L'art de chevalerie selon Vegece

By de Pisan Christine and Flavius Vegetus Renatus

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Title: L'art de chevalerie selon Vegece

Author: de Pisan Christine
        Flavius Vegetus Renatus

Release date: July 27, 2024 [eBook #74141]

Language: French

Original publication: Paris: Antoine Vérard, 1488

Credits: Laurent Vogel and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))


*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ART DE CHEVALERIE SELON VEGECE ***






L’art de chevalerie selon Vegece.




Cy commence la table de ce present livre/ nommé Vege[ce] de l’art de
chevalerie/ lequel traicte de la maniere que princes doibvent tenir au
fait de leurs guerres et batailles.

  Et premierement commence le prologue de l’acteur qui est le
                                                       premier chapitre.

  Comment guerre et bataille emprinse a juste querelle menee a leur
  droit est chose de justice & permise de dieu.                   ii. c.

  Comment il ne loist fors aux roys ou souverains princes emprendre de
  leur singuliere auctorité guerre & batailles contre quelconques.
                                                                 iii. c.

  Comment sont les mouvemens dont premierement sourdent guerres et
  batailles.                                                    iiii. c.

  Comment des considerations ou regard que le roy ou prince doibt avoir
  au fait d’entreprendre guerre/ & les manieres qu’il doibt tenir
  ainçoys qu’il delivre guerre.                                    v. c.

  Cy devise comment il n’est pas expedient que le roy ou souverain
  prince viengne en bataille pour les perilz d’adverse fortune.   vi. c.

  Cy devise quel connestable doibt estre esleu pour estre maistre de la
  chevalerie du roy ou prince & les conditions qu’il doibt avoir.
                                                          vii. chapitre.

  Cy alleguent au propos de l’excercite d’armes aucuns acteurs qui de ce
  ont parlé & les manieres que tenoient les vaillans conquereurs qui
  avoient renommee en armes.                                    viii. c.

  Cy devise les manieres que tenoient les haulx & nobles chevalereux
  duitz a duire & enseigner leurs enfans en la doctrine des armes.
                                                                  ix. c.

  Cy devise encore de ce mesmes & les choses en quoy ilz enseignent les
  enfans du peuple.                                                x. c.

  Cy devise les proprietés que doivent avoir gens d’armes/ & en quoy ilz
  doibvent estre eduitz & enseignés.                              xi. c.

  Cy commence a parler des manieres qui au connestable appartiennent ou
  au capitaine tenir son office en l’excersant.                xii. cha.

  Cy devise la maniere qui affiert a tenir au connestable ou capitaine
  en son office ou fait desloger son ost selon que dient les livres
  d’armes.                                                      xiii. c.

  Encore de ce mesme parle cy ensuivant comme vous orrez.      xiiii. c.

  Cy devise le soing que le capitaine doibt avoir a prendre garde sur
  son ost.                                                        xv. c.

  Cy devise la maniere que le capitaine doibt tenir au desloger d’une
  place/ & par les chemins ou il maine son ost.                  xvi. c.

  Cy parle de passer ost par fleuves ou par grans rivieres.     xvii. c.

  Cy devise les manieres qui affierent a capitaine d’ost a tenir au
  temps qu’il espoire avoir prochaine bataille.                xviii. c.

  Cy devise les manieres que le capitaine doibt tenir se il advient
  qu’il se vueille partir du champ sans attendre ne donner la bataille.
                                                                 xix. c.

  Cy devise se le capitaine d’ost chiet en traictié de paix ou de treves
  avecques ses adversaires ou ennemis/ & comment il se peust preserver
  et garder des merveilleux et tresgrans perilz ausquelz il peut estre
  deceu.                                                          xx. c.

  Cy devise les manieres que le capitaine d’ost doibt tenir le jour
  qu’il espoire pour certain avoir bataille.                   xxi. cha.

  Cy devise la maniere de prendre avantaige du champ selon vegece.
                                                              xxii. cha.

  Cy devise en bref la maniere selon l’usaige du temps pour arrenger ost
  en champ pour combatre.                                      xxiii. c.

  Cy devise selon vegece & les anciens l’ordre de arrenger bataille.
                                                              xxiiii. c.

  Cy devise selon vegece de vii. manieres d’arrenger ost & de combatre.
                                                                 xxv. c.

  Cy parle encore de mesmes propos en poursuivant sa matiere du
  precedent chapitre.                                           xxvi. c.

  Cy devise l’ordre & la maniere que le capitaine doibt tenir quant
  bonnes fortunes sont pour luy de la bataille.                xxvii. c.

  Cy devise l’ordre et la maniere que le capitaine doibt tenir quant la
  fortune de la bataille luy vient contraire.                 xxviii. c.

  Cy recapitule en bref aucunes choses des ordres devant dictes.
                                                                xxix. c.

A tant fine la premiere partie de ce livre/ & en apres commence la
seconde ou il parle de cautelles d’armes.

  Cy commence le premier chapitre de la seconde partie de ce present
  livre auquel parle de Scipion l’affrican.                        i. c.

  Cy parle du duc Marius de certorius/ de duelius/ & de periclés. ii. c.

  Cy parle de la cité de voiaux de hanibal et de denis le tirant.
                                                          iii. chapitre.

  Cy devise de ung homme nommé amulcar de Alixandre de Leptenes et de
  hanibal.                                                      iiii. c.

  Cy devise de menole de scipion de certorius de hanibal Et puis apres
  du fort lantalus.                                         v. chapitre.

  Cy devise des rommains de fulvius nobilius de pemmadas de fabius
  maximus/ & de scipion l’affriquant de certorius & de pemmadas.
                                                           vi. chapitre.

  La seconde partie du livre de frontin parle des lacedemoniens de
  Julius cesar de papirius cursor & de pompee.                 vii. cha.

  Cy parle de Alixandre le grant de cesar augustus & de crates duc
  d’athenes.                                                  viii. cha.

  Au troisiesme livre de frontin est contenu de lismacus roy de
  macedonne de fabius maximus de denis le tirant de Alixandre & de
  epiages.                                                 ix. chapitre.

  Cy devise de amulcar duc de cartaige de haymo l’empereur d’auffrique/
  de hanibal & de valesius.                                 x. chapitre.

  Frontin en son quart livre parle de cesar de domicius/ de emulius/ de
  scipion l’affriquan/ de vaius & de scipion.              xi. chapitre.

  Au livre de valere est contenu de hanibal/ de ung roy de grece/ de ung
  aultre semblable cas des rommains qui eurent a faire de saudoyers.
                                                               xii. cha.

  Cy s’ensuyt aucunes cautelles des rommains assegez de rommains en ont
  de quintus mellus de ung roy de cecille et de hanibal. xiii. chapitre.

  Cy commence a parler du fait de combatre villes chasteaux/ mais
  premierement parle de les edifier.                    xiiii. chapitre.

  Cy devise se les garnisons qui appartiennent a villes chasteaux ou
  forteresses en temps de guerres.                         xv. chapitre.

  Cy parle de ce qu’il convient en particulier a garnir forteresses tant
  de vivres comme d’abillemens de guerre.                      xvi. cha.

  Comment forteresses doibvent estre pourveues de doulce eaue selon
  vegece.                                                     xvii. cha.

  Cy dit qu’il convient que en garnison soit de ville ou forteresse
  soient mis loyaux gens & donnent de ce exemple.            xviii. cha.

  Cy parle encore de mettre loyaux & vaillans gens en villes &
  chasteaux/ et en donne ung tresgrant exemple.           xix. chapitre.

  Cy commence a parler de mettre siege & assaillir forteresse selon
  vegece.                                                  xx. chapitre.

  Cy commence une ordonnance de mettre siege & ce qu’il luy convient
  pour assaillir forte place selon le temps present.             xxi. c.

  Cy devise quelles choses affierent en particulier aux canons &
  bombardes.                                             xxii. chapitre.

  L’espesseur du boys desditz engins.                   xxiii. chapitre.

  Cy devise en quelle forest doivent estre prins lesditz boys.
                                                              xxiiii. c.

  Cy devise les habillemens pour les engins.              xxv. chapitre.

  S’ensuyt les habillemens du trait.                     xxvi. chapitre.

  S’ensuyt aultres habillemens.                              xxvii. cha.

  S’ensuivent les pierres des canons.                  xxviii. chapitre.

  S’ensuyt les menuz habillemens pour assaillir par miner qui sont
  necessaires.                                           xxix. chapitre.

  S’ensuyt le boys quarré qui seroit ordonné pour faire ce qui s’ensuyt.
                                                               xxx. cha.

  S’ensuivent les ouvriers necessaires pour lesditz habillemens.
                                                         xxxi. chapitre.

  Cy devise comment les vivres/ & habillemens seront conduitz et gardés
  les passages.                                                xxxii. c.

  Cy devise d’autres establissemens.                   xxxiii. chapitre.

  De empescher le port des ennemys.                        xxxiiii. cha.

  Cy devise les engins convenables que vegece devise en fait d’assault.
                                                              xxxv. cha.

  Cy commence a parler de deffendre chasteaux & villes selon vegece et
  sa doctrine.                                                 xxxvi. c.

  Cy devise les remedez contre lesditz engins.                xxxvii. c.

  Remedes convenables contre la mine.                      xxxviii. cha.

  Cy commence a parler des batailles qui se font par mer.      xxxix. c.

  Cy devise se les combateurs par mer doibvent avoir garnisons
  lesquelles garnisons luy affierent & par especial a gens allans en
  armes sur mer.                                                  xl. c.

  Cy fine la seconde partie de ce present livre.

  Cy apres s’ensuyt la tierce de ce present traicté/ laquelle parle des
  droitz d’armes selon les loix & droit escript Et devise le premier
  chapitre par quel moyen l’acteur adjousta a ce livre ce qui est dit en
  droit des faitz d’armes.                                         i. c.

  L’acteur demande & le maistre respond se l’empereur peut mouvoir
  guerre au pape.                                                 ii. c.

  Cy fait mencion se le pape peut mener guerre a l’empereur.
                                                          iii. chapitre.

  Cy fait mencion de la puissance & auctorité du capitaine de la
  chevalerie du prince selon droit Et pour quelz cas les gens d’armes
  pevent se encourir crisme capital.                     iiii. chapitre.

  Cy fait mencion se le vasal est tenu selon droit d’aller en la guerre
  de son seigneur a ses despens.                            v. chapitre.

  Cy fait mencion se les feaux sont plus tenus de aider au prince
  souverain que a leur seigneur naturel.                   vi. chapitre.

  Cy fait mencion se ung gentil homme tient deux fiefz de deux seigneurs
  lesquelz guerroient l’un l’autre auquel il doibt ayder. Item se en
  toutes guerres selon droit pevent aller tous sauldoyers & devise cy
  endroit le peril en quoy l’omme d’armes se met d’aller en guerre
  injuste/ & de faire en armes autrement que droit de guerre requiert.
                                                          vii. chapitre.

  Cy devise de droit de pays de saudees & de gaiges aux gens d’armes.
                                                         viii. chapitre.

  Cy devise se ung capitaine de certain nombre de gens d’armes les peust
  bien transmuer a sa voulenté puis qu’ilz sont retenus a gens d’armes.
                                                           ix. chapitre.

  Cy devise se ung seigneur envoye ung homme d’armes pour garnison
  d’aucune scienne forteresse sans ce que aucuns gaiges luy soient
  promis & il advient que en chemin soit destroussé Auquel des deux peut
  demander ces interestz ou au seigneur qui l’envoye ou a celluy qui
  destroussé l’a. Item se ung homme d’armes est venu servir ung seigneur
  en sa guerre sans convenance de gaiges se le seigneur est tenu de le
  payer.                                                           x. c.

  Cy devise se ung roy envoye secours a ung aultre roy sans luy avoir
  requis se il seroit tenu de le payer/ & semblablement a une vesve a
  laquelle par courtoisie aucun auroit aydé.               xi. chapitre.

  Cy devise se ung roy a guerre a ung aultre luy vueille aller courir
  sus a grant ost se les seigneurs par ou il doibt passer luy pevent par
  droit calenger le passage posé que mal n’y face ne vivres n’y prengne
  fors que pour l’argent.                                        xii. c.

  Cy devise se ung homme avoit esté navré de ung aultre/ Lequel apres le
  coup s’en fust fouy le poursuivist & le navrast se la justice le
  vouldroit pugnir.                                             xiii. c.

  Cy fait mencion se ung homme d’armes emprunte harnoys & chevaulx et il
  les pert se rendre les doibt.                         xiiii. chapitre.

  Cy devise se cautelles & subtilités d’armes sont justes a faire.
                                                           xv. chapitre.

  Cy devise se ung homme d’armes estant a gaiges estoit destroussé en
  quelque chemin s’il pourroit demander par droit au seigneur de par qui
  il a esté envoyé ses dommaiges.                         xvi. chapitre.

  Cy devise se gens d’armes venans a l’aide d’aucun prince s’ilz pevent
  prendre vivres a eulx necessaires au moins de grief que faire se
  pourroit sur les laboureurs ainçoys qu’ilz peussent estre armez au
  pays dudit prince.                                     xvii. chapitre.

  Cy devise sy loist aux gens d’armes quant ilz sont bien payés de
  prendre vivres sur le pays.                           xviii. chapitre.

  Cy devise que on doibt faire des proyes et choses qui sont prinses en
  armes.                                                       xix. cha.

  Cy commence a parler de prisonniers de guerre Et devise comment
  puissant homme prins en guerre doit estre rendu au prince & aussy
  comment non.                                                  xx. cha.

  Cy devise se on doibt faire mourir ung capitaine d’ost ou aultre grant
  homme d’armes en fait de guerre & s’il doibt estre au prince & se
  c’est chose de droit de faire paier a ung homme raençon pour sa
  delivrance.                                             xxi. chapitre.

  Cy devise se c’est chose de droit de prendre sur terre d’ennemys les
  simples laboureurs qui ne se meslent de la guerre.          xxii. cha.

  Cy devise se ung estudiant angloys estoit aux escolles a paris trouvé
  ou semblablement d’autre terre aux françoys ennemye s’il pourroit
  estre prins a raençon.                                       xxiii. c.

  Cy devise se ung grant seigneur d’angleterre capitaine de guerre posé
  qu’il fust trouvé seul en une forest/ auquel lieu luy tout hors du
  sens s’en fuist/ se on le peut prendre & mettre en prison.  xxiiii. c.

  Cy devise que s’il advenoit que sur les frontieres fust prins aucun
  homme angloys bourgoys qui oncques en sa vie de la guerre ne se mesla
  se par droit tel homme doibt payer raençon & semblablement de ung
  petit enfant & aussy de ung aveugle.                         xxv. cha.

  Cy devise se le cas advenoit que aucuns embassadeurs venissent vers le
  roy de france et en passant parmy Bordeaux eussent prins aucuns
  fardages chevaux & charroy a loyer des angloys pourroient icelles
  choses pardeça arrester et prendre/ & se ung homme d’eglise angloys
  pourroit en france estre mys a raençon.                       xxvi. c.

  Cy devise se ung gentil homme prisonnier de guerre doibt mieux aimer a
  mourir que faulser son serment.                              xxvii. c.

  Cy devise se ung gentil homme prisonnier de guerre/ doibt mieulx aimer
  a mourir que briser son serment.                            xxviii. c.

  Cy fine la tierce partie de ce livre/ & commence la quarte et derniere
  partie/ laquelle parle de droit d’armes en fait de saufconduit de
  treve/ de marque/ & de champ de bataille.

  Au premier chapitre demande le disciple au maistre se ung seigneur
  envoye saufconduit a ung aultre son ennemy chevalier baron ou qui
  qu’il soit et que audit saufconduit ne ait si non contenu de sauf
  venir s’il peut bien par celle cautelle l’arrester selon droit au
  partir.                                                          i. c.

  Cy devise se ung chevalier ou autre gentil homme avoit saufconduit luy
  diziesme/ s’il pourroit par droit mener avecques lui ung seigneur au
  lieu de l’ung des dix sur la terre des ennemys/ & se ung capitaine de
  petite quantité de gens d’armes peut donner saufconduit a plus grant &
  plus puissant que soy.                                          ii. c.

  Comment l’acteur esmerveille veu la petite foy qui au monde court
  comment personne se ose fier en ses saufconduitz Et puis demande s’il
  advient aucunement que aucun roy ou prince crestien donne saufconduit
  a ung sarrazin se les aultres crestiens par ou il passe le doibvent
  tenir.                                                         iii. c.

  Cy devise se durant treves entre guerroieurs on peut par droit prendre
  en aucune maniere chose qui soit l’une partie/ et se l’une partie
  enfraint les treves se l’autre partie est tenue de les tenir. iiii. c.

  Cy parle d’une maniere de guerre laquelle s’appelle marque/ et se
  telle maniere de guerre est juste.                            v.e cha.

  Cy devise se tous seigneurs pevent donner marque/ se le roy la peut
  donner pour ung estrangier qui son cytoien soit fait/ et apres se
  escoliers estudians pourroient estre a celle cause empeschez.   vi. c.

  Cy fait mencion se c’est chose juste et selon droit que ung homme
  doive prouver par son corps contre une aultre chose qui soit
  incongneue et secrete.                                         vii. c.

  Cy devise se tout homme peut donner gaige de bataille.        viii. c.

  Cy devise les cas par lesquelz on peut donner gaige de bataille.
                                                                  ix. c.

  Cy devise comment champ de bataille monte et represente aucunement
  fait et proces de pledoierie et se c’est droit que a l’entree les
  champions facent serment.                                       x.e c.

  Cy devise s’il advient que l’un des champions perde en soy combatant
  aulcune de ses armes soit espee ou aultre baston se par droit on luy
  debveroit rendre/ et lequel doibt envaÿr l’autre. Item se le roy
  pardonnoit au vaincu se l’autre luy pourroit demander ses despens/ et
  s’il est ainsy que ung homme soit trouvé a tort accusé.         xi. c.

  Cy demande se ung homme estoit pugni en champ de bataille d’aucun
  meffait se justice a plus que veoir sur luy d’icelle cause.    xii. c.

  Cy devise les choses en quoy le roy ou prince doit avoir regard ains
  qu’il juge champ de bataille Et comment on doibt donner conseil a
  ceulx qui combatre se doibvent.                        xiii. chapitre.

  Cy demande se bataille peut faire selon droit a jour de feste Et se on
  tient en droit que homme en armes se puisse sauver/ & se clercs pevent
  ne doibvent de droit aller en bataille ne excerser armes.
                                                        xiiii. chapitre.

  Cy commence a parler de fait d’armoierie se chascun peut bien prendre
  telles armes qui luy plaist.                             xv. chapitre.

  Cy devise en quelle maniere ung gentil homme peut calenger les armes
  d’ung aultre.                                                  xvi. c.

  D’armes et penonceaux & des couleurs plus [nobles] d’armoyerie.
                                                         xvii. chapitre.

Cy fine la table de l’art de chevalerie selon Vegece.




[Illustration]




Cy apres s’ensuit le livre des fais d’armes et de chevalerie Lequel est
divisé en quatre parties. La premiere desquelles parle de la maniere que
princes se doivent tenir ou fait de leurs guerres et batailles selon
l’ordre des livres ditz et escrips des nobles conquerans du monde.




Et premierement commence le prologue de l’acteur qui est le premier
chappitre.


Pource que hardement est tant necessaire a haultes choses emprendre que
sans luy jamais emprinses ne se feroient. Icellui m’est convenable a
ceste presente euvre mectre sus Autrement veu la petitesse de ma
personne que je non digne de traicter de si eslevee matiere. ne l’osasse
seulement pencer. mais Senecque dit ne te chault qui le die mais que les
parolles soient bonnes. Parquoy combien que hardiesse se face a blasmer
quant elle est folle. moy nonmie par arrogance ou folle presumcion mais
admonesté de vraie affection et bon desir du bien des nobles hommes en
l’office d’armes suis ennorté apres mes autres euvres passees Sicomme
cellui qui ja a basti plusieurs fors ediffices est plus hardy de edifier
ung chatel ou quelque fortresse quant il se sent garny de convenablez
estoffes a ce necessaires d’entreprendre a parler en ce present livre du
treshonneste office d’armes et de chevalerie tant es choses qui y sont
necessaires Comme es drois qui leur sont pertinens Si que les declarent
les loix et divers acteurs. Ainsy au propos j’ay assemblé les matieres &
cueilly en plusieurs livres pour produire a mon intencion en ce present
volume. Mais comme il affiert ceste matiere estre plus excercitee par
fait de diligence & sens que subtilité de paroles polies. Et ausi
consideré que les expers en l’art de chevalerie ne sont communement
clers ne instruictz en science de langage Je entens a traicter au plus
plain et entendible langaige que je pourray A celle fin que la doctrine
donne par plusieurs acteurs que a l’ayde de dieu propose en ce present
livre declairer puist estre a tous clers et entendible.




Cy fait mencion comment guerre & bataille emprinse a juste querelle &
menees a leur droit est chose de justice & permise de dieu.


Cathon le vaillant combatant par la force duquel et vertu d’armes les
Romains eurent plusieurs belles victoires et qui oncques en bataille ne
fut desconfi dist que plus doit autre prouffite a la chose publicque
l’escripture des Rigles enseignemens et discipline d’armes qu’il avoit
composee et en fait livres que en chose qu’il eust oncques faicte de son
corps Car dist il tout ce que homme y peut faire ne dire ne dure que ung
age mais ce qui est escript dure au prouffit commun a tousjours dont
innumerables hommes en peuvent mieulz valoir si est doncques par ceste
raison assez notoire que ce n’est mie de petit prouffit de en escripre
et d’en faire livre mais affin que ceste presente euvre par aucuns
envieux en aucun temps ne puist estre reproché que en la mectant sus
l’occupacion dit autre vacque ait esté perte de temps sicomme de
traicter chose non licite Premierement est assavoir se guerres et
batailles chevalerie et fais d’armes de quoy esperons a parler est chose
juste ou non juste. Car comme en excerçant armes soient fais plusieurs
gens maulz extorcions & griefz sicomme ochisions rapines et efforcemens
bouter feu et plusieurs maulz infinies pourroit sembler a aucune que
guerres et batailles feussent chose excommuniee et non deue. Et pource a
respondre a ceste question est assavoir qu’il appert manifestement que
guerres emprises a juste cause sont permises de dieu sicomme nous en
avons preuve en la saincte escripture en plusieurs lieux. Comment nostre
seigneur mesmement disoit aux capitenes des ostz ce qu’il devoient faire
contre leurs ennemis sicomme il est escript d’un qui s’appelloit jhesus
auquel il dist qu’il s’ordonnast en bataille contre ses ennemis et feist
une embusche pour les mieulz vaincre et d’autrez semblement est recité.
Et mesmement dist dieu en la saincte escriture qu’il est sire et
gouvarneur des ostz et des batailles. Guerre et bataille qui est faicte
a juste querelle n’est aultre chose que droicte execucion de justice
pour rendre le droit divin et senblenment les loix ordonnes des gens
pour contrister aux arrogans et malfaicteurs Et quant aux maulz qui y
sont fais aultre droit de guerre sicomme autres acteurs le dient. Ce ne
vient pas par droit de guerre ains par mauvaistie de gens qui mal en
usent ainsi que je espoir a l’ayde de dieu toucher cy apres ou il
eschera ou je parferay des choses limitees selon les loix et droit
escrit en l’excercite des armes.




Cy devise comment il ne loist fors aulx roix ou souverains princes
emprendre de leur singuliere auctorité guerre et batailles contre
quelconques. iii. chappitre.


Or avons doncques regardé et touché oudit second chapitre brefment
comment guerres et batailles a bon droit emprinses est chose juste Si
est a regarder puis qu’elles sont de droit et il appartient a tout homme
faire justice et droicte euvre se il loist a checune personne enprendre
guerre pour garder son droit Car il sembleroit par icelle raisons que
sans mesprendre tout homme faire le peut. Mais pour la verité declairer
a ceulx qui en ce point porroient errer Est assavoir que sans faire
doubte selon la determinacions du droit et des loix a nul n’apartient
bataille ne guerre emprendre pour quelconque cause se ce n’est aux
princes souverains sicomme empereurs roix ducs & seigneurs terriens le
quelz soient mesmement chiefz principaulz de juridictions temporeles Ne
a baron quelconque ne a autre tant soit grent ne appartient sans licence
et voulenté de son souverain seigneur Et que ceste loy soit de droit la
manifeste raison le demonstre assés. Car se autrement estoit de quoy
doncques servirroint princes souverains qui pour autre chose ne furent
establis que pour faire droit a ung checun de leurs subgectz qui
oppressez seroient par aucunes extortions et de les defendre et garder
ainsi que le bon pasteur qui expose sa vie pour ses aulles Et pour ce
doit fuyr le subgect au segneur comme a son reffuge quant aucun grief
lui est fait Et le bon seigneur prendra les armes pour lui se besoing
est C’est a dire lui aydera de sa puissance a garder son bon droit soit
par voye de justice ou par execucion d’armes.




Cy devise quelz sont les mouvemens dont premierement sourdent guerres et
batailles. iiii chapitre.


Doncques appartient il seulement aux souverains princes d’emprendre
guerres et batailles Or est a regardes pour quelles cases selon droit
doivent estre emprinses & maintenues Et en ceste chose bien advisé me
semble que communement cinq mouvemens y a principaulz sur quoy elles
sont fondees dont les trois sont de droit et les aultres de voulunté Le
premier de droit pourquoy doivent estre guerres emprinses et maintenus
est pour soustenir droit et justice.

Le second est pour contrestre aux mauvais qui veulent fouler grever et
oppresser la contree la paix et le peuple. Le tiers est pour recouvrer
terres seigneuries et autre choses par autruy ravies et usurpees a
injuste cause qui au prince ou au prouffit et utilité du pays ou de
subgetz deussent appartenir Item des deux de voulunté. L’un est pour
cause de vengance pour aucun gref receu d’autruy. L’autre est pour
conquerir terres et seigneuries estranges mais pour les plus
particulierement declairer nous dirons ainsi Premierement et par
especial le premier des trois qui est de justice on doit savoir qu’il y
a trois causes principalz par lesquelles loist au roy ou prince
emprendren ou maintenir guerres et batailles.

La premier est pour porter et soustenir l’eglise et son patrimonne.
Contre tout homme qui la vouldroit fouler comme tous princes christiens
y sont tenus.

La dussiemes pour son vassal s’il l’en requirt et prie/ ou cas qu’il ait
bonne et juste querrelle/ et que le prince se soit avant bien et
deuement emforcé de mectre accord entre les parties en laquelle chose
l’adversaire soit trouvé de tractable.

La tresieme est que le prince peut justement s’il lui plaist aider a
tout prince baron ou autre son alyé ou amy ou a quelconque contree ou
pays s’il en est requis en cas que la querrelle soit juste. Et en ce
point sont comprinses femmes vesves orphenins et tout ceulz qui
necessité en pourroient avoir de quelque part qu’il soient foulez a tort
d’autruy puissance. A ceste cause et semblement pour les autres dessuis
ditz mouvemens. C’est assavoir l’un pour vengance de acun gref receu par
puissance d’autruy.

L’autre pour acquirir estranges terres sans avoir autre tiltre que de
conquereurs Comme alaxandre les romains et autres soient moult loeyes
tiltres de chevalerie et semblablement ceulz qui grandemant se sont
vengez de leurs ennemis ou que bien soit ou mal et quoy que communement
on le face Je ne treuve pas en la loy divine ne en autre escripture que
pour ces deux cas seulement sans autre. Loist emprendre sur pays
christien guerre ne bataille mais il dist encore bien. Car selon la loy
de dieu n’appartient pas a homme seulement prendre ne riens usurper de
l’autruy ne de conveicter Et senblablement sont reservees a dieu les
vengances et n’appartient pas a homme de les faire mais pour plus
plainement declarer sur ce pas et respondre aux questions qui y
pourroient estre menees Chose est vraye qu’il loist au prince garder a
soy mesme la pareil droit que a autruy feroit. Et pour ce que fera le
juste prince soy sentant injurié par autruy puissance s’en doit il
doncques pour obeyr rapporter a la divine loy. Nennul car elle ne
deffend pas justice ains commande qu’elle soit faicte et veult et
requirt de meffait pugnicion. Et pour ce affin qu’il euvre tiendra
justement celle voye il assenblera grant conseil des sages en son
parlement ou en cellui de son souverain s’il est subgectz Et ne
assemblera pas seullement ceulz de son pays afin que dehors en soit
toute soupecion de faveur. mais aussi de pays estranges qu’on sache non
adherens a nulle partie tant anciens nobles comme juristes et autresz
presens iceulz proposeras ou feras proposer tout au vray et sans
paliacion Car autrement dieu ne te peut aider a conseiller. Tout tel
droit et tel tort qu’il peut et en concluant que de tout se veult
rapporter et tenir a la determinacion de droit a bref dire par ces poins
ceste chose mise en droit bien veue & bien dispute telment qu’il appere
par vray jugement qu’il ait juste cause Adont fera sommer son adversaire
pour avoir de lui restitution et admende des injures et tors faiyz par
lui receuz. Dont s’il advient que ledit adversaire baille deffences et
contredire vouldra qu’il soit entirement oye sans faveur a soy
quelconques ne propre voulunté ne hayneux courage. Ces choses et ce
qu’il y appartient deuement ou cas que le dit adversaire seroit trouvé
reffusant de venir en droit le juste prince peut seurement entreprendre
guerre la quelle ne doit pas estre appellé vengance mais pure execucions
de droicture justice.




Cy fait mencion des consideracions ou regard que le roy ou prince doit
avoir ou fait d’entreprendre guerre et les manieres qu’il doit tenir
ainçois qu’il delivre guerre.


Puis qu’il est ainsi que au prince loist entreprendre guerres et
batailles et les maintenir pour les causes dessus dites Et comme ce
soient choses grandes et pesantes comme selles qui principalement
touchent la vie le sang l’onneur et la chevance d’infinis hommes/ sans
lesquelles avant toute euvre ne doivent estre guerres emprinses ne pour
legiers movemens ne vouluntés Et que l’on doive redoubter a emprendre
novelles guerres mes[me]ment a moindre de soy avons assés exemples.

O comment eust pensé la puissance d’auffricque ne l’orguilleuse cité de
cartage qui chief en estoit et les espaignotz ne le trespuissant roy
anthiocus seigneur d’une grant partie d’orient qui tant de gens menoit
en bataille que le nombre estoit innumerable avec ses espoentalles
oliphans. Ne aussi le trespuissant roy mitridates qui seignourisoit vint
et quatre contrees ne la puissance des romains qu’on les peut subjuguer.
Et pour ce ne doit estre mis de legier en peril ce qui est a terminer
soubz la destribucion de fortune Dont nul ne puit savoir a quel estat
tournera.

Doncques est il necessaire que le prince soit sage ou que a tout le
moins vueille user du conseil des saiges. Car platon dit que la est le
pays bien heureux ou les saiges gouvernent. Et par l’opposite est
mauldit sicomme tesmoingne la sancte escripture. Et en verité il n’est
chose tant necessaire d’estre menee par sens comme est guerre ou
bataille ainsi que dit sera cy apres Car il n’est faulte faicte en
queconques cas moins reparable que celle qui est executee par armes et
par mal gouverner bataille.

Que fera doncques le saiges prince auquel sera de necessité pour aucuns
des cas dessusdis emprendre guerre ou bataille.

Tout premierement il regardera quelle puissance il a ou pourra avoir.
Tant de gens comme de finance sans lesquelles deux principalles choses
estre bien garny et seurs est folie d’emprendre guerre comme sur toutes
riens y soient necessaires et par especial pecune Car qui assés en a et
emploier le veult treuve tousiours ayde de gens assés et plus qui ne
vult. Tesmoing les guerres d’italie et par espicial de flourence de
venise et d’ailleurs esquelles plus communement se combat plus leur
argent que ceulz du pays et pour ce a peine les peut on du tout vaincre.

Et vauldroit trop mieulz au prince s’il ne se sent bien garnis de tresor
ou de subgectz bons et riches et plains de biens et de bonne voulunté a
lui aider a faire aucun traicté a ses ennemis s’il se sent envahy ou soy
depporter d’emprendre guerre ne de l’en commencer se du maintenir n’a
bien de quoy Car soit tout certain que s’il entreprent en esperance de
plus prendre sur ses subgectz que porter ne peuvent et oultre leur gré
il croistra le nombre de ses ennemis si ne lui seroit pas prouffit de
destrure les estranges ennemis et longtains pour en acquere des privez
et prochains.

Il est assavoir que nul prince ne doit despriser nulle puissance
d’ennemy Tant appere euvres lui petite Car il ne peut savoir quelle
fortune l’autre aura pour soy.

A ce propos il est escript que mesmement a ung berger nommé uriacus fut
fortune si propice qu’elle le tint en puissance avec grant foison de
gens d’armes larons pour guerroyer romme qui tant estoit puissante
l’espasse de plus de treesze ans et moult leur fist de griefz et
plusieurs fois les vainqui en bataille ne oncques les romains ne le
peurrent destruire ains fina sa vie par ung de ses proppres gens qui
l’occist.

Et pour ce affin que deceu ne soit assemblera a conseil les quatre
estats de son pays lesquelles doivent estre appellés a telle chose
emprendre.

C’est assavoir les nobles anciens expers en armes qui scevent que fait
de guerre vault.

Item les cleres legistes pour ce que es loix sont declarer tous les cas
dont doit sourdre juste guerre ainsi que ad ce propos en avons plusieurs
exemples assés patents.

Item les bourgois pour ce qu’il est de necessité qu’ilz contrebuent en
la mise qu’il y convient et prendre garde a la fortifficacion des villes
et cités et induisent le menu puple a aider a leur seigneur. Item aucuns
des hommes des mestiers pour plus honnorer le dit puple affin que par
lui soient enclins a lui aider vouluntier du leur de la quelle chose les
doit tous doucement prier. O comment est ce prouffitable chose en
seigneurie royaume ou cité avoir loy aux subgectz car ilz ne faillent de
corps ne de biens sicomme il apparut par plusieurs fois a romme quant
les tresors de la cité estoient despendutz es gens guerres dons lors les
dames de leur proppre mouvement apportoient leurs joyaux et riches
aournemens et de bon vouloir et france voulunté les bailloient pour
secourir a la necessité de la cité Lesquelz apres leur estoient
grendement restituez ainsi que raison estoit.

De ceste voye bien donna exemple le bon et saige roy charles le quint de
ce nom lequel tantost apres qu’il eut esté couronné en l’aage de vhint
et cinq ans Comme il regardast que les angloiz tenoient mauvaisement les
convenances faictes au traicté de la paix qu’il avoit par necessité et
diverse fortune acordee a eulz tant lui fust dommageable et que non
obstant qu’il leur fut accordee a tenir plusieurs terres et seigneuries
du royaume de france ne leur souffisoit mie ains demarchoient fouloient
et grevoient par leur orgueil & oultrecuidance les autres contrees
voisines qui ne leur appertenoient ledit roy ains que autre chose en
feist manda paisiblement par auctorisez ambaxadeurs au duc de lenclastre
filz du roy edouart d’englenterre par lequel avec ses gens estoit fait
ledit oultrege que de ce voulzist depporter et faire admende des griefz
et dommages fais puis ladite paix.

De la quelle chose fut tel l’effect quoy que la responce fut assez
gracieuse que le dit ambaxadeurs furent occis en icelle voye.

Pour ceste cause ledit roy veu par contraincte accordee la deshonnorable
paix laquelle lez angloiz mesmes tenoient mauvaisment et pour plusieurs
autres raysons qui trop longue chose seroit a les recompter assembla a
paris a son parlement les quatre estatz dessusdit et avec eulz tous les
saige juristes estrangiers tant de boulongne la grase comme d’alleurs
qu’il peut recouvrer A iceulz comme tressaige proposa ses raisons contre
les angloiz demandant leur advis et se cause avoit de la guerre
rencomencer car sans juste cause le regard & deliberacion d’entre eulz
et la consideracion. et voulunté de ses bons subgectz nullement faire ne
la vouloit auquel conseil par longue deliberacion fut conclud que bonne
et juste cause avoit de la recommencer Et ainsi l’entreprint le bon et
saige roy A laquelle chose dieu a tant esté favourable a son bon droit
loez en soit il avec la grant prudence de lui que avecques l’ayde de
dieu toutes les terres perdues ont puis esté conquises a l’espee ainsi
que encores y pert.




Cy devise comment il n’est pas expedient que le roy ou souverain prince
viengne en bataille pour les perilz d’adverse fortune. Le siziesme
chappitre.


Doncques par la voye dessudicte determinera le sage roy ou prince a
ouvrer en fait d’emprendre guerre et batailles. et pource ceste chose
notoire que en tel fait commencer et continuer comment quattuor
principaulz choses C’est assavoir chief hardement force & constance sans
lesquelz tout yroit a confusion voyre se une seulle y deffailloit Il est
licite a regarder s’il est bon que le roy ou souverain prince voise en
bataille en sa guerre Car comme le fait lui doyve toucher plus que a nul
autre parquoy sa presence peut representer les quattre choses dessu
dictes Et avec ce qu’il n’est doubte que ses cheveliers et gens d’armes
et tout l’ost en auroient meilleur cuer de combatre voiant leur seigneur
en place prest de vivre & mourir avec eulz Sans faulte pour rendre
responce a ceste question non obstant tout ce que dire on pourroit du
bien qui ensuivir en pourroit et qui plusieurs exemples en troveroit de
roy & princes au quelz est bien prins d’estre en presence en leurs
batailles Sicomme du roy alixandre en ses conquestes et mesmement de
plusieurs roix de france sicomme le roy clodove charlemaine et plusieurs
autres Et mesmement charles qui a present regne estant enfant en l’aage
de quatorsze ans nouvel couronné fut en la bataille de rosbecke contre
les flamens ou il eut noble victoire Il n’est pas a deliberer de leger
que le Roy ou souverain prince y voyse en personne. Et plus fait a
eschever que a y aller reserver pour aucun cas c’est assavoir contre ses
proppres subgectz en cas que rebelles luy seroient. La cause est pour ce
que naturelement recraint offencer la magesté de son souverain seigneur
par especial en sa presence si ne pourroient nyer quelque perverse
voulunté qu’ilz eussent que cuers et membres n’eussent ainsicomme tous
vaincus eulz voyans contre cellui auquel ayde deussent estre contre tout
homme et par especial est grande la confusion contre eulz et le droit
grent pour le seigner quant il leur est bon et non cruel ne tirant. mais
non pourtant quelque soit la necessité qu’il y voit doit bien estre
regardee que si seurment soit mis en bataille que le peril de male
fortune ne puist cheoir sur sa parsonne Mais la raison generalle
pourquoy il n’est droit que communement y voist est pour ce que nul ne
peut savoir a laquelle partie dieu donnera sa victoire parquoy se la
fortune venoit contre le prince y estant en personne par quoy mort
prinse ou fuite s’en survenist a lui Ce ne seroit pas pardition ne
deshonneur seulement a sa parsone mais a ceulz de son sang et
generalement a tous ses subgectes terre et pays en perdition et infiny
inconvenient sicomme on peut assés savoir par l’experience de cas
semblables en ce royaume & autrepart advenus. Et pour ce n’est pas a
eslire que pour le regard d’aucune particuliere utilité on mette en
adventure et peril se dont pouvent venir infinitz maulz et inconveniens.

Et pour ce ne doit pas tel prince estre si cauteleux ne si courageux
ains en doit estre descueu par lui assigner les causes et Raisons
avecques exemples qui lui doivent refrener considerant le tresgrant
peril non pas seulement de sa parsonne comme dist est mais de tous les
siens. Et ad ce propos peut biens servir pour exemple le bon et sayge
roy charles dessus nommé lequel non soyt mouvant de son trosne royal en
ses palais toutes les terres perdues. Reconquist comme treschevalereux
si comme le vray en est manifeste. Et qu’il soit vrai a ce propos que
sens et diligence plus soit expedient en fait de guerre que la present
du prince Semblement appert per le premier duc de melan pere de cestuy
qui est a present. Le quel non soy partant de ses palais conquist par
son sens tant de terres et seigneuries en lombardie et a la marche que a
la seigneuries d’une cité attribua tant d’aultres seigneuries qu’il en
fist une tresgrant et notable duché.




Cy devise quel connestable doit estre esleu pour estre maistre de la
chevalerie du roy ou prince et les condicions qu’il doit avoir. vii.
chappitre.


Or avons oy conment le Roy ou souverain prince pour le bien et la
seureté de la chose publique ne doit pas legierement deliberer de soy
mesme aller en bataille. Si est doncques a adviser a quelz personnes
comme ung seul ne soufise on pourra commectre le fais de si grans
offices comme maistres et conduiseurs de sa chevalerie qui pour lui et
en son nom excercent le fait de ses guerres de laquelle chose sans
faulte a droit regarder n’est nulle autre besoingne ou plus grant regard
appartiengne comme l’election d’iceulz Car de tant que l’excercite de
leurs offices passent en pois et en peril tous autre de tant y afierent
plus convenables personnes Et par especial doit per grant deliberacion
advis et regard estre esleu cellui auquel sera commise la principale
charge sur tous lequel office les anciens appelloient duc des batailles
ou souverain maistre de la chevalerie que nous disons a present en
france connestable. Et apres en ensuivant les deux mareschaux selon
l’usaige françois Sur lesquelx offices principaulx sont ordonnés
plusieurs capitaines de certain nombre et cantité d’ommes d’armes. Et en
la election par especial du souverain maistre de la chevalerie du prince
doit estre advisé qu’il soit personne notable especialment en tout ce
qu’il convient es choses que armes requierent C’est assavoir que par
longue experience il soit si usagez que celui soit comme naturel maistre
Et que le continuel excercite l’ait rendu maistre de tout ce qu’il y
convient comme cellui qui par plusieurs fois se soit trouvez en diverses
adventures adveneus en fais de guerres per divers pays et nacions.

Vegece.

vegece dist que longueur d’aage ne grant nombre d’ans ne donne pas art &
maniere de combatre mais l’usage si ne soit apprentis des ordres et
manieres qu’il convient tenir en gens d’armes traicter soit en temps de
repos ou traveil de guerre les sache maintenir mener et conduire en
telle maniere. Que au mieulz faire appartient. Et est assavoir que en la
dite election doit estre plus Regardé a la parfection des choses dictes
avec les autres bonnes meurs et condicions qui a avec lui affierent que
a la grandeur du lignage ne hault sang ne la personne quoy que se tout
povoit ensemble estre seroit moult expedient pource que de tant seroit
plus noble de sang tant plus seroit tenu en Reverence en son dit office.
laquelle chose est necessaire audit capitaine.

Valere.

Et ad ce propos racompte valere que les anciens qui firent les grans
conquestes se augmentoient d’eulz mesmes pour estre plus doubtez en
leurs ost et se faignoient estre parens des dieux Neantmoins ne souffist
il pas ceste seule convenableté sans les autres proprietez pour ce doit
estre le regard des esliseurs plus a bien pourveoir l’office non pas a
sa personne Car chose mou[lt] seroit a reprendre quelque fut la
haultesse de sang de faire de l’ignorant maistre voire par especial en
office la ou subtilité sens et loing usage a souvent plus grant besoing
que grant nombre de gens ou quelconque autrez vertus ne autrez forces.

Cathon.

Cathon dist que de toutes autres choses on peut amender les faulte
Reservé celles qui sont faictes en bataille de laquelle la peine ensuit
tantost la faulte. Car mauvaisement ceulz qui se scevent mal deffendre
et aux fuitifz a peine Revient cuer de combatre pour ce aussi avec les
choses dessudictes est necessaire qu’il soit sage de bon sens naturel
comme celui auquel convient avoir la congnoissance de moult de choses et
qui est comme chief de justice. Il convient lieuteant du prince estre
sage pour faire droit a ung chacun de tous cas qui peuvent advenir a
cause d’armes et faiz de chevalerie de tous ceulz qui soubz lui sont et
mesmement de estrangiers souvent et en diverses manieres et est assavoir
que selon droit de gentillesse et haulteur de noblesse et de courage
appartient a capitaine qu’il use en l’exercite d’armes en tous cas que
advenir lui peuvent et tout ce que gentillesse requiert se droit honneur
et los veult acquerre c’est assavoir que mesmes a ses ennemis soit
droicturier et veritable en fait et jugement ou il eschera.

Et avec ce qu’il honnoure les bons et ceulz qui le vallent ainsi qui
vouldroit estre d’eulz honnourez. Ceste maniere tenoit le vaillant roy
pirrus de macedonne dont grant los acquist lequel pource que tant de
vaillance avoit trouvé aux Romains combien qu’il feussent ses ennemis
mortelz si les honnoroit il moult grandement quant ilz venoient en
ambaxade devers lui Et mesmement les occis en ses batailles faisoit
honnorablement ensepvelir Et de la noblesse & grant franchise de cestui
roy est encore escript qu’il les avoit en tresgrant pris/ que mesmes
leurs prisonniers pris en ses batailles ne voulut il retenir ains les
rendoit tout quittement Les meurs et conditions qui a bon connestable
affierent sont telles. ne soit tenu de chaudecole fel ne yreux/ mais
amesurez & attrempez/ droicturier et justice benigne en conversacion de
hault maintien et pou de parolle rassis en contenance/ non moqueur ne
truffeur veritable en parolle & promesse hardi seur diligent non
couvoiteux/ fier aux ennemis/ piteux aux vaincus et a son dessus. Ne se
courousse de legier/ ne se meuve a pou d’occasion Ne croie trop tost ne
a pou d’apparence/ n’adjouste foy a parolles qui n’ont couleur de verité
Ne curieux de mignotises jolivetez ne de joyaulx/ habillié soit
richement en harnoys et montures et fierement se contiengne/ Ne soit
paresseux lent ne endormy Ne curieux en viandes et mengiers ne vie
delicative/ enquerant tousjours de l’estat et convine des adversaires
subtil pourveu et cault a oyr deffendre d’eulz et sagement les envaÿr
Advise sur leurs agais/ sache les sciens gouverner et tenir en ordre et
cremeur/ faire droit ou il doibt/ ne soit aussi moult curieux de jouer a
nulz jeux/ honneure les bons et feaulx qui le vallent et apres de soy
les tiengne/ bien gardonne ceulx qui le desservent. Et large soit es cas
qui le requierent. Son commun parler soit d’armes es fais de chevalerie/
et des proesses des bons/ bien se garde de vantise/ il soit raisonnable/
aime son prince et feal lui soit/ soit secourable aux vesves et aux
orphenins et aux povres/ Il ne tiengne grant compte de petit meffait
fait a personne ne de petis debas. Pardonne legierement a celluy qui se
repent et par dessus tout/ aime dieu et l’eglise et soustiengne droit.
Icelles conditions duisent a bon connestable aux mareschaux & a ceux
d’offices semblables.




Cy alleguent au propos de l’exercite d’armes aucuns acteurs qui de ce
ont parlé et les manieres que tenoient les vaillans conquereurs qui
avoient renommee en armes. viii. c.


Apres que avons devisé quelz doibvent estre esleuz/ capitaines et
conduiseurs de la chevalerie du roy ou prince. Dire nous fault en quoy
leur exercite se extendra/ & pource que de ceste matiere me aprennent a
parler acteurs qui en ont escript produiray ou tesmoingnaige leurs ditz/
et principalement de ceulx qui au temps de valentinien empereur
notablement fist propre livre de la discipline et art que tenoient les
tresgrans conquereurs du monde qui misrent a chief par sens et par vertu
d’armes choses a present sembleroient estre impossible.

Ceste chose bien affirma le roy pirrus quant il eut esprouvé la
vaillance des rommains desquelz assez petite quantité contestoit contre
son ost qui tant estoit grant que mons et vaulx en estoient couvers lors
qu’il dist. O dieu jupiter se j’avoie telz chevaliers je conquerroie
tout le monde. Et pour ce est a presupposer que par grant sens traveil
et propre industrie achevoient si haultes entreprinses comme conquerir
le monde si que firent ses rommains & autres conquereurs du monde/
desquelz les manieres et les ordres qu’ilz tenoient enregistrerent
plusieurs sages Desquelles choses pour exemple de se confermer a iceulx
se bon semble sont a oyr propices & expediens.

Vegece.

Car vegece dit qui veult paix appraingne qui aime victoire doibt avoir
sens d’armes & le chevalier qui desire bonne adventure se combat par
art/ c’est assavoir par sens non pas a la volee et nul n’ose grever ne
couroucer cellui qu’on cuide qui seurmonteroit s’on l’assailloit.

Il appert par les grans conquestes que jadis firent les anciens que les
gens ne sont plus si vaillans comme ilz souloient/ et de ce a quoy il
tient rent la raison Le premier allegue vegece qui dist que la longue
paix a rendu les hommes qui par avant par loingz et continuelz travaulz
se souloient exerciter aux armes/ non challans d’icelle occupation si se
sont mys au delit et repos et aux convoitises de peccune/ dont les
nobles anciens qui ne prisoient que honneur ne faisoient compte/ & aussy
a esté mise chevalerie en negligence et tellement que jusques en oubly &
non chaloir. Et dist il les rommains mesmement qui ja plusieurs terres
avoient conquises delaisserent ung temps tellement l’excercite d’armes
que par la desascoutumance ilz furent par Hanibal prince d’auffrique
desconfitz. En la seconde bataille ilz perdirent quasi toute leur
seigneurie devant canes en puille/ qui fut si horrible que pres tous
ceulx de romme y furent mors/ & leurs chevaulx capitaines prins &
destruis/ & de notable chevalerie en si grant cantité que apres la
desconfiture hanibal qui fit chercer le champ en eut trois muys tous
plains d’aneaux d’or de leurs dois comme dit l’istoire lequelz il fit
porté en son pays en joye et en signe de victoire mais apres la dite
excercite reprinse ilz eurent tousjours victoire Pour ce conclud ledit
acteur en loant acoustumance d’armes que plus proffitable chose est au
roy ou au prince que les siens soient bien enseignez et duitz en icellui
art quelque petite cantité qu’il ait de gens que prendre foison de
soudoiers estranges qu’il ne congnoist Et nulle riens dist il n’est plus
ferme ne plus bien euré ne qui plus face a louer que est contree ou
foison a de bons hommes d’armes bien duitz et bien aprins en tout ce qui
y appartient. Car or ne argent ne pierres precieuses ne surmontent pas
les ennemis ne en paix ne font vivre les habitans Laquelle chose fait et
peut faire puissance de chevalerie vaillant et bien enseignie et de tel
ne doit pas estre jugé selon la folle sentence du roy brutus de gaule le
quel quant il eut envaÿ les romains a tout C & iiii xx mil hommes armés
et il vit que contre lui venoient a si petite cantité il les desprisa et
dit qu’il n’y avoit pas assés de gens pour rassadier les chiens de son
ost mais neantmenz il en y eut assés pour destruire lui et son grant ost
si qu’il en advint apres comme racompte l’istoire. Pour icelles choses
confermer apres ledit acteur dirons premierement de la doctrine que
donnoient les nobles a leurs enfans ou temps de leur jeunesse Puis
retournerons a la matiere dudit capiteine ou chiefvetains de la
chevalerie.

Vegece.

vegece dist au propos ou premier chappitre de son premier livre nous ne
veons la cité de romme par nulle autre chose submectre a elle les terres
de cest monde sinon par usage d’armes et par enseignemens d’ost et de
chevalerie Car assés peut estre presumé que si petite cantité de gens
que au premier furent eust pou valu contre les françois le sens des
grecz et malice & force de ceulz d’auffricque se par gens sens et usage
n’eust esté et par ce conclud de rechief ce que dit est C’est assavoir
que mieulz vault petite quantité de gens bien enseignés et duicte
d’armes par continuelle excercite de tout ce qu’il peut advenir en la
doubteuse adventure des batailles que ne fait multitude de gens rudes et
non sachans. il dit que science de savoir ce que en fait de guerre
affiert croist nourrist et donne le hardement de combatre comme il soit
ainsi que nul ne doubte a faire ce dont est enseigné expert et aprins et
tous ars sont sceus et tout sciences par continuel usage et s’il est
voir dist il que es petites choses ainsi soit mieulz affiert les garder
es tresgrans. O quelle chose est ce que de gens duitz de guerre et
subtilz en l’excercite d’armes a peine s’ilz peuvent estre vaincus par
survenue d’aventure estrange et non acoustumee sicomme il apparut si
tost que les rommains trouverent maniere d’occire les oliphans qui tant
sons diverses et espouentables bestes que hommes et chavaulz a les veoir
s’en effrayoient que contre eulz menoient les cartaginois et ceulz de la
partie d’orient. Et les saiges rommains firent engins par lesquelz leur
lançoient fers aguis et bareaux de fer tous ardans et par ce les
destruisoient. Et pour ce dit l’acteur que de tous les ars le plus a
loer en pays ou en contree est savoir cellui de combatre Car par lui la
franchise de lieu est gardee et la dignité de chevalerie si que dit est
souverainement le garderent et premierement les grecz ceulz de
lacedemonne Et puis de ceste apprendre et savoir furent les rommains
assez curieux et de ce qu’il leur en ensuivit appert assez.




Cy devise les manieres que tenoient les haulz et nobles chevalereux
duitz a duire et enseignier leurs enfans en la doctrine des armes. ix.
chappitre.


Doncques les anciens nobles qui par haultesse de courage desiroient que
tousjours fut continuee l’excercite des armes afin que la chose publique
de leurs seigneuries et citez fut mieulz augmentee et deffendue. Ne
faisoient il pas nourir leurs enfans aux cours des seigneurs oyl mais
non pas pour apprendre orgueil pompes ne beubans ains afin que en
parfait aage peussent servir le prince ou la contree de l’office qu’il
appartient aux nobles et avoient de coustume que des l’aage de. viiii.
ans faisoient enseigner leurs enfans et duire en toutes les choses qui a
armes et fais de guerre et de chevalerie appartient et est assavoir
qu’il y avoit propres escoles et certains lieux esquelz on les
enseignoit des adoncques a porter les harnois et a eulz en savoir aider.
Et pour ce veult dire vegece ou il parle a ce propos ou. iiii. chapitre
de son premier livre que les nobles se doivent pener de enseigner leurs
enfans des leur premiere jeunesse en l’amour des armes. Car le jeune
enfant est habille a retenir ce que on lui monstre. et naturellement se
excercitent enfans voulentiers et liement saillant et jouant en mouvant
leurs corps si leur doibvent adonc estre enseignés les tours de
isnellité de fraper des bras et guenchir contre les coups qui de travers
pevent venir saillir fossez lancer dars et lances eulx couvrir de l’escu
et toutes telles choses Et leur monstroient comment en gectant dars ou
lances meissent le senestre pié avant pource que en lançant ce que on
veult ou en gectant le corps en est plus ferme et la force de gecter
plus grande. Mais quant vient a pouser main a main des lances les
duisoient a mettre le pié dextre avant pource que la force de bouter est
a la senestre partie. Et pour mieulx les duire en toutes ces choses de
assaillir et de combatre les mettoient mesmement les maistres
aucunesfois en bataille arrengez afin que l’ordre de bataille sceussent
par usage/ Et tous armez les faisoient aller a pié cantité de pas pour
les duire a eulx tenir en ordonnance serrez et joinctz ensemble sans
desrouter/ et de bastons legiers au premier afin que blesser ne se
peussent les faisoient envaÿr les ungs les aultres. et afin que a celle
cause ne peust estre nourrie aucune rancune ceulx qui avoient esté
vainqueurs mectoient a l’autre fois compaignons avec les vaincus/ puis
les ordonnoient a garder certaines places si que ce se fussent
chasteaulx les ungs contre les autres.

Apres quant leur force croissoit pour tousjours continuer l’usage de
lever les bras en portant/ et souffrir traveilles faisoient avec espees
haches & tous bastons de guerre efforcer contre piez fichez en terre/ Et
contre ces piés comme se ce fussent leurs ennemis s’essaierent les
apprentis d’armes et assailloient puis a la teste puis aux costez/ puis
a dextre et a senestre/ puis plus bas frappoient en assaillant
legierement et ça/ et la/ comme c’ilz guenchissent/ et en ceste maniere
d’assault apprenoient force et alaine d’assaillir et affait que force
leur croissoit & aage leur estoit baillee plus grant charge/ et
mesmement plus pesantes armeurez et bastons quant en aage estoient que
ceulx de guerre afin que ceulx de guerre leur semblassent apres plus
legiers/ Si les apprenoient a ferir d’estoc. Et furent les rommains les
premiers qui misrent sur cellui usage/ car ilz se moquoient de ceulx qui
frappoient de taille: en disant que a peine povoit on occire pour cause
des os qui sont durs et retiennent le cop/ mais d’estoc est la playe
mortelle s’il entre seulement au chief ou au corps deux doigtz de
parfont/ et pour la raison aussi que le combatant de taille en hauçant
les bras se desnue et descueuvre au dextre costé: et ce ne fait pas
cellui qui fiert d’estoc. Ains en frappant se serre et tient clos et
peult blecer ains que l’autre ait les bras levez. Et avec ce les
duisoient a porter tous armez fardeaulx pesans pour mieulx aprendre a
porter grant charge a celle fin que ce besoing leur fust qu’ilz peussent
porter avec eulx mesmement leur vivre. Et pour ceste introduction
confermer/ dit vegece ad ce propos que riens n’est grief qui par long
usage l’a aprins/ Ne si pesant fardel que par division ne semble bien
legier.

Virgille.

Et semblablement conferme virgille icellui usage/ ou il dit que les
vaillans rommains portoient ce qui leur estoit necessaire avec eulx a
tout la charge des armes.

Oultre ces choses y avoit chevaulx de bois sur lesquelz leur apprenoient
a saillir tous armez les lances au poing. ramper gravir a cordes
legierement contre les murs/ eulx mesmes faire eschelles legieres ou
grans cordes noees et ramper contremont.




Cy devise encore de ce mesme et les choses en quoy ilz enseignent les
enfans du peuple x. chapitre.


En tous les dessusditz usages et plus encore si bien introduisoient les
anciens leurs enfans et par longue main avec la bonne doctrine des
honnorables paroles qu’ilz leur mectoient en couraige/ que quant venoit
au droit fait de bataille ilz estoient tous aprins et si tresaigres que
a peine povoient ilz estre tenus et que tel doctrine fut bonne au temps
des grans conquestes/ bien y parut/ Et encore expedient seroit en france
et en tous pays ou sont aucunesfois les armes licites a aprendre.

Saluste.

Et a ce propos dit saluste/ Le chevalier et homme d’armes fait a eslire
quant de sa jeunesse a aprins le traveil d’armes et scet l’art de
chevalerie/ Et vault mieulx dist il que le jeune homme se puist excuser
au premier que encore n’ait aprins ce de quoy on le reprent que ce qu’il
deveille en sa viellesse de ce que riens ne scet/ De laquelle chose les
anciens prisoient si pou les nobles qui ne savoient riens qu’ilz ne
mettoient nulle difference de eulx aux bestes paissans/ mais ilz
tenoient grant compte des vaillances dist vegece.

O hommes a grant merveilles loables qui cellui noble art de chevalerie
avés voulu tant excercer qu’elle vous est demouree sicomme naturelle/
estre debvés haultement exaucés/ sicomme ceulx lesquelz les autres
hommes ne pevent vivre en paix ne estre deffendus/ Si est donc grant
avantaige au jouvencel de bonne voulenté quant lieu povoir & espace a de
aprendre l’art & science des armes/ laquelle chose nul ne doibt penser
qu’elle soit legiere/ Et a celluy dist il que en tel discipline est bien
enseignié ne doibt venir paour de combatre en nulle maniere/ contre
quelconque adversaire Ains luy est droit soulas et delict/ Et avec ce
adjoustent les acteurs en quoy se excercitoient le peuple. C’est
assavoir traire de fondes qui moult est grant aide qui bien s’en scet
aider & moult en usoient les anciens.

Vegece.

Et en loant cest art vegece dist comme fonde porter soit de nul poix est
fort proffitable & advient aucunesfois que la bataille est en lieux
pierreux/ ou qu’il convient deffendre aucune montaigne/ & mesmement en
assault ou deffences de fortresses sont fondes moult convenables de quoy
ilz dient que par si grant cure jadis en usoient que en aucunes isles de
grece les meres ne donnoient a menger a leurs enfans jusques a ce que
feru eussent leur viande de coup de fonde/ Avec ce leur apprenoient a
tirer d’arc a main et d’arbalestre/ et les duisoient les maistres a
tenir l’arc a son droit/ c’est assavoir a la senestre main/ & a la corde
tirer de dextre par grant force et souplement conduire la flesche
jusques envers l’oreille & que le cueur et l’ueil eussent adresse ad ce
que assener vouldroient et ententivement y visassent/ Et en cest arc se
duisent mesmement ceulx d’engleterre des leur jeunesse: & pource ilz
passent continuellement les autres archiers. Ilz faisoient leurs butes
ou ilz tiroient de vi. cens piez de long ce dit vegece/ & veult cest art
continuer & souvent exercer mesmement aux bons maistres/ & que l’usaige
en soit necessaire il appert.

Chaton.

Chaton dit en son livre d’armes que moult proffitent bons archiers et
trestous ceulx qui duitz estoient de lancer & traire dars seurmontoient
en bataille plusieurs foys leurs ennemys a tout peu de gens. Et ainsi le
tesmoingne le vaillant combateur Scipion.

Avec ce les duisoient a lancer pierres porter pavois & eux en savoir
couvrir/ gecter lances & toutes choses semblables a icelluy et dient que
propres maistres y avoit qui a la philosomie des jouvenceaulx
appartenoit/ lesquelz regardoient ceulx qui estoient les plus habiles a
la discipline et enseignement d’armes: Sicomme ceulx qui avoient les
yeulx esveillés & legier esperit la teste droicte les piez larges
grosses espaules et de bon tour/ les bras longs gros et bien façonnez &
mains ossues petit ventre et rains bien tournez/ grosses cuisses/ jambes
droictes bien taillees seiches & menues larges piez et drois. Et quant
avec l’abilité du corps les veoient de bon entendement les tenoient fort
chiers et iceulx duisoient aux choses qui appartiennent aux capitaines.
Avec ces choses leur apprenoient a nager en riviere ou en mer. Et vegece
dit que cest art est a tout homme d’armes couvenable a savoir comme elle
leur soit aucunesfois necessaire/ s’il qu’il peult advenir et advient
souvent que force les chasse a passer eaues et rivieres pour eviter
perilz ou pour abriger chemin/ ou es autres necessitez/ ou peult estre
pour attaindre ailleurs ou aller doibvent ou pour seurprendre leurs
ennemys par celle garde qui jamais garde ne s’en donnassent/ et tiroient
apres eulx les anciens leurs fardeaulx et harnoys par subtil
entendement/ sicomme par pieces de bois et sur espines seichez gectees
en l’eaue qu’ilz conduisoient tout en nagant. Aussi peult homme d’armes
par celle voye eschever peril de mort ainsi qu’il est escript du preux
Julius cesar que luy propre par nager garantit sa vie par nager troys
cens pas de mer.

Semblablement cena le tresvaillant combatant chevalier rommain luy seul
durement navré eschappa de la grant multitude de ses ennemis a nager en
traversant ung grant fleuve. Et par celle mesme voye furent secourus de
vivre gens assiegés en ung chastel par leurs amys qui nagerent sans le
sceu de leurs ennemis. Et pareillement les anciens duisoient en cest art
leurs bestes et chevaulx. Et pour souldre la raison de ceulx qui
diroient que les choses dictes sont legieres a dire/ mais fortes a
apprendre/ Dit nostre acteur/ quoy que toutes choses semblent difficiles
au disciple ains qui les sache se le maistre est bien ententif de bien
monstrer/ il n’est art tant soit fort a retenir que par longue coustume
ne deviengne legier Et encontre en continuant les manieres que tenoient
les rommains ung tel usage entre les autres avoient que les nobles
portoient habit different aux non nobles/ & avec ce y avoit propres
robes de joye & autres de dueil qu’ilz vestoient selon les cas de leur
fortune/ c’est assavoir que s’ilz avoient perdu quelque grosse bataille/
ou que quelque pays se fust rebellé contre eulx/ Ou que aucune justice
requerant vengance leur fust faicte. Adonc vestoient la robe de dueil
sans autre habit vestir. Jusques ad ce qu’ilz s’en fussent vengez et
venus audessus. Et lors reprenoient leurs habis de joye.




Cy devise les proprietés que doibvent avoir gens d’armes/ et en quoy ilz
doivent estre eduitz et enseignez. xi. c.


Devisé avons assez les manieres et introductions en fais d’armes que les
anciens donnoient a leurs enfans lesquelles choses pour exemple sont
bonnes a retenir. Si nous affiert a retourner ad ce qui est dit devant/
c’est assavoir en quellez choses s’emploiera le bon et saige capitaine
de la chevalerie ou ses lieutenans Premierement il tira a luy tous les
plus esleuz hommes d’armes & chiers les tiendra/ Et puis que a parler
vient de bon homme en armes Racompte vegece des proprietés qu’il lui
convient/ Et dit que avec hardiesse sans laquelle ne pourroit riens
valoir Doibt estre duit et tout maistre de soy aider en son harnois et
d’y estre aise/ affin que vistement puist assaillir son ennemy/ saillir
fossez legierement gravir sur quelque hault empeschement s’il lui vient
entre piés soy ficher es loges des adversaires par dessus haies et
triefz s’il chiet apoint/ gauchir aux coups par sousplesse de corps et
envaÿr en saillant sur son adversaire/ se la maniere de la bataille le
requiert/ Et dit que telles manieres d’appertises esbahissent le
couraige de l’adversaire et l’espouentent/ & a avantaige souvent
advient/ comme il appert sur plus fort de luy et plus tost le blesse
qu’il n’est apareillé de soy deffendre/ et de tours usoit ce dist il le
grant pompee quant il se combatoit. Et se on me demande en quelle part
seront prins les meilleurs hommes d’armes Je te respons que quoy qu’il
soit dit que es chauldes terres approchans du soleil/ les hommes quoy
qu’ilz soient sages caulz et malicieux ilz n’y sont pas hardis pource
qu’ilz n’ont pas foison de sang/ pour cause de la challeur qui y
habonde. Et aussi par le contredient que ceulx des froides sont hardis
et non sages par quoy on ne doibt prendre ne des ungs ne des aultres/
mais ceulx des terres moyennes sont a prendre.

Quant a moy je tiens que nulle autre rigle ne doibt estre gardee. Et que
l’en doit eslire ceulx qui ont plus veu & qui plus se delictent a
l’exercice d’armes a laquelle labeur soit leur gloire toute affichee ne
autre honneur ne felicité ne quierent en autre maniere que par vertu de
chevalereux fais leur peut venir. Et iceulx de quelque nation qu’ilz
soient sont a recevoir et a donner sauldees. Vray est que avec les
acteurs se doit tout bon sens accorder que se le capitaine a besoing de
gens de commun doibt singulierement eslire ceulx de aucuns mestiers
sicomme bouchiers qui ont acoustumé d’espandre sang a ferir de cugnie
charpentiers fevres et tous autres qui excercent leurs corps en travaux
& euvres des bras/ Aussi gens de village a qui les dures gestes et
peines de labeur n’est estrange & nourriz de rude pasture/ iceulx sont
bons a nourrir peine & traveil sans laquelle chose fait de guerre n’est
pas longuement demené.




Cy commence a parler des manieres qui au connestable appartiennent ou au
capitaine a tenir son office en l’exersant. xii. chapitre.


Or est il ainsi que la guerre est mise sus et deliberee par le prince
souverain receue ou envoiee par deffiances selon l’usage/ le sage
capitaine a ce commis ordonnera que les frontieres soient bien garnies
tant de bonnes gens/ comme d’artillerie de tout trait et autres choses
necessaires de deffence et toute telle garnison & en telle quantité que
bon leur semblera selon la qualité des adversaires/ les villes & les
forteresses si bien garnies que rien n’y conviengne Il advisera quel
nombre de gens lui sera besoing selon se qu’il pourra avoir a faire et
selon son emprinse.

Ledit capitaine eslira les meilleurs de tous les hommes d’armes et
semblablement de ceulx du trait canonniers & autres jusques a la
quantité qu’il lui est necessaire. et pource que au temps de ma
intention on tient que la victoire de bataille par raison doibt cheoir a
la partie qui plus a de gens.

Vegece.

Contre ceste oppinion vegece dit qu’il souffist en une bataille mener
une legion d’ommes armez avec leur aide.

Une legion est en nombre. vi. mille v. cens & lxvi. lances ou bacinez/ &
s’accordent avec ledit vegece tous aucteurs qui de ceste matiere ont
escript/ en disant que comme en trop grant cantité ait confusion
souffist au plus contre toute multitude d’ennemis deux legions sans plus
de bonnes gens d’armes sans presse/ mais qu’ilz soient menez par
souveraine ordonnance. Si sont en nombre. xiiii. mille bacinez ou plus.
Et treuve l’on que plusieurs ostz ont esté desconfitz plus par leur
propre multitude que par la force de leurs ennemys. Et pour quoy certes
bonne raison y a/ car la grande multitude est plus forte a tenir en
ordre & est souvent a grant meschief pour sa pesanteur plus indigente de
vivres/ plus de debas y a plus atarge chemin. Et advient souvent que les
ennemis quoy qu’ilz soient en moindre cantité tendent a les surprendre a
passer destrois passages et rivieres/ et la gist le peril/ Car avantage
ne font l’un a l’autre mais empeschement a bataille arrengee/ mesmes
s’empressent tellement qu’ilz s’entrefoullent et estaignent. Et pour ce
si que dit est les anciens qui les choses convenables en bataille
avoient aprinses & les perilz par experience plus prisoient avoir ost
enseignie et duit que la grant multitude Le bon capitaine establira sur
telz gens divers capitaines soubz lesquelz commetra certain nombre de
gens d’armes aux ungs plus aux autres moins selon leur suffisance/ &
semblablement fera de ses canonniers & gens de trait vouldra lui et ses
gens les veoir en point aux champs en divers jours a monstre les ungs
apres les autres La sera bien prins garde que nul ne soit receu s’il
n’est passable/ car au temps ancien estoient les capitaines
tresestroitement sermentez que loialment serviroient le prince ou la
contree.

Ces choses seront deuement faictes apres ce qu’il aura bonne assignation
de la paye de ses gens d’armes/ car nul ne se attende d’avoir bons gens
d’armes mal paiés/ ains leur fault courage si tost que la paye decline.
Et prendra congé du prince apres bonne assignacion et paiement sur les
champs se mettra a tel effort de gens que le cas et la possibilité le
requerra.




Cy devise la maniere qui affiert a tenir au connestable ou capitaine en
son office/ ou fait desloger son ost selon que dient les livres d’armes.
xiii. cha.


Et s’il est ainsi que ledit capitaine voise en intention de assembler
aux ennemis a bataille desquelz il attende la seurvenue par quoy il luy
soit besoing une espace tenir les champs et y loger son ost/ il advisera
par bon regart selon l’espoir de la venue des adversaires ou selon qu’il
perçoive loger son ost au mieulx/ au premier prendre l’avantaige de la
place s’il peut et meilleur lieu pour soy/ au grief de ses ennemis.

Titus livius.

Et dit titus livius que au temps que ceulx de gaule et de germanie
estoient allez en ost sur les rommains. Iceulx advisez de leur venue
leur furent audevant/ & comme ilz prenissent premier l’avantage du champ
& de la place adviserent d’eulz loger entre leurs ennemis & la riviere/
que par celle cause adviserent & vainquirent leurs ennemis plus par soif
que par armes Et ne souffist pas prendre bon lieu au champ mais tel que
se les ennemys approchent qu’ilz ne puissent pour eulx meilleur choisir.
Si establira son logis en hault lieu pres de riviere s’il peut et que
montaigne ne les surbate advisera de prendre espace convenable en bon
air et sain s’il y peut estre/ et que l’espace des logis soit bien
compassee. Et selon vegece en lieu de pasturages d’eaue & de buschon/
que le champ ne soit acoustumé de retenir goutz de pluye ne d’abondans
palus ne que les adversaires y peussent faire couller rivieres d’eaues
rompans estans ou autres escluses. Il est assavoir que selon la
multitude et le nombre des gens & la planté du charoy bagues et
fardeaux/ doivent estre prins l’espace des logis en telle maniere que
grant multitude ne soit trop a estroit ne aussy plus au large que
besoing est/ car moins fors en seroient. Et doibt le charoy estre mis
tout a l’environ joingnant ensemble. On tient le plus bel logis/ quant
l’espace est prinse si que tierch soit plus long que large/ Au millieu
doibt estre la place du lieu plus fortiffiee/ si que droicte fortresse
faite de mairien se on peut & besoing soit. De laquelle on fera la porte
au front des ennemys/ & a l’environ autres portes par ou vivres puissent
venir Et dit vegece que es combles plusieurs banieres doivent estre
mises/ se le capitaine y espoire longuement tenir l’ost Il fera ladicte
place fortiffier autour des bons fossez & de pavaix avec fermeté de fust
Si que chasteaux esquelz sont mises les garnisons ausquelles dispenser
doit avant bien et sagement estre pourveu. Comme dit vegece/ que plus
griefve fain que glave Car dist il maintes choses pevent estre
souffertes & portees en ost/ Et pource le bon et tressaige capitaine y
doibt si bien pourveoir que vivres n’y faillent aucunement ainçoys le
deslogement du siege/ lequel dure aucunesfois plus que on ne cuyde/ Car
quant l’adversaire sent l’ost necessiteux de vivres: tant est il plus
aigre contre lui/ car par la fin les cuide legierement prendre/ et pour
celle cause advient moult de inconveniens se le sage capitaine ne s’en
regarde. Gens d’ost tant s’efforcent de entretollir vivres a son
adversaire et par especial s’en efforcent gens qui tiennent siege devant
fortresse Bien doibt par especial estre prins garde que les despenseurs
mesmes ne soient larrons et desrobent l’ost par plusieurs mauvaistez
qu’ilz pourroient faire/ car par celle voye ont plusieurs ostz souffert/
fain/ grief/ mesaise/ et plusieurs perilz si y doit on bien adviser.




Encore de ce mesme parle cy ensuivant comme vous orrez. xiiii. chapitre.


Avec les choses dessusdictes dessus toutes choses le bon capitaine se il
veult mener fait de guerre selon droit et justement vers dieu et la
grace du monde/ doibt sy bien ses gens paier que besoing ne leur soit de
vivre de pillage sur terre d’amis. Et par celle voie ne pourra pas avoir
l’ost nul deffault.

Peril est en fait de guerre et en ost quant couvoitise de pillage maine
les gens d’armes plus que ne fait l’entente de garder le droit de leur
perte ou l’onneur de chevalerie/ et pour los acquerre et telz gens
doivent mieulx estre appellez pillars et robeurs que gens d’armes ne
chevalereux. Et de ce bon exemple monstrerent les gaules quant ilz
eurent vaincus les rommains a grant ost et a bataille sur la rive de
Rosne et tresgrans proyes sur eulx gaignes Mais en signe que de ce ne
faisoient nul compte/ et que la n’estoit pas leur intention prindrent
toutes les proies fust Destriers/ riches harnois/ vaisselle/ or/ argent/
et tout jecterent en la riviere/ Laquelle chose moult espouenta les
rommains comme ceulx qui oncques mais ce n’avoient veu faire.

Doncques le sage capitaine bien pourveu es choses dessusdites ne se
attendra pas du tout aux fourragiers pource que souvent ne treuvent que
prendre/ si sera pourveu devant son partement non pas seulement de toute
garnison: mais de tous vivres que bon charroy et fardeaulx aura fait
porter avant soy/ bledz/ farinez/ vins/ chairs sallees/ feves sel/ vin
aigre avec ung pou d’eaue a boire quant vin fault/ & toutes aultres
choses convenables/ que sagement fera dispenser.

Derechief dit le livre d’armes que se l’ost doibt demourer grant temps
au lieu/ & grant force d’ennemys a grant nombre actende. Le lieu doibt
estre de tresbons fossez fortiffié de xii. piez de large et de ix. de
parfont et que roides et droiz soient faiz du costé des ennemys &
broches de fer & autres choses encombrans y soient fichés aumoins s’on y
vouloit devaler. mais dist il se l’ost n’y doibt pas longuement demourer
& que grant puissance d’ennemis n’attende il n’est nul besoing de si
grant fortiffiement ains souffist assez se fossez on y veult faire
qu’ilz soient de viii. ou ix. piez de large et de vii. de parfont. Et
doibt le bon capitaine commettre bonnes gens d’armes avec trait pour les
ouvriers garder tandiz que icelles cloisons & bastilles se font.

Pour toutes telles choses faire le sage capitaine sera tresbien pourveu
de tous hostilz convenables/ de pelles ferrees/ de rateaulx de pics & de
tous instrumens a bastir et tendre logis tentes et pavillons et trefz
necessaires & de ouvriers qui de ce se scevent entremettre.

Vegece.

Nonpourtant dit vegece que gens d’armes doibvent eulx mesmes estre tous
maistres de copper bois faire chemin par hayes et buissons/ bastir logis
faire cloisons de merrien et ramilles/ doller ais pour faire pons/
emplir fossez de ramilles pour faire passaiges et faire eschelles et
toutes telles choses se besoing est/ Et selon ledit acteur les anciens
conquereurs menoient avec eulx forgeurs qui forgoient heaulmes et tous
harnois cultifz a faire ars saiettes javelines et toutes manieres de
harnois/ et estoit leur souveraine cure que tout ce dont on avoit
besoing on trouvast en l’ost comme en une cité/ car le retour n’estoit
pas souvent en leurs maisons. Ilz y menoient aussi mineurs qui savoient
miner la terre pour seurprendre despourveuement les ennemis. Avec ce
vegece devise les choses qui sont bonnes a garder pour tenir l’ost en
santé se longuement y doit sejourner et cinq choses y assigne. C’est
assavoir Lieu. Eaue: temps: medicine/ et exercite Lieu qui ne soit
d’emprez paluz ne marez fumeuz. Eaue qui ne soit malsaine orde ne
corrumpue en fosse plaine de vermines. Temps que en esté ne soient aux
grans chaleurs sans umbre des arbres & pavillons et que deffaulte ilz
n’aient de bonne eaue pour eulx et leurs bestes. Medecine que doivent
estre garnis de tous mires et de bons medecins et toutes choses qui a
malades conviennent tout ainsi que s’ilz fussent en une cité. Exercite
c’est que tant s’acoustument a suffrir peine et traveil et dures gestes
quant vient a la necessité de maladie par la non acoustumance ne leur
courre sus. Si sont ceulx convenables en bataille qui sont tous duis: et
aussi acoustumez de endurer froit/ chault/ dure giste et aspre vie/ car
nul riens ne leur peult advenir qu’ilz n’aient paravant essaié Ainsi et
par ceste guise selon vegece le sage capitaine fera bastir ses logis
esquelz par ordre establira ses capitaines avec leurs gens soubz divers
estandars et banieres ainsy qu’il doibvent aller en bataille par la
forme qu’il leur aura ordonné/ & il au milieu avec les siens sera avec
son estandart dressé en hault.




Cy devise le soing que le capitaine doibt avoir a prendre garde sur son
ost. xv. cha.


Entre les autres vertus convenables a capitaine d’ost est necessaire
qu’il soit preudomme et de grant loyauté ainsi que par exemple est
escript du bon fabricus rommain ducteur des ostz rommains qui pour sa
tresgrant vaillance et bonté Le roy pirus son adversaire luy voulut
donner la quarte partie de son royaume et de ses tresors/ mais que de sa
partie se voulsist consentir a estre son compaignon d’armes. Auquel il
respondit que trop faisoit a despriser richesse acquise par traïson et
mauvaistie. Et possible estoit que par armez peust estre vaincu mais par
desloyalté non.

Avec ce dist vegece que le capitaine auquel est commis si grant ost et
chose/ comme la charge de noblesse de chevalerie. Le fait du prince/ La
chose publique sceureté des citez et la fortune des batailles: doibt
estre non pas sans plus en general sur tout l’ost/ mais en particulier
sur chascun/ car se riens mesadvient le commun dommaige est attribué a
sa coulpe/ Et pource le vaillant capitaine d’ost commis de par le prince
si que dit est/ sera soingneux de prendre garde sur ses gens que bien se
gouvernent es logis comme de raison appartient.

Le livre dit que quant ces jeunes escuiers sont a repos/ ilz doibvent
eulx esbatre es forces d’armes en demonstrant que mieulx leur en plaist
l’exercice que l’oisiveté. De laquelle se meut souvent noise entre
jeunes gens. Et pource le capitaine doit prendre garde quant ilz sont
trop rioteux de s’en delivrer par bel non pas par les grever/ qu’ilz
n’alaissent d’autre part/ ou qu’ilz machinassent aucun mal/ mais par bel
les doit on envoier en quelque lieu faignant aucune occasion Et dit
oultre que se necessité contrainct mettre en telz gens medicine de fer
qu’ilz ne doivent pas estre espargnez Car plus droicturiere chose est en
user afin que les autres y prennent exemple/ que ce que on leur seuffre
offencer et faire outrage a plusieurs gens mais dist il les capitaines
sont plus a loer/ desquelz les gens d’armes sont a mesmes par rigle et
bonne doctrine que ceulx que la paour d’estre pugnis les en retarde.

L’acteur.

L’acteur dit que gens assemblés de plusieurs nations meuvent voulentiers
noises et tumulte/ et aussi aucunesfois advient par aucuns qui ont lache
voulenté de combatre en la bataille si faignent eulx couroucer afin que
on ne les y maine et leur vient pour l’une des deux causes ou pour
toutes les deux/ C’est assavoir ou pource que meilleur voulenté ont a la
partie contraire/ ou pource que acoustumé ont a estre oiseux ou peu
faire et vivre delicieusement. Et pource la griefté du traveil non
acoustumé leur tourne a ennuy. Et dient les livres que grant honneur a
le capitaine quant en l’ost ses gens se maintiennent convenablement.

A ce propos est dit que quant Thimoceus le message du roy Pirrus fut
envoyé en l’ost des rommains pour traicter entre eulz Il y trouva les
chevaliers de si noble et si haulte maniere et de si gracieux maintien
qu’il rapporta/ a pirrus que il avoit veu ung ost des roys/ Ainsi le
saige capitaine sera pourveu en toutes choses prendra grant cure et
soing que riens par sa faulte ne demeure impourveu. Aussi ne dormira
gaires/ et petit de repos prendra/ car le cueur ardant en quoy que ce
soit/ vient de grant labeur. Si sera curieux d’envoier subtillement
espies et escoutes ça et la pour savoir et enquerre l’ordonnance &
maintien de ses ennemys Si advisera combien il a de gens/ et combien ses
ennemis en ont/ Et laquelle partie a les meilleurs chevaulx/ le plus de
trait et de gens de commune/ et de quelle nacion quel secours et dont il
peult venir/ Et sur ces choses vouldra oyr l’oppinion de plusieurs
chevaliers bons et saiges capitaines preudommes plains de bon conseil et
en armes expers Il ne vouldra pas ouvrer selon l’advis de soy seul/ mais
par l’advis de plusieurs: & par leur regard luy avec eulx delibera le
meilleur a faire/ se la bataille donnera ou non/ ou s’il attendra que on
l’assaille soy estant sur sa garde pour decepvoir par aucune cautelle
ses ennemis mais s’il peut savoir que ses ennemis actendent secours il
les hastera de les combatre Ou s’il actend secours il retardera s’il se
sent le plus foible. Si fera ses aprestes et se tiendra sur sa garde il
sera soingneux que bon guet soit fait afin que en mengant ne
impourveuement ne puist estre surprins Car dit le maistre que en
greigneur seureté peult avoir greigneur peril et pour ce doit le
capitaine s’il voit son point assaillir ses ennemis quant ilz menguent
ou quan ilz dorment ou quant ilz sont lassez de cheminer ou que leurs
chevaulx paissent ou menguent lors que plus seurs cuident estre car a
ceulz dist il qui ainsi sont surprins vertu ou force ne leur a mestier
ne grant multitude ne leur peut aider Car a celui qui est vaincu en
plaine bataille ja soit ce que savoir art et usage d’armes ne lui a peu
prouffiter neantmoins il se peut complaindre en son couroux de fortune
mais celui qui est desconfit ou grevé par cauteleux agait ne s’en doit
prendre que a soy mesmes Car il l’eust bien peu eschever s’il eust esté
aussi soingneux de soy garder comme estoit son ennemy de le surprendre.
O bien demonstra stipion l’affrican qu’il estoit maistre de sagement
envaÿr lorsqu’il fist tant qu’il trouva voye que le feu fust bouté es
logis des ostz de ses ennemis. Et puis tantost leur courust sus par tel
asperté qu’ilz ne savoient auquel entendre et furent alors vaincus plus
par esbahissement que par armes Ad ce propos dist vegece que moult
proufitable chose est a ung ost de sages espies avoir qui bien sachent
trouver maniere de savoir les affaires et voulentez que les ennemis ont
et que par dons ou grans promesses sachent eulx entremectre par voyes
cauteleuses de atraire aucun ou plusieurs et mesmement s’ilz pevent du
conseil de l’autre partie tant savoir qu’ilz sachent toute leur voulenté
Et par ce peut savoir le capiteine ce qui lui est meilleur a faire et
avec ce dit encore vegece que moult prouffitent gens qui pevent servier
discord entre les adversaires tellement que obeyr ne dayvent a leur
capiteine duquel on se doit pener de savoir ses condicions et se on le
peut nullement prendre par ses mesmes taches et de ce doit estre advisé
le saige capiteine car nulle nacion tant soit petite ne peut du tout
estre affacie par adversaire se ce n’est par meslee ou contens des siens
mesmes mais ausi pareillement que ledit capiteine sera soingneux
d’envoier ses espies ausi prendra il garde qu’il ne soit espiés ne son
convine descouvert ne mesmement l’ordonnance de son ost. Et que la
cantité des gens ne soit sceue par ses ennemis pour ce que sur ce
pourroient pourvoier. Encore y a autre maniere qui prouffite a aucuns
quant ilz se sentent si grandement fors et tant bien garnis de foison de
gens d’armes que bien leur plaist que leurs ennemis sachent la grant
fierté de leur ost afin que d’eulz soient plus redoubtez et cremus
sicomme il advint lorsque le roy pirus de macedonne envoia ses espies
pour savoir l’estre et la cantité de ses ennemis lesquelz espies prins
et menez devant le prince de l’ost rommain ne veult qu’ilz eussent mal
ains ordonna qu’ilz fussent par tout menez affin qu’ilz recordassent sa
grant puissance de laquelle chose ainsi faicte le roy pirus loua moult
les rommains et plus fort les redoubta Et semblemment dist on que le
puissant roy alixandre le fit ou temps de ses conquestes mais se de fait
de son adversaire peut on tant apprendre qu’il sache s’il a plus de gens
a pié plus d’ommes d’armes ou plus de gens de trait ou mains que lui.
Selon ce se pourra ordonner pour la meilleur voye a son prouffit et
dommage de ses ennemis. Les acteurs qui de ceste matiere ont parlé dient
que des le temps ancien les capiteines des ostz avoient proppres
enseignes sur leurs heaulmes pour estre congneu des leurs & avoient
confanons a certaines divises ou leurs gens se retrayoient. C.
chevaliers estoient subgetz a ung capiteine c’est assavoir. cent hommes
d’armes et iceulz capitenes appelloit on centurions et autres en avoient
plus grant nombre et autres moins et bailloit on les banieres et les
estandars a porter aux plus vailans chevaliers aux plus feaulx & aux
plus seurs laquelle ordonnance est encore aujourd’uy a bon droit tenue
pour ce que l’ost au regard de la baniere se gouverne il est escript
comme par la faulte de ung traytre qui tenoit l’estandart fut une fois
en grece ung grant ost de gens desconfit par une petite cantité de gens
en bataille.




Cy devise la maniere que le capiteine doit tenir au deslogier d’une
place et par les chemins ou il manie son ost. xvi. chapitre


S’il advient que l’ost partir se doive et changer place le sage capitene
advisera bien comment.

Vegece.

Et dit vegece que ainçoys que le duc ou capitene se meuve doit bien
savoir la disposicion de ses ennemis qu’il sache eslire lequel vault
mieulx qu’il se parte de jour ou de nuyt/ mais avant doibt bien avoir
aprins l’estre des chemins afin qu’il soit pourveu de soy y contenir en
maniere de son ost n’y puist estre seurprins/ sicomme en trop d’estrois
passages ou il puist estre guectez ou en fondrieres d’eaues palus &
marescages ou les autres sachent mieulx les adresses du païs. Et pource
tout ainsy que ceulx qui vont par mer et les perilleux passages et
estroitz ne scevent les font paindre en une carche pour les eschever.

Semblablement il est escrit que ainsy le fist le roy alixandre/ Et aussi
les capitaines & meneurs d’ost doivent savoir les voies & passages/
montaignes/ forestz bois/ eaues/ rivieres/ et destroitz par ou passer
doivent/ & pourtant que bien s’en sera informé/ le sage capitaine de
paour qu’il ne faille/ prendra se besoing est conduicte de ceulz qui les
scevent/ lesquelz gens prins pour conduire les fera si bien garder
qu’ilz ne puissent eschapper/ afin que espace ne puissent avoir de l’ost
traÿr ou d’aucune mauvaistie faire. Si leur donnera argent & promettra
grant guerdon se loyaument les conduisent/ & aussi par grans menaces les
espouenteront seigneurs et autres s’ilz font le contraire Le capitaine
deffendra bien expressement qu’ilz ne revelent a personne le chemin
determiné a tenir ne quel part veult mener son ost ne le propos qu’il a.
Car a peine y est ung ost sans traitres/ & fort seroit que en telle
quantité de gens ou souvent a foison d’estrangiers n’y ait de faux
courages/ mais il doit savoir que chose n’est pas au monde qui moins
face a souffrir a princes seigneurs ou capitaines d’ost que ceulx qui le
font si en appert/ & doibt savoir qu’ilz deservent mauvais guerdon
combien que aucunes fois le facent pour complaire.

Bien le monstrerent les rommains a ceulz qui traitreusement avoient
occis Certorius leur seigneur pour cuider complaire aux rommains/ pour
ce que jasoit ce qu’il fust rommain et leur seigneur toutesfoys avoit il
mené grant guerre/ a ceulx de romme par le despit et envie qu’il portoit
a aucuns seigneurs rommains Mais quant les traiteurs vindrent pour avoir
leur sallaire/ ilz receurent la mort/ & leur fut dit que tel paiement
appartenoit a trayteur Semblablement est il escript que ainsy le fist le
fort roy alixandre a ceulx qui pour lui complaire avoient occis le roy
daire leur seigneur. Avec ce aura commis & commandé a plusieurs des
siens bons & loyaux qu’ilz soient montez sur bons chevaulx & cherchent
ça & la pour prendre garde que l’ost ne soit espié.

Vegece.

Et dit vegece que espies doibvent estre envoiez comme s’ilz fussent
pellerins ou laboureurs affin que jour et nuyt serchent partout que
quelque part embusche n’y ait. Et se les espies ne retournent le
capitaine doibt prendre une autre voye s’il peult nullement/ car c’est
signe qu’ilz sont prins/ si accusent telz gens par tourmens tout ce
qu’ilz scevent. Si ne sera pas apprentis de avoir mis son ost en belle
ordonnance avant son departir Le bon capitaine mettra les meilleurs de
ses gens avec planté de trait du costé ou il pensera que le plus grant
peril soit et aura donné ordre que la plus feble partie obeisse a la
plus forte et bien ordonné et commis aura aux autres capitaines ses
subgectz que l’avantgarde voit par belle ordonnance joinctz ensemble a
pas ayrés tous prestz de rencontrer leurs ennemis se besoing est. Le
corps de la bataille venans aprez serrez et joinctz sicomme ung mur/
estandars banieres et penonceaulx volletans au ven[t] Et puis l’arriere
garde par semblable ordonnance.

Vegece.

Et dit vegece que le charroy et sommage des provisions doibt apres
l’avantgarde venir pour plus grant sceureté ou devant l’arriere garde Et
pource que aucunesfois on assault de costé par aucune embusche on y
mettra de celle part gens d’armes et assés trait. Et se les ennemis de
toutes pars s’estendent de toutes pars leur soit appareillé secours/ et
selon les gens qu’il aura/ il sera advisé de prendre l’avantage du
chemin ou en plains champs ou par sur montaignes s’il peult/ pource que
mieulx se deffendent par boys ou sur montaigne gens de pié que ceulx de
cheval desquelz usent mieulx en lombardie ou autres contrees et les
appellent brigans ou enfans de pié.

Vegece.

Et dit vegece que de ceulz se peut on moult bien aider/ mais qu’ilz
soient bons comme ilz soient convenables en champs et villes en mons et
en vaulx/ car en plus de lieux se pevent ficher que ceulx a cheval ilz
sont appers et legiers pource que legierement sont armés/ et sont les
bien usages communement hardis si en peult on tenir grant nombre a assez
pou de coust. Et dit le livre d’armes que le capitaine doibt bien
prendre garde a la maniere de l’aller de ses gens que areement & par
egal facent leurs pas/ car ost desordonné est en grant peril/ ne riens
n’est plus prejudiciable en fait de bataille que desordonnance Et dit
qu’ilz doivent aller x. mille pas au temps d’esté ou cinq heures qui
pevent monter cinq lieues/ & se besoing est pevent encor aller ii. mille
pas et non plus. Si doibt estre advisé que par long chemin ne traveille
tant son ost/ que necessité de repos les puisse rendre malades/ pource
doibt adviser de partir a heure convenable si que logés puissent estre
ainçoys qu’il soit nuyt. Et que es cours jours d’iver ne partent si tart
que par pluyes nesges ou gellees leur conviengne aller grant partie de
la nuyt/ & soit pourveu de haies de buissons et de toute fueille/ car
riens n’est plus necessaire en ost que feu/ et qu’ilz ne usent de
mauvaises eaues de doubte d’engendrer pestillence/ car en telle
assemblee n’ont malades mestier et est grant meschief quant necessité de
bataile chasse ceulx qui par maladie sont desconfitz a faire plus qui ne
pevent.




Cy parle de passer ost par fleuves ou par grans rivieres: xvii.
chapitre.


Il eschiet aucunesfois qu’il convient a ost passer fleuves et rivieres/
qui est chose moult encombreuse & plaine de peril. Et les remedes de les
passer a mys vegece qui dit que premierement doibt estre bien advisé en
quel lieu la riviere peut estre moins parfonde & en cellui endroit se
doibt mettre au travers une route de gens tresbien montés & une autre
route audessoubz & illec entredeux passera la grant flote de l’ost/ et
dit que ceulx de en hault retendront la roideur de l’eaue/ et ceulx de
embas pourront soustenir ceulx que la force de l’eaue maistrieroit. Et
se l’eaue est tant grande que cestui remede n’y puist servir & que a
toutes fins la conviengne passer ou qu’il y ait grant proffit a estre de
l’autre part/ le capitaine aura fait faire grans pons portatifz qu’il
fera en charroy devant soy mener dont les aucuns seront faitz sur queues
vuides actachiez par le travers de bonnes cordes & bonnes aisselles bien
chevillees et bien serrees l’une a l’autre/ Et le peut on tout acop
asseoir en l’eaue sicomme ung pont leveiz. Par engin des subtilz
maistres desquelz sera avant bien pourveu.

Autres par grans pieces de bois fichies en l’eaue ausquelz seront cordes
bien atachees & ais par dessus. Autres par avoir plusieurs bateaulx
atachez ensemble & couvers d’ais par dessus et de fiens & sont iceulx
les plus fors qui soient qui de tant de bateaulz pourroit finer/ ou
sinon avoir longues pieces de bois bien chevillees ensemble et mettre
des ais et des cloyes par dessus/ mais que les pieces de bois soient
bien esquarrees/ & puis tout couvrir de fiens et les encrer tresbien en
l’eaue affin qu’ilz soient plus fermes. Et par telles voies pevent assez
legierement passer/ mais divers remedes y trouva Cirus le roy de perse
quant il alla pour prendre la cité de babilonne & il se trouva sur le
grant fleuve de eufrates tant large & si parfont que impossible sembloit
a passer/ il le fist a force d’ommes par faire fossez & cavains/ la
terre partir & la riviere en quatre cens lxvi. rivieres & par celle voye
passa/ car il n’est riens que engin d’omme n’ataigne quant sens et grant
voulenté s’en entremettent Avec ce est recité par les anciennes
histoires que les conquereurs de jadiz estoient si duis et si bons
maistres de nager qu’ilz ne craindoient pas a traverser rivieres de
grant largesse/ et avoient grans pieces de mairien cavez et creusez
dedens lesquelles pieces ilz mectoient leurs harnois/ et les autres
faisoient faisseaulx de ramille et les mettoient sus/ et ainsi
passoient/ & se du pont ont mestier pour passer et rapasser doibt estre
fossoyé et basty du costé des ennemis et gardé a bonnes gens d’armes et
foison trait/ et quoy ces tours sembleroient legiers a oyr et fors a
faire a ceulx qui aprins ne les ont/ qui dire pourroient que ce seroit
songe/ toutesfois ce n’est pas truffe/ que quant les grans ostz des
rommains durant l’espace de plus de xxx. ans/ alloient souvent en
auffricque et jusques a la cité de cartage/ et mesmes en contrees trop
plus loingtaines leur convenoit passer plusieurs rivieres et grans
fleuves et fons/ et semblablement par toute la terre qu’ilz conquirent
ilz n’avoient pas pontz faitz de pierres ne vaisseaulx aux rivaiges et
ne trouvoient qui oultre les passast/ se leur convenoit user de telz
engins. Et s’il advient que par nuyt a la lune ou se en requoy puissent
passer que les ennemis riens n’en sachent/ tantost se doibvent armer &
en bonne ordonance remettre que surprins ne soient et aller leur voie le
beau petit pas en telle ordre que se les ennemys surviennent soient
appareillez a plus souffrir de peril que iceulx a leur donner/ mais
s’ilz les pevent eschever par montaignes & mettre les autres par
dessoubz ce leur peut estre grant sceureté et avantage/ & s’il est ainsi
que les voies treuvent estroictes par empeschement de boys ou hayes/
vault mieulx dit vegece qu’ilz les oeuvrent et eslargissent en faisant
chemins a la main/ que ce qu’ilz souffrissent peril es larges et amples
chemins.




Cy devisent les manieres qui affierent a capitaine d’ost a tenir au
temps qu’il espoire avoir prochaine bataille. xviii. chapitre.


Apres les choses dictes est temps de venir a parler de certains pointz
advis & rigles qui au capitaine sont bons a tenir au temps qu’il espoire
avoir prouchaine bataille selon le livre d’armes/ et les autres acteurs
qui de ceste matiere ont parlé/ Et est assavoir que quant on sent que
ennemis veullent courir sus/ on ne doit pas attendre qu’ilz entrent en
la contree ainçois leur doibt on aller audevant a grant ost. Car mieux
vault fouller la terre d’aultruy que souffrir la sienne estre foullee Le
capitaine doncques arrivé au lieu ou il se atent avoir en bref temps
avoir jour de bataille sentant ses ennemis pres/ se tiendra sur sa
garde/ mais il ne se hastera pas de les assaillir en plaine bataille se
a son avantage n’est/ pource sera moult curieux d’enquerre que on dist
de leur estre/ quel conseil il a/ quelz sont ses capitaines duitz de
guerre ou non/ de laquelle foy et loyauté sont ses gens d’armes comment
le cueur leur dit/ de laquelle et quelle voulenté ont de combatre et se
ont vivres ou non/ car le fain se combat par dedens & peut vaincre sans
fer Il aura advis et conseil avec les siens assavoir se le meilleur est
de donner tost ou non la bataille ou la retarder ou attendre que
assailly soit/ car se savoir peult que par fain soient mal menez ou que
la paye leur faille/ par quoy s’en voisent petit a petit/ & tous
malcontens laissent leur capitaine/ et que gens delicatifz nourriz a
court et es aises et mignotises y ait/ quoy qu’ilz soient foison/ mais
que plus ne puissent souffrir la dureté du champ et la merveilleuse et
aspre vie d’ost Ains desirent le repos ne se hastera pas en quelque
maniere de donner la bataille/ Ains se tiendra paisiblement comme se
riens n’en sceust & le plus secretement qu’il pourra envoiera mettre
embusches aux passages/ et par ce s’il peult il les surprendra.

Que grant proffit soit a capitaine d’ost savoir sagement mectre embuches
et surprendre ses ennemys lors y parut lors que hesdrubal menoit au
secours de hanibal prince de cartaige son frere/ a tout merveilleux ost
contre les rommains/ lesquelz de ce advisez s’embuscherent au pié des
montaignes/ et la luy coururent sus par telle vigueur que l. mil hommes
et plus y occirent & prindrent a tout grans richesses Nonobstant la
foison des elephans qu’ilz amenoient dont moult bien se savoient aider
en bataille.

Vegece.

Et ceste voye tenir afferme vegece disant que on doibt espier son
adversaire tant que son ost est divisé au passer grans fleuves/ ou que
las soient de cheminer/ ou entreprins de palus/ ou d’aucuns estroiz
passages/ si que eulx occupez d’empeschemens soient avant occis que
ordonnez/ mais se le capitaine scet que ses ennemys soient fors et de
grant couraige contre lui et desireux de combatre/ semblablement se
doibt pener d’estre contre eulx.

S’il advient que jusques au logis viennent l’ost assaillir/ a l’eure
qu’ilz ne cuident pas que on les doive assaillir: il se deffendra sans
plus faisant semblant de non voulloir yssir/ mais quant iceulx auront
les dos tournez/ s’il advise que aucunement soient defrontez ou amusez a
prendre quelque proie adonc se son point voit/ sauldra hors en tresbel
arroy et hardiement leur coura sus en portant leur dommaige a son
povoir/ mais il doibt bien regarder de non faire saillir hors ses gens
en tant qu’ilz soient lassés par erre de longue voye ou grant journee/
car gens lassez sont demy vaincus. Et par celle voie assaillirent les
tressages rommains le trespuissant roy D’assirie D’aise/ et D’europe.
Anthiocus c’est assavoir par nuyt que son ost estoit travaillé et avoit
tresgrant besoing de reposer ne garde ne s’en prenoient ou les rommains
estans en assez petite quantité occirent plusieurs des gens au roy
Anthiocus plus de lx. mille si que l’istoire raconte.

Vegece.

Et dit vegece que comme bataille soit finee en deux ou en trois heures
Apres laquelle toute esperance est cheue a la partie desconfite. Et
pource que la victoire ne peult pas estre congneue avant le commencement
Le saige capitaine ne se doibt pas voulentiers ne de legier mettre en
bataille planiere se son grant avantage ne voit.

Que journee de bataille soit et face a redoubter comme chose trop
adventureuse bien l’esprouverent les rommains lors que leur grant ost
eurent envoyé en bataille que contre eulx s’estoit rebellee/ ou de la
bataille qui trouverent tost preste ne demoura d’eulx personne qui a
romme peust rapporter les nouvelles. Ains le sceurent apres longue
espace par autres estrangiers. Pource le sage capitaine se doibt souvent
pener de grever ses ennemys en belles escharmouches par agais et
embusches/ et par ses voies les diminuer par chascun jour le plus qu’il
peult.

Item dit aussi que quant il advient que on prent prisonniers durant la
guerre soit en escarmouches ou autrement/ que on ne doit iceulx traicter
si durement que on les rende desesperez de leur vie/ ou cas que on
attende bataille Car de tant que moins auroient d’esperance de trouver
pitié s’ilz estoient vaincus/ de tant se deffendroient ilz plus
aigrement. Car maintesfois a esté veu que petite quantité de gens
desesperez vainquoient grant et puissant ost/ par ce que mieulx aimoient
a mourir que cheoir es cruelles mains de leurs ennemis/ si est grant
peril de telz gens combatre/ car par leur grant ayr/ force leur croist a
double/ si doibt il bien savoir congnoistre et juger/ si que le
droicturier/ juge aussi bien la force de l’avantage de son adversaire et
de quoy/ et comment il le peult grever comme son fait propre/ et par ce
se peut saigement conseiller en fait d’agait Et par celle voye ont
plusieurs fois petit nombre de gens conduitz par bon et sage capitaine
vaincu grant multitude si que dit est.

Vegece.

Mais s’il advient ce dit vegece ennemy te presse de prendre jour de
bataille et qu’il te haste de combatre/ prens garde ce c’est a ton
avantage et a ton grief/ si n’en fais riens se ton meilleur n’y voys.




Cy devise les manieres que capitaine doibt tenir se il advient qu’il se
vueille partir du champ sans attendre ne donner la bataille. xix. cha.


Mais posons que le cas advienne que le prince mande au capitaine qu’il
s’en retourne sans livrer la bataille ne que plus en face/ ou que le
capitaine voulsist pour certaines causes laisser le champ/ est a
regarder quelle maniere il tiendra sans effraier ses gens nullement ne
que ses ennemis l’apperçoivent Car dit vegece/ que il n’est plus grant
villenye que soy partir du champ present ses ennemis ains que on
assemble se ce n’est pour avoir accord prins entre eulx/ car en ce
apperent deux choses malhonnorables/ l’une qu’il ait paour et que
couardie le meut. l’autre que petite fiance a en ses gens/ et avec ce
donne hardement aux ennemis. Et pour ce que le cas advient aucunesfois
que les deux ostz s’entrevoient sans assembler est bon de toucher la
meilleur voie puys que partir convient sicomme vegece l’enseigne qui dit
ainsy.

Puys que partir te veux garde bien que les tiens ne sachent en quelque
façon que ce soit pour eschever l’assemblee/ mais fais courir la voix
entre eulx que c’est pour aucune cautelle trouvee pour grever en autre
lieu et rataindre mieulx les ennemys qu’ilz ne s’en donnent garde/ et
les autres par certains agaitz.

Vegece.

Car vegece dit se tes gens savoient que partir voulsissez sans en plus
faire/ tantost petit a petit leveroient le champ/ pource qu’ilz
penseroient que tu fussez espouenté de donner la bataille si pourroit
estre a ton grant honte.

Apres dist il tu doibs garder que tes ennemis ne l’apperçoivent/ car
tantost te pourroient courir sus. Et pource aucuns en tel cas
aucunesfois ont fait assembler une flotte de gens a cheval & courir ça
et la pour faire umbre a ceulx de pié qui endementiers passoient oultre.

Aultres se sont partis de nuyt qui est une maniere merveilleusement
honteuse/ car ceste appert estre droicte fuite. Et autres en belle
bataille arrengee s’en partent plainement/ mais ses manieres de partir
ce dist il ne sont pas a louer se grant necessité pour l’ost sauver ne
le fait faire/ Mais meilleur maniere est dist il que ceulx de pié
legierement armez se partent tout coiement et voisent prendre ung
certain champ dont le lieu soit a leur avantage et la se treuve tout
l’ost. Et se les ennemys se mettent a chasser les premiers venus leur
soient audevant tant que l’ost s’assemblera/ Adonc de l’avantaige de la
place avec leur force se pourront aider a eulx contrester & vendre chier
leur fuite/ car dist il nulle riens n’est plus perilleuse a ceulx qui
follement chassent que eulx embatre sur agait ou en lieu qui au chois
soit pourpris des adversaires.

Quant on se part de la place/ une partie de l’ost voise par le grant
chemin bien ordonneement/ ou cas que les ennemys tendent a les suyvir/
et les autres soient envoiez secretement par autres costiant leurs
compaignons. Sy advient communement que ceulx qui chassent par le grant
chemin pource que entour eulx peust veoir se delaient ça et la & puys
s’en partent/ mais quant cuident estre delivrez & que la chasse ont
laissee et ne leur chault plus d’ordonnance comme ceulx qui cuident
estre asseur. Adont les embusches lez quelque terre leur courent sus par
grant vigueur/ et par celle voye moult adommaiger. Et comment qu’il soit
celluy qui part de son ennemy doibt en toutes guises pourveoir s’il est
chassé que les chasseurs aient aucun meschief au retourner ou par bastir
agait ou par pas enforcer ou en quelque autre maniere. S’il advient que
a iceulx chassans conviengne passer aucun fleuve ou rivieres fay ton
agait pour courir sus aux premiers passez/ & ordonne autre partie de tes
gens se tu peulx par derriere ceulx qui encores attendent a passer. Et
s’il te convient mesmes passer par aucuns boys au destroitz envoye
devant personnes feables et saiges qui te sachent rapporter le pas/ et
se embusches y a/ car moins honteuse chose seroit a recevoir dommaige en
combatant a son ennemy appertement que avoir encombrier par ung agait/
dont on ne seroit donner garde par grande negligence.




Cy devise se le capitaine d’ost chiet en traictié de paix ou de trieves
avecque ses adversaires ou ennemys. Et comment il se peult preserver et
garder des merveilleux et tresgrans perilz ausquelz il peut estre deceu.
Chapitre xx.


Affin que riens qui convenable soit expedient a mettre en nostre livre
ne soit oublyé des cas qui en armes souvent adviennent et advenir peust
est bon de parler d’une chose qui trop durement peult grever l’ost/ et
plus vaincre que fer ne quelconques autres choses/ et qui souverainement
fait a eschever et s’en garder quoy que mout forte chose soit a
destourner quant en ost c’est embatue si que declairé sera cy apres.

Devisé avons comment ung ost se peult partir le plus sceurement du champ
en cas que meilleur conseil lui dist de non combatre. Or supposerons
autrement. C’est assavoir que en champ soient les deux ostz a grant
effort d’une part et d’autre appareillés de prendre journee de bataille/
mais par certains moiens entrent en tractié de paix/ si est assavoir que
en ce cas est necessaire ce que devant avons tant dit: c’est que le
capitaine soit sage. Affin que en toutes choses ce sache tenir au
mieulx/ et pour ensuyvir la voye que sagesse peult enseigner
premierement advisera/ a deux principalles choses.

La premiere est qu’il considerera qui sont les personnes qui traictent
et de quel mouvement leur peut venir.

La seconde quel et sur quelz poins est fondé celluy traictié/ quelle est
la demande que on luy fait ou quelle est l’offre.

A la premiere des deux fait a/ adviser se ceulx qui traictent sont ses
amis ou s’il les repute/ ou s’ilz sont gens moyens non adherens d’un
costé ne d’autre/ ou se simplement sont deceuz de l’autre partie/ s’il
est ainsy qu’il viengne simplement de l’autre partie moult s’imposera de
bon signe se fraude n’y a car ou dieu les a inspiré/ ou il appert qu’ilz
doubtent [et] resoingnent la bataille. Neantmoins doit bien adviser la
maniere de la demande & aussy l’offre Et pource que quant se vient grant
poix porte/ la chose se conseillera avec les sages de son conseil et
bien advisera sur tous les poins tant que au respondre ne se montre
ignorant et qu’il n’y ait riens oublié. En laquelle responce gardent
l’onneur et preu de leur prince et aussi le leur.

Il ne sera trouvé reffusant de la voye d’accord a ses bons poins
raisonnablement Lequel accord ou appointement en quelque maniere ne
doibt estre achevé sans la licence du prince Lequel est en escript tout
par ordre la demande et l’offre demandee Car bien doit estre advisé de
soy garder d’en agreer quelconques convenances aux ennemys sans licence
et voulenté de luy de son conseil/ par l’exemple de ung tresbon
conduiseur de l’ost rommain qui avoit esté envoyé devant la cité de
magence dont il fut desconfit avec quarante mille de ses gens. Et pource
que apres la desconfiture il agrea paix aux magenciens sans la licence
de ceulx de romme/ ilz ne la tindrent pas Ains envoierent ledit
conduiseur de l’ost rommain prins et lyé a magence et rompirent l’accord
Et icy fait a regarder/ car se tu peux appercevoir que on te tiengne en
parolles par loing traing trouvant aucunes choses sans necessité pour
alonger temps/ saches de vray que tout est decepvance et cautelle/ en
attendant aucun secours delayer sans plus la bataille/ ou affin que tes
garnisons soient tandiz dissipees et que tes gens se ennuyent du long
sejour et se partent pou ou pour quelque autre cause Item se ledit
traictié vient de ung autre moyen si que se le pappe y avoit envoié ung
legat pour mettre paix/ ou ung autre prince ou seigneur meu par bonne
voulenté/ quoy que devers le prince deust estre allé premierement ou
supposé que toy mesmes soyes le prince doibs a celluy moien bien
declarer l’occasion/ la cause le bon droit et la juste querelle que as
de mener guerre contre l’autre partie affin que ledit traicteur qui
veult sans sang espandre mettre fin en ceste guerre soit advisé de ce
faire telle admende et satisfacion qu’il appartient monstrant aux
ennemys leur grant tort. et aussy se les ennemis dient avoir meilleur
droit ne soies aveugle que voulenté te destourne a toy submettre a
raison/ & se tu sens que en aucunes choses ayes droit et es autres non/
tu te doibs plus legierement condescendre a traictié et accorder partie
du voulloir des autres sans ton deshonneur se mieulx ne peulx faire et
que laisse aller aucune chose de ton droit. Posons encore que l’ost des
ennemys fust amoindry en quantité & que la tienne fust multipliee de
gens et puissance et le leur amoindry par aucune puissance autre ou
quelque fortune par quoy redoubtant la bataille bien voulsissent
traicter et faire paix toy faisant bonnes offres pour eulx mieulx mettre
en son devoir/ et eschever effusion de sang/ ou qu’ilz fussent inspirés
de vouloir faire paix et tresbon et loyal accord/ combien que leur
puissance fut a la tienne assez egale/ que doibs tu faire/ te doibs tu
enorgueillir/ pourtant les cuidant avoir si que d’avantage se a la
bataille venoit/ par quoy nullement ne voulsisse venir/ a accord Ains
plus te feroit on d’offres et plus seroies trouve rebelle et dur Certes
nenny/ car a peine seroit trouvé que oncques advenist que les reffusans
justes offres quelque droit qu’ilz eussent ne quelque grant quantité de
gens qu’ilz fussent contre petite/ que mal ne leur en advenist au
derrenier. Et semble que en tel fait dieu pugnisse iceulx reffusans/
mais vecy ou tu doibs regarder & la est le peril c’est que par traïson
ne puisse estre deceu par desloyaulx moiens soubz umbre de traicter
paix/ et a quoy le pourras tu congnoistre/ certainement par ses raisons
pourras avoir couleur de toy douter & estre sur ta garde/ par quoy s’il
est ainsi que le mouvement d’entrer en traicté/ soit venu d’aucuns des
tiens par la condition de luy pourras penser quelles pourroient estre
les causes qui l’ont meu a vouloir faire traicté/ car se sage est et
preudomme et de juste conscience et que tu le saches bien/ tu ne te dois
esmerveiller se tel homme vouldroit voulentiers trouver voye pour
eschever effusion de sang par aucun bon et honnorable traicté et que
paix fust/ mais s’il est homme non acoustumé de soy trouver en telz cas
et lasche de courage quoy qu’il puist estre malicieux et bien parlant tu
peus bien pencer que de laschetté et de couardise luy peult venir/ Mais
non pourtant ne doibs tu du tout debouter ses raisons/ mais adviser se
elles sont bonnes & a ton honneur et proffit.

Une aultre chose fait a considerer c’est que en bien escoutant celluy
qui la voye d’accord & de traictié te conseille advise se la paix peut
mieulx estre & venir a son proffit que la guerre & se en parlant il se
efforce de toy mettre en couraige de faire paix Laquelle pour le grant
desir qu’il a ne te soit pas bien honnorable. Ou se c’est homme
couvoiteux auquel par dons ou promesses on luy eust par aventure fait
dire/ a ceulx icy se savoir ne peulx tu ne dois adjouster en aucune
maniere nulle foy/ mais les bouter arriere tant que tu pourras se
souffisamment en es informé. Car le tresmauvais et desloyal conseilleur
ne chasse tousjours fors a son proffit/ & le loyal vise plus au bien
publicque que au sien propre.

Or est necessaire que durant le traictié que ainsy comme les
ambassadeurs viennent vers toy de dela/ que tu y renvoies des tiens. Si
doibs en ceste chose estre si bien advisé que n’en soyez deceu/ car
moult y peult avoir grant peril se preudommes ne sont/ car par telz
moyens et ambassadeurs plusieurs citez pays et royaumes sicomme Troyes
jadiz et autres plusieurs ont esté deceuz par faulx et traytres
ambassadeurs eulx monstrans estre loyaulx et bons Ne il n’est pas de
pareil peril a cestuy pource que tant est couvert que a peine nul tant
soit sage ne se peut de trayteur garder se par traïson a entreprins a le
grever.

Contre ce peril y a meilleur remede que de y envoier des plus prochains
de son sang se avec soy en a qui grant compte facent de sa mort et
destruction et de tes meilleurs amis/ non pas par adventure de ceulx en
qui plus te fies/ car par iceulx ont plusieurs esté deceuz/ mais de
ceulx que tu auras mis en hault degré et qui perderoient se tu n’estoies
& aultres de qui tu sentiras la vie et conscience bonne honnesté et
loyale/ et de loyauté user en tours de guerres et batailles et que de
traïson ne soient reprovez selon la sentence des bons/ bien le demonstra
le tresvaillant fabricius dont tant avons parlé/ Lors qu’il estoit ost
contre le roy pirus/ qui moult grevoit par ses batailles les rommains.
Et le medicin d’icelluy roy pirus vint a Fabricius et luy offrit
emprisonner son maistre mais que bien le voulsist guerdonner. Le
vaillant homme luy respondit que ce n’estoit pas l’usage des rommains
vaincre par traïson/ si le fist renvoier a son maistre lequel quant il
sceut le cas dist a haulte voix. Or avant tourneroit le soleil de son
cours que fabricius se partist de loyauté. Si s’en partit le roy pirrus
sans donner ceste fois la bataille pour la cause de ceste grant bonté.




Cy devise les manieres que le capitaine d’ost doibt tenir le jour qu’il
espoir pour certain avoir bataille. xxi. c.


Apres ces choses pour venir au point que fait de guerre conclud/ c’est
assavoir assemblee de bataile comme ce soit le fait principal disons
ainsi/ & s’il advient a toutes fins que necessité de combatre contraint
l’ost de assembler a certain jour aux ennemis adonc ne doibt pas estre
despourveu le sage capitaine de tout ce qu’il luy convient faire et
adviser au mieulx & sont aucunes choses qui ne sont pas a oublier/ que
fera il doncques il n’aura pas pou a penser/ car plus grant fait entre
les hommes ne peut estre fait que cellui ou gist le plain fais de toute
la contree l’estat du prince et la vie de infinies personnes/ l’onneur
ou deshonneur du seigneur ou de la chevalerie et de tous nobles.

Adonc assemblera il tous les capitaines de l’ost devant soy et vouldra
en audience parler a eulx presens tous ceulx qui estre y pourroient dire
en telle ou semblable maniere. Treschiers freres compaignons et amis
nous sommes icy assemblez si que vous savez par le commandement de
nostre bon prince pour garder et tenir sa place ceste part comme ces
lieutenans pour maintenir a l’espee la juste querelle de son bon droit
que ses nobles predicesseurs ont par long temps soustenue/ ou qu’il a/ a
bonne cause entreprise contre tel roy ou seigneur Duquel a receu
plusieurs griefz/ c’est chose vraye sicomme nous en sommes bien informez
Si sommez tenuz comme loyaulx subgetz ou ses advoez prenans de luy
gaiges et souldees de garder & soustenir sa bonne cause en exposant
corps et biens sicomme promis l’avons par nos sermens bien & loyaument
sans deguerpir la place pour paour de mort. Or faisons donc tant et de
ce vous supplie tous et requiers sicomme a chevaliers freres amys et
compaignons que par nous et l’effort de noz corps & verde hardy couraige
a nostre predit bon prince rapportons la victoire de ceste bataille si
qu’il en ait l’onneur & preu et nous avec lui en soyons tousjours
honnorez et prisez et que sa bonne grace nous puissons desservir. Si
avons bonne cause beaulz seigneurs d’assaillir de fier couraige et
envaÿr de grant voulenté ses ennemis/ bien le vous sçay a dire/ car ilz
ont tort et nous droit. Si est dieu devers nous lequel sans faulte nous
aidera a les vaincre se en nous ne tient. Or vueillés donc mes chiers
amis chascun en droit soy si bien le faire que je aye cause de rapporter
de vous telle relation que a tousjours mais il vous en soit mieulx. Et
quant est de moy je vous jure sur ma foy que qui bien se portera a ceste
besoigne je le pourverray a sa vie en honneur et grant proffit. Or
allons hardiement mes enfans contre ces gens nos ennemis en nous
commandant a dieu & lui priant qu’il nous en doint la victoire sicomme
nous le desirons/ Telz manieres de parlers dira le saige capitaine aux
siens & que ainsy doit estre fait se accordent tous acteurs qui en ce
cas ont parlé/ & dient que ces manieres tenoient Scipion/ Julius cesar/
Pompee & les autres conquereurs Avec ce afferment que le capitaine doibt
estre large et habandonné/ et est assavoir que les livres de chevalerie
ne appreuvent quelconques couvoitises en capitaine avoir prins en
honneur d’armes/ & certes ce demonstra bien le tresvaillant fabricius
lequel pour l’exemple de sa bonté replicquons tant de fois en ce livre
quant le roy pyrrus son ennemy qui moult le desiroit a traire de sa
partie pour sa grant vaillance luy envoya grant quantité de vaisselle
d’or et d’argent/ pource qu’il avoit entendu que si povre estoit que a
sa taible n’estoit servy que en vaisselle de bois/ mais il la refusa en
disant qu’il aimoit mieulx menger a honneur en vaisselle de boys que a
honte et reproche en vaisselle d’argent. Il affiert aussi que le
capitaine soit doulx & bening entre ses gens/ autrement n’est digne de
tel office/ car ilz dient que par le moien de sa largesse & benignité il
peut plus attraire les cueurs des siens que par nulle autre chose/ et sa
benignité doibt donner hardiesse mesmes aux petis et de simple estat: de
lui oser dire & signifier aucune chose se bonne leur semble ou fait des
armes ainsi qu’il peut advenir que aucuns petis pevent avoir des bons
amys Si que dieu donne ses graces aucunesfois qu’ilz ne doivent pas
estre deboutez pour leur simple et povre estat. Et est escript que les
vaillans conquereurs preteritz departoient les conquestes et proyes
largement aux gens d’armes/ & pour eulx leur suffisoit seulement avoir
l’onneur des batailles/ et pource faisoient leurs gens tout ce qu’ilz
vouloient. Et que avec ce parolles attrayans soient bonnes ce dit vegece
que le bon admonnestement du vaillant duc croist a ost hardement et
courage/ et pource doibt souvent admonnester en demonstrant aux siens le
droit qu’ilz ont/ & le tort des ennemys et comment sont tenus au prince
et a la contree/ les admonnester de bien faire et promettre offices a
ceulx [qui] bien feront Et de fait pour donner exemple aux autres doibt
honnourer ceulx qui autresfois se seront bien portez et leur faire du
bien/ affin que meilleur cueur en ayent. Et par telles parolles peult
aussi croistre l’ire et maltalent des siens contre leurs ennemis et
l’amour en bon vouloir devers le prince.




Cy devise la maniere de prendre l’avantage du champ selon vegece. xxii.
cha.


Vegece dit que le capitaine doibt regarder au jour qu’il veult donner la
bataille quelle voulenté ses gens ont/ car il peult appercevoir s’ilz
ont paour/ par le viaire par les parolles et le mouvement du corps/ mais
il dist que ce n’est pas a entendre de ceulx qui ne l’ont aprins/ car ce
n’est pas merveilles s’ilz la ressoingnent/ mais se des exercitez
d’armes font doubte/ doit delaier s’il peult a ung autre jour Et s’il a
gens d’aucun païs jeunez et non usagés & qu’il doute de leur loyauté:
commettre les doibt a bons et loyaulx capitaines & qui bien les sachent
embesoigner & mettre en lieu ou fuir ne puissent Car par l’effroy de
telz gens peut estre la bataille en peril/ & les bien introduire que
obeissans soient/ Car nulle riens ne proffite plus en ost que obeyr aux
capitaines/ et pource dist il que pour une seule voix ceulx qui seront
loing de leur capitaine ne pevent savoir les soudaines necessitez qui
pevent venir en bataille/ trouverent les anciens de user de certains
signes par lesquelz hastivement faisoient savoir en l’ost ce que faire
devoient/ ou par son de trompes par different chant ou par buisines ou
autrement/ mais affin que par oyr plusieurs fois celle mesme maniere de
son les ennemis ne s’i entendissent parfoys le differoient/ & se leur
estoit avant le coup bien notiffié/ et des leur enfance on leur
monstroit l’usage d’armes. Ces manieres leur estoient aprinses affin que
par necessité des batailles en fussent duitz/ & pour celle cause furent
trouees les trompettes qui diversifient leurs sons selon les cas qui
adviennent. Or vient a point d’arrenger les batailles selon vegece. Si
advisera le sage capitaine se que dit est de prendre premier l’avantage
du champ en quoy troys principaulx poins sont a regarder. Le premier est
de prendre le hault de la place.

Le second que a l’eure que la bataille durera les ennemys aient le
soleil en l’oeil. Et le tiers que le vent leur soit contraire. Et se a
ses trois choses peut advenir luy sera prouffit en tant qu’il n’est pas
doubte que celluy qui est en la haulte place a avantage de force contre
celluy qui est en bas.

Item le soleil en l’oeil fait grant encombrier et pareillement le vent
qui les emplit de pouldre/ et aussi le trait porté par le vent en a plus
grant force/ & aussi a l’oposite oste & destourne la force et la partie
contraire/ et assavoir que par deux cautelles vainquirent les rommains
en bataille ceulx de cycambre et les tyars/ ce fut par adviser de les
envaÿr de tel costé que iceulx eussent le soleil au devant/ & l’autre
fust par si fort les haster que loisir ne eurent de eulx mettre en
ordonnance.




Cy devise en bref la maniere selon l’usaige du temps pour arrenger ost
en champ pour combatre. xxiii. c.


Comme vegece mette plusieurs manieres d’arenger ost en bataille si que
dit sera cy apres lesquelles pevent estre sont en aucunes choses
differentes des ordonnances du temps present. la cause est par aventure
pource que adonc se combatoient les gens plus a cheval que a pié/ et
aussy comme il ne soit quelconque chose es ordres des humains qui par
espace de champ de temps ne se mue et change me semble bon toucher en
bref aucunement en termes plus entendibles des ordonnances communes du
temps present/ sicomme assés est sceu de ceulx qui les armes exercent/
c’est assavoir faire son avant garde a longue estandue des gens d’armes
arrengez ouniement serrez ensemble et que l’un ne passe l’autre/ les
meilleurs & les plus esleuz au premier front/ les mareschaux empres eulx
avec les estandars & banieres et fait on eles aux costés devant
esquelles est le trait canonniers arbalestriers & archiers semblablement
arengez.

Apres la premiere bataille que on dit avant garde vient la grosse
bataille ou toute la flote des gens d’armes est mise arengez tous par
ordonnance de leurs capitaines qui sont entre eulx/ leurs banieres et
enseignes levees sont par plusieurs rengz les ungs apres les autres
ouniement mis. Si fait le connestable crier sur la hart que nul ne se
desroute. Et dient aucuns que se quantité de gens de commune y a on
doibt de icelles gens efforcer les eles des costez par beaulx rengs par
derriere le trait et que commis soient a bons capitaines et aussi les
mettre au devant de la grosse bataille si que se fuyr vouloient que les
gens d’armes d’appres les en gardassent. Au millieu de ceste grosse
bataille est mis le prince de l’ost/ la principale baniere devant soy a
laquelle est le regard de la bataille/ et a ceste cause est baillee a
tenir a l’un des meilleurs et esprouvez hommes d’armes pour la sceureté
tant du prince comme de la baniere devant soy a laquelle est le regard
de bataille/ vient la tierce que on dit arriere garde. Laquelle est
ordonnee pour aider a conforter ceulx de devant/ qui semblablement sont
mis par belle ordre/ et par derriere icelle sont les valletz a cheval
qui aident les autres se besoing est et y sont bons & les chevaulx de
leurs maistres la tiennent et estachent que par derriere on ne vienne
envaÿr la bataille/ de laquelle chose se assez y a de gens d’armes et on
se doubte que par la venissent les ennemys/ ceulx qui sagement veullent
combatre font une autre bataille qui tourne le dos vers la dicte
bataille toute preste de recevoir ceulx qui viendront avant/ & avec
toutes ces choses communement est ordonnee une quantité d’ommes duitz du
mestier monstez sur bons destriers tous prestz a costez de venir rompre
& desrenger la bataille des ennemis a course de chevaux quant assemblez
seront/ et pource est souvent la bataille gaignee de la partie de ceulx
qui mieulx s’en scevent aider/ et conseillent aucuns expers d’armes quoy
que ceste maniere d’arrenger ost soit la plus commune/ que quant il
advient que on n’a pas trop grant quantité de commune/ mais plus de
bonnes gens d’armes que toute l’assemblee soit mise devant si que dit
est. Et dient que plus sceurement on s’i combat Et ceste maniere de
combatre fut bien tenue en la bataille de Rosbetre ou le roy de france
charles sixiesme de ce nom eut victoire contre quarante mille flamans.
Et semblablement fut fait n’a pas longtemps en la bataille du Liege ou
Jehan duc de bourgongne qui fut filz de philippe filz du roy de france
atout asés petite quantité de bonnes gens d’armes fut victorieux comme
vaillant prince contre xxxv mille liegois.




Cy Devise selon vegece et les anciens l’ordre de arrenger bataille.
xxiiii. chapitre.


Quoy qu’il soit cy devant dit et apres des manieres de combatre et
arrenger ost Dient les anciens qui de ceste matiere/ ont parlé que la
meilleur maniere de ordonner bataille est en rondeur et que on mette
plusieurs batailles ou front devant et du costé ou les ennemys doibvent
venir soient mys les meilleurs et les plus esprouvez/ et se serrez se
tiennent ensemble a peine pourront estre desconfitz posé que les autres
soient plus/ & s’il advient que les adversaires soient moins de gens/ la
bataille doibt estre ordonnee en maniere d’un fer de cheval. Et par
ceste maniere dist il les enclorras se tu y donnes bonne ordre. Et se
les autres sont foison ordonne ta bataille sicomme ague devant pour
partir/ mais bien enseigne vegece le capitaine que a l’eure que la
bataille assemble ne se advise de changer autre ordre & mener ailleurs
aucun nombre de gens qu’il face partir de l’ordonnance: car ce seroit
pour tout honnir et mettre trouble en ses batailles/ ne riens dist il ne
prouffite plus que garder l’ordre qui doibt estre tenue et l’espace qui
entre les rens doibt estre. Car on doibt regarder par grant cure que
trop ne s’empressent ne amoncellent/ ne aussi qu’ilz ne se laschent/
mais soient convenablement serrez/ car autrement perdroient la fiance de
combatre et empescheroient l’un l’autre et trop cler entreluisant Et
donneroient entree aux ennemis/ aussi en peril seroient d’estre rompus
et esparpillez dont la paour de eulx mesmes les rendroit tous esperduz.
Icelluy vegece dit que par belle ordre doivent yssir a champ auquel le
capitaine ja par plusieurs foys les ait mis en ordonnance pour monstrer
comment quant a la bataille viendra se deveront maintenir. La premiere
bataille estandue ainsy qu’elle doibt/ et puis la seconde bataille et
les autres. si que l’ordre soit gardee entre eulx si que dit est.

Aucuns capitaine dist il ont eu maniere de faire tourner leurs batailles
en esquerre/ et puis en triangle que on appelloit lors bersueil Et ceste
maniere d’ordonnance a/ a plusieurs proffité en bataille/ et quant force
d’ennemys leur courroit sus se mettoient en rondeur les meilleurs au
premier reng tout devant si gardoient les leurs d’eux tourner en fuite
et que trop de dommaige ne leur survenist. Et avoient les anciens
maniere que jamais tout leur ost ne mettoient en une assemblee/ ains
faisoient plusieurs batailles affin que les nouveaux venissent secourir
aux lassez. Et par celle voye a peine pevent estre desconfitz du tout/
car ce que l’une bataille perdoit l’autre recouvroit. Neantmoins sont
faitz de batailles adventureux par quoy nul ne sy doibt fier/ car
aucunesfois advient tout le contraire de ce que paravant on pensoit.
Exemple qui eust pensé/ que des tresgrans ostz assemblez des cartaginois
aux rommains deust estre l’ocasion si egale en la bataille que une fois
en advient/ car il n’en demoura homme nul d’une part ne d’autre.

Il dist aussi que le jour que la bataille doibt estre est convenable de
pou menger affin d’avoir plus longue alaine et estre plus mouvables et
plus legiers/ mais bon vin doibt on boire qui peut pource que aux
membres donne grant vigueur et esjoist l’esperit de celluy qui en prent
convenablement et sans trop.

Il advient dist il que aucques tous les couraiges des hommes se
troublent quant aller doibvent en la bataille/ mais a ceulx qui sont
ayrez leur croist force et hardement et oublient tout peril/ et pource
le sage capitaine pour donner cause a ses gens d’estre ayrez et plus
fiers les doibt avoir/ ains la bataille fait plusieurs escharmoucher aux
ennemis affin que par recevoir coups & blecheures d’eulx soient plus
afelonnis contre eulx. Et dit que les moins sages et les moins hardiz
seulent lever le cry ains que la bataille commence/ laquelle chose ne se
doibt faire/ car les corps doibvent venir avec le cry.

Les anciens avoient regard en l’assemblee de leurs batailles que les
hommes d’armes ne fussent pas espouentez pour le cry que font
aucunesfois les gens de commune quant l’ost assemble/ ou que font ceulx
qui ont paour/ & pource les advisoient par certain son de trompettes.

Aussy ceulx doubtent la bataille qui n’ont aprins l’exercite/ et pource
dit le livre telz gens sont a occupper en autres chosez que en armes.
Car ceulx qui ne veirent oncques occir homme ne espandre sang en ont
frayeur/ et pource quant ilz y sont pensent plus de fuyr que de
combatre/ sy pevent plus empescher que valoir a tout le moins s’ilz ne
sont mys soubz bon capitaine. Aucuns dient qu’ilz doibvent estre mis
tous ensemble et autres dient que non/ & qui doibvent estre meslez avec
les bons.

Derechief pour dire en bref et recapituler ce qui est convenable a
garder en ordonnance de bataille enseigne sept choses ou le capitaine
doit regarder. La premiere qu’il ait prins place a son advantage s’il
peut si que dit est/ ou il ait mis les siens en bonne ordonnance. La
seconde qu’ilz soient d’un costé targez de montaigne affin qu’on ne luy
puisse nuyre & par devant eulx une belle riviere si que on ne puisse a
eulx venir. La iii. qu’ilz n’aient pouldre ne soleil qui a l’oeil
puissent nuyre. La iiii. qui mout leur peut valloir est s’ilz sont
advisez de l’estat de leurs ennemis et bien informez quant ilz font leur
ordonnance/ et par ou ilz viennent. Car selon ce se pevent ordonner et
les attendre a leur advantage. La v. qu’ilz ne soient soulez ne
affoiblis par fain. La vi. qu’ilz soient tous d’un couraige a tenir
place & mieulx aimer mourir que fuyr/ sy ne seront pas telz gens legiers
a desconfire. La vii. que leurs ennemis ne sachent pas leur intention ne
se qu’ilz tendent a faire et de quelz tours sont advisez. Neantmoins si
que dessus est dit merveilleuses sont les adventures des batailles. Il
advient aucunesfois tellement qu’il semble que dieu vueille aider a
l’une des parties et point a l’autre. Si qu’il advint lors que les
rommains se combatoient aux deux roys d’orient de grant puissance
jugurta/ et boctius. Adonc comme l’ardeur du soleil fust sy grande ou
champ que a pou ilz n’y attaignoient/ souvent si se leva ung vent si
grant que le traict des arcs dont iceulx roys avoient grant planté n’eut
sicomme point de puissance. Et apres vint une grosse pluye qui tout
rafreschit les rommains/ & fut aux autres choses merveilleusement
contraires/ car les cordes de leurs arcs se laschoient. Et les oliphans
dont foison y avoit/ qui sont grandes bestes qui ne pevent souffrir eaue
ne se pondrent mouvoir et les chaingles qui soustenoient les chasteaulx
chargés d’eaue. Si ne leur fut pas encombrier/ et par celle voye desja
resvigourez pour la frescheur si asprement les envaÿrent que ja soit ce
qu’ilz feussent plus petite quantité de gens si eurent ilz la victoire.




Cy devise selon vegece de vii. manieres d’arrenger ost et de combatre.
xxv. c.


Derechief selon vegece sont vii. manieres de batailles ordonneez et de
combatre a ost en champ en son iii. livre au xxi. chapitre/ lesquelles
quoy qu’il les baille assez obscurement et qu’elles ne soient a entendre
du tout fors a ceulx qui maistres sont en l’exercite et office des armes
ay mises sy ensuivant.

La premiere maniere d’arenger ost en champ dit vegece est celle qui se
fait au long front ainsy que on fait maintenant/ mais ceste maniere sy
qu’il dist n’est pas tresbonne pource qu’il convient que l’espace soit
longue et que l’ost soit tout estandu et qu’il ne chiet pas/ tousjours
champ propice a ce faire. Et quant il y a fossez ou vallees ou mauvais
pas/ par la est legierement la bataille rompue/ Avec ce se les
adversaires sont grant multitude de gens/ il yra au costé dextre ou au
senestre/ & ensçaindra la bataille ou grant peril y a. Si dist ainsy
l’acteur ou cas dist il que tu n’ayes plus grant foison de gens qui
soient ordonnez et mis contre les ennemys se ad ce tu es venu prens tes
meilleurs hommes et enchain les ennemis se peux au chain de ton ost.

La seconde maniere est meilleure et se par icelle tu ordonnes ung pou de
gens vaillans et bien esprouvez en lieu propre tu pourras avoir victoire
posé que ton adversaire eust plus de gens/ & est de celle telle la
maniere de combatre que quant les batailles viennent pour assembler.
Lors changeras ta senestre ele/ de son lieu en autre affin que tu voyes
loing au dextre cor de ton ennemy et que on n’y puisse traire ne lancer/
et ta dextre ele/ joings a la senestre. Et illec par les meilleurs de
tes gens commence la bataille aspre et forte et par grant vigueur a
cheval et a pié soit tellement envaÿe ladicte senestre ele ou tu es
joint que tu voises en boutant & courant sus par telle maniere que tu
viengnes au doz de tes ennemys/ et se tu en peux une fois partir les
adversaires approchans tes gens sans doubte tu auras victore/ et ceste
partie de ton ost que tu auras substraicte des autres demourra sceure.
Ceste maniere de bataille est ordonnee en maniere de ung a de lettre. Et
se tes adversaires l’ordonnent ainsy premier dont isse des tiens grant
rengee de gens venans de front et les assemble a ton senestre cor et en
telle maniere contresteras a ton ennemy par force qu’il ne te boutera
arriere par art de combatre.

La iii. maniere de combatre est semblable a la seconde et ne differe
fors en ce que ton senestre cor commence a combatre au dextre cor de ton
adversaire/ & se tu as ta senestre ele meilleur que la dextre/ lors
adjouste avec tresfors combateurs a cheval et a pié/ et a l’assembler
joings premierement ta senestre ele a la dextre ele de ton ennemy/ &
tant comme tu pourras bouter arriere la senestre ele de ton ennemy et te
haste d’enchaindre. Et l’autre de ton ost ou tu scez qu’ilz ne sont pas
si fors desqueuvre tant que tu pourras de l’ele senestre des autres/ si
que glaves ne dars n’y puissent parvenir/ et icy tu doibs garder que tes
ennemys ne facent ber[s]ueil de leurs gens pour rompre ta bataille au
travers/ et en ceste maniere se combat on proffitablement/ & en especial
se le cas advient que ton adversaire ait son senestre cor moins fort
assez que ton cor senestre.

La iiii. maniere de combatre est telle que quant tu auras ordonné tes
batailles avec iiii. ou v. cens combatans ainçois que tu approches tes
ennemys qui de ce riens ne scevent/ tu esmouveras soudainement ambedeux
tes eles si que de l’un & l’autre cor tes ennemys non pourveux seront
contrains de trouver les doz/ et se isnellement peuz ce faire tu auras
victoire/ mais ceste maniere ja soit ce que tu ayes tresfors et
exercitez gens d’armes je le tiens a perilleuse/ car se la moictié de la
bataille est contrainte a diviser et descourir ton cor en deux parties
et ton ennemy n’est vaincu a la premiere emprainte/ ilz ont occasion
d’envaÿr tes gens d’armez divisez & le milieu qui seroit departi de tes
eles.

La v. maniere de combatre est semblable a la quarte/ mais s’il y a plus
que les archiers et les legierement armez/ arrenge les devant la
premiere bataille affin que ceulx ne puissent estre derompuz/ car aussy
bien de ton dextre cor envaÿs et assaulx le senestre cor de ton ennemy
et du senestre le dextre/ et se ainsy le peux chastoier tantost sera
vaincu/ mais la bataille du milieu n’est pas en peril pource qu’elle est
deffendue des legierement armez et des archiers.

La vi. maniere de combatre est tresbonne et quasi semblable a la
seconde/ & de ceste se ont acoustumé aider les loings combateurs en
esperance de victoire/ Posons que pou de gens soient/ par bien ordonner
leurs batailles/ la bataille arrengee aux ennemys joings ton dextre cor/
a l’autre senestre/ et illec commence la bataille avecques les meilleurs
que tu as a cheval & a pié. Et l’autre partie de ton ost suive de loings
la bataille de ton ennemy et estende icelle pa[r]tie tout droit/ et se
tu peus venir au costé de la senestre ele de tes ennemys il convient
qu’ilz tournent le doz/ & ne peult l’adversaire estre secouru de sa
dextre ele/ ne de son milieu ne ne peut aider aux autres. Car la queue
de l’ost est estandue au semblant de la plus longue lettre que on
appelle. l. et longue se depart de ton ennemy.




Cy parle encore de mesmes propos en poursuivant la matiere du precedent
chapitre. xxvi. chapitre.


La vii. maniere de combatre est quant le lieu et la place sont propices
a celluy qui prent premier champ C’est assavoir se tu as d’une part
empeschement/ Par lequel tes ennemys ne puissent venir si que dit est/
comme maretz fleuve ou montaigne ou autre empeschement. Posons que pou
de gens ayez/ lesquelz par tresbonne ordonnance soient arrengez en
bataille/ et de la partie ou n’est ledit empeschement metteras tes gens
a cheval et lors te combas sceurement se tu es envaÿ/ car d’une part
l’empeschement te garde et de l’autre part la force de ceulx a cheval.
Si est a regarder de quelque partie que tu vouldras combatre que
tousjours tu mettes devant les plus vaillans et quelque pou de gens que
tu ayes ne t’esbahis/ car victore a bien acoustumé d’estre eue par pou
de combatans/ mais que le sage duc les ordonne la ou proffit et raison
requiert. Et est assavoir que mesmes en icelluy temps se aidoient en
leurs batailles de plusieurs manieres d’engins & cautelles pour rompre
les batailles si que dit est parcidevant des beufz atout le feu soubz
les queues chassez vers la partie adverse. Et mesmement usoient des
adonc des auques semblables engins a ceulx que on appelle ribaudequins.
Car tout ainsi et en telle maniere estoient assis sur roes ung homme
dedens/ sicomme en ung petit chastel de fer et tiroit de canon ou
d’arbalestre & y avoit a chascun costé ung Archier et fers argus/ par
devant y avoit comme lances et a force de gens ou de chevaulx les
faisoient plusieurs de ung front aller heurter ensemble par grant
vigueur aux ennemys.




Cy devise l’ordre et la maniere que le capitaine doibt tenir quant
bonnes fortunes sont pour luy de la bataille. xxvii. chapitre.


Aucuns qui ne congnoissent pas bien les tours des armes se cuident moult
aider en bataille par enclorre en certain lieu leurs adversaires et
ennemys ou par bien les enchaindre tellement que par multitude de gens
ne puissent issir/ mais ce fait est moult a doubter/ car aux encloz
croist le hardement pource que de tant qu’ilz se tiennent plus pour mors
et qu’il leur semble qu’ilz n’ont povoir de issir ne d’eschapper/ de
tant plus chier se vendent/ et pource fut loee la sentence de Scipion
l’affrican qui dit que on doibt faire voye aux ennemis par ou ilz
puissent fuir et mettre embusche par ou ilz doibvent passer/ car quant
ilz sont fort oppressez et ilz voient l’issue par laquelle ilz se
cuident sauver en fuyant. Adont pevent mieulx estre occis en fuyant que
en eulx deffendant Car plusieurs gettent jus leurs armes pour plus
legierement fuyr Si sont par les chassans occis comme bestes Et plus
sont grant nombre et plus est leur confusion/ Car la ne doibt on
regarder nul nombre ou les courages sont ja desconfitz par force de
paour/ dont dient les sages d’armes que quant bonne fortune vient a
l’une des parties si quelque vainque l’autre en bataille doibt
poursuivir ce du tout jusques en fin de sa bonne fortune tant qu’elle
dure/ jusques ad ce que tous soient destruis endementiers qu’ilz sont
effrayez et non pas sy fort esjoyr ne enorguillir au commencement que on
laisse tout pour y cuider recouvrer comme plusieurs qui en ont esté
deceuz/ qui oncques puis advenir n’y peurent. Tesmoing par ung nommé
hanibal lequel se apres la bataille de canes fust allé tout droit a
romme il l’eust prinse de legier sans contredit/ car tant estoient les
rommains plains de doulleur et d’effroy pour leur grant perte que a
l’eure n’y eussent sceu contredire/ mais luy qui ad ce cuida retourner a
son bon plaisir/ entendant tousjours a despouiller de ce ne fist compte
A laquelle chose ilz oncques puys pour toute sa puissance tant s’en
efforçast luy et tout son ost n’y peut advenir.




Cy devise l’ordre et la maniere que le capitaine doibt tenir quant la
fortune de la bataille luy vient contraire. xxviii. chapitre.


Or y a autre point c’est assavoir que ce partie de l’ost vainct et
l’autre s’enfuit/ le bout qui demeure bien encores esperoir la victoire
Et plusieurs fois est advenu/ que ceulx qu’on tenoit audessoubz ont
gaigné la bataille/ si se doibvent iceulx eslever par cry et par sons de
trompettes et par ce espouenter les adversaires et conforter les siens
comme s’ilz feussent vainqueurs de toutes pars. Et s’il advient que le
meschief adviengne en tout ton ost Neantmoins tu doibs querir le remede
car fortune a aucunesfois des fuitifz plusieurs recouvrez/ & les sages
d’armes dient que en fait de planiere bataille le bon capitaine doibt
estre pourveu de rassembler les siens Comme le bon pasteur ses oailles/
posé qu’ilz s’en fuyent/ doibt de tout son povoir estre ententif a
sauver les vaincus et les retraire ou aucun destour ou sur montaigne et
ele en derriere luy ou en aultre sceure place/ & s’il peult rassembler
aucun pou de ses gens vaillans & hardis et les mettre en bon conroy/
encores pourront grever leurs ennemys/ car communement advient que les
desroutez ça et la comme ceulx qui chassent follement se les adversaires
sont saiges/ sont remis en fuite et ainsy sont occis ceulx qui
premierement estoient chasseurs Si ne leur peult advenir plus
merveilleuse confusion que quant leur fierté leur change en paour.

Pource quelle que soit l’adventure on doibt radresser par convenables
exortations les vaincus et rassembler et garnir son ost de hommes
nouveaux lesquelz soient hardis et vaillans & fournis de harnois les
peult trover/ et convient adonc pourpenser soubdain aide et la soubdaine
adventure c’est assavoir adviser comment l’agait fait Si que les ennemys
qui longuement les ont suivis soient rencontrés en quelque lieu de repos
ou en plusieurs pars Et ainsy par le bon capitaine soit la paour des
fuitifz convertie en hardement de attendre et poursuivir se besoing est.
Et pourtant ne se doibt le bon capitaine desesperer quelque fortune
qu’il ait contre luy s’il est sage/ Car souvent advient que par bonne
escheance et propice fortune ceulx qui cuident tous avoir gaigné
s’eslievent en arrogance et par ce moins sagement/ qu’ilz ne cuident
s’embatent sur leurs ennemys. Lesquelz bien advisez les recueillent par
grant accueillie & les ruent jus/ & pource doibt estre advisé le sage
capitaine de ce que dit est que les vaincus estoient a leur retour
vaincqueurs et chassoient les autres.

Et que ainsy soit le demonstre le cas des rommains de l’adventure qui
leur advint apres la grant desconfiture de canes/ ou eulx tous
desesperez de jamais povoir recouvrer nul bon eur ne nulle bonne
prosperité voulurent deguerpir leur cité et autre part eslire
habitation/ mais de ce les garda ung vaillant prince des leurs qui dist
que a eulx se combatroit s’ilz s’en alloient Sil leur donna esperance de
meilleur fortune et les remist ensemble/ et de gens concueillie fist
chevaliers et a telle puissance que avoir peult/ alla assaillir ung
nommé hanibal/ qui ad ce riens ne pensoit et le surprint comme tout
despourveu. Si fut adonques a telle heure desconfit que oncques depuis
n’eut victoire sur eulx et illec le destruirent les rommains.




Cy recapitule en bref aucunes choses des ordres devant dictes. xxix.
chapitre.


Pour replicquer en bref toute la substance que vegece veult dire en son
li[vre]. Il se epilogue en la fin ainsy que a manieres de proverbes
disant.

Toy qui veux avoir honneur d’armes fay que la maniere de ta jeunesse et
ton acoustumance te apprengne a estre maistre es tours de chevalerie en
parfait aage/ car trop plus belle chose est que tu puisses dire je sçay
que se que tu dis/ ha pour quoy n’ay je aprins.

Tousjours fay a ton povoir chose qui puisse nuyre a ton ennemy et a toy
proffiter/ car de ce que tu le delaissez a grever tu te renoie mesmes/
fays que tu congnoisses le chevalier ains que tu le maines en bataille/
et s’il y est d’aventure ne t’y fie/ Car mieulx vault doubter son ennemy
en soy tenant sur sa garde que en bataille soy fier en gens que on ne
congnoist.

Grant sceureté est actraire son ennemy fuitif qui peut/ car plus pevent
grever aux ennemis les fuitifz que les occis/ & cellui est a peine
vaincu qui des siens & de son adversaire se peut aider.

Mieulx vault laisser apres arengie de bataille assez d’aides que trop
ample bataille faire/ car aulx lassez les nouveaux venus aydent/ car
plus aide vertu que multitude/ & souvent vault mieulx en bataille lieu
que force: l’omme proffite par labour et aneantit pour estre oyseux.

Ne maine jamais chevalier en bataille s’il n’espoire la victoire/ car
s’il a petite esperance il est demy vaincu/ les soudaines choses
espouentent les ennemys. Qui son adversaire chasse follement la victoire
qu’il avoit eue luy convoicte a donner. Qui n’appareille la bataille en
l’ost il est vaincu sans fer. Tenir ordre de bataille selon le droit
donne victoire aux febles & aux fors.

Quant tu scez que les espies de ton ennemy si vont tappissans environ
ton ost/ fays tes gens retraire es logis. Se tu as soupeçon que ton
conseil soit revelé aux ennemys change ton ordonnance. Nulz consaulz ne
sont meilleurs que ceulx de quoy les ennemys n’ont congnoissance jusques
ad ce qu’en oeuvre soient mys. Adventure donne souvent victoire plus que
force impossible est juger au vray la fin de la bataille dont fortune
dispose.

Tout le contraire de tes ennemys doibs traicter avec plusieurs/ mais ton
propos doibs dire a pou de gens. Attrais les cueurs des estrangés par
dons et par promesses/ & chastie les tiens par menasses. Pource que bons
capitaines redoubtent la fortune de la bataille/ combatent envis a ost
assemblé. Grant sens est son ennemy contraindre plus par fain/ que par
fer.


A tant fine la premiere partie de ce livre Et en apres commence la
seconde partie ou il parle de cautelles d’armes.




[Illustration]




Cy commence le premier chapitre de la seconde partie de ce present livre
Auquel il parle de Scipion l’affrican. i. cha.


En ceste seconde partie apres ce que avons divisé selon vegece
principalement les manieres que jadiz tenoient les vaillans conquereurs
du monde en fait d’armes en leurs conquestes. Pource que iceulx se
seurent bien aider de plus d’une maniere de guerroier me semble affin de
croistre nostre matiere tousjours au proffit des poursuivans chevalerie
que adjoustons en ceste partie/ les manieres des cautelles et subtilités
qu’ilz tenoient en leurs fais. Lesquelles cautelles et subtilitez de
chevalerie appellerent les acteurs qui en ont parlé stratagenes d’armes
Desquelz stratagenes fist ung propre livre ung vaillant homme que on
nomma frontin/ ou il devise les propres faitz des dessusditz tresnobles
et vaillans conquereurs Lesquelz a oyr pevent estre de bon exemple a
semblablement ouvrer se bon semble a ceulx qui en telz cas se treuvent
selon les adversitez des adventures d’armes/ duquel livre avons a nostre
proffit extrait aucunes choses.

Ledit acteur dit ainsi au premier que le vaillant conquereur prince des
rommains Scipion l’affrican qui toute espaigne/ auffricque/ et
quartaige/ conquist a l’espee une fois entre les autres comme il fust a
tout grant ost tenant les champs contre le roy Ciphas/ qui semblablement
a tout moult grant nombre de gens estoit contre scipion/ envoya vers
ledit roy sicomme pour certaine ambaxade faire ung de ses chevaliers
nommé Lelius Avec lequel commist aller de ses plus sages capitaines en
armes/ en maniere de valletz ou de petis serviteurs affin que bien en
toutes guises advisassent l’ordre la maniere et la quantité dudit roy
Ciphas Lesquelz la venus si tresbien en firent leur debvoir que riens
n’y oublierent/ et pour mieulx choisir l’ost en long et en lé/
laisserent aller leurs chevaulx faintement comme s’ilz leurs fussent
eschappez et eulx apres courans ça et la/ advindrent ad ce qu’ilz
queroient/ c’est assavoir a tout/ en bref temps adviser comme tresexpers
& aprins en tel mestier. Par quoy eulx retournez et leur rapport fait a
leur duc Scipion/ comme il sceust par iceux que planté de ramilles y
avoit en l’ost dudit roy ciphas/ trouva maniere de subtillement par nuyt
y faire bouter le feu en plusieurs lieux Et ce fait ainsy comme ilz
entendoient a secourir leurs chevaulx et leurs logis. Le vaillant duc
Scipion leur courut sus en tresbonne ordonnance/ et par ce les
desconfist du tout.




Cy parle du duc marius de Certorius de Duelius et de periclés. ii.
chapitre.


Marius treschevalereux duc de l’ost des rommains: quant il se debvoit
combatre. Contre fieres gens que on disoit les combres et les
ceconicques avoit en son ost plusieurs chevaliers de gaule.

Adonc pour ensuivir l’enseignement du sage qui dist/ espreuve l’omme
ains que moult t’y fyez/ voulut esprouver la loyauté et obeissance
d’iceulx gaules si leur envoya lettres lesquelles entre les autres
choses disoient qu’il leur deffendoit que bien se gardassent de ouvrir
unes petites lettres/ lesquelles estoient encloses es grandes lettres
qui leur envoioit jusques a certain jour qui nommé y estoit/ mais
ainçoys que icelluy jour fust venu/ il les renvoya querir avec les
ouvertes/ et comme iceulx eussent passé son commandement/ congneut bien
qu’ilz ne leur estoient pas feaulx/ sy ne s’y fia plus en grant chose.

Item ung vaillant homme nommé Certorius conduiseur de grant ost vint en
espaigne auquel lieu eut a passer une riviere/ et comme ses ennemys les
suivissent de moult pres/ affin de leur courir sus au destroit du
passage Se advisa adonc de une cautelle/ il s’arresta sur le rivaige et
fist son logis en maniere de ung demy circle assez loing de la riviere
qui tout estoit fait de ramille et de boys & y fist bouter le feu et
endementiers qu’il ardoit passa son ost sceurement oultre le gré de ses
ennemys qui ne le povoient approcher sans passer au travers du grant
feu.

Item duelius duc de ung grant ost rommain une fois trop hardiement
c’estoit embatu au port de la cité de ciracuse son ennemye/ auquel lieu
pour l’enclorre fut levee la chayne/ & la poppe qui est la partie de
derriere demoura devers terre/ et puys incontinent fist tirer toutes ses
gens a la poppe/ et ainsy par le pesant de la poppe/ la proue qui estoit
legiere s’esleva/ et ainsy par force de rimes passa la nef par dessus la
chayne/ et par ce moyen eschappa de ce peril le bon homme duelius.

Item periclés qui fut duc de athenes fut une fois par tresgrant force de
gens de la cité de polopenese qui le chassoient moult merveilleusement
et de grant couraige tant qu’il se bouta en ung lieu cloz de
tresmerveilleuses & haultes montaignes ou n’y avoit en tout le circuitu
de l’encloz que deux yssues. Et quant il veit ce incontinent apres sans
grant tardement il fist faire ung merveilleux grant et parfont fossé/
ainsy que s’il le feist/ affin que ses faulx et desloyaulx ennemys ne
peussent par quelque façon ou maniere venir a lui par celluy lieu. Et de
l’autre part mena ses gens ainsy que se par force voulsist tendre a
yssir.

Dont quant les faulx ennemys veirent et apperceurent ce/ pource qu’ilz
ne cuidoient pas que par le fossé s’en peust ou deust aller se misrent
tous a regarder icelle issue comme a siege/ mais periclés qui
malicieusement le faisoit fist tantost mettre bons pons de boys que il
avoit commandé & fait faire par dessus la fosse/ et par ce moyen
franchement s’en saillit sauf: sans le sceu de ses ennemys.




Cy parle de la cité de voiaux/ de hanibal et de denis le tirant. iii.
chapitre.


Au temps des conquestes de romme advint une foys que l’ost des rommains
deut passer par la forest latine pour aller sur la cité de voyaulx. Et
quant les habitans le sceurent ilz allerent en la forest et syerent tous
les grans arbres par ou passer devoient tant qu’ilz ne tenoient que ung
pou/ si s’embuscherent pres de illec en la fueillie de la forest. Et
quant ledit ost fut dedens entré ceulx qui embuschez y estoient
saillirent sus et bouterent tous ces arbres syez sur l’ost rommain. tant
que la plus grant partie en agraventerent/ et par ce furent d’icelluy
ost delivrez/ & pareillement a autresfois esté fait.

Item hanibal prince et empereur de cartage et auffricque avoit de
coustume mener oliphans en bataille. Advint une fois que a passer eut
une grande riviere sy n’y avoit voie pour faire entrer dedens esditz
oliphans/ mais de telle cautelle se advisa. Il avoit en sa compaignie
ung tressouverainement bon nageur qui de grant hardiesse estoit. par
icelluy fist navrer blescher et mehaigner ung desditz oliphans qui tous
les avoit faitz mener sur la rive. Et quant la beste eut bien arguee/
l’omme se ficha hastivement en l’eaue apres luy pour soy venger/ &
pareillement si misrent tous les autres/ & ainsy passerent ilz oultre.

Item denis le tirant prince de ciracuse en secile sceut que ceulx de
cartage devoient venir en cecile contre lui a tresgrant ost et multitude
de gens. Si fist tresbien garnir les villes de gens et aussy les
chasteaux et loings & pres/ par ou passer devoient et donna ordonnance
que quant les ennemys pres seroient que iceulx laissassent les chasteaux
comme se paour eussent et s’en venissent a luy a ciracuse/ Laquelle
chose faite les cartaginois qui tout cuidoient avoir gaignié saisirent
les places & tresbien les garnirent de leurs gens et d’autant fut
amoindry leur ost et creut ceulx de den[i]s/ & cellui de denis multiplia
tant qu’il se veit pareil aux ennemis. Si leur donna bataille ou ilz
furent vaincus et ceulx des forteressez vaincus par fain.




Cy devise de amulcar de alixandre/ de leptenes et de hanibal. iiii. cha


Une fois les espagnolz se deurent combatre contre Amulcar/ ducteur d’un
ost cartaginois ou moult avoit grans gens & bien ordonnez. se adviserent
de telle cautelle pour rompre la bataille de leurs ennemys. Ilz
prindrent plusieurs beufz tirans a la charue et oindirent de soulfre et
de poy ung baston courve qu’ilz portoient soubz la queue et bien le
couvrirent d’estouppes temprees en huyle/ & iceulx beufz misrent au
front de la bataille quant assembler deurent et le feu bouté soubz la
queue chasserent les beufs devers leurs ennemis/ si allerent fuiant
tellement qu’ilz rompirent toutes les batailles/ pour laquelle chose
amulcar fut desconfit.

Item alixandre prince de pirre avoit guerre contre une maniere de gens
que on disoit yliriens qui portoient habitz differens des autres. Si
print ledit alixandre de ses gens une grant quantité et leur bailla
habis de hiliriens/ qu’il avoit euz de ceulx qui autresfoys avoient esté
prins es batailles/ et ainsy vestus leur commanda quant les yliriens
seroient pres si que veoir les peussent qu’ilz se meissent a bouter le
feu en leurs mesmes bledz ainsi que s’ilz fussent bien embesoingnez de
tout gastez De laquelle chose advint que ledit commandement acomply/ les
ennemys qui veirent se cuiderent que ce fust de leurs gens et suivirent
ceulx la qui alloient devant eulx tout gastant/ jusques a tant qu’ilz
furent en ung destroit auquel alixandre avoit mys son embusche/ et la
furent les yliriens tous mors et prins.

Item pareillement fist leptenes prince de siracuse/ a ceulx de cartaige
qui sur luy venus estoient en bataille/ car il fist de ses gens mesmes
en ses propres villes et chasteaux bouter le feu par quoy les
cartaginois qui cuiderent que ce fussent leurs gens qui alloient
gastant/ voulurent venir celle part pour eulx aider/ mais leptenes avoit
fait embuscher par ou passer devoient qui tous les occirent.

Item hanibal de cartage dont parlé ay cy dessus/ le sage guerroieur se
deult une foys combatre contre ceulx d’auffricque qui s’estoient
rebellés si savoit bien que iceulx affricans estoient moult gloux apres
le vin/ si en fist prendre grant cantité et mesler dedens de la
mandegloire qui enyvre & endort et apres ce fist ordonner une petite
bataille de laquelle commanda a ses gens qu’ilz s’en fuyssent ainsi que
par paour de leurs ennemis et quant les autres vindrent pres d’eulz a la
mynuit qui tout cuidoient avoir gaignié hanibal faindi que actrendre ne
les osoit & qu’il s’en fuieroit & laissa son logis garny de tous biens
et de ce bon vin qu’il avoit ainsi fait ordonner et mixctionner dont au
matin tout pillerent a grant joye et comme gens qui la estoient affamez
mengerent gloutement et burent de ces vins mixctionnez & mal
appareilliez pour eulz. Car tous en furent apesantis endormis et enyvrez
dont ilz gisoient comme mors sans nul sens ne entendement si retourna
hanibal quant adverty en fut par les espies et tous les mist a l’espee.
Item ceulz qui se combatoient contre une maniere de gens que on nommoit
heritees prindrent les espies et leur firent recongnoistre leur convine
si prindrent leurs robes et en vestirent de leur gens qui estoient quasi
de leur grandeur et les firent aller sur une montaigne ou on lez povoit
choisir de l’ost et pour ce que lesdiz ennemis avoient aux espies
commandé que selon ce qu’ilz trouveroient leur feissent signes leur
faisoient signe qu’ilz venissent plus avant et ainsi le firent pour ce
qu’ilz cuidoient que ce fussent leurs espies tant que embatus se furent
es embusches de leurs ennemis ou ilz furent tous mors et detrenchez a
deul et a hasquie.




Cy devise de menole de stipion de certonis de hanibal. Et puis apres du
fort lantalus. v. chapitre.


Menole roy des rodz estoit a ost contre ses ennemis si avoit plus de
gens et de meilleurs a cheval que ses adversaires lesquelz se tenoient
es montaignes affin que menole ne les peust combatre si s’advisa de
telle cautelle pour les faire descendre. Il print ung de ses chevalliers
preux & hardie & lui charga qu’il se maintenist comme fuitif de l’ost et
comme mal content de lui et de sa paye se tournast de l’autre partie. Et
il ainsi le fist et avec les autres maulz qu’il dist de menole leur fist
acroire que par sa mauvaise ordonnence avoit moult grant discencion en
l’ost et que pour celle cause s’en deppartoient plusieurs. Et affin
qu’ilz creussent mieulx celle chose menole fist departir moult de ses
gens/ si que ceulx des montaignes les veissent en aller/ mais mettre les
faisoit ça & la en embusches. Par ceste decepvance descendirent ilz des
montaignes quant l’ost veirent si petit que bien en cuiderent venir a
chief/ mais tantost furent advironnez de toutes pars & enclos de ceulx
de cheval qui tous les occirent.

Item quant scipion deut aller a grant armee sur les espagnotz et
auffricquains/ le roy ciphas lui envoya messages disans grans menasses
parolles de grant espouentement/ tant de la dureté du pays/ comme des
gens & de leur force et quantité/ de laquelle ne s’esfraioit riens le
vaillant scipion/ mais affin que entre ses gens les ambassadeurs
n’estendissent celle chose si que espouentez en fussent les renvoya
tantost & fist semer partout son ost que celluy roy comme a amy luy
avoit mandé que tantost y allast sans longuement sejourner.

Item Certorius une fois se combatoit en une bataille en laquelle on luy
vint dire que son connestable estoit mort/ mais pareillement affin que
ses gens ne le sceussent et que de ce ne fussent espouentez. Il occist
le message qui luy avoit dit/ de une lance qu’il tenoit.

Item au temps que hanibal descendit en ytalie pour combatre les rommains
iii. mille charpentiers qu’il tenoit s’en fuirent en une nuyt/ et quant
il le sceut/ adonc affin que ses gens n’en fussent esbahis Il fist
courir une voix qu’ilz s’en estoient par son commandement allez/ & affin
de mieulx trouver ceste parolle veritable Il en renvoia encore de ceulz
taillez de pou faire et mal armez.

Item une fois que lentalus avoit assemblé grant ost pour combatre ses
ennemys avoit prins et acompaigné une coherte de macedonnes pour luy
aider. Une coherte sont vi. cens lxvi hommes/ mais quant il se cuida
aider d’eulz/ ilz s’aviserent tout a cop et de l’ost se partirent pour
eulx aller mettre a l’autre partie/ & quant lantalus qui assez de tours
d’armes sçavoit veit ce il ne fut pas esbahy. Ains sceut bien prendre
par leur mesme barat/ et aussy affin que son ost ne s’espouentast
d’estre de tant de gens amoindry/ fist courir une voix qui les envoioit
tout de fait apensé devant pour assembler premier aux ennemis/ & pour
mieux donner foy a ceste chose partit tantost et les suivy par quoy
advint en effect ce pour quoy il le faisoit/ car les ennemys qui veirent
venir les macedonnois cuiderent veritablement qu’ilz venissent contre
pour avoir la premiere bataille tournerent incontinent vers eulx & fort
prindrent a lancer et a courir sus/ si fut force aux macedonnois
voulsissent ou non. Et lantalus atout les sciens fut d’autre part qui
envaÿt ses ennemys/ & par celle voie furent a luy les macedonois
voulsissent ou non.




Cy devise des rommains de fulvius nobilius/ de pemmadas/ de fabius
maximus Et de scipion le second affriquant de certorius et de pemmadas.
vi. chapitre.


Au temps que les rommains estoient en discencion les ungs contre les
autres. & que la guerre durant comme plusieurs nations depuis le temps
de leur prosperité/ eurent grant envye contre eulx/ s’ilz veoient leur
bel demonstrer. Sembla par especial a ceux de dace que temps estoit
adonc de leur courir sus Et comme de ce ja par plusieurs foys eussent
admonnesté leur duc Acariole qui pas n’en estoit d’accord/ a la parfin
pource que trop l’empressoient pour leur donner congnoissance par cest
exemple fist admener devant soy sur la place devant le palais plusieurs
chiens et harer les ungs contre les autres tant que fort se prindrent a
entrecombatre/ mais au plus fort de la bataille/ lors qu’il sembloit que
tant fussent affelonnis que riens ne les peust departir. Il fist saillir
empres eulx ung loup duquel il s’estoit pourveu/ et si tost que les
chiens le veirent laisserent la bataille d’entre eulx/ et tous d’un
accord coururent sus au loup/ & par cest exemple monstra le duc aux
siens que quelque chose que ceulx d’une nation eussent entre eulx ne se
laissent jamais fouler par nulz estrangiers qui se ambatent. Ains
feroient adonc accord pour faire grief a leur ennemy.

Item fulvius nobilius duc et capitaine de ung ost rommain se trouva une
fois si pres prins de ceulx de chamois/ que necessité et force lui
estoit de attendre la bataille/ de laquelle chose pource qu’il savoit
bien que ses gens s’en espouentoient moult pource que plus estoient ses
gens en petite quantité que leurs ennemys/ se advisa pour leur oster
celle paour de telle cautelle. Il dist a ses gens et par tout son ost le
fist publier qu’il avoit corrumpu par argent une legion de samites/
laquelle se tourneroit devers luy quant la bataille seroit commencee. Et
pour mieulx faire entendre celle chose. Il emprunta/ a ses gens tout
l’or et tout l’argent qu’ilz povoient avoir ainsi que ce fust pour paier
ladicte legion de samites. Une legion de gens est en nombre vi. mille.
vi. cens et lxvi. hommes. Si advint que par la fiance de ce rommain
eurent si grant hardement qu’ilz en envaÿrent baudement leurs ennemys/
qu’ilz trouverent assez despourveuz pource que si pou les cragnoient veu
que si pou de gens estoient envers eulx/ si les vainquirent.

Item paminades le vaillant duc de tebes se debvoit une fois combatre
contre ceulx de lacedemonne/ si se advisa de telle cautelle pour
croistre a ses gens leur force hardement et couraige. Tous les fist
venir devant soy et leur dist haultement en audience/ qu’il les vouloit
adviser de ce qui luy estoit venu pour verité a congnoissance/ c’estoit
que les lacedemoniens avoient ordonné affermeement que s’il avoient la
victoire ilz occiroient tous les hommes et femmes de tebes/ la cité
destruiroient/ et les petis enfans mis en servage perpetuel. Pour ceste
anonciation ceux de thebes meus de grant ire se combatirent comme
forsenez et vainquirent les lacedemoniens qui trop plus estoient de gens
que eulx.

Item fabius maximus se deut combatre contre ses ennemis si estoit son
ost moult efforcé et fortiffié de palis et de fort logis pour ce doubta
que ses gens se combatissent moins aigrement pour la fiance des lieux ou
ilz avoient leur retraicte et reffuge/ et pour ce les fist ardoir
ainçois qu’ilz se combatissent.

Item quant scipion le second affriquant mena son ost en auffrique.
Advint que quant il deut issir de la nef il cheut a terre/ tantost il
regarda ses gens et veit que a mauvais signe le prenoient. Et que ja en
estoient ainsy que desconfortez. Adont le sage guerroieur se advisa de
sage parolle pour rendre a ses gens sceureté de leur doubte. Il se print
a rire en disant baudement. O loué en soit dieu c’est icy bon signe
desja suis je saisi de la terre d’auffricque elle est nostre sans
quelque faulte/ & ainsy par telle parolle tourna la malle esperance de
ses gens en bonne/ laquelle exposition cauteleuse vint apres selon bon
desir.

Item comme certorius se deult une fois combatre apparut en son ost ung
merveilleux signe car les escus des gens de cheval & les poictrines des
chevaulx devindrent soudainement tous ensanglantez. Laquelle chose leur
fut grant espouentement/ mais de ceste chose les asseura leur vaillant
duc/ disant a chiere joieuse que c’estoit tresbon signe et que par ce
devoient entendre qu’ilz auroient la victoire/ car c’estoient les
parties qui souvent sont ensanglantees du sang de leurs ennemis.

Item derechief se deult combatre peminades a ceulx de lacedemonne/ &
sicomme le cas advenist d’aucune dilation on luy apporta sa chaiere pour
soy seoir ung petit en actendant/ mais par cas d’aventure ceste chayere
tomba soubz luy/ dont ses gens moult s’esbahirent et le prindrent a male
signifiance. Adont le sage duc qui l’apperceut se leva vistement et dist
a chiere hardie. Or sus sus tost mes chevaliers/ les dieux nous
deffendent le seoir/ car par ce signe nous ont admonnesté de aller tost
a la bataille Car nostre en sera la victoire.




La seconde partie du livre de frontin parle des lacedemoniens/ de julius
cesar/ de papirius cursor et de pompee. vii. chapitre.


Au temps que les lacedemoniens avoient guerre contre ceulx de la cité de
mezine. Ilz sceurent une foys que les meziniens estoient de si grant ire
meuz contre eulx qu’ilz devoient mener a la bataille leurs femmes contre
eux et leurs enfans pour avoir meilleur couraige de vaincre/ ou pour
tous ensemble mourir/ pour laquelle chose se retrairent & differerent la
bataille.

Item julius cesar avoit une fois mené ses ennemys que eulx partant
mouroient de soif par quoy estoient en desesperance de leur vie/ & comme
tous forsenez yssirent pour eulx combatre a luy/ mais il ne voulut a
celle heure et retint ses gens/ car il ne luy sembla pas bon de combatre
au temps que ire et desesperance gouvernoient ses ennemys.

Item comme papirius cursor se deut combatre contre les samites/ et il
sceut par ses espies que plus de gens estoient par quoy les siens
doubtoient l’assembler/ tantost il print de ses gens en qui plus se
fioit/ & celeement leur commanda a prendre grant quantité de ramille des
boys & la trainnassent apres eux pour esmouvoir la pouldre/ & venissent
le pendant d’une montaigne en faisant le plusgrant tumulte qu’ilz
pourroient/ laquelle chose faite si tost que papirius les veit il
s’escria hault avecques plusieurs tant que ses gens et ses ennemys
l’oyrent que c’estoit son compaignon d’armes qu’il avoit laissé en
ambusche qui avoit desconfit une partie de ses ennemys & qu’ilz feissent
tant que son compaignon n’eust pas la gloire de la victoire sans eulx.
Si advint de ce comme il pensoit/ car les siens en furent enhardis/ et
perdirent paour/ et les samites qui pour la grant pouldriere cuiderent
que ce fust plus favourable a ses ennemys que a luy et que moult grant
secours et aide leur fist.

Item advint une foys que pompee requist aux habitans d’une cité/ ainçois
que oncques signe feist de les vouloir prendre qu’ilz voulzissent garder
plusieurs malades/ qui ne povoient suivir son ost jusques a son retour
pour eulx aiser et guerir/ et que or argent et biens assez porteroient
avec eulx pour guerdonner les biens qui a eulx seroient faitz. Et quant
pompee eut ceste chose octroyee a sa voulenté/ il fist mettre en
littieres de ses meilleurs et plus hardis lyez & bendez ainsy se
griefment fussent malades/ & en males et fardeaux firent porter leurs
harnoys comme se robes ou grant avoir fust. Pour laquelle chose quant
iceulx veirent leur plus bel s’armerent en leurs hostelz coiement/ &
puis a certaine heure determinee saillirent sus/ et firent tant qu’ilz
subjuguerent tous les cytoiens.




Cy parle de alixandre le grant/ de cesar augustus et de crates duc
d’athenes. viii. c.


Quant alixandre le grant eut subjugé la tierce partie d’aise pource
qu’il doubta que apres son departement ilz ne rebellassent il mena avec
lui/ ainsi que s’il le fist pour les honnorer tous les roys & princes du
pays & ceulx qui luy sembloient estre plus dolens d’estre vaincus et
subjuguez/ & au peuple qui demoura ordonna capitaines populaires et
leurs mesmes gens/ & par ainsy gaigna l’amour du peuple & des princes
pour l’onneur qu’il leur faisoit/ aussi pource qu’il leur laissa le
gouvernement d’entre eux Et ainsy se rebeller voulzissent/ n’eussent
peu/ pour ce que pas de chief n’avoient/ car peuple qui a aprins a estre
gouverné de souverain seigneur ou capitaine ne vault riens tout seul.

Item quant cesar augustus eut subjugué germanie et les allemans se
furent renduz a luy Adonc pour les mieulx seignourier fist faire
plusieurs chasteaulx pres de leurs villes mais pour les appaiser de
ceste chose/ acheta d’eulx les terres ou il les assist. Pour laquelle
chose se tindrent contens de luy/ tellement qu’ilz eurent agreable sa
seignourie.

Item Crates duc d’athenes estoit logé aux champs et pou de gens avoit:
mais il attendoit grant secours/ si se doubtoit que ses ennemys qui
grant quantité estoient luy venissent courir sus/ pource qu’ilz savoient
sa feblesse/ mais affin de pourveoir a tel inconvenient il fist de nuyt
issir la plusgrant partie de son ost/ et leur commanda que lendemain au
matin revenissent par dessus le pendant d’une montaigne faisant
tresgrant noise si que les ennemys les peussent veoir et oyr/ affin
qu’ilz cuidassent que ce fust nouvel secours/ et ainsi en advint. Pour
laquelle chose demoura sceur jusques ad ce que secours luy vint.




Au iii.e livre de frontin est contenu de lismacus roy de macedonne/ de
fabius maximus/ de denis le tirant/ de alixandre/ et de ypigates. ix.e
chappitre.


Lismacus roy de macedonne estoit assiegé/ et tenoit son ost devant la
cité de euphese/ laquelle avoit en son aide ung archepirate/ c’est a
dire ung tresgrant larron de mer/ qui moult de dommaiges faisoit audit
roy et de ses nefz souvent luy ostoit avecques grant quantité de
prisonniers. Mais ad ce pourveit par estrange cautelle/ car il fist tant
qu’il le corrumpit par argent en telle maniere que il emplit ses nefz &
navires des gens du roy bien garnix et appointez de leurs harnois et
habillemens de guerre et les mena comme s’ilz fussent prisonniers et les
mist en la maistresse tour comme en prison/ par quoy quant ilz veirent
leur advantaige a la mynuit/ lors que ceulx de la cité ne s’en donnoient
garde coururent sus aux gaitz et les occirent/ & ainsy fut la ville
prinse et rendue a lismacus roy de macedonne.

Item fabius maximus quant il voulut assieger la forte cité de capire Il
gasta tout premierement en tout les gaignages semez par quoy il semblast
que ce ne fust pas son entente de les assieger. Puis s’en partit bien
arriere/ et attendit a revenir jusques ad ce qu’ilz eurent toutes leurs
terres semees ou ilz avoient pres mis tous leurs bledz/ pour ce que pou
en avoient. Si retourna adonc fabius/ & ainsy par famine print la forte
cité.

Item denis le tirant apres que plusieurs forteresses eut prinses en
cecille vint devant roges/ laquelle savoit fort bien garnie de vivres/
pour laquelle chose se tenoient fors. Si faignit denis faire paix a eulx
comme se autre part voulzist aller/ Et es convenances fut comprins
qu’ilz luy livreroient vivres pour l’argent jusques a ung certain temps/
& quant il veit que tous leurs vivres povoient estre sicomme pres de
finer/ car largesse en faisoient/ pource que paix cuidoient avoir/ pour
la cause que leurs terres estoient ainsy que prestes a ouster. Adoncques
les assiega denis et par famine les print.

Item quant ung nommé Alixandre voulut prendre la cité de lenchadie
laquelle savoit moult estre bien garnie de vivres/ print plusieurs
villes et chasteaux/ et en laissoit de fait apensé fuyr a lenchadie
ceulz de dedens sans leur mal faire Affin que les vivres feussent plus
tost consummez. Et bien prenoit garde et faisoit prendre garde en toutes
les façons et manieres qu’il estoit possible que vivres de quelque part
ne leur pussent venir: Et par ceste maniere les affama Si se rendirent.

Item ung tresvaillant homme nommé ypicrates du temps qu’il gardoit
tarente il trouva une gaicte endormie lequel incontinent il frappa et
occist/ & quant on l’en blasma/ Il se print a respondre et dist qu’il
l’avoit laissié ainsy que trouvé l’avoit C’estoit a dire et a entendre
qu’il reputoit l’omme endormy sicomme mort.




Cy devise de amulcar duc de cartage de haymo l’empereur d’auffricque/ de
hanibal et de valerius. x.e cha.


Amulcar duc de cartage savoit bien que les rommains avoient acoustumé de
recevoir benignement leurs ennemis quant ilz se tournoient de leur
partie/ et que en grant honneur les tenoient & par especial les
sauldoiers de gaule. Et pource affin de les prendre par telle cautelle
ordonna une grant quantité de ceulx qu’il avoit en son ost plus feaulx a
luy/ & les fist aller vers l’ost des rommains ainsi que se rebelles
fussent contre luy et tournez vers les rommains. Si s’en ensuivyt que
quant iceux veirent leur bel occirent les rommains si valut au duc
doublement ceste cautelle. c’est assavoir en tant que ses ennemys occis
en furent & que plus n’oserent recevoir ceulx qui de luy se vouloient
partir.

Item haymo empereur de cartage avoit ung tresgrant ost en cecille contre
les rommains. Si sceut certainement que entre les autres avoit en sa
compaignie bien quatre mille gaulz qui determiné avoient d’eulx en aller
vers les rommains pour estre de leur partie/ pource qu’ilz n’estoient
pas bien paiés/ haymo qui ne les osoit pugnir pour paour de rebellion y
pourveit par telle cautelle. Il appella a soy les capitaines d’iceulx
gaulz & parla bel a eulx/ et promesse leur fist que dedens certain jour
qu’il desclara leur feroit satiffacion. mais le jour devant la promesse
eschevé laquelle ne vouloit ne povoit acomplir par quoy bien savoit
qu’ilz s’en partiroient envoya devers le duc de l’ost des rommains ung
feal chevalier comme fuitif de son ost et rebelle qui luy dist qu’il se
gardast bien & que en la nuyt prochaine venante/ quatre mille gaulz se
devoient ferir en son ost/ dont le duc rommain soy doubtant du peril qui
en povoit advenir mist en agaict celle nuyt la plus grant partie ses
gens lesquelz coururent sus aux gaux quant venir les veirent/ & ainsy en
advint bien a haymo/ car les rommains y perdirent moult de leurs gens &
si fut vengé des gaulz qui l’avoient relenqui/ car tous y furent a dueil
piteusement mors et detrenchez.

Item par semblable maniere se venga hanibal de plusieurs sauldoiers
qu’il sceut que par nuyt s’estoient emblez et departis de son ost pour
aller aux rommains car il fist publier par tout son ost que nul ne
tenist pour fuitifz ne mauvais les vaillans chevaliers qui s’estoient
departis de son ost/ car c’estoit par son congié et ordonnance affin
qu’ilz sceussent le conseil et convine de leurs ennemys et pour
certaines choses qu’il leur avoit commis. Et se fist hanibal pource
qu’il sçavoit bien qu’il y avoit en son ost des espies rommains qui
tantost dire leur iroient. Et ce firent ilz par quoy les rommains
prindrent les chevaliers fuitifz de l’ost de hanibal et leur copperent
les mains et aussy les renvoierent.

Item valesius capitaine de gens rommains tenoit la cité de tarente
envoya message a hisdrubal qui assegez les tenoit/ qu’il lui rendroit la
cité/ mais que sain et sauf l’en laissast aller. Tandis que cestuy
parlement duroit/ par lequel hisdrubal se tenoit aucques tout asseuré &
mal se gaictoit Valesius qui son advantage veit saillit hors avec tout
son effort si sagement que ses ennemys desconfist & occist hisdrubal.
Quel chose vous diroye Je plus des astratagemes de frontin assez de
beaulx en y a loings seroient a reciter/ mais a tant suffise excepté
aucuns beaulx notables ad ce propos comprins en son iiii. livre cy apres
comme vous orrez.




Frontin en son quart livre parle de cesar/ de domicius/ de emilius/ de
scipion l’affricquant/ de vaius et de scipion. xi. chapitre.


Cesar disoit que on debvoit contre son ennemy user de conseil que les
medicins donnent contre maladie/ c’est assavoir user de sobrieté et de
fain avant que de fer.

Item domicius corbulo/ disoit que on debvoit ainçois grever son ennemy
de toutes manieres de cautelles d’armes que on y employast son corps.

Item emilius paulus dist qu’il appartenoit a tout bon capitaine d’ost
estre vieil de bonnes meurs et de sens.

Item scipion l’affricquant respondit a ung qui lui reprochoit de ce
qu’il faisoit pou de sa main en bataille. Ma mere dist il m’enfanta
empereur et non pas combateur qui estoit a dire qu’il debvoit suffrir a
prince ou capitaine d’ost bien ordonner les siens sans exposer en
quelque façon ou maniere son corps a ferir.

Item gayus maximus respondit a ung allemant qui l’appelloit de combatre
corps a corps. S’il m’ennoiast dist il de vivre pieça eusse trouvé
maniere d’estre occis.

Item scipion disoit que on ne debvoit pas seulement donner voye a son
ennemy de fuyr/ mais aider a la faire et trouver. Au propos de ses
choses comme il me semble peut bien servir ce que disoit le sage roy de
france Charles quint de ce nom/ quant on luy disoit que grant estoit la
honte de recouvrer ses forteresses par peccune que les anglois a tort
tenoient Comme il eust puissance assez pour les ravoir par force. Il me
semble disoit il que ce que on peult avoir par deniers ne doit pas estre
acheté ne vengé par sang d’ommes.




Au livre de valere est contenu de hanibal/ de ung roy de grece/ de ung
autre en semblable cas/ des rommains qui eurent a faire de saudoyers.
xii. chapitre.


Valere parle en son vii. livre ad ce propos et dit que hanibal dont
parlé avons cy dessus hayoit moult le tresvaillant duc/ fabius maximus/
pource que moult vigoureusement lui contrestoit en bataille/ & assez de
griefz luy avoit faitz/ mais hanibal ne luy savoit comme par force
nuyre. Pour ce se voulut de telle cautelle adviser. Il gasta tous les
manoirs et champs d’environ romme excepté ceulx du vaillant chevalier
fabius maximus ou il ne toucha ne meffist/ affin qu’il donnast souspeçon
entre eulz d’aucune aliance ou tractié/ par quoy comme il veit que pou
lui vaulsist ceste cautele voulut plus fort faire/ car il escripvit
lettres et secretement les envoya a romme adressantes audit fabius
lesquelles parloient et divisoient comme s’il y eust entre eulz certaine
convenance qu’il deust commettre traïson contre les rommains. Et
tellement ordonna l’affaire que au senat de romme vindrent entremains
Mais iceulx congnoissans la tresbonne loyauté de fabius et la malice de
hanibal n’en firent force.

Item ung roy de grece portoit trop grande et merveilleuse envie contre
ceulx du pays rommain.

Pour laquelle cause sans quelque autre occasion merveilleusement les
heoit/ et se n’eust esté la doubte de leur grant puissance voulentiers
les grevast/ si n’y sceut trouver autre voye que par cautelle et faulse
simulation/ dont il faindit que moult chierement les aimoit et par
plusieurs fois lettres de mout grant amistié leur escripvit/ en fin leur
manda que fort desiroit a veoir la cité de romme et la noble ordonnance
qui y estoit/ & lui venu a romme/ comme celluy que on reputoit pour amy
y fut grandement receu mais tant plus y veoit de felicité et de tant
plus croissoit la douceur de l’envieuse pointure qu’il tenoit en luy
tappie et couverte/ dont il sourdit tel effect: ains qu’il partist de la
cité et tant fist par son malice qu’il mist tresgrant discord entre les
barons/ et par ce luy sembla que mieux ne povoit nuyre a la cité.

Item par semblable cas ung autre hayneux de romme quant il eut basti
cedicion et contens entre les princes rommains tant que en bataille se
misrent les ungs contre les autres. envoya secours de ses gens a la
partie plus forte non pas pour aider a nul/ mais affin que tant plus y
eust d’eulx grande destruction a leur dommaige.

Item les rommains aians affaire de secours prindrent sauldoiers
estranges/ mais quant vint a l’assembler de la bataille sembla a iceulx
sauldoiers que les rommains en devoient avoir du pire/ & pource se
departirent de l’ost & allerent au costé d’une montagne pour eux mettre
avec les plus fors quant la desconfiture verroient/ mais ad ce pourveit
sagement le sage capitaine rommain qui veit que ses gens s’en
espouentoient/ car il alla par tous les rencs/ disant que icelle partie
estoit de son consentement pour courir sus aux ennemys par derriere
quant assemblez seroient/ & par ce asseura toutes ses gens & si en eut
la victoire.

Item s’en departirent une autre fois sauldoiers de l’ost des rommains
pour eulx aller mettre avec l’adverse partie/ mais le sage capitaine y
pourveit sagement Car il les suivit avecques tout son ost en belle
ordonnance par quoy les ennemys quant ilz veirent les premiers cuiderent
d’eux recevoir la premiere envaÿe/ si leur coururent sus et furent les
premiers occis/ mais ainçoys en occirent affolerent et detrencherent
plusieurs et par ce furent ilz en ayde des rommains quelques bons corps
qu’ilz eussent malgré eulz.




Cy s’ensuit aucunes cautelles des rommains assegez de rommains en ost/
de quintus metellus/ de ung roy de cecille et de hanibal. xiii. c.


Au temps que romme fut prinse les gaux assiegerent le capitole qui
estoit forteresse comme imprenable si non par famine/ & pource les
cuidoient ilz affamer/ mais les rommains subtilz en tous faitz de guerre
pour oster a leurs ennemis ceste esperance/ prindrent de telz vivres
qu’ilz avoient & en firent reliefz des oz du menu pain & d’autres telles
choses et les jectoient dehors aux indigens/ par quoy quant les gaux
veirent ce moult sagement s’en esmerveillerent/ cuidans que de vivres
fussent moult bien garniz/ & pource eurent voulenté de faire paix.

Item quant hanibal et hisdrubal princes cartaginois estoient en italie
les rommains y envoierent deux ducz conduiseurs de deux grans ostz qui
si sagement s’i maintindrent que les deux ostz cartaginois ne peurent
assembler ensemble/ car s’ilz eussent assemblé tout eussent gasté/ mais
ilz firent tant que les deux cartaginois furent du tout destruiz.

Item quintus metellus estant en ost en espagne ne povoit par force
advenir a une cité ou il tendoit. Il se partit et commença a pourmener
son ost par assez loing temps de lieu en autre tant que les siens mesmes
s’en esmerveilloient et ses ennemis s’en truffoient et a fol le
tenoient. Si alla tant ainsy faisant que en la fin veit son point/ lors
que tous ennuyez estoient d’estre sur leur garde si les print
despourveuz.

Item ung roy de cecile fut assailli par les cartaginois/ mais quant il
veit que tout son pays lui avoient occuppé et que remede n’y povoit
mettre/ il se partit a tant de gens comme il peut assembler et s’en alla
en auffricque/ & pareillement commença a tout mettre en feu et en flambe
Et pource furent iceulx tous joyeux de faire paix a lui & rendre les
dommaiges.

Item quant hanibal se deut combatre contre les rommains en la bataille
de canes qui tant leur fut dommageuse. Il se advisa de trois cautelles/
l’une qu’il print premier place/ l’autre qu’il advisa d’avoir le vent et
le soleil au doz/ car la journee estoit chaulde & grande estoit la
pouldriere. Apres ordonna que la bataille commencee une partie de gens
qu’il avoit feissent comme s’ilz s’en fuyssent par ung destour ou il
avoit commise une embusche pour courir sus aux rommains qui suivoient
les fuitifz. Tiercement ordonna que iiii. cens hommes d’armes
semblablement devers les rommains s’en fuyssent comme doubteux et
paoureux de la bataille et a eulz se rendissent. Ceste ordonnence mise a
effecte et la bataille commencee furent les rommains destourbez par le
soleil et la pouldre qui leur tolloit la veue aussi par l’embusche qui
leur courrut sus ou moult en y eut d’occis et mal menez et apres par
ceulz qui a eulz s’estoient renduz lesquelz furent selon la coustume de
adont tous desarmez et mis derriere la bataille mais ilz avoient
couvertement sur leurs petis pourpoins comme rasoirs desquelz coppoient
les guerrez aux rommains qui se combatoient et ainsi dit valere que par
la malice d’auffricque plus que par bataille fut vaincue la force
rommaine. Item une autre fois pour rompre une bataille furent prins
beufz avec ce courves bastons mis soubz la queue envelopez d’estoupes
mouilliés en huile et le feu bouté dedens chassez vers les ennemis tous
les esparpillerent & rompirent par grant vigueur.




Cy commence a parler du fait de combatre villes et chasteaux mais
premierement parle de les edifier. xiiii. cha.


Apres ce que devisé avons selon les livres d’armes et autres plus
nouvelles coustumes les manieres bonnes a tenir en icelles en fait de
batailles arrengees en/ champ et fais de chevalerie. Dirons ensuivant
selon vegece et autres acteurs ainsi qu’ilz l’enseignent des manieres
propices a tenir tant en fait de combatre villes chasteaulx et
forteresses comme a les deffendre semblablement et puis parlerons des
batailles qui se font en mer ou en fleuves diversement. Si devise
l’acteur premierement la maniere comment pour plus grant sceureté les
anciens batissoient en clostures de murs et de fossez leurs forteresses
et par la forme que s’ensuit l’enseigne ainsi disant. cellui qui veut
ediffier forte place et durable doit singulierement avoir regard a cinq
choses.

Item la premiere est qu’il doit avoir regard que le lieu s’il peut estre
soit hault.

C’est assavoir sur aucun mont bien assis et en bon pays. Mais se la
disposicion de tel terroy qu’il y a n’y est propice advise se advironner
pourra son edifice atout le moins de l’une de ses faces de mer ou
d’aucun fleuve portant navire. Et s’il advient que place ait tant
convenable que mer puist avoir d’une part et de l’autre le fleuve douch
qui par la ville voist courant/ c’est chose moult propice et de grant
secours se navire peult porter.

Item la seconde qu’il soit en bon air et saing loings de palus et de
mareschages.

Item la iii. que le terroy du païs soit fertile et habondant de toutes
choses necessaires a vie humaine.

Item la iiii. que montaigne ne soit si prochaine que aucun trait luy
peust grever.

Item la v. que la cituation du lieu soit franc et non pas en servage/ &
dist icelluy que les anciens bien advisez ne faisoient pas les enchains
des murs de leurs citez ou forteresses tous droitz comme on fait
maintenant/ Car ilz disoient que ainsi faitz estoient plus acre a
recevoir les coups des engins plus aussy disposez a estre eschelez et
pource les faisoient par courbees et saillies bien maçonnees et fort
serrez le pietrez a bon bethuyn & forte chaussee et par creneaulx les
compassoient affin que par plus de lieux se peussent deffendre/ ou droit
par subtilité estoient assises fortes et deffensables tours a l’environ/
et ce enseigne ledit acteur comment murs se pevent doublement fortiffier
contre tous engins.

C’est assavoir que entre deux paroitz de fort maçonnage soit faicte
distance sicomme de xx. piez et que la terre qui sera faicte et tracte
tant des fondemens lesquelz bien parfont doibvent estre faitz/ comme des
fossez qui seront faitz autour/ soit mise entre ces deux paroitz/ la
soit batue et entassee a bons mailletz le plus fort que on pourra et
soit le mur premier avallé pardessus lequel soit moult espez tant que
allees y soient faictes esquelles ait pertuis et archiens a passer
pierres traictes d’engins de quennons et de tous traictz/ & en chascune
face y ait propre place establie et masçonnee pour asseoir engins a
traire dehors se besoing est/ manteaux de barbakenne de boys soient
atachez aux creneaux pour targer du trait/ & faisoient les anciens
mettre & atacher a bonnes chevilles et a cordes grandes cloyes et lees
en temps de guerre par dehors les murs qui brandissoient/ et icelles
rompoient les coups des pierres traictes des engins si que nuyre aux
murs ne povoient/ ou ilz faisoient hourdis d’espines et de ramille bien
espessement et les lintoient de terre et de fiens contre les murs/ & se
povoit garantir le mur d’estre rompu des grosses pierres. Les portes qui
estoient faictes de gros boys faisoient covrir de lames de fer ou clouer
de cuir sans conreer par dessus en temps de guerre affin que feu n’y
peust estre bouté/ & y avoit ung pertuis fait au mur ou une porte
coulisse avoit pendant a chaines et a aneaux de fer/ si que se les
ennemis la s’embatoient y fussent surprins & enclos par celle porte sur
eulx devalant et autres pertuis y avoit par lesquelz on leur povoit
lancer grosses pierres/ eaue boulant cendree/ et toutes choses de
deffences. Desquelles choses de deffence au temps present on use assez.

Item fossez doibvent estre faitz de grant largesse/ & si parfons en cas
que riviere n’y court que par soubz terre n’y puist estre la forteresse
minee se sur roche mesmement estoit assise/ mais de cest inconvenient
bien gardoient les anciens leurs forteresses/ car a bon bethuin et bon
ciment si fort ferroient leurs maçonnages et par especial les fondemens
de leurs forteresses que garde n’avoient d’estre percés. Si doibvent
doncques estre les fossez de tel largeur et de tel parfondeur estre
tellement que par les ennemis ne puissent estre rempliz/ & anciennement
les faisoient maçonner ainsy que ung droit mur du costé de dehors si que
personne n’y pense devaller/ & avec ce y atachoient bien drus crochez de
fer/ & crampons agus que on dit chaucetrappes tout contreval qui trop
font d’empeschement aux devalans/ lesquelles choses savoir je croy que
assez sont comunes et semblablement plusieurs autres clostures et
garnisons de deffence. Pour laquelle chose il me semble qu’il n’est pas
grant besoing d’en plus reciter comme tous duitz & enseignés en soient
les maistres de telz ouvrages au temps present.




Cy devise les garnisons qui appartiennent a villes chasteaulx ou
forteresses en temps de guerre. xv. c.


Pou vault force de muraille a chastel tant soit bien garny de toutes
choses de defence quant vivres y faillent/ s’il est assiegé si qu’il
parut a la forte place de pierrememin qui sept paires de murs de marbre
avoit assiz sur une roche a tout grosses tours a l’environ bien garnie
de bonnes gens d’armes qui par long siege et famine fut conquise/ &
pource que communement ennemys assiegez s’efforcent d’eulx garder doit
estre advisé que au batissement du mur se riviere n’y court sy
habondante que ne puisse estre tollue/ que bons puith d’eaue doulce si
parfons que eaue y afflue y soient faitz que les ennemys tollir ne le
puissent/ car sans ce tout ne vauldroit riens l’edifice & la ou l’eaue
va dens par conduiz le lieu ne peult estre de grant force pource que de
legier on la peut tollir/ et par ceste voye comme d’eaue on ne se puist
passer les pourroit on tantost vaincre.

Item avec ce se doibvent ceulx de dedens pourveoir si tost que on
murmure de guerre/ & mesmement en tous temps ceulx qui sont en
frontiere/ blé/ farine/ bescuit/ vin/ vinaigre/ verjus/ sel/ huille/
beure salé/ pors sallez frommaiges angloys & d’escoce/ pois/ feves/
orge/ avoines/ oyseaulx qui se gardent sallez. bois cherbon buefz
moutons/ poisson salé/ aux oingnons: poivre molins a bras et a vent/
poulaille/ espices amandes et choses bonnes a malades/ pour cuisine/
potz de terre/ et a mettre vin gobeleths de terre escuelles de bois
grandes et petites a foison/ sieu chandelles/ lanternes/ faloz/
tourteaux a y mettre/ litz/ linge couvertoirs/ cuvelles seaulx a puiser
eaue/ chaudieres et grandes cuves a mettre eaue a grant foison aiz
grossez et menues cloies/ cordes fil/ aguille/ & toutes telles choses.

Item il est assavoir que la ou sel fauldroit et que vin seroit habundant
toute chair cuicte en vin/ et mesmement sans sel se garde sans jamais
corrumpre. Et se jardinages y a dedens la cloture soient diligemment
cultivez avec ce si que dit est/ doibt bien estre prins garde que bien
soient les provisions par juste mesure et proporcions dispensees/ car on
ne peult savoir combien de temps durera le siege/ ne quelle survenue de
gens pourront avoir/ ne quelle chose pourront avoir/ et pource a toutes
fins doibvent en tous temps estre garnis/ car souverainement tant de
leur sceureté comme de leur estat pevent ilz et doibvent bien vouloir
que leurs ennemis le sachent/ voire que mesmement cuidassent qu’ilz
fussent bien pourveus: posons que riens n’en fust. Car par ce seroient
plus tost meus de partir de la/ sy ne doibt pas estre mis en oubly que
de riens dont leurs ennemys se peussent aider soit laissé dehors Ains
soit tout retrait aux forteresses avant leur venue. Et plus vous feroit
de proffit dit vegece y bouter le feu se aucunement ne leur poviez
tollir que laisser/ car tout ce qu’il leur pourroit aider te nuyroit.

S’il advenoit dist il que vivres eussez a trop grant chierté/ & que
eussiés doubte que faillir peussent en la fin du siege ou avant/ les
anciens et impotens hommes les femmes et enfans non habiles a deffence
doibvent envoier en autres villes chasteaulx ou citez/ affin que les
vivres puissent plus durer es deffendeurs.

Item pour garnison de la deffence convient canons et pouldre a foison et
plusieurs pierres et tampons arbalestres viretons fil tors/ baudriers/
fil que on dit de ners/ arcs/ fleches/ cordes d’arcs/ pavais/ lances/ &
tous harnois haches gouges & mailletz de plonc/ et pour les engins cuir
blanc & tané une forge garnie fer et acier charbon souffres et bacinez a
piés et a queue pour alumer le feu aux gens.

Item pour contreminer se besoing est instrumens de fer fais a maniere de
piez de chievre marteaux hotes/ peles/ louches/ crocs de fer/ eschelles/
& est bon d’apprester contre les engins/ affin de les ardoir/ bethuyn/
ciment/ pos huille et estouppes a grant foison. Fer et acier pour
rappareiller le harnois aux hommes d’armes et le maistre pour ce faire
fut a faire anses saiestes dondaines et viretons se le trait y failloit/
& doit estre cueilly grant quantité de bons chaloux cornus pource que
plus durs et plus pesans sont que les autres/ et plus propices a getter
a la fonde ou a la main/ si en doibt avoir grant garnison sur les murs/
et mesmement les tresgrans vaisseaulx tous plains de toutes manieres de
chailloux pour tout en ung mont lancer aval se besoing est pour
trebuscher pierres de fais de dessus les tours.

Item a bref dire tous engins propices et convenables a lancer dehors
bombardes et grosses pierres doivent estre appareillees/ et avec ce
grosse garnison de la pouldre qu’il y convient & aussy se doit on
pourveoir de tonneaux & certains vaisseaulx plains de chaulz affin que
se les ennemys approchoient si pres/ que on leur jetast contreval si que
au briser en eussent les yeulz & la bouche tous plains et que les plus
hardis en fussent agraventez.

Item affiert a telle garnison grant quantité de cloyes/ de tables et
d’aiz cloux chevilles de bois et de fer a grant foison pour faire
entablemens contre les engins se besoing est qui pourroient estre
a[p]liqués aux murs.

Item convient estre garny de chaulx sablon de pierres plates pour faire
cloisons et contremurs se besoing est maçons et charpentiers pource
faire au mieulx selon leur advis.

Item grant garnison y affiert de cordes pour arcs a main & arbalestres
et de nerfs pour les faire. Et s’il advenoit que nerfz faillissent sont
bons au besoing pour faire cordes gringnes de chevaulx et mesmement
cheveux de femmes y pevent servir. Et de ce dit vegece se aiderent moult
bien les rommains quant vint a leur grant besoing/ quant hanibal les
menoit si mal que par force de eulx deffendre cordes & nefz leur furent
faillis. Adonc les vaillans dames de la cité dont tousjours en seront
loees qui beaulx longtz cheveux avoient eurent plus chier estre
enlaidies et desnuelz de leurs blons chiefz/ et secourir a la cité que
ce que parees de leurs blondz chiefz fussent prinses en chetiveté &
servage de leurs ennemys/ & souffrirent leurs cheveux degaster es
traieurs/ et par ce fut romme garantie.

Item doibvent aussy estre garniz de foison de cornes de bestes pour
rapareiller leurs arbalestres/ pareillement de cuirs sans conreer pour
couvrir leurs engins et autres edifices. Affin que le feu n’y puisse
estre bouté/ & aussi convient estre garny de tresbonnes gens d’armes et
de trait expers et aprins de tout ce qui y appartient en assault de
deffence en telle cautelle que besoing est selon le lieu et affaire/ car
ainsy que dit le proverbe la muraille ne fait pas le fort chastel/ mais
la deffence des bonnes gens d’armes qui le font imprenable/ et ne fait
pas a oublier que du costé ou la place est la plus feble soit mise la
plus grant deffence car celle part ont les assaillans acoustumé de plus
fort envaÿr.




Cy parle de ce qu’il convient en particulier a garnir forteresses tant
de vivres comme d’abillemens de guerre. xvi.e chapitre.


Apres se que devisé avons assez en general des choses convenables tant
pour vivres comme pour deffences qui a garnison affierent contre les
ennemys Nous semble expedient pour la perfection de nostre euvre dire
plus en particulier la juste extimation ou environ qui pourroit suffire
a pourveoir certain nombre et cantité de gens. Si est a supposer deux
cens hommes d’armes avec leurs valletz/ c’est assavoir deux valletz pour
ung homme d’armes/ garnir pour vi. moys/ conviendroit lx. mille de blé a
la mesure de paris dont le tiers sera mis en bescuit et l’autre en
farine.

Item quatre mille de feves. ii. muys de poys. vi. vingts queues de vin/
deux queues de vinaigre. une queue de verjus/ une queue d’huille/ ung
muy de sel l. livres d’espices/ deux livres de saffren demy septier de
seneul pour la moustarde et le molin a ce faire.

Item chairs sallees et chairs fresches. C’est assavoir cent grosses
bestes sallees que en vie qui a place pour les garder et assez fourrage.
cent ou six vings porcs sallés viii. vings moutons qui peut et a place
pour les garder/ poullaille en garnison tant que on peut et veult.

Item poisson sallé s’il est karesme/ & es jours que on ne mengue pas
chair ung millier d’angules xxv. kacques de harencs molues saumons a
grant foison/ une queue de burre sallé. xl. livres d’amandes/ eaue rose/
et autres telle choses que a malades appartiennent tant en mengiers
comme en oingtures et autre medicines.

Item douze douzaines de gobeletz pour boire/ dix seilles de cuir pour
tirer eaue. ii. cens toises de cordes de tille/ deux douzaines de
seilles de boys a puiser eaue se fleuve ou riviere y a.

Item pour cuisine en tous temps/ mais par especial se c’est en yver. ii.
cens charetes de charbon. iii. milliers de petis fagotz de busche. xx.
douzaines de grans potz de terre a potager et cuire chair. vi. grandes
chaudieres. deux douzaines de coulbes grans moyens et petis/ iiii. ou
vi. douzaines de cueilliers de boys. deux milliers d’escuelles de bois
et autant de trenchoirs/ cuviers cuves kanes/ xx. ou. xxx. soufflez
lanternes et autres choses necessaires dont on se peut adviser comme
greilz & ramons que on dist balletz.

Or revenons a parler de la provision sur le fait de la deffence dudit
lieu.

Premierement a tout le moins xii. canons gectans pierres dont les deux
seront plus gros que les autres pour rompre engins manteaulx et aultres
habillemens s’il est besoing.

Item deux bricoles et deux couillars chascun garny de quatre fondes/ et
cordages & pierres a grant foison. deux ou trois espringales garnies du
traict qui y appartient.

Item s’on ne sent que trop souvent conviengne faire gecter les canons
suffist mille livres de pouldre et mille livres de plonc. a faire
plommetz. vi. douzaines de lances ferrees xxiiii. arbalestres a pades.
vi. autres a tour six grosses douzaines de fil d’anvers dont la grosse
douzaine en vaut vii. xxiiii. arbalestres a croc xii. tellules deux
tours a tendre. xviii. baudriers/ & xx. arcs a main cent douzaines de
fleschez. xxiiii. douzaines de cordes d’arcs. lx. ou quatre vings
pavais. xxiiii. milliers de viretons. xii. milliers de gros traict. ii.
cens pierres arrondies pour les canons et d’aultres grant foison pour en
faire quatre cens tampons pour en faire du bois ung charpentier/ troys
maçons pour faire pierres a canons et autres choses necessaires a la
garnison.

Item deux molins a chevaulx deux fours/ une forge garnie/ iii. milliers
de fer: demy milier d’acier quatre milliers de charbon iiii. bacinez a
pié et a queue pour alumer le feu pour les canons viii. soufflez.

Item pour contreminer. xxiiii. piez de terre. xii. piez de chievre de
fer/ deux douzaines de louthetz. deux douzaines de hottes garnies/ vi.
douzaines de pelles de bois/ bons cuviers & cuves.




Comment forteresses doibvent estre pourveues de doulce eaue selon
vegece. xvii. c.


Vegece dit que comme ce soit grant proffit a forteresse ou a cité quant
vive source de fontaines ou de puith y pevent estre Neantmoins s’il est
ainsy/ que la nature du lieu n’y soit disposee/ il est besoing de y
pourveoir par remede au mieulx que on peult/ c’est assavoir que se les
fontaines & sourses sont hors des murs assez pres Convient que ceulz de
dedens deffendent leur eaue a force de trait/ ou cas que les ennemys les
voulsissent tollir ou empescher l’usage. Se la sourse sciet loings qui
par conduis leur viengne/ y est affaire ung petit chastellet par lequel
a force de gens d’armes et de trait soit deffendue. Et avec ce en toutes
telles citez ou forteresses doibvent estre faites citernes/ lesquelles
doibvent estre assises es lieux ou l’eaue de pluye qui chiet & vient des
degoutz et des toitz des maisons et des nocquieres puissent cheoir
dedens/ & ainsy le garder le plus que on peut plaines et garnies/ car la
se garde elle moult bien en sablon a/ et est saine et mesmement les
garnir aussy d’eaue de fleuve.

Semblablement dist arristote que eaue sallee de la marine ou qui vient
de conduis et de sourses ameres devient doulce s’elle est passee parmy
conduitz de bonne terre.

Avec ces choses peult moult proffiter vinaigre a foison avoir/ et par
especial en temps d’esté/ car moult rafreschit le corps a boire avecques
eaue et ce scevent ilz bien en ytalie. Et se la forteresse siet sur
marine et il adviengne que sel y faille/ soit prinse de l’eaue de la mer
et mise au soleil/ & puys boullir sur le feu tant que l’eaue soit toute
consummee/ et par celle voye sera trouvé sel au fons.




Cy dit qu’il convient que en garnison soit de ville ou forteresse soient
mis loyaux gens et donnent de ce exemple. xviii. chapitre.


Pour toutes choses ou la plus grant partie qui necessaires ou
convenables sont en deffence de cité ou forteresse/ est assavoir que la
garnison est souveraine de tresbonnes loyaux gens qui de ung accord et
unis soient ensemble a capitaines loyaulz et preudommes/ et que amour
ayent au lieu/ car la ou toutes aultres choses seroient acomplies et
ceste seulle y deffaulzist tout riens ne vauldroit. Et qu’il soit vray
que ainsy soit et grant mal le contraire le monstre ensuivant ce propos/
et comme exemples soient communement plus penetrans aux oreilles des
escoutans que argumens premiers fais en amenrons plusieurs en
tesmoingnage. Et premierement en recitant ce que les autres acteurs
tesmoingnent disant que le plus grant bien qui puisse estre est/ que la
soit paix ou garnison est. Car il est mal possible que ceulx entre
lesquelz est soient destruis par quelconques puissances/ & ce appreuve
la responce que fist le saige magissien tirisaulz a scipion
l’affricquant avant que a luy se furent si longuement tenuz contre la
grant concorde qui y estoit/ & avec ce est tresgrant souverain bien en
pays cité ou forteresse avoir princes ou souverains de grant amour au
lieu sicomme bien le demonstra le vaillant homme nommé camulus ung des
souverains de romme lors que le duc Beanius d’athenes avoit par guerre
destruite romme et a toutes les proies et richesses s’en alloit/ Mais le
bon et vaillant homme camulus/ nonobstant ce que les rommains l’eussent
exillié a tort & mis demourer hors de la cité: quant l’adventure sceut
moult luy en pesa/ et tantost assembla ce qu’il peut de gens/ car de
grant auctorité estoit si vint audevant de beanius qui garde ne s’en
donnoit et le desconfist/ & si conquesta grant avoir dont reediffia
romme/ et y ramena les fuitifz par quoy fut appellé le second romulus.

Et tout ainsy que tresgrant bien et joye et bon cueur est et unit en
pays ou cité quant paix est environ soy et en soy mesmes. Aussy y est
tout mal discencion desolation et peril quant discorde et discencion y
est/ laquelle chose est sa destruction. Si que mesmes le dit la saincte
escripture et sourt communement tel content en communité ou ville par
tresmauvais mouvemens. C’est assavoir pour cause d’orgueil arogance les
ungs contre les autres par envye et par convoitise/ si n’en pourroit pas
bien venir. Ainsy qu’il en advint a romme de la bataille cytoienne qui
tant leur fut prejudiciable que a pou s’en destruirent tous par
l’orgueil de leurs princes/ c’est assavoir. Silla & Marius auquelz
furent en ayde des deux parties Pompee et certorius et plusieurs autres
haulz princes qui moult estoient de grant proesse et auctorité/ en
laquelle guerre eut plusieurs batailles ains qu’elle cessast/ esquelles
si que raconte l’istoire furent occis xxiiii. de leurs princes de leurs
capitaines vi. de leurs plus souverains xl. autres barrons et de
rommains. Cent et cinquante mille sans plusieurs autres estrangiers qui
furent en leur aide. Si fait bien a eviter sy cruel debat.




Cy parle encore de mettre loyaulx et vaillans gens en villes et
chasteaulx et en donne ung tresgrant exemple. xix. chapitre.


Au propos encore de mettre loyaux gens en chasteaulz et que bien doibt
estre prins garde que convoiteux oultre mesure n’y soient/ comme par
icelle voye/ ayent esté plusieurs villes et cités traÿes et vendues
pilliés et robees/ comme il appert par l’exemple de la cité d’estinope
grande forte riche et bien peuplee que le roy mitridates avoit baillé en
garde a deux chevaliers qu’ilz reputoit feaulx/ mais malement le
garderent Car ilz mesmes avecques leurs gens la robberent et pillerent/
et puys quant ilz eurent bouté le feu dedens s’en fuyrent dont
merveilleuse adventure advint/ car adonc comme le duc de l’ost rommain y
arrivast pour y mettre le siege/ s’esmerveilla trop que ce povoit estre
et quant le cas luy eut esté compté et revelé fist appeller les cytoiens
aux portes en disant qu’il leur donnoit asseurement/ mais que la porte
voulzissent ouvrir/ & la porte ouverte par le consentement des cytoiens
Il commanda a ses gens qu’ilz aidassent a estaindre le feu/ & ainsy fut
guerroyé par ceulx qui garder le debvoient/ et secourue par ceulx qui
les cuidoient destruire s’ilz eussent peu.

Item que convoiteuses gens puissent estre de grant nuysance en cité ou
en chastel/ apparut par la parolle que dist le roy de jurguta/ lequel
grant envye et couverte hayne portoit aux rommains celleement soubz
fainte amour/ mais pour mieulx les decevoir donnoit grans dons aux
principaux d’eulx. et en ce faisant se meut grant discorde et sedicion
entre les cytoiens/ et ainsy les guerroit ennemy que amy reputoient sans
ce qu’ilz s’en apperceussent tant que au partir de romme/ auquel lieu
par faintise estoit allé ne se peut tenir de jecter telles parolles tout
en passant.

Ceste cité seroit de legier prinse qui a donner auroit assez/ C’est
assavoir que plusieurs foys est advenu merveilleux et grant inconvenient
en cité et pays & mesmement en ost par y avoir grant quantité de gens
estrangiers ainsi que a romme advint au temps de leurs tresgrandes
conquestes ou ilz avoient maniere de tenir les prisonniers qu’ilz
tenoient en servage et servir s’en faisoient et faire leurs labeurs/
dont une fois advint que plus de xx. mille contre eulx se rebellerent et
leur porterent moult grant dommage ains que venir peussent a chief de
les destruire mais apres ces choses dictes/ lesquelles pevent servir
pour exemple/ retournerons a nostre premier propos.




Cy commence a parler de mettre siege et assaillir forteresse selon
vegece.


Le temps est venu que l’ost se vient loger a siege devant la cité/
lequel temps communement est se le capitaine est saige en la saison
d’aoust/ pource que adont luy est plus proffitable pour deux raisons. La
premiere pource que plus de vivres trouvera sur les champs. L’autre que
doublement grevera ses ennemys/ c’est assavoir par siege et assault/ et
par leur tollir et destourner a faire leur cueillotte de blez de vins et
de tous vivres. Si se logera ledit ost au plus pres qu’il pourra/ et
aura avant bien advisé la situation et que mieulx a son advantaige soit
mis le siege/ assis les engins et adviser de donner l’assault. Si fera
faire se c’est son mieulz environ bons fossez & le lieu fortiffiera de
fort palais comme se c’estoit une forteresse/ affin de povoir contester
a ceulz qui venir pourroient pour lever le siege/ ou mesmement a ceulz
du chastel se contre eulx sailloient/ & se c’est chose que de toutes
pars soit assiegé tant vault mieulx/ mais s’il y a montaigne ou autre
empeschement que on garde neantmoins de tous les costés qui seront y
soit mis s’il peut estre/ et fait palis et trenchis de l’un siege a
l’autre en maniere que ceulx de dedens ne les puissent surprendre/ et de
toutes pars aussi ordonnera sceureté deffence et bon gait a toute heure.

Apres advisera par quelle maniere le lieu est mieulz prenable se c’est
par eschielles il en aura fait ordonner a doublez rencz tant que besoing
sera et oster les empeschements d’autour de la muraille par force
d’engins seront dresciés eschelles contremont et roulees a bons et
tresgrans roulez lesquelz tresfort au chief du mur d’en hault tiendront/
pour moins glisser les fera ferrer par dessoubz se besoing est/ affin
que d’en hault on ne les puist abatre. Adoncques de toutes pars sera
encommencé l’assault/ & se pas ne luy semble proffitable/ ouvriers ad ce
establis seront mis en besoigne.

Pour la terre fouyr sera encommencé si loings que ceulx de dedens par
nulle maniere veoir ne le pourront/ ne les hommes qui porteront hors la
terre. Et faite sera si bas que la parfondeur des fossez passera apuyee
de bon fort mairien tant que on viengne aux fondemens des murs au plus
bas: & par illec trouveront maniere d’entrer dedens se contredit n’y est
mys. Tandis que se mur se fait le sage capitaine ne se tiendra pas a
tant duis affin que ceulx de dedens ne puissent par escoutes lesditz
mineurs sentir les occupera de tant d’autres assaulx que la noise le
bruit et la peine qu’ilz feront donneront assez d’entente a leurs corps.
Car corps d’arbalestres plus durs voulans que mouches bombardes canons/
l’orrible ton des grosses pierres contre les murs/ les crus des
assaillans/ le son des trompettes/ la paour des eschiellans leur
donneront assés a faire.

Item et s’il advient que lesditz mineurs puissent percer les murs sans
estre sentuz et parvenir jusques aux maisons du chastel. Par la
entreront les gens d’armes/ & bouteront le feu/ & ainsy sera prins/ et
mesmement auront apuyé ung mur de boys secq/ auquel sera bouté le feu
dedens tout a flac/ et par ce y aura grant entree. mais se ceste voye
n’y peut valoir/ & que le lieu soit de grant force/ & en toutes choses
bien garnis/ par autre voye le saige capitaine desireux de l’avoir y
remediera.




Cy commence une ordonnance de mettre siege/ et ce qu’il luy convient
pour assaillir forte place selon le temps present. xxi. chapitre.


Quoy que vegece sur lequel sien livre de chevalerie avons fondé ou la
plus grant partie/ ceste presente euvre ait parlé en termes generaulx
selon les usages du temps des preux conquereurs passez/ assez suffise
aux bons entendeurs des choses d’armes/ tant en ce qu’il touche ou en
quelle maniere peut toucher fait de batailles en champs et ses
despendences comme de ce qu’il appartient a combatre. villes et
chasteaux par mer & par terre si que dit sera. Neantmoins pour plus
particulierement donner enseignement non pas a ceux qui le scevent comme
besoing ne leur en soit/ mais a ceulz qui au temps advenir le pourront
bien lire ou oyr par desir de savoir comme escripture soit chose au
monde sicomme perpetuelle nous semble bon de adjouster a nostre dicte
euvre plus particulierement des choses bonnes et propices en fait de
combatre/ cité chasteaulz et villes selon les usages du temps present
pour plus ordonner entendible exemple. Tout ainsy semblablement que es
choses dictes & a dire/ nous sommes aidés des ditz du livre vegece &
autres acteurs nous aiderons en se du conseil des nobles chevaliers
expers esdites choses et quoy que grans los de ce leur deust appartenir
comme bien affiert a leur honneur et reverence tant pour ceste occasion
comme pour les autres bontés sens et valeur chevalereuses et nobles
vertus qui en eulx sont ne plaist a leur humilité y estre alleguiez. Par
quoy s’il est ainsy que par aucun qui lire pourra ou le oyr ait
aucunefois ceste belle ordonnance qui s’ensuyt veue par escript/ ou oyr
dire de bouche ne vueille pourtant l’avoir en despris Ains en estre
content pensant que dommaige seroit que la feblesse de ung peu de papier
qui se pourroit en pou de temps perdre eust la memoire aneantie de si
notable ordonnance/ qui bien est digne que registree soit/ affin que
estre puist secourable mesmement en ce royaume se le cas escheoit en
temps advenir.

Or supposons doncques une tresforte place assise sur mer d’une part ou
sur tresgrosse riviere grande et tresdifficile a prendre comme de telles
en soit a laquelle on vueille mettre siege par grant appareil quoy qu’il
y doibve donner/ ce qu’il y conviendroit regarder.

Premierement devise les engins et canons/ c’est assavoir deux grans
engins et autres deux moyens volans garnis et prestz de toutes choses
pour jecter.

Item quatre couillars tous neufz bien fournis et habillez de toutes
choses qu’ilz leurs appartient et chascun de deux tables et troys fondés
pour changer quant besoing en sera.

Item quatre grans canons/ l’un appelle garite/ l’autre rose/ l’autre
maye et l’autre seneque. Le premier de iiii. ou cinq cens livres pesant.
Le second c’est assavoir seneque de environ iii. cens livres ou plus et
les autres deux/ gectant deux cens livres ou plus.

Item ung autre canon appelle monfort gectant troys cens livres pesant/ &
selon les maistres est cestuy le meilleur de tous.

Item ung canon de cuivre appellé artique gectant cent livres pesant.

Item xx. autres communs canons gectans pierres Item autres petis canons
gectant pierres plommetz et autres pierres communes de cent a six vings
livres.

Item deux aultres grans et six plus petis.

Item encore deux autres gros canons gectant de trois a iiii. cens livres
et quatre petis/ Autres troys canons ung grant et deux petis canons
gectans selon leur povoir.

Item autres xxv. canons grans a pierre gectans de deux a troys cens et
quatre cens livres pesant. & xl. autres petis/ & tous doibvent estre
estoffez de pierres de bois et de ce qui y appartient/ lesquelz canons
sont en somme. ii. cens xlviii. qui diviseement sont nommez pource que
diversement sont assiz selon l’assiete de la forteresse.




Cy devise quelz choses affierent en particulier aux canons et bombardes.
xxii. c.


Premierement a xxx. mille livres de pouldres/ a canon ou environ/ dont
la moitié soit mise en estoffes.

Item de charbon de faulx deux mille fais/ ii. mille sacs de charbon de
chesne et d’ommel. xx. bacinez a trois piés & une queue/ chascun pour le
feu alumer pour lesditz canons xx. souffles.

Item pour lesditz grans canons mener d’une place a l’autre chascun ung
chariot renforcié pour mener lesditez pouldres et autres habillemens.
xxv. charettes a ii. chevaulz chascune garnie de ce qu’il y appartient.
Quatre ou cinq tampons de bois pour lesditz canons.




L’espesseur du bois desditz engins. xxiii.e cha.


Premierement vi. grans manteaux. pour les dessusditz. vi. grans canons
fais sur assil a potentes chascun de x. a xii. piez de lez et de iiii.
doiz d’espez et de xxx. piés de hault.

Encore deux grans manteaux a plate chascun de xxiiii. piés de long et de
xvi. de hault et de cinq dois d’espez et chascun vi. sonnes d’ormeau et
faulses es costés.

Item ung autre grant manteau a pointe pareil des autres deux manteaulz &
fera on seule des trois quant on vouldra.

Encore dix autres petis manteaux chascun de xii. piés de long et de
viii. a x. piés de hault et seront de la façon des autres grans
manteaulx dessusditz et a chascun ung huicet ouvrant pour traire du
canon quant besoing sera/ l’un sera largement d’espez. iiii. dois et
sera chascun sur deux rouelles.

Item quatre autres manteaux qui tous seront sur roes en maniere de
charroy fais de legiers aisselin de ung panch d’espez sans plus ou
environ qui serviront pour garder du trait tandis que on assera les
autres: & deux autres manteaulx a pointe chascun sur quatre rouelles.

Item derechief autres viii. grans manteaux pour lesditz grans engins et
couillars qui seront faitz de bois quarré chascun de demy pié de
quarrure/ chascun manteau de xxxvi. piez de long et de xviii. de hault.
deux engins a bras pour lever les engins dessusditz.




Cy devise en quelle forest doibvent estre prins lesditz bois. xxiiii.
chapitre.


Ja avons supposé que devant la forteresse pour laquelle mettre siege
seroit faite ceste dite ordonnance seroit d’une part sur mer ou sur
grosse riviere. Et pource pourrons encor supposer que lesditz
habillemens de boys fussent faitz en aucune forest prochaine et que en
bateaux & autres vaisseaux d’eaue se peussent arriver aux champs la
pres. Si dirons des autres engins convenables a traire de leurs mairiens
fustaille pierres & autres choses hors des basteaux et le charroy qu’il
conviendroit et autres habillemens.

Premierement ung engin pour traire les engins des bateaulx et les
pierres et charger sur le charroy pour mener les boys des engins et
manteaulz des bateaulz en la place ou drescez seroient. ii. cheriotz
ferrez renforcez pour mener les verges des bateaulz en la place.




Cy devise les habillemens pour les engins. xxv. cha.


En la dite forrest plus prochaine seront ordonnez a faire v. cens et xl.
pennaulz de palis checun pennau de xxiiii. piés de long et xii. de large
et montent les v. cens et xl. pennaulz iiii. cens toises et a en chascun
pennau deux creteaulz dont l’un des boutz soit a mortaise dedens le
pennau et l’autre bout a deux piés & seront pour faire les allees
garnies de cloyes. Item v. cens et lvi. pennaulz de petis palis de x.
piés de haulteur et xx. de lez et font les v. cens et lvi. pennaulz xi.
cens toises faiz et achenez les dessusdiz pennaulx aux autrez.

Icy sera advisé par ceulz qui mieulz s’i congnoissent en quel part
vouldra pour le mieulz les asseoir & en faire la bastille par lequel des
maistres et ouvriers & que iiii. portes y ait et sur chascune porte ait
fait en maniere de tours fermans et aux garites tout autour pour
deffendre celle part du trait des canons.

Item avec ce v. cens tresteaulz chascun de x. piez de long et de viii.
de hault qui serviront de faire allees aux manteaulz dessusditz au
convert et au chat et beffroy que on fera se besoing est.

Item deulx milliers de cloyes pour couvrir lesditz manteaulz et
tresteaulz et faire bouleirs et autres choses necessaires se besoing
est.

De chevilles de bois pour couldre et actacher les palis environ viii.
tonneaulz plains. Avec ces choses sera une granche faicte en la dite
forrest qui aura de long xxiiii. toises et viii. de lé pour mectre les
molins et autres choses necessaires pour servir ceulz de l’ost & de la
dite bastille.




S’ensuit les habillemens du trait. xxvi. chapitre


Premierement ii. cens arbalestres. xxx. autres arbalestres a tour et
cent aultres a croc.

Avec ce deux cens milliers de viretons. l. milliers de dondaines & gros
trait. xii. tours tous neufz a tendre arbalestres. xiii. fortes tioles a
tendre arbalestres. l. baudriers.

Item encore quatre cens livres de fil d’anvers pour faire cordes a arcs.
l. thioles a tendre arbalestres.

Item quatre cens arcs a main chascun garny de troys cordes/ pardessus de
provision viii. cens cordes.

Item xii. milliers de fleches Et x. mille de cloux de trepes.




S’ensuyt autres habillemens. xxvii. c.


Premierement xiii. pavais ii. cens falos/ et xxxi. autres grans falos de
xvi. piez de hault ferrés de grans bendes de fer pour ficher en terre.

Item quatre cens haches de guerre tant a bec de faucon comme autres.
pour miner quatre cens louches a pointes se les leur rompoient. mil
peles de bois quatre cens esquipars pour vuider eaue. xii. grans crocs
de fer a chascun deux grans. Avec mil cinq cens hotes toutes estoffees
ii. cens lanternes. vii. mil de grans chevilles de fer de ung piet et
demy de long et d’autres plus petites xii. cens Encore quatre cacques de
cloux. l’un demy pié seroit L’autre de deux et l’autre de troys piés.

Trois forges garnies. ii. cordiers. deux bourreliers. deux charetiers.
deux tourneurs a faire tampons. troys milliers de fer. lx. garbes
d’achier. lx. rasieres de charbon de fer dont les troys rasieres font
ii. stiers de charbon. deux cens sacs de bois pour lesditz ouvriers.
deux mille de fil tout filé pour les cordes des engins.

Pour les goreliers. xl. cuirs de vache tanez a faire les fondes des
engins xxxv. cuirs blancs pour faire couroies a couldre lesdites fondes.

Item pour les charetiers se prendra boys quant besoing sera de celluy
qui sera mené sur les dessusditz chariotz. Pour mettre les cordages des
engins/ le fil cuirs chevilles de fer & autres menuez choses necessaires
seront aprestees xxii. queues fermans a clef/ xxiiii. cuviers faictes a
maniere de bayart pour mettre les pierres des canons dedens les fondes
et xii. brouettes.




S’ensuivent les pierres des canons. xxviii.e chapitre.


Premierement C. l. pierres toutes prestes pour le canon de montfort
vixx. pierres prestes pour les autres grans canons. iii c. autres
pierres pour lesditz canons petis vi. C. autres pierres pour lesditz
canons qui ne seront pas arondies.

Item pour les engins iiii. cens pierres toutes prestes a jecter. & vi.
cens qui ne seront qu’esbrouchees. Item v. mille livres de plonc pour
faire plommetz.




S’ensuyt les menus habillemens pour assaillir par miner qui sont
necessaires. chapitre. xxix.


Premierement pour cent piés. l. piés de chievre xvi joues de porc.
xxiiii. grandes & fortes eschielles doubles a iiii. rencs pour soustenir
quatre hommes d’armes de front. de xxxvi. a xl. piés de long et a
chascune eschielle iii. polietes au bout d’en hault. Encore de vii. a
viii. vings eschelles autres de xxiiii. a xxvi. piés de hault & autres
moindres.




S’ensuyt le boys quarré qui seroit ordonné pour faire ce qui s’ensuyt.
xxx. cha.


Pour faire ung chat a barbe et ung belfroy lequel aura de viii. a x.
toises de long et ii. de large sera ordonné de bois quarré environ
quatre cens toises/ ung millier d’aisselin. xxiiii. rouelles & d’autres
menus bois grant quantité/ les cloyes assez necessaires sont escriptes
cy dessus.

Item vi. mas de lx. a iiii. vings piés de long qui serviront audit
belfoy et chat en la maniere que ordonné sera.

Item iiii. molins a chevaulz fais en maniere que deux roues & chascune
roue fera mouldre deux molins. Et seront en la granche dessusdite.

Item quatre quaques de suif pour oindre manteaulx engins molins et ce
qu’il conviendra.

Item troys douzaines de polies de bois & xii. autres polies de cuivre.




S’ensuivent les ouvriers necessaires pour lesditz habilemens. xxxi.


Premierement pour les engins a chascun engin deux personnes l’un parmy
l’autre sans le maistre et les maçons qui necessaires y sont/ c’est
assavoir deux.

Item vi. charpentiers qui seront ordonnés a lever la bastille chatz et
belfrois et autres habillemens qui seront ordonnez par dixaines. Et y
aura pardessus eux cinquanteniers et trenteniers pour mieulx les tenir
en ordre par connestablies et seront departis aux chevaliers et escuiers
pour faire lever lesditz palis chascun en son droit par la maniere cy
apres declairee: vi. cens autres hommes qui seront aide aux charpentiers
mys aussy par ordre de nombre ii. mille pionniers mys semblablement par
ordre pour faire les fossez des palis & autres choses necessaires.

Item seront ordonnés cent chevaliers et escuiers telz que on y vouldra
eslire et sera chascun tenu de faire drescer les penneaulz des palis &
faire fossoyer la endroit/ & aura chascun pource faire ung dixenier des
aides et troys dixeniers de pionniers et vi. chariotz avec les
charetiers pour mener lesditz palis des bateaulz dont ilz seront
deschargés en la place/ & aura chascun d’iceulx chevaliers les noms de
leurs compaignons par escript/ & chascun dixenier aura ung falot pour la
nuyt garny de l. tourteaulx/ & y aura gens commis dont ilz auront les
noms pour leur livrer peles louchetz et esquipars.

Item seront ordonnez aux canonniers l. charpentiers et xx. pionniers
pour drescer leurs manteaulx faire fosses a assegier leurs canons/ dont
ilz auront leurs noms/ & y aura gens qui les gouverneront/ & auront
iceulz leurs propres chariotz pour mener leurs canons et habillemens des
bateaulx en la place.

Item auront ceulx qui gouverneront les couillars xx. pionniers pour
faire leurs fosses a les planter & aussy a planter les manteaulx & aussy
auront leurs gens et charoitz/ & ainsy sera ordonné de celluy qui aura
le gouvernement des grans engins qui aura xvi. cheriotz.

Item a ceulx qui seront ordonnés pour gouverner les pouldres et autres
habillemens seront ordonés pour les mener viii. chariotz/ et l’autre
nombre des charettes servira de mener et arriver les vivres des bateaulz
en l’ost & autres choses necessaires.

Item celluy qui aura le gouvernement des manteaulx et bois des bateaulx
aura vi. chariotz & l. ouvriers par l’ordre dessusdite.




Cy devise comment les vivres et habillemens seront conduitz/ et gardés
les passaiges. xxxii. chapitre.


Avec ces choses y aura ordonnances certains chevaliers et escuiers
notables gens tant pour garder lesdites choses et conduire Comme pour
garder les portz & passages/ a l’un desquelz sera ordonné a garder le
passage de la riviere avec cent hommes d’armes cent hommes de trait et
ii. cens picquenaires et leur seront baillés cent pavais. x. canons et
la pouldre qu’il y convient.

Ung autre chevalier sera ordonné a conduire environ vi. vings bateaulx
d’artillerie chargés de vivres canons/ pavais/ et autres habillemens/ &
aura deux cens hommes d’armes arbalestriers et deux cens charpentiers
qui soient tous archiers qui pourra.

Item ung autre chevalier ou escuier expert y aura ordonné/ a conduire
les grans bateaulz ou seront les engins couillars et autres grans canons
vivres et tous habillemens Et aura cent hommes d’armes & cent hommes de
trait.

Item a mener les vivres et habillemens necessaires y aura ung autre
notable chevalier ou escuier/ & icelluy gardera les marchans qu’ilz ne
soient robés ne pillés Et aura deux cens hommes d’armes cent archiers et
cent arbalestriers/ & d’une aultre partie sur terre en y aura ung autre
qui semblablement conduira aucunes choses necessaires/ & aura avec luy
hommes d’armes et trait selon qu’il semblera que bon soit.




Cy devise d’autres establissemens. xxxiii.e cha.


Autres chevaliers ou escuiers vi. ou viii. sages & expers d’armes seront
ordonnez a adviser et choisir la place ou sera mis le siege/ la bastille
assize engins canons et autres habillemens.

Item seront ordonnez les mareschaulz a partir le logis/ le mieulx que
faire se pourra a ordonner Aussy que les marchans soient bien logez et
ordonnez/ et les gens des mestiers/ affin que l’ost puist estre mieulz
ordonné et servy.

Item sera fait crier par toutes les bonnes villes a l’environ que on
amaine vivres de toutes pars et les bonnes gens seront bien payez &
gardez et que ainsy soit fait.

Item derechief sera fait semblablement crier sur peine cappital que a
iceulz marchans on ne mesface ne mesdie ne preigne riens sans paier et
aussy que nulz ne soient sy hardis de vendre ses denrees plus que a
juste pris ne de les vendre ailleurs que audit ost.




De empescher le port des ennemys. xxxiiii. chapitre.


Pource que nous avons dit cy devant que ladicte forteresse grant forte
et puissante/ pour laquelle assaillir en esperance de prendre seroit
expedient le dessusdit appareil/ et se elle avoit ung de ses costés sur
mer ou sur grosse riviere convient aussy adviser que de l’aide et
secours qui luy pourroit venir soit empesché/ sy est assavoir qu’il
conviendroit avoir x. ou xii. grans bateaulz de mer esquelz on mectroit
et atacheroit en fors trefz pointus et bien aguisez ferrez & ascerez aux
boutz mis en croix en assez cantité qui seront menez dedens le port
dudit chastel/ & la seroient esfondrez tous de renc tant que toute la
place en fust entreprinse si que nulle autre navire ne peust le chastel
approcher pour l’empeschement dudit mairien par flotte de maree ne autre
croissance d’eaue/ & pour yceulz conduire affin que a ce faire
empeschement ne peust estre mys conviendroit bon capitaine a tout iii.
mille hommes d’armes et v. cens hommes de trait/ et seroient en autre
navire qui traineroient lesdictes nefz chargees & se chaussee y avoit
pont ne autre grosse riviere qui voulzist emplir les fossez. Icelle
compaignie la pourroient tandis rompre et donner voye a l’eaue de aller
autrepart. Et sur lesditz bateaulz effrondrés des deux pars dudit port
se pourroient faire deux bastilles faictes en manieres de boulvers/
c’est assavoir ung hault ediffice que on fait de gros trefz si hault que
on veult et tost se peut faire qui assés a/ ayde/ et a l’environ sicomme
une tour soient clouees de cloyes & puis fait de terre par dessus bien
maçonné/ et peut estre assis sus roes qui veult/ et ne craint cest
ediffice feu ne cop de canon pource que en la boe qui est molle
s’enfossent les pierres ne feu aussy prendre ne s’y pourroit/ et se
doibt commencer la bastille de palis telz que sy devant ont esté
devisez.

A ceste dite bastille de terre et ainsy aller tout autour advironnant le
lieu qui peult jusques a l’autre bastille de terre/ et ainsy par oster
la riviere et faire selon ceste ordre se le lieu y est disposé/ les
fossez demoureront a secq/ & avec ce pourra l’en faire autour de la
ville une levee en maniere de boulvers si que dit est/ affin que canons
ne autre trait ne puissent grever l’ost: & par ainsy l’en pourra miner
la ville et le chasteau veu que l’eaue sera ostee/ & quant le chat et
les belfrois seront levez et les canons auront besoigné en la muraille
l’en pourra apres sceurement assaillir.




Cy devise les engins convenables que vegece devise en fait d’assault.
xxxv.e cha.


Cy est assavoir que pour assaillir toutes fortes places si que dit
vegece/ sont cinq principaulx engins par lesquelz on les peut prendre.
L’un est celluy duquel par force de pouldre faicte de charbon de souffre
de salepetre et telz mixtions qu’il y convient sont lancees par grant
force si grosses pierres qu’elles rompent et abatent tours/ murs et tout
ce qu’elles encontrent/ & de ceulx en est de merveilleuse force/ l’un
plus l’autre moins.

Item on fait ung autre engin qui selon l’ancien usage comme dit vegece
est appelle mosselle ou moitelle si est couverte comme une maison plate
et large/ & y a fiens par dessus affin que pierres ne le puissent rompre
ne feu ne s’y puisse prendre et a roues se maine en tel engin sont
dedens mussez hommes qui mainent et trainent avec eulz branches d’arbres
et toutes choses bonnes a remplir fossez/ & par celle voye en peut on
user en tel cas qui veult par quoy sera donnee voye aux autres engins de
povoir estre menez jusques aux murs.

Item le iii.e engin est appellé mouton lequel est fait de mairien en
guise de une maison couverte dessus/ en laquelle couverture sont clouez
tout a l’environ cuirs crus et tous frecs qui peut/ affin que feu ne s’y
puisse prendre. Au front de celle maison a ung tref/ qui a le bout tout
couvert de fer gros et mascis Celluy tref on tire a chaines et est fait
en la maniere que on le peut bouter et tirer tellement que ceulx qui
sont dedens l’engin pevent par ce tref ferir grans coups contre le mur
si que tout l’estonnent Si donne ses cops tout en la maniere que ung
mouton recule pour heurter: & pour ceste cause est appellé mouton.

Item le quart est appellé bigue et destuy l’on n’a acoustumé soy aider
si non au grant effort/ il est fait de gros mairien a viii. piez de lé &
xvi. de long. couvert de cloyes et de fiens/ affin que pierres ne luy
nuyssent/ & de cuirs gras advironnés pour le feu dessoubz en cest engin
sont les hommes d’armes qui percent le mur et dessus ponts levis qu’on
dit ponts volans/ que embatre pevent jusques aux murs assient leur
estage eschielles en divers estages.

Item le v.e engin est encore de plus grant force & le moins en usage
pource qu’il n’affiert si non en assaulz de grant et notable cité ou
fortes places fort desirees ou sieges sont tenus a bon loisir/ et cestuy
est appellé tour/ et est fait de gros mairien et d’entablemens a
plusieurs estages. Et pour ce dit vegece que si grant edifice doibt bien
estre gardé. Il affiert affin que feu n’y soit bouté qu’il soit couvert
qui peut de lames de fer ou de cuirs crus et tous frecs/ Ausquelz selon
ce qu’ilz sont haulz on leur donne de clarté. Car aucuns sont de trente
piez: autres de l. & autres de lx. Et mesmement telz en y a si hault que
non pas seulement surmontent les murs/ mais mesmement les plus haultes
tours Si est celluy engin assis sur roes mouvables qui a force d’ommes
et de chevaulz est mené au plus pres des murs qu’il est possible/ et
pons volans y a que on peult embatre jusques dessus les murs/ & s’il
advient que celle tour puist estre approchee des murs fort seroit ce en
pou d’eure la ville n’estoit prinse/ car la dedens sont foison de gens
d’armes en tous les estages. Dont ceulz d’en hault se combatent a bon
trait & main a main a ceulx de dessus les murs et tost vaincre les
pevent/ ceulx des autres estages percent le mur et ainsy de toutes pars
envaÿe la cité ou forteresse par tel effort que ceulx de dedens ne
scevent auquelles entendre/ si sont de legier prins et c’est ce que
vegece enseigne quant il dit/ de plus de pars & de plus d’engins et de
force/ assauldras tout a ung coup la forteresse et plus se esbahiront
les deffendeurs & plus tost se rendront/ & pource que ad ce faire
servent les eschielles et semblablement tous engins qui pevent estre
faitz a monter hault est besoing premiers telz montees que on sache la
haulteur des murs/ et a ceste cause l’enseigne vegece par deux voyes.
L’une est telle qu’il dist que une saiette soit traicte jusques au hault
du mur/ a laquelle ait ataché ung filet fort long qui soit tenu et pour
ce pourra estre sceue la haulteur du mur. L’autre voie est que quant le
soleil est tourné & il jecte l’ombre du mur & des tours a terre/ adont
peult on mesurer l’ombre l’espace d’icellui/ deux bastons fichez aux
deux boutz/ & par advis le bon et saige peut on extimer la haulteur que
aux engins & autres habillemens convient avoir.




Cy commence a parler de deffendre chasteaux et villes selon vegece et sa
doctrine. xxxvi. chapitre.


Chose est certaine que assez de legier se pourroit prendre & vaincre
toute forte place s’il n’y avoit qui la deffendist. Et pour ce tout
ainsy que vegece mist en son livre pour doctrines d’armes les manieres
d’assaillir citez & chasteaulz. Semblablement fist il de les deffendre/
sy dit que contre les dessusditz engins et perilz et autres assés dont
sachans qui en eux aient vertu de chevalerie y a mout de remedes/ car il
n’est maladie ou il n’y ait secours/ & mieulz vault subtilité d’armes
que force/ souvent advient et mesmement en cas de prendre chasteaulx et
citez/ ainsy que par subtil art prindrent les rommains la forte cité de
capasa que au roy tygrayn estoit d’armenie/ qui les guerroioit/ car
ainsy que les ambaxadeurs d’icelle cité pour cuider traictier paix
alloient & venoient les rommains s’embuscherent empres les murs Et quant
lesditz ambassadeurs cuiderent entrer es portes les rommains saillirent
sus si appertement qu’ilz prindrent la porte et tant le tindrent par
leur vaillans et nobles couraiges que tout l’ost y entra Et par ceste
maniere fut gorgiasement prinse celle cité tant forte et bien garnie qui
par assault ne le peut estre. Et derechief dit vegece que plus est le
commun avantaige aux deffendeurs que pour les assailleurs pour plusieurs
raisons et mesmement en fait de combatre/ car ce que on gecte de hault
soient lances pierres ou autrement de tant viennent de plus hault/ de
tant plus blescent/ ausquelles choses se grant vertu y est adjoustee
nulle garentise ne peut deffendre les combateurs de ce attains que
fouldre ne les craventent. Premierement pevent ceulz de dedens estre
secourus par leur seigneur s’il n’est en la place/ lequel a tresgrant
force de gens d’armes pourra venir lever le siege & leur venir donner
secours/ ou par aide d’aucuns de leurs amys ausquelz mandé et requis
l’auront.

Quant le duc Lantalus capitaine d’ost rommaine estoit a ost contre le
roy mitridates/ il manda a ses gens lesquelz estoient en la cité de
Miteme qui si forte estoit que la mer y battoit d’une part et deux
paires de murs l’advironnoient/ qu’ilz ne se esmayassent pour la grant
aliance & puissance du roy mitridates/ & que tost secours auroient/ &
fut grant chose au message passer par tant de gens et y aller/ mais ce
fut par nuyt a nager ou il mist deux grosses bouteilles soubz ses
aisselles/ & naga vi. mille pas de mer/ & par celle voye entra en la
cité/ & tantost apres fut le roy mitridates contresiegé/ ou a tresgrant
meschief fut son ost par faulte de vivres qui [ve]nir ne luy povoient.
Eulz mesmes ou partie d’eulz se assez fors se sentent pevent assaillir
les aultres despourveuz se leur point voient/ & ainsy les assaillir
comme ilz sont assailliz/ car par celle maniere et voye a esté plusieurs
foys assailli et vaincu. Et est chose tresfort necessaire que toutes
gens qui en bataille vont pour la deffence du païs et cité/ aient bonne
esperance envers dieu d’avoir la victoire pour le bon droit qu’ilz ont
autrement ilz ne pourroient hardiement ne vaillamment combatre/ et que
ceste esperance doibvent avoir est apparu trop de foys par l’effect qui
en advenoit que dieu est favourable a telz combateurs/ si comme
mesmement sembla qu’il fust a la cité de romme/ lors que entre les
aultres foys ung nommé hanibal venu avecque merveilleux & grant ost
devant la cité pour la destruire/ mais comme les rommains feussent yssus
contre luy par grant et merveilleux hardement posé qu’ilz feussent le
tiers moins de gens. Nostreseigneur qui ne voulut la ville ou il vouloit
le temps advenir ediffier son eglise estre destruite/ envoya une si
tresgrosse et merveilleuse pluye droit a l’eure que assembler vouloient
que tant furent chargez leurs harnoys d’eaue que aider ne se peurent & a
force les convint retraire/ et par troys foys ensuivant ainsy leur en
advint comme se droit miracle fust. Hanibal dist que pas ne vouloit
prendre guerre aux dieux/ car bien veoit qu’ilz estoient favourables a
romme.

Item par paix et convenances qui se pevent faire et que on fait souvent
advient aucunesfois que c’est plus le proffit de ceulz de dedens que de
ceulz de dehors/ mais se a toutes fins les convient la dedens deffendre
par vertu de leurs corps sans autre remede/ bon couraige leur est
besoing. A l’exemple des cartaginois lesquelz ains que rendre
voulsissent leur cité aux rommains pour destruire mieulz aimerent
mourir/ lors que en parolles les tindrent lesditz cartaginois que forgé
eussent armeures d’or/ d’argent/ de cuivre/ & de plusieurs autres
metaulz pource que fer et acier leurs estoient faillis/ & avecques
icelles se deffendirent jusques a la mort.

Sy convient que telz gens s’aident d’engins feu et pierres par tresgrant
force/ Il est de necessité que ilz aient appareillé pos huille et
souffre estouppes a grans touppilons que souvent traient aux engins de
leurs adversaires et ennemys tant que en quelque maniere ou façon le feu
y boutent/ & peut on bien trouver la maniere et habillité de faire
bastons de sec boys cavez dedens et plains de feu convient et avoir
estouppes & tirer ausditz engins le mieulz qu’on peult. Et semblablement
les peut on bien destruire par ung engin duquel on gecte une fonde
laquelle fonde est de fer a aneaulz/ et empres se dessusdit engin soit
une forge laquelle ait ung grant fer bien rouge et bien embrasé si soit
incontinent ce fer jecté en l’engin de dehors quel qu’il soit/ et contre
ce fer ne peut avoir deffence cuir cru ne mesmement platines de fer.

Item on peut par nuyt avaller certains hommes en corbeilles a tout bon
feu tout alumant si le fichent en engins.

Item on a veu plusieurs fois saillir hors ceulz de dedens et destruire
par fer et par feu leurs ennemis. Avec ces choses dit que ceulz de
dedens doivent adviser que de la partie ou cest engin appellé tour est
assiz/ et soit de nuyt suhaussé le maçonnaige affin qu’il soit plus
hault que l’engin et par en hault bastir d’aiz et d’entablemens pour
mieulz surhausser/ Car ce le mur n’est plus hault l’engin est de petit
proffit/ mais les assiegans ont communement une cautelle qu’ilz
batissent ladite tour affin qu’elle semble plus basse que les murs/
apres font secretement une autre tourelle d’entablemens/ laquelle quant
le grant engin est joinct au mur soudainement a cordes & tresgrans crocs
la mectent hors/ et l’assient sur l’autre et tout acoup par celle voye
les gens d’armes assaillent si soudainement les murs que grant deffence
y convient s’ilz n’y montent/ mais a cestuy impediment doibvent estre
pourveuz ceulz de dedens de bons gros trefz ferrez bien longz par
lesquelz avec grant force le boutent arriere.

Item il dit que quant jadiz la cité de rodes fut assiegee par une
semblable tour mouvable de tresmerveilleuse haulteur et trop plus que
les murs n’estoient/ ceulx de dedens voyans venir vers eulz le grant
edifice Si s’adviserent la nuyt devant de grant cautelle. Ilz percerent
leurs murs par subtilz moyens et caulz/ c’est assavoir les fondemens
dessoubz les murs & fouyrent la terre ou lieu & a l’endroit qu’il leur
sembloit que l’engin devoit estre mené/ et grans fossez firent pour
laquelle chose l’engin arrivé a tout ses roes grant & merveilleusement
pesant fondit la terre en maniere que estre ne peut relevé/ & par celle
voye fut la cité garantie. Et est assavoir que propres noms avoient au
temps ancien les joinctures mouvables de ces engins si que dit sera sy
apres Par quoy lesditez tours jointes aux murs/ les archiers les
fondeurs et tous les hommes de trait & aussy les gens d’armes chascun
endroit soy efforçoient a tollir les murs a ceulx de dedens qui a leur
povoir les leur callengoient. Si estoient les murs pourprins d’eschelles
de toutes pars ou s’abandonnoient a plusieurs perilz ceulz de dehors
pour y monter/ lequel usage d’escheller en tel cas trouverons
premierement ceulx de la cité de capue contre ceulz de dehors lesquelz
eulz et leurs eschelles furent tresbuchiez/ et a force de trait les
mettoient par terre mors & occis/ sy y avoit engins qui se nommoient
Sambuche/ Exostre/ et Thelenon.

Sambusch est ung engin fait en maniere de une harpe habille a percer le
mur et est a cordes ataché a ladicte tour.

Exostre estoit nommé le pont par dessus que on jectoit soudainement de
la tour sur le mur/ par lequel les gens d’armes alloient jusques dedens
les murs.

Telenon estoit ung engin qui avoit ung tref fiché par le millieu si que
une lance ung autre tref plus loing/ duquel chascun des boutz on
pourroit avaller a chaines et a cordes tout ainsy que on voulloit. Et
quant l’un estoit avalé/ l’autre se haulçoit/ ainsy que fait une lance
sur le bout/ devers la forteresse estoit fait ainsy que ung petit
chastellet de cloyes et d’aiz bien joinct/ et le bout de celle part
avallé se chargoit de gens d’armes et l’autre bout de celle part avallé
on les mettoit contremont jusques dessus les murs. La deffence contre
iceulz engins estoient bons magonneaux lombardes et grosses pierres et
arbalestres a tour bien tenduz/ a bonnes cordes de nerfs.




Cy devise les remedes contre lesditz engins. xxxvii. chapitre.


Contre l’engin qui est nommé mouton enseigne vegece plusieurs remedes.
C’est assavoir que quieutes matelas ou sacs plains de fiens soient
avallez contre le mur au droit ou le tref doibt venir ferir/ et par la
moleté d’iceulz seront les coups rompus.

Item on fait ung autre engin appellé loup auquel est ung fer courve/ qui
a tresfors dens agus Si est assis par telle maniere sur le mur qui vient
engouler le tref du mouton/ & sy fort le tient que estre ne peult avant
ne arriere/ & aucunesfois le tirent en hault a force de cordes si que
plus ne les peut nuyre. Et s’il advient que par force soit le mur percé
ou prins ceulz de dedens garnis de toutes estoffes tantost facent ung
autre mur de celle part et enclouent leurs ennemys se ilz pevent entre
deux murs/ ou s’ilz s’y viennent embatre si les occient.




Remedes convenables contre la mine. xxxviii. cha.


Contre l’autre maniere de combatre forteresses c’est assavoir par mine
qui se fait soubz terre sont les remedes telz.

Premierement se estre peult on doibt tellement a parfondir que nulle
mine ne puisse par dessoubz passer.

Item ceulz de dedens doibvent aussy monter au plus hault de leurs tours/
& prendre garde s’ilz verront de quelque part hommes portans terres/ et
avec ce doibvent souvent escouter joingnans les murs par embas se
aucunement orront marteller/ & s’il advient qu’ilz s’en apperçoivent
doibvent tantost continuer et tant faire qu’ilz viennent jusques a la
myne de leurs ennemys/ et celle part a tout hommes et bonnes lances leur
calenger par grant vigueur l’aler plus avant. Sy aient mys des a
l’entree de leur mine cuves plaines d’eaues et d’orine puys faignent
qu’ilz s’en fuyent et s’en saillent hors s’ilz pevent et tout acoup
jectent celle eaue contreval Et se par l’aide des femmes elle povoit
estre boullant mieulz vauldroit/ & ainsy dit il ont esté plusieurs
mineurs occis.

Or posons que ceulx de l’ost eussent les murs les tours et les portes de
la cité/ se doibvent pourtant ceulx de la cité occir comme bestes & par
paour on les puisse prendre Nenny/ Ains comme vassaulz eulz deffendans
jusques a la mort/ tousjours aiant bonne esperance doibvent monter aux
fenestrages des maisons et sur les toitz et a bonnes pierres et tuilles
eaue boullant et chaulz s’ilz pevent occir leurs ennemys ainsy qu’ilz
vont traçant par tropeaulx pour fourrager la ville/ & s’ilz pretendoient
bouter le feu les servent de sy grosses pierres que tous les
escervellent/ car trop a de lancer greigneur advantaige si que dit est
le hault que le bas/ & par ainsy si chier se vendent que ilz ne laissent
pas d’avantaige/ car par celle voye en hardy couraige n’en doubte nulz/
se sont plusieurs villes surprinses par celle voye eschappees et
delivrees a grant victoire/ car trop est grant chose a gens d’armes
s’embatre en autruy ville/ en cas que bien garnie soit et bon couraige
aient les habitans d’eulz deffendre.

O merveilleux couraige contre leurs ennemys eurent ceulz de la cité de
moyance quant ilz veirent que plus ne se povoient nullement tenir contre
les rommains qui moult longuement y avoient tenu le siege. Adonc comme
ceulx qui mieulx aymoient mourir et destruire eulz mesmes leur cité &
tous leurs biens que ce que leurs ennemys en feussent maistres/ ne
joissans de leurs grans tresors/ car mout riche estoit sy bouterent le
feu par tout qui grant hydeur estoit a veoir si grant cité toute en une
flambe ou estoient perilz femmes et enfans et puys issirent hors sy
vendirent chier leur grant ire aux rommains qui moult y perdirent des
leurs Ains que affin les meissent et riens n’y gaignerent.

Une chose apprent vegece/ c’est que les habitans se ad ce sont venus
bien se gardent de tenir chose a eulz musable/ comme tenir leurs portes
closes/ car dist il on dit donner congié en tel cas a son ennemy de soy
aller se bon luy semble/ car le tenir enclos luy pourroit doubler force/
puis que espoir n’auroit de povoir fouyr.

Advient aucunesfoys que ceulz de l’ost faingnent par cautelle qu’ilz se
departent/ et vont assez loingz ainsi que firent jadis ceulz de gresse
devant troyes apres la paix faicte/ mais lors qu’ilz pensoient que ceulz
de dedens se tenissent asseurez. Doncques tout quoyement par nuyt
retournerent sy eschellerent les murs et monterent dessus/ ou les
guettes trouverent endormys et acoup les surprennent/ si les occirent
incontinent. Et par celle cautelle ont esté plusieurs villes prinses/ &
aussy eust esté la bonne ville de romme au temps que ung nommé Hanibal
estoit devant/ quant le cry des oyes d’aventure esveilla les gardes/ &
pource que telles choses communement et souvent se font y affiert a
toute heure grant garde. Et doibvent estre faictes chambrettes ou
petites logettes sur les murs pour garder ceulx qui feront le guet de
froit en yver & de la chaleur du soleil en esté/ & avoient en usaige
anciennement de nourrir tressaiges et aspres chiens en icelles maisons
et es tours/ affin que par eulz peust estre sentue ou congneue la venue
des ennemys.

Avec toutes ces manieres de deffendre enseigne vegece aux enclos que
soingneux soient d’enquerre et savoir par aucunes espies l’affaire de
leurs ennemys/ ne chose n’est nullement sy utile Car par ce pevent
mieulz appointer de leurs necessités et affaires/ par quoy s’ilz ont
tresvaillant et noble couraige et ilz puissent bonnement savoir l’eure
que leurs adversaires ne soient sur leur garde ou soient assiz a leur
menger/ ou se voient esbatant ça et la/ et qu’ilz ne se donnent garde
que ceulz de dedens doivent saillir/ adont tout acoup doivent aller sur
eulz/ & mesmement s’ilz pevent saillir hors par quelque faulse posterne
par derriere est leur meilleur/ et que bien se gardent que leur convine
ne soit accusé: par quoy aucune embusche y puist estre mise pour les
occir/ mais se par la voye dessusdite les povoient surprendre/ ilz s’en
pourroient despecher. Et a propos de hardy couraige en deffence de cité
fut grant merveilles de la cité de munance en espaigne au temps que les
rommains les avoient tellement menez que yssir n’osoient de la forte
closture Neantmoins delibererent mieulz mourir que estre serfz/ mais
ainçoys se voulurent chier vendre a leurs ennemys. Et pource de telle
quantité qu’ilz avoient de blez qui pou estoit brasserent ung tel
beuvrage que quant beu l’eurent furent tous yvres si yssirent adont &
tant firent d’armes que ains que estre peussent du tout desconfitz/ ilz
destruirent presque tous les ennemys/ & se en quantité egalle eussent
esté ja rommains n’en fussent venus achief. Mais au premier propos dit
vegece/ s’il advient que en celle empainte fortune ne soit pour eulz
ains soient reboutez/ doibvent bien avoir ordonné que incontinent et
prestement la porte soit ouverte/ & se les autres les suyvent jusques
sur le pont ou dedens la porte ilz soingnent que dedens soient enclos/
et que sur les murs ait assez bonne garnison de pierres et grant force
de trait pour les convoier de toutes manieres d’engins/ & par telle
maniere et façon que tous ou la plus part ne s’en retournent pas Si ne
soit le gaing tout pour eulz Neantmoins est tresmerveilleux et grant
peril soy combatre sur pont/ A l’exemple de ung roy de gaule Lutuitus
avecques son grant ost contre les rommains que tellement eut chargé le
pont de bois que sur la riviere du rosne eut fait faire qu’il rompit et
y perirent et furent nayés tous les siens de quoy ce fut trespiteuse
besoigne. Et s’il advient aucunement que par maniere d’aucun accord ou
traictié soit parlé d’avoir la fortresse de ce on soit advisé que la
tresgrande desloyauté d’aucun mauvais ne peut nullement decevoir
l’ignorance des simples/ car aucunesfoys et souvent ont plus nuyt paix
faintes soubz umbre d’accord que force d’armes.




Cy commence a parler des batailles qui se font par mer. xxxix. chapitre.


En ensuivant les choses dessusdictes en la fin de son livre touche
vegece assés en bref aucunes choses convenables a batailles qui se font
par mer. Et premierement de la façon des nefz faire & gallees/ dit que
en mars ne en avril que arbres habondent de humeurs ne doivent pas estre
les arbres coppez pour faire les nefz Ains le doivent estre en juillet
et en aoust lors que l’umeur des arbres se prent a secher/ & que
mesmement les ais syez doibvent estre laissiez secher tant que lors soit
la verdeur. Avec ce dit que a claulber les ais des nefz vallent mieulx
cloux d’errain que de fer quoy que fer soit plus fort/ mais l’arrain
pource que plus a en soy de moisteur mieulz se tient en l’eaue et plus
longuement sans pourrir.

Item dit que ceulz qui par mer veullent aller soit en armee ou autre
affaire doibvent bien eulz pourveoir de bons nautonniers maistres en
cest office/ et que bien se congnoissent es vens et quelz choses leur
pevent nuyre des perilz de mer/ sachent les destours et aussy les
adresces de tous les portz/ et que tresbien ilz se congnoissent en la
carte et es signes du ciel/ ou mariniers prendent leur regard/
congnoissent aussy les signes qui demonstrent fortune de mer advenir
prochaine qui apperent tant au soleil comme en la lune es vens es
oyseaulx et mesmement aux poissons soient tous maistres et gouverneurs
de leurs voilles tirer cordes a point et laisser ancrer et desancrer et
que plusieurs foys se soient trouvez en batailles de mer en divers
perilz et autres adventures.

Item les pourveances faictes si qu’il appartient a tresbien armer nefz
ou telz vaisseaux de bonnes gens d’armes et de trait dit que ceulz qui
vont pour eulx combatre appartient estre plusfort armez que ceulz qui
sur terre se combatent/ car ilz ne se pevent pas tant mouvoir/ si
doibvent mener petis vaisseaulz coursaires avant eulz Esquelz doivent
envoier espies pour savoir du convine des ennemis & quant de pres les
viennent requerre adont les doibt on saluer de bonnes bombardes et
pierres jectees de divers engins/ et fors arbalestres/ & les nefz
joinctes/ les vaillans hommes d’armes avallent les pontz et saillent es
nefz des adversaires/ & la se combatent main a main. Et es greigneurs
vaisseaulx fait on tours et arbalestres/ affin que ainsy que on fait des
haulz murs puissent jecter feu contreval/ eaue & huille boullant si est
cruelle chose ou les hommes non pas seulement par armes perissent/ mais
aussy par feu et eaue sans povoir fuyr ne guenchir. ilz sont souvent
tous vifz livrés a estre pasture aux poisons/ la sont traictes saietes
ardans envelopees d’estouppes de poy et de huille par quoy les ais des
vaisseaux qui sont de boys sec et oinctes de poy se allument de legier/
& ainsy les ungs perissent par fer/ autres sont ars/ et autres nayés. Sy
est peril de soy combatre par mer.




Cy devise que combateurs par mer/ doibvent avoir garnisons lesquelles
garnisons leur affierent et par especial a gens allans en armee sur mer.
xl.e chapitre.


Cy dit que combateurs en mer doibvent estre garnis de vaisseaulz plains
de poy noire de soulfre/ & d’uille tout ce confit ensemble enveloppé en
estouppes/ & ses vaisseaulz alumez doit on jecter et traire fort et
assaillir leurs ennemys tant que loisir n’aient d’estaindre le feu. Et
est assavoir qu’il est une maniere de composer feu lequel aucuns
appellent feu grigoys/ pour cause que ce feu fut trové par les grecz
estans au siege devant troye/ Ainsy que dient aucuns celluy feu art
mesmement en eaue pierres fer/ et toutes choses bruit ne estre ne peut
estaint fors par certaines mixtions que on fait a l’estaindre/ mais par
eaue non/ aussi se font aucunes poisons si fortes & tant mortelles que
fer qui en seroit atouchez/ et puys entrast au corps de l’omme sans plus
jusques au sang la ploye seroit mortelle/ mais comme telles choses a
faire ne enseigner les maulx qui s’en pourroient ensuyvir sont cause de
leur excommunication pource n’est pas bon d’en plus reciter/ pource que
a cristien ne loist user de telz inhumanitez/ qui sont contre tout droit
de guerre.

Item ceulz qui se doibvent combatre doibvent adviser de mettre leurs
ennemys vers terre/ et eulz au parfont.

Item au matz de la nef doibt avoir ataché ung tref/ lequel soit ferré
d’une part et d’autre et tellement que on le puisse haulcer & abaisser
et en ferir tresgrans coups contre la navire ainsy que le mouton de
dessus.

Item aient saiettes a large fer qui trairont ou voille et le troueront
tellement qu’il ne pourra vent tenir.

Item doibvent estre garnis de certains hommes duis de plonger en l’eaue/
& a bonnes tarelles trouent la nef. si que l’eaue y entre de toutes
pars.

Item grosses pierres a foison fers trenchans y doibvent venir lancer/ et
toutes choses par quoy on puist derompre la nef/ le plus que on peult
Apres lesquelles choses dictes puis user des propres motz vegece en la
fin de son livre ainsy disant. Je croy que desormais puis traire de la
discipline d’armes/ car en ces choses/ la coustume de usage d’armes
treuve souvent plus d’art et de nouvelles choses que l’ancienne doctrine
n’en a demonstré.


Cy fine la seconde partie de ce present livre.

Et en apres commence la tierce partie ou il parle de la discipline
d’armes et des droiz d’armes selon les loix et droit escript.




[Illustration]




Cy apres s’ensuyt la tierce partie de ce present traictié Laquelle parle
des drois d’armes selon les loix et droit escript. Et devise le premier
chappitre par quel moyen l’acteur adjousta a ce livre ce qui est dit en
droit des faitz d’armes. Premier chappitre.


Ainsi que je pretendoye a entrer en ceste iii.e partie de ce present
livre mon entendement assez travaillé de la pesanteur de la matiere ou
labeur des precedentes parties Adonc surprins de somme en mon lit
couché: me apparut en dormant par semblance une creature tressolennel/
d’abit de chiere et de maintien ancien sage et auctorisé juge qui me
dist ainsy.

Chier amy duquel en fait ou en pensee labeur en nulle heure ne cesse
d’excercite d’estude que tu as aux choses que lettres pevent demonstrer
par especial en exortation de toutes bonnes euvres & meurs vertueux je
suis icy venu pour estre en ton aide en la presente euvre de cestuy
livre de chevalerie & fais d’armes/ ou par grant diligence meu par bon
vouloir tant tu occuppes/ et pour ce en confortant le bon desir que tu
as de donner matiere aux chevaliers et nobles qui le pourront oyr/ d’eux
employer es faitz que noblesse requiert C’est assavoir audit excercite
d’armes tant en labeur de corps comme es droitz qui leur conviennent
selon les loix/ est bon que tu cueille sur l’arbre de bataille/ qui est
en mon jardin aucuns fruitz et que d’iceulx tu uses Si t’en croistra
vigueur et force a mieulz povoir parachever la pesanteur de ton euvre/ &
pour bastir ediffice parti[n]ent aux ditz de vegece et des autres
acteurs dont jusques icy tes aydes te convient retrencher des branches
d’icellui arbre & prendre le meilleur et sur celluy mairien fonder
partie de ton edifice/ Auquel parfaire je comme maistre et toy disciple
y seray en ton aide. ces choses oyes me sembloit que lors luy disoie
ainsy.

O digne maistre je congnois que tu es cellui estude que j’aime tant & ay
aimé tant que plus de riens ne me souvient/ & par laquelle vertu et
frequentation aydes a grace a dieu plusieurs belles emprinses achevees/
certes de ta compaignie suis tresjoieulz mais comment ne doibt desplaire
au maistre se le disciple desireux d’apprendre luy meut questions/ te
prie que tu me dies se reprouché pourra estre a mon euvre ce que tu m’as
conseillé user dudit fruit.

Amy chier a ce je te respons que de tant comme une euvre est tesmoignie
par plus de gens/ tant est elle plus autentique. Et pource ce aucuns en
murmurent selon l’usage des mesdisans/ disans que autre part mendiet. Je
leur respons que c’est commun usage entre mes disciples d’eulz
entredonner et departir des fleurs qu’ilz prendront en mon jardin
diversement/ & tous ceulz qui s’en aident ne les ont pas cueillies.
Comment jehan de meum ne s’ayde il pas en son livre de la rose des dictz
de lauris/ et semblablement d’autres Si n’est pas cas de reproche/ ains
est louenge quant bien et proprement sont apliquez & la gist la
maistrise & est signe d’avoir foison veu & visité plusieurs livres/ mais
la ou mal a propos on feroit servir choses ailleurs prinse la seroit le
vice Si fais doncques hardiement et ne te doubte/ car ton euvre est
bonne/ et si te certiffie que de plusieurs saiges seras encore loé sans
avoir doubte aucunement.




L’acteur demande et le maistre respond se l’empereur peut mouvoir guerre
au pape. ii. c.


Adont me fut advis que je disoie/ puis que ainsy en tressolennel juge
qu’il te plaist que je adjouste en mon livre d’armes et de chevalerie
encore des fruitz cueilliz en ton jardin par ton commandement en usant
d’iceulx te feray aucunes questions pertinentes a la dicte matiere
d’armes/ c’est assavoir es droitz qui y conviennent selon les loix et
droit escript.

Et tout premierement je te demande en entrant en ladicte matiere puys
qu’il est vray ainsy que au premier de cest livre je dis et toy mesmes/
bien sçay que le nyeras que guerres et batailles selon droit n’affierent
a estre menees ne jugees fors par les princes terriens qui de personne
ne tiennent leurs terres fors seulement de dieu/ sicomme empereurs roys
ducs & autres qui soient mesmement seigneurs. Se l’empereur de romme qui
a jurisdition temporelle est le principal du monde peut selon droit
emprendre et maintenir guerre contre le pape. Et s’ainsy est qu’il
l’empreigne se ses subgectz et hommes sont tenus pour celle cause de
venir a son mandement. Il sembleroit que sy pource que jurisdiction et
seigneurie luy est deue plus que a seigneur du monde. Autres raisons y a
se ses subgectz luy sont obeissans ou qu’ilz se fourfacent et parjurent
de ce que promis luy ont/ bon ou mauvais quel qu’il soit et fust
stimatique.

Amy chier a ceste question je te respons que mouvoir guerre selon droit
ne peut et voy icy les raisons que le droit y assigne.

Premierement car il est procureur de l’eglise si seroit grant oultraige
que le procureur fust contre le maistre/ lequel le doibt deffendre et il
l’offendroit.

Item l’empereur est subgect au pape/ ce ne peut il pas nyer/ car il
appert par ce que son election gist tant en luy qui lui appartient
enquerir s’il est homme ydoine a ce. Et se l’election luy est deue et de
le couronner ou non en est en luy. donc le subject feroit contre le
souverain Encore te dis je plus que se l’empereur ne se gouverne a loy
de bon [em]pereur le pape par droit luy peut oster l’imperial dignité &
y establir ung autre. Si ne pevent ne doibvent les subgectz obeyr au
mandement de telle guerre se ilz ne veullent desobeir a dieu en
persecutant son eglise.




Cy fait mencion se le pape peut mouvoir guerre a l’empereur. iii.
chapitre.


Puys que ainsy est maistre que l’empereur ne doibt au pape mouvoir
guerre Je te demande se le pape le peut mouvoir a lui Car il sembleroit
que non/ veu qu’il est lieutenant de jesucrist en terre si doibt
ensuivir ses traces qui toutes furent paisibles ne oncques de guerre ne
s’y aida. Et avecque ce dist a ses appostres qu’ilz ne se usassent pas
de seigneurie comme les princes.

Item avec ce dist saint pol que gens d’eglise ne se doibvent revenger/
mais vaincre en souffrant.

Je te respons en mettant ces raisons arriere et toutes autres telles que
sans faulte le pape peut mouvoir bataille et guerre a l’empereur en
aucuns cas C’est assavoir s’il est erege ou stimatique.

Item s’il vouloit usurper le droit de l’eglise et tollir ou empescher
son patrimoine et ses heritaiges et jurisdictions/ & que en ses cas ne
luy pevent pas faire guerre Ains seroient tenus tous christiens princes
et autres mesmement de l’empire aider au pape/ ainsy qu’il advint du
pape alixandre le tiers de ce nom/ lequel persecuté de l’empereur s’en
alla a refuge au roy de france qui en son lieu le remist. Et seroit
pourneant se aucun vouloit dire/ dieu ne dist pas qu’il le jectast jus
mais dist qu’il le remeist/ c’estoit a dire qu’il le regardast pour le
temps advenir/ car pour celle heure ne vouloit user de voye de fait.




Cy fait mencion de la puissance & auctorité du capitaine de la
chevalerie du prince selon droit Et pour quelz cas les gens d’armes
pevent encourir crisme capital. iiii. c.


Maistre assez me suffist quant en ce cas mais plaise toy dire se j’ay cy
devant assez suffisamment parlé de l’office du capitaine de l’ost du
prince quoy que autresfois ait esté informé de moult de choses
pertinentes a son dit office/ desire encor de toy en oyr.

Chier amy a ce je te respons que quoy que bien et bel en ayes dit/ tu y
peus encoires adjouster autres auctorités que les loix luy donnent avec
les chargez qui luy appartiennent. C’est assavoir donner licence a ses
gens d’armes de aller ou il est besoing/ tant pour leurs besoingnes en
temps convenable comme pour le fait de la guerre/ sans laquelle licence
ne doivent riens emprendre ne nulle chose faire/ puis appartient a luy
les commettre par ordonnance selon le proffit de la bataille & selon son
bon advis et le conseil qu’il a. Sy luy appartient de donner garde que
du pays ne partent gens d’armes pour aller autre part sans congé du
seigneur/ doibt aussy garder les clefz des chasteaulx et villes ou en
allant en armes s’il y est logé.

Item a luy appartient de commettre le gait en l’ost et prendre
diligemment garde sur tous les siens que les mesures de blé d’avoine et
de vin/ & aussy les pois soient justes et que ceulz qui mal en usent
soient pugnis.

Item a luy appartient a congnoistre les debatz et questions de ceulz de
l’ost et en juger faire droit a ung chascun soit gentil homme marchant
ou aultre qui se viengne a luy complaindre des siens/ et longs seroient
a dire les offices qui appartiennent audit capitaine/ mais avec ce pour
mieulx toy apprendre veulles dire cas selon noz loix dont les hommes
d’armes pevent encourir criesme capital s’ilz faillent.

La loy dist que celluy qui frappe le capitaine par maltalent doibt
perdre le chief/ et semblablement le doibt perdre celluy qui est rebelle
et contredisant en ordonnance de bataille.

Item celluy qui fuit de la bataille se les autres y demeurent.

Item celluy qui est envoyé en ambaxade aux adversaires ou pour les
espier et il revele et descuevre le secret de sa partie.

Item cellui qui s’excuse par fainte excusation menteresse de povoir
estre en la bataille avecque son seigneur.

Item celluy qui ne deffent a son povoir son capitaine s’il le voit
assaillir.

Item qui se part de l’ost sans congié pour faire autres armes/ encourt
aussy criesme capital quelque aultre bien ou beau fait qu’il face
ailleurs.

Item qui empesche que paix soit faite.

Item qui procure qu’il y ait en l’ost discention ou rihote mortelle.

Item qui desrobe les provisions de l’ost.

Item se le vassal est tenu selon droit d’aller querir armes & aller en
la guerre de son seigneur a ses despens et il n’y va.




Cy fait mencion se le vassal est tenu selon droit d’aller en la guerre
de son seigneur a ses despens. v.e cha.


Pource qu’il est de coustume que tous roys princes ou seigneur somme son
vassal de luy estre en aide en fait de guerre. Je te demande maistre se
ledit vassal est tenu selon mandement de droit et selon les loix de
aller au mandement de son seigneur. Et s’il est ainsy que tenus y soient
se ce doit estre a leurs propres coustz et despens ou a ceulz du prince
ou seigneur.

Chier amy pour mieulz respondre a ta demande convient adviser quelles
choses contient le jurement de fidelité que fait celluy qui entre en foy
d’aucune terre ou possession mené en chief d’aucun seigneur. Si sont vi.
les principales convenances selon le decret & droit mis.

La premiere est que par son serment jure que jour qu’il vive ne
pourchassera le dommaige de son seigneur. ne sera en lieu a son sceu ou
pourchassié soit.

La seconde que jamais son secret ne revelera de chose qui luy puisse
porter prejudice.

La tierce qu’il sera pour luy en tous cas juste et raisonnable contre
tout homme en exposant son corps et sa puissance a ses besoingnes en
fait guerre bien et loyaument toutes fois que requis en sera.

La quarte que jamais ne sera au dommaige de ses biens possessions ne
heritaiges ne de tout son bien.

La quinte que s’il advient que son seigneur ait affaire de luy ou de
chose qu’il puisse bonnement qu’il ne s’excusera en disant que trop
forte chose seroit & trop difficille a faire pour le povoir de sa
personne.

La sixte qu’il ne querra voye de s’excuser ne d’empescher d’aller au
mandement de son seigneur.

Telz sont et doibvent estre selon le decret/ les promesses et serment du
vassal au seigneur. Par lesquelles promesses appert assez que donc les
vassaulx sont tenus d’estre avecques leur seigneur pour le servir en ses
guerres a tout bien et loyaument soubz l’obligation de perdre les fiefz
que d’eulz tiennent et d’estre confisqué/ et ainsy que dit dieu en
l’evangile/ qui n’est aveques moy soit contre moy/ & doibvent estre
reputez contre leur seigneur s’ilz en deffaillent/ pource deservent
d’estre deboutez de la terre qu’ilz tiennent a celle cause/ mais
neantmoins ne les oblige nulle loy de servir a leurs despens/ mais aux
propres gaiges du seigneur/ se ce n’est par tel cy que la terre y fust
d’ancienneté obligee. Sicomme il est certaines villes qui a leurs
propres despens sont tenues de servir le prince par certain temps de
aucune quantité de gens en ses guerres/ et est bonne la raison pour quoy
ilz ne doibvent pas servir a leurs despens. Neantmoins s’il estoit ainsy
que le seigneur n’eust plus de quoy les maintenir et que son demaine ne
souffist pas par especial pour garder et deffendre son païs ses subgetz
et son droit ilz sont tenus d’eulz tailler et mettre sur certaine ayde
pour luy aider & pevent par droit estre contrains s’ilz ne le vouloient
faire/ & par especial en cas que les ennemys seroient venus sur sa terre
luy courre sus/ car selon droit moult est privilegiee la guerre a
deffensive trop plus que l’offensive.

Vray est que selon droit se le roy prince ou seigneur a besoing de
prendre telle aide doit bien garder que ce soit sans outrage/ car ce
seroit sur sa charge & bien se garde le conseillier que autrement ne le
conseille/ car ce seroit grandement a sa damnation. Et ne deveroit le
bon roy ou prince escouter tel conseillier/ mais le debouter comme
ennemy de son ame. de son corps et de son honneur/ car il luy
conseilleroit son damnement & le mettroit en voye de perdre l’amour et
la bienveullance de ses subgetz.




Cy fait mencion se les feaulx sont plus tenus de aider au prince
souverain que a leur seigneur naturel. vi. c.


Doulz maistre manifie moy & soubz ceste question Je dy puys qu’il est
ainsy que le vassal est tenu de aider a son seigneur de qui il tient en
fief contre tout homme. Doncques semble il que se le roy ou prince avoit
guerre contre aucuns de ses barons que les subgectz des barons qui
d’eulz tendroient feussent tenuz de aider a leurs seigneurs contre le
roy ou prince/ car au roy n’ont ilz pas promis feaulté/ mais aux
seigneurs dont leur fief meuvent sans nulle exception.

Chier amy sans faulte te respondray en bref a ceste question quoy que
par assez de raisons me puisse arguer/ disant que aussy bien se peult
aider selon droit le petit homme de ses choses que fait le grant/ &
doncques pourquoy ne se aidera le baron de ses choses et de ses hommes
qui luy ont promis feaulté et non pas au roy/ & autres plusieurs choses
que pourrois a ton propos alleguer. Neantmoins te dy que toutes raisons
ou contraires sont selon noz loix sont nulles Car seurement nul subgect
n’est tenu de aider a celluy de qui il tient en fief contre son
souverain seigneur. Ains se meffait soubz criesme capital s’il le fait
sicomme de offencer leze magesté car quoy que le baron soit naturel
seigneur le roy ou prince est le naturel seigneur soubz qui y sont.

Se tu me ditz dont se parjurerent ilz/ car nul serment ne peut obliger a
faire mal/ laquelle chose ilz feroient de soustenir en mauvaistie leur
seigneur qui seroit contre son souverain.

Chier maistre autre question plus forte & qui de celle assez deppent
faire te vueil. Je suppose que deux barons au royaume de france ou
d’autre part aient guerre l’un contre l’autre/ pour laquelle guerre
mandent leurs hommes. Advient tantost que le roy ou prince pour ses
guerres et pour la deffence de son païs ait a faire de gens si fait son
mandement/ auquel sont comprins les hommes des deux barons dessusditz/
sy te mande s’ilz sont tenuz de venir au mandement du roy ou de aller a
leur seigneur.

A ceste question en confermant la precedente te respons que selon droit
sont tenus de venir au roy et laisser leur seigneur et y assignent les
drois troys raisons. La premiere est que le roy ou souverain prince
regarde la commune utilité du royaume ou pays laquelle doibt estre plus
privilegiee que la singuliere utilité de une baronnie.

La seconde qu’ilz sont tenus au roy de generale juridicion qui est de
plus grant auctorité et sy a haulte juridicion sur la petite baronnye.

La tierce raison est qu’il n’appartient que ledit petit officier ait
puissance d’estre obey pardevant le seigneur et pert sa puissance sy
tost que le souverain ou l’auctorité du seigneur vient avant/ ainsy
comme la lueur ou clerté de la chandeille est petite si tost que le ray
du soleil y survient.

Chier maistre encore te fais telle question. Je suppose que ung conte ou
baron tiengne une terre du roy d’arragon/ & il demeure au royaume de
france advient que le bon roy de france luy demande qu’il viengne a son
ayde en ses guerres/ & semblablement tout en ung mesmes temps le mande
le roy d’arragon Auquel doncques doibt il obeyr/ car il est impossible
d’estre en deux lieux: & sembleroit qu’il peust estre excusé de non
aller a l’un ne a l’autre.

Je te respons que excuser ne se peut ne de l’un ne de l’autre s’il ne
veult perdre droit de fief. C’est assavoir qu’il voise a l’un lequel que
il luy plaira et de qui il tient le plus et a l’autre envoye de ses
gens.

Plus forte question je te demande s’il advient que les dessusditz roys
aient guerre ensemble/ je ne sçay entendre auquel il doit aider qu’il ne
perde l’une de ses terres.

Je te dis que la precedente responce peut encore servir a ceste question
selon aucunes oppinions/ c’est assavoir aller a l’un et envoyer a
l’autre/ mais ceste chose ne se pourra pas bien en droit soustenir/ car
se ainsy estoit qu’il le feist dont conviendroit il que ses propres
fussent contre luy mesmes puys que les deux roys seroient adversaires/
et il auroit a l’un envoyé de ses gens/ et il seroit pour l’autre/ &
pour ce ne sçay meilleur remede ne conseil que ce que je t’ay dit/ &
scez tu que a tel vassal appartient a faire ou nom de dieu/ de soy
mettre en peine de toute sa puissance d’y mettre paix en tous temps s’il
peut.




Cy fait mencion se ung gentil homme tient deux fiefz de deux seigneurs
lesquelz guerroient l’un l’autre auquel il doit aider. Item se en toutes
guerres selon droit pevent aller tous sauldoyers/ et devise cy endroit
le peril en quoy l’omme d’armes se met d’aller en guerre injuste/ & de
faire en armes autrement que droit de guerre requiert. vii. c.


Ainsy que de toy entens me semble maistre que les subgectz sont tenus
d’aller en la guerre pour ayder et secourir leur seigneur se advertiz ou
sommez en sont voire non pas a leurs despens mais aux gaiges de leur
seigneur Si me soulz s’il te plaist autre question. Je te demande quoy
que la coustume soit assez generale entre gens d’armes que qui veult
prendre sauldees de tous seigneurs villes ou pays pour servir en toutes
guerres soient les hommes d’armes d’un mesmes lieu ou quelques
estrangiers qu’ilz soient d’un mesmes pays ne subgect ne le pevent
faire. car il sembleroit que non/ veu qu’il convient fait de guerre
executer par occisions et autres bien divers maulx/ lesquelles choses
entre cristiens sont deffendues par la loy de dieu.

A ceste question amy je te respons/ et toy mesmes l’as assez touchié au
commencement de ce livre que en toute juste guerre peut aller qui qui
veult et prendre gaiges & sauldees pour servir a icelles. Car juste
guerre a droit menee et que les droites mettes de ce qui est de droit ne
soient passees/ c’est assavoir pillaiges sur terre d’amis ne autres
plusieurs griefz desquelz usent mauvaisement et communement gens d’armes
dont ilz meffont durement/ et n’est pas telle coustume de droit de
guerre/ mais guerre ou ne soient faitz n’est pas injuste ne deffendue en
droit/ ains est permise/ car c’est droite execution de justice que dieu
seuffre & consent affin de ramener le tort en bon droit quoy que dieu
seuffre faire guerres aucunesfoys diversement contre droit et raison/
laquelle chose est sicomme flayel de dieu et pugnission pour le pesché
des gens mais au premier propos revenir je dis que tout homme qui
droiturierement se veult exposer/ se doit ains que en guerre se mette
tresbien informer de la querelle et savoir se la calenge est juste. Et
de ce tu me demandes comme savoir le pourras/ car de toutes parties que
gens font guerres chascun sy dit avoir juste cause. Enquiers se celle
guerre a esté premierement jugee par bons juristes ou se elle est a
cause de deffence. Toute guerre est bonne/ c’est assavoir de tresbien
deffendre son païs s’il est assailly. Et de ce se doibvent tresbien
informer tous hommes d’armes ains qu’ilz s’y mettent.

Je vueil bien que tu saches que se injuste est la querelle/ celluy qui
la meut damne son ame/ et s’il meurt en tel estat va en voye de
perdition se grant repentance par grace divine n’a en la parfin/ mais
assez en y a qui de ce font pou de compte en quelque façon/ et a qui ne
chault quelle soit la querelle mais qu’ilz aient bonne paye et qu’ilz
puissent bien rober.

Helas helas dolente paye advient souvent/ car ung seul coup soudainement
rué/ les peut envoyer a tousjours en enfer/ & avec ce est assavoir quoy
qu’ilz en facent tous ou la plus grant partie petit compte que tous
ceulx qui excedent et passent ce que dit est en l’excercite d’armes les
drois et les termes de droit de guerre quelle que soit la querelle juste
ou non/ si que les loix la limitent ilz se dampnent et perdent.




Cy devise de droit de pais de sauldees et de gaiges aux gens d’armes.
viii. c.


Affin que les nobles hommes qui ce present livre pourront oyr tant pour
le temps present comme celluy advenir/ puissent savoir de quelles choses
faire en armes/ Le droit donne licence et desquelles non. Et pource
chier amy que cy devant m’as ramentu gaiges et sauldees en fait de
guerre/ te diray partie en quoy homme d’armes s’oblege en prendant
gaiges & sauldees en fait de guerre/ et aussi en quelle maniere le
seigneur est tenu de paier gaiges et en quelle non Car telles choses
sont contenues es droitz escrips.

Premierement est assavoir que tous seigneurs villes ou communes
seignouries qui prendent gens a sauldees sont tenus de les paier pour le
pais qu’ilz sont prins soient mis en euvre ou non. Et mesmement supposé
qu’ilz fussent a sejour et sans riens faire voire en cas que la faulte
ne tenist en eulz & que tousjours fussent prestz Et se faulte de
paiement y a selon la promesse/ je dy que selon droit & raison le pevent
demander par belle justice.

Maistre puys que en ceste matiere sommez entrez et tu dis que le
seigneur est entré en debte de les paier et y est tenu des gens d’armes
contenter de leurs sauldees supposé qu’ilz fussent a sejour/ te vueil a
se propos former aucunes demandes en telle maniere.

Premierement je suppose que ung capitaine atout une route de gens
d’armes soit retenu es gaiges du roy. Et par son commandement s’en voit
en gaigne contre les anglois. Advient que en chemin se logent en certain
lieu auquel les gens dudit lieu aient malicieusement empoisonné le pain
et le vin par quoy advient que aucuns d’iceulz meurent Autres demeurent
malades par l’espace que servir doibvent ou plus/ par quoy n’est en leur
puissance de servir le roy ainsy que promis l’avoient/ si te demande se
les gaiges d’icelluy temps doibvent avoir perdus. A ceste question
respons que non certainement/ veu encore que la maladie leur soit venue
a cause dudit service/ car maladie en droit excuse l’omme/ ne a celle
cause ne doibt perdre nulles distributions puys que venue est apres la
retenue.

Autre question doncques faire te vueil. ung sauldoyer est retenu par une
annee a gaiges. S’il advient en celluy temps que il a a faire en son
hostel par quoy vient au capitaine et prent licence pour aller veoir sa
femme et son mesnage pour l’espace de ung moys. Je te demande se par
droit doibt avoir les gaiges de icelluy moys/ car il sembleroit que non/
veu que en celluy temps ne serviroit le seigneur/ ains est allé a ses
besoingnes/ pour quoy doncques debveroit il avoir loyer de ce qu’il n’a
pas fait.

Je te respons ad ce sache que telle est la maniere d’armes/ que sy grant
puissance/ a le congé et licence du capitaine et tant est previlegié/
que puys que voulentiers a consenty le congé/ ledit homme d’armes doit
estre reputé pour resident/ car tousjours est demouré serviteur du
seigneur en sa guerre/ voire puys que retenu estoit pour l’annee. Mais
bien est vray que se obligé estoit par division de temps/ c’est assavoir
que sans plus fust retenu a certaine somme par chascun moys/ tant tenu
tant payé la diroy je autrement.

Autre question te fais ung chevalier pour une annee est prins a gaiges
pour servir le roy en ses guerres. Advient apres que troys moys a servy
s’en veult partir et demande les gaiges du temps que servy a/ le
capitaine contredit disant qu’il auroit prins pour une annee/ & que s’il
ne l’eust promis il en eust bien eu ung autre et qui ne parfait son
service pert.

Ad ce je te respons que bon droit a le capitaine/ car se l’omme d’armes
fault premierement de sa promesse il n’y a aussy raison que convenance/
de gaiges luy soit tenue. Mesmement plus fort y a/ car je te dis et te
certifie que se par sa deffaulte il avoit perdu ses chevaulz ou son
habillement de guerre comme harnois et autre ne peust recouvrer/ pour
laquelle chose fut non convenable a servir. Il doit perdre tout le temps
qu’il a servy. car service ne fait a avoir gaiges/ jusques a la fin/ ou
cas toutesfoys que autres convenances n’y seroient faictes. car marché
fait & convenance passe toute loy/ & peus bien veoir que la mauvaise
chose entremeslee avec la bonne retourne la bonne en mauvaise.

Maistre or me respons a ceste question. ung vaillant homme d’armes est
prins pour servir toute une annee. Advient tantost que nouvelles luy
viennent que grant affaire a en son hostel. par quoy aller s’en veult/ &
au congé prendre dit au capitaine qu’il mettra ung autre en son lieu
pour faire le service qu’il debvoit. Ad ce contredit le capitaine disant
qu’il l’avoit prins pour sa vaillance preudommie & sagesse/ & que a
peine trouveroit il homme qui souffisamment tenist son lieu. Le
sauldoyer replicque disant que certains affaires luy sont survenus/ par
quoy il perdroit sa terre et son heritage se en personne n’y estoit/ et
que selon raison est plus tenu de son sens aider a luy mesmes que a nul
autre Si ne le peut contraindre aucunement de demourer/ Le capitaine
respont qu’il est obligé par serment sur sainctes evangilles/ Sy n’est
pas l’omme en sa franche liberté qui a autruy se lye. Or determinés
maistre ceste question Car veu les raisons dudit homme d’armes/ & que en
son lieu veut mettre homme souffisant sembleroit que quicte s’en peust
aller.

Je te respons que a bien ceste question determiner a grant regard Car il
n’est pas doubte que de ung homme d’armes commun deveroit souffrir homme
pour homme/ mais a dire que celuy fut tant solennel que a peine son
pareil peust estre mis en son lieu/ de y mettre plusieurs autres assez
moins vallables ne seroit pas raison. S’il advenoit que ainsy bon y
meist je ne le dy pas que la chose ne fust fort raisonnable/ car si que
devant t’ay dit/ l’omme d’armes n’est pas maistre de soy puys que par
serment est obligé. Pour celle cause te dis que icelluy n’en seroit pas
quitte quelque necessité ne quelque affaire qu’il peust avoir en ses
besoingnes se de grace especiale le prince ou capitaine qui de ce a la
charge de son bon vouloir et plaisir ne l’en quittoit. Et y a bonne
raison Car se aucun obligé estoit de paier dix aulnes d’escarlate et il
paioit en ce lieu gros burel quoy que tout fust drap ne deveroit
pourtant estre quicte.




Cy devise se ung capitaine de certain nombre de gens d’armes les peut
bien transmuer a sa voulenté puis qu’ilz sont retenuz a gens d’armes.
ix. c.


Maistre autre question te fais assez deppendant de la dessusdite. Je
suppose que receu soit a gaiges ung capitaine pour une annee/ ou qu’il
soit venu avec luy Cent hommes d’armes lesquelz soient tous passez et
escrips a la monstre Advient ung moys apres qu’il veult remuer ses gens
tous ou partie et mettre autres en leur lieu/ Je te demande se par droit
le peut bien faire. et sembleroit que sy/ car il doibt bien souffrir
s’il a cent hommes convenables ainsy qu’il a promis. Et avecques ce s’il
ne le peut ainsy faire et n’en avoit l’auctorité seroit grant prejudice/
car se entre les siens on veoit aucuns mauvais et de perverses meurs
larrons ou de mauvaise vie & nuysant aux autres et dont honte peut venir
a tous ne vauldroit il pas mieulz que changez feussent en autre lieu que
laisser en leur lieu.

Ad ce respons que droit est si juste chose et si raisonnable que
esten[dre] se veult a ung chascun sans faire nul tort. Et pour ce te dis
que le simple capitaine qui est soubz le principal capitaine ne le peut
bonnement faire sans la licence majeur/ car se ainsy estoit il seroit en
luy de faire extorcions aux compaignons s’il luy plaisoit/ c’est
assavoir prendre autre par aucune faveur ou par convoitise de prendre
part a leurs gaiges ou par quelque fraude/ & de bouter ceulx qui
paradventure meilleurs seroient/ sy doibt avant la main avoir bien
advisé de prendre telz compaignons avec soy qu’il ne soit nul besoing de
les changer.

Se changer les fault par aucune adversité qui en eulx soit c’est son
deshonneur quant telz les a choisiz/ mais ce a toutes fins advient que
change y conviengne en quelque façon ou maniere que ce soit/ et sans
faulte ce ne se doibt faire aucunement sans le congé du souverain de
l’ost. et encore que ce soit par tresgrande deliberation. Et s’il
advient aucunement que de soy mesmes le face n’est pas doubte que celluy
qui est cassé ne se puist plaindre au capitaine par especial s’il est
homme ydoine et convenable et en doibt avoir droit.

A venir au propos des capitaines convoiteux qui tricheries et baratz
pevent faire aux petis compaignons. Il en est assez. qui reçoivent leur
paie et pour eulz la retiennent et leur suffist de les paier de petit de
chose. et ceulz paradventure ne s’en osent plaindre pource que par ce
couvent & en faisant tel marchié a eulz/ affin d’estre receu si y sont
mis/ dont c’est moult grant pechié/ car par ce sont contrains a faire
plus de maulz & de pillage que s’ilz fussent bien paiés. Si deveroit le
capitaine a telz choses bien prendre garde/ car a moins ne pevent les
povres soudaiers soient de pié ou de cheval gens de traict ou autres.
que de la povre paye avoir/ qu’ilz gaignent au peril de leurs vies et a
si grant traveil de leurs corps/ si fait fort grant pechié qui leur oste
ne amoindrist. Et ce n’eussent jamais souffert les anciens. Ains
estoient plus couvoiteux que la gaigne tournast au proffit des
sauldoyers que a eulz mesmes/ car les preux vouloient que ceulz eussent
le gaignage et a eulz suffisoit avoir l’onneur.




Cy devise se ung seigneur envoye ung homme d’armes pour garnison
d’aucune sienne forteresse sans ce que aucuns gaiges luy soient promis/
et il advient que en chemin soit destroussé. Auquel des deux peut
demander ces interestz/ ou au seigneur qui l’envoye ou a celluy qui
destroussé l’a. Item se ung homme d’armes est venu servir ung seigneur
en sa guerre sans convenance de gaiges/ se le seigneur est tenu de le
paier. x. c.


Autre demande te fais. Je suppose seigneur envoye ung chevalier en
aucune sienne forteresse pour la garder sans ce que a luy face aucune
convenance de gaiges ne de sauldees. Advient en chemin que a icelluy
sont ostez par force ses biens son harnois et ses chevaulz/ auquel peut
le chevalier par droit demander sa perte/ ou a celluy qui l’envoye ou a
celluy qui l’a destroussé.

Je te respons qu’il les peut demander a l’un & a l’autre/ c’est assavoir
a celluy qui l’envoie peut faire demande par action de violence et de
fait/ mais se le premier les luy restitue. Il est tenu de luy delaisser
l’action & droit de la demande que a l’autre eust peu faire par vertu de
quoy le peult faire convenir Or me dy derechief ung baron a certaine
[guerre]/ a l’aide duquel ung chevalier par sa courtoisie sans ce que
requis en soit vient en sa compaignie et aide. Je te demande se icelluy
apres le service peut demander gaiges ne saudees s’il lui plaist Car il
sembleroit que non/ car pour quoy il n’y estoit pas appellé/ & sembloit
que son entente fust de servir par courtoisie.

Ad ce je te respons que s’il n’est de son lignage ou que grandement tenu
y soit ou que par charité venu y fust sans faulte il peut courtoisement
faire demande pour son vivre et estat tenir s’il lui plaist/ car le
droit dit que nul n’est tenu soy armer a ses propres despens/ sy doibt
suffire au seigneur qu’il ait eu le secours de l’autre/ et de tant que
plus franchement y est venu/ tant plus y est tenu. Si lui doibt
satisfation de gaiges ou d’autres biens faitz.




Cy devise se ung roy envoie secours a ung autre roy sans l’en avoir
requis se il seroit de le paier/ et semblablement de une dame vefve/ a
laquelle par courtoisie aucun auroit aydé. xi. cha.


Maistre je suppose que le roy d’arragon envoiast demain au roy de france
grant ost de ses gens a secours en sa guerre de sa pure courtoisie pour
certain temps sans ce que nullement en eust esté requis/ mais l’eust
fait simplement pour rendre la courtoisie semblable autrefois de luy
receue/ je te demande se ces gens apres le service pourroient demander
paiement de ce dont ils sont tenuz.

Je te respons amy que se le roy de france a autresfois servy le roy
d’arragon ou autre en sa guerre de certains gens d’armes paiés pour
aucun temps si que assez est de coustume entre princes bien amys faire
l’un pour l’autre. Semblablement est tenu par droit de gentilesse le roy
d’aragon faire au roy de france non pas que de droit le roy de france
luy peust demander se autre convenance n’y avoit/ car qui franchement
donne ne peut contraindre estre remuneré/ mais en quelconque maniere
soit la venue le roy de france est tenu par droit de noblesse leur
donner dons posé que tous paiez soient venuz non pas que par voye de
droit escript eussent action de faire au roy demande de paiement puys
qu’il ne les y avoit mandés.

Encore te demande/ je prens que une dame vefve tenant aucune seigneurie
soit oppressé de guerre a grant tort et peché d’aucun seigneur ou
chevalier/ a l’ayde de laquelle veit ung gentil chevalier meu de pitié &
pour garder le droit des dames & croistre sa renommee en vaillance et
chevalerie/ & a tout dire y fait tant de proesse que par sa proesse met
ladicte dame a paix de sa guerre/ & luy face avoir plaine restitution/
pourroit icelluy apres ces choses demander sallaire de ses biens faitz
comme celluy qui bien l’auroit desservy.

Je te respons que non/ car par mandement ne estre prins a gaiges ne la
peut contraindre. Et se dire me veulz que grandement ait fait le proffit
de la dame. Je te respons que plus grant a fait le sien propre en tant
que en honneur et renommee il en est exaulcez. A laquelle cause il vient
si est ja paié du sallaire qu’il queroit/ mais bien est vray que se la
dame est puissante & ait de quoy elle doit tant faire pour luy/ que
exemple luy donne/ & mesmement aux autres tel/ que se autrefoys en avoit
a faire fust voulentiers secourue.




Cy devise se ung roy a guerre a ung autre et luy vueille aller courir
sus a grant ost. se les seigneurs par ou il doibt passer luy pevent par
droit calenger le passage. posé que mal n’y face ne vivres n’y prengne
fors que pour l’argent. xii. c.


Des choses d’armes te vueil faire une autre question. Je suppose que le
roy de france vueille pour aucune querelle faire guerre au roy de
honguerie par quoy assemble son ost pour aller sur luy/ pour laquelle
cause rescript au duc d’austriche qu’il prendra son chemin par son pays/
mais il l’asseure que mal ne grief par luy ne par ses gens n’aura sa
terre ne ses hommes/ ains bien et proffit en tant que pour son argent
prendra vivres par tout ou il passera. Le duc d’austriche qui de ce fait
doubte. Respond au roy que de ce veult estre sceur par bons hostagiers
avoir que restitué sera se dommaige luy est fait. Si te demande qu’en
est de droit a faire. Car le duc dist qu’il est prince en son pays si ne
passera nul par la en armes s’il ne luy plaist & d’autre part posé qu’il
le consente si seroit ce fort que tel ost peust passer sans faire moult
d’outraiges/ & pource veult avoir de la restitution bonne sceureté.

Amy je te respons que par droit escrit celluy pour son bon droit et
juste querelle va en armes peut et doibt avoir son chemin et passage es
voyes publicques par tous pays et royaumes par tel sy que nul grief ne
soit par luy ne par ses gens fait au païs. & dont puis que ainsy est il
n’est nul besoing ne il n’appartient pas qu’il donne hostagiers quant il
y a raison qu’il soit fait. Et ce tesmoingne le decret la ou il recite
l’istoire comment quant le peuple d’israel s’en alloit contre les
ennemys Il les convint passer par le pays des amonees/ lesquelz
voulurent contredire le passage/ mais quant ilz veirent que par amour
n’en povoient finer Ilz gaignerent par force le passage que dieu leur
ordonna Si dis que semblablement seroit de droit et de raison de ainsy
faire en tous cas pareil.

Je te demande maistre/ je prens que ung baron de france ait meu guerre a
tort et mauvaise cause a ung chevalier en laquelle mout luy fait de
griefz et de dommaiges/ mais pour celle foys ne peut trouver droitement
voye d’avoir droit par justice de luy. Neantmoins assemble ses amis avec
grant route de gens d’armes pour courir sus audit baron lequel de sa
part si bien se deffent que entrer ne peut sur son païs ne dommaiger sa
terre. Et pource que fait/ il dommage les terres voisines et foule a
icellui baron pource que adherens et favourables luy sont Sy prent ledit
chevalier proye de toutes pars tant que moult en enrichist et qu’il peut
bien valoir autant comme il avoit eu de dommaige.

Advient ung temps apres que a paris s’entretreuvent/ auquel lieu le
chevalier fait convenir ledit baron a la court de parlement et la luy
demande restitution des dommaiges que fait luy avoit a tort & sans cause
en ladicte guerre. A laquelle chose l’autre respont que bien luy doibt
suffire ce qu’il a gaigné a cause d’icelle/ car comme devant fust ung
povre chevalier il estoit devenu riche et plain d’avoir par la proye
qu’il avoit conquise & prinse. Le chevalier replicque que de ce n’a que
faire/ car ce qu’il a gaigné en pou[r]suivant son droit n’estoit de
riens du scien/ & que se pugny avoit les voisins du peché de ce qu’ilz
le soustenoient a tort contre luy n’estoit raison que leurs biens prins
et qui n’estoient pas siens lui deussent tourner au proffit de sa debte.
Si te demande sur ce qu’il est de faire.

Ad ce je te respons que s’il estoit ainsy que le chevalier eust tant
fait qu’il eust des biens du baron ou de ses hommes tant que restitué
fust bien et suffisamment/ sans faulte par droit il luy deveroit
suffrir/ mais se menant icelle guerre il ait gaigné ou prins sur les
voisins par la maniere que tu l’as dit laquelle chose est droit de
guerre/ ledit baron n’en est de riens deschargé/ ains est tenu aux
dommaiges et interestz que fais luy avoit & bien argue le chevalier de
ce qu’il dit. Car ce l’autre vouloit dire que il n’appartient pas que
une debte soit payee deux fois/ & doncques puis que paié estoit il luy
debvoit bien suffire tout ce ne vault neant pource qu’il n’est pas au
regard du baron s’il a gaigné/ ains est en pugnition de ceulx qui
aidoient au baron contre luy.




Cy devise se ung homme avoit esté navré de ung autre lequel apres le
coup s’en fust fuy le poursuivist et le navrast se justice le vouldroit
pugnir. xiii. chapitre.


Maistre il me souvient que avez dit cy devant que a l’omme en soy
deffendant est permis de blescer ung autre/ & pource que toutes
blesceurez par maltalent faictes l’un sur l’autre sont et pevent estre
appellez des membres et deppendances de guerre te vueil faire telle
question.

Ung homme a ung autre navré et sy tost qu’il a donné le coup s’en fuyt
tant qu’il peut/ mais le navré tant le suyt qu’il l’ataint et
semblablement le blesce/ sy demande se celluy qui poursuyt doibt estre
pugny/ Car il sembleroit par les ditz que veu qu’il n’auroit pas passé
les mettes de justice que premier blescé estoit/ s’il a apres blescé et
mesmement s’il l’avoit occis/ par ce que j’entens de droit de deffence
si en deveroit il estre excusé/ & avec cela fait sans actendre/ car s’il
eust attendu jusques a autre jour/ je ne l’escuseroye pas pource que ce
seroit vengance.

Je te respons ad ce que le cas que tu ditz est difference de juste
deffence et privilegie/ c’est assavoir selon les droiz puis qu’il s’en
fuyoit apres son coup/ la loy ne octroye pas que l’autre le deust
poursuivir ne blescer/ & pour ce dessert pugnition/ mais vray est que
trop plus grande l’a desservie cellui qui blesça/ & le second a
desservye grande ou petite pugnition. Il y a entre les maistres
plusieurs oppinions mais pourtant n’est pas doubte que le premier
mouvement qui est de soy sentir feru justice n’y a que veoir puis que
feru auroit esté de fer/ car pour garder sa vie les droiz seuffrent
occir ung aultre/ & se tu me ditz peut estre que l’assaillant n’a pas
voulenté d’occir. Je te respons que ce ne scet pas l’assailly/ aussy ne
sont pas coups ferus a patron/ car tel cuide ferir qui occist. Et pour
ce pourroit bien tant actendre le premier feru a occir/ que par
l’assaillant se trouveroit occis.

Neantmoins doibt l’omme garder pour conscience et pour l’amour et
tremeur de dieu qui ne occye autruy. car nulle chose ne desplaist plus a
dieu que son semblable deffaire/ & celluy est le seul juge qui toutes
choses a son droit pugnist ne riens ne luy peut estre celé.




Cy fait mention se ung homme d’armes emprunte harnoys et chevaulz et il
les pert se rendre les doibt. xiiii. chapitre.


Maistre autre question te demande.

Ung chevalier d’allemaigne ou d’autre part vient a paris ou il treuve le
roy prest pour aller en la bataille/ ledit chevalier qui de ce n’estoit
adverti n’avoit pour lors harnoys qui fust propice pour soy/ mais comme
desireux de servir le roy et son honneur accroistre fait tant que ung
gentil homme qu’il le congnoist/ luy preste monture bonne et belle et le
pourvoit de tresbon harnoys tel que a luy affiert/ advient que en la
bataille celluy chevalier allemant pert chevaulz harnoys & tout ce qu’il
a/ si que a peine tout nud peut il eschapper Apres laquelle chose le
dessusdit gentil homme demande audit chevalier tout ce qu’il luy avoit
presté/ sy est assavoir s’il est tenu selon droit d’armes de les
restituer.

Je te respons que ceste question est assez clere en droit et es loix/ &
pource te monstrer Je te dy au vray que puys que ledit chevalier a esté
en la bataille pour laquelle avoit emprunté lesditz harnoys et chevaulz
et que de riens n’en a fait fraulde n’est pas tenu de les rendre/ mais
se aultre part estoit allé ou pour bareter les eust empruntez et que
faintement monstrast les avoir perduz/ & que on peust savoir le
contraire. Je diroye autrement.

Maistre s’il estoit ainsy que toutes lesdictes choses eust prinses a
loyer de quelque marchant armurier les harnoys et les chevaulz de ung ou
deux marchans et perduz les eust si que dit est/ seroit il pas tenu de
paier & rendre le loyer.

Je te respons semblablement comme dessus que non/ en cas que autre
convenance expresse de les rendre/ quoy que advenir deust ne luy auroit
faicte.




Cy devise se cautelles & subtillités d’armes sont justes a faire. xv.e
chapitre.


Autre question differentiee du dessusdit propos te vueil faire/ dy moy
je t’en prye est ce bonne raison et selon droit que ung roy ou prince
par cautelle et subtilité face tant qu’il subjugue et ait son ennemy
soit en bataille ou autre part/ car il sembleroit que non veu qu’il
loist tenir droicture & raison sy ne pourroit estre dit qu’il deceust
autruy. Et aussy toute personne qui a juste cause/ doit avoir bonne
esperance en dieu que bien luy en prendra se par peine & diligence
pou[r]suit/ doncques celluy qui a juste querelle doit aller ce semble le
droit chemin de guerre sans y aller ne user de cautelle.

Chier amy tu dis moult bien/ mais neantmoins te certiffie que selon
droit d’armes veoir plus fort selon dieu et l’escripture on peut vaincre
son ennemy par cautelle engin ou barat sans tort d’armes/ puis que la
guerre est jugee et notiffiee entre les parties/ & qu’il soit vray
nostre seigneur en donna mesmes exemple quant il ordonna et enseigna a
Josué comment par cautelle surprendroit ses ennemys/ et de telles choses
user se peut on assez communement aider en armes/ mais je te confesse
bien qu’ilz sont certaines manieres de barter/ lesquelles sont
reprouvees et deffendues tant en fait d’armes comme en tous autres cas
Sicomme je assuroye aucun de venir vers moy en certain lieu & je y
seroye pour parler a luy/ & tant feisse par mon asseurement qu’il y
venist/ & la je le feisse surprendre par aucun agait pour luy mal faire/
occir ou prendre/ telle chose seroit traÿson mauvaise. Ou se par fainte
treve ou paix j’espioye mon point de grever autruy quant garde ne s’en
donneroit ou que despourveu seroit et en tous cas semblablez. Je feroye
mal mon grant deshonneur reproche & pechié Et pource dist la loy puis
que la loy est donnee a son ennemy on luy doibt tenir et garder/ mais
autre chose est se le vaillant capitaine ou homme d’armes scet ordonner
embusches par ou son ennemy ou adversaire doit passer qui garde ne s’en
donne ou aultres manieres de cautelles/ mais qu’elles ne soient contre
foy promises ne l’asseurement que on auroit fait/ & a la raison que tu
dis puys que on a bonne et juste cause que on s’en doit actendre a dieu/
quoy que en substance je le t’accorde Toutesfoys combien que bon droit
ait le roy de france contre le roy d’angleterre en cas pareil/ si
convient il aider a soustenir son bon droit le mieulz que on peut/ &
adont quant par sens et tresbonne diligence on fait son devoir/ doibt on
avoir tresgrande esperance en dieu le createur qu’il aidera la chose a
conduire & en bien parfaire.




Cy devise se ung homme d’armes estant a gaiges estoit destroussé en
quelque chemin s’il pourroit demander par droit au seigneur de par qui
il a esté envoyé ses dommaiges. xvi. chapitre.


Maistre a nostre propos me semble par ce que m’avez cy devant conclud/
c’est assavoir que se ung chevalier ou aucun homme d’armes envoyé
d’aucun seigneur pour garnison d’aucune forteresse/ sans que convenances
de gaiges ne de sauldees luy soient faictes et il advient que en chemin
soit destroussé/ se audit seigneur quil l’a envoyé peut par droit s’il
luy plaist faire demande de restitution. Et certes je vueil faire encore
autre question. Je suppose que ung capitaine de lombardie ou d’autrepart
ainsy que autresfoys on a fait venir en france eust avecques soy amené
cent ou deux cens bons brigans si fut luy & sa compaignee retenu chascun
a cinq francs pour le moys/ & envoiez en certain lieu/ auquel chemin fut
par ses ennemys assailly ou il perdit ses places son harnoys et ses
choses/ & ses compaignons leurs cuirasses leurs pavaix & toutes leurs
bagues Je te demande s’ilz pourroient demander au roy leur dommaige.

Ad ce je te respons que non au cas que autre convenance n’y auroit/ et
ne pevent demander que ce qui leur fut promis/ & se tu me veulz demander
pour quelle raison le capitaine n’a aussy grant accion de demander au
maistre qu’il l’envoye comme dit est. Je te dis pour ce que la loy porte
plus grant faveur a cellui qui pas n’est lyé & est mys en besoingne que
a cellui qui se lye/ & par exemple le peus veoir de ung homme qui aura
demouré avecques ung marchant ou autre homme an & jour sans ce que par
marchié fait se soit loué. Il peut faire trop plus grant demande des
biens de l’ostel et de la marchandise/ s’il n’y a aucune autre certaine
cause/ que ledit maistre s’excuse que celluy homme qui loué seroit par
marchié fait/ & pource te dis que l’omme n’est pas bien advisé qui prent
aucun pour residamment demourer en sa maison/ s’il ne fait avecques luy
aucun marché absolut/ car la loy presuppose l’omme ainsy demourant comme
compaignon du maistre ainsy que a gaigne et a perte.




Cy devise se gens d’armes venans a l’aide d’aucun prince s’ilz pevent
prendre vivres a eulz necessaires au moins de grief/ que faire se
pourroit sur les laboureurs/ ainçoys qu’ilz peussent estre arrivez au
païs dudit prince. xvii.e chapitre


Autre question te vueil faire. Supposons que ung seigneur eust envoyé
querre sauldoyers pour ung an en estrange pays pour le venir secourir en
sa guerre/ laquelle il esperast durer longuement/ Advenist que avant
icelle guerre et que icelles gens avecques leur capitaine puissent estre
arrivez au pays dudit prince quoy que de tout leur povoir se fussent
hastez/ s’ilz leur souffrent prendre tant seulement vivres necessaires
en passant oultre pour necessité de vie tant seulement soustenir/ au
moins de grief sur les povres laboureurs que faire se pourroit. Je te
respons que ouy/ voire non pas qu’ilz feissent comme les loups/ ausquelz
ne souffist pas quant au toit entrent d’une brebis Ains estranglent tout
le troppeau/ comme semblablement le font plusieurs de nos gens d’armes/
lesquelz s’ilz ont besoing d’un poullet ou d’un pinion ilz en occient x.
ou xii. Et tel oultraige font de biens comme s’ilz fussent loups
ravissans sans riens de conscience et comme s’il ne fust pas de dieu ne
que jamais deussent mourir. Helas bien sont aveuglez ceulz qui le font/
car plus en peril de mort vont que autre gens. et telz y ont moins de
regard que autrez.




Cy devise sy loist aux gens d’armes quant ilz sont bien paiés de prendre
vivres sur le païs. xviii. chapitre.


Maistre or m’escoute ung petit s’il te plaist. Je te demande quant gens
d’armes sont prins a gaiges/ ausquelz il n’ait deffaulte de payer/ s’il
leur loist avec leur gaiges prendre vivres sur le pays et pillier autres
choses comme au jourd’uy on le fait communement.

Je te respons certainement que non & que telle chose n’est pas droit de
guerre/ ains est extortion mauvaise et violente faicte sur le peuple a
tort & a peché Car sicomme toy mesmes as cy devant dit a vouloir mener
juste guerre/ le prince avant la main doibt bien adviser en quel lieu et
comment pour ce faire finance sera prinse: & sur toutes choses doit
donner ordre que ses gens d’armes soient bien paiez pour paier justement
leurs vivres et ce qu’ilz prennent. & adonc seroit juste chose de bien
pugnir ceulz qui prendroient riens sans paier/ mais arguer me povoies
voir/ mais se par quelque adventure soubdain cas advenoit que les
ennemys survenissent sur le pays/ par quoy conviendroit deffendre/ ains
que le prince eust fait sy grant amas comme il appartiendroit a paier
gens d’armes de moys en moys/ car en tresor pas n’en auroit: Je te
respons que a toute chose necessaire se convient aider selon povoir/ car
quant en ce cas seroit le prince assez excusé/ de propres ouvriers du
roy mys en icelle besoingne pour lui & en son nom pource ne doibt estre
leur avecques leurs gaiges/ mais ce que le prince leur veult donner de
grace/ laquelle grace pour voir dire bien et largement leur affiert.
Sicomme a ceulz qui mettent a escot si chier chastel comme le sang les
membres et la vie/ et de leur bien remunerer est d’ancienneté noble
coustume/ de plus en plus a ceulz qui l’ont desservye & de proyes gaigné
et en guerre ne recepvoient quelque proffit les vaillans anciens/ Ains
leur suffisoit seulement en avoir l’onneur et que leurs gens en eussent
le preu. Et par ce tellement acqueroient l’amour des gens d’armes qu’ilz
en achevoient les grandes et merveilleuses emprinses comme il apparut.




Cy devise que on doibt faire des proies et choses qui sont prinses en
armes. xix. chapitre.


Autre maniere de question faire te vueil. Je te demande que on doibt
faire des choses gaignees sur les ennemys & en bataille.

Amy a ceste question convient respondre par distinction de cas. Car
premierement selon la loy civille est assy. de quel affaire est la
personne qui a conquis en armes et y a maniere d’entendre en quel cas et
en quelles guerres/ icelles loix pevent avoir lieu.

Premierement se une guerre se fait par mandement du roy ou prince qui
ait povoir de ordonner et mettre sus juste guerre Aucuns droitz sont
reservez a tel seigneur/ qui a autres gens ne sont pas/ c’est assavoir
que toute gaigne doibt estre a la voulenté du prince ou du lieutenant
capitaine/ car depuis que les gens d’armes sont aux gaiges du roy ou
prince selon les loix tout doibt estre au seigneur soit prisonnier ou
autre proye/ & ainsy anciennement le souloit on faire/ quoy que de grace
au temps present au païs de france ou quelque autre part par longue
coustume soit laissé es hommes d’armes ce qu’ilz conquierent se chose
n’est de sy grant poix qu’elle passe le pris et somme de dix mille
francs/ laquelle chose soit prisonnier ou autre meuble doit estre rendue
au roy/ par tel si qu’il est tenu de donner audit homme d’armes la somme
de x. mille francs/ & telle chose est de bonne coustume de pays/ mais la
dessusdicte loy y afferme le decret qui dit plainement que toute la
proye doibt estre a la voulenté du seigneur/ il la doibt justement
partir a ceulz qui luy ont bien aidé a gaigner a chascun selon sa
merite/ & que ceste chose soit vraye ne pourroit nul le contraire
soustenir/ car prouvee est par droit escript qui mesmement y assigne
telle raison/ c’est assavoir que se ainsy estoit que les prisonniers ou
proye feussent aux gens d’armes/ tout ainsy et par ceste mesme raison
deveroient estre des chasteaulz et villes qu’ilz prendroient a eulz
Laquelle chose seroit injuste & de mauvaise raison qu’ilz gaignassent
terre avec les sauldees du prince et a ses despens/ car ce qu’ilz font
est fait comme haste/ il ne auroit plus que faire de gens.

Je te demande se iceulx pourroient faire demande de toute l’annee ou
seulement du temps encouru puys la convenance Car il sembleroit que ouy/
car la loy dit que se ung advocat du roy ou de aucun seigneur prins a
pencion a commencé a faire son office/ les gaiges de toute l’annee luy
sont deuz posé qu’il mourust ses hoirs pourroient faire la demande/
pourquoy ne pourroient doncques ces gens joyr de ce mesme droit/ car
peut estre qu’il en ont perdu d’estre retenuz autre part ou asseurez
eussent esté pour toute l’annee. Et assez d’aultres raisons se
pourroient encore dire lesquelles pour briefté je laisse/ et te respons
en bref que en ceste raison et toutes aultres que dire y pourroyes sont
de pou de valleur Car je te certifie qu’ilz se doivent tenir contens
d’estre paiez seulement du temps qu’ilz ont servy/ & telle est la
raison.

Ilz furent sauldoyers pour garder le pays ains qu’il fust perdu/ mais
puis qu’il est perdu ilz ne pevent plus nullement servir de ce pourquoy
ilz ont esté prins Et pour celle cauce ilz ne doibvent en nulle façon ne
maniere avoir ne recepvoir les gaiges du dessusdit service lesquelz ne
le pevent faire aucunement C’est assavoir garder le pays qui est perdu/
& nulle loy n’oblige l’omme a chose impossible/ car se contraindre
voulloient d’estre payez on leur pourroit respondre/ & on vous
contraindra de garder le païs qui est ja perdu comment sera ce fait. Et
par ce concludz ce que dit est.




Cy commence a parler de prisonniers de guerre. Et devise comment ung
puissant homme prins en guerre doit estre rendu au prince/ et aussi
comment non. xx. cha.


Et pource que cy devant t’ay dit que selon ladicte loy est assavoir de
quel affaire est la personne qui en armes a acquis/ & de se t’ay
declairé une partie. Or supposons autrement/ c’est assavoir que ung
baron feist guerre contre ung autre fust juste ou non/ ou deffendist sa
terre contre aucun aultre/ car pour soy deffendre et sa terre deffendre
et garder quelque soit le cas. Il convient juger juste guerre comme soy
deffendre soit doncques selon la loy et droit/ se celluy baron qui se
deffent prent celluy qui l’a envaÿ/ cuideroies tu doncques qu’il fust
sien.

Je te certiffie que non seroit ne autre droit selon la loy n’y auroit
qu’il pourroit sans plus tenir et garder sa personne tant qu’il la
pourroit presenter au seigneur souverain de qui il tiendroit sa
baronnye/ lequel en feist le jugement/ mais autre regard y peut avoir/
c’est assavoir que celluy qui le prent est tel qu’il ait povoir de la
souveraine justice justicer les hommes malfaiteurs et que de ce faire
soit acoustumé comme droit seigneur. sicomme ilz sont assez de
seigneuries de semblable auctorité. Je te dis que puis qu’il a trouvé
courant le païs robant & occiant ses hommes qu’il le pourra pugnir par
sa justice suppose encore que plus grant maistre fust que non obstant ce
que arguer on pourroit sur ce pas/ que l’omme ne doibt estre jugé en sa
propre cause. Je te respons qu’il le peut faire et par deux raisons.
L’une par la vertu de sa jurisdiction qui est de pugnir et faire justice
des malfaicteurs. L’autre qu’il pugnist le delict de celluy qui le fait
sur le propre lieu & de ce faire a povoir de la loy car se ung homme
assault ung autre & tout a l’offendre/ l’assailly peut faire a l’autre
ce que de luy pensoit a faire/ et te dy que c’est attemprance de
raisonnable deffence/ mais je te confesse bien que se ledit assailly que
jurisdiction n’auroit de ce faire pugnissoit de lui mesmes soubz tiltre
de justice son adversaire ou le tenoit en prison que feroit a son
seigneur/ & se mettroit en peril de perdre ce qu’il tiendroit de luy/ si
le doit tantost rendre audit seigneur car mesmement seroit il loisible
en tel cas a ung homme d’eglise pour raver ses choses.




Cy devise se on doibt faire mourir ung capitaine d’ost ou autre grant
homme d’armes en fait de guerre & s’il doit estre au prince/ et se c’est
chose de droit de faire paier a ung homme raençon pour sa delivrance.
xxi. chapitre.


Maistre puis que entrés sommes au propos des prisonniers en fait de
guerre. Je te demande s’il advient que le capitaine soit prins ou aucun
hault homme qui a la partie qui prins l’a/ ait esté fort nuysant et
pourroit encore estre s’il eschappoit se selon droit on le peut ou doit
faire mourir/ car par loy de nature sembleroit que ouy/ comme il soit
vray que toute chose tente a destruire son contraire.

Chier amy je te respons que quoy mesme la loy civile die que celuy qui
est prins en bataille est cerf et esclave de celluy qui le prent ne
doibt pas estre occis/ car le decret afferme que depuis que ung homme
est en prison misericorde lui est deue/ dont se deue lui est misericorde
comment pourroit il estre occis sans ce que tort luy fust fait Et encore
te diray plus fort.

Ung autre decret dit puis que ung homme a vaincu ung autre/ il est tenu
de luy pardonner le mesfait et par especial de luy rendre la vie/ si te
dy bien que c’est contre tout droit et toute gentillesse de occir celuy
qui se rend/ & te dy que les parens en pourroient poursuivir comme de
tort fait/ s’il n’estoit ainsi que le prince l’ostast des mains de
celluy qui l’auroit prins & que par bonne et juste cause s’il l’avoit
bien desservy et que conseil eust que grant mal pourroit venir a luy et
a sa terre de le laisser aller/ le fist mourir en autre usage seroit
chose tresmerveilleuse et moult inhumaine et trop grant cruaulté.

Et se tu me dis que les anciens avoient loy que s’il leur plaisoit de
faire mourir leurs prisonniers ou les vendre a autres/ ou leur faire
faire leur labour.

Je te respons que entre cristiens desquelz la loy est du tout fondee sur
misericorde et pité ne loist pas user de tel tirannye. Car selon nostre
loy ce sont choses excommuniees et reprouvees.

Or te forme autre question c’est assavoir a qui le prisonnier doibt
estre ou au seigneur ou a celluy qui l’a prins/ car il m’est advis que
cy devant as bien dit que une loy tesmoingne que le prisonnier est a la
voulenté de cellui qui le prent/ & puis que a sa voulenté est dont
sembleroit il qu’il fust sien.

Bel amy il semble que tu ayes oublyé ce que par cy devant t’ay dit. Si
te dis derechief que quoy que voirement soient de divers maistres
plusieurs oppinions pro et contra en ce cas Neantmoins est conclud que
toutes proyes prinses si que ja pieça t’ay dit doibvent estre en la
voulenté du prince/ auquel il appartient les distribuer selon
discretion.

Bien t’entans maistre. Or me dy puys que ainsy est que nous cristiens
avons laissé les loix anciennes de mettre en servitude ou occir les
prisonniers. Je te demande se justement on peut demander finance d’or
d’argent ou autre meuble selon ce que on use en fait de guerre
communement/ car se bien m’en souvient tu as cy devant dit que au
prisonnier est deue misericorde/ & on luy fait doncques tort de luy
faire paier raençon comme on ne luy face nulle misericorde.

Je te respons derechief que voirement lui est deue misericorde en deux
manieres/ c’est assavoir que la vie luy doibt estre respitee Et plusfort
te dy que le maistre est tenu par droit et obligé de faire ayde et
deffendre a son prisonnier contre ung autre qui le vouldroit offencer.

Item avec ce luy est deue misericorde en telle maniere que s’il estoit
possible que ung homme d’armes eust tout son vaillant sur soy a l’eure
que il est prins tout peut estre au maistre s’il ne luy fait aucune
misericorde/ mais de droit escrit il luy doibt faire tellement que en
prenant raençon de luy laquelle chose est previse en droit d’armes par
especial une nation contre une autre nation quant ilz se combatent
sicomme une nation de françoys & l’autre nation d’angloys. Et doibt
estre regardé par raison que la raençon ne soit si cruelle que l’omme en
soit desert/ femme et enfans mis en povreté/ car autrement ce seroit
tirannie et contre tout droit d’armes/ car il n’appartient pas que le
gentil homme soit mendiant apres sa raençon Ains luy doibt demourer de
quoy vivre et son estat tenir Bien fait a priser l’usance d’italie
esquelles guerres quant l’omme d’armes est prins ne pert de commun usage
que son cheval & harnois/ sy ne luy fault vendre sa terre ne soy
desherter pour sa raençon paier. Si peus veoir en quelle maniere raençon
convenable est juste selon le droit d’armes/ laquelle est permise/ mais
de mettre l’omme en mauvaise prison et le contraindre par tourmens a
paier plus qu’il ne peult est erreur inhumaine et fait de mauvais tirant
crestien pire que juif. Et si sachez de vray que ce qu’il en a par celle
voye est tresmauvaisement acquis et est tenu de le rendre ou c’est a sa
damnation si s’en garde ung chascun.




Cy devise se c’est chose de droit de prendre sur terre d’ennemis les
simples laboureurs qui ne se meslent de la guerre. xxii.e chapitre.


Maistre je te demande quant ung roy ou prince a guerre a ung autre
quelle qu’elle soit/ juste ou non/ s’il peut de droit courir la terre de
son ennemy et prendre se il peut a prisonniers toutes manieres de gens/
c’est assavoir ceulz du menu peuple gens de labeur et telz gens/ il
sembleroit que non Car pour quelle raison doivent ilz porter la
penitance de ce qu’ilz ne se meslent comme ilz ne sachent mestier
d’armes et ne soit leur office/ ne que a juger guerre ne soient appellez
et que par eulz ne vient Ains leur en desplaist/ sicomme a ceulz qui
tousjours vouldroient vivre en paix ne plus ne demandent si en doibvent
estre francs sicomme il me semble ainsy que par droit font religieux
prestres & toutes gens d’esglise. pource que leur estat n’est pas d’eulz
entremettre aucunement de fait de guerre Et avec ce quel honneur peut ce
estre ne quel pris d’armes de occir ceulz qui oncques harnois ne
porterent ne ne s’en sauroient nullement aider ne les povres
pastoureaulx & innocens qui ne font nulle autre office que garder les
bestes.

Amy ad ce je te respons supposant en telle maniere/ posons que le peuple
d’engleterre ne voulzist faire aucune ayde a leur roy pour grever au roy
de france/ & les françoys allassent sur eulx sans faulte par droit et
selon loy ne deveroient en riens meffaire ne a corps ne es biens du
peuple ne de ceulx qu’ilz savoient qui en riens ne seroient en aide tant
de chevance comme de conseil a leur roy.

S’il est ainsy que les subgectz d’icelluy roy ou d’autre en cas pareil
soient ilz riches ou povres donnent aide confort et faveur de maintenir
la guerre/ les françoys selon droit d’armes pevent courir le païs et
prendre tout ce qu’ilz trouveront/ c’est assavoir prisonniers de tous
estas mondains & toutes choses sans ce que par droit y soient tenuz de
les rendre/ car je te dis que par droit determiné tel est droit de
guerre/ que se une guerre est jugee par les conseulz des deux roys les
gens d’armes pevent gaigner l’un sur l’autre/ & se aucunesfois les
povres et simples/ posons qu’ilz ne s’arment le comperent ne peut estre
autrement/ car les mauvaises herbes ne se pevent esracher des bonnes
quant pres sont l’une de l’autre que les bonnes ne s’en sentent/ mais
vray est a droit regarder que les vaillans hommes d’armes se doivent le
plus qu’ilz pevent garder de destruire hommes povres ne souffrir que
leurs gens les tirannisent car autrement ilz seroient sarrazins et non
pas cristiens. Et se j’ay dit que misericorde soit deue aux ungs saiges
que moins ne l’est pas aux autres/ sy doivent grever ceulx qui mainnent
la guerre & de leur puissance espargner les simples et paisibles.




Cy devise se ung estudiant anglois estoit aux escolles a paris trouvé/
ou semblablement d’autre terre aux françoys ennemie s’il pourroit estre
prins a raençon. xxiii. c.


Mais puis qu’en matiere de prisonniers en fait de guerre sommes entrés
je vueil que toy mesmes juges selon ton advis de tel debat et par tel
exemple le te proposeray. On scet assez car c’est chose notoire comment
le roy de france et celluy d’angleterre ont communement guerre entre
eulz. Je prens que ung estudiant licencié de la cité de lomdres soit
venu a paris a l’estude pour estre gradué en la science de decret ou de
theologie. Advient que ung françoys homme d’armes entent qu’il est
anglois & a prisonnier le prent A laquelle chose l’autre forment
s’oppose & tant que devant justice vient la question. Auquel debat
l’engloys qui en droit fonde ses raisons/ dit qu’il a cas expres de la
loy qui fait pour soy pour cause des grans previleges d’eulx aux
escoliers et deffent que on ne leur face nul mal ne nul desplaisir/ mais
honneur et reverence/ & vecy dist il la raison que la loy y assigne qui
seroit celluy dist la loy qui n’auroit escoliers pour recommandez/
lesquelz pour savoir et science acquerir ont delaissé richesses delitz
et toutes aises de corps/ leurs amis charnelz & leur pays ont prins
estat de povreté/ & ainsy que banis de tous biens ont relenqui le monde
et tous autres plaisirs pour l’amour de science/ si seroit bien plain de
toute descongnoissance qui mal ne encombrier leur feroit.

A ces raisons l’omme d’armes replicque ainsy. frere je te dy que entre
nous françoys ne faisons force des loix de l’empereur Auquel nous ne
suymes pas subgectz/ si n’y a que veoir/ l’escolier respond. loix ne
sont autre chose que droictes raisons ordonnees selon sagesse/ & se cure
n’en avez ja pource ne demeure que le roy de france et les bons
seigneurs ne usent de raison et de choses raisonnables/ & de ce que eulx
mesmes ont ordonné/ car charlemaine termina l’estude generalle a paris
par la voulenté du pape/ laquelle estude se tenoit pour lors a romme/ et
y donnerent grans et notables previleges/ & pource envoya le roy de
toutes pars querir escoliers & maistres de tous langaiges & les comprint
esditz previleges & pourquoy doncques ne pourroient ilz de tous pays
venir quant du roy ont licence/ comme tous roys jurent a leur advenement
tenir lesditz previleges. A dist l’omme d’armes supposé ce que vous
dictes vous devez savoir que puis que guerre fut entre nostre roy et le
vostre nul angloys ne doibt en france venir pour telle occasion ne
quelconque autre sans avoir bon saufconduit/ et bonne y est la raison/
car vous pourriés soubz l’ombre de l’estude escripre et faire savoir
nostre estat en vostre terre/ & pourriez faire des secretz maulx se vous
voulliés/ sy n’est raison que au roy ne a sa terre doive tourner a
prejudice nul previlege. Ces raisons ouyes amy dy moy ce qu’il t’en
semble.

Sans faulte maistre puys qu’il te plaist que mon petit advis en ceste
partie serve. Je te dis puys que ainsy est et sans fraude que icelluy
que tu dictz soit vray escolier/ c’est assavoir que fainctement ne fust
venu/ a occasion d’estude par faulse couleur pour espier ou autre mal
faire je tiens sa cause a bonne & que prisonnier estre ne debveroit
reserve se ainsy n’estoit que le roy eust fait mandement especial que
angloys quelconque ne venist estudier en son royaume et que suffisamment
fust publié si que de tous peust estre sceu. Tu as moult bien jugé et
sagement distincté/ car mesmement se l’eves[c]hié de paris vacquoit ou
l’archeveschié de rouen de sens et d’autres vacquoient & ung angloys y
avoit esté esleu/ le roy y pourroit par droit contredire/ La raison est
qu’il n’est pas expedient au roy ne au royaume y avoir ses ennemys/ mais
encore me respons a ce.

Suppose que l’estudiant ne doive estre emprisonné que me diras tu de ses
serviteurs s’il en a amené deux ou troys ou plus d’angleterre/ car le
previlege que les escoliers ont ne fust pas donné aux serviteurs. En
bonne foy maistre soubz ta correction nonobstant celle raison il m’est
avis & me semble que soubz le previlege du maistre lequel soit vray
escolier si que dit est doibvent estre comprins ses serviteurs & toute
sa famille/ mais a toy maistre vueil demander une chose dont on pourroit
faire doubte.

Je suppose que ledit estudiant fut agrevé de maladie le pourroit par
droit son pere venir veoir & visiter.

Ad ce je te respons que selon droit escript mais que cautement et
falacieusement n’y venist y pourroit et deveroit seurement venir. La
raison est pource que trop plusgrant est le droit de nature que celluy
de guerre Aussy est tant previlegié amour de pere et de mere a enfant
que nul droit d’armes ne pourroit celluy surmonter. Et encore plus fort
je dy mesmement que se le pere alloit veoir et visiter son enfant estant
en estude tout sain/ voire en estude generalle et previlegié ou que ce
fust autant autrepart que a paris pour luy porter livres ou argent qu’il
ne doit estre a celle occasion prins arresté ne emprisonné de
quelconques contrees amyes ou ennemyes que fussent/ & ceste sentence est
determinee en droit escript si que je le dis. Et semblablement ne doibt
estre le frere parent ne serviteur qui argent ou livres luy apporteroit/
voire je presuppose les causes dessusdictes reservees/ et tout ce est
par la vertu des previleges que ont estudians en toutes estudes
generalles.




Cy devise se ung grant seigneur d’angleterre capitaine de guerre posé
qu’il fust trouvé seul en une forest/ auquel lieu il tout hors du sens
s’en fust fuy/ se on le pourroit prendre et mettre en prison et raençon
luy estant hors du cens. xxiiii. chapitre.


Autre question te fais doulz maistre je supose que ung duc ou conte se
parte d’angleterre viengne en france avec ses gens pour guerroier le
roy. Advient qu’il pert le sens et enragé devient si que tout fol et
forsenné s’en va fuyant par boys et par hayes/ la ou il est trouvé de
nos françois qui bien l’ont congneu Je demande se prison doit tenir/ car
sembleroit que ouy veu la faulce intention qui le menoit estoit pour
grever et guerroier le roy et le royaume.

Ad ce je te respons que nous trouvons en droit escrit que ung homme
forsené durant celle fureur ne peut estre reputé pour ennemy/ car il n’a
arbitre de franche voulenté ou raison puisse ouvrer/ par quoy s’il
occioit adonc cent hommes ne seroit pugny par justice ne reputé homicide
si ne se peut tel homme rendre ne bailler foy de raençon paier/ comment
donc sera prisonnier l’omme malade/ de laquelle maladie tout noble homme
se deveroit pener de luy administrer santé de cens & advis/ quelle
vaillance seroit Si te dis qu’il ne peut ou doit par droit tenir prison
ne raençon paier/ ains doibt estre tenu et rendu aux amys/ et plus fort
je te dis que posons que en la prison guerit si ne deveroit il estre
retenu ne contraint a paier la cause est telle.

Quant il fut prins il n’avoit sens ne povoir de soy deffendre de
laquelle chose a droit juger d’armes nul ne doibt estre prins s’il
mesmes ne se rent de signe ou de parolle/ mais comment le feist/ car en
religion ne peut entrer tel homme ne faire testament lesquelles choses
requierent franche voulenté/ & mesmement ne pourroit recevoir batesme se
batisé n’estoit/ lequel on ne donne a homme se de franche voulenté ne le
requiert puys qu’il est en aage. Et pource n’y a nulle cause selon droit
de le retenir.

Comment maistre tu me dis merveilles se je tenoie ung mien ennemy mortel
en ma baillee/ qui peut estre luy de moy partis me occiroit ou durement
greveroit s’il povoit/ a tout le moins bien sçay que a son povoir s’en
efforceroit et que bonne voulenté en auroit seroit ce donc sens a moy
l’en laisser aller ainsy franchement.

Bel amy ad ce je te respons que cest homme dont je dy posons qu’il soit
ton ennemy au cas dessusdit tu ne pensases a le retenir si non pour en
avoir deniers par raençon & quant les deniers en seroient paiés/
lesquelz sans raison auroies receuz de quoy seroies tu plus asseuré de
luy que devant Certes de riens/ & ce ne requiert pas droit d’armes que
on face tort l’une partie a l’autre/ ains doibvent tous nobles hommes y
garder le droit a autruy/ s’ilz osoient demander et requerir que on leur
gardast. Si te dis derechief que le mieulx que en ung tel homme on
pourroit faire/ ce seroit que on feist tant qu’il promist de jamais soy
armer contre le roy de france/ & au cas que ad ce mener on ne le
pourroit ou que l’omme d’armes ville ou pays qui le tiendroit auroient
paour d’estre reprins de l’en laisser aller pour la cause de sa
puissance/ que encore pourroit grever le royaume/ le plus seur seroit
pour en tous cas eulx en descharger qu’ilz le rendissent au prince/
lequel par l’advis de son bon conseil en fera ce que bon en seroit a
faire. Et toutesfoys affin que bien l’entendés ce que je dis du
françoys/ a l’angloys. J’entens semblablement de l’anglois au françoys/
et en cas pareil de tous autres.




Cy devise que s’il advenoit que sur les frontieres fust prins aucun
homme anglois bourgois qui oncques en sa vie de la guerre ne se mesla/
se par droit tel homme doibt paier raençon/ et semblablement de ung
petit enfant/ et aussy de ung aveugle. xxv.e c.


Je te demande ung autre cas. Je prens que ung chevalier françoys soit en
armes vers les frontieres de calays ou de bordeaux Advient d’aventure
que ung bourgoys de la ville tresancien soit venu pour oyr messe ou pour
quelque autre affaire sur la terre françoise ou tantost ledit chevalier
le rencontre et le prent de fait/ & dit que son prisonnier sera/ mais
l’autre respond que ce n’est droit/ car es guerres du roy d’angleterre
oncques ne s’arma pour grever le roy de france ne conseil n’y donna/
ains a tousjours esté dolent et couroucé de la guerre/ lequel de son
povoir a tousjours desconseillé/ & se luy prouvera il pour verité/ &
avecques ce te dist il/ te dy comme homme ancien comme je suys qui n’est
taillé de porter armes ne doit selon droit tenir prison/ si ne devez
prendre/ les biens ne les personnes de ceulx qui de la guerre ne se
meslent/ si non qu’ilz donnassent aide et faveur a faire et maintenir la
guerre contre le roy de france/ de leur franche et bonne voulenté/ Car
par force ne par amour n’ay je riens fait/ & tout ce pourroye bien
prouver/ si te demande maistre se par droit l’omme d’armes le peut tenir
prisonnier.

Je te dis comme dessus que non/ au cas que la verité de ladicte
excusation fust suffisamment prouvee/ mais s’il estoit ainsy qu’il eust
donné ou donnast conseil pertinent a la guerre en quelque usage/ sicomme
assez de anciens hommes qui plus y font par leur conseil que plusieurs
autres jeunes par leurs armes et toutes leur force je diroye autrement.

Or me dis doncques se ung françoys avoit prins le petit enfant de ung
angloys en pourroit il aussy par droit demander raençon/ car il
sembleroit que si veu que celluy qui peut bien faire la plus grant chose
peut bien faire la moindre. sicomme quoy il pourroit bien emprisonner le
pere se le cas y escheoit/ pourquoy doncques ne pourroit aussy estre le
filz emprisonné.

Item et plus fort/ car il pourroit bien prendre les biens du pere/ si
doibt estre le filz comprins esditz biens. Je te dis semblablement que
par droit ne peut ne doit estre emprisonné le petit enfant/ car raison
ne veut que innocence soit grevee. Il est assez notoire que innocent et
non coupable est l’enfant de toute guerre et toutes choses/ si ne doibt
porter la peine de ce dont il n’a coulpe de conseil ne de biens ne en
riens n’a aydé/ car nulle ayde n’a voué.

Maistre suppose que ledit enfant fust demouré riche sans pere ne mere
deveroit il doncques paier/ car peut estre que ses tuteurs paient ayde
de ses biens pour aider a maintenir la guerre encore te dy je que non/
car quoy que ses tuteurs en paiassent ce ne seroit point de la voulenté
de l’enfant qui encore n’auroit aage de discretion.

Sans faulte maistre doncques n’est pas au jourd’uy ceste loy bien
gardee. Bel amy je le te confesse & que plus n’y sont gardés les droitz
anciens que tenoient les vaillans combateurs/ si abusent de droit
d’armes ceulx qui au temps present les excercent par la grant couvoitise
qui les surmonte/ si leur doibt tourner a tresmerveilleuse honte et
deshonneur d’emprisonner femmes ne enfans gens impotens ne vieillars. Et
ceste coustume que ont mise sus par especial les angloys leur doibt
estre reputee a grant reproche sicomme ilz l’ont maintenue au royaume de
france/ la guerre durant/ tant que fortune leur a esté propice ou ilz ne
depportoient dames ne damoiselles grandes moyennes ne petites quant la
fortune leur estoit/ avecques a prendre forteresses que tout ne fust mis
a raençon tous ceulx qui trouvés y estoient/ que grant honte leur est de
prendre ce que revenger ne se peut et leur deust bien avoir suffis la
saizine de la forteresse & que les dames quittes s’en allassent/ mais ce
qu’il leur en est au derrenier prins peut assez et doibt estre exemple
aux autres guerroieurs de autrement faire/ car dieu mercy il n’ont plus
de puissance de planté y emprisonner/ car soiés certain que avoir mal
acquis ne peut estre longuement possessé de la partie qui l’acquiert ou
de ses hoirs.

Item nous fault veoir de ung adveugle s’il est prins de ung homme
d’armes/ doibt il tenir prison. Je te dy que se ung aveugle vouloit par
folie et oultrecuidance estre homme d’armes que s’il est prins il est
digne de pis avoir que ung autre Et se puis je bien prouver par la
sainte escripture ou elle parle comment Cayn occist son frere Abel. Et
puis comment ung aveugle qui s’appelloit Lameth print ung arc et alloit
bersant par bois et par hayes les bestes sauvaiges sy ferit d’aventure
cayn et l’occist/ Dont dieu dist que le peché cayn seroit pugny sept
foys/ mais le pechié de lameth le seroit lxxvi. fois Par ce appert que
soy mettre en office auquel on ne soit suffisant est souveraine follie/
mais se ung aveugle estoit prins qui de la guerre ne se meslast pitié
luy est deue/ & s’il estoit tel qu’il eust aucunefoys veu/ & eust esté
homme d’armes & maintenant qu’il ne voit plus donnast conseil aux
angloys de faire bataille ou d’essillier aucunement par aucunes
cautelles d’armes le pays tel aveugle par juste raison peut bien estre
mys a raençon.




Cy devise se le cas advenoit que aucuns ambassadeurs venissent vers le
roy de france et en passant parmy bordeaux eussent prins aucuns fardages
chevaux et charroy a loyer des anglois s’on pourroit icelles choses
pardeça arrester et prendre/ et se ung homme d’eglise anglois pourroit
en france estre mis a raençon. xxvi. chapitre.


Maistre autre question te vueil mettre en terme. Je prens que le roy
d’escoce envoye ses ambassadeurs en france/ lesquelz s’en viennent
descendre et prendre port a bordeaux ou a bayonne/ la ou ilz louent ou
par adventure empruntent chevalx muletz chariotz charectes et aultres
choses dont ilz avoient besoing/ & a tout ce vont a paris. Advient que
en leur chemin encontrent ung capitaine de gens d’armes/ ou aucun
saudoier françoys lequel comme il soit bien informé que lesditz chevaulz
charroy et mulez soient des anglois et non pas ausditz ambassadeurs les
arreste et dit que comme icelles choses aux ennemys du roy demourront
siennes/ car par droit d’armes retenir les peut et siennes sont
acquises/ or me dy maistre se par droit demourer luy doivent.

Je te dy que de droit escrit les ambassadeurs ont par tout previlege de
aller seurement eulx et leurs choses Et puys que au roy vont/ n’ont nulz
hommes d’armes aucun previlege de les empescher/ & que plusfort est tant
est grant le previlege que a ambassadeurs appartient que s’ilz estoient
obligés a aucuns marchans de france contraindre ne les pourroient
d’estre payés durant leur ambassade/ car droit ne seuffre convenir ne
contraindre ambassadeurs de prince se ce n’est de chose que prins
auroient en chemin Et mesmement veu que besoing leur estoit de prendre
chevaulx chariotz ou charettes pour eulx ou pour tous leurs fardages
porter/ si que maladie ou aultre essoine pourroit en chemin venir/ ou
peut estre pour porter certains presens au roy/ doibvent eulx & leurs
choses avoir sauf aller et sauf venir/ mais il peut bien estre que
aucune couleur du debat y pourroit avoir en cas que sans juste necessité
auroient mené avecques eulx aucuns angloys & que des bagues d’iceulx
chevaulx ou autres choses eust en la compaignie/ car de quelle auctorité
pourroient ilz mener en france les ennemys du royaume/ si ne seroit sans
cause debatu.

Pour plus savoir encore te requiers maistre que me dies se les françoys
par droit pourroient emprisonner ung anglois homme d’eglise/ ou aussy
bien les anglois les françoys lequel seroit evesque abbé ou prebstre
religieux.

Bel amy parce que ja plusieurs foys as conclud peut estre ta demande
solue/ c’est assavoir que nous disons que selon droit escrit l’office de
clergé est separee de toute guerre Car le service de dieu auquel ilz
sont ou doibvent estre les faitz inhabilles & rudes de porter armes ne
quelconques harnois de bataille temporelle ne leur appartient/ car il ne
leur affiert office fors d’assouldre les pechés & ramener a droite voye
les desvoyez & administrer les sacremens/ ne mesmes pour eulx deffendre
selon le decret ne leur loist fors benignité et doulceur. Si seroit
doncques bien merveilleuse chose et dure que ilz portassent penitance de
ce dont ilz sont ou doibvent estre innocens.

Car se tu me vouloyes dire voire ilz aydent de leurs rentes & de leurs
revenues au roy d’angleterre a maintenir la guerre & mesmement de leur
conseil. Je respons que ce ne doibvent ilz pas faire/ car ilz n’y sont
pas tenuz comme il n’appartient a homme d’eglise donner conseil de
guerre Ains est leur office de tousjours mettre paix entre les
cristiens:

S’il advenoit que par violence leur roy feist prendre leurs biens par
force pour alouer en ses guerres. Je te dis que de ce ne pevent mais/ sy
ne seroient pourtant tenuz d’estre prins ne de paier raençon ne estre
prins ne retenuz comme ennemys de nulle partie/ mais aultrement est.
S’il advient que aucun prebstre voise en guerre ou se ingere de ce
aucunement/ s’il estoit prins sans faulte il ne deveroit estre espargné/
que toute rigueur de rudesse ne luy fust faite/ fust prelat ou autre en
fait de paier raençon et diroie que tel homme fust mené au pape qui bien
le pugnist/ mais autrement d’emprisonner les hommes d’eglise est chose
descouvenable.




Cy devise se ung gentil homme prisonnier de guerre doibt mieulz aimer a
mourir que faulser son serment. xxvii.e chapitre.


Or te vueil faire aucunes demandes qui en cas de prisonniers de guerre
assés des precedens deppendent. Je prens que ung chevalier a prins en
guerre son ennemy et en ung chastel ou aultre prison l’a mis. Je te
demande se ledit prisonnier voit son lieu de s’en aller par cautelle ou
subtilité s’il le peut faire justement selon droit de guerre/ car je
fays doubte que non pour plusieurs raisons La premiere car il luy a
baillé sa foy si n’en peut partir sans soy parjurer. La seconde que
droit ne veult que on face a autruy ce que on ne vouldroit que on luy
feist/ & icelluy prisonnier ne vouldroit pas que son prisonnier ainsy
luy feist si trespasse ceste loy en ce faisant. La tierce qu’il est
ainsy que son serf & en son mercy jusques a tant que quitte soit de sa
raençon/ si me semble qu’il se meffait en tant qu’il mesmes luy oste/
sicomme le sien/ par propre qui est chose qui faire ne se peult sans
mesprendre.

Or bel amy ad ce te respondray pour l’autre partie et bien y a/ a
regarder/ Car il convient determiner selon les circonstances. Je te dy
que on peut dire pour l’autre qu’il n’a riens mesprins/ car il l’a fait
selon la loy de nature/ laquelle veut que toute personne soit en
liberté.

Item quant il donna sa foy ce fut par force et par merveilleuse
contraincte qui lui fist faire/ & promesse faicte par force la loy ne
contraint pas a le tenir/ & autres raisons y pourroit dire/ mais au fort
quant a droit d’armes/ lequel est permis par toute loy tout ce y fait
petit/ car au droit aller Je te ditz que quant ung homme est prins &
qu’il donne sa foy de tenir prison. Sans faulte il ne peut sans foy
meffaire vers dieu & vers le monde/ s’en partir sans l’accord de son
maistre voire aucuns cas reservez et que bien l’entendez/ c’est assavoir
que ledit maistre ne luy face autre mal ne grief sinon le tenir en
prison convenable ainsi que le droit l’a limitté/ mais je t’accorde bien
que s’il estoit tenu si destroit & sy mal mené que en peril en fust de
sa vie et que on luy fist chose cruelle et inhumaine. Je te afferme que
se voye trouvoit de s’en aller Il feroit tresgrant sens Ne en riens ne
deveroit estre reputé meffait Ou que le maistre ne voulsist prendre deue
finance selon son povoir/ & il luy auroit offerte plusieurs foys et prié
qu’il la voulsist prendre.

Item et au cas que ledit maistre fust tant cruel que acoustumé eust de
faire mourir ou tourmenter ou languir en prison ses prisonniers et
telles rudesses qui sont contre loy de gentillesse/ celluy qui de tel
homme est tenu n’est pas contraint de luy tenir foy se par quelque voye
peut eschapper/ car celle foy bailler est a entendre que ainsy que le
maistre est sire du prisonnier par vertu de droit d’armes/ que aussy il
le doibt tracter humainement si que ledit droit le donne et non pas le
tenir comme beste ou pis que sarrazin ou juif/ lesquelz mesmement ne
loist traicter si durement que on leur donne cause de desespoir. Et
pource te dis que celluy qui premier brise a autruy et trespasse le
droit dessert aussy que pareillement luy soit fait.

Voire maistre s’il advient que ung gentil homme prenne ung aultre en
bonne guerre/ et nonobstant que le prisonnier ait juré au maistre de
tenir prison ledit maistre le tiengne en bonne tour ou en forte prison
encloz. Je te demande se tel homme voit son point s’en peut aller sans
mesprendre/ car aucuns pourroient pencer que si/ veu que le maistre ne
se fie pas au serment ne en la foy du prisonnier/ & puys que ainsi est
qu’il ne s’i fie quelle foy doncques luy peul[t] il rompre ne briser/
car il ne se attent pas nullement au premier lier/ mais ainçoys luy
baille autre plus fort/ & ou mieulx s’attend. Pource comme il sembleroit
ne brise pas le prisonnier sa foy. veu que son maistre la repute pour
nulle.

Je te respons derechief que le droit a distincte des choses d’armes/ se
le gentil homme jure a tenir prison s’il est ainsy que son maistre luy
donne a menger et a boire suffisamment et logis non trop destroit/ &
vueil traicter de deue finance quant temps sera/ & que pour la prison
qu’il luy donne ne puisse prendre mort ne declinement de son corps & de
sa santé/ se tel prisonnier s’en va nonobstant que maistre le tiengne en
bonne garde qu’il brise son serment & fait contre droit de guerre & de
son deshonneur car s’il est gentil homme il doibt faire ce qu’il
appartient/ c’est assavoir tenir son serment a son maistre/ lequel l’eut
occis a l’eure qu’il le print s’il eust voulu/ et posons qu’il le
tiengne enclos il ne luy fait nul tort/ car il promist tenir prison bien
& loyaument sans la briser/ si ne se peut excuser tel fuitif qui n’ait
fait mal Car puys qu’il se mist en peril de la bataille C’est assavoir
d’estre mort ou prins Il debvoit savoir que prison n’est pas lieu
d’esbatement ne de feste si doibt doncques puys qu’il est encheu au
peril porter bien doulcement et patiamment la penitance en esperance de
une autrefoys escheoir a meilleur fortune.




Cy devise se ung gentil homme prisonnier de guerre doit mieulx aimer a
mourir que briser son serment. xxviii.e chapitre.


Je supose maistre que ung chevalier ou homme d’armes soit en la prison
d’un autre ou de ung seigneur ou de une ville mais sy grant rigueur luy
soit faicte que on luy afferme que ce dedens certain temps n’a fait sa
finance Il sera occis/ pour quoy il quiert pour dieu et en pitié que
l’en le laisse aller en son pays faire finance et que sans faulte
retournera a tout dedens le jour promis. A bref dire on le laisse aller
sur son serment fait sur les sainctes evangiles. Par lequel serment il
jeure que pour encourir la mort ne fauldra qu’il ne retourne dedens le
jour promis. Or advient que impossible luy est de finer sa raençon si
est assavoir s’il doibt retourner pour soy retourner mettre a la mort/
laquelle par ses adversaires luy est promise/ car mesmement il est
escript es hystoires de romme/ que ainsy le firent jadiz les nobles
conquereurs rommains/ qui ains s’exposoient a la mort que enfraindre le
jurement de prison. Et ce iceulx qui paiens et mescreans estoient
juroient leurs faulx dieux/ ilz le tenoient toutesvoyes mieulx le
doivent tenir les christiens quant ilz jurent sur la saincte foy
catholicque.

Bel amy tu dis bien. et encore plus de raisons y pourras a ton propos
alleguer/ mais a la verité du fait en y a trop/ qui pourroient excuser
l’omme en tel cas/ quoy que aucuns docteurs veullent maintenir que
mieulx deveroit l’omme vouloir mourir que parjurer le nom de dieu
Laquelle chose est vraye en aucun cas/ mais quant a cestuy qui est chose
violente et fait ainsy que par force pour sauver sa vie/ n’est pas
determiné qu’il vaulsist mieulx a mourir/ & qu’il n’y soit tenu te diray
les raisons. Je te dy que selon droit escript/ serment contre bien et
utilité et mesmement contre bonnes meurs ne fait pas a tenir/ et quoy
que mal soit de soy parjurer est encore trop pis fait de tel serment
tenir si doibt estre esleu de deux maulx celluy qui est le moindre
criminel. sicomme ung homme aura juré sur les sainctes evangilles ou sur
le corps jesucrist sacré/ qu’il occira ung homme ou fera quelque grant
malfait/ si n’est pas doubte que pis seroit d’occir ung homme ou bouter
feu en une maison/ ou aultre grant mal que de soy parjurer/ quoy que
pesché mortel feist des qu’il jura/ car choses desraisonnables a faire
ne se doibvent pas jurer.

Or est il ainsy et nul ne doibt le contraire pencer que nul homme n’est
maistre de son corps mettre en prison pour occir ne ses membres trencher
ne qu’il seroit de ung autre Et il appert qu’il n’en soit en luy Car
s’il se occioit luy mesmes/ justice pugniroit le corps honteusement au
gibet/ aussy s’il trenchoit ses membres ainsy seroit il pugni par
justice que se a ung autre l’avoit fait.

Pource derechief te dis qu’il n’est pas en luy ne en son povoir de soy
obliger par celle voye ne point le lie le serment ains est nul. Et plus
te dy nous disons de droit escrit/ que se ung homme peut ung autre
garder & preserver de mort/ et il ne l’en garde a son povoir qu’il
l’occist doncques ne mesprent pas s’il garde a soy mesmes le droit que a
nature est tenu a garder/ c’est assavoir s’il eschieve la mort/ & cecy
est quant a excuser l’extremité de la chose et supplier ce qu’il n’a peu
admender de la raençon paier/ mais pourtant ne te dis je pas qu’il ne
soit tenu de faire finance tout le plus tost qu’il pourra et y mettre
toute peine de soy en acquiter.


Cy fine la tierce partie de ce livre. Et commence la quarte et derniere
partie laquelle parle de droit d’armes en fait de saufconduit/ de treve/
de marque et de champ de bataille.




[Illustration]




Au premier chapitre demande le disciple au maistre se ung seigneur
envoye saufconduit a ung aultre son ennemy chevalier baron ou qui qu’il
soit/ et que audit saufconduit ne ait si non contenu de sauf venir/ s’il
peut bien par celle cautelle l’arrester selon droit au partir. Premier
cha.


Au commencement de ceste quarte partie treschier maistre vueillez
saillir en ung autre different propos de guerre/ combien qu’il soit tout
dependant du fait dessusdit c’est assavoir en une maniere d’asseurement
qui se donne aux allans et venans entre les parties par lettres qu’on
dit saufconduit. De laquelle chose premierement te vueil faire demande.

Je suppose que ung baron ait guerre a ung chevalier de laquelle guerre
les amys d’une part et d’autre se mettent merveilleusement en tresgrant
peine de y trouver paix par quoy ledit baron envoye saufconduit au
chevalier de venir vers soy et luy demande que sur icelluy viengne
sceurement. Le chevalier s’i fie et y vient/ mais quant ensemble ont
parlé et que partir s’en veult le baron le fait arrester et dit que son
prisonnier est Car dist il vous estes de guerre contre moy ce scet
chascun/ si vous puis prendre a mon advantaige se je vous y treuve.
L’autre respont qu’il ne peut par la vertu de son mesmes saufconduit/ Le
baron replicque en disant. mon saufconduit que baillé vous avoye parloit
de sauf venir/ mais du partir neant pource ne luy fay nul tort s’il le
retient. Si te demande se le baron a bonne cause. Et sembleroit que ouy
veu & consideré qu’il suffist entre ennemys tenir le contenu des
lettres. Et puys que sy fol a esté le chevalier qu’il n’a sagement
entendu s’il en porte la penitance/ ce n’est pas mal employé/ car il
loist en fait de guerre si que toy mesmes l’a cy dessus tesmoingné en
usant de cautelles pour decepvoir l’un l’autre/ si s’en garde qui
pourra.

Je te respons bel amy que tu t’abuses en cest endroit/ car s’il estoit
ainsy que tu dis trop d’inconveniens s’en pourroient ensuyvir. Et pource
y a la loy pourveu/ qui deffent expressement que nul ne deçoive par
parolles cauteleuses/ car cuideroies tu doncques que ung homme fust ouy
en jugement pour dire j’ay vendu cent livres de terre pesant et
semblablement d’autres telles choses te dis bien qu’elles ne seroient
pas reputees en jugement fors trufferies/ & l’omme trompeur qui user en
vouldroit en seroit pugni. Et pour ce a nostre propos l’omme ne se doit
fier en telle lettre se elle n’est bien expresse de sauf venir/ sauf
demourer et sauf en retourner et les autres circunstances/ et ne veult
la loy que le malice du frauduleux deceveur prengne si estroictement la
simplesse de l’omme qui y va de bonne foy. Si doibt estre entendu que le
saufconduit est selon l’intention de celluy auquel on le donne/ par
lequel se tient asseuré/ de sauf aller sauf demourer et sauf retourner/
ou autrement se ne seroit pas saufconduit Ains seroit une traïson
couverte qui trop seroit a blasmer/ et telle en est la verité.
Neantmoins peut estre que aucuns de fait sans nul droit ne sans quelcune
raison en aient usé qui a leur tresgrant deshonneur et villennie
debveroit tourner/ mais chascun n’a pas povoir de faire tout le mal
qu’il feroit voulentiers.




Cy devise se ung chevalier ou autre gentil homme avoit saufconduit luy
x.e S’il pourroit par droit mener avec lui ung seigneur au lieu de l’ung
des x. sur la terre des ennemis et se ung capitaine de petite quantité
de gens d’armes peut donner saufconduit a plusgrant et plus puissant que
soy. ii.e chapitre.


Puys que entrez sommez en matiere de saufconduit/ respons moy d’une
question. ung chevallier angloiz a saufconduit du roy de france pour luy
x.e a cheval venir en france/ pour cause d’aucun affaire/ advient que
ung grant baron ou seigneur d’angleterre luy prie qu’il soit l’un des x.
compaignons. car grant voulenté a de veoir france et soy y venir
esbatre. laquelle chose ledit chevalier octroie/ & avec luy s’en vient.
dont il advient que quant ilz sont pres de paris en l’ostellerie logez
ledit baron est congneu de ung chevalier de la court du roy lequel
tantost bien acompaigné vient a luy en luy disant qu’il se rende/ car
son prisonnier est. A laquelle chose le chevalier qui le conduit soy
opposant a l’encontre dist que ce ne peut il pas faire/ car par le
saufconduit qu’il a peut aller luy x.e si est celluy l’un des x. Car
telz les povoit prendre qu’il luy plaisoit. Le chevalier replicque. vous
n’estes que ung simple chevalier/ si ne povés plus grant de vous mener
sur vostre saufconduit/ car se ainsy estoit/ donc pourriés pareillement
avoir admené vostre roy ou ung de ses enfans/ laquelle chose n’est pas
raisonnable/ & mesmement celluy que vous menés/ vous deveroit selon
raison mesmes mener/ car trop est plusgrant que vous dist l’anglois. Je
ne le maine pas a mon saufconduit/ mais a celluy du roy de france Si
demande & requiers que tenu me soit en terme selon ce qu’il se contient.
Ceste question venue en jugement Je demande lequel a droit.

Je te respons que c’est le françoys/ car selon droit escript en telle
generalité ne doibt estre entendu plusgrant homme de soy/ car se ung
homme donne a ung autre procuration de certaines choses faire/ n’est pas
pourtant a entendre qu’il lui donne generalle procuration ne qu’il en
doibve personne abuser/ & par especial en fait d’armes. Jamais telle
chose ne seroit soufferte a passer/ car tourner pourroit a prejudice a
la personne qui le donneroit.

Item je suppose que ung capitaine d’ost françoys qui de par le roy soit
envoyé sur les frontieres die et afferme qu’il ait puissance de donner
saufconduit par toute guyenne/ & pource y mande au senechal qui vienne
sur la terre de france/ car moult desire a parler a luy/ sy luy envoye
pour ce faire saufconduit par quoy ledit seneschal de bordeaux se part
sur celle sceurté pour venir en lieu determiné/ mais il advient que en
chemin il est rencontré de françoys/ lesquelz le prennent et mettent
prisonnier. Si te demande se ledit capitaine est tenu de l’en jecter
hors a ses propres despens/ car sembleroit que ouy veu que par son
asseurement est echeu en ce dommage.

Je te respons que non/ scez tu pour quoy/ pource que on dit communement
que sans cause seroit tenu ung homme pour fol se de sa folie n’a nul
dommaige/ & il est tout cler que le seneschal ne devoit pas croire ung
capitaine si non que certiffié fust que les françoys gardassent son
saufconduit/ se simple a esté/ le mal luy en demeure/ car avecques ce
deust bien savoir que ung capitaine n’a povoir de soy tenir sur ce non
de ses gens/ dont puis que ce n’ont il pas fait/ de quoy luy est il
tenu/ & avecques ce n’est pas de droit que ung homme donne previlege
d’aller sur le royaume a plus grant de soy/ ne mesmement s’il estoit
obligé de le garder si ne luy vaudroit tout riens/ si te concludz que
quoy que le capitaine eust donné ledit saufconduit de bonne foy que tout
ce n’eut riens valu/ s’il est gentil homme il est tenu de pourchasser de
sa puissance sa delivrance devers le roy/ pource que par sa coulpe est
encheu en tel inconvenient.




Comment l’acteur s’esmerveille veu la petite foy qui au monde court/
comment personne se ose fier en ses saufconduitz Et puis demande s’il
advient que aucun roy ou prince crestien donne saufconduit a ung
sarrazin se les aultres cristiens par ou il passe le doivent tenir.
iii.e cha.


Maistre sans faulte/ ce me semble a mon advis tresgrant merveille veu la
petite loyauté qui au jourd’uy court au monde comment ung prince ou
seigneur ou gentil homme/ et mesmement quelque homme que ce soit se ose
fier par saufconduit de aller en lieu ou ses ennemys soient plus
puissans et fors de soy.

Amy se tu t’en esmerveilles ce n’est pas sans cause combien que
saufconduit selon l’ancienne coustume de droit d’armes et aussy de toute
la loy deue selon la nature eust esté sceure entre parties et ennemys
mortelz que nous appellons en nos loiz capitaulx Lesquelles lettres de
sceurté les bons et vaillans conquereurs du temps passé n’eussent
enfraint pour mourir/ mais a present pour les baratz et subtilités
trouvez/ par lesquelz on n’a honte de mentir ne rompre foy ne sermens
entre cristiens trop moins que juifz ou mescreans n’auroient/ &
conseille par aucuns de nos maistres que en saufconduit on ne se fie de
legier/ comme le temps soit venu que ce que les droitz appellent fraude
et barat est appellé subtilité & cautelle et ainsy y est le peril grant/
car se de fait ung homme de quelque estat ou condicion qu’il soit veult
faire traïson/ puis qu’il a la personne en place ou en lieu ou plus fort
se treuve/ il trouvera assez de couleurs d’avoir occasion de le faire
occir/ ou par prisons ou comme se cas d’aventure fust/ ou par faire
esmouvoir aucun ou bouter feu en la maison & aussy en diverses guises &
puisque fait seroit il n’est droit qui y venist a temps/ & pour ces
doubtes dit a bon droit la loy/ que pour sceurté de la personne quant il
se met au povoir de son ennemy ne se pourroit donner previleges trop
grans car apres le fait restitution seroit nulle/ sans faulte maistre
c’est pure verité/ mais encore me ditz une question selon droit.

Je suppose que ung roy cristien eust donné saufconduit a aucun sarazin/
Je te demande quelz gens des crestiens luy doivent tenir celluy
saufconduit/ car au propos de ce que cy devant as dit me peut sembler
tout premierement que les gens du pape n’en ont que faire comme ilz
soient a plusgrant seigneur que le roy n’est/ je sçay bien que tu veux
dire voirement n’y sont ilz pas tenuz/ & mesmement ne sont les autres
roys crestiens selon le tesmoing des loix/ lesquelles dient que hors de
sa juridiction homme ne peut faire mandement ne ordonnance/ sy t’en
diray/ car de ses subgectz mesmes aucuns pourroient doubter que pas n’y
fussent tenuz La cause est pource que les sarrazins sont ennemis
generaulx de toute la crestienté c’est chose vraye et aussy escrite/ par
quoy nul crestien ne doit recevoir quelconque ennemy de la loy de dieu
si est tout homme tenu de plus obeyr a dieu nostre pere que a son prince
temporel/ en tesmoing de la loy qui dist/ que a toute personne est
permis de contredire a son seigneur s’il est tel qu’il vueille porter
garder soustenir ne donner faveu[r] aux ennemys de la foy de dieu dont
par lequel droit seroit tenu le subgect dudit roy de garder cellui
saufconduit/ & avec ce les sarrazins n’ont pas seulement guerre contre
ung roy/ mais contre tous/ et droit dist que une chose qui touche a tous
doibt estre esprouvee a tous/ car autrement riens ne vault. Mais or y a
il aultre chose/ a entendre/ c’est assavoir que s’il est ainsy que pour
raisonnable chose luy ait donné/ sicomme pour traicter ou pourchasser la
finance d’aucun chevallier ou aultre crestien quel qui soit/ qui soit en
leurs mains prisonnier ou pour autre chose juste et raisonnable/ n’en
doutbtés pas que non pas seulement les subgectz dudit roy/ mais
generalement tous crestiens par ou il a a passer le doivent laisser
aller sceurement pour deux principalles raisons/ La premiere est que
entre eulx ne puissent dire que entre nous crestiens eussons pou de foy
et pou d’amour ensemble/ quant ne vouldrions pourchasser la delivrance
des gens crestiens qui entre leurs mains seroient prins pour la foy de
nostre seigneur. L’autre que se rudesse leur estoit faicte entre
crestiens s’ilz y viennent posons que ce fust pour marchander ou pour
ambaxade ou autre juste occasion/ ilz le pourroient chier vendre a nos
crestiens qui pour semblables cas vont souvent entre eulx Ainsy leur
doibt estre tel droit gardé que nous voulons qu’ilz gardent/ mais se
ainsy advenoit que ung roy ou une ville eust guerre contre ung aultre &
pour soy venger ou pour aultre chose non raisonnable faisoit venir a son
ayde aucun puissant sarrazin a son saufconduit/ en telz cas nulz
crestiens subgectz ne autres ne le doibvent souffrir ne ja pour ce les
vassaux ne seroient reputez parjures ne moins loyaulx a leur seigneur/
car mesmement dit la loy que se on treuve ung homme qui porte lettres
contre la publicque utilité on les peult oster et rompre. Et dit ung
autre semblablement que tout homme doibt bouter hors d’environ soy
contre la loy.




De treves et de marque.

Cy devise se durant treves entre guerroyeurs on peut par droit prendre
en aucune maniere chose qui soit l’une partie sur l’autre Et se l’une
partie enfraint les treves/ se l’autre partie est tenue de les tenir.
iiii. chapitre.


Maistre il me semble que ung autre asseurement de guerre est entre
ennemys/ que on nomme treves qui est une maniere de paix faicte durant
aucun certain terme de temps si te vueil ung pou faire de question
pource que ay aucunesfois ouy dire que en aucun pays/ & mesmement les
anglois en ont aucunefois usé contre les françoys/ quant treves
estoient/ & mesmement durant les treves que ce n’estoit pas mal fait se
on veoit son advantaige de prendre par aucune cautelle qui peut chastel/
ville ou quelque prisonnier/ & te demande s’il est vray que faire se
puisse sans tort.

Ad ce je te respons que vrayement tous ceulx qui le font enfraindent le
pur droit de treves/ & affin aussy que tu le puisses en ceste partie
mieux tesmoingner te diray que nos maistres en dient/ tout premierement
dient que c’est ung asseurement royal qui de ancien droit ne se doibt
briser sur peine capital sicomme loy droicturiere de roy ou de prince ne
doibt estre brisee.

Item dient qu’elle contient troys choses principalles/ c’est assavoir
qu’elle donne sceurté aux biens meubles & autres choses. Secondement aux
hommes Et tiercement qu’elle tire a traicté et esperance de paix Et
doncques puis puys qu’en soy treves contienent tant en general comme en
especial ces choses. par quel droit s’y pourroit prendre l’une partie
sur l’autre prisonniers ne quelconque aultre chose/ si te prie maistre
que tu le me dies.

Sans faulte amy ceulx qui le font ou qui maintiennent que sans tort se
puist faire n’ont que faire de droit si treuvent assez de manieres de
baretter/ & pis y a qu’ilz veullent couvrir leur faulceté de droit et de
loy laquelle est appertement contre eux la ou elle dist que toute chose
usurpee et prinse sur fiance de treves/ de droit doibt estre rendue et
restituee et tous les faiz payez/ & scés tu que le roy ou prince selon
la loy deveroit faire de ses gens qui telle villenie luy auroient faicte
comme de mentir et non entretenir sa promesse leur faire trencher les
testes sy y prendroient les autres exemple/ & se est la sentence de la
loy & de ce acqueroit sy bon los comme d’estre appellé tresbon justicier
prince cremu en seroit/ & par ce donneroit plus grant cause a ses
ennemys d’eulz plus voulentiers rendre a luy/ lesquelz se les treves
rompent/ & il puist tenir aucun d’iceulz a sa puissance/ pour nulle
raençon ne les doibt espergner ne deporter que pugnis ne soient comme il
appartient/ & je te demande maistre se le roy de france et celluy
d’angleterre avoient juré treves ensemble durant certain temps/ & le roy
d’angleterre les rompist seroit le roy de france tenu de les tenir: car
il pourroit sembler que si par celle maniere/ posons que aucun face mal
ung autre n’est pas tenu de le faire semblablement/ ains se doibt tout
homme tenir en sa loyauté.

Amy je te dy puys que l’un des deux roys lequel que ce soit et de tous
autres en semblable cas auroit rompu sa promesse et parjuré se seroit/
que l’autre n’est pas tenu de luy tenir serment ne ja pource n’en sera
parjure/ car selon droit puis que premier on luy a brisé convenance
n’est pas tenu de la tenir plus avant/ ains est de droit escript absoubz
du jurement/ & qui plus est il pecheroit mortellement se ses gens
laissoit occir et gaster le païs sans deffendre a sa puissance.




Cy parle d’une maniere de guerre laquelle s’apelle marque et se telle
maniere de guerre est juste. v.e cha.


Maistre comme encore ne soie saoulé de tes sages et justes conclusions
te vueil faire certaines demandes sur une aultre maniere de contens qui
avecques trait a guerre/ laquelle ne sçay s’elle est de droit/ mais les
princes et les seigneurs depuis les anciennes seigneuries de pieça/ car
es anciennes gestes n’en est faicte nulle mencion en ont prins a user
qu’on appelle marque/ qui est quant ung homme de ung pays sicomme de
france ou d’autre part ne peut avoir droit d’aucun tort fait par aucun
puissant homme d’estrange pays le roy luy donneroit une maniere de
licence de prendre arrester et emprisonner par vertu de ses lettres
obtenues de luy/ marchans et tous aultres & leurs biens venans du pays &
du lieu d’icelluy qui auroit fait le tort & qu’ilz en fussent exemptz
jusques ad ce que droit et restitution soit faicte au demandeur de sa
demande/ si souroie tresvoulentiers se telle chose vient de droit/ car
grant merveille est que ung homme du pays de celluy qui aura commis le
fait/ & qui oncques riens n’en aura sceu ne n’en sera coupable/ & si
sera pour celle cause emprisonné et ses biens empeschez s’il est trouvé
en lieu ou l’autre ait puissance & conviendra qu’il paye et restitue se
dont riens il ne doibt ne couppe n’y a.

Chier amy tu doibs savoir que a droit voir dire selon l’escrit de
l’ancien droit ceste maniere de guerre que on appelle marque/ par
laquelle ung homme prent dommaige pour autruy sans sa desserte n’est pas
juste ne droit ne l’ottroye pas/ lequel droit a ordonné que se ung
marchant de paris ou de quelque lieu qu’il soit est obligé a ung
marchant de florence qui demande justice de luy devant son juge/ & que
ce cellui ne lui fait justice qu’il l’appelle devant la justice du roy
tant que il en ait droit/ mais de dire pource se ung marchant de paris
luy est obligé que emprisonner puist ung autre marchant ou bourgoys de
paris ou d’autre part du royaume ou ses biens prendre & arrester.
vrayement en ce forvoye/ car ce n’est de raison ne de nul droit qui y
peut estre pour les seigneurs qui l’ont trouvé en ceste cause et n’est
pas sans occasion.

Je suppose que ung ytalien fust obligé de une grant somme a ung
françoys/ de laquelle obligation vouldra fraulder celluy auquel il est
debteur Il s’en ira demourer en angleterre pource que bien scet que le
françoys n’yra pas la plaider a luy/ ou par aultre pourroit advenir/ ung
genevoys sera de pieça obligé a ung françoys Or saura bien que pour la
malvaillance qui est ore entre le roy de france et les genevoys/ le
françoys n’yra pas a geneves pourchasser sa debte/ si sera de tant
mauvaise conscience que cure n’aura de restituer/ que fera doncques le
françois seurement il se traira devers le roy ainsy que subgect a son
seigneur pour avoir semblablement aide du sien recouvrer. Adont le roy
bien informé donnera semblablement marque/ & le donnera aussy s’il
advient que ung chevalier ou autre ait esté destroussé injurié &
villenié en quelque part ou le roy n’ait deffence de guerre/ jusques ad
ce que amende et restitution luy soit faicte Sy trouverent ceste
cautelle les consaulz des princes pour obvier a telz baratz.

Ceste marque contient que toute personne qui seroit trouvee au pays du
prince qui l’a donnee/ qui de la ville/ du pays/ ou du lieu fust de
celui qui auroit fait l’outraige/ fust prins & ses biens mis en la main
du seigneur jusques ad ce que le marchant fust paié & a donc quant les
marchans se voient ainsy mal menez es estranges pays ou marque est
donnee contre eulx/ ilz font tant a la justice du lieu dont ilz sont/
que celluy par qui c’est contente l’autre et restitue/ et pour celle
cause fut elle trouvee et mise sus/ si sert bien le comun proverbe ad ce
propos qui dist que par ung inconvenient est aucunefois chassé ung
aultre inconvenient/ car par cestuy est ung aultre grief reparé ne par
aultre voye ne se pourroit nullement avoir droit de assez de tors qui
sont faitz ou que on pourroit faire aux estranges allans et venans leurs
chemins/ mais non obstant que celle chose puisse avoir aucune couleur
pource te dy que ung roy ou prince auquel elle est requise ne le doit
pas pourtant donner de legier/ car moult est chose griefve et pesant/
pourquoy doibt estre a peine deliberee pour deux principalles causes.
l’une est que c’est chose qui moult peut grever conscience L’autre que
ce peut estre commencement de guerre. Quelle chose doncques doibt faire
le roy quant requise lui est/ a donner contre aucune cité pays ou
seigneurie. Il doibt premierement interroguer ou faire interroguer par
son president ou aultre sage legiste et justicier pour quelle raison il
la requiert et quelle cause il a. Et celluy dist que quant il venoit de
melan que en la ville d’ast/ on luy osta bien. x. mille francs ou chose
qui le valloit/ et que de ceulx ne peut avoir droit/ ains soustiennent
ceulx de la ville ceste chose/ quoy que de la demander par leur justice
se soit bien mis a son debvoir. Adonc doit le roy escripre & mander par
ces lettres a iceulx que amiablement vueillent faire faire restitution a
son subgect du dommaige que ung ou plusieurs des leurs luy ont fait/
dont s’il advient que pour ce n’en soit riens fait & que des lettres du
roy ne tienent compte/ & par conseil soit veu & deliberé que marque
donner y appartienne/ Adont selon la coustume de ses seigneurs temporelz
le peut donner.




Cy devise se tous seigneurs pevent donner marque Si le roy la peut
donner pour ung estrangier qui son cytoien soit fait/ et apres se
escoliers estudians pourroient estre a celle cause empeschez. vi.e
chapitre


Et doncques maistre s’il advenoit que le peuple de florence ou d’autre
part en cas semblable eussent prins les biens de ung marchant de paris
comment se donneroit marque contre cité/ car selon droit il convient
aller demander justice au juge souverain du lieu lequel est l’empereur/
mais combien que par droit les florentins soient ses subgectz/ il n’est
pas doubte que pour luy riens en feroient/ & a dire que le marchant
allast pleder devant le potestat qui paraventure sera ceste annee ung
chevalier ou ung cousturier ou savetier de celle ville/ et si portera or
a sa çainture comme ung chevalier/ en recousant ses solers/ selon leur
coustume qu’ilz ont d’eulz gouverner a peuple: se croy qu’il y auroit
petit droit Je ne ditz neant plus de florence que de une autre cité qui
a peuple se gouverne/ que fera on doncques.

Bel amy tout ainsi que devant t’ay dit le roy y escripra ses lettres et
se compte n’en tiennent donnera sa marque franchement contre eux puys
qu’ilz dient qu’ilz sont mesmes seigneurs de florence.

Maistre je te demande se tous seigneurs pevent donner marque.

Je te respons que non/ car sicomme toy mesmes as cy devant dit/ et assez
est repliqué que nul seigneur ne peut juger guerre s’il n’est souverain
en juridicion. et comme cestuy fait de donner marque selon sa nature &
condicion soit semblable a guerre ne la peut nul donner s’il n’est pour
seigneur sans moyen si que est le roy de france de son royaume.

Or me dy encore. Je suppose que ung marchant natif de la ville de melan
soit de longue piece demourant a paris/ il y ait hostel sien/ terres et
heritages pour laquelle cause sera reputé bourgois selon la coustume. Je
te demande se le roy donnera marque pour cest homme se le cas comme
dessus y eschiet veu qu’il n’est pas de paris ains est natif de
l’empire.

Je te respons que selon la rigle de droit celluy qui est participant du
mal et en la charge semblablement le doit estre au bien et au reconfort.
Par quoy s’il est ainsy que cestuy marchant ait acoustumé de paier
aucuns subsides ou aucunes impositions au roy de sa marchandise/ et de
ses biens/ veu qu’il est bourgois sans faulte le roy est tenu de le
porter et soustenir en toutes choses comme son citoyen/ & semblablement
ung autre gentil homme estrangier demourant par long temps en france qui
eust servy le roy en ses guerres & y fust herité.

Et je te demande se pour cause de celle marque donnee du roy pourroit
estre empesché ung clerc estudiant ou ses biens.

Je te respons comme dessus que non/ ne mesmement son pere qui le seroit
venu veoir si que t’ay dit ne mesmement ne pourroit le roy se le cas y
escheoit donner marque contre quelconques gens d’eglise/ comme il n’ait
que congnoistre sur eulx/ ains est au pape se prelatz sont a
congnoistre/ et des autres en est a leur prelat qui contraindre les
doibt de faire raison/ & te dis encore que tous pelerins de quelque part
ou nation qu’ilz soient sont en la sauvegarde de dieu et du saint ou ilz
vont en pelerinage/ & par ce les prent le pape en l’especial sauvegarde
de saincte eglise par quoy sont previlegiez sur toutes autres gens et
sont reputez comme gens de saincte eglise. Et est excommunié de par
nostre dit saint pere le pape qui mal leur fait & pourchasse.




Cy fait mencion ce c’est chose juste et selon droit que ung homme doive
prouver par son corps/ contre une aultre chose qui soit incongneue et
secrette. vii.e chapitre.


Apres ces choses comme je soye trescontent des solucions precedentes/
treschier maistre te vueil en continuant nostre matiere de guerre faire
aultres questions comme de mon temps en france ay de ce aucunesfoys veu
user Et semblablement ains mon temps a esté icy et autre part assez en
usage d’armes/ c’est assavoir une guerre qui ce fait seulement entre
deux champions ou plusieurs aucunesfoys d’une mesme querelle ainsi en
champ cloz. Laquelle guerre est appellee champ de bataille que ung
gentil homme entreprent a faire contre ung aultre pour prouver par force
son criesme occult & mussé. Si te demande se telle bataille est juste et
permise de droit.

Treschier filz de ceste matiere entre eulz pour cause que les nobles qui
ne sont pas clers sachent qui se present livre pourront ouyr/ sachent
mieulx ce qui en est bon a faire me plaist a tant a respondre par quoy
affin que iceulx qui armes chevalereuses aiment s’entendent en ceste
matiere/ & que toy mesmes qui apres moy escripras en puisses au vray
parler Te dis que en toutes les autres choses d’armes selon droit divin/
selon le droit des gens/ selon le droit civil/ selon droit de decret &
canon/ donner gaige de bataille & le recepvoir pour soy combatre est
chose condemnee et reprouvee & entre les autres droitz qui le deffendent
est excommunié de droit canon aussy bien celluy qui le donne comme
celluy qui le reçoit/ et qui plus est le sont ceulx qui le regardent.

Or peus tu veoir ce c’est chose a faire et qui le monstra/ pape urbain
v.e de ce nom quant le champ de bataille deut estre fait a ville neufve
lez avignon de deux champions qui s’estoient accordez de combatre devant
le roy Johan de france/ lequel nostredit sainct pere comme chose
deffendue commanda expressement soubz peine d’excommuniment que nul ne
les allast veoir/ et se toy ou autre me vouliés dire que telle chose
soit d’usage d’armes. Je respons que trop plusgrant est le droit dieu et
plus y doibt on obeyr que a usage d’armes/ & que juste chose soit que on
ne le doit souffrir ne faire y a assez de bonnes raisons/ & mesmes que
droit divin y assigne/ lequel droit divin est droit de la saincte
escripture ou obeyr debvons sur peine de grant peché mortel/ lequel
droit condemne toute chose a faire par laquelle on veult tempter dieu/
car on veult savoir se dieu aidera au droit. Et est sicomme tenter que
dieu face miracle: laquelle chose est non deue de experimenter la
voulenté de dieu Et il appert car nous disons que demander chose contre
nature ou par dessus nature est presumption & chose qui desplaist a dieu
et cuider que feble vainque le fort/ & le ancien le jeune/ ou le malade
le sain par force de bon droit/ ainsy cuider avoir telle chose est
tenter dieu. et je te dy certainement que s’il advient qu’ilz gaignent
c’est adventure et non pas le bon droit qu’ilz y aient/ & qu’il soit
vray il appert par ceste raison. n’a pas nostre seigneur souffert occir
plusieurs preudommes a tort et sans cause. dont les ames en sont
glorieusement en paradis/ qu’il ne fist pas alors miracle pour eulx Et
cuideriés vous dont que dieu fist plus pour ung povre pecheur que pour
iceulx/ sy est vray que souvent a esté veu que celluy qui avoit bon
droit le perdoit pourquoy une decretalle ramentoit une telle histoire.

Une foys advint que en la cité de Poulent furent deux freres accusez de
larrecin par quoy selon l’usage d’icelle cité les en convint deffendre
en champ ou quel ilz furent vaincus donc tost apres advint que en la
cité fut trouvé celluy qui le larrecin avoit fait & fut sceu appertement
que les deux freres ja destruis n’y avoient coulpe. Et pour ce que
semblablement a esté sceu par plusieurs autres foys & aussy que ce n’est
chose raisonnable que faire se doye les drois canons ont reprouvé telle
maniere de combatre Et aussi ce que dit le droit se par telle maniere on
vouloit sa justice prouver les juges qui pour faire justice sont
establis seroient en vain. Et est mauvaise raison de dire se je ne puis
prouver ce que je dy je m’en combateray et le prouveray par mon corps.
Car nul forz dieu et moy et cellui que j’en appelle ne le set Et se
aucun vouloit dire voire mais les maulz qui par innocence du puple et
secretement sont faiz ne se pevent par justice pugnir puis que prouvez
ne sont. Mais cellui qui tient que par lui soit peché secret pugnis
veult a dieu lequelle a congnoissance des pechés secrez usurper sa
puissance et sa tresnoble sapience a qui seul en appartient faire la
pugnition/ et se afferme ung decret qui dit que se tous pechez estoient
en ce monde pugnis les jugemens de dieu n’auroient doncques lieu. Et
autre raison y a qui ceste chose condemne/ c’est que droit civil a
ordonné juges et jugement pour faire raison et plaider causes que nul ne
soit creu pour tesmoing en sa mesme cause/ mais l’omme qui ainsi par son
corps veult prouver s’efforce de corrumpre celle loy de droit civil.

Item de droit canon est encore plus reprouvé/ car il commande
expressement que on obeisse au pape et a ses commandemens/ et il par
bonne raison a commandé par mots expres que jamais par telle maniere on
ne se combate/ sy peus veoir bel amy que telle bataille est reprouvee a
laquelle chose dieu mercy le roy de france et son bon conseil a puis
quatre ans en ça bien advisé par quoy plus telle maniere de combatre ne
sera d’usage/ et son royaume l’en louoit/ dieu doint joye paix honneur
et paradis a ceulx qui par la vertu de bon sens se sont penés que telle
maniere de combatre soit mise jus/ de ce tresnoble royaume de france. Et
toutes ses aultres folles armes qui se faisoient par jeunesse sans nulle
cause si non par maniere d’orgueil et vaincre l’un l’autre sans nulle
querelle qui chose estoit desplaisant a dieu sont delaissees. Et comme
cestuy royaume lequel est le suppellatif sur tous crestiens ait commencé
y prendront se dieu plaist les autres pays exemple de semblablement non
souffrir leurs nobles desobeir a l’eglise en mettant en peril les corps
d’estre mors a deshonneur et sans cause et les ames damnees a tousjours.
Ha dieu nostre racheteur quelle folle entreprinse.




Cy devise se tout homme peut donner gaige de bataille. viii. c.


Mais pource que les deffaultes dessusdictes du droit ne ont pas
tousjours esté tenues ne obeyes ne encores ne sont en tous royaumes si
que dit est de combatre en champ de bataille/ te diray le cas en quoy
l’ont jugé ceulx qui le misrent sus/ c’est assavoir l’empereur nommé
Frederic qui tant fut contraire a saincte eglise qu’il chassa le pape
hors de son lieu lors qui vint a refuge au roy de france/ & aussy autre
escript que on appelle la loy lombarde en devise plusieurs cas/ lesquelz
seront cy apres par moy declairez. Premierement dit la loy dudit
empereur que se ung homme est accusé de traïson avoir faicte ou
pourchassee contre son prinse ou sa cité ou au prejudice du bien
publique quel que soit le cas/ de quoy la verité ne puisse par preuve
estre sceue/ que ce celui qui est accusé offre soy deffendre en champ de
bataille contre cellui qui le vouldra accuser ou desdire qu’il soit
receu.

Item dit que se ung prisonnier de guerre est tenu en prison de l’adverse
partie/ & il adviengne que durant celle prison la paix se face entre les
deux parties s’il advient que le maistre occist son prisonnier pour
lequel meffait de droit doit perdre le chef/ & de ce sont approchez en
face de justice/ cellui mect avant qu’il a occis son prisonnier son
corps deffendant & que premierement l’avoit traitreusement ou par autre
voye assailly quant il n’y avoit que eux deux/ & se veult il prouver par
son corps en champ de bataille s’il estoit nul qui au contraire voulzist
dire il y doibt estre receu.

Item dit aussy que comme par semblable cas posons que le roy
d’angleterre et le roy de france eussent treves ensemble/ & advenist que
ung anglois navrast ung françoys de laquelle chose la loy dist que en
tel cas luy affiert plusgrant pugnicion que se ung ytalien ung florentin
ou quelque aultre personne l’eust blescé/ se celluy qui a fait le fait
vouloit soustenir par la preuve de son corps que ce auroit esté en soy
deffendant contre l’autre/ qu’il ait voulu occir le roy ou le prince par
luy donner poisons ou autrement/ & l’autre dist qu’il n’en est riens/ &
de ce l’appelle en champ de bataille/ l’autre qui l’accusoit est tenu de
respondre & de luy tenir certaine journee.




Cy devise les cas par lesquelz on peut donner gaige de bataille. ix. c.


Encores y a autres loix qui s’appellent loix lombardes ou moult a de
diverses choses Et celles par especial devisent les maistres qui sur ce
ont escript plusieurs cas esquelz on peut bien donner & bailler gaige de
bataille et combatre en champ de bataille. Et d’icelles loix sont auques
venuz et sours tous les jugemens de donner gage de bataille.

Icy te diray aucuns des cas/ c’est assavoir se ung mary accuse sa femme
qu’elle ait traicté de le faire mourir par poisons ou par autres choses/
dont ait aucune couleur d’en avoir suspicion/ mais ne peult estre le
vray/ ou que le mary soit mort & que ses parens le mettent sus a la
femme/ s’elle treuve aucun sien parent ou aultre qui pour elle se
vueille combatre soustenant que du fait soit innocente/ la loy lombarde
veult qu’il en soit ouy sur ce.

Item se ung homme estoit accusé qu’il en eust occis ung autre sans ce
que on le peust contre luy prouver/ s’il jecte son gaige contre celluy
qui l’a accusé la loy veut qu’il soit receu.

Item semblablement ung homme qui ait ung aultre batu sur ung
asseurement.

Item se ung homme a occis ung autre seul a seul s’il veult prouver par
son corps deffendant que l’autre l’eust assailly premier il doibt estre
ouy.

Item se ung homme apres la mort de ung sien amy duquel deust avoir la
succession/ estoit accusé de l’avoir occis pour avoir son heritage il
s’en peut aussy deffendre par son corps.

Item se ung homme estoit accusé d’avoir couché avecques une femme
mariee/ lequel cas selon celle loy se le mary ou ses parens s’en
plainnent a justice est capital/ ladicte loy veult que l’omme s’en
puisse deffendre par gaige de bataille.

Item semblablement est de une fille a marier estant en la gouvernance de
son pere et de sa mere ou de ses parens s’ilz se plaignent de quelque
homme qui ait esté en sa compaignie/ combien que ce fust de son bon gré/
ceste loy veult qu’il en jure s’il ne s’en deffend par bataille en cas
que la chose fust si secrete qu’elle ne peust estre contre luy prouvé/
car se manifeste estoit/ se lesditz parens veullent il n’y a remede
qu’il ne fault qu’il en muire ou qu’il s’en combate.

Et pource que ceste loy sembleroit bien estrange en france et en aultres
pays que ung homme deust mourir pour tel cas veu que la femme ou la
fille fust contende se fonde celle loy sur telles raisons/ comme il soit
vray dist elle que ung homme reçoive mort par sentence de loy et de
justice pour avoir aucunement commis ung bien petit larcin d’or d’argent
ou d’autre chose/ duquel cas ne le pourra excuser quelconque necessité
qui a ce le eust meu/ que justice ne luy garde sa rigueur se grace par
pitié d’aucun cas piteux ne luy est faicte. Pourquoy doncques sera
espargné celluy qui tollu et despouillié de son honneur aura non pas
seulement une femme: mais son mary & tout le lignaige. Et pource comme
icelles gens qui ces loix establirent prisassent plus honneur que or ne
argent conclurent que encore trop plus devoit avoir mort desservye
celluy qui en descombroit ung autre ou ung linage metoit en reproche que
se tollu leur eust quelconque autre avoir/ & pource dirent les aucuns
que encores estoit la loy moult piteuse quant plus cruellement on ne
pugnissoit telz gens/ que aultres dignes de mort/ c’est assavoir qu’on
ne les faisoit mour de plus cruelle mort que en autre cas.

Item ung autre cas qui sembleroit contre raison dit icelle loy/ que se
ung homme avoit tenu et possessé ung heritaige terre ou maison Et
mesmement meubles l’espace de xxx. ans & plus & ung autre l’accusoit que
faulcement l’auroit possidé/ se cestuy l’offre a prouver seulement par
son corps en gaige de bataille qu’il y soit receu/ mais sans faulte
nonobstant ceste loy te dis bien que fol est qui ainsy gage/ car celluy
qui ja en est en possession pourroit dire et respondre a l’autre. Beaulz
amys je n’ay que faire de ton gage comba toy tout seul se bon te semble/
car ja pour ceste cause ne me combatroy/ si n’est loy qui le puist
contraindre/ car perscription est approuvee de tout droit.

Item dit que s’il advenoit que deux hommes eussent debat et proces l’un
contre l’autre au jugement & que tous deux produisent tesmoings a leur
intention que se l’un veult contredire les tesmoings de [l’autre] en
prouvant par son corps son intention contre qu’il y soit receu.

Item se ung homme fait demande a ung autre de certaine somme d’argent ou
de quelque autre chose lequel die qu’il le bailla ou presta a son pere
ou a sa mere: & l’autre luy nye qu’il soit receu contre l’autre a gage
de bataille se ce offre a prouver pour son intention.

Item se ung homme a eu quelque dommaige comme par feu prins en quelque
lieu de son hostel s’il veult prouver par gaige de bataille a quelque
aultre homme qu’il luy ait bouté il y doit estre ouy.

Item se ung mary se plaint de sa femme qu’elle ne soit preudefemme
posons qu’il le face cauteleusement pour s’en delivrer ou banir de son
douaire/ elle s’en peut deffendre par trouver champion contre luy/ en
gaige de bataille/ & s’il le refuse il n’en sera pas creu.

Item se ung homme hante en l’ostel de ung homme marié/ se le mary veut
soustenir qu’il y hante pour l’amour d’aucun mal avec sa femme se ledit
compaignon s’en veult deffendre contre luy/ en gaige de quoy je me gabe
de ceste follie pensant se le compaignon qui est accusé estoit grant et
fort seroit bien employé s’il s’en sentoit innocent qu’il batist
tresbien au champ le meschant mary jaloux.

Item se ung homme accuse ung aultre en jugement d’estre parjure celluy
qui est accusé le peut contredire si que dit est.

Aultres plusieurs choses contient icelle loy en cas de gaige de
bataille/ lesquelles je laisse pour cause de briefté comme non
necessaire chose de plus en dire Neantmoins tant qu’il est a entendre
que icelles batailles se font aucunesfois par les principalles
personnes/ & aucunesfoys se font par autres personnes quant cas
raisonnable d’aucun empeschement y chiet/ sicomme se ung homme trop
jeune estoit accusé ou ung homme qui eust quelque maladie ou fust
impotent/ et aucunesfois une femme et toutes telles personnes/
lesquelles choses sont assés nommees par expres esdictes loix lombardes/
& mesmement se ung serf disoit que son seigneur l’eust affranchy de
servitude & le vouloit prouver par son corps/ le sire n’est pas tenu de
la bataille/ mais il doibt livrer ung champion. Et plus dit car de deux
clers de pareil degré donne licence que ensemble se combatent. De
laquelle chose sauve sa grace je dy qu’elle a tort de soy entremettre en
tel cas de personne ecclesiastique/ Car le canon qui plus fait a obeyr
leur deffent expressement toute bataille & violente blesceure.

Je te demande se ung homme est impotent si que dit est pourroit mettre
luy tel champion qu’il luy plairoit.

Je te respons que les champions commis par aultruy sont en ce fait de
bataille en figure de procureurs et advocas/ de pledoians/ lequel office
chascun peut faire s’il veult sinon que droit le contredie expressement
tout ainsy est de champions car quiconques veult le peut estre sinon que
droit le contredie pour aucune occasion/ car ung baron ou aultre qui par
avant auroit commis aucun grant criesme n’y seroit pas receu ne nul
homme quil fust infame/ & la raison y est bonne/ car se ung tel homme
entroit en champ pour aultruy/ & il y fust vaincu on cuideroit que ce
seroit par ses propres pechez/ & non pas pour la cause de l’imposition
de celluy qui est accusé.




Cy devise comment champ de bataille monte et represente aucunement fait
et proces de pledoierie/ et se c’est droit que a l’entree les champions
facent serment. x.e cha.


Mais quoy que gaige de bataille si que t’ay dit cy devant soit de nos
docteurs reprouvé. Neantmoins pource que c’est chose en usage es faitz
de nobles et en chevalerie/ & que telz debatz ont esté sont et seront
jugés par les princes et seigneurs selon tel droit que avoir y peut dont
la coustume ne deffaudra pas en tous lieux est bon encore d’en parler a
l’enseignement de ceulx qui les ont a juger/ & aussy de ceulx qui les
entreprennent/ car je tiens que la moindre partie des nobles quoy que
plusieurs en parlent/ sache bien ce qui en est contenu ou doibt estre
contenu en tel debat juger entreprendre et faire sy t’en diray.

Tout premierement doibs savoir et il appert que icelles particulieres
batailles monstrent en figure nature de jugement car ainsy que en ung
jugement est le juge/ aussy celluy qui demande & le respondant les
tesmoings/ et apres la sentence vient/ semblablement en champ cloz est
le juge c’est le seigneur pardevant lequel se fait la bataille/ le
appellant et le deffendant sont les deux parties contradictoires/ les
tesmoings sont les coups qui s’entredonnent et les armes dont ilz sont
saizis. Par lesquelz coups et armes chascun s’efforce de bien prouver
son intention/ & apres vient la victoire qui est escheue a l’un des deux
qui represente la sentence diffinitive.

Maistre or te pri que nul ne t’ennuye se ung petit rons ta parolle pour
toy faire une petition. Pource que j’ay ouy dire que a entrer au champ
les champions font serment se c’est chose juste que jurement y facent/
car il sembleroit que non/ et que ja n’en fust besoing pource que en
bataille generalle en laquelle seroient deux roys et leurs gens n’y
seroit fait nul serment. et pour quoy le feront deux personnes.

Amy je te respons que de faire serment est le droit de tel debat/ &
n’est pas bonne la raison que tu dis que es grans batailles ne se fait
nul serment/ scez tu la cause pource que les grandes et generalles
batailles/ sont par deliberation de grant conseil jugees par les
seigneurs/ sy n’y affiert point de jurement/ mais en tel debat
particulier le prince ne peut pas la verité de la querelle bien savoir/
& pource veult avoir le serment de ce qu’ilz prennent a tesmoingner par
leurs corps/ si l’appelle la loy lombarde le jurement de la teste/ & se
jurement si est de nature calompnie lequel se doibt damner de tout le
plait/ ou lors jure le demandant qu’il fait bonne et juste demande.
Apres jure le deffendant qu’il a juste deffence/ & tout ainsy fait on en
champ clos/ mais affin que tu l’entendes se il y a subtile maniere de
donner serment/ car se l’appellant jure absolutement contre l’autre de
la chose dont il n’est pas bien certain sicomme de dire sur sainctes
evangilles que tu as meurdry mon pere ou mon frere/ & toutesvoies il
n’en sera pas bien certain/ car il ne l’aura pas veu/ mais l’aura
paraventure ouy dire ou pour quelque couleur le suspicionnera/ le
serment est follement fait/ car nul ne doibt jurer absolutement chose
que de veue ou par propre sceue n’en soit certain. Et par ce fait peut
estre sa querelle mauvaise s’il n’est ainsy qu’il dit il se parjure/
mais du deffendeur est aultre chose/ car il ne peut estre ignorant de la
querelle: car bien scet se du fait est coulpable ou non/ & pource est sa
querelle meilleure au cas qu’il ne se sente estre coulpable/ mais se a
son escient se parjure trop est pire sa cause que de l’appellant qui
verité cuide dire. Pource en greigneur sceurté d’avoir juste querelle/
l’appellant doibt jurer sans plus qu’il tient fermement que l’autre luy
ait occis son pere dont il l’appelle/ & par ainsy sera sa querelle
meilleure/ si doibt dire devant le prince la cause pour quoy il est meu/
la maniere & le cas/ & le prince sur ce doibt estre saige et advisé par
les circonstances se ce peut estre vray Car se ledit criesme eust esté
fait le jour devant pres du boys/ & cellui qui en seroit accusé povoit
prouver que ledit jour eust esté bien loingz de la ou toute la journee
autrepart/ ne deveroit point donner de foy a tel appellant de la chose
qui impossible seroit/ si doibt bien adviser que la querelle soit juste
ains qu’il l’accepte/ et non pas ouyr tous appellans par frivoles folz
mouvemens/ folles oppinions & cuidiers/ car moult en est de sy pou
saiges qui se vouldroient ad ce follement exposer sans nulle cause ou a
pou d’occasion et leur sembleroit fait tresglorieux/ parce que petit ont
de consideration/ si n’est pitié quant a ceulx en prent mal mais a ceulx
de leur partie est compassion qu’ilz convient qu’ilz se deffendent/ ou
s’ilz ne se deffendoient l’usaige d’armes leur courroit sur et donneroit
blasme et deshonneur voire selon l’oppinion des jeunes et non sages en
ce cas.

Et je te demande se l’appellant et l’appellé voulzissent combatre es
plains champs ou en l’absence du prince suffiroit il/ Je dy que non/ car
c’est cas dont la congnoissance luy appartient et en doibt juger/ duquel
leur vouloir ne peut faire providence/ ains fault que ledit seigneur ou
celluy qui commis y est Aussy ceulx qui garder les doivent soient
presens et que chascun d’eulx soit en sceureté de toute autre personne/
ne homme du monde n’y doibt parler sur peine d’en estre grandement
pugni/ se ce n’est par le commandement du seigneur qui doit juger en la
fin lequel des deux eust vaincu ou vainqueur.




Cy devise s’il advient que l’un des champions perde en soy combatant
aucune de ses armes soit espee ou autre baston se par droit on luy
deveroit rendre et lequel doibt envaÿr l’autre.

Item se le roy pardonnoit au vaincu se l’autre luy pourroit demander ses
despens.

Et s’il est ainsy que ung homme soit trouvé a tort accusé & appellé de
combatre que on doit faire de cellui qui l’accuse. xi.e chapitre


Je demande maistre s’il escheoit entre deux combateurs en champ cloz que
l’un rompist l’espee de l’autre ou la jecte hors de la closture/ car je
tiens bien qu’ilz facent du pis qu’ilz pevent suppose que celluy n’ait
hache dague maillet ne autre baston pour soy deffendre se par raison on
luy donneroit nouvel baston de deffence Car puis qu’il est en la maniere
que tu l’as dit/ c’est assavoir que les armes de deffence sont en figure
de tesmoings dont on se aide en plaidoierie/ sembleroit que on leur
deust rendre derechief ou livrer harnoys si qu’ilz le requierent/ car se
pour prouver mon intention avoie produit aucuns tesmoings posons que
ceulx la me faillissent par mort ou autrement/ si en puis je bien
produire d’aultres assez s’ilz ne sont pour mauvais accusez. Pourquoy
doncques se icelluy champion n’a peu par son baston ou autre harnoys son
intention prouver n’en peut il ravoir ung autre.

Bel amy a dire voir selon raison de tel droit qu’il y compte/ y a regard
au juge de telz chose juger/ car grant differences y a se l’espee cheoit
legierement d’aventure hors de la main/ ou se l’autre la lui tolloit
brisoit ou jectoit hors ou se par sa follie la perdoit/ mais se son
espee rompoit d’aventure par les coups qu’il mesmes en donneroit et non
pas par l’effort de son adversaire et plus n’eust harnois pour soy
deffendre/ & que par celle maniere fust/ sans faulte/ aucuns maistres
dient que on luy feroit tort/ qui autre ne luy bailleroit/ mais trop pou
adviendroit que homme entrast en champ sans estre garny de plus de ung
baston ou que tous les perdist/ si se peut ayder de l’autre quant l’un
est sailly.

Or sire et s’il advient que le premier jour le juge ne puisse
congnoistre lequel est vaincu/ sont ilz tenuz de retourner l’endemain Je
te respons certainement que ouy s’il est en leur puissance/ & que a
oultrage aient emprins a combatre/ au cas que autre condition n’y auroit
esté mise/ si n’en pourroit estre absoubz ne quitte jusques a ce que
l’un soit vaincu/ quoy qu’il demeure/ reservé que le prince commandast
le contraire ou que eulx mesmes s’accordassent par le commandement du
seigneur/ car aultrement ne le pourroient ilz faire puys que en champ
sont entrés mais le prince en doibt estre piteux et avoir mercy de ses
deux hommes qui en peril sont de perdre ame corps et honneur.

Dy moy encore maistre lequel des deux doit premierement ferir quant ilz
sont en champ/ car je n’ay pas oublyé ce que cy dessus as dit que ceste
bataille tient en partie/ nature de plaidoierie par quoy il semble que
l’appellant doibt premier tenir son baston/ & ferir/ car en plaidoierie
celluy qui est acteur donne premier sa demande & apres respond le
deffendeur.

Amy combien que tes raisons soient consonantes. neantmoins en ce cas y
convient faire par autre voye que plait ne se gouverne/ car la est
exploicté par parolles/ & icy par voye de fait/ & pource/ la ou homme
est en peril de mort ne doibt pas attendre le premier coup/ car tel
pourroit il estre sy grant & si pesant que tart viendroit a soy
deffendre/ comment n’a pas doncques assez encommencé l’appellant quant
son gaige a donné et appellé l’autre de combatre/ et se en jugement
l’acteur donne premier sa demande ce n’est que par parolles/ dont il est
grant marche ou par ung pou d’escrit. Sy n’est ce pas si perilleux comme
seroit ung coup de hache ou de lance Et puis qu’ilz sont enclos & on
leur escrive faictes vos devoirs/ ne scet pas bien chascun ce qu’il a a
faire/ & pource te dy que selon toute raison en tel cas/ soit par raison
barat ou aultre subtil engin cautelle force appertise ou autrement puis
que la sont/ celluy qui est appellé peut ferir premier s’il a loisir et
en tous cas peut prendre l’avantaige s’il peut ou scet/ mais vray est
qu’il doibt attendre premier que l’autre se parte de sa place ung pas ou
deux ou face semblant de venir vers lui.

Item derechief te fais aultre demande. Je prens que le roy qui voit deux
champions ainsy combatre ait pitié de celluy qui voit sur le point de
desconfiture/ fait arrester par le cry de son connestable. Neantmoins le
mieulx combatant requiert au roy qu’il luy face justice & juge le droit
pour lui Le roy respond je te juge l’onneur de la bataille/ mais je
pardonne a l’autre/ car c’est mon plaisir/ cestui requiert ses despens/
les doibt il avoir/ car il sembleroit que non/ pource que le roy ne luy
a pas condemné et qu’il n’a pas aussy confessé le fait comme vaincu.

Je te respons que s’il estot convaincu du tout & le roy luy pardonnast
le delict/ laquelle chose est en sa puissance/ sil ne peut il pourtant
faire tort a partie/ laquelle a bon droit les requiert mais s’il est
dit. Ho/ qui est a dire cessez ains qu’il en soit du tout attaint et
vaincu/ il n’y est pas tenu/ car quoy que le roy me fait crier/ quant le
pis a de la bataille sil n’a il pas encore confessé la chose en quoy
gist la droicte victoire au vainqueur/ c’est assavoir quant a l’autre
fera confesser le droit qu’il a/ & aussy y pourroit encore avoir
esperance que aucun coup pourroit estre lancé qui occiroit celluy qui le
meilleur cuide avoir/ sicomme on a veu aucunesfoys/ que celluy qui
dessoubz attaindoit l’autre en lançant de dague ou d’espee qu’il
l’occioit/ car de fait de bataille quoy qu’il en semble ne peut estre
bonnement jugé jusques en la fin.

Et maistre s’il advenoit que il fust trouvé que aucun en tel cas eust
accusé a tort ung autre ou de murdre ou de crisme que deveroit il estre
fait de l’accusant.

Sans faulte nos maistres determinent que on en deveroit faire pareille
pugnition comme le cas en donnoit que on deust faire de l’autre s’il en
eust esté attaint.




Cy demande se ung homme estoit pugni en champ de bataille d’aucun
meffait se justice a plus que veoir sur luy d’icelle cause. xii.e cha.


Et derechief je te demande se ung homme qui appelle ung aultre en champ
de bataille pour luy prouver par son corps qu’il est faulz parjure/ & la
pugnition selon le cas advient que de ce mesmes fait il est appellé &
poursuivy de justice/ doibt cest homme estre pugny plus de une foys de
ung mesmes cas/ car il ne sembleroit pas que juste chose fust ne dieu ne
le veult ne saincte escripture ne si accorde que pour ung peché on doive
estre condemné deux foys.

Bel amy ad ce te respondray quoy que les excusations que tu dis fussent
assez bonnes/ & mesmement assez d’autres pour l’omme accusé/ l’autre
partie pourroit respondre nous sommes en court de droit escript/ par
lequel doibt estre congneu et jugié des cas qui requierent pugnition/
mais comme gaige de bataille ne soit approuvé de nul droit escript/ par
lequel supposé que par celle voye a esté corrigé n’est pas pourtant
pugnition/ car justice n’y a pas veu et n’y eut autre chose au regard de
droit que ainsy que se ung pere avoit batu son enfant pour cause d’aucun
delict/ qu’il auroit fait/ ne suffiroit pourtant a justice ne a pugnir
ne le lairoit. Si t’en diray selon le voir de ces deux altercations
Sachez de vray que se la journee eust esté sy longuement differee de la
bataille d’entre l’accusant & l’accusé/ que le cas fust venu en ces
entrefaictes a congnoissance de justice. Je te dy bien que non obstant
ce l’entreprinse de ladicte bataille juste l’en peut pugnir comme se ce
fust chose prouvee/ mais se tu me demandoies se apres la pugnition
seroit tenu de tenir la tournee du champ. Je te responderoye que non Car
quel droit pourroit il avoir de soy deffendre de ce dont il est
convaincu/ mais s’il estoit ainsy que le prince ou celluy qui estoit
garde du champ l’eust pugny de ce meffait ou qu’il luy eust remys &
pardonné ce meffait fust par jurement ou autre/ certes tant est grande
l’auctorité des princes qui ceste coustume ont approuvee de prouver par
bataille par pugnir les a tant par celle voye que pugni soit une foys
sans plus ne les princes & seigneurs ne souffriroient pas aucunement
requerir leurs sentences.

Maistre s’il ne t’ennuye que tant t’enquiers sur ceste matiere me dis
encore ung mot a ce propos.

Ung chevalier accuse ung autre en l’appellant en champ de bataille et
puis s’en repent. se peut il depporter de l’appellation a son voulloir:
& que plus n’en soit de ce qu’il a dit/ car sembleroit que voirement
s’en peust deporter de l’apporter: veu que se ung homme accuse ung autre
ou en mesditz par couroux ou chaleur il s’en peut bien repentir et
depporter s’il veult si qu’il me semble.

Amy a ce je te respons que se ung gentil homme appelle d’aucune
adventure de gaige ung autre gentil homme pour quoy que ce soit en
l’absence de son seigneur ou du connestable ou d’autre juge competent &
apres s’en repent parce que par adventure estoit tresmal informé ou en
tresgrant ire ou merancolie ou apres boire Ceste chose se doibt assez
legierement remettre en maniere que a l’autre doit suffire sans le
poursuivir de l’appellation Car nul ne doibt estre de ce trop
malgratieux ne trop aigre comme ce soit chose merveilleusement
dangereuse quelque bon droit que on ait veu aussy que l’autre soit assez
tenté de soy repentir & refroider de la bataille/ de laquelle fol
mouvement a bien monstré qu’il n’estoit pas saige/ car trop est grant
honte de soy alleguer en parolle tellement que apres s’en conviengne
desdire. Neantmoins il vault trop mieulx soy repentir de la folie
ainçoys que on l’execute que d’entrer au champ/ a mauvaise querelle/ Ne
se n’est pas vice de soy repentir du mal mais c’est pechié & folie de
l’entreprendre et parfaire/ mais en cas que les parolles seroient tant
avant allees que devant le prince ou connestable ou aultre propre a le
recepvoir auroit jecté son gaige repentir ne s’en pourroit sans la
voulenté du prince et l’assentement de partie laquelle pourroit par
raison demander admende/ Car au propos que cy devant t’ay dit que champ
de bataille retrait a plaidoierie sy est ce gage en figure d’une plainte
que on donneroit en jugement. Apres laquelle icelluy qui la donne luy
faut poursuivir la plaidoierie se les parties ne se accordent/ mais bien
est vray que puys que ledit appellant s’en repent le prince doibt estre
large de pardonner aux repentans/ car ainsy le veult dieu.




Cy devise les choses en quoy le roy ou prince doibt avoir regard/ ains
qu’il juge champ de bataille Et comment on doibt donner conseil a ceulx
qui combatre se doivent. xiii.e chapitre.


Des batailles en champ cloz dont tu m’as devisé te dyray qui a present
sont en usage en plusieurs pays et ont par long temps esté par tout le
monde tellement que par longue coustume de les avoir souffertes
nonobstant la deffence du decret et du droit canon si que tu dis sont
tournees sicomme en loy ce me semble que forte chose doit estre aux
princes de bien determiner et juger le cas que telles batailles
requierent/ car il n’est pas doubte que les seigneurs desirent et
veullent que droit soit fait a ung chascun Et pour celle cause
requierent et seuffrent telle bataille faire/ affin que les cas obscurs
& mussez soient attains.

Amy chier vray est ta parolle sans faulte et pource en affermant ce que
tu dis que telle bataille en soit le jugement moult perilleux me plaist
la doctrine et enseignement des nobles/ a laquelle fin tu laboures en
cestuy livre de mettre sans plus & desclairer aucunes rigles a tenir sur
ceste matiere.

La premiere rigle soit que nul prince seculier affin qu’il ne faille
tant soit prudent & sage quelque bon conseil de sages chevaliers qu’il
ait ne doibt juger champ de bataille/ quelque bon conseil qu’il ait
aussi de seculiers se ce n’est par le regard des saiges legistes pour ce
que de tous cas qui advenir pevent mieulx en sauront determiner que
autres gens/ car se leur enseigne leur science/ si est a eulx desclarer
des cas se c’est bon ou mal a faire se c’est chose reprouvee ou permise/
ou se ung cas a previlege devant ung autre/ & qu’il soit vray que telz
gens quant expers sont en sachent mieulx determiner que autres l’octroye
la loy civille/ laquelle dit que les advocas sont protecteurs &
gouverneurs d’humain lignage.

Encore y a autres raisons par quoy affiert a eulx en determiner devant
tous aultres/ c’est pource que chevaliers et seculiers autres gentilz
hommes sont plus legierement meuz a juger armez que autres gens qui ne
sont que clercs/ & leur vient de ung estatut qu’ilz ont en eulx qui
reputeront ung homme deshonnoré se tantost ne accepte le gaige de celluy
qui le donne qui est une oppinion mute sans nul regard de raison quant a
ce sauve leur reverence/ car moins deveroit estre honnoré celluy qui
donneroit/ ou accepteroit le gaige pour pou d’occasion ou pour fol ou
nice/ incontinent que celluy qui le refuseroit/ car sans faulte pas
n’est deshonneur/ ains est le contraire de non consentir et reffuser
folle entreprinse voire par especial de perdre si chier chastel comme
est l’ame avecques le corps/ & pourroit dire l’assailly/ mon amy se tu
as voulenté de combatre si te combas a par toy/ car quant est a moy je
ne vueil pas estre a ta follie participant.

La seconde rigle que le prince garder y doit est de quoy ung gentil
homme acceptast le gaige de ung aultre/ qui paradventure sera meu contre
luy par aucun malice/ par chaleur par quelque faveur/ par oultrecuidance
orgueilleuse pour l’autre cuider suppediter pour mieulx valoir ou par
quelque aultre mouvement sans raison.

Le prince ou quelq’un son lieutenant doibt sur ce estre advisé meurement
de bien entendre la matiere de l’appellant et le bien noter Car aucuns
en y a qui veullent coulourer droit sur falace de parler & si folz sont
qu’ilz cuident tromper dieu/ mais ce leur vient sur le chief Avec ce
doibt bien considerer quelle est la cause qui le meut & quelle chose met
sur a l’autre/ & s’il est ainsi que le prince ait entendu que ce soit
pour cause de debte Il doibt demander a l’appellant pourquoy la debte
luy est deue/ en quel païs & en quel lieu la debte fut faicte s’il a de
ce lettre ne tesmoing & se fait fut sy secretement que ame n’y fust/ se
point d’escrit y a ou aultre seelle/ & s’il advient que apperceu soit
que aucun pou d’apparence de preuve y ait/ ou quelque couleur/ par quoy
jurement de droit y puisse congnoistre/ la doibt la cause commettre Car
en tel cas homme ne pourroit par droit soustenir que avoir y deust
bataille.

La tierce rigle est que le prince doibt faire proposer l’appellant la
cause et action qu’il a contre l’autre/ & aussy que le deffendeur soit
ouy present son conseil ou soient si que dit est les clers legistes/ &
la doibt estre bien veu lequel a juste cause/ & que chascun en die son
oppinion. Apres laquelle chose s’il est ainsy que trouvé soit que la
guerre soit esmute par orgueil follie ou presumption/ comme de dire Je
vueil prouver mon corps contre le sien en champ jusques a oultrance/
pour honneur acquerre et pour l’amour de ma dame ou que plus belle est
que la sienne/ et telles manieres de follie/ tantost doibt estre
deboutee ceste chose et non ouye et deffendre que plus n’en soit parlé &
encores te dy je/ que pour parolles quelconques tant soient injurieuses
se dictes sont en fureur ou chaleur par suspicion ou merencolie/ si que
celluy contre qui ont esté/ s’en vueille combatre/ n’y doibt pas avoir
de bataille: si non que celluy qui dictes les a les voulzist tousjours
maintenir et combatre en celle querelle qu’il fust ainsi comme il auroit
dit: a laquelle chose se ainsy advenoit encores se deveroit on pener de
amoderer l’un et l’autre que bataille ne se feist nullement si que dit
est ne doibt estre emprinse faicte ne jugee se trop grant cause n’y a/
ains deffendue et destournee tout le plus tost que on peut.

Mais s’il est ainsy d’aucune adventure que le cas soit grant sicomme de
traïson de meurdre d’efforcement d’avoir bouté feu ou d’autre grant
chose/ que l’appellant ne puist prouver ne monstrer fors par la preuve
de son corps et que le deffendant ne se puisse nullement excuser que
coulpe n’y ait/ a dont sy que dit est par le regard et consentement de
tout le conseil doibt le prince juger la bataille selon ce que la loy du
cas le requiert/ lequel est tel que tantost jugié sera quoy que
plusieurs soient orgueilleux qu’ilz ne se fient si non en la force de
leurs corps/ & ne font compte de dieu ne de son aide/ y doibt avoir
aucuns saiges preudommes ad ce commis qui monstrer leur doibt le grant
peril d’ame et de corps ou ilz se sont mis/ et que bien se advisent et
confessent a saiges confesseurs/ & en bon estat se mettent/ si appellent
dieu/ car encore leur en sera besoing Et ainsy admonnestent chascun a
par soy bien et saigement leur conseil a part/ leur dient comment telle
chose est pesant: ou il convient mourir ou estre deshonnoré/ sy se
advise que tart ne viengne au repentir/ & toutes telles choses banies/ a
ame et corps sache chascun conseil dire au scien et loyaument
admonnester ne point ne le laisse jusques a la fin de la chose ou il a
mestier d’estre bien conseillé mesmement es tours d’armes qui en telz
cas sont convenables tant a assaillir comme en deffence/ et pour ce
faire se c’est assavoir pour y conseiller d’une partie/ et l’autre leur
doibvent estre baillez chevaliers expers et sages en tel art et science.




Cy demande se bataille peut faire selon droit a jour de feste/ et se on
tient en droit que homme en armes se puisse sauver/ et se clercs pevent
ne doibvent de droit aller en bataille ne excerser armes. xiiii.e
chapitre.


Maistre or me dy se aucune bataille soit generalle ou especiale se peut
faire selon droit a jour de feste/ car il seroit advis que non veu que
les festes sont faictes et ordonnees pour dieu servir Si n’est pas
combatre l’un contre l’autre oeuvre ne service aplicqué a dieu.

Sans nulle faulte amy ad ce propos tu trouveras en l’ancien testament
comment de dieu estoit permis aux enfans d’israel que a quelque heure de
jour que on venist sur eulx qu’ilz se deffendissent et yssissent hors
pour donner la bataille/ pource te dy/ que en cas de necessité on peut
bien a jour de feste faire bataille/ c’est assavoir que au cas qu’il
fust assailly/ mais sans faute de emprendre journee de bataille a jour
de feste n’appartient pas quoy que au jourd’uy soient christiens de sy
foyble foy et pou de reverence aient en dieu et aux saints que compte
n’en font gens d’armes/ mais que leur advantaige voient de chevaucher
escheller ou escarmoucher & piller aussy au vendredi benoist ou au jour
de pasques que en autre temps laquelle chose ne se doit nullement faire
se grant necessité n’en contraint ou que grant bien de la commune
utilité soit.

Je te demande maistre se nous devons tenir que ung homme d’armes se
puisse sauver en excersant office d’armes/ car tresgrant doubte y
pourroit avoir veu les maulx que necessairement convient que on y face/
& aussy que qui meurt en voulenté de grever son voisin ne va pas en
bonne voye si me semble que tel est le desir de gens d’armes qui vont en
guerre contre les ennemys lesquelz dieu veut que on aime/ & dont qui y
meurt comment pourroit il estre sauvé.

Amy sur ce en bref te respondray par troys conclusions.

La premiere que sans faire doute selon que declaire le decret/ le
chevalier ou homme d’armes qui meurt en bataille contre les mescreans
pour l’exsaucement de la foy de nostre seigneur jesucrist: mais que de
ses pechez soit repentans/ il s’en va ainsy que martir tout droit en
paradis.

La seconde que se ung homme d’armes meurt en juste bataille pour aider
au droit ou que ce soit pour la juste deffence de la contree & pour le
bien publicque ou que ce soit pour garder les franchises ou bonnes
coustumes du lieu se autre pesché ne l’empesche/ son ame n’en est pas
agrevee/ ains y a grant merite et peut estre tel le cas et la querelle
qu’il s’en va droit en paradis/ et est determiné que cellui bien meurt
qui expose sa vie pour deffendre justice le droit de son prince et la
contree/ & le peuple/ qui est chose moult meritoire.

La iii.e est au contraire/ c’est assavoir que se ung homme meurt en
bataille en laquelle fust contre sa conscience/ c’est assavoir qu’il
pensast que la querelle fust mauvaise & pour tollir et usurper droit
d’aultruy dont il ne lui en chaille/ mais que tollir peust piller ou
gaigner ses sauldees/ sans faulte se tel homme n’a loisir de avoir grant
repentance en la fin nous ne pourrions presumer qu’il fust en voye de
sauvement/ sy se advisent bien tous ceulx qui s’i mettent/ car ame et
corps exposent en grant peril se en faulses querelles soustenir se
habandonnent. En ce doivent singulierement avoir regard sauldoiers
estranges/ et est moult contre ceulx ausquelz il ne chault de la
querelle/ mais que bien paiés soient de leurs gaiges/ & que bien
puissent piller/ mais telz gens font trop pis et moins sont a excuser
que ceulx a qui il convient estre soit droit ou tort soubz peine de
perdre leurs fiefz et terres avec leur naturel ou souverain seigneur/
combien qu’ilz doivent se leur seigneur a tort mettre peine a destourner
et eschever la guerre.

Je te prie dy moy se clercs pevent ne doivent sans mesprendre aller en
bataille. Je te dy voirement que de ce font nos docteurs plusieurs
questions et selon l’oppinion d’aucuns aller pevent en armes deffensives
et non pas envaÿes/ c’est assavoir qu’ilz pevent deffendre/ et non pas
envaÿr/ & aultres dient qu’il ne leur loist saillir hors de leur lieu
pour quelconque cas mais seulement leur est permise la deffence de la
cité ou forteresse ou ilz sont/ soit aux murs ou aux fenestres a pierres
et telz bastons que avoir pevent sans traire de fer/ et autres dient que
de toutes armes pevent user en cas de deffence sans attendre que envaÿs
soient/ car aucunesfois pour sauver son corps fault offendre et non pas
attendre que on soit offencé/ car telle pourroit estre l’actende que on
viendroit a tart pour y remedier.

Autres oppinions tiennent que en mandement de pape lequel est souverain
sur tout le clergié ilz pevent faire l’un et l’autre/ & autres dient que
les clers & les evesques qui juridictions de terre et de justice
tiennent des princes sicomme du roy de france tiennent plusieurs prelatz
leur temporel sont tenuz d’aller en guerre avecques leur seigneur s’il
le veult/ & par especial les pers prelatz de france lesquelz pevent bien
dire aux gens d’armes qu’ilz prengnent et emprisonnent/ mais qu’ilz
tuent non/ car irreguliers seroient/ mais nullement ne leur appartient
ferir homme ne a combatre si non qu’on voulzist ferir sur eulx/ car il
n’est evesque ne prelat qui deffendre justement ne se peust en cas que
premier envahy seroit sans ce que inregulier fust & mesmement s’il
occioit/ mais a dire que armés soient gens d’eglise en bataille pour
ferir mesmement en champ n’est point de droit.




Cy commence a parler de fait de armoierye se chascun peut prendre telz
armes qu’il luy plaist. xv. c


Maistre sans faulte je voy & congnoys que ton savoir est en bien souldre
proprement toutes questions que me pourroit estre l’importunité de mon
ignorance/ & comme assez doibt suffire sans toy plus travailler ce que
declaré m’as de droit d’armes s’il te plaist encore ung mot pour moy
faire sage d’aucune chose assez deppendans des precedentes/ c’est
assavoir de droit d’armes/ apres lesquelles demandes que trop ne
t’ennuye je te prendray fin en con[cluant mon livre. C’est que tu me
dies du fait des] devises d’armes banieres et penonceaux que seigneurs
ont acoustumé de porter & faire paindre en leurs paremens se chascun les
peut prendre & porter a son vouloir.

Amy chier de ses armes qui premierement furent trouvees par noblesse/
affin que en bataille chascun noble homme fust recongneu par ses armes
troys differences y a/ dont les unes furent faictes et ordonnees des le
temps ancien pour l’estat des dignités et non pas de leur personne ne de
leur lignage/ sicomme est le signe de l’aigle/ lequel est deputé pour la
dignité imperial Si ne le doibt nul porter s’il n’est empereur.

Item semblablement y a autres armes qui sont d’office/ sicomme nous
dirons les capitoliers de thoulouse/ lesquelz durant leur office portent
unes propres armes ad ce deputees es choses qui a office appartiennent.
Semblablement les consulz de monpellier/ mesmement se assemblee on
faisoit en la ville ces propres armes d’office porteroient/ & se autres
prenoient/ on les reprendroit & ne leur seroit souffert Et semblablement
en divers lieux sont propres armes.

Item la seconde difference d’armes est de celles qui purement viennent
par succession de linage aux roys ducs contes et aultres seigneurs plus
petis sicomme est l’ermine pour le duc de bretaigne/ la croix d’argent
au duc de savoye et ainsy des aultres seigneurs Et de ceulx par especial
ne deveroit nulz prendre les armes/ & encores peux tu veoir que on
congnoist tousjours le chief de la seigneurie ad ce qu’il porte les
plaines armes sans difference & que ceulx qui sont du lignaige tous
aultres gentilz hommes/ sy te dy bien que de droit & raison nul ne se
doibt embatre de riens prendre sur armes de gentilz hommez ne porter
choses semblables ne mesmement gentil homme sur l’autre s’il n’est ainsy
que de ancienneté puisse monstrer qu’elles aient esté a ses
predecesseurs/ ou que aucun seigneur eust donne bende/ quartier ou
aucune partie de ses armes a luy ou a ses bons predicesseurs/ car par
ainsy les pourroit il bien porter sans ce que le linage y peust
contredire/ car a aucuns barons chevaliers et gentilz hommes ont esté
donnees les armes qu’ilz portent d’ancienneté ou les differences qui y
sont par aucuns princes ou grans seigneurs/ si ne doibvent estre prinses
par nul autre si que dit est/ mais bien est vray que s’ilz avoient ou
veoient que ung homme estrange venist en place qui portast les mesmes
armes & toutes pareilles d’aucun gentil homme de france ou d’autre part/
que d’ancienneté semblablement eussent porté ses predecesseurs/ il ne
feroit tort a personne ne riens ne luy en pourroit estre demandé.

Item la iii.e difference est des armes que chascun jour sont trouvees a
voulenté sicomme il advient aucunesfoys que fortune eslieve les hommes a
son plaisir si que les bien petis montent en hault estat/ & aucunefoys
advient par la suffisance des personnes ou en armes science sagesse ou
conseil ou par autre vertu avoir en soy que hommes se font diversement/
si n’est pas mal employé a ceulx qui le vallent par noblesse de vertu/ &
adonc quant ceulx se voient en estat monter prennent armes a leur
voulenté & de tel devise qu’il leur plaist dont les aucuns se fondent
sur leurs surnoms/ sicomme ung homme qui aura nom pierre maillart
prendra les mailletz/ & ainsy diversement/ ou d’autre devise se mieux
leur plaist/ & puis les hoirs qui de luy descendront porteront a
tousjours icelles/ et par celle voye prennent premierement armes.




Cy devise en quelle maniere ung gentil homme peut calenger les armes de
ung autre xvi.e cha.


Or me dy que je l’entende je prens que mon pere ait prins son plaisir en
ces armes/ une biche de gueulles a troys estoilles par dessus/ et ung
autre homme qui riens n’appartient a mon pere eust prins les pareilles
les peut il doncques par droit porter sans contredit.

Je te respons que sur ce debat font les maistres des loix celle
question/ que se ung homme ou linage avoit prins unes nouvelles armes
puys que plublicquement les auroit portees/ & il advenist que ung autre
homme de la ville ou mesmement du païs dont il seroit les voulzist
prendre ou que depuis les eust prinses n’est pas raison qu’il les porte/
ains doibvent demourer au premier ne le seigneur du lieu ne le doibt
suffrir se complaincte en estoit faite/ car telles armez furent trouvés
pour la difference ains seroit confusion/ & il appartient au premier et
a sa justice de pas souffrir a ses subgetz que l’un face tort ne honte a
l’autre et prendre armes que ung aultre auroit ja prinses sembleroit
sicomme ung despris fait par despit ou despris pour commencer contencion
& riote l’un sur l’autre.

Maistre or me respons de ung aultre debat qui assez pourroit advenir.
Ung gentil homme allemant vient a paris pour servir le roy et estre de
sa court Auquel lieu treuve ung autre gentil homme qui porte les propres
armes de son lignage De laquelle chose l’allemant lui veut calenger/
mais le françoys respond qu’il ne les a pas trouvees/ ains les portoient
anciennement ses predicesseurs/ l’allemant dit que plus est ancien son
linage & pource luy doivent demourer & que plus est pourtant que le
françoys le contredit & nye Il respond que en ceste querelle se
combatra/ & de fait gecte son gaige devant le roy sy te demande s’il a
bonne cause et se par droit d’armes le roy y doit juger bataille.

En bonne foy que bataille pour celle occasion y soit jugee ne
accorderoit nul droit/ evidente en est la raison/ car quel dommaige ne
deshonneur peut venir a L’alemant se ung françoys qui n’est pas du pays
dont il est/ & ne sont soubz ung mesme seigneur ne de une terre porte
armes aux siennes semblables. Puis que mesmement sont siennes
d’ancienneté/ pour quoy les luy peut il calenger ne sa longue possession
empescher/ certes de ce ne appartient juger bataille ne aultre droit
fors que chascun se tiengne en son vouloir. Je ne dy pas que s’il
advenoit que pour faulcement dissimuler ung chevalier ou ung homme
d’armes de france ou d’aultre part/ que homme fust de tresmauvaise vie
et prensist les armes de ung chevalier allemant avec lesquelles fist les
mauvaistés Ledit allemant n’auroit pas mauvaise cause de les luy
calenger ains seroit sa querelle juste et bonne/ mais autre bataille ne
seroit a juger contre ce mauvais homme si non les fourches car il ne
seroit pas droit que ung homme se meist en peril contre ung mauvais
homme qui evidamment seroit de mauvaise vie/ & pour cestuy barat
d’autruy armes prendre pourroit on estre pugny par droit en plusieurs
manieres/ car se ung sauldoier de simple linage alemant ou d’autre part
venoit en france es guerres du roy pour estre prins et retenu a gaiges &
portast les armes d’aucun ancien linage de son païs duquel selon la
renommee eussent acoustumé d’estre tresbonnes gens d’armes/ et pour plus
estre honnoré et d’avoir meilleur gaige et greigneur estat les eust
prinses/ n’est pas doubte que se telle chose venoit a congnoissance et
le lignage s’en reclamast de tort il en seroit pugni par droit & aussy
qui contreferoit la marque d’un autre/ car se telle chose estoit
soufferte se pourroient faire infiniz debatz et baratz.




Des armes et penonceaux et des couleurs plus nobles d’armoyerie. xvii.e
cha.


Mais pource que en ceste matiere entrez sommes et que ramentu me as les
banieres & armez des grans seigneurs/ te diray des couleurs que on y
repute les plus haultes & les plus riches/ car difference y a de
noblesse pour la representation qu’elles font selon nature. Les maistres
de loy d’armes treuvent que couleur d’or est la plus riche/ & la raison
est pource que l’or en sa nature est cler & luisant/ vertueux &
confortant tellement que les maistres de phisique le donnent pour
souverain confort a l’omme debilité pres de mort/ & avec ce represente
le soleil qui est tresnoble lumiere/ car la loy dit qu’il n’est chose
plus noble que clarté. Et pour ceste excellence disoit l’escripture que
le juste et la saincte personne resemble l’or & le soleil & pource que
l’or en sa proprieté est comparé au soleil en plusieurs choses
ordonnerent les anciennes loix que homme ne portast or si non les
princes si est doncques or la plus noble.

Item la seconde couleur est pourpre que nous disons vermeil ou rouge et
represente le feu/ si est le feu plus luisant en son corps apres le
soleil & le plus noble de tous les quatre elemens/ pour laquelle
noblesse semblablement ordonnerent les loix que on ne portast vermeil si
non les souverains seigneurs.

Item la tierce noble couleur est Azur/ laquelle pour sa figure
represente l’air/ lequel apres le feu est le plus noble des elemens/ car
il est en son corps subtil et penetratif et habille a recevoir les
influences.

Item la iiii.e couleur est le blanc que on dit en armoyerie argent/
laquelle couleur de blanc est la plus noble de celles qui cy apres
s’ensuivent/ car plus est prochain des corps luisans & avec ce signifie
pureté & innocence/ & dit l’escripture que les vestemens de nostre
seigneur apparoient aux appostres blancs comme noix. Et ceste couleur de
blanc represente l’eaue/ laquelle apres luy est la plus noble.

Item l’autre couleur est noir que on dit en armoyerie sable qui
represente la terre et signifie doleur/ car plus s’eslonge de clarté que
ne font les autres/ & pource fut trouvé que en signe de douleur noirs
habis appartenissent aux dolans si est la plus basse et la plus humble
qui soit/ & pource fut ordonné que religieux s’en vestissent.

Item l’autre couleur d’armoierie est vert qu’on dit sinople qui signifie
bois/ champs/ & prez. Et pource qu’elle n’est pas comptee des quatre
ellemens est reputee la moindre/ & d’icelles six couleurs sont
differencees toutes armes et banieres par diverses divises prinses par
haultesse des le temps tresancien.




Explicit le livre de droit d’armes subtilité & cautelle ad ce servans
selon Vegece de l’art de chevalerie. Imprimé le xxvi.e jour de Juing
Mil. CCCC. quatre vings & huit/ par Anthoine verard Libraire demourant a
Paris sur le pont nostre dame a l’ymage sainct Jehan l’evangeliste ou au
palaiz empres la chapelle ou on chante la messe de messeigneurs les
presidens.

[Marque d’imprimeur]

                JESUS
    Pour provocquier ta grant misericorde
    De tous pecheurs faire grace et pardon
    Anthoine Verard humblement te recorde
    Ce qu’il a il tient de toi par don.




Icy sont declairees les douze vertus que ung noble homme et de noble
couraige doibt avoir en son cueur/ et en sa memoire et en user.


    Vous yssus de noble maison
    Et de gentil sang successeurs
    Tant de vertus que de raison
    Devez estre vrays possesseurs
    De vos parfaitz predicesseurs
    Avez le nom et heritaige
    Mais douze vertus qui sont seurs
    Font seulement noble couraige.

    Ceulx qui gentilz nommer se veullent
    Et nobles dire et maintenir
    Et pour nobles tenir se veullent
    Douze vertus doivent tenir
    Cest abregé leur administre
    S’ilz les veullent entretenir
    Et de leur cueur faire registre.


Noblesse.

    La vertu premiere est noblesse
    Car le noble doibt estre extrait
    De noble sang de gentillesse
    Dont son nom et ses armes trait
    Garde soy de faire faulz trait
    Mais ce monstre filz legitisme
    Et soit son cueur en vif pourtrait
    De nobles meurs et bon regime.


Foy.

    Par cas pareil doibt avoir foy
    Tout noble homme premierement
    Envers dieu le souverain roy
    A l’eglise pareillement
    Et a son prince entierement.
    La doit garder sans quelque offence
    Qui sa foy faulce ou son serment
    Du tout pert honneur & credence.


Leaulté.

    Tiercement ensuyt leaulté
    Que le noble doibt possesser
    Comme la leur de sa bonté
    En son cueur la doibt entasser
    Pour nul cas ne la doit faulser
    Soit vers son espouse ou sa dame
    Car mieux vaut leal trespasser
    Que desleal vivre en blasme.


Honneur.

    Sur honneur doibt estre fondé
    Du noble le desir finable
    Qui veult estre recommandé
    En tous ses faitz soit honnorable
    Il ait la bouche veritable
    Et cueur assiz plus hault que roche
    Ainsy pourra estre semblable
    Aux parfais qui sont sans reproche.


Droicture.

    Apres honneur ensuyt droicture
    Qui le noble fait obliger
    A garder toute creature
    En droit. et le mal corriger
    Ses armes ne doibt encharger
    S’il n’a bonne et juste querelle
    Et ne doibt croire de legier
    Mais partie ouye sans cautelle.


Prouesse.

    Prouesse est la haulte vertu
    Qui en cueur de noble recline
    Son nom est mort et abatu
    Se prouesse en luy ne domine
    Preux et vaillans s’y determine
    Pour louenge & renom acquerre
    Ou aultrement il n’est pas digne
    De tenir seigneurie ne terre.


Amour.

    Amour est la vertu feable
    Qui au noble fait dieu amer
    Reffuge doulz & amiable/
    Se doibt le noble a tous clamer
    Faire se doibt aussy amer/
    D’amour conduit et de franchise
    En gardant par terre & par mer
    Vesves orphenins et l’eglise.


Courtoisie.

    Courtoisie est la vertu noble
    Qui le noble peut decorer
    C’est ung des beaulx fruitz du vignoble
    Que gentil cueur peut savourer
    Il doibt contendre & labourer
    D’estre doulz et d’umble vouloir
    Si se pourront en luy mirer
    Tous et toutes pour mieulx valoir.


Diligence.

    Diligence acquiert par son gré
    Prouesse et honneur largement
    Et met le noble en hault degré
    S’il le veult croire seulement
    Attaindre ne peut franchement
    Les autres vertus l’exellence
    Qui premier n’a le fondement
    Et le moyen de diligence.


Necteté.

    Cueur gentil qui a honneur chache
    Doibt avoir necteté entiere
    Car on veult que une seule tache
    Deffait la robe tant soit chiere
    En faitz en ditz et en maniere
    Necteté la doibt esclarchir
    C’est des haulx biens la tresoriere
    Qui les nobles peut enrichir.


Largesse.

    En noble cueur et gratieux
    Doibt estre largesse comprinse
    Car ung cueur avaricieux
    Ne fera ja de haulte emprinse
    Qui est large chascun le prise
    Bien est servy et tant amé
    Que par sa largesse bien prise
    Il est haultement renommé.


Sobresse.

    Sobresse fait l’arriere garde
    Dont le noble homme est capitaine
    Affin que ses vertus bien garde
    En bonté dont n’ait gloire vaine
    Ne dye parolle villaine
    Et de pres se garde en tout lieu
    Car ja n’aura vertu haultaine
    Qui de son ventre fait son dieu.

    Noble homme pas ne fourligne
    Aime mieux honneur que peccune
    Considere ta noble ligne
    De ces vertus aime chascune
    Et d’icelle n’oublie aucune
    Car d’une çainture sont çaintes
    Qui pert la lumiere de l’une
    Toutes les aultres sont estaintes.

    Estudie es nobles histoires
    Des preuz des loyaulz des parfaiz
    De leurs honnorables memoires
    Peuz valoir en ditz et en faiz
    Se tu portes le pareil faiz
    A tes successeurs pourra plaire
    Et leur seras se ainsi le faiz
    Droicturier patron d’exemplaire.


Cy sont les vii. vertus que en noblesse doibt avoir Et par especial es
princes.




NOTE DU TRANSCRIPTEUR


L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à
l’original. On a cependant résolu les abréviations par signes
conventionnels (par exemple cõe pour comme), différencié u/v et i/j, et
ajouté cédilles, apostrophes et accents. Les pieds de mouche (¶) ont été
convertis en alinéas. On a suppléé à l’absence de point en fin de
paragraphe.

Seules ont été corrigées les erreurs manifestement imputables au
typographe (confusion entre lettres semblables, doublons, etc.). A
certains endroits où la lecture ne semblait pas fluide, on s’est appuyé
sur le manuscrit ms. 10476 de la Bibliothèque royale de Bruxelles pour
ajouter quelques lettres ou mots manquants, signalés entre crochets.







*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ART DE CHEVALERIE SELON VEGECE ***


    

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