles de Gascongne. Fºs 126 vº à 127 vº.

P. 8, l. 32: de Haynau.--_Le ms. B 6 ajoute_: et de Cambresis. Fº 350.

P. 9, l. 6: frès.--_Mss. A 20 à 22_: que à cause de l’arrest avoit eu.
Fº 220.

P. 9, l. 8: Nielle.--_Mss. A 1 à 6_: Neelle. Fº 154.--_Ms. B 3_: Nesle
Fº 137.

P. 9, l. 9: jeuiaulz.--_Ms. B 6_: d’or et d’argent. Fº 350.

P. 10, l. 20: le roy.--_Ms. B 3_: car n’osa refuzer de les prendre. Fº
137 vº.

P. 10, l. 21: dou prendre.--_Mss. A 18, 19_: au prendre. Fº 154.--_Mss.
A 30 à 33_: du reprendre. Fº 191 vº.


§ =292=. P. 10, l. 22: Vous avés.--_Ms. d’Amiens_: En ce meisme tamps,
mist li comtez Derbi, qui se tenoit à Bourdiaux et estoit tenus toutte
le saison, une chevauchie sus de Gascons et d’Englèz, et passa à
Blaves, et à tout ses gens d’armes entra en Poito. Fº 96 vº.

--_Ms. de Rome_: Vous avez bien oï recorder conment li contes Derbi,
les François seant devant Agillon, s’estoit tenus à Bourdiaus sus
Geronde ou à Liebourne. Assés tos apriès que messires Gautiers de Mauni
se fu departis de li et du pais, sus la fourme que vous avez oï, li
dis contes s’avisa et dist que trop avoit sejourné, et que il voloit
faire une cevauchie en Poito et en Saintongle. Si fist son mandement
sus tous ceuls desquels il pensoit à estre aidiés, et asigna journée
à estre à Bourdiaus. A ce mandement vinrent de Gascongne li sires de
Labret, li sires de Mouchident, li sires de Copane, li sires de Pumiers
et mesires Helies son frère, li sires de Lespare, li sires de Rosem, li
sires de Duras, li sires de Landuras, li sires de Courton, li sires de
Labarte, li sires de Taride, li sires de Gervols et de Carles, li sires
de Longeren, et tant que il furent bien douse cens lances et deus mille
gros varlès à lances et à pavais.

Si passèrent toutes gens d’armes et aultres la grose rivière de la
Geronde et prissent le chemin de Mirabiel. Qant il furent venu jusques
à là, il asallirent la ville et le prisent d’asaut; mais au chastiel ne
porent il riens fourfaire, car il est trop fors et s’est bien gardés
tous jours par usage, pour tant que il fait frontière sus la Giane.
Et puis chevauchièrent deviers Aunai et conquissent ville et chastiel
et puis Surgières et Benon. Et vinrent devant Marant, à quatre lieues
de la Rocelle, mais il le trouvèrent si fort que point n’i tournèrent
pour le asallir. Et passèrent oultre, et puis vinrent à Luzegnen
et ardirent la ville, mais au chastiel il ne fourfissent riens et
laissièrent derière euls Pons en Poito et Saintes; mais pour tant que
elles estoient fortes et bien pourveues, ils n’i livrèrent nuls assaus.
Et laissièrent Niorth et Chiset et point n’i assalirent; et vinrent à
Taillebourc sus la Carente: si conquissent la ville et le castiel, et
prisent tout et ardirent et desemparèrent. Fºs 127 vº et 128.

P. 11, l. 2: A le semonse.--_Ms. B 6_: Il prist le signeur de Labreth,
le sire de Lespine, le signeur de Machident, le signeur de Caumont,
le segneur de Pumers, le signeur de Condon, le seigneur de Tarse et
pluiseurs aultres chevaliers, gascons et englès du pais bourdelois. Fºs
351 et 352.

P. 11, l. 4: Rosem.--_Mss. A 1 à 14, 18 à 22_: Rostin. Fº 154
vº.--_Mss. A 30 à 33_: Rosam. Fº 191 vº.--_Ms. B 3_: Rosan. Fº 137 vº.

P. 11, l. 5 et 6: Longuerem.--_Mss. A 15 à 17_: Langoran. Fº
154.--_Mss. A 23 à 29_: Bougueton. Fº 171 vº.--_Mss. A 30 à 33_:
Bouqueton. Fº 191 vº.--_Ms. B 3_: Langorren. Fº 137 vº.

P. 11, l. 6: Aymeris.--_Mss. A 20 à 23_: Aymon, Aymond. Fº 154 vº.

P. 11, l. 6: Tarste.--_Mss. A 1 à 6_: Tarsse. Fº 154 vº.--_Mss. A 23 à
29_: Traste. Fº 171 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Taride. Fº 221.

P. 11, l. 8: douze cens.--_Ms. B 3_: deux cens. Fº 137 vº.

P. 11, l. 9: pietons.--_Mss. A 15 à 17_: brigans à piet. Fº 154.--_Mss.
A 20 à 22_: compaignons de piet. Fº 22.

P. 11, l. 10: passèrent:--_Ms. B 6_: et passa la mer et la rivière de
Gironde desous Blaves. Et puis chevaucha tant qu’il vint à Taillebourcq
et le conquist, puis entra ens ou pais de Poitou et conquist le bonne
ville de Messières, après conquist Surgières, Ausnay et puis Mirabel et
puis Mortaigne sur la mer. Fº 352.

P. 11, l. 13: Mirabiel.--_Ms. B 3_: Miranbel. Fº 137 vº.

P. 11, l. 16: Ausnay.--_Mss. A 20 à 22_: Aulnay. Fº 221.--_Mss. A 23 à
29_: Ausnoy. Fº 172.--_Mss. A 15 à 17, 30 à 33_: Annoy. Fº 154.--_Ms. B
3_: Annay. Fº 137 vº.

P. 11, l. 17: Benon.--_Mss. A 20 à 22_: Vernon. Fº 221.

P. 11, l. 18: Marant.--_Mss. A 20 à 22_: Maurant. Fº 221.

P. 11, l. 18: quatre.--_Mss. A 30 à 33_: trois. Fº 191 vº.

P. 11, l. 22: Luzegnon.--_Mss. A 7 à 10_: Luzegnen. Fº 138 vº.--_Mss. A
18 à 22_: Luzignen, Lusignen. Fº 158 vº.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 15 à
17_: Lizignen, Lisignem. Fº 154 vº.--_Mss. A 30 à 33_: Luzenen. Fº 191
vº.--_Ms. B 3_: Lesignen. Fº 221.


§ =293=. P. 12, l. 8: Tant.--_Ms. d’Amiens_: Et vint (le comte
de Derby) assegier le ville de Saint Jehan l’Angelier, et y sist
quatre jours et y fist pluisseurs assaus. Li bourgois de le ville,
qui doubtoient à perdre corps et avoir, se rendirent à lui et
ouvrirent leurs portez et li jurèrent feaulté et hoummaige. Puis
s’em parti li dis comtez et chevaucha à esploit devers Monstroel
Bonnin. Si le assaillirent fortement quant il furent là venu. Et y
avoit dedens bien trois cens monnoiiers qui là ouvroient monnoie,
qui ne se veurent rendre, mès dissent qu’il se tenroient trop bien;
finablement, il furent pris et concquis par assaut, et tout mort chil
qui dedens estoient, et mis le castiaux en le saisinne dou comte
Derbi, qui y ordonna gens de par lui; et de là il vinrent devant
le cité de Poitiers, qui estoit pour le tamps rice et puissante.
Si l’environnèrent li Englèz et li Gascon, et bien l’avisèrent, et
regardèrent que elle n’estoit point tenable. Si l’assaillirent fortment
en quatre pars et le prissent de forche. Si le coururent toutte et
robèrent, et y ardirent pluisseurs grans edefficez et bellez et bonnes
eglises, dont il y avoit grant fuisson, et y concquissent si grant
avoir que sans nombre: dont il furent si chargiet que il ne faisoient
compte de pennes ne de draps, fors d’or et d’argent. Fºs 96 vº et 97.

--_Ms. de Rome_: Et passèrent (les Anglais) la rivière et vinrent
devant la ville de Saint Jehan l’Angelier, et se ordonnèrent pour le
assegier. A ce jour que les Englois vinrent là, il n’i avoit dedens
nulles gens d’armes. Et tout li chevalier et esquier de Poito et de
Saintonge estoient retrait en lors forterèces, et les gardoient au
mieuls que il pooient; ne nulle asamblée il ne faisoient, mais estoit
li pais ensi que tous desconfis. Qant chil de Saint Jehan veirent
que il aueroient le siège, si doubtèrent le lour à perdre, fenmes et
enfans, et lor ville arse, et ne lour apparoit confors de nul costé.
Si tretiièrent deviers les Englois à euls rendre et mettre en lor
obeisance, salve lors corps et lors biens. Li Englois entendirent as
lors trettiés, et entrèrent en la ville de Saint Jehan, et en furent
signeur et prissent les fois et la segureté des hommes de la ville. Et
s’i rafresqirent trois jours et puis passèrent oultre, et prissent le
cemin de Poitiers, et tant esploitièrent que il i parvinrent. Qant chil
de la chité de Poitiers entendirent que les Englois venoient ensi sus
euls, si furent tout esbahi.

Li contes Derbi et les Gascons et Englois, qui en sa compagnie
estoient, avant que il parvenissent à Poitiers, il vinrent devant
Monstruel Bonnin, où il avoit pour ce temps plus de deus cens
monnoiiers, qui là forgoient et faisoient la monnoie dou roi. Et
estoient chil monnoieur de pluiseurs nations et dissent: «Entre nous
sons en forte place assés; trop bien nous nos deffenderons.» Qant les
Englois et Gascons furent là venu, il envoiièrent dire à ces ouvriers
de monnoie que il se vosissent rendre, ou il aueroient l’assaut.
Il respondirent orguilleusement que il ne faisoient compte de lors
manaces. Qant les Englois entendirent ce, si furent tout courechiet,
et dissent que il ne se departiroient point ensi. Si conmenchièrent
à asallir la forterèce de Monstruel Bonnin, moult asprement, pour le
convoitise de le gaegnier; car il i esperoient à trouver grant argent,
pour tant que li monnoiier i estoient et le tenoient. Ce premier jour,
il ne le porent conquerir; mais au secont jour, toutes gens alèrent à
l’asaut de si grande volenté et si bien se esprouvèrent que de force il
le prissent. Et entrèrent dedens Englois et Gascons et ocirent tout
ceuls que il i trouvèrent, et i conquissent grant finance en monnoie
apparillie; et encores ne vint pas tout à congnissance. Qant il se
deubrent departir de Monstruel Bonnin, il ardirent la ville, mais i
retinrent le castel pour euls et i laissièrent quarante archiers, pour
le garder, et lor baillièrent un capitaine qui se nonmoit Richart
Fouque; et puis passèrent oultre et chevauchièrent viers Poitiers.

Les hommes de la chité de Poitiers estoient tout segnefiiet de la
venue des Englois, et conment sus lor cemin il avoient pris villes et
castiaus. Si en estoient tant plus esbahi, et ne sentoient pas lor
ville forte assés; mès sus la fiance de auquns chevaliers et esquiers
dou pais qui dedens s’estoient boutet et requelliet, tels que li sires
de Tannai Bouton, li sires de Puissances et li sires de Cors et lors
gens, il se confortoient. Nequedent, li plus riche avoient widiet lors
coses les millours et envoiiet oultre à Chasteleraut et d’autre part,
et lors fenmes et lors enfans, pour estre à sauveté.

Vous devés savoir que Poitiers est une très grande chité, et de forte
garde et perileusse, et moult raemplie d’eglises et de moustiers. Et
très que les Englois se departirent de Bourdiaus, avoient ils jetté lor
visée de venir à Poitiers, et de euls mettre en painne dou prendre, sus
la fiance de avoir i un très grant pourfit. Qant il furent venu par
devant, et li signeur l’orent avisée, et conment elle estoit de grant
garde, si dissent que elle estoit trop bien prendable. Si se logièrent
ce premier jour devant, sans faire nul samblant de l’asalir, et
envoiièrent lors coureurs tout autour sus le pais et trouvèrent assés à
fourer, car li pais estoit raemplis de vivres, et les gragnes plainnes
de tous biens, de bleds, de fains et d’avainnes, et les celiers plains
de bons vins. Si prendoient les Englois, desquels que il voloient, et
le demorant laissoient.

Qant ce vint à l’endemain, il se departirent en siis pars, et envoiia
li contes Derbi asallir en siis lieus les Englois et les Gascons. Et
estoient en casqune de ces batailles, les archiers partis ouniement.
Et tout à une fois les siis assaus conmenchièrent, dont chil de la
ville furent tout esbahit, car il ne sceurent auquel lés entendre.
Li gentilhomme qui dedens Poitiers estoient, se missent au deffendre
vaillanment, mais il ne porent pas partout entendre. Et ces archiers
traioient si ouniement que nuls ne s’osoit bouter en lor trait. Et
entrèrent de deus assaus la première fois dedens Poitiers: ce furent li
sires de Copane et sa banière, et li sires de Ponmiers et sa banière.
Qant li chevalier et esquier veirent que on les avoit efforciés, et que
lors ennemis entroient ens, si se retraisent au plus tos que il porent
deviers le chastiel, et se boutèrent dedens. Et aussi s’i requellièrent
grant fuisson de ceuls de Poitiers. Et moult de hommes, de fenmes et de
enfans prissent les camps par deus portes qui furent ouvertes, et se
sauvèrent. Et chil qui demorèrent furent ens ou dangier de lors ennemis
qui n’en avoient nulle pité, mais i ot ce jour grande ocision. Fº 128.

P. 12, l. 10: l’Angelier.--_Mss. A 1 à 14, 18 à 33, B 3_: d’Angeli. Fº
155.--_Mss. A 15 à 17_: d’Angele. Fº 154 vº.

P. 12, l. 26: de Riom.--_Ms. B 3_: du Rion. Fº 138.

P. 13, l. 16: chevaliers.--_Les Mss. A 15 à 17 ajoutent_: et moult
vaillant homme d’armes. Fº 155.

P. 13, l. 21: Saint Maximiien.--_Ms. B 3_: Saint Maixent. Fº 138.

P. 13, l. 23: estoient.--_Ms. B 6_: Après il (le comte Derby) s’en ala
par devers Luzegnen; sy prirent la ville, car les bourgois se rendirent
par acord et se racatèrent pour une somme de florins; mais au chastiel
n’aprochèrent il point, car il est trop fort: il eussent perdu leur
paine à l’asallir. Puis s’en vint à Baionne, mais il n’i firent point
de damaige, car les bourgois et les hommez de la ville se composèrent
au dit conte. Après les Englès s’en alèrent par devers Monstreau Bonin,
là où on forgoit grant foison de monnoie de par le roy de Franche: sy y
pensoient les Englès de y trouver grant finanche. Monstreul Bonin est
ung bieau castieau et fors. Fºs 353 et 354.

P. 13, l. 24: Moustruel Bonin.--_Mss. A 1 à 6_: Monstereul Bonin. Fº
155 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Monstrueil Boinin. Fº 222.--_Mss. A 23 à
29_: Montereul Bonnin. Fº 172.--_Mss. A 30 à 33_: Monstruel Boyvin. Fº
192.--_Ms. B 3_: Montereul Bonin. Fº 138.

P. 14, l. 9: gens.--_Ms. A 29_: Quant li contes Derbi eut conquis les
chasteaux et forteresses dessus declarées, il conclud de venir à tout
son ost assieger la cité de Poictiers, laquelle estoit lors grande et
esparse, et y avoit assez de terre labourée à la fermeté. Toutefoys il
l’assiegea à l’un des lés, car il n’avoit pas tant de gens que pour
l’assieger de tous costés. Si commanda incontinent que l’assaut y fust
donné. Et ceux de la ville, qui estoyent un grand nombre de gens et
la pluspart populaires et mal aidables en tel cas, se defendirent si
bien que pour ce jour les gens du conte ne peurent rien conquerir
sur la cité; ainçois moult las et travaillés, à tout plenté de fort
blecés, ils se retrairent sur le soir à leur logis. Quant vint le
matin, aucuns des chevaliers du conte, qui moult desiroient à gaigner,
se firent armer et montèrent à cheval, puis chevauchèrent autour de la
ville, pour aviser où elle se pourroit plus tost gangner d’assault.
Et quant ils eurent partout avisé, ils raportèrent au conte ce qu’ils
avoient veu et trouvé, lequel trouva en son conseil d’assaillir le
lendemain la cité en trois lieux et mettre la greigneur partie de ses
gens d’armes et archers en un endroit où il faisoit le plus foible, et
ainsi fut faict. Mais il n’y avoit adonc en la ville, nul gentilhomme
de nom, qui sceut que c’estoit d’armes; et aussi n’estoit elle mie fort
artillée, ne haut murée en maint lieu, ne ordonnée tellement qu’on
peust tost aller d’une deffense à l’autre. Les Angloys commencèrent à
assaillir par grand randon, et ces archers à tirer sans arreste: si que
les bourgeoys et manans ne se savoyent où tenser, pour les saiettes
qui mallement les navroyent, comme gens mal armés et mal paveschés la
pluspart qu’ils estoyent. Et si fut si bien continué cel assault, que
les gens du conte entrèrent en la cité par le plus foible quartier.

P. 15, l. 10: dedens.--_Ms. A 29_: Si tost que les Poitevins se veirent
ainsi conquis par les Angloys, ils se mirent en fuite, sans autre
resistance monstrer, au plus tost qu’ils peurent, par aucunes des
portes; car en la cité il y avoit plusieurs yssues, mais il en demoura
de tués, que uns que autres, plus de trois cens de venue, et depuis
plus de quatre cens, car les gens du conte mettoient tout à l’espée,
hommes, femmes et enfans. Si fut ce jour la cité toute courue et robée
de toutes parts, qui estoit pleine de grandes richesses et de tous
biens, tant de bourgeois, marchans et habitans, comme de ceux du plat
pais qui en la cité s’estoyent retraicts. Si destruirent iceux gens
du conte Derbi plusieurs eglises, et y firent de moult grans desroys,
et plus eussent faict; mais le dict conte commanda sus la hart que
nul ne boutast feu en eglise ne en maison, car il se vouloit là tenir
dix ou douze jours. Lors cessèrent en partie les maux à faire par la
cité, mais encores en fit on par les maisons assez en larrecin. Si tint
le conte la cité douze jours, et plus l’eust tenue s’il vousist car
personne du monde ne luy venoit calenger; mais trembloit tout le pays à
l’environ, que rien n’estoit demouré dehors les grandes garnisons.

P. 15, l. 15: six cens.--_Ms. B 6_: bouchiers et aultres gens de
mestier, et toute la chité courue et robée, et maisons brisies, et
eglises et femmes et pucelles violées. Dont che fu grant pité, mais en
fait de guerre n’y a nul remède ne point de merchy. Fºs 354 et 355.


§ =294=. P. 16, l. 3: Ensi.--_Ms. d’Amiens_: Si se avisèrent li Englès
et li Gascon, l’un par l’autre, que il avoient assés esploitié pour ce
voiaige et n’iroient plus avant, mès retouroient et metteroient le leur
à sauveté. Si retournèrent et vinrent à Saint Jehan l’Angelier, et là
se reposèrent il et rafresquirent, et puis retournèrent à Bourdiaux,
dont il estoient parti; et se departirent touttes ces gens d’armes. Et
assés tost apriès, s’ordonna li comtes Derbi pour venir à Calais. Fº 97.

--_Ms. de Rome_: Ensi orent en ce temps les Englois et les Gascons
la chité de Poitiers, et i fissent che que il vorrent. Elle fu toute
courue; et grandement i pourfitèrent les Englois et i sejournèrent
quatre jours. Et qant il se departirent, tout cargiet d’or et d’argent,
de draps, de pennes et de jeuiauls, il boutèrent le feu dedens, car
il n’orent pas consel de le tenir: liquels feus fu si grans et tant
mouteplia que pluisseurs eglises furent arses et peries, dont ce fu
pités et damages.

Et s’en retournèrent les Englois viers Bourdiaus par un aultre cemin
que il n’estoient venu, et rentrèrent en Bourdiaus tout rice et toursé
de bonnes coses. Et orent sus ce voiage les Englois et les Gascons plus
de quatre cens prisonniers, lesquels ils rançonnèrent, qant il furent
venu à Bourdiaus, tout à lor plaisance; et en recrurent courtoisement
les auquns sus lors fois, qui depuis paiièrent à lor aise, car en tels
coses Englois et Gascons ont esté moult courtois. Qant li contes Derbi
fu retournés à Bourdiaus, il donna à toutes gens d’armes congiet, et se
ordonna de monter sus mer, et de venir devant Calais veoir son signeur
et cousin le roi d’Engleterre que moult desiroit à veoir; et fist ses
pourveances de nefs, de vassiaus et de balenghiers sus la rivière de
Geronde, devant la bonne chité de Bourdiaus. Nous retournerons as
besongnes d’Engleterre, et parlerons dou roi David d’Escoce et des
Escoçois, qui fist en celle saison une grande asamblée en Escoce, pour
entrer en Engleterre et destruire le pais. Fº 129.

P. 16, l. 5: douze.--_Ms. B 6_: quinze. Fº 355.

P. 16, l. 6: nuls.--_Les mss. A 1 à 6 ajoutent_: ne lui menoit guerre.
Fº 156.--_Mss. A 10 à 22_: n’y mettoit quelque empeschement. Fº 223.

P. 16, l. 6: calengier.--_Mss. A 1 à 6, 30 à 33_: chalengier. Fº
156.--_Mss. A 23 à 29_: au devant. Fº 172 vº.--_Ms. B 3_: empescher. Fº
139.

P. 16, l. 8: Englès.--_Ms. B 6_: car tous les jours il couroient
jusques au Casteleraut et jusques à Chauvegni, pillant et robant villes
et villaiges et tout che qu’ils trouvoient, et revenoient au soir
dedens la chité de Poitiers. Fº 355.

P. 16, l. 10: demoré.--_Ms. B 3_: dedens les fors et grandes garnisons.
Fº 139.

P. 16, l. 10: dehors.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19_: fors les forts.
Fº 156.

P. 16, l. 13: de grant garde.--_Mss. A 20 à 22_: de grant tour. Fº
223.--_Ms. B 3_: grande. Fº 139.

P. 16, l. 17: compte.--_Ms. B 6_: de blanche monnoie. Fº 355.

P. 16, l. 19: l’Angelier.--_Ms. B 6_: Quant le conte Derby et toute sa
route fut revenue à Saint Jehan, on les rechut à grant joie, les plus
par forche, et les mains par amour. Fº 355.

P. 16, l. 31: soupers.--_Le ms. B 3 ajoute_: et banquets. Fº 139.

P. 16, l. 31: les tenoit.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: se tenoit. Fº 160
vº.

P. 17, l. 1: sejourné.--_Ms. B 6_: environ quinze jours. Fº 356.

P. 17, l. 4: le ville.--_Le ms. B 3 ajoute_: et fit maire le plus riche
homme d’icelle. Fº 139.

P. 17, l. 7: le bon.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: et droit. Fº 155
vº.

P. 17, l. 9: parti.--_Ms. B 6_: mais il laissa bien deux cens Englès
par les fortressez qu’il avoit conquis et ung chevalier à cappitaine
que on clamoit monseigneur Richart de Hebedon. Fº 356.

P. 17, l. 13: Gascons.--_Ms. B 6_: et bidaults. Fº 356.--_Mss. A 20 à
22_: et Anglois. Fº 223 vº.

P. 17, l. 15: devant.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: devers. Fº 160 vº.

P. 17, l. 17: roy.--_Ms. B 6_: David. Fº 356.


§ =295=. P. 17, l. 18: Je me sui.--_Ms. d’Amiens_: En tamps que li
rois d’Engleterre seoit devant Calais, s’esmurent li Escot et entrèrent
en Engleterre moult efforceement apresté pour tout ardoir, et passèrent
entre Bervich et Rosebourcq. Si estoient en le compaignie dou roy
d’Escoce li comtes Patriz, li contes de Moret, li contes de Douglas,
li contes de Surlant, li contes de Mare, li contes de Fi, messires
Robiers de Verssi, messires Simons Fresel, Alixandrez de Ramesai et
pluisseur autre, et estoient bien deux mil hommes d’armes et vingt mil
d’autrez gens. Li roynne d’Engleterre, qui pour le temps se tenoit sus
les marches de Northombrelant, entendi que li Escot avoient fait ung
grant mandement et volloient entrer en Engleterre. Si fist une semonsce
de gens d’armez par tout le royaumme d’Engleterre, là où elle penssoit
qu’il fuissent, et leur mist journée à estre au Noef Castiel sur Thin,
pour resister contre les Escos. Li pays estoit adonc mout wis de gens
d’armes, car il estoient avoecq le roy devant Callais, et ossi avoecq
le comte Derbi en Gascoingne, et s’en y avoit ossi en Bretaingne, qui
là faisoient gherre. Nonpourquant, la bonne damme assambla de gens ce
qu’elle en peult avoir, et s’en vint au Noef Castiel sur Thin. Et là se
requeillièrent et assamblèrent li Englès, et se missent sour lez camps
pour combattre les Escos, qui estoient assés priès de là. Fº 97.

--_Ms. de Rome_: Qant li rois de France et ses consauls veirent que
li rois d’Engleterre et les Englois estoient aresté devant Calais et
tellement fortefiiet et ordonné que on ne lor pooit porter contraire
ne damage ne lever le siège, si en furent moult courouchié; car de
perdre une telle ville que Calais est, ce pooit estre trop grandement
au blame et ou prejudice dou roiaulme de France, et par especial des
marces et frontières de Piqardie. Si jettèrent lor visée li François
que il feroient le roi d’Escoce et les Escoçois resvillier, et entrer à
poissance au lés deviers euls, ens ou roiaulme d’Engleterre, et ardoir
et essillier tout devant euls. Il n’i veoient aultre remède, car qant
les Englois aueroient ces nouvelles, pour obviier à l’encontre, il se
departiroient dou siège de devant Calais et s’en retourneroient en
Engleterre.

Li rois d’Engleterre, qui seoit devant Calais, avoit bien imaginet
et consideret, et son consel aussi, toutes ces besongnes, et que
voirement les Escoçois qui desiroient à contrevengier les damages et
despis que les Englois lor avoient fais, poroient entrer en Engleterre
et faire i un grant damage. Et si n’estoit pas li pais bien pourveus
pour le deffendre et garder à l’encontre des Escoçois; car il tenoit
là au siège devant Calais toute la flour de la bonne chevalerie
d’Engleterre; et aussi son cousin li contes Derbi en avoit grant
fuisson en sa compagnie en Gascongne: si ques, pour toutes ces doubtes
et inconveniens qui pooient avenir, le roi d’Engleterre, venu devant
Calais, et basti son siège en la fourme et manière que vous avés oï
recorder, il ordonna que li sires de Persi, li sires de Noefville, li
sires de Roos et li sires de Lussi retourneroient en Engleterre, à tout
deus cens lances et cinq cens archiers, et iraient en Norhombrelande
garder la frontière contre les Escoçois.

Encores demoroient gens assés au roi d’Engleterre pour furnir et tenir
son siège, parmi le moiien de ce que nuls ne pooit venir sus euls,
tant estoient il bien fortefiiet. Et aussi les Flamens de Flandres
escripsoient et envoioient souvent deviers le roi d’Engleterre, en
li remoustrant, conme si soubject, amic et aloiiet, que, qant il les
vodroit avoir et ils leur segnefieroit, il le venroient dou jour à
l’endemain servir à soissante mille hommes. Li rois d’Engleterre ne
renonçoit pas à ce comfort, mais les tenoit à amour moult grandement:
si ques, sus lor fiance et confort, ils s’estoit priès pris de
renvoiier ces quatre barons desus nonmés en Engleterre. Et qant il i
furent venu, il trouvèrent la roine Phelippe d’Engleterre, qui n’estoit
pas esbahie, mais, conme vaillans dame, requelloit et asambloit gens de
toutes pars; et estoit la bonne dame traite en la chité de Evruich, que
on dist Iorch.

Si fu la dame moult resjoïe de la venue des quatre chevaliers desus
dis et des bonnes nouvelles que elle ot de son signeur et mari, le roi
d’Engleterre. Et se ordonnèrent tout l’un parmi l’autre, atendans le
roi d’Escoce et les Escoçois qui estoient issu d’Escoce et jà entré ens
ès frontières de Norhombrelande, et ardoient et essilloient à lor pooir
tout le pais. Et estoient plus de quarante mille; ne nuls n’estoit
demorés derrière, de qui on se peuist aidier. Fº 129 rº et vº.

P. 17, l. 21: prisent.--_Ms. B 6_: à durer trois ans. Fº 356.

P. 18, l. 21: Adultilles.--_Ms. B 3_: Adulailles. Fº 139 vº.

P. 18, l. 29: qui se tenoit.--_Ms. B 6_: adonc en Nothingen. Fº 358.

P. 18, l. 29 et 30: de Evruich.--_Mss. A 15 à 17_: d’Eurich. Fº
156.--_Mss. A 23 à 29_: de Bervich. Fº 173 vº.--_Ms. B 3_: de Everuich.
Fº 139 vº.

P. 18, l. 30: enfourmée.--_Ms. B 6_: car tous jours avoit elle ses
espies sur les marches d’Escoche, et en estoit moult soigneuse, pour
tant que ly rois ses sires n’estoit mies ou pais. Quant la roine
entendy que ly Escos estoient assemblez pour entrer ºu pais, elle se
party hastivement de Nothingen et s’en vint devers le Neuf Castel
sur Thin et envoia par tout le pais de Northonbreland et par toute
le province d’Iorc et de Camtorbie as chevaliers et as escuiers qui
demorés estoient en Engleterre, as evesques et as abbés, à contes et
gens qui valloir povoient. Fº 358.

P. 19, l. 4: d’Iorch.--_Mss. A 11 à 14_: de Diorch. Fº 149.--_Mss. A 23
à 29, 30 à 33_: d’Ebruich. Fº 174 vº.

P. 19, l. 5: Evruich.--_Mss. A 1 à 6, 18 à 22_: Bervich. Fº 157.

P. 19, l. 10: signeur.--_Ms. A 29_: qu’à tout ce qu’ils poroient
recouvrer de gens d’armes, ils vinssent vers elle.

P. 19, l. 11: Evruic.--_Mss. A 1 à 6_: Bervich. Fº 157.--_Mss. A 15 à
17_: Ewruich. Fº 156.--_Mss. A 18 à 22, B 3_: Bervich. Fº 224.

P. 19, l. 21: Nuef Chastel.--_Mss. A 15 à 17_: Neuf Chasteau. Fº 156 vº.


§§ =296= à =299=. P. 19 à 29: Entrues.--_Ms. d’Amiens_: Si recoummanda
la ditte roynne touttes ses besoingnes et ses gens d’armes et archiers
en le garde de quatre prelas et quatre barons qui là estoient:
l’arcevesque de Cantorbie, l’arcevesque d’Iorch, l’evesque de Durem
et l’evesque de Lincolle; et les barons: le seigneur de Persi, le
seigneur de Nuefville, le seigneur de Moutbray et le seigneur de Luzi.
Si se traissent ces gens d’armes d’Engleterre et chil archier, qui
n’estoient non plus de huit mil hommes, ungs c’autres, sus les camps et
ordonnèrent trois bataillez bien et faiticement, les archiers sus elle,
enssi que bien sèvent faire, et les gens d’armes apriès. Là eut grande
bataille et dure, car Escot sont mout bonne gens et dure, et qui, pour
ce tamps, heoient trop les Englès pour les grans dammaigez qu’il leur
avoient fais; et si estoient adonc là grant fuisson: si les amiroient
petit. Là eut otant de grans appertisses d’armez faittez que on ewist
oy parler de grant tamps. Et se prendoient li Englès, qui n’estoient
que ung peu de gens, moult priès de bien faire, et fissent tant par
leur proèce et hardement que il obtinrent le place. Et fu là pris li
roys David d’Escoce d’un escuier englèz qui s’appielloit Jehans de
Copelant, à qui li roys d’Engleterre fist depuis grant prouffit, et li
donna toutte la terre que li sirez de Couchi, pour le temps, tenoit en
Engleterre. Et furent là mort et pris tout li plus grant partie des
seigneurs d’Escoche. Ceste bataille fu assés priès dou Nuef Castiel
sur Tin, l’an de grasce Nostre Seigneur mil trois cens quarante six,
par un mardi, l’endemain dou jour de Saint Mikiel, en septembre. Si
devés savoir que li roys d’Engleterre sceut grant gret à ses gens qui
là avoient estet et qui si bien s’i estoient porté que desconfi ses
ennemis et pris le roy d’Escoce son adversaire. De la joie qu’il en
eult, ne vous voeille je mies longement parler, mès nous retourons au
siège de Calais. Fº 97.

P. 19, l. 23: Entrues.--_Ms. de Rome_: Entrues que la royne
d’Engleterre avoit fait son asamblée et faisoit encores en la marce et
la frontière d’Iorch, li rois David d’Escoce et les Escoçois, à trois
mille armeures de fier, chevaliers et esquiers, et bien trente mille
de aultres gens, tout homme de guerre et en pourpos de courir toute
Engleterre, car il le sentoient desnuée de gens d’armes et d’archiers,
entrèrent au lés deviers Rosebourch, en la terre le signeur de Persi.
Et vinrent un jour à Annuich, mais au chastiel ils ne peurent riens
fourfaire; et passèrent ºultre pour passer à gué la rivière de Thin,
pour venir devant Durames et Iorch et entrer en la plainne Engleterre.
Fº 129 vº.

P. 19, l. 25: Saint Jehanston.--_Mss. A 1 à 17_: Saint Jehan. Fº 157
vº.--_Mss. A 23 à 29_: Saint Jehan sur Taye. Fº 173 vº.

P. 19, l. 27: Donfremelin.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Dourfremelin. Fº
157 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Destrumelin. Fº 224 vº.--_Mss. A 30 à 33_:
Donfremesnil. Fº 192 vº.

P. 19, l. 29: Struvelin.--_Mss. A 1 à 10, 15 à 19: _Strumelin. Fº
157 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Estrumelin. Fº 224.--_Mss. A 23 à 29_:
Sturmelin. Fº 173 vº.--_Mss. A 30 à 33_: Esturmelin. Fº 192 vº.

P. 19, l. 31: tout li Escot.--_Ms. B 6_: Se fist le dit roy son
especial mandement et une grant asamblée à y estre à le Saint Jehan
ensuivant tous à celle assamblée. Et y furent cil signeur que je
nommeray: premiers le conte Patris, le conte de Moret, le conte de
Douglas, messire Archebaus Duglaz ses cousins, messire James Douglas
leur oncle, le conte d’Orquenay, le conte d’Astrederne, le conte
de Rose, le conte de Fy, le conte de Surlant, le comte de Bosquem,
messire Robert de Versy, messire Simon Fresiel, Alixandre de Ramesay,
tant qu’il furent bien deux mille lances et dix sept mille hommes sur
hagenées, car toutes les basses gens d’Escoche ont haghenées, quant ils
vont en l’ost. Fºs 357 et 358.

P. 19, l. 31: trois mil.--_Ms. B 3_: quatre mil. Fº 139 vº.

P. 20, l. 10: legierement.--_Ms. A 29_: Et quant les Escossoys l’eurent
regardé, ils passèrent oultre sans y assaillir, car c’estoit peine
perdue.

P. 20, l. 11: Urcol.--_Mss. A 1 à 14, 18 à 22, B 3_: Vicol. Fº 157
vº.--_Mss. A 15 à 17_: Nichol. Fº 156 vº.--_Mss. A 23 à 33_: Lincol. Fº
173 vº.

P. 20, l. 13: Northombrelant.--_Ms. B 3_: Notombrelant. Fº 140.

P. 20, l. 15: Bervich.--_Mss. A 23 à 29_: Ebruich. Fº 173 vº.--_Mss. A
30 à 33_: Bruich. 192 vº.

P. 20, l. 17 et 18: Noef Chastiel.--_Ms. B 3_: Mareschal sur Tin. Fº
140.


§ =297=. P. 20, l. 19: La royne.--_Ms. de Rome_: Sus celle entente le
faisoient il (les Écossais) et ne quidoient pas que nuls lor deuist
aler au devant ne resister lor cemin, tant estoient il ºrguilleus
et presomptieus; mais si fissent, car si tretos que les nouvelles
vinrent à la roine d’Engleterre, qui se tenoit à Iorch, et qui là
avoit asamblé ce que elle pooit avoir de gens, [et que elle] sceut que
li rois d’Escoce et les Escoçois estoient entré en Norhombrelande et
ardoient et essilloient le pais, pour mieux montrer que la besongne
estoit sienne, elle se departi de Evruich à ce que elle avoit de gens,
le conte de Honstidonne, que elle avoit fait connestable de toute son
hoost, et le signeur de Moutbrai, marescal, en sa compaignie. Et là
estoient li archevesques de Cantorbie, li archevesques d’Iorch, li
evesques de Londres, li evesques de Harfort, li evesques de Nordvich,
li evesques de Lincole et li evesques de Durames; car en Engleterre,
qant li besoins est, tout li prelat et li clergiés s’arment pour aidier
à deffendre et garder leur pais. Li rois d’Escoce et les Escoçois
esploitièrent tant que il vinrent logier à trois petites lieues dou
Noef Chastiel sur Thin, où la roine d’Engleterre estoit venue. Et pas
ne savoient les Escoçois que elle fust là ne en celle assamblée des
Anglois, et ne le tenoient pas à si vaillant fenme que elle estoit et
que il le trouvèrent.

Bien sçavoient les Escoçois que les Englois estoient requelliet en
la ville dou Noef Chastiel sur Thin; si ques, qant il furent venu et
aresté à trois petites lieues englesces priès de là, il leur mandèrent
par un hiraut que, se il voloient traire hors et venir sur les camps,
il trouveroient les Escoçois tous prês, qui les combateroient; et,
se il ne venoient, il fuissent tout conforté que il les venroient
requerre dedens le Noef Chastiel. Li baron de Northombrelande et li
contes de Hostidonne, as quels les paroles et resquestes adrechièrent,
respondirent que il isceroient bien, qant bon lor sambleroit, non à
la volenté de lors ennemis. Qant ceste response fu oïe, li Escoçois
dissent ensi ensamble: «Ces Englois nous doubtent. Il ne sont que
un petit de gens; il n’oseront issir hors du Noef Chastiel. Se nous
les voulons avoir, il les nous couvient là aler querre. Nous les
assegerons; il seront nostre. Nous tenons les camps en Engleterre.
Avant que li rois d’Engleterre et sa poissance qui sont à siège devant
Calais, soient chi venu, nous auerons fait nostre fait et desconfi
tout le pais. Nous sçavons bien, honmes pour honmes, que nous sonmes
siis contre un, car li pais d’Engleterre est à present tout wis; et
ºnt encores avoecques euls grant fuisson de clergiet, liquel n’aueront
nulle durée contre nous, car il ne sont point fait de la guerre.»

Ensi se devisoient li Escoçois et comptoient les Englois pour tous
desconfis; mais li Englois ne l’entendoient pas ensi. Ançois missent
ils en lors arrois sens, ordenance, avis, et moustrèrent corage de
vaillance. Et furent consilliet, sus la response que il avoient faite
as hiraus qui lor avoient aporté la bataille, que il n’atenderoient
pas que les Escos les venissent requerre ne enclore dedens la ville
dou Noef Chastiel sur Thin, mais se departiroient, le bon matin, tout
apresté pour tantos combatre, se il besongnoit, et se meteroient sus
les camps et prenderoient cel avantage, et ensi esbahiroient ils lors
ennemis. Sus la fourme et manière que il proposèrent, ensi le fissent
ils. Ce prope soir, li contes de Hostidonne, connestables de l’oost,
et li sires de Moutbrai, marescaus, envoiièrent nonchier, d’ostel en
ostel, parmi la ville dou Noef Chastiel sus Thin que au point dou jour,
au son de la tronpette, casquns fust prês pour monter à cheval et pour
sievir l’oost là où les banières chevauceroient. Tout l’acordèrent.

Qant ce vint au point dou jour, les tronpètes sonnèrent; toutes
manières de gens se resvillièrent. Au second cop de la tronpète, tout
s’armèrent; et au tierch son de la tronpète, tout montèrent as chevaus,
voires chil qui cheval avoient. Et chil de piet furent tous prês aussi
pour partir et euls poursievir; et issirent tout dou Noef Chastiel
et se traissent sus les camps, et ceminèrent tout droit deviers les
Escoçois. Et là estoit la bonne roine d’Engleterre, la très vaillans
dame, de quoi tous estoient plus rencoragiet assés, de ce que il le
sentoient avoecques euls.

Les Escos ne se donnèrent de garde au matin, qant les nouvelles lor
vinrent. Et leur fu dit ensi: «Vechi les Englois: il nous viennent
courir sus et combatre.» De ces paroles furent ils moult esmervilliet,
et ne le voloient li auqun croire; et i envoiièrent lors coureurs
pour descouvrir et sçavoir se ces nouvelles estoient vraies. Chil
qui i furent envoiiet raportèrent que il avoient veu les Englois qui
tout s’estoient ordonné au lonch de une haie et mis en bataille, et
les archiers sus deux elles. Donc demandèrent li contes Douglas et li
contes de Moret, en la presence du roi d’Escoce, se il estoient grant
fuisson. Chil respondirent sagement et disent: «Nous ne les poons avoir
tous nombrés, car il se sont couvert et fortefiiet de la haie. Se ne
savons se il en i a otretant delà la haie que nous en avons veu dechà.»
Donc fu dit et devisé entre les Escos: «Or les laisons en ce parti où
il sont; il n’osent traire avant, car il ne se sentent pas fort assés.
Il se taneront et hoderont, et jà sus le soir, nous les irons combatre,
se il nous vient bien à point.» Chils consauls fu tenus, et se tinrent
les Escoçois tout quoi; et n’estoit nulles nouvelles de euls ne fu
jusques à haute nonne: dont les Englois furent tout esmervilliet de ce
que il ne traioient avant.

En celle detriance se conseillèrent li baron et li prelat d’Engleterre
et regardèrent pour le millour et le plus segur que la roine, lor
dame, retournerait au Noef Chastiel: si aueroient mains de carge
et de songne; et remoustrèrent cel avis et lor consel à la roine,
et le peril aussi que ce pooit estre de li, car pour le millour on
l’avoit consilliet. La bonne dame ne volt pas brisier lor consel,
quoique volentiers elle fust demorée dalés ses gens. Qant ce vint au
departir, elle lor pria de bon coer et par grande affection que tout
vosissent entendre au bien conbatre, se la bataille avoient; et tout li
fianchèrent, par la foi de lor coer, que jà ne se fainderoient, mais
feroient tant que il aueroient honnour et pourfit. Adonc se departi la
roine de la place, et retourna deviers le Noef Chastiel et laissa ses
gens couvenir.

Qant la roine fu departie, li signeur et li prelat se remissent
ensamble en consel; et dissent chil liquel estoient le plus usé
d’armes: «Se nous atendons jusques à la nuit, ces Escoçois, qui sont
grans gens, nous poront venir courir sus et porter trop grant damage.
Si seroit bon que nous envoions viers euls jusques à cinq cens lances,
pour euls atraire hors de lors logeis, et que li nostre se facent
cachier, tout au lonch de celle haie, là où nostre archier seront mis
et aresté. Et se les Escos viennent soudainement après nos gens, ensi
que il sont bien tailliet de ce faire, car il sont chaut, boullant
et orguilleus, et tant que pour l’eure il prisent moult petit nostre
affaire, nostres archiers, qui sont frès et nouviauls, trairont sus
euls et entre euls; et nous aussi, gens d’armes, les requellerons
ensi conme il apertient à faire: par ce parti porons nous bien avoir
bonne aventure. Et se il se voellent tenir là où il sont, il donront à
entendre que il nous vodront venir courir sus de nuit, mais nous nos
departirons avant et nous retrairons dedens le Noef Chastiel, car pas
ne nous seroit pourfitable à chi atendre et logier le nuit.»

Chils consauls fu tenus, et chil ordonné, liquel iroient veoir les
Escos. Et se departirent tout en une brouse, bien cinq cens lances,
tous as chevaus; et cevauchièrent tant que il vinrent sus le logeis des
Escoçois: liquel avoient aussi de lors gens sus les camps, pour savoir
le couvenant des Englois. Si tretos que ces chevauceours d’Escoce
les veirent cevauchier, il se hastèrent de retourner viers lors gens
et de euls noncier les nouvelles. Les Escoçois se conmenchièrent
à estourmir et à armer, chil qui desarmé estoient et avoient lors
chevaus tous prês. Evous les Englois venus en une brousse, et vinrent
faire une course devant les Escos. Qant les Escoçois les veirent
venus, tantos ils furent prest de monter à chevaus et de prendre lors
glaves et de venir sus ces Englois, liquel n’atendirent point, mais
se missent au retour tout sagement. Qant les Escos les veirent fuir,
si conmenchièrent à juper et à criier moult hault et à brochier de
l’esporon apriès euls. Les Englois, qui estoient aviset de ce que il
devoient faire, passèrent tout au lonch de la haie où lor archier
estoient; et qant les Escos furent venu jusques à celle haie, les
archiers englois conmenchièrent à traire moult fort et moult roit, et à
enpaller hommes et cevaus et à mettre à grant meschief. Ces cinq cens
lances d’Englès retournèrent tout à un fais et moustrèrent visage, et
encores plus de mille lances qui estoient tout pourveu et aviset de lor
fait.

Ensi se conmença li bataille qui fu grande et grose, et issirent tous
les Escoçois de lors logeis. Et les archiers d’Engleterre s’estendirent
au lonc et donnèrent moult grant confort as gens d’armes de lor costé
et grant painne as Escoçois, liquel se confioient grandement en lor
poissance. Et pour ce que les Englois sentoient bien que il estoient
grans gens, et que, se la journée estoit contre euls, il i prenderoient
si grant damage que jamais ne seroit recouvré, car toute Engleterre
seroit courue tant que dou plat pais, ne jà li rois d’Engleterre, qui
tenoit son siège devant Calais, ni poroit venir à temps. Et tout ce
lor avoit bien et sagement la ditte roine remoustré avant que elle se
departesist de euls, et que toute l’onnour dou roiaulme d’Engleterre
gisoit en celle journée. Et, au voir dire, Englois moustrèrent bien là,
et aussi ont il fait aillours, en toutes places où il se sont trouvé,
que ce sont vaillans gens et de grant corage et conforté en lors
besongnes; et tant plus voient de sanch espars et espandu, et tant sont
il plus hardi et outrageus.

Che jour, ensi que de la belle aventure que li rois d’Engleterre et ses
gens orent de la bataille de Crechi et que euls quinze mille hommes
en tout en desconfirent cent mille, parellement à la bataille dont je
vous parole presentement, un petit de gens que les Englois estoient ou
regart des Escos, desconfirent lors ennemis. Et fu pris li rois qui
moult vaillanment se combati et fu navrés en venant en la bataille,
ou chief, de deus saiètes: de quoi, au traire hors, les fiers li
demorèrent entre les tès et le quir; et depuis par puissons on l’en
fist l’une des saiètes issir hors par le nés, et li aultre li demora
tant que il vesqi. Si le porta il moult lonc temps, car il fu pris l’an
de grace mil trois cens quarante siis.

Et je Jehans Froissars, actères de ces croniques et histores, fui ens
ou roiaulme d’Escoce l’an de grace mil trois cens et soissante cinq,
et de l’ostel le dit roi quinse sepmainnes, car ma très honnourée
dame, madame la roine Phelippe d’Engleterre, m’escripsi deviers li et
deviers les barons d’Escoce, qui pour l’amour de ma dame me fissent
tout bonne chière, et especiaulment li rois, et sçavoit parler moult
biau françois, car il fu de sa jonèce nouris en France, ensi que il
est contenu ichi desus en nostre histore; et euch l’aventure, de tant
que je fui avoecques lui et de son hostel, que il viseta la grignour
partie de son roiaulme. Si le vei tout et considerai par estre en ses
cevauchies, et moult de fois li oy parler et deviser à ses gens qui là
estoient [et] à auquns chevaliers, de la bataille et de sa prise. Et
là i estoient, qui furent à la bataille, mesires Robers de Versi, et i
fu pris dou signeur de Sees en Northombrelant, et mesires Guillaumes
de Glaudigevin, et messire Robert Bourme et mesires Alixandres de
Ramesai; mais li contes de Douglas et le conte de Moret que je trouvai
en Escoce, ce fu lors pères qui avoient esté à celle besongne. Et le
di pour tant que li rois d’Escoce avoit encores le fier de la saiette
ou chief; et qant la lune se renouvelloit, il avoit par usage le chief
moult dolereus, et vesqi depuis que je oy esté en Escoce, plus de douse
ans. Ensi appert il que il porta ce fier enfieret, bien trente deus ans.

Or retournons à la bataille dont je parloie presentement, et recordons
conment elle se persevera, et la grace que Dieus fist ce jour as
Englois, car vous devés sçavoir que Escoçois en bataille sont mallement
fort, appert, dur et hardi. A faire une telle bataille et là où li
rois est navrés et pris, il couvient que il i ait des grans apertisses
d’armes faites. Ces Escos portent haces par usage, dont il donnent et
frapent trop biaus horions; et n’est homs, tant soit bien armés, se il
en est atains de bon brac, qui ne soit couchiés par terre. La bataille
des Englois branla deux ou trois fois, et furent les Englois sur le
point de estre tout desconfi; et l’euissent [esté], se Dieus et fortune
et bonne aventure ne les euist aidiés. Li evesques de Durames, oncles
au signeur de Persi, qui là estoit, uns moult vaillans homs, tenoit une
bataille sus èle, qui reconfortoit les branlans; et ce leur fist trop
de biens, et li trais des archiers. Finablement, les Escoçois furent là
desconfis, mort et pris et tournés en voies, et tantos fu tart. Si ne
dura point la cace longement.

Et escei li rois ens ès mains d’un esquier de Norhombrelande, liquels
se nonmoit Jehans de Qopelant. Chils prist le roi d’Escoce par
vaillance de corps et d’armes, et ot son gant et le fist fiancier à
lui. Chils Jehans de Qopelant, qant il congneut que il avoit si grande
aventure et si belle que pris le roi d’Escoce, il se doubta que on ne
li vosist rescourre ou efforcier; car il i avoit là des grans barons
et chevaliers d’Engleterre trop plus grans que il ne fust, et que les
envies en ce monde sont grandes et les convoitises: si destourna le
roi d’Escoce et ne le mena pas deviers la roine d’Engleterre au Noef
Castiel, mais aillours en un chastiel assés fort et d’un sien grant
ami. Et dist bien Jehans de Qopelant que il ne le renderoit à nul honme
dou monde, fors au roi qui estoit son signeur, et de qui il tenoit son
hiretage. Fºs 129 vº à 131 vº.

P. 20, l. 23: ses gens.--_Ms. B 6_: A che mandement vint l’archevesque
d’Iorch, l’archevesque de Cantorbie, l’evesque nouviaulx de Lincole,
l’evesque de Duram, qui nouvellement estoit revenu du siège de Calais.
Et amena chacun prelat tout che qu’il pot de gens d’armes et d’archiers
et de gens de piet. Là vint messire Edouart de Bailleul, le sire de
Montbray, le sire de Persy et le sire de Nuefville et pluiseurs aultres
chevaliers et esquiers, et tant qu’il furent douze cens à cheval et
cinq mille archiés et bien neuf mille hommes de piet. Fº 359.

P. 20, l. 24 à 26: li archevesques.... Lincolle.--_Ms. B 3_: les
evesques d’Iorc, de Durem et de Lincole. Fº 140.

P. 20, l. 25: d’Yorch.--_Mss. A 1 à 6_: de Diorth. Fº 157 vº.

P. 20, l. 30: gens.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 29, B 3_: ès marches de north
et du pais de Northombrelande et de Galles qui marchissent assez près
de là. Fº 157 vº.

P. 21, l. 2: se prendoit.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: se penoit. Fº 140.

P. 21, l. 15 et 16: se rastinrent.--_Mss. A 15 à 17_: se abstindrent.
Fº 157.--_Mss. A 20 à 22_: se retindrent. Fº 225.--_Ms. B 3_: se
boutèrent. Fº 140.

P. 21, l. 31: hommes.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: tuffes,
grueliers, bomules, termulons et tacriers. Fº 157.

P. 22, l. 18: de Bailluel.--_Mss. A 20 à 22_: de Ros. Fº 225 vº.--_Les
mss. A 23 à 33 ajoutent_: le sire de Ros. Fº 174 vº.

P. 22, l. 20: li arcevesques.--_Mss. A 15 à 17_: monseigneur Guillaume
arcevesque.... Fº 157.

P. 23, l. 7: s’encontrèrent.--_Ms. B 6_: Les Escochois, qui estoient
sur les camps assés près des Englès, se ordonnèrent et se rengièrent
et firent quatre batailles: en chacune avoit six mille hommes. Et se
mirent tous à piet et leur chevaulx derrière yaulx. En la prumière
bataille estoit le sire de Douglas, en le seconde le conte de Moret,
le conte Patris, le conte de Mare; en le tierche, le conte d’Orkenay,
le conte de Rose; en la quatrième, le roy David d’Escoche, le conte
d’Astrederne, le conte de Fy, le conte de Boskem, le conte de Surlant,
l’evesque d’Abredane, l’evesque de Saint Andrieu, messire Robert de
Versy, messire Simon Fresiel. Et estoient ces deus chevaliers delés
le roy et à son frain. Et portoit à ce donc le souveraine banière du
roy Alixandre de Ramesay, ung très bon et vaillant homme d’armes. Et
vous dy que les Escochois estoient bien ordonnez et avoient mis devant
leur bataille che qu’il avoient d’archiers. Et, d’aultre part, les
Englès, qui n’estoient pas sy grant nombre, avoient ausy ordonné quatre
batailles, mis en chacune quinze cens archiés, trois cens homes d’armes
et deux mille pietons. Fºs 361 et 362.

P. 23, l. 8: l’autre.--_Ms. A 29_: à tirer ces saiettez, qui voloient
aussi espessement que neige.

P. 23, l. 10: able.--_Mss. A 7 à 19_: habilles. Fº 141.--_Mss. A 20 à
22_: habilliez legierement. Fº 225 vº.

P. 23, l. 21: donnoient.--_Les mss. A 11 à 14 ajoutent_: aux Godons dis
Anglois. Fº 150 vº.

P. 23, l. 21: horions.--_Ms. A 29_: si grands qu’ils pourfendoyent
testes et bacinets, et abatoyent bras et poings.

P. 23, l. 22: se prendoient.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: se
penoient. Fº 158 vº.--_Mss. A 7 à 1O, B 3_: se prenoient. Fº 141
vº.--_Mss. A 15 à 17_: se prenoient près garde. Fº 157 vº.

P. 23, l. 30: de Fi.--_Mss. A 1 à 14, 18, 19, 23 à 29_: de Fii.--_Mss.
A 15 à 17_: de Fye. Fº 157 vº.--_Mss. A 20 à 22_: de Zii. Fº
226.--_Mss. A 30 à 33_: de Siz. Fº 193.

P. 23, l. 31: Boskem.--_Mss. A 23 à 29_: Oskem. Fº 175.--_Mss. A 30 à
33_: Oske. Fº 193.

P. 23, l. 32: Astrederne.--_Mss. A 18, 19, 23 à 33_: Astrederu. Fº 162
vº.

P. 24, l. 1: Thumas.--_Mss. A 20 à 22_: Guillame. Fº 226.

P. 24, l. 2: Fresiel.--_Mss. A 23 à 29_: Fresnel. Fº 162 vº.

P. 24, l. 6: navrés.--_Ms. B 6_: ou corps et ou chief, dont il y parut,
tant qu’il vesquy. Fº 363.

P. 24, l. 7 et 8: Copeland.--_Ms. B 6_: qui mist grant painne à le
garder, car les Englès le volloient tuer entre ses mains. Fº 363.

P. 24, l. 12: carge.--_Ms. B 6_: Et fist le roy David son prisonnier
monter sur ung pallefroy, et l’enmena secretement hors de l’armée. Et
puis chevauça fort et fist tant que il vint en ung sien castiel, que
on appelloit le Castiel Orguillous, quy siet sur la rivière de Tin, à
vingt cinq lieues du Neuf Castiel où la bataille avoit esté. Fº 364.

P. 24, l. 19: Archebaus.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Dassambaut. Fº
158 vº.--_Mss. A 18, 19_: Arsambault, Fº 162 vº.--_Mss. A 20 à 22_:
Arquembault. Fº 226.--_Mss. A 23 à 29, 30 à 33_: Archembault. Fº 175.

P. 24, l. 20: Versi.--_Mss. A 20 à 22_: Persy. Fº 226.

P. 24, l. 20 et 21: d’Abredane.--_Mss. A 1 à 6_: de Bredant.--_Mss. A
20 à 29, B 3_: de Bredane.

P. 24, l. 26: six.--_Mss. A 20 à 22_: cinq. Fº 226.

P. 24, l. 26: le mardi.--_Mss. A 23 à 33_: le samedy. Fº 175.


§ =298=. P. 24, l. 28: Quant la royne.--_Ms. de Rome_: Qant la roine
d’Engleterre, qui se tenoit au Noef Chastiel, entendi que la journée
estoit pour li et pour ses gens, si en fu grandement resjoïe, et ce
fu raisons. Or vinrent ses gens, les uns apriès les aultres, ensi que
on se depart de tèles besongnes, le conte de Honstidonne, connestable
de l’oost, le signeur de Moutbrai, marescal, le signeur de Persi, le
signeur de Noefville, les prelas, les barons et les chevaliers. Et ensi
que il rentraient en la ville, la bonne roine lor estoit au devant, et
les requelloit doucement et liement, et les prioit et disoit: «Vous
venrés souper avoecques moi; vous l’avés bien gaegniet.» Chil signeur
li acordoient; et tant fu la bonne dame là sus son palefroi avoecques
ses damoiselles, que tout li signeur ou auques priès furent rentret.

Or avoit on dit à la roine que li rois d’Escoce estoit pris, si ques
la bonne dame demandoit: «Et qant verai je mon prisonnier, le roi
d’Escoce, et celi qui l’a pris aussi?» Qant elle vei que point ºn ne
l’amenoit, si dist as chevaliers qui estaient dalés li: «Et pourquoi
ne me amainne chils qui a pris le roi d’Escoce mon adversaire,
son prisonnier, et je le veroie jà moult volentiers.»--«Madame,
respondirent li chevalier, où que il soit, il est vostres et est bien:
n’en aies nulle soupeçon; espoir le vous amenra il jà au souper, pour
vous plus honnourer et conjoïr.» La roine s’apaisa tant et vint à son
hostel, et fu li soupers apparilliés très grans et très biaus. Et i
furent tout li chevalier, voires chil qui i vodrent estre; auquns en
i avoit des bleciés et des navrés et des lassés qui demorèrent à lors
hostels, pour euls aisier.

Qant la roine vei que Jehans de Qopelant n’amenoit point le roi
d’Escoce, si fu toute merancolieuse et se contenta mal de li. Mais
li chevalier le rapaisièrent et li dissent: «Madame, où que li rois
d’Escoce soit, c’est vostres prisonniers. Jehans en fera bonne garde.»
Ensi se passa la nuit. Qant ce vint à l’endemain, nouvelles vinrent à
la roine, car on en avoit fait bonne enqueste, que Jehans de Qopelant
en avoit menet le roi d’Escoce en un chastiel assés pourlic, et que
ce estoit se intension que là le tenroit il et garderoit, tant que li
rois d’Engleterre, ses sires, retourneroit au pais, et ne le deliveroit
à honme ne à fenme, fors au roi meismes ou à son conmant. La roine
d’Engleterre, pour savoir mieuls le intension de ce Jehan de Qopelant,
envoia le conte de Honstidonne et de ses chevaliers parler à lui.
Et cevauchièrent tant que il vinrent au chastiel où Jehans estoit,
et aussi li rois d’Escoce son prisonnier; et parlèrent à lui et li
remoustrèrent conment sa dame, la roine d’Engleterre, les envoioit là,
et li remoustrèrent tout au lonc, ensi que la matère requeroit.

Jehans de Qopelant ne fu pas esbahis de respondre et dist: «Mi chier
signeur, je congnois assés que ce que vous me remoustrés, vous le me
dittes pour mon bien, et le deveroie faire; mais dittes ensi à ma
très redoubtée dame, madame d’Engleterre, que mon prisonnier le roi
d’Escoce, je l’ai encores peu gardé; et qant la congnissance en sera
venue à mon très redoubté signeur, monsigneur le roi d’Engleterre, que
je l’aie assés gardé, et que je le rende et mette là où il l’en plaira
à ordonner, je le ferai, et non, de ma volenté oultre, se on ne le
m’esforce. Mais je prench si très grande plaisance à lui veoir que je
m’i consoole tous. Et m’est avis que j’en doi rendre trop grans graces
à Nostre Signeur, qant à moi qui sui uns povres bacelers, entre tant
de vaillans honmes, chevaliers et esquiers dou roiaulme d’Engleterre
qui ont esté à celle journée, Dieus le m’a envoiiet. Et m’est avis
que nuls n’en doit estre courouciés, ne n’en doit avoir envie. Et,
mi signeur, ensi que vous porés dire à madame la roine, j’en ferai
bonne garde et renderai bon compte; et de ce elle ne soit, ne nuls, en
doubte ne en soupeçon. Avoecques tout ce, il est bleciés et ne poroit
soufrir le cevauchier ne le cariier, ne prendre nul air. Et dient chil
qui l’ont en garde, tant que pour le medeciner et purgier dou mal dou
chief, il seront plus de trois mois, avant que il puisse issir de la
cambre. Et se il me moroit par ma coupe, otant que je sui resjoïs de sa
prise, seroi je courouchiés de sa mort, et à bonne cause. Et toutes
ces raisons que je vous remoustre en espice de bien, voelliés dire et
moustrer sus bonne fourme à madame la roine, et je vous en prie; car,
se vous ne fuissiés ichi venus, si euissé jou envoiié deviers li, ou
je i fuisse alés en prope personne pour moi escuser, car je me vodroie
acquiter deviers madame et deviers le roiaulme d’Engleterre, loiaument.
Et on n’a point veu le contraire en moi, ne ne vera on jà tant que
je vive, et Dieus, qui a bien conmenchiet, dont je l’en regratie, me
doinst tousjours bonne perseverance.»

«Ce face! Jehan,» ce respondi li contes de Honstidonne, qui avoit
proposé toutes les paroles: «Et je vous escuserai, dist li contes, tant
que madame et son consel se contenteront de vous, mais je vous pri,
se on puet veoir ce roi d’Escoce, que je le voie.»--«Oil,» respondi
Jehans de Qopelant. Il li fist veoir qant il fu heure, et le mena
dedens la cambre où il se gissoit sus une couce. Et parla li rois au
dit conte, et li contes à lui, et li dist que madame d’Engleterre
l’avoit là envoiiet, pour lui veoir et viseter. Li rois s’en contenta
et li dist: «Salués moi la roine d’Engleterre. Quoi que je me tiengne
ichi et en la garde de l’esquier qui m’a creanté, je me tieng à son
prisonnier.»--«Sire, dist li contes, pensés de vostre santé, et ne
vous merancoliiés point, tant que vous en valés mains; car tous jours
finerés vous bien. Et considerés le bon moiien que vous avés en vostre
querelle, c’est que madame la roine d’Escoce est serour germainne de
nostre signeur le roi d’Engleterre.» Donc respondi li rois d’Escoce et
dist: «Contes de Honstidonne, je vosisse bien aultrement se il deuist
estre, et tant que ma santé, j’en passerai; mais je vous pri: dites
à la roine qui chi vous envoie, que elle me face viseter par bons
fusesiiens et medecins, car, se je moroie an uit, les Escoçois feroient
demain un roi en Escoce.»

A toutes ces paroles respondi li contes de Honstidonne moult doucement
au roi d’Escoce, et dist que il le feroit volentiers et prist congiet
à lui, et li rois li donna. Et prist congiet li dis contes à Jehan de
Qopelant et à ceuls dou chastiel, et puis s’en departi et retourna au
Noef Chastiel sus Thin, où la roine d’Engleterre estoit et tout li
signeur. Li contes de Honstidonne fist si seneement la response de
toutes ces coses desus dittes, que la roine et tout li signeur s’en
contentèrent. Et fu la roine consillie que d’escrire tout l’estat de
la besongne et le prise dou roi, et de tantos ces nouvelles envoiier
deviers son signeur et mari, le roi d’Engleterre. Clerc furent mis en
besongne; la roine escripsi au roi, à son fil et as barons d’Engleterre
qui devant Calais se tenoient. Le lettres escriptes et seelées, honme
bien esploitant furent cargiet de faire ce message et se missent à
voie, et chevaucièrent tant quoitousement de nuit et de jour que il
vinrent à Douvres. Et tantos entrèrent en un vassiel et furent oultre
de une marée, et vinrent deviers le roi premierement, et baillièrent
lors lettres de par la roine. Li rois les ouvri et lissi tout au lonc.
Et qant il ot entendu toute la substance de la lettre et la prise dou
roi d’Escoce, son serouge et son adversaire, et l’ordenance de la
bataille et les noms des mors et des pris, des honmes d’onnour, qui à
la bataille avoient esté, et conment Jehans de Qopelant, esquiers de
Northombrelande, l’avoit pris et le tenoit en un chastiel, et ne le
voloit rendre à nul honme ne fenme ne à la roine sa femme meismement,
et toutes ces coses et nouvelles la roine li specifioit clerement,
vous devés savoir que il ot grant joie, et appella tantos mesire
Godefroi de Harcourt qui estoit dalés lui, et li lissi les lettres
tout au lonch. De ces nouvelles fu mesires Godefrois moult resjoïs
et dist: «Sire, madame la roine d’Engleterre est une vaillans fenme:
c’est une noble paire de vous deus. Dieus est en vostres oevres et
mains. Perseverés tousjours avant: vous venrés à chief ou en partie de
vostres ententes et calenge. Et se vous avés, ensi que vous auerés,
celle ville de Calais, vous auerés un grant avantage, et porterés
les clefs dou roiaulme de France à vostre çainture. Et à bonne heure
passai la mer pour vous, car je vous ai resvilliet; à très grant
painne vous amenai je par de deçà. Considerés le biau voiage que vous
avés fait, et desconfi vostres ennemis. Et d’autre part et tout une
saison vostre fenme a eu une telle journée pour lui que pris le roi
d’Escoce et toute la flour de celi roiaulme. Jamais de vostre eage ne
se releveront les Escoçois. Vostres coses vous viennent à plain et
pur souhet.»--«Godefroi, dist li rois, vous dittes verité. Et je sui
grandement tenus, et aussi est tous mes roiaulmes, de rendre graces à
Dieu qui ce nous a envoiiet.»

Qant ces nouvelles furent esparses en l’oost devant Calais, de la prise
le roi d’Escoce, et que la poissance des Escoçois avoit tout netement
esté ruée jus par fait de bataille assés priès dou Noef Chastiel sur
Tin, toutes manières de gens furent très resjoï et à bonne cause, et
mieuls amée des Englois la roine assés que devant. Et dissoient en
l’oost generaument: «Vive la bonne Phelippe de Hainnau, la roine
d’Engleterre, nostre chière et redoubtée dame, car elle amena et aporta
entre nous et en Engleterre, honnour, pourfit, grace et tranqillité;
et tant conme elle vivera, biens, honnours, larguèces et pourfis nous
habonderont. Et elle [est] de un si bon pais, si douls, si courtois et
si amiable et raempli de bonnes gens, et qui dou tout s’enclinent à
nous amer et honnourer; et fu fille de si bon signeur et si sage et si
vaillant, que elle ne poroit que tous bien faire.» Ensi couroit vois
et renommée conmunement entre les Englois devant Calais, et non pas là
tant seullement, mais parmi tout le roiaulme d’Engleterre.

Li rois d’Engleterre fu consilliés que de escrire à Jehan de Qopelant,
et de li mander que il venist parler à lui devant Calais. Si escripsi
li rois à la roine sa fenme et à Jehan de Qopelant, et li manda que
ces lettres veues, sans querir nulle esqusance, il venist devant
Calais, car il le voloit veoir. Ces lettres escriptes et seelées, li
rois les fist delivrer à ceuls meismes qui là estoient venu de par
la roine, liquel se missent au retour dou plus tos que il porent et
rapassèrent la mer, de Calais à Douvres, et puis cevauchièrent tant
que il vinrent deviers la roine qui se tenoit encores ès parties de
Northombrelande. Se li baillièrent les lettres que à lui apertenoit, et
puis cevauchièrent deviers Jehan de Qopelant; et tant fissent que il le
trouvèrent et parlèrent à lui, et fissent lor message de par le roi et
li delivrèrent les lettres que li rois li envoioit. Jehans les lissi
tout au lonch et respondi à celles et dist que il obeiroit volentiers
au mandement dou roi, car il i estoit tenus, et fist les messagiers dou
roi très bonne cière; et puis ordonna ses besongnes dou plus tos que il
pot et reconmanda le roi d’Escoce son prisonnier en bonnes gardes. Et
puis se departi et cevauça tant par ses journées que il vint à Douvres,
et là monta en mer en un vassiel passagier, et fist tant que il vint
devant Calais. Se issi dou vassiel et se mist sus terre, et ala deviers
le roi. Fºs 131 vº à 133.

P. 25, l. 11: poissance.--_Ms. B 6_: Celle meisme nuit la royne demoura
avec yaulx sur le camp. Et l’endemain montèrent il tous à cheval, et
s’en vinrent avecque leur dame à Neuf Chastel. L’evesque de Durem, qui
pris avoit le conte de Moret, le presenta à la royne, et chacuns ensy
son prisonnier. La dame leur en seut bon gré. Fº 365.

P. 25, l. 14: Copeland.--_Mss. A 1 à 6_: Coupelant. Fº 159.--_Ms. A 7_:
Copelant. Fº 151.--_Mss. A 18, 19_: Compelant. Fº 163.--_Mss. A 23 à
29_: Coplant. Fº 175.--_Ms. B 4_: Copolant. Fº 133.

P. 26, l. 12: escrire.--_Le ms. A 29 ajoute_: par son chancelier.

P. 26, l. 18: gens.--_Ms. B 6_: car le roy d’Escoche estoit celuy de
ses ennemis que il doubtoit le plus. Fº 367.

P. 26, l. 24: le marce.--_Ms. B 3_: la rivière. Fº 141 vº.

P. 26, l. 24 et 25: Galles.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: nommé le
Chastel Orgueilleux. Fº 158.

P. 26, l. 27: dou roy.--_Le ms. A 7 ajoute_: d’Engleterre. Fº 151.


§ =299=. P. 26, l. 28: Quant li gentilz.--_Ms. de Rome_: Vous devés
sçavoir que, qant les Englois sceurent que Jehans de Qopelant estoit
venus, il i ot grant priesse à lui veoir, car moult en i avoit en
l’oost qui onques ne l’avoient veu; et moult le desiroient à veoir pour
la renonmée de ce que il estoit si vaillans homs, que il avoit pris le
roi d’Escoce. Qant il fu venus jusques au logeis dou roi d’Engleterre,
moult grant fuisson des signeurs d’Engleterre estoient là venu et
assamblé pour li veoir. Li rois meismes les avoit mandés et le desiroit
à veoir.

Qant Jehans de Qopelant fu devant le roi, il se mist en un jenoul et
dist: «Très chiers sires, vous m’avés escript et mandé que je venise
parler à vous. Je sui venus, car je vous doi toute ºbeisance. Très
chiers sires et redoubtés, se Dieus m’a volut consentir si grant grace
que il m’a volut envoiier et mis entre mes mains le roi d’Escoce,
et je l’ai conquis en bataille par fait d’armes, ºn n’en doit point
avoir envie ne ranqune sus moi. Aussi puet bien Dieus envoiier sa
grace sus un povre baceler de bonne volenté, que il fait sus un grant
signeur.»--«Vous dites verité, Jehan, respondi li rois, je vodroie
bien en mon roiaulme avoir assés de tels bacelers que vous estes. Vous
m’avés fait service moult agreable, et je vous ai mandé, non pour mal
que je vous voelle, mais tout pourfit et avancement; et onques mès ne
vous avoie veu que je vous connuisse. Se sui resjoïs de vostre venue,
et en vaudrés mieuls.»

Adonc le prist li rois par le main et le fist lever. Tantos li contes
de Warvich et mesires Renauls de Gobehen et mesires Richars de Stanfort
et mesires Jehans Candos et li chevalier d’Engleterre s’aquintièrent
de lui et le missent en paroles. A painnes pooit li rois oster ses
ieuls de li, et en parloit à mesire Godefroi de Harcourt et à messire
Gautier de Mauni, et disoit: «Regardés les aventures d’armes, conment
uns povres bacelers a pris en bataille et conquis par armes le roi
d’Escoce.»--«Sire, respondirent à ceste parole li doi chevalier, Dieus
li a envoiiet celle grace et cel eur. Se l’en devés bien remunerer,
et tellement que tout aultre baceler, chevaliers et esquiers qui
vous servent, s’i puissent exempliier.»--«C’est moult bien nostre
intention,» respondi li rois. Ensi fu Jehans de Qopelant requelliés et
conjoïs dou roi et des signeurs, et eslevés de grace et de renonmée et
honnourés de tous.

Qant Jehans de Qopelant eut esté dalés le roi, tant que bon li fu et
au roi, ensi li rois li dist: «Jehan, vous retournerés en Engleterre
et, vous venu chiés vous, vostre prisonnier, le roi d’Escoce, vous le
presenterés à ma fenme et l’en ferés don. Vous estes tous esqusés de ce
que vous l’avez tenu et gardé. Et pour vostre service que nous tenons
à grant et à agreable, nous vous retenons pour nostre corps et de
nostre cambre, parmi cinq cens livres à l’estrelin de revenue, par an,
que vous auerés. Et, nous retourné en Engleterre, nous vous en ferons
asignation, telle que bien vous devera souffire.» De ce don remercia
Jehans de Qopelant le roi d’Engleterre. Encores avoecques tout ce et
ces lettres, qant Jehans se departi dou roi et des signeurs, on li
donna une lettre de par le roi à prendre deus mille marcs en deniers
apparilliés sus l’estaplier des lainnes. Ensi se departi Jehans de
Qopelant dou roi et retourna en Engleterre. Et qant il fu venus chiés
soi, et que li rois d’Escoce peut souffrir le cevauchier, il le prist,
et bien acompagniés, il l’amena à la roine d’Engleterre, ensi que dit
et cargiet li estoit dou roi. La roine, qui fu dame pourveue de sens et
d’onnour, rechut Jehan de Qopelant doucement et bellement, ne onques ne
li moustra parole nulle de dureté, ne que elle euist eu merancolie sus
li; et avoecques tout ce, elle conjoï le roi d’Escoce, ensi que à faire
apertenoit.

Depuis que Jehans de Qopelant ot rendu le roi d’Escoce à la roine
d’Engleterre, et que elle s’en tint saisie, ne demora elle gaires ou
pais de Northombrelant, mais ordonna ses besongnes et recarga toute
la terre à quatre barons desus nonmés, liquel sont grant hiretier en
Northombrelande; et puis, bien aconpagnie, elle s’en retourna viers
Londres et enmena avoecques li le roi d’Escoce, et fist tant par
ses journées qu’elle vint à Londres. Qant li Londriien sceurent la
venue de la roine, et que elle lor amenoit le roi d’Escoce, si se
esforcièrent tout generaulment de li requellier honnourablement, ensi
que à lui apertenoit; et widièrent un jour, qant elle deubt entrer en
Londres, plus de deus mille chevaus à l’encontre de li. Et fu amenée
la roine tout au lonc de Londres, et le roi d’Escoce en sa compagnie,
à grant fuisson de menestrandies, jusques au palais de Wesmoustier. Et
là descendirent la roine et li rois d’Escoce. Depuis ceste ordenance,
li rois d’Escoce fu amenés par une barge sus la Tamise ens ou fort
chastiel de Londres, et là enclos sus bonnes gardes, que on mist dalés
lui; car la ditte roine avoit intension que de passer proçainement la
mer et venir devant Calais veoir son signeur, le roi d’Engleterre, et
se ordonna à ce et grant fuisson des dames d’Engleterre aussi, qui
toutes avoient grant desir de veoir lors maris, qui estoient avoecques
le roi devant Calais. Si se ordonnèrent à ce, et pour passer, la roine
et les dames; et envoiièrent lors pourveances devant par la rivière
de la Tamise, qui rentre dedens la mer à Mergate. Et depuis la ditte
roine et les dames, montées sus hagenées amblans, cevauchièrent par
terre jusques en la cité de Cantorbie, et fissent lors offrandes au
beneoit corps saint Tomas. Et puis vinrent à Douvres, et entrèrent ens
ès vassiaus et passèrent oultre et vinrent devant Calais: de quoi toute
li hoos fu grandement resjoïe de lor venue. Et vint là la roine environ
la Toussains, et tint court ouverte, le jour de la Toussains, de tous
signeurs et de toutes dames. Fº 133.

P. 26, l. 29: Copeland.--_Ms. B 6_: qui estoit bieaulx escuiers, fors
et drois, saiges et bien avisez. Fº 367.

P. 27, l. 17: coses.--_Ms. B 6_: et voel que vous soiés chevalier. Fº
368.

P. 27, l. 27: grandement.--_Ms. B 6_: à l’endemain il fut chevalier.
Fºs 368 et 369.

P. 27, l. 30: au tierch.--_Ms. B 6_: au sixième. Fº 369.

P. 28, l. 1: amis.--_Ms. A 29_: parens.

P. 28, l. 5: Evruich.--_Mss. A 8 à 10, 20 à 22_: Bervich. Fº 142
vº.--_Mss. A 7, 11 à 14, 18, 19, 30 à 33_: Ebruich. Fº 151 vº.--_Mss. A
15 à 17_: Ewrich. Fº 158 vº.--_Mss. A 23 à 29_: Vervich. Fº 176.--_Ms.
B 4_: Ewruich. Fº 133 vº.

P. 28, l. 8: montèrent.--_Le ms. A 29 ajoute_: sur un petit cheval.

P. 28, l. 10: dessus ditte.--_Ms. B 6_: Et prist (Jean de Copeland)
le roy d’Escoche son prisonnier et l’amena et bien conduit de gens
d’armes jusques à Londres, et le presenta à la royne d’Engleterre qui
en ot grant joye. Si le fist la dame mettre en son chastel à Londres et
le conte de Moret et le conte de Ghines, connestable de France, et le
conte de Tanquarville. Fº 369.

P. 28, l. 18: Bervich.--_Mss. A 15 à 17_: Ewruich. Fº 158 vº.--_Mss. A
18, 19_: Ebruich. Fº 164.--_Mss. A 23 à 33_: Bruich. Fº 176.--_Ms. B
3_: Everuich. Fº 142.

P. 28, l. 18: Rosebourch.--_Mss. A 15 à 17_: Rosembourch. Fº 158 vº.

P. 28, l. 24: Evruich.--_Mss. A 1 à 6_: Bervich. Fº 160.--_Mss. A 7, 11
à 14_: Ebruich. Fº 151 vº.--_Mss. A 15 à 17_: Ewrich. Fº 158 vº.--_Mss.
A 23 à 33_: Bruich. Fº 176.--_Ms. B 3_: Vruich. Fº 142.--_Ms. B 4_:
Ewruich. Fº 133 vº.

P. 29, l. 6: à Douvres.--_Ms. B 6_: Sy passa la mer en grant peril et
en grant aventure, car toudis y avoit robeurs de sus la mer, normans et
geneuois, qui faisoient grant destourbier as Englès. Fº 169.

P. 29, l. 13: Toussains.--_Ms. B 6_: il i ot bien sept cens chevaliers
et d’autres seigneurs à grant foison que on ne les povoit à paine
servir, qui estoient plus venus pour veoir la royne que aultre cose.
Et le gentille royne appella ses chevaliers en leur faisant si bonne
chière, et les araisonnoit et festioit sy gracieusement que c’estoit
ung grant deduit de le regarder. Sy donna adonc la bonne royne grant
foison de joiaulx à ceulx où elle les tenoit pour bien enploiet. Et
demora longtemps par delés le roy son seigneur en grant revel tant que
le siège dura. Et avoit amené foison de dames et damoiselles. Si y
prendoient les chevaliers et aultres compaignons grant solas et grant
deport, quant il leur plaisoit, en toutez bonnes manières; et li rois
les veoit volentiers et les honnouroit tant qu’il pooit. Fº 370.

P. 29, l. 19: Calais.--_Le ms. B 3 ajoute_: car ce siège y demoura
longuement. Fº 142.


§ =300=. P. 29, l. 20: Cils sièges.--_Ms. d’Amiens_: Li sièges fu
longement devant Callais, et si y avinrent moult d’aventurez et de
bellez proècez d’un costé et d’autre, par terre et par mer, lesquellez
je ne puis mies touttez ne le qarte partie recorder; car li roys de
Franche avoit fait establir si bonnes gens d’armes et tant par touttez
les fortrècez, que li Englès, qui volloient hors yssir à ceval ou à
piet pour aler fourer ou aventurer, ne l’avoient mies d’avantage, mès
trouvoient souvent des rencontrez durs et fors. Et ossi il avoient
souvent pluisseurs paletis et escarmuches entour lez portez. Un jour
perdoit li ung, l’autre jour perdoit li autre; et avoit un maronnier
sur mer, qui s’apelloit Marans, qui conforta grandement par pluisseurs
fois ciaux de Calais. Fº 97.

--_Ms. de Rome_: Chils sièges se tint longement devant Calais, et si
i avinrent des grandes aventures et des belles proèces de l’un costé
et de l’autre, par terre et par mer, lesquelles je ne puis pas toutes,
non la moitié, escripre ne recorder. Car li rois de France avoit
fait establir si bonnes gens d’armes sus les frontières d’Artois, de
Boulenois et en la conté de Ghines, qui pour ce temps se tenoit toute
françoise, et aussi mis et establi sur la mer, Geneuois, Normans et
Espagnols, que, quant les Englois voloient issir hors de lor siège,
il couvenoit que il fuissent trop bien acompagniet, se il n’estoient
rebouté; et qant il estoient plus fors de lors ennemis, il les
reboutoient ens ès forterèces, en Ghines, en Hames, en Niele, en Oie,
en Bavelingehen, en Fiennes, en la Montoire, en Saint Omer, en Tieruane
et en Boulongne, car li Englois, seans devant Calais, couroient bien,
pour fouragier, jusques à là.

Et vint adonc devant Calais li sires d’Aughimont, sires dou Rues en
Hainnau, voires son temps durant, veoir le roi d’Engleterre et devint
son honme parmi deus cens livres à l’estrelin, que li rois d’Engleterre
li donna de revenue par an, asignés sus ses coffres. Et en fu li
sires d’Aughimont bien paiiés, tant que il volt estre et demorer ou
service des Englois. Et pour le temps il estoit fors et jones, hardis
et entreprendans chevaliers, et fu nonmés Ernouls, et fist des belles
cevauchies avoecques les Englois et des grans apertises d’armes, par
lesquelles il i acquist grant grace et l’amour des Englois. Et estoient
acompagniet li et messires Renauls de Gobehen, et ne chevauçoient point
l’un sans l’autre. Fº 134.

P. 29, l. 27: le marche.--_Ms. B 3_: en la subjection. Fº 142.

P. 30, l. 17: larecin.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: et en tapinaige.
Fº 159.

P. 30, l. 19: Mestriel.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: Menestreul. Fº 160
vº.--_Mss. A 15 à 17_: Mestrisel. Fº 159.--_Mss. A 18 à 19_: Mestruel.
Fº 164 vº.

P. 30, l. 26: fisent... morir.--_Ms. B 3_: firent noier et morir
plusieurs Anglois. Fº 142 vº.--_Ms. B 4_: firent tamaint Englès morir
et noiier. Fº 134.

P. 30, l. 26: durant.--_Les mss. A 1 à 7, 11 à 14, 20 à 22 ajoutent_:
devant Calais. Fº 160 vº.--Les _mss. A. 18, 19 ajoutent_: devant la
ville de Calais. Fº 164 vº.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: dont le roy
estoit moult durement courrocié. Fº 159 vº.


§ =301=. P. 30, l. 27: Tout cel yvier.--_Ms. d’Amiens_: Enssi demoura
là l’ivier tout chil siège. Et passa le mer et vint d’entre Calais li
comtes Derbi; et ossi la roynne d’Engleterre environ le Noel y vint; si
y fu rechupte à grande joie, ce fu bien raissons.

Et estoient conforté ossi li Englèz si grandement de le communalté de
Flandrez, car li roys englès les tenoit à amour ce qu’il pooit; et
estoit adonc en le garde de ciaux de Gand li jouènes Loeis, filz au
comte leur seigneur. De quoy li dus de Braibant li volloit dounner se
fille et proumetoit au roy de France que, se li mariage adrechoit, il
le meteroit à se entente dez Englès. Quant li roys d’Engleterre entendi
ce, il envoia grans messaiges en Flandres, le comte de Norhantonne et
autrez, qui donnèrent et presentèrent, de par le roy leur seigneur, au
pays de Flandres pluisseurs dons et presens, pour yaux oster de celle
opinion. Et proumetoient que s’il acordoit leur signeur à sa fille,
qu’il leur recouveroit sus lez Franchois Lille, Bietune et Douay et
touttez lez appendancez: li Flammencq estoient trop plus enclins sans
comparison au roy d’Engleterre que au roy de Franche. Fº 97.

--_Ms. de Rome_: Tout cel ivier, demora li rois d’Engleterre à siège
devant Calais; et estudioient ils et ses gens, conment il peuissent
avanchier lor besongne, et constraindre le plus ceuls de Calais.
Et rendoit li rois d’Engleterre grant painne pour tenir à amour la
conmunauté dou pais de Flandres, car avis li estoit que parmi euls
le plus aise il poroit venir à ses ententes. Et envoioit souvent
deviers euls grans pronmesses, et leur faisoit dire et leur disoit
aussi, qant il le venoient veoir au siège, que, se il le voloient
aidier tant que il peuist venir à son entente de la ville de Calais,
il lor recouverroit sans doubte Lille, Douai et Bietune et toutes les
apendances qui anciennement s’estoient tenues des resors de Flandres;
si ques, par tels pronmesses, li Flamenc s’esmurent en ce temps et
vinrent mettre le siège devant Bietune. Et avoient à chapitainne un
chevalier d’Artois qui se nonma messires Oudars de Renti, liquels
estoit banis de France et ne s’i osoit tenir; car se on l’i euist tenu,
on l’euist pendu: si s’en vint en Flandres. Et le requellièrent li
Flamenc et en fissent lor chapitainne, car Jaquemes d’Artevelle, ensi
que vous savés, estoit mors; et estoient li Flamenc devant Bietune bien
soissante mille.

Si estoient par dedens la ville, pour le garder et deffendre, quatre
vaillant chevalier, messires Joffrois de Cargni, messires Ustasses de
Ribeumont, mesires Jehans de Landas et messires Bauduins d’Enneqins;
et avoient bien deus cens lances desous euls, chevaliers et esquiers.
Et bien besongna à Bietune que droite gens d’armes i fuissent et
entendesissent à euls, car par trop de fois, la ville euist esté prise,
se lor bonne pourveance et diligense n’euist esté; car les Flamens i
fissent moult de grans et ºribles assaus, et i furent les Flamens onse
sepmainnes que riens n’i conquissent. Qant il veirent ce que la ville
estoit si bien gardée et deffendue, ils se tanèrent et rompirent lor
siège et retournèrent en Flandres et casquns en son lieu. Li quatre
chevaliers desus nonmé acquissent grant grasce de ce que si bien il
avoient gardé et deffendu Bietune à l’encontre des Flamens.

Moult volentiers euist veu li rois d’Engleterre que li jones Lois de
Male et hiretiers de Flandres euist pris à fenme sa fille Issabiel; et,
pour ce et pour aultres coses, tenoit il moult à amour tout le pais de
Flandres. Et tant fist et tant procura par dons, par pronmesses et par
bons moiiens, que li pais de Flandres s’i acorda entierement: dont li
rois d’Engleterre fut moult resjoïs, car il li sambloit que, parmi ce
mariage et ce moiien, il s’aideroit des Flamens plus plainnement. Et
aussi il sambloit as Flamens que, se il avoient le roi d’Engleterre et
les Englois de lor acort, il poroient bien resister as François; et
plus lor estoit necessaire et pourfitable li amour dou roi d’Engleterre
que dou roi de France. Mais lors jones sires, Lois de Male, qui avoit
esté nouris entre les roiauls de France et encores i estoit il, ne s’i
voloit point accorder; et disoit francement que jà n’aueroit à fenme la
fille de celi qui li avait mort son père.

D’autre part, li dus Jehans de Braibant, quoi que il fust cousins
germains au roi d’Engleterre, rendoit grant diligense et pourcaçoit
adonc moult fort que chils jones contes de Flandres vosist prendre par
mariage Margerite, sa fille; et li pronmetoit que, se il l’espousoit,
il le feroit joïr plainnement et pasieuvlement, fust par force ou
autrement, de la conté de Flandres. Et faisoit li dus de Braibant
entendant au roi de France que, se chils mariages se faisoit de sa
fille au jone conte de Flandres, il feroit tant que tout li Flamenc
seroient de son acord et contraire au roi d’Engleterre: de quoi, par
ces pronmesses, li rois de France s’acorda au dit mariage de Braibant.

Qant li dus de Braibant eut l’acort dou roi de France, il envoiia
tantos grans messages en Flandres deviers les plus soufissans bourgois
des bonnes villes de Flandres, et leur fist dire et remoustrer tant de
belles paroles coulourées que li consauls des bonnes villes mandèrent
le jone conte, lor signeur, et li fisent asavoir que, [se] il vosist
venir en Flandres et user par lor consel, il seroient si bon amic et
subject, et li renderoient et deliveroient toutes ses justiches et
juridicions et les droitures de Flandres, ensi ou plus avant que nuls
contes de Flandres euist onques eu. Li jones contes fu consilliés par
ceuls qui le gouvrenoient et par madame sa mère, que il venist en
Flandres et cruist ses honmes, puis que il li presentoient amour et
subjection. Et vint sus cel estat en Flandres, et i fu receus à grant
joie et ala et chevauça de bonne ville en bonne ville; et li furent
donné et presenté grans dons et biaus presens.

Si tretos que li rois d’Engleterre, qui se tenoit devant Calais, sceut
ces nouvelles, il envoia en Flandres le conte de Norhantonne, le conte
d’Arondiel et mesire Jehan Candos et mesire Renault de Gobehem, liquel
parlementèrent tant et pourcachièrent as conmunautés de Flandres que
il eurent plus chier que leurs sires presist à fenme la fille dou roi
d’Engleterre que la fille au duch de Braibant. Et en requissent et
priièrent leur jone signeur, et li remoustrèrent pluisseurs belles
raisons pour lui atraire, et tant que li bourgois qui avoient mis
avant le fait le duch de Braibant n’osoient parler ne contredire à
ceuls qui proposoient le fait le roi d’Engleterre. Mais Lois, li jones
contes, ne s’i voloit nullement acorder, et disoit que jà n’aueroit à
fenme la fille de celi qui avoit son père mort, et li deuist li rois
d’Engleterre donner la moitié de son roiaulme.

Qant li Flamenc oïrent ce et le veirent en cel estat, si furent tout
courouchié, et dissent que chils sires estoit trop François, et que jà
il ne lor feroit bien, et que trop priès il s’enclinoit as opinions de
son père, et que jà il ne creroit consel qui bien li vosist. Si le
prissent chil de Gant et le missent en prison courtoise, et bien li
disent que jamais n’en isceroit, se il ne creoit lor consel; et bien
disoient, si messires ses pères n’euist tant amet les François, et
euist ouvré par lor consel, il l’euissent fait un des grans signeurs
des crestiiens, et euist recouvré Lille, Douai et Bietune. Fºs 134 et
135.

P. 31, l. 6: Douay.--_Ms. B 6 ajoute_: et Bietune. Fº 372.

P. 31, l. 18: Ribeumont.--_Mss. A 15 à 17, 23 à 29 et B 3_: Ribemont.
Fº 159 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Ribeaumont. Fº 228 vº.

P. 32, l. 2: Ysabiel.--_Ms. B 3_: Ysabeau. Fº 142 vº.

P. 32, l. 2: espouser.--_Mss. A 18, 19_: qui avoit nom Helizabeth. Fº
165.

P. 33, l. 10: Norhantonne.--_Mss. A 15 à 17_: Northantonne. Fº
160.--_Mss. A 7 et B 4_: Norhanton. Fº 134 vº.--_Ms. B 3_: Norantonne.
Fº 143.

P. 33, l. 20: contes.--_Les mss. A 20 à 22 ajoutent_: forment
contredisoit. Fº 229.

P. 34, l. 1: des Crestiiens.--_Mss. A 20 à 22_: qu’oncques fust en
Flandres. Fº 229 vº.

P. 34, l. 2: Bietune.--_Les mss. A 20 à 22 ajoutent_: Orchies. Fº 229
vº.


§ =302=. P. 34, l. 3: Ce demora.--_Ms. de Rome_: Ce demora une espasce
de temps, et li rois d’Engleterre tint toutdis son siège devant Calais,
et tint grant court et noble le jour dou Noel. Le quaresme ensievant,
retournèrent de Gascogne li contes Derbi, li contes de Pennebruq et
li contes de Quenfort et grant fuisson de chevaliers et d’esquiers en
lor compagnie, et ancrèrent devant Calais. Si furent li rois et li
signeur et toutes gens resjoï de lor venue, et se restraindirent auquns
signeurs pour euls logier, et de tant fu li hoos renforcie.

Or retournons à la matère dont je parloie presentement dou jone
conte Lois de Flandres, que ses gens tenoient en prison courtoise.
Nonobstant ce, il ne prenoit point la prison à agreable, mais à grant
desplaisance, et point ne le pooit amender. Si estoit il soubtils et
moult imaginatis, et consideroit à le fois son estat et son afaire,
et disoit en soi meismes: «Je sui uns grans sires assés, et se n’ai
point de poissance, se mes gens ne le me donnent. Il me fault, voelle
ou non, brisier mon coer et dissimuler, car je ai bien tant de
congnissance que mon peuple m’ainme et amera, se je les sçai tenir, et
me acompliront toutes mes volentés. Encores vault il trop mieuls que je
me brise et dissimule un temps que je soie ichi tenus en prison, quoi
que je m’encline assés plus à la fille de Braibant que d’Engleterre;
car par Braibant, ou temps à venir, pueent avenir très grandes aliances
à Flandres. Et se je avoie fait ce mariage en Braibant, oultre la
volenté de auquns de mes hommes, qui me remoustrent que li mariages
en Engleterre m’est plus pourfitables et necessaires que il ne soit
en Braibant, et je fuisse en Braibant ou en la conté de Nevers et de
Retels, et li rois d’Engleterre fust retournés en son pais, li doi
pais, Flandres et Braibant, se racorderoient ensamble, et li rois
d’Engleterre marieroit sa fille ailleurs, et je retourneroie en paix
entre mes gens; si ques je me laisserai consillier et leur dirai par
couvreture que je les voel croire et entendre à lors volentés.»

Et trouva li jones contes celle cautelle, et manda cheuls qui la plus
grande domination avoient sur li, tant que de sa garde, et par lesquels
on usoit le plus en Flandres, et leur dist: «Je qui sui vostres sires,
vous me tenés en dangier, lequel je n’ai point apris, car à painnes
puis je aler pissier que trois ou quatre gardes ne soient sur mi. Je
considère mon estat et l’ai consideré à grant loisir, ce temps que je
ai chi sejourné. Dur me seroit d’estriver contre l’agillon. Il m’est
avis que vous m’amés et amés l’onnour de mon pais de Flandres, qui me
volés marier à la fille le roi d’Engleterre. Je voel bien proceder
avant en ce mariage, mais que sainte Eglise s’i asente.»

Qant ses gens l’oïrent parler sus celle fourme, laquelle il desiroient
à oïr, si furent resjoï, et le missent tantos hors de prison, et li
acordèrent une partie de ses deduis, tant que d’aler des oissiaus en
rivière. A ce estoit il moult enclins, mais il i avoit toutdis sur
li bonnes gardes, à la fin que il ne lor escapast ou fust emblés; et
l’avoient les gardes empris à garder sus l’abandon de lors testes. Si
en estoient tant plus songneus, et si estoient les gardes dou tout de
la favour le roi d’Engleterre, et le gettoient si priès que à painnes
pooit il aler pissier.

On segnefia au roi d’Engleterre cel estat, et que li jones contes de
Flandres estoit hors de prison et en volenté de prendre sa fille par
mariage. De ces nouvelles fu li dis rois tous resjoïs, et renvoia en
Flandres l’evesque de Harfort, le conte de Norhantonne et messire Jehan
de Biaucamp. Et vinrent à Bruges en grant estat, et furent liement
receu des signeurs de la ville; et de là il cevauchièrent à Gant,
auquns bourgois de Bruges des plus notables en lor compagnie. Chil qui
gouvrenoient pour ce temps le jone conte de Flandres et la ville de
Gant, requellièrent toute celle compagnie liement; et i furent fais et
moustrès grans aprocemens d’amour.

La conclusion fu telle que li contes fu tellement menés de paroles,
tant de ses gens que de ces signeurs d’Engletere, que il s’acorda à ce
et dist de bonne volenté, par samblant, que volentiers il procederoit
avant ou mariage, mais que sainte Eglise s’i asentesist, car il
estoient moult proçain de linage. Les Englès se fissent fort et se
cargièrent de cela, et dissent que jà pour la dispensation, li mariages
ne se laisserait à faire; et retournèrent, qant il orent esté bien
festoiiet, arrière devant Calais, et recordèrent tout ce que il avoient
trouvé, oï et veu en Flandres au roi et à son consel: desquèles coses
li rois se contenta grandement, et moult amoit cheuls de Flandres, et
disoit que il estoient bien si ami. Ceste cose se proceda et aproça
sus les couvenances que Lois, li jones contes de Flandres, avoit eu
as ambassadours de par le roi d’Engleterre, et à ses gens, aussi en
la ville de Gant. Et furent escript et segnefiiet li rois et la roine
d’Engleterre notorement par tous les consauls des bonnes villes de
Flandres et dou tieroit dou Franc, escript et seelet conjointement
ensamble, que il vosissent estre et leur fille en la ville de Berghes,
entre Saint Omer et Bourbourch, et que là il seroient à l’encontre de
li, et aueroient leur signeur tel que li mariages se concluroit là.

Vous devés sçavoir que li rois et la roine d’Engleterre furent
grandement resjoï. Et ne fu riens espargniet pour estas tenir à celle
journée. Et vinrent au Noef Port les Flamens, et encores plus priès en
une aultre bonne ville priès des dunes, que on dist Vorne. Tous li pais
de là environ fu raemplis des bonnes gens sus la poissance de Flandres,
tant de par le roi d’Engleterre comme de par le pais de Flandres. Et
vinrent li plus notable homme et li plus autentiqe des bonnes villes de
Flandres, en grant estat et poissant, en la ditte ville de Berghes, et
i amenèrent lor signeur le jone conte, qui par samblant faisoit très
bonne chière; et qant il fu parvenus jusques au roi d’Engleterre, il
s’enclina tous bas, et aussi fist il à la roine. Li rois d’Engleterre
prist le jone conte par la main destre moult doucement, et le leva sus
et puis le conjoï et requelli de paroles, et s’escusa moult humlement
de la mort de son père. Et dist, se Dieux le peuist aidier, que ºnques
tout le jour de la bataille de Creci il ne le vei ne oy parler, et que,
se il l’euist veu, il l’euist pris sus; mais tels cas sont aventures de
batailles: «Tous les fault, biaus fils, passer et ºublier.» Li jones
contes, par samblant, se tint de ces escussances assés à contens.

Et puis fu parlé dou mariage; et là ot certains tretiés aleghiés et
proposés. Et là fu empris li mariages dou jone conte Lois de Male,
conte de Flandres, et de madamoiselle Isabiel d’Engleterre. Et jurèrent
les parties à proceder avant et sus grans misses de repentises.
Et à ce se obligièrent les bonnes villes de Flandres et li rois
d’Engleterre pour sa fille, mais il couvenoit envoiier en Avignon pour
la dispensation. De ce se cargoient par acord li rois d’Engleterre et
les bonnes [villes] de Flandres. Et fu la journée de espouser relaxsée
jusques à une autre fois, et là en dedens la dispensation seroit
aceptée et impetrée. Et se departirent de Berghes toutes gens, et
retournèrent li rois d’Engleterre et la roine au siège devant Calais,
et enmenèrent lor fille, et li Flamenc, lor signeur en Flandres.

De toutes ces avenues estoient trop bien enfourmé li rois de France et
ses consauls et n’en savoient que imaginer, fors tant que il esperoient
bien que li contes de Flandres, com jones que il fust, avoit sens
et soutilleté assés, pour li delivrer de ces dangiers, et tout par
couvreture et par li sçavoir dissimuler.

Qant li contes fu retournés en Flandres, et ses gens veirent que il
voloit ouvrer par lor consel....[298], et li furent mis au large tous
ses deduis et esbatemens, et n’avoit mès sus lui si fort regard que
il i avoit eu, pour tant que il avoit juret et fianchiet la fille au
roi d’Engleterre, et de espouser au jour qui ordonnés i estoit, mais
toutdis reservoit il et avoit reservé la dispensation dou pape.

      [298] Lacune.

Li rois d’Engleterre et la roine, quoi que il fuissent à siège devant
Calais, se apparilloient de grant poissance, et metoient ºuvriers en
oevre; et n’i avoit riens espargniet de cambres, d’abis, de rices
jeuiauls, pour donner au jour des espousailles. Et aussi tout signeur
et toutes dames, qui là estoient au siège, s’en efforçoient pour estre
en ces jours en grant estat et estofé oultre mesure.

Li jones contes de Flandres, liquels estoit revenus en pais entre
ses gens, ensi que vous savés, aloit tous les jours en rivière et
moustroit par samblant que chils mariages à Isabiel d’Engleterre li
plaisoit très grandement bien. Et s’en tenoient li Flamenc, ensi que
pour tout, aseguré; et n’i avoit mès sus li si grant regard comme en
devant. Qant chils contes vei que la journée aproçoit que il devoit
retourner à Berghes et pour espouser la fille d’Engleterre, laquelle
cose il ne voloit nullement faire, quoique juré et promis l’euist par
foi fianchie, il se apensa que il meteroit tout pour tout.

Et avint que un jour il estoit alés rivoiier, et jetta son fauconnier
un faucon apriès le hairon, et li contes aussi un. Et se missent
chil doi faucon en cange, et li contes apriès en quoitant son ceval
et moustrans que il le vosist ravoir; et disoit en cevauçant: «Hoie!
hoie!» Et qant il fu eslongiés et que il ot l’avantage des camps, il
feri cheval des esporons et cevauça toutdis avant, sans retourner, par
telle manière que ses gardes le perdirent. Point ne sçai se de ce fait
il furent coupable, mais il en fissent moult l’esfraé et le courouchié;
et n’osèrent retourner en Flandres, tant que les coses furent remises
en aultre estat. Li jones contes de Flandres, qant il se fu ensi
emblés, s’en vint à Saint Venant et trouva le signeur qui li fist très
bonne chière; car il avoit esté son mestre et l’avoit plus introduit
ens ès oissiaus que nuls aultres. Et fu li sires de Saint Venant moult
resjoïs de ce que il estoit ensi issus des dangiers le roi d’Engleterre
et des Flamens, et l’amena bien acompagniés à Pieronne en Vermendois
deviers le roi de France qui là se tenoit.

Qant li rois Phelippes vei son cousin, le conte de Flandres, et il
l’ot oy parler conment il avoit lobé les Englois et les Flamens, et
issus de lors dangiers par grande soutilleté, si en fu moult resjoïs
et dist: «Biaus cousins, vous estes li bien venus: vous avés trop bien
esploitié. Laissiés ces Englois et nostre adversaire marier sa fille
ailleurs. Vous n’en avés que faire. Je vous marierai en Braibant. Ce
mariage là vous sera mieuls à la main et plus propisces et pour vostre
pais aussi, que ne seroit chils d’Engleterre.» Li jones contes de
Flandres acorda au roi toute sa parole et li dist: «Monsigneur, pour
tant que je m’encline plus au mariage de la fille au duch de Braibant
que à ceste d’Engleterre, ai je fait ce que je ai fait, et me sui
departis de mon pais et de mes gens sans congiet. Je ne sai mais qant
je i retournerai.» Respondi li rois: «Vous avés très bien fait, et
vous en sçai bon gré, et aussi doient faire tout chil qui vous ainment
et vostre honnour.»

Ensi demora li jones contes de Flandres un grant temps dalés le roi de
France, et ne levoit nulles rentes ne revenues dou pais de Flandres.
Et se tenoient li Flamench à deceu de ce que il ne l’avoient mieuls
gardé. Et afin que li rois d’Engleterre ne se merancoliast sus euls,
car trop le doubtoient à courouchier, les consauls des bonnes viles
de Flandres, liquel avoient esté as couvenances prendre et jurer dou
mariage de lor signeur et de la fille le roi d’Engleterre, s’en vinrent
devant Calais euls esquser au roi desus nonmé; et moustrèrent de fait,
de parole et de samblant, que il estoient moult courouchié de ce que
lors sires defalloit ensi sur ce qu’il avoit couvenenchié et juré. Li
rois d’Engleterre, qui voloit tenir à amour les Flamens, car à venir à
son entente de Calais il le pooient trop grandement valoir, tint lors
escusances à bonnes; et dist bien que de tout ce que li contes avoit
fait, et de sa foi que il avoit mentie à tout le mains il estoit en
procès dou mentir, il tenoit bien le pais de Flandres pour esqusé.
De ceste response remerciièrent li Flamenc le roi d’Engleterre, et
se offrirent à estre apparilliet au roi, et de venir devant Calais,
trois jours apriès ce que il en seroient requis et semons. Li rois
d’Engleterre ne renonça pas à ces offres, mais les tint à très bonnes
et les en remercia. Chil Flamenc prissent congiet au roi, et puis il
s’en retournèrent en Flandres, et li rois demora devant Calais.

Vous devés savoir que li dus de Braibant, qui tendoit et avoit tendu
un lonc temps à marier sa fille Margerite au jone conte de Flandres,
fu trop grandement resjoïs, jà fust il cousins germains au roi
d’Engleterre, qant il sceut la verité conment li contes de Flandres
avoit tronpé le roi d’Engleterre et les Flamens, et avoit brisiet
le mariage de la fille d’Engleterre, et n’avoit nulle affection de
le prendre, mais pour l’eslongier, en estoit volés en France et se
tenoit dalés le roi de France et madame sa mère qui trop fort haioit
les Englois, et li disoit moult souvent: «Lois, se vous euissiés
procedé avant ou mariage d’Engleterre et pris la fille de celi qui
vous a vostre père mort, je fuisse très tos morte d’anoi, ne jamais
en ce monde de vous n’euissiés eu honnour.»--«Madame, respondoit li
contes, jamais je ne m’i fuisse acordés; et ce qui en a esté fait à
la promotion de mes gens, ç’a esté par force et par constrainte. Si
me couvenoit trouver voie et cautelle, conment je me peuisse de euls
delivrer. Or l’ai fait, et pour perdre rentes et revenues en Flandres,
jamais en ce dangier je ne me meterai.»

Ensi apaisoit li jones contes de Flandres sa dame de mère. Et li dus
de Braibant, qui tiroit à venir à son entente, procuroit trop fort par
tous les bons moiiens que il pooit avoir deviers le roi de France,
que sa fille Margerite peuist venir par mariage au conte de Flandres;
et lui prometoit, là où li mariages se feroit, que il romperoit et
briseroit le pourpos des Alemans, que jamais n’en seroit grevés ne
guerriiés, et aideroit mesire Carle de Boesme, roi d’Alemagne, à
parvenir à la perfection de l’Empire. Li rois de France recevoit
toutes ces paroles en bien, et rescripsoit doucement deviers le duch
de Braibant, et li donnoit à entendre que li jones contes de Flandres
prenderoit sa fille. Fºs 135 et 136.

P. 34, l. 27: gardes.--_Ms. B 6_: mais il (les Flamands) envoieroient
toudis trente de leurs hommes bourgois qui sy près le gaiteroient que à
paine poroit il aller pisser; et n’avoit de son consail privet que deus
chevaliers: encores estoient il Flamens. Fº 376.

P. 34, l. 31 et P. 35, l. 1 et 2: Ceste... en couvent.--_Mss. A 1 à 7,
11 à 14, 18 à 33_: Ceste chose se proceda et dura tant que le jeune
conte ot en convenant. Fº 164.

P. 35, l. 20: conjoy.--_Ms. B 3_: froissoit. Fº 143 vº.

P. 36, l. 22 et 23: quel samblant... dedentrainnement.--_Mss. A 1 à 6,
11 à 14, 15 à 17_: quelque samblant qu’il monstrat au dehors, il avoit
dedens. Fº 162 vº.--_Mss. A 8 à 10_: quel semblant qu’il monstroit au
dehors, il avoit dedens.--_Mss. A 23 à 29_: quelque semblant qu’il
monstrast forainnement, il avoit dedens. Fº 178 vº.--_Mss. A 30 à
33_: quelque semblant qu’il monstrast au dehors, il avoit ens. Fº 195
vº.--_Mss. A 18, 19_: quelque semblant qu’il moustrast deforainement,
il avoit interainement. Fº 166 vº.--_Ms. B 3_: quelque semblant qu’il
monstrast dehors, il avoit en son courage toujours les François. Fº 144.

P. 36, l. 25: en rivière.--_Mss. A 23 à 29_: sur l’eaue. Fº 230 vº.

P. 36, l. 25: en.--_Mss. A 30 à 33, B 3_: sur la. Fº 195 vº.

P. 36, l. 29: cil doy faucon.--_Ms. B 6_: l’un de ses faucons ala
chargier au cange, et ses fauconniers après pour le loirer. Fºs 377 et
378.

P. 36, l. 29: en cange.--_Mss. A 1 à 33_: en chace. Fº 162 vº.--_Ms. B
3_: en champs. Fº 144.

P. 36, l. 30: les lorier.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14_: le loirier. _--Mss.
A 8 à 10_: les loirrer. Fº 144 vº.--_Mss. A 15 à 17_: les loirer. Fº
161.--_Mss. A 18, 19_: le loirier. Fº 166 vº.--_Mss. A 20 à 22_: le
loirer. Fº 230 vº.--_Mss. A 23 à 29_: le lorier. Fº 178 vº.--_Mss. A 30
à 33_: les suir. Fº 195 vº.--_Ms. B 3_: les leurrer. Fº 144.--_Ms. B
4_: le loyrier. Fº 135 vº.

P. 37, l. 11: deceus.--_Ms. B 6_: Mais pour ce ne demora mie que les
Flamens ne confortaissent toudis les Englès, et vidèrent pluiseurs fois
hors et furent devant Aire et devant Saint Omer; et ardirent tout le
pais d’environ et le bonne chité de Terouane, et toudis en confortant
les Englès. Fº 378.


§ =303=. P. 37, l. 17: En ce temps.--_Ms. de Rome_: Ensi demorèrent les
coses en cel estat un lonch temps, et li sièges se tenoit devant Calais.

En ce temps estoit nouvellement revenus dou voiage dou Saint Sepulcre
et dou mont de Signaï et de Sainte Kateline, chils gentils chevaliers,
messires Robers de Namur; et l’avoit fait chevalier au Saint Sepulcre
li sires de Spontin.

Qant messires Robers de Namur fu retournés de ce voiage en la conté de
Namur, il entendi que li rois d’Engleterre seoit devant Calais; si se
ordonna à là venir et i vint moult estofeement, et se mist au serviche
dou roi d’Engleterre. Et le retint li rois parmi deus cens livres à
l’estrelin que il li donna de revenue par an; et en fu bien paiiés,
tant que il vesqi. Fº 137.

P. 37, l. 22: affectuel.--_Mss. A 1 à 33_: affetiez.--_Ms. B 4_:
affeitié. Fº 135 vº.

P. 37, l. 28: Robers de Namur.--_Ms. B 6_: filz jadis au conte Jehan de
Namur. Fº 378.

P. 37, l. 30: jones.--_Ms. B 6_: ossy il n’avoit encores esté mandés
ne prié du roy Phelippe: sy povoit bien par honneur traire devers
lequel roy que mieulx luy plaisoit, car il ne tenoit riens de l’un ne
de l’autre; et toutes fois il estoit plus enclin au roy d’Engleterre
que au roy de France. Sy se party le conte de Namur en bon arroy,
ensy que toudis a fait honnorablement par le pais et par le monde, et
passa parmy Flandres, et esploita tant qu’il vint devant Calais. Sy
ala devers messire Gautier de Mauny, hainuier, lequel l’acointa du
conte Derby et de messire Henry de Lenclastre. Et cheulx le menèrent
devers le roy et la royne, quy furent moult resjoïs de sa venue et le
rechurent liement. Et messire Robert de Namur estoit grandement en la
grace du roy et de la royne pour le cause de son oncle, messire Robert
d’Artois, de qui il portoit tel nom. Si le retint le roy d’Engleterre
et luy donna par an trois cens livres à l’estrelin, qui vallent dix
huit cens frans de Franche; et luy donna par telle condision que on
luy pairoit, tant que il vivroit, la dite revenue prendre aulx canges
à Bruges. Adonc fist hommaige le dit conte au roy d’Engleterre et le
baisa en la bouche, et demoura devant Calais tant que la ville fut
rendue. Après la ville rendue, il s’en ala en Engleterre avecques le
roy et la royne juer et esbatre et veoir le pais, et ºssy pour aprendre
à congnoistre les seigneurs et les dames du royalme d’Engleterre, dont
il desiroit moult de avoir l’acointanche. Fºs 379 vº et 380.

P. 37, l. 31: priiés.--_Ms. B 4_: près. Fº 135 vº.

P. 38, l. 18: trois cens.--_Mss. A 20 à 22_: cinq cens. Fº 231.


§ =304=. P. 38, l. 23: Je me sui.--_Ms. d’Amiens_: Le siège estant
devant Callais, toudis guerioient en Bretaingne enssamble messires
Carles de Blois et la comtesse de Montfort. Li roys de France
confortoit monseigneur Carle, son nepveu, et la ditte comtesse
confortoit li roys d’Engleterre.

Or estoient en Bretaingne venu, de par le dit roy d’Engleterre,
doy moult vaillant chevalier avoec une cuantité de gens d’armes et
d’archiers, dont on noummoit l’un messire Thummas d’Angourne, [et
l’autre] monseigneur Jehan de Hartecelle; si se tenoient en le ville
de Hainbon. Avoecq eulx avoit un autre chevalier, breton bretonnant,
qui s’apelloit messires Tangis dou Castiel. Si assamblèrent chil troy
chevalier dessus noummet un jour ce qu’il peurent avoir de gens, en
instance que pour aller assegier une ville et un castiel qui s’apelle
le Roce Deurient: si en estoit cappitainne Tassars de Ghinnes, ungs
moult appers escuierz.

Quant li Englès et li Breton furent là venu par devant, il assegièrent
le Roce Deurient tout environ, et le assaillirent fortement. Or y eut
tant de meschief que cil de le ville estoient mieux de l’acort la
comtesse de Montfort que de monsigneur Carle. Si se tournèrent deviers
la comtesse et li escuiers ossi, et demoura cappittainne.

Quant messire Carle de Blois le seut, si en fu mout couroucchiés, et
manda partout gens où il les peut avoir, et par especial grant fuisson
de chevalerie en Bretaingne et en Normendie. Si vint à seize cens
armurez de fier et quatre cens chevaliers et bien douze mil hommez de
piet mettre le siège devant le Roce Deurient, et coummenchièrent le
ville à assaillir fortement et le astrainssent grandement.

Ces nouvellez vinrent à la comtesse et as chevaliers englès et bretons
comment on avoit le Roce Deurient assis. Si se pourvei tantost la dite
contesse et manda gens partout où elle les peut avoir, et eult bien
mil armurez de fier et quinze mil hommez de piet. Si s’esmurent ces
gens d’armes et aprochièrent les Franchois. Quant il furent à deux
lieuwes priès de l’host monsigneur Carle, il se logièrent sus une
rivierre celle nuit, à l’entente que de combattre à lendemain. Et quant
il furent logiet et mis à repos, monsigneur Thummas d’Anghourne et
messires Jehans de Hartecelle prissent le moitiet de leurs gens et les
fissent armer et monter à cheval, et s’en allèrent devant mienuit ferir
en l’ost monseigneur Carle à l’un des costéz, et y fissent moult grant
dammaige.

Adonc s’estourmy li hos, et furent tantost tout armé. Li Englès et li
Breton arestèrent si longement qu’il ne se peurent retraire, et furent
enclos et combatu dez gens monsigneur Carle, et tellement combatu que
mort et pris le plus grant partie. Et y fu pris et navrés durement
messires Thumas d’Anghourne; et messires Jehans de Hartecelle se
retraist au mieux qu’il peut et revint si comme tous desconfis à leur
host, et leur conta se aventure. Fº 97 vº.

--_Ms. de Rome_: Je me sui longement tenus à parler des gerres de
Bretagne et de mesire Carle de Blois et de la contesse de Montfort.
La cause pourquoi je m’en sui souffers, ça esté pour les trieuves qui
furent prisses devant la chité de Vennes, lesquelles furent moult bien
tenues et gardées. Et joïrent assés pasieuvlement toutes les parties,
casquns et casqune, de ce que sien estoit et que en devant il tenoit.
Et sitos que elles furent passées, il conmenchièrent à guerriier
fortement, li rois de France à conforter mesire Carle de Blois son
neveu, et li rois d’Engleterre, la contesse de Montfort, ensi que
proumis et couvenenchiet li avoit.

Et estoient venu en Bretagne, de par le roi d’Engleterre, doi moult
vaillant chevalier, et departi dou siège de Calais, à tout deus cens
hommes d’armes et quatre cens archiers. Les noms des chevaliers furent
tel: mesire Thomas d’Agourne et mesire Jehan de Hartecelle; et se
tenoient dalés la ditte contesse en la ville de Hainbon. Avoecques euls
avoit un chevalier breton bretonnant, moult vaillant honme, qui se
nonmoit mesires Tangis dou Chastiel. Et faisoient souvent ces Englois
et ces Bretons des issues et cevauchies contre les gens mesire Carle de
Blois et sus le pais qui se tenoit de sa partie, et les gens à mesire
Carle aussi sus euls. Une heure perdoient les uns, et une autre fois
gaegnioient.

Et avint un jour que chil troi chevalier desus nonmet avoient mis
ensamble grant fuisson de gens d’armes et de saudoiiers à piet, et
alèrent mettre le siège devant une ville que on dist la Roce Deurient,
qui se tenoit de messire Carle de Blois, et par pluisseurs fois i
fissent livrer des assaus. Chil qui dedens estoient, se deffendoient
vaillanment, tant que riens n’i perdoient. Et estoit chapitainne, de
par le dit mesire Carle, de la ditte garnison, uns esquiers de Piqardie
qui se nonmoit Tassars de Ghines, appert homme d’armes durement. Or i
ot un grant meschief, car li homme de la ville, les trois pars estoient
plus pour la contesse de Montfort que pour messire Carle. Et prissent
chil homme lor chapitainne, et qant il en furent saisi, il dissent que
il l’ociroient, se il ne se tournoit à lor opinion. Tassars, qui se
vei en dur parti, pour eslongier la mort, leur dist que il feroit tout
ce que il vodroient. Sus cel estat, il le laissièrent aler, et leur
souffi ceste parole; et conmencièrent à tretiier deviers ces chevaliers
d’Engleterre. Trettiés se porta que tout se tournèrent de la partie la
contesse de Montfort, et demora li dis Tassars de Ghines, capitains de
la Roce Deurient, comme en devant. Ce fait, li sièges des Englois se
deffist, et retournèrent li chevalier deviers la contesse de Montfort
à Hainbon, qui toute resjoïe fu de ce que ses gens avoient si bien
esploitié.

Les nouvelles vinrent à messire Carle de Blois, qui se tenoit en la
chité de Nantes, que la ville de la Roce Deurient estoit tournée
englesce, et la manière conment Tassars de Ghines avoit esté menés
et pris de fait et de force; et vosist ou non, aultrement il euist
esté mors, il li couvint faire ce marchié. Qant mesires Carles
entendi ces paroles, si fu durement courouchiés et dist et jura que
jamais n’entenderoit à aultre cose, quoique couster li deuist, si
aueroit repris la Roce Deurient et castoiiet cheuls qui ces trettiés
avoient fais, et pris si crueuse venganche que tout li aultre s’i
exemplieroient. Et fist tantos un très grant mandement partout, et
s’estendirent ses priières jusques en Normendie. Et fist son amas de
gens d’armes en la chité de Nantes et là environ; et furent bien seise
cens hommes d’armes, dont il estoient quatre cens chevaliers et plus,
et environ douze mille hommes de piet parmi les arbalestriers. Entre
ces quatre cens chevaliers avoit vingt trois banerès.

Si departi li dis messires Carles en grant arroi de la chité de Nantes,
et tout chil signeur et ces gens en sa compagnie; et esploitièrent
tant que il vinrent devant la Roce Deurient, et bastirent là le siège
grant et fort. Et fissent li signeur drechier grans enghiens devant,
qui jettoient nuit et jour: dont chil de dedens furent tout esbahi et
considerèrent l’afaire, et de ceuls qui asegiés les avoient et lor
poissanche; et congneurent bien que durer ne poroient longement, se
il n’estoient conforté. Si segnefiièrent lor estat à la contesse de
Montfort et as chevaliers d’Engleterre et de Bretagne, qui en Hainbon
se tenoient, et leur mandoient que il fuisent aidié, ensi que en
couvenant, quant il se tournèrent, lor avoient.

La dite contesse et li troi chevalier desus nonmé, qant il entendirent
ce, jamais pour leur honnour ne l’euissent laissiet. Et envoia partout
la contesse ses lettres et ses messages, là où elle pensoit à avoir
gens, ses soubjès commandoit et ses amis prioit; et fist tant que
elle ot en petit de temps mille armeures de fier, tous bien armés et
montés à cheval, et huit mille hommes de piet. Qant il furent tout
venu, la contesse les reconmenda et mist en la garde et conduit des
trois chevaliers desus nonmés, qui volentiers en prisent la carge et
le faix. Et se departirent sus celle entente que pour lever le siège
des François qui seoient devant la Roce Deurien; et esploitièrent tant
que il tinrent à deus petites lieues priès de la Roce Deurient, et se
logièrent sus une petite rivière. Et riens ne savoit mesires Carles de
Blois de lor couvenant.

Qant messires Thomas d’Angourne, messires Jehans de Hartecelle et
messires Tangis dou Chastiel et tout li chevalier et esquier de lor
route, qui là estoient assamblé, furent parvenu à deus lieues priès
de l’oost des François, ils se logièrent au lonch de cette rivière,
sus l’entente que pour demorer là toute la nuit et à l’endemain
aler combatre lors ennemis. Qant il orent soupé assés legierement,
il considerèrent lor fait et emprise, et dissent entre euls li troi
chevalier: «Nous ferons armer une partie de nostres gens et monter as
chevaus, et nous en irons veoir l’oost des François droit sus le point
de mie nuit; et enterons en euls et lor porterons par ce fait très
grant damage, et porons mieuls pourfiter par celle manière que demain
dou jour venir sus euls en bataille, car il sont grant gent et de
nobles et rices signeurs grant fuisson. Si poroit bien avoir demain si
grant sens entre euls et si bonne ordenance que nous n’i ferions riens.»

Chils consauls fu tenus, et ordonné tout chil qui se departiroient et
chil qui demorroient. Et s’armèrent et montèrent as chevaus ou conduit
des trois chevaliers desus nonmés et cevaucièrent tout quoiement; et
droit à l’eure de mie nuit, il se boutèrent en l’oost de mesire Carle
de Blois à l’un des costés, et i fissent de premières venues grant
damage, et ocirent, mehagnièrent et abatirent biaucop de gens. Li hoos
se conmença à estourmir; et se courirent armer tout chil qui le plus
apparilliet estoient, et à venir à force sus ces Englois et Bretons:
liquel se quidièrent partir, qant il veirent l’oost toute estourmie
et retraire arrière, mais il ne porent; car il furent enclos de trois
costés et combatu et rebouté durement et asprement, et ne porent porter
ne soustenir, tant que pour celle heure, le fait des François. Et y fu
pris et moult dolereusement navrés mesires Thomas d’Angourne, et se
sauva, au mieuls que il pot, messires Jehans de Hartecelle, et aussi
fist messires Tangis dou Chastiel, et se departirent de la bataille;
mais il i laissièrent une partie de lors gens mors et pris. Fº 137.

P. 39, l. 6 et 7: quatre cens.--_Mss. A 8 à 10_: trois cens. Fº 145.

P. 39, l. 7 et 8: d’Augourne.--_Mss. A 20 à 22_: de Gorni. Fº 221 vº.

P. 39, l. 8: Hartecelle.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22_: Artevelle.
Fº 163.--_Mss. A 15 à 17_: Harcelée. Fº 161 vº.--_Mss. A 18, 19_:
Hartavelle. Fº 167.--_Mss. A 20 à 33_: Hartevelle. Fº 179.--_Ms. B 3_:
Artecelle. Fº 144 vº.

P. 39, l. 12: Tanguis.--_Mss. A 11 à 14, 18, 19_: Tanneguy. Fº 154.

P. 39, l. 24: le Roce Deurient.--_Mss. A 1 à 6, 15 à 17_: la Roche
Derien. Fº 163.--_Ms. A 7_: la Roche Derian. Fº 154 vº.--_Mss. A 11
à 14, 23 à 33_: la Roche Darien. Fº 154.--_Mss. A 18 à 22_: la Roche
Darian.--_Ms. B 3_: Rochebriant. Fº 144 vº.

P. 40, l. 18: seize cens.--_Mss. A 15 à 17_: dix huit cens. Fº 162.

P. 40, l. 19: douze mil.--_Mss. A 11 à 14, 18 à 22_: deux mil. Fº 154.

P. 40, l. 20: chevaliers.--_Mss. A 1 à 6_: archers. Fº 163 vº.

P. 41, l. 4: mil.--_Ms. B 6_: lanches et quinze mille hommes à piet et
quinze cens archiés. Fº 383.

P. 41, l. 4: armeures de fier.--_Mss. B 3, 4_: hommes d’armes. Fº 144
vº.

P. 41, l. 4 et 5: huit mil.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22_: huit
cens. Fº 163 vº.

P. 41, l. 25: à l’un des costés.--_Ms. A 29_: Et prindrent à coupper
cordes et abbatre trefs, tentes et pavillons et à occir et mehaingnier
gens en grand nombre; et tellement se contindrent et si longuement en
ce faisant, que l’ost des François et Bretons fust de toutes parts
estourmi et mis en armes, grands et petits. Et lors chascun se retrait
dessous son enseigne, par ainsi la meslée ne se povoit d’illecq partir
sans battaille. Là furent iceulx Angloys assez tost enclos et combattus
moult asprement par les Françoys et Bretons, dont ils ne purent
soutenir le fais pour la grant multitude qui les environnoit. Et là
fut prins, très douloureusement navré, monseigneur Thomas d’Agorne;
et se sauva le mieux qu’il peut le dit monseigneur Jehan d’Artecelle
et une partie de ses gens. Mais la greigneur partie y demoura morts
ou prins. Et retourna monseigneur Jehan avecques ceux qui eschapper
povoyent; si raconta à monseigneur Tanegui du Chastel et aux autres son
aventure, dont tous furent moult dolens. Lors ils eurent conseil qu’ils
retourneroyent devers Haimbont.

P. 41, l. 31 et p. 42, l. 1: d’Agourne.--_Ms. B 3 ajoute_: luy
vingtième de bons compaignons. Fº 384.


§ =305=. P. 42, l. 11: A celle.--_Ms. d’Amiens_: A celle heure
estoit là descendus, à tout cent armurez de fier, ungs mout vaillans
chevaliers englès qui dist, se il en estoit creus, il cevauceroit
deviers les ennemis et rescouroit ses compaignons, ºu il parperderoit
tout; il en fu creus: il prist le demourant de l’ost et se parti à
celle heure, et vint ferir en l’ost messire Carle, environ soleil
levant.

Li Franchois, qui cuidoient avoir tout desconfi, dormoient en leurs
logeis et estoient tout desarmé; si furent tout esbahi, quant il oïrent
criier: «A l’arme!» Nonpourquant il s’armèrent dou plus tost qu’il
peurent; mais ainschois qu’il fuissent tout recueilliet, li Breton
et li Englès leur portèrent tel dammaige, qu’il rescoussent leur
compaignons et desconfirent monseigneur Carle de Blois, et y fu pris.
Et mors que pris y eut ce jour plus de deux cens chevaliers, dont il en
y avoit vingt trois à bannierre; et y eut bien mors troi mil hommez,
et li demourans s’enfuirent, et gaegnièrent tentes et trés et tout ce
qu’il avoient là amenet et achariiet. Si retournèrent li Englès à tout
leur concquès à Hainbon deviers la contesse, qui leur fist grant feste.
Si fu li dis messire Carlez envoiiés en Engleterre. Fº 97 vº.

--_Ms. de Rome_: Et retournèrent chil doi chevalier sus lors logeis,
ensi que tous desconfis, et furent sus un estat que de tantos departir
de là et retourner arrière, qant evous descendu et venu entre euls un
vaillant cavalier breton bretonnant, qui se nonmoit messires Garniers
de Quadugal, et amenoit en sa compagnie cent lances de bonnes gens,
tous à election. Si tretos que il fu venus, li compagnon en orent grant
joie; mais non obstant sa venue, encores se voloient ils departir de la
place, et ne se tenoient pas bien aseguret.

Qant messires Garniers de Quadugal les vei en cel effroi, si leur
demanda que il lor falloit. Li doi chevalier, qui retourné estoient
de la besongne, li recordèrent sus briefs paroles com il avoient
cevauchiet devant la Roce Dorient et conment il avoient esté ruet jus,
et estoit demorés prisonniers mesires Thomas d’Agourne et encores
pluisseurs autres chevaliers et esquiers: «Et ne veons point de
rescouse en cela, et pour ce, nous volons nous retraire et retourner en
Hainbon. Se nous perdons la Roce Deurient pour celle fois, une aultre
fois venra que nous le recouverons. Il n’a pas deus mois que nous le
conquesimes. Une fois desous et l’autre desus, ce sont li estat de
gerre.»

Qant messires Garniers les ot oï parler, il fu moult esmervilliés et
considera en se moi meismes tout lor estat et ces paroles, et pensa sus
un petit; et puis, ensi comme inspirés de grant proèce, dist: «Biau
signeur et mi compagnon, metés aultre arroi et ºrdenance en vous,
et me creés de ce que je vous dirai, et grans biens vous en venra.
Nous ferons armer et monter à cheval tous ceuls qui chevaus ont; et
cheuls de piet nous les ferons sievir. Vous dites que il n’i a que
deus petites lieues de chi en l’oost des François. Nous les courrons
sus de grande volenté; il quident avoir tout achievé, et se tient tous
asegurés, ou il dorment et se reposent ou il menguent et boivent: il
sont si raempli de glore, pour tant que il vous ont ruet jus, que il ne
font point de gait, et sont, par le parti que je vous di, moult legier
à desconfire et à ruer jus.»

Qant li doi chevalier oïrent parler messire Garnier, tantos il
s’acordèrent à son pourpos. Et fu conmandé à tout homme que il fust
armés et apparilliés, et que on sievist les trois pennons des trois
chevaliers, quelle part que il vosissent aler. Tout se armèrent à
cheval et à piet, et se missent au cemin, en grant volenté de lors
corps aventurer, et messires Garniers et messires Jehans de Hartecelle
tout devant; et messires Tangis conduissoit ceuls de piet et les
hastoit ce que il pooit.

Tant ceminèrent que, droit sus le point dou jour, il entrèrent ens
ès logeis de messire Carle de Blois et trouvèrent que il i faisoit
aussi quoit que tout fuissent endormi, et aussi estoient il le plus
et sans gait; car, ensi que dit avoit messires Garniers, il estoient
si resjoï de l’aventure que il avoient eu, et de ce que il avoient
ruet jus, ce lor sambloit, lors enemis, et retenu lor capitainne,
que il ne se doubtoient de nului, et par ce furent il deceu. Car il
chil qui vinrent sus euls, frès et nouviaus, les envaïrent tellement
et les prissent si sus un piet que il n’eurent loisir ne espasse de
euls armer; mais s’espardirent ces gens bretons, tant à piet comme à
cheval, tout contreval l’ost, et conmenchièrent à ruer jus tentes et
trefs et à reverser l’un sus l’autre et à abatre hommes, mehagnier et
ocire. Et trouvèrent ces grans barons de Bretagne et de Normendie, les
auquns qui estoient couchiés, les autres qui se tostoient devant les
feus en lors logeis tous desarmés, euls et lors gens. Là furent il pris
à petit de fait et de deffense. Finablement, la besongne se porta si
mal pour mesire Carle de Blois et ses gens et si bien pour ceuls qui
les envaïrent, que messires Carles fu pris et fianciés: aultrement il
euist esté mors, et la plus grant partie des barons et des chevaliers
françois et normans. Et [fu] resqous messires Thomas d’Agourne qui
gissoit tous navrés sus une quouce en la tente messire Carle de Blois,
et resqous tout chil qui pris estoient.

Ensi vont les aventures, mais ceste fu trop grande; et furent desconfi
et mis en cace tout chil qui devant la Roce Deuriant se tenoient.
Et orent les Englois et les Bretons très grans conquès, et en
donnèrent largement et laissièrent prendre à ceuls de la garnison, et
retournèrent à tout lor pourfit et prisonniers à Hainbon deviers la
contesse; mais mesires Jehans de Hartecelle ne mena point là mesire
Carle de Blois, son prisonnier, mais d’aultre part, ºù il en fu mieuls
mestres que il n’euist esté. Toutes fois, la contesse de Montfort
laissa biellement couvenir ses gens de lors prisonniers, et avoit
fait tous jours en devant. Aultrement il ne l’euissent point servi,
car ce que il prendoient estoit lour; et qant il estoient pris, il
se rachetoient. Mais laditte contesse de Montfort fu trop grandement
resjoïe de la prise de son adversaire, Carle de Blois, car elle imagina
que sa guerre en seroit plus belle, et que li rois d’Engleterre le
vodroit avoir et le acateroit au chevalier englès qui pris l’avoit.

Se la contesse de Montfort fu resjoïe, la fenme à messire Carle de
Blois, qui se tenoit en Nantes et qui se nonmoit ducoise de Bretagne,
fu durement courouchie et à bonne cause, car elle se veoit eslongie
de consel et de comfort. Nequedent elle prist et requelli le frain
aux dens et moustra corage d’onme et de lion, et retint tous les
compagnons, chevaliers et esquiers, qui de sa partie estoient, et fist
le visconte de Rohem et messire Robert de Biaumanoir, capitainnes
et regars de sa chevalerie. Et qant chevaliers et esquiers venoient
deviers li en son service, elle lor moustroit deus biaus fils que elle
avoit de messire Carle de Blois son mari, Jehan et Gui, et disoit:
«Vechi mes enfans et hiretiers. Se lors pères vous a bien fait, je et
li enfant vous ferons encores mieuls.» Et cevauça li ditte dame de
ville en ville et de forterèce en forterèce qui pour li se tenoient,
en rafresqissant et en rencoragant ceuls que mesires Carles de Blois,
son mari, i avoit mis et establis. Et fist la dame aussi bonne gerre
et aussi forte à l’encontre de la contesse de Montfort et de ses gens,
comme en devant mesires Carles, son mari, et ses gens avoient fait.
Ausi li rois Phelippes, qui oncles estoit de mesire Carle de Blois,
qui bien l’ama et qui trop fu courouciés de ceste aventure qui avenue
estoit devant la Roce Deurient, pour conforter sa cousine, i envoia
tous jours gens en Bretagne, pour garder le pais et deffendre contre
les Englois.

Qant les nouvelles vinrent devant Calais au roi d’Engleterre et as
signeurs que mesires Carles de Blois avoit esté rués jus en Bretagne
devant la Roce Deurient, et il sceurent la fourme de l’ordenance
conment, il tinrent le fait à grant et à notable et l’aventure à belle.
Et escripsi tantos li rois à mesire Jehan de Hatecele et li manda que,
dou plus tos que il peuist, il le venist veoir devant Calais et menast
messire Carle de Blois, son prisonnier, en Engleterre. Li cevaliers
obei as lettres dou roi son signeur, ce fu raisons, et mena mesire
Carle de Blois en Engleterre et le mist ens ºu chastiel à Londres
avoecques le roy David d’Escoces; et là jeuoient ils et s’esbatoient
as escès et as tables. Et puis s’en vint mesires Jehans de Hartecelle
par mer devant Calais veoir le roi d’Engleterre et la roine et les
signeurs, qui li fissent très bonne chière. Or parlerons nous dou roi
Phelippe de France. Fº 138.

P. 42, l. 11 et 12: entrues.--_Ms. A 7_: entrementières. Fº 155.

P. 42, l. 14 et 15: armeures de fer.--_Ms. B 4_: hommes d’armes. Fº 136
vº.

P. 43, l. 7: meschief.--_Ms. A 29_: Ainsi fu l’ost de France surprins
tellement que la plupart n’eurent loisir d’eulx armer ne traire aux
champs; et si y furent occis le plus en leurs tentes et logis de la
partie de monseigneur Charles de Bloys, plus de deux cens chevaliers et
escuyers et quattre mille autres gens. Là fu pris le dit monseigneur
Charles, et tous les barons de Bretaigne et de Normendie, qui avec
luy estoyent en celle besongne. Et fu là rescous monseigneur Thomas
d’Agorne et tous ceux qui en celle nuit avoient esté prins par les
Francoys.

P. 43, l. 19: d’armes.--_Ms. B 6_: Sy fut messires Charles de Blois
envoiiés en Engleterre comme prisonniers au roy englès, qui en ot grant
joie, quant il en oit les nouvelles devant Calais ºù il seoit. Ceste
bataille de Roche Deuriant fu l’an de grace mille trois cens quarante
sept, le septième jour du mois de may. Fº 385.

P. 43, l. 28: Bretagne.--_Ms. A 29_: et estoit de grant emprinse.


§ =306=. P. 44, l. 4: Li rois.--_Ms. d’Amiens_: Li rois de Franche,
qui sentoit ses bonnes gens de le ville de Callais durement astrains,
s’avisa et dist qu’il les voroit comforter et combattre le roy
d’Engleterre et lever le siège. Si coummanda par tout son royaumme
que tout chevalier et escuier fuissent à le feste de le Pentecouste
en le cité d’Amienz ou là priès. Chils mandemens s’estendi parmy son
royaumme, et y furent. Si y eut grant fuisson de prinches, de comtez,
de barons, de chevaliers et d’escuiers. Si eut là en la cité d’Ammiens
grans conssaulx et grans parlemens, coumment on voroit lever le siège
de Callais; car on disoit bien au roy de Franche que li Englès estoient
en si fort lieu, que on ne les pooit avoir. Si se tint là li roys de
France ung grant temps sans aller plus avant, et toudis li croissoient
gens.

Li roys d’Engleterre, qui se tenoit devant Calais, avoit bien entendu
que cil de Calais ne se pooient longement tenir, car il estoient
durement astraint de vivrez, et se ne leur en pooit venir nul de nul
costé. Encorres fist il clore le pas de le mer dont en larecin il leur
venoit, et fist faire un castiel de bois sus le rivaige assés priès de
Calais, et celi pourveir de canons et d’espringalles et d’archiers, que
nulz n’osoit entrer ne yssir par là à Calais. Fº 97 vº.

--_Ms. de Rome_: Li rois Phelippes de France, qui sentoit ses hommes
qui enclos estoient dedens la ville de Calais, moult astrains et
opressés, et veoit que li rois d’Engleterre ne s’en departiroit point,
se à force on ne l’en levoit dou siège, et que li rois d’Escoce estoit
pris et toute la poissance de l’Escoce ruée jus, dont il avoit eu
esperance que par la guerre que les Escos euissent fait en Engleterre,
li rois englois se fust levé dou siège de devant Calais, or estoit tout
dou contraire, et bien trouvoit qui li disoit: «Chiers sires, il vous
fault ces bonnes gens conforter, car se vous perdés la forte ville de
Calais, ce vous sera mis trop grans prejudisses et à vostre roiaulme,
et aueront les Englois trop biel à venir et à ariver à Calais et courir
en France et là retraire et retourner en lor pais.» Li rois, qui fu
uns moult vaillans homs et moult usés d’armes, car de sa jonèce il les
avoit acoustumées et continuées, consideroit bien toutes ces coses, et
sentoit aussi que on li disoit verité; si en respondoit ensi et disoit:
«Par m’ame et par mon corps, vous avés cause de tout ce dire, et no
uy pourverons; car il nous tourneroit voirement à trop grant blame et
damage, se nous perdions Calais.»

Et avint que, sus l’espoir de reconforter ceuls de Calais et lever
le siège, li rois de France fist un très grant mandement de chief en
qor son roiaulme, et dist que il ne voloit fors guerriier des gentils
hommes dou roiaume de France, et que des conmunautés amener en
bataille, ce n’est que toute perte et empecemens, et que tels manières
de genz ne font que fondre en bataille, ensi conme la nive font au
solel; et bien avoit aparu à la bataille de Crechi, à la Blanqe Taqe,
à Kem en Normendie et en tous les lieus où on les avoit menés, et que
plus il n’en voloit nuls avoir, fors les arbalestriers des chités
et des bonnes villes. Bien voloit lor or et lor argent pour paiier
les coustages et saudées des gentils honmes, et non plus avant; il
demorassent as hostels et gardaissent lors fenmes et lors enfans, il
devoit souffire, et fesissent leur labeur et marceandise, et les nobles
useroient dou mestier d’armes, dont il estoient estruit et introduit.

Li rois de France, en istance que pour conforter la ville de Calais et
ceuls qui dedens estoient, aproça les marces de Piqardie et s’en vint
en la chité de Amiens. Et fu là le jour de la Pentecouste et toutes
les festes, et estendi ses mandemens et conmandemens parmi tout son
roiaulme, et mandoit et conmandoit très estroitement que tout venissent
sans nul delai, ses lettres veues, en la chité d’Amiens ou là environ.
Pour ces jours estoit connestables de France et usoit de l’office
messires Jaquemes de Bourbon, conte de Pontieu; et estoient mareschal
li sires de Biaugeu, qui se nonma Edouwars, et li sires de Montmorensi,
et mestres des arbalestriers, li sires de Saint Venant. Et n’estoit
mais nulle nouvelle en France de messire Godemar dou Fai, mais estoit
retrais en Normendie, sa nation, et là se tenoit sus le sien, ne point
il n’estoit en la grace dou roi.

Au mandement dou roi de France obeirent tout chil qui furent escript
et mandé, et vinrent li signeur en grant arroi, premierement li dus
de Bourgongne, li dus de Bourbon, li contes de Savoie, mesires Lois
de Savoie, son frère, messires Jehans de Hainnau, li contes de Namur,
li comte de Forois, le daufin d’Auvergne, le conte de Boulongne, le
conte de Nerbonne, le conte de Pieregorth, le conte de Valentinois, le
conte de Saint Pol, et tant de hauls barons et signeurs que mervelles
seroit à penser et detriance au nonmer. Et ne sambloit point, quoi que
la bataille de Creci euist esté en celle année, que li roiaulmes de
France ne fust ausi raemplis, apriès que devant, de noble et poissans
chevalerie, et estoient, qant il furent tout asamblé et nombré, douse
mille hiaumes.

Considerés la grant noblèce de gentils hommes, car casquns hiaumes doit
dou mains avoir cinq hommes dalés li; et estoient vingt quatre mille
arbalestriers geneuois, espagnols et hommes des chités et bonnes villes
dou roiaulme de France, tout en compte. Qant il furent venu sus le
Mont de Sangate, à deus lieues priès de Calais, il se trouvèrent plus
de cent mille hommes. Si ne furent pas sitos venus ne asamblés, car il
vinrent gens de Gascongne, tels que le conte d’Ermignac, le conte de
Fois, le conte de Berne, le conte de Quarmain. Et tous les signeurs
manda et pria li rois de France, desquels il pensa à estre aidiés, car
ce estoit se intension que il leveroit le siège et combateroit les
Englois, et pourtant faisoit il si grandes pourveances.

Et envoia li rois de France des prelas de France et des chevaliers
pour tretiier as Flamens que il vosissent venir dalés leur signeur
le conte et faire à lui ce que il devoient, car voirement estoit li
jones contes de Flandres en celle assamblée dou roi. Li Flamenc li
remandèrent par ses gens meismes que il n’avoient point de signeur,
puisque il se absentoit de euls et ne les voloit croire, ne que pour
li il ne feroient riens, ne des rentes et revenues de Flandres il n’en
porterait nulles; et se avoir les voloit, il les venist bellement et
courtoisement despendre ou pais, et ouvrer par lor consel, mais il
n’avoit pas encores bien conmenchiet; et se il voloit perseverer en
ces opinions, il trouverait les Flamens plus durs et plus hausters que
onques n’euist fait son père.

Qant li rois de France entendi ces paroles et les responses des
Flamens, si les laissa ester, et considera assés lor manière et vei
bien que ils n’en aueroit aultre cose, et que point n’enteroit en euls
sus cel estat pour ratraire à sa volenté, fors par le moiien dou duch
de Braibant; mais pour le present, ils et ses consauls estoient cargiet
de si grant cose que à ceste des Flamens il ne pooit entendre. Si mist
li rois de France ceste cose en souffrance tant que à une aultre fois,
et entendi à voloir lever le siège de Calais.

Li rois d’Engleterre, qui se tenoit devant Calais à siège et estoit
tenus tout le temps, ensi que vous savés, et à grans coustages,
estudioit nuit et jour conment il peuist chiaus de Calais le plus
constraindre et grever; car bien avoit oy dire que ses adversaires, li
rois Phelippe de France, faisoit un très grant amas de gens d’armes, et
que il le voloit venir combatre; et si sentoit la ville de Calais si
forte que, pour asaut ne escarmuce que ils et ses gens y fesissent, ils
ne le poroient conquerre, et ces pensées et imaginations le metoient
sovent en abusions. Avoecques ce, sus son reconfort, il sentoit la
ville de Calais mal pourveue de tous vivres, car là dedens il en i
avoit ensi que riens.

Et encores, pour euls clore et tolir le pas de la mer, il fist faire
et carpenter un chastiel hault et grant de lons mairiens et de gros,
lesquels on aloit coper en la forest de Boulongne, et à force de gens
les dis mairiens on amenoit et à force de cevaus à Wisan ou là priès,
et estoient là bouté dedens la mer et aconvoiiet jusques sus le sabelon
devant Calais. Et là fu fais et carpentés li dis chastiaus, et fu
si fors et si bien bretesqiés que on ne le pooit grever. Et qant li
chastiaus fu tous ouvrés, li rois et ses consauls le fissent asseoir
et lever droit sus l’entrée dou havene, en l’enbouqure de la mer, et
fu pourveus d’espringalles, de bonbardes, d’ars à tour et d’aultres
instrumens bons et soubtieus. Et furent ordonné, pour garder le havene
et le chastiel, à la fin que nuls n’entrast ou dit havene oultre lor
volenté, soissante honmes d’armes et deux cens archiers. Ce fu li
ordenance qui plus constraindi ceuls de Calais, et qui plus tos les
fist afamer.

En ce temps enorta li rois d’Engleterre les Flamens, lesquels li rois
de France voloit mettre en tretié deviers li et le jone conte, leur
signeur, ensi que chi dessus est contenu, que il vosissent issir
hors et faire guerre avoecques lui. Et issirent des bonnes villes de
Flandres et dou tieroit dou Franch bien cent mille Flamens, et vinrent
mettre le siège devant la ville d’Aire, et ardirent et destruisirent
tout le pais de là environ, Saint Venant, Meureville, le Gorge,
Estelles et le Ventie, le Bassée et tout le pais que ºn dist l’Aleue.
De quoi li rois de France, qui faisoit son amas de gens d’armes, en
envoia grant fuisson en garnison à Saint Omer, à Lille et Bietune et
par tous les chastiaus, sus les frontières d’Artois et Boulenois,
car on ne sçavoit que les Flamens avoient en pensé. Mais li Flamench
se retrairent petit à petit, qant il orent fait lor escaufée, et
retournèrent tous en lors lieus. Fºs 139 et 140.

P. 44, l. 22: desgarnis.--_Ms. B 6_: Là estoit le duc de Bourgongne,
le duc de Bourbon, le conte de Poitiers, le conte de Fois, le duc de
Normendie, aisné filz du roy, le conte d’Ermignach, le conte de Savoie,
messire Lois de Savoie ses frères, messire Jehan de Haynau, le conte
de Namur, le conte de Forès, le conte daufin d’Auverne, le conte de
Vendomme. Fºs 386 et 387.

P. 45, l. 25: busioit.--_Ms. A 7_: musoit. Fº 156.

P. 46, l. 3: soixante.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: quarante. Fº 146.

P. 46, l. 12: Flandres.--_Ms. B 6_: environ le Saint Jehan Baptiste
l’an mil trois cens quarante sept. Et vinrent devant Ayre et y mirent
le siège. Sy y couvint le roy de Franche envoier gens d’armes. Sy
envoya de Saint Omer le duc de Bourbon, le conte daulpfin d’Auvergne
et messire Charles d’Espaigne, et dedens Aire le conte de Danmartin,
le conte de Poursien, messire Gui de Nielle, le sire de Raineval et
messire Joffroy de Digon; et ensy en toutes les fortresses d’Artois
mist bonnes gens d’armes pour les garder et deffendre contre les dis
Flamens qui furent pluiseurs fois bien reboutés. Et exillèrent adonc
les Franchois ung parc sur yeaulx que on clamoit la Boe. Et s’en vint
le roy de France demorer à la bonne chité d’Aras, pour mieulx entendre
à deffendre le conté d’Artois. Fºs 388 et 389.

P. 46, l. 14 et 15: le Gorge.--_Ms. A 7_: la Gorge. Fº 156.--_Mss. A 20
à 22_: la Gorgue. Fº 234.

P. 46, l. 15: Estelles.--_Mss. A 15 à 17_: Estoilles.--_Mss. A 20 à
22_: Esterres. Fº 234.

P. 46, l. 15: le Ventie.--_Mss. A 15 à 17_: la Ventre. Fº 163
vº.--_Mss. A 23 à 33, B 3_: le Ventre. Fº 181.

P. 46, l. 16: l’Aloe.--_Mss. A 20 à 22_: l’Aleue. Fº 234.--_Ms. B 3_:
l’Alues. Fº 146.--_Ms. B 4_: l’Aleues. Fº 137 vº.

P. 46, l. 17: Tieruane.--_Ms. A 29_: Quant le roy Philippe entendi ces
nouvelles, il en fu tout courroucé.


§ =307=. P. 46, l. 26: Quant li Flamench.--_Ms. d’Amiens_: Et
envoiièrent à grant meschief li chevalier qui dedens Calais estoient,
messirez Jehans de Vianne, messires Jehans de Suirie et messires
Ernoulx d’Audehen, leur povreté segnefiier au roy de France, et en
lui mandant qu’ils fuissent secouru et conforté, ºu autrement il
les couvenoit rendre. Adonc se parti li roys de Franche d’Amiens,
et coummanda à touttez manièrez de gens à aprochier Calais. Si
chevauchièrent et esploitièrent tant qu’il vinrent sus le mont de
Sangates, à deux lieuwes de Calais. Si se logièrent là li roys et les
seigneurs bien et souffisamment; et disoit ºn adonc que li roys de
Franche avoit bien deux cens mil hommez en son host. Fºs 97 vº et 98.

--_Ms. de Rome_: Quant il (les Flamands) furent retrait, li rois de
France se departi d’Amiens et aproça les marches de Calais, en istance
de ce que pour conforter messire Jehan de Viane et les bons chevaliers
et esquiers qui dedens Calais estoient enclos. Et vint li rois à Hedin,
et là s’aresta pour atendre ses hoos, et avoit peuple sans nombre. Qant
tout furent venu ceuls de qui il se pensoit aidier, il se departi de
Hedin et cemina viers la chité de Tieruane et là fu deux jours. Et puis
s’en departi et cemina tout ce plain pais, que on dist l’Alequine, et
vint logier entre Calais et Wissant, droit sus le mont de Sangates.

Qant chil de Calais, liquel estoient ens ou chastiel et sus les murs de
la ville, les veirent premierement aparoir sus le dit mont de Sangates,
pennons et banières venteler, il eurent moult grant joie et quidièrent
tantos estre deslogiet et delivret dou dangier des Englois; mais qant
il veirent que on se logoit, il furent plus courouchiet que devant, et
leur sambla que point on ne se combateroit, et ne savoient que dire de
celle venue. Fº 140.

P. 47, l. 4: il sentoit.--_Ms. B 6_: Entreus que le roy de Franche
estoit à Aras et ses gens entendoient à guerrier les Flamens,
messagiers chertains ly vinrent de par ses gens qui estoient dedens
Calais asegiés, dont messire Jehan de Vianne, messire Jehan de Surie,
messire Ernoul d’Audrehem, messire Pepin de Wère, messire Henry du
Bois, qui estoient chiefz, et encore aultres bons chevaliers et
escuiers; et prioient le roy en carité qu’il les volsist hastivement
secourir, car vitaille leur estoit falie, et ne se povoient longement
tenir. Fº 389.

P. 47, l. 11: pays.--_Ms. B 6_: Quant le roy de Franche eut esté à
Heddin environ sept jours, il s’en party à tout son grant host et
s’en vint par devers Fauquemberghe et s’y loga une nuit. Et puis
s’en party et vint l’endemain logier entour Ghines ºù tout le pais
estoit gasté; mais prouveanches le sievoient de tous costés et à grant
foison. A l’endemain il se desloga et vint logier droit sur le mont de
Sangate qui estoit asés près de Calais et assés près de l’ost du roy
d’Engleterre: sy ques on les povoit bien veoir clerement de l’ost des
Englès et de la ville de Calais. Et sachiés que le roy de Franche avoit
grant ost et grant train de seignourie, de gens d’armes et d’aultres
gens, que on les nombroit à deus cens mille hommes. Fº 390.

P. 47, l. 14: tout le pays.--_Mss. A 15 à 17_: tout le chemin. Fº 163
vº.

P. 47, l. 15: l’Alekine.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17, B 3_: l’Alequine.
Fº 146 vº.--_Mss. A 20 à 22_: de l’Alekin. Fº 234 vº.

P. 47, l. 16: deux cens mil.--_Mss. A 20 à 22, B 3_: cent mille. Fº 234
vº.

P. 47, l. 22: arroy.--_Le ms. A 7 ajoute_: on ne se peust saouler
d’eulz regarder. Fº 156 vº.


§ =308=. P. 47, l. 30: Or vous dirai.--_Ms. d’Amiens_: Or vous diray
que li roys d’Engleterre fist, quant il seut que li roys de France
venoit là à si grant host pour combattre à lui et pour deslogier de
devant Calais, qui tant li avoit coustet de paynne de corps et de
mise d’argent. Il avisa que li Franchois ne pooient venir à lui, ne
aprochier son host ne le ville de Calais, fors que par l’un des deux
pas, ou par les dunes sus le rivaige, ou par deseure là où il avoit
grant fuisson de fossés, de crolièrez et de marès; et n’y avoit que ung
seul pont par où on pewist passer: si l’apelloit on le pont de Nulais.
Si fist traire ses naves et ses vaissiaux par deviers cez dunez et
bien garnir et pourveir de bonbardes, de gens d’armez et d’archiers,
par quoy li hos de France n’osast ne pewist par là passer; et fist le
comte Derbi, son cousin, aller logier sour le dit pont de Nulais à
grant fuisson de gens d’armes et d’archiers, par quoy li Franchois ne
pewissent passer par là.

Entre le mont de Sangatte et le mer, avoit une haute tour que trente
deus Englès gardoient; si le allèrent veoir chil de Tournay, si le
concquissent et abatirent, et ochirent tous ceux qui dedens estoient.
Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Or vous diray que li rois d’Engleterre fist et avoit
jà fait, qant il sceut que li rois de France venoit à si grande hoost
pour li combatre et pour dessegier la ville de Calais, qui tant li
avoit cousté d’avoir, de gens et de painne de son corps; et si sçavoit
bien que il avoit la ditte ville si menée et si astrainte que elle ne
se pooit longement tenir: se li tourneroit à grant contraire, se il le
couvenoit ensi de là departir. Si avisa et imagina li dis rois que li
François ne pooient venir à lui, ne aprochier son hoost ne la ville
de Calais, fors que par une voie, laquelle venoit tout droit le grant
cemin, ou par les dunes de la mer, ou par deviers Ghines, Melq et Oie,
où il avoit grant fuisson de fossés et de lieus impossibles, pour si
grant hoost, à passer. Et le lieu et le pas par où li François pooient
venir le plus apparliement, il i a un pont que on dist Nulais, et, de
une part et d’aultre dou cemin, marescages et croleis si grans et si
parfons que il ne font point à passer.

Si fist li rois d’Engleterre traire toutes ses naves et ses vassiaus
par deviers les dunes et bien garnir et furnir de bonbardes et
d’archiers et de tous tels atournemens de deffenses, par quoi li hoos
des François ne peuist ne osast passer par là. Et fist son cousin
le conte Derbi logier sus le pont de Nulais à grant fuisson de gens
d’armes et d’archiers, par quoi li François n’i peuissent passer, se
il ne passoient parmi les marès qui sont impossible à passer. Ensi se
fortefia li rois d’Engleterre contre la venue dou roi Phelippe.

Encores avoecques tout ce, li rois d’Engleterre, qui tenoit à amour les
Flamens ce que il pooit, les envoia priier et requerre, sur certainnes
aliances et couvenances que il avoient l’un avoecques l’autre, que
il vosissent venir si estofeement au lés deviers lor costé, entre
Gravelines et Calais, et là logier, et ils leur en saueroit très bon
gré, et de tant seroit il le plus tenus deviers euls. Li Flamens,
pour ce temps, furent tout apparilliet de obeir à la plaisance dou
roi d’Engleterre, car tous les jours il avoient mestier de li; si
s’esmurent. Et vinrent premiers chil dou tieroit dou Franc, et
passèrent la rivière de Gravelines, et se logièrent assés priès de
Calais, et estoient environ vint mille. Apriès vinrent chil de Bruges,
chil de Courtrai et de Ippre, et puis chil de Gant et de Granmont,
d’Audenarde, d’Alos et de Tenremonde. Et passèrent toutes ces gens la
rivière de Gravelines et de Calais, et se logièrent et amanagièrent
entre ces deus villes. Ensi fu Calais assegie de tous lés, ne uns
oizellés ne s’en peuist pas partir, que il ne fust veus et congneus et
arestés.

Entre le mont de Sangates et la mer, à l’autre lés deviers Calais,
avoit une haute tour que trente deux archiers gardoient, et tenoient
là endroit le passage des dunes pour les François; et avoient li dit
englois archier, à lor avis, grandement fortefiiet de grans doubles
fossés. Qant li François furent logiet sus le mont de Sangates, ensi
que vous avés oï compter, chil de Tournai, liquel estoient venu servir
le roi de France, et pooient estre environ quinze cens, perchurent
celle tour. Si se traissent de celle part, et l’environnèrent et la
conmenchièrent à asallir, et les Englois qui dedens estoient à euls
deffendre; et conmenchièrent à traire à euls de grant randon et à
blecier et navrer les auquns.

Qant li compagnon de Tournai veirent ce, si furent tout courouchiet et
se missent de grant volenté à asallir celle tour et ces Englois, et
passèrent de forche oultre les fossés, et vinrent jusques à la mote de
terre et au piet de la tour as pils et as hauiauls. Là ot grant assaut
et dur, et moult de chiaus de Tournai bleciés, mais pour ce ne se
refraindirent il pas à assallir, et fissent tant que, de force et par
grant apertise de corps, il conquissent celle tour. Et furent mort tout
cil qui dedens estoient, et la tour abatue et reversée ens ès fossés:
de quoi li François tinrent ce fait à grant proèche, et en furent
grandement reconmendé. Fº 140.

P. 49, l. 5:--_Ms. B 6_: sans commandement des marisaulx. Fº 392.

P. 49, l. 7: pik.--_Ms. A 7_: pilz. Fº 157.--_Ms. A 4_: pils. Fº 138.

P. 49, l. 8: hauiaus.--_Ms. B 4_: heuiaulx. Fº 138.

P. 49, l. 12: estoient.--_Ms. A 29_: car ainsi l’avoient les mareschaux
ordonné.


§ =309=. P. 49, l. 15: Qant li hos.--_Ms. d’Amiens_: Li rois de Franche
envoya ses marescaux, le seigneur de Biaugeu et le seigneur de Saint
Venant, pour regarder et considerer par où son host plus aisiement
poroit passer. Cil doy baron chevauchièrent de celle part et avisèrent
bien tout le lieu, et raportèrent au roy que on n’y pooit aler, fors
par une voie, et celle voie estoit bien gardée, et n’y pooient que
quatre hommez de froncq cevauchier. Ces nouvellez ne furent mies bien
plaisantes au roy de France; si y envoya de rechief monseigneur Joffroy
de Chargny et le seigneur de Montmorensi, et allèrent sus conduit
parler au roy d’Engleterre. Chil, au passer par le pont de Nulais,
considerèrent bien le passage et vinrent jusques au roy d’Engleterre,
et li disent que li rois de Franche les envoiioit à lui, et li
mandoit qu’il estoit là venus pour dessegier la ville de Calais que
assegiet avoit, et à grant tost, mès il s’estoit si emforchiés de fors
passaiges, que on ne pooit venir jusquez à lui. Se li requeroit que
il volsist livrer passaige par où il et ses gens aisiement pewissent
passer, et il le combateroit. Et, se ce faire ne volloit, li roys de
Franche se retrairoit arrière et li liveroit place et terre. A ces
parolles respondi li roys d’Engleterre et dist qu’il n’en feroit riens;
mès, si li roys Phelippes ne pooit passer par là, si alast au tour
pour querre le voie. Celle responsce raportèrent li doy chevalier
arrière en l’ost au roy de France. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Qant li hoos des François se fu logie sus le mont de
Sangates, li rois de France envoia ses mareschaus et le mestre des
arbalestriers pour aviser et regarder conment et par où son hoost plus
aisiement poroit passer pour aprochier les Englois et euls combatre.
Chil chevalier chevauchièrent et alèrent partout regarder et considerer
les passages et les destrois, et puis retournèrent au roi de France
et li recordèrent à brief paroles que il ne pooient veoir ne aviser
que nullement il peuist aprochier les Englois, non que il ne perdesist
ses gens davantage. Si demora la cose ensi tout ce jour et la nuit
ensieuvant.

Quant ce vint à l’endemain, li rois Phelippes ot consel de envoiier
deviers le roi d’Engleterre et i envoia grans messages. Et passèrent
li signeur qui envoiiet i furent par le pont de Nulais par le congiet
dou conte Derbi qui le gardoit. Les signeurs, je les vous nonmerai;
il furent quatre: premierement messire Edouwart, signeur de Biaugeu,
messire Ustasse de Ribeumont, messire Jeffroi de Cargni et messire Gui
de Neelle.

En passant et en cevauchant celle forte voie et le cemin où dou plus
il ne pueent aler que euls quatre de front, se il ne se voellent
perdre, car ce sont tous marescages à deus costés, chil signeur de
France avisèrent et considerèrent bien le pont et le fort passage qui
dure bien le quart de une lieue, et conment li pons de Nulais estoit
gardés de gens d’armes et d’archiers, et prissièrent en euls meismes
moult grandement ceste ordenance. Qant il furent tout oultre le pont,
il trouvèrent les chevaliers dou roi tels que messire Jehan Candos,
messire Richart Sturi, messire Richart la Vace et pluisseurs qui là
estoient moult ordonneement et les atendoient; et les enmenèrent tout
droit deviers l’ostel dou roi, qui bien estoit pourveus de grande
baronnie et de vaillans hommes, dont il estoit acostés et acompagniés.

Chil quatre baron de France descendirent de lors chevaus devant l’ostel
dou roi, et puis les chevaliers d’Engleterre les menèrent deviers
le roi, et le trouvèrent acosté et adestré, ensi que je vous di, de
moult vaillans hommes. Qant il furent parvenu jusques au roi, il
l’enclinèrent; et li rois les requelli assés ordonneement de contenance
et de parole. Messires Ustasses de Ribeumont s’avança de parler et
dist: «Sire, li rois de France nous envoie par deviers vous et vous
segnefie que il est chi venus et arestés sus le mont de Sangates pour
vous combatre; mais il ne puet veoir ne trouver voie conment il puist
venir jusques à vous. Si en a il grant desir pour dessegier sa bonne
ville de Calais, et a fait aviser, taster et regarder par ses honmes
conment il poroit venir jusques à vous; mais c’est cose imposible
à faire, ce li ont reporté si honme. Si veroit volentiers que vous
vosissiés mettre de vostre consel ensamble, et il i meteroit dou sien,
et par l’avis de ceuls, aviser place raisonnable là où on se peuist
combatre. Et de ce sonmes nous cargiet de vous dire et remoustrer. Si
nous en voelliés respondre de par vous ou de par vostre consel.»

Li rois d’Engleterre, qui bien entendi ceste parole, fu tantos
consilliés et avisés de respondre et dist: «Signeur, je ai bien entendu
tout ce que vous me requerés de par mon adversaire, qui tient mon droit
hiretage à tort, dont il me poise. Se li dirés de par moi, se il vous
plest, que je sui chi endroit, et j’ai demoret priès d’un an. Tout ce
a il bien sceu, et i fust bien venus plus tos, se il vosist; mais il
m’a chi laissiet demorer si longement que je ay grossement despendu dou
mien, et i pense avoir tant fait que assés temprement je serai sires de
la ville et dou chastiel de Calais. Et ne sui pas consilliés dou tout
faire à sa devise ne à se aise, ne de eslongier ce que je pense à avoir
conquis, et que je ai tant desiret et comparet. Se li dirés, se ils ne
ses gens ne pueent par là passer, si voissent autour pour querir la
voie.»

Li chevalier de France veirent bien que ils n’aueroient aultre
response, si prissent congiet. Li rois lor donna, qui les fist conduire
par les chevaliers meismes de sa cambre qui amené les avoient jusques
à lui, et montèrent sus lors chevaus. Et les amenèrent chil jusques
au pont de Nulais, là où li contes Derbi et ses gens estoient; et
puis retournèrent li chevalier dou roi en l’oost. Et li chevalier
françois passèrent oultre, et enclinèrent en passant le conte Derbi, et
cevauchièrent tout le cemin sans nul empecement; et s’en vinrent sus
le mont de Sangate et as tentes dou roi de France. Et li comptèrent,
presens pluisseurs hauls barons, tout ce que il avoient veu et trouvé,
et la response dou roi d’Engleterre, de laquelle li rois de France
fu tous merancolieus; car, qant il vint là, il quidoit par bataille
recouvrer la ville de Calais, et n’i pooit obviier ne pourveir par
aultre voie, fors que par la bataille et avoir eut la victore. Fºs 140
vº et 141.

P. 50, l. 1: Nulais.--_Ms. B 6_: Et fut messire Joffroy de Cargni, le
sire d’Aubegni, messire Gui de Nelle et le sire de Chastelvelin. Fº 393.

P. 50, l. 2 et 3: Ribeumont.--_Ms. A 4_: Ribemont. Fº 138.

P. 50, l. 7: paisieuvlement.--_Ms. B 4_: paisivlement. Fº 133.--_Ms. A
7_: paisiblement. Fº 157.

P. 50, l. 24: ses gens.--_Mss. A 11 à 19_: ses mareschaus.

P. 51, l. 18: Nulais.--_Mss. A 7 et B 4_: Milais. Fº 157 vº.


§ =310=. P. 51, l. 25: Entrues.--_Ms. d’Amiens_: Quant il (le roi
Philippe) vi qu’il n’en aroit autre cose, il se parti de là et compta
le ville de Callais pour perdue, et se retraist à Arras et donna
touttes mannierrez de gens d’armez congiet, et laissa chiaux de Callais
finner au mieux qu’il peurent. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Entrues que li rois de France estoit sur le mont
de Sangates, et que il estudioit conment et par quel tour il poroit
combatre les Englois qui fortefiiet estoient, ensi que ichi desus
vous avés oy recorder, vinrent doi cardinal en son hoost, le cardinal
d’Espagne, uns moult vaillans et sages homs, et li cardinauls d’Oten,
envoiiés là en legation de par le pape Clement, qui resgnoit pour ce
temps. Cil doi cardinal, ensi que il estoient cargiet, se missent
tantos en grant painne d’aler de l’une hoost en l’autre; et volentiers
euissent veu par lors promotions que li rois d’Engleterre euist
brisiet son siège, laquelle cose il n’euist jamais fait. Toutes fois
il parlementèrent tant et alèrent de l’un à l’autre que, sus certains
articles et trettiés d’acord et de paix, ils procurèrent que uns respis
fu pris entre ces deus rois et lors gens là estans au siège et sus les
camps, à durer tant seullement trois jours. Et furent ordonné [par]
euls, huit nobles signeurs, quatre de par le roi de France, et quatre
de par le roi d’Engleterre: de par le roi de France, li dus Oedes de
Bourgongne, li dus Pières de Bourbon, messires Jehans de Hainnau et
mesires Lois de Savoie; et dou costé les Englois, li contes Derbi,
li contes de Norhantonne, messires Renauls de Gobehen, et messires
Gautiers de Mauni. Et li doi cardinal estoient traitieur et moiien
et alant de l’un à l’autre. Si furent chil signeur, les trois jours
durans, la grignour partie dou jour en conclave ensamble, et missent
pluisseurs devises et pareçons avant, des quelles nulles ne vinrent à
effet.

Entrues que on parlementoit et le respit durant, li rois d’Engleterre
faisoit toutdis efforcier son hoost et faire grans fossés sus les
dunes, par quoi li François ne les peuissent sousprendre. Et sachiés
que chils parlemens et detriemens anoioit durement à ceuls de Calais,
qui volentiers euissent veu plus tos lor delivrance, car ºn les faisoit
trop juner. Chil troi jour se passèrent sans paix et sans acord, car
li rois d’Engleterre tenoit tout dis son opinion et metoit en termes
que point ne se delairoit que il ne fust sires de Calais, et li rois
de France voloit que elle li demorast. En cel estri se departirent les
parties, ne li cardinal ne les peurent puis rasambler, liquel, qant
il veirent ce que on ne voloit entendre à euls, il se departirent et
retournèrent à Saint Omer.

Qant li rois Phelippes vei ce que perdre li couvenoit Calais, si fu
durement courouchiés: à envis le laisoit perdre. Et, tout consideré,
ils ne ses gens n’i savoient conment aidier ne adrechier; car de aler
de fait sus l’oost le roi d’Engleterre, c’estoit cose imposible, pour
les grans marescages qui sont tout autour de Calais et la mer qui
estoit fort gardée. Avisé fu et proposé en l’oost de France que il
retourneroient à Saint Omer et venroient dou costé de Berghes et de
Bourbourch; mais qant il regardoient le pasage de Gravelines et les
destrois et mauvais et perilleus passages que il aueroient à passer, et
conment bien soissante mille Flamens gisoient de ce lés devant Calais,
il rompoient et anulioient lors imaginations et disoient: «Toutes
nostres pensées sont vainnes. Il nous fault perdre Calais. Mieuls
nous vault une ville à perdre que de mettre en peril euls cent mille.
Se nous le perdons celle fois, une aultre fois le porons nous bien
recouvrer. Il n’est aventure qui n’aviegne. On en a petitement songniet
dou temps passé, car on le deuist avoir pourveue pour tenir dis ans ou
vint, selonch la force dont elle est et la belle garde, ou on le deuist
avoir abatue et mise tout par terre; car avant que on le puist ravoir,
elle fera mouit de mauls au roiaulme de France.»

Ensi se devisoient et parloient li François, qant il veirent que li
trettié furent falli, et li cardinal retournet à Saint Omer. Un jour,
il fu ordonné au departir et au deslogier de là, et de retraire casqun
là où mieuls li plaisoit. Si se deslogièrent un matin, et montèrent li
signeur sus lors cevaus; et varlès demorèrent encores derrière, qui
entendirent au requellier tentes et trefs et à tourser et à mettre
à charoi et à voiture. Là i ot des vitalliers de l’oost pluisseurs
atrapés qui perdirent chevaus et pourveances, car Englois sallirent
hors de l’ost pour gaegnier. Si prissent des prisonniers et conquissent
des chevaus et des sonmiers, des vins et des pourveances, et tout
ramenèrent en l’ost devant Calais. Et li signeur de France et li
François retournèrent en lors lieus. Fº 141 vº.

P. 51, l. 25: Entrues.--_Ms. A 7_: Entrementières. Fº 157 vº.

P. 52, l. 6: tant.--_Ms. B 6_: qu’il otriast une triève trois jours. Fº
395.

P. 52, l. 8 et 9: misent... ensamble.--_Mss. A 2 à 6, 11 à 14, 18, 19_:
ordonnèrent des deux parties quatre seigneurs ensemble.

P. 52, l. 11: furent.--_Ms. B 6_: le duc de Bourbon, messire Jehan de
Haynau, le sire de Biaugeu et messire Jofroy de Cargny. Fº 395.

P. 52, l. 19: pareçons.--_Ms. A 7_: parechons. Fº 158.

P. 53, l. 16: desbareté.--_Ms. A 7_: desbaratés. Fº 158.

P. 53, l. 20: kewe.--_Ms. B 6_: des deslogeurs. Sy en trouvèrent de
chiaus et assés qui avoient trop tart dormy. Fº 396.


§ =311=. P. 53, l. 24: Apriès.--_Ms. d’Amiens_: Quant chil de Callais
virent que point ne seroient secouru, et que li roys de France estoit
partis, si furent durement esbahy. Adonc commencièrent il à entrer en
grans tretiés deviers monseigneur Gautier de Mauny, qui en portoit pour
Dieu et par aumousne les parollez. Nullement il ne pooit abrisier le
roy d’Engleterre qu’il les presist à merchy, mès les volloit tous faire
morir, tant l’avoient il courouchiet dou tamps passet. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Apriès le departement dou roi de France et de son
hoost dou dit mont de Sangate, chil de Calais veirent bien que le
secours en quoi il avoient eu fiance, lor estoit fallis; et si
estoient à si très grande destrèce de famine que li plus poissans et
li plus fors se pooient à grant malaise soustenir. Si orent consel
et lor sambla que il valloit mieuls euls mettre en la volenté dou
roi d’Engleterre, se plus grant merchi n’i pooient trouver, que euls
laissier morir l’un apriès l’autre par destrèce de famine, car li
pluiseur en poroient perdre corps et ame par rage de fain. Si priièrent
generaulment à mesire Jehan de Viane, lor chapitainne, que il en vosist
tretiier et parler. Li gentils chevaliers lor acorda et monta as
crestiaus des murs de la ville, et fist signe as cheuls de dehors que
il voloit parler à euls. On i envoia. Il pria que on vosist donner à
sentir au roi d’Engleterre que il envoiast homme notable parler à lui,
car il voloit entrer en trettié. On le fist tantos et sans delai.

Qant li rois d’Engleterre entendi ces nouvelles, il fist venir mesire
Gautier de Mauni devant lui. Qant il fu venus, il li dist: «Gautier,
alés veoir que ces gens de Calais voellent dire: il me font requerre
par lor chapitainne que je envoie parler à euls.» Mesires Gautiers
respondi et dist: «Sire, volentiers.» Adonc se departi il dou roi
et s’en vint tout à cheval, assés bien acompagniés de sa famille
seullement, et vint as barrières de Calais, et trouva messire Jehan de
Viane qui se apoioit sus une baille, et estoit issus hors de la porte
par le guichet.

Qant li doi chevalier se veirent, il se recongnurent assés, car aultres
fois il s’estoient veu. «Mesire Gautier, dist mesire Jehan de Viane,
vous estes uns vaillans homs et moult usés d’armes. Si devés tant
mieuls entendre à raison. Li rois de France, moi et mi compagnon qui
ichi dedens sonmes enclos, nous a ichi envoiiet, ensi que faire le
puet, car il est nostres sires, et nous sonmes si subject, et nous
conmanda estroitement au departir de li que nous gardisions la ville
et le chastiel de Calais si que blame n’en euissions, ne ils point de
damage. Nous en avons fait nostre pooir et diligense jusques à chi, et
tous les jours nous avions esperance de estre delivret, et li sièges
levés. Or est avenu que nostres espoirs est fallis de tous poins, et
nous fault esceir ou dangier de vostre signeur le roi d’Engleterre;
car nous sonmes si astrains que nous n’avons de quoi vivre, et nous
couvenra tous morir de male mort, se li gentils rois, qui est vos
sires, ne prent pité de nous. Si vous suppli chierement, messire
Gautier, que vous voelliés aler deviers lui et li priier pour nous et
remoustrer conment loiaument nous avons servi nostre signeur le roi de
France conme si saudoiier et si soubject, et [pour] les povres gens
de ceste ville aussi qui n’en pooient ne osoient aultre cose faire,
et nous laise partir hors de la ville nous, chevaliers et esquiers,
qui ichi dedens sonmes enclos, et prende en merchi et en pité le povre
peuple de Calais, plenté n’en i a pas, et nous laise partir et isir et
aler ailleurs querre nostre mieuls, et prende la ville et le chastiel,
l’or et l’argent et tout ce que il i trouvera.»

A ces paroles respondi mesires Gautiers de Mauni et dist: «Mesire
Jehan, mesire Jehan, je sçai assés de l’intension et volenté le roi
nostre sire, et bien sachiés que c’est se entente que vous n’en irés
pas ensi que vous avés chi dit; ains est sa volenté et intension que
vous vos metés dou tout en sa pure volenté, ou pour rançonner ceuls
qui il li plaira ou pour faire morir. Car chil de Calais li ont tant
fait de contraires et de damages et despis, et ºcis de ses hommes et
fait despendre si grant fuisson d’avoir au seoir devant celle ville
dont moult l’en est, ce n’est pas mervelles; et ne sçai pas, en l’air
et argu où il est et l’ai veu tous jours jusques à ores, se vous porés
passer pour raençon, que il ne voelle avoir vos vies.»

Donc respondi messires Jehans de Viane et dist: «Mesire Gautier,
ce seroit trop dure cose pour nous et grant cruautés pour le roi
d’Engleterre, se nous, qui chi sonmes envoiiet de par le roi de France,
on nous fesist morir. Nous avons servi nostre signeur, ensi que vous
feriés le vostre, en cas semblable. Si considerés nostre estat, et
nous vous en prions, il li doit souffire, se il a nostres corps pour
prisonniers, et la ville et le chastiel en son conmandement, que tant
a desiré à avoir, et le povre peuple de Calais, il laise partir et
aler lor cemin.» Donc se rafrena un petit mesires Gautiers de Mauni
et considera les humles paroles de mesire Jehan de Viane et dist:
«Certes, mesire Jehan, pour l’onnour de chevalerie et l’amour de vous,
j’en parlerai et prierai si acertes que je porai; mès je sçai bien que
li rois d’Engleterre est moult courchiés sus vous tous, et ne sçai
pas conment on le pora brisier ne amoderer. Vous demorrés chi; je
retournerai tantos et vous ferai response.»

Adonc s’en retourna li dis messires Gautiers de Mauni, et vint deviers
le roi qui l’atendoit devant son hostel. Et là estoient grant fuisson
de signeurs, li contes Derbi, son cousin, le conte d’Arondiel, le
conte de Norhantonne, mesire Renault de Gobehen, mesire Richart de
Stanfort et pluisseur hault baron d’Engleterre, lesquels li rois avoit
tous mandés pour oïr et sçavoir que chil de Calais voloient dire. Bien
supposoit li rois que il se voloient rendre, mais il ne sçavoit pas la
fourme conment; si le desiroit à savoir.

Qant mesires Gautiers de Mauni fu venus jusques à l’ostel dou roi, il
descendi de son palefroi. Tout chil chevalier se ouvrirent à sa venue
et li fissent voie. Il vint devant le roi et l’enclina. Tantos que il
ot fait reverense au roi, li rois li demanda: «Mesire Gautier, que
dient chil de Calais?»--«Très chiers sires, respondi li chevaliers, il
se voellent rendre, et longement et assés sus cel estat je ai parlé
à la chapitainne, mesire Jehan de Viane, et ils à un il vous prient
et font requeste que vous voelliés prendre la ville et le chastiel
et tout che qui dedens est, reservé lors corps, et les laissiés aler
lor voie.»--«Mesire Gautier, respondi li rois, vous savés une partie
de ma volenté en ce cas. Quel cose en avés vous respondu?»--«Très
chiers sires, je le vous dirai, sauve tous jours vostre correction.
Il vous ont tant courechiet de faire morir vos hommes sus mer, et
ossi chi tenu tant longement et fait despendre vostre argent, que dur
est à ce pardonner, ne euls prendre par le parti que ils le voellent
avoir.»--«Mesire Gautier, respondi li rois, vous avés bien parlé, car
ma volenté est telle que tout i morront.»

Donc se retraii un petit mesires Gautiers arrière dou roi, car il
congnissoit assés la manière de li, et regarda sus les barons qui là
estoient et leur fist signe de l’uel tant seullement que il vosissent
aidier à soustenir sa parole, et puis vint devant le roi et dist:
«Très chiers sires et redoubtés, se vous faisiés ce que vous dites,
il en seroit trop grant nouvelle, et vous seroit tourné à trop grant
cruaulté, et nous donriiés, moi et les vostres, trop mauvais exemple ou
temps avenir de nous metre ne enclore en nulle garnison de par vous,
car se vous faisiés ces gens morir, ensi que vous dites, parellement on
feroit de nous.»

Chils exemples et langages amolia grandement le coer dou roi
d’Engleterre, car li plus des barons qui là estoient, l’aidièrent à
soustenir et li dissent: «Chiers sires, messires Gautiers de Mauni
parole de verité et de raison, et nous vous prions que vous le voelliés
croire, et brisier et adoucir un petit la pointe de vostre aïr.» Li
rois d’Engleterre regarda sus ses gens et vei bien que il parloient
tout acertes; si se rafrena et dist: «Biau signeur, je ne voel pas tous
seuls estre à l’encontre de vous. On prendera à raençon les chevaliers
et les esquiers qui dedens Calais sont; et ceuls de la nation de Calais
on fera morir, car bien il l’ont deservi.»

Donc dist mesires Gautiers de Mauni: «Très chiers sires, on n’aueroit
jamais fait: ce seroit trop grans cruaultés à faire morir tant de
peuple. Moult en i a qui n’i ont nulles coupes, quoi que il soient là
enclos. Ouvrés de humelité: prenés la ville et le chastiel, et donnés
tout le demorant congiet. Si prieront pour vous et recorderont ens ès
estragnes contrées, où il iront querre lor cavance, le bien de vous, et
tenront celle grace à ausmonne.»

«Gautier, Gautier, respondi li rois, il ne puet estre ensi. Chil
de Calais ont fait morir tant de mes hommes que il fault que des
leurs il en soient mors aussi. Et pour ce que si acertes vous en
parlés et priiés, aussi il ont un très grant moiien en vous, je m’en
passerai parmi tant que je vous dirai. Vous retournerés là et dirés au
chapitainne que il couvient, pour la plus grant grace que je lor voel
faire, que euls siis honmes bourgois des plus notables de Calais, nus
piés et nus chiefs, en lor lignes draps tant seullement, les hars ou
col, viennent ichi et aportent les clefs de la ville et dou chastiel en
lors mains, et de ceuls je ferai ma volenté; et le demorant des honmes
de la ville, je prenderai à merchi.»--«Chiers sires, respondi mesires
Gautiers de Mauni, tout ce je le ferai volentiers.» Fºs 142 et 143.

P. 54, l. 6: crestiaus.--_Ms. A 7_: carniaux. Fº 158.

P. 54, l. 9: tantost.--_Ms. B 6_: le conte de Northonne, monseigneur
Gautier de Mauny, monseigneur Renault de Godehen et monseigneur Thomas
de Hollande. Fº 397.

P. 55, l. 10: samblant.--_Mss. A 7 et B 4_: semblable. Fº 158 vº.

P. 56, l. 4: le.--_Ms. A 7_: au. Fº 158 vº.

P. 56, l. 5: sagement estoit enlangagiés.--_Ms. A 7_: sage estoit
en parler et en language. Fº 158 vº.--_Ms. B 4_: saiges estoit de
langaiges. Fº 139 vº.

P. 57, l. _8 à 11_: monsigneur.... moy.--_Mss. A 7 et B 4_: que la plus
grant grace qu’il pourrait trouver ne avoir en moy. Fº 159.

P. 57, l. 12: six.--_Ms. B 6_: des plus gros. Fº 400.


§ =312=. P. 57, l. 19: A ces parlers.--_Ms. d’Amiens_: Tant fu allé et
venu que six bourgois de le ville se missent en le volenté dou roy et
li vinrent presenter, tous nus, les hars ou col, les clefs de le ville.
Li roys volloit que tantost et sans delay chil fuissent decollé; mès
la royne d’Engleterre et messirez Gautiers de Mauni en priièrent tant
doucement que li roys leur pardonna son mautalent, et n’eurent nul mal
dou corps. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Sus cel estat se departi dou roi d’Engleterre messires
Gautiers de Mauni et retourna jusques à Calais et vint as barrières, là
où messires Jehans de Viane, la capitainne, l’atendoit. Se li recorda
toutes les paroles devant dittes, ensi que vous les avés oï, et dist
bien que ce estoit tout ce que il en avoit peut impetrer. «Messire
Gautier, respondi messires Jehans, je vous en croi bien. Or vous pri
je que vous voelliés chi tant demorer que je aie remoustré tout cel
affaire à la conmunauté de la ville, car il m’ont chi envoiiet; et en
euls en tient, ce m’est avis, dou faire et dou laissier.» Donc respondi
li sires de Mauni et dist: «Je le ferai volentiers.»

Lors se departi messires Jehans de Viane des barrières et vint sus le
marchié, et fist sonner la cloce pour assambler toutes manières de gens
en la halle. Au son de la cloce vinrent ils tous, honmes et fenmes,
car moult desiroient à oïr nouvelles, ensi que gens si astrains de
famine que plus ne pooient. Qant il furent tout venu et assamblé en la
place, honmes et fenmes, messires Jehans de Viane lor remoustra moult
doucement les paroles toutes itelles que chi devant sont dittes et
recitées; et leur dist bien que aultrement ne pooit estre, et euissent
sur ce avis et brief consel, car il en couvenoit faire response. Qant
il oïrent ce raport, il conmenchièrent tout et toutes à criier et à
plorer si tenrement et si amerement que il ne fust si durs coers ou
monde, se il les veist et oïst euls demener, qui n’en euist pité. Et
n’orent pour l’eure nul pooir de respondre ne de parler; et meismement
mesires Jehans de Viane en avoit telle pité que il en larmioit moult
tenrement.

Une espace apriès, se leva en piés li plus rices bourgois de la ville
de Calais et de plus grande reconmendation, que on clamoit sire Ustasse
de Saint Pière, et dist devant tous et toutes ensi: «Bonnes gens, grans
pités et grans meschiés seroit de laissier morir un tel peuple que chi
a, par famine ou aultrement, qant on i puet trouver auqun moiien; et
si seroit grande ausmonne et grant grace enviers Nostre Signeur, qui
de tel mesciés les poroit garder et esqiever. Je, endroit de moi, ai
si grande esperance d’avoir grace et pardon enviers Nostre Signeur, se
je muir pour che peuple sauver, que je voel estre li premiers; et me
meterai volentiers en purs ma cemise, à nu chief et à nu piés, la hart
ou col, en la merchi dou gentil roi d’Engleterre.»

Qant sires Ustasses de Saint Pière ot dit ceste parole, tout honme le
alèrent aourer de pité, et pluisseurs honmes et fenmes se jettèrent en
genouls à ses piés, tendrement plorant. Ce estoit grans pités de là
estre et euls oïr et regarder.

Secondement, uns aultres très honestes bourgois et de grant afaire, et
liquels avoit deus damoiselles à filles, jones, belles et gratieuses,
se leva et dist tout ensi, et que il feroit compagnie en ce cas à son
compère et cousin sire Ustasse de Saint Pière, et se nonmoit li dis
bourgois Jehans d’Aire.

Apriès se leva li tiers bourgois de Calais qui se nonmoit sires
Jaquemes de Wisant, qui moult estoit rices homs de meubles et
d’iretages dedens Calais et au dehors de Calais, et se ofri aler en
lor compagnie; et aussi fist sire Pières de Wisant, son frère. Li
chienqimes fu sire Jehans de Fiennes et li sisimes sires Andrieus
d’Ardre.

Tout chil siis bourgois avoient esté en la ville de Calais li plus rice
et li plus manant, et qui plus avoient d’iretage ens et hors Calais,
et dont la ville par mer et par terre s’estoit le plus estofée; mais
pour pité et pour sauver lors fenmes et lors enfans et le demorant
de la ville, il se offrirent tout de bonne volenté et dissent à lor
chapitainne: «Sire, delivrés vous et nous enmenés deviers le roi
d’Engleterre, ou point et en l’estat que vostres trettiés devise; car
nous volons tout morir se nous sonmes à ce destiné, et prenderons la
mort en bon gré.»

Messires Jehans de Viane avoit si grant pité de ce que il veoit et
ooit, que il ploroit ausi tenrement que donc que il veist tous ses
amis en bière. Toutes fois, pour abregier la besongne, puisque faire
le couvenoit, il les fist desvestir en la halle en purs lors braies et
lors cemisses, nus piés et nus chiefs; et là furent aportées toutes
les clefs des portes et des guicès de la ville de Calais et celles dou
chastiel ensi. Et furent à ces siis honestes bourgois mis les hars ou
col; et en cel estat tout siis il se departirent de la halle et dou
marchiet de Calais, mesire Jehan de Viane qui ploroit moult tendrement
devant euls, et aussi faisoient tout li chevalier et li esquier qui
là estoient, de la grande pité que il avoient. Honmes et fenmes et
enfans honestes de la nation de la ville les sievoient et crioient
et braioient si hault que ce estoit grans pités au considerer. Li
siis bourgois, par avis assés liement, en aloient et avoient petite
esperance de retourner, et pour reconforter le peuple, il disoient:
«Bonnes gens, ne plorés point. Ce que nous faisons, c’est en istance
de bien, et pour sauver le demorant de la ville. Trop mieuls vault que
nous morons, puis que il fault qu’il soit ensi, que toutes les bonnes
gens de la ville soient peri, et Dieus auera merchi de nos ames.»

Ensi en plours et en cris et en grans angousses de cuers dolereus les
amena mesires Jehans de Viane jusques à la porte et le fist ouvrir.
Et qant ils et li siis bourgois furent dehors, il le fist reclore et
se mist entre les bailles et la porte, et là trouva mesire Gautier de
Mauni qui l’atendoit, et liquels s’apoioit sus les bailles par dedens
la ville de Calais. Avoit et ot, qant on vei issir des portes ces
siis bourgois, et il se retournèrent deviers la ville et les gens et
il dissent: «Adieu, bonnes gens, priiés pour nous», et la porte fu
reclose, si très grande plorrie, brairie et criie des fenmes et enfans
et des amis de ces bonnes gens que grans hisdeurs estoit à l’oïr et
considerer; et meismement messires Gautiers de Mauni en entendi bien la
vois et en ot pité.

Qant mesires Jehans de Viane fu venus jusques à lui, il li dist:
«Mesire Gautier, je vous delivre conme chapitainne de Calais, par le
consentement dou povre peuple d’iceli ville, ces siis bourgois, et
vous jure que ce sont et estoient aujourd’ui li plus honnourable et
notable honme de corps, de cavanche et d’ancesserie de la ditte ville
de Calais, et portent avoecques euls toutes les clefs de la ville et
dou chastiel de Calais. Si vous pri, chiers sires, en nom d’amour
et de gentillèce, que vous voelliés priier pour euls au gentil roi
d’Engleterre, à la fin que il en ait pité et compacion, et que il ne
soient point mort.» Donc respondi messires Gautiers de Mauni et dist:
«Je ne sçai que li rois mon signeur en vodra faire; mais je vous
creance et couvenence que je en ferai mon pooir.»

Adonc fu la barrière ouverte, et passèrent oultre li siis bourgois et
en alèrent en cel estat que je vous di, avoecques mesire Gautier de
Mauni, liquels les amena tout bellement jusques à l’ostel dou roi. Et
messires Jehans de Viane rentra en la ville de Calais par le guichet.

Li rois d’Engleterre estoit à celle heure en la salle de son hostel,
bien acompagniés de contes et de barons, liquel estoient là venu
pour veoir l’ordenance de ceuls de Calais; et meismement la roine i
vint, mais ce ne fu pas si tos. Qant on dist au roi: «Sire, vechi
mesire Gautier de Mauni qui amainne ceuls de Calais,» adonc issi li
rois de son hostel et vint en la place, et tout chil signeur apriès
lui, et encores grant fuisson qui i sourvinrent, pour veoir ceuls de
Calais et conment il finneroient; et la roine d’Engleterre, qui moult
ençainte estoit, sievi le roi son signeur. Evous messire Gautier de
Mauni venu et les bourgois dalés li, qui le sievoient, et descendi
de une basse hagenée que il cevauçoit. En la place toutes gens se
ouvrirent à rencontre de li. Si passèrent ºultre messires Gautiers et
li siis bourgois, et s’en vint devant le roi et li dist en langage
englois: «Très chiers sires, vechi la representation de la ville de
Calais à vostre ordenance.» Li rois se taisi tous quois et regarda
moult fellement sus euls, car moult les haioit et tous les habitans de
Calais, pour les grans damages et contraires que dou temps passet li
avoient fait.

Chil siis bourgois se missent tantos en genouls devant le roi, et
dissent ensi en joindant lors mains; «Gentils sires et nobles rois,
veés nous chi siis, qui avons esté d’ancesserie bourgois de Calais
et grans marceans par mer et par terre, et vous aportons les clefs
de la ville et dou chastiel de Calais, et les vous rendons à vostre
plaisir, et nous mettons en tel point que vous nous veés en vostre pure
volenté, pour sauver le demorant dou peuple de Calais qui souffert a
moult de grietés. Si voelliés de nous avoir pité et merchi par vostre
haute noblèce.» Certes il ni ot adonc en la place, conte, baron, ne
chevalier, ne vaillant honme qui se peuist astenir de plorer de droite
pité, ne qui peuist parler en grant pièce. Li rois regarda sus euls
très crueusement, car il avoit le coer si dur et si enfellonniiet de
grans courous, que il ne pot parler; et qant il parla, il conmanda en
langage englois que on lor copast les testes tantos. Tout li baron
et li chevalier qui là estoient, en plorant prioient, si acertes que
faire pooient, au roi que il en vosist avoir pité et merchi; mès il n’i
voloit entendre.

Adonc parla li gentils chevaliers mesires Gautiers de Mauni et dist:
«Ha! gentils sires, voelliés rafrener vostre corage. Vous avés le nom
et renonmée de souverainne gentillèce et noblèce. Or ne voelliés donc
faire cose par quoi elle soit noient amenrie, ne que on puist parler
sur vous en nulle cruauté ne vilennie. Se vous n’avés pité de ces
honmes qui sont en vostre merchi, toutes aultres gens diront que ce
sera grans cruaultés, se vous faites morir ces honestes bourgois, qui
de lor propre volenté se sont mis en vostre ordenance pour les aultres
sauver.» Adonc se grigna li rois et dist: «Mauni, Mauni, soufrés vous.
Il ne sera aultrement.» Mesires Gautiers de Mauni[299].... et n’osa
plus parler, car li rois dist moult ireusement: «On fache venir là cope
teste. Chil de Calais ºnt fait morir tant de mes honmes que il couvient
ceuls morir aussi.»

      [299] Lacune.

Adonc fist la noble roine d’Engleterre grande humelité, qui estoit
durement enchainte, et ploroit si tendrement de pité que on ne le
pooit soustenir. La vaillans et bonne dame se jetta en genouls par
devant le roi son signeur et dist: «Ha! très chiers sires, puis que
je apassai par deçà la mer en grant peril, ensi que vous savés, je ne
vous ai requis ne don demandet. Or vous prie je humlement et reqier en
propre don que, pour le Fil à sainte Marie et pour l’amour de mi, vous
voelliés avoir de ces siis honmes merchi.»

Li rois atendi un petit à parler et regarda la bonne dame sa fenme
qui moult estoit enchainte et ploroit devant lui en genouls moult
tenrement. Se li amolia li coers, car envis l’euist courouchiet ens
ou point là où elle estoit; et qant il parla, il dist: «Ha! dame, je
amaisse trop mieuls que vous fuissiés d’autre part que chi. Vous priiés
si acertes que je ne vous ose escondire le don que vous me demandés;
et conment que je le face envis, tenés, je les vous donne, et en
faites vostre plaisir.» La vaillans dame dist: «Monsigneur, très grant
merchis.»

Lors se leva la roine et fist lever les siis bourgois, et lor fist
ºster les cevestres d’entours lors cols, et les enmena avoecques lui en
son hostel et les fist revestir et donner à disner et tenir tout aise
ce jour. Et au matin elle fist donner à casqun siis nobles et les fist
conduire hors de l’oost par mesire Sanse d’Aubrecicourt et mesire Paon
de Ruet, si avant que il vorrent, et que il fu avis as deus chevaliers
que il estoient hors dou peril; et au departir il les conmandèrent à
Dieu. Et retournèrent li chevalier en l’oost, et li bourgois alèrent à
Saint Omer. Fº _143 à 144_ vº.

P. 57, l. 31: crestiaus.--_M{ss} A 1 à 6, 11 à 14, 15 à 17, 18 à 22_:
creneaulx. Fº 168 vº.--_Mss. A 8 à 10_: creniaux. Fº 149.--_Ms. A 7_:
carniaux. Fº 159.--_Ms. B 3_: carneaux. Fº 149.

P. 58, l. 11: response.--_Ms. A 29_: Lors commencèrent à plorer moult
amerement, à crier et à souspirer, à detordre leurs mains et à faire
maints piteux regrets, toutes manières de gens, et à demener tel dueil
qu’il n’est si dur coer, qui les veist ou ºuist, qu’il n’en eust
grant pitié; et mesmement monseigneur Jehan de Vienne en larmoyoit
tendrement. Quand monseigneur Jehan de Vienne, capitaine de Calais, eut
declaré au peuple de Calais ce qu’on povoit exploitter de grace au roy
d’Engleterre, après se leva....

P. 58, l. 30: en pur.--_Mss. A 1 à 6_: en pour. Fº 169.--_Mss. A 15 à
17_: en pure. Fº 166 vº.--_Ms. B 3_: en. Fº 149.

P. 59, l. 8: filles.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: mais que maigres
estoient de faim. Fº 166 vº.

P. 59, l. 10: d’Aire.--_Mss. A 8 à 10_: d’Arie. Fº 149 vº.--_Mss. A 15
à 17_: d’Ayres. Fº 166 vº.

P. 59, l. 11: Jakemes.--_Mss. A 1 à 14_: Jaques. Fº 169.--_Mss. A 15 à
17_: Pierres. Fº 166 vº.

P. 59, l. 14: Pières.--_Mss. A 15 à 17_: Jaques.

P. 60, l. 6: d’ancisserie.--_Ms. B 3_: d’ancienneté. Fº 149.

P. 61, l. 1: fellement.--_Mss. A 1 à 6_: felonneusement. Fº 169
vº.--_Mss. A 15 à 17_: felonnessement. Fº 166 vº.--_Ms. B 3_:
felonnement. Fº 149 vº.

P. 62, l. 2: grigna.--_Mss. A 20 à 29_: grigna le roy les dens. Fº 239
vº.--_Mss. A 7, 30 à 33_: grigna. Fº 198 vº.--_Ms. B 3_: se renga. Fº
150.

P. 62, l. 31: six nobles.--_Ms. B 6_: quarante cinq estrelins. Fº 406.

P. 62, l. 32: sauveté.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: et s’en alèrent
habiter et demourer en plusieurs villes de Picardie. Fº 166 vº.


§ =313=. P. 63, l. 1: Ensi fu.--_Ms. d’Amiens_: Si envoya li rois
(d’Angleterre) prendre le saisinne de Callais par ses marescaux. Et
furent pris prisonnier tout li chevalier qui là estoient, et envoiiet
en Engleterre. Et li roys et la royne entrèrent en Callais à grant
feste. Si furent bouté hors de Callais touttez mannierrez de gens,
hommes, femmez et enfans; et perdirent tout le leur et leur hiretaiges,
et allèrent demorer là où il peurent. Et le repeupla li roys englèz de
nouvellez gens d’Engleterre. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Ensi fu la forte ville de Calais assegie par le roi
Edouwart d’Engleterre en l’an de grace Nostre Signeur mil trois cens
quarante siis, environ la Saint Jehan decolasse, ou mois d’aout; et fu
conquise en l’an de grace Nostre Signeur mil trois cens quarante sept,
ou mois de septembre.

Qant li rois d’Engleterre ot fait sa volenté des siis bourgois de
Calais et il les ot donnés à la roine sa fenme, ensi que chi desus est
dit, il appella messire Gautier de Mauni et ses mareschaus le conte de
Warvich et mesire Richart de Stanfort et leur dist: «Signeur, prenés
ces clefs de la ville et dou chastiel de Calais. Si en alés prendre
la saisine et posession, et prenés tous les chevaliers qui là dedens
sont et les metés en prison ou faites leur jurer et fiancier prison.
Il sont gentilhonme, on les recrera bien sus lors fois; et tout le
demorant, saudoiiers et aultres, faites les partir: je les quite.» Chil
doi baron, avoecques mesire Gautier de Mauni, respondirent: «Il sera
fait.»

Si s’en vinrent li doi marescal et mesires Gautiers de Mauni, à cent
hommes et deus cens archiers tant seullement, en la ville de Calais,
et trouvèrent mesire Jehan de Viane, mesire Ernoul d’Audrehen, mesire
Jehan de Surie et les chevaliers, qui les atendoient à l’entrée de
la porte, qui estoit toute close, horsmis le guicet. Chil chevalier
françois requellièrent ces chevaliers d’Engleterre bellement et lor
demandèrent des siis bourgois conment il avoient finet, et se li rois
les avoit pris à merchi. Il respondirent: «Oïl, à la priière madame la
roine d’Engleterre.» De ce furent il tout resjoï.

Les portes et les bailles de Calais furent ouvertes: les Englois
entrèrent dedens et se saisirent de la ville et dou chastiel. Et furent
mis en prison courtoise mesires Jehans de Viane et tout li chevalier
de France, et toutes aultres gens, honmes, fenmes, enfans, mis hors.
Chil qui passèrent parmi l’ost d’Engleterre, li chevalier englois et li
vaillant honme en avoient pité et lor donnoient à disner, et encores de
l’argent à lor departement; et il s’en aloient, ensi que gens esgarés,
pour querir lors mieuls aillours. Il en i ot aussi auquns qui passèrent
parmi l’ost des Flamens qui gissoient entre Gravelines et Calais. Aussi
les Flamens par pité lor fissent des douçours et des courtoisies assés.
Ensi s’espardirent ces povres gens de Calais, mais la grignour partie
se retraissent à Saint Omer, et orent là biaucop de recouvrances.

Les marescaus d’Engleterre et mesires Gautiers de Mauni, qui furent
envoiiet de par le roi en la ville de Calais, le fissent toute et
tantos, et le chastiel aussi, netoiier, ordonner et apparillier, ensi
que pour le roi et la roine recevoir. Qant il orent tout ce fait et
le chastiel ordonné pour logier le roi et la roine, et tout li aultre
hostel furent widié et apparilliet pour recevoir les gens dou roi, on
le segnefia au roi. Adonc monta il à ceval et fist monter la roine et
leur fil le prince, les barons et les chevaliers; et cevauchièrent à
grant glore deviers Calais et entrèrent dedens la ville à si grant
fuisson de menestrandies, de tronpes, de tabours, de claronchiaus,
de muses et de canemelles que grant plaisance estoit à considerer et
regarder. Et chevaucièrent ensi jusques au chastiel; et là descendirent
li rois, la roine, li princes, li contes Derbi et li signeur. Les
auquns demorèrent avoecques le roi, qui logiet ou chastiel estoient;
et les aultres se traissent as hostels, lesquels on avoit ordonné pour
euls.

Et donna li rois, ce premier jour que il entra en Calais, à disner
ens ou chastiel de Calais, la roine, les dames et les damoiselles,
les contes, les barons et les chevaliers, et non pas de pourveances
de la ville, mais de celles de lor hoost qui lor estoient venues et
venoient encores tous les jours de Flandres et d’Engleterre. Et devés
savoir que, le siège estant devant Calais, il vinrent en l’oost le
roi d’Engleterre moult de biens et de larguèces par mer et par terre
dou pais de Flandres; et euissent eu les Englois des defautes assés,
se les Flamens n’euissent esté. Che jour furent toutes les portes de
Calais ouvertes, et vinrent moult de Flamens veoir l’estat dou roi
d’Engleterre. Et estoient toutes les cambres dou chastiel de Calais,
la salle et les alées encourtinées et parées de draps de haute lice,
si ricement conme as estas dou roi et de la roine apertenoit. Et aussi
estoient les hostels des contes et des barons d’Engleterre, qui se
tenoient en la ville, et perseverèrent ce jour, en grant joie et en
grant reviel.

Le second jour, apriès que li rois d’Engleterre entra en Calais,
il donna à disner ens ou chastiel de Calais tous les plus notables
bourgois de Flandres des conmunautés des bonnes viles, par laquelle
promotion les honmes de Flandres estoient là venu servir le roi. Et
fu li disners biaus et grans et bien estofés; et au congiet prendre
au roi, li dis rois les remercia grandement dou service que fait li
avoient. Et retournèrent les Flamens en lor hoost, et à l’endemain il
se departirent tout et retournèrent en leurs lieus. Ensi se portèrent
les besongnes de Calais. Et donna li rois d’Engleterre congiet à toutes
manières de gens d’armes et archiers pour retourner en Engleterre, et
ne retint que son fil, le prince de Galles, et son consel, et sa fenme
la roine, dames et damoiselles et lor estat, et son cousin le conte
Derbi.

Et donna li rois as pluisseurs de ses barons des biaus hostels de
Calais, à casqun selonc son estat, pour euls tenir, demorer et logier,
qant il vodroient passer la mer d’Engleterre à Calais. Et furent les
dons, les auquns à hiretage, et les aultres à la volenté dou roi.
Et furent tout li manant en la ville de Calais, au jour que elle fu
rendue, bouté hors. Et ne furent retenu tant seullement que euls
trois anciiens honmes, lesquels savoient les usages et les coustumes
de la ville, entre lesquels il i avoit un prestre pour rasener les
maniemens des hiretages, ensi conme il se portoient. Car ce estoit li
intension dou roi et de son consel que elle seroit redefie et raemplie
de purs Englois, et que on i envoieroit de la chité de Londres douse
bourgois notables, rices honmes et bons marceans, et encores des chités
et bonnes villes d’Engleterre vingt quatre bourgois et avoecques ces
trente siis, fenmes, enfans et toutes lors familles, et en desous de
euls, aultres honmes, ouvriers de tous estas, par quoi la ville se
refourmeroit toute de purs Englois. Et seroit à Calais li estaples des
lainnes d’Engleterre, dou plonc et de l’estain; et se venroient ces
trois marceandises coustumer à Calais, et feraient là le qai et le
havene.

Li rois d’Engleterre, pour toutes ces coses ordonner et mettre à lor
devoir, se tint à Calais sans retourner en Engleterre bien un quartier
de un an, et tant que la roine sa fenme i fu acouchie et ralevée de
une belle fille, laquelle ot nom Margerite, et fu depuis, contesse de
Pennebruq, mais elle morut jone. Le roi d’Engleterre estant à Calais,
tout fu remparet et raparilliet ce qui desemparet estoit. Et furent
envoiiet en Engleterre mesires Jehans de Viane et mesires Ernouls
d’Audrehen et les chevaliers qui dedens Calais estoient au jour que
elle fu rendue, et avant que li rois d’Engleterre se departesist de
Calais. Fºs 144 vº et 145.

P. 63, l. 3: decolasse.--_Ms. B 6_: à l’isue du mois d’auoust. Fº 406.

P. 63, l. 8: femme.--_Ms. B 9_: il envia ses marisaulx monseigneur
Gautier de Mauny, messire Renault de Gobehen. Fº 406.

P. 63, l. 9: le baron.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 33_: le conte. Fº
170 vº.

P. 63, l. 17: partir.--_Ms. B 6_: en leurs simples draps sans plus. Fº
406.

P. 63, l. 24: Viane.--_Les mss. A omettent_: Ernoul d’Audrehen.

P. 63, l. 26: Bauduin.--_Mss. A 20 à 22_: Baudin. Fº 240.--_Mss. A 23 à
33_: Jehan. Fº 185.

P. 64, l. 3: hiretages.--_Ms. A 29_: Quand le peuple de Calais, hommes,
femmes et enfans, eurent vuidé la ville, les troys chevaliers firent
très honnestement ordonner le chastel pour loger le roy et la royne,
puis vindrent sur le marché; et si appareillèrent tous les bons hostels
pour loger les comtes, barons et chevaliers, chascun selon son estat.
Et ainsi fut ordonné pour recevoir en Calais le roy et sa chevalerie.
Quant ce fut fait, le roy monta à cheval et fit monter la royne sur son
chariot, qui fut moult grandement acompagnée de dames et damoiselles;
puis montèrent sur bons destriers, comtes, barons, chevaliers et
escuyers.

P. 64, l. 11: tabours.--_Les mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18 à 33 ajoutent_:
de nacaires. Fº 170 vº.--_Les mss. A 8 à 10 ajoutent_: de nacaires, de
chalemies. Fº 150 vº.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: de nacaires, de
chalemies, de vielles, cistolles et autres talleraires. Fº 168.--_Le
ms. B 3 ajoute_: de menestriers, de trompètes, tabourins, chalumelles
et tous autres instrumens qu’on pourrait nommer.--_Le ms. B 4 ajoute_:
de canemelles. Fº 141.

P. 64, l. 27: Bietremieu de Brues.--_Mss. A 1 à 6_: Berthelemi de
Bruues. Fº 171.--_Ms. A 7_: Bertremieu de Breuues. Fº 161.--_Mss. A
8 à 10_: Berthelemi de Bruhes. Fº 151.--_Mss. A 11 à 14, 18, 19_:
Berthelemi de Breuues. Fº 159 vº.--_Mss. A 15 à 17_: Berthelemieu de
Brunes. Fº 168.--_Mss. A 20 à 22_: Bartholomieu de Bruues. Fº 240
vº.--_Mss. A 23 à 33_: Berthelemy de Brunes. Fº 185 vº.--_Ms. B 3_:
Bartolemy de Bruges. Fº 150 vº.--_Ms. B 4_: Bertremieu de Bruhes. Fº
141.

P. 65, l. 7: deffaite.--_Ms. B 6_: et fist abatre et oster le grant
castiel de bos qui estoit sur les dunes à l’endroit du havre. Fº 407.

P. 65, l. 12: fait.--_Ms. B 6_: Et demora là à tout grans gens d’armes
par l’espasse de trois sepmaines. Fº 407.

P. 65, l. 13: Viane.--_Le ms. A 29 ajoute_: monseigneur Jehan de Surie.

P. 65, l. 15: raençon.--_Les mss. A 15 à 17 ajoutent_: assez courtoise.
Fº 168.


§ =314=. P. 65, l. 16: Or me samble.--_Ms. d’Amiens_: En celle année fu
acordée une trieuwe entre le roy de France et le roy d’Engleterre, à
durer deus ans, par le pourcach dou cardinal de Boulongne, qui estoit
en Franche. Et retourna li roys d’Engleterre arrière en son pays, quant
il eut bien pourveu le ville de Callais, et la roynne, sa femme, avoecq
lui. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Or m’est avis que c’est grande imagination de
piteusement penser et osi considerer que chil grant bourgois et ces
nobles bourgoises et lors biaus enfans, qui d’estoc et d’estration
avoient demoret, et lor predicessour, en la ville de Calais, devinrent,
des quels il i avoit grant fuisson, au jour que elle fu rendue. Ce fit
grans pités, qant il lor couvint guerpir lors biaus hostels et lors
hiretages, lors meubles et lors avoirs, car riens n’enportèrent; et si
n’en orent onques restorier ne recouvrier dou roi de France pour qui
il avoient tout perdu. Je m’en passerai de euls briefment à parler: il
fissent au mieuls que il porent, mais la grignour partie de euls se
traist en la ville de Saint Omer.

Encores se tenoit li rois d’Engleterre à Calais, pour entendre le plus
parfaitement as besongnes de la ville, et li rois Phelippes de France,
en la bonne chité d’Amiens. Et estoit dalés lui nouvellement venus uns
siens cousins cardinauls, mesires Guis de Boulongne, en très grant
estat. Et l’avoit papes Clemens, qui resgnoit pour ce temps, envoiiet
d’Avignon en France. Et tenoit chils dis cardinauls trop grandement
biel estat et estofet, et aloit sus les biens de l’Eglise à plus
de deus cens chevaus. Onques sains Pières, ne sains Pols, ne sains
Andrieus n’i alèrent ensi.

Chils cardinauls de Boulongne, à sa bienvenue deviers le roi de France,
quist voie et moiien et amis deviers le roi d’Engleterre conment il
vint à Calais; et lui là venu, il procura tant deviers le dit roi et
son consel le conte Derbi, mesire Renault de Gobehem, mesire Richart de
Stanfort et mesire Gautier de Mauni, que unes trieuves furent prises
entre les deus rois de France et d’Engleterre et de tous lors ahers et
aidans, à durer deus ans par mer et par terre. Et furent reservet et
exceptet en celle trieuve les deus dames de Bretagne, la fenme à mesire
Carle de Blois et la contesse de Montfort; et tinrent toutdis ces deus
dames en Bretagne la guerre li une contre l’autre.

Ces trieuves acordées et jurées à tenir le terme de deus ans tant
seullement, li cardinaus de Boulongne retourna à Amiens deviers le
roi de France. Et li rois d’Engleterre ordonna ses besongnes et s’en
retourna en Engleterre, et i remena la roine sa fenme et tous lors
enfans et lor estat, dames et damoiselles, et ne laissièrent nului
derrière; et ordonna à demorer en Calais et à estre chapitainne un
chevalier lombart, lequel on nonmoit mesire Ameri de Pavie. Et estoit
li dis chevaliers très grandement en la grace et amour dou dit roi, car
il l’avoit servi un lonch temps. Et bien se confioit li rois en li,
qant il li bailloit en garde le jeuiel ou monde à ce jour que il amoit
le mieuls: c’estoit la ville et le castiel de Calais. Se l’en deubt
estre priès mesvenu, ensi que vous orés recorder en l’istore. Fºs 145
vº et 146.

P. 65, l. 16: Or.... anuis.--_Mss. A 1 à 6, 15 à 17_: Or m’est advis
que c’est grand advis. Fº 171.--_Mss. A 7 à 10, 18, 19_: Or m’est avis
que c’est grant avis. Fº 151.--_Mss. A 11 à 14_: Or m’est advis que
c’est grant avis. Fº 159 vº.--_Mss. A 20 à 22_: Or me samble que c’est
grant annuy. Fº 249 vº.--_Mss. A 23 à 33_: Or m’est avis que c’estoit
grant pitié. Fº 185 vº.

P. 65, l. 28: Saint Omer.--_Ms. B 6_: Et en Flandres et en Artois et
en Boulenois et aultre part. Les aucuns les plaindoient et les autres
non, car en devant le siège le ville de Calais avoit le renommée de
tous cheulx qui le congnoissoient et antoient, que c’estoit l’eune des
villes du monde le plus plaine de pechiés, où le plus de roberies et
de choses mal acquises demoroient et convertisoient. Sy disoient les
aulcuns qui les congnoissoient que Dieu les avoit paiiet seloncq leur
deserte, car à paine povoient nulz gens aller par mer, s’il n’estoient
trop bien acompaigniés, qui passoient devant le havre qu’il ne fussent
mourdris ou desrobés. Et pour che les haioit le roy englès. Fº 408.

P. 66, l. 4: Boulongne.--_Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22 ajoutent_:
son cousin. Fº 171.

P. 66, l. 5: legation.--_Ms. B 6_: Tant alèrent (les deux cardinaux) de
l’un à l’autre que unes trièvez furent prisez entre les deux rois et
leur gens, et devoit durer jusques à le Saint Jehan Baptiste qui seroit
l’an de grace mil trois cens quarante huit. Fº 409.

P. 66, l. 10: l’autre.--_Ms. A 29_: Quant la dame eut esté un mois en
gesine en la ville de Calais.

P. 66, l. 21 et 22: quatre cens.--_Mss. A 1 à 14, 18 à 33_: trois cens.
Fº 171 vº.

P. 66, l. 24: si grandes.--_Ms. A 29_: que plusieurs beaux et bons
mesnages s’y vindrent amasser voulontiers.


§ =315=. P. 67, l. 12: Toute.--_Ms. de Rome_: Quoi que les trieuves
fuissent bien tenues entre le roi de France et le roi d’Engleterre,
tant que de lors personnes et de ceuls où lors poissances et semonces
et conmandemens se pooient estendre, se conmençoient jà à courir
pluisseurs enventureus brigans et pillars ens ès lontainnes marces de
France, ens ès lieus où il sentoient les chevaliers foibles et non
fait de la guerre, et prendoient lors villes et lors castiaus; car
il se quelloient ensamble une qantité de tels gens d’armes, alemans
ou autres, qui sus l’ombre de la guerre faisoient lors fais et lors
emprises, et ne lor aloit nuls au devant. Et voloient bien li auqun
dire que il estoient porté couvertement et souffert des officiiers dou
roi et des chevaliers et esquiers dou pais où il conversoient, et que
chil estoient participant à lors butins et pillages. Dont je vous di
que, depuis toutes tels coses et apertises d’armes, furent, parmi le
roiaulme de France, escoles de toutes iniquités et mauvestés; car trop
fort se moutepliièrent, par le laisseur et amplèce que il ºrent de
conmencement, ensi que vous orés recorder avant en l’istore.

Il i eut un brigant pillart, et croi que il fu alemans, qui trop
fort resgna en Limosin et en la Lange d’Oc, lequel on nonmoit Bacon.
Chils avoit aultres brigans desous lui, et le tenoient à mestre et
à capitainne, pour tant que il estoit le pieur de tous les aultres
et li plus outrageus, et bien les paioit de mois en mois, et fu trop
malement apers et soubtieus à embler et esqieler villes et forterèces.
Et cevauçoient, tels fois estoit, ils et ses compagnons, vint ou
trente lieues de nuit par voies couvertes, et venoient, sus le point
de un ajournement, là où il voloient estre, et esqielloient le lieu
où il avoient jeté et asis leur visée; et qant il estoient dedens une
ville, ils boutoient le feu en cinq ou en siis maisons. Les gens de
celi ville estoient esbahi et gerpisoient tout et s’enfuioient. Et
chil pillart ronpoient cofres et escrins et prendoient ce que de bon
il trouvoient dedens, et aussi des plus rices honmes à prisonniers, et
les rançonnoient. Et vendoient les villes que pris avoient as honmes
dou pais et à ceuls meismes lesquels boutés hors il en avoient, et en
prendoient grant argent, selonch ce que il se pooient composer. Et
par tels cas asamblèrent chil pillart trop malement grant finance. Et
prist chils Bacons la ville de Dousenach en Limosin et le pilla toute,
et encores le vendi ilss en deniers apparilliés, qant il s’en departi,
diis mille esqus.

Apriès, chils Bacons et ses gens prisent le ville et le chastiel de
Comborne et le visconte et la contesse et lors enfans dedens, et les
rançonna à vingt quatre mille esqus et retint le chastiel et trouva
cautelle et action de guerrier le pais, pour tant que chils viscontes
de Comborne s’estoit armés pour la contesse de Montfort, car chils
Bacons estoit de la partie à la fenme mesire Carle de Blois. En la
fin il vendi le chastiel au roi de France, et en ot en deniers tous
apparilliés vingt quatre [mille] esqus, mais on les fist paiier le plat
pais. Et fist chils viscontes de Conbourne sa paix au roi de France. Et
li rois volt avoir ce Bacon dalés li, et fu wisiers d’armes dou roi et
bien en la grace dou roi Phelippe et dou roi Jehan, et tous jours bien
montés de coursiers, de roncins et de hagenées; et avoit assés grant
finance d’or et d’argent, et demora en bon estat tant que il vesqui. Fº
146.

P. 67, l. 30 et 31: gaegnoient.--_Ms. B 3_: pauvres gens de guerre et
brigans. Fº 151 vº.

P. 68, l. 5: quarante mil.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: soixante mil. Fº
151 vº.

P. 68, l. 5: escus.--_Ms. B 6_: florins. Fº 411.

P. 68, l. 9: s’assembloient.--_Ms. B 6_: trente brigans ou quarante. Fº
411.

P. 68, l. 13: maison.--_Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 16 à 22 ajoutent_:
ou en deux. Fº 172.

P. 68, l. 19: Donsonak.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 23 à 29_: Donsenok,
Dousenok. Fº 172.--_Mss. A 8 à 10_: Donsenac. Fº 151 vº.--_Mss. A 15
à 17_: Dondenach. Fº 169.--_Mss. A 18, 19_: Dousenach. Fº 176.--_Mss.
A 20 à 22_: Donzenork. Fº 242.--_Mss. A 30 à 33_: Dousenos. Fº 199
vº.--_Ms. B 3_: Donzenac. Fº 151 vº.--_Ms. B 4_: Dousenak. Fº 142.

P. 68, l. 24: Combourne.--_Mss. A 18, 19_: Comborn. Fº 176.--_Ms. A 7_:
Coubourne. Fº 162.--_Ms. B 3_: Combort. Fº 151 vº.

P. 68, l. 24: en Limozin.--_Ms. B 6_: assés près de Limoges. Fº 412.

P. 68, l. 27: prisent.--_Ms. B 6_: sur son lit. Fº 412.

P. 68, l. 28: appelloit.--_Mss. A 29_: monseigneur Jehan.

P. 68, l. 31 et 32: vingt quatre.--_Ms. B 6_: vingt trois. Fº 412.

P. 69, l. 4: vingt mil.--_Mss. A 20 à 22 et B 6_: trente mille. Fº 242.

P. 69, l. 4 et 5: au roy de France.--_Mss. A 20 à 22_: au dit roy
Phelippe.

P. 69, l. 6: Bacons.--_Ms. B 6_: Bachons. Fº 412.--_Mss. A 1 à 14_:
Bacon. Fº 172.--_Mss. A 15 à 17_: Guillaume Bacon Fº 168.

P. 69, l. 10: vesqui.--_Les mss. A 20 à 22 ajoutent_: en ce monde. Fº
242.


§ =316=. P. 69, l. 11: En.--_Ms. de Rome_: Parellement et de ce temps
ot un homme d’armes, en Bretagne, alemant que l’on clama Crokart,
liquels avoit esté en son commencement uns varlès au signeur d’Ercle
en Hollandes, mais il se porta si bien ens ès guerres de Bretagne par
prises de villes et de chastiaus et des racas fais et de raençons de
gentils hommes que, qant il ot assés menet celle ruse et il fu tanés
de guerriier et de mal faire, il raporta la finance de soissante
mille viés esqus. Et fu chils Crokars uns des chiaus qui furent armé
avoecques les Englois en la bataille des Trente, et fu tous li mieudres
de son costé; et i acquist tel grace que li rois Jehans de France li
manda que, se il voloit relenqir les Englois et devenir François, il le
feroit chevalier et li donroit fenme et mille esqus de revenue par an.
Il refusa à ce.

Chils Crokars vint en Hollandes en grant estat, et pour ce que il vei
que li signeur qui le congnissoient, n’en faisoient point de compte,
il retourna en Bretagne, en ce temps que li dus de Lancastre, Henris
qui chi desus est nonmés contes Derbi, seoit à siège devant la chité de
Rennes. Li dus li fist grant chière et le retint de son hostel à douse
chevaus, et avint de Crokart ce que je vous en dirai.

Une fois, il cevauçoit un coursier, liquels li avoit cousté trois
cens esqus, et l’avoit tout nouviel et le volt asaiier pour veoir et
sçavoir conment il s’en poroit aidier, se il li besongnoit; et ferit ce
coursier des esporons, liquels estoient fors et rades et mal enbouqiés,
et vint asallir un fosset. Li coursiers tresbusça et rompi son mestre
le col. Ensi fina Crokars. Fº 146 vº.

P. 69, l. 11: En tèle.--_Mss. A 1 à 14, 18, 19, 30 à 33_: En autelle.
Fº 172.--_Ms. B 4_: En otelle. Fº 142.

P. 69, l. 19: Crokart.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19_: Crokat. Fº
172.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17, 20 à 33_: Croquart. Fº 152.--_Mss. A 18,
19_: Croquat. Fº 176.--_Ms. B 3_: Crocart. Fº 151 vº.--_Le ms. A 29
ajoute_: natif du comté de Flandres.

P. 69, l. 20 et 21: Ercle.--_Mss. A 15 à 17_: Hercleh. Fº 169
vº.--_Mss. A 20 à 22_: Arcles. Fº 242.

P. 69, l. 25: le vasselage.--_Mss. A 1 à 17, 11 à 14, 18 à 33_: la
prouesce. Fº 172.--_Ms. B 3_: la vaillantise. Fº 152.

P. 70, l. 2: le fin.--_Mss. A 1 à 14, 18 à 22_: la finance. Fº 172.

P. 70, l. 3: soissante mil.--_Mss. A 15 à 17_: cent mille. Fº 169
vº.--_Mss. A 20 à 33_: quarante mille. Fº 242 vº.

P. 70, l. 7: Trente.--_Ms. B 6_: et fu li uns des prins à celle
bataille avoecques les aultres. Fº 414.--_Les mss. A 18, 19 ajoutent_:
contre Trente. Fº 176 vº.

P. 70, l. 8: li mieudres.--_Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18, 19, 23 à 33_; le
meilleur combatant. Fº 172.--_Mss. A 8 à 10, 15 à 17_: le mendre. Fº
152.--_Ms. B 3_: le meilleur. Fº 152.

P. 70, l. 16: trois cens.--_Mss. A 1 à 6_: trois mille. Fº 172
vº.--_Ms. B 3_: quatre cens. Fº 152.

P. 70, l. 19: trebucha.--_Ms. B 6_: Sy se brisa le dit Crokars le
hateriel. Fº 414.

P. 70, l. 21: ensi.--_Ms. B 6_: Sy brigans monteplyèrent puissedy tant
que maint damaige en avint en pluiseurs marches par le royalme de
Franche. Fº 414.


§ =317=. P. 70, l. 22: En ce temps.--_Ms. d’Amiens_: Celle trieuwe fu
assés bien tenue, mais il avint en celle année que messires Joffrois
de Cargny, qui se tenoit à Saint Omer et à qui durement anuioit, et à
aucuns chevaliers de Picardie, de le prise de Callais, tretièrent tant
deviers monseigneur Ainmeri de Pavie, un chevalier lombart, cappittaine
de Callais, que pour argent il leur eut en couvent de rendre et livrer
Callais, à un certain jour qui mis y fu, parmy vingt mil escus qu’il en
devoient paiier. Or avint que li roys d’Engleterre seut ce markiet, je
ne say comment, et manda à Londrez monseigneur Ainmeri et l’espoenta
bien. Touttesfois, finablement, il li dist qu’il poursieuvist son
marchiet et qu’il seroit à le journée, et parmy tant il li pardonroit
tout son fourfet. Messires Ainmeri, qui cuida bien estre mors, li eut
en couvent et vint de recief à Callais. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Or retournons à la matère dont je parloie, qant je
conmençai à parler de Bacon et de Crokart. Vous devés sçavoir que en la
ville de Saint Omer se tenoit uns moult vaillans chevaliers françois,
liquels se noumoit mesires Joffrois de Cargni, et croi que il soit as
armes Campegnois. Chils mesires Joffrois estoit en coer trop grandement
courouchiés de la prise et dou conquès de la ville et dou chastiel
de Calais, que les Englois tenoient, et metoit toutes ses ententes et
imaginations au regarder conment il le peuist ravoir, et sentoit pour
ce temps un chapitainne en Calais, qui n’estoit pas trop haus homs, ne
de l’estration d’Engleterre. Si se avisa mesires Joffroy de Carni que
il feroit asaiier au dit chapitainne, qui se nonmoit mesires Ainmeris
de Pavie, se pour argent pronmetre et donner, il poroit marceander à
lui par quoi il peuist avoir Calais. Et se enclina en ceste pensée
le plus, pour tant que mesires Ainmeris estoit Lombars et de nation
estragne; car se il fust Englois ou Hainnuiers, il ne se fust jamais
avanchiés de faire ce que il fist. Et envoia secretement tretier
deviers cel mesire Ainmeri par un Lombart demorant [à Paris] qui se
disoit son cousin.

Ainmeris entendi à ces trettiés et se dissimula trop fort, ensi que il
apparu, car il fist entendant à ce Lombart parisiien que on nonmoit
Ambrosin, que il renderoit Calais as François pour vint mille esqus,
car il estoit tanés de servir le roi d’Engleterre et voloit retourner
en son pais. Et tout che que il disoit, estoit bourde, car jamais ne
l’euist fait; et bien le creoient de ses paroles Ambrosins et mesires
Joffrois. Et furent les coses si aprochies que jours mis et asis que de
rendre et livrer as François le chastiel de Calais, et par le chastiel
on enteroit en la ville. Et de ce se tenoient tout à segur et à
conforté mesires Joffrois et ses consauls. Et s’en vint li dis mesires
Joffrois de Carni à Paris, et remostra ce marchiet et ce trettiet as
plus proçains dou roi. Li auqun le voloient croire et li aultre non; et
disoient que ce estoit une barterie couverte, et que jamais pour vint
mille esqus, on ne retourneroit à avoir Calais. Li aultre disoient,
qui desiroient à veoir le marchiet acompli, que si poroit bien faire.
Mesires Joffrois afremoit les coses si acertes que il en fu creus. Et
furent ºrdonné et delivré par le tresorier de France li vint mille
esqus; et furent envoiiet et aporté en l’abeie de Saint Bertin à Saint
Omer. Messires Joffrois de Cargni fist une semonse et priière secrète
de gens d’armes en Artois, en Boulenois et là environ; et ne sçavoient
nuls encores pour où c’estoit à aler.

Entrues que mesires Joffrois de Cargni entendoit de grant desir et
volenté au procurer ses besongnes, mesires Ainmeris de Pavie, d’autre
costé, qui les voloit decevoir, monta en mer et vint en Angleterre.
Et trouva le roi à Eltem, et li remostra toute la besongne, conment
elle aloit et demenée elle estoit. Li rois entendi à ces paroles, qui
fu moult esmervilliés de ce, et pensa sus un petit. Et apella mesire
Gautier de Mauni qui pour ces jours estoit dalés li, et fist à mesire
Ainmeri de Pavie recorder toute la marceandise, conment elle aloit; et
en demanda consel, quel cose en estoit bonne à faire. Mesires Gautiers
en respondi son entente et dist: «Sire, li François folient et abusent
trop grandement, qui, en bonnes trieuves jurées et données, marceandent
de vous trahir, et voellent avoir la ville et le chastiel qui tant vous
ont cousté: il ne fait point à souffrir. Vous m’avés demandé consel et
je vous consillerai. Vous envoierés là à Calais des bonnes gens d’armes
assés et par raison, pour resister à l’encontre des François, et dirés
à Ainmeri que il procède avant en son marchié, et bien se garde que
de son lés il n’i ait fraude ne traison, car vous vos estes confiiés
en li et vous confiierés encores.»--«Gautier, respondi li rois, vous
dites bien, et je le ferai ensi et vous institue à estre souverains
de celle armée. Traiiés vous viers Douvres et celle marce là, et je
vous envoierai gens assés.» Mesires Gautiers de Mauni respondi au
roi: «Sire, je le ferai volentiers.» Puis appella li rois Ainmeri de
Pavie et li dist à part: «Je voel, dist li rois, que tu poursieves
ton marchiet. Gautiers de Mauni retournera avoecques toi, et de tout
ce que il te conselle, uses apriès son consel.» Il respondi et dist:
«Volentiers.» Fºs 146 vº et 147.

P. 70, l. 22: En ce temps.--_Ms. B 6_: en l’an de grace mil trois cens
quarante huit. Fº 414.

P. 70, l. 26: touchans.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 19 ajoutent_: fait d’armes.
Fº 172 vº.--_Ms. B 3_: le fait d’armes. Fº 152.

P. 71, l. 10: convoiteus.--_Ms. B 3_: ambicieux. Fº 152.

P. 72, l. 2: part.--_Ms. A 29_: et lui demanda des nouvelles de
Callais: «Chier, sire, respondit le Lombart, je n’y sache que tout
bien.» Adonc il le traict à part, si lui dit: «Tu sçais que pour la
grant fiance que j’ay eu en toy, je t’avoye donné en garde.»

P. 72, l. 3: la riens.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 22 et B 3_: la chose. Fº
173.--_Ms. A 7_: la rien. Fº 162 vº.

P. 72, l. 23: se Diex me vaille.--_Mss. A 1 à 22_: se Dieu me vueille
aidier. Fº 173.

P. 73, l. 4: empensé.--_Mss. A 15 à 17, 20 à 22_: en pensée. Fº
170.--_Ms. B 3_: pensoit. Fº 152 vº.

P. 73, l. 13: monseigneur de Fiennes.--_Mss. A 1 à 6_: messire Morel de
Fiennes. Fº 173.

P. 73, l. 14: Ribeumont.--_Mss. A 20 à 22_: Ribeaumont. Fº 243 vº.

P. 73, l. 15: Kreki.--_Mss. A 20 à 22_: Creci.

P. 73, l. 15: Were.--_Mss. A 20 à 22_: Ware.

P. 73, l. 16: dou Bos.--_Mss. A 7 à 17_: du Boys. Fº 163.

P. 73, l. 24: par nuit.--_Ce mots manquent dans les mss. A 1 à 6, 8 à
14._--_Ms. B 3_: à ce jour, de nuyt. Fº 152 vº.


§ =318=. P. 73, l. 27: Quant li rois.--_Ms. d’Amiens_: Li roys
d’Engleterre ne mist mies en oubli ce que faire volloit, mès se bouta
à mil hommez d’armes de nuit secretement en le ville de Callais. Au
jour que li dis messire Ainmeris dubt delivrer le ville de Callais,
y vinrent messires Joffroix de Cargny, messires Moraux de Fiennez,
messires Jehans de Landas, messires Ustasses de Ribeumont, messires
Pepins de Were, messires Henris dou Bos, li sirez de Kikempoi et
pluisseurs autres d’Artois, de Vermendois et de Picardie, et fissent
ung secret mandement. Si furent mis en le ville de Callais de nuit.
Dont saillirent li Englès hors et envaïrent les Franchois, et les
reboutèrent hors de la ville. Et là eut grant bataille et crueuse, car
li Franchois se requeillièrent, qui estoient grant fuisson. Fº 98.

--_Ms. de Rome_: Adonc se departirent dou roi d’Engleterre mesires
Ainmeris et mesires Gautiers et vinrent à Douvres, et là passèrent la
mer et vinrent sus un tart à Calais. Depuis envoia li rois d’Engleterre
gens d’armes et archiers d’Exsesses et de Sousexses et de la conté
de Kent viers Douvres et viers Zandvich, et passèrent petit à petit
la mer et se boutèrent couvertement à Calais et tant que la ville en
fu bien pourveue. Et droit sus le point dou darrain jour, de quoi à
l’endemain li marchiés devoit estre livrés à l’entente des François,
li rois d’Engleterre en prope personne vint à Calais, non congneus de
plenté de gens: de quoi mesires Gautiers de Mauni fu moult esmervilliés
qant il le vei; nequedent il se fissent bonne chière. Et dist li rois:
«Gautier, je voel veoir et connoistre quels gens vendront pour moi
tolir Calais, que je ai tant comparet. Je le voel aidier à deffendre et
à garder; mais je me meterai desous vostre pennon, ensi conme uns de
vostres chevaliers, ne je ne voel pas que toutes mes gens sachent que
je soie ichi venus maintenant pour tèle cose.»--«Sire, respondi mesires
Gautiers, vous avés raison. Or en ordonnés à vostre ordenance, car bien
me plaist.»

Moult des gens le roi d’Engleterre ne sçavoient pour quoi il estoient
venu et furent bouté en cambres et en celiers ens ou chastiel; et
cheuls liquel estoient en la ville, se tinrent tous qois en lors
hostels. Et leur fu dit: «Ne vous bougiés de chi, tant que vous auerés
aultres nouvelles.» Tout se acordèrent à l’ordenance que on les volt
metre.

Ceste besongne estoit poursievoite moult aigrement et couvertement de
mesire Joffroi de Carni, et ne quidoit point fallir à ravoir Calais;
si fort se confioit il ens ès paroles et convenances de mesire Ainmeri
de Pavie, et avoit segnefiiet à pluisseurs bons chevaliers et esquiers
d’Artois, de Boulenois et de Piqardie, à tels que à mesire Jehan de
Landas, à mesire Ustasse de Ribeumont, à mesire Pepin de Were, au
visconte des Qènes, au chastelain de Biauvais, au signeur de Creqi,
au signeur de Cresèques, au signeur de Brimeu, au signeur de Santi,
au signeur de Fransures et à moult d’aultres. Et qant il furent venu
en l’abeie de Liques, il dist as capitainnes de l’ordenance de la
marceandise que il avoit à cel Ainmeri de Pavie. Li auqun supposoient
assés que Ainmeris, pour tant que il estoit Lombars, prenderoit les
deniers et renderoit le chastiel de Calais, et se il avoient le
chastiel, il aueroient la ville. Et li aultre creoient mieuls le
contraire que le fait, et doubtoient fort traison; et chil qui estoient
de celle opinion, se tenoient tous jours derière.

Mesires Jofrois de Carni, liquels avoit fait son amas de gens d’armes
et d’arbalestriers, remist, sus un ajournement qui fu le nuit de l’an
mil trois cens quarante huit, toutes ces gens d’armes ensamble et
aproça Calais; et cevauchièrent de nuit et vinrent sus un ajournement
assés priès de Calais, ensi que devisé se portoit. Et envoia li dis
mesires Jofrois de Cargni deus de ses varlès devant, pour parler à
mesire Ainmeri et pour sçavoir le couvenant de Calais. Li varlet
trouvèrent à la porte dou chastiel, à celle qui oevre sus la mer,
mesire Ainmeri, et leur dist: «Oil. Faites les traire avant.» Li varlet
retournèrent et recordèrent toutes ces paroles à mesire Joffroi qui de
ce fu grandement resjoïs, et dist as chevaliers qui là estoient dalés
li: «Calais est nostre. Sievés me tout le pas, car je m’en vois prendre
la sasine dou chastiel.» Il le fissent et estoient bien euls cinq cens
en une brousse, sans les arbalestriers qui venoient derrière. Adonc se
ravisa mesires Jofrois et dist à mesire Oudart de Renti liquels estoit
dalés li: «Oudart, prenés les florins; portés les. Vous ferés le
paiement. Je voel entrer en Calais par la porte toute ºuverte. Je n’i
enterai jà par le guichet, ne moi, ne ma banière.»

Mesires Oudars de Renti s’i acorda et prist les florins qui estoient en
deus bouges et les fist encargier par ses varlès; et vint deviers le
chastiel et trouva le guichet de la porte ouvert, et mesire Ainmeri à
l’entrée. Et entrèrent tout chil qui entrer vorrent adonc, et chil qui
ordonné estoient de aler pour prendre la sasine dou chastiel. Si tos
que il furent tout entré dedens, mesires Aimmeris fist reclore et barer
le guicet: de quoi mesires Oudars de Rend li dist: «Pourqoi serrés vous
le guichet? il apertient que il soit ouvers. Si enteront nostres gens
dedens.» Donc dist mesires Ainmeris: «Il n’i enteront meshui fors que
par la porte toute ouverte, et tantos le sera, mais que je aie recheu
les deniers que je doi avoir. Vous estes gens assés.» Et puis dist par
couvreture: «Vous veés bien que vous estes signeur dou chastiel.»

Mesires Oudars de Renti s’apaisa de ceste parole et sievi mesire
Ainmeri; et aussi fissent tout li aultre, et trouvèrent le pont dou
castel avalé et la porte ouverte. Il passèrent sus et oultre, et ne
veirent pas samblant, ne oïrent honme ne fenme. Mesires Ainmeris enmena
mesire Oudart de Renti en la chambre dou portier, à l’entrée de la
porte, et li dist: «Metés ichi les deniers.» Mesires Oudars de Renti
le fist à sa resqueste. Il furent mis sus une table. Et dist messires
Ainmeris: «I sont il tout?»--«Oil, par ma foi, dist mesires Oudars.
Mesires Jofrois de Cargni le mes a ensi fait prendre.»--«Je vous en
croi bien, dist messires Ainmeris. Or vous tenés ichi un petit, je
voi querir les clefs des portes de la ville, car je les fis her soir
toutes aporter ichi dedens.» Mesires Oudars de Renti le crei bien
de ceste parole. Mesires Ainmeris entra dedens une salle qui estoit
toute plainne de gens d’armes. Si tretos que elle fu ouverte, tout à
une fois il sallirent hors, et ausi chil de la grose tour, où li rois
d’Engleterre estoit. En mesire Oudars de Renti et en ses gens qui là
estoient venu, n’ot point de deffense, car il furent pris as mains et
tout boutés en tours et en prisons.

Je vous dirai que mesires Ainmeris de Pavie avoit fait pour resjoïr
les François. Il avoit bouté hors dou chastiel les banières dou roi
de France; mais si tretos que ceste aventure fu avenue que pris chil
qui estoient alé devant pour saisir le chastiel, il osta ces banières
et mist cestes dou roi d’Engleterre. Il estoit encores moult matin,
environ solel levant.

Qant li François, qui estoient sus le sabelon devant Calais, veirent ce
couvenant, il congneurent tantos que il estoient trahi. Mesires Jofrois
de Carni, qui grant desir avoit d’entrer ens ou chastiel et liquels
estoit avoecques ses gens et desous banière, regarde viers une porte
et le voit ouvrir, et issir à brousse grant fuisson de gens d’armes et
d’archiers et venant le bon pas sur euls, et dist à mesire Ustase de
Ribeumont et à mesire Jehan de Landas qui n’estoient pas trop lonch de
li: «Signeur et compagnon, nous sonmes trahi. Chils faus Lombars m’a
deceu, et je vous ai bouté en ce dangier, ce poise moi, se amender le
pooie; et puisque combatre nous fault, moustrons que nous sonmes gens
de volenté et de deffense.»--«Sire, respondirent il, c’est bien nostre
intention.» Lors se missent ces trois banères ensamble et requellièrent
lors gens par bonne ordenance et apuignièrent les glaves et moustrèrent
visage.

Evous les Englois venus, le pennon mesire Gautier de Mauni tout
devant, et le roi d’Engleterre desous celi; et savoient trop petit de
gens de son costé que li rois fust là. Les Englois avoient retailliet
lors lances jusques à cinq piés de lonc et s’en vinrent le bon pas
et entrèrent en ces François et conmenchièrent à pousser, et les
François à euls. Et là ot très fort pousseis avant que il peuissent
entrer l’un dedans l’autre; et trop bien se tinrent en estat sans
perdre ne gaegnier terre, une longe espasse. Li François estoient là
grant fuisson, et se tout euissent moustré corage et deffense, ensi
que li troi chevalier desus nonmet fissent, il euissent espoir mieuls
besongniet que il ne fissent; car [qant] chil qui estoient derrière et
qui recranment traioient avant, entendirent que il estoient trahi et
que lors gens se combatoient, il se missent grant fuisson au retour. Et
chil qui voloient aler avant ne pooient, car il estoient sus un cemin
destroit que il ne pooient dou plus aler ou cevauchier que euls quatre
de front. Se les couvenoit requler avoecques les esbahis et les fuians,
vosissent ou non. Et auquns vaillans hommes, qant il se trouvèrent au
large sus les camps, et bien savoient que mesires Joffrois de Carni,
mesires Ustasses de Ribeumont et mesires Jehans de Landas estoient
devant, s’arestoient et atendoient là l’un l’autre et disoient, tels
que mesires Pepins de Were, mesires Henris de Qreqi, li sires de Reli:
«Se nous en alons sans nostres chapitainnes qui sont encores derrière
et qui se conbatent, nous sonmes deshonnouret à tous jours mès.» Et par
la parole et monitions des bons et vaillans honmes s’en requellièrent
plus de sept cens qui tout voloient tourner les dos. Or parlerons dou
pouseis et de la bataille qui fu devant Calais. Fºs 147 à 148 vº.

P. 74, l. 7: trois cens.--_Mss. A 15 à 17_: quatre cens. Fº 170 vº.

P. 74, l. 24: Calais.--_Ms. B 6_: à tout grant bachelerie et grant
foison de gens d’armes et bien dix mille hommes de piet. Fº 417.

P. 74, l. 26 et 27: à priès de mienuit.--_Mss. A 1 à 14, 18, 19 et B
3, 4_: après mienuit. Fº 173 vº.--_Mss. A 15 à 17_: après la mienuit.
Fº 170 vº.--_Mss. A 20 à 22, 30 à 33_: environ heure de mynuit. Fº
244.--_Mss. A 23 à 29_: environ mynuit. Fº 188.

P. 74, l. 27: vint.--_Ms. A 29_: à une lieue.

P. 76, l. 4: sach.--_Ms. A 29 ajoute_: de cuir.

P. 76, l. 14: veriel.--_Mss. A 1 à 6_: verroil. Fº 174.--_Mss. A 8 à
10, 15 à 19, 23 à 33_: verroul. Fº 153 vº.--_Mss. A 7, 11 à 14, 20 à
22_: verrouil. Fº 164.--_Ms. B 3_: verroux. Fº 153 vº.--_Ms. B 4_:
verueil. Fº 143 vº.

P. 77, l. 8 et 9: as chevaliers.--_Ms. B 3_: aux archiers. Fº 153 vº.

P. 77, l. 12: Were.--_Mss. A 11 à 14, 20 à 22_: Wastre. Fº 162.--_Mss.
A 18, 19_: Wasère. Fº 178 vº.--_Mss. A 23 à 29_: Ware. Fº 189.--_Ms. B
3_: la Were. Fº 153 vº.

P. 77, l. 12: sont.--_Ms. A 29_: par usage, gens subtils, avaricieux et
pleins de grand malice.

P. 77, l. 17: evous.--_Mss. A 1 à 6, 11 à 14_: veez ci venir. Fº
174.--_Mss. A 15 à 17_: atant va venir. Fº 171.--_Mss. A 20 à 22_: veés
vous yci venir. Fº 245.

P. 77, l. 19: Akesufforch.--_Ms. B 3_: d’Aque. Fº 153 vº.--_Ms. B 4_:
d’Eskesuforch. Fº 144.

P. 78, l. 8: par saint Jorge.--_Mss. A 18 à 22_: par saint Denis. Fº
178 vº.

P. 78, l. 9: mal dehait ait.--_Mss. A 15 à 22_: mal ait. Fº 171
vº.--_Ms. B 3_: maudit soit. Fº 154.

P. 78, l. 14: tout quoi.--_Mss. A 1 à 22_: tantost. Fº 174 vº.--_Ms. B
3_: tout court. Fº 154.

P. 78, l. 20: fait.--_Ms. B 6_: Et yssy le roy par le porte et tous
les aultres après, et coururent vistement sus messire Joffroy et ses
gens d’armes, dont il y avoit grant foison de Picardie, d’Artois et de
Boulenois avecq messire Joffroy, telz que le seigneur de Fiènes, le
seigneur de Cresecke, le seigneur de Bassentin, le seigneur de Jocourt,
le seigneur de Creky, monseigneur Ustasse de Ribemont, monseigneur
Henry du Bois, messire Pepin de Werre, monseigneur Jehan de Landas,
messire Oudart de Renty et pluiseurs autres. Quant chil seigneur
perchurent qu’il estoient decheu et trahis, sy furent tous esbahis et
se retrairent che qu’il peurent. Et se recuellèrent les aucuns, et ly
aucuns montèrent sur leurs chevaulx et s’en partirent le plus tost
qu’il porent. Là eult dure mellée et grant hustin, car les Englès, gens
d’armes et archiers, qui s’estoient enbuschiet en ches murailles et
en ces maisons de Calais, sallirent hors vistement si trestost qu’il
oïrent sonner ung cors, qui leur estoit signe de envaïr ches Franchois,
et les envaïrent moult radement. Et ches chevaliers de Franche
entendoient à yaulx deffendre; mais les Englès recullèrent les gens de
piet jusques à une grose rivière qui queurt au quart d’une lieue ou pau
mains desous Callais. Et là y eult grant foison de noiiés et de mors
sur le rivière et sur le rivaige entre Calais [et] la rivière.

Tant s’ensonnièrent ly chevaliers et escuiers, d’un costé et d’aultre,
que le jour vint et qu’il commenchièrent à recongnoistre l’un l’autre.
Sy se requellèrent avoecques monseigneur Godeffroy de Cargny aulcun bon
chevalier quy envis s’enfuioient sans luy, telz que messire Ustasses
de Ribemont, messire Jehan de Landas, messire Pepins de Werre, messire
Gavain de Bailleul, messire Henry du Bos, le sire de Creky, messire
Oudart de Renty et pluiseurs autres. Fºs 418 et 419.

P. 79, l. 3: Kresekes.--_Mss. A 1 à 6 et B 3_: Cresques. Fº 174
vº.--_Ms. A 7_: Krekes. Fº 164 vº.

P. 79, l. 13: Saintpi.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 14, 18, 19_: Cempy. Fº
175.--_Mss. A 23 à 33 et B 3, 4_: Sempy. Fº 189 vº.

P. 79, l. 13: Loncvillers.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 14, 18, 19_:
Longvillier. Fº 175.--_Ms. A 7_: Lonchvileis. Fº 164 vº.--_Ms. B 3_:
Loncvilliers. Fº 154.--_Mss. A 23 à 33_: Lonchimberth. Fº 189 vº.

P. 79, l. 14: Maunier.--_Mss. A 15 à 17_: Maumer. Fº 171 vº.--_Ms. B
3_: Nannier. Fº 154.


§ =319=. P. 79, l. 22: Nous parlerons.--_Ms. d’Amiens_: Et se combati
ce jour li roys d’Engleterre desoubs le bannière messire Gautier de
Mauny. Et y fu très bons chevaliers, dou costet des Franchois, messires
Ustassez de Ribeumont. Touttezfois, li Franchois furent tout desconfi,
tout mort et tout pris, et rammené au soir en le ville de Callais. Fº
98 vº.

--_Ms. de Rome_: Bien moustra là li gentis rois Edouwars que il avoit
grant desir de conbatre et amour as armes, qant il s’estoit mis en
tel parti et tant humeliiés que desous le pennon mesire Gautier de
Mauni, son chevalier. Et s’en vint li rois conbatre main à main à
mesire Ustasse de Ribeumont, et escremirent de lors espées et jettèrent
pluisseurs cops l’un sus l’autre, une longe espace; car tout doi en
savoient bien jeuer et escremir, et mieuls assés li rois d’Engleterre
et de plus soutieus tours ne fesist li dis messire Ustasse, car il
l’avoit apris d’enfanche. Mesires Ustasses ne savoit à qui il se
conbatoit; mais li rois le sçavoit bien, car il le recongnissoit par
ses armes. Et li rois estoit armés simplement ensi que uns aultres
chevaliers; et toutes fois il estoit gardés d’auquns chevaliers et
esquiers qui là estoient ordonné pour son corps, à la fin que il ne
fust trop avant sourquis. Tant issirent de gens d’armes de Calais que
li François, qui là estoient sus le sabelon et requlé en la place où
l’anée devant li rois d’Engleterre avoit mis son siège, ne porent
souffrir celle painne; et en i ot grant fuisson de mors et de pris,
et par especial li troi chevalier là demorèrent. Et prist li rois
d’Engleterre mesire Ustasse de Ribeumont, et se rendi à lui et le
fiança: de quoi li dis chevaliers fu moult resjoïs depuis, qant il
sceut que li rois d’Engleterre l’avoit combatu et pris à prisonnier. Là
furent pris mesires Jofrois de Carni et mesires Jehans de Landas, et
trop petit se sauvèrent de ces premiers.

Adonc montèrent pluisseurs Englois as chevaus que il avoient tous
apparilliés, et passèrent delivrement la rivière, les auquns à gué, car
elle estoit basse, et les aultres au pont, et se missent en cace et sus
les camps apriès les François; et là trouvèrent il les bons chevaliers
entre Hames et Calais, tels que mesire Henri dou Bois, mesire Pepin de
Were, le signeur de Qreqi, le signeur de Reli, le signeur de Brimeu,
le signeur de Fransures et pluissieurs aultres qui moustrèrent visage
et deffense moult vaillanment. Et descendirent les auquns à piet pour
mieuls combatre; car pour ce jour et pour ce que il faisoit grant
relin, les terres estoient si molles que ceval ne s’en pooient ravoir.
Et fu là uns pousseis et uns esteqeis moult grans et bien soustenus
et vaillanment des François, mais finablement il les couvint perdre;
car lors honmes se esclarcisoient toutdis et les Englois mouteplioient.
Là furent mort, dont ce fu damages, mesires Pepins de Were et mesires
Henris dou Bois, et pris, li sires de Qreqi et li sires de Reli. Et
se sauvèrent par estre bien montés mesires Moriauls de Fiennes, li
sires de Cresèqes, li sires de Santi, li viscontes des Qènes, li
chastelains de Biauvais et li sires de Fransures et moult d’aultres,
et s’en alèrent bouter ens ès forterèces proçainnes; et les Englois
retournèrent et n’alèrent plus avant.

Ceste besongne avint droitement le nuit de l’an mil trois cens quarante
huit; et en fu grant nouvelle en France et en Engleterre, pour tant que
li rois d’Engleterre i avoit esté. Fºs 148 vº et 149.

P. 79, l. 31: Ribeumont.--_Ms. B 3_: Ribemont. Fº 154 vº.

P. 80, l. 5: Ustasses.--_Ms. A 29_: au roy que il ne cognissoit.

P. 80, l. 22 et 23: Gauvains de Bailluel.--_Mss. A 11 à 14_: Gauvain
de Bailleul.--_Ms. B 3_: Gauvaing de Ballouel. Fº 154 vº.--_Ms. B 4_:
Gavains de Bailluel. Fº 144 vº.

P. 80, l. 23: Creki.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 33_: Crequi. Fº 154 vº.

P. 81, l. 2: aultre.--_Ms. B 6_: Et dura le cache moult longement
jusques entre Ghines. Là en dedens en y eult moult de mors, d’affolés
et de navrés. Et y eult bien mors de cheaulx de Saint Omer seullement
quatre cens hommes parmy les arbalestriés. Fº 420.

P. 81, l. 16: quarante huit.--_Mss. A 1 à 6, 8 à 22_: quarante neuf,
droitement le premier jour de janvier. Fº 175 vº.


§ =320=. P. 81, l. 18: Quant.--_Ms. d’Amiens_: Et donna li roys
d’Engleterre à soupper les chevaliers franchois prisonniers; et là
donna il de sa main à messire Ustasse de Ribeumont le cappelet d’argent
pour le mieux combatant de son costet, et li quita sa prison et li
fist encorres delivrer deux cevaux et vingt escus pour retourner en se
maison. Fº 98 vº.

--_Ms. de Rome_: Qant toute ceste besongne fu passée et les cachans
retournés et tous rentrés dedens Calais, et les chevaliers prisonniers
là menés et mis en la tour et en belles cambres avoecques mesire Oudart
de Renti et auquns aultres qui pris avoient esté en devant, ensi que
vous savés, adonc s’espandirent les nouvelles en pluisseurs lieus
aval la ville de Calais que li rois d’Engleterre avoit esté en celle
besongne. Li auqun le creoient et li aultre non; et en la fin tou le
crurent Englois et François, car il le sceurent de verité.

Ensi que mesires Joffrois de Cargni, mesires Jehans de Landas, mesires
Ustasses de Ribeumont et li aultre estoient tout ensamble en une
cambre, et se devisoient et parloient conment chil fauls chevaliers
lombars, mesires Ainmeris de Pavie les avoit trahis et deceus fausement
et couvertement, evous venu messire Gautier de Mauni en la cambre, lui
quatrime tant seullement; et se aquinta de paroles à ces chevaliers
moult sagement et leur dist: «Biau signeur, faites bonnes chière. Li
rois d’Engleterre, nostres sires, vous voelt avoir à nuit au souper.»

Chil chevalier françois furent tout esmervilliet de ceste parole
et regardèrent l’un l’autre, car il ne quidoient pas que li rois
d’Engleterre fust à Calais. Messires Gautiers de Mauni s’en perchut
bien que il s’en esmervilloient; si leur dit de rechief: «Il est ensi.
Vous le verés ce soir seoir au souper, et vous fera à tous bonne
chière, car je li ai oy dire ensi, quoique vous li avés volut embler
Calais que il ainme tant.»--Donc respondirent il: «Dieus i ait part, et
nous le verons volentiers.» Lors prist congiet li dis mesires Gautiers
de Mauni à euls et se departi, et il demorèrent, ensi que chil qui en
furent tout resjoï, car ils en esperèrent grandement mieuls à valoir.

Qant li heure du souper fu venue, et que tout fu apparilliés et les
tables couvertes, li rois d’Engleterre envoia querir par mesire
Gautier de Mauni ces chevaliers françois prisonniers, liquels bien
acompagniés les vint querir là où il estoient et les enmena avoecques
lui; et trouvèrent le roi qui les atendoit et fuisson de chevaliers
d’Engleterre dalés lui. Qant il le veirent enmi la sale devant le
dreçoir, et grant fuisson de cerges et de tortis tout autour de
li, il l’approchièrent et l’enclinèrent bien bas. Il les fist tous
lever sus piés l’un apriès l’autre et leur dist: «Bien venant.» Et
tantos chevaliers aportèrent l’aige, et lava li rois et puis esquiers
d’offisce, et donnèrent à laver. Si s’asist li rois et fist seoir
d’encoste li et à sa table tous les chevaliers prisonniers. Si furent
servi bien et à paix et à grant loisir.

Qant on ot soupé, on leva les tables, et demora li rois en la salle
entre ces chevaliers françois et englois, et estoit à nu chief et
portoit un capelet de fins perles sus ses cheviaus qui estoient plus
noirs que meure. Et conmença li rois à aler de l’un à l’autre et entra
en paroles joieuses, tant à ses gens conme as François et s’adreça sus
mesire Jofroy de Cargni; et là, en parlant à lui, il canga un petit
contenance, car il regarda sus costé et dist: «Mesire Jofroi, mesire
Jofroi, je vous doi, par vostre deserte, petit amer, qant vous voliés
par nuit embler ce que j’ai si comparet, et qui m’a coustet tant de
deniers. Si sui moult liés, qant je vous ai pris à l’esprueve. Vous en
voliés avoir millour marchiet que je n’aie eu, qant vous le quidiés
avoir pour vint mille escus; mais Dieus m’a aidié que vous avés falli
à vostre entente. Encores m’aidera il, se il li plaist, je i ai bien
fiance, maugré en aient tout mi ennemi.» Mesires Joffrois fu tous
honteus et ne respondi mot.

Et li rois passa oultre et s’en vint devant mesire Ustasse de Ribeumont
et li dist tout joieusement: «Mesire Ustasse, vous estes li chevaliers
del monde où en armes je me sui jusques à chi le plus esbatus de
l’espée, et je vous ai veu moult volentiers, et vous tieng pour la
journée pour le mieuls asallant et requerant ses ennemis. Et de la
bataille je vous en donne le pris, et aussi font tout li cevalier de ma
court par droite sieute.»

Adonc prist li rois le chapelet lequel il portoit sus son chief, qui
estoit bons et riches, et le mist et asist sus le chief à mesire
Ustasse, et li dist ensi: «Mesire Ustase, je vous donne ce capelet pour
le mieuls combatant de toute la journée de ceuls de dedens et de ceuls
de dehors, et vous pri que vous le portés ceste anée pour l’amour de
mi. Je sçai bien que vous estes gais et amoureus, et que volentiers
vous vos trouvés entre dames et damoiselles. Si dittes partout où vous
venés que je le vous ai donné, et parmi tant je vous quite vostre
prison. Vous estes mon prisonnier, et vous poés partir demain, se vous
volés.»

Li chevaliers fu tous resjoïs de ces deus dons, le premier de l’onnour
que li rois d’Engleterre li faisoit de donner si rice jeuiel que le
chapelet que il portoit sus son chief, et l’autre don de ce que il li
quitoit sa prison. Si se volt engenoullier devant le roi, mais li rois
ne le volt souffrir. Et le remerchia grandement li dis mesire Ustasse
et dist: «Très chiers sires et nobles rois, je ferai tout ce dont vous
me cargiés.» Adonc fu là aporté vins et espisces, et en prist li rois
et li chevalier, et puis casquns ala en son retret et passèrent la nuit.

Qant ce vint à lendemain, par le congiet dou roi, mesires Ustasses de
Ribeumont se departi de Calais quites et delivres et à son honnour,
ensi que vous savés, et prist congiet à ses compagnons. Et s’en
retourna en France deviers le roi Phelippe et le duch de Normendie qui
moult l’amoit, et leur recorda son aventure. Et toute celle anée il
porta ce capelet de perles sus son chief, de quoi il furent grandes
nouvelles en France et en aultres pais.

Et li rois d’Engleterre se departi de Calais, mais à son departement
il institua mesire Jehan de Biaucamp à estre capitainne et gardiien de
Calais, et en osta mesire Ainmeri de Pavie, et li donna terre ailleurs
en la chastelerie de Calais, une forte maison que on dist Fretun.
Et puis entra en mer avoecques ses gens et enmena avoecques lui en
Engleterre ses prisonniers; et vinrent à Londres et trouvèrent là le
conte de Ghines, le conte de Tanqarville, mesire Carle de Blois et
des aultres barons et chevaliers de France qui avoient esté pris en
Bretagne et en Gascongne et ailleurs, ensi que les armes amennent. Si
se conjoïrent et festiièrent l’un l’autre, ne onques ne furent mis en
prison serrée, mais recreu sus lors fois courtoisement, et pooient par
tout Londres aler, jeuer et esbatre.

Et mesire Carles de Blois, li contes de Ghines et li contes de
Tanqarville aloient voler des faucons et des lanerés au dehors de
Londres et esbatre sus le pais, qant il voloient. Et pooient demorer
quatre jours hors, et au chienqime retourner à Londres; et qant il
s’estoient remoustré un jour, ils s’en pooient partir à l’endemain et
retourner arrière en lors esbas. Fº 149.

P. 81, l. 18: Quant.--Le § 320 _manque dans les mss. A 1 à 6_, fº 175
vº, _dans les mss. A 8 à 10_, fº 154, _dans les mss. A 11 à 14_, fº
163, _dans les mss. A 15 à 17_, fº 172, _dans les mss. A 18, 19_, fº
179 vº, _enfin dans les mss. A 20 à 22_, fº 246 vº.--_Le_ § 320, _dans
le ms. A 7_, fº 165 vº, _s’arrête à ces mots_: fu moult resjoïs (p. 83,
l. 22), _et dans les mss. A 23 à 33_, fº 190, _à ces mots_: demain s’il
vous plaist (p. 83, l. 18 et 49).

P. 81, l. 18: Quant.--_Ms. B 6_: Quant la bataille fut finée et la
chasse cessée et tout le camp delivré, et que les Englès ne savoient
point à qui combatre, car les cappitaines des François estoient que
mors ou pris pour celle bataille, excepté aulcuns signeurs qui se
sauvèrent, messire Moriaulx de Fi[e]ne, le sire de Rely, le sire de
Cresekes; et laissèrent mors le sire de Quiquenpois, monseigneur Pepin
de Werre et le sire du Bos et des aultres chevaliers: donc se retrait
le roy en la ville de Calais. Fºs 420 et 421.

P. 81, l. 19: se retraist.--_Ms. B 3_: se tira. Fº 154 vº.

P. 83, l. 6: par droite sieute.--_Mss. A 23 à 29_: par droite sentence.
Fº 190 vº.--_Mss. A 30 à 33_: par droit science. Fº 201 vº.--_Ms. B 3_:
par droicte raison. Fº 155.--_Ms. B 4_: par droite science. Fº 145.

P. 83, l. 8: chief.--_Ms. B 6_: bien richement ouvré de grandes perles
et grosses. Fº 422.

P. 83, l. 10: chapelet.--_Ms. B 6_: cappiel. Fº 422.

P. 83, l. 17: prisonnier.--_Ms. B 6_: je vous quiteray pour l’amour des
dames et demoyselles vostre prison. Fº 422.

P. 84, l. 14: escus.--_Ms. B 6_: florins. Fº 423.


§ =321=. P. 84, l. 21: En celle anée[300].--_Ms. d’Amiens_: En ceste
année trespassa de ce siècle la roynne de France, femme au roy Phelippe
et suer au duc Oede de Bourgoingne. Ossi fist madamme Bonne, la
duçoise de Normendie, fille au roy de Behaingne: si furent li pères
et li filz vesvéz de lors deux femmes. Assés tost apriès, se remaria
li roys Phelippes à madamme Blance de Navarre, fille au roy Carle de
Navarre. Et ossi se remaria li dus Jehans de Normendie à la comtesse
de Boulongne, duçoise de Bourgongne. Si se tinrent toudis lez trieuwez
entre le roy de Franche et le roy d’Engleterre ens ès marcez de
Picardie, mès ens ès lontains pays non; car toudis se herioient il et
guerioient en Poito, en Saintonge et sur les frontièrez d’Acquitaine.
Fº 98 vº.

      [300] A partir de ce § 321 jusqu’au § 370 inclusivement, les mss.
      A ou mss. de la première rédaction _proprement dite_ présentent
      un texte complétement différent de celui des mss. B ou mss.
      de la première rédaction _revisée_: ce texte des mss. A est
      un fragment emprunté aux Grandes Chroniques de France; on le
      trouvera reproduit, comme supplément à nos variantes, à la fin de
      ce volume.

--_Ms. de Rome_: En celle prope anée trespassa de ce siècle la roine
de France, fenme au roi Phelippe et soer germainne au duch Oede de
Bourgongne. Aussi fist madame Bonne, duçoise de Normendie, qui fille
avoit esté au gentil roi de Behagne. Si furent li pères et li fils
vevés de leurs deus fenmes.

Assés tos apriès se remaria li rois Phelippes de France à madame
Blance, fille au roi de Navare; et aussi se remaria li dus de Normendie
à la contesse d’Artois et de Boulongne, qui veve estoit et avoit esté
fenme à mesire Phelippe de Bourgongne, fil au duch Oede de Bourgongne.

Et estoit chils mesires Phelippes mors devant Aguillon, ensi que chi
desus il est contenu en nostre histore. Et estoit demorés de li uns
fils qui se nonma Phelippes et morut jones; mès il fu avant mariés à la
fille le conte de Flandres: douquel conte je parlerai assés tos, pour
un tant que il fiança et jura en l’abeie de Berghes en Flandres que il
espouseroit madame Isabiel qui fille estoit au roi d’Engleterre, et
point ne proceda avant ou mariage.

Et estoit ceste contesse d’Artois et de Boulongne, cousine germainne
au duch Jehan de Normendie et conmère deus fois; mais de toutes ces
proismetés dispensa papes Clemens qui resnoit pour ce temps. Fºs 149 vº
et 150.

P. 84, l. 23: Oede.--_Ms. B 3_: Odes. Fº 155 vº.

P. 84, l. 25: demora à Creci.--_Ms. B 3_: fut tuhé devant Crecy.

P. 84, l. 26: vevés.--_Ms. B 3_: vefvés.--_Ms. B 4_: vesvés. Fº 145 vº.

P. 84, l. 29: Argesille.--_Ms. B 5_: Agresille. Fº 358.

P. 85, l. 2: devant.--_Le ms. B 5 ajoute_: le chastel.

P. 85, l. 5 et 6: regnoit pour ce temps.--_Ms. B 3_: presidoit en
sainte eglise.


§ =322=. P. 85, l. 7: Vous avés.--_Ms. de Rome_: Vous avés bien chi
desus oï conter conment Lois, li jones contes de Flandres, fiança, ensi
que je disoie maintenant, la fille au roi d’Engleterre et conment,
malescieusement et par grant avis, il se departi de Flandres et vint en
France, et se tint dalés le roi Phelippe et madame se mère.

De toutes ces coses fu enfourmés li dus Jehans de Braibant. Si n’en
estoit pas courouchiés, mais resjoïs, ensi que chils qui avoit sa fille
à marier; mès bien veoit que à ce mariage par nul moiien il ne pooit
venir, fors par le roi de France. Si envoia li dis dus grans messages à
Paris deviers le roi, en li priant que il vosist consentir que li jones
contes de Flandres espousast sa fille, et il demorroit dalés lui et
bons François à tous jours mès, et feroit tant par force ou par amours
que la conté de Flandres seroit en l’obesance de li, et aideroit la
ville de Calais à recouvrer, et mist moult de belles proumesses et de
grandes avant, pour atraire à ses volentés le roi Phelippe.

Qant li rois de France se vei priiés et si acertes dou duch de
Braibant, et que si il s’umelioit enviers lui, si se laissa à dire
et crei son consel. Et li fu dit que li dus de Braibant estoit uns
grans sires et de grans pourcas, et que moult il pooit brisier le fait
des Alemans par li et par son pais et moult grever les Flamens; si se
acorda à ce mariage. Et fu li jones contes envoiiés à Arras, et là
fu amenée la fille de Braibant; et là ot grans parlemens et trettiés
secrès entre le duch de Braibant et le jone conte de Flandres et son
consel. Et trop grandement en ce mariage i fu bien gardés li contes
de Flandres, car on fist escrire et seeler au duch de Braibant, pour
tant que on le veoit chaut et desirant à proceder en ce mariage que,
se il moroit, la ville de Malignes et la ville d’Anwiers et toutes les
apendances et signouries par icelles à elles retourneroient à tous
jours mès au conte et as contes de Flandres. Et seela li dus et se
obliga si fort par serement mis et jurés en la main dou roi de France
et de ses conmis et sus tabelionnages publiques, que les couvenances
souffirent bien au conte de Flandres et à son consel. Et parmi tant
li mariages se passa, et espoussèrent en la chité d’Arras; et furent
dispensé tout li article que li contes de Flandres avoit eu et les
couvenances au roi d’Engleterre. Encores fu on tous resjoï de ce que
il l’avoit deceu, et que par malisce il lor estoit escapés. Et dissent
li papes et les cardinaus que bons sens naturels li avoit tout ce fait
faire.

Et qant la congnissance en vint au roi d’Engleterre que li dus de
Braibant, qui ses cousins germains estoit, avoit mariet sa fille au
jone conte de Flandres par le moiien dou roi Phelippe et des François,
et devoit avoir grans aliances dou dit duc, parmi ce mariage faisant,
as François, si se contenta moult mal du duc et dist que jamais il
n’aueroit parfaite fiance en li, et porta son anoi au plus biel que il
pot, et dist bien que Lois de Male seroit encores uns baretères. Fº 150.

P. 85, l. 11: en France.--_Mss. B 3 et 4_: en Flandres, il se partit de
ses gens et s’en vint en France. Fº 155 vº.

P. 85, l. 14: ou cas que.--_Mss. B 3 et 4_: veu que.

P. 85, l. 20: tiroit.--_Ms. B 3_: traictoit.

P. 85, l. 21 et 22: excepté.... Flandres.--_Ms. B 3_: car le conte de
Haynaut avoit eu l’autre.

P. 85, l. 24: laissier.--_Le ms. B 3 ajoute_: traicter. _Le ms. B 4
ajoute_: passer. Fº 145 vº.

P. 86, l. 6: veroit.--_Ms. B 3_: feroit.--_Ms. B 4_: voroit. Fº 146.

P. 86, l. 12: en le main.--_Ms. B_: au poing.

P. 86, l. 16: li consaulz.--_Ms. B 3_: les consulz. Fº 156.

P. 86, l. 23: ou cas.--_Ms. B 3_: ès condicions.

P. 86, l. 27: raroient.--_Ms. B 3_: recouvreroient.

P. 87, l. 3 et 4: monsigneur.... des Mons.--_Ms. B 3_: messire
Godefroy, conte de Mons.

P. 87, l. 15 et 16: goy et possessé.--_Ms. B 3_: joyt et posseda.

P. 87, l. 22: seurent.--_Ms. B 3_: sauroient.

P. 87, l. 28: briefment.--_Ms. B 3_: legierement.

P. 87, l. 29: pour le temps de lors.--_Ms. B 3_: par lors.

P. 88, l. 7: Flandres.--_Ms. B 3 ajoute_: son filz.


§ =323=. P. 88, l. 8: En ce temps.--_Ms. de Rome_: En ce temps avoit
grant ranqune entre le roi d’Engleterre et les Espagnols, pour auqunes
malles façons et pillages que les dis Espagnols avoient fait sus mer
as Englois. Et avint que dedens cel an li Espagnol, qui estoient venu
en Flandres en lor marceandisses, furent enfourmé que nullement il ne
pooient retourner arrière que par le dangier des Englois, et que on lor
avoit clos la mer par samblant. Li Espagnol n’en fissent nul compte
et parlèrent ensamble à Bruges et aillours là où il se trouvèrent,
et se requellièrent et atendirent l’un l’autre et se pourveirent
moult grandement de tout che qui necessaire estoit pour li deffendre
de chanons, de barriaus de fier aguissiés, d’ars, arbalestres et
d’arbalestriers, et engagièrent plus de chienq cens Flamens, François
et Hollandois. Tout estoient retenu as saudées gens qui lor venoient.

Qant li rois d’Engleterre, qui avoit ses espies en Flandres, sceut que
poins fu, et que li Espagnol devoient rapasser et retourner en lors
pais, ils se mist sus mer à moult belle gent d’armes, chevaliers et
esquiers, et moult ot de grans signeurs en sa compagnie. En celle anée
avoit il fait et creé son cousin le conte Derbi, duch de Lancastre,
et le baron de Stanfort, conte de Stanfort. Et estoient là en celle
armée avoecques li, à doi fil, li princes de Galles et Jehans, contes
de Ricemont, mais chils estoit encores moult jones; et l’avoit li
princes amené avoecques li pour mostrer les armes, car moult l’amoit.
Là estoient li contes d’Arondiel, li contes de Herfort, li contes de
Norhantonne, li contes de Sasleberi, li contes de Suforc, li contes
de Warvich, messires Renauls de Gobehen, messires Gautiers de Mauni,
mesires Robers de Namur, bien acompagniés de chevaliers et d’esquiers
de son pais, li sires de Basset, messires Thomas de Hollandes, messires
Guis de Briane, li sires de Manne et pluisseurs aultres que je ne puis
pas tous nonmer. Et se tinrent li rois et lors gens en lor vassiaus
tous croissiés sus la mer, atendans les Espagnols. Fº 150 vº.

P. 88, l. 8: rancune.--_Mss. B 3 et 4_: hayne. Fº 156.

P. 88, l. 17 et 18: et leurs nefs et leurs vaissiaus.--_Ms. B 3_: en
leurs navires et vaisseaux. Fº 156 vº.

P. 88, l. 22: leurs emploites.--_Ms. B 3_: leur exploict.--_Ms. B 4_:
leurs exploites. Fº 146 vº.

P. 88, l. 25: enhay.--_Mss. B 3 et 4_: en hayne.

P. 88, l. 29: contre.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: nous.

P. 88, l. 29 et 30: recueilliet.--_Ms. B 3_: recueilliz.

P. 89, l. 4: d’Exesses.--_Ms. B 2_: d’Exestre.

P. 89, l. 8: sa femme.--_Ms. B 3_: sa mère.

P. 89, l. 21: Stanfort.--_Ms. B 3_: Stafort.

P. 89, l. 22: li princes de Galles.--_Ms. B 5_: le patriche de Galles.
Fº 359.

P. 89, l. 26: l’amoit.--_Ms. B 6_: Là estoient avecques luy ses filz
le prinches de Galles, le conte Derby, le conte de Stanfort, le conte
de Norhantone, le conte de Warvich, le conte de Sufort, le conte
d’Askessufort, le conte de Salbry, messire Renault de Gobehen, messire
Gautier de Mauny, messire Jehan Camdos et toute le fleur des barons et
des chevaliers d’Engleterre. Fº 424.

P. 89, l. 31 et 32: Bietremieus de Brues.--_Ms. B 3_: Bartelemy de
Bruges.--_Ms. B 4_: Betremieux de Bruhes.--_Ms. B 5_: Bertelemy de
Bruves.

P. 90, l. 9: n’attenderoient.--_Ms. B 3_: n’attendirent.


§ =324=. P. 90, l. 11: Quant li Espagnol.--_Ms. de Rome_: Qant li
Espagnol orent fait leur emploite et lor marceandise, et il ºrent
cargiet lors vassiaus de draps et de toilles, et de tout ce que bon
et pourfitable lor sambloit pour retourner en lor pais, et bien
supposoient que il seroient rencontré des Englois, mais de tout ce
il ne faisoient point grant compte, puis que il estoient pourveu
d’artelerie et de chanons. Et vous di que Espagnols se confient
grandement en lors vassiaus, lesquels il ont grans et fors trop plus
que les Englois n’aient, et tout s’asamblèrent devant l’Escluse.
Qant il veirent que temps fu de departir, et que tout par ordenance
il entendirent à entrer en lors vassiaus, il se desancrèrent et se
departirent tout de une flote et estoient belle compagnie, bien
soissante gros vassiaus, et prissent le parfont et les bendes
d’Engleterre. Et dient li auqun que il s’en fuissent bien alé, se il
vossissent, et que jà il n’euissent eu nul rencontre des Englois; mais
orgoels les surmonta et outrequidance, et quidièrent bien desconfire le
roi d’Engleterre et ruer jus les Englois, et disoient que il estoient
fort assés pour tout cela faire. Toutes fois, il donnèrent au roi
d’Engleterre et à ses gens otant à faire, par hardiment asambler et
combatre, que onques aultres gens li donnassent painne, ensi que je
vous recorderai assés briefment.

Li rois d’Engleterre qui estoit sur mer o tout sa navie, avoit jà
ordonné toutes ses besongnes et devisé conment on se combateroit; et
avoit mesire Robert de Namur fait mestre et gouvreneur de une nef que
on appelloit la _Sale dou Roi_, là où tous li hostels dou roi estoit.
Et se tenoit li rois d’Engleterre ou chief de sa nef, vestis d’un
noir jaque de veluiel, et portoit sus son chief un noir chapelet de
beveres qui bien li seoit; et estoit adonc, selonch ce que dit me fu
par ceuls qui avoecques lui estoient, ausi joieus que ºnques on l’avoit
veu. Et fist ses menestrels courner devant li une danse d’Alemagne
que messires Jehans Camdos qui là estoit presens, avoit nouvellement
raporté; et encores par esbatement il faisoit le dit chevalier chanter
avoecques ses menestrès, et prendoit en ce grant plaisance. Et à le
fois regardoit en hault, car il avoit mis une gette ou chastiel de sa
nef, pour anonchier qant li Espagnol venroient.

Ensi que li rois estoit en ce deduit, et que tout si chevalier estoient
moult liet de ce que il le veoient si joieus, la gaitte qui perchut
la navie des Espagnols venir fillant aval vent, dist: «Ho! je vois
une nef venant, et croi que elle soit d’Espagne.» Lors cessèrent li
menestrel, et fu à la ditte gaitte assés tos apriès demandé se il en
veoit plus: «Oil, respondi il, j’en voi deus et puis trois et puis
quatre,» et puis dist: «Je voi la flote, et s’aprocent durement.» Donc
sonnèrent trompètes ens ès vassiaus, et claronchiaus: grant plaisance
estoit à l’oïr. Et lors se requellierent toutes nefs dou costé le
roi d’Engleterre et se missent en ºrdenance, ensi comme il devoient
aler. Et estoit li contes de Warvich amirauls de la mer, de par les
Englois; et jà estoit tart qant li Espagnol aprochèrent. Et fist li
rois aporter le vin et but, et tout si chevalier qui en son vassiel
estoient; et puis mist li rois le bachinet en la teste, et aussi
fissent tout li aultre. Tantos aprochièrent li Espagnol, qui bien s’en
fuissent alé sans combatre, se il vosissent; car, selonc che que ils
estoient bien freté et en grans vassiaus, et avoient le vent pour euls,
ils n’euissent jà parlé as Englois, se il vosissent. Mais orgoels et
outrequidance les fist traire avant, et par samblant de grant volenté
conmenchier la bataille et par bonne ordenance. Fºs 150 vº et 151.

P. 90, l. 11: emploite.--_Ms. B 4_: exploite. Fº 146 vº.

P. 90, l. 12: marcheandise.--_Ms. B 6_: en Flandres, en Haynau et en
Brabant. Fº 424.

P. 90, l. 12 et 13: vaissiaus.--_Ms. B 6_: dont il avoient plus de
cent. Fº 424.

P. 90, l. 16: ne faisoient il compte.--_Ms. B 3_: ne faisoient il pas
grant compte. Fº 157.

P. 90, l. 17: l’Escluse.--_Ms. B 4_: l’Escuze. Fº 147.

P. 90, l. 18: vaissiaus.--_Ms. B 6_: environ le mois de septembre. Fº
324.

P. 90, l. 19: artillerie.--_Ms. B 3_: d’arbalestriers, canons
et grandes coulouvrines. Fº 157.--_Mss. B 4 et 5_: quarriaux
d’arbalestres, de canons et de grant artillerie.

P. 90, l. 21: tous faitis.--_Ms. B 3_: expressement.

P. 90, l. 21: effondrer.--_Ms. B 3_: fondre.

P. 90, l. 22: cailliaux.--_Ms. B 3_: caillots.

P. 90, l. 29: estramières.--_Ms. B 3_: estandars.--_Ms. B 5_:
enseignes. Fº 359.

P. 90, l. 30: ensegnies.--_Ms. B 3_: signets.

P. 91, l. 5: dix mil.--_Ms. B 3_: quarante mil.

P. 91, l. 10: vent.--_Ms. B 3_: tref.

P. 91, l. 10: par devers.--_Ms. B 3_: pour aller à.

P. 91, l. 17: ses hotelz.--_Ms. B 3_: son logiz.

P. 91, l. 19: veluiel.--_Ms. B 3_: vieil veau.--_Ms. B 5_: vermeil. Fº
359.

P. 91, l. 20: bièvre.--_Ms. B 4_: beuvres. Fº 147.--_Ms. B 5_: beneves.

P. 91, l. 23: menestrelz.--_Ms. B 3_: menestriers.--_Ms. B 4_:
menestreux.

P. 91, l. 23: corner.--_Ms. B 3_: jouer.

P. 91, l. 26: chanter.--_Ms. B 4_: canter.

P. 91, l. 27 et 28: à le fois.--_Ms. B 3_: aucunes fois.

P. 91, l. 28: gette.--_Ms. B 3_: gaitte.--_Ms. B 4_: guette.

P. 91, l. 29: noncier.--_Ms. B 3_: annuncier.--_Ms. B 4_: nonchier.

P. 92, l. 3: li gette.--_Ms. B 6 ajoute_: qui estoit sur la hune. Fº
245.

P. 92, l. 16: flote.--Là estoit messire Robert de Namur qui fu ordonnés
de par le roy d’Engleterre à estre mestre de se salle. Fº 425 vº.

P. 92, l. 24: vosissent.--_Ms. B 3_: eussent volu. Fº 157 vº.


§ =325=. P. 92, l. 29: Quant li rois.--_Ms. de Rome_: Qant li rois
d’Engleterre qui estoit en sa nef, en vei la manière, si fist adrechier
son vassiel contre une nef espagnole qui venoit tout droit viers li,
et dist à celi qui gouvrenoit sa nef. «Adrèce nous à celi qui vient,
car je voel jouster à lui.» Et chils le fist. Si se encontrèrent de
grant randon les deus nefs, car elles estoient grandes et fortes et
bien esquellies; et fu mervelles que elles ne se esquartelèrent dou cop
que elles se donnèrent. Li mas de la nef dou roi à tout le chastiel
consievi le chastiel de la nef espagnole ºù dedens il avoit douse
hommes. Li chastiaus fu rompus et les hommes volés en la mer et noiiés.

Et la nef dou roi fu croqie et faisoit aige tant que li chevalier
dou roi s’en perchurent, mais point ne le dissent encores au roi, et
s’ensonniièrent les auquns à le widier. Donc regarda li rois la nef
contre qui il avoit jousté, et li plaisi grandement et dist: «Acroqons
nous à celle nef et entrons dedens; elle est plus forte que la nostre.»
Donc respondirent si chevalier: «Sire, laissiés le aler, vous en auerés
une millour.» Ceste nef espagnole passa ºultre; une aultre vint, qui
estoit grose et belle et bien garnie. Si acroqièrent li chevalier lor
nef à ceste à cros et à chainnes de fier.

Lors se conmença bataille forte et fière durement et archiers à traire
as Espagnols, et Espagnols au traire et lanchier de grande volenté et
non pas tant seullement en un lieu, mais en vint ou en trente. Et se
acroqoient les nefs unes as aultres pour euls mieuls combatre. Et vous
di que les Englois ne l’avoient pas d’avantage; car Espagnols jettoient
pières de faix et grans barriaus de fier dont il estoient bien pourveu,
car lors nefs estoient hautes: si avoient grant avantage à euls bien
deffendre.

La nef Espagnole où li rois d’Engleterre et si chevalier estoient
acroquiet fut moult bien deffendue, tant que elle pot durer; mais
finablement elle fu conquise, et tout mis à bort chil qui dedens
estoient. Et entrèrent dedens li rois et si chevalier, et les varlès
entendirent à widier lors coses de la nef croqie et remetre en ce
fort vassiel; et qant elle fu toute widie, il le descroqièrent et le
laissièrent aler à l’enventure. Je croi bien que elle se esfondra
quelque part, car elle traioit moult fort aige, et riens n’en savoit li
rois.

Se li dissent si chevalier, et le peril où il avoit esté, puis
entendirent à aler avant et à combatre lors ennemis les Espagnols qui
se combatoient durement bien et ne faisoient nul compte des Englois, à
che que il moustroient; et avoient arbalestriers qui traioient quariaus
de forts arbalestres, et ce travilloient moult les Englois. Fº 151.

P. 93, l. 6: loiie.--_Ms. B 3_: lyée.

P. 93, l. 9: uns tempestes.--_Ms. B 3_: la tempeste y fust tumbée.

P. 93, l. 10: dou rebombe.--_Ms. B 3_: du rebonst.

P. 93, l. 11: consievi.--_Ms. B 4_: consivi. Fº 147 vº.--_Ms. B 3_:
confondit.

P. 93, l. 14: mer.--_Ms. B 6_: et ot plus de quatorze hommes qui dedens
estoient, qui furent tout noiés. Fº 426.

P. 93, l. 17: crokie.--_Ms. B 3_: acrochée.

P. 93, l. 19: widier.--_Ms. B 4_: huidier.

P. 93, l. 20: espuisier.--_Le ms. B 3 ajoute_: l’eaue.


§ =326=. P. 94, l. 26: Ceste bataille.--_Ms. de Rome_: Ceste bataille
sus mer des Espagnols et des Englois fu moult dure; car ces deux
nations sont toutes gens marins et qui bien sèvent conment ºn s’i doit
et poet maintenir. Mais elle conmença trop tart; car se li aventure
euist donné que dou matin avoecques la marée il se fuissent trouvé,
avant que il euist esté tart, il euissent fait plus grant conquest l’un
sur l’autre, que il ne fesissent.

Li jones princes de Galles et chil de sa carge se combatoient bien en
sus et avoient lors nefs acroquies à vassiaus espagnols où moult avoit
de fors hommes et de durs, qui grant fuisson faisoient d’appertisses.
Et fu la nef dou prince tellement fourmenée de grans barriaus de fier
aguissiés que li Espagnol lançoient contre les assielles, que elle fu
petruissée en trois ou quatre lieues et rendoit grant aige; et ne l’en
pooient garder chil qui i entendoient, dont il estoient tout esbahi,
car la nef apesandisoit fort.

Li dus de Lancastre, assés priès de là, se combatoit à Espagnols et
oy criier en englois: «Rescouse, rescouse au prince de Galles!» Si
dist à ses chevaliers: «Alons deviers mon cousin le prince; je voi
bien que il a à faire.» Donc chil qui tenoient le gouvrenal de sa
nef, le fissent tourner à force, et li aultre estendirent lor single
contremont; et tout combatant, vosissent ou non li Espagnol, il vinrent
jusques à la nef du prinche que li Espagnol tenoient à dangier. Et qant
li dus fu venus, li prinches sailli en sa nef; et aussi fissent tout
si chevalier, et là se combatirent et moult longement à ces deus nefs
espagnoles: desquelles li une fu conquise par bien combattre et tout
chil mis à bort qui dedens estoient, et li aultre se sauva et s’en ala
à plain voille sans damage. Fº 151.

P. 94, l. 28 et 29: se prendoient.... de.--_Ms. B 3_: se prenoient à.
Fº 158.

P. 94, l. 30: usé de mer.--_Ms. B 3_: expers sur mer.

P. 95, l. 1 et 2: de sa carge.--_Ms. B 3_: soubz sa carge.

P. 95, l. 5: pertruisie.--_Ms. B 3_: persée.--_Ms. B 4_: pertrausie. Fº
147 vº.

P. 95, l. 11: espagnole.--_Les mss. B 3 et B 4 ajoutent_: qui estoit
acrochée (_B 4_: acroquie) à la leur.

P. 95, l. 14: li dus de Lancastre.--_Ms. B 6_: le conte Derby. Fº 427.

P. 95, l. 14: arifflant.--_Ms. B 3_: astivement.--_Ms. B 5_: riflant.
Fº 359 vº.

P. 95, l. 18: s’arresta.--_Ms. B 3_: s’acrocha.--_Ms. B 4_: s’acroka.


§ =327=. P. 95, l. 27: D’autre part.--_Ms. de Rome_: D’autre part,
se combatoient li baron et li chevalier d’Engleterre, casquns en son
vassiel et ordonnenche, ensi que à faire apertenoit. Et bien couvenoit
que il fuissent fort et remuant et de grant emprise, car il trouvèrent
dure gent et qui petit les prisoient. Toutes fois, qant il les orent
assaiiés et veirent et congneurent que tant de vaillans hommes i
avoit, il se combatoient en passant ensi comme l’escoufle vole; et ne
retournoient point, puis que il avoient fait lor emprise.

Messires Robers de Namur estoit mestres de la _Salle dou Roi_, et
avint que deus groses nefs espagnoles le vinrent environner et le
conmenchièrent à asalir et l’acroqièrent de fait et de force; et
l’enmenoient et euissent menet sans dangier, qant chil qui dedens
estoient conmenchièrent à criier en hault: «Rescoués, rescoués la
_Sale dou Roi_!» La vois fu oïe, et vinrent li sires de Biaumont en
Engleterre et li sires de Basset à la rescouse.

Encores i ot fait une grande apertise d’armes des uns des varlès au
dit mesire Robert; car, qant il vei que lor nef estoit acroqie et
que li aultre nef l’enmenoit aval, l’espée toute nue en sa main, il
salli de sa nef en la nef espagnolle et vint coper les mestres cordes
qui gouvrenoient le single: par quoi il chei aval, et ne pot la nef
aler plus avant. Et par ensi vinrent li desus nonmé chevalier et lors
gens tout à point à la rescouse; et furent ces deus nefs espagnolles
assallies de grant manière et conquises, et tout mis à bort chil qui
dedens estoient. Fº 151 vº.

P. 95, l. 29: besongnoit.--_Le ms. B 3 ajoute_: car on les gardoit bien
de sejourner. Fº 158.

P. 96, l. 5: estour.--_Ms. B 3_: esfort.

P. 96, l. 14: dou mestriier.--_Ms. B 3_: du maistre.

P. 96, l. 22 et 23: s’escueilla et salli en.--_Ms. B 3_: entra dedens.

P. 96, l. 24: cable.--_Ms. B 5_: chable. Fº 359 vº.

P. 96, l. 24: le voile.--_Ms. B 6_: le single. Fº 427.

P. 96, l. 31: cel avantage.--_Ms. B 3_: ceste aventure. Fº 158 vº.


§ =328=. P. 97, l. 4: Je ne puis.--_Ms. de Rome_: Moult de apertisses
d’armes se fissent en pluisseurs lieus, lesquels ne vinrent pas tous
à congnisance. Che soir furent les envaïes et batailles fortes des
Espagnols as Englois sus la mer; et en i ot grant fuisson de mors et
de bleciés, de une part et d’aultre, et plus assés des Espagnols que
des Englois, ensi comme il fu apparans, car il i laissièrent quatorse
nefs et les hommes et l’avoir qui dedens estoient. Et qant il veirent
que les Espagnols estoient tous passés, car, que bien vous sachiés,
tous n’asamblèrent pas, il tournèrent les singles viers Engleterre et
vinrent prendre terre en Exsesses.

La roine d’Engleterre estoit logie en une abbeie en Exsesses et avoit
ses varlès devant envoiiés, pour oïr nouvelles de son signeur le roi et
de ses enfans, et sçavoit bien que à celle heure là il se combatoient.
Si estoit en orissons à Dieu que il lor vosist donner et envoiier
victore. Nouvelles li vinrent que li rois et si doi fil, li princes
et li contes de Richemont, venoient et que la besongne avoit esté
pour euls: si en fu grandement resjoïe et fist tantos alumer fallos
et tortis et widier gens à force pour aler contre son signour et ses
enfans et les aultres qui venoient, qui mieuls mieuls, car là où il
estoient arrivet, il n’i a ne port ne haverne accoustumé d’ariver, fors
à l’aventure.

Quant li rois vint en l’abeie où la roine estoit, il pooient estre bien
deus heures en la nuit; si se conjoïrent grandement, ce fu raisons. Le
plus des signours et des hommes demorèrent en lor navie, toute la nuit,
et se aisièrent de che que il orent; mais li rois fu dalés la roine. Et
à l’endemain si menestrel furent revesti, par cause de nouvelleté, de
cotes de draps de Valenchiennes que li Espagnol en remenoient en lors
pais, Flaiolet de Chimai, Jehan et Perrin de Savoie. Quant ce vint à
l’endemain, tout li baron et li chevalier, qui à la besongne avoient
esté, vinrent deviers le roi et l’abeie. Si les requellièrent liement
et doucement li rois et la roine et les remerciièrent dou bon service
que fait avoient; et puis prissent congiet, et retourna casquns en son
lieu. Et li rois et la roine se departirent et vinrent à Londres. Fºs
151 vº et 152.

P. 97, l. 4: tous.--_Ms. B 3_: tout. Fº 158 vº.

P. 97., l. 7: aspre.--_Ms. B 6_: car sur mer Espaignos sont malle
gent et ont grans vasseaulx et fors, et chil bateaulx estoient tout à
l’eslite et bien proveus d’artillerie. Et jettoient en passant ºu en
arestant et en combatant chil Espaignos de leurs nefs grande[s] pières
de fais et gros baraulx de fer. Fº 428.

P. 97, l. 15: Wincenesée.--_Ms. B. 3_: Vincestre.--_Ms. B 5_:
Wincenesse. Fº 360.

P. 97, l. 17: princes.--_Le ms. B 3 ajoute_: de Galles.

P. 97, l. 24: Espagnolz.--_Ms. B 6_: car madame d’Engleterre et son
hostel estoit en le conté d’Exesses, en l’abeie de Liaus. Fºs 424 et
425.

P. 97, l. 31: reviel.--_Ms. B 3_: reveil.--_Ms. B 4_: revel. Fº 148 vº.

P. 97, l. 16 à p. 98, l. 6: A celle.... soy.--_Cet alinéa manque dans
le ms. B 5_, fº 360.


§ =329=. P. 98, l. 7: Vous avés.--_Ms. de Rome_: Vous avés bien ichi
desus oy recorder conment Ainmeris de Pavie, uns Lombars, deubt rendre
et livrer as François le chastiel et la forte ville de Calais, et
comment il en chei à ceuls qui là alèrent, et qui la marceandise
avoient pour cachiet.

Messires Joffrois de Carni, pour ce temps, se tenoit à Saint Omer et
entendi que chils Lombars desus nonmés estoit amasés en une petite
belle maison non pas trop forte dalés Calais, que li rois d’Engleterre
li avoit donnet, laquelle maison on nonmoit Fretun, et se donnoit là
dou bon temps, et avoit en partie moult de ses deduis, car il avoit
une très belle damoiselle, fenme englesce, en sa compagnie. Et ne
quidoit pas que jamais il deuist oïr nouvelles des François; mais si
fist, car messires Joffrois de Carni ne pooit ºubliier la traison que
chils Ainmeris de Pavie li avoit fait. Qant il senti que il estoit là
arestés, il fist secretement un mandement des chevaliers et esquiers
de là environ et prist tous les arbalestriers de Saint-Omer, et se
partirent de nuit, et cevauchièrent tant que, droit sus le point dou
jour, il vinrent à Fretun et l’environnèrent.

Qant ce vint au cler jour, chil qui le chastiel gardoient, veirent gens
d’armes et arbalestriers tous apparilliés environ euls pour asalir. Si
furent tout esbahi, et le nonchièrent tantos à lor mestre en disant:
«Sire, avisés vous. Vechi les François qui vous sont venu à ce matin
veoir, et sont plus de cinq cens. Et est messires Joffrois de Carni, ce
nous est avis, chiés de ceste assamblée, car nous avons veu sa banière
de geulles à trois esquçons d’argent.»

Qant messires Ainmeris de Pavie oy parler de messire Joffroi et des
François, se li revinrent toutes angousses au devant; et li ala
souvenir dou vendage que fait avoit dou chastiel de Calais, et les
avoit decheus. Si ne sceut que dire et se leva tantos, car à celle
heure, il estoit encores en son lit dalés son amie qui si belle estoit
que à mervelles; et dist en li levant: «Margerite, je croi bien que
nostre compagnie se desfera, car je n’ai pas chastiel pour moi tenir
tant que fuisse confortés.» La damoiselle à ces mos conmença moult
tendrement à plorer; li chevaliers se leva et vesti et arma et fist
armer ses varlès, et tout compté ils n’estoient que euls douse. Lor
deffense ne dura point longement, car il y i avoit là bien cent
arbalestriers et cinq cens hommes.

Tantos li maison de Fretun fu prise, et messire Ainmeris de Pavie
dedens, et la damoiselle aussi, et tout amenèrent à Saint Omer. Et là
fut decolés li dis Lombars et mis en quatre quartiers as portes: et les
auquns des varlès au dit Ainmeri furent pendut, et li aultre non. La
damoiselle n’ot garde: li signeur en orent pité; aussi elle n’estoit
en riens coupable de ce fait. Et le rouva uns esquiers de là environ,
lequel on nonmoit Robert de Frelant: ºn li donna; et demora depuis
avoecques li, tant que elle vesqi. Fº 152.

P. 98, l. 18 et 19: cilz Lombars estoit amasés.--_Ms. B 3_: ces Lombars
estoient assemblez. Fº 158 vº.

P. 98, l. 20: Fretin.--_Mss. 3 à 5_: Fretun.

P. 99, l. 12: mesnies.--_Ms. B 3_: serviteurs. Fº 159.

P. 99, l. 13: le friente.--_Ms. B 3_: le bruit.--_Ms. B 5_: la frainte.
Fº 360.

P. 99, l, 16: entente.--_Ms. B 3_: diligense.

P. 99, l. 19: à mains.--_Ms. B 3_: pour le moins.

P. 99, l. 26: ens ou marchiet.--_Ms. B 3_: dedens le marché.

P. 99, l. 29: le descoupa.--_Ms. B 3_: la descoulpa.


§ =330=. P. 100, l. 1: En l’an.--_Ms. de Rome_: En l’an de grace Nostre
Signeur mil trois cens quarante neuf, alèrent li penant et issirent
premierement d’Alemagne; et furent honmes liquel faisoient penitances
publiques, et se batoient d’escorgies à neus durs de quir farsis de
petites pointelètes de fier. Et se faisoient li auqun entre deus
espaules sainier moult vilainnement; et auqunes sotes fenmes avoient
drapelès apparilliés, et requelloient ce sanc et le metoient à lors
ieuls et disoient que c’estoit sans de miracle. Et chantoient, en
faisant lors penitances, cançons moult piteuses de la Nativité Nostre
Signeur et de sa sainte souffrance.

Et fu emprise ceste penitance à faire pour faire priière à Dieu pour
cesser la mortalité, car en ce temps de la mort ot boce et epedimie.
Les gens moroient soudainnement, et morurent bien en ce temps par
univers monde, la tierce partie dou peuple qui pour lors resgnoient. Et
ces penans des quels je parloie maintenant, aloient de ville en ville
et de chité en chité par compagnies, et portoient sus leurs chiés lons
capiaus de fautre, casqune compagnie de une coulour. Et ne devoient
par droit estatut et ordenance dormir en une ville que une nuit, et
avoient terme d’aler: trente trois ans et demi ala Dieus Jhesu Cris
par terre, ensi que les saintes Escriptures tesmongnent; et il alèrent
casqune compagnie trente trois jours et demi, et adonc ils rentroient
ens ès villes et chités ou chastiaus dont il estoient issu. Et ne
despendoient point fuisson dou lour sus lors journées faisans; car
les bonnes gens des villes et chités où il s’enbatoient les prioient
de disner et de souper. Et ne gisoient que sus estrain, se force de
maladie ne lor faisoit faire. Et qant il entroient dedens la maison des
gens, là où il devoient disner ou souper, il se mettoient en genouls
devant le suel par humelité et disoient trois fois la patre nostre et
Ave Marie, et ensi et en tel estat qant il s’en departoient. Moult de
belles paix se fissent, les penans alans entre les honmes, tant que de
cas d’ocisions liquel estoient avenu et desquels cas en devant on ne
pooit venir à paix; mais par le moiien de l’afaire des penans on en
venoit à paix.

En lors ordenances avoit plusieurs coses assés raisonnables et
traitables et là où nature humainne s’enclinoit que de l’aler ou voiage
et de faire la penitance, mais point n’entrèrent ens ou roiaulme de
France, car papes Innocens qui pour ce temps resgnoit et qui en Avignon
se tenoit, et li cardinal considerèrent cel afaire et alèrent au devant
trop fort, et proposèrent à l’encontre de ces penans que penitance
puble et prises de li meismes n’estoient pas licite ne raisonnable.
Et furent esquemeniiet de lor fait, et par especial le clergiet qui
avoecques euls estoit et s’acompagnoit. Et en furent pluisseurs
curet, chanonne et capelain, qui lor ºppinion tenoient, privet de lor
benefisce; et qui absolution voloit avoir, il le couvenoit aler querir
en Avignon. Si se degasta ceste ºrdenance et ala toute à noient, qant
on vei que li papes et li rois de France lor estoit contraires et
rebelles, et ne passèrent point oultre Hainnau; car se il fuissent alé
à Cambrai ou à Saint Quentin, on lor euist clos au devant les portes.

Si tretos que ces penans aparurent et que les nouvelles en vinrent,
li sexste des Juis considerèrent et imaginèrent lors destructions, et
avoient sorti plus de deus cens ans en devant et dit par figure: «Il
doivent venir chevaliers qui porteront mailles de fier et seront moult
crueuls; mais il n’aueront point de chiefs, et ne s’estenderont point
lors poissanches ne lors oeuvres hors de l’empire d’Alemagne; mais qant
il seront venu, nous serons tous destruis.» Lors sors averirent, car
voirement furent en che temps tous les Juis destruis, et plus en un
pais que en aultre; car li papes, li rois d’Espagne, li rois d’Arragon
et li rois de Navare en requellièrent grant fuisson et les tinrent à
treu desous euls. Fº 152.

P. 100, l. 2: peneant.--_Ms. B 4_: penant. Fº 149.--_Ms. B 3_:
penitens. Fº 159.--_Ms. B 5_: penitanciers. Fº 360.

P. 100, l. 3: d’Alemagne.--_Ms. B 6_: et resgnèrent ens ès marches de
Flandres, de Hainau et de Brabant et n’entrèrent ºncques ou royalme
de Franche, car li eglise leur fu contraire pour tant que il avoient
empris ceste cose à faire sans le seut de leur prelas et de leurs
curés. Fº 429.

P. 100, l. 4: se batoient.--_Ms. B 6_: d’escorgies de cuir, à neuls de
cuir, à pointe de fer. Fº 429.

P. 100, l. 4: d’escorgies.--_Ms. B 5_: d’escorgées.

P. 100, l. 14: humilité.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: et couvenance.

P. 100, l. 21: par.--_Le ms. B 3 ajoute_: aucuns.

P. 100, l. 26: vaille.--_Ms. B 3_: valeur.

P. 100, l. 27: de raison.--_Ms. B 3_: et raisons.

P. 101, l. 3: èles.--_Ms. B 3_: alles. Fº 159 vº.--_Ms. B 5_: esles. Fº
350 vº.

P. 101, l. 3: pape.--_Ms. B 6_: car li eglise ne trouve mies que on
les deuist mettre à mort, pour tant que il seroient saulvés se il se
volloient retourner à no foy. Fº 430.

P. 101, l. 5: à là.--_Ms. B 3_: en Avignon.

P. 101, l. 5: garde de mort.--_Ms. B 3_: point paour de mourir.

P. 101, l. 6: sorti.--_Ms. B 3_: deviné par leur sort. Fº 159 vº.

P. 101, l. 9: exposition.--_Ms. B 5_: oppinion.


§ =331=. P. 101, l. 12: En l’an.--_Ms. d’Amiens_: En l’an de grace
Nostre Seigneur mil trois cens cinquante, trespassa de ce siècle li
roys Phelippes; si fu tantost couronnés li dus de Normendie sez filz,
à grant solempnité, en le chyté de Rains, et fist grace à ses deux
cousins germains, monseigneur Jehan d’Artois et monseigneur Carle, que
li roys, ses pères, avoit tenu en prison bien seize ans et plus; et les
mist dallés li et avança grandement. Fº 98 vº.

--_Ms. de Rome_: En l’an de grace Nostre Signeur mil trois cens et
cinquante, trespassa de ce siècle li rois Phelippes de France, et fu
enseupelis à grant solempnité en l’abeie de Saint Denis en France. Et
puis fu Jehans, ses ainnés fils, dus de Normendie, rois, et sacrés
et couronnés en l’eglise de Nostre Dame de Rains à très haute
solempnité. Tantos apriès son couronnement, il s’en retourna à Paris
et entendi à faire ses pourveances et ses besongnes, car les trieuwes
est[oient[301]]. Fº 152 vº.

      [301] Ici finit le manuscrit de Rome dont les trois derniers
      feuillets ont été lacérés. Voy. l’introduction au I{er} livre, en
      tête du tome premier de cette édition, p. LXXV et LXXVI.

P. 101, l. 19: pourveances.--_Ms. B 3_: provisions. Fº 160.

P. 101, l. 26: la langue d’och.--_Ms. B 3_: ce bon pais de Languedoc.

P. 101, l. 29: l’Angelier.--_Ms. B 3_: d’Angely.--_Ms. B 4_: l’Anglier.
Fº 149.

P. 102, l. 3 et 4: cousins germains.--_Ms. B 6_: cousins germain[s]
ºssi as enfans de Haynau, as enfans de Blois et as enfans de Namur. Fº
430.

P. 102, l. 5 et 6: plus de quinze ans.--_Ms. B 3_: par l’espace de
quinze ans.

P. 102, l. 12: Jakeme.--_Ms. B 3_: Jacques.--_Ms. B 4_: Jaqme. Fº 149
vº.

P. 102, l. 13 et 14: les plus.... conseil.--_Ms. B 5_: lez lui et à son
especial conseil. Fº 360 vº.

P. 102, l. 16: providense.--_Mss. B 3 et 4_: prudence.

P. 102, l. 19: Avignon.--_Les mss. B 3 à 5 ajoutent_: et se logea à
Villenove dehors Avignon.

P. 102, l. 21: là.--_Ms. B 6_: environ six sepmaines. Fº 431.

P. 102, l. 23: plus de quinze.--_Ms. B 3_: quinze.

P. 102, l. 23: jours.--_Ms. B 6_: puis ala à Besiers, puis à Nerbonne,
puis à Carquasonne, puis à la bonne cité de Toulouse. Fº 431.

P. 102, l. 28: en osta.--_Ms. B 3_: deposa.--_Ms. B 6 ajoute_: Sy s’en
revint par Roherge, par Limosin et par le pais de Brie et de là arière
en Franche. Fº 431.

P. 103, l. 3 et 4: d’Espagne.--_Ms. B 6_: filz à messire Lois
d’Espaigne qui tant avoit esté bons chevaliers en Bretaigne. Fº 431.

P. 103, l. 5 et 6: d’Audrehen.--_Ms. B 6_: En ceste meisme année, il
envoia ses deux marisaulx, monsigneur Edouart, signeur de Bieaugeu et
monsigneur Guy de Nelle et grand foison de bons chevaliers de Franche
et de Poitou et de Saintonge par devant Saint Jehan d’Angely. Fº 431.

P. 103, l. 7: nouveleté.--_Ms. B 3_: nouvelle venue.--_Ms. B 4_:
nouvelle arivée. Fº 149 vº.

P. 103, l. 19: hostel.--_Le ms. B 3 ajoute_: et les provisions qu’ilz
avoient. Fº 160 vº.


§ =332=. P. 103, l. 27: Quant.--_Ms. d’Amiens_: Quant chil de le ville
Saint Jehan l’Angelier se virent asegiet dou roy de Franche et que nulx
comfors de nul costé ne leur aparoit, si en furent durement esbahy, et
envoiièrent messaigez en Engleterre deviers le roy, en priant que il
lez volsist secourir et comforter, car il en avoient grant mestier.
Tant esploitièrent li messaige qu’il vinrent en Engleterre deviers le
roy, et li moustrèrent les lettrez qu’il portoient de par ses gens de
le ville de Saint Jehan.

Quant li roys oy ces nouvelles, si dist que vollentiers les
recomforteroit il, car c’est raisons. Si coumanda à messire Jehans de
Biaucamp et à pluisseurs autrez qu’il se volsissent traire de celle
part. Dont se pourveirent messires Jehans de Biaucamp et si compaignon,
se partirent d’Engleterre et nagièrent tant par mer qu’il arrivèrent à
Bourdiaux. Si se rafreskirent là, et priièrent au seigneur de Labreth,
au signeur de Lespare, au signeur de Pumiers, au signeur de Muchident
et as autres Gascons, qu’il se volsissent appareillier de aller avoecq
lui aidier à rafreschir le ville de Saint Jehan, et que li roys
d’Engleterre, leurs sirez, leur mandoit.

Chil seigneur furent tout appareilliet à l’ordonnanche de monseigneur
Jehan de Biaucamp, et se pourveirent tost et hasteement, et se
departirent de Bourdiaux. Si estoient en nombre cinq cens armures de
fier, quinze cens archiers et troi mil bidaus, et assamblèrent grant
fuisson de bleds, de vins et de chars salléez tout en soummiers, pour
rafreschir chiaux de Saint Jehan, et chevaucièrent en cel arroy tant
qu’il vinrent à une journée priès de Saint Jehan.

Nouvellez vinrent en l’ost des Franchois que li Englès venoient
rafrescir le ville de Saint Jehan. A ce donc estoit retrais li roys
Jehans à Poitiers, et avoit laissiet ses gens et ses marescaux là
au siège. Si eurent consseil li Franchois que une partie de leurs
gens iroient garder le pont de le rivierre de Charente, et li autre
demoroient au siège. Si se partirent messires Guis de Neelle, marescaux
de France, li sires de Pons, li sires de Parthenay, li sires de Tannai
Bouton, li sires d’Argenton, messires Guichars d’Angle et bien quatre
cens chevaliers, et estoient bien mil hommes d’armes, de bonne estoffe.
Si se avanchièrent et vinrent desoubz Taillebourcq, au pont de le
Charente, tout premiers, ainschois que li Englès y pewissent venir. Si
se logièrent bien et biel sus le rivierre et furent signeur dou pont.

A l’endemain au matin, vinrent là li Englèz et li Gascon qui furent tout
esbahi quant il virent là ces seigneurs de France là logiés enssi, et
perchurent bien qu’il estoient decheu et qu’il avoient falli à leur
entente. Si se consillièrent grant temps, car à envis retournoient, et
envis sus le pont se mettoient. Tout consideré il se missent au retour
et fissent touttes leurs pourveanches et leurs soummiers retourner.

Quant chil seigneur de France en virent le mannière et que li Englèz
s’en ralloient: «Or tos passons le pont; car il nous fault avoir de
leurs vitailles.» Dont passèrent il outre communaument à grant esploit,
et toudis s’en alloient li Englès. Quant il furent tout oultre et li
Englès en virent le mannierre, si dissent entr’iaux: «Nous ne demandons
autre cose; or tos allons les combattre.» Lors se missent il en bon
arroy de bataille, et retournèrent tout à ung fès sur les Franchois.

Là eut de premières venuez grant hurteis et fort lanceis, et maint
homme reverssé par terre. Finablement, li Englès et li Gascon, par leur
proèche, obtinrent le place. Et furent là desconfi li Franchois, tout
mort et tout pris; oncquez homme d’onneur n’en escappa. Si retournèrent
li dit Englès et Gascon deviers Bourdiaux à tout ce gaaing, et en
remenèrent arrierre leur pourveanches. Fºs 98 vº et 99.

P. 104, l. 7: Biaucamp.--_Ms. B 3_: Beaumont. Fº 160 vº.

P. 104, l. 8: Byaucamp.--_Mss. B 3 à 5_: Beaumont.

P. 104, l. 9: Jame.--_Ms. B 3_: Jehan.

P. 104, l. 10: Brues.--_Ms. B 3_: Bruges.--_Ms. B 4_: Bruhes. Fº 149
vº.--_Ms. B 5_: Bruues. Fº 360 vº.

P. 104, l. 29: havene.--_Ms. B 3_: havre.

P. 104, l. 30: kay.--_Ms. B 3_: chays.

P. 105, l. 7: Blaves.--_Ms. B 3_: Blaye.--_Ms. B 4_: Bloves. Fº 150.

P. 105, l. 10: cinq cens.--_Mss. B 3 à 5_: six cens.

P. 105, l. 11: brigans.--_Ms. B 6_: bidaus. Fº 433.

P. 105, l. 13: Carente.--_Ms. B 3_: Charante.

P. 105, l. 17: amas.--_Mss. B 3 et 4_: armée.

P. 105, l. 18: Jehan.--_Ms. B 6_: Sy s’acordèrent à chou que le sire de
Bieaugeu demor[r]oit au siège tout cois à tout le moitié de l’ost; et
messire Guy de Nielle, marisaulx de Franche, messire Renault de Pois,
ung vaillant chevalier, messire Guichart d’Angle, le sire de Partenay,
le sire de Matelin et pluiseurs aultres grant barons et chevaliers, qui
là estoient à tout l’autre moitié de l’ost, iroient garder le pont de
la forte rivière de Quarente: par lequel pont il couvenoit ces Englès
passer, s’il volloient venir en la ville de Saint Jehan, et se n’y
avoient que cinq lieues. Fºs 433 et 434.

P. 105, l. 19: Saintré.--_Ms. B 3_: Santerré.

P. 105, l. 21: Puiane.--_Ms. B 3_: Puyarne.--Ms. B 4: Pivaire.

P. 105, l. 22: Tannai Bouton.--_Ms. B 3_: Tonnay Bouton.

P. 106, l. 16: passer.--_Ms. B 6_: car otant voldroit soixante hommes
au delà le pont, si comme il disoient, par deviers les Franchois, comme
feroient dix mille de leur costé. Fº 434.

P. 106, l. 18 et 19: les assallir.--_Ms. B 3_: l’assallir. Fº 161.

P. 106, l. 30: gens.--_Ms. B 3_: nombre.

P. 107, l. 3: ou froais.--_Ms. B 3_: au froy.--_Ms. B 4_: de froais.

P. 107, l. 8: droit.--_Ms. B 3_: fin.

P. 107, l. 25: ablement.--_Ms. B 3_: asprement.

P. 107, l. 30: desconfirent.--_Ms. B 6_: mais il detinrent le camp
et prinrent le marescal du roy monseigneur Gui de Nelle, monseigneur
Guichart d’Engle, che bon chevalier, monseigneur Renault de Pons,
le seigneur d’Esprenay, monseigneur Bouchicau, monseigneur Ernoul
d’Audrehem, le sire de Matelin et pluiseurs bons chevaliers de Poitou
et de Saintonge et ossy de Vermendois et de Franche qui estoient
là alés avec le marescal, tant qu’il eurent bien soixante bons
prisonniers, et se logèrent celle nuit en celle plache. Bien le sceut
le sire de Biaugeu, mais il n’osoit laissier le siège que cil de Saint
Jehan ne se ravitaillaissent. Fº 436.

P. 107, l. 32: Neelle.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: et grant foison
de bons chevaliers et escuiers de Picardie qui furent tous prins ou
tuez. Fº 161.


§ =333=. P. 108, l. 12: Vous devés.--_Ms. d’Amiens_: Ces nouvelles
vinrent en l’ost que messires Guis de Neelle, marescaux de France, li
sirez de Pons, li sirez de Partenay et tout li baron et li chevalier
qui là [estoient] avoient estet pris; si le segnefiièrent au roi de
Franche qui se tenoit à Poitiers, qui en fu moult courouchiéz, mès
amender ne le peult, tant c’a ceste fois. Si renvoia nouvelles gens
d’armes au siège, et ne veult mies que ºn s’en departesist enssi.

Quant chil de Saint Jehan l’Angelier entendirent ces nouvellez, que
leur secours estoit perdus et que point n’en aroient, ne que ravitaillé
ossi point ne seroient, si furent plus esbahi que ºncques mès, car
il estoient durement astraint; si eurent consseil de tretiier à ces
seigneurs de Franche qui là estoient. Si tretiièrent sus cel estat que,
s’il n’estoient comforté, dedens un mois, de gens fors assés pour lever
le siège, il se renderoient. Li sires de Biaugeu envoya ce tretiet
deviers le roy de France qui se tenoit à Poitiers, assavoir se il le
vorroit faire, ou non. Il l’acorda et se parti de Poitiers et vint en
l’ost dallés ses gens; et pour tant qu’il savoit que li deffaulte de
vivres estoit si grans en le ville de Saint Jehan, qu’il moroient de
famine, il y envoya de tous vivrez, bien et largement, tant qu’il en
furent tout raempli: laquel cose il tinrent à grant courtoisie. Li roys
Jehans tint là sa journée bien et puissamment, ne oncques nus n’aparut
pour lever le siège.

Si couvint que cil de Saint Jehan se rendesissent, car à che estoient
il obligié, et en avoient livré bon ostaigez. Si furent franchois comme
en devant, et jurèrent feaulté et hoummaige à devoir et à paiier au
roy de Franche. Si y mist li roys de recief ºfficiiers de par lui, et
y fist ung senescal dou pays d’un chevalier que on appelloit messire
Jehan de Montendre. Et puis s’en parti li dis roys et dounna touttez
ses gens congiet, et retourna en France et vint sejourner à Paris. Fº
99.

P. 108, l. 18: et pris.--_Ms. B 3_: et presque toute. Fº 161 vº.

P. 108, l. 19: Saintré.--_Ms. B 3_: Santres.


§ =334=. P. 110, l. 11: envoiiés.--_Le ms. B 4 ajoute_: du roy
d’Engleterre et de son conseil. Fº 151.

P. 110, l. 12: Calais.--_Le ms. B 3 ajoute_: qui estoit de son conseil.
Fº 162.


§ =335=. P. 110, l. 25: En celle.--_Ms. d’Amiens_: En ceste meysme
saison que li sièges fu par devant Saint Jehan l’Angelier, avint en
Bretaingne ung moult mervilleux fait d’armes que on ne doibt mies
oubliier, mès le doit on mettre avant pour tous bacelers encorragier.
Et affin que vous le puissiés mieux entendre, vous devés savoir que
toudis estoient guerres en Bretaingne entre les parties des deus
dammes, coumment que messires Carlez de Blois fust eprisonnés. Et se
guerioient les partiez des deus dammes par garnisons qui se tenoient
ens ès castiaux et ès fortez villes de l’une partie et de l’autre.

Si avint ung jour que messires Robers de Biaumanoir, vaillant chevalier
durement et dou plus grant linage de Bretaingne, estoit castelains
dou Castiel Joselin, et avoit avoec lui grant fuisson de gens d’armez
de son linage et d’aultres saudoiiers, et s’en vint courir par devant
le ville et le castiel de Plaremiel, dont il estoit castelains ungs
saudoiiers allemans que on clammoit Blandebourch, et avoit avoecq lui
grant fuisson de saudoiiers allemans, englès, bretons et d’autrez pays,
et estoient de le partie de la contesse de Montfort.

Quant li dis messires Robiers vit que nuls de le garnison n’istroit, il
s’en vint à le porte et fist appeller ce Blandebourch sus asegurancez,
et li demanda se il avoit layens nul compaignon, deux ou trois, qui
volsissent jouster de fiers de glaves encontre autres troix pour
l’amour de leurs dammez. Blancquebourcq respondi et dist que leurs
dammez ne voroient mies que il se fesissent tuer si simplement que
d’une seulle jouste, car c’est une aventure de fortune trop tost passée.

«Mès je vous dirai que nous ferons, se il vous plaist. Nous prenderons
vingt ou trente de nos compaignons de nostre garnison et nous metterons
à plains camps, et là nous combaterons tant que nous porons durer: si
en ait le milleur à qui Dieux le vorra donner!»--«Par ma foy! respondi
messires Robiers de Biaumanoirs, vous en parlés en bonne manierre, et
je le voeil enssi; or, prendés journée.» Elle fu prise au merquedi
prochain venant, et donnèrent là entr’iaux certainnez trieuwez jusques
ad ce jour, et retournèrent mesirez Robiers et ses gens sus cel estat.
Si se pourveirent de trente compaignons, chevaliers et escuiers, et les
prissent en leurs garnisons, et Branquebourch ossi de trente autrez
compaignons tous à eslite. Fº 99.

P. 110, l. 28: exempliier.--_Ms. B 3_: donner exemple. Fº 162.

P. 111, l. 11: Plaremiel.--_Ms. B 5_: Paremiel. Fº 361.

P. 111, l. 11: uns.--_Les mss. B 3, 4 ajoutent_: uns bons escuiers
alemant, hardis homs d’armes malement. Fº 151.--_Le ms. B 5 ajoute_: un
escuier alemant.

P. 111, l. 24: de fers de glaves.--_Ms. B 3_: de pointes de lances.

P. 111, l. 25: amies.--_Ms. B 3_: dames.

P. 112, l. 4: sus le hart.--_Ms. B 3_: à peine de la hart. Fº 162 vº.

P. 112, l. 13: creante.--_Ms. B 5_: creance.

P. 112, l. 14: creante jou.--_Ms. B 3_: je le prometz.

P. 112, l. 22: yaus.--_Le ms. B 3 ajoute_: mettre.


§ =336=. P. 112, l. 23: Quant li jours.--_Ms. d’Amiens_: Quant li jours
fu venus, li trente compaignon Branquebourch oïrent messe, puis se
fissent armer et s’en allèrent en le pièce de terre là où li bataille
devoit y estre. Et descendirent tout à piet et coummandèrent à tous
ciaux qui là estoient, que nulx ne fuist si hardis qui s’entremesist
d’iaux, pour cose ne pour mescief qu’il veist. Et ensi fissent li
trente compaignon de monseigneur Robert de Biaumanoir. Chil trente
compaignon que nous appellerons Englèz, à ceste besoingne atendirent
longement lez autrez trente que nous appellerons Franchois.

Quant il furent venu, il descendirent à piet, et fissent adonc le
coummandement dessus dit. Et quant il furent l’un devant l’autre, il
parlementèrent un petit enssamble tout soissante, puis se retraissent
un petit arrière, li ungs d’une part et li autre d’autre part. Et
fissent touttez leurs gens traire arrière de le place, bien loing. Puis
fist li ungs d’iaux ung signe, et tantost se coururent seure, et se
combatirent fortement tous en ung tas. Et rescouoient bellement li ungs
l’autre, quant il veoient leurs compaignons à mescief.

Assés tost apriès ce qu’il furent assamblé, fu ochis li ungs dez
Franchois. Mès pour ce ne laissièrent mies li autre le combattre; ains
se maintinrent moult vassaument d’une part et d’autre, ºssi bien que
tout fuissent Rollans et Oliviers. Je ne say dire à le verité: «Chilz
s’i maintint le mieux, ne chilz autrez;» mès tant se combatirent
longement, que tout perdirent force et alainne et pooir entirement.

Si les couvint arester et reposer, et se reposèrent par acort li uns
d’une part et li autre d’autre. Et s’en donnèrent trieuwez jusques
adonc qu’il se seroient reposé et que li premier qui se releveroit,
rapelleroit les autrez. Adonc estoient mort quatre des Franchois et
deux des Englès. Il se reposèrent longement d’une part et d’autre. Et
telz y eult qui burent dou vin que on leur aporta en boutaillez, et
restraindirent leurs armures qui desrouttez estoient, et fourbirent
leurs plaies et rebendelèrent. Fº 99.

P. 113, l. 5: des leurs.--_Ms. B 3_: des François. Fº 162.

P. 113, l. 13: se coururent sus.--_Ms. B 5_: s’entrecoururent sus. Fº
361 vº.

P. 113, l. 22: plus avant.--_Ms. B 3_: mieulx. Fº 162 vº.

P. 114, l. 2 et 3: leurs armeures.... plaies.--_Ms. B 3_: leurs arnois
qui estoient gastez et nestoiarent leurs playes. Fº 162 vº.


§ =337=. P. 114, l. 4: Quant.--_Ms. d’Amiens_: Quant il furent assés
reposé, li premiers qui se releva, fist signe et rapella les autres.
Si recoummencha li bataille si forte comme en devant, et dura moult
longement; et se tinrent ceste seconde enpainte moult vaillamment.
Mès finablement li Englès en eurent le pieur; car, enssi que je oy
recorder chiaux qui les virent, li ungs des Franchois, qui estoit à
cheval, les debrisoit et defouloit laidement: si ques Blandebourch,
leur cappittainne, y fu tués, et huit de leurs compaignons. Si les
enmenèrent messires Robiers de Biaumanoir et li sien en leur garnison.
Enssi alla il de ceste besoingne. Fº 99.

P. 114, l. 8: et espois et daghes.--_Ms. B 3_: et espoisses dagues. Fº
163.

P. 114, l. 18: le pieur.--_Ms. B 3_: du pire. Fº 163.

P. 114, l. 20: les.--_Le ms. B 3 ajoute_: Anglois.

P. 114, l. 21: mesaisiement.--_Ms. B 4_: mesaisement. Fº 151 vº.

P. 114, l. 22: huit.--_Ms. B 6_: vingt. Fº 445.

P. 114, l. 24: aidier.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: qu’il ne les
couvint rendre ou mourir.

P. 114, l. 28: rancenèrent.--_Ms. B 4_: ranchonnèrent. Fº 152.

P. 114, l. 29: resanet.--_Ms. B 3_: gueriz.

P. 114, l. 31: Englès.--_Ms. B 6_: Je n’oys oncques mais dire ne
raconter que sy faite astine ne entreprise ne fust pour recommander,
et partout là où il venroient, cheulx qui y furent et qui en
escapèrent en vie. Et osy furent il, il n’est pas doubte, car bien
vingt deus ans puissedy j’en vich ung seoir à la table du roy Charle de
Franche, que on apelloit monseigneur Ievain Caruiel. Et pour chu que il
avoit esté l’eun des Trente, on l’onnouroit deseure tous aultres. Et
ousy il moustroit bien à son viaire qu’il sçavoit que cops d’espées,
de daghes et de haches valloient, car il estoit moult plaiiés. Et ossi
oy jou dire de che tamps que messires Engherans d’Uedins avoit esté
avoecques en l’election, et pour che estoit il sy honnourés et amés
dou roy de Franche. Se che fu voir, il en valy mieulx, et tout chil
qui y furent, car che fut ung honnourable fait d’arme, et avint entre
Plaremiel et Castiel Josselin l’an de grace mil trois cens cinquante
un, le vingt septième de jullet. Fº 445 et 446.

P. 115, l. 1 à 11: Et.... outrecuidance.--_Cet alinéa manque dans le
ms. B 5_, fº 361 vº.

P. 115, l. 3: Yewains.--_Ms. B 3_: Gauvain. Fº 163.--_Ms. B 4_:
Jovains. Fº 152.

P. 115, l. 3: Charuelz.--_Ms. B 3_: Caruel.--_Ms. B 4_: Keruels.

P. 115, l. 7: bien.--_Ms. B 3 ajoute_: les enseignes.


§ =338=. P. 115, l. 12: Nous parlerons.--_Ms. d’Amiens_: Apriès le
departement dou siège de Saint Jehan l’Angelier, et que li roys de
France fut retrèz à Paris, il envoya son marescal, le seigneur de
Biaugeu, à Saint Omer, pour là garder lez frontières contre les Englès.
A ce donc estoit cappittainne de Calais messires Jehans de Biaucamp, et
avoit grant fuison de bons compaignons avoecq lui, qui souvent yssoient
et couroient sus le pays, d’une part et d’autre. Dont il avint une fois
qu’il se partirent de Callais à trois cens armurez de fer et quatre
cens archiers, et vinrent à un ajournement courir devant Saint Omer et
queillirent le proie et l’enmenoient devant yaux.

Ces nouvellez vinrent au seigneur de Biaugeu que les Englès
chevauchoient et avoient estet jusques ens ès fourbours de Saint Omer.
Tantost il fist sounner ses trompettes et armer touttes mannierres de
gens d’armes qui laiiens estoient, dont il avoit grant fuison; et tous
premiers se parti à ce qu’il avoit de gens, sans atendre les autres, et
vint sus les camps et fist desvoleper se bannierre. Si pooient y estre
en ceste premierre routte environ six vingt armures de fier, et toudis
veno[ient] gens. Si poursuiwirent les Englès bien quatre lieuwez, et
tant que assés priès d’Arde il les raconssuirent. Li Englèz ne veurent
plus fuir, mès se requeillièrent et entrèrent en un pret. Fº 99 vº.

P. 115, l. 28: trois cens.--_Ms. B 6_: quatre cens. Fº 446.

P. 115, l. 31: Saint Omer.--_Ms. B 6_: entre Arques et Saint Omer. Fº
446.

P. 116, l. 2: terne.--_Ms. B 3_: tertre. Fº 163.--_Ms. B 4_: tierne. Fº
152.

P. 116, l. 8: retraire.--_Ms. B 3_: eulx retirer.

P. 116, l. 28 et 29: ensi.... fait.--_Ms. B 3_: quant ilz furent
prestz. Fº 163 vº.

P. 116, l. 29: caudement.--_Ms. B 3_: hastivement.

P. 116, l. 32: Drues.--_Ms. B 3_: Drieuvez.

P. 117, l. 1 et 2: Guillaumes.--_Mss. B 3 et 4_: Gauvaing.

P. 117, l. 6: Cuvilers.--_Ms. B 4_: Civiliers.

P. 117, l. 7: Vermendois.--_Ms. B 6_: Et sy avoit bien six cens
bringans à pavais, dont Anbrose Bonnefin et Gorge de Pistoie et
Franchois de Rose estoient meneurs et capitaines. Si gardoient et
deffendoient le pais à leur pooir. Si chevauçoient une fois devers
Calais pour querir leur aventurez, et chil de Calais aloient ung aultre
jour. Ensy aloient il de l’un à l’autre; et toudis le comparoient les
povres gens. Fºs 439 et 440.

P. 117, l. 27: cent.--_Ms. B 6_: quatre cens. Fº 447.

P. 118, l. 4: Evous.--_Ms. B 3_: Et vint.

P. 118, l. 4: venu.--_Ms. B 6_: et ceulx de son ostel tant seulement,
et vint jusques au pret, montés sur son coursier, se banière devant
luy, et monseigneur Oudart de Renty, monseigneur Bauduin d’Ennequin,
messire Baudart de Cuvillers, le seigneur de Haveskerke ossy delés
luy. Et toudis ly venoient gens, mais encores n’estoient point venu le
conte de Porsiien et sa banière ne messire Gilles de Bourbon ne messire
Gicart de Biaugeu son frère.

Quant le sire de Biaugeu fu venus jusques as Englès, et il les vit ens
ou pret, tantost imagina leur afaire et dist à ses gens: «A piet, à
piet! Nous ne les poons combattre aultrement.» Adonc se mist il à piet;
ossi firent tous ly aultres. Quant il fu à piet, il regarda entour
luy et se vit en petite compaignie. Sy demanda à messire Bauduin de
Cuvillers: «Où sont tous nos gens?» Respondy le chevalier: «Il vous
sievent, et vous vos estes trop hastés. Che seroit bon que d’ieaux
atendre: il venront tantost; et vous n’avés pas gens pour chy asallir à
yaulx à jeu party.»

Adonc se retourna le sire de Biaugeu et dist par mautalent: «Baudart,
Baudart, se vous avés paour, sy retournés et les atendés.»--«Sire,
nanil, dist le chevalier; ains vous sievray, mès je vous le disoie pour
bien.»

Adonc fist le sire de Biaugeu cheluy qui portoit sa banière passer
oultre le fosset; et il mesmes prit sa lance et en apoiant il sally
oultre. Et à che qu’il sally, il vint ung Englès qui le requelly de sa
glave, et le fery par desous ou fusiel, car il n’estoit point armés de
braies, de mailles, ne d’aultre armure deffensable à chel endroit. Fºs
448 et 449.

P. 118, l. 8: tourniier.--_Ms. B 3_: tournoier.

P. 118, l. 11: hurée.--_Ms. B 3_: levée. Fº 163 vº.

P. 118, l. 12: sallir.--_Le ms. B 3 ajoute_: à. Fº 164.

P. 118, l. 16: s’escueilla.--_Ms. B 3_: se reculla.--_Ms. B 4_:
s’esquellia. Fº 152 vº.

P. 118, l. 17: banière.--_Ms. B 3_: estandart.

P. 118, l. 20: s’abusça.--_Ms. B 3_: trebucha.

P. 118, l. 24: embara.--_Ms. B 3_: l’abatit.--_Ms. B 4_: embati.

P. 118, l. 30: vaillamment.--_Ms. B 6_: Adonc s’avanchèrent les deus
chevaliers et aultres qui estoient là venus avecques luy, messire
Oudart de Renty, messire Bauduin d’Annekin, le sire de Mannier, le sire
de Haveskerque, messire Lois d’Ecalles, messire Bauduin de Cuvillers,
et y firent mervelles d’armes. Fº 450.

P. 118, l. 32: foursené.--_Ms. B 3_: forcennez. Fº 164.

P. 119, l. 2: estekeis.--_Ms. B 3_: estry.

P. 119, l. 6 et 7: un oel.--_Ms. B 3_: Jehan Oel.

P. 119, l. 13: le trettié.--_Ms. B 3_: le trait. Fº 164.--_Ms. B 4_: le
traittiée.

P. 119, l. 15: esmerveilliés.--_Ms. B 3_: esbay.

P. 119, l. 28: reporter.--_Ms. B 6_: «.... ensevelir en nostre pais,
en l’abeie de Belleville là où nostre anciseur gisent.» Son frère tout
en plorant ly eult en couvent. Oncques depuis ces parolles le sire
de Biaugeu ne parla; là morut. Dieu en ait l’ame, car il fut moult
vaillant chevalier et preudons et bien congneu en pluiseurs pais.
Meismement le roy Englès et les seigneurs d’Engleterre en furent
courchiés de sa mort pour le proesche et le bien de luy. Fºs 451 et 452.

P. 120, l. 3: geules.--_Les mss. B 3, 4 ajoutent_: à trois lambaux (B
4: labiaus. Fº 153) de gueules. Fº 164.

P. 120, l. 10: requerre.--_Ms. B 3_: conquerre.


§ =339=. P. 120, l. 14: Tout à piet.--_Ms. d’Amiens_: Li sires de
Biaugeu, qui estoit chaux et boullans de combattre, descendi à piet
et fist descendre les siens, et alla autour de ce pret; et n’y pooit
entrer à sen aise pour un fosset qui y estoit, si ques par mautalent
il prist son glaive et sailli oultre. En saillans, uns Englès li bouta
son glaive ou fusiel où point n’estoit armés, et li embara ou corps
et là l’abati navret à mort. Quant ses gens virent le grant mescief,
il saillirent oultre qui mieux mieux. Et là eult deus chevaliers qui
se fissent tuer sus le corps le signeur de Biaugeu. Si ne durèrent li
Franchois qui là estoient, point longement, et furent tout mort et tout
pris chil premiers.

Evous venant grant secours de Saint Omer, messires Guichart de
Biaugeu, frère au dessus dit, le comte de Porsiien, messire Guillaumme
de Bourbon et bien trois cens armures de fier; si se boutèrent en
ces Englès. Et là eut de rechief grant bataille et dure, et maint
homme reverssé d’une part et d’autre. Et vous di que li Franchois
ne l’avoient mies d’avantaige, car li Englès s’i esprouvoient trop
vaillamment: et ewissent, enssi que on suppose, esté desconffi, se li
brigant, bien sept cens, ne fuissent là venu, mès chil parfissent le
besoingne et desconfirent les Englès. Si furent tout mort et tout pris,
et rescous cil qui pris estoient, et li proie ºssi rescousse; car li
sires de Bavelingehen, par où li foureur les menoient, yssi hors de se
fortrèce, et ossi fissent chil d’Arde. Si le rescoussent et furent tout
mort et tout pris chil qui le menoient, mès li sirez de Biaugeu morut
là sus le place, dont tous li Franchois lurent moult courouchiet; si
le ramenèrent à Saint Omer. Si le fist messires Guichars, ses frères,
enbausoummer et mettre en un sarqu, et le renvoya en son pays arrierre
en Biaugeulois. Si fu assés tost apriès envoiiés à Saint Omer messires
Ernoulx d’Audrehen, et fais marescaux de Franche. Chilx garda ung grant
tems le frontière contre lez Englès. Fº 99 vº.

P. 120, l. 26: son hardement.--_Ms. B 3_: l’ardiesse. Fº 164 vº.

P. 121, l. 5: essannés.--_Ms. B 3_: lassé.--_Ms. B 4_: ensannés. Fº 153.

P. 121, l. 9: plus de cinq cens.--_Ms. B 6_: six cens. Fº 453.

P. 121, l. 40: pavais.--_Ms. B 3_: pennons.

P. 121, l. 13: hodet.--_Ms. B 3_: ennuyez.

P. 121, l. 17: Biauvers.--_Ms. B 3_: Bauvères.--_Ms. B 5_: Beauvais. Fº
361 vº.

P. 121, l. 17: Tuiton.--_Ms. B 4_: Tuton.

P. 121, l. 24: devia.--_Ms. B 3_: trespassa.

P. 121, l. 24: place.--_Le ms. B 5 ajoute_: Dieux pardoint à tous
trespassés et à nous tous nos pechiés.

P. 121, l. 31: le proie.--_Ms. B 3_: la prise.

P. 121, l. 32: devint.--_Mss. B 3, 4_: de nuyt.

P. 122, l. 4: embusce.--_Ms. B 6_: Et estoient bien six vingt hommes
d’armes et trois cens à piet et mis en ung bosquet entre Ardre et
Ghines. Fº 454.

P. 122, l. 4 et 5: armeures de fer.--_Ms. B 4_: hommes d’armes.

P. 122, l. 11: Saint Omer.--_Mss. B 3, 4 ajoutent_: où on l’avoit levée.

P. 122, l. 16: peurent.--_Ms. B 6_: Ceste bataille fu l’an de grace
mil trois cens cinquante un, le septième jour de septembre entre le
bastille d’Ardre et le ville de Hoske. Après le desconfiture, les
Franchois retournèrent à Saint Omer et enmenèrent leur prisonniers
monseigneur Jehan de Biaucamp et les aultres et raportèrent le seigneur
de Biaugeu tout mort, dont che fu pité, et monseigneur Guichart son
frère moult fort navré, et ensevelirent les mors et entendirent as
navrés. Assés tos après fut fait ung escange de monseigneur Jehan
de Biaucamp et d’un aultre chevalier englès, que on nommoit messire
Olivier de Clitfort, pour monseigneur Guy de Nelle, mariscal de
Franche, et pour monseigneur Ernoul d’Audrehen. Si s’en ralèrent cilz
chevaliers à Calais, et li aultres revinrent en Franche. Sy fu assés
tos après esleu à y estre mariscal de Franche ou lieu de monseigneur
de Biaugeu et fu envoié à Pontorson, car là avoit une grosse route
d’Englès qui couroient le pais et venoient de le marche de Bretaigne.
Sy se tint là messire Ernoul d’Audrehen ung grant temps en garnison,
et avoit grant plenté de chevaliers et d’escuiers qui gardoient et
deffendoient le pais de Normendie à che chosté. Fºs 454 et 455.

P. 122, l. 21: faire frontière.--_Ms. B 3_: fortifier.

P. 122, l. 26: d’autre.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: courtoisement.


§ =340=. P. 122, l. 28: En ce temps.--_Ms. d’Amiens_: Vous avés bien
oy recorder coumment li comtez de Ghines, connestablez de Franche, fu
pris à Kem en Normendie, et li comtez de Tancarville, et prisonnier
en Engleterre. Li dis connestablez de Franche acquist grant grace
en Engleterre dou roy premierement, de le roynne et de tous les
seigneurs, car il estoit doulx et courtois chevaliers durement. Si fu
là prisonniers l’espasse de cinq ans et plus, et se mist à finanche à
soissante mil escus. Et le recrut li roys englès sus se foy à renvoiier
se raenchon dedens ung jour qui mis y fu, ou de revenir tenir prison en
Engleterre.

Si rapasa le mer li dis comtes de Ghines, et vint en France et se
traist deviers le roy, dont il quidoit estre moult bien [amés], et
le salua et enclina enssi comme son seigneur. Li roys Jehans li
dist: «Comtes de Ghinnez, sieuwés nous.» Adonc se partirent de là et
entrèrent en une cambre. Se li moustra une lettre, et li dist: «Veistes
vous oncques mès ces lettrez chy?» Li connestables fu durement souspris
et mua couleur quant il vi la lettre, che dist on. Quant li roys le vi
abaubi, se li dist: «Ha! ha! mauvais traistres, vous avés bien mort
deservi; si morés, foy que je doy à l’ame à mon père.» Si le fist
tantost prendre et mettre en prison.

Cescuns fu dolens et esmervilliés dou connestable qui enssi en fu
menés, car il estoit durement animés. Et si ne savoit nulx pensser ne
adeviner pourquoy ly roys le faisoit. Et comment que ce fust, li roys
jura à l’endemain, par devant lez amis dou connestable qui prioient
pour li, que jammais ne dormiroit se li aroit fait copper le teste,
ne jà pour ung, ne pour autre, ne l’en respiteroit; si ques le nuit
meysmes li connestables eut la teste coppée en le tour dou Louvre: dont
li roys en fu durement blamméz, mès on n’en eult autre cose. Fºs 99 vº
et 100.

P. 122, l. 29: Clemens.--_Le ms. B 3 ajoute_: sixiesme. Fº 165.

P. 123, l. 2: Jehan.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: qui moult l’amoit.

P. 123, l. 8: et.--_Ms. B 4_: en. Fº 153 vº.

P. 123, l. 8 et 9: de Romme.--_Ms. B 3_: des cardinaux.

P. 123, l. 14: aherdans.--_Mss. B 3, 5_: adherens.

P. 123, l. 23: Kem.--_Ms. B 5_: Caen. Fº 362.

P. 123, l. 26: d’Eu et.--_Le ms. B 3 ajoute_: le conte.

P. 123, l. 29: able.--_Mss. B 3, 5_: habile.

P. 123, l. 29: frice.--_Ms. B 4_: frische.--_Ms. B 3_: frisque.

P. 124, l. 11: l’enclina.--_Ms. B 3_: s’enclina.

P. 124, l. 22: assouplis.--_Mss. B 3, 5_: esbay.

P. 124, l. 22: et pris deventrainnement.--_Ms. B 3_: et transy.

P. 125, l. 4: royaume.--_Le ms. B 5 ajoute_: et tenu prison pour cinq
ans. Fº 362.

P. 125, l. 5: onques.--_Le ms. B 3 ajoute_: riens. Fº 165 vº.

P. 125, l. 10: teste.--_Ms. B 6_: sans loy et sans jugement, et le fist
le roy faire de sa puissanche. Je ne say se che fut à droit ou à tort,
car de leur secret ne de leurs parlers ne de leur afaire je ne voel mie
parler trop avant; j’en poroie bien mentir: se vault mieux que je m’en
taise que j’en die chose que j’en soie repris. Fºs 456 et 457.

P. 125, l. 12: je le tieng.--_Ms. B 3_: il estoit.

P. 125, l. 12: vaillant.--_Ms. B 3_: noble.


§ =341=. P. 125, l. 20: Assés tost.--_Ms. d’Amiens_: En ce tamps
estoient trieuwez en Franche par le pourcach dou cardinal de
Bouloingne, qui se tenoit en le cité de Paris, dallés le roy. Or
avint que ungs escuiers de Pikardie, qui gardoit le fort castiel de
Ghines, s’acorda si bien as Englès et à monseigneur Jehan de Biaucamp,
cappittainne de Callais, que, parmy une somme d’argent et de florins,
il delivra as Englès le castiel de Ghinnes. Et en furent bouté hors à
une journée chil qui le gardoient, et en eurent li Englès le possession.

Ces nouvellez vinrent à Paris au roi de Franche, comment li fors
castiaus de Ghinnes estoit perdus. Si en fu li roys durement
courouciés, et s’en complaindi au cardinal de Bouloingne coumment li
Englès en trieuwes avoient pris et emblé se forterèce. Li cardinaux en
escripsi à monseigneur Jehan de Biaucamp, et li manda que il avoit les
trieuwez enfraintez et que ce fust deffait et qu’il remesist le castiel
arrière. Messirez Jehans de Biaucamp respondi et rescripsi enssi, et
dist que il n’eschievoit nul homme en trieuwez et hors trieuwez à
vendre et achater maisons, terrez et hiretaiges. Si demora la cose en
cel estat, et n’en peurent li Franchois avoir autre cose. Fº 100.

P. 125, l. 20: Assés.--_Ms. B 6_: Encores endementiers que ly
cardinaulx de Boulongne estoit à Paris, le roy de Franche qui
avoit saisy le conté d’Eu et de Ghines, avoit donné le conté d’Eu
à monseigneur Jehan d’Artois, son cousin germain, et le conté de
Ghines tenoit il encore. Et avoit mis dedens le castiel de Ghines ung
castelain, escuier, que on nommoit de Bielconroy. Dont il avint que
messire Jehan de Biaucamp, qui estoit gardien et souverain de Calais
de par le roy d’Engleterre, fist tant parlementer à che castelain de
Ghines qu’il ly eult en couvent de livrer le castiel à certain terme.
Et me samble que che devoit estre par nuit, quant tout les compaignons
dormyroient, parmy une somme de florins, mais ne say quelle. Et
l’argent fut paiiet, et ly castieau livrés. Et y vinrent chil qui
entrèrent par batiel et par derière sus les marès qui sont grant et
large d’iauve: il n’y fait oncques sy secq qu’il n’y ait toudis plus de
deux lieues d’iaves de large. Les Englès entrèrent dedens baudement et
trouvèrent tout les saudoiiers qu’il estoient encores en leur lit. Il
ne leur firent nul mal, car la chose estoit faite ensy, mais il leur
disoient: «Or sus, ºr sus, seigneurs, vous avés trop dormy; levés vous,
et sy vidiés le castiel, car cheens ne demor[r]és plus.»

Les sauldoiiers furent moult esbahis, quant il virent ces Englès en
leur cambre entrer: il volsissent bien estre en Jherusalem. Et lors
s’armèrent et se partirent de laiens le plus tost qu’il porent tout
desconfis et barretés. Et estoient entre aulx moult esmervilliés de
ceste aventure; sy se mespensèrent de che Hue de Bielcoroy, pour che
que pluiseurs fois puis huit jours il avoit esté plus de fois hors que
les aultres fois acoustumé n’estoit: si le prirent, car il estoit adonc
avoecques yaus et li mirent seur le traison et oncques ne s’en seult
escondire ne escuser. Et fut menés à Saint Aumer et delivré à messire
Joffroy de Cargny, qui pour le tamps gouvrenoit la ville de Saint Omer
et les frontières d’ileuc de par le roy de Franche: liquelx mit à mort
ce Hue de Bielcoroy, seloncq la congnoissance qu’il fist. Fºs 460 et
461.

P. 125, l. 26: de.--_Ms. B 4_: à. Fº 154.

P. 126, l. 15: n’eskiewoit.--_Ms. B 3_: creignoit. Fº 155 vº.--_Ms. B
4_: n’esqueroit. Fº 154.


§ =342=. P. 127, l. 1 et 2: deseurain.--_Ms. B 3_: derrain. Fº 166.

P. 127, l. 8: ensongne.--_Ms. B 3_: exoine.

P. 127, l. 18: couls.--_Ms. B 4_: cousts. Fº 154 vº.

P. 127, l. 24: consent.--_Ms. B 3_: consentement.

P. 127, l. 26: n’estoit.--_Les mss. B 3 et B 4 ajoutent_: souffisant.

P. 128, l. 1: maison.--_Les mss. B 3 et 4 ajoutent_: noble.

P. 128, l. 9: detenue.--_Ms. B 3_: entretenue.


§ =343=. P. 129, l. 1: en ce temps.--_Ms. d’Amiens_: En ce tamps et
en celle saison avoit li roys de France un chevalier dallés luy, que
durement il amoit, avoecq qui il avoit estet nouris d’enfance, que
on clammoit monseigneur Carle d’Espaigne, et estoit ses compains de
touttez coses, et le creoit devant tous autrez. Et le fist li roys
Jehans connestablez apriès le mort dou comte de Ghines, et li dounna
une terre qui avoit estet en debat entre le roy son père et le roy de
Navarre, dont par l’ocquoison de celle terre, grant envie et haynne
s’esmurent entre les enfans de Navarre et monseigneur Carle d’Espaigne.
Li connestables s’afioit si en le puissance dou roy et en s’amour,
qu’il n’amiroit de riens le roy de Navare. Dont il avint un jour qu’il
estoit en Normendie entre l’Aigle et une autre ville, si fu là espiiés,
et le trouvèrent les gens le roy de Navarre, et fu ochis en son lit
d’un Navarois qui s’appelloit le Bascle de Maruel. Ces nouvellez
vinrent au roi de France que ses connestablez estoit mors; si en fu
trop durement courouchiés sus le roy de Navarre, et le enqueilli en si
grant haynne, quoyque il ewist sa fille espousée, que oncques puis ne
l’amma, si comme vous orés recorder avant en l’istoire. Fº 100.

P. 129, l. 17: felonnie.--_Ms. B 3_: villennie. Fº 166 vº.

P. 129, l. 21: temps.--_Ms. B 6_: Ceste hayne ne peult ºncques yssir de
son cuer, quelconque samblant que il moustra, mais tous jours pensoit
à luy faire contraire et s’en descouvry à aulcuns de son consail. Ung
jour s’avisa le roy de Franche qu’il le manderoit qu’il venist parler
à luy à Paris à ung certain jour et qu’il ne le laissa nullement. Or
avint que dedens che mandement aulcuns du secret consail du roi de
Franche s’en descouvry en confession au cardinal de Boulongne en grant
bien et ly reghey aulcune chose de l’intencion du roy son seigneur,
pour tant qu’il doubtoit que grant mal n’en venist.

Quant le cardinal entendy che que le roy Jehan avoit vollenté de
faire, il le fist sçavoir au roy de Navare son cousin tout secretement
qu’il ne venist mie au mandement du roy, car il doubtoit que mal ne
l’en venist: si ques par che point le roy de Navare ne ly venist point
au jour; mais il se tint tous garnis et prouveus en le conté d’Evrues
pour attendre le roy de Franche ºu ses gens, se il le volloient guerier.

Quant le roy de Franche vit che, il fut moult courouchiés, et ymagina
et apensa que messire Robert de Lorris avoit revellé son consail et che
qu’il volloit faire. Sy en fut le dit messire Robert ung grant tamps en
le malleyvolense du roy, et l’en convint vidier du royalme de Franche.
En che tamps revint le cardinal de Boulongne en Avignon. Fºs 466 et 467.

P. 129, l. 23: grandement.--_Le ms. B 3 ajoute_: en hayne.

P. 129, l. 24: dur parti.--_Ms. B 3_: grant soucy.

P. 129, l. 26: doubtés.--_Ms. B 3_: soucyés.

P. 129, l. 28: n’aroit.--_Le ms. B 3 ajoute_: au monde.

P. 129, l. 28: de.--_Ms. B 3_: que.

P. 130, l. 1: leur entente.--_Ms. B 3_: à leur volenté.

P. 130, l. 5: demandoient.--_Ms. B 3_: poursuivoient.

P. 130, l. 5 et 6: et qui.... sur lui.--_Ms. B 3_: et qui avoient
conspiré sa mort contre lui.

P. 130, l. 11: pour.--_Le ms. B 5 ajoute_: y.

P. 130, l. 20: aïr.--_Ms. B 5_: haïr. Fº 362 vº.

P. 130, l. 23 et 24: dalés.--_Ms. B 3_: avec.

P. 131, l. 9 et 10: villes.... mies.--_Ms. B 3_: villages, mais
plainctz ne furent mye. Fº 167.


§ =344=. P. 131, l. 25: un grant temps.--_Ms. B 6_: bien dix sepmaines.
Fº 467.

P. 131, l. 29 et 30: li articles.--_Ms. B 3_: les articles. Fº 167.

P. 132, l. 2: France.--_Ms. B 6_: Ce fu environ après Pasques, et à le
Saint Jehan Baptiste ensievant devoit fallir le respit entre le roy de
Franche et le roy d’Engleterre. En che meisme tamps, vint le roy de
Navare en Avignon et se complaindy au pape et à aulcuns cardinaus du
roy de Franche qui ensy le hayoit, et se luy sambloit qu’il ly faisoit
grant tort. Après se party le roy de Navare et s’en revint en son pais.
Fºs 467 et 468.

P. 132, l. 2: inspirée.--_Ms. B 3_: expirée.

P. 132, l. 6: reschei.--_Ms. B 3_: escheut.--_Ms. B 4_: eschei. Fº 155
vº.

P. 132, l. 19: au duc.--_Le ms. B 5 ajoute_: Jehan. Fº 363.

P. 132, l. 19: pareçons.--_Ms. B 3_: portions.--_Ms. B 4_:
parchons.--_Ms. B 5_: part.


§ =345=. P. 133, l. 16: Li rois.--_Ms. d’Amiens_: Vous avés chi dessus
bien oy recorder coumment li roys de France hayoit en coer le jone roy
de Navare et ses frères, pour le mort de son connestable messire Carlez
d’Espaingne. Oncquez ceste haynne ne li peult yssir dou coer, quel
samblant qu’il li moustrast, et s’en descouvri à aucuns de son consseil.

Or avint que li roys de Franche le manda ung jour que il venist parler
à lui à Paris. Li roys de Navare, qui nul mal n’y penssoit, se mist au
chemin et s’en venoit à Paris droitement. Sus sa voie li fu segnefiiet
que, se il alloit à Paris deviers le roy, il aroit à souffrir dou
corps. Si retourna li roys de Navare à Chierebourcq, dont il estoit
partis, et grant hiretaige en Normendie qu’il tenoit de par sa femme.

Li roys sceut ces nouvelles coumment il estoit retournéz; si en
souppeçonna aucuns de son consseil qu’il ne l’ewissent revelé, et en
fu dou tout mescrus messires Robers de Loris. Et l’en couvint wuidier
France et aller demorer en Avignon dalléz le pappe, tant que li roys
ewist passés son mautalent.

Quant li roys de Navarre et si frère se virent en ce parti et que li
roys de France les haioit couvertement, si se coummencièrent à doubter
de lui, pour tant qu’il estoit trop crueulx. Et se pourveirent d’autre
part et fissent grans allianches au roy d’Engleterre, qui leur jura à
aidier et conforter contre le dit roy de Franche, et pourveirent leurs
castiaux et leurs garnisons. Fº 100.

P. 133, l. 17: hayne le fait.--_Ms. B 3_: indignation la mort. Fº 107
vº.

P. 133, l. 18: pooit.--_Ms. B 4_: pooient. Fº 155 vº.

P. 133, l. 21: costés.--_Ms. B 6_: Quant le roy de Navare eult esté et
visseté son royalme de Navare bien ung an, il entendy que le roy de
Franche avoit envoiiet puissance de gens d’armes sus les frontières
d’Evrues pour ardoir et essillier son pais. Sy se mist le roy de Navare
en mer à tout grant foison de gens d’armes et arriva en Normendie à
Chierbourch qui se tenoit pour luy. Sy pourvey ses fortresses du mieulx
qu’il pot pour contrester contre les Franchois.

Assés tost après s’apensèrent les deux frères de Navare qu’il
s’aliroient au roy d’Engleterre pour estre plus fors en leur guerre, ºu
cas qu’il ne pooient avoir pais au roy de Franche. Et eurent chertains
couvenanches ces deux rois ensamble. Et devoit le roy d’Engleterre le
saison après, à grant puissance de gens de gherre, ariver en Normandie
sur le pooir du roy de Navare et par là entrer en Franche.

Et bien supposoit le roy de Franche aulcune cose dont, affin qu’il fust
plus fors et mieulx amés en Normendie, et que plus y euist d’amis, il
pardonna à sire Godefroy de Harcourt tout son mautalent et cheaulx qui
son père le roy y avoit eus, et ly rendy toute sa terre de Coustentin.
Et revint le dit messire Godefroy en Franche en grant honneur et y fut
moult conjoys de tous les seigneurs et les barons de Normendie où il
avoit moult grant linage.

Ensy se demenèrent ces choses couvertement. Et avoit le roy Jehan
encuelliet en grant hayne les enfans de Navare, et n’estoit nulz qui
en peuist faire le pais. Quant che vint en may l’an mil trois cens
cinquante cinq, le roy d’Engleterre tint une moult grose feste et moult
noble en la cité de Londrez. A chelle feste eult moult grant foison de
chevaliers et de seigneurs, de dames et demoiselles, et dura la feste
quinze jours. Et y eult moult de belles joustes, et belle feste de tout
poins. En fin de la feste, il y eult grant parlement; et y fu messires
Phelippes de Navare, qui parconfruma les alianches du roy son frère au
roy d’Engleterre. Et eult le roy englès en couvent au dit monseigneur
Phelippe que moult efforchiement à la Saint Jehan Baptiste ensievant se
meteroit en mer et yroit prendre terre en Normendie sur le pooir du roy
de Navare. Et le roy de Navare ly devoit delivrer ses fortresses qu’il
tenoit en Normendie, pour mieulx grever Franche et constraindre ses
ennemis.

Encores fu là ordonné ly mariage du jouene conte Jehan de Monfort
et de l’une des filles du roy d’Engleterre, parmy tant que le roy
d’Engleterre eult en couvent au dit conte qu’il luy aideroit à
poursievir sa guerre contre la fème à monseigneur Charles de Blois qui
s’en tenoit hirtière et qui moult forte y estoit de villes, de cités
et de fortresses et ossy de grande baronnie et de bonne chevallerie,
Bretons, qui estoient de son acord. Et y faisoit toudis la damme bonne
guerre et forte, quoyque son marit messire Charles de Blois fust
prisonniers en Engleterre. Fºs 468 à 471.

P. 134, l. 17: Konces.--_Ms. B 3_: Conches.

P. 134, l. 26: Rosem.--_Ms. B 3_: Rozan.--_Ms. B 5_: Ros. Fº 363 vº.

P. 135, l. 1: cinq cens.--_Ms. B 4_: six cens. Fº 156.

P. 135, l. 5: en nom de cran.--_Ms. B 3_: pour le creancer.--_Ms. B 4_:
en nom de craon.

P. 135, l. 16: mil.--_Mss. B 3, 6_: deux mille.

P. 135, l. 16: deux mil.--_Ms. B 6_: six mille. Fº 471.

P. 135, l. 17: lui.--_Ms. B 6_: Et che fu acordet à le requeste et
prière d’aucuns barons de Gascongne, qui là estoient venu veoir le
roy leur seigneur, tels que le seigneur de Labreth, messire Jehan de
Pumiers, messire Elies de Pumiers, le sire de Lespare, le sire de
Chaumont, le sire de Muchident et messire Aymers de Tharse. Fº 471.

P. 135, l. 18: li contes.--_Le ms. B 3 ajoute_: de Quenfort. Fº 168.

P. 135, l. 21: le baron de Stanfort.--_Ms. B 6_: Richard de Stanfort.
Fº 168.

P. 135, l. 22: milleurs.--_Ms. B 3_: merveilleux.

P. 135, l. 24: d’eur.--_Ms. B 5_: de honneur.

P. 135, l. 26: et.--_Le ms. B 3 ajoute_: mis.

P. 135, l. 26: Là estoient.--_Ms. B 6_: ossy le sire de le Ware, le
sire de Willeby, messire Guillaume filz à Wervic, le sire de Despensier
et sy doy frères, Thomas et Hues, qui devinrent chevaliers en che
voiage, le sires de Felleton, messire Berthemieulx de Bruch, messire
Estievenes de Gensesenton, le sires de Bercler, le sire de Briseton,
messire Noel Loruich, messire Richart de Poncardon, messire Daniaus
Pasèle, messire Denis de Morbecque, messire Ustasse d’Auberchicourt,
messire Jehan de Gistellez et pluiseurs aultres, que je ne puis
mie tout nommer. Dont, environ le Saint Jehan, tout ches seigneurs
chevaliers et toutes gens d’armes et archiers se partirent d’Engleterre
et montèrent à Hantone bien pourveu de gros vaisseaulx et de belle
navire et allèrent devers Gascongne. Fº 472.

P. 135, l. 28: Brues.--_Ms. B 4_: Brouhes. Fº 156.

P. 135, l. 30: Estievenes.--_Ms. B 5_: Estienne. Fº 363 vº.

P. 136, l. 2: Ustasses.--_Ms. B 3_: Ytasse.--_Ms. B 4_: Wistaches.


§ =346=. P. 136, l. 10: Quant li rois.--_Ms. d’Amiens_: Et avint que
li rois d’Engleterre, sus le confort dou roy de Navare, fist ung
très grant mandement par tout son royaumme, et eut bien quatre cens
vaissiaux appareilliéz sus mer. Si entrèrent ens touttes mannierrez
de gens d’armes et d’archiers, et s’en vinrent singlant pour arriver
en Normendie; mès li vens leur fu toudis si contrairez que bien six
sepmainnez qu’il furent sus l’aige, il ne peurent prendre terre à
Chierebourch, là où il tiroient et tendoient à ariver.

Li roys de France, qui estoit enfourméz de l’armée dou roy d’Engleterre
et des alliances qu’il avoit au roy de Navarre, fu adonc si consilliéz
parmi bonnes gens qui s’en ensonniièrent, et par especial li
cardinaux de Bouloingne, que on les mist à acord. Et fu ensi dit au
roy de Franche que il valloit trop mieux que il se laisast à dire
et refrennast son coraige que donc que ses royaummes fust nullement
foulléz ne grevés.

Si descendi adonc li roys de France à l’ordonnance de ses gens, et fist
paix au roy de Navare. Et li pardonna li roys de France, par samblant,
tous ses mautalens. Et dubt li roys de Navarre adonc, par paix faisant,
deffiier le roi d’Engleterre; mais il n’en fist riens et s’en seut bien
dissimuler. Fº 100.

P. 136, l. 11: en mer.--_Ms. B 6_: sur le rivière de Tamisse. Fº 473.

P. 136, l. 12: deus mil.--_Ms. B 6_: trois mille. Fº 473.

P. 136, l. 12 et 13: quatre mil.--_Ms. B 6_: dix mille archiés et cinq
mille hommes de piet, Gallois et aultres, quy ont usaige de suir les
gerres. Là estoient des seigneurs englès avecques le roy, le duc de
Lenclastre, son cousin, et ung des filz du roy, que on appeloit Jehan
conte de Richemont, et povoit estre en l’eaige de seize ans, le conte
de Pennebrucq, le conte d’Arondel, le conte de Northonne, le conte
de Kenfort, le conte de Cornuaille, le conte de la Marche, le sires
de Persy, le sires de Ros, le sires de Grisop, le sire de Noefville,
mesirre Richart de Bennebruge, l’evesque de Lincolle et chilz de Duren,
le sire de Monbray, le sire de Fillvastre, mesire Gautié de Mauny,
le sire de Multonne, mesire James d’Audelée, messire Pière d’Audelée
frères, le sire de Lantonne et pluiseurs aultres barons et chevaliers,
bien en point de servir le roy.

Sy se partirent du havre de Londres sur la Tamise et vinrent à chelle
prumière marée gesir à Gravesaindez, et lendemain au soir à Mergate.
Quant il se furent de là desancrés à l’autre marée, il entrèrent en mer
et costioient Engleterre et Boulongne et tout le Pontieu, en approchant
de Normendie. Bien estoient veu des costes de Franche, mès mies ne
sçavoient quelle part il volloient traire.

Dont ces nouvelles furent raportées au roy de Franche et à son consail
que le roy d’Engleterre, à plus de deux cens vaissiaulx, que uns que
aultres, et estoit sur mer, et prendoit le chemin de Normendie. Sy
vinrent aulcun grant seigneur de Franche, telz que le duc de Bourbon,
messire Jacques de Bourbon frères, le duc d’Athènez, connestable de
Franche, le conte d’Eu messire Jehan d’Artois et pluiseurs aultres
grant seigneur du conseil du roy qui seurent les couvenenches et les
traitiés qui estoient entre le roy d’Engleterre et le roy de Navare. Sy
considerèrent que parmy chel acord le roialme de Franche pouroit estre
destruit. Sy parlèrent au roy Jehan et ly remoustrèrent tant de raisons
souffisans qu’il convint qu’il s’enclinast à leur conseil, combien que
che fust contre son coraige. Fºs 473 à 475.

P. 136, l. 15: Stafort.--_Mss. B 4, 5_: Stanfort. Fº 156 vº.

P. 136, l. 15: le Marce.--_Ms. B 3_: la Mare. Fº 168.

P. 136, l. 16: Hostidonne.--_Ms. B 3_: Antiton.

P. 136, l. 23: Symons de Burlé.--_Mss. B 3, 5_: Symon Burlé.

P. 137, l. 4: à l’encontrée de.--_Ms. B 4_: à l’encontre.--Ms. B 5: qui
est contre. Fº 364.

P. 137, l. 15: li pooit.--_Ms. B 3_: le pourroit.

P. 137, l. 15: ou cas que.--_Ms. B 3_: si d’aventure.

P. 137, l. 16: possessoit des villes et des chastiaus.--_Ms. B 3_:
mettoit les Anglois ès villes et chasteaux.

P. 137, l. 17: valoit.--_Ms. B 3_: seroit.

P. 137, l. 18: laissast à dire.--Ms. B 3: envoiast.--_Ms. B 4_: se
laissast à dire.

P. 137, l. 21: conception.--_Le ms. B 3 ajoute_: et qui jà estoit.

P. 137, l. 22: aïr.--_Ms. B 3_: ire.

P. 137, l. 23: se rafrena.--_Ms. B 3_: refrena.

P. 137, l. 23 _à_ 25: et laissa... Navare.--_Ms. B 3_: embesoigna de
ses gens devers le roy de Navarre.

P. 137, l. 25: Chierebourch.--_Le ms. B 4 ajoute_: devers le roy de
Navare.

P. 137, l. 25 et 26: li evesques de Bayeus.--_Ms. B 6_: li archevesques
de Sens. Fº 475.

P. 137, l. 32: retournées.--_Ms. B 3_: remoustrées.

P. 138, l. 3: d’Engleterre.--_Ms. B 6_: Tant fut traitié et parlementé
entre le roy Jehan de Franche et le roy de Navare que une journée fut
prinse de faire l’acord entre Paris et Evreus, et convint adonc que
le roy de Franche venist hors de Paris pour parlementer au roy de
Navare. A che parlement fut acordet que le roy Jehan renderoit au roy
de Navare toute[s] les terres qu’il avoit devant donné à monseigneur
Charles d’Espaigne: pour quoy il fut ochis, et dont le haine venoit, et
ly rendy tous les hirtaiges et les proufis que il et le roy son père
en avoient levet pas l’espasse de vingt ans, qui povoit monter plus de
six vingt mille florins. Et parmy chou bonne pais, et devoit estre le
roy de Navare establis de donc en avant au roy Jehan et au royalme de
Franche et contremander les couvenanches du roy d’Engleterre toutes
telles que il les i avoit. Et encores avoecq che, le roy de Navare et
ses frères povoient chevauchier par tout le royalme de Franche à tout
cent bachinés ou cent glaives, sans meffaire, s’il leur plaisoit. Et,
toutes ces choses ordenées et confermées et saillées, le roy de Franche
retourna à Paris, et le roy de Navare et ses frères retournèrent à
Evreus. Fº 476.


§ =347=. P. 138, l. 11: Quant li rois.--_Ms. d’Amiens_: Li roys
d’Engleterre fu enfourmés de celle paix, qui gisoit sur mer à l’ancre à
l’encontre de l’ille de Grenesie; si se retraist adonc vers Engleterre;
mès pour ce que il avoit ses gens assamblés, il lez vot emploiier et
fist tourner toutte se navie à Calais, et là ariva. Si yssirent li
Englès de lors vaissiaux et sen vinrent logier à Callais, et li roys ou
castiel.

Ces nouvellez vinrent en Franche que li roys d’Engleterre et ses hoos
estoient arivet à Calais, et suposoit on que il feroit une chevauchie
en France. Si envoya tantost li dis roys de Franche grant fuisson de
gens d’armes à Saint Omer, desquelx messire Loeys de Namur et li comtez
de Porsiien furent cappittainne; et fist ung coumandement par tout son
royaumme que touttes gens fuissent priès as armes et as chevaux pour
resister contre leurs ennemis. Encorres envoya li roys de Franche grant
gent d’armes à Arde, à Bouloingne, à le Montoire, à Bavelingehen, à
Oudruich, à Hamez et ens ès garnisons françoisses sus lez frontierres
de Callais.

Quant li roys d’Engleterre et ses gens se furent cinq jours reposet et
rafresci à Callais, il s’ordonnèrent pour partir et de chevauchier en
Franche. Si se departirent de Callais en grant arroy et grant fuisson
de chars et de sommiers, et estoient environ deus mil hommes d’armes et
quatre mil archiers. Si prissent le chemin de Tieruanne, et coururent
li Englès le premier jour jusques à Moustroel sus Mer et environ
Saint Pol et Tierrenois. Si ardirent tout le pays là environ, puis
retournèrent à leur grant ºst. Fº 100.

P. 138, l. 19 et 20: les dangiers.--_Ms. B 3_: le dangier. Fº 168 vº.

P. 138, l. 28: ou.--_Le ms. B 5 ajoute_: aillieurs. Fº 364.

P. 138, l. 29 et 30: vesteure.--_Ms. B 3_: vestemens.

P. 138, l. 30: ostilz.--_Ms. B 3_: choses.--_Ms. B 4_: estas. Fº 157.

P. 139, l. 2: au lés.--_Ms. B 3_: du cousté.

P. 139, l. 10: Lyons.--_Ms. B 4_: li uns.

P. 139, l. 18: Sallebrin.--_Ms. B 3_: Salebry.

P. 139, l. 23: le Montoire.--_Ms. B 3_: la Motoire.

P. 140, l. 2: où que fust.--_Ms. B 3_: en quelque part que ce fust. Fº
169.

P. 140, l. 2: fust.--_Ms. B 6_: Et sceult (le roi de France) tantost
par ses garnisons de Boulongne et d’ailleurs que le roy d’Engleterre
estoit arivés à Calais; lors fist ung moult grant mandement à yestre
à Amiens, car il voloit aller à l’encontre du roy d’Engleterre et
deffendre son pais. Sy envoia le dit roy monseigneur Lois de Namur son
cousin à Saint Omer à tout deux cens lanches pour estre capitaine de la
dite ville et des frontières par delà. Et envoia son marisal, messire
Ernoul d’Audrehem, en le bastille d’Ardre, à tout deux cens armés de
fer, pour le garder et deffendre à tous venans. Et envoia le jouene
conte de Saint Pol en la chité de Terouane, à tout deux cens lanches
pour le garder, et les garny bien et soufisanment, et Boulongne et
Monstreul, Heddin, Saint Pol et toutes les fortresses de là entour. Et
le roy meismes se party de Paris et le duc de Normendie son filz, le
duc d’Orliens ses frères, le duc de Bourbon, le conte de Pontieu, le
conte d’Eu, le conte de Dammartin, le conte de Tancarville, le conte
de Vaudemont et de Genville, le conte de Monpensé et de Ventadour,
le conte de Nerbonne et pluiseurs aultres barons et seigneurs; et
chevauchèrent devers Amiens. Et d’autre part vinrent de l’Empire
messire Jehan de Haynau, sire de Bieaumont et de Chymay, en très grant
aroy, car le roy Jehan l’amoit durement et avoit en luy très grant
fiance. Et y vint le conte de Namur nomé Gillame, le conte Jehan de
Nanso, le conte de Clèves, l’evesque de Més, l’evesque de Verdun et
grant foisons de chevaliers d’Alemaigne. Et, d’autre part, se asambla
le roy de Navare ly troisième de frères, messire Phelippes, messire
Lois, à tout grant foisons de saudoiers, pour venir [à] Amiens où le
roy de Franche faisoit son mandement.

Sy se party le roy d’Engleterre de Calais en moult grant arroy et avoit
adonc avecques luy deus de ses enfans, monseigneur Lois et monseigneur
Jehan, et le duc de Lenclastre son cousin, le duc de Norhantone et
de Herfort, le conte d’Arondel, le conte de Pennebourcq, le conte de
Kenfort et le plus grant partie des contes et des chevaliers qu’il
avoit, quant il cuida ariver en Normendie sus le povoir du roy de
Navare. Et estoit connestable de toute son armée le conte de la Marche,
et marescal le sire de Noefville et messire Jehan de Bieaucamp.

Sy vint le roy englès ce prumier jour entour Fiènes; et y eult ung très
grant assault au castiel, mais riens n’y fourfirent, car il estoit bien
garny de bonnes gens d’armes qui bien le tinrent et deffendirent tant
qu’il n’y perdirent riens. Adonc s’en partirent les Englès en celle
entente que pour venir devant le chité d’Arras et le assegier, se le
roy n’ot aultre[s] nouvelles. Sy chevauchèrent l’endemain devers Saint
Pol en Ternois, et coururent les coureurs des Englès environ Monstreul,
mais point ne passèrent la rivière. Et s’en vint le roy englès à tout
son ost logier à Blangy de lès Heddin, et là se tint tout cois sans
aler plus avant, car il entendy que le roy de Franche estoit [à] Amiens
et faisoit là sen asamblée de gens d’armes. Fºs 478 à 480.

P. 140, l. 5: Pikardie.--_Le ms. B 3 ajoute_: en la conté de
Boulonnois. Fº 169.--_Les mss. B 4, 5 ajoutent_: en le conté de
Boulongne. Fº 157.

P. 140, l. 9: y assist.--_Ms. B 3_: assigna.

P. 140, l. 15: especial.--_Le ms. B 3 ajoute_: devers.--_Le ms. B 4
ajoute_: à.

P. 140, l. 24: du Maine.--_Ms. B 5_: d’Auvergne. Fº 364.

P. 140, l. 32: Poitiers.--_Ms. B 3_: Ponthieu.--_Ms. B 4_: Pontiu.

P. 141, l. 5: tanisons.--_Mss. B 3, 5_: ennuy.--_Ms. B 4_: merveilles.

P. 141, l. 7: les.--_Mss. B 3, 4_: ses.

P. 141, l. 8: trente mil.--_Le ms. B 3 ajoute_: hommes.

P. 141, l. 14: avoient.--_Ms. B 3_: avoit.

P. 141, l. 21 et 22: entrues.--_Ms. B 3_: cependent.


§ =348=. P. 141, l. 31: faisoient.--_Ms. B 3 ajoute_: grande. Fº 169.

P. 142, l. 3: resongnoient.--_Ms. B 3_: ensonnyoient. Fº 169, vº.

P. 142, l. 5: vasselage.--_Ms. B 3_: vaillance.

P. 142, l. 7: sept.--_Ms. B 5_: huit. Fº 364 vº.

P. 142, l. 7: des.--_Ms. B 3_: devant les.

P. 142, l. 14: Lancastre.--_Ms. B 6_: Sy s’avisa ou prumier il feroit
son enprise et s’en descouvry à son serouge qui sa seur il avoit, le
conte de le Mare, et à ung sien cousin, monseur Archebault Douglas,
vaillant homme; et leur dist qu’il avoit aviset d’esquieller et de
prendre par fait d’armes, tout en une nuit, le bonne chité de Bervich
et le castiel de Rosebourcq qui jadis fu de leur yretaige. Chil deus
chevaliers et messire Robiert de Versy avecques yaulx sy s’acordèrent.
Et deult le dit messire Guillaumes Douglas et messire Archebaus son
cousin avecques leur route venir à Bervich, et le conte de la Mare et
messire Robert de Versy allèrent à Rosebourcq en celle meismes nuit.
Et sy s’ordonnèrent si bien leur besoigne et sy couvertement que il
vinrent de jour en leur embusque. Et le dit messire Guillaumes et son
cousin messire Archebaut se boutèrent en ung bosquet assés près de le
cité de Bervich, sans che qu’il fuissent de nuluy aperceut et là se
tinrent jusques à bien avant en la nuit; et pooient [estre] environ
trois cens hommes de guerre. Sy se partirent de leur embusque environ
minuit et vinrent tout coiement jusques à Bervich. Et envo[ièrent]
devant trois de leurs varlès pour sçavoir se chil de Bervich faisoient
point de gait sur les murs; il raportèrent à leur mestres que nanil.
Adonc s’avanchèrent il et vinrent sur les fossés et avoient eschelles
cordées. Sy passèrent oultre les fossés, en portant leurs eschelles, au
plus foible lieu et où il n’i avoit point d’iaue. Et jettèrent leurs
eschelles et montèrent contremont, et entrèrent en la ville environ
deux cens. Et vinrent tout coiement à la porte que cil de la cité ne
s’en perchurent riens jusques à tant que de haches et de cuignies
il busquèrent au flaiel pour le coper. Aulcuns gens qui estoient en
leurs lis se esvillèrent pour le busquement. Sy se levèrent et vinrent
à leur fenestre et se commenchèrent à estourmir; mais anchois qu’il
fussent levés et armet ne asamblé, le porte fut ouverte par forche,
et tout les Escochois entrèrent dedens la ville. Et decopoient tous
cheulx qui encontre eulx venoient à main armée. Et fyrent tant qu’il
furent maistre de la cité et que les bourgois se rendirent à yaulx,
saulve leurs vies et leurs biens; mais il ne porent avoir le castiel
qui est assés près, car le gait oy la noize. Sy esvilla le castelain et
les compaignons qui gardoient ledit chastiel; et jamais de forche les
Escochois ne l’euissent eut.

Or vous dirons de leurs aultres compaignons qui devoient Rochebourch
esceller. Il ne demora mie en leur defaulte qu’il ne fesissent leur
aproches saigement; mais il fallirent, car le gait du dit chastiel
villoit et s’apoioit à crestieaulx qu’il les virent sus les murs du
dit chastiel. Sy entendy le bruit des Escochois murmurer ensamble;
sy coury moult tost esvillier le chastelain et les compaignons de
laiens et se pourveirent de leur fait et vinrent as garites. Quant les
Escochoiz les virent, il retournèrent arière tout esbahy, et virent
bien qu’il avoient fally à leur emprinse. Sy se retirèrent devers
Bervich et trouvèrent messire Guillame Douglas et leur compaignie qui
tenoient la cité comme le leur. Si en furent tous joieulx; sy prirent
consail ensamble qu’il asegeroient le dit chastiel. Sy l’asegèrent de
tous costés, car à l’un des lés il marchist à le ville. Ches nouvelles
vinrent en Engleterre que les Escochois avoient reprins Bervich. Sy en
furent les Englès moult courouchiés, mais amender ne le peurent tant
que à celle fois. Fºs 481 à 484.

P. 142, l. 18: siet.--_Ms. B 3_: est assis.

P. 142, l. 24: cremeur.--_Ms. B 3_: crainte.

P. 142, l. 27: Bervich.--_Le ms. B 5 ajoute_: qui siet sur la dicte
rivière. Fº 364 vº.

P. 142, l. 28: assenèrent.--_Ms. B 3_: essaièrent.

P. 142, l. 32: quoique.--_Ms. B 3_: et qui.

P. 143, l. 7: puisqu’il.--_Ms. B 3_: puisque les Anglois.

P. 143, l. 8: mancevi.--_Ms. B 3_: advertiz.--_Ms. B 4_: manchevi. Fº
157 vº.

P. 143, l. 9: Escos.--_Le ms. B 3 ajoute_: dont toute la marce estoit
en doubtance, et point n’y avoit gens au pais pour faire un siège ne
resister aux Escos.--_Le ms. B 4 ajoute_: de quoi toute le marche
estoit en grant doubtance, et point n’y avoit gens ou pais pour faire
siège ne resister as Escos. Fº 157 vº.

P. 143, l. 10: Bervich.--_Ms. B 3_: Vervich. Fº 169 vº.

P. 143, l. 12: Grastoch.--_Ms. B 3_: Grascop.--_Ms. B 4_: Grascok. Fº
157 vº.

P. 143, l. 13: gouvernance.--_Mss. B 3 et 4_: gouvernement.

P. 143, l. 17: Guillaumes Douglas.--_Ms. B 3_: Jehan de Douglas.--_Ms.
B 4_: Guillaumes de Douglas.

P. 143, l. 17: menères.--_Ms. B 3_: conducteur.--_Ce mot manque dans le
ms. B 4._


§ =349=. P. 143, l. 22: Tant ala.--_Ms. d’Amiens_: A l’endemain
chevauça li roys d’Engleterre et vint logier à Blangi, à deus lieuwez
de Hedin, et point ne passa adonc oultre, et dist qu’il atenderoit là
le roy de Franche.

Li roys de Franche estoit avaléz à Pieronne en Vermendois, et avoit
fait ung si grant mandement partout que merveilles seroit au deviser,
et s’en vint en le chité d’Arras, et touttes mannierres de gens le
sieuvoient, et avoit bien soissante mil hommes. Là estoit dallés lui
messires Jehans de Haynnau o grant routte de gens d’armes, et ouvroit
li dis roys de France en partie par son consseil.

Or avint que messires Bouchicaus, ungs chevaliers de Poito, qui pour le
tamps estoit prison au roy d’Engleterre, et l’avoit li dis roys recreu
sus sa foi le tierme de huit mois, si s’en revenoit messires Bouchicaus
deviers le roy d’Engleterre pour li remettre en se prison, enssi que
couvens portoit, et vint ung soir à Blangi, là où li roys englès estoit
logiés. Quant li roys le vi, se li demanda tout en hault: «Et dont
revient Bouchicaux?»--«En nom Dieu, dist il, sire, de France et de
deviers le roi de Franche.»--«Et que dist ly roys de France? ce dist li
roys d’Engleterre; me venra il point combattre?»--«En non Dieu, sire,
dist il, de cela ne sai je riens, ne je ne sui mies de son consseil si
avant.»

Adonc musa li roys d’Engleterre ung petit et puis dist: «Messire
Bouchicau, je poroie avoir de vous deus mil ou trois mil florins, se
je volloie; mès je lez vous quitteray, se vous volléz aller deviers
mon adverssaire, vostre roy, et lui dire de par my que je l’atens
droit chy, et l’ai attendu et attenderay encorrez trois jours, se il
voelt traire avant pour combattre, et de ce me venrés vous faire le
responsce.»--«Saint Jorge! sire, dist messires Boucicaus, vous me
offrés grant courtoisie, et je le voeil faire et di grant merchis.»
Chilx soirs passa; l’endemain au matin, il monta à cheval et vint à
Arras, et là trouva le roy de Franche; se fist son message bien et à
point.

Li roys de Franche respondi et dist: «Messire Bouchicaux, puisque
en couvent avés de raller par delà, vous dirés à nostre adverssaire
que nous nos partirons, quant bon nous samblera, et non pas par se
ordonnance.» Fº 100.

P. 143, l. 21: ensiewant.--_Ms. B 6_: Or revenons au roy d’Engleterre,
qui estoit à Blangy delés Heddin. Entreus que le roy englès estoit à
Blangy, coururent ses marisaulx ens ou pais de Ternois et d’Artois et
vinrent à Saint Pol. Et y eult ung jour moult grant assault; mais chil
qui dedens estoient le gardèrent bien et vaillanment et tant que les
Englès ne firent point de damaige. Fº 484.

P. 143, l. 23: Blangis.--_Ms. B 3_: Blangy. Fº 169 vº.

P. 143, l. 30: entrues que.--_Ms. B 3_: cependent que.

P. 143, l. 30: vint.--_Ms. B 6 ajoute_: sur ung soir. Fº 484.

P. 143, l. 31: bons.--_Ms. B 3_: vaillant.

P. 144, l. 2: de le.--_Ms. B 3_: dès la. Fº 170.

P. 144, l. 3: et.--_Le ms. B 3 ajoute_: y.

P. 144, l. 6: restre.--_Ms. B 3_: revenir.

P. 144, l. 7 à 20: Cilz.... logiés.--_Ce passage manque dans le ms. B
5_, fº 365.

P. 144, l. 10 et 11: tout.... langage.--_Ms. B 3_: tant par son beau et
doulx langaige.

P. 144, l. 11: apparilliet.--_Ms. B 3_: plaisant que par ses autres
prouesses.

P. 144, l. 14: grant cière.--_Ms. B 3_: bonne chière.

P. 144, l. 15: estoit.--_Le ms. B 3 ajoute_: en la grace du roy et son.

P. 144, l. 21: se trest.--_Ms. B 3_: se tira.

P. 144, l. 22: devant.--_Ms. B 3_: dedens.

P. 144, l. 23: luite de deux Bretons.--_Ms. B 5_: luitier deux Bretons.
Fº 365.

P. 144, l. 24: l’enclina.--_Ms. B 3_: se enclina.

P. 144, l. 26: Jehan.--_Le ms. B 3 ajoute_: de France.

P. 145, l. 3: temprement.--_Ms. B 3_: en brief.

P. 145, l. 4 à 13: Li rois... vous.--_Ce passage manque dans le ms. B
5._

P. 145, l. 5: cou.--_Ms. B 3_: ce.--_Ms. B 4_: chou. Fº 158.

P. 145, l. 16 et 17: deus ou trois mil florins.--_Ms. B 6_: trois ou
quatre mille escus. Fº 485.

P. 145, l. 22: combatre.--_Ms. B 6_: et se response vous me lairés
savoir par ung hirault des nostres, que je vous cergeray à vostre
departement. Fºs 485 et 486.

P. 145, l. 22: message.--_Le ms. B 3 ajoute_: bien à point, vous me
ferez service, et je vous quicteray vostre prison.

P. 145, l. 24: resjoïs.--_Ms. B 3_: esjoy.

P. 145, l. 30: yaus.--_Ms. B 3_: luy.

P. 145, l. 31: mesnie.--_Ms. B 3_: compaignie.

P. 145, l. 32: retour.--_Ms. B 6_: ung hirault o luy que on apelloit
Faucon. Fº 486.

P. 146, l. 9: leviers.--_Ms. B 3_: louyer. Fº 170.--_Ms. B 4_: leuiers.
Fº 158 vº.--_Ms. B 5_: louier. Fº 365.

P. 146, l. 12: avés.--_Le ms. B 3 ajoute_: premier.

P. 146, l. 14: ennemis.--_Ms. B 6_: la response du roy fu telle par
Faucon le hirault, qui le aporta arrière, que c’estoit bien l’intencion
du roy de Franche que de aller devers ses ennemis et plus avant, mais
que ses gens fussent tout venus qu’il avoit mandet. Fº 486.


§ =350=. P. 146, l. 15: Ensi demora.--_Ms. d’Amiens_: Sus cel estat se
parti messires Bouchicaus, et vint arrière à Blangi et recorda au roy
d’Engleterre le responsce que vous avés oy.

Quant li roys entendi ce, si eult sur ce avis, et dounna à monseigneur
Bouchicau congiet et le quita de sa foy et puis se desloga dedens un
jour apriès et retourna vers Saint Omer. Et entrèrent ses gens en le
comté de Fauckenberghe; si le ardirent moult villainnement. Et enssi
que li Englès chevauchoient, messires Hernoulx d’Audrehen, marescaux
de Franche, à deux cens armurez de fier, les costioit et leur porta
plusseurs dammaiges.

Quant li roys de Franche sceut par monsigneur Bouchicau que li roys
d’Engleterre estoit deslogiés et qu’il s’en ralloit vers Callais, si se
departi adonc à grant esploit de le chité d’Arras, et chevaucha viers
Saint Omer et vint gesir à Tieruane. Et li roys d’Engleterre ce jour
vint à Eske sus le rivierre, et là se loga. Et l’endemain li roys de
Franche le poursui. Et li roys d’Engleterre s’en rentra dedens Callais.
Fº 100 vº.

P. 146, l. 15: cel.--_Ms. B 4_: tel. Fº 158 vº.

P. 146, l. 23: lui retraire.--_Ms. B 3_: se retirer. Fº 170.

P. 146, l. 27: Leueline.--_Ms. B 3_: Laueline. Fº 170 vº.--_Ms. B 4_:
Leveline. Fº 158 vº.--_Ms. B 5_: Liveline. Fº 365.

P. 146, l. 27: devers.--_Ms. B 3_: à.

P. 146, l. 28: Faukemberghe.--_Ms. B 6_: Sy tost que le roy de
Franche sceut que le roy Englès estoit deslogiet et qu’il se tiroit
et retraioit arière, il se party de la ville d’Amiens et s’en vint à
Aras et fist commandement que toutes manières de gens à cheval et à
piet le sievissent. Et envoia devant son connestable, messire Jaques
de Bourbon, en le chité de Terouane, à tout trois cens lanches, pour
le garder contre les Englès, se nul assault y fasoient. Le roy Englès
et son host, yauls party de Heddin et de là environ, chevauchèrent et
passèrent assés priès de Terouane, mais point n’y assallirent, car il
entendirent que elle estoit garnie de bonnes gens d’armes. Se passèrent
les Englès oultre et vinrent logier droit à Alekine et sus celle
rivière qui keurt desous le castiel de Maunier et qui vient à Arques.
Et messire Ernoul d’Audrehem, marisal de Franche, à tout cinq cens
compaignons bien montés, les poursievy et se logea celle nuit moult
près d’ieaulx sus le mont de Herfault, et tant qu’il veoient bien l’un
l’autre. Et l’endemain se desloga le roy et passa desous le mont de
Herfault et s’en vint devers Fauquemberghe, qui estoit une bonne ville
et grose et où on faisoit grant draperie. Sy fu la dite ville prinse
des Englès, car il n’y avoit point de deffense, et fu toute pillie et
robée et à leur departement toute arse. Et le roy de Franche s’en vint
che mesme jour à Terouane, et tout son ost, et avoit bien cent mille
hommes, que uns, que aultres. L’endemain, se party le roy englès de
Fauquemberghe et passa à Licques et desoubz Ardre, et fist tant qu’il
rentra en Calais. Fºs 487 et 488.

P. 147, l. 2: o primes se desloga il.--_Ms. B 3_: et qu’il se
deslogeoit. Fº 170 vº.

P. 147, l. 3: sur.--_Ms. B 3_: contre.--_Ms. B 4_: sur. Fº 158 vº.

P. 147, l. 7: Tierenois.--_Mss. B 3 à 5_: Tiernois.

P. 147, l. 8: Tieruane.--_Ms. B 3_: Therouanne.--_Ms. B 4_: Tierewane.

P. 147, l. 8 et 9: estoient... Faukemberge.--_Ms. B 5_: avoient passé
Fauquenbergue. Fº 365.

P. 147, l. 11: Liques.--_Mss. B 3 et 5_: Lisques.--_Ms. B 4_: Licques.

P. 147, l. 14: costiiet.--_Ms. B 3_: coustoié.

P. 147, l. 15: dessouchier.--_Ms. B 4_: deffouchier. Fº 158 vº.--_Ms. B
3_: bouger pour poursuir les Anglois.

P. 147, l. 19: en le kewe.--_Ms. B 3_: à la queue.--_Ms. B 4_: à la
keue.

P. 147, l. 19: le bastide.--_Ms. B 3_: la bastille.

P. 147, l. 20: chapitains.--_Ms. B 6_: Che prope jour, vint le roy de
Franche à Fauquenberghe et là se loga sur la rivière, et cuidoit que
les Englès fussent là environ, et les avoit tout le jour poursievy à
l’avis des fumières qu’il faisoient.

Or advint que, entreulx que le roy de Franche et les seigneurs estoient
là logiet, ung grant remous et moult felle s’entreprist entre les
gens de monseigneur Jehan de Haynau et le commun de Tournay. Et fu la
chose bien ordonée de mal aler, car il furent rengiés ly uns devant
l’autre. Et y eult pluiseurs de chiaulx de Tournay ochis et blechiés,
dont il estoient moult ayret. Et encores euissent il rechut plus grant
damaige, se ly rois n’y eust envoiet et mis deffense sur yaulx et
yaulx appaisiet, car grans foisons de bons chevaliers et escuiers se
tournoient et tiroient devers monseigneur Jehan de Haynau à l’encontre
de cheaulx de Tournay. Sy fu la chose ensy departie: qui plus y eult
mis plus y eult perdu. Chil de Tournay plouroient leur damaige: che fu
le reconfort qu’il en eurent.

Assés tost après ceste advenue, vint le marescaus de Franche, messire
Ernoul d’Audrehem devers le roy, et ly dist que les Englès estoient
entrés à Calais. Quant le roy de Franche entendy che, sy eult consail
de luy retraire à Saint Omer et se party à tout son ost et s’en vint
en sa bonne ville de Saint Omer et là se tint. Et demanda conseil à
monseigneur Jehan de Haynau, en quy il avoit fiance, coment il poroit
perseverer à son honneur de ceste armée; il luy dist: «Sire, se vous
envoierés quatre chevaliers à Calais devers le roy d’Engleterre, et
luy manderés que vous l’avés poursievy au plus hastivement que vous
avés peult depuis les nouvelles que vous eustes de messire Bouchicault
et qu’il vide hors de Calais, et vous luy baillerés plache là où il le
voldra prendre et eslire, et là le combaterés.»

A che consail le roy entendy vollentiers. Et furent les quatre
chevaliers nommés et ordonnés qui yroient ce messaige faire; et furent
messires Ernoul d’Audrehem, messire Guichart de Biaugeu, messire
Bouchicault et le sire de Saint Venant. Et cheulx y alèrent et ung
hirault avecques eulx jusques à Calais pour parler au roy d’Engleterre.
Quant il furent venus assés près de Calais, il envoièrent leur hirau
dedens la ville dire et senefier au roy englès que là estoient quatre
chevaliers franchois pour parler au roy d’Engleterre de par le roy de
Franche, mais que il eussent sauconduit. Le roy respondy au hirault
qu’il n’avoient que faire de entrer en la ville de Calais; mais il
envoiroit de son consail pour parler à y aulx et sçavoir quelle chose
il volloient dire. Sy i envoia son cousin le duc Henry de Lenclastre et
messire Gautier de Mauny et deux aultres chevaliers. Sy chevauchèrent
tant que il vinrent là où les quatre chevaliers de Franche les
atendoient. Sy les saluèrent courtoisement et leur demandèrent qu’il
leur plaisoit. Messire Ernoul d’Audrehem prist le parolle et dist qu’il
estoient là envoiet de par le roy de Franche pour requerre au roy
d’Engleterre qu’il volsist yssir hors de Calais et venir en ung biel
camp, car il se volroit combattre à luy. Le duc de Lancastre respondy
que ly roy Jehan avoit eut assés tamps et losir de venir jusques à
yauls, s’il volsist, car il avoit sejourné au pais de l’Artois bien
onze jours, où le roy son seigneur l’avoit atendut et luy avoit mandé
bataille «par vous monseigneur Bouchicault qui chy estes presens.
Sy vous respondons de par le roy nostre seigneur qu’il n’est pas
consilliés de faire che que vous ly requerés, car jà le moitié de ses
gens en sont rallet leur voie, et ly aultres sont moult travilliet. Se
ly venroit mal à point de combatre au plaisir et à l’aise du roy de
Franche et à tous les bons poins.» Là endroit furent pluiseurs raisons
dites entre yauls, dont je m’en tais, car riens n’en fut accordé. Sy
se partirent atant les chevaliers de Franche et vinrent à Saint Omer
raporter au roy de Franche leur response, et ly chevaliers d’Engleterre
s’en ralèrent à Calais. Fºs 488 à 492.

P. 147, l. 26: li Englès estoit.--_Ms. B 3_: les Anglois
estoient.--_Ms. B 4_: ly Englès estoient.

P. 148, l. 3: royaus.--_Ms. B 3_: roialle.

P. 148, l. 5: chevaucie.--_Ms. B 3_: chevauchée.

P. 148, l. 13: pièce de terre.--_Ms. B 3_: terre.

P. 148, l. 20: Arde.--_Ms. B 3_: Ardre. Fº 171 vº.

P. 148, l. 23 et 24: havene.--_Ms. B 3_: havre.

P. 148, l. 24 et 25: Bervich.--_Ms. B 3_: Vervich. Fº 172.

P. 148, l. 26: Rosebourch.--_Le ms. B 3 ajoute_: et fally.

P. 148, l. 27: pensieus.--_Mss. B 3, 5_: pensif.

P. 148, l. 28: Grastoch.--_Ms. B 3_: Grastop.--_Ms. B 4_: Grascok. Fº
159.--_Ms. B 6_: Grisep. Fº 492.

P. 149, l. 3: eussent... songniet.--_Mss. B 3, 4_: eussent esté bien
soigneux. Fº 172.

P. 149, l. 3: songniet.--_Ms. B 6_: Adonc se mirent les seigneurs
d’Engleterre entre le roy et le chevalier, et dirent: «Monseigneur,
il sera bien amendé.» Lors soupa le roy moult petit et fist là venir
tout son consail après souper en sa chambre. Sy fu dit et ordonné que,
à heure de minuit, quant la marée venroit, que il entraissent tous en
leurs batieaulx et s’en yroient en Engleterre; et ne dormiroit jamais
en une ville que une nuit, sy seroit venu devant Bervich. Ensi fu il
segnefiet et criet parmy la ville de Calais. Et fu tout toursé, et les
chevaulx mis en ès batieaulx devant minuit, et à chelle heure le roy
entra en son batiel et toute[s] ses gens; et furent l’endemain, à heure
de prime, à Douvres. Sy dessendirent et mirent tout leur baghes hors,
et puis montèrent à cheval, et prirent le chemin de Londres. Et fist
commandement le roy par toute son ost que nulz ne presist aultre chemin
que chely d’Escoche. Fº 493.

P. 149, l. 6: tel.--_Ms. B 3_: tellement. Fº 172.--_Ms. B 4_: atourné
telle paix.

P. 149, l. 7: sist.--_Ms. B 3, 4_: fut. Fº 172.


§ =351=. P. 149, l. 16: Quant messires.--_Ms. d’Amiens_: Et li roys
de Franche vint logier sus le mont de Sangate, et envoya à Callais
monseigneur Ernoul d’Audrehen parler au roy d’Engleterre pour atraire
hors; mès il s’escuza et dist que il n’en feroit pour celle saison
plus. Enssi se desrompi ceste chevauchie, et retourna li roys Jehans en
Franche. Fº 100 vº.

P. 149, l. 17 et 18: l’enclinèrent.--_Ms. B 3_: s’aclinèrent. Fº 172.

P. 149, l. 18: bien.... point.--_Ms. B 3_: bien honnestement.

P. 149, l. 27: la bataille.--_Ms. B 3_: batailler.

P. 149, l. 31: finable.--_Ms. B 3_: finale.

P. 150, l. 11: en sès.--_Mss. B 3 et 4_: en ses.

P. 150, l. 13 et 14: le bastide d’Arde.--_Ms. B 5_: la ville d’Ardre.

P. 150, l. 21: Valenchiènes.--_Ms. B 6_: delés le boin conte Guillaume
de Haynau son frère: Dieu leur faiche pardon! Car le gentil chevalier
resgna moult vaillamment et fu en son vivant moult amés de ses amis et
redoubtés de ses ennemis. Sy s’en rala son hirtaige, tout che qu’il en
tenoit, as enfans monseigneur le conte Loys de Blois, qui furent filz
de se fille, et qui adonc estoient moult jouene: Loys, Jehan et Guis.
Chil resgnèrent moult honnourablement et moult loyaument, si comme vous
orés recorder chy avant en ceste matère. Fº 494.

P. 150, l. 25:--Guis.--_Le ms. B 5 ajoute_: de Blois. Fº 365 vº.


§ =352=. P. 151, l. 1: à cent.--_Ms. B 3_: avec cent. Fº 172 vº.

P. 151, l. 13: emprise.--_Ms. B 3_: entreprinse.

P. 151, l. 18: Gautiers.--_Ms. B 6_: avecques luy soixante compaignons
bien montés et bien armés. Fº 495.

P. 151, l. 19: Bervich.--_Ms. B 6_: et se bouta ou chastel qui se
tenoit Englès et qui siet delés la cité. Et adonc messire Thomas Kol
estoit chastelain. Quant le sire de Mauny fut venu jusques à là,
il avisa et ymagina comment le plus tost il pouroit faire ouvraige
qui apparust pour constraindre cheaulx de Bervich. Il avoit avec
luy sept mineurs de l’esvesquiet de Liège, car toudis les menoit il
vollentiers avoecq luy, puis qu’il pensoit à faire siège ne assault à
une fortresse. Si les appella et leur dist: «Regardés entre vous se
par mine nous porimes entrer en ceste cité.» Il respondirent: «Sire,
oil.»--«Or vous aparliés et vous esploitiés, adonc dist le sire de
Mauny. Mettés vos hostieus en euvre, car se nous poons entrer par mine,
je vous feray tous riches.»

Adonc se ordonnèrent et commenchèrent à miner à l’endroit de une grose
tour qui estoit sur les murs et respondant à le cité et servoit
à l’encontre du dit castiel. Et commenchèrent à fouir mouvant en
l’enprise du chastiel. Il n’eurent gaire minet ne alé avant quant il
trouvèrent bieau[x] degrés bien assis et bien machonnés et une croute,
toute vautée à manière de ung chelier, qui s’en aloit vers le cité de
Bervich par desous les murs.

Advint, entreuz que ces mineurs minoient, chil de la cité s’en
perchurent bien. Et bien savoient ly aucuns anchiens hommes que là en
che contour il devoit avoir crouste et chelier qui aloit de la ville
ou castiel. Sy se doubtèrent et esmaièrent durement qu’il ne fussent
par là pris, et le remoustrèrent à aulcuns chevaliers d’Escoche qui là
estoient pour garder la cité; et leur dirent qu’il s’avisaissent, car
il estoient en grande volenté que de yaus rendre à monseigneur Gautié
de Mauny, et anchois que le roy englès y peuist venir ne qu’il fust
pris par forche.

Quant les Escochois qui là estoient entendirent che langaige et
perchurent le coraige des bourgois de Bervich, sy se doubtèrent que
mauls ne leur en venist. Si se consillèrent et avisèrent entre yaulz
sur che, et toursèrent tout che qu’il pourent et qui leur estoit, et
se partirent ung jour et rentrèrent en leur pais. Et à l’endemain, ung
traitiet se fist entre cheaus de Bervich et monseigneur Gautié de Mauny
qu’il se rendroient, sauve leurs corps et leurs biens. Et les devoit le
sire de Mauny parmy tant apaisier au roy d’Engleterre, ensy qu’il fist;
car le roy i entra le second jour après à grant joie. Fºs 495 à 497.

P. 151, l. 29: Asneton.--_Ms. B 3_: Anreton. Fº 172 vº.--_Ms. B. 4_:
Ameton. Fº 159 vº.

P. 151, l. 32: sente.--_Ms. B 3_: sache.

P. 152, l. 15: perilz.--_Ms. B 3_: dangiers.

P. 152, l. 16 et 17: toursèrent.--_Ms. B 3_: troussèrent.

P. 152, l. 19: vaghe.--_Ms. B 3_: vuide.--_Ms. B 4_: vage.

P. 152, l. 28: vasselage.--_Ms. B 3_: vaillance.

P. 152, l. 29: menestraudies.--_Ms. B 3_: menestriers.--_Ms. B 4_:
menestreux. Fº 159 vº.


§ =353=. P. 153, l. 11: Aindebourch.--_Ms. B 3_: Andebourg. Fº 173.

P. 153, l. 12: tèle.--_Ms. B 3_: tellement.

P. 153, l. 13: estant.--_Ms. B 3_: estat.

P. 153, l. 16: aforains.--_Ms. B 3_: forains.

P. 153, l. 23 et 24: Haindebourch.--_Ms. B 6_: la souveraine ville
d’Escoche. Fº 498.

P. 153, l. 23 à 26: en approçant.... fourer.--_Ms. B 5_: et en
approchant Haindebourc, couroient les fourriers, mais ilz ne trouvoient
neant. Fº 366.

P. 153, l. 26: fourer.--_Ms. B 3_: fourrager.

P. 153, l. 29: li rois.--_Ms. B 6_: en le souveraine abeye dehors
la ville, et le plus grant partie de ses gens en la ville, car elle
n’estoit point frummée. Mais il y a ung chastel, qui siet au desoubz
sur une roche haulte et belle, et est très bien fruméz; et adonc y
avoit dedens de bons chevaliers et escuiers pour le garder. Fº 498.

P. 154, l. 3: nostre.--_Ms. B 5_: vostre.

P. 154, l. 8: il.--_Ms. B 5_: le roy d’Escoce.

P. 154, l. 10: en remunerant les.--_Ms. B 3_: pour remuneration des.

P. 154, l. 16 et 17: uns.... offisces.--_Ms. B 3_: une belle ºffice.

P. 154, l. 21: nostre.--_Ms. B 5_: vostre.


§ =354=. P. 155, l. 2 et 3: pourveances.--_Ms. B 6_: et se navire, qui
le devoit sieuvir par mer, mais point ne vinrent, car ilz eurent vent
toudis sy contraire qu’il ne porent oncques à celle fois aprochier
Escoche. Quant le roy englès vit che que ses pourveanches ne venoient
pas, ne le grant engien dont il devoit assallir Handebourch et les
aultres fortresses, sy eut consail qu’il retourneroit en ardant le plat
pais d’Escoche. Fº 499.

P. 155, l. 3 à 13: dont... vivre.--_Ce passage manque dans le ms. B 5_,
fº 366 vº.

P. 155, l. 10: ens ès gragnes.--_Ms. B 3_: dedens les granges. Fº 173
vº.--_Ms. B 4_: ens ès granges. Fº 160.

P. 155, l. 15: le Hombre.--_Ms. B 3_: le avre.

P. 155, l. 22 et p. 156, l. 19: Entrues... Dalquest.--_Cet alinéa est
résumé en une phrase dans le ms. B 5._

P. 155, l. 29: le.--_Ms. B 3_: au.

P. 155, l. 32: plus especiaulz.--_Ms. B 3_: principale.

P. 156, l. 4: retournoit... fois.--_Ms. B 3_: repairoit aucunes fois.

P. 156, l. 12: respirer.--_Mss. B 3 et 4_: respiter.

P. 156, l. 17: fois.--_Ms. B 6_: Et le fist le roy reconduire jusques
à Dalquest par deux de ses chevaliers, le seigneur de Montbray et le
seigneur de Noefville: et fu commandé au deslogier que nulz, sur le
hart, ne boutast le fu ne aultrement à le ville de Haindebourch. Fº 499
et 500.

P. 156, l. 27: Arcebaus.--_Mss. B 3 et 5_: Archambault. Fº 173 vº.

P. 156, l. 29: Asneton.--_Mss. B 4, 5_: Assueton. Fº 160 vº.


§ =355=. P. 157, l. 24: malaisiu.--_Ms. B 3_: malaisé. Fº 173 vº.--_Ms.
B 4_: malaisieu. Fº 160 vº.

P. 157, l. 30: froit.--_Ms. B 6_: ensy que il fait en yvier envers le
Noel. Fº 500.

P. 158, l. 7: soutilleté.--_Ms. B 3_: subtilité. Fº 174.--_Ms. B 4_:
soustilleté. Fº 161.

P. 158, l. 9: aise.--_Ms. B 3_: aiseement.

P. 158, l. 10: Tuydon.--_Ms. B 3_: Tuyde.--_Ms. B 5_: Tuydein. Fº 366
vº.

P. 158, l. 14: se fin.--_Ms. B 3_: la fin.--_Ms. B 4_: le fin.

P. 158, l. 16: Li contes Douglas.--_Ms. B 6_: messire Guillaumez
Duglas, maris à le contesse dessus dite, qui se faisoit chief de tous
les Escochois et estoit moult vaillant et saiges. Fº 500.

P. 158, l. 21: rués.--_Ms. B 3_: boutez.

P. 158, l. 22: arroi.--_Ms. B 6_: Alors fu le duc de Lanclastre très
bon chevalier, et bien le couvenoit, et y fist de la main mainte
apertise d’armes. Fº 501.

P. 158, l. 24: ce.--_Ms. B 3_: ceste.

P. 159, l. 2: menèrent.--_Ms. B 6_: jusques à quinze bons prisonniers,
dont il eurent des chevaliers de Brabant, et les aultres furent Englèz;
et s’en retournèrent en la forest et entre les montaignes, de coy il
faisoient leur fortresse. Fº 502.

P. 159, l. 5: esvanui.--_Ms. B 3_: esvanoys.

P. 159, l. 7: Baudresen.--_Ms. B 3_: Andrehen.--_Ms. B 4_: Baudresem.
Fº 161.

P. 159, l. 9: six.--_Ms. B 3_: unze. Fº 174.


§ =356=. P. 159, l. 11: Depuis.--_Ms. d’Amiens_: Et envoya (le roi
Jean) une partie de ses gens d’armes avoecq son connestable, messire
Jaqueme de Bourbon, devers le Langhe d’ock; car li prinches de Galles
y estoit entrés à tout grant fuisson de gens d’armes de Gascoingne et
d’Engleterre: de laquelle cevaucie nous parlerons maintenant, car elle
fu moult honnerable et de grant emprise.

Li prinches de Galles, en celle saison, estoit yssus de Bourdiaus à
deus mil lanches, Englès et Gascons, et quatre mil archiers et grant
fuisson de gens de piet. Et vint passer le Garonne à Bregerach, et
fist tant que, sus le conduit dou seigneur de Labreth, qui là estoit
parsonelment, dou seigneur de Pumiers, dou seigneur de Muchident, dou
seigneur de Lespare, dou seigneur de Courton, dou seigneur de Cendren,
dou seigneur de Rosem et de cesti de Landuras et dou captal de Beus, il
entra en France et vint passer au Port Sainte Marie dallés Toulouse, et
entra ou pays toulousain. Fº 100 vº.

P. 159, l. 11: avenue.--_Ms. B 3_: aventure. Fº 174.

P. 159, l. 21: grant et estoffet.--_Ms. B 3_: grandement estoffé.

P. 160, l. 15: de Labreth.--_Ms. B 3_: d’Albret. Fº 174 vº.

P. 160, l. 17: Aymemon.--_Ms. B 3_: Aymond.

P. 160, l. 18: Tarste.--_Ms. B 6_: Tharse. Fº 503.

P. 160, l. 18: Aymeri de Tarste.--_Ms. B 3_: Aymon de Castre.

P. 160, l. 18 et 19: Mucident.--_Ms. B 6_: le sire de Condon, messire
Jehan de Caumont. Fº 503.

P. 160, l. 19 et 20: Longheren.--_Ms. B 3_: Lengoiren.

P. 160, l. 20: Rosem.--_Ms. B 3_: Rosan.

P. 160, l. 21 et 22: Geronde.--_Ms. B 4_: Gironde. Fº 161 vº.

P. 160, l. 21: Bernadet de Labreth.--_Ms. B 3_: Bernardet d’Albret.

P. 160, l. 22: Beus.--_Ms. B 3_: Buch.

P. 161, l. 3: hostoiier.--_Ms. B 4_: hostier. Fº 161 vº.--_Ms. B 3_:
passer. Fº 174 vº.


§ =357=. P. 161, l. 4: A ce conseil.--_Ms. d’Amiens_: Et passèrent
(le prince de Galles et les Anglais) assés priès de le bonne chité
de Thoulouse, et y vinrent si marescal escarmuchier, et boutèrent
le feu ens ès fourbours. Et puis passèrent oultre, et s’en vinrent
logier à Montgisart, une bonne ville et grosse, mais elle n’estoit
adonc point fremmée: si fu de ces Englès arsse, courue et robée. Et
de là il vinrent à Avignoulet, qui estoit fremmée de murs de terre.
Si se missent li homme de dedens à deffensce; mès chil archier, qui
traioient si roit et si dur, ne les laissoient aprochier à garittes. Si
fu la ditte ville de Avignoulet, prise, concquise et toutte arse, et y
eut grant occision d’ommez et de femmez. Fº 100 vº.

P. 161, l. 7: lances.--_Ms. B 6_: et deux mille bidauls à piet parmy
les Bernès et trois mille archiés. Fº 503.

P. 161, l. 8: Bernès.--_Mss. B 3, 4_: Bornès. Fº 174 vº.--_Ms. B 5_:
Biernois. Fº 367.

P. 161, l. 13: gué.--_Ms. B 6_: et puis entrèrent en che biau plain et
cras pais de Toulouse. Fº 503.

P. 161, l. 24 et 25: n’estoit.... Paris.--_Ms. B 3_: n’estoit pas
grandement murée ne que Paris. Fº 174 vº.

P. 161, l. 29: feus.--_Ms. B 6_: car point n’y avoit de frumeté. Et
fist tantost lettres escripre et messaigiers monter pour senifier
l’estat des Englès à monseigneur Jaques de Bourbon, connestable de
Franche, qui se tenoit à Limoge et là faisoit son asamblée de gens
d’armes pour aler contre les Englès et deffendre le pais. Mais anchois
qu’il y peuist parvenir, ly Englès et les Gascon eulrent villainement
escardé le bon pais de Toulonsein, le senescaudie de Carquasonne, le
terre de Limous et le visconté de Nerbonne, sy comme vous orés chy
après. Fºs 503 et 504.

P. 162, l. 22: usé.--_Ms. B 3_: rusez. Fº 175.--_Ms. B 5_: maniers. Fº
367.

P. 162, l. 26: d’Ermignach.--_Le ms. B 3 ajoute_: pour doubte.

P. 163, l. 2: Charcassonne.--_Ms. B 4_: Carcasone. Fº 162.

P. 163, l. 7: recuevre.--_Ms. B 4_: recouvre.

P. 163, l. 7: d’estrain.--_Ms. B 3_: de paille.

P. 163, l. 8: à grant dur.--_Ms. B 3_: à grant peine.

P. 163, l. 12: prendable.--_Ms. B 3_: prenable.

P. 163, l. 16: veurent.--_Ms. B 6_: et estoit le marisal de l’ost le
conte de Wervich et messire Jehan de Caumont de Gascongne, car les
Gascons les conduisoient qui congnisoient le pais. Fº 505.

P. 163, l. 18: pour le feu.--_Ms. B 3_: pour paour du feu.

P. 163, l. 24: Avignonlet.--_Mss. B 3, 5, 6_: Avignolet.

P. 163, l. 27: un terne.--_Ms. B 3_: une petite montaigne.

P. 163, l. 29 et 30: à segur.--_Mss. B 3, 4_: asseur.

P. 164, l. 3: Noef Chastiel d’Auri.--_Ms. B 3_: Chastel Neuf d’Arry. Fº
175 vº.


§ =358=. P. 164, l. 4: Tant esploitièrent.--_Ms. d’Amiens_: Tant
chevaucièrent li Englès et li Gascon, ardant et essillant tout le pays,
et concquerant villes et castiaux, qu’il vinrent jusques à le cité de
Charcasonne. Fº 100 vº.

P. 164, l. 30: seans.--_Ms. B 3_: assise. Fº 175 vº.--_Ms. B 4_:
saians. Fº 162.

P. 165, l. 3: cras.--_Ms. B 3_: gras.

P. 165, l. 9: kieutes.--_Ms. B 4_: keutes.--_Ms. B 3_: coitis.

P. 165, l. 17: Carcassonne.--_Ms. B 6 ajoute_: qui est chief de tout le
pais. Fº 505.


§ =359=. P. 165, l. 18: La ville.--_Ms. d’Amiens_: La ville de
Carcasonne siet sus une rivierre que on appelle Aude, et est une moult
grosse ville et grande, et estoit adonc. Au dessus de la ville, oultre
le rivière, sus une montaigne imprendable, sciet la chité qui est forte
et bien fremmée. Et là avoient les gens de Carcasonne retrait le plus
grant partie de leurs femmes et enfans; et estoient tout rengiet au
devant des Englès et avoient tendu kainnes au loing des rues.

Quant li princhez et ses gens furent là venu, et il eurent consideré
l’estat de ces hommes qui moustroient samblant de yaux deffendre, se
missent piet à terre et ordonnèrent leurs archiers et fissent passer
devant. Chil archier coummenchièrent à traire de grant mannierre
sus ces gens qui là estoient mal armé. Si tost que il sentirent ces
saiettez, il resongnièrent et coummenchièrent à perdre terre et à
laissier leurs kainnes.

Là fu messires Ustasses d’Aubrecicourt bons chevaliers, car il sailli
oultre deus ou trois de ces kainnes et les concquist à l’espée
sus yaulx. Que vous feroie je loing parlement? Ces kainnez furent
concquises, et cil qui les gardoient, cachiet en voies. Et y eut bien
deus mil de ces bons hommes mors et ochis sus le place.

Enssi fu la ville de Carcassonne prise, courue et robée; et à
l’endemain, au departement dou prince, elle fu si netement arse, que
oncquez n’y demoura ostel ne maison. Fº 101.

P. 165, l. 18: siet.--_Ms. B 3_: est assise. Fº 175 vº.

P. 165, l. 19: Aude.--_Ms. B 5_: Oude. Fº 367 vº.

P. 165, l. 19: au plain.--_Ms. B 3_: en plain.

P. 165, l. 20: de.--_Ms. B 3_: devers.

P. 165, l. 21: rocier.--_Ms. B 6_: outre le rivière, à deux trait[s]
d’un arc, siet la chité de Carcasonne, qui est une des forte[s]
chité[s] du monde, car elle est asise hault si comme le mont de Lan,
et tout sur une roche, bien frumée de pière, de grès, de tours, de
murs, de portes.... Dedens le chité estoit adonc le senescal, ung moult
vaillant chevalier, et avoit avecques luy grant foison de bonnes gens
d’armes. Et quoyque la ville de Carcasonne fuist grande et remplie de
bourgois et de bidauls du pays, li riche et ly saiges hommes avoient
leurs femmes et leurs enfans et leurs corps meismes enfrumés en la
cité. Et tout chil qui ensy firent furent saige. Fº 506.

P. 165, l. 23: ne fait mies.--_Ms. B 3_: est forte. Fº 173 vº.

P. 165, l. 26: celi.--_Ms. B 4_: ce. Fº 162 vº.

P. 165, l. 27: chainnes.--_Le ms. B 3 ajoute_: de fer.

P. 165, l. 30: à segur.--_Ms. B 4_: asseur.

P. 166, l. 1: pavais.--_Ms. B 3_: pavois. Fº 176.

P. 166, l. 19 et 20: d’Aubrecicourt.--_Ms. B 4_: d’Aubregicourt. Fº 162
vº.

P. 166, l. 20: chevaliers.--_Ms. B 5_: jeune baceler. Fº 368.

P. 166, l. 21: ables.--_Ms. B 3_: abile. Fº 176.

P. 166, l. 23: le glave.--_Ms. B 4_: la glave. Fº 162 vº.

P. 166, l. 24 et 25: reculer.--_Ms. B 4_: requellier.

P. 166, l. 25: ennemis.--_Ms. B 6_: Assés tost après se lancha ºultre
ung aultre chevalier de Haynau, messire Jehan de Ghistelle, vaillant
chevalier durement de grant vollenté. Et adonc compaignons ensamble
chil doy chevaliers assallirent ces bidaulx fierement et y firent
mervelles d’armes, car il estoient jouene et amoureus et moult hardis.
Fºs 508 et 509.

P. 166, l. 31: saiettes.--_Ms. B 3_: flèches. Fº 176.

P. 167, l. 6: à garant.--_Ms. B 5_: garantir.

P. 167, l. 18: trouvèrent.--_Ms. B 6 ajoute_: par l’espasse de trois
jours. Fº 508.

P. 167, l. 18: nuis.--_Ms. B 3_: moys. Fº 176.


§ =360=. P. 167, l. 26: Ceste cités.--_Ms. d’Amiens_: Si chevaucièrent
li Englès le chemin de Nerbonne, et vinrent par deviers une ville que
on appelle Tèbres. Si se logièrent li Englès de haulte heure sus celle
rivierre de Tèbres, et robèrent et ardirent toutte le ville et le pays
d’environ. Et puis chevauchièrent viers le ville de Cabestan, qui siet
à deus lieuwez de Nerbonne.

Quant chil de Besiers et de Monpelier entendirent que li princhez de
Gallez cevauçoit si efforciement et approchoit leurs mettes, et avoit
pris en son venant tant de villez et de castiaux, si furent grandement
effraé, et envoiièrent le plus grant partie de leurs biens en Avignon à
sauf garant et ou castel de Aigemorte et de Biauquaire.

Tant esploitièrent li Englèz qu’il vinrent devant Kabestain, une ville
durement rice et où on fait tout le sel que on aleuwe en celui pays;
si l’environnèrent et se appareillièrent pour le assaillir. Quant chil
de le ville virent venu le prinche et ses gens devant leur ville, si
furent moult esbahy et doubtèrent tout à perdre, corps et avoir. Si
se avisèrent sagement et demandèrent trieuwez au prince, et que il
pewissent parler au seigneur de Labreth. Li prinches leur acorda.
Adonc se traist li sirez de Labreth avant, et demanda qu’il volloient
dire. Il dissent que c’estoient povres gens et mal usé de gueriier, et
que li prinches ewist pité d’iaux, parmy tant que ce voiaige il lez
volsist respiter, et il li donroient vingt mil florins. Li sires de
Labreth dist et respondi qu’il en parleroit vollentiers au prince. Si
en parla, et en pria pour tant que il l’avoient demandé par fianche. Li
prinches eult consseil que il lez prenderoit et leur donroit trieuwez
pour celle saison, parmi vingt mil florins que il devoient envoiier, où
que li princhez fust, dedens quatre jours, et de ce delivrèrent il bons
hostaiges.

Apriès ce fait et ordonné, li princes et ses gens se departirent de
Kabestain et prissent le chemin de Nerbonne, et ne veurent adonc
aller plus avant en aprochant Montpelier, car on leur dist que li
connestablez de Franche y estoit, qui faisoit là ung grant amas de gens
d’armes, et ossi li comtez d’Ermignach d’autre part à Toulouse. Fº 101.

P. 167, l. 27: Carsaude.--_Ms. B 4_: Charsaude. Fº 163.

P. 167, l. 30: maçonnement.--_Ms. B 3_: maçonnerie.

P. 168, l. 6: et le.--_Mss. B 4, 5_: de le.

P. 168, l. 10: bastions.--_Mss. B 3, 4_: biens.

P. 168, l. 18: aise.--_Le ms. B 3 ajoute_: quant ilz vouloient. Fº 176
vº.

P. 168, l. 23: à non ardoir.--_Ms. B 3_: affin qu’ilz ne fussent ars ne
assailliz.

P. 168, l. 26: route.--_Ms. B 3_: compaignie.

P. 169, l. 4: bruis.--_Ms. B 3_: brouys. Fº 176 vº.--_Ms. B 4_: brulés.
Fº 163.

P. 169, l. 7: à segur.--_Ms. B 3_: asseurés.--_Ms. B 4_: asseur.

P. 169, l. 12: Biaukaire.--_Ms. B 3_: Belkaire.

P. 169, l. 17: le sel.--_Ms. B 6_: de quoy tout le pais de environ vit.
Fº 509.

P. 169, l. 25: quarante mil escus.--_Ms. B 6_: vingt cinq mille
moutons. Fº 509.

P. 169, l. 26: pourveance.--_Ms. B 3_: terme. Fº 176 vº.--Ms. B 4:
pourveanche. Fº 163.

P. 169, l. 32: assalli.--_Ms. B 6_: Sy passa oultre (le prince de
Galles), et alèrent ses coureulx jusques à Besiers et jusques à Saint
Thiberi, et point ne passèrent la rivière de delà, et prist son chemin
devers Nerbonne. Adonc estoit le connestable de Franche, messire
Jaques de Bourbon, venu à Monpellier à grant foison de gens d’armes,
et encores l’en venoit il tout les jours. Et atendoit le conte de
Erminach, le conte de Commignes, le conte de Pieregort, le conte de
Laille, le visconte de Quarmain et grant foison de bons chevaliers
de Gascongne, de Roherge, d’Agens et de Toulouse qui estoient mis
as camps. Sy entendy le dit congnestable, entreus qu’il estoit à
Monpellier, que ly bourgois de Kabestain s’estoient racheté devers
le prinche, mais ilz n’avoient point encore paiiés les deniers. Sy
s’aresta le dit connestable sur che et dist à l’Archeprestre: «Prendés
jusques à cinq cens combatans et en alés à Kabestain, et aydiés à
conforter la ville. Et se ly Englès y reviennent, sy le tenez contre
yaulx, et je vous conforteray, comment qu’il soit.»

Adonc se party ly Archeprestre, et grant foison de bons chevaliers et
escuiers avecques luy, du pais d’Auvergne et de Limosin, et se vinrent
mettre en la ville de Kabestain. Et fist tantost les hommes de la
ville entendre à yaulx fortefier et faire grans fossés et parfons. Et
y ouverèrent nuit et jour plus de quatre mille hommes comme à fossés
et as portes et as garites, et moult le renforchèrent. De tout che ne
savoit riens le prinche qui se tenoit au bourcq de Nerbonne, et faisoit
la chité de Nerbonne moult fort assallir, et sejournoit là en atendant
son paiement, mais il estoit mal aparliés. Fºs 509 et 510.

P. 170, l. 2: au bourch.--_Ms. B 3_: aux faulx bourgs. Fº 176 vº.


§ =361=. P. 170, l. 3: A Nerbonne.--_Ms. d’Amiens_: Or vint li
prinches de Galles à tout son effort devant Nerbonne, [où] il y a
ville et cité. Adonc estoit la ville, qui sciet sus le rivière d’Aude,
foiblement fremmée. Si furent tantost li Englèz dedens, et moult petit
dura contre yaux. Les bonnes gens de le ville avoient retrait le plus
grant partie dou leur en le cité, femmes et enfans. Et là estoit li
viscontez de Nerbonne et fuison de chevaliers et d’escuiers que il y
avoit assambléz pour aidier à garder et deffendre le chité.

Sachiés que li Englès ne reposèrent gaires ou bourcq de Nerbonne, quant
il y furent venu; mès se traissent tantost à l’assault à la dite cité
de grant vollenté. Et sejourna li prinches et touttes ses gens ou dit
bourcq cinq jours, mès tous les jours il y eult cinq ou six assaux
à le chité. Si le deffendirent li gentilz hommez qui là estoient,
si vaillamment que riens n’y perdirent; autrement elle ewist estet
concquise. Là en dedens aportèrent chil de Kabestain leur raençon, et
paiièrent as gens dou prinche et eurent leurs hostaiges.

Quant li prinches et ses gens virent que point il ne conquerroient la
chité de Nerbonne, où il tendoient à venir et au concquerre, si eurent
consseil de partir et se deslogièrent. Au deslogement du prinche, li
bours de Nerbonne fu tous ars. Si chevauchièrent le chemin de Lymous,
qui est une bonne ville et grosse, en le marce nerbonnoise; si le
prissent et fustèrent et y conquissent grant avoir, et puis Villefrance
et Montroial et pluisseurs autres grosses villez en celi pays. Et
avoient tant d’avoir que li varlès ne faisoient compte de draps ne de
pennes, fors d’or et d’argent et de vaissiel d’argent. Fº 101.

P. 170, l. 3: Nerbonne a.--_Ms. B 3_: par lors avoit. Fº 176 vº.

P. 170, l. 7: Cippre.--_Ms. B 4_: Napple. Fº 163 vº.

P. 170, l. 11: Nerbonne.--_Ms. B 6_: et messire Engascons ses frères et
ung de leurs oncles bon chevalier. Fº 511.

P. 170, l. 16: canonneries.--_Ms. B 3_: chanoynies. Fº 177. _Ms. B 5_:
chanoinenies. Fº 368 vº.

P. 170, l. 19: florins.--_Ms. B 5_: livres. Fº 368 vº.

P. 170, l. 21: cras.--_Ms. B 3_: fertilz. Fº 177.

P. 170, l. 30: trois mil.--_Ms. B 3_: quatre mil.

P. 171, l. 7: jours.--_Ms. B 6_: Quant che vint au sixième jour, le
prinche demanda à son consail se on n’avoit oyt nulles nouvelles de
chaus de Cabestain; on ly respondy que nannil. De che fut le prinche
tous esmervilliés. Adonc fist il partir Fauchon le hirault, et luy dist
qu’il chevauchast jusques à là et demandast à chiaus de Cabestain pour
quoy il avoient fally de couvenenches et qu’il marchandoient de eulx
faire tous ochire et exillier. Le hirault se party et chevaucha tant
qu’il vint à Cabestain. Sy trouva comment chil de la ville estoient
fortifié de grans fossés et parfons et de bons pallis. Sy fist son
messaige à cheaus qu’il trouva à le barière. Il luy respondirent tout
promptement que au prinche n’avoit que faire de sejourner pour che ens
ou pays, car d’argent n’aroit il point. Che fut toute le response qu’il
firent et qu’il raporta arière à son maistre.

Quant le prinche entendy che, sy fut moult courouchiés et fist moult
tost partir ses marescaus à tout cinq cens hommes d’armes et trois
mille archiés, et leur dist qu’il mesissent Cabestain en fu et en
flame et sans deport, et toutes les gens à l’espée sans merchy. Et
tant chevauchèrent les gens du prinche qu’il vinrent devant Cabestain.
Sy le trouvèrent trop renforcie et bien garnie de bonnes gens d’armes
et d’artillerie qui commenchèrent fort à traire contre les Englès.
Quant il les virent aprochier et abrochier leurs chevaulx, adonc se
retirèrent ung poy arrière les deux marisaus englès qui là estoient
et le sires de Labreth, et firent retraire leur gens. Sy avisèrent
et ymaginèrent le forche de chiaus de Cabestain et le foison de
gens d’armes qui dedens estoient. Sy dirent bien entre aulx, tout
consideret, que à l’asallir ºn pouroit plus perdre que gaignier. Il
s’en partirent et s’en retournèrent à Nerbonne devers le prinche et ly
recordèrent tout che que il avoient veu et trouvé. Et adonc se tint le
prinche pour decheus de chiaulx de Cabestain et demanda consail à ses
chevaliers quel chose il en feroit, sy il chevaucheroit plus avant ºu
pais et se il lairoient Nerbonne, car à assallir le chité ne poroit
gaire conquerre, car trop estoit forte et bien gardée.

Sy fut dit et conseilliet pour le milleur et plus honourable, à l’avis
des plus saiges, que il se retrairoient tout bellement et saigement,
car pour celle saison il avoient assés avant chevauchiet ens ou pais,
et sy estoient chergiet durement de grant avoir qu’il avoient conquis,
tant que cars et sommiers en estoient chergiet, et ossy de bons
prisonniers dont il en orent grant rainchon. Sy faisoit bon tout che
mettre en garde et à sauveté. D’aultre part, il avoient entendu que le
connestable de Franche, le conte de Forès, le conte d’Erminac et tous
les barons et chevaliers du pais s’asambloient. Sy pourroient bien
tant demorer que [à] leur retour le chemin leur seroit estroit, et que
chil seigneur de Franche dessus nommés leur tauroient leur passaige de
le Geronde par ºù il leur couvenoit passer: sy quez, tout pourpeset et
consideret, le prinche regarda que on le consilloit loyaument. Sy fist
ung jour crier et assavoir en son ost que tout fut tourset et chergiet,
car au matin il volloit partir.

Celle nuit entendirent toutes manières de gens à yaulx ordonner et
apparelier selonc le cry du prinche, et se deslogèrent au matin: dont
chilz de Nerbonne furent moult joieulx, car il avoient esté six jours
en grant esmay. Sy chevauchèrent les Englès devers une bonne ville,
que on clame Limous, où on fait les pines, ung aultre chemin qu’il
n’estoient point venus devers Toulouse. Quant il parfurent venu devers
Toulouse et qu’il furent jusques à là, sy trouvèrent la dite ville de
Limous bien garnie et bien pourveue selonc l’usaige du pais. Pour che
ne demora mie que il ne l’assallisent fierement. Et chil qui dedens
estoient se deffendirent che qu’il porent selon leur povoir, et se
tinrent du matin jusques à heures de viespres; mais finablement elle
fut prise et toute robée et gastée sans deport. Et y gaignèrent ly
Englès et ly Gascons moult grant avoir et pluiseurs bons prisonniers.

Che mesme jour vinrent ly conte d’Erminac, le conte de Pieregoth, le
conte de Laille, le conte de Comminges, le viés conte de Quarmaing, le
conte de Villemur, le viés conte de Thalar, le viés conte de Murudon,
le sire de Labarde et pluiseurs aultres grans seigneurs de Gascongne,
en l’ost de monseigneur Jaques de Bourbon, connestable de Franche, qui
estoit venus à Besiers à tout son grant ost. Quant tout ces contes
furent asamblé, il furent grant gens yauls bien trente mille, c’uns que
aultres, et eurent consail qu’il yroient au devant des Englès et les
encloroient entre le Geronde et les montagnes de Roherge. Sy se mirent
tous à camps à grant esploit et vinrent l’endemain à Cabestain. Fº 511
à 515.

P. 171, l. 7: redemption.--_Ms. B 3_: rençon. Fº 177.

P. 171, l. 9: à non ardoir.--_Ms. B 3_: pour paour d’estre ars.

P. 171, l. 31: Bediers.--_Ms. B 4_: Besieres. Fº 163 vº.

P. 172, l. 5: pont.--_Ms. B 3_: port.

P. 172, l. 6: fait.--_Le ms. B 4 ajoute_: on.

P. 172, l. 6: pines.--_Ms. B 3_: pignes.--_Ms. B 4_: pures. Fº 163 vº.

P. 172, l. 21: Jakemon.--_Ms. B 3_: Jacques.

P. 172, l. 28: Charcassonne.--_Ms. B 3_: Cabansonne.--_Ms. B 5_:
Terrascon. Fº 369.


§ =362=. P. 173, l. 5: Quant li princes.--_Ms. d’Amiens_: Si se
retraist adonc li prinches à tout son concquès en Bourdelois, sans
avoir nul rencontre. Ne oncques li connestablez de France ne li comtez
d’Ermignach ne li empechièrent son voiaige; mès, se il fuissent un
peu plus demoré, sans faulte il l’ewissent combatu, car il avoient
et eurent sus les camps à une journée plus de trente mil armures
de fier. Mès li prinches et ses gens se retraissent si à point que
oncquez il ne virent l’un l’autre. Enssi se deffist et desrompi celle
grosse chevauchie. Et parlerons des aucunez avenues qui avinrent en
celle saison ou royaumme de Franche, qui durement le grevèrent et
afoiblirent. Fº 101.

P. 173, l. 5: Quant.--_Ms. B 6_: Et ly Englès se partirent de le ville
de Limous che meismes jour et s’en vinrent à Montaral, ºù il avoit
assés bonne ville et forte; mais pour che que elle seoit en leur
chemin, il ne le volloient pas espargnier. Sy l’asallirent et prirent
par forche et le pillèrent toute, et s’y logèrent le jour et le nuit.
Et là seurent il, par les prisonniers qu’il prirent, que le connestable
de Franche et le conte d’Erminac et tout grant puissanche les sievoient
à grant puisanche, et estoient plus de trente mille hommes à cheval,
sans les bidaus qui estoient à piet à tout gravelos et pavais.

Adonc se consillèrent les Englès et Gascons quel chose il feroient,
se il les atenderoient ou se il retourneroient arière en leur pais.
Sy trouvèrent en leur consail, tout consideré et ymaginet, que il
se retourneroient au plus tost que il pouroient et metteroient leur
avoir conquis et leurs prisonniers à sauveté au plus hastivement qu’il
pouroient, et n’entenderoient à nule ville à asallir. Si se partirent
de Montaral et prirent le chemin des montaignes et s’en vinrent vers
Fougans. Et les Franchois passèrent le rivière d’Aude à Carquasonne et
s’en vinrent après yaulx à grant esploit; mais ºncques ne se peurent
tant esploitier que les Englès ne furent deus journées devant yaulx. Et
passèrent le Pont Sainte Marie desoubz Toulouse la rivière de Geronde,
et s’en revinrent en leur pais tous sauvement en Bourdelois, et y
amenèrent leur grant avoir.

Quant le connestable de Franche, le conte de Forès, le conte d’Erminac
et les aultres seigneurs de Franche et Gascons virent que les Englès
en estoient allet et repasset la rivière de Geronde, et que poursievir
ne leur valloit riens, il se retrairent tout bellement. Et donna le
connestable toute[s] les gens d’armes congiet, car il veoit bien que
pour celle saison il n’en avoit plus à faire et ºrdonna que chascun
signeur ralast en son lieu. Et il meismes s’en revint en Franche, et le
conte d’Erminac à Toulouse: ensy se departy celle grose armée.

Or avint ung pau après que, quant ces choses furent ung pau apaisies
et les seigneurs revenut en leur maisons, le conte d’Erminac, qui se
tenoit à Toulouse, estoit moult fort en hayne de chiaus de Toulouse,
pour tant que ly Englès avoient passé et rapassé le Geronde sans estre
combatus. Et tant se mouteplia cheste murmure que ung jour tout ly
chitoiiens de la ville s’armèrent et assamblèrent et s’en vinrent,
tout d’un acord, au castiel de Toulouse, pour le prendre à forche, et
le conte d’Erminac qui dedens se tenoit, et y livrèrent moult grant
assault. Le conte d’Erminac, qui dedens estoit à privée maignie,
entendy comment les hommes de le ville estoient là venu pour luy
prendre à forche et ochire. Sy fut moult esbahis et se fist hors mettre
en une corbaille par une des fenestre[s] sur les camps ens ès fosés,
et ung seul sien escuier avecq luy, et se sauva par celle manière.
Tant asallirent chil de la chité le castiel qu’il l’enforchièrent et
entrèrent dedens. Et prirent les gens du conte d’Erminac et en ochirent
douze, desquelz il volrent. Entre lesquels il y eult quatre bons
chevaliers du consail et du pais au dessus dit conte, qui adonc n’en
peult avoir aultre chose. Mais le dit conte depuis deffia chiaus de
Toulouse et les greva tellement qu’il furent tous joieulx que il luy
porrent amender che meffait à se vollenté plainement. Fºs 515 à 518.

P. 173, l. 7: estoit.--_Ms. B 3_: est. Fº 177 vº.

P. 173, l. 11: sus le fiance.--_Ms. B 3_: pour la seurté.

P. 173, l. 11: eut.--_Ms. B 3_: avoit.

P. 173, l. 16: Fougans.--_Ms. B 3_: Fouganx.--_Ms. B 4_: Fougians. Fº
164.--_Ms. B 5_: Fondans. Fº 369.

P. 173, l. 17: Rodais.--_Ms. B 3_: Rodès.

P. 174, l. 1: adonc.--_Ms. B 3_: alors.

P. 174, l. 2: toutdis dou pieur.--_Ms. B 3_: tousjours du pire.

P. 174, l. 6: les.--_Ms. B 3_: leurs.

P. 174, l. 8: menroit.--_Le ms. B 3 ajoute_: par.


§ =363=. P. 174, l. 15: Nous nos.--_Ms. d’Amiens_: Vous avés bien chy
dessus oy recorder comment li roys de France hayoit en coer le jone
roy de Navare, quel samblant qu’il li moustrast, pour le cause de son
connestable. Si avint, assés tost apriès que ceste cevauchie fu faite
dou prinche de Gallez en le Langhe d’ock, que li roys de France fu trop
mallement dur enfourmés contre lui. Et seurent adonc moult peu de gens
dont chilx nouviaux mautalens venoit, mès il fu trop grans et trop
mervilleux, et moult cousta puisedi au royaumme de Franche.

Ung jour, en quaresme, environ Pasquez, estoit Carlez, dus de
Normendie, ainnés filz dou roy Jehan, ens ou castiel de Roem, et là
donnoit à disner le dit roy de Navare, son serourge, le comte de
Harcourt, le signeur de Graville et pluisseurs autres. Et y devoit y
estre messires Phelippes de Navarre et ossi messires Godeffroit de
Harcourt, mès point n’y furent.

Ensi que on seoit à table, li roys Jehans entra en la salle, lui
trentime de gens tous arméz et messires Ernoulx d’Audrehen devant lui,
qui traist son espée et dist enssi si hault que tout l’oïrent: «Nulz ne
se mueve pour cose qu’il voie, ou je le pourfenderai de ceste espée.»
Li signeur qui là estoient, quant il virent le roy de Franche venu si
aïré, furent moult esbahi.

Adonc se traist li roys de Franche deviers le roy de Navarre, et
s’avancha parmi la table et le prist par le kevech de sa cote, et li
dist: «Sus, mauvais traistres, tu n’es pas dignes de seoir à la table
de mon fil.» Et le tira si roit à lui qu’il li pourfendi jusques en le
poitrinne. Là fu pris de sergans d’armez et de machiers li dis roys de
Navarre, et boutéz en une cambre en prisson et li comtez de Harcourt
d’autre part, et messires Jehans de Graville, et messires Maubués et
Collinés de Bleville qui trençoit devant le dit roy de Navarre.

Tantost apriès disner, li roys de Franche fist decoller soudainnement
le comte de Harcourt, le signeur de Graville, monsigneur Maubué et
ce Colinet, sans entendre à homme, ne à sen fil le duc de Normendie,
qui moult en prioit, ne à autrui; et fist de nuit amener moult
villainnement le jouene roy de Navarre à Paris et bouter en Castelet,
et avoecq lui ung chevalier que on appelloit messire Fricket de
Frikans. Fº 101.

P. 174, l. 15: soufferons.--_Ms. B 3_: tairons. Fº 177 vº.

P. 174, l. 16: d’aucunes incidenses.--_Ms. B 3_: d’aucuns incidens.

P. 174, l. 23: et par.--_Ms. B 3_: de. Fº 178.

P. 174, l. 29: reprise.--_Ms. B 3_: prinse.

P. 174, l. 30: levèrent.--_Mss. B 3, 4_: levoient.

P. 175, l. 2: se revelèrent.--_Ms. B 4_: se rebellèrent. Fº 164
vº.--_Ms. B 3_: se rebella.

P. 175, l. 4: à heure.--_Ms. B 3_: depuis l’eure. Fº 178.

P. 175, l. 8: Jakemon.--_Ms. B 3_: Jaques.

P. 175, l. 9: li motion.--_Ms. B 3_: la commotion.

P. 175, l. 14: tel cose.--_Ms. B 3_: telz succides.

P. 175, l. 15: en Harcourt.--_Ms. B 3_: à Arecourt.

P. 175, l. 16: Roem.--_Ms. B 3_: Rouen.

P. 175, l. 26: otretant.--_Ms. B 3_: autant.--_Ms. B 4_: autretant. Fº
164 vº.

P. 176, l. 2: soudains.--_Ms. B 3_: boullant.

P. 176, l. 6: retint.--_Ms. B 3_: extima.

P. 176, l. 7: voloit.--_Le ms. B 3 ajoute_: avoir.

P. 176, l. 8: fors.--_Les mss. B 3, 4 ajoutent_: que.

P. 176, l. 11: sus.--_Ms. B 3_: contre.

P. 176, l. 17: voirs.--_Ms. B 3_: vray.

P. 176, l. 19: estration.--_Ms. B 3_: lignée.

P. 176, l. 21: veurent.--_Ms. B 3_: vousirent.

P. 176, l. 23 et 24: legiers à enfourmer et durs à oster.--_Ms. B 3_:
de legière creance et fort à oster....

P. 176, l. 26: fuissent.--_Ms. B 3_: seroient.

P. 176, l. 30: ens ou.--_Ms. B 3_: dedens le.

P. 177, l. 2: l’amour et le vicinage.--_Ms. B 3_: pour l’amour du
voisinage. Fº 178 vº.

P. 177, l. 4: Roem.--_Ms. B 6_: Ung jour de quaresme, environ Pasque
florie, l’an mil trois cens cinquante cinq, Charles, aisnés filz du roy
de Franche, duc de Normendie, estoit en son castel à Roem et donnoit à
disner le roy Charlon de Navare, le conte de Harcourt, le signeur de
Graville, et pluiseurs barons et chevaliers de Normendie. Fº 519.

P. 177, l. 5 et 6: ne li vorrent mies escondire.--_Ms. B 3_: ne le
voulurent pas escondire. Fº 178 vº.

P. 177, l. 6: li.--_Ms. B 3_: le lui.

P. 177, l. 15: se departi.--_Ms. B 6 ajoute_: secretement de Paris
environ à cent hommes d’armes. Fº 519.

P. 177, l. 16: à privée mesnie.--_Ms. B 3_: à peu de gens ses privez.

P. 177, l. 18: Roem.--_Ms. B 6_: armés d’un jaque de noir velours, ly
vingtième, et monta les degrés de le salle là où le disner se fasoit.
Sy tos que le roy de Navare le vit entrer dedens, il dist: «Sire, sire,
venés boire.» Et osy firent tous ly aultres. Et se levèrent tout contre
sa venue, che fu bien raison: amours ne chière nient ment. «Signeurs,
ne vous mouvés, et ne soit nulz qui se mueve sur le hart!» Tantost
messires Ernouls d’Andrehem saça son espée hors du fourel et dist:
«Or y parra qui se mouvra.» Et tantost après che mot, le roy Jehan se
lancha au roy de Navare et le prist par le quevèche et le tira parmi le
table moult vilainnement et luy dist: «Certes, mauvais traites, or vous
couvient morir.»

Le duc de Normendie, son aisné filz, dist: «Ha! chier sires, que es che
chou que vous vollés faire! Jà savés vous qu’il est en ma compaignie et
en mon ostel.»

Le roy Jehan li commanda qu’il se souffresist, et fist mener moult
rudement le roy de Navare en une cambre. Et fist prendre le conte de
Harcourt et monseigneur Jehan de Graville et monseigneur Maubué et
Colinet de Bleville, ung escuier qui trenchoit devant le roy de Navare
et les fist tout quatre decoller. Et prist encore ung moult vaillant
chevalier qui estoit au roy de Navare, que on apelloit monseigneur
Frichet de Fricamps, mais cestui ne fist il point morir. Et les fist
amener en Chastelet à Paris. De ceste prise et de ceste justiche fu
le roialme de Franche de rechief encore moult esmervilliés et moult
tourblés, car nul ne savoit à dire à quelle cause ne raison le roy
l’avoit fait. Fºs 520 et 521.

P. 177, l. 28: vosissent.--_Ms. B 3_: eussent volu. Fº 178 vº.

P. 178, l. 1: contre.--_Ms. B 3_: envers.

P. 178, l. 3: table.--_Ms. B 3_: bataille.

P. 178, l. 5: kevèce.--_Ms. B 3_: chevesse.--_Ms. B 4_: koueto. Fº
165.--_Ms. B 5_: keute. Fº 370.

P. 178, l. 5: roit.--_Ms. B 3_: rudement.

P. 178, l. 22: dur.--_Ms. B 3_: malement.

P. 178, l. 22: sur.--_Ms. B 3_: contre.

P. 178, l. 26 et 27: m’en voelle amettre.--_Ms. B 3_: le me vueille
mettre sus.

P. 179, l. 4 et 5: Friches de Frichans.--_Ms. B 5_: Friquet de
Friquant. Fº 370.

P. 179, l. 16: trahiteur.--_Ms. B 3_: traittres. Fº 179.

P. 179, l. 17: descouveront temprement.--_Ms. B 3_: descouvrent à
present.

P. 179, l. 23: estrine.--_Ms. B 3_: estraine.

P. 179, l. 25: vº.--_Ms. B 3_: voz.

P. 179, l. 26: escusance.--_Ms. B 3_: escusation.

P. 179, l. 27 et 28: enflamés.--_Ms. B 3_: enflambé.

P. 179, l. 29: contraire.--_Ms. B 3_: contrarieté.

P. 180, l. 12: à grasce.--_Ms. B 3_: en grant amour.

P. 180, l. 13: le roy des ribaus.--_Ms. B_ 3: le bourreau.

P. 180, l. 20: cesti.--_Ms. B 3_: à cellui là.

P. 180, l. 22: baselaire.--_Ms. B 3_: badelaire.


§ =364=. P. 180, l. 29: Ces nouvelles.--_Ms. d’Amiens_: Encorres estoit
li roys de France à Roem quant ces nouvelles vinrent à monsigneur
Phelippe de Navarre et à monsigneur Godefroy de Harcourt, qui furent
mout courouchiés de ceste avenue, et envoiièrent tantost deffiier le
roy de Franche. Et li manda li dis messires Phelippes de Navarre ensi
que il se gardast bien que il ne fesist morir son frère, et que jammais
n’aroit paix à lui, et que point ne penssast à avoir les villez et
castiaux de Normendie que il tenoit, ensi que il avoit euv la terre au
comte de Ghinnez que il avoit fait morir sans raison, car nulz n’en
aroit. Fº 101 vº.

P. 180, l. 30 et 31: Godefroi de Harcourt.--_Le ms. B 5 ajoute_: oncle
du dit conte de Harcourt. Fº 370.

P. 181, l. 12: amettre de.--_Mss. B 3, 5_: mettre à. Fº 179 vº.

P. 181, l. 13 et 14: aucunement.--_Mss. B 3, 4, 5_: villainement.

P. 181, l. 16: sons.--_Mss. B 3, 4_: sommes. Fº 179 vº.

P. 181, l. 20: ne au nostre.--_Ms. B 5_: ne autre. Fº 370 vº.

P. 181, l. 30: cinq.--_Ms. B 3_: six.


§ =365=. P. 182, l. 1: pensieus.--_Ms. B 3_: pensif. Fº 179 vº.

P. 182, l. 5 et 6: brisièrent son aïr.--_Ms. B 3_: refrenèrent son yre.

P. 182, l. 6: se.--_Ms. B 3_: son.

P. 182, l. 7 et 8: retorroit.--_Ms. B 3_: retiendroit.--_Ms. B 4_:
roteroit. Fº 166.

P. 182, l. 8: la.--_Ms. B 3_: sa.

P. 182, l. 13: l’oir.--_Ms. B 3_: l’eritier.

P. 182, l. 14: Sakenville.--_Ms. B 3_: Saqueville.--_Ms. B 4_:
Sakeville, fº 166.--_Ms. B 5_: Staukeville. Fº 370 vº.

P. 182, l. 16: passa.--_Ms. B 3_: portoit. Fº 179 vº.--_Ms. B 4_:
porta. Fº 166.

P. 182, l. 25: malaises.--_Ms. B 3_: meschief.

P. 183, l. 5: et sur lui.... gardes.--_Ms. B 3_: et mis en bonnes et
seures gardes.

P. 183, l. 9: entroublier.--_Ms. B 3_: mettre en obly.


§ =366=. P. 183, l. 11: Tantost.--_Ms. d’Amiens_: Tantost apriès ces
deffaultez, messires Phelippe de Navarre et messires Ghodeffroix de
Harcourt fissent grant guerre et forte en Normendie, et saisirent tous
les castiaux que li roys de Navarre y tenoit, et y missent gens de par
yaux; et puis passèrent le mer et vinrent en Engleterre compter leur
fait au roy d’Engleterre, et fissent grans allianchez à lui, et li rois
à yaux. Et fu adonc ordonnés li dus de Lancastres que il passeroit le
mer à une quantité de gens d’armes et d’archiers et venroit ariver en
Constentin; et se metteroient enssamble li Englès et li Navarrois, et
feroient guerre aspre et dure au royaumme de France, en contrevengant
lez despis que on avoit fais au dit roy de Navare et au comte de
Harcourt. Si retournèrent li dit seigneur de Normendie à Saint Sauveur
le Viscomte, et fissent encore en Normendie pluisseurs alianches as
autres seigneurs de leur linaige. Fº 101 vº.

P. 183, l. 13: pourveirent.--_Ms. B 3_: pourveurent. Fº 179 vº.

P. 183, l. 15: sus entente.--_Ms. B 3_: en entencion.

P. 183, l. 17: Harcourt.--_Ms. B 6_: biel chevalier, lequel estoit
adonc chevalier et compains au duc de Normendie et ly uns des plus
privés qu’il euist. Fº 521.

P. 183, l. 19: dalés.--_Ms. B 3_: avec. Fº 180.

P. 183, l. 20: encoupés.--_Ms. B 3_: encoulpez.

P. 183, l. 26 et 27: leur.... blasmes.--_Ms. B 3_: leur venoit à grant
deshonneur.

P. 183, l. 29: lui traire.--_Ms. B 3_: se tirer. Fº 180.--_Ms. B 4_:
lui retraire. Fº 166 vº.

P. 184, l. 4: sus.--_Ms. B 3_: contre. Fº 180.

P. 184, l. 7 et 8: denrée.--_Ms. B 6_: et prist les enfans du dit conte
de Harcourt; trois jone filz demoret en estoient. Fº 522.

P. 185, l. 1: li uns.--_Ms. B 3_: les uns. Fº 180.

P. 185, l. 2: li aultres.--_Ms. B 3_: les autres.

P. 185, l. 13 et 14: ce present.--_Ms. B 3_: cest offre.

P. 185, l. 29: tiroient.--_Ms. B 3_: traictoient. Fº 180 vº.

P. 186, l. 3: conjoissemens.--_Ms. B 3_: conjonctions. Fº 180 vº.

P. 186, l. 5: conseil.--_Ms. B 6_: Et fu adonc ordonné et acordé que le
duc de Lencastre passerait la mer à cinq cens hommes d’armes et quinze
cens archiés et s’en yroit en Normendie avecq les dessus diz seigneurs
pour faire guerre au roy de Franche. A ches parolles entendy et fist
faire ung mandement et delivra au duc de Lenclastre son cousin cinq
cens hommes d’armes et quinze cens archiés. Et là estoient avecques luy
d’Engleterre le conte de la Marche, le conte de Pennebourc, messire
Jehan le visconte de Biaumont, messire Gautiet de Mauny, le sire de
Moubray, le sire de Ros, le sire de Fil Watier, messire Jehan Boursier,
messire Jehan de Vanthone et pluiseurs aultres chevaliers et escuiers.
Sy montèrent en mer et vinrent ariver en Normandie en Coustantin sur le
pooir de messire Godefroy de Harcourt. Sy commenchèrent bien avant en
Normendie, et ardoient villes et maisons, et firent moult forte guerre
envers l’Assension l’an mil trois cens cinquante six. Fº 523.


§ =367=. P. 186, l. 11: Depuis.--_Ms. d’Amiens_: Entroes se pourvei li
dus de Lancastre de gens d’armes et d’archiers, et avoit en se route
quatre cens hommez d’armes et huit cens archiers. Là estoient avoecq
lui d’Engleterre li comtez de le Marche, li comtes de Pennebruc,
messires Jehans, viscomtez de Biaumont, messires Baucestre, messires
Jehan de Lantonne et pluisseur aultre. Si montèrent en mer à ung port
d’Engleterre que on dist Wincesée, et arivèrent en Normendie et droit à
Chierebourc.

Là estoient messires Phelippes de Navarre, messires Godefroix de
Harcourt et bien mil hommez d’armes. Si se conjoïrent cil seigneur
grandement quant il se trouvèrent, et rafresquirent là quatre jours.
Entroes il se appareillièrent et envoiièrent leurs coureurs devant; si
coummenchièrent à faire une forte guerre, et vinrent ces gens d’armes
faire frontière à Ewruez.

Quant li roys Jehans de France eut entendu que li dus de Lancastre
estoit arivés en Normendie, et là venu sus le conduit à monseigneur
Phelippe de Navarre et à monseigneur Godeffroi de Harcourt, et avoient
jà leurs gens chevauchiet et ars et destruit dou pays de Normendie
environ Kem et en l’evesquié d’Ewrues, si y vot pourveir de remède, et
fist tantost et sans delay ung très especial et grant mandement à estre
à Biauvais et à Poissi sus Sainne, et que nuls ne s’escusast sus se
honneur et à perdre corps et avoir; car il volloit cevaucier sus les
Englèz et les Navarois qu’il tenoit pour ennemis, et yaux combattre.

Au mandement dou roy obeirent tout chevalier et escuier, ce fil
bien raisons; et montèrent amont viers Biauvais, où li mandement se
faisoient, d’Artois, de Vermendois, de Cambresis, de Flandrez, de
Haynnau et de Pikardie. D’autre part, il revenoient de Campagne, de
Barrois, de Lorainne, de Braibant et de Bourgoingne.

Meysmement li roys se parti de Paris cointousement avoecq ses
marescaux, monsigneur Ernoul d’Andrehen et monsigneur Bouchicau, et
s’en vint à Mantez sus Sainne pour mieux moustrer que la besoingne li
touchoit. Et envoya adonc le roy de Navarre, que il avoit fait tenir en
prison dedens Castelet à Paris, à Crievecoeur en Cambresis, une très
forte place, et le delivra as bonnes gardes et leur recarga sus leur
honneur.

Quant le roy de France eut tous ses gens assambléz, si en eut bien
soissante mil, ungs c’autrez, et estoit en grant vollenté de trouver
sez ennemis et d’iaux combattre. Si se mist as camps efforciement au
lés deviers Ewruez, car on li dist que li annemis chevauçoient et
avoient jà passé Vrenuel et Vrenon.

Quant li dus de Lancastre et li autre entendirent cez nouvelles, que
li roys de Franche venoit sus yaux quoitousement et avoit en se routte
plus de soissante mil hommes as armez, si se avisèrent et consillièrent
enssamble, et dissent entr’iaux qu’il n’estoient mies fors assés
pour atendre tel numbre de gens d’armes que li rois menoit; si se
retraissent tout bellement deviers Constentin. Et les pourssuiwirent li
roys et li Franchois par trois jours, et venoient toudis au soir là où
il avoient disné. Fºs 101 vº et 102.

P. 186, l. 12: dus.--_Les mss. B 3 à 5 ajoutent_: Henri.

P. 186, l. 20: recueilla.--_Ms. B 3_: recueillit. Fº 180 vº.--_Mss. B
4_: requella. Fº 167.

P. 186, l. 22 et 23: et devers.--_Ms. B 3_: pour venir.

P. 187, l. 9: Gauville.--_Ms. B 3_: Graville. Fº 180 vº.

P. 187, l. 9 et 10: Carbeniaus.--_Ms. B 3_: Carbonneau.--_Ms. B 4_:
Carbonniaux.--_Ms. B 5_: Carboniau. Fº 371.

P. 187, l. 12: Foudrigais.--_Ms. B 3_: Foudrigas.

P. 187, l. 12: de Segure.--_Ms. B 3_: de Seure.

P. 187, l. 13: François.--_Ms. B 4_: Franchois. Fº 167.

P. 187, l. 18: Aquegni.--_Ms. B 3_: Aquegnyes.

P. 187, l. 20: essil.--_Ms. B 3_: exil.

P. 187, l. 22: qui n’en attendoit.--_Ms. B 3_: qui ne doubtoit.

P. 187, l. 23: jetté.--_Ms. B 3_: mis.

P. 188, l. 7: Vrenon.--_Mss. B 3, 4_: Vernon. Fº 181.

P. 188, l. 9: Vrenuel.--_Ms. B 3_: Vernueil.

P. 188, l. 16 et 17: aprendre dou couvenant.--_Ms. B 3_: savoir des
nouvelles. Fº 181.

P. 188, l. 18: entours.--_Ms. B 3_: autour de.--_Ms. B 4_: entour. Fº
167 vº.

P. 188, l. 25: ou droit esclos.--_Ms. B 3_: tout ès flotz.

P. 189, l. 9: aigrement.--_Ms. B 3_: hastivement.

P. 189, l. 13: comparer.--_Ms. B 3_: comprer.

P. 189], l. 16: l’Aigle.--_Ms. B 3_: l’Agle.

P. 189, l. 24: en uns biaus plains.--_Ms. B 3_: en ung beau plain.

P. 190, l. 2: trop.--_Ms. B 3_: très.

P. 190, l. 24: Carbeniaus.--_Ms. B_ 3: Carbonneau.

P. 190, l. 25: de Segure.--_Ms. B 3_: de Seure.

P. 190, l. 25: Foudrigais.--_Ms. B 4_: Soudrigans. Fº 168.

P. 190, l. 26: de Spargne.--_Ms. B 3_: d’Espaigne. Fº 181 vº.

P. 190, l. 26: Fallemont.--_Ms. B 4_: Sallemont. Fº 168.

P. 190, l. 28: Radigos.--_Ms. B 4_: Rodiges.

P. 191, l. 18: très.--_Ms. B 3_: dès. Fº 181 vº.


§ =368=. P. 191, l. 24: Li rois.--_Ms. d’Amiens_: Quant li roys de
Franche vei que nuls n’en aroit et qu’il fuioient devant lui, si laissa
le cache et s’en vint mettre le siège devant le ville et le chité
d’Ewruez. A Ewrues a ville, chité et castiel, qui pour le tens se
tenoit dou roy de Navarre. Et en estoit chappittainne ungs chevaliers
de Navare, qui s’appelloit messires Jehans Carbeniaux, apers hommes
d’armes durement. Si assega li roys de France enssi Ewruez et y fist
pluisseurs grans assaux et fors, et constraindi moult chiaux de le
ville.

En ce tamps que li siègez se tenoit devant Ewruez, chevauchoit en le
Basse Normendie, environ Pontourson, messires Robers Canollez, qui jà
estoit mout renoumméz, et tenoit grant route et tiroit à venir deviers
le duch de Lancastre pour renforchier leur armée, et avoit bien trois
cens combatans englès, allemans et gascons, qui li aidoient à gueriier.
Quant il entendi que li dus de Lancastre estoit retrès, et messires
Phelippes de Navare, si se retraist ossi et s’en vint asegier, entre
Bretaingne et Normendie, un castiel que on appelloit Danfronth.

Li roys Jehans de Franche, qui se tenoit devant Ewruez, fist tant que
cil de le ville d’Ewruez li ouvrirent leurs portez, et entrèrent ses
gens dedens, mès pour ce n’eurent il mies le chité ne le castiel; car
les gens d’armes navarois se retraissent layens et se deffendirent
mieux que devaut, et s’i tinrent depuis moult longement, tant qu’il
coummenchièrent moult à afoiblir de pourveances. Quant il virent qu’il
ne seroient reconforté de nul costé, et que li roys de France ne se
partiroit point de là, si les aroit, si coummenchièrent à tretiier
deviers les marescaux. Et se portèrent tretiet enssi que il se
partiroient, cil qui partir se voroient, le leur devant yaux, et non
plus ne autrement, et se trairoient quel part qu’il voroient. Li roys
de Franche, qui là se tenoit à grant frait, leur acorda, car encorrez y
avoit fuisson de castiaux à prendre, dont se partirent messires Jehans
Carbeniaux et li Navarroix, et se traissent tout dedens le fort castiel
de Bretoeil. Et li roys de Franche fist prendre le possession de Ewrues
par ses marescaux. Fº 102.

P. 191, l. 27: devant.--_Mss. B 3, 4_: devers. Fº 181 vº.

P. 191, l. 27: d’Evrues.--_Mss. B 4, 5_: d’Ewrues. Fº 168.

P. 192, l. 2: le poursieute.--_Ms. B 3_: la poursuite.

P. 192, l. 6: avant.--_Mss. B 3, 4_: devant.

P. 192, l. 10: assés.--_Le ms. B 3 ajoute_: de nouvelle.

P. 192, l. 15: apressé.--_Ms. B 3_: oppressez.--_Ms. B 4_: appressés.
Fº 168.

P. 192, l. 18: le.--_Ms. B 4_: les.

P. 192, l. 18: si.... prist.--_Ms. B 3_: conseillé de les prendre à
mercy.

P. 193, l. 1: apressé.--_Ms. B 3_: oppressez. Fº 182.

P. 193, l. 8: Carbiniel.--_Mss. B 3, 4_: de Carbonnel.

P. 193, l. 9: Guillaume de Gauville.--_Ms. B 6_: Et trop bien le
garda et le deffendy messire Carbeniaus, et ossy messire Pière de
Sakenville, qui y sourvint à tout quarante lanches. Encores estoit le
duc de Lenclastre, messire Phelippe de Navare et messires Godefrois de
Harcourt, en Normendie; et gerrioient le pais vers Pontoise et devers
Bretaigne, et y firent en ce tamps moult de damaige. D’aultre part,
avoit une grant guerre sur le pais de Bretaigne, entre Auvergne et
Limosin, qui se commença à monter, que on appelloit Robert Canolle, et
gerrioit et rançonnoit durement le pais. Fº 528.

P. 193, l. 9: Gauville.--_Ms. B 3_: Graville. Fº 182.

P. 193, l. 9: sist.--_Ms. B 3_: demoura.

P. 193, l. 14: sauvement traire.--_Ms. B 3_: aller à sauveté.

P. 193, l. 26: reut.--_Ms. B 3_: reeut.

P. 193, l. 28: Gauville.--_Ms. B 3_: Graville.


§ =369=. P. 193, l. 30: Apriès.--_Ms. d’Amiens_: Et puis alla (le roi
Jean) par devant le castiel de Routtez; se n’y furent que six jours
quant il se rendirent. Et de là endroit li roys de Franche et ses gens
vinrent devant le fort castiel de Bretuel; si le assegièrent de tous
costéz, car on le poet bien faire pour tant qu’il siet à plainne terre.
Si y fist li roys de France amener des grans enghiens de le chité de
Roem, et les fist lever devant le forterèche. Et jettoient chil enghien
jour et nuit au dit castiel et moult le grevèrent, mèz cil qui dedens
estoient, se tinrent comme vaillans gens.

Dou dit castiel de Bretuel estoit souverains et cappittainnes, de par
le roy de Navarre, uns très bons escuiers navarois qui s’appelloit
Sansses Lopins. Chilz tint, deffendi et garda la fortrèce contre lez
Franchois plus de sept sepmainnez. En ce terme et priès chacun jour y
avoit pluisseurs assaux et moult d’escarmuches et des grans appertisses
d’armes faittes. Et furent tout empli li fossé de environ le fortrèce,
de bos et de velourdez que on y fist par les villains dou pays amenner
et chariier rés à rés de la terre. Et quant on eut cela fait, on fist
lever et carpenter ung grant escaufaut et amener à roez jusquez as murs
dou dit castel; et avoit dedens deux cens qui se vinrent combattre main
à main à chiaux de dens. Là veoit on tout le jour grans appertisses
d’armes. Finablement, chil de dens trouvèrent voie et enghien, par quoy
chilz escauffaux fu tous desrous; et y eut perdu de chiaux de dedens
pluisseurs bonnes gens d’armez, dont che fu dammaigez. Si les laissa
on ester de cel assaut, et lez constraindi ºn d’autrez enghiens qui
jettoient pierres et mangonniaux nuit et jour à le dite fortrèce. Fº
102.

P. 194, l. 1: par devant.--_Ms. B 3_: par devers.

P. 194, l. 2: siège.--_Ms. B 6_: Dou dit castiel de Bretuel estoit
souverain capitaine de par le roy de Navare ung très bon escuiers
navarois, qui s’apelloit Sanses Lopins. Chil deffendy et garda le
fortresse plus de douze sepmaines. Fº 525.

P. 194, l. 4: plentiveus.--_Ms. B 3_: plantureux. Fº 182.--_Ms. B 4_:
plentureux. Fº 168 vº.

P. 194, l. 11: livrées.--_Mss. B 3, 4_: livres.

P. 194, l. 12: homs.--_Ms. B 3_: vassal et homme subget.

P. 194, l. 14: dan.--_Ms. B 3_: damp.

P. 194, l. 15: Chastille.--_Mss. B 3, 4_: Castille.

P. 194, l. 17: saus.--_Ms. B 3_: saultz.--_Ms. B 4_: sauls.

P. 194, l. 20: soutillier.--_Ms. B 3_: subtilizer.

P. 194, l. 23: yaus.--_Ms. B 3_: à leurs adversaires.

P. 194, l. 28: berfroit.--_Ms. B 3_: beufroit.--_Ms. B 4_:
bierefroit.--_Ms. B 5_: beffroy. Fº 372 vº.

P. 195, l. 1: cat.--_Ms. B 3_: chat.

P. 195, l. 2: Entrues.--_Ms. B 3_: Cependent. Fº 182 vº.

P. 195, l. 5: reverser.--_Ms. B 3_: renverser.

P. 195, l. 5 et 6: estrain.--_Ms. B 3_: paille.

P. 195, l. 10: bierefroi--_Ms. B 3_: beufroy.

P. 195, l. 19: cel berfroi.--_Ms. B 4_: ce biaufroy. Fº 169.

P. 195, l. 29 et p. 196, l. 10: Et de.... cose.--_Toute cette fin du_ §
369 _manque dans le ms. B 5._

P. 195, l. 28: ensonniièrent.--_Ms. B 3_: mirent en neccessité.

P. 195, l. 30: ou toit.--_Ms. B 3_: au cuyr.--Ms. B 4: ou cuier.

P. 196, l. 8: à tous lés.--_Ms. B 3_: de tous coustés.


§ =370=. P. 196, l. 11: En ce temps.--_Ms. d’Amiens_: Li prinches de
Galles se tenoit en le chité de Bourdiaux et eut desir de chevauchier
en Franche si avant que de passer le rivierre de Loire, et de venir
en Normendie deviers son cousin le duc de Lancastre, qui faisoit la
guerre pour les Navarrois, car bien estoit informés et segnefiés que
il avoit grans aliances entre le roy son père et monseigneur Phelippe
de Navarre. Si fist tout le temps ses pourveancez de touttez coses.
Et quant li Sains Jehans aprocha, que li bleds sont sur le meurir et
qu’il fait boin hostoiier, il se parti de Bourdiaux à belle compaignie
de gens d’armes, trois mille armures de fier, chevaliers et escuiers,
tant d’Engleterre comme de Gascoingne, car d’estraigniers y eut petit,
et estoient quatre mille archiers et six mille brigans de piet.

Or vous voeil compter les plus grant partie des seigneurs qui en ceste
chevauchie furent, et premierement d’Engleterre: li comtez de Warvich,
li comtes de Sufforch (chil estoient li doy marescal de l’hoost), et
puis li comtes de Sallebrin et li comtes d’Askesufforch, messires
Renaux de Gobehen, messires Richars de Stamfort, messires Jehans
Camdos, messires Bietremieux de Broues, messires Edouars Despenssiers,
messires Estievenes de Gouseigon, li sires de le Warre, messirez Jamez
d’Audelée, messires Pières d’Audelée, ses frèrez, messires Guillaume
Fil Warine, li sirez de Bercler, li sires de Basset, li sires de
Willebi; Gascons: li sires de Labret, lui quatrime de frèrez, messires
Ernaut, messires Ainmemon, et Bemardet li mainnés, li sirez de Pumiers,
lui tiers de frèrez, messires Jehans, messires Helies et messires
Ainmemons, li sirez de Chaummont, li sirez de l’Espare, li sirez de
Muchident, messires Jehans de Grailli, cappittainnes de Beus, messires
Aimeris de Tarse, li sirez de Rosem, li sirez de Landuras, li sirez de
Courton. Et encorres y furent d’Engleterre messires Thummas de Felleton
et Guillaummes, ses frères, et li sirez de Braseton. Et se y furent li
sires de Salich et messires Danniaux Pasèle; et de Haynnau: messires
Ustasses d’Aubrechicourt et messires Jehans de Ghistellez. Encorrez y
eut pluisseurs chevaliers et escuiers que je ne puis mies tout noummer.
Si se departirent de le chité de Bourdiaux à grant arroy, et avoient
très grant charroy et grosses pourveanches de tout ce que il besongnoit
à gens d’armes. Et chevauçoient li seigneur à l’aise de leurs cevaux
trois ou quatre lieuwez par jour tant seullement, et entrèrent en ce
bon pays d’Aginois et s’adrechièrent pour venir vers Rochemadour et en
Limozin, ardant et essillant le pays. Et quant il trouvoient une crasse
marce, il y sejournoient trois jours ou quatre, tant qu’il estoient
tout rafresci et leurs chevaux. Et puis si chevauchoient plus avant et
envoioient leurs coureurs courir et fourer le pays entours yaulx bien
souvent dix lieuwez de large à deux costés. Et quant il trouvoient
bien à fourer, il demoroient deux jours ou troix et ramenoient en
leur host grant proie de touttez bestes, dont il estoient bien servi;
et largement trouvoient de vins plus qu’il ne leur besongnast, dont
il faisoient grant essil. Ensi chevaucièrent tant par leurs journées
qu’il entrèrent en Limozin; si trouvèrent le pays bon et gras, car, en
devant ce, il n’y avoit euv point de guerre.

Ces nouvellez vinrent au roy de France, qui se tenoit devant Evrues,
coumment li Englèz li ardoient et essilloient son pays. Si en fu
durement courouchiéz, et se hasta moult d’assaillir et constraindre
ciaux du castiel d’Evruez, affin que plus tost il pewist chevauchier
contre ses ennemis. Tant lez appressa li roys Jehans, que messires
Jehans Carbiniaux, cappitaines d’Evrues, rendi le dit castiel parmy che
qu’il s’en pooit partir, lui et li sien, sauvement et sans peril, et
portèrent tout ce qui leur estoit. A ce tretié s’acorda li roys Jehans
plus legierement pour ce qu’il volloit chevauchier ailleurs; si prist
le fort castiel d’Evrues et envoya dedens son marescal monseigneur
Ernoul d’Audrehen pour ent prendre le saisinne, et mist ung chevalier
à cappittainne de par lui, de Kaus, qui s’appelloit messire Tournebus.
Et puis deffist son siège et s’en revint à Roem, et ne donna à nullui
congiet, car il volloit ses gens emploiier d’autre part. Si ne sejourna
gairez à Roem, mèz s’en vint à Paris. Fº 102 vº.

Or avint que li sirez de Montegny en Ostrevant, qui s’appelloit Robers,
li et uns siens escuiers qui se noummoit Jakemez de Winclez allèrent
un jour à heure de relevée esbattre sus ces terréez autour dou castiel
pour adviser et regarder le fortrèce. Si allèrent trop follement, car
il furent apercheu de ciaux de le garnison; si yssirent hors aucuns
compaignons par une posterne qui ouvroit sus lez fossés. Là furent
assailli li sirez de Montegny et sez escuiers, et combatu tellement que
pris li sirez et mors li escuiers: de laquelle prise li roys Jehans fu
durement courouchiés, mès amender ne le peult tant qu’à ceste fois.
Ne demoura gairez de tamps apriès que chil de dedens eurent consseil
d’iaux rendre, sauve leurs viez et le leur, car il virent bien qu’il
ne seroient secouru ne comforté de nul costé. Si tretiièrent deviers
le roy Jehan si doucement qu’il lez prist à merchy, et se partirent
sans dammaige du corps, mès il n’enportèrent riens dou leur, et si
rendirent tous leurs prisonniers: parmy ce rendaige fu li sirez de
Montegny delivrés. Enssi eult li roys Jehans le fort castel de Bretuel,
que li Navarois avoient tenu contre li moult vaillamment. Si emprist li
dis roys le saisinne et possession, et le fist remparer et y mist gens
et gardez de par lui, et puis se retraist devers le chité de Chartrez
et touttes ses hoos pour yaux rafrescir. Or parlerons dou prince de
Galles, et d’un grant esploit d’armez et haute emprise qu’il fist en
celle saison sus le royaumme de France. Fº 102.

P. 196, l. 12: se departi.--_Ms. B 6_: Le prinche de Galles se tenoit
à Bourdiau et eult desir de chevauchier en Franche et sy avant, che
disoit, que de passer la rivière de Loire et venir en Normendie devers
son cousin le duc de Lenclastre et monseigneur Phelippe de Navare,
pour aydier à reconquerre les castiaulx perdus que le roy Jehan avoit
pris sur l’irtaige du roy de Navare. Sur celle entente et en celle
meisme saison que le roy de Franche avoit mis le siège devant Bretuel,
environ le Saint Jehan Baptiste l’an mil trois cens cinquante six que
les blés et les avaines sont meurs à camps et qu’il fait bon ostoiier
pour hommes et pour chevaulx, sy party le dit prinche de Bourdiaus à
belle compaignie de gens d’armes, trois mille lanches de chevaliers et
d’escuiers de Gascongne et de Engleterre et quatre mille archiés et
cinq mille bidaus et brigans de piet.

Or vous voel jou nommer la plus grant partie des signeurs qui en
che voiaige furent, et prumiers: d’Engleterre, le conte de Wervich,
le conte de Sallebry, le conte de Sufort, le conte d’Asquesouffort,
messire Renaus de Gobehem, messire Richart de Stanfort, messire Jehan
Candos, messire Bertran de Bruch, le droit sire Despensier, messire
Edouart, messire Estiène de Gonsenton, messire Gillame Fil Warine,
messire James, messire Pières d’Audelée, le sire de le Ware, le sire
de Willeby, le sire de Berclo, messire Thomas et messire Guillaume de
Fellton, le sire de Brasertons; et de cheulx de Gascongne: le sire
de Labret, luy quatrième de frères, messire Ernault, messire Amemons
et Bernaudet le maisné, le sire de Pumiers, luy troisième de frères,
messire Jehan, messire Helies et messire Ammemons, le sire de Caumont,
le sire de Lespare, messire Jehan de Grailly le capital de Beus,
messire Aimery de Tharse, le sire de Muchident, le sire de Condon, le
sire de Salich, messire Daniaus Pasèle; et deus chevaliers de Haynau:
messire Eustasses d’Aubrechicourt, messire Jehan de Ghistellez, et
pluiseurs aultres chevaliers que escuiers, que je ne puis mies tous
nommer. Et se partirent de Bourdiaus en grant arroy et en bonne
conduite. Et estoient marisal de l’ost le conte de Wervich et le conte
de Suffort, et avoient très grant caroy et très belles pourveanches. Si
chevauchèrent chil signeurs et leur ost à petite[s] journées à l’aise
de leurs chevaulx, et s’esploitèrent tant qu’il entrèrent en Berry, où
il trouvèrent bon pais et cras; se s’y arestèrent et sy commenchièrent
à faire moult de desroy. Fºs 528 à 530.

P. 196, l. 13: sus Garone.--_Ms. B 3_: sur Gironde. Fº 182 vº.

P. 196, l. 14: pourveances.--_Ms. B 3_: provisions.

P. 196, l. 17: et.... Bretagne.--_Ms. B 3_: devers les frontières de
Navarre.

P. 196, l. 19: li rois.--_Le ms. B 3 ajoute_: d’Angleterre.

P. 196, l. 21: istance.--_Ms. B 3_: entention.

P. 196, l. 23: parmi.--_Ms. B 3_: sans.

P. 197, l. 2: Bregerach.--_Ms. B 3_: Bragerac.

P. 197, l. 2: et puis.... Roerge.--_Ms. B_ 3: et puis entrèrent ºu pais
de Rouergue.

P. 197, l. 8: essilliet.--_Ms. B 3_: exillé.

P. 197, l. 8: Auvergne.--_Ms. B 4_: Avergne. Fº 169.

P. 197, l. 10: d’Allier.--_Ms. B 5_: d’Aliec. Fº 372 vº.

P. 197, l. 13: Des.... trouvoient.--_Ms. B 4_: De vivres recouvroient
tant li Englès et li Gascon que il....

P. 197, l. 18: efforciement.--_Ms. B 3_: à grant puissance. Fº 183.

P. 197, l. 27: Montegni.--_Ms. B 3_: Montigny.

P. 197, l. 27: Ostrevant.--_Ms. B 6 ajoute_: qui estoit biau chevalier,
preu et hardis. Fº 525.

P. 197, l. 31: au matin.--_Ms. B 3_: devers le matin.

P. 197, l. 32: perceu.--_Ms. B 3_: aparceuz.--_Ms. B 4_: percheu. Fº
169 vº.

P. 198, l. 3 et 4: deffendirent.--_Le ms. B 3 ajoute_: vaillamment.

P. 198, l. 5: conforté.--_Ms. B 3_: secouruz.

P. 198, l. 6: peril.--_Ms. B 3_: dangier.

P. 198, l. 8: parmi.--_Ms. B 6_: le roielle du genoul. Fº 526.

P. 198, l. 15 et 16: confors.--_Ms. B 3_: secours.

P. 198, l. 20: tanés.--_Ms. B 3_: ennuyé. Fº 183.--_Ms. B 5_: tenné. Fº
373.

P. 198, l. 24: yaus.--_Ms. B 6_: sur leur chevaulx. Et ensy fu le
castiel de Bretuel pris, et rendirent le sire de Montigny qui maisement
avoit esté poursongniés et medechinés de se blechure en prison: dont il
demora afollés d’une gambe, tant qu’il vesqui. Fº 527.

P. 198, l. 25: Chierebourch.--_Ms. B 3_: Cherbourg.

P. 198, l. 26: conduit.--_Ms. B 3_: leur saufconduit.

P. 198, l. 27: le saisine.--_Ms. B 3_: la possession.

P. 198, l. 30: les pensoit.... part.--_Ms. B 5_: avoit entencion de les
emploier assez briefment. Fº 373.




SUPPLÉMENT AUX VARIANTES.


Le texte que nous publions ci-après comme supplément aux variantes de
ce volume, est fourni par les mss. A ou mss. de la première rédaction
proprement dite[302]; il correspond à cette partie des mss. B ou mss.
de la première rédaction revisée où Froissart raconte les événements
compris entre les années 1350 et 1356, c’est-à-dire aux paragraphes
321 à 370 inclusivement. Ce texte n’est que la reproduction, parfois
abrégée[303], le plus souvent littérale[304], des Grandes Chroniques de
France, à tel point que le savant qui voudra donner un jour une édition
critique de ce dernier ouvrage, devra comprendre cette partie des mss.
A dans son travail de classification et de collation. Toutefois, comme
le fragment emprunté aux Grandes Chroniques par les mss. A, qui sont
au nombre de 40, est devenu en quelque sorte partie intégrante de ces
manuscrits, comme il figure à ce titre dans les éditions de Vérard, de
Sauvage, de Dacier, et même dans la première édition de Buchon, il a
semblé indispensable de le reproduire, au moins comme supplément, dans
une édition complète des Chroniques de Froissart.

      [302] Voyez l’introduction au premier livre, en tête du t. I de
      notre édition, p. XXXI à XLIII.

      [303] Cf. l’édition de M. P. Paris, in-12, Paris, Techener, 1837
      et 1838, t. V, p. 491, 492, 494 et 495.

      [304] Cf. l’édition précitée, t. VI, p. 1 à 31.


§§ =321= à =370=.--_Mss._ A[305]: En l’an mil trois cens cinquante, en
l’entrée du mois d’aoust, se combati monseigneur Raoul de Caours et
plusieurs autres chevaliers et escuiers jusques au nombre de six vingt
hommes d’armes ou environ, contre le capitaine du roy d’Engleterre en
Bretaigne appellé messire Thomas d’Augorne, anglois, devant un chastel
appelé Auroy. Et fu le dit messire Thomas mort, et toutes ses gens
jusques au nombre de cent hommes d’armes ou environ.

      [305] Le texte qui suit est établi d’après le ms. A 7 (nº 2655 de
      la Bibl. nat.), que nous considérons comme l’un des plus anciens
      et meilleurs manuscrits de la première rédaction proprement dite;
      dans les passages défectueux, nous l’avons collationné avec le
      ms. des Grandes Chroniques de France qui a appartenu à Charles V
      (nº 2813 de la Bibl. nat.).

Item, au dit an trois cens cinquante, le dymenche vingt deuxième jour
du dit mois d’aoust, le dit roy de France mourut à Nogent le Roy près
de Coulons; et fu apporté à Nostre Dame de Paris. Le jeudi ensievant,
fut enterré le corps à Saint Denis, au costé senestre du grant autel;
et les entrailles en furent enterrées aus Jacobins de Paris; et le cuer
fu enterré à Bourfontaine en Valois.

Item, ou dit an, le vingt sixième jour de septembre, un jour de
dimenche, fu sacré à Reins le roy Jehan, ainsné filz du dit roy
Phelippe. Et aussi fu couronnée le dit jour la royne Jehanne, femme
au dit roy Jehan. Et là fist le dit roy chevaliers, c’est assavoir
Charles son ainsné, dalphin de Vienne, Loys, son second filz, le conte
d’Alençon, le comte d’Estampes, monseigneur Jehan d’Artoys, messire
Phelippe, duc d’Orliens, frère du dit roy Jehan et duc de Bourgoingne,
filz de la dite royne Jehanne de son premier mari, c’est assavoir
de monseigneur Phelippe de Bourgoingne, le comte de Dampmartin et
plusieurs autres. Et puis se parti le dit roy de la dite ville de Reins
le lundi au soir et s’en retourna à Paris par Laon, par Soissons et par
Senlis. Et entrèrent les diz roy et royne à Paris à très belle feste
le dimanche dix septième jour d’octobre après ensievant après vespres;
et dura la feste toute celle sepmaine. Et puis demora le roy à Paris
à Neelle au Palais jusques près de la Saint Martin ensievant, et fist
l’ordenance de son parlement.

Item, le mardi seizième jour de novembre après ensievant, Raoul, conte
d’Eu et de Guines, conestable de France, qui nouvellement estoit
venu d’Engleterre, de sa prison en laquelle il avoit esté depuis l’an
quarante six qu’il avoit esté pris à Caen, fors tant qu’il avoit esté
eslargi pour venir en France par plusieurs fois, fu pris en l’ostel
de Neelle à Paris, là où le dit roy Jehan estoit, par le prevost de
Paris, du commandement du roy; et ou dit hostel de Neelle fu tenu
prisonnier jusques au jeudi ensievant dix huitième jour du dit mois
de novembre. Et là, à heures de matines dont le vendredi adjourna, en
la prison là où il estoit, fu decapité, presens le duc de Bourbon, le
conte d’Armignac, le conte de Monfort, monseigneur Jehan de Boulongne,
le seigneur de Revel et plusieurs autres chevaliers et autres qui, du
commandement du roy, estoient là: lequel estoit au Palais. Et fu le
dit connestable decapité pour très grans et mauvaises traisons qu’il
avoit faites et commises contre le dit roy de France Jehan, lesquelles
il confessa en la presence du duc d’Athènes et de plusieurs autres de
son lignage. Et en fu le corps enterré aus Augustins de Paris hors du
moustier, du commandement du dit roy, pour l’onneur des amis du dit
connestable.

Item, ou mois de janvier après ensuiant, Charles de Espaigne, à qui le
dit roy Jehan avoit donné la conté d’Angolesme, fu fait par celui roy
connestable de France.

Item, le premier jour d’avril après ensuiant, se combati monseigneur
Guy de Neelle, mareschal de France, en Xantonge à plusieurs Anglois et
Gascons; et [fu[306]] le dit mareschal et sa compaignie desconfiz. Et y
fu pris le dit mareschal, messire Guillaume son frère, messire Ernoul
[d’Audrehen[307]] et plusieurs autres.

      [306] Ms. 2813, fº 393 vº.--Ms. 2655, fº 166: «fust».

      [307] Ms. 2813.--Ms. 2655: «d’Audechon».

Item, le jour de Pasques flouries qui furent le dixième jour d’avril
l’an mil trois cens cinquante, fu presenté à Gille Rigaut de Roici, qui
avoit esté abbé de Saint Denis, et de nouvel avoit esté fait cardinal,
le chappeau rouge, au Palais, à Paris, en la presence du dit roy Jehan,
par les evesques de Laon et de Paris, et par mandement du pape fait
à eulz par bulle: ce qui n’avoit point acoustumé à estre faiz autres
foiz, mais fu par la prière du dit roy Jehan.

Item, en ycelui an mil trois cens cinquante un, ou moys de septembre,
fu recouvrée des François la ville de Saint Jehan d’Angeli que les
Anglois avoient tenue cinq ans ou environ; et fu rendue par les gens
du roy anglois, pour ce qu’ilz n’avoient nulz vivres, et sans bataille
aucune.

Item, en ycelui an mil trois cens cinquante un, ou mois d’octobre, fu
publiée la confrairie de la Noble Maison de Saint Oin près de Paris
par le dit roy Jehan. Et portoient ceulz qui en estoient chascun une
estoille en son chaperon par devant [ou[308]] en son mantel.

      [308] Ms. 2813, fº 393 vº.--Ms. 2655, fº 166 vº (lacune).

Item, en ycelui an cinquante un, fu la plus grant chierté de toutes
choses que homme qui vesquist lors eust onques veue, par tout le
royaume de France, et par especial de grains; car un sextier de froment
valoit à Paris par aucun temps en la dite année huit livres parisis, un
sextier d’avoine soixante sous parisis, un sextier de pois huit, et les
autres grains à la value.

Item, en ycelui an, ou dit mois d’octobre, le jour que la dite
confrarie seist à Saint Oin, comme dit est, fu prise la ville de Guines
des Anglois durans les trèves.

Item, en ycelui an, fu fait le mariage de monseigneur Charles
d’Espaigne, lors connestable de France, auquel le dit roy Jehan avoit
donné la conté d’Angolesme, et de la fille de monseigneur Charles de
Blois duc de Bretaigne.

En l’an mil trois cens cinquante deux, la veille de la Nostre Dame en
aoust, se combati monseigneur Guy de Neelle, seigneur d’Offemont, lors
mareschal de France, en Bretaigne. Et fu le dit mareschal occis en la
dite bataille, le sire de Briquebec, le chastellain de Beauvais et
plusieurs autres nobles, tant du dit pais de Bretaigne comme d’autres
marches du royaume de France.

Item, en ycelui an trois cens [cinquante deux[309]], le mardi quatrième
jour de decembre, se dot combatre à Paris un duc d’Alemaigne appellé
le duc de Bresvic contre le duc de Lencastre, pour paroles que le dit
duc de Lencastre devoit avoir dittes du dit duc de Bresvic: dont il
appella en la court du roy de France. Et vindrent le dit jour les deux
ducs dessus nommez en champ touz armés pour combatre en unes lices qui
pour celle cause furent faites ou Pré aus Clers, l’Alemant demandeur
et l’Anglois deffendeur. Et jà soit ce que le dit Anglois fust ennemi
du dit roy Jehan de France, et que par sauf conduit il fust venu soy
combatre pour garder son honneur, toutesvoies le dit roy de France ne
souffri pas qu’i[l] se combatissent. Mais depuis qu’ilz orent fait les
seremens, et qu’ilz furent montés à cheval pour assembler, les glaives
ès poings, le roy prist la besoingne sur lui et les mist à acort.

      [309] Ms. 2813, fº 394.--Ms. 2655, fº 166 vº (lacune).

Item, en icelui an trois cens cinquante deux, le jeudi sixième jour
de decembre, mourut le pape Clement VIe à Avignon, lequel estoit en
l’onzième an de son pontificat.

Item, le mardi du dit mois de decembre, fu esleu en pape, environ
heure de tierce, un cardinal limosin que l’on appeloit par son tiltre
[de cardinal[310]] le cardinal d’Ostie; mais pour ce qu’il avoit esté
evesque de Cleremont, l’en appelloit plus communement le cardinal de
Clermont. Et fu appellé Innocent; et par son propre nom estoit appelé
messire Estienne Aubert.

      [310] Ms. 2813, fº 394 vº.

Item, l’an mil trois cens cinquante trois, le huitième jour de janvier,
assés tost après le point du jour, monseigneur Charles, roy de Navarre,
et conte d’Evreux, fist tuer en la ville de l’Aigle en Normendie,
en une hostellerie, monseigneur Charles d’Espaigne, [lors[311]]
connestable de France. Et fu le dit connestable tué en son lit par
plusieurs gens d’armes que le dit roy de Navarre y envoia: lequel
demora en une granche au dehors de la dite ville de l’Aigle jusques à
ce que ceulz qui firent le dit fait retournèrent par devers lui. Et
en sa compaignie estoient, si comme l’en disoit, messire Phelippe de
Navarre son frère, messire Jehan conte de Harecourt, son frère messire
Loys de Harecourt, messire Godeffroy de Harecourt leur oncle, et
pluseurs chevaliers et autres de Normendie comme Navarrois et autres.

      [311] Ibid.

Et après se retraist le roy de Navarre et sa compaignie en la cité
d’Evreux dont il estoit conte, et là se garni et enforça. Et avec lui
se alièrent pluseurs nobles, par especial de Normendie, c’est assavoir
les dessus nommés de Harecourt, le seigneur de Hambuie, messire Jehan
Malet seigneur de Graavile, messire Amalry de Meulent et pluseurs
autres.

Et assés tost après se transporta le dit roy de Navarre en sa ville
de Mante, qui jà paravant avoit envoié lettres closes à pluseurs des
bonnes villes du royaume de France et aussi à grant conseil du roy,
par lesquelles il escripvoit qu’il avoit fait mettre à mort le dit
connestable pour pluseurs grans meffais que le dit connestable lui
avoit fais, et envoia le conte de Namur par devers le roy de France à
Paris.

Et depuis le roy de France envoia en la dicte ville de Mante par devers
le roy de Navarre pluseurs grans hommes, c’est assavoir messire Guy
de Bouloingne cardinal, monseigneur Robert Le Coq evesque de Laon, le
duc de Bourbon, le conte de Vendosme et pluseurs autres: lesquielx
traitièrent avec le dit roy de Navarre [et] son conseil. Car jà soit
ce que icelui roy eust fait mettre à mort le dit connestable, si comme
dessus est dit, il ne lui souffisoit pas que le roy de France de qui
il avoit espousé la fille lui pardonnast le dit fait, mais faisoit
pluseurs requestes au dit roy de France son seigneur.

Et cuida l’en bien ou royaume de France que entre les deux rois dessus
dis deust avoir grant guerre; car le dit roy de Navarre avoit fait
grans aliances et grans semonces en diverses regions, et si garnissoit
et enforçoit ses villes et chasteaulz. Finablement, après pluseurs
traittiez, fu fait accort entre les deux roys dessus dis par certainnes
manières dont aucuns des poins s’ensuient. C’est assavoir que le dit
roy de France bailleroit au dit de Navarre vingt huit [mil] livres à
tournois de terre, tant pour cause de certainne rente que ledit de
Navarre prenoit sur le tresor à Paris comme pour autre terre que le
dit roy de France lui devoit asseoir par certains traittiez faiz lonc
temps avoit entre les deux predecesseurs des deux roys dessus dis pour
cause de la conté de Champaigne, tant aussi pour cause de mariage du
dit roy de Navarre qui avoit espousée la fille du dit roy de France:
par lequel mariage lui avoit esté promise certainne quantité de terre,
c’est assavoir douze mil livres à tournois. Pour lesquelles trente
huit mille livres de terre le dit roy de Navarre veult avoir la conté
de Beaumont le Rogier, la terre de Breteul en Normendie, de Conches
et d’Orbec, la vicomté de Pont Audemer et le balliage de Costantin.
Lesquelles choses lui furent accordées par le roy de France, jà soit ce
que la dicte conté de Beaumont et les terres de Conches, de Bretueil
et d’Orbec fussent à monseigneur Phelippe, frère du dit roy de France,
qui estoit duc d’Orleans: auquel duc le dit roy bailla autres terres en
recompensacion de ce.

Oultre couvint accorder au dit roy de Navarre, pour paix avoir, que
les dessus dis de Harecourt et tous ses autres aliez entreroient en sa
foy, se il leur plaisoit, de toutes leurs terres de Navarre, quelque
part qu’elles fussent ou royaume de France; et en aroit le dit roy de
Navarre les hommages, se ilz vouloient, autrement non. Oultre lui fu
accordé que il tendroit toutes les dictes terres avec celles qu’il
tenoit paravant en partie, et pourroit tenir eschiquier deux fois l’an,
se il vouloit, aussi noblement comme le duc de Normendie. Encore lui fu
accordé que le roy de France pardonrroit à tous ceulz qui avoient esté
à mettre à mort le dit connestable, la mort d’icelui. Et ainsi le fist,
et promist par son serement que jamais, pour occasion de ce, ne leur
feroit ou feroit faire vilenie ou dommage. Et avec toutes ces choses
ot encores le dit roy de Navarre une grant somme d’escus d’or du dit
roy de France. Et avant ce que le dit roy de Navarre voulsist venir par
devers le roy de France, il couvint que l’en lui envoiast par manière
d’ostage le conte d’Anjou, second filz du dit roy de France.

Et après ce vint à Paris à grant foison de gens d’armes, le mardi
quatrième jour de mars ou dit an trois cens cinquante trois, vint le
dit de Navarre en parlement pour la mort du dit connestable, comme dit
est, environ heure de prime, et descendi ºu Palais. Et puis vint en
la dicte chambre de parlement, en laquèle estoit le roy en siège et
pluseurs de ses pers de France avec ses gens de parlement et pluseurs
autres de son conseil, et si y estoit le dit cardinal de Bouloingne.
Et en la presence de tous pria le dit roy de Navarre au roy que il lui
voulsist pardonner le dit fait du dit connestable; car il avoit eue
bonne cause et juste d’avoir fait ce qu’il avoit fait: laquelle il
estoit prest de dire au roy lors ou autres fois, si comme il disoit. Et
oultre dist lors et jura que il ne l’avoit fait en [contempt[312]] du
roy ne de son ºffice, et qu’il ne seroit de riens si courroucié comme
d’estre en l’indignacion du roy.

      [312] Ms. 2813, fº 395.--Ms. 2655, fº 167 vº: «comptent».

Et ce fait monseigneur Jacques de Bourbon, connestables de France, du
commandement du roy, mist la main au dit roy de Navarre; et puis si
le fist l’en traire arrière. Et assés tost après Jehanne, ante, et
la royne Blanche, seur du dit roy de Navarre, laquelle Jehanne avoit
esté femme du roy Charles, et la dicte Blanche avoit esté femme du roy
Phelippe derrenier trespassés, vindrent en la presence du roy, et lui
firent la reverence, en eulz enclinant devant lui. Et adonc monseigneur
Regnaut de Trie, dit Patroulart, se agenoulla devant le roy et lui
dist tèles paroles en substance: «Mon très redoubté seigneur, veez cy
mes dames la royne Jehanne, Blanche, qui ont entendu que monseigneur de
Navarre est en vostre male grace, dont elles sont forment courrouciées.
Et pour ce sont venues par devers vous et vous supplient que vous lui
vueilliez pardonner vostre mautalent; et, se Dieu plaist, il se portera
si bien envers vous que vous et tout le pueple de France vous en tenrés
bien contens.»

Les dictes paroles dictes, les dis connestable et mareschalx alèrent
querre le dit roy de Navarre et le firent venir de rechief devant
le roy, lequel se mist ou milieu des dictes roynes. Et adonc le dit
cardinal dist les paroles qui ensuient en substance: «Monseigneur de
Navarre, nul ne se doit esmerveillier se le roy monseigneur s’est
tenu pour mal content de vous pour le fait qui est avenu, lequel
il ne convient jà que je le die; car vous l’avez si publié par vos
lettres et autrement partout que chascun le scet. Car vous estes tant
tenu à lui que vous ne le deussiés avoir fait: vous estes de son sanc
si prochain comme chascun scet; vous estes son homme et son per,
et se avez espousée madame sa fille, et de tant avés plus mespris.
Toutesvoies, pour l’amour de mes dames les roynes qui cy sont, qui
moult affectueusement l’ent ont prié, et aussi pour ce qu’il tient
que vous l’avés fait par petit conseil, il le vous pardonne de bon
cuer et de bonne voulenté.» Et lors les dictes roynes et le dit roy de
Navarre, qui mist le genoul à terre, en [mercièrent[313]] le roy. Et
encore dist lors le dit cardinal que aucun du lignage du roy ºu autre
ne se aventurast d’ores en avant de faire telz fais comme le dit roy de
Navarre avoit fait; car vraiement s’il avenoit, et feust le filz du roy
qui le feist du plus petit officier que le roy eust, si en feroit il
justice. Et ce fait et dit, le roy se leva et la court se departi.

      [313] Ms. 2813, fº 395 vº.--Ms. 2655, fº 168: «merciant».

Item, le vendredi devant la mi quaresme après ensuivant vingt unième
jour de mars, un chevalier banneret de basses marches, appellé messire
Regnaut de Prissegny, seigneur de Marant près de la Rochelle, fu trainé
et puis pendu ou gibet de Paris par le jugement de parlement et de
pluseurs du grant conseil du roy.

Item, l’an mil trois cens cinquante quatre, environ le mois
d’aoust, se reconsilièrent au roy de France les dis conte de Harecourt
et monseigneur Loys son frère, et lui deurent moult reveler de choses,
si comme l’en disoit; et par especial luy devoient reveler tout le
traittié de la mort du dit monseigneur Charles d’Espaingne, jadis
connestable de France, et par qui ce avoit esté.

Et assés tost après, c’est assavoir ou mois de septembre, se parti de
Paris le dit cardinal de Bouloingne et s’en ala à Avignon. Et disoit
l’en communement qu’il n’estoit point en la grace du roy, jà soit ce
que paravant, bien par l’espace d’un an qu’il avoit demouré en France,
il eust esté tous jours avec le roy si privé comme povoit estre d’autre.

Et en ce temps se departi messire Robert de Lorris, chambellan du
roy, et se absenta tant hors du royaume de France comme autre part.
Et disoit l’en communement que, se il ne se feust absenté, il eust
villenie et dommage du corps; car le roy estoit courroucié et moult
esmeu contre luy, mais la cause fu tenue si secrète que pou de gens la
sceurent. Toutesvoies disoit l’en qu’il devoit avoir sceu la mort du
dit connestable avant qu’il feust mis à mort, et qu’il devoit avoir
revelé au dit roy de Navarre aucuns consaulz secrès du roy, et que
toutes ces choses furent revelées au roy par les dis conte de Harecourt
et messire Loys son frère.

Item, assés tost après, c’est assavoir environ le moys de novembre,
l’an cinquante quatre dessus dit, le dit roy de Navarre se parti de
Normendie et se ala latitant en divers lieus jusques en Avignon.

Item, en ycelui moys de novembre, partirent de Paris l’arcevesque de
Rouen, chancellier de France, le duc de Bourbonnès et pluseurs autres,
pour aler en Avignon. Et y alèrent le duc de Lencastre et pluseurs
autres Anglois, pour traittier de paix devant le pape entre les roys de
France et d’Engleterre.

Item, en ycelui mois de novembre, l’an dessus dit, parti le roy de
Paris et ala en Normandie et fu jusques à Caen et fist prendre et
mettre toutes les terres du dit roy de Navarre en sa main et instituer
officiers de par luy et mettre gardes ès chasteaulz du dit roy de
Navarre, excepté en six, c’est assavoir Evreux, le Pont Audemer,
Cherebourc, Gavray, Avranches et Mortaing: lesquels ne lui furent pas
rendus; car il avoit dedens Navarrois qui respondirent à ceulz que le
roy y envoia que ilz ne les rendroient, fors au roy de Navarre leur
seigneur qui les leur avoit bailliés en garde.

Item, ou moys de janvier ensuivant, vint à Paris le dit messire Robert
de Lorris par sauf conduit qu’il ot du roy et demoura bien quinze jours
à Paris avant qu’il eust assés de parler au roy. Et après y parla il,
mais il ne fu pas reconsilié à plain; mais s’en retourna en Avignon
par l’ordenance du conseil du roy pour estre aus traittiez avec les
gens du roy. Et assés tost après, c’est assavoir vers la fin de fevrier
ou dit an, vindrent nouvelles que les trèves, qui avoient esté prises
entre les deux roys jusques en avril ensuivant, estoient esloingniées
par le pape jusques à la Nativité Saint Jehan Baptiste, pour ce que le
dit pape n’avoit peu trouver voie de paix à laquelle les dis tracteurs
qui estoient en Avignon, tant pour l’un roy que pour l’autre, s’i
voulsissent consentir. Et envoia le pape messages par devers les dis
roys sur une autre voie de traittié que celle qui avoit esté pourpalée
autres fois entre les dis tractteurs.

Item, en cel an mil trois cens cinquante quatre, ou moys de janvier,
fist faire le roy de France florins de fin or appellés florins à
l’aignel, pour ce que en la palle avoit un aignel, et estoient de
cinquante deux ou marc. Et le roy en donnoit lors qui furent fais
quarante huit pour un marc de fin or, et deffendi l’en le cours de tous
autres florins.

Item, en ycelui an, du dit moys de janvier, vint à Paris messire
Gauchier de Lor, chevalier, comme messoge du dit roy de Navare, car
devers le roy et parla à luy, et finablement s’en retourna ºu moys de
fevrier ensuivant par devers le dit roy de Navarre et emporta lettres
de saufconduit pour le dit roy de Navarre jusques en avril ensuivant.

Item, en ycelui an, le soir de karesme prenant qui fu le dix septième
jour de fevrier, vindrent pluseurs Anglois près de la ville de Nantes
en Bretaingne, et en entra par eschielles environ cinquante deux dedens
le chastel et le pristrent. Mais messire Guy de Rochefort, qui en
estoit capitainne et estoit en la dicte ville hors du dit chastel, fist
tant par assault et effort que il le recouvra en la nuit meismes; et
furent tous les dis cinquante deux Anglois que mors que pris.

Item, à Pasques ensuivant qui furent l’an mil trois cens cinquante
cinq, le dit roy de France Jehan envoia en Normandie Charles dalphin de
Viennès, son ainsné filz, son lieutenant, et y demoura tout l’esté. Et
luy ottroièrent les gens du pais de Normandie deux mil hommes d’armes
pour trois mois. Et ou mois d’aoust ensuivant ou dit [an] cinquante
cinq, le dit roy de Navarre vint de Navarre et descendi ou chastiel
de Cherebourc en Coustentin, et avec luy environ deux mil hommes, que
uns que autres. Et furent pluseurs traittiés entre les gens du roy de
France, duquel le dit roy de Navarre avoit espousé la fille, et le dit
roy de Navarre. Et envoièrent par pluseurs fois de leurs gens l’un des
dis roys par devers l’autre.

Et cuida [l’en[314]], telle fois fu, vers la fin du dit mois d’aoust,
qu’ilz deussent avoir grant guerre l’un contre l’autre. Et les gens
du dit roy de Navarre, qui estoient ou chasteau d’Evreux, du Pont
Audemer, en faisoient bien semblant, car ilz tenoient et gardoient
moult diligemment les dis chasteaulx, et pilloient le pais d’environ
comme ennemis. Et en vint aucun ou chastel de Conches qui estoit en
la main du roy, et le pristrent et garnirent de vivres et de gens. Et
pluseurs autres choses firent les gens du dit roy de Navarre contre
le roy de France et contre ses gens. Et finablement fu fait acort
entre eulz. Et ala le dit roy de Navarre par devers le dit daulphin
ou chastel du Val de Reul là où il estoit, environ le seizième ou dix
huitième jour de septembre ensuivant; et de là le dit daulphin le mena
à Paris devers le roy. Et le jeudi vingt quatrième jour du dit mois de
septembre, vindrent à Paris devers le roy ou chastel du Louvre. Et là,
en la presence de moult grant quantité de gens et des roynes Jehanne,
ante, et Blanche, seur, du roy de Navarre, fist ycelui roy de Navarre
la reverence au dit roy de France, et s’escusa par devers le roy de
ce qu’il s’estoit parti du royaume de France. Et avec ce dit l’en lui
avoit rapporté que aucuns le devoient avoir blasmé par devers le roy:
si requist au roy qu’il luy voulsist nommer ceulz qui ce avoient fait.
Et après jura moult forment que il n’avoit onques fait chose, après
la mort du connestable, contre le roy que loyaulx homs ne peust et
deust faire. Et noient moins requist au roy qu’i[l] luy voulsist tout
pardonner, et le voulsist tenir en sa grace, et luy promist que il luy
seroit bons et loyaulx, si comme filz doit estre à père et vassal à son
seigneur. Et lors luy fist dire le roy par le duc d’Athènes que il luy
pardonnoit tout de bon cuer.

      [314] Ms. 2813, fº 396.--Ms. 2655, fº 169 (lacune).

Item, en ycelui an mil trois cens cinquante cinq, ala le prince
de Galles, ainsné filz du roy d’Engleterre, en Gascoingne, ou moys
d’octembre, et chevaucha jusques près de Thoulouse et puis passa la
rivière de Garonne et ala à Carcassonne, et ardi le bourc; mais il ne
pot forfaire à la cité, car elle fu deffendue. Et de là ala à Nerbonne,
ardant et pillant le pais.

Item, ycelui an cinquante cinq, descendi le roy [d’Engleterre[315]] à
Calais en la fin du mois d’octembre, et chevaucha jusques à Hedin, et
rompi le parc et ardi les maisons qui estoient ºu dit parc; mais il
n’entra point ou chastel ne en la ville. Et le roy de France, qui avoit
fait son mandement à Amiens, tantost qu’il ot oy nouvelles de la venue
du dit Anglois, se parti de la dicte ville d’Amiens où il estoit, et
les gens qui y estoient avec luy, pour aler contre les Anglois. Mais il
ne l’osa attendre et s’en retourna à Calaiz, tantost qu’il oy nouvelles
que le roy de France aloit vers luy, en ardant et pillant le pais par
lequel il passoit. Si ala le roy de France après jusques à Saint Omer
et luy manda par le mareschal [d’Odeneham[316]] et par pluseurs autres
chevaliers, que il se combatroit au dit Anglois, se il vouloit, corps
à corps ou pooir contre pooir, à quelque jour que il voudroit. Mais le
dit Anglois refusa la bataille et s’en repassa la mer en Angleterre
sans plus faire à celle fois, et le roy s’en retorna à Paris.

      [315] Ms. 2813, fº 396 vº.--Ms. 2655, fº 169 (lacune).

      [316] Ms. 2813.--Ms. 2655, fº 169: «de Douchan.» _Mauvaise leçon._

Item, en ycelui an cinquante cinq, ou mois de novembre, le prince de
Gales, après ce qu’il ot couru le pais de Bordeaux jusques près de
Thoulouse et de là jusques à Nerbonne, et ars, gasté et pillié tout
environ, s’en retorna à Bordeaux à toute la pille et grant foison de
prisonniers, sans ce qu’il trouvast qui aucune chose luy donnast à
faire. Et toutes voies estoient ou paiz pour le roy de France le conte
d’Armignac, lieutenant du roy en la Langue d’oc pour le temps, le conte
de Foix, messire Jaques de Bourbon, conte de Pontieu et connestable de
France et messire Jehan de Clermont, mareschal de France, à plus grant
compaignie la moitié, si comme l’en disoit, que n’estoit le dit prince
de Galles: si en parla l’en forment contre aucuns des dessus nommés qui
là estoient pour le roy de France.

Item, en la Saint Andri, en ycelui an, furent assemblés à Paris,
par le mandement du roy, les prelas, les chapitres, les barons et les
bonnes villes du royaume de France; et leur fist le roy exposer en sa
presence l’estat des guerres, le mercredi après la dicte Saint Andri,
en la chambre de parlement, par maistre Pierre de la Forest, lors
arcevesque de Rouen et chancellier de France. Et leur requist le dit
chancellier pour le roy qu’ilz eussent advis ensemble quel aide ilz
pourroient faire au roy qui feust souffisant pour faire le fait de la
guerre. Et pour ce qu’il avoit entendu que les subgiés du royaume se
tenoient forment à grevez de la mutacion des monnoies, il offri à faire
fort monnoye et durable, mais que l’en luy feist autre aide qui fust
suffisant pour faire sa guerre. Lesquelz respondirent, c’est assavoir
le clergié par la bouche de monseigneur Jehan de Craon, lors arcevesque
de Reins, les nobles par la bouche du duc d’Athènes, et les bonnes
villes par la bouche de Estienne Marcel, lors prevost des marchans à
Paris, qu’ilz estoient tous prests de vivre, de mourir avec le roy
et de mettre corps et avoir en son service, et [requistrent[317]]
deliberacion de parler ensamble, laquelle leur fu octroyée.

      [317] Ms. 2813, fº 397.--Ms. 2655, fº 169 vº: «requièrent.»
      _Mauvaise leçon._

Item, en ycelui an, le lundi veille de la Concepcion Nostre Dame, donna
le roy la duchié de Normandie à Charles, son ainsné filz, daulphin de
Viennes et conte de Poitiers. Et le lendemain jour de mardi et jour de
la dicte feste, luy en fist le dit Charles homage en l’ostel maistre
Martin de Merlo, chanoine de Paris, ou cloistre Nostre Dame.

Item, après la deliberacion eue des trois estas dessus dis, ilz
respondirent au roy, en la dicte chambre de parlement, par les bouches
des dessus nommés, que ilz luy feroient trente mil hommes d’armes
par un an à leurs fraiz et despens: dont le roy les fist mercier. Et
pour avoir la finance pour paier les dis trente mil hommes d’armes,
laquelle fu estimée à cinquante cens mille livres parisis, les trois
estas dessus dis ordenèrent que l’en [leveroit[318]] sur toutes gens,
de quelque estat qu’ilz fussent, gens d’eglise, nobles ou autres,
imposicion de huit deniers parisis pour livre de toutes denrées,
et que gabelle de sel courroit par le royaume de France. Mais pour
ce que l’en ne povoit lors savoir se les dictes imposicions et
gabelle souffisoient, il fu lors ordené que les trois estas dessus
dis [retourneroient[319]] à Paris le premier jour de mars ensuivant
pour [veoir[320]] l’estat des dictes imposicion et gabelle et sur ce
ordonner, ou de autre aide faire pour avoir les dictes cinquante cens
mille livres, ou de laissier courir les dictes imposicion et gabelle.
Auquel premier jour de mars, les trois estas dessus dis retournèrent
à Paris, exceptées pluseurs grosses villes de Picardie, les nobles
et pluseurs autres villes de Normandie. Et virent ceulz qui y furent
l’estat des dictes imposicion et gabelle; et tant pour ce qu’elles ne
souffisoient pas pour avoir les dictes cinquante cens mille livres
tournois, comme pour ce que pluseurs du royaume ne s’i vouloient
accorder que les dittes imposicion et gabelle courussent en leur pais
et ès villes là où ilz demouroient, [ordenèrent[321]] nouviau subside
sur chascune personne en la manière qui s’ensuit: c’est assavoir que
tout homme et personne, fust du sanc et lignage du roy, et autre clerc
ou lay, religieux ou religieuse, exempt et non exempt, hospitaliers,
chiefs d’eglises ou autres, eussent rentes ºu revenues, office ou
administracion; femmes vesves ou celles qui faisoient chiefs, enfans
mariés et non mariés qui eussent aucune chose de par eulz, fussent en
garde, bail, tutelle, cure, mainburnie ou administracion quelconques;
monnoiers et tous autres, de quelque estat, auctorité ou privilège que
ilz usassent ºu eussent usé ou temps passé,--qui auroit vaillant cent
livres de revenue et au[dessus], feust à vie ou à heritage, en gages
à cause d’office, en pensions à vie ou à voulenté, feroit aide ou
subside de quatre livres pour le fait des dictes guerres: de quarante
livres de revenue et au dessus, quarante sous: de dix livres de
revenue et au dessus, vingt sous. Et au dessoubs de dix livres, soient
[enfans[322]] en mainburnie au dessus de quinze ans, laboureurs et
ouvriers gaaingnans, qui n’eussent autre chose que de leur labourage,
feroient aide de dix sous. Et se ilz avoient autre chose du leur, ilz
feroient aide comme les autres serviteurs mercenaires ou alloiiés qui
ne vivoient que de leur service; et qui gaaingnast cent sous par an
ou plus [feroit] semblable aide et subside de dix sous, à prendre les
sommes dessus dictes à parisis, ou pais de parisis, et à tournois,
ou pais de tournois. Et se les dis serviteurs ne gaaingnoient cent
sous ou au dessus, ilz n’aideroient de riens, se ilz n’avoient aucuns
biens equippolens, ouquel cas ilz aideroient comme dessus. Et aussi
n’aideroient de rien mendians ne moines ne cloistriers sans office ou
administracion, ne enfans en mainburnie soubs l’aage de quinze ans
qui n’eussent aucune chose comme dessus, ne nonnains qui n’eussent en
revenue au dessus de dix livres, ne aussi femmes mariées, pour ce que
leurs maris aidoient; et estoit et seroit compté ce que elles aroient
de par elles avec ce que leurs maris avoient.

      [318] Ms. 2813, fº 397.--Ms. 2655, fº 169 vº: «levèrent.»
      _Mauvaise leçon._

      [319] Ms. 2813, fº 397.--Ms. 2655, fº 169 vº: «retournèrent».

      [320] Ms. 2813.--Ms. 2655, fº 170 (lacune).

      [321] Ms. 2813, fº 397 vº.--Ms. 2655, fº 170 (lacune).

      [322] Ms. 2813, fº 397 vº.--Ms. 2655, fº 170 (lacune).

Et quant aus clercs et gens d’eglise, prelas, abbés, prieurs,
chanoines, curez et autres comme dessus, qui avoient vaillant au
dessus de cent livres en revenue, fuissent benefices de sainte eglise,
en patrimoine ou en l’un avec l’autre, jusques à cinq mille livres,
feraient aide de quatre livres pour le[s] premiers cent livres, et pour
chascunes autres cent livres jusques aus dictes cinq mille livres,
quarante sous; et ne feroient de riens aide au dessus des dictes cinq
mille livres ne aussi de leurs meubles; et les revenues de leurs
benefices seroient prisés et estimés selonc le taux du disiesme, ne ne
s’en pourraient franchir ne exempter par quelconques privilèges, ne que
ilz feissent de leurs disiesmes, quant les disiesmes estoient ottroiés.

Et quant aus nobles et gens [des[323]] bonnes villes qui auroient
vaillant au dessus de cent livres de revenue, les dis nobles feroient
ayde jusques à cinq mille livres de revenue et noient oultre, pour
chascun cent quarante [sous[324]], oultre les quatre livres pour les
premiers cent livres; et les gens des bonnes villes, par semblable
manière, jusques à mille livres de revenue tant seulement. Et quant
aus meubles des nobles qui n’avoient pas cent livres de revenue, l’en
extimeroit leurs meubles que ilz auraient jusques à la valeur de mille
livres et non plus. Et des gens non nobles qui n’avoient pas quatre
cens [livres[325]] de revenue, l’en extimeroit leurs meubles jusques à
la value de quatre mille livres, c’est assavoir cent livres de meubles
pour dix livres de revenue; et de tant feroient ayde par la manière cy
dessus devisée. Et se il avenoit que aucun noble n’eust vaillant tant
seulement jusques à cent livres de revenue, ne en meuble purement
jusques à mille livres, ou que aucun noble ne eust seulement de revenue
quatre cens livres, ne en meubles purement quatre mille livres, et
ilz [eust] partie en revenue et partie en meubles, l’en regarderoit
et extimeroit sa revenue et son meuble ensemble jusques à la somme de
mille livres, quant aus nobles, et de quatre mille livres quant aus non
nobles, et non plus.

      [323] Ms. 2813, fº 397 vº.--Ms. 2655, fº 170 vº: «les».

      [324] Ms. 2813, fº 397 vº.--Ms. 2655, fº 170 vº: «soubz».

      [325] Ms. 2813.--Ms. 2655 (lacune).

Item, le samedi cinquième jour de mars, l’an mil trois cens cinquante
cinq dessus dit, s’esmut une discencion en la ville d’Arras des menus
contre les gros. Et tuèrent les menus le dit jour dix sept des plus
nobles de la dicte ville, et le lundi ensuivant en tuèrent autres
quatre, et pluseurs en bannirent qui n’estoient pas en la dicte ville.
Et ainsi demourèrent les dis menus seigneurs et maistres d’icelle ville.

Item, le mardi cinquième jour d’avril ensuivant, fust le mardi après
la miquaresme, le roy de France se parti à matin avant le jour de
Meneville tout armé, accompaignié environ de cent lances, entre
lesquelz estoient le conte d’Anjou son filz, le duc d’Orliens son
frère, messire Jehan d’Artois conte d’Eu, messire Charles son frère,
cousins germains du dit roy, le conte de Tanquarville, messire Ernoul
[d’Odeneham[326]] mareschal de France et pluseurs autres jusques
au nombre dessus dit. Et vint droit au chastel de Rouen par l’uis
derrière, sans entrer en la ville, et trouva en la salle du dit chastel
assiz au disner Charles son ainsné [fils[327]], duc de Normandie,
Charles roy de Navarre, Jehan conte de Harecourt, les seigneurs de
Preaux, de Graville et de Clère et de pluseurs autres. Et là fist
le roy de France Jehan prendre les diz roy de Navarre, le conte de
Harecourt, les seigneurs de Preaux, de Graville et de Clere, messire
Lois et messire Guillaume de Harecourt, frères du dit conte, messire
Forquet de Friquant, le seigneur de Tournebu, messire Maubue de
Mainesmares, tous chevaliers, Colinet Doublet et Jehan de Bantalu,
escuiers, et aucuns autres.

      [326] Ms. 2813, fº 398.--Ms. 2894: «de Douchan».

      [327] Ms. 2813, fº 398.--Ms. 2655 (lacune).

Et les fist mettre en prison en diverses chambres du dit chastel, pour
ce que, depuis leur reconciliacion faite par le roy de la mort du dit
connestable de France, le dit roy de Navarre avoit machiné et traittié
pluseurs choses ou dommage, deshonneur et mal du roy et de son dit
ainsné filz et de tout le roiaume. Et aussi le conte de Harecourt
avoit dit au chastel du Val de Reul, où estoit faite assemblée pour
ottroier estre faite aide au roy pour sa guerre en la duchié de
Normandie, pluseurs injurieuses et orguilleuses paroles contre le
roy, en destourbant de son pooir icelle aide estre acordée et mise à
execucion, combien que le dit ainsné filz du roy, duc de Normandie, et
le dit roy de Navarre l’eussent acordée au roy.

Et tantost après ala disner le dit roy de France. Et quant il ot disné,
il et tous ses enfans son frère et ses diz cousins d’Artois et pluseurs
des autres qui estoient venuz avec li, montèrent à cheval et alèrent
en un champ derrière le dit chastel appellé le Champ du Pardon. Et
là furent menez en deux charrètes par le commandement du roy les diz
conte de Harecourt, le seigneur de Graville, monseigneur Maubue et
Colinet Doublet; et là leur furent le dit jour les testes copées. Et
puis furent tous quatre trainez jusques au gibet de Rouen et là furent
pendus, et leurs testes mises sur le dit gibet. Et fu le dit roy de
France present et aussi ses diz enfans et son frère à coper les dictes
testes, et non pas au prendre. Et ce jour et lendemain jour de mercredi
delivra le roy pluseurs autres qui avoient esté pris; et finablement
ne demorèrent que trois: c’est assavoir le dit roy de Navarre, le
dit Friquet et le dit Bantalu, lesquelz furent menez à Paris, c’est
assavoir le dit roy de Navarre au Louvre, et les autres deux en
Chastellet. Et depuis fut le dit roy de Navarre mis en Chastellet,
et li furent bailliez aucuns du conseil du roy pour le garder. Et
pour ce messire Phelippe de Navarre, frère du dit roy de Navarre,
[fist garnir de gens et de vivres pluseurs des chasteaux que le dit
roy de Navarre[328]] avoit en Normandie. Et jà soit ce que le roy de
France mandast au dit messire Phelippe qu’i[l] li rendist les dis
chasteaux, toutesvoies ne le vouloit il pas faire. Mais assemblèrent
ilz et messire Godefroy de Harecourt, oncle du dit conte de Harecourt,
pluseurs ennemis du roy; et les firent venir ou paiz de Costentin,
lequel pais ilz tindrent contre le dit roy de France et ses gens.

      [328] Ms. 2813, fº 398 vº.--Ms. 2655, fº 171 (lacune).

Item, le mercredi vingt septième jour du dit moys d’avril, et fu le
mercredi après Pasques qui furent l’an mil trois cens cinquante six,
car Pasques furent lors le vingt quatrième jour d’avril, messire Ernoul
[d’Odeneham], lors mareschal de France, ala en la ville d’Arras, et
là, sagement et sans effort de gens d’armes, fist prendre pluseurs
personnes jusques au nombre de cent et de plus de ceulz qui avoient
mise la dicte ville en rebellion et murdri pluseurs des gros bourgois
d’icelle ville, dont dessus est faite mencion. Et l’andemain jour de
jeudi fist le dit mareschal copper les testes à vingt des dessus diz
qu’il avoit fait prendre, ou marchié de la dicte ville, et les autres
fist tenir en prison fermée jusques [ad ce que[329]] le roy ou li en
eussent [ordené[330]] autrement. Et par ce fu mise la dicte ville en
vraie obeissance du roy; et demorèrent paisiblement les bonnes gens en
icelle, si comme ilz faisoient avant la dicte rebellion.

      [329] Ms. 2813, fº 398 vº.--Ms. 2655, fº 171 vº (lacune).

      [330] Ms. 2813.--Ms. 2655 (lacune).

Item ou dit an cinquante six, en la fin du mois de juing, descendi le
duc de Lencastre en Costantin et s’assembla avecques messire Phelippe
de Navarre, qui s’estoit rendu ennemi du roy pour cause de la prise
du roy de Navarre son frère qui encore estoit en prison. Et avecques
le dit duc et messire Phelippe estoit messire Godefroy de Harecourt
dessus nommé, oncle du conte de Harecourt qui avoit eue la teste copée
à Rouen. Et se mistrent à chevauchier, et estoient environ quatre mille
combatans; et chevauchièrent à Lisieux, au Bec, au Ponteaudemer, et
raffreschirent le chastiel qui avoit esté assegié par l’espace de huit
ou neuf sepmaines. Mais messire Robert de Hodetot, lors maistre des
arbalestriers, qui avoit tenu le siège devant le chastel dessus dit, et
en sa compaingnie pluseurs nobles et autres se partirent du dit siège,
quant ilz sceurent la venue des dis duc messire Phelippe et messire
Godefroy, et laissièrent les engins et l’artillerie qu’i[l] avoient;
et ceulz du dit chastel pristrent tout et mistrent tout dedens le dit
chastel. Et après chevauchièrent les diz duc et messire Phelippe et
leur compaingnie jusques à Breteul, en pillant et robant les villes et
le pais par ou ilz passoient, et raffreschirent le chastel. Et pour
ce qu’ilz trouvèrent que la cité et le chastel d’Evreux avoient esté
de nouvel renduz aus gens du roy, qui longuement [avoit[331]] esté
assiegé devant, et avoit esté la dicte cité toute arse et l’eglise
cathedral aussi pilliée et robée tant par les Navarrois qui rendirent
le dit chastel, lequel fu rendu par composicion, comme par aucuns des
gens du roy qui estoient au siège, les dis duc et messire Phelippe et
leur compaignie alèrent à Vemeul ou Perche, et pristrent la ville et
le chastel, et pillèrent et robèrent tout, [et] ardirent partie de la
dicte ville.

      [331] Ms. 2813.--Ms. 2655 (lacune).

Et le roy de France qui avoit fait sa semonce, tantost qu’il oy
nouvelles du dit duc de Lencastre, aloit après à mout grant compaignie
de gens d’armes et de gens de pié, et les suy jusques à Condé en alant
droit vers la dicte ville de Verneul là où il les cuidoit trouver. Et
quant il fu au dit Condé, il oy nouvelles que les dis duc et messire
Phelippe s’estoient partis celuy jour de la dicte ville de Verneul et
s’en aloient vers la ville de l’Egle. Et les suivy le roy jusques à
Tuefbuef à deux lieues ou environ de la dicte ville de l’Egle. Et là
fut dit au roy qu’i[l] ne les pourroit aconsuivir, car il y avoit grans
forests là où ils se boutèrent sans ce qu’i[l] les peust avoir. Et pour
ce s’en retourna le roy à tout son host. Et vindrent devant un chastel
appellé Tyllères, que l’en disoit estre en la main des Navarrois; et
le prist le roy et y mist gardes. Et après ala devant le dit chastel
de Breteul, ouquel avoit gens de par le roy de Navarre. Mais pour ce
qu’ilz ne [le[332]] vouldrent rendre, le roy et tout son ost y mistrent
siège et y demeurèrent environ huit sepmaines. Et finablement fut
rendu le dit chastel au roy par composicion; et s’en alèrent ceuls qui
estoient dedens le chastel là où ilz voudrent, et emportèrent leurs
biens.

      [332] Ms. 2813, fº 399.--Ms. 2655, fº 161 vº (lacune).


FIN DES VARIANTES DU TOME QUATRIÈME.




TABLE

Note sur la transcription de la Table: Les renvois vers le
Sommaire ont été vérifiés et corrigés, mais les renvois vers
le texte des Chroniques et vers les variantes ont été reproduits
tels qu'ils apparaissent dans l'original.


  CHAPITRE LXI.

  Investissement et siége de Calais; première période: du 3 août à
    la fin de décembre 1346.--_Sommaire_, p. III à V.--_Texte_, p. 1 à
    10.--_Variantes_, p. 201 à 218.

  CHAPITRE LXII.

  Chevauchée du comte de Derby en Saintonge et en
    Poitou.--_Sommaire_, p. V à VII.--_Texte_, p. 10 à
    17.--_Variantes_, p. 218 à 226.

  CHAPITRE LXIII.

  Invasion des Écossais en Angleterre; victoire des Anglais à
    Nevill’s Cross.--_Sommaire_, p. VIII à XII.--_Texte_, p. 17 à
    29.--_Variantes_, p. 226 à 247.

  CHAPITRE LXIV.

  Siége de Calais; seconde période: de la fin de 1346 à mai
    1347.--Louis, comte de Flandre, poussé contre son gré par les
    Flamands dans l’alliance du roi d’Angleterre dont il a fiancé la
    fille, se réfugie auprès du roi de France.--_Sommaire_, p. XII à
    XV.--_Texte_, p. 29 à 38.--_Variantes_, p. 247 à 260.

  CHAPITRE LXV.

  Prise de la Roche-Derrien par les Anglais.--Siége de cette
    forteresse par Charles de Blois, qui est vaincu et fait
    prisonnier par Thomas de Dagworth à la bataille de la
    Roche-Derrien.--_Sommaire_, p. XV à XVIII.--_Texte_, p. 38 à
    44.--_Variantes_, p. 260 à 269.

  CHAPITRE LXVI.

  Siége de Calais, troisième période: de mai à août 1347.
    Arrivée près de Calais et retraite sans combat de Philippe de
    Valois à la tête d’une nombreuse armée. Reddition de Calais;
    dévouement d’Eustache de Saint-Pierre et de cinq autres
    bourgeois.--_Sommaire_, p. XVIII à XXIX.--_Texte_, p. 44 à
    67.--_Variantes_, p. 269 à 299.

  CHAPITRE LXVII.

  Ravages des brigands en Limousin et en Bretagne; exploits de Bacon
    et de Croquart.--_Sommaire_, p. XXIX à XXXI.--_Texte_, p. 67 à
    70.--_Variantes_, p. 299 à 303.

  CHAPITRE LXVIII.

  Tentative malheureuse de Geoffroi de Charny pour reprendre Calais
    aux Anglais.--_Sommaire_, p. XXXI à XXXIV.--_Texte_, p. 70 à
    85.--_Variantes_, p. 303 à 318.

  CHAPITRE LXIX.

  Mariage de Louis, comte de Flandre, avec Marguerite, fille de Jean,
    duc de Brabant.--_Sommaire_, p. XXXV et XXXVI.--_Texte_, p. 85 à
    88.--_Variantes_, p. 318 à 320.

  CHAPITRE LXX.

  Défaite des Espagnols dans une bataille navale livrée en vue de
    Winchelsea contre les Anglais.--Exécution d’Aimeri de Pavie à
    Saint-Omer.--_Sommaire_, p. XXXVI à XXXVIII.--_Texte_, p. 88 à
    99.--_Variantes_, p. 320 à 330.

  CHAPITRE LXXI.

  Ravages de la peste.--Démonstrations de pénitence des flagellants;
    extermination des Juifs dans tous les pays de l’Europe excepté à
    Avignon et sur le territoire papal.--_Sommaire_, p. XXXVIII et
    XXXIX.--_Texte_, p. 100 et 101.--_Variantes_, p. 330 à 332.

  CHAPITRE LXXII.

  Avénement du roi Jean.--Victoire des Anglais près de Taillebourg;
    siége et prise de Saint-Jean-d’Angély par les Français.--Combat
    des Trente.--Escarmouche d’Ardres et mort d’Édouard de
    Beaujeu.--Avénement d’Innocent VI.--Exécution de Raoul, comte d’Eu
    et de Guines.--Vente du château de Guines aux Anglais.--Fondation
    de l’ordre de l’Étoile.--_Sommaire_, p. XL à L.--_Texte_, p. 101 à
    129.--_Variantes_, p. 332 à 348.

  CHAPITRE LXXIII.

  Assassinat de Charles d’Espagne; rupture entre le roi de Navarre
    et ses frères, instigateurs de cet attentat, et le roi de
    France.--Expiration des trêves et ouverture des hostilités entre la
    France et l’Angleterre.--Mort de Jean, duc de Brabant, et avénement
    de Jeanne, mariée à Wenceslas de Luxembourg.--Guerre entre
    Flandre et  Brabant.--_Sommaire_, p. L à LII.--_Texte_, p. 129 à
    133.--_Variantes_, p. 349 à 351.

  CHAPITRE LXXIV.

  Traité d’alliance entre les rois de France et de
    Navarre.--Chevauchée du roi d’Angleterre en Boulonnais et en
    Artois; concentration à Amiens et marche des Français contre
    l’envahisseur.--Prise du château de Berwick par les Écossais;
    retour d’Édouard à Calais.--_Sommaire_, p. LIII à LVII.--_Texte_,
    p. 133 à 150.--_Variantes_, p. 351 à 368.

  CHAPITRE LXXV.

  Expédition d’Édouard III en Écosse.--_Sommaire_, p. LVII à
    LIX.--_Texte_, p. 150 à 159.--_Variantes_, p. 368 à 371.

  CHAPITRE LXXVI.

  Expédition du prince de Galles en Languedoc.--_Sommaire_, p. LIX à
    LXIV.--_Texte_, p. 159 à 174.--_Variantes_, p. 371 à 382.

  CHAPITRE LXXVII.

  Troubles à Arras et en Normandie à l’occasion de la gabelle
    ou impôt sur le sel; arrestation du roi de Navarre à Rouen,
    exécution du comte de Harcourt.--Guerre entre le roi de
    France et les frères de Navarre qui font alliance avec le roi
    d’Angleterre; chevauchée du duc de Lancastre et des Navarrais en
    Normandie.--Siége et prise d’Évreux, de Rhotes et de Breteuil par
    le roi de France.--_Sommaire_, p. LXIV à LXXI.--_Texte_, p. 174 à
    198.--_Variantes_, p. 382 à 398.

  Supplément aux variantes, p. 399 à 417.


FIN DE LA TABLE DU TOME QUATRIÈME.




9924--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE

Rue de Fleurus, 9




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Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.





*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 04/13 ***


    

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