Le dîner interrompu

By Ernest Doin

The Project Gutenberg EBook of Le dîner interrompu, by Ernest Doin

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org


Title: Le dîner interrompu

Author: Ernest Doin

Release Date: August 1, 2004 [EBook #13070]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE DÎNER INTERROMPU ***




Produced by Renald Levesque and La bibliothèque Nationale du Québec





LE DÎNER INTERROMPU
ou
NOUVELLE FARCE DE JOCRISSE


FARCE COMIQUE EN UN ACTE PAR
ERNEST DOIN

1873



LE DÎNER INTERROMPU
ou
NOUVELLE FARCE DE JOCRISSE.

PIÈCE COMIQUE EN UN ACTE FAISANT SUITE AU DÉSESPOIR
DE JOCRISSE (UN AN APRÈS).


M. E. Doin, voyant le succès qu'avait obtenu "Le Désespoir de Jocrisse",
joué dans presque tous les localités, s'est décidé à faire cette
nouvelle pièce qui, comme l'autre est très comique; il espère qu'elle
obtiendra le même succès.



PERSONNAGES.

M. PLUMET. Propriétaire.
JOCRISSE. Domestique cuisinier.
LAFLUTE, Cousin de Jocrisse, domestique.
M. VINCENT. Ex-fournisseur d'armée, riche.
UN OFFICIER DE POLICE.


Le théâtre représente un salon, table à dîner au fond, chaises, petite
table sur un des côtés du théâtre, miroir, rasoir savonnette.


SCÈNE 1ère.

Laflûte, seul, balayant et rangeant des chaises.

Allons tout est en ordre, il est à peine huit heures et toute ma besogne
est faite; M. Plumet n'est pas encore levé, je vais l'attendre ici;...
ah! à propos il va vouloir se raser, préparons tout... là, sa petite
table, son miroir, sa savonnette, rasoir et as serviette de rigueur;
bon!... Voilà cependant un an de passé depuis que je suis au service de
M. Plumet, ça m'rappelle le jour de la grande catastrophe où mon cousin
Jocrisse a fait tant de fracas, ici, précisément dans cette même salle!
Dieu! quand je me rappelle, quel carambolage, table, buffet, assiettes,
j'en ris encore, surtout de son empoisonnement au vin de champagne!...
Diable de cousin, va!... il s'en est pas mal tiré, mais dame aussi,
ça l'a t'y changé? Est-il tranquille à présent?...... Depuis que le
cuisinier, le p'tit scopette, a quitté M, Plumet c'est mon cousin qui
l'a remplacé, et il s'y entend ma foi pas mal, puisque not' maître
trouve tout bon!... oh non, Jocrisse n'est plus le même, excepté une
chose c'est qu'il a toujours le mot pour rire et pour placer un petit
mensonge; ah dame! à lui l'pion pour ça... n'importe, c'est un bon
cousin pour moi...... (il regarde dans la coulisse) Ah j'entends
quelqu'un, c'est précisément lui.


SCÈNE 2e

JOCRISSE, LAFLUTE

JOCRISSE

Déjà à l'ouvrage, Laflûte, c'est superbe! C'est comme moi depuis une
heure mes fourneaux sont allumés, je ne fais fricasser et refricasser
pour le déjeuner de not' maître, Est-il levé.

LAFLUTE

Non, mon cousin, et tenez, au moment où vous entriez, je parlais de
vous.

JOCRISSE

Et à qui donc, Laflûte, à ton manche à balai?

LAFLUTE

Non, cousin, à moi-même, à mon particulier,

JOCRISSE (riant)

Ah! ah! ah! Et le sujet était intéressant, j'parie.

LAFLUTE

Ma foi oui, pour moi toujours, et j'en riais d'bon coeur; j'pensais à
vot' journée de désespoir.

JOCRISSE

Ah! Ah! Ils sont passés mes jours de fête!... Mais écoute Laflûte.......
ils vont revenir,

LAFLUTE (étonné)

Ah bath!

JOCRISSE

Oui, et peut-être aujourd'hui.

LAFLUTE

Quoi?... Quoi?... Encore cassé?......

JOCRISSE

Oh! non, non, c'est trop vulgaire... c'est autre chose, c'est une
fête...... une fête...... Eh quoi? Esprit étroit?... Tu ne sais pas?...
Tu ne comprends pas?...

LAFLUTE

Dame... non, mon cousin.

JOCRISSE

Quel quantième sommes-nous du mois?

LAFLUTE

Eh ben, j'pardi... c'est aujourd'hui le 14

JOCRISSE (le prenant par l'oreille)

Et le 14..... Monsieur Laflûte ne se rappelle pas l'hôtel de l'oie
rouge?

LAFLUTE (joyeux et battant des mains)

Oh! oh! l'anniversaire de la naissance de M. Plumet, le grand souper
avec le bailli Giffard?

JOCRISSE

Précisément. Et comme M. Plumet ne nous en parle pas je crains qu'il
n'ait invité quelques amis, car, il n'oublie jamais ce jour.

LAFLUTE

Eh ben?

JOCRISSE

Eh ben, je crains que nous soyons obligés de manger les restes du dîner.

LAFLUTE

Ah!

JOCRISSE

Et voila ce que je veux empêcher!... je me creuse et recreuse le cerveau
pour trouver un moyen certain et efficace de nous faire inviter à faire
partie du festin, et du diable! il faut que j'en trouve un... mais pour
cela, il me faudrait connaître l'invité on les invités?... S'il y a
la moindre physionomie à farce, tu verras, tu me seconderas et nous
rirons...... A propos... j'ai préparé quelque chose pour présenter à M.
Plumet pour la circonstance, je vais me tenir non loin d'ici, et pendant
qu'il se fera la barbe; ta regarderas par cette fenêtre, tu me verras,
tu me feras signe... allons... je l'entends, je m'sauve... attention au
signal.

(Il sort)


SCÈNE 3e

LAFLUTE (seul)

Bon! Puisque Jocrisse s'en mêle, tout ira bien, j'en suis sûr... Ah! vlà
M. Plumet, attention.


SCÈNE 4e

M. PLUMET, LAFLUTE

M. PLUMET

Eh bien, Laflûte, tout est-il prêt pour ma barbe?

LAFLUTE

Oui, oh! oui, not' maître.

M. PLUMET

Ai-je de l'eau chaude?

LAFLUTE

Ben sûr, oh ben sûr, not maître.

PLUMET

C'est bien, mon garçon.

(Il s'assied et tout en se préparant et se rasant, il parle.)

Jocrisse est-il allé au marché ce matin?

LAFLUTE

Oui, not' maître, oh! il y a déjà longtemps que je l'entends à la
cuisine, j'gage qu'il sue à grosses gouttes pour vous faire un bon à
déjeuner.

PLUMET

Allons, allons, c'est bien... ma foi je ne regrette pas de vous
avoir gardé tous les deux, malgré vos folies, je suis content, oui,
oui,--Jocrisse va bien, surtout depuis que je l'ai mis à la cuisine et
ma foi, il s'en tire à merveille.

LAFLUTE

Ah! Dame, not' maître, c'est pas pour dire, mais mon cousin Jocrisse,
vous aime bien, il me disait encore hier soir: "Tiens, Laflûte,
j'voudrais tous les mets les plus rares et savoir toutes les raffineries
de la cuisine pour contenter M. Plumet qui a été si bon de me pardonner
toutes mes fredaines, toutes mes folies."

PLUMET

Ce pauvre Jocrisse!... Oui, oui, il m'en a diablement fait... Mais,
bath! Tout est oublié!...... Ah! ça, Laflûte viens m'habiller.

(Comme tout l'habillement doit se trouver sur une chaise tout va
vivement, pendant qu'il aide M. Plumet, Laflûte a fait des signes à
Jocrisse qui arrive tenant de ses deux mains un pot contenant un énorme
bouquet de fleurs rouges, jaunes, bleues, blanches, larges feuilles, il
est facile de confectionner ce bouquet avec des fleurs artificielles,
papier de soie.)


SCÈNE 5e

JOCRISSE, PLUMET, LAFLUTE

PLUMET (apercevant Jocrisse)

Ah! mon Dieu! qu'est-ce que c'est que cela, Jocrisse, apportes-tu un
jardin?

JOCRISSE

Not' maître, c'est un bouquet, et ce léger bouquet, ce bouquet...
qu'est... l'embarras...... non... l'emblématique de vos vertus... de vos
bontés... de votre grand corps... c'est-à-dire... coeur... Ce bouquet...
not' maître, ben plus mince que les sentiments de Jocrisse et de
Laflûte, vous est offert par eux, car, ils vous regardent comme leur
bras tutélaire... et... et...enfin... M Plumet; c'est au nom de votre
anniversaire de l'oie rouge... Non.... de votre grande naissance...
que... en ce jour... qui... je... que... enfin... not' maître je vous
l'offre et je vous remercie de tout mon coeur.

LAFLUTE (saluant)

Et moi aussi, not' maître?

PLUMET

Merci, merci, mes enfants... vous me faites plaisir, je suis ému...
j'accepte ton bouquet, Jocrisse, pose-le là, mon garçon... et pour vous
récompenser tous deux... je...

JOCRISSE (à part)

Il va nous inviter à dîner.

PLUMET

Je vous permets de vous divertir ce soir à la cuisine.

JOCRISSE (à part)

Ah! diable! C'est ce que je n'veux pas.

PLUMET

Il y a un an vous avez partagé le souper de mon anniversaire, parce
qu'il y avait des circonstances, dont tu dois te rappeler, Jocrisse!

JOCRISSE

Oh! oui, not' maître... et même qu'c'était un fier souper!... On s'en
est-y donné!

PLUMET

Oui... mais aujourd'hui, vois-tu, depuis un an tout est changé, on eut
obligé de tenir un certain rang, un décorum enfin... surtout depuis que
j'ai été nommé capitaine de la garde nationale...... Si j'étais seul, je
vous dirais: mes enfants, vous partagerez le festin de votre maître...
mais......

JOCRISSE (imitant le mouton)

Mai.......

PLUMET (souriant)

Tu fais le mouton...... Mais, voyez-vous,--j'ai des convives et surtout
un, qui trouverait inconvenant si j'admettais à ma table--mes deux
domestiques.

JOCRISSE

Et ce convive, not' maître, que'qu'c'est donc, s'y vous plaît?

PLUMET

C'est mon plus grand ami, mon ami Vincent, l'homme riche et influent.

JOCRISSE (à part)

Oui, influent en bêtises (haut) Ah! Ah! not' maître je l'connais, il est
déjà venu ici, j'l'ai déjà vu.... c'est-y pas c't'ancien fournisseur de
l'armée que les soldats appelaient: riz, pain, sel?

PLUMET

Précisément. J'ai reçu hier sa lettre, tiens, la voici, je vais vous la
lire: (Il lit)

"Mon cher Anatase Plumet, J'ai reçu ta lettre par laquelle tu m'invites
à ton gala à l'occasion de l'anniversaire de ta naissance; je ferai
en sorte de m'y rendre, à moins que de grandes circonstances m'en
empêchent... car j'ai tant d'affaires!...... Si je ne suis pas chez toi
à quatre heures, ne m'attends plus, ce sera pour plus tard et nous n'en
serons pas moins bon amis."

"A toi,

Jérôme Vincent."

JOCRISSE (à part)

Du diable s'il dîne ici.

PLUMET

Comment?

JOCRISSE

J'dis qu'ça convient... qu'vous avez raison, not' maître.

LAFLUTE

Oui, mais ça nous rappelle l'souper de l'année dernière, et dame,
voyez-vous, ça fait! d'la peine.

PLUMET

Eh bien, écoutez mes enfants, si mon ami Vincent ne vient pas, je vous
promets que tous les deux, vous mangerez à ma table, car, il n'y a que
lui seul, voyez-vous, lui seul, qui est un obstacle à cela, et, j'ai
besoin de sa protection; vous savez que c'est à lui que je dois mon
grade de capitaine?

JOCRISSE (à part)

Bon! la partie est gagnée ou j'y perds tous les boutons d'ma veste
(haut). Ah! not' maître, ma parole, vous m'mettez la joie au coeur.

AIR: T'EN SOUVIENS-TU.

  C'est-y tout d'bon que not' maîtr' nous invite?

PLUMET

Oui mes enfants, oui, je le veux ainsi.

LAFLUTE

S'il vient du monde...

PLUMET

Vous partirez tout d'suite.

JOCRISSE

  Ah! qu'vous êtes bon! que vous êtes poli.
  Mais j'fons un rêve; je n'pouvons pas y croire.

PLUMET

Non, mes enfants, non vous ne dormez pas,

JOCRISSE ET LAFLUTE

  J'sens que d'plaisir, je n'vas manger ni boire (bis),
  Vraiment, vraiment, c'est un joyeux repas (bis).

PLUMET

Alors je sors, je vais faire quelques emplettes et je reviendrai pour le
dîner.. Tout sera prêt n'est-ce pas?

JOCRISSE

Ah! soyez tranquille not'maître... la broche, les casseroles, les poêles
et tout le bataclan... ça va marcher son brain!... gare la bombe!

PLUMET

Allons! bon!... Ah! à propos, Jocrisse as-tu bien cherché dans ta tête
à nous trouver quelques morceaux choisis? hein? mon gaillard, toi qui
connais les bons mets?

JOCRISSE (riant)

Ah! ma foi, not'maître, à votr'école on n'peut pas aimer les mauvais.

LAFLUTE (à part)

En a t'y! En a-t-y dans sa tête?

PLUMET

Voyons, voyons, un petit aperçu de ce que tu vas nous donner, sauf, ce
que je dois apporter en revenant.

JOCRISSE

Dame! Not'maître, j'ai tout r'passé dans ma mémoire les mets que je sais
d'votr' goût: prima, premièrement, d'abord: Un salmis aux fines herbes,
pommes d'amour pour entourage.

PLUMET

Bravo! C'est excellent ce plat-là?

JOCRISSE

Secunda pour le second plat. La persillade en vinaigrette, redoublement
de tomates ou pommes d'amour avec addition de cornichons.

PLUMET (il se passe la langue sur les lèvres à chaque mot).

De mieux en mieux, continue donc?

JOCRISSE

Troissio... Canard aux oignons, sauce parisienne à la russe et gélatine.

PLUMET

Excellent! excellent! Ensuite! ensuite?

JOCRISSE

"Quatritia." Un petit cochon d'lait farcé aux truffes.

PLUMET (vivement)

Un petit cochon de lait, Jocrisse, ah! tu me mets dans le ravissement!
Un p'tit cochon d'lait! Ah!... après?

JOCRISSE

Après.... après... Dame, not'maîtr' j'crois qu'c'est déjà pas mal
raisonnable.

PLUMET

Oh! Jocrisse! Jocrisse! Toi dont les idées fourmillent... tu oublies...
tu oublies mon mets favori?

JOCRISSE

Quoi?... Quoi?... ma foi, du diable si j'y suis.

PLUMET

Il est vrai qu'il y a diablement longtemps que je n'en ai mangé... Eh
bien, Jocrisse... ce mets... c'est... des oreilles de cochon piquées,
entrelardées de truffes et de fines herbes! Hein?

JOCRISSE (à part, comme frappé d'une idée.)

Des oreilles!... oh! la bonne idée! Merci, ma belle étoile! Merci, mon
génie tutélaire!

PLUMET

Diable qu'est-ce que tu marmonnes, avec tes choses tutélaires?

LAFLUTE

J'gage qu'il est content d'vot' idée.

JOCRISSE.

Oui content, contenssimus, oui, not' maître j'suis content Parce que
j'vas contenter vot'goût, j'veux qu'vot palais s'en rappelle de ces
oreilles-là.

PLUMET

Allons voilà pour un, maintenant je voudrais un pudding à la chipolata.

JOCRISSE

Hein? Hein? Qué qu'c'est que c'lui-là, c'est pas français?

PLUMET

Il l'est et il ne l'est pas, il vient de la Prusse.

JOCRISSE.

De... de la Prusse? oh! bon alors, not' maître n'm'en parlez pas, j'n'en
suis pas, y a du Bismarck là dedans, c'est indigeste j'suis contre.

PLUMET

Imbécile! oui je serais de ton avis, mais ce plat, ce mets exquis,
quoique venant de la Prusse a été inventé par un français cuisinier en
Prusse et qui a parcouru la Suède, la Russie, la Norwège... la...

JOCRISSE

Qui ça? votre pudding?

PLUMET

Eh non! Eh non, imbécile... Le cuisinier qui a donné ce nom là à ce
pudding et qui s'est fait une grande réputation dans l'art culinaire.

JOCRISSE

Allons not' maître, j'vous en f'rai un y s'ra p't'être pas tout à fait
chicoulata, mais enfin ça s'ra ch'nu et ça s'ra tout à fait français.

PLUMET

Enfin ce que j'aime encore beaucoup et surtout mon ami Vincent...
c'est...

JOCRISSE

C'est...

PLUMET

C'est un plat de macaroni.

JOCRISSE

Je ne connais pas ce gibier.

PLUMET (levant les épaules avec dédain)

Macaroni, Gibier!...

JOCRISSE

Eh bien, cette plante.

PLUMET (même geste)

Macaroni, une plante.

JOCRISSE

Enfin cet oiseau?

PLUMET (même geste)

Macaroni, oiseau.

JOCRISSE (impatienté)

Eh bien! cet animal!

PLUMET (vivement, et en colère)

Animal toi-même! Il te sied bien de traiter de macaroni d'animal, songe
donc que le macaroni doit sa naissance à l'Italie, à la belle Italie! A
la noble Italie! A la grande Italie...

JOCRISSE

Oui, elle est propre votre grande Italie, j'en entends dire de belles
choses, depuis qu'qu'temps, surtout d'c'Roi, l'fameux Emmanuel, eu v'la
un d'macaroni.

PLUMET

Silence! Jocrisse! Pas de politique, je n'en veux pas!... laissons
faire, attendons et motus! Tout viendra comme tout doit arriver...
parlons et continuons.

JOCRISSE

Ma foi, not'maître j'suis rendu au bout, vot' mazzoni, macaroni, m'a
donné l'vertigo, la chair de poule.

PLUMET

Jocrisse! Être indéfinissable, vas tu encore recommencer comme
autrefois?

JOCRISSE

Eh! non, not'maitre, mais vous prenez la mouche tout d'suite, vous vous
enl'vez comme une soupe au lait, parce que j'ai dit que l'macaroni était
un animal, quand on n'connaît pas les choses... ma foi... ma parole
d'honneur ça m'suffoque; moi, moi qui veux tout faire pour votre
plaisir, vous m'rudoyez!... Ah faut avouer que j'suis ben malheureux!

(Il fait mine de pleurer)

LAFLUTE

Ah! M. Plumet, voyez donc, mon pauvre cousin; ma parole, il pleure.

PLUMET

Allons, allons Jocrisse, ne te chagrine pas, je me suis laissé un
peu emporter, voyons n'en parlons plus... plus tard, tantôt je t en
apporterai de ce macaroni et tu verras que la chose est fort simple
quoique très bonne!... Voyons, mes enfants à la besogne, chacun de votre
côté, pour moi, je sors, je rentrerai le plus tôt possible et si mon ami
Vincent vient avant mon retour, recevez-le avec respect, avec égard...
allons, au revoir.

(Il sort)

JOCRISSE ET LAFLUTE

Au revoir not' maître.


SCÈNE 6e

JOCRISSE, LAFLUTE

LAFLUTE

Mon pauvre cousin, M, Plumet vous a encore rudoyé, il vous a chagriné,
hein?

JOCRISSE (joyeusement)

Moi! triste, chagrin! Oh! Laflûte, tu n'y es pas, je suis d'une gaieté
folle! Tiens, j'peux sauter comme un cabri!... Moi! triste! Que tu es
encore niais, mon pauvre Laflûte.

LAFLUTE (interdit)

Mais vous allez presque pleurer?

JOCRISSE.

J'avais bien plutôt envie de rire! Ah! ah! ah! ah! Tu ne sais pas ce
qu'il y a dans cette cervelle, va!... Il y en a des idées, et des idées
tumultueuses, ça s'croisent en tous sens j'te dis qu'mon horizon s'est
éclairai; on est plus au temps du père Griffard? Tu te rappelles ce
vieux bailli que j'ai si bien joué, mais ça, ce n'était rien qu'une
petite comédie; mais aujourd'hui, Laflûte, c'est en grand, ce sera
émouvant, étourdissant, une chose... mais une chose... à rendre poussif
à force de rire!... Ah! Laflûte, si connue moi, depuis un an, tu avais
lu, parcouru tous les volumes qui m'ont développé l'intellectualité des
idées, oui, si tu avais lu: le parfait cuisinier Jean de Calais, les
prédictions de Nostradamus, la vie du juif errant et autres auteurs, si
tu avais suivi comme moi; les faits divers des feuilles publiques
et générales! Oh! alors, tu en aurais aussi des idées! Mais, pauvre
adolescent, tu ne sais pas même faire la différence de l'A et du B,
c'est pourquoi tu restes dans cette innocence qui dégénère en bêtise...
mais je ne t'en veux pour cela, je t'aime comme mon parent et je veux
que mes idées te soient profitables comme à moi.

LAFLUTE

Mais où diable, voulez-vous en venir, mon cousin, car vous m'embrouillez
tout mon individu?

JOCRISSE

Écoute Laflûte, M. Plumet ne veut pas nous admettre à sa table, n'est-ce
pas?

LAFLUTE

Eh ben non! parce qu'y y aura un monde, surtout c'm'sieur Vincent? Eh
bon, après?

JOCRISSE

Eh bien! M. Vincent ne dînera pas, M. Plumet ne dînera pas.

LAFLUTE (étonné).

Ah bath!

JOCRISSE

C'est comme çà, Laflûte? Connais-tu le mets favori de not' maitre! à
part son diable de macaroni?

LAFLUTE

Oui. il a dit les oreilles farcies...

JOCRISSE

Assez! Dis comme moi, parle comme moi, imite-moi, et, tout ira bien...
je descends à la cuisine, je vais m'excrimer sur les plats et autres
ustensiles et pendant que je ferai les sauces, j'en prépare une dans ma
tête qui sera piquante, mirobolante, épouvantante, tragicale, comicale
et encore plus qu'ça.

LAFLUTE (étonné).

Ah! mon Dieu! Et encore qué qu'c'est?

JOCRISSE

Motus ne dis rien, ne parle de rien, dis comme moi... tout ce que je
peux te confier c'est que nous dînerons à la table de M. Plumet... à
bientôt.

(Il sort en se frottant les mains)


SCÈNE 7e

LAFLUTE (seul)

(Il le regarde sortir, la bouche ouverte, les bras pendants, tout
ébahi).

En a t'y, mais en a t'y d'esprit c'gaillard là?... c'est pas parc'que
c'est mon cousin, mais ma parole, y en a pas pour avoir des idées comme
lui... J'vous d'mande un peu, quoi qu'y va faire, qui qui va dire pour
empêcher l'dîner d'M. Plumet... faut qu'ça soye ben drôle, ben fort...
y m'tarde d'y être... Pourvu qu'y n'fasse qué qu'mauvais coup pour nous
faire chasser... oh! non, il avait l'air trop joyeux, ça doit être au
contraire qué qu'chose de risible... C'est égal ça n'laisse pas de
m'turlupiner!... Diable de cousin, va!... Encore, s'y m'avait mis
seulement sus l'bord de la piste, ça irait?... Mais non. "Motus...
dis comme moi, fais comme moi..." ma parole, c'est vexant... enfin...
attendons... Mais! qu'est ce qu'y chante là-bas... j'connais cette voix
là.


SCÈNE 8

VINCENT, LAFLUTE.

(On entend Vincent dans la coulisse)

  Par la voix du canon d'alarme
  La France appelle ses enfants
  Allons, dit le soldat aux armes
  C'est ma mère que j'défends. [1]

(NOTE DE L'AUTEUR).--Chaque directeur de la société
d'amateurs peut mettre le couplet qu'il voudra, j'ai mis celui-ci parce
qu'il m'est venu à l'idée.

(Entrée en scène)

LAFLUTE

Eh! c'est M. Vincent?

(Refrain tous les deux)

  Mourir pour la patrie
  C'est le sort, etc.

LAFLUTE

Bonjour M, Vincent, vous aimez toujours à chanter?

VINCENT (avec fatuité affectée)

Oui, jeune homme, surtout le chant qui rappelle les beaux jours!... Ah!
morbleu! quand j'y pense!

LAFLUTE

Mais vous n'étiez pas soldat, vous M. Vincent?

VINCENT

Eh! conscrit, n'est-ce pas moi qui étais le fournisseur général de
l'armée? N'est-ce pas à moi que tous nos braves sont redevables de cette
nourriture grande et saine que je leur distribuais?

LAFLUTE

Oui, mais mon cousin Jocrisse qu'est ben induqué, y m'dit qu'vous aviez
une bonne et qu'avec les tours de bâton, qu' c'était tout ça qui vous
avait enrichi.

VINCENT (brusquement)

Jocrisse est un imbécile et toi aussi... Silence dans les rangs.

LAFLUTE

Faut pas vous fâcher, M. Vincent, j''vous dis ça, c'est pas pour...

VINCENT

Eh! je ne me fâche pas, Laflûte, j'ai le caractère comme ça un peu
prompt, vif, mais ça ne dure pas... mais laissons cela... l'ami Plumet
est-il ici?

LAFLUTE

Non, M'sieur, il est sorti, mais il doit rentrer bientôt.

VINCENT

Ce pauvre et vieil ami, il y a longtemps que nous nous connaissons et
j'aurais été fâché de ne pas m'être rendu à son invitation.

LAFLUTE

Ah! y s'ra ben content aussi, lui, allez car il nous a parlé de vous
avant d'sortir et nous a ben r'commandé d'vous recevoir avec ben du
respect.

VINCENT

Allons, je vais l'attendre... où est donc, le célèbre, le fameux
Jocrisse, ton cousin?

LAFLUTE

Pardié, ça s'demande pas, il est à la cuisine.

VINCENT (riant)

Ah! c'est vrai, depuis son escapade, l'ami Plumet l'a placé aux
fourneaux... Et ça prend-t-il un peu?

LAFLUTE

Si ça prend, comme le feu!... Ah dame! c'est pas rien qu'mon cousin.

VINCENT (riant)

Ah! je connais l'oiseau d'ancienne date.

LAFLUTE

Ça m'étonne, faut qu'il vous ait pas entendu, y s'rait déjà ici...
mais... (fausse sortie).

VINCENT (l'arrêtant)

Non, non, ne le dérange pas, car je présume qu'il s'occupe du dîner?

LAFLUTE

Comme vous dites... Mais tenez, je l'entends qui monte... le voici.


SCÈNE 9e

Les précédents: JOCRISSE

JOCRISSE (il fait la mine triste pendant cette scène)

Ah! c'est M. Vincent, vous allez bien M. Vincent.

VINCENT

Mais très-bien, mon garçon... et toi, je pense que comme toujours la
santé et la gaîté vont toujours de compagnie?

JOCRISSE

Toujours?... oh non... pas toujours M. Vincent.

VINCENT

Comment donc?... Qu'y a-t-il donc pour empêcher cela?

JOCRISSE

Oh rien... presque rien.

LAFLUTE (à part)

Vlà la comédie qui commence, mais j'y comprends rien encore.

VINCENT

Mais encore, que diable, quand la gaîté s'en va, c'est que...

JOCRISSE

C'est que la tristesse arrive et la santé s'en sent.

VINCENT

Ah! ça, mon gaillard, quel diable de ton prends-tu donc?... tu as la
mine d'un enterrement.

JOCRISSE (lentement)

Dame... M. Vincent... voyez-vous, j'suis comme ça moi... quand
j'vois qu'un malheur doit arriver à un honnête homme. Eh ben... ça
m'bouleverse... ça m'tourmente comme une âme en peine.

VINCENT

Et où vois-tu donc arriver un malheur à quelqu'un?

JOCRISSE

Peut être oui... peut être non... c'est selon...

VINCENT

Ah! ça, sais tu que tu m'intrigues, est-ce que tu ne pourrais pas
t'expliquer un peu mieux? Ce ne doit pas être un secret.

JOCRISSE

Au contraire... c'est un grand secret... et cependant... y m'pèse sus
l'estomac... pauvre M. Vincent...t'nez... faut que j'vous dise tout,

VINCENT

Parle... parle mon garçon... tu viens de prononcer mon nom... ma parole
d'honneur tu m'intrigues.

JOCRISSE (à part bas à Laflûte et vivement)

Attention!... tu vas comprendre, dis comme moi (haut à M. Vincent) M.
Vincent, vous v'nez dîner avec mon maître aujourd'hui n'est-ce pas?

VINCENT

Sans doutes, mais qu'a de commun ce dîner avec les airs de funérailles?

JOCRISSE

M. Vincent, si j'vous disais que vous courez ici, un grand, un énorme,
un formidable danger.

VINCENT (effrayé)

Hein?... Comment?... Que veux-tu dire?

LAFLUTE (à part)

J'comprens pas encore.

JOCRISSE

M. Vincent, t'nez vous à vos oreilles?

VINCENT (se touchant les oreilles.)

Saperlotte! si j'y tiens... Mais j'crois bien et, fortement encore.

JOCRISSE

Eh ben, écoutez... il y a de ça environ deux mois... Notre pauvre M.
Plumet était-là... ici... dans cette même chambre où nous sommes...
j'étais occupé à arranger quelques papiers sur cette table... quant tout
à coup j'entends not'maitre qui parlait tout seul et qui disait; "Oui...
oui... rien de meilleur... de plus exquis... que les oreilles... surtout
les oreilles coupées de suite..." Vous comprenez qu'en entendant cela,
les miennes se redressent et je m'dis: Diable! Qu'est-ce qu'il veut
dire là? J'le r'gardais, il avait une mine... mais une mine!... Ah! M.
Vincent, c'était effrayant à voir!

VINCENT (commençant à avoir peur)

Tu m'épouvantes, Jocrisse?

LAFLUTE (à part) (souriant)

J'comprends un p'tit peu.

JOCRISSE

Laissez-moi continuer... vrai... quand j'pense à ça, l'frisson m'passe
partout... brrrou... Vlà qui s'promène... qui marche à grands pas... et
puis... y s'tâtait les oreilles... y souriait... y grimaçait... y parait
que c'te maladie là, parce que, voyez-vous, c'est une maladie, ça vous
prends tout d'un coup à c'que me dit l'docteur Turgeon à qui qu'j'en
ai fait confidence et qui soigne not' maître... enfin M, Vincent, vous
comprenez que j'savais pus quoi comprendre et ma foi, j'étais là,
j'pouvais pus bouger, tant j'avais peur.

VINCENT (toujours effrayé).

Certes! il y avait de quoi, et ça s'est passé? comme ça?

JOCRISSE

Oh! non, la suite est bien plus terrible, car au moment où je ne m'y
attendais pas, M. Plumet se r'tourne devant moi... sa bouche souriait...
mais ses yeux flamboyaient. Jocrisse! qui m'dit comme ça, aimes-tu les
oreilles?... j'ai pas pu trouver un seul mot... je l'vois marcher droit
à la table... j'pense ben qu'il v'nait prendre son rasoir... j'l'ai pas
entendu comme vous pensez ben, je m'suis sauvé et j'ai été m'cacher une
partie d'la journée dans la cave.

LAFLUTE (à part)

J'comprends tout, ah! diable de Jocrisse, va.

VINCENT

Diable! Diable! Mais je ne suis pas en sûreté ici... j'ignorais cela,
moi, mais quelle est donc cette maladie? Jamais je ne me suis aperçu
de rien chez ce pauvre Plumet? Jamais au grand jamais, je n'ai entendu
parler qu'il avait une semblable maladie.

JOCRISSE

Sans doute que vous n'en avez jamais entendu parler, c'est pas difficile
à comprendre je m'tue d'vous dire qu'il y a deux moins que deux mois
seulement que cette maladie l'a pris, et voilà plus de six mois que vous
n'êtes venu ici à Saint Quentin.

VINCENT

C'est vrai, c'est vrai, Diable! Diable! Et t'a-t-on dit... sais-tu quel
est le nom de cette triste maladie?

JOCRISSE

On me l'a dit et à Laflûte aussi, te souviens-tu du nom, toi mon pauvre
Laflûte, qui as été si près de te voir avec une seule oreille.

LAFLUTE

Ah! cousin, ne me rappelez pas ce triste jour, j'en tremble encore,
brrrr!

VINCENT

Quoi? Laflûte aussi?

JOCRISSE

Eh! parbleu, croyez-vous que quand cette rage le prend, il choisit son
homme? Non, non, je crois que son frère, s'il en avait un y passerait
comme un autre,

VINCENT

Mon sang se glace, Diable! Diable!

JOCRISSE

Attendez-donc, je croîs me rappeler le nom, ça s'appelle... ça
s'appelle... une... une... mélancolie.

LAFLUTE

Non, non, cousin, je crois qu'c'est une cérémonie.

VINCENT

Mélancolie! cérémonie... ce ne sont pas des termes de médecine ça...
laissez-moi chercher... est-ce que ce ne serait pas le mot... monomanie?

JOCRISSE ET LAFLUTE

Juste! Juste! c'est comme ça.

JOCRISSE

Et ben not' maître est attaqué d'une monomanie... ça n'paraît pas, il
n'y a que quand l'accès le prend.

VINCENT

Ma foi, mon brave Jocrisse, je vous remercie mille fois; c'est un
service que je n'oublierai pas. Ko attendant, tiens, prends cette
bourse, quant à moi je m'esquive avant que le malheureux n'arrive.

LAFLUTE (qui a regarde au fond).

Il n'est plus temps, le vlà, qui entre dans la cour.

VINCENT

Diable! Comment faire? Je voudrais cependant bien m'en aller.

JOCRISSE

Attendez...... d'abord, il n'est pas certain que son accès le prenne
précisément pendant que vous êtes là?... Dans tous les cas à présent, je
connais le moment où çà le prend, les premiers symptômes comme on dit,
ainsi soyez tranquille, M. Vincent, si dans tous les cas il y a danger,
je vous préviendrai à temps... Mais je vous en prie au nom de tout ce
que vous aimez le plus, ne parlez de rien, ne me vendez pas, il me
chasserait pour toujours.

LAFLUTE (pleurant)

Et moi aussi.

VINCENT

Je m'en garderai bien.

JOCRISSE

Silence!... le voila... faites comme si vous ne saviez rien.


SCÈNE 10e

Les précédents: Plumet (un paquet sous le bras).

PLUMET

Eh! le voilà ce cher ami, ce vieux camarade, il y a plus de six mois,
sais-tu, que nous ne nous sommes vus! oh! c'est mal, c'est mal de
négliger les amis, il a donc fallu cette circonstance pour t'avoir?

VINCENT (timidement)

Comme tu dis, mon cher Plumet, et encore me suis-je bien forcé pour
venir, j'ai tant d'affaires... tant d'embarras...... Mais à propos... ta
santé comment est-elle?

PLUMET (gaiement).

Ma santé!... Mais elle est des plus florissantes... ma parole; je me
sens rajeunir je crois; je ne me suis jamais mieux porté... je bois...
je mange... je me promène... ma foi, je trouve ma vie très-agréable.

VINCENT (à part)

Le malheureux! Comme il se fait illusion.

PLUMET

Et toi, je pense qu'en en est de même, un ancien fournisseur!... Un
mondor!

VINCENT

Mais... Mais... je me porte bien...je suis bien.

PLUMET

Cependant, tu me parais inquiet, troublé... il ne t'est pas survenu de
malheur?

VINCENT

Non, non... mais j'ai certaines affaires en tête qui m'occupent beaucoup
en ce moment, et si je n'avais pas eu crainte de te faire de la peine,
je ne me serais pas rendu à ton invitation.

PLUMET

Et tu aurais très-mal fait... Allons, allons, il faut de la gaîté avec
moi!... A table! à table!... Allons vous autres, dépêchons!... Jocrisse!
Tout est prêt, n'est-ce pas?

JOCRISSE

Oui, not' maître, il n'y a plus qu'à mettre la table... Voyons Laflûte,
prépare tout, je vas chercher les plats (à cette répartie Laflûte, sert
la table) (en souriant en apercevant le paquet) Mais qu'qu'vous avez
donc là sous l'bras, not'maître... Encore une surprise... j'parie
qu'c'est l'macaroni?

PLUMET (en riant).

Non... ça... c'est...
  C'est un dindon
  Ma donduine
  C'est un dindon
  Mon garçon.

JOCRISSE

Ah! ah! ah! ah! toujours gai, not' maître, toujours gai et faut-y
l'mettre à la broche tout d'suite?

PLUMET

Oui, oui, et comme il n'y a pas de fête sans lendemain, le dindon est
pour nous régaler demain matin, car, mon ami Vincent, malgré ses grandes
affaires prendra domicile ici.

VINCENT (embarrassé)

Mais.....

PLUMET

Il n'y a pas de mais... c'est comme ça... allons, Jocrisse, vivement mon
garçon.

JOCRISSE

Oui, not' maître, donnez-moi l'dindon et j'vas vous l'farcir d'une façon
lumineuse, petit habis et truffes, ce sera excellent et embaumant,
laissez-moi faire.

PLUMET

Je compte sur toi... Ta mon garçon.

VINCENT (bas à Jocrisse)

Surtout Jocrisse..... veille, veille, et préviens-moi.

JOCRISSE (de même)

Soyez tranquille, je n'vous quitte pas.

PLUMET

Ah ça, mon cher Vincent, je me suis permis de passer après le dîner une
bonne et joyeuse veillée, j'attends Grégoire, Jourlo, Dominique, tous
des anciens amis, ils ne peuvent venir que ce soir Nous, en attendant,
nous allons prendre un acompte avec un dîner copieux?... bon! voilà
Jocrisse! La fleur des cuisiniers.

(Jocrisse place tous les plats, il y en a un qui est couvert, c'est le
supposé plat d'oreilles)

JOCRISSE

Tout est prêt, vous pouvez vous mettre à la table (A part) Et vous n'y
resterez pas longtemps.

PLUMET

A Table donc! Et en avant la fourchette et l'appétit... Tiens, Vincent,
mets toi là... là devant moi.

VINCENT (à part)

J'voudrais être bien loin.

PLUMET (le servant).

Comment trouves-tu ce salmis?

VINCENT (toujours préoccupé jusqu'à la fin)

Excellent.

PLUMET

Donne moi ton verre, tu me dira des nouvelles de ce gaillard là... il
est de la Bourgogne... à ta santé!

(Ils trinquent et boivent)

VINCENT

Bon vin! délicieux (à part) Ça me remet un peu.

PLUMET

Goûte-moi un peu de ce canard.

VINCENT

Volontiers.

PLUMET

Ah! c'est que le sieur Jocrisse fait des progrès dans la cuisine,
sais-tu?

VINCENT

Je m'en aperçois.

PLUMET

Tu ne bois pas...! à boire! à boire!

VINCENT

C'est que ton vin est capiteux.

PLUMET

Allons bon, ne vas-tu pas faire la Duchesse? Bois donc?

VINCENT

Allons (à part) au fait, ça m'encourage.

PLUMET (il se gratte l'oreille.)

Oh! tiens, j'y pense.

JOCRISSE (à part à Vincent)

V'là qu'ça le prend.

VINCENT (à part)

Ah! mon Dieu!

PLUMET

Aimes-tu les oreilles, Vincent?

VINCENT

Des...... oreilles.

PLUMET

Oui les oreilles, rien de meilleur, rien de plus exquis... ah!

JOCRISSE (à part à Vincent)

Méfiez-vous.

PLUMET

Tiens Vincent, j'en ai déjà mangé! beaucoup et plus j'en mange, plus je
les aime.

VINCENT (tout à fait épouvanté)

Mais... mais... moi... je n'en suis pas.

PLUMET

Eh bien, moi, j'en mangerai, ce bourgogne m'a ouvert le goût... vivent
les oreilles.

JOCRISSE (à part)

Il n'est que temps, vlà, l'accès au plus fort.

VINCENT (reculant sa chaise).

Aie! oh! mon Dieu!

PLUMET

Qu'as-tu donc, Vincent, tu as les oreilles rouges comme un corail? (il
est levé)

VINCENT

Seigneur! Je suis perdu.

PLUMET (prend couteau et fourchette)

Allons! Allons Vincent, goûtera des oreilles. (Il se penche pour aller
au plat couvert, à l'instant, Vincent se lève vivement, renverse sa
chaise, casse une assiette se sauve sans chapeau en criant)

Aie! Aie! Aie!... Grâce! Grâce! Pas d'oreilles! Pas d'oreilles. Je
m'sauve! Je m'sauve!

(Pendant la scène de Vincent, Plumet est debout, le couteau an l'air,
la main sur le plat, la bouche ouverte, l'air tout étonné, Jocrisse et
Laflûte au fond, s'efforcent de se cacher pour étouffer leurs rires)


SCÈNE 11e

JOCRISSE, PLUMET, LAFLUTE

(NOTE DE L'AUTEUR.--Pendant tous ces a-parte, il ne faut pas que la
scène languisse, M. Plumet chantonne entre ses dents, il rit, il regarde
Vincent, Laflûte est derrière lui, il rit.)

PLUMET

Ah! ça! Mais qu'a-t-il donc? est-il devenu fou? Qu'est-ce que ça
signifie de se sauver ainsi? Diable qu'est-ce qui l'a pris? J'en suis
tout effrayé!... Mais courez donc après lui, ramenez-le... Pauvre
Vincent, que peut-il avoir? ramène-le... peut-être est-il malade? Je ne
sais que penser?

JOCRISSE

Ah! Dame, Monsieur, Dame, faut pas s'fier à la mine de tout l'monde, on
dit toujours: l'eau dormante est plus traître que l'eau courante.

PLUMET

Allons, à l'autre, à présent, que diable viens-tu me chanter avec ton
eau dormante et courante.

JOCRISSE

Dame. Not' maître, ça pourrait ben être que'qu'chose comme ça?

PLUMET

Eh va t'en au diable avec tes paraboles et tes proverbes, qu'est-ce que
tout ça signifie? Voyons en sais-tu quelque chose, toi? Parle.

JOCRISSE

C'est que, quand on vous veut du bien vous r'pousser vot' monde... Oui
j'sais qu'equ'chose et c'qu'equ'chose, c'est p't'être ben vot' vie
qu'était menacée aujourd'hui, et j'veillais sur vous! là!

PLUMET (commençant à avoir peur)

Comment? Que me dis-tu lu Jocrisse? Ma vie menacée? Et par qui, Grand
Dieu?

JOCRISSE (avec aplomb)

Par qui?.. Par vot' ami Vincent!

PLUMET

Vincent? Allons donc, c'est impossible?.. Quel intérêt le pousserait
d'attenter à mes jours?

JOCRISSE

(à part) Voyons... ah! j'y suis (haut) pas un intérêt mais une
maladie... une maladie grave... triste et surtout dangereuse.

PLUMET

Oh! mon Pieu!... Dis vite, Jocrisse.

JOCRISSE

Eh bon, not' maître, c'pauvre Monsieur Vincent, j'sais pas où diable
il a pêché ça, mais ça y est venu tout d'un coup, sans qu'il y pense
j'crois ben, mais d'après l'dit-on qu'j'ai appris c'matin seulement, il
est attaqué d'une... d'une... (à part) Diable quel nom y donner... ah!
(haut) d'une maladie qu'on nomme effraction vicieuse.

PLUMET

Effraction vicieuse?

LAFLUTE

(à part) Diable, de Jocrisse va! (haut) Non cousin, c'est pas comme ça
qu'm'sieur Robard l'a nommé c'est une constipation vertueuse.

PLUMET

Que diable me chantez-vous là, mais ces deux êtres là me donnent la
chair chair de poule et m'écorchent les oreilles avec leurs mots qui
n'ont ni queue ni tête, mais imbéciles que vous êtes a-t-on jamais
entendu parler de ces maladies-là?

JOCRISSE

Dame; Not' maître, ça rime toujours un peu comme ça... j'suis pas ben
sûr, moi?

PLUMET

Attendez-donc, ce ne serait pas des crispations nerveuses.

JOCRISSE

Bon! Bon! Not' maître, c'est ça. Eh ben, tant y est que l'pauvre M.
Vincent en est attaqué et quand ses nerfs le prennent, faut qu'y tue,
n'importe quoi.

LAFLUTE

A preuve, c'est qu'au moment qu'y s'est ensauvé, j'ai z'aperçu sous son
gilet la crosse d'un pistolet qu'il avait ben sûr, pour poignarder qué
qu'un.

PLUMET

Mais puisqu'il s'est sauvé, alors, c'est qu'il n'avait pas l'intention
de me tuer.

JOCRISSE

(à part) Ah Diable! Ah! mais attendez, not' maîtr' y paraît dans ces
maladies là, l'individu connaît son mauvais moment, M. Vincent s'en s'ra
aperçu et......

PLUMET

Je comprends à présent.... de là, sa frayeur, sa crainte de commettre un
crime causé par sa cruelle maladie, et il s'est enfui. Pauvre ami! Je le
plains... n'importe il faut savoir où il est allé?... Ah Diable! Voilà
une triste fête d'anniversaire.


SCÈNE 12e

Les précédents: VINCENT, L'OFFICIER DE POLICE (on entend dans la
coulisse)

Allons! allons! Marchez!

VINCENT

--Mais je vous dis que je ne suis pas un voleur?

PLUMET

Qu'est-ce que j'entends? Je ne me trompe pas. Vincent avec un officier
de Police?

JOCRISSE (à part)

Aie! Gare la bombe, tenons ferme.

(L'officier entre, tenant Vincent par le collet)

M. Plumet, voici un individu, étranger pour moi surtout, je l'aperçois
en haut de la rue; se sauvant sans chapeau, l'air égaré je lui demande
son nom, il ne me répond que par des exclamations auxquelles Je ne
comprends rien, je le conduis au poste, je le fais fouiller et on trouve
sur lui ce couvert d'argent marque en toutes lettres à votre nom...
voyez plutôt.

PLUMET

D'abord, M. l'Officier, je réponds de l'homme que voilà, c'est M
Vincent ex-fournisseur de l'armée et mon plus grand ami, il est riche,
indépendant et par conséquent ne peut être accusé de vol... Quant au
couvert d'argent... c'est bien mon nom, Anastase Plumet (il regarde sur
la table) J'ai toute mon argenterie, rien ne manque.

VINCENT

Lis au-dessous de ton nom, mon ami, ce que M. l'Officier n'a pas vu.

PLUMET

(Lisant) "présenté par son ami Vincent"... Quoi?...

VINCENT

Oui, mon ami, c'était mon présent... je voulais te l'offrir à la fin du
dîner... quand ta cruelle maladie...

PLUMET

Hein?... ma maladie... Ah! ça qu'est-ce que tu m'chantes là?... Je n'ai
jamais été malade, moi?

VINCENT

Non, pas malade, si tu veux... mais cette monomanie dont tu es attaqué
et...

PLUMET

Ah! ça, veux-t-on me rendre fou aujourd'hui. Maladie, Monomanie,
explique-toi donc, Vincent car, ma parole, je ne sais plus que dire?

JOCRISSE (à, part)

En vlà un galimatias, gare à moi tout à l'heure.

VINCENT

Pauvre ami, ce n'est pas ta faute, et je te pardonne bien, va.

PLUMET (exaspéré)

Mais non!... Mais non!... Je veux tout savoir... dis-moi...
explique-moi, car tu me fais perdre la tête.

VINCENT

Eh bien, je sais, que quand ton accès te prend, il faut que tu manges
les oreilles de quelqu'individu

PLUMET (hors de lui)

Moi!... Moi!... Ah ça!... Ah ça!.... Mais!... Mais!.... ma tête!...
ma tête!... et parbleu mais toi, n'es-tu pas attaqué de crispations
nerveuses?... Qui te portent à certains moments à vouloir poignarder
quelqu'un?

VINCENT (avec force)

Ah! quelle infamie!... Moi! Jamais au grand jamais je n'ai eu ni
crispation nerveuses ni la moindre pensée d'attenter à la vie d'un
homme!... D'où cela vient-il? qui t'a dit cela?

PLUMET

Eh! parbleu! Qui peut t'avoir dit que je mangeais les oreilles de
chacun?... attends... tiens... je ne crois pas me tromper, il y a du
Jocrisse là-dedans.

VINCENT

Voyons Jocrisse, approche, comme dit l'ami Plumet, il y a du Jocrisse
là-dedans.

JOCRISSE (s'avançant au milieu)

Oui, Messieurs, c'est moi, c'est bien moi!... Mais foi de Jocrisse, je
ne pensais pas à\ mal, c'était histoire de rire, une farce, et j'espère
que j'aurai mon pardon.

PLUMET

Mais animal, Vas-tu encore recommencer tes fredaines? je vous demande un
peu, messieurs, me faire passer pour monomane, manger les oreilles de
mes ami, et toi, mon pauvre Vincent, venir me dire que tes crispations
te portaient au meurtre!... Mais sais-tu? Maraud, que tu mérite une
bastonnade pour cela?

JOCRISSE

Non not' maître, non M. Vincent et vous verrez, d'après mon récit, mes
aveux, que vous serez les premiers à rire, même M. l'officier de police.
Vous vous rappelez ce matin, not' maître que vous auriez ben voulu
m'admettre à votre table ainsi que Laflûte à l'occasion de votre fête;
mais vous aviez mis une condition, c'est que si M. Vincent venait, nous
mangerions à la cuisine, ça n'm'allait pas, pour lors, j'ai formé mon
plan quand vous m'avez parlé du plat d'oreilles aux petites herbes, j'ai
profité du mot: oreilles pour bâtir mon affaire et faire déguerpir ce
pauvre M. Vincent, qui a eu assez peur; après son départ, je savais
bien que vous alliez être tout surpris. tout d'suite j'ai rebrodé une
nouvelle affaire et je lui ai donné des crispations nerveuses!...
j'aurai réussi, si vous m'accordez un pardon généreux,

Tous (riant)

Ah! Ah! Ah! Ah!

PLUMET

Ce diable de Jocrisse. Mais tu n'en feras donc jamais d'autres?

VINCENT

Où diable trouves-tu tout ça?

JOCRISSE (se touchant le front)

Là... A propos, M. Vincent, voici la bourse que vous m'aviez donnée pour
veiller sur vos oreilles.

VINCENT (en souriant)

Garde-la, si tu en as un peu effrayé, ma foi je te trouve tant d'idées
qui à présent me font rire, que je te donne la bourse de grand coeur et
te pardonne.

JOCRISSE

Et not' maître?

PLUMET

Parbleu! Il faut bien que j'en passe par là, allons, sois pardonné, mais
prends garde, Jocrisse, toi qui aime tant les proverbes, retiens bien
celui-ci: "Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse".

JOCRISSE (à part)

Ou elle s'emplit (haut). Je m'en rappellerai not'maître, et d'ailleurs
tout n'a qu'un temps.

L'OFFICIER

Quant à moi, Messieurs, j'ai aussi mon excuse à vous faire, surtout à M.
Vincent que j'ai un peu rudoyé.

VINCENT

Mais pas du tout, Monsieur, ce n'est qu'un quiproquo dont le résultat
n'a rien de fâcheux j'ai tout oublié!...

PLUMET

Et Laflûte était donc aussi dans le complot?...

LAFLUTE

Oh! moi, not'maître, je n'marchais que par mon cousin.

PLUMET

Allons, oublions tout... Tiens mon brave Vincent, voici le plat
d'oreilles en question, tu vois qu'elles doivent être délicieuses!...
Maintenant mes amis, nous allons continuer notre dîner, qui, cette fois,
je l'espère ne sera pas interrompu... Vous M. l'officier, vous voudrez
bien le partager avec nous et que vous n'aurez pas d'objections, ni toi,
mon cher Vincent d'admettre à notre table notre joyeux Jocrisse et son
acolyte Laflûte.

VINCENT ET L'OFFICIER

Adopté! Adopté!

JOCRISSE

M. Plumet, le dindon est rôti, il a une odeur des plus appétissantes.

PLUMET

Le dindon? A demain le dindon pour le déjeuner.

VINCENT

C'est ça et moi j'y joins douze bouteilles de Champagne; tu aimes ça,
toi. Jocrisse, le Champagne?

JOCRISSE

J'crois ben, depuis qu'je m'suis empoisonné avec.

Tous (riant)

Ah! ah! ah! ah!

PLUMET

Allons, mes amis, ensemble et ensuite à table.

CHOEUR FINAL

  A demain, demain, demain
  Demain de grand matin
  A demain, demain, de la dinde rôtie
  Nous verrons la fin.

JOCRISSE (au public)

  Plus d'une pièce avant la fin culbute
  Souvent hélas! Voilà comme on débute
  La pièce avance
  Pas de funeste bruit
  De l'indulgence
  Voilà comme on finit.

REPRISE DU CHOEUR

  A demain, etc.


FIN.





End of the Project Gutenberg EBook of Le dîner interrompu, by Ernest Doin

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE DÎNER INTERROMPU ***

***** This file should be named 13070-8.txt or 13070-8.zip *****
This and all associated files of various formats will be found in:
        https://www.gutenberg.org/1/3/0/7/13070/

Produced by Renald Levesque and La bibliothèque Nationale du Québec

Updated editions will replace the previous one--the old editions
will be renamed.

Creating the works from public domain print editions means that no
one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
(and you!) can copy and distribute it in the United States without
permission and without paying copyright royalties.  Special rules,
set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark.  Project
Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
charge for the eBooks, unless you receive specific permission.  If you
do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
rules is very easy.  You may use this eBook for nearly any purpose
such as creation of derivative works, reports, performances and
research.  They may be modified and printed and given away--you may do
practically ANYTHING with public domain eBooks.  Redistribution is
subject to the trademark license, especially commercial
redistribution.



*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase "Project
Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
Gutenberg-tm License (available with this file or online at
https://gutenberg.org/license).


Section 1.  General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
electronic works

1.A.  By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement.  If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B.  "Project Gutenberg" is a registered trademark.  It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement.  There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
even without complying with the full terms of this agreement.  See
paragraph 1.C below.  There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
works.  See paragraph 1.E below.

1.C.  The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
Gutenberg-tm electronic works.  Nearly all the individual works in the
collection are in the public domain in the United States.  If an
individual work is in the public domain in the United States and you are
located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
are removed.  Of course, we hope that you will support the Project
Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
the work.  You can easily comply with the terms of this agreement by
keeping this work in the same format with its attached full Project
Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.

1.D.  The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work.  Copyright laws in most countries are in
a constant state of change.  If you are outside the United States, check
the laws of your country in addition to the terms of this agreement
before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
creating derivative works based on this work or any other Project
Gutenberg-tm work.  The Foundation makes no representations concerning
the copyright status of any work in any country outside the United
States.

1.E.  Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1.  The following sentence, with active links to, or other immediate
access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
copied or distributed:

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org

1.E.2.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
and distributed to anyone in the United States without paying any fees
or charges.  If you are redistributing or providing access to a work
with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
1.E.9.

1.E.3.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
terms imposed by the copyright holder.  Additional terms will be linked
to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
permission of the copyright holder found at the beginning of this work.

1.E.4.  Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.

1.E.5.  Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg-tm License.

1.E.6.  You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
word processing or hypertext form.  However, if you provide access to or
distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
form.  Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7.  Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8.  You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
that

- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
     the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
     you already use to calculate your applicable taxes.  The fee is
     owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
     has agreed to donate royalties under this paragraph to the
     Project Gutenberg Literary Archive Foundation.  Royalty payments
     must be paid within 60 days following each date on which you
     prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
     returns.  Royalty payments should be clearly marked as such and
     sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
     address specified in Section 4, "Information about donations to
     the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
     you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
     does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
     License.  You must require such a user to return or
     destroy all copies of the works possessed in a physical medium
     and discontinue all use of and all access to other copies of
     Project Gutenberg-tm works.

- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
     money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
     electronic work is discovered and reported to you within 90 days
     of receipt of the work.

- You comply with all other terms of this agreement for free
     distribution of Project Gutenberg-tm works.

1.E.9.  If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
electronic work or group of works on different terms than are set
forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
your equipment.

1.F.2.  LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees.  YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH F3.  YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3.  LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from.  If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation.  The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund.  If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund.  If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4.  Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5.  Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law.  The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6.  INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at https://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     [email protected]


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit https://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including including checks, online payments and credit card
donations.  To donate, please visit: https://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     https://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.