L'avision de Christine

By de Pisan Christine

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Title: L'avision de Christine

Author: de Pisan Christine

Release date: March 8, 2025 [eBook #75554]

Language: French

Original publication: FR:

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'AVISION DE CHRISTINE ***







Ci commence le livre de l’avision de christine le quel est party en
.iii. parties. La premiere partie parle de l’image du monde et les
merveilles que elle y vid.

Item la seconde partie parle de dame oppinion et de son ombre.

Item la tierce partie parle de confort de philosophie.




[Illustration: Christine assise en sa maison écrivant un livre.]




Premierement dit christine comment son esperit fu transporté.


Ja passé avoie la moitié du chemin de mon pelerinage Comme un jour du
l’avesprir me trouvasse pour la longue voye lassee et desireuse de
hebarge Et comme je y fusse parvenue par appetit de repos apres la
reffeccion neccessaire a vie humaine prise et receue dites graces et me
recommandant a l’acteur de toutes choses entray en lit de repos
traveillable Et comme tost apres mes sens liez par la pesanteur de somne
me survenist merveilleuse avision en signe d’estrange presage/ tout ne
soie mie nabugodonosor Scipion ne joseph/ ne sont point veez les secrés
du tres hault aux bien simples.

¶ Avis m’estoit que mon esperit laissoit son corps et par exemple tout
ainsi que mainte foiz en songe m’a semblé que mon corps en l’air volast/
m’estoit adonc avis que par le soufflement de divers vens mon esperit
translatez estoit en une contree tenebreuse en la quelle terminoit un
val flotant sus diverses eaues. La m’aparoit l’estature d’un homme de
belle fourme mais de grandeur inextimable/ Car sa teste tresparçoit les
nues Ses piés marchoient les abeysmes/ et son ventre avironnoit toute la
terre/ clere face et sanguine avoit. aux coins de son chief donnoient
aournemens innombrables estoilles/ de la beauté de ses yeulx issoit si
grant clarté que tout l’enluminoit et jusques aux entrailles de son
corps reverberoit leur clarté. l’aspiracion de sa tres grant gueule
attrayoit si grant air et vent que tout en estoit remplis de couvenable
frescheur .ii. conduis principaulx avoit cest ymage l’un estoit le
pertuis de sa gueule par ou recevoit sa nourriture/ et l’autre estoit
dessoubz par ou se purgioit et vuidoit/ mais de differens natures
estoient yces .ii. Car tout ce qui entroit par le conduit hault par ou
repeus estoit couvenoit que corps materiel et corruptible eust/ mais par
l’autre conduit ne passoit riens fraisle ne palpable. la vesteure de
ceste creature estoit dyapree de toutes coulours/ tressoubtilment
ouvree. belle riche et de longue duree. en son front bien pourtrait
avoit l’emprainte de .v. lettres. c’est assavoir .C.h.a.o.z. qui son nom
signifioyent/ En ceste statue n’avoit riens de diffourme Exepté que par
fois faisoit chiere triste adoulee et plourable tout ainsi comme homme
qui par diverses parties de son corps sent et seuffre diverses passions
et doulours pour la quelle chose jectoit grans plains et a dieu
lamentacions par divers crys.




Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus.


Delez le dit ymage avoit assistant une grant ombre couronnee de fourme
femenine comme se fust la semblance d’une tres poissant royne
naturellement formee sans corps visible ne palpable si estoit tant grant
qu’elle obombroit et avironnoit tout le corps du devant dit ymage/ du
quel estoit singulierement depputee et establie estre l’administraresse
de sa nourriture/ Et estoit tel son office/ environ soy avoit instrumens
de divers coings et empraintes ainsi comme sont a paris moles a faire
gaufres ou autres outilz semblables Et comme ceste dame n’eust en soy le
vice de parece l’ocupoit continuellement neccessaire diligence de divers
labours/ car sanz prendre repos elle destrampoit mortier qu’elle
coaguloit ensemble/ en la quelle mistion mettoit fyel/ myel/ plomb et
plume d’ycelle matere en emplissoit bures de diverses façons lesquelles
apres versoit en petite quantité es dis moles que bien estouppoit et
saeloit/ tout ce fait non d’une guise mais en diverses differences
metoit tout cuire et confire en la gueule du dit grant ymage qui tant
estoit lee que elle representoit une grant fournase chauffee en maniere
d’attrempees estuves/ la les laissoit jusques a temps couvenable l’un
plus que l’autre selon la difference et la grosseur des outilz/ apres le
temps venu que la sage administraresse savoit le terme de la perfection
de son oeuvre elle ouvroit la bouche de cel ymage par tel art que elle
donnoit lieu de tirer hors les matieres assez cuites et les autres
laissoit cuire jusques a l’acomplissement de leurs jours adont
sailloient hors de ces moles petis corps de diverses façons selon les
empraintes des instrumens mais merveilleuse aventure en avenoit/ car
aussi tost que ces petis ymages laissoient leur moles adont le grant
ymage en quel gueule avoient esté cuis les transgloutissoit tous vifs en
sa pance. sanz nombre a une goulee/ et ainsi nuit et jour ne cessoit cel
ouvrage continue par les mains d’ycelle dame pour la pasture du grant
corps insaciable.




Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage.


Mon esperit entre gité celle part ententif a notter ceste merveille/
Adont l’aspiracion de l’aleyne de ycellui grant le tira a soy/ tant
qu’il chut es mains de la dame couronnee/ Lors comme ja elle eust mis le
mole a tout la matiere en la fournase mon esperit prent si le fiche ens/
et tout en la maniere que au corps humain donner fourme accoustumé avoit
tout mesla ensemble et ainsi cuire me laissa par quantité de temps tant
q’un petit corps humain me fu parfaict/ mais comme le voulsist ainsi
celle qui la destrempe avoit faite a la quel cause se tient et non au
mole je portay sexe femenin/ Si fus semblablement que les autres
soubdainement transgloutie ou ventre de cel ymage/ Quant je fus la
trebuchee adont prestement vint la chamberiere de la dicte dame qui
bures tenoit d’une liqueur doulce & tres souefve plaines de la quelle a
abuvrer doulcement me prist/ par quel vertu et continuacion mon corps de
plus en plus prenoit croiscence force et vigueur/ et ycelle sage
croisçoit et engrossoit la pasture au feur de ma force tant qu’a par moy
porter et paistre mon corps je pos ou quel croisçoit l’entendement qui
ja me donnoit cognoiscence de la diversité des entrailles du ventre de
l’image par sus les quelles a .ii. piez je marchoye/ lesquelles estoient
faites de cailloux et dures roches par montaignes et valees bois et
metaulx et diversitez maintes/ mais tant me sembloit longue et lee
l’espace de la pourprise d’icellui corps/ que l’espace de la vie d’un
homme ne pourroit souffire a toutes cercher les diverses contrees qui en
lui sont comprises.




Comment elle se transporta de lieu en autre.


En cellui temps comme renommee a tout ses cors et buisines eust corné et
encore cornast en la contree ou j’estoye/ ce que la et par toutes autres
contrees avoit ja par moult lonc temps signifié de rechief a haulte voix
ne cessast de cryer/ Ce estoit que elle racontoit le pris/ l’onneur/ la
haultece noblece et poissante digneté d’une princesse de grant
auctorité/ couronnee de precieux dyademe a ceptre royal de grant
ancienneté & richece la quelle seoit vers les parties que on dit fryge/
et pareille n’avoit en beauté noblece vaillance et hault renom en tout
l’univers monde/ adont par les cris de fama apres ce que messages
certains orent de ceste chose certiffiez ceulx qui m’avoient en bail
desirans de tel princesse servir/ se partirent de la/ et ainsi avec eulx
marchant par sus les entrailles du dit ymage/ traversant estranges
contrees alpes haultaines/ landes sauvages/ forés parfondes et bruyans
rivieres Tant cheminay par maintes journees que de loins ja m’aparu la
lueur de la marche resplendissant en honneurs ou je tendoye/ Et ainsi
appercevant de mieulx en mieulx sa haultece com plus en approchoie
parfinay ma longue voye jusques en sa maistre cité/ la quelle estoit
nommee la seconde athenes/ adont acompli le travail d’icellui chemin
reposant les membres travaillez pourpensoie comment et par quel voye
peusse ataindre a l’acointance de la dicte princesse/ mais comme trop
jeune ancor fusse ne me savoie appliquer ne mes a apprendre le lengage
differant de cellui de mes parens/ neant moins selon la simplece de mes
sens non ancore du tout parcreus m’informoie adez des coustumes manieres
et condicions de la dicte dame/ Et comme ainsi je le continuasse par
l’espace de plusieurs ans croiscent ma retentive/ je fus informee de la
haulte poissance et seignourie d’ycelle/ de la quelle pour eschever
prolixité en brief je tesmoigne pour verité sanz adjoustement de
mençonge/ que sa contree m’aparu glorieuse de nom/ fertile de fruys/
abondant en richeces grande et lee en circuit/ edifiee notablement
d’espesses villes/ fors citez/ chasteaulx bours fortereces et tres
nobles manoirs comme sanz nombre/ poissans seigneurs princes natureulx
non crueulx/ benignes en conversacion catholiques en foy/ prudens en
gouvernement/ et beaulx en faconde/ fort et poissant chevalerie/ loyaulx
subgés obeissant peuple/ En ycelle marche vrayement toutes ses
condicions j’apperceu/ et maintes autres bonnes que cause de briefté ne
me seuffre plus dire/ mais comme il ne soit aucun bien sans envie/ voir
est que je y vy de grans gastives par places venues et procurees par
estranges envieux/ par quoy m’aparoit en celle contree avoir esté et
estre par fois de grans et fieres persecucions.




L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant couronne.


Ja estoie parcreue quant j’oz tant pourchacié par divers moyens apres
maintes aventures que je attaigni a ce que je desiroie Si oz la plaine
accointance de la dame renommee/ de la quelle la beauté/ sens &
benignité ne seroie souffisant de descripre/ pource me passe seulement
d’elle disant que sans faille fama ne tenoie menterresse des bons recors
que elle faisoit en toutes places d’elle/ aux quieulx la vraye
experience vi accordable. Or fus je la dieu mercy si prochaine privee
amie d’elle que de sa grace faveur ot a me descouvrir les secrés de son
cuer et n’ot orreur d’ajoindre a moy femme tel honnour comme de me
instituer estre philographe de ses aventures/ et volt que par moy
oroisons et chançons en fussent faites/ ja estoit informee tant de mes
affections comme qui je estoye.




La complainte de la dame couronnee a christine.


Adont parlant en tel maniere/ dist ainsi Chiere amie amaresse du
cultivement de mon bien comme il soit de neccessité en nature que tout
cuer amant desserve estre amez/ droit est que Ton bon desir te soit
valable/ Et comme il fust affectueux de m’acointance les bons vouloirs
de lui soient ottroyez amie a qui dieu et nature ont concedé oultre le
commun ordre des femmes le don d’amour d’estude/ appreste parchemin
ancre et plume et escrips les paroles issant de ma poitrine Car a toy me
vueil je du tout magnifester/ Et me plaist que a tes sages bien
vueillans faces d’or en avant present des memoires escriptes de ma
digneté. C’est chose nottoire qu’a cil qui bien se veult declarier
appartient qu’il speciffie son premier principe/ Si commenceray a
l’introyte de mes gestes te narrant ma premiere venue.

¶ Ou temps du Second aage lors que la lignee neptunus regnoit en marche
chevalereuse es habitacions aysiees quant pour cause de la fille electee
transportee par le pastour mescongnu vindrent les hoirs des fremis
chavauchans chevaulx de bois a tout force d’armes furent par l’escu de
barat a la fin vainqueurs. Dont d’ycelle terre fu enrachié l’abre d’or
que les dieux anciens selon les chançons des poetes avoient reservé pour
leur gloire du quel la haultece de l’ombre s’espandoit jusques sus les
contrees lontaines/ Si fus lors par estrange fortune favourable a ycelle
fremiere desireuse de vengence ars destruis et mis en cendre/ mais non
obstant le furieux desir maling d’yceulx fremis furent aucuns cultiveurs
desireux de noble semence veant la persecucion de la noble plante qui
par soubtil art emblerent et de leurs mains ravirent en assez quantité
des vergetes et des gitons cueillis sur le hault sommeton d’ycellui
seignouri noble arbre/ Et comme le dieu pelagus fust consentant d’ycel
larrecin leur donna voye et passage par sa terre/ Si se transporterent
espandans en diverses contrees es quelles par grant digneté les
planterent en maint vergiers et firent greffes de nouvelles antes que
fort ilz cloyrent d’espineuses hayes pour obvier aux loisirs des
rappineurs. Et ainsi maugré les influences fortunees fu renouvellee en
plusieurs lieux la haute plante dont puis une vergete tant crut es
marches d’europpe en la terre latine que la haultece d’elle obumbra tout
le monde et presseda sanz comparoison sa premiere racine.




Ci devise la dame couronnee de son commencement.


Ou temps des susdiz larrecins entre les autres fu transportee en ceste
contree une vergete issue de la cosme du sus dit arbre d’or la quelle
ilz planterent en hault vergier en terre fructueuse/ ycelle plante
parcreut tant que de la beauté d’elle je pris mon nom/ & fus appellee/
Libera/ apres par multiplicacion de cultivement tant crut et augmenta
tous jours en habondance de digneté ce noble estat/ que les plantes ja
montees et embelies en leur force couronnerent le .iii.e giton de leur
venue et comme le plus auctorisié en firent leur roy/ cestui porta fruit
de grant digneté car il sauva ceste terre de maintes enfermetez/ Et
ainsi pou a pou crut le renom de sa proprieté en multepliant Si en
furent peuplez mains delitables vergiers par espace de multitude de ans
en ceste contree/ Et ainsi t’ay compté la premiere racine de mon nom et
cultivement/ et te dis certainement que non obstant qu’a veue d’ueil je
soye et appere jeune freche nouvelle flourie et belle/ que plus de mil
ans a ja passez puis le temps de ma premiere naiscence.




Dit la dame couronnee de ses gestes.


Le renom de ma franchise ja espandus en toutes places/ les gouverneurs
de noble attrace avec leurs enfans me prirent en bail Si fu entregitee
entre leurs mains par lonc temps sanz estrange generacion. O dieux
glorieux se je te comptoie toutes les aventures courues es annees puis
la naiscence de mon nom jusques a ore/ l’espace de ta vie a l’escouter
me pourroit souffire Et pour ce en brief te dis que les tuteurs de mon
bail assez s’esforcierent d’acroistre la haultece de mon heritage/ mais
comme ignorance ancore les tenist tenebreux ne savoient attraire eaue
doulce pour pardurable arrosement presenter a mes racinetes et plantes/
par quoy maint seps de vigne & autres tiges toutes sechees & sanz fruit
couvint esrachier & ou feu giter/ Et ainsi dura ceste pestillence tant
que le .iii.e filz vint le quel par vertu de sage conseil attray lumiere
telement que les tenebres de celle mortel secherresse furent chaciees
par la quelle voye ot cognoissance de doiz et source de eaue vive a
grant habondance si que lui meismes ja tout perdus & sechez en fu
arrosez et vivifiez Et tant pourchaça par sages maistres que l’abondance
du fleuve vivant rendy ruisseaulx sources & fontaines en si grant
quantité que toutes mes plantes en furent arrosees et viviffiees/ O
noble cultiveur fu ycellui car moult il augmenta et parcreut la
perpetuité de mon heritage/ en telle maniere qu’il fu le premier
registre de ma salvable gloire/ es mains de cestui pris grant croiscence
et plaisant beauté/ et tant qu’il me dura fus bien deffendue & si gardee
et soustenue que chose quelconques ne m’avint senestre.




Encore de ce mesmes.


Apres cestui cheux es mains des cultiveurs mau diligens par la quel
faute la gloire de mes vergiers fu tournee comme en friche remplie
d’erbes et graynes inutiles et de nul bon fruit/ Et comme le vice
fornicable fust fiché es os de l’eritier d’yceulx dont les causes de ses
demerites le rendent exillé transporterent ses voyes en marche fiable
piteuse de sa chetivoison. O le mal pechié d’ingratitude qui tolz et
ostes le merite et guerredon de benefice receu et estains recordance de
remuneracion deue ne fis tu a cellui mettre en oubly toute cause de
feauté/ quant frauduleusement souffris fortraire au feal sa beste
menterrece des couvenances de son premier lit/ et les nouvelles ouyes de
la reconsiliacion du filz de venus a ses persecuteurs par l’enseigne du
demi denier fu sa departie en repostailles rappineuse de l’espousee hors
ordre de loy doublement couronnee/ de la quelle songerresse la
presentacion du temps que tu vois/ peut signiffier l’ordre de ces
avisions.

¶ Succedans cestui nasquirent de ses heritiers hommes de sanc plains de
couvoitise rappineux et sanz foy qui a leurs parens faisoient presens de
mort & d’occisions conseillez et baretez par les crestees crueuses
leonesses venues d’espaigne et de cucubinage desquelles vengence
n’espargna a leurs membres le trait des poulains/ a partie d’elles
accusee du sanc innocent devant le juste.




Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee.


Apres ces choses d’un pepin du fruit du susdit arbre en ma terre sailli
une plante qui tant crut que elle estandoit ses branches verdure et
cosme plus lonc pays assez que n’est toute ma terre/ le fruit qui en
issoit estoit de grant vertu odeur et force/ car de grace especial dieu
lui ot donné proprieté de chacier les malings esperis/ et moult valoit
contre perpetuel venim/ Et par cestui furent gardees maintes contrees de
inreparable mort dont germanie se dot louer/ et jusques par dela les
alpes ytaliennes estendant sa vertu vers la terre de auffrike ha dieux
combien je fus renommee flourie et exaussee par la resplandeur et beauté
de ceste plante/ Car comme chose perpetuelle non obstant le lonc temps
puis passé/ ancore a celle cause est greigneur/ la fleur de ma renommee/
de l’issue de cestui je fus cultivee un espace de temps.

¶ Mais comme apres sa vertu alast en descroiscent vindrent d’estrange
attrace les cultiveurs diligens qui se vanterent de greigneur vertu que
les proprietaires & par oblique malice couverte et coulouree de jugement
apostolique reserverent pour eulx la souveraine chayere posse dans leur
lignee ycelle par plusieurs dessendues/ Mais comme entre les espines en
friche destournee fust ce/ tandis/ muciee une graislete ante hors
saillie de l’ancienne racine renommee/ le temps venu de sa croiscence
apparurent les fueilles vertes de sa haultece.

¶ Adont furent estirpees les estranges germes la belle ante subjugant
toutes les tiges de mes courtilz flouri en grant reverence de l’issue de
lui sailli germe precieux rendant fruit en son temps a dieu sacré et
tres agreable or furent les premiers cultiveurs restituez a leur erre
ainsi continuans non obstant le lonc temps puis passé jusques a la
journee d’uy. O treschiere amie se je te comptoie toutes les
tribulacions par lesquelles j’ay esté pourmenee an l’espace des jours
que je te compte tu t’esmerveilleroies comment en tel beauté suis
demouree/ car pour moy ravir et embler s’assembloient diverses provinces
& gens estranges qui a grant ost deffoulerent ma terre/ brulerent mes
villes & mes manoirs/ faisoient de mes gens grant essart et toute me
pilloient/ et en tres grant quantité de foiz pareillement ay esté en
peril d’estre perdue ravie prise a force/ et du tout deshonoree/ non
obstant la deffence des assemblees de mes deffendeurs & de ma gent
contrestans a la fureur d’iceulx Et ne cuidez pas que de lonc temps
soient saillies a moy ycestes dures angoisses souvent renouvellees en
diverses guises dont au jour d’uy je ne suis exente mais te dis que
mesmement puis l’aage de tes parens si mal menee par divers cas que
onques puis ma premiere naiscence ne furent greigneurs les perilz de mes
aventures Et a tout regarder de n’estre du tout enchevé es las de
perdicion singuliere/ gloire ne attribue fors a dieu tout poissant qui
pour cause de ma catholique foy m’a reservee/ tout ainsi qu’il dist a
saint pierre que sa nacelle chancelleroit et ne seroit perie ha dieux
combien estoient grandes les orreurs de mes tribulacions/ car les
ennemis yssus des serves lignees venoient sur moy a grans effors/ Et
fortune pour le temps clere/ a eulx consentoit les victoires contre les
couronnes qui me deffendoient aux quieulx non obstant leurs grans et
nobles courages non reprouchez parmetoit adversitez non deservies/ En ce
temps se rebellerent les vers de terre qui pour les marcheys des
chevaulx saillirent/ contremont et ou visage me cuiderent deshonorer es
jours que mon dispensier estoit es buyes de mes aversaires/ mes vindrent
les ecouffles qui firent leur proye du verminier venimeux et abominable/
ha hay comment estoie lors trouble et obscurcie par diverses afflictions
dont la lueur de ma beauté qui tant seult estre glorieuse plaisant et
saine fu comme morte/ Car n’en yssoit fors plains et plours/ et
toutevois de lamentacions que t’en diroye innumerables sont les diverses
angoisses qui m’ont traversee par infinies foiz mais la fin d’icelles te
sera comptee.




Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot.


Comme dieu ouvrist sur moy chastie l’ueil de sa misericorde sicomme pere
pitiable de sa tres amee fille volt cesser les verges de ses bateures et
espandre l’oeile de sa misericorde sur les navreures de mes maladies
adont sourdi le phisicien propice venus par succession a l’eritage de
mon ancienneté et ou palais de mes nobleces receu l’aureale de digneté
delaissant en jeunes jours les meurs de legiereté vint dame sapience
deesse venerable des choses ordenees qui comme chier filz le revesti du
mantel de ses proprietez lors disant fuiez fuiez lors voz ennemis de
beneurté laissiez venir les remedes de restoracion Tira a soy toutes
choses belles en deboutant les diffamables ycellui saisi de l’espee de
justice n’espargna mie les outilz de sa mere/ ains par la sentence
d’iceulx mist en oeuvre les mains de son hault sommet/ adont armé de
courage fructueux trassant par ces courtilz visitant les angles ja
couvers d’espineuses tiges donna ordre a ses commis de la reparacion des
ruynes/ lors par quantité de Cens et de millers furent les assemblees
d’yceulz alouez non estranges mais privez loyaulz subgez qui a tout fers
agus de diverses tailles s’embatoient es gastives remplies d’estranges
semences non propices a la nature de mes hommes qui vergiers portans
fruit estre souloient. adont se prirent a estirper de tous lez les
inutiles herbes chardons orties et toute male racine derompre et sacher
hors et a tout nettoyer et faire nouvel gueret ou ilz anterent et
attrayrent bonnes semences ainsi continuant le labourage droiturier
donnerent lieu aux herbetes et doulces plantelettes de saillir hors de
tapinage ou muciez orent esté soubz les espines qui toutes les
suffoquoyent Comme peryes en leur vertu/ qui les veist adonc croistre et
augmenter et remplir ces vergiers de verdures et flours odorans portans
fruit bien deist que moult fust changiee la fortune de leur estre que
t’en diroye ne fu mie cellui recreu par les liens de peccune qui
n’avoient lieu contre les distribucions de ses ordres/ ne travail
estaignoit l’excercite de la chose utile a la quelle oeuvre fortune non
reppunante fu/ a l’accomplissement d’ycelle continuee par l’espace des
jours du prouffitable ortelain qui n’y espargnoit ses ententes/ O dieu
glorieux quel ouvrier comment fus je par lui en joye renouvellee Or
furent oubliees les passees angoisses toute ma terre de choses nuisibles
auques descombree se prist a esjouyr rendant chançonnettes a la louenge
d’ycellui noble par la quel diligence estoie recouvree et mise en
convalescence/ a brief parler tant me fu cellui propice que encore
m’esjouist la souvenance de ses benefices dont longue parole ne m’en
pourroit estre anvieuse/ helas mais comme apres le temps sery viengne
souvent la grosse pluye Couvient a present changier le propos de mes ris
en tresamers pleurs/ Car comme le procés de fortune ne peust longuement
souffrir ma beneurté se monstrant envieuse de mon bien/ lors que ma
gloire estoit eslevee plus que n’avoit esté puis une grant part de mon
aage/ me toli le tressage administreur lasse moy/ mal apoint ains le
temps venu de l’achevement naturel de son voyage/ et envoya Celle qui
n’espargne nulz corps vivans le me tolir et ravir sanz pitié avoir de ma
vesveté/ Or peus tu cognoistre en moy les signes des mouvemens fortunez
qui ores ryoye parlant de mon amant/ Or me voyes a chiere troublee
plaines de larmes regraitter les trop tost faillis a moy ses vertus Si
couvient changier l’ordre de mes offices en mutacions merveilleuses/
mais toutevoye la lueur de ses benefices apres lui demoura sur terre
tant que non obstant les antregetz de plusieurs mains en dure ancore la
clarté sus le plus bel de ma face.




De .ii. nobles oyseaulx de proye.


Sourdi des entrailles d’icellui en double nombre petis papillons dorez
tresgracieux et de grant beauté qui s’oserent vanter au feur de leur
croiscence avec les colacions des guespes d’estre gardeurs de moy et de
mes manoirs/ Si firent leurs assemblees et pour l’ancien renom de leur
venue a bon droit leur fu souffert seoir sus les sommetons des plus
hautes tiges/ Et tout ainsi comme le proprietaire dit du phenix qui au
premier ist hors de la cendre en fourme d’un petit ver/ puis croist &
augmente tant qu’il est bel sur tous oyseaulx/ yceulx papeillons tant
parcreurent & enforcierent que leur forme fu changee en especes de tres
nobles oyseaulx de proye mais par difference aucune quantité de ceulx
furent crestez sur les chiefs/ ainsi que sont oyseaulx que on dit
huppés/ yceulx nobles pour aviser leurs proyes se tindrent ensemble et
prirent leur vol par sus mes fossez et rivieres/ et comme bien avisez
n’orent mie conseil de tout essarter les repaires repaisans/ mais eulx
en passer rassadiez couvenablement/ O fortune aministraresse de tout
inconvenient qui te mut a trouver voye du destourbier du faucon pelerin
si hault volant que l’esperance de son attainte faisoit trembler devant
lui toutes les proyes rappineuses embatues en son yre/ ou pris tu le
vent contraire par ou tu l’abatis lors qu’il faisoit sa roe par si grant
fierté/ ains qu’il eust sa proie attainte le ruas jus par ton
soufflement si roidement qu’il demoura estendu du tout derompt non mie
seulement les plumes mais tout le corps par si que tous jours depuis
couvint qu’il fust repeus par estranges mains. O dieux quel dommage de
tant noble oysel affaitié en toutes bonnes coustumes/ fier et hardy en
son vol/ doulx en appel vif et plaisant en regart/ Et qui sans faille
eust deffendu toutes mes flaches et rivieres de tous oyseaulx rappineulz
et de mal erre Si fu de moy plaint et plourez grandement comme perte
singuliere le quel dommage ne m’est faillis ains renouvellé par chacun
jour par griefves pertes.




Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle gouverner.


Apres ces choses vindrent les esperis larrecineux habitans es silves qui
distrent qu’a eulx appartenoit a departir les choses propres et privees/
yceulx firent des communs usages closes mansions/ et a eulx les
approprierent et tant que mesmement les sauvagines cryerent contre eulx.

¶ En cellui temps par le cry du camellion s’esveillerent une maniere de
gent de reprouvee generacion qui dirent qu’ilz ne souffreroient mie
l’injurieuse clamour des voix femenines si entrerent es maisons des
oyseaulx de leurs forés et tant y furent que volans elles leur furent
donnees par ycelles en plusieurs parties se translaterent/ jusques
dedens les cavernes des traysons de mes bois/ Si cueillirent les glans
des chesnes et mirent ou feu les povres qu’ilz trouverent & a tout ce
faire ne trouverent contredit/ ains furent hourdez des degouttes de mes
terres.

¶ Multiplié fu l’erreur par divers inconveniens/ car le temps vint que
les eaues tant crurent qu’il ne demoura champ qui tout couvert n’en
fust. Adont les poissons saillis hors de leurs fosses paissoient es
terres semees/ jusques a devourer apres la verdure des herbes les
racines des grains/ toutes ces choses representoient naiscence de
pestillence. Ha doulce chiere amie jusques cy t’ay compté grant part de
mes aventures diversement de joye en dueil entregitees mais comme je ne
puisse tout dire ensemble n’est mie faillis encore le lengage angoisseus
d’icelles ains a chiere amatye or a primes m’esteut te dire la
doulereuse encloeure de mes presens tenebres qui precede les autres en
cas que perseverence y seroit longue.




Ci se plaint la dame de ses Enfans.


Quelle plus grant perplexité peut venir en cuer de mere que veoir yre et
contens naistre et continuer jusques au point d’armes de guerre/ prendre
et saisir par assemblees entre ses propres enfans legitimes et de
loyaulx peres & a tant monter leur felonnie qu’ilz n’ayent regart a la
desolacion de leur povre mere qui comme piteuse de sa porteure se fiche
entre .ii. pour departir leurs batailles/ mais yceulz meus par courages
inanimez sans espargne n’avoir regart a honneur maternelle/ ne
destournent le trippignis de leurs chevaulx contre sa reverence ains
laissent aler la foule de leurs assemblees sur elle tant que toute la
debrisent et mahaignent.

¶ Ne furent mie si crueulx jadis romulus et sa compaignie quant pour
cause du ravissement des filles de sabine fait par yceulx rommains
s’assemblerent a grant ost les peres et parens pour venger celle honte/
mais comme la royne et toutes les dames piteuses de l’effusion de sanc
de leurs maris peres & parens eschevelees a pleurs et cris se venissent
ficher entre les batailles lors que assembler devoient/ priant pour dieu
que paix feissent/ ne furent mie d’iceulx chevaliers fors et poissans/
les dames defoulees entre les piez des chevaulx ains par reverence
espargnees et ouyes en pitié leurs voix femenines qui leurs cuers
contraigny meismes ou champ a faire paix. O amie voy cy la suppellative
des douleurs.

¶ Adont ycelle princesse/ je vy toute couvrir de larmes/ & sa belle
chiere qui estre souloit fresche & coulouree toute destainte & noircye/
ainsi disant lasse lasse je suis celle mere amere en cheute es cas que
je te compte. O ma bonne nourrie et chere amie compaigne de mon dueil/
tu ne soies tu mie du fruit de ma terre mais ton cuer de noble nature
non ingrat des biens que y as receux/ pleures avec moy par vraye amistié
piteuse de veoir les jours de ma tribulacion Et que experience te face
certaine de la verité de mes narracions/ non obstant ma beauté de prime
face/ regarde et avise les playes de mes costez et de mes membres.

¶ Adont la tres venerable princesse haulce le pan de sa vesteure et a
moy descueuvre le nu de ses costez disant regarde Lors ma veue tournee
celle part comme j’avisasse les costez blans et tendres par force de
presse et de desfoulement noircis et betez & par lieux encavez auques
jusques aux entrailles/ non mie tranchez de coups d’espee mais froissez
par force de grans foulez.

¶ Adont moy toute esmarie considerant le nouvel cas piteux et non
honorable que a mere tant venerable tieulx blesseures fussent procurees
par ses porteures/ En disant dame pour dieu couvrez cheux comme femme
foible remplie de merveilleuse pitié comme pasmee/ Et couverte de larmes
quant parler pos/ pris au mieulx que soz a conforter la desolee/ disant
haulte renommee dame vueillés en dieu remettre les larmes de voz
lamentacions esperant sa misericorde qui onques ne vous fu falible/ Et
pour un pou eslongner les pensees qui a tieulx sanglous vous conduisent
vous plaise tant honorer moy vostre povre indigne serve affin qu’entente
de parler vous entre oublie que descouvrir me vueillés les encloueures
des causes de ces zezanies/ Et ne vous soit estrange de dire a moy
vostre familiere et privee les fautes de voz porteures et elle a moy. ha
chiere amie se je blasmoie ceulx que je fais mon meismes ouvrage je
diffameroye. Si te dis qu’acusacion de mauvaistie formee en malice a nul
je ne donne ne que pour despit ne hayne que contre moy eussent ne sont a
ceste chose meus. bien est vray que considerant que je sui le lit de
leur estre et que a cause de moy vient la lueur de leur gloire/ deussent
refrener les assaulz qui tant me sont grevables et la naissance de la
racine de zezanye entre eulx semee te compteray.

¶ Apres ce que les partages de mon propre selon les coustumes d’athenes
furent a chacun de mes engendrez sorties/ dist le plus grant qu’a lui
appartenoit le bail de son mainsné/ et comme ne lui fust contre dit les
establissemens d’icellui crierent contre lui/ dont les voix ouyes
assemblerent le sanc du pupille en conseil.

¶ Adont mes enfans s’amasserent disant nequaquam aux oppinions
d’icellui/ Ceste cause assembla les fleaulx de mes bateures qui ne m’ont
espargnee Sicomme il t’est magnifeste/ Ceste orreur courant au jourd’uy
parmi mes gaignages rent fletries et sechees les verdures et liqueurs de
mes fruis tarist mes fontaines amendrist mon renom et lourdement me
tourmente et qui plus m’est grief/ c’est la paour de pis/ & que mes
playes par faulte de remede soient converties comme infistulees et
incurables.




Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees.


Encore autre part gist la maladie amie chiere/ car comme il ne soit a
celle douleur pareille qui le cuer tient en amere pensee. Reste a te
dire les combles de mes souffrettes.

¶ N’a pas souffit aux menistres de perdicion les oprobres offers a la
souche d’antiquité/ ainçois m’ont plus deshonoree.

¶ Helas ou est la princesse a moy esgale qui peust souffrir veoir
d’environ soy a tres grant tort tolues chaciees batues banies et
emprisonnees ses dames de compaignie & de parage venerables & de grant
dignité d’ancien droit establies a estre appellees a ses conseuls a
porter les seaulx de ses ordenances/ a soustenir les pans de ses loncs
abis & les dorures de son chief/ et mettre en leur lieu paillardelles &
femmes diffamees et dissolues/ helas chiere amie ce suis je qui a toy
parle mais que mieulx me croyes vueil que le sens de ta veue ait
l’experience du vray de ma parole/ Adont comme elle ouvrist une petite
fenestrele me dist regarde les prisonnieres/ ton sens soit juge se en
palaix royaulx la presentacion de leur reverence seroit plus propre que
soubz muciees couvertures. avisez celles qui ja me gouvernerent ou temps
de ma joye or les m’ont ravies les persecuteurs de ma gloire.

¶ Adont comme mon oeil adreçasse au pertuis de la chartre .iii. dames vy
de souveraine reverence et beauté mais differens leurs maintiens
estoient/ ha dieux quelle divine beauté en l’une vy le corps avoir droit
lonc et bien fait/ et de la beauté de son vis yssoit un ray de moult
grant resplandeur/ celle dame en sa main un grant mirouer tres cler
tenoit/ ou quel la reverberacion du dit ray redondoit et se frapoit en
maniere que si grant beauté et clarté en issoit qu’englet n’y avoit tant
obscur que tout n’en fust enluminez. Ha quel pitié de tel beauté tenir
couverte/ comment fust elle seant es places des assemblees publiques
affin que chacun se peust louer de sa lumiere/ ceste fu belle par
excellence/ mais trop plus noble car elle se disoit fille de dieu le
pere et plus forte qu’autre riens/ car de toutes choses vaincre se
vantoit.

¶ En un lit couchiee palle et descoulouree vy une autre dame de grant
auctorité a chiere et semblant de femme maladive et enferme comme chose
deffoulee et desroupte/ et a la premiere se disoit serour a son costé
d’estre je vy gisant unes balances/ De l’autre part une mesure et une
ligne.

¶ Assez loignet d’icelles vi gesir par terre endormie non honorablement
une dame de grant et fourni corsage la quelle estoit toute armee/ costé
soy gisant par terre avoit son escu sa lance et ses esperons/ sa teste
tenoit ou giron d’une folieuse femme de grant vagueté qui pour lui
mieulx endormir chantoit et li gratoit le chief Lors comme je regardasse
par grant entente cestes merveilleuses figures vi que/ par plusieurs
foiz vindrent de plusieurs pars en maintes flotes les ennemis/ les uns
cryoient a haultes voix a la dame endormie qu’elle se deffendist/ &
celle adont un petit remouvoit son chief et entre ouvroit un oeil/ et
lors la folieuse femme s’efforçoit de lui rendormir Revenoit l’autre
tourbe lui crier en l’oreille/ et celle toute estourdie sourdoit son
chief/ & la folle de rechief par son chant l’endormoit: Revenoient les
autres qui grans coups frapoient en son escu/ et celle se levoit toute
droite pour courir apres/ mais la deshoneste la prenoit par le col et la
rendormoit/ venoient les plus fors lui courir sus et la batoient/ adont
celle se levoit comme enragiee/ et juroit par sa force qu’elle occiroit
tout/ si leur lançoit a coup ce que tenir povoit et plusieurs en occioit
et souvent chaçoit et souvent chacee estoit/ mais a son refrain revenoit
a son giste qu’elle laissier ne povoit.




Ci dit des vices qui queurent en general.


Ainsi comme je regardoie ycestes choses me dist la dame la vois tu la
vois tu l’ebaluffree deshonnesté qui ma gent me honnist/ ceulx de ma
deffence endort plusieurs de mon palais dont auques est maistresse met a
honte/ helas et ou temps du sain renom de ma felicité veoir ne trouver
si osast mais ne cuides mie pourtant se cy la vois a requoy pour tenir
en prison endormie/ La dame armee/ que tous jours si tiengne/ Car elle a
filles ses semblables a grant quantité de diverses guises/ Si en laisse
foison environ celle qui se dort et trassant s’en va par toutes mes
citez et villes & en toutes places ou gent s’assemblent pour cerchier
qui elle pourra tirer a sa honteuse cordelle et se tres grant contredit
n’y treuve/ lieu n’est ou par sa presompcion ne se vueille embatre/ et
mesmement es secretes chambres de mes femmes/ se tant sages ne sont que
par grant vigueur lui sachent deffendre/ Or regarde seur doulce quel
compaignie est dame d’onneur bien paree de tel damoiselle/ mais ancore
vueil que tu voies comment de .ii. dames infernales que dieux confonde
m’ont acompaignee/ avises environ ceste chartre voy l’office de la
desloyale qui pour son inutile travail reçoit grant gages.

¶ Adont hors de la chartre/ me monstre une orde vielle laide et terrible
qui sans repos de tel office s’entremettoit/ environ la chartre nuit et
jour traçoit plain giron de mousse que secourcie avoit/ la espioit par
grant entente que la force de la resplendeur du miroir luisant qui ens
estoit ne persast le mur/ et si tost que par aucun pertuis en veoit
saillir goute tantost la mousse y fichoit & fort l’estoupoit si que
point issir n’en laissoit.

¶ Et je qui veant celle faulse solicitude ne me pos taire/ dis a ma
maistrece/ dame pour dieu me dites comment s’appelle ceste ennemie de
vertu/ car combien que des autres demander me soie teue pource que leurs
offices les me font magnifestes & bien cognoistre de ceste non mie pour
m’en accointier mais pour m’en garder vous requier que le sache/ Et
celle a moy doulce amie puis que celle qui le cler miroir tient cognois/
son contraire est celle qui estaindre la veult ne deusses ignorer/ mais
bien me plaist que le saches/ Si te di que c’est dame fraude dame fraude
que dieu confonde Adont hault m’escriay/ ha desloyal ennemie de verité
qui cy t’a menee/ ne te vid pas en fourme d’orrible serpent a longue
queue jadis Le tressage poete dant de flourence sus les palus d’enfer
quant la le convoya virgille sicomme en son livre recite/ et tu es cy
saillie/ mieulx t’advisist accompaigner proserpine avec thesiphone
alecto et megera deesses de rage infernale qu’estre establie a ceste
court. Adont me dist la dame/ or te tays encor verras/ lors hault ou
palais me maine en une grant chambre toute plaine de coffres serrez en
la quelle vi une dame vielle palle rechignee maigre et seche et de tres
laide estature mais sur toute riens m’esmerveilla la façon de ses mains
qui grandes estoient a desmesure et si fortes que ce que elle tenoit
n’estoit nul qui le peust avoir/ n’esrachier/ fors a grant peine/ Les
ongles avoit longues aguës & crochues comme celles de griffon/ mais ce
trop m’espoventa que toutes ensanglantees les avoit ycelles ongles en
façon de croches fichoit partout ou embatre les povoit fust en ordure ou
char de gens ne lui chaloit ou puis tiroit a soy de partout sachoit
argent Et que par experience le sache comme la entree je fusse onques la
dame ou qui j’estoie si ne m’en sot garder que celles sanglantes ongles
ne s’estendissent jusques a moy si que des plumes m’esracherent jusques
au vif dont me dolu et tout cel avoir fichoit en coffres/ regarde amie
quel office dit la dame Suis je bien accompaignee/ si saches que ceste
est celle par qui gist malade en mauvais point au lit emprisonnee et
groucier n’ose la tres droituriere fille de dieu que as veu la jus en
celle chartre/ et ceste est mise oultre mon gré en son lieu en ma
compaignie/ Et ainsi comme ouyr peus m’ont esté ravies mes bien amees
dames de compaignie venues du ciel/ et en leur lieu mises cestes
perverses prises es infernales contrees si jugez amie tout mon fait veu
se joyeuse dois estre.

¶ Encore y a il autre chose qui m’est grevable et moult m’anuye Car
comme je doie amer sicomme je fois naturellement ma porteure et mes
chiers nourris et loyaulx subgés/ Trop suis dolente d’une grieve maladie
comme incurable se de dieu par grace ne vient la medicine qui est
commune par toute matiere et par especial plus qu’es petis entre les
plus grans/ la cause t’en diray et que ce est. Il est voir que un
soubtil vent es montaignes plus que es valees cy environ court & pres de
cy le quel est tant envenimez que toute personne qui ferus en est
devient groz et enflez Or avient il que les plus poissans demeurent
hault es grans dongions et eslevez domiciles si reçoivent a descouvert
et a plain le soufflement du dit vent/ Et aussi comme ilz soient plus
deliquatis que les plus communs hommes par leur vie qui plus est deliee/
plus sont disposez a recevoir ycellui vent plus penetratif en eulx qu’en
autres hommes/ & se de ceste chose te prens garde assez en verras
d’infects de ceste diverse egritude/ et pou en sont reservez se par sage
provision de y mettre ostacle ne les en garde/ ainsi en y a de sains par
tel prudence/ mais c’est petit/ toutefoiz de moins et plus les uns que
les autres selon ce qu’ilz seront ferus et disposez en y a de malades/
Si est sicomme ceste pestilence qui pis vault que epidimie par toute ma
terre que c’est pitié/ & mesmement les serviteurs n’en sont communement
mie sains Ains comme mains de leur maistres ilz s’en gardent sont moult
en y a plus enflez Tel proprieté a celle enfleure qu’elle change regart
contenance et parole et la personne rent desdaigneuse et trop despite/
et tant engrige souvent avient en maint en y a que a trop cruelle mort
et sanz respit elle les conduit/ Si est tant comme ceste playe non
mendre que celles d’egipte en mon royaume que grans moyens et petis
jusques aux vermissiaulx de terre communement en sont frappez/ & tant
que les contrees estranges le reprochent & rempreuvent a mes subgez.




Du vent de perdicion qui cuert par la terre.


De l’enfleure de ceste maladie qui ainsi court par my ma terre & de
l’inconvenient ou elle tire et qu’il s’en ensuivra recite le prophete
danyel ou .iiii.e chapitre l’avision que vid jadis l’orguilleux roy
nabugodonosor. Il veoit ce dit un arbre qui tant estoit hault/ grant/ &
eslevé que jusques au ciel attaignoit/ si branchu estoit que ses
branches s’estendoient de tous lez du monde/ de la grant planté du fruit
de cel arbre estoit remplie communement toute mondainne creature/ en ces
branches faisoient leurs nids les oyseaulx de l’air/ et desoubz elles se
reconçoient les bestes de terre Et puis veue/ ceste chose une haute voix
du ciel cryant ouoit qui commandoit que au lez de terre l’en coppast
ycellui arbre/ et que tout on l’ebranchast et s’en volassent les
oyseaulx & les bestes se departissent/ et fust le fruit dispers et
perdus.

¶ Cestui dit arbre les enflez devant diz tres poissans qui sont logiez
es haulx dongions de ma terre reçoivent le vent de perdicion/ signifie
lesquieulx sont de si grant estat force et poissance que a pou cuident
ataindre au ciel et tant les rent infects l’enfleure du dit vent que non
pas seulement contre les creatures leurs courages sont gros qui remplis
de desdaing les demonstre mais aussi contre dieu et son eglise ce que
les branches s’estendoient par le monde c’est que yceulx enflez la force
de leur poissance par toutes terres estendent pour la quel force par
tout sont redoubtez & crains/ Les oysiaulx s’i nichoient et les bestes
s’i ombroyent/ c’est que l’espirituel et le temporel veulent subjuguer
gouverner et traire a eulx l’abondance du fruit de cel abre/ c’est
ycelle detestable contagieuse maladie qui communnement est en toute
gent.

¶ Ceste prophecie signiffia la dicte enfermeté/ mais or entens la
diffinicion de sa sentence et l’exposicion de la mort et fin d’icelle/
la voix crya du ciel qu’au lez de terre fust l’abre coppez et estirpez/
c’est que par voulenté de dieu la force et poissance d’yceulz enflez
finera & sera retranchee les degitant de leurs haultesces les branches
qui seront esmondees et les oysiaulx et bestes qui se partiront/ C’est
que leur force faillie leurs subgiés et ceulx qui pour les cruaultez des
desdaings de leurs enfleures les craignent et doubtent/ les lairont en
leur persecucion/ le fruit qui sera dispars c’est leur semblables menus
membres pareillement enflés qui seront humiliez/ Et adonc sera certiffié
la prophecie de la vierge qui dit/ _Deposuit potentes de sede et
exaltavit humiles_.




De la punicion des vices.


Escoute aussi de rechief la belle louange des .iii. damoiselles
diffamees qui en lieu de mes .iii. tres amees emprisonnees que tu as
veues la en bas/ m’ot esté pour m’acompaigner baillees/ & avisez se
resjouir me doy de compaignie de si honteuse fame/ et toutevoyes nottes
a quelle fin terminoit.

¶ De celle premierement que tu vois qui en son giron tenoit la dame
armee & qui tant mes subgés et les miens corrompt & sustrait/ Entens
l’avision comment en esperit de prophecie la vid le prophete zacarye
comme il recite en son livre ou cinquiesme chapitre.

¶ Une femme dist il veoye ou milieu assise d’une bure remplie d’eaue/ &
tenoit celle une grosse masse de plomb qu’en sa gueule boutoit/ et puis
.ii. autres femmes je veoye qui avoient elles semblables a elles
descouffle. ycelles prinrent la dicte bure ou la femme assise estoit &
entre le ciel et la terre la portoient/ adont dist il a l’ange demanday
qui celle vision me monstroit ou ses femmes la bure atout la femme
assise en l’eaue portoient/ & cil me respondi. Ut edificetur sibi domus
in terra sennaar/ il la portent dist il pour lui ediffier la une maison
en la terre de sennaar/ par ceste prophecie est entendue la deshonnesté
dessus dicte et toute personne que elle a tiree a sa cordelle/ la quelle
en toutes plaisances et delis charneulz est de eslargir espandre et
laissier couler determinee/ tout ainsi comme les eaues sont fluentes et
decourans/ la masse de plomb la quelle est metal pesant et grief que
elle en sa gueule lançoit est entendu la griefté de l’offence de dieu &
la honte vituperable qui tant est ponderant et grieve que fait commettre
la deshonnesté a ceulx et celles qu’elle enveloppe en ses laceures. Les
.ii. femmes qui esles avoient et portoient la dicte femme assise sont
.ii. mauvaises habondances qui portent et soustiennent en voulenté
d’eulx espandre en toutes plaisances et charneulx delis/ celle et les
siens. La premiere femme est a entendre de delices habondance/ si a .ii.
esles comme oysel qui la portent/ c’est assavoir gloutonnie qui fors
menger et boire viandes glouttes ne queroit/ L’autre aelle est parece
qui ne veult que jouer & avoir repos/ La seconde femme est de richeces
grant abondance/ si a .ii. autres esles c’est assavoir rapine qui ne
veult fors tolir l’autruy/ L’autre aelle est cruaulté qui ne scet avoir
de nul compassion/ cestes aelles estoient a celles descouffle
semblables/ car ainsi que cil oysel ne vit que de proye rappineuse/
ainsi a tele mauvaise abondance de richeces communement vient on par
extorcions et rapines/ Or est descripte ceste perverse deshonnesté selon
la prophecie zacharie/ mais la fin quelle en sera qu’en feront celles
qui flotant es eaues la portent ilz la porteront en la terre de sennaar
pour la lui ediffier sa maison/ sennaar vault autant a dire comme fetor
c’est punaisie qui est la honte & confusion ou ycelles l’amenront/ et en
la fin lui ediffieront sa maison en l’abitacion d’enfer ou a punaisie et
perpetuele orreur.




Encore de ce mesmes & complainte de la dame.


O chiere amie et de la desloyale de dieu haye la parfaicte ennemie du
faulx office la quelle bouche et estoupe la lumiere de verité sicomme
autour de la chartre tu as veu/ Et que dirons nous car de son malefice
helas je me dueil/ ne vois tu comment or y prens garde de s’alaine
corrupte tout est noirci/ Je enrage d’ire quant je lui voy giter les loz
de mes partages non pas par sort/ mais par malice assise a traire
finances de diverses buches pour fournir le feu qui ne peut estanchier
en mes palais la plus hault assise establir ses ordres plains de
desraison et nul grosser n’en ose/ quant je voy la hideuse voillee de
malice paistre les mauvais et ceulx de sa sorte et destruire les simples
& qu’en puis je dire fors cryer a dieu car les souverains de mes
ordonnances sont ses aliez. O dieux quel playe a moy adoulee avec mes
autres griefs. Je suis comme la vesve de bon per delaissiee a qui chacun
cuert sure et nul n’en a pitié/ et que sont devenus les champions de
droit ne s’en sont ilz fuis/ & s’aucun en y a la faulce desloyale ne
leur laisse sortir leur droiturier effait/ voyez voyez tous mes loyaulx
amis comment suis gouvernee par ce que j’ay perdu la joye de mon chief/
Et ce fait ceste faulse qui n’y regarde droit pour ce que demouree comme
brebis sanz pastre suis sans joye d’ami Bien doy estre perplesse quant
je voy ma lignee d’icelle avironnee qui leur donne conseil de ses
desloyaulx voyes/ est il chose plus laide que ce qu’elle maintient
comment si fol est homme qu’il n’avise sa fin. O avuglee guespe ta
pointure perverse mainte gent persecute/ Tu es soubtille en oeuvre
malice te gouverne & barat tient le glaive de ceulx de ta justice/ Or
n’est il homme si sage qui en tous cas t’avise car tu te transfigures en
trop estranges fourmes si vas traçant par ville par palais & par sales &
par toutes mes places riens sanz toy ne demeure/ & chacun envenimes de
ta pouldre couverte. O dieux jusques a quant durera ceste guerre/ mais
je me reconforte sire par la figure qui m’en est prophecie de xanson le
tres fort.

¶ Ainsi souspirant par semblant de grant douleur dist ceste complainte
la tres honoree princesse/ & quant ces choses ot dites comme femme
lassee et de dueil surmontee couverte de larmes si que parler plus ne
pot se taisoit quoye et moy qui ses maintiens regardoie comme compaigne
de son plour par pitié de sa reverence/ et qui de bon cueur y remediasse
s’a moy en fust lui dis ainsi.




De ce mesmes.


Ha dame tres redoubtee et digne comme il appartiengne a la haulteur de
vostre force monstrer la tendreur des femenins courages/ laissez en paix
les larmes non propices a vostre constance et plus avant me dites de ce
que touché avez/ c’est assavoir la figure ramenteue de sanxon le fort/
la quelle s’il vous plait m’exposez/ Et elle a moy amie comme le temps
de la destruccion de la faulse fallacieuse et de ses desloyaulx enfans/
je desire me resjouiray en celle attente le te disant/ il est escript ou
.xv.e chapitre ou livre des juges d’israel comme prophecie et figure du
desertement de mon ennemie et de ses complices qui comme psanxon le quel
est interprete comme _sol fortis_/ c’est a dire le souleil fort eust
lonc temps par les malices des philiciens ou ceste faulse regnoit/ esté
parcecutez vint le temps que dieu lui ouvri la voie du reparement de ses
adversitez par droituriere vengence/ adont prist cellui psanxon
plusieurs goupilz ou renars et ensemble les accoupla par les queues les
uns aux autres les lya/ Et comme il fust ja la nuit venue ou premier
somme gita ses renars es maisons plaines de fains de ses ennemis partie
d’iceulx renars et les autres chaça es blez des champs et en leurs bois
et en leurs vignes/ et par celle voye sicomme dieu volt furent les filz
de la desloyalle et elle avec eulx/ En celle partie mors destruis et ars
en leurs pechiez. O amie chiere nottez la prophecie du temps de ma
gloire.

¶ Quant ceste desloyale assez m’ara chastiee Si que dieu vouldra sa
pugnicion cesser/ & les crys de mes plains seront par pitié devant dieu
portez Sicomme jadis furent ceulx des enfans d’israel lors que olofernes
a tout sa grant force assegiez les avoit/ Adont psanxon c’est le souleil
fort s’avisera de grant malice contre ses ennemis cessera un de mes filz
cler comme le souleil fort Car le souleil de justice en lui abitera/
cellui destruira ses ennemis par estrange malice/ c’est assavoir les
enfans de la fraudulente ennemis de sa vertu qui ma terre et moy par
lonc temps ont persecutee/ si prendra renars & queue a queue les
acouplera et entre eulx mettra brandons de feu/ puis les getera par nuit
sus les desloyaulx & en leurs gaignages & tout bruslera et mourront en
leurs iniquitez/ les renars sont les soubtilz avis de son meismes sens
que il prendra que il queue a queue accoupplera/ Ce sont plusieurs poins
par quoy il les prendra en leur malice/ il mettra brandons de feu entre
.ii. c’est la punicion de leur meffais & que par droituriere justice il
leur baillera/ il les gettera sur eulx quant nuit sera venue et ou
premier somme c’est quant le terme de leur punicion sera venu/ & qu’ilz
seront endormis en leur perseverence il getera partie des renars en
leurs blez et gaignages C’est que l’avoir mal acquis qu’ilz ont par le
sens d’icellui sera distribuez es mains des droiz heritiers.




Encore du vitupere des vices en general.


Mais de celle aux ordes ongles et qui tant courbes les a ou quel faulx
gouvernement tu vois les mouchettes de mes ruches qui pervertist le miel
de leur cire en sauvage amertume que t’en diray je n’as tu sentu
l’experience de son office/ deust se dieux t’ayst tel monstre estre
trouvé en ma maison pour mes enfans m’empoisonner & pervertir et si
villainement sustraire et par faulce amonicion de ses flateries les
rendre deshonorez par sa fame villaine qui rent ses acointes en ciel et
en terre tous diffamez/ Est il riens plus blamé que l’estre ou elle
abite tant soit le lieu sacré d’autre vertu/ helas ne deust pas estre cy
assise Car qui qu’elle accompaigne ne lui affiert mie s’embatre en mes
proprietez. Ha beste orrible et venimeuse comment as tu fait si mortel
sault comme du puis de enfer ou est ta naturel demeure jusques es
courages de mes enfans en qui habiter ne souloies/ ou sont alez mes
anciennes vertueuses portieres pitié et charité quant empeschee n’ont ta
hardiece/ Or me pasme le cuer de yre voyant ta cruauté qui ne donne lieu
a nulle vertu/ mais sanz misericorde esrache les fruis ains qu’ilz
soient meurs de leur tige/ ce fait ta felonnie assise es combles de ma
maison/ Et sicomme dit le proverbe maisgnee duite selon seigneur les
menistres d’iniquité suivent la trace de leurs chiefs par tes fallaces/
et de toy perverse qui tiens les clefs a force de mes escrins les
oeuvres et serres a ton vouloir a leur grant vitupere et prejudice en
font leur parement O moleste du monde/ tu sancsue infernale qui te
pourra assez vituperer/ n’es tu pas celle donques qui livres matiere aux
tourmens d’enfer et qui de cryer ne cesses affer affer/ fournase
insaciable et inestainsible qui te pourra assouvir n’a ja ton ardant feu
pire que gregois espris mes plus cheres choses Et ja te voy si effrontee
et magnifestement publique que nulle vergongne ne te tapist/ ne ceulx ne
se hontoient tant sont endurcis que tu compaignes.

¶ Ha bien prophetisa le temps que je voy et le lieu ou tu es en ces
proverbes salomon .xxx.e Chapitre ou il dit ainsi.

¶ _Generacio que pro dentibus gladios habet ut comedat inopes de terra
et pauperes ex hominibus_ Ha la generacion perverse qui en lieu de dens
usent de glaive non mie pour mordre mais pour tout trancher ce veons
magnifestement de la desloyale a qui ne souffit mie mordre se tout ne
tranche.




Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte escripture.


O doulce amie et ma chiere nourrie/ et quant je sçay que dieux est juste
ne dois je penser que a tous jours pas ne dissimulera la paye de sa
droiture/ ne fait il grace quant la convercion qui trop retarde attent
sa misericorde mais sicomme naturellement la mere amoureuse de sa
porteure non obstant vices qu’elle y voye ne met en oubli l’amour
maternelle redoubte par desserte veoir la ruyne de ses filz/ ainsi
souspirant et lacrimeuse crainte et paour en freour me tient de
soubdaine vengence. Helas n’ay je cause de penser la figure de ma ruyne
en ce qu’il est escript ou .xv.e chapitre du livre des roys/ que comme
dieu de loy divine repreuve ceste dicte vicieuse gueppe/ sicomme son
contraire pour ycelle et a sa cause debouta saül roy que elle avoit
aluché/ lors que il l’ot envoyé en bataille contre le roy de amalech si
lui avoit deffendu que homme ne prensist a rençon mais tout meist a
l’espee comme orribles pecheurs et de dieu reprouvez ne vouloit plus sa
vie/ ne des despoulles retenist aucune chose/ mais comme saül mieulx
amast obeyr a ceste desloyale sancsue qui lui commandoit le contraire
que au commendement de dieu n’en fist riens Ains se volt engraissier des
faulces pastures de dieu vees/ et espargna le dit reprouvé roy/ pour la
quelle chose dieu appella samuel le prophete disant Je me repens d’avoir
ordené sus mon peuple Saül roy Dont comme le dit prophete reprensist
Saül d’ycelle forfaicture/ se volt excuser disant que les despoulles que
faites avoit/ c’estoit en entencion de a dieu les sacriffier/ de la quel
chose respondi le prophete/ mieulx vault obedience que sacrefice/ et
pour tant que par croire l’amonicion de la rapineuse as desobei/ Tu
seras debouté de ton royaume et adont le prophete le depposa et en oygny
david a roy/ Ha chiere amie et dois je penser que dieu dorme ne voy je
le temps que contre ses commandemens sont espargnees ses justices sur
les mauvais de droit divin condampnez a punicion/ mais qu’ilz ayent
pasture pour ficher en la quelle de la faulse adont tout est accoisie/
Mais voir est qu’ilz s’escusent d’aucune faulse couleur de bonté faisant
leur malefice/ vois tu tout commandement de loy mis arriere pour elle
paistre et nourrir sans nulle espargne/ Que diray je donques se je n’ay
paour que dieu soit muable qui ne peut estre/ & s’il ne l’est pour quoy
ne me touche ceste figure par semblable cas n’en voye les aprestes/ Car
bien est fol cil qui mal fait & bien espoire/ ne sont les estranges
aussi aptes a recevoir nouvelles proyes comme ilz souloient/ Et tout
ainsi comme cellui qui se sent coulpable ne vid sans la runge de
conscience/ le rent paoureux la paour de punicion ne de lui ne depart.

¶ Ancore a ce propos des malefices de ceste dampnee ne parla donques a
moy jhesucrist en la parabole de la vigne sicomme il dist en l’euvangile
des faulx coultiveurs lesquieulx comme ilz fussent de la maisgnie de
ceste doulereuse par envie d’avoir l’eritage n’occirent il les loyaulx
messages justement demandeurs des exfruis & comme ceste felonnie
engrigiast semblablement/ ne espargnerent leurs glaives le droit
heritier/ mais comme la sentence divine les despoulliast pour yceulx
crimes de toute possession/ et en revetist estranges cultiveurs les
miens cheus en la meismes fosse ne dois je doubter la meismes sentence/
Car comme le souverain maistre establi les eust coultiveurs de ma vigne
pour bon compte en avoir/ n’ont ilz occis les messages demandeurs des
exfruis/ c’est assavoir les causes de mon exaltacion/ et qui plus est/
le droit heritier c’est le loz de grace qui tous jours jusques a ore m’a
possedee/ mais tout ainsi que la femme ançainte la quelle non obstant le
desir de veoir le fruit de son ventre hors de soy a sauveté resongne la
douleur du temps de l’enfantement/ pareillement non obstant la joye de
l’esperance du bon reppareur avenir/ que dieu m’a promis/ je resongne le
mal par ou couvient que je passe ains que je y aviengne.




Encore de sa complainte.


Helas ancore de la paour que j’ay de ma ruyne n’ay je cause considerant
les dessertes de mes subgez/ car peut estre que ains la reparacion
attendue/ moult couvendra perir des miens Comme il soit vray que de
choses a avenir le temps mucié soit soubs le secret de dieu Sicomme la
promesse qu’il fist a abraham de ses lignees multiplier & croistre sus
la terre comme souvrains/ Et chose est certaine la parole de dieu estre
vraye/ Et toutevoye par les dessertes d’iceulx enfans et peuple d’ysrael
punicion a tres lonc temps leur a esté par mainte foiz de dieu envoyee/
comme il appert par la bible qui de ce fait mencion/ et puis quant dieu
bien les avoit punis les rappelloit a soy Et ancore au jour d’uy les
veons dispers et fuitis pour leur dessertes/ leur repparacion selon ce
que l’en tient par la dicte promesse sera quant lumiere de vraye foy
leur sera donnee Ceste figure me fait doubter grans perplexitez avenir/
ains le reparement de ma ruine/ Sicomme nous veons communement ou temps
d’orage grans escroiz de tonnoirres fouldres et tempestes cheoir
dommagiablement ainçois que le temps se resclaire/ Et se sur ce croire
n’en voulons des anciens les prophecies sicomme merlin les sibilles
joachin et mains autres qui nous dient tout plainement les advenemens de
noz adversitez et trebuchemens/ et se veoir les veulz en maint lieux les
trouveras plainement et a la lettre lesquieulx dis je laisse pour ce que
aucuns dire pourroient que comme ilz soient apocriffes ne doivent estre
recitez a cause de certaine preuve/ les textes des saintes escriptures
que nyer ne povons et ou n’a mençonge nous doivent a tout le moins estre
fondement de paour & petite asseurence/ et aussi les veritez des vrayes
histoires approuvees.

¶ Qui me gardera donques de trembler quant je cognois que la justice de
dieu riens ne passe sans punicion et je voy les occasions d’inconvenient
courir toutes communes c’est assavoir par especial les filles de
perdicion dessus descriptes et que tu as veues et le vent penetrant qui
donne l’enfleure maloite qui bestourne le sens d’omme raisonnable en
beste mue.




Des punicions des vices.


Que j’aye paour de la punicion qui tant rent enfermés mes plus prochains
par les exemples que de l’ire de dieu je treuve encore pour trop mendre
cas que ceulx que courir voy commis par mes pourprises Sicomme il est
escript ou second livre des roys ou derrenier chapitre/ que comme le roy
david une foiz ferus du vent dessus dit eslevast son cuer en l’enfleure
de ambicion de savoir quel puissance il avoit et de combien de gens
d’armes finer pourroit/ & pource savoir fit son peuple nombrer pour la
cause de ceste elevacion seulement dieu fu contre lui tant courroucié
qu’il lui manda par le prophete gad/ que il choisist de .iii. punicions
l’une ou .vii. ans par tout son royaume aroit famine/ ou .iii. mois il
seroit en fuite pour paour de ses ennemis ou .iii. jours pestilence de
mortalité aroit en son peuple/ Dont apres qu’il ot choisi la tierce
punission/ une tele mortalité sourdy qu’en son royaume mourut .lx. & .x.
Mille hommes. O doulce amie/ or regardes comme grant punicion pour chose
qui au regart de noz grans enfleures sembleroit bien petite boce.

¶ De ceste enfleure ancore et de la punicion de dieu envoyee comme il ne
la puist au lonc aler souffrir/ Est escript ou .iiii.e chapitre de
danyel que comme nabugodonosor une foiz alast et venist par mi sa sale &
son grant palais de babiloyne/ se gloriffiant et disent ne n’est ce pas
cy babiloine la grant/ la quelle pour ma maison royal j’ay ediffiee et
la poissance de ma force et la gloire de ma beauté. Adont disant ces
paroles vint une voix du ciel/ qui lui dist nabugodonosor escoute/ ton
royaume de toy est trespassé et bouté hors seras de la compaignie des
hommes & avec les sauvages bestes sera ta demeure/ & feing avec les
beufs tu mengeras ne fu pas mençongiere la promesse/ car gaires apres ne
tarda que executee ne fust en sa personne qui deboutez fu de la
compaignie humaine et ramené en fourme de beste paissant aux champs a la
pluye et au vent.

¶ A quoy querons nous autres prophecies/ ne nous sont cestes
souffisantes/ ne savons nous que dieu est inmuable comme dit ay/ et que
tel est ores comme lors estoit/ ne sont les escriptures toutes plaines
des veritez de ses punicions/ et de tant comme plus il les retarde de
tant plus grant paour avoir devons/ Tout ainsi comme de l’archer de tant
comme plus il retarde a frapper tandis que fort il tire la corde/ de
tant fiert il plus grant coup quant il assene/ que t’en diroie plus/
d’exemples infinis en sont qui nel croira si lise/ assez souffise ceste
narracion sus la dicte enfleure de mal affaire.




Encore de ce mesmes.


Encore de la deshonnesté qui ma gent de deffence et mes autres officiers
et meismement mes plus affins et prochains tient avec les autres
passions dessus dictes/ en ses liens comme cy dessus est dit. helas qui
n’aroit que un vice seroit a peu eureux/ mais mal pour cellui qui de
tous ou de plusieurs est avironnez et remplis/ ne me puis taire de
l’exploit de la grant condampnacion de dieu donnee contre son vice/ &
des maulx qui en viennent & au jour d’uy et tres les premiers temps
comme plusieurs royaumes destruis en ayent esté/ et pour ce doubter doy
quant je voy le cas pareil/ ce meismes flaiel/ exemple/ Dyna fille de
jacob fu ravie du filz du roy de Sichem et ce fu la cause de la
destrucion du dit royaume/ Amon se faigny malade pour avoir thamar sa
seur/ pour la quelle cause il fu de son frere absalon occis/ le
ravissement de heleyne par paris en grece fu cause de la destruccion de
troye. un roy de france comme racontent les croniques en fu chaciez et
exillez/ la force de tarquin l’orgueilleus faite a lucrece la chaste
dame de romme qui pour celle cause s’occist/ fu cause du desheritement
du roy tarquin et de son filz/ Et pour ce fait jurerent les rommains que
jamais a romme n’aroit roy. hanibal roy de cartage tant qu’il fu sans
l’acointance de la deshonnesté/ il fu vainqueur et victorieux es
batailles rommaines & en toutes pars/ Et fu son nom eslevé en proece/
mais si tost qu’aprist le repos & en delices s’enveloppa/ es quelles
prist l’acointance de ceste mauvaise chut en la vallee de male fortune
ne puis bien ne lui vint.

¶ Plus te diray et nottes que quiconques soit l’omme qui es dissolucions
communes s’enveloppe/ de ceste deshonnesté/ merveilles est se jamais
puis il a pris d’armes/ et se fortune en tous ses fais ne lui est
contraire/ puis que son cuer flote es eaues de ses dissolucions/ et se
n’estoit qu’il ne loit de nul diffamer publiquement de ce te donroye
exemple vray d’aucuns vivans au jour d’uy au monde sanz honneur/ loyez
de tieulx liens/ ancor te dis que pays terre ou regne dont des
chevetains est maistrece ne fructifie en honneur ne bonne renommee/ Et a
quoy plus alegueroye de ceste exemple la magnifeste experience le nous
declare/ mais de son trebuchement quoy qu’en aye dit devant/ ne couvient
autre prophecie/ ne mais les effais de la divine justice qui pour cause
de celle ebaluffree sanz frain de honte dont les humains estoient
remplis/ Dieu dit et sentencia que homme plus au monde ne seroit vivant
sus terre/ Et pour ce le deluge envoya jadis qui n’espargna creature
vivant fors noué & sa meisgnie que dieu ot preservez. Si pense & nottes
comment asseure je doy dormir.




Encore de ce.


Ancore de celle qui les voyes estouppe que verité ne saille/ C’est
fraude la perverse/ Sicomme dit valere le grant ou .ix.e livre que sa
tricherie barateuse est un mal mucié et espieus de qui les forces tres
efficans sont mentir et decevoir comme elle s’esjouisse en mençonges &
fallaces qui sont les faulx outilz de son soubtil art Et de ce parle
ysidore en ses synonimes qui dit que fraude ou barat est monstrer une
chose en semblant et faire autre en oeuvre/ Et cellui qui en lui l’a est
tricheur/ et par elle veult simuler et faindre l’issue de vertu/ de
ceste mauvaise vient desloyauté et foy mentie/ or prens garde se ma
terre et toutes mes cours sont semees de si fais hebarges/ ja moult
enracinez en de trop haulx lieux helas comment ne desplairoit a dieu
juste le vice de foy mentie de mençonge et de desloyauté entre les
freres parens et amis Et entre prochains sicomme il commande que ilz
aiment l’un l’autre quant meismement aux ennemis veult que foy soit
tenue/ et que il se courrouce du contraire le nous monstre assez par
l’exemple qui signefie des faulx jurans la grant punicion/ c’est
assavoir par ce qui est escript ou derrenier chapitre ou livre des roys
de zedechias roy de jherusalem qui brisa a nabugonodosor roy de
babiloine la foy promise que lui avoit/ pour la quelle chose le dit
nabugodonosor vint assegier jherusalem et dieu en sa main lui livra le
dit zedechias roy/ Si lui dit quant il le tint. Dieu qui het toute
infidelité de foy brisee & de mençonge te veult punir par ma main/ et
adont devant lui occire fist ses enfans/ & a lui crever les .ii. yeulx/
et lié de chayennes le fist prisonnier mener en babiloine/ Or regarde
que doivent les miens attendre des infidelitez que chacun jour s’entre
font tant innormes que l’un en l’autre ne se peut fier/ ne loyauté a
peine en part qui soit du grant jusques au mendre peut estre trouvee/
qui vit onques mais l’art de sofistiquacion si commune/ Car de ce semble
que chacun soit maistre et jusques aux entrailles des courages c’est
embatue celle art d’enfer et dyabolique/ si qu’il n’est a peine parole
dicte semblant fait ne chose ouvré qui ne soit sofistiqué en tele
maniere que elle a apparence de estre milleure qu’en effait de bonté
elle n’est trouvee. Si suis pour ces choses comme celle qui le baston a
sus le chief et le coup atent.




Encore de ce.


Et tout ainsi comme les vertus deppendent les unes des autres & s’entre
accompaignent & attrayent Semblablement ces filles de perdicion
trebuchent de l’une en l’autre/ et se entre sachent et apparient/ Et
qu’il soit vray pour quoy est doncques fraude trouvee ne mais pour
remplir les coffres de la rappineuse C’est l’administraresse de ses
pourveances et de son amas/ C’est celle qui treuve les voyes de attraire
ces finances et faire ses contras/ hahay se perdue l’avoit comment
esgaree seroit/ Onques ne fu si propice boyasse ne qui si bien pensast
de sa maistresse. Dieux quel compaignie et quel couple avarice et
fraude/ mais de leurs ordes mains _libera nos domine_. Dieux ne commença
ceste orde caigne aux ongles crochees/ tres que sus la terre n’avoit que
.iii. hommes Lors que kaÿm offroit a dieu des pires fruis de sa terre et
des pires bestes de son parc/ Et comme dieux qui scet les courages
n’eust agreable son sacrefice le reprouva ycellui chut ou second
inconvenient/ c’est assavoir de envie et puis ou tiers par l’omicide que
il fist de son frere abel Qui pourroit raconter les maulx qui par ceste
sont avenus/ et ancore ne cessent/ pour quoy te diroye des empires
royaumes/ citez et peuples qui destruis en ont esté les temps passez/
Autre exemple ne couvient fors du temps present n’est elle celle qui en
l’eglise de dieu met la division et le Sisme/ certes c’elle n’estoit ne
couvendroit pas .ii. papes/ ains a peines un le vouldroit estre/ n’est
elle principale ou debat de mon royaume/ Se trouvee n’y estoit la charge
du gouvernement ne seroit tant chalengee/ dirons nous que elle fust plus
grande jadis ou roy de babiloine/ pour tant se une seule foiz il desroba
le temple de dieu. helas avisons quantes extorcions on fait en plus ses
amees choses que son temple/ C’est assavoir a ses povres membres qui
sont les souffreteux de quoy il est escript que licite seroit vendre les
calices & les joyaulx livres et aournemens de autelz pour secourir a
besoing a la neccessité de yceulx Et ilz sont de toutes pars persecutez/
et de tieulx joyaulx qu’ilz ont/ c’est leur sustentacion desrobez/ Et
dieux scet en quieulx usages sont employez/ Mais le cas de cestui dit
roy pour quoy ne nous peut estre figure et prophecie du pareil
inconvenient par divine punicion/ Car sicomme ou livre de danyel ou .v.e
Chapitre est escript que une foiz baltasar faisoit un grant disner/ et
seoit a table avec les nobles de son royaume/ commanda que fussent
apportez les vaisseaulx d’or et d’argent que son pere avoit pris ou
temple de jherusalem/ esquieulx vaisseaulx on souloit faire le service
de dieu/ Et cellui corrompu par pompe buvoit dedens presomptueusement/
et y faisoit boire ses cucubines qui de tieulx rappines faisoient leurs
paremens/ et les choses de dieu mettoient en vilz usages/ Mais dieu
contre qui nulle force n’a poissance/ et quoy que il attende bien se
scet venger ot amené l’eure de la punicion de ycelluy mal faiteur/ Et
par cest exemple povons notter la ruyne des plus eslevez souventes foiz
quant plus cuident estre asseurez/ Car sicomme cellui Balthazar Roy de
Babiloine estoit plus en sa joye/ il leva les yeulx Et en la paroit de
sa sale vit une main qui escripsoit tieulx .iii. moz/ mané/ thetel/
phares/ Le premier mot mané/ C’est a dire nombre/ et est a entendre que
dieu avoit nombré les jours de sa vie/ Et que venue en estoit la fin. Le
Second mot thetel est a dire pois/ qui vouloit dire que dieu avoit pesé
ses biens et ses maulx/ et legier avoit esté trouvé en biens/ et pesant
en maulx. Le tiers mot phares vouloit entendre division/ C’estoit a dire
que dieu avoit devisé son royaume et sepparé de lui/ Et ainsi avint car
celle meismes nuit/ daire le roy de mede/ et Cirus roy de perse
prindrent la cité de babiloine/ et fu occis balthazar et son royaume
transporté es mains des mediens et des persens.




Encore de ce.


Tant que c’est sanz nombre doulce chiere amie/ te pourroye dire de
tieulx exemples de diverses punicions pour divers pechez helas et les
miens ne s’i prennent garde/ ne dit le proverbe rural et commun que bien
se bat qui par autruy se chastie/ & que qui autrui maison voit bruler/
de la sienne paour doit avoir/ Il n’est si beau chasti que cil qui de
soy meismes & sanz contrainte vient/ plus leur fust honorable laisser
les vices de pure voulenté que ce que a force on leur feist delaissier/
n’est il escript que dieux a plus grant joye du pecheur retourné a lui
que du juste qui onques ne failli/ C’est chose humaine de pechier/ mais
infernalle est la perseverence. Ha doulce chose est que de suivre la
voye de vertu a qui si veult duire/ n’est il dit que l’omme vertueux a
ja un pié ou ciel/ Et a quoy se eslieve homme qui est terre & cendre/ ne
scet il que sa vie est brieve ne se gloriffie es richeces mondaines/
lesquelles ne sont ne vrayes ne siennes/ Et que vault avoir seignourie
au monde grans tresors terres possessions et poissances sur les autres/
un pou de temps pour an si user que on s’en enqueure dampnacion
perpetuele/ qui est cellui si ignorent qui n’ait le ver de conscience.
vueille ou ne vueille quant il se sent pecheur ne possede il et y a un
des tourmens d’enfer qui ne le laisse durer/ mais quelle est plus grant
seureté que nette conscience/ C’est joye celestielle/ Hahay mais pour
quoy ne a qui dis je ces paroles quant je sçay que n’en serai pas creue
Car ne pourront entrer es courages ja adurcis Sicomme on dit le fol ne
croit jusque il prent mais habondance de voulenté le me fait dire comme
tendre mere a ses enfans/ mais ce me desconforte que ja me semble en y a
d’entrez en obstinacion qui trop est chose perverse. Helas/ j’ay grant
paour que semblable je soie a Cassandra la sage fille du roy priant qui
veant la ruyne appareillee sus les troyens les amonnestoit d’appaisier
leurs courages contre grigois ains que pis leur venist/ mais en vain se
debati car n’en fu pas creue/ Si leur en ensuivi tout ce que pronostiqué
leur avoit/ Dont a tart de ne la croire se repentirent/ ainsi de eulx
amender et mettre a paix devers leur dieu de qui ja voy la guerre. Bien
vouldroye que a mes paroles si adjoustassent foy/ ains que pis leur
venist/ ilz me creussent ne que du tout ja son yre fust sur eulx
espandue/ par plus grieve vengence. O sage roy de ninive bien conseillez
qui creus le prophete jonas/ quant dieu par lui te manda/ que pour les
pechiés de toy et de ta cité tu avoies encouru sentence de destruccion
dedens quarante jours Mais lors te repentant batant ta coulpe/ en jeunes
plours et afflictions toy et tous tes subgés jusques aux bestes mues par
.iii. jours cryant a dieu mercis vestus de sacs/ cendres sur les testes/
tant te humilias que Dieu ot pitié de ta contriction si/ que ton
humilité espargna sa vengence par bon appaisement.

¶ N’ont doncques les miens assez de exemples d’eulx repentir ne scevent
ilz que de mal couvient que mal viengne Car non obstant que le sens
litteral de l’euvangile dye que neccessité est que esclande viengne/ ne
dist il apres que pour tant mal cellui par qui esclande vient/ veulent
ilz resembler le larron qui ne croit quelque exemple que il voye que
l’en destruise les mal faiteurs jusques a tant que il ait la corde au
col/ Helas/ mais c’est trop tart/ Car trop est meilleur a l’omme se
garder du mauvais pas que ce que a peine ou jamais s’en tirast hors se
il y estoit entrez.




La fin de la complainte de la dame couronnee.


Belle doulce amie que te diroye ne t’ay je assez tenue es narracions et
procés de mes aventures le bien et le mal je t’en ay regehy en general &
en particulier puis la naiscence de mon nom jusques au jour d’uy/ Et ce
plus m’a eslargie a te signiffier l’estat de mes anuys que piteuse de
mes afflictions je t’ay trouvee/ Si est temps des crimes/ que je me
seuffre/ de plus te dire/ que trop ne soie longue. O quel plaisir et
quel alegement est de dire et descouvrir a son loyal ami ou amie les
pesanteurs de ses pensees Car la viande presentee au famillieux n’est
plus savoureuse/ Si ne dis plus ce que autre foiz as dit quelle que je
appere que glorieuse soye/ Car je t’acertaine se dieu de sa grace n’y
remedye que passé a lonc temps ne fus plus perplesse helas mais comment
remede du ciel espereroye quant aux miens si mal je le voy desservir Et
ancore plus me grieve sans faille le peril de pis ou je me voy que le
mal que je seuffre Tout soye bien batue Tout ainsi que cellui qui devant
lui voit cil qui l’a navré/ a paour que il le partue Si te mercy ma bien
amee en fin de mes paroles de ta loyal amour et compaignie La quelle te
pry que ne me faille jusques a la fin.

¶ Non obstant que d’alieurs tu soies requise/ et que de moy et des miens
tu ayes petis emolumens/ mais ton bon courage ne vueille delaissier la
nourriture de son enfance/ Si demeures constante avec moy ou gracieux
labour de tes dictiez/ du quel maint plaisirs ancore feras a moy et mes
enfans/ Lesquieulx je te pri que me salues/ Et que leur signifies les
plaintes de mes clamours Et que Comme loyaulx et vrays enfans veulent
avoir pitié de leur tendre mere/ de qui encore le lait leur est
neccessaire et doulce nourriture/ mais vueillent si espargner ses
doulces mamelles que ilz ne la succent jusques au sanc.

¶ A tant cesserent les parolles de la dame couronnee Et moy apres ce que
selon ma poissance au mieulx que sos je l’os reconfortee/ lui disant que
non obstant son grant peril/ se dieux plait les prieres et oroisons de
maintes bonnes creatures/ et les biens fais qui sont celebrez par sa
terre/ non obstant les grans pechiez qui y queurent/ Comme dieu soit
misericors la reserveroyent et tireroient de peril/ La merciay de
l’onneur que m’avoit faite et de la charge que commise m’avoit/ lui en
promettant vraye excecussion. Et a tant reposer la laissay.


Explicit la premiere partie du livre de l’avision christine.




Ci commence la seconde partie du livre de l’avision christine la quelle
parle de dame oppinion et de ses ombres.


Apres ces choses me sembloit que desireuse de plus avant enquerre aloye
traçant par la cité d’athenes tant que m’embatoye entre les estudes/
lors joyeuse d’estre parvenue a si noble université voluntaire de mon
sens par leur savoir prouffitablement imbuer/ m’arestoie entre les
escoliers de diverses facultez de sciences disputans ensemble de maintes
questions formant plusieurs argumens.

¶ Lors sicomme l’oreille vouloie tendre a escouter/ adont le sens de ma
veue preceda cellui de m’ouye/ Car en haulçant mes yeulx avisay volant
entre yceulx une grant ombre femenine sanz corps sicomme chose
espirituelle de trop estrange nature et qu’elle fust merveilleuse
l’experience prouvoit/ Car celle chose veoie estre une seule ombre/ mais
de Cent mille milions voire innombrables parties les unes grandes/ les
autres mendres autres plus petites de soy elle faisoit/ puis
s’assembloient ses parties d’ombre comme par grans tourbes si que font
nuees ou ciel ou oyselés volans par tas ensemble/ mais plus en y avoit
que onques oyseaulx ne volerent. Si estoient ces tourbes sepparees les
unes des autres ainsi comme les couleurs d’elles se differoient/ car de
toutes les coulours qui onques furent et de plus que onques n’en fu
estoient differenciees les unes des autres/ Car une grant tourbe en y
avoit de toutes blanches une autre de toutes vermeilles/ les autres
yndes autres de couleur de feu autres d’eaue/ et ainsi de toutes les
couleurs/ Et se tenoient ensemble celles d’une couleur sicomme font
oyseaulx d’une espece Toutefois aucune foiz avenoit que ilz
s’entremesloyent/ mais tous jours retournoit chacune a sa couleur/ Et
non obstant que une chacune couleur se tenist ensemble toutefoiz en y
avoit en la route de plus fort taintes les unes que les autres/ se
vermeil estoit l’une plus ardant/ l’autre plus palle/ l’autre plus
sanguine/ & ainsi de toutes les couleurs si qu’a peine en y avoit une
qui aucunement ne differat de l’autre/ Et tout ainsi comme les couleurs
d’icelles ombres par tourbes se differoient semblablement faisoient
leurs fourmes Car il n’est corps de creature humaine ne d’estrange
beste/ oysel monstre de mer serpent ne chose que dieu formast onques
voire des plus haultes choses celestielles et de tout quanque pensee
peut presenter a la fantasie dont la n’y eust la fourme/ Si en y avoit
tant d’estranges qu’il n’est cuer qui le peust penser mais fourmes de
geans serpens orribles bestes ne chose mortelle tant ne m’espoventerent
comme firent les orribles noirs deffigurez monstres d’enfer de la quelle
remembrance encore suis toute espaourie.




Ci dit de quoy ces ombres servoient.


D’icelles tourbes d’ombres qui par l’air voloient je veoie tous
avironnez les clercs disputans es dictes escoles/ et avant que cellui
qui vouloit proposer sa question parlast/ une de ses ombres lui venoit
s’acouter en l’oreille comme se elle lui conseillast ce qu’il devoit
dire/ Et apres quant l’autre vouloit respondre ou repliquer/ une autre
ombre lui aloit semblablement s’acouter/ Et ainsi n’y avoit la nul
arguant qui ne eust autour de son chief ou une ou .ii. ou .iii. ou
.iiii. ou plus grant quantité qui toutes le conseilloient/ mais chacune
science a part avoit sa couleur d’ombres/ sicomme gramaire les verdes/
dyaletique les morees/ arismetique dyaprees/ musique blanches Geometrie
vermeilles/ Astrologie les asurez/ theologie dorez philosophie
cristalines & ainsi des autres sciences liberaulx et deffendues/ Et
ceulx qui arguoyent n’avoient environ eulx tant que duroit la
disputoison fors les ombres de la couleur qui appartenoit a la science
de leurs argus mais non obstant que toutes traÿssent a une couleur/
ceulx qui proposoient plus fort taintes ou moins taintes que ceulx qui
repliquoient les avoient si que nulle fois n’estoient sans difference/
et s’il avenoit que pareilles venissent aux parties qui disputoient/
adont estoient les .ii. disputans d’acort Si estoit la chose partie en
telle maniere qu’il sembloit que ycelles ombres fussent cause de leurs
descors et debas qui aucunefoiz tant multiplioit entr’eulx/ que de
tieulx de chaude cole y avoit faisoient venir de verbis ad verbera/ Et
pour ce que estrange chose pourroit sembler a ceulx qui oyent ou orront
la descripcion de ceste avision en ceste partie la quelle les yeulx de
mon entendement plus clerement veoit que expliquer ne sçay ne descripre
que j’appelle ycestes choses ombres/ & si dis qu’elles avoient coulours
diverses/ come se chose contredisant fust couleur et ombre estre
ensemble/ si dy que ombres voirement ce estoient/ car estranges causes
leur donnoient leur fourmes non mie d’elles mesmes les avoient/
Coulourees couvenoit que elles fussent. autrement point ne fussent/ mais
transparans petites et grans si que on veoit par mi auques toutes
estoient/ fors d’aucunes si troubles que l’en n’y veoit grain ne goute.
Ancore plus/ car tout ainsi comme elles se dessembloient de couleurs/
semblablement faisoient de fourmes car comme j’ay dit devant de toutes
les fourmes et choses qui pevent estre ymaginees avoient/ celles ombres
empraintes/ Celles qui appartenoient a philosophie estoient comme fleurs
de diverses façons et couleurs/ mais tant estoient de grant odeur et
beauté que toutes les escolles en resplandissoient/ si que grant beauté
d’i estre estoit/ les autres fourmes d’ombres comme de gens de bestes ou
d’autres choses s’estendoient plus dehors les escoles et voloient par
tout le monde/ car celles plus appartenoient a oeuvres manuelles & fais
que en speculacion et plus estoient attribuees aux gens d’armes et ordre
de chevalerie et autres ars mecaniques & ouvrables/ De tout ce me
sembloit que avoie clere cognoissance/ mais sur toute chose
m’esmerveilloit et fort a comprendre m’estoit ce que je veoye non
obstant ces diverses parties d’ombre qui par tout le monde s’espandoient
que toutefois n’estoit ce que l’image d’une toute seule ombre en la
quelle toutes se refrappoient.




Comment l’ombre araisonna christine.


Adont comme je fusse ententive a regarder ceste merveille/ l’ombreuse
creature s’en donna de garde et en telle maniere m’araisonna fille
d’escole qui ça t’amaine et moy a elle/ dame aventure mais voz
merveilles m’ont cy arrestee/ Et se je peusse moult voulsisse plus vous
cognoistre/ Et elle a moy comment ne me cognois tu doncques/ dame je
n’en ay pas recort/ et elle a moy O bien voy que ignorence tolt aux
humains la cognoissance des objects de leurs oeuvres mais pour emplir
ton desir Ottroy que tu me cognoisses pour ce par vehementes enseignes
te seray magnifestee.

¶ Saches que tres que adam fu formez je fu cree/ Et suis fille de
ignorence desir de savoir m’engendra Le premier homme & sa femme par mon
exort decevable fis en la pomme mordre/ et apres ce que dieu l’ot pour
ce meffait condampné a avoir sa vie en sa sueur/ je lui fis querre et
encercher les proprietez des herbes et des plantes et lui appris la
maniere des terres cultiver et les natures des choses crees lui fis
esprouver tant qu’il les attaigni/ ensuivant apres je gouvernay les
humains/ & leur fis prendre loy/ la quelle fu premiere celle de nature/
Et tres ces premiers aages furent aucuns soubtilz hommes aux quieulx
tant fis encerchier qu’ilz trouverent philosophie et par consequant
toutes les sciences & ars par moy furent premierement investiguees et la
voye trouvee d’y attaindre/ ne nom de philosophe oncques trouvé n’eust
esté se je ne fusse/ Sicomme plus a plain cy apres te declaireray/ Et
non obstant que philosophie avec ses filles fust avant que moy/ et que
fille de dieu soit/ si fus je faite aussitost que creé fu entendement
humain/ et lui et moy ouvrismes la voye aux hommes de cler engin a la
trouver a entendement premier et moy seconde/ si suis chamberiere d’elle
en ce mortel monde/ car en paradis n’enfer n’ay je demeure/ ma duree
sera jusques au derrain jour & lors finera. je rapporte les messages des
hommes de cler entendement a philosophie et a ceulx qui apliquer s’i
veulent je les fois par le moyen de diligent estude se ne leur tolt
deffaute d’engin attaindre par investigacion a elle/ Et pource non
obstant que par tout le monde soye me vois tu principalement en ses
escoles hanter es quelles par l’occasion de moy avec le labour d’estude
apprennent les clercs toutes sciences & sans moy apprises ne pourroient
estre Et non obstant que de dieu viengne la grace d’en hault je suis
celle qui la mes a oeuvre ou cuer de la personne & sanz moy riens ne
proufiteroit Et te dis plus fort que se je n’estoie avec foy esperance
et charité point ne seroit es humains.




Les choses que l’ombre disoit a christine.


Ancore te dis je que tous les anciens prophetes qui ont esté non obstant
qu’ilz parlassent par inspiracion divine de l’advenement de jhesucrist
et des temps avenir/ et mesmement saint jehan l’euvangeliste en
l’apocalipse et tous ceulx et celles qui ont prophetisié se j’eusse esté
en eulx contraire a leurs dis ja n’eussent saintement parlé des secrés
divins/ mais affin qu’en moy tu n’erres & que mieulx m’entendes te dis
que non obstant les choses dittes maint ont prophetisié verité es
quieulx je n’estoye mie saine mais leur disoie au contraire de leur
prophecie sicomme caÿphe qui dist de jhesucrist qu’il estoit expedient
un homme mourir pour sauver le peuple/ Il dist verité mais ce n’estoit
mie ou sens ou il le prenoit/ et pource estoye faulse en lui/ car je le
faisoie follement cuider.

¶ Plus te diray de ma nature tres que creature humaine est nee si tost
qu’entendement commence aucun petit a ouvrer en lui/ tantost moy et de
mes plus legieres filles entrons en lui/ et au feur que l’enfant croist
avec son entendement nous croisçons en lui pareillement & en celle
croiscence selon ce que ses inclinacions se donnent je loge en lui de
mes filles/ s’il est soubtil en speculacions je les lui baille teles
qu’il lui fault et celles le font encercher plus avant de ce en quoy il
est enclin/ Se enclin est aux armes teles qu’il lui fault les lui
baille/ et celles le font encercher la maniere de excerciter les armes/
Se a oeuvres mechaniques marchandise/ ou labour de terre/ paindre/
escripre/ ou lengager pareillement selon les oeuvres par moy avec la
inclinacion ou longue coustume d’enseignement/ toute personne prent ses
meurs bons ou mauvais sages ou folz selon qu’il s’applique/ Si fais tout
homme ouvrer parler aler et venir et sanz moy ne se mouvroit pour oeuvre
faire Si me change souvent en eulx par divers accidens/ et fois souvent
des bons mauvais/ et des mauvais bons/ les savans errer et dire faulx en
divers cas/ et les simples aler droite voye et dire voir/ et selon que
je sui en eulx je me donne a cognoistre par leurs oeuvres et parolles/
Se n’est en aucuns qui de faintise se cueuvrent/ toute foiz ce ne
pourroient faire sanz aucunes de mes filles.

¶ Souventes foiz je deçois ceulx ou je habite par leur donner faulx a
croire/ nil n’est si sage que souvent ne deçoive ne autrement ne
pourroit estre selon le cours naturel.

¶ Je suis fondee sur ce que la fantasie rapporte a l’omme soit mal ou
bien Si fois souvent faulx jugement et dis une chose estre bonne ou elle
est mauvaise/ et ainsi l’opposite et pour ce fais haÿr et amer sans
cause souvent advient et sans l’avoir desservi/ diffamer et aussi louer
sans achoison souventes foiz.

¶ Es sages hommes suis plus certaine et plus vraye et es anciens de
longue experience/ et pource a bonne cause sont appellez es conseulx des
ordenances pollitiques Je suis naturellement plus vive et plus certaine
en un homme que en un autre selon l’abilleté de son entendement le quel
me rapporte en ses pensees Et en homme qui souvent me change est signe
de pou constant et legier courage// Je ne suis nulle fois certaine/ car
se certaineté y avoit/ ce ne seroie mie. Je dis souvent verité mais je
la dis par couleur et informacion d’autre chose Et la gist en l’omme le
sain jugement se la couleur est voir semblable et digne d’estre receue
qui me fait parler/ Je ay proprieté de faire encerchier verité et de
l’enquerir et fus faite pour celle cause/ mais aussi tost que elle est
clerement trouvee de la chose que je fois querir adont couvient que
celle mienne fille qui cause a esté d’ycelle verité attaindre se parte
de la personne/ Mais g’i demeure avec plusieurs autres de mes filles qui
pareillement s’en partent selon les veritez qui sont attaintes/ car la
ou elle est nous ne povons arrester/ et si la faisons attaindre par
labour d’encercher.

¶ Mes jugemens en nul cas riens ne valent se fondez sur raison ne sont
Et cil qui parle ou oeuvre par moy ou sens n’est appellé il erre et
abonde en folie J’ay comme dit est filles bonnes et mauvaises voir
disans et menterresses/ mais se elles mentent ou dient voir n’est mie
certaine la pensee qui en soy les a/ Combien que souvent grant foy y
adjouste/ Et pour ce que je suis chose non certainement sceue peus tu
appercevoir que moy avecques esperance sur le temps avenir par le moyen
de vraye foy sommes cause du merite des vrays feaulx catholiques/ Si
peus notter que pour cause que ainsi je me diversiffie et change vois tu
ycy mes filles de diverses fourmes et couleurs Car n’est homme si sage
qui en soy ne m’ait diversement/ la cause si est que ma mere ignorence
ne laisse ou vaissel du corps pour sa groisseur l’ame du tout ouvrer
selon sa soubtilleté/ Et pour ce couvient que moy qui composee suis de
la nature de l’ame en tant que je suis speculative/ et de la nature du
corps en tant que je suis ignorent soie et abite ou cuer de creature
humaine mais es intelligences qui franchement voient verité & ont
cognoissance des proprietez de toutes choses je ne suis ne n’abite ne
nulle part se ignorence et entendement ne sont ensemble/ Et comme dit
est homme n’est si sage qui n’ignore les causes du plus des choses/ et
pour ce n’est il nul qui en moy ne varie/ mais pource que es moins
parfais suis plus foible sont leurs raisons nices et reprouvees.




Encore de ce mesmes.


Et entens sainement encore de ma poissance/ je te dis que toutes les
loys et secrés qui ont esté au monde/ puis son commencement exepté la
loy escripte qui a moy se fu de dieu donnee Et puis celle de jhesucrist
les quelles vindrent du ciel ou je n’ay nul repaire/ toutes les autres
ay trouvees la loy de nature ou n’aouroient que un seul dieu qui fu
premiere & bonne a qui bien la tenoit fu par moy trouvee Celles des
payens d’aourer plusieurs dieux/ je donnay aux hommes de fol
entendement/ et continuer leur fis par espace de moult lonc temps/ Et
ancore plusieurs parties du monde je tiens en celle erreur. Je fis
trouver a belus les premieres ydoles et a son filz le roy ninus aourer
l’ymage de son pere Et combien que ne trouvasse la loy escripte/ car n’i
sceusse attaindre/ fis je maintes foiz errer en ycelle plusieurs juifs
qui par moy firent maintes mauvaistiez & felons fais Sicomme mesmement
au peuple d’israel je conseillay faire un veel d’or et que ilz
l’aourassent comme dieu/ et ou temps de abdon le prophete fis je au roy
jheroboam semer la faulce creance contre dieu et sa loy/ et ainsi de
mains autres/ mais aussi continuay je les bons en oeuvres meritoires//
En la loy de grace je n’oz que veoir/ car elle est certaine/ mais a
cellui qui en fu acteur je fis par le moyen d’envie maintes peines faire
& aussi moyennant grace divine/ maint convertir a sa loy/ mais tout
fusse je cause de sa mort toute fois contre moy fu par paour jugez a
tort/ et ycelle envie et mauvaistié pareillement m’avoit fait ficher ou
temps devant es cuers de ceulx qui persecuterent les sains prophetes et
aussi en ceulx qui martirerent les benois sains Je fis trouver a
mahommet la faulce loy qui ores est a esté et sera pour la punicion des
crestiens continue/ si tiens les sarrasins en celle faulce creance.

¶ Par moy se ficherent le temps passé en plusieurs du nom chrestien
diverses erreurs en la loy et folles creances qui fortes furent a
esracher Sicomme il appert de manés le faulx herite qui trouva la secte
de ceulx que on appelloit manichees/ et Arrianus qui ediffia l’eresie
arrienne/ et es parties de bretaigne pelage qui par sa faulce doctrine
plusieurs chrestiens corrompi/ un autre vers espaigne nomme precelin et
plusieurs autres/ en qui je fus faulce et en leurs disciples que je fis
errer/ Et mesmement plusieurs papes et patriarches et de divers estas de
l’eglise/ Et ancore ne suis si de tous esrachee en mains faulx pas que
non obstant les vrays amonnestemens de sainte theologie je ne soie en
eulx avec erreur tappie/ et couverte mais paour de feu nous fait tenir
coye et close.




Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe du monde.


En repliquant ce que devant est dit pour donner preuve que si sage ne
soit que je ne face errer parlerons des anciens philosophes quelle je
fus en eulx/ Et comme le traictier de ceste matiere/ tout soit elle
soubtille puisse estre au prouffit de l’entendement t’en deviseray plus
largement en lengage plus couvert comme la matiere le requiere/ te diray
premierement des tres ancians investigueurs des choses naturelles A
ceulx qui premierement philosopherent/ je disoie que des natures des
choses yceulz sont seulement les princippes qui sont ramenez a cause de
matere/ et a ce que plus leur fust ce apparant teles raisons leur
faisoie investiguer que .iiii. condicions semblans appartiennent aux
raisons des princippes/ premierement disoient ilz comme ce de quoy
aucune chose est faite/ semble le principe estre d’icelle chose/ Car
c’est vray signe de princippe par qui la chose est faite et tel est la
matiere/ Car de matieres toutes choses sont faites. Item car tout ainsi
que ce dont les choses sont faites nous disons le princippe de
l’engendrement d’elles et par consequant cause/ en tant que generacion
toute chose precede a estre a ce que elle est/ ne ainçois elle n’est
riens. Et toutefoiz de matiere premierement comme de son princippe
chacune chose est faite/ car la matiere precede la formacion des choses
Et aussi la matiere premierement non pas acidentelement est le suppost
des formes par quoy ancore appert que elle soit vray principe il
s’ensuit que matiere soit princippe des choses/ Tiercement car comme de
toutes choses ce semble le principe ou quel finablement toutes elles
retournent Car sicomme les principes sont premiers en la composicion/
aussi doivent ilz derreniers estre en resolucion & autressi ytel en la
matiere Quartement comme il faille les princippes demourer/ ce par
especial semble estre vray principe qui en chacune generacion/ et apres
toutes corrupcion demeure/ dont comme la matiere la quelle ilz afferment
substance des choses soit tele que elle demeure en toutes mutacions/
Combien que aucunes passions se varient en elle/ et en elle autressi
toutes les autres condicions devant dictes affierent. Par ces .iiii.
premisses ilz concluoient que la matiere est l’element et le premier
principe des natures des choses ainsi disoient que riens ne peut estre
simplement corrompu ne engendré Car tout ainsi se disoient ilz que quant
aucune mutacion est faite envers quelconques passions/ toute foiz
demeurent l’essence principal/ nous ne disons ycelle chose n’engendree
simplement ne corrompue aussi fors selon aucune chose c’est a dire
accidentellement sicomme un homme blanc devenir noir/ nous ne disons
ycellui homme engendré quant il prent tel abit ne corrompu quant il pert
le premier/ Car sa substance principal si demeure/ c’est assavoir son
estre le quel si est sa fourme tout autressi que la matiere disoient/ il
est la substance des choses/ et ycelle demeure permanablement/ Tout
autressi ilz concluent que rien n’est simplement corrompu ne engendré
fors accidentelement/ mais disoient ilz toutes mutacions qui adviennent
es choses sont faites vers aucuns accidans venans de la matiere comme
sont passions ou quelques qualitez/ Dont combien que tous yceulx
couvenissent ensemble en mettant la matiere comme cause premiere/
Toutefoiz les faisoie differer doublement en la posicion d’elle C’est
assavoir quant a pluralité/ car les aucuns mettoient une seule matiere
et les autres plusieurs causes materielles/ et quant a l’espece aussi/
Car aucuns l’eaue mettoient/ les autres l’air/ les autres le feu Thales
l’ancien philosophe qui prince fu de ycelle philosophie/ disoit que ce
estoit l’eaue et affermoit la terre estre assise sur l’eaue ainsi la
mettoit le principe des choses/ et dist que ainsi estoit fondee la terre
dessus comme le effaict est fondé sur la cause/ dont il est a savoir que
cestui thalles fu dit prince de ycelle philosophie/ Car comme il fust
l’un des .vii. sages qui plus proprement furent dis theologiens/ poetes/
lui tout seul se transporta a considerer les causes & les princippes des
choses/ Les autres seulement demourez occupez es moralles sciences/ Les
noms d’iceulx .vii. sages sont premierement Chales millesien qui fu du
temps romulus cellui qui fonda romme ou temps d’achar le roy d’israel
comme on lit es croniques environ .vi.c .lxxxvii. ans devant
l’incarnacion jhesucrist & devant aristote environ .CCC.lii. ans/ Car
aristote fu du temps alixandre le grant qui preceda jhesucrist
.CCC.xxxv. ans/ Cestui thales fu astrologien/ Car meismes comme on lit
il pronostiqua un deffault du souleil ou temps d’ozias et des fondacions
de romme bien cent ans ains que il fust Cestui aussi fu cil dont on lit
en l’istoire des philosophes qui chaÿ en la fosse quant il aloit veoir
le cours des estoilles/ de quoy il fu remprouvé d’une vielle/ Comment
dit elle cuides tu veoir ce que l’en fait ou ciel/ quant a tes piez ne
vois.

¶ Le second sage fu pitacus mitilenus ou temps que es ebrieux regnoit
zedechias et es rommains tharentin le premier/ le quel pithacus tua
frenon d’aches qui batailloit a lui.

¶ Les autres .v. si furent solon d’athenes qui fu faiseur des drois &
des loys populaires/ Chilon lacedemonien/ pithidorus corintien/
cleobelus sydien Byas periandran/ Et furent tous ou temps de la
chetiveté de babiloine/ Et en ce temps ci en bretaigne la grant raignoit
cordeille fille du roy loyr de bretaigne & femme d’agampus le roy de
gaule/ le quel agampus a l’instance de elle subjugua et conquesta
bretaigne occuppee par les serourges d’elle qui chacié en avoient son
pere/ si en chaça yceulz et le royaume au pere restitua au quel puis
succeda ycelle cordeille Comme plus a plain il appert par les gestes.




Ancore de ce mesmes.


Dont entre yceulx .vii. sages thales tant seulement specula la nature
des choses/ et ses disputacions et les raisons qu’il fist il envoya par
lettres en diverses contrees la quelle chose nul des autres ne fist pour
ce fu il entr’eulx appellé prince de leur philosophie Les raisons qui
murent Chales a dire ce qu’il disoit estoit qu’il veoit le nourrissement
de toutes choses estre moisteur/ et par .iii. signes prouvoit son propos
le premier est ce qui est dit c’est assavoir que toutes choses vivans
par moisteur sont nourries/ mais ce disoit il comme ce soit une
semblable chose de quoy les choses sont & a quoy elles viennent/ Et
ainsi humeur semble estre le principe des essences des choses/ le second
signe est que comme l’essence de toutes choses vivans tres grandement
soit conservee et gardee par sa propre et naturelle chaleur/ Toutefoiz
la chaleur semble faite et nourrie de humeur Car humeur est aussi comme
nourrissement et matiere a chaleur/ il appert et s’ensuit que humeur
soit principe des choses.

¶ Le tiers signe comme la vie de tous les animaulx soit gardee en
humeur/ car par le deffault de naturelle humeur chacun animal meurt/ et
par la conservacion d’elle chacun animal vit/ par quoy comme vivre soit
estre aux choses qui ont vie comme il fu dit devant il appert qu’il
s’ensuive que humeur soit principe des essences des choses/ & ces .ii.
signes deppendent l’un de l’autre Aussi il prent signe par la generacion
des choses/ Car ce dit il comme toutes generacions par especial des
choses qui ont vie/ lesquelles sont tres nobles et parfaictes sur toutes
autres choses soient faites de semences/ lesquelles semences ont
escailles sont de nature moiste sicomme chacun scet/ il appert ce dist
il humeur estre princippe des generacions des choses Cestui Chales
estoit induit a ceste oppinion par l’auctorité des anciens/ car comme
aucuns poetes theologisans/ eussent esté ancore plus anciens de lui Et
yceulx eussent tele oppinion de nature/ c’est assavoir que l’eaue fust
principe des choses/ yceulx peut estre pour l’ancienneté d’eulx thales
si ensuivi.

¶ Si est cy a savoir que comme les premiers en grece renommez de
sciences fussent appellez poetes theologisans/ ainsi diz poetes Car de
ce qu’ilz disoient ilz formoient dictiez & parloient faintement/
theologisans aussi qu’ilz parloient des dieux et des choses divines/ les
premiers et les plus principaulx renommez d’iceulx furent .iii. c’est
assavoir orpheus et son disciple museus/ et linius de thebes qui fu
maistre de hercules/ Et ces .iii. furent ou temps des juges qui
regnoient ou peuple de israel environ. .v.c .xxvii. ans/ avant que
chales fust/ environ .xliii. ans avant que theseus le roy d’athenes
ravist helayne la fille au roy de thebes environ .lxxxviii. ans ains que
troye fust destruite/ Et de tous yceulx .iii. orpheus fu le plus
sollempnel/ Et cestui fu cellui dont les poetes parlent qu’il ala en
enfer querir erudice sa femme la quelle le serpent avoit pointe en
fuyant par le pré quant euristus le frere orpheus la vouloit violer la
quelle fable a bon entendement moral peut estre entendue Sicomme
fulgence ou livre des natures des dieux tres clerement l’expose/ De
cestui orpheus aussi parle boece ou .iii.e de sa consolacion a la fin et
ovide en methamorphoseos ou .x.e/ Cestui orpheus aussi a parler
proprement sanz nulle ficcion si que boece recite en sa musique estoit
tres bon cithariste C’est a dire tant melodieusement faisoit sons en la
harpe/ que par les proporcions des acors tant a point ordenez il
garissoit de plusieurs maladies/ et les tristes faisoit estre joyeus.

¶ Ces .iii. poetes dis par maniere de fictions & de paroles
transumptives parlans des choses de nature disoient que occean c’est a
dire la mer ou l’abeisme ou a tres grant inundacion d’eaues/ Et thetis
qu’ilz disoient la deesse de humeur sont parens de generacion/ Et par ce
dist il comme par singuliere similitude ilz donnoient entendre que eaue
fust le principe de la generacion des choses/ Encore ceste sentence par
autre fabuleuse narracion ilz couvroient disant que le sacrement et le
serment des dieux estoit par l’eaue qu’il appellent stix/ La quelle est
un fleuve d’enfer/ Et par ce que ilz disoient les dieux faire leurs
sacremens & leurs sermens de l’eaue pour ce que sacrement se fait tous
jours par ce qui est plus digne/ Car le parfaict precede l’imparfaict de
nature et de temps ilz se donnoient a entendre que l’eaue fust plus
honorable et plus digne des dieux/ Et dont comme il appere qu’ilz
cuidassent l’eaue premiere et plus ancienne des dieux/ lesquieulx dieux
peut estre ilz entendoient estre les corps du ciel ou autres corps
sensibles/ Car ancore des choses sepparees n’avoient cognoissance/ Il
dit que nulle plus ancienne oppinion de ceste n’a esté es choses de
nature/ La quelle soit cogneue/ meismement ancore ceste oppinion a esté
nagaires d’aucuns renouvellee/ non pas qu’ilz deissent l’eaue plus noble
ne si noble que dieu comme yceulx premiers firent/ mais sans ficcion
aucune ilz la disoient & affermoient estre premiere & aussi la
derreniere des choses de ce monde/ car meismes ilz la mettent premiere
que le ciel/ Car la premiere espere/ c’est assavoir une que ilz
ymaginent comprendre La .ix.e ilz la mettent estre eaue Sicomme plus
plainement frere rogier bacon le recite en son livre du ciel ou .xii.e
chapitre/ Et peut estre a ce ilz se mouvoient cuidans les vieulx poetes
accorder avecques eulx/ ou peut estre pour les diz des philosophes
nommans en plusieurs lieux les eaues sur le ciel/ Toutefoiz tant yceulx
philosophes que aussi les poetes en tant comme a bon sens se puissent
ramener au moins le plus des choses en enveloppement et soubz ombre
parlerent non les nouveaulx mais yceulx anciens en tant que des sciences
les portes vous ouvrirent vous les devez excuser amer et supporter.




Les contre dis d’aristote aux autres philosophes.


Aristote qui lonc temps fu apres ou quel je fus tres vraye et certaine
par le moyen de son noble engin et entendement qui moy et mes filles
attrey les plus soubtilles impugnatables/ & les autres poetes non mie
les impugna en tant comme poetes/ mais en tant que ilz semblent
philosophes/ et sont hors de verité/ aussi recite il d’ippones/ le quel
sicomme maisme il recite sur le livre de l’ame/ fu de tres rude engin/
car il mettoit l’ame des bestes et des hommes estre eaue/ Cestui dit il
suivi du tout thales sanz lui riens adjouster/ Et pource dit il nulle
louange ne nul pris n’en doit recevoir.

¶ A autres philosophes je dis et fis a croire que l’air estoit principe
de toutes choses si comme a dyogenes & anaximenes/ et disoient que l’air
estoit premier de l’eaue Et principe de toutes choses simples/ c’est a
savoir des elemens/ Si est a savoir que .ii. anaximenes furent et tous
.ii. philosophes C’est assavoir l’un du temps aristote/ Et de cestui il
n’entent pas ycy/ mais cestui anaximenes dont il fait mencion fu
disciple d’anaxamandra qui disciple avoit esté thales devant dit/ Et
cestui anaximenes & anaximendra furent du temps que cirus conquist le
royaume de mede/ et transporta aux persens ou temps de la destruccion du
temple de jherusalem/ En ce temps cy aussi c’est assavoir ou temps
d’anaximenes regnoit tarquin l’orgueilleux. Le .vii.e et le derrenier
roy de romme/ cellui qui fu chacié pour tarqui son filz qui viola
lucrece/ cellui aussi fu disciple d’anaximenes/ Toute foiz tant de
difference ont ilz qu’anaximenes mettoit l’air simplement principe se
non en tant que composé il fust avec raison divine/ Et de ce vint une
oppinion qui est recitee sur le premier de l’ame/ Et la raison peut
estre fu tele qui les mouvoit Car ilz veoient que par respiracion d’air
la vie de plusieurs animaulx au moins du plus des bestes est sauvee/ Et
sanz air elle est anichilee/ Et aussi car ilz veoient par imitacion &
ensuite de l’air varier les generacions et les corrupcions des herbes et
de plusieurs des choses.

¶ .ii. autres philosophes c’est assavoir ypassus et eraclitus mirent le
feu estre principe et matere des choses et peut estre furent meus a ce
pour la soubtilleté et noblece qu’il a/ Car meismes pour ce que ilz le
veoyent luisant et monter contre mont/ ilz cuidoient le ciel estre de
feu/ Cestui eraclitus/ pittagoras/ democritus et anaxagoras & plusieurs
autres furent tous en un temps/ C’est a savoir ou temps que
prophetisoient/ en judee/ aggenus/ zacharias/ et malechias/ ou temps du
dit cirus.

¶ Cestui eraclitus sicomme il avoit oppinion ou feu quant aux principes
& causemens des choses ainsi comme on lit fu tout le premier de tous les
anciens qui par maniere d’art trouva deviner ou feu/ et celle art que on
dit piromancie/ Et sicomme on lit en aucuns traictiez d’elle/ lui lonc
temps ainçois pronostiqua la desolacion de babiloine la cité devant
qu’elle fust avenue.

¶ Ainsi diversement mirent yceulx le principe de matiere/ C’est assavoir
d’eaue d’air & de feu en y adjoustant le quart element/ c’est assavoir
la terre ilz en disoient toutes choses causees/ et les disoient estre
incorruptibles & ingenerables/ sicomme faisoient ceulx qui mirent un
principe/ mais il metoit que par l’assemblement d’entre eulx selon
diversité de plus ou de moins se causoient les diversitez des choses qui
se font.

¶ Dont combien que anaxagoras fust ainsné d’empedecles en temps/
toutefoiz fu il plus novice en savoir/ Car comme un chacun abregier doye
a son povoir les principes des choses par quoy moins en deust avoir mis
que ne fist empedocles le quel en mettoit trop sicomme plus plainement
il appert ou premier de phisiques/ Cestui ancore pour les accroistre les
mist infinis/ c’est assavoir car il disoit les elemens et toutes choses
estre faites d’infinies petites parties/ lesquelles il mettoit estre les
drois princippes & mettoit les choses estre engendrees & corrompues par
congregacion & disgregacion/ c’est a dire par assemblement &
desassemblement d’icelles N’autrement ycelles ne pourissent ainçois
pardurablement demeurent/ Dont par les choses ja dictes de Aristote
conclut que par anaxagoras et par les oppinions des jadis philosophes on
ne peut autre chose cognoistre fors seulement la cause de matiere.




Encore des oppinions.


Pittagoras disoit les esperes qui sont menez ou ciel estre dix. Combien
que tant seulement .ix. en soient apparans/ c’est a savoir .vii.
comprises par les mouvemens des planettes/ l’uitieve par le mouvement
des estoilles/ et la .ix.e par le mouvement journal qui est le premier
mouvement/ mais pittagoras adjousta la .x.e antixthonan c’est a dire
menee au contraire des mouvemens/ et par consequant sonnent
contrairement/ Car comme il mist & aussi le mirent plusieurs autres que
des mouvemens des esperes du ciel se facent armonies Car comme ilz
considerassent que naturellement noz pensees lesquelles ilz metoient de
nature celeste se resjouissent de sons qui sont par mesure ordenez/
considerans aussi que tous sons sont de mouvemens causés/ Car sanz
mouvement nul son ne seroit fait voyans ou ciel esperes et cercles de
diverses grandeurs preporcionnees les unes vers les autres ce leur
sembloit par moult nobles mesures et meues aussi de mouvemens
couvenables a elles ymaginans par ces choses ou ciel estre grans
melodies/ lassus ilz affermoient estre parfaicte musique/ et celle de ça
bas estre dirivee de celle de lassus Et aussi selon ceste leur ordenance
le mouvement journel qui va d’orient en occident au contraire des autres
seroit en l’espere .x.e & la .ix.e seroit celle la quelle si mouvroit
toutes les esperes basses au contraire du premier mouvement.

¶ Pittagoras et ceulx de sa secte par lui instruis mettent les principes
des choses encheans es causes dessus dictez/ si mettent nombres ainsi
que matere et princippe des choses et les passions des nombres ainsi
comme les passions ou les abis des choses/ si que nous entendions par
passions accidens/ legierement passibles et par abis accidens permanens/
sicomme ilz mettoient que la passion d’aucun nombre selon la quelle il
est dit pareillement per estoit princippe de justice pour l’equalité de
sa division Car tout nombre qui equalement se devise par egales moitiez
sicomme .viii. se devise en .ii. quatre & quatre/ en deux deux/ et .ii.
unitez et plusieurs autres par semblable maniere/ yceulx ilz disoient
princippes de justice/ Et par semblable maniere les autres accidens des
choses ilz assimuloient aux accidens des nombres & mettoient les
principes des nombres per et non per/ pour ce qu’icelles sont leurs
premieres differences mais le nombre per ilz metoient estre le principe
d’infinité Et le nombre non per estre princippe aux choses lesquelles
sont fenies/ Sicomme plus plainement il appert declairié sus le .iii.e
de phisiques/ c’est assavoir que le nombre per semble estre couvenable a
division.

¶ Pour ce infinité par especial se semble ensuivre a la division des
choses continuees/ Et le nombre non per si a le per soubz lui/ & ancore
unité la quelle est cause de indivision/ Et aussi prenoient ilz que les
nombres non pers adjoustez par ordre l’un a l’autre retiennent la figure
des quarrez nombres mais les pers varient leurs figures/ Sicomme .iii.
adjoustez avec un qui est le principe des nombres/ causent ce nombre
.iiii. le premier de tous nombres quarrez/ car .ii. fois .ii. sont
.iiii. Et de rechief cinq qui apres .iiii. est le premier nomper
adjousté avec .iiii. fait .ix. qui est second quarré/ car .iii. fois
.iii. sont .ix. Et ancore adjousté .vii. a .ix. font .xvi. qui est le
tiers quarré car .iiii. foiz .iiii. sont .xvi. Et apres adjousté .ix. a
.xvi. font .xxv. qui est le quart quarré/ Et ainsi de tous autres. Mais
se le nombre de .ii. qui est le premier nombre per est adjousté a un il
constitue nombre triangulier/ c’est assavoir .iii. Et se a lui estoit
adjousté .iiii. qui est le second per il constitue .vii. qui n’a tele
figure/ Et ainsi les nombres pers adjoustez aux quarrez ne gardent point
une meismes figure/ Et pour ceste raison leur attribuoient infinité/ et
aux nompers finité/ Et pour ce que finité si signifie fourme a qui
compette l’active vertu/ Et infinité en depart la matiere a qui compette
passibilité/ pour ce les nombres pers ilz disoient femmelles et les
masculins nompers/ Et de ses .ii. diversitez per et nomper feni et non
feni non pas seulement ilz constituoient nombre mais aussi unité/ Car
unité disoient ilz est per et nomper en vertu/ pour ce que toutes
differences de nombres en vertu couviennent a unité/ Car tout se
retournent en elle & elle en nesune/ Car combien que unité de fait ne
soit pas aucun nombre. Toute foiz disoient ilz en vertu elle est un
chacun nombre/ Et pource la mettoient ilz constituee de per et de
nomper/ Et tous nombres constituez de elle Et mettoient le ciel et toute
chose sensible estre faictes de nombres/ Et ytele estoient l’ordre des
princippes qu’ilz mettoient.




De ce mesmes.


Aucuns autres naturiens anciens furent qui mirent mouvement c’est a
savoir en tant comme ilz mettoyent un principe le quel par reffaccion et
condempsacion ilz disoient mouvable du quel aussi engendrees metoient
les diversitez des choses/ Et par ceste maniere le monde disoient
engendré selon toutes differences des parties de lui/ Toute foiz car en
lui ne mettoient variacion se non selon les accidens/ pource concluoient
ilz que selon substance tout le monde fust un/ autres plusieurs
oppinions furent dont la narracion longue seroit/ mais en brief yceulz
anciens philosophes s’entre accordent assez en ce que ilz dient es
choses aucun principe de matiere/ sicomme thales et dyogenes & leurs
semblables/ & les aucuns si en misdrent plusieurs sicomme empidocles/ Et
aucuns autres aucunes choses non corporelles sicomme ceulx qui mirent
dualité/ c’est a savoir platon qui mist & grant et petit/ lesquieulx ilz
dient non estre corps/ les ytaliens aussi c’est a savoir pitagoras ont
remis infeni/ le quel de rechief pas ne mettoient corps/ Empedocles
aussi les .iiii. elemens qui sont corps pour principes mettoient aussi
anaxagoras mettoit infinité de semblables parties/ c’est assavoir
infenies pars semblables estans indivisibles pour principe des choses/
Et tous ceulx ci ont touché tele cause/ c’est assavoir la cause de
materre/ Et ceulx aussi qui ont dit l’air ou l’eaue ou le feu pour
principes ou autre moyen entre yceulz elemens sicomme plus espeus de feu
ou plus tenues d’air/ Tous yceulx ont mis ycellui corps estre premier
principe et element des choses/ Et ainsi appert il que tous ceulx devant
diz quant aux choses ja dictes ont mise seulement cause materielle
autres plusieurs yceulx anciens ensuivirent que je delaisse pour
briefté/ Toutefoiz est a notter que tant avons eu d’eulx que par leurs
diz ne causes ne principes oultre yceulx canons mis en phisiques/ nul de
eulx n’a diffini/ bien qu’encore obscurement trestous/ toutefoiz les
aucuns y semblent approcher/ C’est a savoir yceulz qui materre estre
principe dirent/ fust une ou plusieurs ou corporee ou non/ aussi platon
qui mist grant et petit & les ytaliens qui mirent infini/ Et empedocles/
l’eaue le feu l’air et la terre/ Et anaxagoras l’infinité de semblables
parties/ Car tous ceulx ci toucherent celle cause/ voire et aussi tous
ceulx qui ont touché d’air et d’eaue ou de plus espés de feu ou de plus
soubtil d’air/ lesquieulx ilz assignoient estre element premier/ yceulx
tous seulement ont touché de materre.

¶ Mais les autres du principe de mouvement toucherent/ c’est a savoir
tous ceulx qui amistié ou haine ou entendement mirent estre principes.

¶ Toutefoiz qui soit l’estre ou substance es choses plainement nul ne
dist/ Toutefoiz cuidoient ycelles estre causees d’immobilité et de
reposement/ Et pour ce de ce qui est la substance aux choses ilz mirent
especes estre causes/ et un la cause des especes.




Encore de ce.


Comme ces choses soient obscures a sentir aux gens lais et rudes a dire
en lengage vulgar et meismes a ton entendement pour la grosseur de lui
estranges passeray oultre des oppinions des anciens philosophes
lesquieulx en assez de manieres fis errer sus les princippes des choses.

¶ Mais de ces choses fu je clere a mon tres amé filz aristote le prince
de philosophie le quel reprima yceulx anciens par vives raisons sicomme
cy en brief te toucheray sanz du tout definir/ car longue en seroit la
narracion non delitable a ceulx qui ne la sentent/ Aristote donques
reprime les oppinions d’icelz anciens philosophes es principes des
choses/ Et pour ce faire il se devise en .ii. parties premierement/ il
impreve les singulieres oppinions/ et d’enciennement il requeult les
choses qui sont dictes et les continue a celles qui ensuivent/ la
premiere par ce divise en .ii. autres/ premierement il impreuve les
oppinions de ceulx qui naturellement ont parlé .ii.ement des
pittagorians & des autres/ encore en la premiere part il fait .ii.
choses/ premierement il impreuve les oppinions de ceulx qui mirent une
cause materielle & .ii.ement de ceulx qui en mirent plusieurs/ ancore au
premier il fait .ii. choses premierement il impreuve les oppinions ja
dictes en general & .ii.ement en especial/ Il les impreuve en general
par .iii. raisons dont la premiere est telle Car comme les choses non
seulement aucunes soient corps/ mais aussi qu’aucunes soient non corps
comme il est apparu en son livre de l’ame que yceulx anciens n’ayent mis
fors seulement principes corporeulx/ La quelle chose appert/ Car ilz
mettoient un/ c’est assavoir le monde estre une seule substance et une
seule nature/ Sicomme la matere la quelle corporee ilz metoient recevant
mesure c’est a dire division/ Et toute foiz corps ne puisse estre cause
de chose incorporee/ il appert que en ce ilz ont failli
qu’insouffisamment ilz ont assignez les principes des choses/ Et non pas
seulement en ce ilz ont failli/ mais en autres choses plusieurs comme
plus a plain apres il declare. La .ii.e raison est tele/ que quiconques
a neccessairement a determiner de mouvement/ Il fault que il mette
aucune cause de mouvement dont comme les diz philosophes ayent
neccessairement a traictier de mouvement La quelle chose si appert
doublement c’est assavoir/ car ilz s’efforçoient a deviser la cause de
generacion et de corrupcion/ les quelles ne sont sanz mouvement Tant
aussi Car de toutes choses naturellement ilz vouloient traicter/ Et
toutefoiz toute naturelle consideracion enquiert de mouvement pour ce
que nature est principe de mouvement et de repos comme il appert ou
.ii.e de phisiques/ il s’ensuit que ilz devroient traictier de la cause
qui est le principe de mouvement/ Et ainsi comme ilz ostassent ou
oubliassent ycelle appert que ilz failloient La .iii.e raison Car comme
une chacune chose naturelle ait substance et essence/ C’est a dire
fourme/ Car fourme est princippe de l’estre et ce que c’est/ Donques
comme ce par qui toute chose a son estre soit le principe d’elle & de sa
cognoiscence/ Comme les philosophes dis/ ne meissent l’estre des choses
cause et laissassent la fourme il appert que ilz failloient ycy repreuve
il leur oppinion plus en especial/ & se fait doublement/ premierement
quant a ceulx qui le feu estre mettoient principe/ l’une/ bien que le
feu fust souffisant .ii.ement quant a ce que ilz laissoient la terre
comme aucunement elle appere premiere. premierement il resume la
posicion d’eulx/ Car comme ilz missent chacun des simples corps
transmuer l’un en l’autre si que les uns sont engendrez des autres selon
constricion ou inspissacion c’est assavoir selon tenueté ou
engrossissement/ sicomme les groz des soubtilz/ Et pour ce ilz missent
l’un de ces .iii. estre premier principe Car les autres sont engendrez
de lui/ ou par congregacion ou disgregacion/ lesquelles guises toute
foiz se different quant a priorité ou posteriorité c’est assavoir car
selon une maniere ce semble premier estre de quoy autre est engendré/
par soubtiliacion/ et ceste guise il met .ii.ement Mais dit il que ce
soit premier de qui autre est engendré par condempsacion ou
inspissacion/ il appert dit il par ceulx qui mettoient principes les
corps plus simples/ c’est a savoir les corps ayans tres menues parties/
desquieulx par condempsacion ilz disoient les choses estre faictes/
sicomme aucuns qui mettoient le feu pource que il est tres soubtil/
aussi un chacun des autres eslemens eut un philosophe qui le jugia
premier/ mais pour quoy dist il ne mirent la terre estre principe/ Il ne
peut estre dit que ce eust esté contre l’oppinion commune/ Car oppinion
divulguee fu la terre substance de toutes choses estre/ Et mesmement
exeodus qui fu l’un des poetes theologisans l’affermoit disant la terre
estre premiere faite par quoy comme il appere que la terre estre
principe fu l’oppinion des theologisans poetes qui precederent les
naturiens philosophes/ seulement les naturiens escheverent a la mettre
principe pour la groissesse de ses parties Et pour ce comme ilz veissent
que l’air eust plus grosses parties que le feu et l’eaue que l’air/ et
ilz ne veissent rien si soubtil que feu/ Il s’ensuit dit il que en
ensuivant ce principe de condempsacion nulz ne dirent si bien que ceulx
qui mirent feu principe/ Car comme pour cause de soubtilleté aucune
chose puit estre appellé premiere/ il est neccessité que celle soit
principe qui est tres soubtille sur toutes/ Toute foiz s’il estoit vray
qu’ilz dient s’ensuivroit il grant inconvenient/ C’est assavoir s’il
n’estoit riens que feu il s’ensuivroit s’aucun disoit que air fust plus
groz que feu/ ou plus soubtil que eaue que ilz mesprendroient.




Ancore des oppinions des philosophes.


Mais certes ycy met il l’autre raison par la quelle au rebours il appert
que la terre soit tres proprement principe/ car comme ce soit chose
evident que ce qui est derrenier en generacion est premier en nature/
pource que nature a la fin de generacion tent a ce qui est premier en
son entencion/ mais tant que une chose est plus deprise plus espesse et
aussi plus composte/ Tant est elle plus derreniere en generacion/ pour
ce que en voye de generacion on precede de plus simples choses aux
composees sicomme des elemens on va aux miscions/ et les mixtions aux
humeurs et des humeurs aux membres/ tant que finablement on vient a
homme qui est le plus compost Semblablement doncques comme ce qui est le
plus espeus appert estre en generacion derrenier/ et par consequant
principe de nature/ il appert que ceste conclusion soit contraire a
celle de devant/ Car ainsi la terre qui est plus espesse et plus
disperse sera premiere d’eaue et l’eaue que l’air/ et l’air que le feu/
Si est pour ce a savoir que il y a difference entre querir ce qui est
premier & a parler simplement/ Car s’on enquiert de premier simplement
n’est pas doubte que premier est parfaict/ de imparfaict et faict que
n’est poissance/ Car nulle chose n’est ramenee d’imparfaict a parfaict/
ou de poissance en fait/ se non par aucun ens parfaict/ c’est a dire par
aucune chose estant de fait parfaicte Et c’est cy a savoir que je
appelle poissance en tant que je la distingue contre fait/ La poissance
de quelconques effait le quel n’est c’est a dire de quelconque chose
produisible et menable en aucune nature soit bonne ou mauvaise/ ycelle
nature non estre ore/ mais povoir estre/ Et pource la nomme l’en
poissance de povoir estre ou non/ mais quant elle est/ elle est nommee
fait a difference de povoir estre/ Et parce il appert que fait est le
plus noble/ Dont pource se nous parlons de la perfeccion de dieu/ dieu
si est tres parfaict/ et donques tres premier/ Car en son essence nulle
possibilité ne fu ainçois que fait/ mais ces particulieres choses qui
precedent en leur estre de poissance en effait/ la poissance en ycelles
quant temps si precede le fait et ainsi l’imparfaict le parfait combien
toutefois que a nature le fait soit le premier c’est asavoir quant en
son entencion et maniere d’elles savoir produire/ Tout ainsi que il
appert d’un messagier qui va en aucun lieu Combien que le lieu ou il va
quant au labour et a son entencion il atteigne de y venir/ Toutefoiz
estoit il le premier quant a son entencion/ car autrement ne se fust il
pas meu/ Et sicomme au lieu quant il ataint on pourroit dire qu’il y
estoit deffaict. aussi ainçois qu’il atteignist s’entencion povoit estre
appellé poissance/ Et ainsi il appert que fait se non en temps/ toute
foiz quant a nature ou a entencion est premier que poissance/ il est du
tout manifeste que ainsi le premier principe de toutes choses il fault
estre tres simple pour ce que toutes choses sont composees des simples &
non e converso donques il estoit neccessaire aux anciens naturiens que
l’un et l’autre ilz attribuassent au principe premier/ c’est a savoir au
principe du monde qu’ilz attribuassent avec souveraine simplicité
souveraine perfeccion Mais comme ces .ii. ne puissent estre atribuez a
aucun principe corporel Car es generacions & es corrupcions les tres
simples choses sont les plus imparfaictes pour ce leur sembloit estoient
ilz contraires mettre division es principes.




Cesse a parler des oppinions.


Plus te diroie assez quelle je fus es anciens philosophes en divers cas/
et mesmement en cestui dessus dit plus largement/ & aussi des solucions
du vray distingueur et sage determineur Aristote Et qui plus de ce
vouldra savoir quiere le philosophe en sa methaphisique Mais comme la
matiere soit obscure de ce/ a tant souffise/ Et ainsi comme en une riche
mercerie ou tresor/ sont avec perles diverses pierres precieuses de
plusieurs vertus couleurs et pris/ les quelles au goust et plaisances de
divers barguigneurs sont requises/ Soient ycestes choses ou tresor de
ton volume reservees aux hommes scienceux de soubtil entendement/ Et
passent oultre les moins expers aux choses plus legieres et communes Et
tres ore soit changié l’ordre de nostre rethorique en plus vulgare et
elegant parleure en retournant a nostre premiere arrenge te soient assés
souffisantes les preuves des choses devant dictes/ me tenant quitte de
promesse a toy par moy faite/ C’est a savoir de te clairer les termes de
ma poissance manifestes mesmement es hommes plus sages & de plus
soubtilz engins.




De l’ombre la poissance que elle a.


Or t’ay je assez prouvé par ce que devant est dit comment je suis cause
premiere des oeuvres humaines & que se precedent ne fusse aucune oeuvre
n’aroit effect es humains/ pource te vueil reprendre en aucune partie de
tes dis/ en ton livre intitulé de la mutacion de fortune le quel
compilas par grant labour & estude/ Car combien que par moy t’en venist
l’invencion trop faillis sauve ta grace/ Lors que tu tant octorisas la
poissance de dame fortune que tu la dis estre toute ordenaresse des fais
qui cueurent entre les hommes/ Et ma poissance souveraine sur toutes
influences refleccibles es oeuvres communes qui precelle toutes autres/
tu oublias/ Si ne te soit honte offrir l’amende a moy suppellative de
toy en ceste partie injuriee te rendant repentie coulpable comme mal
avertie me recongnoissant suppellative sur toutes poissances relatives
ça bas de dieu ordenees/ Et que ceste chose te soit magnifeste vueil que
me desnoues cest argument/ Je te demande le quel est plus noble ou
l’acteur qui est principe de la chose premierement mise en fourme/ ou
l’euvre qui despent et vient de la poissance de l’acteur premier
princippe/ Et moy a elle/ certes dame je tiens que comme dieu soit
principe de toutes choses/ Et aussi comme dit aristote l’entendement est
le souverain des biens/ Car a lui tous les autres obeissent le premier
principe des choses je confesse le plus parfaict en accion de oeuvre
comme ci devant est assez prouvé/ Et elle a moy/ bien respondis/ or t’ay
vaincue par ton meismes jugement/ Car non obstant qu’entendement soit
devant moy quant en concept Toute foiz suis je premiere cause de toutes
choses bonnes ou mauvaises faictes ou pourchacees par pensees ou oeuvres
humaines/ Et donques comme devant est dit s’il est ainsi/ ce que si/ que
principe soie des speculacions et toutes choses ouvrables/ comme il
appert Je conclus vraye ma preposicion que je precelle les choses
ouvrees/ Et que fortune a qui tant de poissance atribuez/ n’est fors ma
chamberiere mercenere comme conduisarresse des oeuvres ja par moy
disposees a mettre a effaict.

¶ Mais affin que il ne semble que par mouvement de envie lui vueille
soubtraire la fame de son auctorité/ te cognois estre vray qu’en
disposicion de oeuvre/ fortune a poissance de conduire les fais
particuliers bien ou mal selon le soufflement de son influence/ mais te
souviegne que differens sont noz mouvemens/ car de rechief te dis que je
euvre en esperit et fortune ne peut ouvrer fors es choses ja par moy
deliberees aptes a recevoir ses influences es choses dehors et foraines
mais es repostailles de la pensee es quelles je sui muciee n’a nulle
poissance/ doncques tu peus cognoistre que elle est serville et villaine
vers mon auctorité comme elle soit au monde sicomme superflue comme le
las de l’adversaire/ Et je soie celle sans qui nulle chose n’est faite
et sans qui nul fruit d’oeuvre ne pourroit l’omme conduire a perpetuelle
gloire.




Encore dit de sa poissance.


Que te diroie de mes poissances n’en doubtes point que elles passent &
precedent toutes les choses mondaines Et t’acertaine que par moy
singulierement depuis le commencement du monde a esté est et sera
gouverné tout l’univers et fondé sur moy es choses ouvrees par les
hommes/ Et non obstant que grans sciences lois escriptes/ rigles de
princes coustumes de terres soient en commun usage/ si te di je que
precede toutes leurs poissances/ et plus puis que toutes ensemble/ et
qu’il soit voir il appert par ce que non obstant ycestes coustumes ou
establissemens souventes foiz/ fais errer meismes ceulx qui y sont les
plus savans et les plus expers et entrer en tieulx argumens dont les
conclusions sont faulces et dampnables sicomme ja est prouvé par ce qui
est dit des anciens philosophes.

¶ Et pource que tu attribues en ton dit livre de la mutacion de fortune/
elle estre menarresse des antregiez des seignouries/ je te dis que de
tous yces mouvemens suis le premier motif/ ne fu je celle qui tres le
.ii.e aage fis a nambroth le jayant par presompcion ediffier la fort
cité et tour de babiloine qui onques n’ot pareille comme ci apres sera
dit/ si le fis errer tant qu’il dechut de l’atainte de sa pensee/ apres
ce temps comme je fusse fort fichee ou cuer du roy de ninive par moy
mettre a effaict/ ne vint il a chief de prendre la dicte fort cité de
babiloine/ la quelle sa femme semiramis par moy et mon industrie
moyennant son chevalereux courage fist ancores enforcir et brayer de
bons fossez et bastides.

¶ Item apres ce lonc temps ne donnay je cuer a cirus de guerroyer
astiagies son ayol qui a occire l’avoit commandé si me poursuivi tant
que il avint a son entente de ce et de tout oryant qu’il conquesta/ et
pour ce que la matiere en est belle ancore diray de sa conqueste/ Comme
je donnasse cuer et hardement a Cirus de emprendre fortes choses ce
meismes recite abacut en sa prophecie Il prist la dicte cité de
babiloine la quelle prise fust tant merveillable que ainsi comme dit
Orose & saint augustin a peine pout il lors estre creu que par vertu
humaine fust conquestee ne qu’en ceste mortelle vie ediffiee et puis
prise peut estre. Car si qu’il dit elle estoit en bel espace assise de
toutes pars tres fort en sa disposicion façonnee en quarrure/ la
haultece de ses murs estoit .l. coubdes/ et l’espesseur autant par
.iiii. fois/ tous les murs estoient de pierre cuite enlaciez par cyment/
et avoit cent portes d’arain/ et environnoit .CCCC.lxxx. estades qui
valent .li. milles C’est assavoir .xxv. lieues et demie françoises/ Car
sicomme raconte orose Comme Cirus eust conquis auques tout orient &
voulsist subjuguer babiloine la quelle lui restoit Comme a un des
assaulx que il fist il perdist ou fleuve de euffrates qui cignoit la
cité de ses chevaliers/ cellui que il amoit le plus/ le quel aussi
surmontoit tous les autres en valeur et proece/ Il jura que cellui
fleuve le quel avoit noyé si vaillant chevalier deviseroit en tant de
parties que nulle part de lui ne seroit si grant que a une petite femme
venist aux genoulx/ et ainsi fu car en .CCCC. & .lx. ruisseaulx par
force d’ommes en l’espace des champs il devisa le fleuve/ si que le tres
noble fleuve qui passoit par dedens la cité osté et subtrait de elle/ fu
subjuguee/ et prise.




Encore de ce mesmes & des seignouries.


Pour briefté je laisse infinies autres choses lesquelles ay faites faire
pendant ce temps & meismes celles que tu imputes a fortune/ ne vindrent
de moy/ Les premieres invencions des fais que ains leur achevement vy en
pensees/ non obstant que souvent les veoye autrement qu’ilz n’avenoient
de tous les fais des conquereurs passez.

¶ Ne fis je apres autres aventures passees/ a croire au roy xerses qu’il
conquerroit toute grece en lui ramentevant sa grant poissance/ Dont pour
ce faire assembla tant de gent que mons et vaulx en estoient couvers/ Si
avoye couleur de jugier pour lui la victoire/ mais comme fortune me soit
souvent contraire/ par especial en fais de guerres et es choses avenir/
je confesse que elle voluntairement donna la victoire aux grieux
tresbuchant cellui poissant es las de maleurté sicomme toy meismes as
autres foiz apres autres aucteurs recordé en tes volumes Toute foiz non
obstant que a lui fusse mençongiere et decevable fis je la premiere
naiscence de celle emprise.

¶ Apres ce temps par moy et par mon amonnestement furent commenciees et
continuees les grans guerres troyennes/ Ne fis je a croire a leomedon
roy de la premiere troye que les gregois dessendus a son port/ quant
aloient pour querir la toison d’or estoient venus pour espier sa terre
et lui pourchacier dommage/ et par moy sans cause envoya congeer de sa
terre jason hercules et les autres barons villainement/ pour le quel
despit je me mis ferme ou cuer des dis barons et leur promis que bien
s’en vengeroient comme ilz si firent apres/ car je fus simple et nice ou
dit roy leomedon qui follement me crut et mal se gaita de yceulx gregois
en qui je fus sage et vraye/ si que sagement menerent leur fait par
l’ayde et disposicion de fortune conduisaresse de leur bon eur/ si que
toute destruirent et ardirent la cité/ le roy occirent et toute la gent.

¶ Apres ne fis je a priant filz leomedon rediffier la seconde troye qui
tant fu belle fort et poissant que merveilles estoit a comprendre/ par
moy apres entreprist la vengence sur les grieux Si fis aler paaris en
grece et ravir helayne et tout faire ce qui en fu fait/ Et par mes
amonnestemens avec l’ayde ou nuisance de fortune perdoient troyens et
gaignoient Je fus cause de la mort hector/ car je lui faisoie a croire
que il n’avoit garde d’achiles qui sans cesser le gaittoit/ si que au
derrain l’occist/ Semblablement depuis deceu je achilles tant que il
cheut es las de la royne Ecuba qui a bonne cause le hayoit/ tout pour
moy et par mon pourchas fu au derrain troye prise et destruite/ De la
quelle fis apres partir plusieurs barons du sanc real a tout grant
foison de gent qui par mer s’espandirent en diverses contrees dont eneas
et sa compagnie arriva en ytale si lui fis couvoiter la fille du roy
latin/ et pour celle cause emprendre guerre a turnus qui lui chalengioit
Dont d’icellui eneas venu a son entente deffendirent puis les fondeurs
de romme.




Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.


Depuis ensuivant n’ay je esté celle qui les successeurs de yceulx ay
amonnestez d’emprendre les grandes et merveilleuses choses/ lesquelles
par l’ayde de fortune a eulx propice/ tant esploitierent et par leur
travail ayde et sens en lonc espace de temps que ilz conquesterent le
monde Sicomme les histoires de leurs gestes/ et toy meismes apres autres
en ton dit livre de mutacion de fortune le recordes/ le recitent/ si
n’est besoing de plus en faire longue narracion.

¶ Aussi ne fus je celle qui au grant Alixandre tres sa jonesce donnay
l’invension d’emprendre les fortes et fieres batailles en lui promettant
fortune en son ayde qu’il seigneuriroit sicomme il vint puis a chief de
tout le monde/ Semblablement devant et apres ensuivant de toutes
conquestes et seigneuries/ et toutes estranges choses mettre a effaict
des choses a l’aventure par propos deliberé/ ay esté moyen et principe/
ce ne me peus tu nyer/ se tu ancores par grosseur d’entendement ne
m’ignores/ qu’en dis tu me suis je assez magnifestee/ me cognois tu/ et
moy a elle/ dame dites ancore. A quoy veulx tu que plus je dye. Ne vois
tu l’experience de moy manifeste meismes chacun jour ou pays ou tu
demeures par les debas que je fais par mi la ville et en toutes places/
Regardes et avises quieulx descors/ mais meismement entre les princes
qui sont d’un sanc et amis naturellement par les diversitez de moy qui
suis contraire en eulx le fois devenir comme ennemis maintefoiz et en
chacun suis si afferme contrairement en ce qui lui semble bon que l’en
ne me peut desmouvoir Car chacun dit que il a droit et ainsi le veult
soustenir et a discuter leurs raisons ne vois tu les assemblees qui en
sont faites de plusieurs que on dit sages et a chacun pour soy de ses
aderés qui different les uns des autres/ Lesquelles choses sont causes
de grant inconvenient/ car en pays royaume/ empire ou cité ou je soie ou
aye esté communement de plusieurs guises contraires & mal accordables/
ne fu que rebellion et grant debat commocion et bataille ne fust/ ne
autrement ne peut estre Car certes la ou je ne suis d’un commun accord/
n’ara ja paix/ mais du tort ou droit d’entre lesdiz princes supperieurs
je me tais/ Car de ce determiner n’est mie mon office qui tous jours
suis en doubte et non certaine/ mais de ce demander couvendroit a la
tres clere resplandissant poissant deesse que tu veis enclose en chartre
et emprisonnee & de qui fraude s’estudie a estoupper et clorre les voyes
de sa lumiere sicomme a toy meismes fu apparant et de qui les menistres
quoy que leur desplaise n’osent soubz peine d’estre batus tinter ne
lever l’ueil/ mais de leurs descors fois je sourdre par toutes places
nouveaulx debas entre leurs ministres et aderez et par toute la ville en
deviser negativement l’un contre l’autre/ et meismes a de ceulx qui ne
les cognoiscent en estranges terres en qui je me fiche diversement/ Si
les fais entre batre souventes foiz/ et questionner mesmes de chose qui
riens ne leur touche/ Disant l’un contre l’autre Tel seigneur a droit
pour tel cause et pour tele/ L’autre replique que non/ et ainsi par non
a/ si a/ si fu/ non fu/ je fais gent entre occire souventes foix meismes
es tavernes souvent avient adont suis je forte quant il y a vin & plus
je y abonde & fais mesler gens de la chappe a l’evesque/ ou des guerres
de anthioche le quel a ou droit ou tort et ou le quel est plus sage/ ou
le quel ne l’est mie/ Et ainsi je demonstre es humains leur ignorence de
eulz debatre de ce de quoy riens ne scevent et ne leur appartient/ O
quel folie en homme de qui le sens doit gouverner raison/ se fonder sans
elle sur moy & jugier par moy certainement de chose non certaine et que
ilz ignorent Que t’en diroie je fois vivre les gens par moy/ c’est a
entendre disposer leurs fais selon ce que je leur conseille/ Et quant
ilz pevent avenir a l’ordre de vivre que je leur fois desirer/ adont
sont ilz contens de la chose que ilz vouloient/ mais je suis different
en eulx/ Car je fais penser et cuider a l’un que bon lui soit/ une
maniere de vivre/ et certaines choses que il appete lui sont bonnes/ que
a un autre ycelles meismes ne plairoient point/ mais lui plairoient
toutes contraires/ Et cestes differences viennent selon les condicions
et aages des gens sicomme je suis autre es jones que je ne suis es
vieulx/ et meismes es .ii. aages entre eulx suis je different/ Et pour
ce que ainsi je differe suis je cause des debas du monde/ et chacun me
cuide avoir en soy meilleur/ je fais sembler a un homme que avoir des
flourins il n’est plus de joye Je fais sembler a un autre que avoir
belles dames il n’est plus de bien/ aux uns juger que science est
souveraine chose/ aux autres que chevalerie est meilleur et plus noble &
ainsi des autres choses/ Et pour ce ne fu onq si parfaict pas
jhesuscrist comme homme qui peut bien vivre ne estre agreable a
l’oppinion de tous Toute foiz te dis je bien que vivre vertueusement &
bien faire si emporte le plus des voix des gens.




Ce que l’ombre disoit des arquemistes.


Comment cuides tu que je soie comme j’ay dit fort atachee es speculatis
clercs & entre les autres es arquemistes qui la science cuident trouver
par les termes entendre de aucuns livres obscurs de faire l’or/
merveilles est car s’il est voir que aucuns philosophes par investiguer
les secrés de nature telle art trouvassent/ la quelle chose fort semble
a croire/ toutevoie tant sont couvers estrangement les textes de leurs
aucteurs que bonnement le sens humain ne les scet ne mais a l’aventure
concevoir/ ne sentir fors telement quellement/ mais voy ci qui deçoit
les ouvrans en ycelle art que ilz dient et touchent que comme il
n’apartiengne que aux ignorans ruraulx soit descouvert si noble secret/
pour le bien des soubtilz l’ont voulu si mucier que des rustiques ne
leur soit tolu ne fortraict/ Et ycy est la decevance/ Car chacun qui s’i
fiche cuide estre du nombre des plus soubtilz & abuse en son entendement
en estudiant yceulx livres lesquieulx baillent le sens de leurs termes/
a si doubles ententes que le plus cler voyant n’i voit nulle goute mais
adont je me fiche en eulx et leur fais a croire que l’asemblement des
metaulx sublimez diversement comment et de quoy doivent estre mistionnez
de diverses matieres et nourris en feu attaindront l’art de nature et
par espace de temps sera converty en or ou argent et toute voye l’un
entant la maniere du composer en une guise l’autre en un autre/ et le
tiennent secret les ouvreurs sans conferir ensemble de paour que ce que
ilz en croyent et la maniere de leur ouvrer peust aviser un autre de
trouver la voye d’i attaindre ne jamais nul ou pou n’euvre de la guise
de l’autre/ et ainsi gastent le temps et perdent et font grant mise
follement par vaine esperance qui par aventure en leur erreur les
reconforte pour un pou de apparance ou conjecture de aucune congelacion
estrange faite par diverses mistions & feu quelque matiere dure remettre
ou pouldre en eaue ou autrement cuident par ce avenir au degré ou ilz
tendent lesquelles choses sont toutes frivolles/ et tournent a folies et
a chetivoison et toute jour et nuit font feu contemplant un fournel/ mau
peus & mau vestus se paissent de vent/ & la font chasteaulx en espaigne
pensant comment il seront aise quant l’or saront faire/ et quieulx
despens ilz menront/ Et que cuides tu que de tieulx arquemistes sourdent
aucune fois de grans trompeurs qui cabusent les seigneurs & leur font a
croire que se ilz eussent quelque mise n’est mie doubte que ilz ont ja
ataint un grant secret si en tireront grant prouffit/ et ainsi par
quelque apparance de verité soubtille en ycelle art monstrent signe de
aucune chose voir semblable/ et au derrain tout tourne a neant comme tu
as veu meismes en ton aage avenir de plusieurs de quoy il estoit grant
renom/ et maintes gens foy y adjoustoient Sicomme d’un en alemaigne que
on nommoit maistre bernard qui tant se faisoit renommer par l’estat que
il tenoit/ et meismes a ton pere envoya il lettres/ et tant fist que
trop de gens foy y adjoustoient/ et aloient de toutes pars clercs devers
lui/ et toutevoye au derrain fu trouvé que tout estoit neant et
tromperie/ et de autres plusieurs que tu as veus que au derrain on
faisoit mourir par leurs dessertes par cabusemens faire a seigneurs/ Et
avient aucune foiz que je me fiche si en eulx par la speculacion que ilz
y ont trop ententive/ je les fois devenir tous fantastiques & si astras
que ilz sont comme inconversables.

¶ La bonne galle est quant de aucuns folz non lettrez s’i boutent qui
mieulx cuident entendre et exposer les textes des aucteurs que les plus
savans & les lisent et ymaginent dessus/ et dieux scet les bonnes
fantasies/ que ilz y ont sicomme un orfevre qui volt devenir arquemiste/
mais il le fu au contraire de la ou il tendoit Car or cuidoit faire et
le deffist/ comme il fust riches homs et povre devint/ cellui estudiant
un chapitre entendi que mercure c’est a savoir un metal que ainsi ilz
nomment estoit la matiere ouvrable de la science Et comme il passast
oultre tousjours lisant de rechief entendi que la cause de la perfeccion
de l’oeuvre estoit matere reputee ville/ Et que on trouvoit sur le fiens
gittee sicomme chose desprisee Adont comme cestui fust fort ententif a
bien speculer ceste chose que ce povoit estre Au derrain determina en
soy que vrayement par ce que dit estoit/ c’est a savoir mercure que
comme les aucteurs eussent baillez leurs termes obscurs/ on devoit
retourner le mot/ c’est a savoir cure ton marc que il entendi par la
fiente de l’omme que l’en devoit curer/ et ancore plus de ce/ le
certiffia que il trouvoit que sus les fiens comme chose ville estoit
trouvee/ si s’arresta sus ces poins/ et commença a ouvrer en sa fiente
en la faisant secher au feu et faire pouldre et la fin en fu que il
puoit comme charongne/ & chacun le fuioit et se moquoit on de lui qui
cuidoit faire de fiante or/ et aloit sus les fiens a grant diligence les
querir/ un autre estoit qui cuidoit de savates faire or/ et aloit sus
les fiens a grant diligence les querir puis les bruloit/ et tant ouvra
que les voisins qui empulantis en furent le chacierent.

¶ De tieulx folz est il assez ouvrans en celle science a qui n’en
remaint ne mais parte de temps & povreté/ Et qu’il ne soit mie dit selon
le proverbe commun que les sciences n’ont plus fors ennemis que ceulx
qui les ignorent/ que elle soit vraye ou non je ne te acertaine mie/
Toutevoie je te dis sans prejudice que la difficulté d’elle par
vehementes raisons que comme les oeuvres de nature soient impossibles a
ataindre sophistiquement donroit cause a plusieurs des plus avisez de
non y perdre temps et mise par folle occupacion/ en esperance vaine y
adjoustant grant foy.




Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit.


Des nobles qui suivent les armes sont ilz point que tu cuides par moy
deceus/ certes si sont souvente foiz plusieurs y a Car je les fais
abuser du fait des armes par ce que ilz n’en scevent ou ne veulent
savoir les propres termes lesquieulx sont tieulx. Il ne loit point a nul
s’armer pour aler en bataille ne se combatre fors pour certaines causes
C’est a savoir pour la loy de dieu contre les mescreans ou herites
contraires a la foy/ Item pour deffendre l’eglise/ son prince/ son pays/
sa terre/ le bien publique/ le droit des ignocens/ & ses propres choses/
& autrement n’est loy qui le permette ne n’est bataille juste & sans
dampnacion. Or y prens garde se de tous ceulx qui s’arment sont
droiturierement ses poins gardez/ et se nulz y vont sus mauvaises
querelles.

¶ Bataille que tu le saches justement faite est premise de droit divin &
du droit des gens qui n’est autre chose meismes ce dit la loy/ que
entencion de remettre a droit par force d’armes chose par autruy
deraisonnablement contendue/ Si ne regarde de sa nature ne mes retourner
droit a droit & faire convertir guerre a paix/ ne les maulx que fais y
sont/ de la nature de bataille ne sont mie ains par mauvais usage
acoustumé en guerre sont fais/ & que batailles en justes causes soient
de dieu premises appert en plusieurs lieux de l’escripture/ sicomme il
ordena a un homme nommé jhesus comment sa bataille establiroit/ et que
une embuche feist pour surprendre ses ennemis/ Et de ce dient voz
docteurs que dieux est vainqueur et ordeneur des batailles comme par
plusieurs fois est apparu.

¶ Mais ceulx a qui je fais faire armes perilleuses & sanz raison/ et
leur donne a croire que grant honneur leur sera pour l’amour de leurs
dames sans visiere ou un bras nu/ ou descouvert d’aucun de leur harnois/
ou en aucun autre peril emprendre fait contre un autre a qui n’ont nul
contens je les deçois/ et pareillement ceulx qui tieulx armes leur
aceptent/ et a eulx se coupplent.




Ce que l’ombre disoit des gens d’armes.


Et ceulx qui donnent gage pour a oultrance en champ de bataille combatre
sus aucune querelle soit droit ou tort/ je te promet en ce cas sont par
moi deceus/ car vers dieu mesprennent & pechent grandement/ et te diray
comment/ combatre en champ est contre droit divin qui est de dieu et de
sainte escripture contre le droit des gens Le civil/ le decret/ et
contre droit canon et cellui qui l’acepte/ pareillement peche La cause
est que a dieu miracle ne chose contre nature on ne doit demander/ comme
telle chose faire soit une maniere de tempter dieu esperant il aydera au
droit/ Si ne doit/ Si ne doit estre quise de la voulenté de dieu
experience/ Et que ceste espreuve soit faulse/ on a veu maintefoiz que
cellui qui droit avoit estoit vaincus/ sicomme une decretale raconte de
.ii. freres qui furent restez d’un crime & comme ilz fussent de celle
cause vaincus en champ tout ne fussent ilz mie coulpables & apres la
verité fu sceue par la confession meismes de ceulx qui le delit commis
avoyent/ et pareillement de plusieurs a esté prouvé la loy deffendi que
teles preuves non droitturieres plus ne fussent en usage/ Item juges
sont establis pour cognoistre des causes et faire droit/ Et est loy
ordenee que nul de sa propre cause ne soit juge/ Et cellui le veult
estre qui prouver veult son fait par soy meismes et par sa victoire qui
est soubz la distribucion de fortune/ et a l’aventure Item le droit
canon commande que au pape l’en obeisse/ le quel soubz peine
d’escommenie deffent comme chose reprouvee contre droit de justice/ que
tele espreuve ne soit faicte Et tu me diras donques comment seront punis
les mau faicteurs secrés Je te respons que dieu pour lui s’est reservee
la punicion/ et dit un decret que se en ce monde tous maulx pugnis
estoient/ le jugement de dieu dont point de lieu n’aroit/ et cellui
presomptueusement le se veult attribuer qui la victoire de la vengence
s’en veult donner.

¶ Et comment est uns homs si folz qui plain de vices et de pechiez se
sent/ poson que il ait bonne querelle en aucun cas/ que il cuide que a
lui pecheur dieu face miracle de la chose muciee que il quiert/ mais se
il estoit sage paour devroit avoir de la pugnicion de dieu en sa juste
cause/ Comme souvent aviengne & soit avenu que dieu a dissimulee
vengence du pecheur ou cas ou desservi l’avoit/ et puis le pugni en
chose dont estoit ignocent.




La fin de l’oroison de l’ombre.


Que dis tu souffist il t’ay je assez compté du fait de mes poissances
desquelles ne pourroyes en ta vie comme autre foiz t’ay dit tous les
exemples ouyr tant en y a et si divers sont/ Scez tu ancore qui je suis/
Et moy a elle dame congnoistre vous cuidasse/ mais les raisons
contradictoires que me narrez/ vaciler me font en vostre cognoissance/
car se bien l’ay entendu/ tres au premier me dites que la ou verité est
attainte/ ne povez arrester/ et toutevoye bien sçay et suis certaine que
en maint cas m’avez pure verité ycy endroit clariffiee. Si ne sçay
entendre comment ce peut estre que chose doubteuse tesmoing puisse estre
de verité pure Et elle a moy fille envers le sens de ton entendement &
escoutez et nottez/ Car je te promet que quoy que autrefoiz en divers
cas te fusse menterresse en cestui cy t’ay je dit voir/ se bien l’entens
& ne m’i contredis/ S’il te recorde de ce qu’ay dit/ c’est assavoir que
cause suis moyennant estude & entendement de faire attaindre les choses
vrayes/ mais bien est vray que aussitost que attaintes sont je me depars
en cellui cas ne plus n’y arreste Et qu’il soit voir ainsi l’as
esprouvé/ car non obstant que ces choses t’aye dictes non pas moy les
t’ay certefiees mes les ses par le moyen d’estude qui raporté l’a a ton
entendement/ le quel par raison est certain que ainsi soit/ pource en
ces cas de toy me partiray et en lieu te remaindra certaineté/ Et par
plus groz exemple ne te souvient il de moy et de ma cognoissance par les
divers cas que je t’ay fait mettre en termes & faire plusieurs lectures.

¶ Ne fus je celle qui mist le debat entre les clercs disciples de
maistre jehan de meun comme il s’i appellent/ Et toy sur la compillacion
du rommant de la rose du quel entre vous contradictoirement escripsistes
l’un a l’autre chacune partie soustenant ses raisons/ sicomme il appert
par le livret qui en fu fait.




Responce de christine a l’ombre.


Adont comme mon entendement se apperceust par clere cognoissance qui
estoit celle qui tant araisonnee m’avoit je dis ainsi.

¶ Ha dame oppinion poissant et forte voirement vous doy je mon bien
cognoistre/ car tres m’enfance oz je vostre accointance/ Et certainement
je cognois et confesse vostre auctorité estre de grant vigueur et
poissance/ et quoy que vous soiez blasmee souventes foiz/ qui bien de
vous use ne peut errer/ et mal/ pour cellui en qui vous n’estes saine/
mais puis que il vous a pleu de vostre grace tant m’onorer que a moy si
clere evidemment vous estes magnifestee me racontant voz grans
proprietez/ encore vous requier que ennuy ne vous soit de me declairier
aucunes demandes Et elle a moy/ fille dis ce qu’il te plaist.

¶ Dame puis que il est ainsi que de vous vient la premiere invencion des
oeuvres humaines bonnes ou malles/ rudes ou soubtilles selon la
disposicion des entendemens comme dit avez/ plaise vous me certiffier se
es choses par vous engendrees en moy lesquelles a mon povoir par le
moyen d’estude & de tel science et entendement comme j’ay qui en mes
compilacions et volumes sont declairees se en aucune chose y ay erré/
comme si sage ne soit qui aucune foiz ne erre/ Et elle a moy amie chiere
soyes en paix car se ainsi estoit mieulx vouldroie tart que jamais les
amender Car je te dis que non/ Tout t’ay je blasmee de ce que
prerogative de honneur vols comme je ay dit devant donner a fortune et
moy comme je soie princippe y oublias mais non pour tant faulte n’y a.

¶ Non obstant que par moy maint s’en debatent diversement Car les aucuns
dient que clercs ou religieux les te forgent Et que de sentement de
femme venir ne pourroient mais ce sont les ignorens qui ce dient/ Car
ilz n’ont pas la cognoiscence des escriptures qui de tant de vaillans
femmes sages et lettrees et mesmement prophetes qui ou temps passé ont
esté font mencion/ Et comme nature ne soit amendrie de sa poissance/
ancore en peut estre/ les autres dient que ton stile est trop obscur/ et
que on ne l’entent/ si n’est si delitable et ainsi diversement le fais
aux uns louer & aux autres reprimer de loz/ comme chose quelconques
estre a tous agreable soit impossible/ mais tant te dis que verité par
le tesmoing de l’experience ne seuffre le blasme avoir effait sur le
loz/ si te conseil que ton oeuvre tu continues comme elle soit juste Et
ne te doubtes d’errer en moy/ Car tant que je seray en toy fondee sur
loy/ raison & vray sentement tu ne mesprendras es fondacions de tes
oeuvres/ es choses plus voir semblables non obstant de plusieurs les
divers jugemens/ les uns par moy simplement/ les autres par envie/ Car
je t’acertaine que quant elle et moy sommes ensemble adont se font les
tres faulx jugemens ne il n’est si bon qui y soit espargné/ et adont
suis je perilleuse quant envie me gouverne/ si faisons la personne
avuglee es autruy choses et en son meismes fait qui en soy nous a si lui
rongnons le cuer/ ne reposer ne la laissons/ et vouloir lui donnons de
faire maint maulx qui accomplis sont aucune foiz/ & mal est gouverné cil
qui chiet entre noz mains ja si bon ne sera ne si poissant.

¶ Ne veames nous jadis les portes de romme au preus julius cesar qui
tant victorieux s’en retournoit/ & au dernier tant pourchaçames que il
fu occis/ Assez de teles en avons faites/ ne il n’est si sage qui garder
s’en sache/ Si t’ay assez narré de mes aventures et a tant souffise/ Car
parce que je donne a croire a l’un que une chose est bonne et bien faite
ou que elle est vraye/ & a l’autre tout le contraire/ dont sourdent
bataille et maint debas/ la prolicité de mes narracions si racontees
pourroit aux lisans a ennuy tourner/ Et si te prophetise que yceste
lecture sera de plusieurs tesmoignee diversement les uns sur le lengage
donront leur sentence en plusieurs manieres/ diront que il n’est pas
bien elegant Les autres que la composicion des materes est estrange/ et
ceulx qui l’entendront en diront bien/ et le temps avenir plus en sera
parlé que a ton vivant/ Car tant te dis je ancore que tu es venue en
mauvais temps Car les sciences ne sont pas a present en leur reputacion
ains sont comme choses hors saison/ et que il soit vray/ tu en vois peu
qui a celle cause soient en la maison de fortune sus haulciez.

¶ Mais apres ta mort vendra le prince plain de valour et sagece qui par
la relacion de tes volumes desirera tes jours avoir esté de son temps et
par grant desir souhaidera t’avoir veue Si me suis a toy descripte/ Or
diffinis de moy ce que il t’en semble.

¶ Et moy a elle dame comme la descripcion de vous meismes/ m’en
appreigne la diffinitive. Je dis que comme parfaictement/ ore vous
cognoisce/ que vous voirement estes de ignorence fille adhesion a une
partie en doubtant tous jours de l’autre/ Et de ce je m’avise ce que de
vous dit aristote ou premier livre de posteres que cellui qui vous a
doubté tous jours que autrement puist estre que ce que il pense/ comme
vous soiés non certaine/ Et saint bernard dit aussi ou .v.e chapitre de
consideracion que vous estes ambiguë et povez estre deceue/ Si dis et
conclus que vous estes adhesion a une partie/ la quelle adhesion est
causee de l’aparance de aucune raison prouvable soit que l’oppinant ait
doubte de l’autre partie soit que non/ de vostre poissance je dis que
pour l’ignorence qui est es hommes que par vous est plus le monde
gouverné que par grant savoir.


Explicit la .ii.e partie du livre de l’avision christine.




Ci commence la tierce partie du livre de christine/ le quel parle/ de
confort de philosophie.


Es escolles dessus dictes apres ces choses comme je traçasse de lieu en
lieu/ cerchiant divers estudes fus convoyee par maintes chambres et
haulteces de pluseurs degrez/ Et comme les passages et destrois des diz
degrez fussent penibles et difficiles a ceulx qui acquerir et posseder
les vouloient a qui ne fust souffert se trouvé souffisant ne fussent a
moy qui transitoirement estoie errant par yceulx assez legiere fu la
voye/ Et tout ainsi comme a un estrangier voyageur lyement souventes
foiz sont monstrez et ouvers les tresors des princes par ou ilz passent
affin que ilz voyent la magnificence et richece de yceulx si que
recorder le puissent en leur pays/ fus paisiblement & sans grant dangier
menee par toutes les places des dictes estudes/ Et de raconter la beauté
et tresors que je y vi/ me passe pour briefté/ mais tant en di que avec
la beauté inextimable qui m’y apparu/ la soubtilleté des divers ouvrages
comment furent fais ouvrez et tissus et de quieulx matieres mon
entendement n’estoit digne de concevoir ne comprendre ne partir ne m’en
povoie de plus hault monter pour veoir diverses beautez fu souffisant
seulement mon bon desir et amour a m’empetrer lieu et licence de plus
savoir ainsi convoyee par la segretaine de philosophie abbesse et
superieure de ycellui couvent/ fus pourmenee par tous les estages de
toutes beautez et bonnes choses remplis et combles/ Et comme ancore plus
de grace receusse de ycelle noble conduisaresse de sa liberalité &
plaine largece me donna congié de hardiement mettre la main/ et prendre
tant comme porter pourroie des tresors de ces coffres Et je de ce non
reffusant comme couvoiteuse de en enrichir en la merciant me baissé pour
mon giron en emplir/ mais comme trop pesant fussent a mon corps femenin
et foible selon mon grant desir/ petit en emportay/ et non si peu que je
le donnasse pour quelconques autre tresor ou richece.

¶ Ainsi convoyee fus menee tout au plus hault sommeton ou quel avoit
situee une tres belle sale clere luisant et de fines couleurs/ tres
richement painte ou furent pourtraictes toutes sciences et leur
deppendances au tour des parois et tout par mi la dicte sale avoit
fourmes arrengees pour seoir les escoliers escoutans les leçons des
maistres/ la en droit lisans en chayere qui la estoit haulte et moult
bien ouvree/ moy joyeuse de estre parvenue a si bel estre m’amusoie aux
riches pourtraitures vivement faites et de soubtilz ouvriers.

¶ Adont comme je voulsisse encercher de toutes choses avisay un
huissellet de yvoire moult bien ouvré le quel estoit fort cloz et barré/
ainsi comme ma veue moult ententive estoit celle part comme assez pres
j’en fusse/ presumant par les congectures que je veoie/ que grant tresor
encloz la devoit avoir reputant eureux l’entendement a qui la
cognoiscence en seroit donnee desiroie que tel digneté fust a moy
descouverte/ Lors si que je estoie en ce penser ouy la dedens moult
grant remuement & diverses voix femenines de doulce et soueve parolle/
tost apres ouy barres tyrer clefs tourner et le dit huissellet
desverrouller/ adont comme je fouisse celle part pour tost estre preste
sans ressongner presompcion ou mesprenture a me ficher ens/ oz le visage
tout au plus pres/ mais aussi comme je avoie esté joyeuse esperant celle
ouverture fus a l’ouvrir autant esmerveillee et remplie d’espoventement
Car si tost que ouvert fu une si tres grant lumiere me feri en la face
et es yeulx que cuiday de tous poins estre avuglee par quoy de paour et
de la merveille cheus sur le sueil de l’uis pasmee me repentant d’estre
si hault montee/ adont comme ancore a terre fusse gisant/ ycy une voix
femenine de ce pourpris haulte sonnant mais non espoventable ne orrible/
ainçois doulce belle et tres gracieuse/ mais ainsi que se auques loings
de moy fust je la ouoye/ la quelle m’appella par mon nom disant mon
ancelle tres loyalle lieves sus et ne te espoventes Car l’amour que as a
moy et le desir qui te maine en suppleant ton ignorence te sera valable/
adont moy resjouye doublement/ c’est a savoir de ce que voix de dame
tres venerable me sembloit m’appelloit Et secondement que saroye partie
de ce que desiroye me ravigora et tres fort esjouy/ Lors de rechief
comme desireuse de choisir a l’ueil la beauté merveilleuse qui m’aparoit
estre ou lieu dont sailloit telle clarté/ adreçay ma veue de plain
visage/ tout par mi le dit huissellet/ mais tout ainsi comme quant par
mi le ray du souleil on regarde contremont ou ciel il semble veoir en
l’espere luisant un visage si cler que l’ueil humain ne le peut
souffrir/ semblablement la vi une tele tresluisent espere que toute la
chambre emplissoit de tres grant resplandeur/ Et environ celle espere
avoit .ix. dames luisantes comme estoilles desquelles je avoie
cognoiscence que establies estoient pour elle servir et moult me
sembloient de grant reverence si baissay incontinent ma veue ja toute
esblouye metant ma main au devant dis ainsi/ Tres haulte et tres noble
creature de la quelle la cognoissance m’est occulte/ puis que il vous
plaist tant m’onorer que vostre servante & ancelle me daignez appeller/
plaise vous me certiffier donques la proprieté de vous ma venerable
maistresse/ Et elle a moy ma mechinete saches que non obstant que tes
yeulx foibles ne me puissent clerement veoir pour leur grosseur/ que je
suis celle qui nuement et visiblement s’aparu ou temps de l’exil/ et de
sa tribulacion/ a mon chier ame filz boece le tres sollempnel
philosophe/ le quel par mes confors je garday de mort et de langueur
desesperee.




Ce que christine dit a philosophie.


Quant j’oz ainsi ouy parler la tres venerable deesse par les quelles
paroles et enseignes elle me fu manifeste/ adont a .ii. genoulz je me
gitay ainsi disant/ o tres glorieuse sapience de la quelle toutes
cognoissances despendent tant de bon cuer remercy dieu et toy qui tant
benignement m’as fait digne de ton accointance/ et n’as eu orreur de moy
femme ignorent non digne de descoudre les lassemens de ta chaussemente/
ains comme maistrece tres amiable/ m’as a toy appellee/ la quelle
humilité me certefie que tu ne refuseras a moy ta chamberiere des
petites mietes de ton relief souffisans pour sa nourriture Car comme tu
eusses nourry du laict de tes mamelles et de tes precieux mets ton tres
amé filz dessusdit qui tant t’onora et ama ne l’oublias pas ou temps de
sa grant neccessité/ et pareillement plusieurs autres de tes enfans/
semblablement je suppose que moy ta serville mercenaire que tu as
nourrie des demourans des grosses viandes de tes tables tu n’oublieras
ains donras remede reconfortant les navreures de ses infortunees
adversitez/ car pour celle cause croy que dieu saint esperit pere des
povres & leur vray administrateur m’a conduite au terme de ta
cognoissance Sicomme il scet les pesanteurs de mes perplexitez/ aux
quelles reconfort ne m’est presenté par les humains de nulle part/ Et
comme assez soyent de moy celees et couvertes mes dictes aversitez et
non revellees aux mondains ainçois tres muciees pour cause que par
aventure eulx non charitables tourneroient les complaintes de mes
neccessitez a derrision & despris/ sans que aucun fruit donnant alegence
m’en ensuivist/ Et pource a toy celestielle cognoissance sepparee des
viltez de ça jus/ et vraye phisicienne essoreray et esventeray les
complaintes de mes pensees/ confiant que ta clemence n’ara a despris
l’umble voix de sa servante/ et amenistreras reparacion a la ruyne de
mon espoir/ rué jus par les soufflemens de fortune en la quelle hayne ay
esté tres mon enfance diversement non obstant que souvent m’ait monstré
son cler visage/ mais quant resjouir m’i cuidoye moult tost le couvroit
de s’obscure nue.




La complainte de christine a philosophie.


Reverend dame/ obeissance en facondede predite a ta serinité ne te tourt
a ennuy la narracion de mes aventures pour le procés de leur prolixité/
et te plaise daigner estendre l’ayde de ton conseil au secours de la
chetivoison de mes pensees O dame chiere maistrece vueilles notter
comment fortune la variable/ m’a tous jours esté comme dit est tres
amere marrastre Considerant tres l’estre de mon enfance/ Car comme je
fusse nee de nobles parens ou pays d’ytalye en la cité de venise en la
quelle mon pere nez de boulongne la grace ou je fus puis nourrie/ ala
espouser ma mere qui nee en estoit par l’acointance que mon dit pere
avoit de lonc temps devant a mon ayol/ clerc licencié et docteur né/ de
la ville de fourly/ et gradué a l’estude de boulongne la grace qui
salarié conseiller de la dicte cité ou je nasqui estoit a cause du quel
parenté mon dit pere ot la cognoissance des veneciens/ et fu pour la
souffisance et auctorité de sa science retenu semblablement conseiller
salarié de la dicte cité de venise en la quelle fu un temps resident a
grant honneur richeces et gaings.

¶ Or me dis ne fu ce pas fortune qui en ce temps assez tost apres ma
nativité fist mon dit pere pour certaines besongnes et ses possessions
viseter se transporter en la dicte cité de boulongne la grace/ En la
quelle lui vint tantost nouvelles & certains messages tout en un temps
de .ii. tres excellens roys lesquieulx pour la grant fame de l’auctorité
de sa science le mandoient priant et prommettant grans salaires et
emolumens chacun endroit soy que vers lui voulsist aler/ dont l’un
estoit le souverain des roys chrestiens le roy de france Charles le sage
quint de cellui nom/ Et l’autre fu le roy de honguerie/ cellui au quel
pour sa desserte et merite est demouré apres lui tel nom que on le dit
le bon roy de honguerye.

¶ Adont comme la souffisance de ces ambassaderies pour la reverence de
la digneté des diz princes ne fust a mettre arriere/ delibera mon dit
pere a obeir a l’une des parties/ c’est assavoir comme au plus digne/ et
aussi le desir de veoir les estudes de paris et la haultece de la court
françoise/ venir vers le dit roy de france esperant transitoirement
veoir le roy/ obeir a ses commandemens/ et viseter les dis estudes
l’espace d’un an puis s’en tourner vers sa femme & famille/ la quelle il
ordena demourer sus ces possessions et heritages a boulongne la grace/
Et toutes ces dites choses faites & ordenees avec la licence de la dicte
seignourie de venise se party & vint en france/ ou quel lieu fu du dit
sage roy Charles tres grandement receus et honorez/ et tost apres
l’experience veue de son savoir & science l’establi son conseiller tres
especial privé et chier tenu/ le quel lui fu tant agreable que du partir
au chief de l’an ne pot avoir licence ains volt a toutes fins le dit roy
que grandement a ses cousts et frais envoyast querir sa femme enfans &
famille pour user a tous jours leur vie en france pres de soy/ en
promettant possessions rentes/ et pensions pour tenir honorablement leur
estat/ neant moins comme mon dit pere en esperant tous jours le retour
retardast ceste chose pres de l’espace de .iii. ans/ en la fin couvint
que fait fust/ Et ainsi comme dit est fu fait le transport de nous de
ytalie en france/ grandement fu receue la femme et enfans de ton amé
philosophe maistre thomas mon dit pere arrivé a paris lesquieulx le
tresbenigne bon sage roy volt veoir et recevoir joyeusement/ la quelle
chose fu faite tost apres leur venue a tout leurs abis lombars riches
d’aournemens et d’atour selon l’usage des femmes et enfans d’estat/ ou
chastel du louvre a paris ou mois de dessembre/ estoit le dit roy lors
que la presentacion du dit mesnage a belle et honorable compaignie de
parens fu a ses yeulx magnifesté/ la quelle femme et famille a tres
grant joye et offre il receut.




Dit christine de ses bonnes fortunes.


Moult nous fu fortune favorable le temps durant de la vie du sus dit bon
sage roy charles/ Et avec les autres gloires des prosperitez receues/ en
joyeuse plantureuse et paisible vie/ en mariage/ comme ce soit naturel
joye/ a tout loyal serviteur veoir la prosperité de son bon maistre la
dieu merci puis le temps de la venue de mon dit pere au service du roy
gouverné en partie mesmement en ses guerres par l’administracion de son
sage conseil selon la science de astrologie crut & augmenta de mieulx en
mieulx la valeur de ses prosperitez recevant plusieurs victoires et
conquestes sus ses ennemis/ et que ces choses soient vrayes je m’en
rapporte aux vivans princes & autres ancore de ce temps qui ce scevent/
le quel dit bien du prince estoit le comble de la joye de son sus dit
feal serviteur/ non obstant que a l’usage des philosophes fust nulle
l’espargne de la peccune/ et avoir de mon dit pere/ la quelle chose
sauve sa reverence je ne repute mie louable en l’estat des mariez soubz
la quelle main doit estre la cure de leur maisnage souffreteux apres
eulx peut estre a cause de leur prodigalité/ toute voye non obstant la
liberalité de ses coustumes la pourveance du bon roy ne laissoit a
l’ostel de son amé deffaillir nulles choses neccessaires.

¶ A venir au point de mes fortunes le temps vint que ja approchoie
l’aage ou quel on seult les filles assener de mari tout fusse je ancores
assez jeunette non obstant que par chevaliers autres nobles & riches
clercs fusse de plusieurs demandee et ceste verité ne soit de nul
reputee ventence/ Car l’auctorité de l’onneur et grant amour que le roy
a mon pere demonstroit estoit de ce cause non mie ma valeur/ comme mon
dit pere reputast cellui plus valable qui le plus science avec bonnes
meurs avoit/ ainsi un jone escolier gradué bien né et de nobles parens
de picardie de qui les vertus passoient la richece/ a cellui que il
reputa comme propre filz je fus donnee/ En ce cas ne me plains je de
fortune/ car a droit eslire en toutes couvenables graces sicomme autre
foiz ay dit a mon gré mieulx ne voulsisse cellui pour sa souffisance
tost apres nostre sus dit bon prince qui l’ot agreable lui donna
l’office comme il fust vaquant de notaire et son secretaire a bourses &
a gages et retint de sa court tres amé serviteur.




Entre a parler christine de ses males fortunes.


Ainsi dura celle prosperité par plusieurs annees/ mais comme la dicte
fortune se montrast envieuse de noz gloires volt restraindre la source
dont ilz venoient/ Et ne fu ce pas par elle voirement chiere maistresse
qu’a cestui royaume fu procuré le grief dommage du quel malement se
senti le mesnage de maistre thomas ce fu lors que le tresbon sage prince
non pas envielli par cours de nature mais en assez jeune aage comme de
.xliiii. ans chut en maladie assez brieve dont il trespassa. helas
voirement souvent avient que choses bonnes petit durent/ Car ancore au
jour d’uy se a dieu plust avoir laissié durer sa vie neccessaire a
cestui royaume du quel le gouvernement & estat malement est ores de
cellui de lors different/ ne fust trop enviellis/ Or fu la porte ouverte
de noz infortunes/ et moy estant ancore assez jeunette y fus entree Et
comme ce soit de commune coustume des poissans hommes close la bouche
grant est le remuement et changement de l’estre de leurs cours et de
leurs lieux/ de la quelle chose sont causes plusieurs voulentez
contraires/ et a peine autrement peut estre se moult grant discrecion
n’y remedie. Comme il appert du grant alixandre/ sicomme il est escript
les divers descors lesquieulx non obstant les partages des regions que
il leur avoit limitees/ tantost apres sa mort entre ses barons
sourdirent.

¶ Adont faillirent a mon dit pere ses grans penssions plus n’ot .C.
frans le mois bien payez/ avec ses livrees et dons qui gueres moins ne
montoient comme appris avoit/ et l’esperance que le dit bon Roy lui
avoit donnee de asseoir pour lui et ses hoirs .v.c livres de terre et
assez d’autres biens dont la deffaulte du ramentevoir au bon Roy & la
mort qui trop tost vint ne souffri la dicte promesse sortir son effait
non obstant que des princes gouverneurs fu retenu a gages malement
amendris et mal payez/ Si fu ja venu le temps de sa viellece qui en
assez brief temps apres chut en longue impotence et maladie ou maintes
souffrettes sourdirent aux quelles eust eu besoing l’espargne des choses
despendues/ Et pource au mien cuidier est juste prudent espargne en
jeunece qui secourt l’omme en sa viellece/ durant son sain entendement
jusques a la fin recognoissant son createur comme vray catholique
Trespassa mon dit pere droit a l’eure que devant ot prenostiqué/ du quel
entre les clercs demoura renommee que en son temps durant ne plus de
Cent ans devant n’avoit vescu homme de si hault entendement es sciences
mathematiques en jugemens d’astrologie avec ce entre les princes & ceulx
qui le frequentoient la vraye reputacion de sa prodomie/ ses biens fais/
loyauté verité & autres vertus & nul reprouche faisoit plaindre sa mort
et regraiter sa vie/ en la quelle nulle reprehencion n’affiert se trop
grant liberalité de non refuser riens que il eust aux povres en tant que
il avoit femme et enfans ne lui donne/ Et que je ne le dye par faveur/
de ceste verité sont ancores au jour d’uy maint de ses cognoiscens/
princes et autres certains comme de experience/ si fu un tel homme a bon
droit des siens plaint et plourez.




Encor de ce mesmes.


Or fu demouré chief du mesnage mon mari jeune et preudomme sage et
prudent et tres amé des princes et toute gent frequentant son dit office
par le quel moyennant sa sage prudence estoit soustenu l’estat de la
dicte famille/ mais comme ja fortune m’eust mise ou declin de sa roe
disposee au mal que donner me vouloit pour du tout au plus bas me flatir
souffrir ne volt que gaires me durast ycellui tresbon par la quelle
dicte fortune mort lors que il estoit en sa fleur apte & appreste et sus
le point tant en science comme en sage et prudent conqueste &
gouvernement de monter en hault degré le me toli en fleur de jeunece
comme en l’aage de .xxxiiii. ans et moy de .xxv. demouray chargee de
.iii. enfans petis et de grant mesnage Si fus a bon droit plaine
d’amertume regraitant sa doulce compaignie et la joye passee qui ne mes
.x. ans m’avoit duré/ voyant venir le flo de tribulacion qui sur moy
accouroit fus plus desirant mourir que vivre et n’oubliant ma foy et
bonne amour promise a lui deliberay en sain propos de jamais autre
n’avoir or fus je choite en la valee de tribulacion/ Car comme la dicte
fortune quant du tout veult decliner quelque chose soit regne/ cité
empire ou singuliere personne/ elle de loings va querir ses apprestes
toutes contraires pour la chose que elle a acqueilli en yre conduire ou
point de maleurté/ ainsi m’avint Car comme je ne fusse au trespassement
de mon dit mari le quel fu surpris de hastive epidimie Toute foiz la
dieu grace fu sa fin comme bon catholique en la ville de beauvais ou
avec le Roy estoit alez & n’estoit accompaignié fors de ses serviteurs
et maignee estrange/ Si ne poz savoir precisement l’estat de sa
chevance/ Car comme ce soit la coustume commune des hommes mariez de non
dire et declarier leurs affaires entierement a leurs femmes de la quelle
chose vient souvent mal comme il m’apert par experience/ et n’est mie
sens quant femmes ont non nices mais prudentes et de sage gouvernance/
Si sçay bien que a clarté ne me vint tout ce que il avoit/ Or me couvint
mettre mains a oeuvre/ ce que moy nourrie en delices et mignotement
n’avoie appris & estre conduisarresse de la nef demouree en la mer
ourage & sanz patron/ c’est a savoir le desolé mainage hors de son lieu
et pays/ adont me sourdirent angoisses de toutes pars/ Et comme ce
soient les mes des vesves plais et procés m’avironnerent de tous lez/ Et
ceulx qui me devoient m’assaillirent affin que ne m’avançasse de leur
riens demander Et dieux scet que il est vray que tel me demandoit que le
tesmoignage du papier des mises de mon mary Comme de un preudomme nya la
debte du fraudeleux comme payé et menteur de sa demande par le quel fut
confus et plus ne osa parler ne soustenir sa mençonge Tost me fu mis
empeschement en l’eritage que mon mari avoit acheté/ et comme il fust
mis en la main du Roy m’en couvenoit payer la rente et si n’en jouissoie
Et moy en la chambre des comptes demenee par lonc plait contre cellui
sanz pitié qui en estoit & ancore est des maistres et seigneurs de qui
avoir droit ne povoie receu par lui a tort tres grief dommage comme le
voir en soit magnifeste Ce scevent maint/ ne ancore lui en ses pechez
enviellis ne le considere ne fait conscience.

¶ Ne fu pas seule celle pestillence/ car comme les deniers de mes petis
orfelins fussent par leurs tuteurs de mon consentement baillez en mains
de marchant reputé preudomme pour accroistre et multiplier leur povre
avoir/ comme il en eust l’espace de un an rendu couvenable conte et
gaing par la moitié raisonnablement lui tempté de l’ennemi fist a croire
qu’il avoit esté robé/ et s’asempta/ encore cousta a poursuivre/ et fu
ce la perdus Autres plais me sourdirent a cause de heritages/ sur
lesquieulx on demandoit ancienne rente & grans arrerages de la quelle
chose ou decret de notre achat n’avoit aucune mencion conseillee par des
plus sages avocas que hardiement sur ce me deffendisse & que ne
doubtasse que comme je eusse bonne cause la diffinitive en seroit pour
moy de sommer les garens de la vendicion lesquieulx estoient mors povres
et hors du pays/ n’y avoit remede affin que je parvenisse ou point ou
fortune me conduisoit/ En ce temps en comble de mes adverses fortunes me
sourdy comme a job longue maladie/ par ceste chose dont s’ensuivi faulte
de poursuite sicomme je tiens et par non avoir mise souffisant/ encheus
de mes causes par lesquelles condampnacions satisfiant les frais fus de
tous poins au chief de ma povre chevance Et merveilles est comment
fortune povoit estre tant sur moy achenye/ Car en toutes les manieres
que partes se pevent faire a personne disposant ses faiz par bon conseil
et ordennance sicomme a mon povoir dieux scet que je faisoie me venoient
au contraire de ce que par raison venir deussent toutes mes besongnes et
generaument en toutes choses/ O vertu de pacience tous jours ne te avoie
mie en la bourse ains te suppeditoit souvent en moy grant amertume Je vy
le temps que a .iiii. cours de paris estoie en plait et procés
deffenderresse et sur mon ame je te jure que a tort estoie grevee de
mauvaises parties par quoy couvenoit en fin se paix vouloie avoir comme
je apperceusse leur cavillacions desirant me tirer de plait comme celle
qui le hayoit parfaictement comme chose contre ma nature qui paix desire
que je chevisse a eulx moyennant le mien a tres grans frais et coust/ Et
ne cuidez mie que ce m’ait duré un an ou .ii. mais l’espace de plus de
.xiiii. ans que quant un meschief m’estoit faillis l’autre survenoit en
tant de manieres diversement que longue seroit et anuyeuse la narracion
de la moitié/ Et ainsi ne fina la sancsue de fortune de sucer mon povre
avoir jusques a tant que tout l’ot desfiné & que plus a perdre n’avoie/
& adont faillirent mes plais mais non mie mes adversitez O doulce
maistrece quantes larmes souspirs plains lamentacions et griefs
pointures cuides tu que quant je estoie seulete a mon retrait que je
eusse et gitasse en ce tandis/ ou quant a mon foyer veoie environ moy
mes petis enfans et povres parens/ et consideroie le temps passé et les
infortunes presentes dont les floz si bas me affondoient et remedier n’y
povoie/ Desquieulx meschiefs plus plaignoye mes prochains que ma
personne Sicomme une foiz je respondis a un qui me disoit que je n’avoie
que plaindre car je estoie sans charge comme celle qui estoit seule/ &
sangle je dis qu’il ne m’avoit pas bien regardee/ car je estoie .iii.
foiz double/ et comme il ne m’entendist ce disoit lui exposay disant que
je estoie .vi. foiz moy mesmes Et avec ce cuidez tu point chiere
maistrece que grevast a mon cuer la charge de la paour que on
s’apperceust de mes affaires/ Et le soucy que a l’estat ne apparust a
ceulx dehors ne aux voisins le decheement de ce maleureux estat venu de
mes predecesseurs non pas de moy Le quel mon ignorence tant amer me
faisoit que mieulx eusse choisi mourir que en decheoir/ ha quel fardel
et quel pointure a cuer que trop aime le vouloir soustenir et fortune ne
vueille/ il n’est doulour a celle pareille/ et nul ne le croit s’il ne
l’essaye et dieux scet quans inconveniens a celle cause viennent & sont
venus a mainte gent Si te promés que a mes semblans et abis peu apparoit
entre gens le faissel de mes ennuys/ ains soubs mantel fourré de gris et
soubz seurcot d’escarlate non pas souvent renouvellé/ mais bien gardé
avoie espesses foiz de grans friçons/ et en beau lit et bien ordené de
males nuis mais le repast estoit sobre comme il affiere a femme vesve et
toute foiz vivre couvient Et dieux scet comment mon cuer tourmenté
estoit quant excecucions sur moy estoient faites et que mes chosettes
m’estoient levees par sergens/ le dommage grant m’estoit/ mais plus
craignoie la honte/ mais quant il couvenoit que je feisse aucun emprunt
ou que soit pour eschever plus grant inconvenient beau sire dieux
comment honteusement a face rougie tant fust la personne de mon amistié
le requeroye/ & ancore au jour d’uy ne suis garie de celle maladie dont
tant ne me greveroit comme il me semble quant faire le m’esteut un acés
de fievre Ha dieux quant il me souvient comment tant de foiz ay musé la
matinee a ce palais en yver mourant de froit espiant ceulx de mon
conseil pour ramentevoir et soliciter ma besongne ou maintes foiz y
ouoye a mes journees de diverses conclusions qui suer des yeulx me
faisoient et maintes estranges responces mais en sur que tout me grevoit
la mise de la quelle mal aisiee estoie.

¶ A l’exemple de jhesuscrist qui volt estre tourmenté en toutes les
parties de son corps pour nous instruire a pacience/ volt fortune que
mon povre cuer fust tourmenté de toutes les manieres de dures et
diverses pensees. Quel plus grant mal et desplaisir peut sourdre a
l’innocent ne plus grant cause de inpacience que de soy oyr diffamer
sanz cause comme il appert par les recors de boece en son livre de
consolacion/ ne fu il pas dit de moy par toute la ville que je amoie par
amours Mais ycy trop fait a notter que il soit voir/ que tout ce feist
fortune par ses batemens divers/ car comme telz renommeus communement
viennent et souvent a tort par grant acointance & frequentacion les
personnes ensemble et par conjectures et couleurs voir semblables/ mais
je te jure m’ame que ycellui ne me cognoiscoit ne ne savoit qui je
estoie ne ne fu onques homme ne creature nee qui me veist en publique ne
en privé en lieu ou il fust/ Car mon chemin ne s’i adonnoit ne n’i
n’avoie que faire et de ce me soit dieu tesmoing que je dis voir. Et
comme selon l’estre de sa personne et de la moye ne se peust bonnement
tel chose faire ne n’estoit voir semblable/ ne nul n’avoit couleur de le
penser me suis mainte fois esmerveillee dont teles paroles povoient
sourdre/ lesquelles estoient portees de bouche en bouche disant je l’ay
ouy dire dont comme celle qui ignocent me sentoie aucune foiz quant on
le me disoit m’en troubloie/ et aucune foiz m’en sousrioye/ disant dieux
et ycellui et moy savons bien que il n’en est riens.

¶ Ne se passa mie a tant ma peine/ Car comme a mon povoir tous jours
estrivasse contre la bataille et luite de fortune me voyant moult
dechoite de ma chevance comme je eusse cedules veriffiees et passees par
la chambre des comptes d’une somme d’argent qui ancore deue estoit a mon
feu mari a cause des gages de son dit office empetray mandement du roy
aux generaulx que de ce je fusse payee/ or vint la poursuite anuyeuse
que par neccessité contrainte faire me couvenoit/ a grant travail
pourmenee par maintes responces pro et contra plusieurs journees et que
ce soit lonc travail et ennuyeux je m’en rapporte a ceulx qui essayé
l’ont/ plus desplaisant que onques mais en ce temps ci comme dient les
anciens/ Or peus savoir se a moy femme foible de corps et naturellement
cremeteuse faire de neccessité vertu m’estoit labour qui a danger et
coust de compaignie selon l’estat appris me couvenoit trotter apres eulx
selon le stile puis en leurs cours ou sales en commun muser a toute ma
boite et mandement le plus des jours sanz y riens faire/ ou par lonc
train avoir responces doubles en esperance mais longue estoit l’attente/
O dieux quantes parolles anuyeuses/ quans regars nices/ que de rigolages
de aucuns remplis de vins et graisse d’aise souvent y ouoye/ lesquieulx
choses de paour de empirer mon fait comme celle qui besoing avoit je
dissimuloie sanz riens respondre me retournant de autre part/ ou faisant
semblant que ne l’entendisse le getoie a truffe Et dieux amender vueille
toutes villes consciences Car de mauvaises en trouvoie.

¶ A cause de ceste poursuite comme je ne trouvasse nulle part grant ne
petit charitable/ non obstant que a plusieurs nobles et grans requeisse
l’aide de leur parolle esperant que comme loy de droit les oblige au
secours des vesves et orphelins Et je n’y trouvasse en effaict riens bon
pour moy un jour desconfortee sur ces choses fis ceste balade.




Balade.


    Helas ou donc trouveront reconfort
    povres vesves de leurs biens despoullees
    puis qu’en france qui seult estre le port
    de leur salu et ou les exillees
    Seulent fuir et les desconseillees
    Mais or n’y ont mais amistié
    Les nobles gens n’en ont nulle pitié
    Aussi n’ont clercs li greigneur ne li mendre
    ne les princes ne les daignent entendre

    ¶ Des chevaliers n’ont elles nesun port
    par les prelas ne sont bien conseillees
    Ne les juges ne les gardent de tort
    des officiers n’aroient .ii. maillees
    de bons respons des poissans travaillees
    Sont en maint cas n’a la moitié
    devers les grans n’aroient exploitié
    Jamais nul jour ailleurs ont a entendre
    ne les princes ne les daignent entendre

    ¶ Ou pourront mais fuir puis que ressort
    n’ont en france la ou leur sont baillees
    Esperances vaines conseil de mort
    voyes d’enfer leur sont appareillees
    S’elles veulent croire voyes broullees
    Et faulx consaulx ou appointié
    n’est de leur fait nul n’ont si acointié
    qui les ayde sanz a aucun mal tendre
    ne les princes ne les daignent entendre

    ¶ Bons et vaillans or soient esveillees
    voz grans bontez ou vesves sont taillees
    d’avoir maint maulx de cuer haitié
    secourez les & croyez mon dictié
    Car nul ne voy qui vers elle soit tendre
    ne les princes &c.

¶ La cause qui me mouvoit a en personne oultre mon gré faire telle
poursuite estoit que quant mon message y envoyoie n’avoit en leur
presence nulle audience mais a tout le moins quant je y venoie
ramentevoir l’estat de moy vesve requerant encline devant eulx par pitié
leur secours/ aucune apparence de pitié plus en eulx trouvoie/ cest
ennui avec des autres ne me dura pas petit/ ains y fus constant plus de
l’espace de .vi. ans sur le pourchas non mie de moult grant somme qui
par parties en tieulx travaulx et requestes de seigneurs resservé le
reste qui ancore m’est deu je fus payee.




Encore continue christine sa complainte.


Entens tu doulce maistrece en quieulx doulz deduis ay passé la jonesce
de ma vesveté Avoie je cause que trop druerie me feist entendre aux
foles amours/ mais non obstant ce que assez souffire deust par si lonc
temps a celle par qui tout ce me venoit ne fu pas appaisiee envers moy
la desloyale de qui autre foiz me suis plainte comme je en eusse cause/
car la douleur du dent y trait la langue/ ains te diray en poursuivant
ceste matiere jusques au jour d’uy comment ses floz m’ont gouvernee et
ancore ne cessent.

¶ Voir est que ou temps de mes perplexités dessus dit pour ce que
descouvrir a autrui si qu’ay touché ses adversitez et affaires/ La cause
pour quoy/ Car charité est pou trouvee ne peut tourner se a servitude
non et pou de preu/ Comme ce soit moult grief faissel de douleur tenir
enclose sans regehir ne m’avoit ancore tant grevee fortune comme elle ne
peust que je ne fusse accompaignee des musettes des poetes non obstant
que les reboutas arriere et chaças de la compaignie de boece ou temps de
sa tribulacion pour le repaistre de plus haultes viandes/ ycelles me
faisoient rimer complaintes plourables regraitant mon ami mort et le bon
temps passé/ sicomme il appert au commencement de mes premiers dictiez
ou principe de mes cent balades et mesmement pour passer temps/ et pour
aucune gayeté attraire a mon cuer doulereux faire diz amoureux et gays
d’autrui sentement comme je dis en un mien virelay.




Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre.


Apres ces choses comme ja fussent passees mes plus jeunes jours et aussi
la plus grant part de mes occupacions foreines revins a la vie qui plus
naturellement me plaisoit c’est a savoir solitaire et quoye/ adont par
solitude me vindrent au devant les rumignacions du latin & des parleures
des belles sciences & diverses sentences et polie rethorique/ que oÿ le
temps passé au vivant de mes amis trespassez pere et mari/ je avoie de
eulx/ non obstant que par ma folour petit en retenisse/ Car non obstant
que naturellement et de ma nativité y fusse encline me toloit y vaquer
l’occupacion des affaires que ont communement les mariees/ et aussi la
charge de souvent porter enfans Avec ce la trop grant jonesce la trop
mignote ennemie de sens qui ne laisse souventes foiz aux enfans quelque
bon engin que ilz ayent pour le desir de jouer/ hanter l’estude se
crainte de bateures ne les y tient/ & pource que celle crainte n’avoie
la voulenté de jouer si maistrisoit l’engin & sentement si que constant
ne povoit estre ou labeur de apprendre.




Se plaint christine de jeunece.


Ha folle jonece avuglee et variable non cognoissant les prouffitables &
bonnes choses qui ne te delites fors en choses vaines/ oyseuses et de
nulle vertu/ ne ailleurs appliquer ne te querroies Et certes voirement
qui par toy se gouverne suit la voye de perdicion et se avugle en sa
meismes cognoissance/ Tant haÿr te dois quant ou temps que je estoie a
meimes les .ii. beaulz conduis de philosophie/ costé si haultes
fontaines tant cleres et saines Et moy comme fole jone trop mignote/ non
obstant que les beaulx ruisseaulx me pleussent ne m’en emplissoie/ mais
tout ainsi comme le fol qui voit luire le cler souleil ne s’avise de la
pluye ains cuide que tous jours lui dure/ n’en faisoie compte et a temps
cuidoie recouvrer a ce que je perdoie Ha fortune quel tresor tu me
tolis/ Tant fis grant dommage a mon entendement qui ne les me laissas
durer jusques en l’aage de plus grant cognoissance/ bien t’a herdis a
nuire meismes a la proprieté de mon ame/ car se ores avoie costé moy tel
clarté au desir que j’ay/ sustraite de toutes autres occupacions et
delis comme de choses vaines donnee entierement a l’estude/ telement et
si largement me empliroie que femme nee puis lonc temps ne m’en passa/
helas quant je avoie costé moy les maistres de science/ conte
d’apprendre ne faisoie/ Et ores est le temps venu que mon engin et
sentement m’en die en desirant ce que par faulte de apprendre ne peut
avoir/ c’est a savoir l’art de toy philosophie m’amie science. Ha doulce
savoureuse chose et emmellee qui tous autres tresors en valeur precedes
comme souveraine/ tant sont eureux ceulx qui a plain t’a saveurent/ Et
toutevoie comme de ce je ne puisse juger fors a l’aventure sicomme de
chose que a plain je ne cognoisce/ neant moins m’en donne la
cognoissance le tres delitable goust & saveur que je treuve seulement es
petites deppendances et parties de sciences comme plus hault je ne
puisse attaindre me fait presumer ou bien de elle a ceulx qui l’aiment/
& la saveurent et sentent souverain delit/ Ha enfans et jones se vous
saviés le bien qui est ou goust de savoir et le mal et laidure qui gist
en ignorence comment se bien avisié estiez petit plaindriés la peine et
labour de apprendre/ ne dit aristote que naturellement l’omme savant
seignourist l’ignorent sicomme nous veons l’ame seignourir le corps Et
quel chose est plus belle que savoir/ & quel chose est plus laide que
ignorence messeant a homme sicomme une foiz respondis a un homme qui
remprouvoit mon desir de savoir disant que il n’appartient a femme avoir
science comme il en soit pou Lui dis que moins appartient a homme avoir
ignorence comme il en soit beau coup.




Dit christine comment elle se mist a l’estude.


Ainsi en cellui temps que naturellement estoit parvenu mon aage au degré
de cognoissance regardant derriere moy les aventures passees & devant
moy la fin de toutes choses Tout ainsi comme un homme qui a passé
perilleuse voye se retourne arriere regardant le pas par merveille et
dit que plus n’y entrera/ et que a meilleur se tendra/ ainsi considerant
le monde tout plain de las perilleux/ & que il n’est fors pour toute fin
un seul bien qui est la voye de verité me tiray au chemin ou propre
nature et constellacion m’encline/ c’est a savoir amour d’estude/ adonc
clouy mes portes/ c’est a savoir mes sens que plus ne fussent tant
vagues aux choses foraines/ et vous happay ces beaulx livres et volumes/
et dis que aucune chose recouvreroye de mes pertes passees/ ne me pris
pas comme presomptueuse aux parfondesses des sciences obscures es termes
que ne sceusse comprendre/ Sicomme dit Caton/ lire et non entendre/
n’est mie lire ains comme l’enfant que au premier on met a l’a.b.c.d. me
pris aux histoires anciennes des commencement du monde/ les histoires
des ebrieux/ des assiriens et des principes des seignouries procedant de
l’une en l’autre dessendant aux rommains des françois des bretons &
autres plusieurs historiographes/ apres aux deducions des sciences selon
ce que en l’espace du temps que y estudiay j’en pos comprendre.

¶ Puis me pris aux livres des poetes Et comme de plus en plus alast
croiscent le bien de ma cognoissance/ adont fus je aise quant j’oz
trouvé le stile a moy naturel me delittant en leurs soubtilles
couvertures et belles matieres muciees soubz fictions delitables et
morales/ et le bel stile de leur metres et proses deduites par belle et
pollie rethorique aournee de soubtil lengage et proverbes estranges/
pour la quelle science de poaisie nature en moy resjouye/ me dist fille
soulasse toy quant tu as attaint en effait le desir que je te donne &
ainsi continuant et vaquant tous jours a l’estude comprenant les
sentences de mieulx en mieulx.

¶ Ne souffist pas a tant a mon sentement & engin/ ains volt que par
l’engendrement d’estude et des choses veues nasquissent de moy nouvelles
lectures/ adont me dist prens les outilz et fiers sur l’enclume/ La
matere que je te bailleray si durable que fer ne feu ne autre chose ne
la pourra despecer si forges choses delitables/ & ou temps que tu
portoies les enfans en ton ventre grant douleur a l’enfanter sentoies/
Or vueil que de toy naiscent nouveaulx volumes/ lesquieulx les temps
avenir perpetuellement au monde presenteront ta memoire devant les
princes et par l’univers en toutes places lesquieulx en joye et delit tu
enfanteras de ta memoire/ non obstant le labour et traveil le quel tout
ainsi comme la femme qui a enfanté si tost que ot le cry de l’enfant
oublie son mal/ oublieras le traveil du labour oyant la voix de tes
volumes.

¶ Adont me pris a forger choses jolies a mon commencement plus legieres/
& tout ainsi comme l’ouvrier qui de plus en plus en son oeuvre
s’asoubtille comme plus il la frequente/ ainsi tous jours estudiant
diverses matieres mon sens de plus en plus s’imbuoit de choses estranges
amendant mon stile en plus grant soubtilleté et plus haulte matiere
depuis l’an .M.CCC.iiii.xx & .xix. que je commençay jusques a cestui
.CCCC. & cinq/ ou quel ancore je ne cesse/ compilles en ce tandis quinze
volumes principaulx sanz les autres particuliers petis dictiez
lesquieulx tous ensemble contiennent environ .lxx. quayers de grant
volume comme l’experience en est magnifeste Et comme grant louange pour
ce n’y affiere/ Car pou y a soubtilleté/ par ventance dieux scet que ne
le dis mais pour continuer l’ordre de mes bonnes et mauvaises aventures.




Le plaisir que christine prenoit a l’estude.


Or fu l’estat de mon vivre tresmué en autre disposicion/ mais non pas
pour tant changié en mieulx ma malle fortune ains comme dolente du bien
et solas de ma vie speculative et solitaire persevera sa malivolence non
a ma personne seulement mais en despit de moy a de mes plus prochains la
quelle chose je attribue au procés de mes adversitez. Et te diray
comment par me tolir mes bons amis comme tous jours elle soit repunante
a ma prosperité ne les a souffers longuement vivre. Il est voir que
comme la voix courust ja et meismes entre les princes/ de l’ordre et
maniere de mon vivre c’est a savoir a l’estude/ pour ce que revellé leur
estoit non obstant celer le voulsisse leur fis present comme de nouvelle
chose quelque petis et foibles que ilz soient de mes volumes de
plusieurs matieres lesquieulx de leur grace comme princes benignes et
tres humains les virent voulentiers & receurent a joye/ et plus comme je
tiens pour la chose non usagee que femme escripse comme pieça ne
avenist/ que pour digneté qui y soit/ et ainsi furent en peu de heure
ventillez et portez mes dis livres en plusieurs pars et pays divers.

¶ Environ ce temps comme la fille du roy de france fust mariee au roy
richart d’angleterre vint par de ça a celle cause/ un noble conte dit de
salsbery/ et comme ycellui gracieux chevalier amast dictiez & lui
meismes fust gracieux dicteur/ apres ce qu’il ot veu des miens dictiez
tant me fist prier par plusieurs grans que je consenti tout le feisse je
envis que l’ainsné de mes filz assez abille et bien chantant enfans de
l’aage de .xiii. ans alast avec lui ou pays d’engleterre pour estre avec
un sien filz auques de l’aage/ du quel dit conte comme il se portast
tant bien & grandement de mon dit enfant et plus promettoit pour le
temps avenir aux quelles choses croy que il n’eust failli/ comme il en
eust la poissance/ vrayement les promesses que faites m’en avoit ne
furent trouvees mençongieres/ mais ce bien ne volt pas celle souffrir
longuement qui mains autres maulx m’a fais c’est a savoir male fortune
qui non pas lonc temps apres procura la dure pestillence ou dit pays de
angleterre contre le dit Roy Richart comme chacun scet/ pour la quelle
cause apres pour sa grant loyauté vers son dit droit seigneur fu
decollez a grant tort le dessus dit tresbon conte/ or fu failli le eur
mondain du commencement de mon dit filz assez enfant en temps de grant
pestilence hors de son pays/ par raison dot estre esbahi/ mais que avint
il le roy henry qui ancore est qui s’atribua la couronne/ vit des
dictiez et livres que je avoie ja plusieurs envoyez comme desireuse de
lui faire plaisir au dit conte/ si lui vint a cognoiscence tout ce que
il en estoit/ adont tres joyeusement prist mon enfant vers lui/ et tint
chierement & en tres bon estat/ & de fait par .ii. de ses hayraulx
notables hommes venus par de ça lencastre et faucon roys d’armes me
manda moult a certes priant et promettant du bien largement que par de
la je alasse/ et comme de ce je ne fusse en riens temptee considerant
les choses comme elles estoient/ dissimulay tant que mon filz peusse
avoir disant grant mercis/ & que bien a son command estoie/ et a brief
parler tant fis a grant peine/ et de mes livres me cousta que congié ot
mon dit filz de me venir querir par de ça pour mener la qui ancore n’i
vois/ & ainsi reffusay l’eschoite de ycelle fortune pour moy et pour lui
pour ce que je ne puis croire que fin de desloyal viengne a bon terme/
Or fus joyeuse de veoir cil que je amoie comme mort le m’eust seul filz
laissié & .iii. ans sans lui oz esté/ mais crue fu la charge de ma
deppense non a moy aysiee/ Car je doubtay que le grant estat ou quel
estoit par de la lui donnast vouloir de retourner comme enfant es
quieulx consideracion n’est grande voulentiers se tiennent a ce que aux
yeulx et a leur aise meilleur leur semble/ Si lui quis maistre grant et
poissant qui de sa grace le retint/ mais comme la petite faculté du
jeune enfant pou apparant en la multitude des grans de sa court tous
jours a ma charge couvint que son estat fust soustenu sanz de son
service tyrer aucun fruit/ & ainsi me desherita fortune d’un de mes bons
amis et d’une de mes esperances/ mais ancore de puis pis me fit.




Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis.


Sicomme devant est dit comme ja m’eussent donné nom mes dis volumes par
les presens qui a maint prince de estranges terres fais en furent nompas
de par moy envoyez mais par autres comme de chose nouvelle venue de
sentement de femme sicomme dit le proverbe choses nouvelles plaisent ne
le dis pour nulle ventance comme elle n’y affiere.

¶ Le premier duc de milan en lombardie qui de ceste chose fu informez &
peut estre/ plus grandement que la cause n’y estoit/ desirant me traire
en son pays/ tres grandement avoit ordené de mon estat par rentes a tous
jours se aler y vouloye/ & ce scevent plusieurs gentilz hommes du pays
meismes commis a celle ambassaderie Mais fortune selon ses usages &
coustumes ne volt mie que la ruine de mon estat fust reparé/ si me tolli
tantost par mort cil qui bien me vouloit/ non pas que de legier eusse
deliberé laissier france pour certaines causes/ tout soit de la mon
naturel pays/ Toute foiz me greva elle quant me toli un bon ami qui
n’est petite perte/ Et tel que comme la relacion de gens notables m’a
dit/ sanz partir de ça meismes m’ust il valu par les dessertes de mes
livres.




Encore de ce mesmes.


Ancore reste a parler de ma plus grant perte a cause de grant prince
mort puis le temps du susdit sage roy Charles/ ne fusse pas voirement
evident signe de hayneuse envie de la perverse contre moy/ quant tost
apres que le tres venerable hault et poissant noble prince philippe duc
de bourgongne/ qui frere fu au dit sage roy m’ot par l’acointance de mes
dis livres & volumes prise a amour/ lesquieulx ne lui avoie ancore pou
de temps a presentez comme je ne les reputasse dignes de estre ouvers en
la presence de sa sagece/ mais comme sa benigne clemence plus
considerant je croy la constance de mon labour que grant soubtilleté
estre en mon oeuvre comme elle n’i soit moult les ot agreables/ sicomme
me apparu par la louange de sa parolle/ et plus par le effait de son bon
et grant secours a l’estat non de moy seulement/ mais de mon dit filz/
de lui retenu a gages et bien amé serviteur Et moy semblablement a qui
avec les autres biens faiz tant daigna reputer mon savoir/ que il de sa
bouche me chargia que je tins a grant grace/ comme il desirast que la
belle vie et notables fais du sage roy susdit fust en propre volume mise
en registre affin que perpetuele memoire demourast au monde par bon
exemple de son noble nom que je compillasse des dictes choses certain
volume.

¶ Helas et tost apres lors que sa grace vers moy de plus en plus
croisçoit le me toli par mort la desloyale/ la quelle mort fu
renouvellement des navreures de mes adversitez/ & semblablement grief
parte a cestui royaume sicomme ou dit livre que il me commanda/ non
ancore lors achevé je recorde en piteux regrais.




Conclut christine sa complainte a philosophie.


Or t’ay je dit tres reverend maistresse les motifs et causes de mes
ennuys passez/ et non pas tous/ car dieux scet que en grant quantité de
autres maulx & ennuys ay passé le temps que anuyeuses et longues
seroient a dire/ et la perseverence de yceulx qui dure encore/ ne de la
fin je ne voy signe.

¶ Du temps present comment il m’est te dis que non obstant supplicacions
& requestes que par force de divers survenus affaires & partes en la
maniere dessus dicte par les floz infortunez souvent courans sur moy que
j’ay aux princes françois qui ancor vivent baillees/ mainte foiz
requerant leur secours/ non pas les adjurant par mes merites/ mais
suppliant par l’ancienne amour qui tira mon dit pere par de ça leur
serviteur et par ses bien fais a moy delaissiee et hors de son lieu a
son petit maisnage voulsissent secourir/ mais que je ne mente ne soie
ingrate/ le secours de aucun d’eulx comme il m’ait assez esté tardif
presenté par assignacion non de grans choses/ ancore la longueur de la
paye/ & ennuyeuse poursuite de leurs tresoriers auques estaint la value
de la grace et merite du bien fait/ O chere dame que cuides tu quel
peine/ c’est a femme de ma faculté abstrate assez/ et pou chalant des
aluchemens de couvoitise convenir contre ma naturel condicion non moult
curable ne ardant sur les desirs de peccune/ mais par neccessité
contrainte de grans charges poursuivre a grant train ces gens de finance
pourmenee de jour en jour de leurs belles parolles/ Et ainsi va au jour
de huy a l’estat de mon vesve colliege/ dame honoree a qui riens n’est
occult Et tu meismes qui scez que petit me chault des amas & assemblees
de tresors ne de croiscence d’estat fors soustenir cellui venu de mes
devanciers comme folle ancore de en curer/ recognoissant que tout est
vent chose mondaine/ ne que mes pensees ne sont es desirs de superflus
paremens ne delicatifs vivres me soies tesmoing que seulement l’amour &
charge agreable que je ay de ma bonne mere en viellece sur les bras de
sa seule fille qui n’est oublieuse des grans materneulx benefices d’elle
receus/ voluntaire du meriter comme droit est me rent perplexe et
adoulee quant fortune ne seuffre a ma voulenté sortir son bon effaict &
que femme de si parfaict honnour et si noble vie et bel estat comme est
et a tous jours esté/ celle ne soit tenue et ordenee selon son droit/
avec les autres charges de povres parentes a marier & autres amis & ne
voie de nulle part fortune propice pour mon secours.

¶ Encore au propos des pointures de mes dolentes pensees avec mes autres
anuys/ cuides tu que devant la face de fortune ne me repute peu eureuse/
quant si voy ses autres accompaignez de leurs lignages freres et parens
d’estat & aisiez/ eulx resjouyr ensemble/ et je pense que je suis hors
des miens en estrange lieu/ & mesmement .ii. freres germains que j’ay
sages preudes hommes & de belle vie/ que il a couvenu que par ce que de
ça n’estoient pourveus que ilz soient alez vivre ou pays de la sus les
heritages venus du pere/ et moy qui suis tendre & a mes amis naturelle/
me plains a dieu quant je voy la mere sans ses fieulx que elle desire/ &
moy sanz mes freres/ Et ainsi peus tu veoir chere maistrece que tout au
contraire de mes desirs m’a fortune servie qui ancores persevere en ses
malefices.

¶ Et que de ces choses dis voir dieu qui proprement est toy & toy qui
proprement est lui le savez. Si reviens a ce que devant est dit que
comme fortune m’a contraire ades continue par tieulx molestes qui ne
sont a cuer femenin & foible pas petites plus me grieve l’empeschement
que a l’estude par ses occupacions me fait qui mainte foiz troublent si
ma fantasie que ne peut vaquer l’entendement au bien qui lui delite/
tant est ofusqué par ses dures pointures/ que ne fait le fait du mal que
j’en seuffre.




Respont philosophie a cristine.


Quant ainsi je oz toutes mes raisons finees je me teus quoye/ adont la
excellent deesse parla ainsi que se semblant feist de sousrire/ tout
ainsi que fait un sage quant les raisons du simple lui sont presentes/
mais non pourtant mon ignorence ne me toli l’aisance de sa digne
parolle/ qui ainsi me dist Certes amie a tes parolles cognoiz comment
folle faveur te deçoit es jugemens de ton meismes estat/ O creature
avuglee qui attribues a male fortune les dons de dieu et son propre
galice dont il t’abeuvre/ Et pour quoy te plains tu par ingratitude des
biens que as receus/ et certes moult est perverti l’estommac qui propice
viande reçoit/ & la convertist dalmagiablement a sa nourriture/ Et ou
est doncques le sens de ton entendement qui ne cognoist ce qui lui est
prouffitable/ et que tu es deceue te prouveray par pratique de groz
exemple tout ainsi comme l’expert medecin qui considere la faculté de la
nature & compleccion de son pacient & selon sa force ou foiblece lui
donne purgatoire et medicine/ ainsi useray en toy de regime tenue et
legier pour la foiblece de l’estomac de ton entendement a qui choses
pesantes et ponderans teles ou semblables que jadis donnay a mon amé
boece sicomme en son livre as trouvé seroyent fortes a digerer et
convertir a la sustentacion de ta neccessité/ Et pource comme exemples
ruraulx soient aux simples cause de plus legierement comprendre les
fourmes des choses par celle voye sus fondement de sainte escripture la
plus seure/ te ramenray se je puis a vraye cognoiscence de ton tort.
Belle amie par ce que comprendre puis en ton fait moult te plains et
tiens mal contempt de fortune que tu dis estre et avoir esté ja lonc
temps ennemie de ta prosperité/ & que tres lors que en france conduisi
tes parens & toy avec eulx ourdi le las de tribulacion ou conduire te
vouloit/ Et puis les autres aventures tu dis estre venues a ton grant
grief aux quelles choses non a toutes particulierement/ Car n’en est
besoing/ mais assez servira pour chacune ma general responce te
monstreray ta vehemente folie & la descongnoissance qui te deçoit en
ceste partie/ et te destourne d’aviser le vray de ton fait/ avises un
pou en toy meismes les grans persecucions & mortieulx inconveniens qui
ont puis esté & ancore sont comme il ne puisse estre en paix/ ou pays
dont tu es nee/ et penses a certes se dieu te fist point grant grace non
obstant que t’en plaignes de oster toy et les tiens de entre les flames
de ceulx qui se bruslent/ cuides tu par ta foy que eschappee en fusses
jusques au jour d’uy sans ta part avoir du mal/ ou sur toy/ ou le veant
avoir a de tes amis Car meismes par de ça as tu plouré de tes charnelz
qui s’en sont sentus/ mais apres je me ry de ta niceté qui attribues a
la poissance de fortune la mort et trespas de creature humaine/ sicomme
tu dis du roy Charles & de tes autres amis/ et ce qui est ou secret de
dieu escript qui toutes choses dispose & gouverne a son bon plaisir/
C’est a savoir la fin et terme de vie humaine/ Il semble que vueilles
appliquer a aventure/ quant tu dis que fortune t’en despoullia Tout
ainsi comme se autre chose ne eust afaire fors soy occuper pour tes
nuisances/ Et scez tu la cause qui te meut a tieulx ymaginacions/ c’est
la trop grant faveur et tendreur que as a toy meismes & a l’aise de tes
plaisirs qui te fait tout ce qui avient contre ce que vouldroyes
attribuer au propos de ce que tu ymagines/ Car quant est de la mort du
roy et aussi des autres dieu les avoit ordenez a ce terme pour le
meilleur comme toutes choses ainsi le face/ & se le mieulx fust les
laisser fait le eust Et des jugemens de dieu quoy que ilz vous semblent
merveilleux n’est pas en vous deu discuter en hardies parolles/ car
comme il soit tout sapient/ scet bien que il fait.

¶ Et des autres adversitez dont tu te plains resembles l’enfant trop
mignot qui se deult du petit coup de la verge que son pere lui donne/ et
ne scet cognoistre le bien que il lui fait/ ainsi certes te plains sanz
cause Car ne scez adroit que sont tribulacions/ & en ce monstres que tu
es femme tendre fresle et pou souffrant qui de pou se scent/ Et ce te
prouveray je par raison cy apres.




Le reconfort de philosophie.


Toy qui te plains pour un pou de tribulacions se elles te sont survenues
tout ainsi comme se dieu fust plus tenus a toy que a un autre/ Avises en
toy meismes que pevent dire plusieurs bonnes personnes et christiens
comme toy qui par estranges fortunes n’ont pas seulement perdu tous
leurs biens temporelz mais leur membres dont sont mahaignez par longue
maladie/ et par survenue aventure/ et en autres cas divers tourmentez en
esperit ou en leurs corps/ Et ancore avec ce en tel povreté que ilz
n’ont lieu propre ne chose pour eulx couvrir ne leur lasse vie repaistre
se ilz ne se vont traisnant par entre vous a grant peine/ cerchant voz
aumosnes ou souvent treuvent pou de pitié que dirons nous de ceulx la/
ou des autres qui ont diverses grandes tribulacions en maintes guises
que ilz sont mal eureux infortunez et de dieu haÿs/ nennil nennil/ Ce
n’est mie selon les sentences de noz loys qui sont l’euvangile/ ains
dirons que beneurez sont tout ainsi comme dieu le dit lui meismes
d’yceulz et des paciens.

¶ _Beati pauperes quoniam ipsorum est regnum celorum/ beati pacifici
quoniam filii dei vocabuntur._

¶ Si dis que tu juges follement Car ne sont pas infortunez au regart des
distribucions justes de dieu les plus persecutez ains sont les plus
beneurez en tant comme plus s’approchent de la vie jhesucrist en ce
monde en toute tribulacion. Pour vostre exemple. Si te dis que de tant
es tu eureuse et je le te monstre se nyer ne veulx la sainte escripture/
comme tu approches aucunement a ceulx qui passent par tribulacion/ et
plus eureuse fusses mais que pacience avec fust/ se plus en eusses/ car
de tant seroit plus grant ton merite/ et se tu es ferme en la foy/ de la
quelle chose mal fus nee se il n’est ainsi/ point ne mescroiras ce que
je dis.

¶ Et a ce propos ne dit saint augustin sur le .xxi.e pseaulme Sache dist
il tout homme que dieu est un medecin qui au malade pecheur baille
tribulacion pour medicine a son salut non pas pour peine de sa
dampnacion/ O malade pecheur quant tu reçois la medicine de dieu en
tribulacion tu te deuls/ tu te plains et cryes a ton medecin il ne te
escoute pas a ta voulenté mais il te escoute a ta santé.




Encore de mesmes.


Mais alons oultre pour dieu mercis savoir mon de quoy tu te peus clamer
de dieu ne plaindre de fortune/ et certes par ce que il me semble en toy
apperçois grant ingratitude & descognoissance quant de foison biens
graces que par tant de fois t’a faites & fait chacun jour/ non pas
seulement ne le remercies ains te reputes recevoir tres grant tort comme
se digne fusses non pas senz plus de mieulx avoir mais toutes choses a
ton souhaid/ & que il soit vray avise toy avise quans grans benefices et
dons de dieu si notables toy indigne as receus/ & chacun jour fais aux
quelles choses se bien penser y veulx & sagement en toy discuter tu
trouveras que les adventures qui avenues au monde te sont que tu imputes
a male fortune te sont propices & couvenables meismement a l’utilité de
ton vivre au monde et pour ton mieulx sicomme cy apres te monstreray
Mais ta sensualité te tolt vraye cognoiscence.

¶ Je avise que entre les autres prosperitez .iii. choses entre vous
mondains sont que vous reputez comme les principales de voz joyes &
gloires & sanz partie de ycelles .iii. ou toutes je suppose que il n’est
quelconques richece qui content feist cuer d’omme/ Et qu’il n’est si
grant tresor des biens de fortune que cellui a qui elles faillent ne
voulsist avoir donné se il l’avoit pour posseder ycelles/ les .ii. sont
hors soy & l’autre en soy meismes La premiere est estre nez de nobles
parens la quelle noblece je entens des vertus/ La seconde avoir corps
sanz nulle defformité et assez plaisant saintif et non maladis/ mais
bien complexionné et de competant discrecion & entendement/ La tierce
joye qui n’est mie petite avoir enfans beaulx et gracieux au monde de
bonne discrecion et de bonnes meurs et craignans dieu/ O femme avises
ton ingratitude/ Es tu donques exaussie de celles belles graces avec
maintes autres que dieu t’a donnees/ il semble que oublié ayes comment
il t’est quant si meseureuse te reputes Est il femme au jour de huy que
tu cognoisces plus glorieuse de parens que tu es/ ne te souvient il de
la digneté de nostre noble philosophe ton pere qui de noz estudes tant
estoit familier que nous seyons en la chayere avecques lui devisant de
noz secrés et pour l’acointance de nostre industrie fu en son temps
repputé le suppellatif en noz sciences speculatives/ & avec ce vray
catholique comme tous jours & a sa fin paru/ et vertueux que je m’en
rapporte a toy que plus prises seulement & plus te prouffite la
rumignacion de son savoir qui demouree t’est que quelconques avoir non
obstant que t’en plaignes que il te peust avoir laissié/ penses se
contente de ce bien te dois tenir/ Que diray je de ta tres noble mere
scez tu point de femme plus vertueuse/ remembre toy depuis sa jonece
jusques au jour d’ui se vie contemplative constamment ou service de dieu
quelque occupacion que elle onques eust l’a nul jour laissiee je croy
que non/ O quel noble femme comme sa vie est glorieuse comme de celle
que nulle tribulacion onques ne suppedita ne brisa par impacience son
tres bon courage/ & quel exemple de vivre en toute vertu pour toy/ se tu
bien t’i mires/ avises combien grant grace dieu te fait ancore avec tout
de si noble mere laisser vivre en ta compaignie en sa viellece plaine de
tant de vertu/ & quantes foix elle t’a reconfortee & menee de tes
impaciences a cognoistre ton dieu/ Et se tu te plains que peine seuffre
ton cuer pour ce que vers elle te semble ne peus faire comme il
appartient je te dis/ ce vouloir avec la pacience est meritoire a toy et
a elle/ et de elle sanz faille la digne conversacion & vie esleue l’a
fait estre clere entre les femmes c’est chose nottoire et tres beneuree
Item quant au .ii.e/ en tes biens ne t’a par ta foy dieu donné corps
fort assez & bien compleccionné selon ta qualité lui en peus tu rien
demander/ se tu ne varies/ si gardes que de tel entendement que il y a
mis/ bien en uses/ ou se non/ mieulx te vaulsist moins avoir sceu/ Ce
qui touche a la .iii.e joye/ n’as tu enfans beaulx gracieux & de bon
sens/ ton premier fruit qui est une fille donnee a dieu et a son
service/ rendue par inspiracion divine de sa pure voulenté & oultre ton
gré en l’eglise et noble religion de dames a poissi/ ou elle en fleur de
jonece et tres grant beauté se porte tant notablement en vie
contemplative et devocion/ que la joye de la relacion de sa belle vie
souventes foiz te rent grant reconfort/ et quant de elle meismes tu
reçois les tres doulces et devotes lettres/ discretes et sages que elle
t’envoye pour ta consolacion es quelles elle jeunette et ignocente te
induit et amonneste a haÿr le monde et despriser prosperité.

¶ N’as tu un filz aussi bel et gracieux et bien moriginez/ et tel/ que
de sa jonece qui ne passe .xx. ans du temps que il a estudié en noz
premieres sciences en gramaire on ne trouveroit ne rethorique et
poetique lengage naturellement a lui propice gaires plus apte et plus
soubtil que il est avec le bel entendement & autre bonne intiquative que
il a/ et que je ne mente es choses dictes assez sont magnifestes si que
chacun le peut veoir/ non pas le te dis pour toy induire a vaine gloire/
mais affin que graces rendes a cil dont tout bien vient qui t’a donné
les diz biens & mains autres/ & lesquieulx fortune ne donne mie/ mais
lui de sa pure grace especiale a qui il lui plaist.

¶ Des autres complaintes que tu fais de tes amis germains que tu ne vois
et qui de toy sont loings/ je ne fais compte Car comme ce monde ci ne
soit que un trespas dois esperer que par les prieres de la bonne mere et
la preudommie de eulx serés par la misericorde de dieu conduis en la
cité de joye c’est la sus ou ciel ou se dieu plait vous entre verrés
perpetuellement.




Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint.


De ce que ton mari en jone aage mort te toli dont tu te plains je te dy
que dieu ne te fist nul tort quant son serf pour mettre en plus hault
degré volt ravoir/ et lui plut que tu demourasses en la vallee de
tribulacion pour esprouver ta pacience et pour toy affiner en vertu/
Sicomme dit saint augustin sur le .lx.e pseaulme que en une meisme
fournase la paelle art & l’or se purge/ la paelle tourne toute en
cendre/ & l’or de toute escume et ordure se nettoye/ Et que est a
entendre la fournase doulce amie scez tu/ c’est le monde ou tu es/ la
paelle/ Ce sont les mau prouffitans/ l’or/ ce sont les justes/ le feu/
c’est tribulacion/ l’orfevre/ c’est dieu/ Ce que l’orfevre a voulu faire
de toy/ il te doit plaire/ ou il te veult mettre tu le dois vouloir/ tu
as commandement de endurer il a l’office de purger/ et combien que la
paele arde en ce feu/ c’est la douleur que tu sens/ toutevoye se tu es
sage tu t’y purges comme l’or.

¶ Et ancore avec tout ce que le mieulx ait esté pour toy/ et au prouffit
de ton sens le te monstreray Il n’est ou monde plus grant bien et toy
meismes pas ne le me nyeras/ que cellui qui vient de l’entendement/ &
qui le parfait en savoir/ la quelle chose fait estude qui apprent
science/ et experience de moult de choses/ Ces .ii. causes font la
personne estre sage se faute de l’entendement ne lui tolt a ton propos
il n’est mie doubte que se ton mary te eust duré jusques a ore/ l’estude
tant comme tu as ne eusses frequenté Car occupacion de maisnage ne le
t’eust souffert au quel bien d’estude tu te mis comme a la chose plus
esleue selon ton jugement apres la vie qui est de tous poins pour les
parfais c’est la contemplative/ la quelle est vraye sapience/ le quel
bien d’estude je sçay que confesseras que pour tous les biens de fortune
ne vouldroies quelque pou que y ayes fait ne t’i estre occuppee & que la
delectacion qui tant t’en agree ne eusses Dont ne te dois tu pas tenir
pour meseuree/ quant tu as entre les autres biens une des choses du
monde qui plus te delite et te plaist a avoir/ C’est a savoir le doulx
goust de science. Item se riche et garnie & sans tribulacion fusses
demouree/ en delices te fusses nourrie/ lesquelles choses conduisent
creature a plusieurs inconveniens/ Si n’eusses mie l’experience de
congnoistre le monde/ et cause de tant le haÿr/ la quelle chose dieu
veult/ Et par consequant ne fusses si savant/ car saches de vray que les
riches que chascun agree non mie pour eulx/ mais pour le leur/ n’ont si
grant cause de congnoistre les fallaces du monde ne lesquieulx sont
leurs vrays amis comme ont ceulx qui les espreuvent et qui passent par
adversitez Car il leur semble pour ce que le monde leur rit que il ne
soit autre paradis et que il soit vray/ toy meismes as ouy mainte foiz
dire a de yceulx riches/ qu’ilz vouldroient que dieu gardast son paradis
et a tous jours les laissast en ce monde/ Or regarde a quel prejudice
tournent les delices quant ilz ramainent la voulenté qui doit suivre
raison a tele bestialité que elle ne use ne que une beste mue ne mais
aux pastures basses/ & ne se lieve ne regarde a son propre lieu naturel
qui est le ciel dont l’ame fourmee a l’image de dieu est venue et doit
tendre a aler Et que il soit vray que les espreuves de tribulacion te
soient prouffitables je me rapporte a toy que se dieu te ramenoit a un
pou plus d’aise de prosperité que pour riens ne vouldroyes que
tribulacion ne eusses essayee/ Or conclus en toy meismes et prens garde/
puis que ainsi est que a l’entendement & au bien de ton corps sont
valables/ se a l’ame/ se bien en as usé plus sont proufitables/ Car dit
saint augustin sur l’euvangile saint jehan/ Les tribulacions que dieu
veult que tu ayes a souffrir en ce monde/ ce n’est pas peine de
dampnacion/ ains est le flayel de correccion Et vous enfans de dieu
estes appellez a l’eritage pardurable/ Et si ne daignez estre flayelez.




Encore de ce mesmes.


Apres il me semble que tu te plains Et dis que comme tu fusses choite es
las de dure fortune tantost que tu fus vesve te assaillirent les mauvais
par divers travaulx de plais & de plusieurs inconveniens que ilz te
bastirent O ma chiere amie/ ce n’est pas de nouvel que les mauvais
persecutent les ingnocens qui deffendre ne se scevent ou pevent/ mais
non pourtant que ce soit a leur dampnacion/ yceulx persecuteurs/ se bien
a ton utilité sceusses user des trais de leurs dars seroient les
orfevres de ta couronne// Car dit saint jerome en l’epistre a ciprian
que de tant comme creature humaine plus est afflicte par poissance
d’ennemis & de cruauté/ et de tant plus croist la couronne de son loyer/
O folle qui plouroies par desconfort a ton foyer comme dit as ou temps
de tes tribulacions/ helas & ainsi faisoies de ton prouffit ton dommage/
se par impacience estoit Car dit saint augustin/ beau filz se tu pleures
gardes que ce soit soubz la correccion de dieu ton pere et non mie par
impacience/ car la verge dont il te bat n’est mie punicion/ ains est
signe que tu as part en son testament Car dieu t’envoioit ton mieulx et
user n’en savoies Or regarde les beaulx enseignemens des sains docteurs/
car de tel viande te vueil je repaistre comme elle soit plus penetrant
par aventure en ton entendement que force d’argumens ne seroit/ de quoy
autre foiz usay en confort de creature humaine.

¶ Helas ne t’enseigna en ce pas ci saint gregoire ou .x.e livre de
morales que tu devoies faire lors que il dit tieulx parolles/ de tant
dist il/ que nous endurons pour l’amour de nostre dieu plus paciemment
tribulacion de tant plus croist nostre esperance en lui/ Car la joye de
retribucion pardurable ne peut estre cueillie se premierement n’est
semee en affliccion/ Et escoute un beau vers de ses parolles.

    ¶ Les maulx qui ycy nous estraignent
    a aler a dieu nous contraignent.

¶ Et combien que ci devant t’aye dit/ et il est vray que cause n’eusses
de si grant affliccion avoir selon le effait des choses comme tu dis que
avoyes/ Toutevoyes puis que te reputoies mal eureuse tu l’estoies/ et
c’estoit ce qui le te faisoit estre/ Car se toy meismes ne t’i
reputasses ne le fusses mie/ Dont puis que maladie ta meismes reputacion
te donnoit medicine/ Il couvient a quelque cause que le mal soit venus
mais a celle fin que a de tes amies ou amis semblablement enformez/ ou a
d’autres simples ou ignorens du coliege chrestien a qui ce vendra a
congnoissance puisse mon remede estre valable/ le regime a garison
prouffitable de tel maladie ne te sera par moy vee/ Et ancor voy que
maistier en as/ et a propos que de pou te plaignisses.

¶ Escoute que dit Cassiodore sur le psaultier/ nous endurons dist il
petites choses mais s’il nous souvenoit bien quel buvrage pour nous but
en la croix de nostre seigneur qui a lui nous appelle/ nous avons
matiere de pacience O creature se il est ainsi que tribulacion tu ayes
receue ou reçoives/ Comment dieu t’a donné belle maniere de vivre se
bien en scez user/ car tribulacion euvre l’oreille du cuer mainte foiz
la ou mondainne prosperité la clot.




Encore de ce.


De ce que tu m’as dit/ que cheus en paroles de ce de quoy tu estoies
ignocent dont tu te troubloies O chiere amie quelle gracieuse punicion
dieu qui t’aime & n’est mie doubte que mainte fois l’as courroucié par
divers pechiez Il te volt donner par te corriger en ce que tu n’estoies
mie coulpable pour les pechiez muciez par aventure en conscience ou par
effait en quelque maniere que commis avoies/ et ainsi mainte foiz le
fait a creature Car en la chose dont n’est mie en coulpe la pugnist
d’autres divers pechiez mais c’est grant purgacion pour cellui qui est
persecutez de son innocence/ et les flaiolz des mauvais sont les
instrumens de sa gloire/ Et de cessi dit saint gerome es morales ou
.xx.e livre le tout poissant dist il seuffre en ce monde que les mauvais
griefvent les bons/ a ce que par la forsennerie des reprouvez soit
purgee de la vie des esleus/ Et n’est point a cuider que jamais dieu
souffrist que les mauvais ainsi cruellement tourmentassent les non
coulpables ou les bons se il ne veoit combien il leur prouffite/ Car
quant les mauvais forcennent sur les non courpables Adont sont luisans
les ignocens & purgiez & la perversité des mauvais plus redonde sur la
perdicion de eulx O dieux et de entre vous qui passer voulez de delices
en delices c’est a savoir des ayses de ce monde que vous desirez aux
biens celestiaulx la quelle chose ne se peut faire.

¶ Escoutez que dit saint gregoire en une omelie quant je considere dist
il job couché sus un fumier comme mesel/ Saint jehan baptiste mourant de
fain en un desert/ saint pierre estendu en crois/ saint jaques decolé de
herode/ Je pense comment dieu tourmentera a son jugement durement ceulx
que il repreuve/ quant ycy presentement il afflict si durement ceulx que
il aime et appreuve.

¶ Et entre vous mondains qui pensez en voz petites tribulacions que dieu
vous ait oubliez Et que fortune vous persecute/ Pensez vous que il soit
plus tenus a vous que a ses autres bons amis a qui tant laissa souffrir.

¶ Mais de ycelle souffrance escoutez que dit saint bernard en un sermon/
mes freres dist il nous sommes en ce monde ainsi comme en un champ de
bataille/ Et pour ce qui ycy playez de tribulacion n’apperra ne recevra
en l’autre la victoire de la couronne glorieuse/ O belle amie que cellui
est sage & vray/ Bon mainnager ou celle/ qui toutes choses scet bien
traire a son prouffit & bien en user soit de prosperité ou d’aversité/
mais comme les delices mondains soient plus fors a en user au prouffit
de l’ame que les tribulacions nostresire pour bien de creature
communement les envoie a ses mieulx amez/ Car nient plus ne lui
cousteroit a envoyer prosperité que aversité/ mais soyez certaine que
lui qui scet vostre fragilité le fait pour le meilleur de cil a qui
l’envoye/ Car non obstant que vous en murmuriez par impacience souventes
fois si estes vous plus actes en la voye de tribulacion a aler ou ciel
que ceulx qui sont nourris es grans delices/ et que il soit vray se
mescroire ne voulez comme heretiques les saintes escriptures & les sains
docteurs moult en avez de preuves/ Car se tu me dis que fortes sont a
passer les tribulacions de ce monde & que elles dueillent griement.

¶ Helas escoute a ce propos que dit crisostome sus l’euvangile saint
mathieu/ se aucun dist il repute la voye de ceste vie laborieuse pour
les afflictions qui y sont il accuse sa parece/ Car se aux maronniers
les floz de la mer & les tempestes et les gelees de l’iver aux
laboureurs/ et les playes orribles navreures aux chevaliers/ Semblent
estre legeres a porter pour l’esperance du gaing/ ou de l’onneur
temporelle que ilz en attendent par plus forte raison nous doivent
sembler aysiees les tribulacions de ce monde pour les quelles nous est
promis paradis en loyer.

¶ Ha dieux & avec tout ce pensez vous point entre vous pecheurs que ayés
desservi par maintes diffames ancore trop plus grant punicion que
souffisant n’est de pugnir l’aversité que vous avez/ Et quant dieu selon
sa misericorde amodere et adoulcist vers vous sa justice pour un pou au
regart de voz maulx vous donner a souffrir/ n’estes vous bien tenus a
lui/ Et a ce propos dit pierre de ravenne en une epistre/ dieu dist il
te pugnist en ce monde a ce que la peine temporelle rachate tes ardeures
de la mort pardurable/ Car ainsi que les pierres ne sont mises en
edefice se premierement ne sont taillees & au martel acquerries ne le
grain n’est point mis ou grenier tant que au fleau soit batu/ aussi ne
peus tu estre logié en l’edefice de paradis ne mis ou guernier des
esleus se tu n’es esprouvé par tribulacion.




Encore de reconfort.


Amie chere par ce que dit t’ay/ me semble que assez doit souffire au
propos que au premier je promis te monstrer ton tort des grans reclaims
que m’as fais de tribulacions que tu dis avoir passees n’estre si
grandes que tu les poises/ & aussi que pour ton prouffit te sont
premises se en toy ne tient. Assez me semble t’ay prouvé souffisamment/
mais sur le temps present ou quel tu dis ancores durer tes infortunes ou
tu ne vois ne cognoiz voye de relachement/ Te respondray confondant
pareillement tes oppinions en ce que tu ymagines.

¶ Et apres pour le temps avenir se croire me veulx tout ainsi comme le
bon medecin quant il a curé son malade/ lui baille regime pour preserver
sa santé & affin que il ne renchee/ te bailleray ordre et voie de estre
conduite a la vraye felicité ou tout cuer humain doit tendre comme il
n’en soit point d’autre/ Et premierement pour ce que tu ne congnoiz ton
estat le te fere congnoistre/ te feray une demande Car par ce que de toy
entens tu ne te tiens mie content de telle porcion que tu as de biens Et
t’est avis que assez de autres abondent en superfluitez de choses dont
escharceté as et souffreté/ Si te demande se tu congnoiz homme ou femme
soit prince princesse ou autre des plus remplis des biens de fortune/
soit en seignourie/ estas honneurs et autres dignitez/ je te parle de la
vie des mondains/ & en resserve les speculans nobles de entendement/ que
tu voulsisses avoir changié ton simple estat & maniere de vivre/ la
voulenté que tu as et l’amour et delit de estude que tu prens a ta vie
solitaire pour avoir la cure & charge de tant de divers faisselz/ Et
dame de conscience et l’ardeur de couvoitise & tout tel courage comme a
le plus eureux & fust meismes converti ton corps foible & femenin en
homme pour estre transmuee de condicions et de tout en cellui ou celle a
qui tu reputes es biens mondains fortune plus propice/ adont respondis a
la dame honoree/ dame a quoy me fais tu ceste demande/ ne scez tu que
couvoitise tant ne me suppedite que pour tous les biens de fortune
voulsisse avoir changié mon estre a cellui d’un autre pour toutes ses
richesces/ O folle et comment peut estre que apres tele sentence tu te
reputes mal eureuse et puis que mieulx te souffist ton estat que cellui
de un tres poissant riche ne feroit/ pour le laissier donc te reputes tu
plus riche c’est a savoir plus eureuse que le plus riche qui soit tant
que touchent ses richesces/ Car comme toute chose tende tous jours a sa
perfeccion/ se tu reputoies le plus riche plus parfaict que toy/ tu
vouldroies doncques ton estre avoir au sien changié/ Et ainsi peus tu
veoir que le mal ou le bien que les gens ont leur vient par cuider et
par oppinion & non mie des choses/ Car cellui est riche qui plus ne
couvoite/ et cellui est povre qui art en desir/ amie chiere ci n’as pas
mauvaise cause/ or te souffise doncques l’estat ou dieu t’a appellee/ Et
de ce que tu te complains de la charge de plusieurs parens que il te
faut avoir/ prens la en pacience et fais ton devoir/ Car tout est pour
ton merite/ & te resjouis en ce que ilz sont bons/ & espere en dieu
comme dit le psalmiste et fais bien/ Car il ne te fauldra ja/ nature est
de pou soustenue qui vit a la neccessité de nature il se sauve. Mais qui
vit selon les supperfluitez de delices il se pert et dampne & accourse
ses jours.




Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture.


Mais pource que tu n’as pas ancore la mer de ton pelerinage toute passee
te tendray de promesse verité sus l’enseignement de ton vivre.

¶ Tu qui felicité desires se parvenir y veulx viens a moy je te ouvreray
la voye/ la quelle non obstant que toute soit plaine de tribulacions/
aler n’y peus par autre chemin et pour ce que entre les autres peines
dures a souffrir semble entre vous mondains que injure et persecucion
sanz cause receue de voz prochains soit a porter paciemment la plus fort
chose fonderay l’entree de nostre oroison sur ce que dit a ce propos
saint gregoire sur ezechiel/ tous les biens dist il que nous faisons
sont nulz se paciemment nous ne endurons les maulx que recevons de noz
prochains Et de ce nous donna exemple Jhesucrist qui plus souffry de son
meismes peuple que autre homme ne pourroit souffrir.

¶ Mais bien dit voir grisostome/ quant sur l’epistre saint paul aux
ebrieux il dist/ il n’est riens qui si grant confusion au persecuteur
qui autrui persecute face que de endurer paciemment & forment ses
injures/ et ne lui en rendre vengence en fait ne en parolle.

¶ De ce parla hue de saint victor ou .iii.e livre de l’ame/ grant vertu
dist il est a cellui qui est blecié se il espargne cellui a qui il
pourroit nuire Car c’est la plus noble victoire que homme puist avoir
que de espargner par vertu cellui a qui grever pourroit.

¶ Et que les mauvais soient communement persecuteurs des bons/ ne fus
pas repunante a ce que devant est dit/ quant je dis a mon amé boece que
ceulx de nostre prophession desirent a estre haÿs des mauvais/ Car comme
toute chose hee son contraire ne seront pas leurs hayneulx participans
de leurs mauvaistiez.

¶ O gens mortieulx ce dit boece pour quoy la hors querez la beneurté qui
assise dedens vous est ignorence vous deçoit/ car la pure vraye beneurté
est avoir de soy meismes la seigneurie Car homme n’a si chere chose
comme soy meismes Et ce ne lui peut fortune tolir/ Et affin que tu
saches que es choses de fortune ne peut avoir felicité je te dy que
felicité et beneurté sont les souverains biens de nature Et ce est
raison et entendement & bien souverain ne peut estre perdus/ Et ces
meismes paroles que je te dis pareillement dis a mon amé boece// Donques
entre vous usez des dons de dieu et laissez aler ceulx de fortune/ et
apprenez a seignourir vous meismes & adont ne vous seront tant grevez a
porter les tribulacions pour l’amour de cellui pour qui le ferés.

¶ Car dit a ce propos saint gregoire ou .v.e de morales se la pensee de
l’omme est adreciee en dieu par forte entencion/ quanqu’i est amer en
ceste vie lui semble doulx/ & tout quanque afflict il repute repos.

¶ Ancore dit le benoit gregoire sur ezechiel dieu avec ses dons nous
mesle ses fleaulx/ a ce que tout quanque mondainnement nous delictoit
nous semble amer/ et affin que en noz courages un feu se alume de
charitable pacience qui nous excite tous jours au desir du ciel. Et
ainsi nous morde delitablement/ nous tourmente souefvement/ et qui nous
contriste joyeusement Ha dist il ou premier de morales/ le benoit job
quant dieu souffroit que il fust de l’ennemi frappez/ autant de voix de
pacience comme il rendoit en ses tourmens autant de dars il regitoit
contre son adversaire/ Et assez plus grans coups lui donnoit que il ne
soustenoit.

¶ Et en ce dist il lui meismes est discernee la pensee juste de la
pensee injuste Car la juste en tous estas et en toutes adversitez
confesse la louange du tout poissant/ & l’injuste ne fait que murmurer.

¶ Et de ce dit saint ambroise sus le pseaume de _Beati inmaculati_/ En
ce as tu le grant merite de pacience se toy existant subget aux
tribulacions tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevé de maladie tu
rens graces/ et en quelque estat que tu soies plus afflict & tant plus
prouffites.

¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience se toy existant subget aux
tribulacions/ tu loes les jugemens de dieu/ se tu grevez de maladie/ tu
rens graces & en quelque estat que tu soyes plus afflict et tant plus
prouffites.

¶ Que te diroye de la noble vertu de pacience/ c’est celle en toute
somme qui est la maistre portiere de paradis/ et sanz qui les autres
vertus ne tiennent lieu Et ce conferme Cassiodore sur le psaultier/
pacience dist il est la vertu qui vaint toutes choses non mie en
combatant mais en souffrant non pas en murmurant mais en rendant graces
C’est la vertu qui nettoie toute l’ordure de volupté & qui a dieu rent
les ames cleres.




Instruit philosophie a despriser les biens mondains.


Et de ce que entre vous tant amez les assemblemens des richeces/ & tant
vous traveillez pour ycelles m’en tairay je dont non feray Car combien
que par aventure petit penetreront mes parolles es courages obstinez/
non pourtant viennent avant les notables au propos de leur vitupere/
lesquieulx le dit boece nostre amé recite en son livre de reconfort/ et
les approuvons par l’escripture sainte en la maniere encommenciee/ et
avisez quelle introite d’ycelles/ veulx tu dist il assembler peccune il
couvient que tu la soubtrayes a qui que soit veulx tu avoir dignetez tu
seras ou desdaing des envieux/ veulx tu surmonter les autres/ tu seras
en peril de hayneux/ se tu montes en poissance/ la paour de decheoir ne
te laira point/ veulx tu renommee avoir il te couvendra moult souffrir
veulx tu delices/ tous ceulx te despriseront qui serf te verront a tes
aises/ Et pour ce peus notter que ces voies ne font pas l’omme riche
C’est a savoir assouvy.

¶ Escoute ancore ces propres parolles/ certes dist il les richeces
n’estaignent pas l’avarice que l’en ne peut saouler/ ne la poissance ne
fait estre seur cellui qui de lians est enchaennez/ Et quant povoir
vient aux mauvais il ne les fait pas bons mais descueuvre et monstre
leur mauvaistie dont veu ce que vous avez joye de mettre voz cures a
choses qui autre sont que vous ne les nommez & que l’en peut assez
reprendre pour ce que elles ne sont ne vrayes poissances ne vrayes
dignitez/ Je puis conclurre de toute fortune que il n’y a chose qui a
desirer face ne qui naturellement soit bonne quant tous jours elle ne se
joint pas aux bons & que a ceulx a qui elle se joint elle n’est pas
bonne.

¶ Et assez s’acorde a ceste sentence aristote quant ou livre de bonne et
de male fortune dit que la ou est le plus grant engin et entendement
n’est mie tous jours la meilleur fortune/ Et souvent avient que la ou
fortune est plus propice n’est mie le plus grant entendement.

¶ Et ce est contre les arrogans qui presument d’eulx/ Et cuident que
quant fortune leur est propice que ce soit pour leur grant savoir ou
value/ mais comme l’experience du contraire nous soit magnifeste veons
le plus des bons et de cler engin mal fortunez es biens mondains/ Et
pource est voir le proverbe des lombars qui dit/ a fol aventureux n’a
lieu sens/ mais dit boece que plus prouffite la male fortune que la
bonne Car la bonne fait semblant de beneurté/ Et ainsi elle ment comme
en ses biens n’ait beneurté/ Et la mauvaise est vraye en ce que elle
monstre par soy changier que elle n’a point d’estat seur/ La bonne
donques deçoipt & la mauvaise fait sage par l’usage de tribulacion/ Et
certes Comme il dit les richesces ont donné nom a maint mauvais & sanz
vertu/ Et pour ce cuident yceulx que il ne soit autre bien ne plus digne
chose que avoir tresors pierres precieuses et grans seignouries/ O viles
dignetez et poissances du monde que entre vous exaussiez jusques au ciel
et ne savez qu’est povoir & vraye digneté/ & se mauvais vous a/ onques
grant elevacion d’eaues ou de flames plus ne dalmagierent.

¶ Helas homme/ et se tu regardes ton corps/ tu ne trouveras pas plus
foible chose/ Car le mors de un chien ou une mouche/ se elle entre
dedens toy t’occist aucune foiz/ et de quoy peus tu qui tant te
orgueillis avoir povoir sus autre/ ce n’est ou corps & es choses de
fortune/ mais a force le cuer qui est franc & fort par le conduit de
raison n’est mie en toy de mouvoir.




Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité mondaine ne
fait a priser.


Et au propos ancore que dieux ait en reprobacion les mauvais riches &
que les simples ne se doient esmerveiller se il leur seuffre avoir des
biens temporeulz/ et consent que les bons soient persecutez Retournons
aux saintes escriptures/ Car de ce dit Bede sur l’epistre saint jaques
Ne soyez dist il point indignés se les mauvais flourissent en ce monde/
Et vous serfs de dieu avez a souffrir/ Car ce n’est pas de chrestiane
religion estre exaussez en ce monde/ mais estre abaissiez/ & deprimez
Les mauvais n’ont riens ou ciel ne vous riens en ce monde/ Et pour ce en
esperance du bien ou vous tendez quelque chose que il vous aviengne en
la voye de ceste vie vous en devez esjouir.

¶ Et ce tesmoigne saint gregoire en la .xl.e omelie sur les euvangiles/
qui dit ainsi/ cellui que dieu het il lui seuffre avoir prosperité en ce
monde/ Et aussi retient il cellui que il aime soubz le frain de
tribulacion Et de ce monstra bien exemple mon seigneur saint ambroise
quant une foiz aloit par le pays & se volt logier pour la nuit en un
hostel/ si appella l’oste/ Et ainsi comme il avoit de coustume lui
demanda de sa fortune/ Le quel lui respondi que toute sa vie avoit
flouri en honneurs & habondé en richeces ne onques ne estoit decheu ne
en adversité maladie ne autre desplaisir/ mais tous jours lui estoient
venus ses choses a souhaid/ Adont ces choses ouyes saint ambroise s’en
parti/ et logier ne s’i volt combien que il fust nuit/ Et dit que
continuee succession de temporelle prosperité n’est mie signe de estre
amé ne esleu de dieu/ ains est signe de pardurable dampnacion.

¶ Viengne avant Seneque & die a nostre propos son dit. voy le ci en la
.lxxxvii.e de ses epistres/ Se tu veulx avoir dist il la vraye
extimacion de l’omme/ et savoir quel ou quen grant il est/ regardes le
tout nu/ ostes son patrimoine oste ses honneurs & les autres mençonges
de fortune et le regardes se tu peus non pas ou corps mais ou courage/
et la verras tu quel et com grant il est la saras tu se il est grant du
sien ou de l’autruy.




Conclusion des choses susdites & ancore de ce.


N’avons nous mie assez prouvé qu’en richeces et honneurs mondains n’est
pas felicité/ donques nous couvient tendre a la trouver/ mais comme en
ce monde ne peut estre trouvee/ ancore treant a nostre propos dire nous
en couvient/ si appert assez estre vray ce que dit boece/ Les choses
n’ont pas honneur selons elles/ mais selons l’extimacion & opinion des
gens qui le donnent et rostent comme il leur plaist/ Et donques puis que
injustement se pevent tieulz honneurs donner je conclus que elles sont
villes O donques vaine gloire/ ce dist il respandue en multitude de
gens/ tu n’es autre chose fors enfleure d’oreilles/ Car on voit souvent
louer par faulse oppinion de peuple ceulx qui n’ont mie en eulx le bien
que on y dit/ Et ce ne peut estre sanz leur grant honte quant ilz
sentent que ce leur fault dont ilz sont louez/ Et se il est ainsi que
preudomme doye estre loué pour sa vertu/ que lui chaut quant il ne
quiert pas la faveur du peuple/ mais la bonté de sa conscience/ Et se on
tient belle chose avoir renommee/ aussi doit on tenir a laide qui ne
l’a.

¶ Que diray je dist il des delices du corps quant on les quiert il
donnent grant traveil/ quant on les a ilz tournent a ennuy/ quant on les
a eues ilz engendrent enfermetez & tele est la paye de ceulx qui leur
fin y mettent// Or est donques ainsi/ ce dist il que richeces honneurs/
royaumes/ seigneuries forces beautez et poissances ne donnent pas de
felicité/ Car riens digne n’est de estre appellé felix comme dit est
devant se il n’est perpetuel/ et comme teles choses ne le soient n’est
pas cellui felix qui les a/ mais voy cy que il dit apres/ veulz tu
savoir dist il la vraye felicité qui repaist l’ame et donne souffisance/
Or tourne ta force d’autre part/ si verras celle qui donne poissance
gloire renommee & delit tout ensemble/ & ce est dieu autre chose ne
l’est Sicomme ou dit livre de boece je prouvay par sa bouche/ et les
fleurs de ycellui je ay cueillies et appliquees ycy a ton propos pour
faire d’une sorte un gracieux chappel avec les dis des sains docteurs
pour ton livre/ a la fin comme victorieux couronner/ Or viengnent les
roses de la sainte escripture avec noz violettes et frappons ancore
contre les arrogans du monde.

¶ Tu ce dit saint augustin qui tant aimes le monde pour quel loyer
guerriez vous/ n’est ce pas vostre plus grant esperance que vous
puissiés estre amis du monde. helas et quel bien est cestui au quel on
ne peut venir fors par grans inconveniens. homme homme laissez perir
toutes ces vanitez/ et te convertis a la seule inquisicion qui a gloire
et n’a fin/ & qui est ce/ ce est seul dieu.

¶ Helas ce dist il ancore en une epistre/ ce monde ci plus est perilleux
quant il se monstre souef/ que quant il se monstre moleste/ & plus a
eschever quant plus attrait a soy amer.

¶ De ce meismes ancore dit sur l’epistre saint jehan le monde dist il
est plain de tribulacions et voy cy comment chacun l’aime/ que seroit ce
se il estoit paisible/ s’il estoit bel comment t’y appuyeras tu quant si
lait & tant conturbez si fort l’embraces/ Et quant des espines ne peus
retraire ta main/ bien cueilleroies des fleurs se elles y estoient.

¶ A ce propos dit saint gregoire en une omelie/ veez cy dist il le monde
qui est en soy tout seq/ Et toutevoyes ancore flourist il en noz cuers
par tout mort/ par tout plain de plour/ et par tout en desolacion/ nous
sommes de tous costez ferus/ nous sommes de tous lez remplis de
amertume/ Et toutevoyes de nostre avugle charnelle pensee et
concupiscence nous aimons ces amertumes nous les suivons fuyant nous
nous espinons a lui trebuchant/ et pourtant que il trebuche nous ne nous
povons tenir avec lui sanz tresbucher.

¶ Mais dit saint bernard en un sermon/ A qui jhesucrist prent a sembler
doulx/ c’est neccessité que lui semble le monde amer.

¶ Encore dist il sur quantiques/ ce monde est tout plain d’espines ilz
sont en terre ilz sont en ta char/ & converser entre ces espines & n’y
estre point blecié c’est de vertu divine et non pas de nostre fragilité.

¶ Mais de ce dit saint gregoire es morales ou .xxiii.e a ses esleuez qui
vont a lui/ nostre seigneur a fait le chemin aspre a celle fin que tant
ne leur plaise le repos de ceste vie en fourme de la doulceur du chemin
que ilz ne se delitent plus a cheminer longuement que a tost venir au
terme de leur repos/ & que tant ne leur plaise la voye que ilz en
oublient leur propre pays/ C’est le ciel. Mais voy cy que il dit apres
les cuers de esleus dist il qui attendent les joyes de paradis prennent
cuer et force es adversitez Car de tant que croist plus la bataille de
tant attendent ilz plus glorieuse victoire/ les desirs des esleus si
prouffitent tant que ilz sont ainsi affermez es tribulacions comme le
feu ardant que le vent rabat la flame/ et toutevoye le fait plus
croistre et combien que il semble que estaindre le doye il le enforcist.




Encore de ce mesmes.


Or trayons au terme de nostre oeuvre au quel te desir a l’utilité de ton
sens conduire c’est a savoir a la conclusion de la vraye felicité/ ou tu
dois tendre comme nous ayons assez monstré par maint dignes preuves que
sont faulces felicitez combien que la cure des choses morteles s’i
traye/ n’est mie celle/ ains est celle qui a en soy bien parfaict & qui
la plus ne peut desirer/ c’est dieu comme dit est/ car on ne peut penser
riens meilleur de lui/ il couvient dont que son bien soit parfaict/ Car
autrement ce dit boece/ et il est vray ne seroit il pas prince des
autres biens/ Si avons dit ce dit boece & aussi nous l’acordons que
felicité est souverain bien/ et tu vois que homme est beneureux quant il
a felicité/ & felicité si est dieu/ dont est homme dieu quant il a
felicité ainsi comme ceulx qui ont droiture sont droituriers/ & ceulx
qui ont sapience sont sages Et ainsi ceulx qui ont divinité sont dieux/
& cil qui a felicité est dieu dont tous beneurez sont dieux/ mais par
nature il n’est que un dieu et par participacion il en est moult/ Et ces
parolles sont le propre texte du dit livre de boece en consolacion/ Or
avons trouvee celle benoite felicité que desirer devons/ mais que ferons
nous de celle felicité nous promet elle riens.

¶ Viengne saint gregoire en son omelie et le nous die/ veez le cy/ se
nous considerions bien quelles et comment grans choses nous sont
promises es cieulx/ nous reputeriens villes toutes les choses que nous
pourriens avoir en terre/ Car toute la substance terrienne comparee a la
souveraine felicité nous est plus a charge que a ayde/ la vie temporelle
comparee a la vie eternelle est plus mort que vie/ Car le deffault de
nostre cotidiane corrupcion n’est mais que une prolixité de mort Mais
qui est ce qui peut raconter ne entendement comprendre com grandes sont
les joyes de celle souveraine cité/ estre tous jours present es
compaignies des anges avec les benois esperis/ estre assistant a la
gloire de nostre conditeur/ veoir le visage de dieu & la benoite trinité
face a face/ regarder sa lumiere incomprehensible/ n’avoir jamais paour
de la mort/ & soy esjouir du don de perpetuité.

¶ De celle benoite trinité un petit parlons pour plus grant efficace
selon les diz des sains docteurs/ et en elle vueil que soit terminee ton
oeuvre qui te doint grace que ainsi soit a la fin ta vie/ Mais comment
oseras tu entrer a la mediter toy povre miserable creature.

¶ Car dit saint augustin ou livre de la trinité que tout l’ost de pensee
humaine n’est pas assez fort pour soy ficher en celle excellente lumiere
pardurable se elle n’est bien purgee par justice de foy. Mais que plus
soubtilment je t’en declarasse n’est neccessité.

¶ Car dit saint augustin ou sus dit livre que l’en ne peut plus
perilleusement ailleurs errer ne l’en ne peut riens plus laborieusement
querir/ ne l’en ne peut riens plus prouffitablement trouver que la
benoite trinité du pere du filz et du saint esperit en unité de essence
divine.

¶ Mais de ce dit il lui mesmes ou livre des paraboles de nostre seigneur
parlant contre arrian/ nous veons dist il le souleil ou ciel courant
luisant et chault/ aussi/ ces .iii. choses a le feu mouvement lueur et
chaleur/ Se tu peus donques dist il faulx arrian devise l’une qualité de
l’autre ou souleil/ ou ou feu/ Et puis si devise la trinité/ Et pour ce
comme dit saint bernard en un sermon Trop enquerir de la benoite trinité
c’est perverse curiosité/ fermement croire et tenir de la trinité ainsi
que tient l’eglise et la foy catholique/ c’est seureté.

¶ Il est ce dit ancore saint augustin en un sermon plusieurs trinité/
c’est a savoir la trinité qui nous a fait/ la trinité qui nous deffait/
la trinité qui nous refait/ la trinité qui nous a fait/ c’est la trinité
pardurable/ le pere/ le filz et le saint esperit. La trinité qui nous
deffait c’est une trinité miserable Quelle est elle/ c’est non
puissance/ ignorence/ et concupiscence/ et par ceste trinité miserable
est deffaite nostre trinité raisonnable C’est a savoir memoire
entendement et voulenté Car quant nostre ame se dechiet de la trinité
pardurable/ la memoire chiet en non puissance l’entendement en ignorence
la voulenté en concupiscence/ la trinité qui nous reffait/ c’est une
trinité prouffitable/ foy/ esperance/ charité/ foy des articles des
commandemens & des sacremens/ esperance de pardon de grace et de gloire/
Charité de pur cuer de bonne conscience & de foy non pas fainte.

¶ Mais veoir la benoite trinité ainsi que elle est c’est la vraye
felicité seule & souveraine/ et non autre ou doit estre le terme et fin
du desir de toute humaine creature/ a la quelle felicité te vueille
conduire celle benoite trinité un seul dieu regnant ou siecle des
siecles amen.




Respont christine a philosophie & la remercie en la personne de
theologie.


Adont se tut la dame honoree/ et je commençay a ainsi dire/ O tres
souveraine aministrarece de la pasture/ et du restorant medicinable qui
ne garist pas tant seulement le malade par tribulacion navré/ mais lui
rent vie force & vigueur par le doulx ongnement et liqueur de ton
reconfort/ Toy philosophie l’armoire et corps de toute sciences/
lesquelles sont tes membres/ Je apperçois que il est vray ce qui est dit
de toy sicomme saint augustin recite Car tu es toutes sciences et a tes
amez te demonstres tele qu’il te plaist selon la voye que on te veulent
enquerre & a moy simple de ta digne grace t’es monstré en fourme de
sainte theologie pour repaistre mon ignorent courage le plus sainement a
mon salu/ ne m’as pas fait comme a ta chamberiere/ mais mielx que tu ne
promis/ C’est a savoir moy servie de tes plus prouffitables et dignes
mes qui viennent de la table de dieu le pere/ dont te mercy C’est
assavoir dieu qui est toy plus que ne saroie dire Et vrayement es tu
toutes les sciences/ Car tu es vraye phisique/ c’est a savoir theologie
en tant que tu es de dieu/ Car toutes les causes de toute nature sont en
dieu createur/ Tu es ethiques/ car bonne vie et honneste que tu formes &
apprens/ c’est a savoir a amer/ ce qui est a amer c’est dieu et le
prochain/ & ce la toy theologie monstres tu en la science de phisique &
de ethiques/ Tu es logique car la lumiere et la verité de l’ame
raisonnable tu demonstres/ tu es politique Car tu apprens a bien vivre/
Car nulle cité n’est mieulx gardee que par le fondement et l’eaue de foy
et de ferme concorde a amer le bien commun qui est tres vray et
tressouverain/ c’est dieu de qui tu parles en la science en quoy a moy
t’es demonstree/ c’est a savoir theologie. O theologie que je vueil
louer dame en toy souveraine philosophie. Je congnois que quant homme
apprent hors de toy/ se il lui est nuisible par toy il en scet la
verité/ Se il lui est prouffitable aussi tu lui demonstres/ et quanque
il ara peu apprendre ailleurs se en toy ne refiert/ tout sera parte de
temps et ignorence/ Car tu es la sapience vraye/ ne autre chose n’est
que toy en qui est trouvé ce que ailleurs ne peut estre c’est vraye
felicité.

¶ Et ce tesmongne de toy saint gregoire ou prologue du livre des morales
que tu as en publique ce de quoy tu peus nourrir les petis/ et de ce
l’experience en ma personne le me tesmongne/ Et gardes en ton secret ce
dont tu peus prendre les haulx entendemens en grant admiracion/ Car tu
es ainsi comme un fleuve qui semble estre si pou parfont que un aygnel y
prent pié/ Et si est si parfont que un elephant y peut nagier/
Merveilleux est ton fleuve sainte theologie qui si pou semble estre
parfont a un aignel/ c’est a entendre a un bon simple qui y prent pié/
Et si est si parfont a un elephant orgueilleux/ c’est aux plus haulx
entendemens qui a peine te scevent et non toute comprendre.

¶ Et pour ce dit bien le benoit saint jerome en l’epistre a sa bonne
devote la vierge de mecriade/ use dist il de la leçon de theologie en
lieu de miroir pour corriger ce que tu as en toy lait/ et pour garder ce
que tu as en toy bel/ et te faire plus belle/ Car toy sainte theologie
as un miroir qui monstre les ordures et les apprent a nettoyer.

¶ De toy et a ta louange de rechief dit le benoit docteur saint jerome
qui tant cherement t’ama que ainsi comme les tenebres de la nuit point
n’obscurcissent la clarté des estoilles du ciel Ainsi nulle mondaine
iniquité ne peut obscurcir les ames qui sont appuyees au firmament de
sainte theologie/ O dame sainte theologie/ tu m’as donné certaineté de
ce que dit de toy le benoit saint gregoire ton docteur ou premier livre
de morales que ta doctrine & sainte escripture aucune fois nous est
viande aucune foiz nous est beuvrage en lieu plus obscurs/ lors est ce
que elle nous est viande Car quant nous l’exposons c’est la viande que
nous machons/ et quant nous l’entendons c’est ainsi comme la viande que
nous avalons mais es lieux ou elle est plus clere elle nous est buvrage
Car quant elle n’a besoing de exposicion/ nous la humons ainsi comme
nous la trouvons// Dame que puis je dire de toy et du bien que tu m’as
fait/ de la sainte viande de ton repast qui m’a rassadiee & fait
congnoistre la ignorence de ma descongnoissance par quoy je congnoiz mon
tort par ce que tu m’as conclus/ Si di que toy sainte theologie et
divinité es une tres grasse viande qui contiens en toy toute delices
ainsi comme la manne qui aux juifs plouvoit du ciel qui assavouroit en
la bouche de chacun selon sa voulenté// Ainsi me depars de mon avision
la quelle je ay partie sicomme en .iii. differences de .iii. pierres
precieuses en leur proprietez/ la premiere est en fourme de dyamant/ le
quel est dur et poignant/ et tout soit il cler hors oeuvre quant il est
relié et mis en l’or il semble estre obscur et brun/ et toutefoiz ne se
meut sa vertu qui est moult grande/ La seconde est le kamayeu en qui
plusieurs visages et figures diverses sont empraintes/ et est son siege
brun et l’emprainte blanche/ La tierce au rubis precieux cler et
resplandissant et sanz nue obscure qui a proprieté de tant plus plaire
comme plus on le regarde.


Explicit le livre de l’avision de christine.




Table des chapitres

[Note: Cette table des chapitres ne figure pas dans l’original.]


                                                                feuillet
  La premiere partie parle de l’image du monde et les merveilles
  que elle y vid.                                                      1
   1. Premierement dit christine comment son esperit fu transporté.    1
   2. Ci dit l’ordre comment le dit ymage estoit repeus.               1
   3. Comment christine fu transgloutie ou corps du dit ymage.         2
   4. Comment elle se transporta de lieu en autre.                     2
   5. L’acointance que elle desiroit a avoir a une dame portant
        couronne.                                                      3
   6. La complainte de la dame couronnee a christine.                  3
   7. Ci devise la dame couronnee de son commencement.                 4
   8. Dit la dame couronnee de ses gestes.                             4
   9. Encore de ce mesmes.                                             5
  10. Des bons et des mauvais gouverneurs de la dame couronnee.        5
  11. Ci parle la dame couronnee du bon gouverneur que elle ot.        6
  12. De .ii. nobles oyseaulx de proye.                                8
  13. Ci dit la dame couronnee des contens qui furent pour elle
        gouverner.                                                     8
  14. Ci se plaint la dame de ses Enfans.                              9
  15. Ci dit comment les vertus au monde sont emprisonnees.           10
  16. Ci dit des vices qui queurent en general.                       11
  17. Du vent de perdicion qui cuert par la terre.                    13
  18. De la punicion des vices.                                       13
  19. Encore de ce mesmes & complainte de la dame.                    14
  20. De ce mesmes.                                                   15
  21. Encore du vitupere des vices en general.                        16
  22. Piteuses paroles de la dame couronnee & recors de la sainte
        escripture.                                                   17
  23. Encore de sa complainte.                                        18
  24. Des punicions des vices.                                        18
  25. Encore de ce mesmes.                                            19
  26. Encore de ce.                                                   20
  27. Encore de ce.                                                   21
  28. Encore de ce.                                                   22
  29. La fin de la complainte de la dame couronnee.                   23

  La seconde partie parle de dame oppinion et de ses ombres.          25
   1. Ci dit de quoy ces ombres servoient.                            25
   2. Comment l’ombre araisonna christine.                            26
   3. Les choses que l’ombre disoit a christine.                      27
   4. Encore de ce mesmes.                                            29
   5. Ci dit l’ombre les oppinions de philosophie sus le principe
        du monde.                                                     29
   6. Ancore de ce mesmes.                                            31
   7. Les contre dis d’aristote aux autres philosophes.               33
   8. Encore des oppinions.                                           34
   9. De ce mesmes.                                                   36
  10. Encore de ce.                                                   37
  11. Ancore des oppinions des philosophes.                           38
  12. Cesse a parler des oppinions.                                   39
  13. De l’ombre la poissance que elle a.                             40
  14. Encore dit de sa poissance.                                     41
  15. Encore de ce mesmes & des seignouries.                          42
  16. Dit ancore l’ombre des choses que elle a faites faire.          43
  17. Ce que l’ombre disoit des arquemistes.                          44
  18. Des nobles que l’ombre dit que elle deçoit.                     46
  19. Ce que l’ombre disoit des gens d’armes.                         46
  20. La fin de l’oroison de l’ombre.                                 47
  21. Responce de christine a l’ombre.                                48

  La tierce partie parle de confort de philosophie.                   50
   1. Ce que christine dit a philosophie.                             51
   2. La complainte de christine a philosophie.                       52
   3. Dit christine de ses bonnes fortunes.                           53
   4. Entre a parler christine de ses males fortunes.                 54
   5. Encor de ce mesmes.                                             55
   6. Balade.                                                         58
   7. Encore continue christine sa complainte.                        59
   8. Dit christine comment elle mua sa maniere de vivre.             59
   9. Se plaint christine de jeunece.                                 60
  10. Dit christine comment elle se mist a l’estude.                  61
  11. Le plaisir que christine prenoit a l’estude.                    62
  12. Se plaint christine de fortune qui lui osta ses bons amis.      63
  13. Encore de ce mesmes.                                            63
  14. Conclut christine sa complainte a philosophie.                  64
  15. Respont philosophie a cristine.                                 65
  16. Le reconfort de philosophie.                                    66
  17. Encore de mesmes.                                               67
  18. Blasme philosophie christine de ce que elle se plaint.          69
  19. Encore de ce mesmes.                                            70
  20. Encore de ce.                                                   71
  21. Encore de reconfort.                                            72
  22. Le reconfort de philosophie aleguant la sainte escripture.      73
  23. Instruit philosophie a despriser les biens mondains.            75
  24. Ci dit comment selon les diz de sainte escripture prosperité
        mondaine ne fait a priser.                                    76
  25. Conclusion des choses susdites & ancore de ce.                  76
  26. Encore de ce mesmes.                                            78
  27. Respont christine a philosophie & la remercie en la personne
        de theologie.                                                 79




NOTES DU TRANSCRIPTEUR


On transcrit le manuscrit «Français 1176» de la bibliothèque nationale
de France, daté 1405-1406.

L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à
l’original. On a résolu les abréviations par signes conventionnels (de
type Cõe pour Comme), ajouté accents, cédilles et apostrophes, et
distingué entre i/j, u/v. On a introduit un nouveau paragraphe à chaque
pied de mouche (¶), et mis systématiquement une majuscule en début et un
point en fin de paragraphe.

Les corrections figurant sur le manuscrit, réputées de la main de
Christine de Pizan, ont été appliquées. On s’est permis également de
corriger certaines erreurs manifestement dues au copiste.

On a conservé la phrase en double «se toy existant subget aux
tribulacions...» qui figure également en double dans le manuscrit 10309
de la bibliothèque royale de Belgique.






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Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™
electronic works

1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or
destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your
possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a
Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound
by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person
or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works
even without complying with the full terms of this agreement. See
paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this
agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™
electronic works. See paragraph 1.E below.

1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the
Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection
of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual
works in the collection are in the public domain in the United
States. If an individual work is unprotected by copyright law in the
United States and you are located in the United States, we do not
claim a right to prevent you from copying, distributing, performing,
displaying or creating derivative works based on the work as long as
all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope
that you will support the Project Gutenberg™ mission of promoting
free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg™
works in compliance with the terms of this agreement for keeping the
Project Gutenberg™ name associated with the work. You can easily
comply with the terms of this agreement by keeping this work in the
same format with its attached full Project Gutenberg™ License when
you share it without charge with others.

1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work. Copyright laws in most countries are
in a constant state of change. If you are outside the United States,
check the laws of your country in addition to the terms of this
agreement before downloading, copying, displaying, performing,
distributing or creating derivative works based on this work or any
other Project Gutenberg™ work. The Foundation makes no
representations concerning the copyright status of any work in any
country other than the United States.

1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1. The following sentence, with active links to, or other
immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear
prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work
on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the
phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed,
performed, viewed, copied or distributed:

    This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
    other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
    whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
    of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
    at www.gutenberg.org. If you
    are not located in the United States, you will have to check the laws
    of the country where you are located before using this eBook.
  
1.E.2. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is
derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not
contain a notice indicating that it is posted with permission of the
copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in
the United States without paying any fees or charges. If you are
redistributing or providing access to a work with the phrase “Project
Gutenberg” associated with or appearing on the work, you must comply
either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or
obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg™
trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.3. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any
additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms
will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works
posted with the permission of the copyright holder found at the
beginning of this work.

1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg™.

1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg™ License.

1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including
any word processing or hypertext form. However, if you provide access
to or distribute copies of a Project Gutenberg™ work in a format
other than “Plain Vanilla ASCII” or other format used in the official
version posted on the official Project Gutenberg™ website
(www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense
to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means
of obtaining a copy upon request, of the work in its original “Plain
Vanilla ASCII” or other form. Any alternate format must include the
full Project Gutenberg™ License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg™ works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg™ electronic works
provided that:

    • You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
        the use of Project Gutenberg™ works calculated using the method
        you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed
        to the owner of the Project Gutenberg™ trademark, but he has
        agreed to donate royalties under this paragraph to the Project
        Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid
        within 60 days following each date on which you prepare (or are
        legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty
        payments should be clearly marked as such and sent to the Project
        Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in
        Section 4, “Information about donations to the Project Gutenberg
        Literary Archive Foundation.”
    
    • You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
        you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
        does not agree to the terms of the full Project Gutenberg™
        License. You must require such a user to return or destroy all
        copies of the works possessed in a physical medium and discontinue
        all use of and all access to other copies of Project Gutenberg™
        works.
    
    • You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of
        any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
        electronic work is discovered and reported to you within 90 days of
        receipt of the work.
    
    • You comply with all other terms of this agreement for free
        distribution of Project Gutenberg™ works.
    

1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project
Gutenberg™ electronic work or group of works on different terms than
are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing
from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of
the Project Gutenberg™ trademark. Contact the Foundation as set
forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
works not protected by U.S. copyright law in creating the Project
Gutenberg™ collection. Despite these efforts, Project Gutenberg™
electronic works, and the medium on which they may be stored, may
contain “Defects,” such as, but not limited to, incomplete, inaccurate
or corrupt data, transcription errors, a copyright or other
intellectual property infringement, a defective or damaged disk or
other medium, a computer virus, or computer codes that damage or
cannot be read by your equipment.

1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the “Right
of Replacement or Refund” described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg™ trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg™ electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from. If you
received the work on a physical medium, you must return the medium
with your written explanation. The person or entity that provided you
with the defective work may elect to provide a replacement copy in
lieu of a refund. If you received the work electronically, the person
or entity providing it to you may choose to give you a second
opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If
the second copy is also defective, you may demand a refund in writing
without further opportunities to fix the problem.

1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO
OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT
LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of
damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement
violates the law of the state applicable to this agreement, the
agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or
limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or
unenforceability of any provision of this agreement shall not void the
remaining provisions.

1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in
accordance with this agreement, and any volunteers associated with the
production, promotion and distribution of Project Gutenberg™
electronic works, harmless from all liability, costs and expenses,
including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or
additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any
Defect you cause.

Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™

Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of
computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
from people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s
goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg™ and future
generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.

Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
U.S. federal laws and your state’s laws.

The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West,
Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
to date contact information can be found at the Foundation’s website
and official page at www.gutenberg.org/contact

Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread
public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state
visit www.gutenberg.org/donate.

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations. To
donate, please visit: www.gutenberg.org/donate.

Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be
freely shared with anyone. For forty years, he produced and
distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of
volunteer support.

Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
edition.

Most people start at our website which has the main PG search
facility: www.gutenberg.org.

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including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
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