La Pupille

By Fagan

The Project Gutenberg EBook of La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan

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Title: La Pupille

Author: Christophe-Barthélemi Fagan

Release Date: October 7, 2008 [EBook #26822]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PUPILLE ***




Produced by Daniel Fromont










[Transcriber's note: Christophe-Barthélemi Fagan (1702-1755),
_La Pupille_, 1734, édition de 1760]





LA PUPILLE,


COMEDIE,


PAR FAGAN,


Représentée, pour la première fois, le 5 juillet

1734.




NOTICE SUR FAGAN.


Christophe-Barthélemi FAGAN, né à Paris le 30 mars 1702, reçut
une éducation très soignée. La perte totale de la fortune de
son père avoit obligé ce dernier à accepter une place au
bureau des consignations, et força également le jeune homme à
prendre un emploi dans la même partie.

L'agrément de son esprit le fit accueillir dans diverses
sociétés. Il y rencontra Pannard, se lia avec lui, et bientôt
ils composèrent ensemble plusieurs opéras comiques qui eurent
du succès. Le goût de Fagan pour le théâtre s'en accrut de
plus en plus, et, excité par les besoins d'une famille
nombreuse, il entreprit de travailler seul pour le théâtre
François. La première pièce qu'il y donna fut LE RENDEZ-VOUS.
Cette petite comédie en un acte, et en vers, représentée pour
la première fois le 27 mai 1733, eut douze représentations
très suivies. L'année suivante, le 11 février, il fit jouer LA
GRONDEUSE, aussi en un acte et en prose, qu'il retira après la
cinquième représentation. Le 5 juillet de la même année, parut
LA PUPILLE, que l'on regarde généralement comme le chef-d'oeuvre
de l'auteur. Cette charmante comédie en un acte et en
prose fut applaudie avec enthousiasme pendant vingt-trois
représentations. LUCAS ET PERRETTE OU LE RIVAL UTILE, comédie
en un acte et en vers, mise au théâtre le 17 novembre de la
même année 1734, ne fut jouée que deux fois.

L'AMITIE RIVALE DE L'AMOUR, comédie en un acte, en vers, jouée
le 16 novembre 1735, excita beaucoup de tumulte dans le
parterre à la première représentation; elle fut cependant
jouée dix fois, et a été reprise avec quelque succès.

LES CARACTERES DE THALIE, comédie en trois actes, mise au
théâtre le 15 juillet 1737, fut jouée dix-huit fois avec
succès. Chaque acte de cette pièce formoit une comédie
entière. La première en un acte, en vers, étoit L'INQUIET; la
seconde en un acte, en prose, avoit pour titre L'ETOURDERIE;
et la troisième, aussi en un acte en prose, que l'on joue
encore aujourd'hui, est intitulée LES ORIGINAUX.

LE MARIE SANS LE SAVOIR, comédie en un acte, en prose,
représentée le 8 janvier 1739, ne fut donnée que six fois.

JOCONDE, comédie en un acte, en prose, donnée le 5 novembre
1740, eut quatorze représentations.

L'HEUREUX RETOUR, comédie en un acte, en vers, composée à
l'occasion de la convalescence du roi et de son retour de Metz
à la cour, fut mise au théâtre le 6 novembre 1744, et eut
quinze représentations.

On trouve encore dans les oeuvres de l'auteur LE MUSULMAN,
comédie en un acte, en prose, LE MARQUIS AUTEUR, comédie en un
acte en vers, et L'ASTRE FAVORABLE, comédie en un acte et en
vers libres. Ces trois pièces étoient destinées au théâtre
François, mais elles n'ont pas été représentées.

Fagan mourut à Paris le 8 avril 1755, dans sa cinquante-quatrième
année.


PERSONNAGES.


ARISTE.

ORGON, ami d'Ariste.

LE MARQUIS VALERE, neveu d'Orgon.

JULIE.

LISETTE, suivante de Julie.

Un laquais, personnage muet.


La scène est à Paris, dans l'appartement d'Ariste.



LA PUPILLE,


COMEDIE.




SCENE I.


ORGON, LE MARQUIS.


ORGON.

Valère, encore un coup, songez à ce que vous me faites faire.


LE MARQUIS.

Que je sois anéanti, mon oncle, si je voulois, pour toute
chose au monde, vous engager dans une fausse démarche. Faut-il
vous le répéter cent fois? Je vous dis que je suis avec elle
sur un pied à ne pouvoir pas reculer.


ORGON.

Mais ne vous flattez-vous pas? Etes-vous bien sûr d'être aimé?


LE MARQUIS.

Si j'en suis sûr? Premièrement, quand je viens ici, à peine
ose-t-elle me regarder: preuve d'amour; et quand je lui
parle, elle ne me répond pas le mot: preuve d'amour; et
quand je parois vouloir me retirer, elle affecte un air plus
gai, comme pour me dire: "Pourquoi me fuyez-vous, marquis?
Craignez-vous de me sacrifier quelques moments? Restez, petit
volage, restez; je vais vaincre le trouble où me jette votre
presence, et vous fixer par mon enjouement. Mon esprit va
briller aux dépens de mon coeur. J'aime mieux que vous me
croyez moins tendre, et vous paroître plus aimable. Demeurez,
mon adorable marquis! demeurez...." Je pourrois vous en dire
davantage; mais vous me permettrez de me taire là-dessus: il
faut être modeste.


ORGON.

Ces preuves-là me paroissent assez équivoques. Au surplus,
Ariste est trop judicieux et trop mon ami pour s'opposer à ce
mariage, si sa pupille y consent... (Voyant paroître Ariste
dans le fond.) Je le vois sortir de son appartement. Retirez-vous.


LE MARQUIS.

Y a-t-il quelque inconvénient que je reste? Vous porterez la
parole: il donnera son consentement; je donnerai le mien:
on fera venir Julie; ce sera une chose faite.


ORGON.

Les affaires ne se mènent pas si vite. Retirez-vous, vous dis-je.


LE MARQUIS.

Cependant....


ORGON, l'interrompant.

Retirez-vous.


LE MARQUIS.

Allons donc. Je reviendrai, quand il sera question d'épouser.

(Il sort.)




SCENE II.


ARISTE, ORGON.


ORGON.

Bon jour au seigneur Ariste.


ARISTE.

On vient de me dire que vous étiez ici, Orgon; je suis charmé
de vous voir.


ORGON.

Je suis charmé, moi, de voir la santé dont vous jouissez. Sans
flatterie, vous ne paroissez pas trente-cinq ans; et.... vous
en avez bien dix par de-là.


ARISTE.

La vie tranquille et réglée que je mène depuis quelque temps,
me vaut ce peu de santé dont je jouis.


ORGON.

Ma foi! une femme vous siéroit fort bien.


ARISTE.

A moi? Vous plaisantez, Orgon.


ORGON.

Ah! il est vrai que vous avez toujours été un peu philosophe,
et, par conséquent, peu curieux d'engagement.


ARISTE.

Il y a eu, dans ce qu'on appelle philosophes, des gens qui ne
se sont point mariés, et peut-être ont-ils bien fait. Mais,
selon moi, le célibat n'est point essentiel à la philosophie;
et je pense qu'un sage est un homme qui se résout à vivre
comme les autres, avec cette seule différence qu'il n'est
esclave ni des évènements, ni des passions. Ce n'est donc
point par philosophie, mais parce que j'ai passé l'âge de
plaire que je vous demande grâce sur cet article-là.


ORGON.

Ce que je vous en dis est par forme de conversation. Parlons-en
donc pour un autre. Votre dessein n'est-il pas de pourvoir
Julie?


ARISTE.

Oui. C'est dans cette vue que je l'ai retirée du couvent.


ORGON.

Je crois même vous avoir entendu dire que son père, en vous la
confiant, vous avoit recommandé de lui faire prendre un parti,
dès qu'elle seroit en âge.


ARISTE.

Cela est encore vrai, et je m'y détermine d'autant mieux que
je compte faire un bon présent à quiconque l'épousera; car
elle a des sentiments dignes de sa naissance: elle est douce,
modeste, attentive; en un mot, je ne vois rien de plus
aimable ni de plus sage. Il y a peut-être un peu de prévention
de ma part.


ORGON.

Non; elle est parfaite, assurément: mais il se passe quelque
chose dont vous n'êtes peut-être pas instruit.


ARISTE.

Comment! que se passe-t-il donc?




SCENE III.


LE MARQUIS, dans le fond, et sans se montrer d'abord; ARISTE,
ORGON.


ORGON, à Ariste.

J'ai un neveu, de par le monde.


ARISTE.

Je le sais. Ne se nomme-t-il pas Valère?


ORGON.

Tout juste.


ARISTE.

Je l'ai vu quelquefois au logis.


LE MARQUIS, se jetant entre eux deux.

Oui, monsieur. Je viens vous avouer, et vous expliquer ce que
mon oncle ne vous dit que confusément. Il est vrai que
Julie....


ORGON, l'interrompant.

Eh! que diable! laissez-moi.


LE MARQUIS, à Ariste.

Monsieur, excusez; mon oncle ne s'est jamais piqué d'être
orateur, et... Vous me voyez, je vous demande grâce pour Julie
; je vous la demande pour moi-même. Nous sommes coupables de
vous avoir caché.... (Voyant qu'Orgon se met en colère.) Mais,
je vois que le feu s'allume dans les yeux de mon oncle; je ne
veux point l'irriter.


ORGON.

Je vous promets que si vous paroissez avant que je vous le
dise, je....


LE MARQUIS, l'interrompant.

Je ne crois pas que ce que je fais soit hors de sa place.
N'importe, il faut céder; je me retire.

(Il sort.)




SCENE IV.


ARISTE, ORGON.


ORGON.

Il est tant soit peu étourdi, comme vous voyez: aussi me
suis-je long-temps tenu en garde contre ses discours; mais
enfin il m'a parlé d'une façon à me persuader que la pupille
et lui ne sont point mal ensemble.


ARISTE.

J'en reçois la première nouvelle. Si cela est, je ne conçois
pas pourquoi Julie m'en a fait un mystère; car je l'ai vingt
fois assurée que je ne gênerois jamais son inclination, et je
m'opposerois encore moins à celle qu'elle pourroit avoir pour
une personne qui vous appartient. Une si grande réserve de sa
part me pique, je vous l'avoue, et me surprend en même temps.


ORGON.

Une première passion est un mal que l'on voudroit volontiers
se cacher à soi-même.




SCENE V.


JULIE, LISETTE, se tenant d'abord dans le fond; ARISTE,
ORGON.


ORGON, bas, à Ariste, en apercevant Julie.

La voilà, je crois, qui paroit. Elle est, ma foi, aimable.


JULIE, bas, à Lisette.

Ariste parle à quelqu'un. N'avançons pas, Lisette.


LISETTE.

Vous êtes la première personne jeune et jolie qui craigniez de
vous montrer.


ARISTE, à Julie.

Approchez, Julie. (En lui montrant Orgon.) Vous êtes sans
doute instruite du sujet qui amène monsieur ici? Il me fait
une proposition à laquelle je souscris volontiers, si elle
vous touche autant que l'on me le fait entendre.


JULIE, troublée.

J'ignore, monsieur, de quoi il est question.


ARISTE.

Ne dissimulez pas davantage. J'aurois lieu de m'offenser du
peu de confiance que vous auriez en moi. Rassurez-vous, Julie
; votre penchant n'est point un crime, et je ne vous reproche
rien, que le secret que vous m'en avez fait.


JULIE.

En vérité, monsieur... (A Lisette.) Lisette?...


LISETTE, l'interrompant.

Eh bien! Lisette? Je gage qu'on veut vous parler de mariage.
Cela est-il si effrayant? Il y a cent filles qui, en pareil
cas, seroient intrépides.


ARISTE, bas, à Orgon.

Elle s'obstine à se taire. Il faut lui pardonner cette
timidité. Je fais réflexion que je lui parlerai mieux en
particulier. Laissons-la revenir de l'embarras que tout ceci
lui cause, et soyez persuadé que je m'emploierai tout entier
pour que la chose aille selon vos désirs.


ORGON, bas.

Je vous en suis obligé. (Regardant Julie.) Elle a une certaine
grâce, une certaine modestie qui me feroient souhaiter d'être
mon neveu.

(Il sort, en saluant affectueusement Julie, et Ariste va le
reconduire.)




SCENE VI.


JULIE, LISETTE.


LISETTE.

Vous vous êtes ennuyée au couvent. Vous êtes sourde aux
propositions de mariage. Oserois-je demander, mademoiselle, ce
que vous comptez devenir? Orgon, que vous venez de voir, est
oncle du marquis, qui, selon les apparences, a fait faire des
démarches auprès d'Ariste.


JULIE.

Ah! ne me parle point du marquis.


LISETTE.

Pourquoi donc? Parce qu'il a la tête un peu folle, qu'il est
grand parleur, prévenu de son mérite, et même un peu menteur?
Bon! bon! il est jeune et vous aime; cela ne suffit-il pas?
Le commerce tomberoit, si l'on y regardoit de si près.


JULIE.

Je connois quelqu'un à qui on ne sauroit reprocher aucun de
ces défauts; qui est humble, sensé, poli, bienfaisant; qui
sait plaire sans les dehors affectés et les airs étourdis qui
font valoir tant d'autres hommes.


LISETTE.

Oui-dà? Cette peinture est naïve. Seroit-ce l'esprit seul qui
l'auroit faite?


JULIE.

Non, Lisette, puisqu'il faut l'avouer.


LISETTE.

Eh! que ne parlez-vous? Quelle crainte ridicule vous a fait
garder le silence si long-temps? Vous êtes trop bien née pour
avoir fait un choix indigne de vous. Vous avez un tuteur qui
porte la complaisance au-delà de l'imagination, et qui ne vous
contraindra pas. Quelle difficulté vous reste-t-il donc à
vaincre?


JULIE.

La difficulté est d'en instruire celui que j'aime.


LISETTE.

La difficulté est de l'en instruire? Cette personne-là est
donc bien peu intelligente. J'en croirois, moi, vos yeux sur
leur parole.


JULIE.

Quand mes yeux parleroient beaucoup, je ne sais si on les
entendroit encore. Mais j'ai soin qu'ils n'en disent pas trop;
car, Lisette, voici l'embarras où je suis. Quoique je sois
jeune et que l'on me trouve quelques charmes, quoique j'aie du
bien et que celui que j'aime et moi soyons de même condition,
je crains qu'il n'approuve pas mon amour, et s'il m'arrivoit
d'en faire l'aveu et que j'essuyasse un refus, je mourrois de
douleur.


LISETTE.

Je vous suis caution que jamais homme, usant et jouissant de
sa raison, ne vous refusera. Qui pourroit le porter à agir de
la sorte?


JULIE.

Son excès de mérite.


LISETTE.

Je ne conçois rien à cela. (Après avoir rêvé un instant.)
Mais, attendez. Que ne m'en faites-vous la confidence, à moi?
Vous me demanderez le secret, je vous promettrai de le garder:
je n'en ferai rien; il transpirera, fera un tour par la
ville, viendra aux oreilles du monsieur en question, et quand
il sera instruit, selon l'air du bureau, vous aurez la liberté
d'avouer ou de nier.


JULIE.

Non, je ne puis te le nommer. Outre cette crainte dont je
viens de te parler, outre une certaine pudeur qui me feroit
souhaiter qu'on me devinât, je crains de passer dans le monde
pour extraordinaire, pour bizarre; car mon choix est
singulier. Mais pourquoi m'en faire une honte? L'impression
qu'un caractère vertueux fait sur les coeurs est-elle donc une
foiblesse que l'on n'ose avouer?


LISETTE.

Oh! ma foi, mademoiselle, expliquez-vous mieux, s'il vous
plaît. Vous craignez de passer pour extraordinaire, et
franchement vous l'êtes. O ciel! je renoncerois plutôt à
toutes les passions de l'univers que d'en avoir une d'une
nature à n'en pouvoir pas parler.




SCENE VII.


ARISTE, JULIE, LISETTE.


ARISTE, à Lisette.

Lisette, retirez-vous.

(Lisette sort.)




SCENE VIII.


ARISTE, JULIE.


ARISTE, à part.

Elle a quelquefois entendu parler du marquis comme d'un homme
peu formé; elle craint sans doute que je ne la désapprouve.


JULIE, à part.

Quel parti prendre avec un homme trop modeste pour rien
entendre?


ARISTE.

Je ne devrois point, Julie, paroître en savoir plus que vous
ne voulez m'en dire; mais enfin, les soins que j'ai pris de
votre enfance et l'amitié que je vous ai toujours témoignée,
me font prétendre à ne rien ignorer de ce qui vous touche.
Quelques amis m'ont parlé en particulier. Ce n'est pas tout.
Depuis un temps, je vous trouve rêveuse, inquiète,
embarrassée. Il faut que vous en conveniez, Julie, quelqu'un a
su vous toucher.


JULIE.

J'en conviendrai, monsieur. Oui, quelqu'un a su me plaire;
mais ne tenez point compte de ce qu'on a pu vous dire, et ne
me demandez point qui est celui pour qui je sens du penchant,
car je ne puis me résoudre à vous le déclarer.


ARISTE.

Auriez-vous fait un choix.....?


JULIE, l'interrompant.

Je ne pouvois pas mieux choisir: la raison, l'honneur, tout
s'accorde avec mon amour.


ARISTE.

Eh! quand cet amour a-t-il commencé?


JULIE.

En sortant du couvent... Quand je commençai à vivre avec vous.


ARISTE.

Mes soupçons ne peuvent tomber que sur peu de personnes...
Encore une fois, Julie, je sais ce qui se passe; et,
d'avance, je puis vous répondre que votre amour est payé du
plus tendre retour, que l'on désire de vous obtenir, avec
l'ardeur la plus vive et la plus constante.


JULIE.

Si vous devinez juste, mon sort ne sauroit être plus heureux.


ARISTE.

Je ne crois pas me tromper; mais, après les assurances que je
vous donne, quelle raison auriez-vous encore de me taire son
nom? N'est-ce pas une chose qu'il faut que je sache, tôt ou
tard, puisque mon consentement vous est nécessaire?


JULIE.

Ce seroit à vous à le nommer... Je vois bien que vous ne
m'entendez pas.


ARISTE.

Je vous entends, sans doute; et je le nommerois si je n'avois
pas mérité d'avoir plus de part à votre confidence.


JULIE.

Vous l'auriez cette confidence, si je n'étois pas certaine que
vous combattrez mes sentiments.


ARISTE.

Moi, les combattre! Suis-je donc si intraitable! Pouvez-vous
douter de mon coeur? Croyez que je n'aurai point de volonté que
la vôtre. J'en ferai serment, s'il le faut.


JULIE.

Puisque vous le voulez, je vais donc tâcher de m'expliquer
mieux.


ARISTE.

Parlez.


JULIE.

Mais je prévois qu'après je ne pourrai plus jeter les yeux sur
vous.


ARISTE.

Cela n'arrivera pas, car je serai de votre sentiment.


JULIE.

Non, après un tel aveu, permettez que je me retire.


ARISTE.

Volontiers.... Mais ne craignez rien, encore un coup. Nommez-le
moi; vous me verrez aller, de ce pas, assurer de mon
consentement celui que vous avez choisi.


JULIE.

Vous le trouverez aisément; je vais vous laisser avec lui....
Représentez-lui qu'il est peu convenable à une fille de se
déclarer la première; déterminez-le à m'épargner cette
honte.... Je vous laisse avec lui.... C'est, je crois, vous le
faire connoître d'une façon à ne pas vous y méprendre.

(Elle veut se retirer; mais elle voit venir le marquis, ce
qui la fait rester.)



SCENE IX


LE MARQUIS, ARISTE, JULIE.


ARISTE, à part.

Ne sommes-nous pas seuls?... Que penser de ce discours?


LE MARQUIS, à part, au fond du théâtre.

Je les trouve fort à propos ensemble.


JULIE, à part.

Que vient faire ici le marquis?.... Le fâcheux contre-temps!


LE MARQUIS, à Julie.

Je vous trouve donc, divine personne?... (A Ariste.) Eh bien!
seigneur Ariste, mon oncle m'a rapporté que vous agissiez en
galant homme. Tout est convenu, sans doute.


ARISTE, à part.

Je ne l'avois pas vu d'abord; mais voilà l'énigme expliquée.


LE MARQUIS.

Mais quel présage funeste! L'un parle tout seul et ne me
répond pas; l'autre détourne la tête et me fait un clin
d'oeil. Comment interpréter tout ceci?


JULIE.

Un clin-d'oeil! Qui? moi, monsieur?


LE MARQUIS.

Oui, ma charmante. Qu'en dois-je augurer? Mon oncle auroit-il
fait un faux rapport? auroit-on juré de traverser nos feux?
Parlez.... (A Ariste.) Ah! seigneur Ariste, dissipez une
inquiétude mortelle.


JULIE, à part.

Que je suis malheureuse!


ARISTE.

Vous avez lieu d'être, tous deux, contents; rien ne s'oppose
à vos désirs, la volonté de Julie est une loi pour moi.... (Au
marquis.) Et, à votre égard, monsieur, l'amitié que j'ai
toujours eue pour votre oncle est trop intime pour que je ne
consente pas volontiers à ce qui peut en resserrer les noeuds.


LE MARQUIS.

Vous nous rendez la vie. Vous êtes un homme charmant, divin,
adorable. Je vous sais bon gré de n'avoir pas d'entêtement
ridicule et de connoître que je vaux quelque chose.


ARISTE.

Vous appartenez à de trop honnêtes gens pour ne pas espérer
que vous rendrez une femme heureuse.


LE MARQUIS.

Ecoutez donc, nous sommes jeunes, riches; nous nous aimerons
: il faudroit qu'une influence bien maligne tombât sur nous
pour nous rendre malheureux. Il est vrai que le diable s'en
mêle quelquefois.


ARISTE.

Je vais trouver Orgon, et lui apprendre que tout va selon ses
intentions..... Nous reviendrons bientôt, pour prendre les
arrangements nécessaires.... (A Julie, en montrant le
marquis.) Monsieur voudra bien vous tenir compagnie, Julie,
pendant le peu de temps que je suis obligé de vous quitter.


LE MARQUIS.

Allez, allez, monsieur, je me charge de ce soin.


(Ariste sort.)




SCENE X.


JULIE, LE MARQUIS.


LE MARQUIS, à demi-voix.

Voilà une petite personne bien contente.


JULIE.

Tout-à-fait, monsieur. Je vous prie de vouloir bien me dire ce
que tout ceci signifie.


LE MARQUIS.

Comment! vous le dire? La chose est, je crois, assez claire.
On comble nos voeux, on nous marie.


JULIE.

On nous marie?.. Dites-moi donc quel rapport, quelle liaison
il y a entre vous et moi?


LE MARQUIS.

Je ne sais si je me trompe, mais je me suis flatté qu'il y en
avoit tant soit peu.


JULIE.

Et vous auriez osé faire parler à Ariste sur cette confiance?


LE AMRQUIS.

Assurément. En êtes-vous fâchée? Je ne le crois pas. Je sais
que c'est à l'amant à faire des démarches. Une fille aimeroit
passionnément qu'une bienséance mal entendue lui prescrit de
se taire; aussi, quand on est instruit du bel usage, on lui
épargne la peine de se déclarer. Vos yeux ont trop su me
parler pour que je demeurasse dans l'inaction; et, si vous
voulez m'ouvrir votre coeur, vous conviendrez que vous m'en
savez quelque gré.


JULIE.

En vérité, monsieur, un pareil discours me semble bien
extraordinaire.


LE MARQUIS.

Oh çà! si vous voulez que nous soyons amis, il faut vous
défaire de cette retenue hors de saison. Que diable! quand on
se convient, et que les tuteurs, les oncles et tous ces
animaux-là consentent, à quoi bon se contraindre?


JULIE.

Si l'on consent de votre côté, je puis vous assurer qu'il n'en
est pas de même du mien.


LE MARQUIS.

Quoi! votre tuteur ne vient pas, dans le moment, de me
témoigner le plaisir que lui fait notre union?


JULIE.

Il est dans l'erreur, et je l'en aurois déjà désabusé si la
surprise où je suis me l'avoit permis.


LE MARQUIS.

Quel est donc votre dessein? Avez-vous envie qu'il s'oppose à
ce que vous désirez vous-même?


JULIE.

Mais, encore une fois, sur quel fondement vous êtes-vous
imaginé ce désir de ma part?


LE MARQUIS.

La question est charmante! Savez-vous bien qu'à la fin je me
fâcherai?


JULIE.

Mais vraiment, vous vous fâcherez si vous voulez. Soyez
persuadé que je n'ai, de ma vie, pensé à vous.


LE MARQUIS.

C'est une façon de parler.


JULIE.

Non; vous pouvez prendre ce que je dis à la lettre.


LE MARQUIS.

Allons, allons, je sais ce que j'en dois croire.


JULIE.

Ne poussez pas, croyez-moi, plus loin l'extravagance.


LE MARQUIS.

Ne soyez pas plus long-temps cruelle à vous-même.


JULIE.

Finissons, de grâce.


LE MARQUIS.

Franchement, vous croyez donc ne me point aimer?


JULIE.

Je le crois, et rien n'est plus certain.


LE MARQUIS.

Je vous permets de me haïr toujours de même.


JULIE.

Je ne puis plus soutenir un pareil entretien.


LE MARQUIS.

Un coeur qui ne sent point son mal est dangereusement atteint.


JULIE, à part.

La fatuité est un ridicule bien insupportable.


LE MARQUIS, à part.

Cette fille prend plaisir à se donner la torture.




SCENE XI.


ARISTE, ORGON, JULIE, LE MARQUIS.


ORGON, à Ariste, au fond du théâtre.

Ce que vous me dites là me faut un grand plaisir.... (Montrant
Julie et le marquis.) Les voilà, ces pauvres enfants! Que
l'on passe d'heureux moments à cet âge!


ARISTE.

Je ne perds point de temps, comme vous voyez: mon
empressement vous prouve combien je suis sensible à cet
honneur.


ORGON.

Je suis d'avis que l'on dresse le contrat aujourd'hui. L'idée
d'une noce me ragaillardit; et quoique la mode des violons
soit passée, il faut en avoir et suivre la manière
bourgeoise... (S'apercevant du trouble où sont Julie et le
marquis.) Mais, il me semble que nos amants se boudent.... (Au
marquis, en s'approchant.) Qu'as-tu donc, Valère? te voilà
tout rêveur.


LE MARQUIS.

Une bagatelle, mon oncle.


ARISTE, à Julie, en s'approchant aussi.

Et vous, Julie, quel est le trouble où je vous vois?


JULIE.

Vous êtres dans l'erreur à mon égard. Je vous y ai laissé,
parce que je n'ai point cru que les conséquences en seroient
si promptes, ni si sérieuses: mais je me trouve forcée de
vous dire que vous ne m'avez point entendue.


ARISTE.

Comment?


ORGON.

Qu'est-ce que cela veut dire?


LE MARQUIS, à Julie.

Il n'est pas mal de le prendre sur ce ton! et c'est bien à
vous à vous plaindre vraiment.... (A Ariste et Orgon.) Il est
bon que vous sachiez que nous avons eu quelque altercation
ensemble. Mademoiselle, sur un mot, se révolte, et fait la
méchante.


ORGON.

Oh! n'est-ce que cela? Bon! bon! ce sont là de ces orages
qui mènent les amants au port.


ARISTE, à Julie.

Ne vous repentez point de vous être déclarée. Il ne faut
point, ma chère Julie, passer si promptement d'un sentiment à
un autre. Votre querelle est une querelle d'amitié.


LE MARQUIS.

Faites-lui un peu sa leçon, je vous prie, monsieur.


ORGON, à Julie et au marquis.

Allons, allons, mes enfants, raccommodez-vous.


JULIE.

Laissez-moi, de grâce! Vous prenez un soin inutile.


ARISTE.

Julie, je vous en conjure! faites cesser ce mystère.


JULIE.

Non, monsieur. Contre toute raison, j'ai fait voir le foible
de mon coeur: j'ai fait connoître celui pour qui je me
déclarois; mais ses interprétations fausses, la conduite
qu'il observe avec moi m'avertissent assez que je n'en ai que
trop dit.

(Elle sort.)




SCENE XII.


ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.


ORGON, au marquis.

Pourquoi donc vous attirer ces reproches? Il faut que vous lui
ayez donné des sujets violents de se plaindre.


LE MARQUIS.

Non; cela m'étonne. La brouillerie est venue sue ce qu'elle
m'a dit qu'il n'y avoit jamais eu de liaison sincère entre
elle et moi, et qu'il ne falloit point compter sur les
discours des jeunes gens aimables.


ORGON.

Entre nous, tu as un air libertin qui ne me persuaderoit
point, si j'étois fille.


LE MARQUIS.

Que voulez-vous, mon oncle? je ne me referai point. On a des
façons aisées; on a du brillant: tout cela est naturel....
Mais quant à Julie, je la demande en mariage: n'est-ce pas
assez lui prouver que je l'aime? Il faut qu'un joli homme soit
furieusement épris pour former une pareille résolution.


ORGON.

A la vérité, je ne conçois pas qu'une fille puisse désirer
quelque chose au-delà du mariage.... (A Ariste.) Mais, que
dites-vous à tout cela, Ariste?


ARISTE.

Franchement, je ne sais. Il me vient différentes idées qui se
détruisent les unes les autres. Ce que je vois, ce que
j'entends, semble se contredire, et.... (Au marquis.) Mais, ce
ne peut être que vous qu'elle aime?


LE MARQUIS.

Eh! vraiment non. Je le sais bien.


ARISTE.

Elle craint, comme vous dites, que votre passion pour elle ne
soit pas sincère, et que vous ne soyez aussi inconstant que la
plupart des jeunes gens, qui font profession de l'être?


LE MARQUIS.

Tout juste.


ARISTE.

Et elle s'exhale en reproches, parce que vous n'avez pas été
assez prompt à la rassurer?


LE MARQUIS.

Je lui ai pourtant répété cent fois que nous étions faits l'un
pour l'autre: mais il ne faut pas que cela vous surprenne;
c'est le tourment d'un coeur bien épris de toujours douter de
son bonheur.


ORGON, à Ariste.

Il est vrai qu'elle ne le croit pas où elle le voit.




SCENE XIII.


LISETTE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.


LISETTE, à Ariste.

Que s'est-il donc passé ici, monsieur, et qui peut avoir si
fort chagriné Julie? Elle est dans une tristesse que je ne
puis vous exprimer: elle parle de retourner au couvent. Je la
questionne; elle ne me répond que par des soupirs. Enfin,
elle m'envoie vous demander si, avec la permission de ces
messieurs, elle pourrait vous entretenir un moment?


ARISTE.

Je l'entendrai tant qu'il lui plaira.


LE MARQUIS, chantant.

"Divin Bacchus!... La, la, la!"


ORGON.

Je donnerois, je crois, mon bien, pour être aimé de la sorte.
Tu ne sens pas ton bonheur, mon neveu.


LISETTE.

Il faut bien que monsieur votre neveu lui ait donné quelque
sujet de mécontentement; car elle s'est écriée plusieurs fois:
"Ah! dans quel trouble me jette ce Valère! Qu'il me cause
d'embarras et de peine! Quel supplice d'aimer sans retour!"


ORGON, à part.

La pauvre enfant!


LE MARQUIS.

Je suis fâché qu'elle ne me croie pas sur ma parole.


LISETTE.

Allez, cela est mal à vous, monsieur. Les hommes sont bien
ingrats et bien insensibles. Hélas! elle avoit beau me dire
qu'elle ne vous aimoit pas, j'ai toujours bien remarqué, moi,
ce qui en étoit, et cela n'est que trop vrai pour elle.


LE MARQUIS.

Crois-moi, mon enfant, elle n'est pas la première.


ORGON.

Ecoutez, Valère. Je suis d'avis que vous alliez trouver cette
aimable personne, que vous lui juriez encore que vous êtes
pénétré de sa beauté et de son mérite; enfin, que vous ne la
laissiez pas dans un trouble que vous pouvez dissiper.


LE MARQUIS.

Ah! que me demandez-vous? Faut-il que je redise un million de
fois la même chose? Non, je ne le puis. Je suis piqué aussi de
mon côté.


ORGON.

Quoi! vous faites le cruel?


LISETTE, à part.

Est-il possible que l'impertinence soit un titre pour être
aimé?


ARISTE, au marquis.

Julie étant forcée, par son ascendant, à se déclarer pour
vous, il ne vous sied pas, monsieur, d'user de rigueur. Etre
aimé est un bien digne d'envie, et le plus bel apanage de
l'humanité; mais c'est en abuser que de manquer d'égards pour
les personnes qui nous rendent hommage, et de ne pas épargner
à un sexe plein de charmes jusqu'à la moindre inquiétude.


ORGON.

C'est aussi mon sentiment.


LE MARQUIS, à Ariste.

Je sais comment on doit conduire une passion.


ARISTE, à Lisette.

Lisette, dites à Julie que je l'attends ici.


(Lisette sort.)




SCENE XIV.


ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.


ORGON, à Ariste.

Puisqu'elle veut vous parler en particulier, nous allons vous
laisser libres. Tâchez, dans cet entretien, de lui remettre
l'esprit et de l'assurer que mon neveu est bien son petit
serviteur.


LE MARQUIS, à Ariste.

Oui, l'on peut toujours compter sur moi: on y peut compter.
Nous reviendrons savoir de quoi elle vous aura entretenu.

(Il sort avec Orgon.)




SCENE XV.


ARISTE, seul.


L'homme le plus en garde contre la présomption est encore bien
foible de ce côté-là. J'ai pu interpréter deux fois en ma
faveur les paroles de Julie. Oui, Ariste, tu as beau en
rougir, il t'est venu deux fois en idée qu'on te faisoit une
déclaration d'amour. A toi! à toi! Oh! quelle extravagance
! quelque mystérieuse que soit sa conduite, je n'en saurois
douter, ce neveu d'Orgon a su lui plaire. Il y a bien quelque
chose à dire contre lui, et parmi tant de jeunes gens aimables
que le hasard présente à Julie, j'avoue qu'elle auroit pu
mieux choisir. Elle a assez d'esprit pour s'en apercevoir
elle-même; et c'est, si je ne me trompe, un combat de raison
et d'amour qui cause en elle tant d'indécision. (Voyant
paroître Julie.) Mais la voilà.




SCENE XVI.


JULIE, ARISTE.


JULIE.

Vous me voyez revenir, monsieur, quoique je vous aie quitté
avec assez de vivacité. J'ai fait réflexion que ce pouvoit
être un sage motif dans celui que je veux avoir pour époux,
qui le fait douter de mon penchant. Je voudrois répondre aux
objections qu'il pourroit me faire, et l'assurer combien il
est digne de mon estime.


ARISTE.

Je n'ai pas bien compris quelle espèce de dispute il pouvoit y
avoir entre vous et le marquis, mais je ne puis que vous
engager tous deux à vous réconcilier au plus tôt. La sympathie
est une loi impérieuse à laquelle on veut en vain se
soustraire, et quelque réflexion que la raison nous inspire,
il faut céder au trait qui nous a frappés, quand le destin le
veut.


JULIE, à part.

Il est toujours dans l'erreur, et je n'ose encore l'en tirer.


ARISTE.

Me sera-t-il permis de le dire? Je sens bien ce qui fait votre
peine. Vous craignez que le monde ne soit pas aussi convaincu
du mérite du marquis que vous l'êtes; et, à mon égard, il
faudroit qu'il fût plus parfait pour qu'il me parût digne de
vous. Mais enfin le penchant que vous avez pour lui me le fait
respecter, et le justifie devant moi de tous ses défauts.


JULIE.

Vous me conseillez donc de le prendre pour époux?


ARISTE.

Je vous conseille, comme j'ai toujours fait, de ne consulter
que votre coeur.


JULIE.

Si vous me conseillez de ne consulter que mon coeur, je suivrai
votre avis. Je suis, pour la dernière fois, résolue de
découvrir mes véritables sentiments; mais comme il en coûte
toujours infiniment à les déclarer, je cherche quelque
innocent stratagème, et je pense qu'une lettre m'épargneroit
une partie de ma honte.


ARISTE.

Eh bien! écrivez. Il est permis d'écrire à un homme que l'on
est sur le point d'épouser. Une lettre, effectivement,
expliquera ce que vous n'auriez peut-être pas la force de dire
de bouche, et l'explication est nécessaire après le petit
démêlé que vous avez eu ensemble.


JULIE.

J'exigerois encore de votre complaisance que vous
l'écrivissiez pour moi.


ARISTE.

Volontiers.


JULIE.

Je suis prête à la dicter.


ARISTE, montrant un bureau, devant lequel il va s'asseoir.

Voilà, sur ce bureau, tout ce qu'il faut pour cela. (A part.)
Le marquis, après tout, est homme de condition, et s'il a
quelques défauts, l'âge l'en corrigera. (A Julie.) Allons,
dictez, me voilà prêt.


JULIE, dictant.

"Vous être trop intelligent pour ne pas savoir le secret de
mon coeur."


ARISTE, lisant, après avoir écrit.

"De mon coeur."


JULIE, dictant.

"Mais un excès de modestie vous empêche d'en convenir."


ARISTE, après avoir écrit.

Bon!


JULIE, dictant.

"Tout vous fait voir que c'est vous que j'aime."


ARISTE, après avoir écrit.

Fort bien.


JULIE.

Oui, c'est vous que j'aime... M'entendez-vous?


ARISTE.

J'ai bien mis.


JULIE, dictant.

"Je vous suis déjà attachée par la reconnoissance."


ARISTE, à part.

De la reconnaissance au marquis?


JULIE.

Ecrivez donc, monsieur.


ARISTE.

Allons. (A part.) Il faut écrire ce qu'elle veut. (Lisant,
après avoir écrit.) "Par la reconnoissance."


JULIE, dictant.

"Mais j'y joins un sentiment désintéressé."


ARISTE, lisant, après avoir écrit.

"Désintéressé."


JULIE.

"Et pour vous prouver que vous devez bien plus à mon
penchant...."


ARISTE, après avoir écrit.

Après?


JULIE.

"Je voudrais n'avoir point reçu de vous tant de soins
généreux dans mon enfance."


ARISTE, sans écrire.

Y pensez-vous, Julie?... (A Part.) L'ai-je entendu, ou si
c'est une illusion?


JULIE, à part.

Pourquoi ai-je rompu le silence? Je me doutois bien qu'il
recevroit mal un pareil aveu!


ARISTE, se levant.

Julie!


JULIE.

Ariste!


ARISTE.

A qui donc écrivez-vous cette lettre?


JULIE.

C'est au marquis, sans doute.


ARISTE.

Il ne faut donc point parler des soins de votre enfance. Ce
seroit un contre-sens.


JULIE.

J'ai tort.... je l'avoue; et cela ne sauroit lui convenir.


ARISTE.

C'est donc par distraction que cela vous est échappé?


JULIE.

Assurément. Les bienfaits n'étant point à lui, il n'en doit
point recueillir le salaire.


ARISTE.

Voyez donc ce que vous voulez substituer à cela?


JULIE.

J'en ai assez dit pour me faire entendre.


ARISTE.

En ce cas, il ne s'agit donc que de finir le billet par un
compliment ordinaire, et de l'envoyer de votre part?


JULIE.

Envoyez-le, de ma part, puisque vous croyez que je doive le
faire.


ARISTE, appelant.

Holà! quelqu'un....




SCENE XVII.


UN LAQUAIS, ARISTE, JULIE.


ARISTE, au laquais.

Portez ce billet....


(Julie fait un geste, comme pour empêcher qu'Ariste ne donne
la lettre au laquais.)


ARISTE, à Julie.

N'est-ce pas au marquis?


JULIE, d'un ton piqué.

Oui, monsieur; encore une fois, qui peut vous arrêter?


ARISTE, au laquais.

Tenez donc.... Portez cette lettre à Valère.


(Le laquais sort.)




SCENE XVIII.


ARISTE, JULIE.


JULIE, à part.

De quel trouble suis-je agitée?


ARISTE, à part.

Quels coups redoublés attaquent ma raison!


JULIE, à part.

Je ne puis prendre sur moi d'en dire davantage.


ARISTE, à part.

Toute ma prudence échoue.


JULIE, à part.

Il désapprouve la passion la plus pure.... Je meurs de
confusion.




SCENE XIX.


LISETTE, ARISTE, JULIE.


LISETTE, à part.

La conversation me paroît terminée... (A Ariste.) Orgon, qui
est là-dedans, monsieur, est impatient de savoir le résultat
de votre entretien, et demande s'il peut paroître à présent.


ARISTE, à part.

Ce n'est qu'en me retirant que je puis cacher ma défaite.

(Il sort.)




SCENE XX.


JULIE, LISETTE.


LISETTE, à part.

Ah! ah! voilà qui est singulier!... (A Julie.) Pourquoi
donc, mademoiselle, se retire-t-il ainsi sans me répondre?


JULIE, à part.

Son mépris pour moi est-il assez marqué?

(Elle sort.)


SCENE XXI.


LISETTE, seule.

Fort bien! autant de raison d'un côté que de l'autre. D'où
cela peut-il provenir? Il me vient dans l'esprit....
N'aimeroit-elle pas Valère? Auroit-elle fait à Ariste l'aveu
de quelque passion bizarre, que le bon monsieur, malgré sa
complaisance, n'aura pas pu approuver? Quelle honte que je ne
sois pas mieux instruite! Suivante et curieuse, autant et
plus qu'une autre, je ne saurai pas le secret de ma maîtresse?
Oh! je le saurai, assurément! C'est un affront que je ne
puis plus endurer.... (Voyant revenir Ariste.) Ariste revient,
plongé dans une profonde rêverie.... Je ne laisse plus Julie
en repos qu'elle ne m'ait avoué son foible... Elle m'en fera
la confidence, ou me donnera mon congé.

(Elle sort.)




SCENE XXII.


ARISTE, seul.

Non, à rappeler de sang-froid ce qui s'est passé, son
intention n'étoit pas d'écrire à Valère. Mais quelle
conséquence en tirer?... Quoi! Julie, il seroit possible
qu'Ariste eût obtenu quelque empire sur vous! Ah! Julie,
Julie, si ma raison ne m'eût pas soutenu contre l'effet de vos
charmes, pensez-vous que je n'eusse pas été le premier à me
déclarer pour vous? Avez-vous cru que je vous visse
impunément? Non, non.... Mais plus votre mérite m'a paru
accompli, et plus j'ai trouvé de motifs d'étouffer dans mon
coeur la passion que vous y faisiez naître.... Ciel! quelle
est ma foiblesse? Osé-je croire qu'elle pense à moi?...
Allons, rendons-nous justice, une bonne fois; et convenons
que, pour quelques apparences, il y a cent raisons qui
détruisent une idée aussi ridicule.




SCENE XXIII.


ORGON, ARISTE.


ARISTE.

Je vous attends, Orgon, pour vous dire que les choses me
paroissent moins avancées que jamais.


ORGON.

Que diable est-ce que tout ceci? On n'a guère vu d'amants plus
difficiles à accorder. Dites-moi donc de quoi il est question?
Il faut que votre conversation n'ait pas été du goût de Julie;
car je l'ai vue passer tout-à-l'heure: le dépit étoit peint
sur son visage; mais, ma foi, elle n'en étoit que plus belle.


ARISTE.

Ce que je puis vous dire, c'est qu'après bien des réflexions,
je ne crois pas que le marquis soit aussi bien auprès d'elle
qu'il vous l'a fait entendre.


ORGON.

Oui.... Attendez donc, ceci mérite examen.... Si les choses
sont ainsi, je voudrois savoir à propos de quoi les démarches
qu'il m'a fait faire? Me prend-il pour une benêt, un sot?
Parbleu!....


ARISTE, l'interrompant.

Un homme tel que lui est excusable de se croire aimé.


ORGON.

Je suis votre serviteur.


ARISTE.

Il est enjoué, bien fait, et d'âge....


ORGON, l'interrompant.

Oh! d'âge, tant qu'il vous plaira. Son âge est l'âge où l'on
fait le plus d'impertinences; et je prétends, ne vous
déplaise....




SCENE XXIV.


LISETTE, ARISTE, ORGON.


LISETTE, à part.

A la fin je triomphe, et l'on ne m'en donnera plus à
garder.... (A Ariste et à Orgon.) Messieurs, vous pouvez
parler devant moi, je sais le secret aussi bien que vous. Je
sais quel est le Médor de notre Angélique.


ORGON.

As-tu débrouillé le mystère?


LISETTE.

Comment!... (A Ariste.) Est-ce qu'elle ne vous l'a pas dit, à
vous, monsieur?


ARISTE.

Elle ne m'a rien dit de décisif.


LISETTE.

Tant mieux.... (A part.) Quelle félicité de savoir un secret,
et de le savoir seule! On a le plaisir de l'apprendre à tout
le monde.... (A Ariste.) Je l'ai tant pressée de m'avouer sur
qui elle avoit jeté les yeux pour en faire son époux qu'elle a
cédé à mes instances, et m'a répondu qu'il étoit triste pour
elle de ne pouvoir se faire entendre, quoiqu'elle eût parlé
assez clairement; et que l'on devoit s'être aperçu qu'elle
n'aimoit pas le marquis.


ORGON.

Eh bien?


LISETTE.

Qu'elle avoit, en général, une antipathie mortelle pour les
airs suffisants; qu'on ne trouvoit qu'inconsidération dans la
plupart des jeunes gens, et que celui qui l'avoit fixée étoit
d'un âge mûr.


ORGON.

Oui-dà!


LISETTE.

Que les amants pris dans leur automne étoient plus
affectionnés, plus complaisants, plus conformes à son humeur.


ORGON.

Elle a raison.


LISETTE.

Comme enfin elle s'est déclarée ouvertement contre le neveu,
je me suis avisée de parler de l'oncle....


ORGON, l'interrompant.

De moi?


LISETTE.

On ne m'en a pas dédite. Un regard même m'a fait entendre ce
qui en étoit, et un soupir m'en a rendu certaine.


ORGON.

Comment diable! Quoi! je.... Lisette, tu badines assurément.


LISETTE.

Non, monsieur. J'ai eu beau lui dore, sur-le-champ (car cela
m'est échappé) que rien n'étoit si singulier qu'un pareil
choix; que, personnellement, vous étiez mal fait, cacochyme,
goutteux. Tout cela n'a rien fait, elle a pris son parti.


ORGON.

Vous pouviez bien vous dispenser de lui dire cela.


ARISTE.

Sans doute. Je suis persuadé que l'esprit, la sagesse, la
conduite sont les seules qualités qui puissent plaire à Julie
; elle les trouve parfaitement rassemblées chez Orgon.


ORGON.

Ecoutez donc, j'ai toujours été assez bien venu des femmes,
moi.... Mais elle ne m'a pas nommé. Je suis d'ailleurs plutôt
dans mon hiver que dans mon automne. Par cet homme mûr
n'entendroit-elle pas parler de vous, Ariste?


ARISTE.

De moi?


LISETTE, à Orgon, en montrant Ariste.

Bon! s'il s'agissoit de monsieur, il n'a pas d'apparence
qu'après tant d'entretiens secrets il l'ignorât.... Qui plus
est, je vous ai nommé, et on ne m'a pas démentie. Non, vous
dis-je, c'est vous, M. Orgon. La bizarrerie de son étoile l'a
fait se déclarer pour vous.


ORGON, à part.

Oh! parbleu! monsieur mon neveu, ceci va donc bien vous
faire rire.... (Riant.) Ah! ah! ah! vous n'en tâterez, ma
foi! que d'une dent.... (A Ariste et à Lisette.) N'ébruitons
rien. Il faut le faire venir, et nous divertir un peu à ses
dépens.


(On entend des instruments qui préludent dans l'appartement
voisin.)




SCENE XXV.


LE MARQUIS, ARISTE, ORGON, LISETTE.


LE MARQUIS, vers la coulisse, aux musiciens qui sont dans
l'appartement voisin, et que l'on ne voit pas.

Oui, vous êtes bien sur ce ton-là. Cela ira à merveille.
Restez dans cette antichambre; je vous avertirai quand il
sera temps.... (A Ariste.) Vous ne le trouverez, je crois, pas
mauvais, monsieur? J'ai rencontré quelques musiciens et
quelques danseurs de ma connoissance, que j'ai amenés avec
moi, et qui doivent faire un impromptu, dont mon mariage sera
le sujet .


ARISTE.

Il ne faut pas vous abuser plus long-temps, monsieur.


ORGON, bas, à Lisette.

Motus!


ARISTE, au marquis.

Julie n'étoit point née pour vous.


LE MARQUIS.

Plaît-il, monsieur?


ARISTE.

C'est un autre que vous qu'elle est résolue d'épouser.


LE MARQUIS.

Un autre?


ORGON.

Oui, un autre.


LE MARQUIS.

Mon oncle appuie la chose bien sérieusement... (Riant.) Ah!
ah! ah!


ORGON.

Vous avez beau ricaner; c'est un autre, vous dit-on.


LE MARQUIS.

Fort bien, monsieur, fort bien!


LISETTE.

Et cet autre est quelqu'un à qui vous devez le respect.


LE MARQUIS, ironiquement.

Oh! qui que ce soit, je le respecte infiniment.


ORGON.

Vous êtes d'une bonne pâte, monsieur mon neveu, de venir me
conter des sornettes, quand il n'est pas plus question de vous
que de Jean-de-Vert.


LE MARQUIS.

Ah! de grâce, mon oncle, ne serrez pas tant la mesure. Vous
m'alarmez.


ORGON.

Vous croyez que les femmes ne pensent qu'à vous autres
étourdis?


LE MARQUIS.

Elles y sont quelquefois forcées.


ORGON.

Oh bien! il faut, pourtant, que vous en rabattiez.


LE MARQUIS.

Il faut que ce rival, quel qu'il soit, se prépare à être
humilié; car, en tous cas, mon cher oncle, j'ai en poche de
quoi le mortifier étrangement.


ORGON.

Eh! qu'est-ce que c'est?


LE MARQUIS.

Un billet, de la part de Julie.


ORGON.

Qui s'adresse à vous?


LE MARQUIS.

Oui; vous pouvez m'en croire. Billet, de la part de Julie,
reçu dans le moment, rempli des sentiments les plus
passionnés, et qui reproche à la personne son excès de
modestie.... C'est pour moi, comme vous voyez, à ne pouvoir
s'y tromper.


ORGON, à Ariste.

Quel est donc ce billet dont il parle?


ARISTE.

Un billet que Julie a dicté, et que j'ai écrit moi-même.


ORGON.

Et elle écrivoit à Valère?


ARISTE.

Il me l'a semblé.


ORGON.

Que diantre, vous et Lisette, venez-vous donc me conter?


LISETTE.

Je n'y conçois rien.


ORGON.

Ni moi.


ARISTE, après avoir hésité un moment.

Ni moi.


LE MARQUIS.

On vous expliquera aisément tout cela dans un moment; on vous
l'expliquera.... (A Orgon.) Eh bien! mon cher oncle, êtes-vous
anéanti, pétrifié?

ORGON.

Il faut voir jusqu'au bout.




SCENE XXVI.


JULIE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS, LISETTE.


JULIE, à Ariste.

Je ne puis m'empêcher de vous demander, monsieur, pour quelle
fête on a rassemblé ici ce nombre infini de musiciens.


LE MARQUIS.

C'est moi qui les ai amenés, mademoiselle, pour célébrer le
plus beau de nos jours.... Mais on me tient ici des discours
étranges! Je vous prie d'éclaircir hautement le fait. On dit
qu'un autre que moi est le héros de la fête.... (En riant.) Ah
! rassurez-moi, de grâce.


Orgon, à Ariste.

Ecoutons.


JULIE, au marquis.

Les discours qu'on tient à présent me touchent peu. Je renonce
à tout engagement: mais il est vrai qu'un autre que vous
avoit quelque empire sur mon coeur.


ORGON, à part.

Ah! ah!


JULIE.

C'est un empire qu'il méprise.... Je ne prends plus le change
sur sa conduite. La fierté et la modestie gardent également le
silence.


ORGON, à part.

J'entends bien le reproche.


LE MARQUIS, à Julie.

Quoi! déguiseriez-vous toujours ce que vos yeux m'ont répété
tant de fois, et ce que votre main vient de me confirmer?


ORGON.

Chanson.


JULIE, au marquis.

A l'égard de la lettre, votre erreur est excusable. Aussi
n'est-ce pas ma faute si elle vous a été envoyée....
Cependant, vous devez avoir vu clairement qu'elle n'étoit pas
écrite pour vous.


ORGON, au marquis.

Cela est positif.


LE MARQUIS.

Voilà un petit caprice aussi bien conditionné, et poussé aussi
loin.... Oh! qu'on me définisse à présent les femmes!


ORGON.

Allez, allez, mademoiselle n'a point de caprices.... (A
Julie.) Vos attraits sont brillants, adorable personne! et si
fort au-dessus de tout ce que l'histoire et la fable nous
vantent qu'il n'étoit pas naturel qu'un homme de soixante et
dix ans....


LE MARQUIS, l'interrompant.

Qu'est-ce que dit donc mon oncle? Est-ce qu'il perd l'esprit?


ORGON, à Julie.

Il étoit, dis-je, peu naturel qu'un homme septuagénaire
regardât ces attraits comme un bien qui pût lui devenir propre
: mais, de même qu'Eson fut rajeuni par les charmes de Médée,
vos charmes enchanteurs....


LE MARQUIS, l'interrompant.

Ah! miséricorde! Quoi! mon oncle a des prétentions? Il y a
de quoi mourir de rire!


JULIE, à Orgon.

L'âge, même aussi avancé que le vôtre, n'est point un défaut,
selon moi, monsieur...


ORGON, l'interrompant.

Vous êtes bien obligeante.


JULIE.

Mais ce n'est pas non plus un mérite assez recommandable pour
qu'il me tienne lieu de l'inclination que je n'ai point pour
vous.


ORGON.

Comment?


LISETTE, à part.

Que veut dire ceci?


LE MARQUIS, à Orgon.

Cela est positif, mon oncle, et très positif.


ORGON, à Julie.

Excusez mon erreur. (A part.) Cette fille-là a quelque chose
d'extraordinaire.


LE MARQUIS, riant.

Ah! ah! ah!


ARISTE, à part.

Ce que je vois, et le souvenir de ce qui s'est passé, me force
à rompre le silence.


LE MARQUIS.

Qu'est-ce que c'est?


ARISTE, à Julie, en se jetant à ses genoux.

Ah! Julie, refusez donc aussi cet Ariste, qu'une passion
sincère oblige à se jeter à vos genoux; qui, jusqu'à présent,
n'a osé se livrer à un espoir trop flatteur, ni vous découvrir
ses sentiments, parce qu'il se croit cent fois indigne de
vous, mais qui, de tous les hommes, est le plus passionné.


LE MARQUIS, éclatant de rire.

Ah! monsieur veut aller aussi sur mes brisées? Mais, mais
l'aventure devient trop bouffonne.


LISETTE, à part.

Notre tuteur amoureux!


JULIE, à Ariste.

J'ai dit que je renonçois à tout engagement...


LE MARQUIS, l'interrompant.

Oui, et dans le fond il n'en est rien.


JULIE, à Ariste.

Je viens de refuser Orgon et le marquis: l'un m'accuse de
caprice, l'autre de singularité. (En souriant.) Un troisième
refus m'attireroit sans doute un reproche plus sensible. (Lui
présentant la main pour le relever.) J'accepte votre main,
Ariste.


ARISTE, se relevant.

C'est in bonheur inattendu, auquel je me livre tout entier.


ORGON, à part.

Parbleu! j'en suis ravi, et pour cause. (Au marquis.) Eh bien
! notre cher neveu, êtes-vous content du personnage que vous
m'avez fait jouer ici?


LE MARQUIS.

Que voulez-vous, monsieur, que je vous dise? Le dépit a fait
faire des choses extraordinaires, et il y a, dans tout ceci,
moins de changement qu'on ne se l'imagine.

(Il va chercher les musiciens et les danseurs dans la
coulisse.)




SCENE XXVII.


TROUPE DE MUSICIENS ET DE DANSEURS, ARISTE, JULIE, ORGON, LE
MARQUIS, LISETTE.


LE MARQUIS, aux musiciens et aux danseurs.

Avancez, messieurs les musiciens et danseurs; avancez, et que
la fête aille son train.


DIVERTISSEMENT.


ARISTE, chantant.

  La saine philosophie,
  Sévère sur nos désirs,
  Nous porte à passer la vie
  Loin des turbulents plaisirs:
  Mais les jeux, enfants de la tendresse,
  Peuvent être admis dans sa cour;
  Et je préfère la sagesse
  Qui pare ses traits de l'Amour.


(On danse.)


VAUDEVILLE.


ARISTE.

  Du jeune et malheureux Atys,
  Cybèle envioit la conquête.
  Anacréon, aux cheveux gris,
  De myrrhes couronnoit sa tête.
  En vain un tendre sentiment
  D'Hébé semble être la partage;
  Tant qu'on respire, on est amant.
  L'amour est de tout âge


ORGON.

  Je suis si vieux, j'ai si long-temps
  Près du beau sexe fait tapage,
  Que je me croyois hors des rangs;
  Mais, plus entreprenant qu'un page,
  Dans le moment, il m'a suffi
  D'entendre parler mariage:
  Mon coeur acceptoit le défi.
  L'amour est de tout âge.


LISETTE.

  Je n'avois pas encor dix ans,
  Qu'un espiègle du voisinage,
  En dépit de nos surveillants,
  Accouroit pour me rendre hommage.
  Que se passoit-il entre nous?
  Rien qu'un innocent badinage:
  Mais, ô grands dieux! qu'il étoit doux!
  L'amour est de tout âge.


LE MARQUIS.

  Si dans un cercle je parois,
  La grande maman, la plus sage,
  Gémit de n'avoir plus d'attraits,
  La mère affecte un doux langage;
  La fille à marier rougit,
  Et laisse tomber son ouvrage,
  Celle à la bavette sourit.
  L'amour est de tout âge.


JULIE.

  Le vieillard est plein de bon sens;
  Mais il est jaloux et sauvage.
  Si le jeune a des agrémens,
  Il est fou, bizarre et volage.
  Qu'il est difficile, en ce temps,
  D'avoir un époux qui soit sage!
  S'ils peuvent l'être à quarante ans,
  Le mien est du bon âge.




FIN DE LA PUPILLE.










End of Project Gutenberg's La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan

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Volunteers and financial support to provide volunteers with the
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To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
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The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
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809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
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page at https://pglaf.org

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     Chief Executive and Director
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