Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe

By comte Th. Du Moncel

The Project Gutenberg EBook of Le Téléphone, le Microphone et le
Phonographe, by Théodore du Moncel

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org


Title: Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe

Author: Théodore du Moncel

Illustrator: B. Bonnafoux

Release Date: December 20, 2008 [EBook #27574]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***




Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net
(This file was produced from images generously made
available by the Bibliothèque nationale de France
(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)





[Notes au lecteur de ce ficher digital:

Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été
corrigées.

Le signe ^ précède les exposants; { } entoure les indices; = démarque
les caractères gras.

L'original contient 67 illustrations non titrées.]




BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES


LE TÉLÉPHONE

LE MICROPHONE

ET LE PHONOGRAPHE


PAR


LE COMTE TH. DU MONCEL

Membre de l'Institut




OUVRAGE ILLUSTRÉ

DE 67 FIGURES DESSINÉES SUR BOIS

PAR B. BONNAFOUX




PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie

79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79

1878

Droits de propriété et de traduction réservés




BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION

DE M. ÉDOUARD CHARTON


LE TÉLÉPHONE, LE MICROPHONE ET LE PHONOGRAPHE




  21571-78.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
  Rue de Fleurus, 9




LE TÉLÉPHONE

LE MICROPHONE

ET LE PHONOGRAPHE


UN COUP D'OEIL HISTORIQUE.

À proprement parler, le téléphone n'est qu'un instrument apte à
transmettre les sons à distance, et l'idée de cette transmission est
aussi ancienne que le monde. Les Grecs employaient des moyens
susceptibles de la réaliser, et il n'est pas douteux que ces moyens
n'aient été quelquefois mis à contribution dans les oracles du
paganisme. Seulement cette transmission des sons ne sortait pas de
certaines limites assez restreintes, ne dépassant pas sans doute
celles des porte-voix. Suivant M. Preece, le document le plus ancien
où cette transmission du son à distance soit formulée d'une manière un
peu nette, remonte à l'année 1667, comme il résulte d'un écrit d'un
certain Robert Hooke, qui dit à ce propos: «Il n'est pas impossible
d'entendre un bruit à grande distance, car on y est déjà parvenu, et
l'on pourrait même décupler cette distance sans qu'on puisse taxer la
chose d'impossible. Bien que certains auteurs estimés aient affirmé
qu'il était impossible d'entendre à travers une plaque de verre
noircie même très-mince, je connais un moyen facile de faire entendre
la parole à travers un mur d'une grande épaisseur. On n'a pas encore
examiné à fond jusqu'où pouvaient atteindre les moyens acoustiques, ni
comment on pourrait impressionner l'ouïe par l'intermédiaire d'autres
milieux que l'air, et je puis affirmer _qu'en employant un fil tendu,
j'ai pu transmettre instantanément le son à une grande distance et
avec une vitesse sinon aussi rapide que celle de la lumière, du moins
incomparablement plus grande que celle du son dans l'air. Cette
transmission peut être effectuée non-seulement avec le fil tendu en
ligne droite, mais encore quand ce fil présente plusieurs coudes._»

Ce système de transmission des sons, sur lequel sont basés les
téléphones à ficelle qui attirent l'attention depuis quelques années,
est resté à l'état de simple expérience jusqu'en 1819, époque à
laquelle M. Wheatstone l'appliqua à sa lyre magique. Dans cet
appareil, les sons étaient transmis à travers une longue tige de sapin
dont l'extrémité était adaptée à une caisse sonore; de là à l'emploi
des membranes utilisées dans les téléphones à ficelle, il n'y avait
qu'un pas. Quel est celui qui eut cette dernière idée?... il est assez
difficile de le dire, car beaucoup de ces vendeurs de téléphones se
l'attribuent sans se douter même de la question. S'il faut en croire
certains voyageurs, ce système serait depuis longtemps employé en
Espagne pour les correspondances amoureuses. Quoi qu'il en soit, les
cabinets de physique ne possédaient pas ces appareils il y a quelques
années, et beaucoup de personnes croyaient même que la ficelle était
constituée par un tube acoustique de petit diamètre. Cet appareil,
quoique devenu un jouet d'enfant, est d'une grande importance
scientifique, car il montre que les vibrations capables de reproduire
la parole peuvent être d'un ordre infiniment petit, puisqu'elles
peuvent être transmises mécaniquement à des distances dépassant cent
mètres. Toutefois, au point de vue télégraphique, le problème de la
propagation des sons à distance était loin d'être résolu de cette
manière, et l'idée d'appliquer les effets électriques à cette sorte de
transmission dut naître aussitôt qu'on put être témoin des effets
merveilleux de la télégraphie électrique, ce qui nous reporte déjà aux
époques qui suivirent l'année 1839. Une découverte inattendue faite
par M. Page en 1837, en Amérique, et étudiée depuis par MM. Wertheim,
de la Rive et autres, devait d'ailleurs y conduire naturellement; car
on avait reconnu qu'une tige magnétique soumise à des aimantations et
à des désaimantations très-rapides, pouvait émettre des sons, et que
ces sons étaient en rapport avec le nombre des émissions de courants
qui les provoquaient.

D'un autre côté, les vibrateurs électriques combinés par MM.
Mac-Gauley, Wagner, Neef, etc., et disposés dès 1847 et 1852 par MM.
Froment et Pétrina pour la production de sons musicaux, prouvaient que
le problème de la transmission des sons à distance était possible.
Toutefois, jusqu'en 1854, personne n'avait osé admettre la possibilité
de transmettre électriquement la parole à distance, et quand M.
Charles Bourseul publia à cette époque une note sur la transmission
électrique de la parole, on regarda cette idée comme un rêve
fantastique. Moi-même, je dois l'avouer, je ne pouvais y croire, et
quand, dans la première édition de mon exposé des applications de
l'électricité publiée en 1854[1], je rapportai cette note, je crus
devoir l'accompagner de commentaires plus que dubitatifs. Cependant,
comme la note me paraissait bien raisonnée, je n'hésitai pas à la
publier en la signant seulement des initiales Ch. B***. La suite
devait donner raison à cette idée hardie, et quoiqu'elle ne renfermât
pas en elle le principe physique qui seul pouvait conduire à la
reproduction des sons articulés, elle était pourtant le germe de
l'invention féconde qui a illustré les noms de Graham Bell et d'Elisha
Gray. C'est à ce titre que nous allons reproduire encore ici la note
de M. Charles Bourseul.

         [Note 1: Voy. t. II, p. 225, et t. III, p. 110, de la 2e
         édition du même ouvrage publiée en 1857.]

«Après les merveilleux télégraphes qui peuvent reproduire à distance
l'écriture de tel ou tel individu, et même des dessins plus ou moins
compliqués, il semblerait impossible, dit M. B***, d'aller plus en
avant dans les régions du merveilleux. Essayons cependant de faire
quelques pas de plus encore. Je me suis demandé, par exemple, si la
parole elle-même ne pourrait pas être transmise par l'électricité, en
un mot, si l'on ne pourrait pas parler à Vienne et se faire entendre
à Paris. La chose est praticable: voici comment:

«Les sons, on le sait, sont formés par des vibrations et appropriés à
l'oreille par ces mêmes vibrations que reproduisent les milieux
intermédiaires.

«Mais l'intensité de ces vibrations diminue très rapidement avec la
distance; de sorte qu'il y a, même en employant des porte-voix, des
tubes et des cornets acoustiques, des limites assez restreintes qu'on
ne peut dépasser. Imaginez que l'on parle près d'une plaque mobile,
assez flexible pour ne perdre aucune des vibrations produites par la
voix, que cette plaque établisse et interrompe successivement la
communication avec une pile: vous pourrez avoir à distance une autre
plaque qui exécutera en même temps les mêmes vibrations.

«Il est vrai que l'intensité des sons produits sera variable au point
de départ, où la plaque vibre par la voix, et constante au point
d'arrivée, où elle vibre par l'électricité; mais il est démontré que
cela ne peut altérer les sons.

«Il est évident d'abord que les sons se reproduiraient avec la même
hauteur dans la gamme.

«L'état actuel de la science acoustique ne permet pas de dire _a
priori_ s'il en sera tout à fait de même des syllabes articulées par
la voix humaine. On ne s'est pas encore suffisamment occupé de la
manière dont ces syllabes sont produites. On a remarqué, il est vrai,
que les unes se prononcent des dents, les autres des lèvres, etc.,
mais c'est là tout.

«Quoi qu'il en soit, il faut bien songer que les syllabes ne
reproduisent, à l'audition, rien autre chose que des vibrations des
milieux intermédiaires; reproduisez exactement ces vibrations, et vous
reproduirez exactement aussi les syllabes.

«En tout cas, il est impossible de démontrer, dans l'état actuel de la
science, que la transmission électrique des sons soit impossible.
Toutes les probabilités, au contraire, sont pour la possibilité.

«Quand on parla pour la première fois d'appliquer l'électro-magnétisme
à la transmission des dépêches, un homme haut placé dans la science
traita cette idée de sublime utopie, et cependant aujourd'hui on
communique directement de Londres à Vienne par un simple fil
métallique.--Cela n'était pas possible, disait-on, et cela est.

«Il va sans dire que des applications sans nombre et de la plus haute
importance surgiraient immédiatement de la transmission de la parole
par l'électricité.

«À moins d'être sourd et muet, qui que ce soit pourrait se servir de
ce mode de transmission qui n'exigerait aucune espèce d'appareils. Une
pile électrique, deux plaques vibrantes et un fil métallique
suffiraient.

«Dans une multitude de cas, dans de vastes établissements, par
exemple, on pourrait, par ce moyen, transmettre à distance tel ou tel
avis, tandis qu'on renoncera à opérer cette transmission par
l'électricité, dès lors qu'il faudra procéder lettre par lettre et à
l'aide de télégraphes exigeant un apprentissage et de l'habitude.

«Quoi qu'il arrive, il est certain que dans un avenir plus ou moins
éloigné, la parole sera transmise à distance par l'électricité. _J'ai
commencé des expériences à cet égard_: elles sont délicates et exigent
du temps et de la patience, mais _les approximations obtenues_ font
entrevoir un résultat favorable.»

Il est certain que cette description n'est pas assez complète pour
qu'on puisse y découvrir la disposition qui pouvait conduire à la
solution du problème, et si les vibrations de la lame au poste de
réception devaient résulter d'interruptions et de fermetures de
courant effectuées au poste de transmission, sous l'influence des
vibrations déterminées par la voix, elles ne pouvaient fournir que des
sons musicaux et non des sons articulés. Néanmoins l'idée était
_très-belle_, comme le dit M. Preece, tout en regardant sa réalisation
comme impossible[2]. Il est du reste facile de voir que M. Bourseul
lui-même ne se dissimulait pas les difficultés du problème en ce qui
touchait les sons articulés, car il signale, comme on vient de le
voir, les différences qui existent entre les vibrations simples
produisant les sons musicaux et les vibrations complexes déterminant
les sons articulés; mais, comme il le disait fort justement:
_Reproduisez au poste de réception les vibrations de l'air déterminées
au poste de transmission, et vous aurez la transmission de la parole
quelque compliqué que soit le mécanisme au moyen duquel on l'obtient._
Nous verrons à l'instant comment a été résolu ce problème, et il est
probable que certains essais avaient déjà fait pressentir à M.
Bourseul la solution de la question; mais rien dans sa note ne peut
faire entrevoir quels étaient les moyens auxquels il avait pensé; de
sorte que l'on ne peut raisonnablement pas lui rapporter la découverte
de la transmission électrique de la parole, et nous ne comprenons
guère qu'on ait pu nous faire un reproche de ne pas avoir apprécié,
dès cette époque, l'importance de cette découverte qui pouvait bien
alors paraître un peu du domaine de la fantaisie.

         [Note 2: Voy. le _Journal de la Société des Ingénieurs
         télégraphistes de Londres_, t. VI, p. 417 et 419.]

Ce n'est qu'en 1876 que le problème de la transmission électrique de
la parole a été définitivement résolu, et cette découverte a soulevé
dans ces derniers temps, entre MM. Elisha Gray, de Chicago, et Graham
Bell un débat de priorité intéressant sur lequel nous devons dire
quelques mots.

Dès l'année 1874, M. Elisha Gray s'occupait d'un système de téléphone
musical qu'il voulait appliquer aux transmissions télégraphiques
multiples, et les recherches qu'il dut entreprendre pour établir ce
système dans les meilleures conditions possibles lui firent entrevoir
la possibilité de transmettre électriquement les mots articulés. Tout
en expérimentant son système télégraphique, il combina, en effet, vers
le 15 janvier 1876, un système de _téléphone parlant_ dont il déposa à
l'office des patentes américaines, sous la forme de _caveat_ ou de
brevet provisoire, la description et les dessins. Ce dépôt fut fait le
14 février 1876: or ce même jour M. Graham Bell déposait également à
l'office des patentes américaines une demande de brevet dans laquelle
il était bien question d'un appareil du même genre, mais qui
s'appliquait surtout à des transmissions télégraphiques simultanées
au moyen d'appareils téléphoniques, et les quelques mots qui, dans ce
brevet, pouvaient se rapporter au téléphone à sons articulés,
s'appliquaient à un instrument qui, de l'aveu même de M. Bell, n'a pu
fournir _aucuns résultats satisfaisants_[3]. Dans le _caveat_ de M.
Gray, au contraire, l'application de l'appareil à la transmission
électrique de la parole est uniquement indiquée, la description du
système est complète, et les dessins qui l'accompagnent sont tellement
précis qu'un téléphone exécuté d'après eux pouvait parfaitement
fonctionner; c'est du reste ce que M. Gray put constater lui-même
quand, quelque temps après, il exécuta son appareil qui ne différait
guère de celui à liquide dont parle M. Bell dans son mémoire. À ce
titre, M. Elisha Gray se serait trouvé certainement mis en possession
du brevet, si une omission de formes de l'office des patentes
américaines, qui, comme on le sait, prononce sur la priorité des
inventions dans ce pays, n'avait entraîné la déchéance de son
_caveat_, et c'est à propos de cette omission qu'un procès a été
intenté dernièrement à M. Bell, devant la Cour suprême de l'office des
patentes américaines, pour faire tomber son brevet. Si M. Gray ne
s'est pas occupé plus tôt de cette réclamation, c'est qu'il était
alors entièrement occupé d'expérimenter son système de téléphone
harmonique appliqué aux transmissions télégraphiques qu'il jugeait
plus important au point de vue commercial, et que le temps lui avait
complètement manqué pour donner suite à cette affaire.

         [Note 3: Voy. le Mémoire de M. Bell dans le _Journal de
         la Société des Ingénieurs télégraphistes de Londres_, t. VI,
         p. 407.]

Quoi qu'il en soit, c'est seulement à partir de la prise de possession
de son brevet que M. Bell commença à s'occuper sérieusement du
téléphone parlant, et ses efforts ne tardèrent pas à être couronnés de
succès, car peu de mois après, il exposait à Philadelphie son
téléphone parlant qui excita, dès cette époque, l'attention publique
au plus haut degré, et qui, perfectionné encore au point de vue
pratique, nous arriva en Europe dans l'automne 1877 avec la forme que
nous lui connaissons.

Comme complément à cette histoire sommaire du téléphone, nous devons
dire que, depuis sa réussite, bon nombre de réclamations de priorité
ont surgi comme par enchantement. Nous voyons d'abord qu'un certain M.
John Camack, Anglais d'origine, s'attribue l'invention du téléphone,
se basant sur ce qu'en 1865 il aurait non-seulement fait la
description de cet appareil, mais encore exécuté les dessins; il
ajoute même que si les moyens ne lui avaient pas fait défaut pour le
construire, le téléphone aurait été découvert dès cette époque. Une
prétention semblable a été également émise par M. Dolbear, compatriote
de M. Bell, et nous verrons bientôt ce qu'en dit ce dernier.

Il en est de même d'un certain M. Manzetti, d'Aoste, qui prétend que
son invention téléphonique a été décrite dans beaucoup de journaux de
1865, entre autres dans _le Petit Journal_, de Paris, du 22 novembre
1865, le _Diretto_, de Rome, du 10 juillet 1865, _l'Écho d'Italie_, de
New-York, du 9 août 1865, _l'Italie_, de Florence, du 10 août 1865,
_la Commune d'Italie_, de Gênes, du 1er décembre 1865, _la Vérité_, de
Novarre, du 4 janvier 1866, _le Commerce_, de Gênes, du 6 janvier
1866. Il est vrai qu'aucune description n'a été donnée de ce système,
et que les journaux en question n'ont fait qu'assurer que les
expériences qui avaient été faites avaient montré que la solution
pratique du problème de la transmission électrique de la parole par ce
système était possible. Quoi qu'il en soit, M. Charles Bourseul aurait
encore la priorité de l'idée; mais suivant nous, on ne doit ajouter
qu'une médiocre confiance à toutes ces revendications faites après
coup.

Avant de nous occuper du téléphone de Bell et des diverses
modifications qu'on lui a apportées, il nous a paru important, pour
bien familiariser le lecteur avec ces sortes d'appareils, d'étudier
les téléphones électro-musicaux qui l'ont précédé, et en particulier
celui de M. Reiss, qui fut construit en 1860 et qui a été le point de
départ de tous les autres. Nous verrons d'ailleurs que ces instruments
ont des applications très-importantes, et la télégraphie leur devra
probablement un jour de grands progrès.




TÉLÉPHONES MUSICAUX.


=Téléphone de M. Reiss.=--Le téléphone de M. Reiss est fondé, quant à
la reproduction des sons, sur les effets découverts par M. Page en
1837 et, pour leur transmission électrique, sur le système à membrane
vibrante utilisé dès 1855 par M. L. Scott dans son phonautographe. Cet
appareil se compose donc, comme les systèmes télégraphiques, de deux
parties distinctes, d'un transmetteur et d'un récepteur, et nous les
représentons fig. 1.

Le transmetteur était essentiellement constitué par une boîte sonore
K, qui portait à sa partie supérieure une large ouverture circulaire à
travers laquelle était tendue une membrane, et au centre de celle-ci
était adapté un léger disque de platine _o_, au-dessus duquel était
fixée une pointe métallique _b_, qui constituait avec le disque
l'interrupteur. Sur une des faces de cette boîte sonore K, se trouvait
une sorte de porte-voix T qui était destiné à recueillir les sons et à
les diriger à l'intérieur de la boîte pour les faire réagir ensuite
sur la membrane. Une partie de la boîte K est brisée sur la figure
pour qu'on puisse distinguer les différentes parties qui la composent.

Les tiges _a_, _c_, qui portent la pointe de platine _b_, sont réunies
métalliquement avec une clef Morse _t_, placée sur le côté de la boîte
K, et avec un électro-aimant A, qui appartient à un système
télégraphique destiné à échanger les signaux nécessaires à la mise en
action des deux appareils aux deux stations.

Le récepteur est constitué par une caisse sonore B, portant deux
chevalets _d_, _d_, sur lesquels est soutenu un fil de fer _d d_ de la
grosseur d'une aiguille à tricoter. Une bobine électro-magnétique _g_
enveloppe ce fil et se trouve enfermée par un couvercle D, qui
concentre les sons déjà amplifiés par la caisse sonore; cette caisse
est même munie, à cet effet, de deux ouvertures pratiquées au-dessous
de la bobine.

Le circuit de ligne est mis en rapport avec le fil de cette bobine par
les deux bornes d'attache 3 et 4, et une clef Morse _t_ se trouve
placée sur le côté de la caisse B pour l'échange des correspondances.

Pour faire fonctionner ce système, il suffit de faire parler
l'instrument dont on veut transmettre les sons devant l'ouverture T,
et cet instrument peut être une flûte, un violon ou même la voix
humaine. Les vibrations de l'air déterminées par ces instruments font
vibrer à l'unisson la membrane téléphonique, et celle-ci, en
approchant et éloignant rapidement le disque de platine _o_ de la
pointe _b_, fournit une série d'interruptions de courant qui se
trouvent répercutées par le fil de fer _d d_ et transformées en
vibrations métalliques, dont le nombre est égal à celui des sons
successivement produits.

D'après ce mode d'action, on comprend donc qu'il soit possible de
transmettre les sons avec leur valeur relative; mais l'on conçoit
également que ces sons ainsi transmis n'auront pas le timbre de ceux
qui leur donnent naissance, car le timbre est indépendant du nombre
des vibrations, et, il faut même le dire ici, les sons produits par
l'appareil de M. Reiss avaient un timbre de flûte à l'oignon qui
n'avait rien de séduisant; toutefois le problème de la transmission
électrique des sons musicaux était bien réellement résolu, et l'on
pouvait dire en toute vérité qu'un air ou une mélodie pouvait être
entendu à une distance aussi grande qu'on pouvait le désirer.

L'invention de ce téléphone date, comme on l'a déjà vu, de l'année
1860, et le professeur Heisler en parle dans son traité de physique
technique, publié à Vienne en 1866; il prétend même dans l'article
qu'il lui a consacré, que, quoique dans son enfance, cet appareil
était susceptible de transmettre non-seulement des sons musicaux, mais
encore des mélodies chantées. Ce système fut ensuite perfectionné par
M. Vander-Weyde, qui, après avoir lu la description publiée par M.
Heisler, chercha à rendre la boîte de transmission de l'appareil plus
sonore et les sons produits par le récepteur plus forts. Voici ce
qu'il dit à ce sujet dans le _Scientific american Journal_:

«Ayant fait construire en 1868 deux téléphones du genre de celui
décrit précédemment, je les montrai à la réunion du club polytechnique
de l'Institut américain. Les sons transmis étaient produits à
l'extrémité la plus éloignée du Cooper Institut, et tout à fait en
dehors de la salle où se trouvaient les auditeurs de l'association;
l'appareil récepteur était placé sur une table, dans la salle même des
séances. Il reproduisait fidèlement les airs chantés, mais les sons
étaient un peu faibles et un peu nasillards. Je songeai alors à
perfectionner cet appareil, et je cherchai d'abord à obtenir dans la
boîte K des vibrations plus puissantes en les faisant répercuter par
les côtés de cette boîte au moyen de parois creuses. Je renforçai
ensuite les sons produits par le récepteur, en introduisant dans la
bobine plusieurs fils de fer, au lieu d'un seul. Ces perfectionnements
ayant été soumis à la réunion de l'Association américaine pour
l'avancement des sciences qui eut lieu en 1869, on exprima l'opinion
que cette invention renfermait en elle le germe d'une nouvelle méthode
de transmission télégraphique qui pourrait conduire à des résultats
importants. Cette appréciation devait être bientôt justifiée par la
découverte de Bell et d'Elisha Gray.


=Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray.=--Ce système, que nous
représentons fig. 2 et 3, n'est qu'un simple perfectionnement de celui
de M. Reiss, imaginé en vue de rendre les effets produits plus
énergiques. Ainsi le transmetteur est muni de deux membranes au lieu
d'une, et son récepteur, au lieu d'être constitué par un simple fil de
fer recouvert d'une bobine magnétisante, se compose de deux bobines
distinctes, H, H', fig. 2, placées dans le prolongement l'une de
l'autre, et à l'intérieur desquelles se trouvent deux tiges de fer.
Ces tiges sont fixées par une de leurs extrémités à deux lames de
cuivre A, B, maintenues elles-mêmes dans une position fixe au moyen de
deux piliers à écrous I, I', et les deux autres extrémités de ces
tiges, entre les bobines, sont disposées à une très-petite distance
l'une devant l'autre, mais sans cependant se toucher. Le système est
d'ailleurs monté sur une caisse sonore, munie d'un trou T dans
l'espace correspondant à l'intervalle séparant les bobines, et
celles-ci communiquent avec quatre boutons d'attache qui sont mis en
rapport avec le circuit de ligne de telle manière que les polarités
opposées des deux tiges soient de signes contraires, et ne forment
qu'un seul et même aimant coupé par le milieu. Il paraît qu'avec cette
disposition les sons produits sont beaucoup plus accentués.

La forme du transmetteur est aussi un peu différente de celle que nous
avons décrite précédemment; la partie supérieure, au lieu d'être
horizontale, est un peu inclinée, comme on le voit fig. 3, et
l'ouverture E par laquelle les sons doivent se communiquer à la
membrane vibrante, occupe une grande partie du côté le plus élevé de
la caisse, qui, à cet effet, se présente sous une certaine obliquité.
La seconde membrane G, qui est en caoutchouc, forme une sorte de
cloison qui divise en deux la caisse, à partir du bord supérieur de
l'ouverture, et, d'après l'inventeur, elle aurait pour effet, tout en
augmentant l'amplitude des vibrations produites par la membrane
extérieure D, comme dans un tambour, de protéger celle-ci contre les
effets de la respiration et plusieurs autres causes nuisibles.
L'interrupteur lui-même diffère aussi de celui de l'appareil de M.
Reiss. Ainsi le disque de platine _b_, appelé à fournir les contacts,
n'est mis en rapport métallique avec le circuit que par
l'intermédiaire de deux petits fils de platine ou d'acier qui plongent
dans deux petits godets _a_, _c_ remplis de mercure et reliés à ce
circuit. Par ce moyen, la membrane D se trouve libre dans ses
mouvements et peut vibrer plus facilement.

L'interruption est d'ailleurs effectuée par une petite pointe de
platine portée par un levier à ressort articulé KH qui se trouve
au-dessus du disque, et dont l'extrémité, étant fixée au-dessous d'une
sorte de clef Morse MI, permet d'effectuer à la main les fermetures de
courant nécessaires à l'échange des correspondances pour la mise en
train des appareils.


=Harmonica électrique.=--Longtemps avant M. Reiss et à plus forte
raison longtemps avant M. Elisha Gray qui a imaginé un téléphone du
même genre, j'avais fait mention d'une sorte d'harmonica électrique
qui a été décrit de la manière suivante dans le tome I, p. 167, de la
première édition de mon _Exposé des applications de l'électricité_
publié en 1853[4].

         [Note 4: Cette description n'était que la répétition d'un
         article publié antérieurement dans le _Journal de
         l'Arrondissement de Valognes_.]

«La faculté que possède l'électricité de mettre en mouvement des lames
métalliques et de les faire vibrer, a pu être utilisée à la production
de sons distincts, susceptibles d'être combinés et harmonisés; mais,
en outre de cette application toute physique, l'électro-magnétisme a
pu venir en auxiliaire à certains instruments, tels que pianos,
orgues, etc., pour leur donner la facilité d'être joués à distance.
Ainsi jusque dans les arts en apparence les moins susceptibles de
recevoir de l'électricité quelque application, cet élément si
extraordinaire a pu être d'un secours utile.

«Nous avons déjà parlé de l'interrupteur de M. de la Rive. C'est,
comme on le sait, une lame de fer soudée à un ressort d'acier et
maintenue dans une position fixe vis-à-vis un électro-aimant, par un
autre ressort ou un butoir métallique en connexion avec l'une des
branches du courant. Comme l'autre branche, après avoir passé dans le
fil de l'électro-aimant aboutit à la lame de fer elle-même,
l'électro-aimant n'est actif qu'au moment où cette lame touche le
butoir ou le ressort d'arrêt; mais aussitôt qu'elle l'abandonne,
l'aimantation cesse, et la lame de fer revient en son point d'arrêt,
puis l'abandonne ensuite. Il se détermine donc une vibration d'autant
plus rapide que la longueur de la lame vibrante est plus courte, et
que la force est plus grande par suite du rapprochement de la lame de
l'électro-aimant.

«Pour rendre les sons de plus en plus aigus, il ne s'agit donc que
d'employer l'un ou l'autre des deux moyens. Le plus simple est d'avoir
une vis que l'on serre ou que l'on desserre à volonté, et qui par cela
même éloigne plus ou moins la lame vibrante de l'électro-aimant. Tel
est l'appareil de M. Froment au moyen duquel il a obtenu des sons
d'une acuité extraordinaire, bien qu'étant fort doux à l'oreille.

«M. Froment n'a pas fait de cet appareil un instrument de musique;
mais on conçoit que rien ne serait plus facile que d'en constituer un;
il ne s'agirait pour cela que de faire agir les touches d'un clavier
sur des leviers métalliques, dont la longueur des bras serait en
rapport avec le rapprochement de la lame nécessité pour la vibration
des différentes notes. Ces différents leviers, en appuyant sur la
lame, joueraient le rôle du butoir d'arrêt, mais ce butoir varierait
de position suivant la touche.

«Si le courant était constant, un pareil instrument aurait
certainement beaucoup d'avantages sur les instruments à anches dont on
se sert, en ce sens qu'on aurait une vibration aussi prolongée qu'on
le voudrait pour chaque note, et que les sons seraient plus veloutés;
malheureusement l'inégalité d'action de la pile en rend l'usage bien
difficile. Aussi ne s'est-on guère servi de ce genre d'appareils que
comme régulateurs auditifs pour l'intensité des piles, régulateurs
infiniment plus commodes que les rhéomètres, puisqu'ils peuvent faire
apprécier les différentes variations d'une pile pendant une
expérience, sans qu'on soit obligé d'en détourner son attention.»

En 1856, M. Pétrina, de Prague, imagina un dispositif analogue auquel
il donna le nom d'_harmonica électrique_, bien qu'à proprement parler
il ne constituât pas dans sa pensée un instrument de musique.

Voici ce que j'en disais dans le tome IV de la seconde édition de mon
exposé des applications de l'électricité publié en 1859.

«Le principe de cet appareil est le même que celui du rhéotome de
Neef, au marteau duquel on a substitué une baguette dont les
vibrations transversales produisent un son. Quatre de ces baguettes,
différentes en longueur, sont placées l'une à côté de l'autre, et
étant mises en mouvement au moyen de touches, puis arrêtées par des
leviers, produisent des sons de combinaison dont il devient facile de
démontrer l'origine.»

Dans ce qui précède je ne dis pas, il est vrai, que ces appareils
pouvaient être joués à distance; mais cette idée était toute
naturelle, et les journaux allemands prétendent que M. Pétrina l'avait
réalisée même avant 1856. Elle était la conséquence de ce que je
disais en débutant: «que l'électro-magnétisme pouvait venir en
auxiliaire à certains instruments tels que pianos, orgues, etc., _pour
leur donner la facilité d'être joués à distance_», et j'indiquais plus
loin les moyens employés pour cela et même pour les faire fonctionner
sous l'influence d'une petite boîte à musique. Je n'y avais du reste
pas attaché d'importance, et ce n'est que comme document historique
que je parle de ces systèmes.


=Téléphone de M. Elisha Gray, de Chicago.=--Ce système, imaginé en
1874, n'est en réalité qu'un appareil du genre de ceux qui précèdent,
mais avec des combinaisons importantes qui ont permis de l'appliquer
utilement à la télégraphie. Dans un premier modèle il mettait à
contribution une bobine d'induction à deux hélices superposées, dont
l'interrupteur, qui était à trembleur, était multiple et disposé de
manière à produire des vibrations assez nombreuses pour émettre des
sons. Ces sons, comme on l'a vu, peuvent avec cette disposition être
modifiés suivant la manière dont l'appareil est réglé, et s'il existe
à côté les uns des autres un certain nombre d'interrupteurs de ce
genre, dont les lames vibrantes soient réglées de manière à fournir
les différentes notes de la gamme sur plusieurs octaves, on pourra, en
mettant en action tels ou tels d'entre eux, exécuter sur cet
instrument d'un nouveau genre un morceau de musique dont les sons se
rapprocheront de ceux produits par les instruments à anches, tels que
harmoniums, accordéons, etc. La mise en action de ces interrupteurs
pourra d'ailleurs être effectuée au moyen du courant primaire de la
bobine d'induction qui circulera à travers l'un ou l'autre des
électro-aimants de ces interrupteurs, sous l'influence de
l'abaissement de l'une ou l'autre des touches d'un clavier
commutateur, et les courants secondaires qui naîtront dans la bobine
sous l'influence de ces courants primaires interrompus, pourront
transmettre des vibrations correspondantes à distance sur un
récepteur. Celui-ci pourrait être analogue à ceux dont nous avons
parlé précédemment pour les téléphones de Reiss, de Wray, etc., mais
M. Gray a dû le modifier pour obtenir des effets plus amplifiés.

Nous représentons (fig. 4) la disposition de ce premier système. Les
vibrateurs sont en A et A', les touches du clavier en M et M', la
bobine d'induction en B, et le récepteur en C. Ce récepteur se
compose, comme on le voit, d'un simple électro-aimant NN' au-dessus
des pôles duquel est adaptée une caisse cylindrique en métal C dont le
fond est en fer et sert d'armature. Cette boîte étant percée comme les
violons de deux trous en S, joue le rôle de caisse sonore, et M.
Elisha Gray a reconnu que les mouvements moléculaires déterminés au
sein du noyau magnétique et de son armature, sous l'influence des
alternatives d'aimantation et de désaimantation, étaient suffisants
pour engendrer des vibrations en rapport avec la rapidité de ces
alternatives, et fournir des sons qui devenaient perceptibles par
suite de leur amplification par la boîte sonore.

S'il faut en croire M. Elisha Gray, les vibrations transmises par des
courants secondaires seraient capables de faire résonner à distance,
par l'intermédiaire du corps humain, des lames conductrices
susceptibles d'entrer facilement en vibration et disposées sur des
caisses sonores. Ainsi l'on pourrait faire produire des sons musicaux
à des cylindres de cuivre placés sur une table, à une plaque
métallique appliquée sur une sorte de violon, à une feuille de
clinquant tendue sur un tambour ou à toute autre substance résonnante,
en touchant d'une main ces différents corps et en prenant de l'autre
le bout du fil du circuit. Ces sons qui pourraient avoir un timbre
différent, suivant la nature de la substance touchée, reproduiraient
la note transmise avec le nombre exact de vibrations qui lui
correspond[5].

         [Note 5: M. Gray dans un article inséré dans le
         _Telegrapher_ du 7 octobre 1876, et dont on trouvera une
         traduction dans les _Annales télégraphiques_ de mars-avril
         1877, p. 97-120, entre dans de longs détails sur ce mode de
         transmission des sons par les tissus du corps humain, et
         voici, suivant lui, les conditions dans lesquelles il faut
         être placé pour obtenir de bons résultats:

         1º Les émissions électriques doivent avoir une tension
         considérable pour rendre l'effet perceptible à l'oreille;

         2º La substance employée pour toucher la plaque métallique
         doit être douce, flexible et conductrice jusqu'au point de
         contact; là, il faut interposer une résistance très-mince, ni
         trop grande ni trop petite;

         3º La plaque et la main ou autre tissu, ne doivent pas
         seulement être en contact, il faut que ce contact résulte
         d'un frottement ou d'un glissement;

         4º Les parties en contact doivent être sèches, afin de
         conserver le degré voulu de résistance.]

On comprend aisément que les effets obtenus dans le système représenté
(fig. 4) pourraient être reproduits, si au lieu d'interrupteurs ou de
rhéotomes électriques, on employait à la station de transmission des
interrupteurs mécaniques disposés de manière à fournir le nombre
d'interruptions de courants en rapport avec les vibrations des
différentes notes de la gamme. On pourrait encore, par ce moyen, se
dispenser de la bobine d'induction et faire réagir directement sur le
récepteur le courant ainsi interrompu par l'interrupteur mécanique. M.
Elisha Gray a du reste combiné une autre disposition de ce système
téléphonique qu'il a appliquée à la télégraphie pour les transmissions
électriques simultanées, et dont nous parlerons plus tard.


=Téléphone de M. Varley.=--Ce téléphone n'est à proprement parler
qu'un téléphone musical dans le genre de celui de M. Gray, mais dont
le récepteur présente une disposition originale vraiment intéressante.

Cette partie de l'appareil est essentiellement constituée par un
véritable tambour de grandes dimensions (3 ou 4 pieds de diamètre),
dans l'intérieur duquel est placé un condensateur formé de quatre
feuilles de papier d'étain séparées par des feuilles en matière
parfaitement isolante, et dont la surface représente à peu près la
moitié de celle du tambour. Les lames de ce condensateur sont
disposées parallèlement aux membranes du tambour et à une très-petite
distance de leur surface.

Si une charge électrique est communiquée à l'une des séries de plaques
conductrices de ce condensateur, celles qui leur correspondront se
trouveront attirées, et si elles peuvent se mouvoir, elles pourront
communiquer aux couches d'air interposées un mouvement qui, en se
communiquant aux membranes du tambour, pourront, pour une série de
charges très-rapprochées les unes des autres, faire vibrer ces
membranes et engendrer des sons; or ces sons seront en rapport avec le
nombre des charges et décharges qui seront produites. Comme ces
charges et décharges peuvent être déterminées par la réunion des deux
armatures du condensateur aux extrémités du circuit secondaire d'une
bobine d'induction dont le circuit primaire sera interrompu
convenablement, on voit immédiatement que, pour faire émettre par le
tambour un son donné, il suffira de faire fonctionner l'interrupteur
de la bobine d'induction de manière à produire le nombre de vibrations
que comporte ce son.

Le moyen employé par M. Varley pour produire ces interruptions est
celui qui a été déjà mis en usage dans plusieurs applications
électriques et notamment pour les chronographes; c'est un diapason
électro-magnétique réglé de manière à émettre le son qu'il s'agit de
transmettre. Ce diapason peut, en formant lui-même interrupteur,
réagir sur le courant primaire de la bobine d'induction, et s'il y a
autant de ces diapasons que de notes musicales à transmettre, et que
les électro-aimants qui les animent soient reliés à un clavier de
piano, il sera possible de transmettre de cette manière une mélodie à
distance comme dans le système de M. Elisha Gray.

La seule chose particulière dans ce système est le fait de la
reproduction des sons par l'action d'un condensateur, et nous verrons
plus loin que cette idée, reprise par MM. Pollard et Garnier, a
conduit à des résultats vraiment intéressants.




TÉLÉPHONES PARLANTS.


Les téléphones que nous venons d'étudier ne peuvent transmettre, comme
on l'a vu, que des sons musicaux, puisqu'ils ne peuvent répéter que
des vibrations simples, en nombre plus ou moins grand, il est vrai,
mais non en combinaisons simultanées, telles que celles qui doivent
reproduire les sons articulés. Jusqu'à l'époque de l'invention de M.
Bell, la transmission de la parole ne pouvait donc se faire que par
des tubes acoustiques ou par les téléphones à ficelle dont nous avons
déjà parlé. Bien que ces sortes d'appareils n'aient aucun rapport avec
ceux que nous nous proposons d'étudier dans cet ouvrage, nous avons
cru devoir en dire ici quelques mots, car ils peuvent quelquefois être
combinés avec les téléphones électriques, et, d'ailleurs, ils
représentent la première étape de l'invention.


=Téléphones à ficelle.=--Les téléphones à ficelle qui depuis plusieurs
années inondent les boulevards et les rues des différentes villes
d'Europe, et dont l'invention remonte, comme on l'a vu, à l'année
1667, sont des appareils très-intéressants par eux-mêmes, et nous
sommes étonné qu'ils n'aient pas figuré plutôt dans les cabinets de
physique. Ils sont constitués par des tubes cylindro-coniques en métal
ou en carton, dont un bout est fermé par une membrane tendue de
parchemin, au centre de laquelle est fixée par un noeud la ficelle ou
le cordon destiné à les réunir. Quand deux tubes de ce genre sont
ainsi réunis et que le fil est bien tendu, comme on le voit fig. 5, il
suffit qu'une personne applique un de ces tubes contre l'oreille et
qu'une autre personne parle très-près de l'ouverture de l'autre tube,
pour que toutes les paroles prononcées par cette dernière soient
immédiatement transmises à l'autre, et l'on peut même converser de
cette manière à voix presque basse. Dans ces conditions, les
vibrations de la membrane impressionnée par la voix se trouvent
transmises mécaniquement à l'autre membrane par le fil qui, comme
l'avait annoncé le physicien de 1667, transmet les sons beaucoup mieux
que l'air. On a pu par ce moyen converser à une distance de cent
cinquante mètres, et il paraîtrait que la grosseur et la nature des
fils exercent une certaine influence. Suivant les vendeurs de ces
appareils, les fils de soie seraient ceux qui donneraient les
meilleurs résultats et les ficelles de chanvre les moins bons. Ce sont
ordinairement des fils de coton tressés qui sont employés afin de
permettre de livrer à bon marché ces appareils.

Dans certains modèles on a disposé les tubes de manière à présenter,
entre la membrane et l'embouchure, un diaphragme percé d'un trou, et
l'appareil ressemble alors à une espèce de cloche dont le fond aurait
été percé et recouvert à quelques millimètres au-dessus de la membrane
de parchemin; mais je n'ai pas reconnu de supériorité bien marquée à
ce modèle.

On a également prétendu que les cornets en métal nickelé étaient
préférables; je n'en suis pas davantage convaincu. Quoi qu'il en soit,
ces appareils ont donné des résultats qu'on était loin d'attendre, et
bien que leurs usages pratiques soient très-restreints, ils
constituent des instruments scientifiques très-intéressants et des
jouets instructifs pour les enfants.

D'après M. Millar, de Glascow, l'intensité des effets produits dans
ces téléphones dépend beaucoup de la nature de la ficelle, de la
manière dont elle est attachée et de la manière dont la membrane est
placée sur l'embouchure.


=Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle.=--Les effets
prodigieux des téléphones Bell ont dans ces derniers temps remis à la
mode les téléphones à ficelle qui étaient restés jusque-là dans le
domaine des jouets d'enfant. La possibilité qu'ils ont donnée de
transmettre à plusieurs personnes la parole reproduite sur un
téléphone électrique a fait rechercher les moyens de les utiliser
concurremment avec ces derniers, et pour cela on a dû d'abord examiner
le moyen le plus efficace de les faire parler sur un fil présentant
plusieurs coudes; nous avons vu que, dans les conditions ordinaires,
ces appareils ne parlaient distinctement que quand le fil était tendu
en ligne droite. Pour résoudre ce problème, M. A. Bréguet a eu l'idée
d'employer comme supports des espèces de petits tambours de basque par
le centre desquels on fait passer le fil; le son porté par la partie
du fil en rapport avec le cornet dans lequel on parle, fait alors
vibrer la membrane de ce tambour, et celle-ci communique ensuite la
vibration à la partie du fil qui suit. On peut de cette manière
obtenir autant de coudes que l'on veut et soutenir le fil sur toute la
longueur qui peut convenir à ces sortes de téléphones, laquelle ne
dépasse guère cent mètres.

M. A. Bréguet a fait encore de ce système des espèces de relais pour
arriver au même but, et pour cela il fait aboutir les fils à deux
membranes qui ferment les deux ouvertures d'un cylindre de laiton; les
sons reproduits par l'une des membranes réagissent sur l'autre, et
celle-ci vibre sous cette influence comme si elle était impressionnée
par la voix; le cylindre joue alors le rôle d'un tube acoustique
ordinaire, et sa forme peut être aussi variée qu'on peut le désirer.

Il paraît que M. A. Badet, dès le 1er février 1878, était parvenu à
faire fonctionner d'une manière analogue les téléphones à ficelle, et
il se servait pour cela de parchemins tendus sur des cadres qui
faisaient l'office de tables résonnantes. Le fil était fixé au centre
de la membrane et faisait avec elle tel angle que l'on voulait.

Plusieurs savants, entre autres MM. Wheatstone, Cornu et Mercadier, se
sont occupés il y a déjà longtemps de ces sortes de transmissions par
les fils, et tout dernièrement MM. Millar, Heaviside et Nixon ont fait
des expériences intéressantes dont nous devons dire quelques mots.
Ainsi, M. Millar a reconnu qu'avec un fil télégraphique tendu et relié
par deux fils de cuivre à deux disques susceptibles de vibrer, on
pouvait transporter les sons musicaux à cent cinquante mètres, et
qu'en tendant des fils à travers une maison, ces fils étant reliés à
des embouchures et à des cornets auriculaires placés dans différentes
chambres, on pouvait correspondre avec toutes ces chambres de la
manière la plus facile.

Il a employé pour les disques vibrants, soit du bois, soit du métal,
soit de la gutta-percha ayant la forme d'un tambour, et les fils
étaient fixés au centre. L'intensité du son semblait augmenter avec la
grosseur du fil.

MM. Heaviside et Nixon, dans leurs expériences à New-Castle sur la
Tyne, ont reconnu que la grosseur du fil qui donnait les meilleurs
résultats était le fil nº 4 de la jauge anglaise. Les disques qu'ils
avaient employés étaient en bois de 1/8 de pouce d'épaisseur, et ils
pouvaient être placés en un point quelconque de la longueur du fil.
Avec un fil bien tendu et tranquille, la parole a pu être entendue de
cette manière à une distance de deux cents mètres.


=Téléphone électrique de M. Graham Bell.=--Tel était l'état des
appareils téléphoniques, lorsqu'en 1876 apparut à l'exposition de
Philadelphie le téléphone de Bell que sir W. Thomson n'a pas craint
d'appeler la _merveille des merveilles_, et sur lequel l'attention du
monde entier s'est trouvée immédiatement portée, bien qu'à vrai dire
son authenticité ait soulevé dans l'origine bien des incrédulités. Ce
téléphone, en effet, reproduisait les mots articulés, et ce résultat
dépassait tout ce que les physiciens avaient pu concevoir. Cette fois
ce n'était plus une conception que l'on pouvait, jusqu'à preuve
contraire, traiter de fantastique: l'appareil parlait, et même parlait
assez haut pour n'avoir pas besoin d'être placé contre l'oreille.
Voici ce qu'en disait sir W. Thomson à l'Association britannique pour
l'avancement des sciences lors de sa réunion à Glascow en septembre
1876.

«Au département des télégraphes des États-Unis, j'ai vu et entendu le
téléphone électrique de M. Elisha Gray, merveilleusement construit,
faire résonner en même temps quatre dépêches en langage Morse, et avec
quelques améliorations de détail, cet appareil serait évidemment
susceptible d'un rendement quadruple.... Au département du Canada,
j'ai entendu: _To be or not to be.--There's the rub_, articulés à
travers un fil télégraphique, et la prononciation électrique ne
faisait qu'accentuer encore l'expression railleuse des monosyllabes;
le fil m'a récité aussi des extraits au hasard des journaux de
New-York... Tout cela, mes oreilles l'ont entendu articuler
très-distinctement par le mince disque circulaire formé par l'armature
d'un électro-aimant. C'était mon collègue du jury, le professeur
Watson, qui, à l'autre extrémité de la ligne, proférait ces paroles à
haute et intelligible voix, en appliquant sa bouche contre une
membrane tendue, munie d'une petite pièce de fer doux, laquelle
exécutait près d'un électro-aimant introduit dans le circuit de la
ligne, des mouvements proportionnels aux vibrations sonores de l'air.
Cette découverte, la merveille des merveilles du télégraphe
électrique, est due à un de nos jeunes compatriotes, M. Graham Bell,
originaire d'Édimbourg et aujourd'hui naturalisé citoyen des
États-Unis.

«On ne peut qu'admirer la hardiesse d'invention qui a permis de
réaliser avec des moyens si simples, le problème si complexe de faire
reproduire par l'électricité les intonations et les articulations si
délicates de la voix et du langage, et pour obtenir ce résultat, il
fallait trouver moyen de faire varier l'intensité du courant dans le
même rapport que les inflexions des sons émis par la voix.»

S'il faut en croire M. G. Bell, l'invention du téléphone n'aurait pas
été le résultat d'une conception spontanée et heureuse; elle aurait
été la conséquence de longues et patientes études entreprises par lui
sur l'acoustique et les travaux des physiciens qui s'en étaient
occupés avant lui[6]. Déjà son père, M. Alexandre Melville Bell,
d'Édimbourg, avait fait de cette science une étude approfondie, et
était même parvenu à représenter d'une manière excessivement
ingénieuse la disposition des organes vocaux pour émettre des sons. Il
devait naturellement inculquer à son fils le goût de ses études
favorites, et ils firent ensemble de nombreuses recherches pour
découvrir les relations qui pouvaient exister entre les divers
éléments de la parole dans les différentes langues et les relations
musicales existant entre les voyelles. Plusieurs de ces recherches
avaient, il est vrai, déjà été entreprises par M. Helmholtz, et même
dans de meilleures conditions; mais ces études lui furent d'une grande
utilité quand il s'occupa plus tard du téléphone, et les expériences
d'Helmholtz qu'il répéta avec un de ses amis, M. Hellis, de Londres,
sur la reproduction artificielle des voyelles au moyen de diapasons
électriques, le lancèrent dans l'étude de l'application des moyens
électriques aux instruments d'acoustique. Il combina d'abord un
système d'harmonica électrique à clavier, dans lequel les différents
sons de la gamme étaient reproduits par des diapasons électriques de
différentes tailles, accordés suivant les différentes notes, et qui
étant mis en action par suite de l'abaissement successif des touches
du clavier, pouvaient reproduire les sons correspondants aux touches
abaissées, comme cela a lieu dans les pianos ordinaires.

         [Note 6: Voici les noms des physiciens qu'il cite dans
         son _Mémoire sur l'électric telephony_: MM. Page, Marrian,
         Beatson, Gassiot, De la Rive, Matteucci, Guillemin, Wertheim,
         Wartmann, Janniar, Joule, Laborde, Legat, Reiss, Poggendorff,
         du Moncel, Delezenne, Gore, etc. (Voy. le Mémoire de M. G.
         Bell, dans le _Journal de la Société des Ingénieurs
         télégraphistes de Londres_, t. VI, p. 590, 391.)]

Il s'occupa ensuite, dit-il, de télégraphie et pensa à rendre les
télégraphes Morse auditifs en faisant réagir l'organe électro-magnétique
sur des contacts sonores. Ce résultat, il est vrai, était déjà obtenu
dans les parleurs usités en télégraphie, mais il pensa qu'en appliquant
ce système à son harmonica électrique et en employant des appareils
renforceurs tels que le résonnateur d'Helmholtz à la station de
réception, on pourrait obtenir à travers un seul fil des transmissions
simultanées, fondées sur l'emploi des moyens phonétiques. Nous verrons
plus tard que cette idée s'est trouvée réalisée presque simultanément
par plusieurs inventeurs, entre autres par MM. Paul Lacour, de
Copenhague, Elisha Gray, de Chicago, Edison et Varley.

C'est à partir de ce moment que commencèrent sérieusement les
recherches de M. G. Bell sur les téléphones électriques, et des
appareils compliqués il passa aux appareils simples, en faisant une
étude complète des différents modes de vibrations résultant d'actions
électriques différentes; voici ce qu'il dit à cet égard dans son
Mémoire lu à la Société des ingénieurs télégraphistes de Londres, le
31 octobre 1877:

«Si l'on représente par les ordonnées d'une courbe les intensités d'un
courant électrique, et les durées des fermetures de ce courant par les
abscisses, la courbe fournie pourra représenter des ondes en dessus ou
en dessous de la ligne des x, suivant que le courant sera positif ou
négatif, et ces ondes pourront être plus ou moins accentuées suivant
que les courants transmis seront plus ou moins instantanés.

«Si les courants interrompus pour produire un son sont tout à fait
instantanés dans leur manifestation, la courbe représente une série de
dentelures isolées comme on le voit, fig. 6, et si les interruptions
sont faites de manière à ne provoquer que des différences
d'intensité, la courbe se présente sous la forme de la figure 7. Enfin
si les émissions de courant sont effectuées de manière que les
intensités soient successivement croissantes ou décroissantes, la
courbe prend l'aspect représenté fig. 8. Or je donne aux premiers
courants le nom de _courants intermittents_, aux seconds le nom de
_courants d'impulsion_ et aux troisièmes le nom de _courants
ondulatoires_.

«Naturellement ces courants sont _positifs_ ou _négatifs_, suivant
leur position au-dessus ou au-dessous de la ligne des _x_, et s'ils
sont alternativement renversés, les courbes se présentent sous
l'aspect de la figure 9, courbes essentiellement différentes des
premières, non-seulement par le sens différent des dentelures, mais
surtout par la suppression du courant résiduel qui existe toujours
avec les courants d'impulsion et les courants ondulatoires.

«Les deux premiers systèmes de courants ont été employés depuis
longtemps pour la transmission électrique des sons musicaux, et le
téléphone de Reiss dont nous avons déjà parlé en a été une application
intéressante. Mais les courants ondulatoires n'avaient pas été
employés avant moi[7], et ce sont eux qui ont permis de résoudre le
problème de la transmission de la parole. Pour qu'on puisse se rendre
compte de l'importance de cette découverte, il suffit d'analyser les
effets produits avec ces différents systèmes de courants, quand
plusieurs sons de hauteur différente doivent entrer en combinaison.

         [Note 7: Ceci n'est pas exact, car M. Elisha Gray en
         avait déjà reconnu l'importance pour les transmissions des
         sons combinés.]

«La fig. 6 montre une combinaison dans laquelle les styles _a_ et _a'_
de deux instruments transmetteurs provoquent l'interruption du courant
d'une même batterie B, de manière que les vibrations déterminées
soient entre elles dans le rapport d'une tierce majeure, c'est-à-dire
dans le rapport de quatre à cinq. Dans ces conditions, les courants
sont intermittents, et quatre fermetures de _a_ se produiront dans le
même espace de temps que les cinq fermetures de _a'_, et les
intensités électriques correspondantes seront représentées par les
dentelures que l'on voit en A^2 et en B^2; la combinaison de ces
intensités A^2 + B^2 donnera lieu aux dentelures inégalement espacées
que l'on distingue sur la troisième ligne. Or l'on voit que, bien que
le courant conserve une intensité uniforme, il est moins de temps
interrompu quand les styles interrupteurs réagissent ensemble que
quand ils réagissent isolément; de sorte que pour un grand nombre de
fermetures simultanées effectuées par des styles animés de différentes
vitesses, les effets produits équivalent à celui d'un courant continu.
Toutefois le nombre maximum des effets distincts qui pourront être
obtenus de cette manière dépendra beaucoup du rapport existant entre
les durées des fermetures et des interruptions du courant. Plus les
fermetures seront courtes et les interruptions longues, plus les
effets transmis sans confusion seront nombreux et vice versâ.

«Avec les courants d'impulsion, la transmission des sons musicaux
s'effectue comme l'indique la figure 7, et l'on voit que quand ils
sont produits simultanément, l'effet résultant A^2 + B^2 est analogue
à celui qui serait produit par un courant continu d'intensité minima.

«Avec les courants ondulatoires, les choses se passent autrement, mais
pour les produire il est nécessaire d'avoir recours aux effets
d'induction, et la fig. 8 indique la manière dont l'expérience doit
être faite. Dans ce cas, les courants réagissant sur le récepteur
musical R résultent de renforcements et d'affaiblissements produits
par l'action d'armatures, M, M' vibrant devant des électro-aimants
_e_, _e'_, placés dans le circuit de la batterie B, et comme ces
renforcements et affaiblissements successifs sont en rapport avec les
positions respectives des armatures par rapport aux pôles magnétiques,
les courants qui en résultent peuvent avoir leur intensité
représentée par des lignes ondulées comme on le voit en A^2 et en B^2;
or ces ondulations, pour la tierce dont il a été question
précédemment, seront telles qu'il s'en produira quatre en A^2, dans le
même temps qu'il s'en produira cinq en B^2, et il résultera de la
combinaison de ces deux effets une résultante qui pourra être
représentée par la courbe A^2 + B^2, laquelle représente la somme
algébrique des courbes A^2 et B^2. Un effet analogue est produit quand
on emploie des courants ondulatoires alternativement renversés comme
on le voit fig. 9, et pour les obtenir, il suffit d'opposer aux
armatures de fer M, M' employées dans la précédente expérience, des
aimants permanents et de supprimer la batterie voltaïque B.

«Pour peu qu'on étudie les fig. 8 et 9, continue M. G. Bell, on
reconnaît aisément que la transmission simultanée, par un même fil, de
sons de différente force et de différente nature ne peut, dans le cas
qui nous occupe en ce moment, altérer le caractère des vibrations qui
les ont provoquées, comme cela a lieu avec les courants intermittents
ou avec les courants d'impulsion; elle ne fait que changer la forme
des ondulations, et ce changement se produit de la même manière que
dans le milieu aériforme qui transmet à l'oreille la combinaison des
sons émis. On peut donc de cette manière transmettre à travers un fil
télégraphique le même nombre de sons qu'à travers l'air.»

Après avoir appliqué les principes précédents à la construction d'un
système télégraphique à transmissions multiples[8], M. G. Bell ne
tarda pas à en tirer parti dans de nouvelles recherches qu'il fit
alors pour perfectionner l'éducation vocale des sourds et muets. «Il
est bien connu, dit M. Bell, que les sourds et muets ne sont muets que
parce qu'ils sont sourds et qu'il n'y a dans leur système vocal aucun
défaut qui puisse les empêcher de parler. Par conséquent, si l'on
parvenait à rendre visible la parole et à déterminer les fonctions du
mécanisme vocal nécessaires pour produire tel ou tel son articulé
représenté, il deviendrait possible d'enseigner aux sourds et muets la
manière de se servir de leur voix pour parler. Le succès que j'obtins
de ce système dans les expériences que je fis à l'école de Boston
m'engagea à étudier d'une manière toute particulière les relations qui
pouvaient exister entre les sons produits et leur représentation
graphique, et j'employai, à cet effet, la capsule manométrique de M.
Koenig et le phonautographe de M. Léon Scott auquel M. Maurey de
Boston avait appliqué un enregistreur assez sensible pour être mis en
action par la voix. Cet enregistreur consistait d'ailleurs dans un
style de bois de un pied de longueur environ, qui était fixé
directement sur la membrane vibrante du phonautographe et qui pouvait
fournir sur une surface plane de verre noirci, des traces assez
amplifiées pour être d'une distinction facile. Quelques-unes de ces
traces sont représentées fig. 10. Je fus très-frappé des résultats
produits par cet instrument, et il me sembla qu'il y avait une grande
analogie entre lui et l'oreille humaine. Je cherchai alors à
construire un phonautographe modelé davantage sur le mécanisme de
l'oreille, et j'eus pour cela recours à un célèbre médecin spécialiste
de Boston, M. le docteur Clarence J. Blake. Il me proposa de me
servir de l'oreille humaine elle-même comme de phonautographe plutôt
que de chercher à l'imiter, et d'après cette idée, il construisit
l'appareil représenté fig. 11, auquel fut adapté un style traçant. En
enduisant la membrane du tympan et le pavillon circulaire avec un
mélange de glycérine et d'eau, on communiqua à ces organes une
souplesse suffisante pour que, en chantant dans la partie extérieure
de cette sorte de membrane artificielle, le style fût mis en
vibration, et l'on obtint ainsi des traces sur une plaque de verre
noircie, disposée au-dessous de ce style et soumise à un mouvement
d'entraînement rapide. La disproportion considérable de masse et de
grandeur qui, dans cet appareil, existait entre la membrane et les
osselets mis en vibration par elle, attira particulièrement mon
attention et me fit penser à substituer à la disposition compliquée
que j'avais employée pour mon téléphone à transmission de sons
multiples, une simple membrane à laquelle était fixée une armature de
fer. Cet appareil fut alors disposé comme l'indique la fig. 12, et je
croyais obtenir par lui les courants ondulatoires qui m'étaient
nécessaires[9]. En effet, en articulant à la branche sans bobine d'un
électro-aimant boiteux une armature de fer doux A, reliée par une tige
à une membrane en or battu _n_, je devais obtenir, par suite des
vibrations de celles-ci, une série de courants induits ondulatoires
qui, réagissant sur l'électro-aimant d'un appareil semblable placé à
distance, devaient faire reproduire à l'armature de celui-ci les
mouvements de la première armature, et par conséquent faire vibrer la
membrane correspondante, exactement comme celle ayant provoqué les
courants. Toutefois les résultats que j'obtins de cet arrangement ne
furent pas satisfaisants, et il me fallut encore entreprendre bien des
essais qui m'amenèrent à réduire autant que possible les dimensions et
le poids des armatures et même à les constituer avec des ressorts de
pendule de la grandeur de l'ongle de mon pouce. Dans ces conditions,
au lieu d'articuler ces armatures, je les attachai au centre des
membranes, et mon appareil fut alors disposé comme l'indique la fig.
13[10]. Nous pûmes alors, mon ami M. Thomas Watson et moi, obtenir des
transmissions téléphoniques qui nous montrèrent que nous étions dans
la bonne voie. Je me souviens d'une expérience faite alors avec ce
téléphone qui me remplit de joie. Un des deux appareils était placé à
Boston dans une des salles de conférences de l'université, l'autre
dans le soubassement d'un bâtiment adjacent. Un de mes élèves
observait ce dernier appareil, et je tenais l'autre. Après que j'eus
prononcé ces mots: «_Comprenez-vous ce que je dis?_», quelle a été ma
joie quand je pus entendre moi-même cette réponse à travers
l'instrument: «Oui, je vous comprends parfaitement.» Certainement
l'articulation de la parole n'était pas alors parfaite, et il fallait
l'extrême attention que je prêtais, pour distinguer les mots de cette
réponse; cependant l'articulation de ces mots existait, et je pouvais
croire que leur manque de clarté devait être rapporté uniquement à
l'imperfection de l'instrument. Sans entrer dans le détail de tous les
essais que je dus entreprendre pour améliorer la construction de cet
appareil, je dirai qu'au bout de quelque temps je fus conduit à
employer comme téléphone de réception l'appareil représenté fig. 14,
et c'est ce modèle joint à celui de la fig. 13, combiné comme
transmetteur, qui fut admis à l'exposition de Philadelphie.

         [Note 8: Ce système, comme on le verra, est venu après
         celui de M. Elisha Gray.]

         [Note 9: C'est cette disposition qui est représentée dans
         le brevet de M. Bell, de février 1876.]

         [Note 10: Cet appareil était constitué par un système
         électro-magnétique composé d'un électro-aimant M recouvert
         par une bobine d'induction et devant les pôles duquel était
         placée la membrane avec son disque de fer. Cette membrane
         pouvait être plus ou moins tendue au moyen des vis v, v, v
         adaptées à une sorte d'entonnoir E formant cornet acoustique,
         et servant d'embouchure: le système électro-magnétique était
         soutenu par une vis qui permettait de l'éloigner plus ou
         moins de la membrane et, par conséquent, du disque de fer qui
         servait d'armature.]

«Dans ce nouveau modèle de récepteur, la membrane était remplacée par
une lame vibrante de fer L fixée sur l'enveloppe cylindrique d'un
électro-aimant tubulaire C, et le système était monté sur un pont P
qui servait de caisse sonore. Les articulations produites par cet
appareil étaient bien distinctes; mais son grand défaut était qu'il ne
pouvait servir d'appareil transmetteur; il était donc nécessaire
d'avoir deux appareils à chaque station, l'un pour la transmission,
l'autre pour la réception.

«Je cherchai alors à changer la disposition du téléphone transmetteur
en variant les conditions de ses éléments constituants, tels que les
dimensions et la tension de la membrane, le diamètre et l'épaisseur de
l'armature, la grandeur et la puissance de l'aimant et même les
hélices de fil enroulé sur ce dernier; j'ai pu en reconnaître
empiriquement les meilleures conditions d'organisation et combiner la
meilleure forme à donner à l'appareil. Ainsi j'avais reconnu, par
exemple, qu'en diminuant la longueur de la bobine du fil de l'hélice
magnétisante et la surface de la lame de fer attachée à la membrane,
j'augmentais non-seulement l'intensité des sons, mais encore leur
netteté d'articulation; ce qui me fit naturellement abandonner la
membrane en or battu pour n'employer qu'une simple plaque de fer, et
comme il m'était démontré depuis longtemps que l'intervention du
courant traversant la bobine de l'électro-aimant n'était utile que
pour magnétiser celui-ci, je me décidai à supprimer la pile et à
employer pour noyau magnétique un aimant permanent. Toutefois, comme à
l'époque où ces instruments devaient être exposés pour la première
fois en public, les résultats obtenus avec ce dernier système étaient
moins satisfaisants qu'avec celui qui mettait à contribution la
batterie voltaïque, je ne voulus exposer que cette dernière
disposition d'instrument, ce qui donna l'occasion à certaines
personnes et, entre autres au professeur Dolbear du collége de Tufts,
de réclamer la priorité pour l'introduction des aimants permanents
dans le téléphone; mais j'en avais eu l'idée dès le commencement de
mes recherches et alors que je m'occupais des transmissions
simultanées des sons musicaux.

«La fig. 15 représente le premier perfectionnement que j'ai apporté à
l'appareil exposé à Philadelphie, et la fig. 16 en représente un
autre qui a fourni des effets très-puissants. Dans ce dernier,
l'aimant était en fer à cheval et disposé à la manière de celui que M.
Hughes a employé pour son télégraphe imprimeur. Avec cet appareil, les
sons pouvaient être entendus (faiblement il est vrai) par une
nombreuse assemblée; il fut exposé le 12 février 1877 à l'institut
d'Essex, à Salem (Massachusetts), et y reproduisit devant un auditoire
de 600 personnes un discours prononcé à Boston dans un appareil
semblable. Les intonations de la voix de celui qui parlait ont pu être
distinguées par l'auditoire. Toutefois l'articulation n'était
distincte qu'à une distance de 6 pieds de l'instrument. Il fut fait à
cette occasion un rapport qu'on transmit par l'appareil à Boston, et
qui fut reproduit le lendemain dans les journaux de cette ville.

«Entre la forme de la fig. 13 et celle de l'appareil actuel,
représenté fig. 17, il n'y a qu'une différence bien légère, et cette
dernière forme n'a été combinée que pour rendre l'appareil plus
portatif et d'un usage plus commode. Sous ce rapport, je dois exprimer
ma reconnaissance à plusieurs de mes amis, entre autres à MM. les
professeurs Peirce et Blake, le docteur Channing, M. Clarke et M.
Jones, pour l'aide qu'ils m'ont prêté. Ainsi M. Peirce a été le
premier à démontrer la possibilité de l'emploi dans les téléphones
d'aimants de très-petites dimensions. C'est lui également qui a donné
à l'embouchure recouvrant la plaque vibrante la forme que j'ai adoptée
pour le modèle définitif qui est représenté fig. 17.

Outre le modèle représenté fig. 13, il se trouvait encore à
l'exposition de Philadelphie un autre système de transmetteur
téléphonique qui est reproduit fig. 18 et qui était fondé sur l'action
directe des courants voltaïques. Un fil de platine _p_ fixé à une
membrane tendue LL complétait par son immersion dans de l'eau V le
circuit réunissant les deux appareils en correspondance. En parlant en
E devant la membrane tendue, les vibrations communiquées à la pointe
de platine modifiaient la résistance du circuit dans des conditions
telles, que le courant réagissait sur le récepteur par impulsions
ondulatoires tout à fait semblables à celles résultant des courants
induits. Les sons produits devenaient plus forts quand le liquide
était légèrement acidulé ou salé, et l'on obtenait encore de bons
résultats au moyen d'une pointe de plombagine immergée dans du
mercure, de l'eau acidulée ou salée, ou dans une solution de
bichromate de potasse.

«Bien que mes recherches eussent pour but final le perfectionnement de
la télégraphie, je pus constater dans le cours de mes expériences
quelques effets intéressants que je crois devoir rapporter ici. Ainsi
j'observai qu'un son musical était produit par le seul fait du passage
d'un courant à travers un morceau de plombagine ou de charbon de
cornue. Des effets extrêmement curieux résultaient aussi du passage de
courants intermittents alternativement renversés à travers le corps
humain. Ainsi un rhéotome étant placé dans le circuit primaire d'un
appareil d'induction et les deux bouts du fil du circuit secondaire
étant réunis à deux électrodes de cuivre dont une était placée près de
l'oreille, on percevait des sons très-distincts aussitôt que l'on
touchait de la main l'autre électrode. En touchant des deux mains les
deux électrodes et plaçant les doigts contre l'oreille, des
craquements se faisaient entendre et semblaient venir des doigts,
comme s'ils étaient la répercussion du tremblement musculaire
résultant du passage des courants induits. Ces bruits pourtant
n'existaient que pour la personne sur laquelle l'expérience était
faite. Quand deux personnes se tenant par la main étaient interposées
dans le circuit au lieu d'une seule, un son se produisait au contact
des mains réunies, mais il fallait pour cela que les mains ne fussent
pas humides. Ce phénomène se reproduisait, du reste, quand le contact
de ces deux personnes était effectué sur une partie quelconque de leur
corps. Au contact des bras, le bruit était assez intense pour être
entendu à plusieurs pieds de distance, et il était alors presque
toujours accompagné d'une légère secousse. L'introduction d'une
feuille de papier entre les deux parties en contact n'interrompait pas
la production du son, mais elle supprimait l'effet désagréable de la
secousse. Quand on faisait passer le courant intermittent de la bobine
de Ruhmkorff à travers le bras d'une personne, on pouvait, en y
appliquant l'oreille, entendre un son qui semblait provenir des
muscles de l'avant-bras et du biceps.

«Du reste, des sons musicaux très-nets se font entendre quand on fait
fonctionner l'interrupteur du circuit primaire de l'appareil de
Ruhmkorff, et s'il y a deux interrupteurs, on obtient deux sons
différents, ce qui montre que ces sons proviennent de l'étincelle.

«Voici encore une expérience très-intéressante, faite par le
professeur Blake avec un téléphone dont le barreau aimanté était
remplacé par une tige de fer doux de six pieds de longueur. Ce
téléphone étant réuni électriquement à un téléphone ordinaire du
modèle de la fig. 17, reproduisait très-bien les sons émis dans ce
dernier; mais leur intensité variait suivant la direction que l'on
donnait à la tige de fer, et le maximum correspondait à la position de
la tige dans le méridien magnétique.

«Quand on interpose un téléphone dans un circuit télégraphique, on
entend des bruits d'un caractère très-particulier dont l'origine me
paraît encore assez complexe et souvent obscure. Il en est pourtant
qui doivent provenir de l'induction exercée par les fils voisins et
des dérivations de courant qui se produisent toujours à travers les
supports des fils, car les signaux télégraphiques échangés à travers
ces fils voisins sont parfaitement perçus dans le téléphone. Certains
bruits résultent aussi des courants terrestres, des vibrations du fil
sous l'influence des courants d'air et même des frictions produites
par des joints défectueux. La sensibilité du téléphone est, du reste,
telle que les bruits résultant des transmissions télégraphiques
voisines peuvent être perçus quand on substitue au fil télégraphique
du téléphone un rail de chemin de fer, et alors même que les fils
télégraphiques les plus voisins de ce rail sont éloignés de quarante
pieds. D'un autre côté, M. Peirce a reconnu que des sons peuvent être
produits dans un téléphone, quand le fil télégraphique auquel cet
appareil est réuni est impressionné par une aurore boréale.
Quelquefois aussi, des airs chantés ou joués sur un instrument de
musique se sont trouvés transmis par le téléphone sans qu'on ait pu
savoir leur provenance; mais ce qui montre le plus la merveilleuse
sensibilité de cet appareil, c'est la possibilité qu'il donne de
reproduire la parole à travers des corps que l'on pourrait croire à
peu près non conducteurs. Ainsi la communication à la terre d'un
circuit téléphonique peut être faite par l'intermédiaire du corps
humain malgré l'interposition des bas et des chaussures; et elle peut
même être effectuée si, au lieu d'être sur le sol, on est placé sur un
mur en briques. Il n'y a que la pierre de taille et le bois qui
constituent un obstacle assez grand pour couper la communication; mais
il suffit que le pied touche le terrain avoisinant, soit même une
touffe de gazon, pour qu'aussitôt les effets électriques manifestent
leur présence.

«D'après ces résultats, une question toute naturelle pouvait se poser
à l'esprit: quelle est la longueur maxima de circuit à laquelle les
transmissions téléphoniques peuvent atteindre?... Mais il est
difficile d'y répondre en raison des conditions différentes dans
lesquelles peut être placée l'expérience. Dans les essais de
laboratoire on est parvenu à échanger sans difficulté des
correspondances sur des circuits de 60,000 ohms de résistance, soit
6000 kilomètres de fil télégraphique, et je suis parvenu à transmettre
sur un circuit dans lequel étaient interposées 16 personnes se tenant
par la main, lequel circuit avait une résistance d'environ 6400
kilomètres. Toutefois la plus grande longueur de circuit télégraphique
sur laquelle j'ai pu obtenir une transmission nette de la parole, n'a
pas dépassé 250 milles. Dans cette expérience, aucune difficulté ne
survint, tant que les lignes télégraphiques voisines n'étaient pas en
activité; mais aussitôt que les correspondances s'échangèrent à
travers ces lignes, les sons vocaux, quoique encore perceptibles,
étaient bien diminués d'intensité, et l'on aurait cru entendre une
conversation échangée au milieu d'un orage. On a pu également
transmettre la parole à travers les câbles sous-marins, et M. Preece
m'informe que des résultats satisfaisants ont été obtenus à travers un
câble de 60 milles de longueur, immergé entre Dartmouth et l'île de
Guernesey, et cela avec des téléphones à main du modèle ordinaire.»


=Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone.=--Nous avons vu
(p. 8) que si M. Bell a été le premier à construire et à rendre
pratique le téléphone parlant, M. Elisha Gray avait le premier conçu
le principe de cet instrument et l'avait combiné en électricien
consommé. Un travail très-curieux qu'il vient de publier sur ses
diverses inventions en téléphonie montre que dès l'année 1874 (en
juin), il avait combiné un récepteur à lame vibrante dont on peut se
faire une idée en supposant un électro-aimant soutenu verticalement
devant le fond d'un plat métallique évasé, dont la partie plate,
c'est-à-dire le fond, serait très-mince et éloignée de quelques
dixièmes de millimètre seulement des pôles de l'électro-aimant.

Le transmetteur correspondant à ce récepteur n'était, il est vrai,
qu'une sorte de tuyau d'orgue dont l'anche agissait comme interrupteur
de courant, et par conséquent il ne pouvait transmettre que des sons
musicaux. Mais en 1875, M. Gray pensa à disposer un transmetteur pour
les sons articulés, et le 15 février 1876, il déposa, comme nous
l'avons vu, à l'office des patentes américaines un _caveat_ dans
lequel était exposé un système complet de téléphone parlant. Ce
système ne fut pas, il est vrai, exécuté immédiatement, car M. Gray
croyait qu'un téléphone de ce genre n'avait qu'un intérêt secondaire
au point de vue commercial et télégraphique, et il attachait plus
d'importance à son système de téléphone musical appliqué aux
transmissions multiples; mais sa description était complète comme on
peut en juger par la fig. 19 qui représente l'ensemble du système.

Dans ce système, le transmetteur était tout à fait semblable à celui à
liquide dont M. Bell parle dans son mémoire et que nous avons décrit
p. 51[11], et le récepteur ressemblait beaucoup à celui que nous avons
représenté fig. 13. Pourtant, en principe, le système de M. Gray
différait entièrement de celui adopté définitivement par M. G. Bell.
Dans le premier, en effet, les variations d'intensité du courant
nécessaires pour la production des mots articulés, étaient la
conséquence de variations dans la résistance du circuit, et ces
variations étaient obtenues par l'intermédiaire d'un liquide au sein
duquel se mouvait, sous l'influence des vibrations d'une membrane
tendue adaptée à un porte-voix, une pointe de platine mise en rapport
avec une pile. Du rapprochement plus ou moins grand de cette pointe
d'une électrode mise en rapport avec l'appareil récepteur, résultaient
des différences de conductibilité du liquide proportionnelles aux
amplitudes et aux inflexions des vibrations de la membrane, et ces
différences d'intensité étaient traduites sur le récepteur par des
magnétisations plus ou moins grandes d'un électro-aimant actionnant un
disque de fer doux, fixé au centre d'une membrane tendue sur une sorte
de résonnateur ou de cornet acoustique. Ce système appartenait donc à
la catégorie des téléphones à pile que M. Edison, comme nous allons le
voir à l'instant, a rendus si importants par la substitution au
liquide d'un conducteur secondaire en charbon, et qui devaient plus
tard donner naissance au _microphone_.

         [Note 11: S'il faut en croire M. Prescott, ce
         transmetteur, que M. Bell semble vouloir s'attribuer, était
         l'appareil de Gray lui-même.]

Le système Bell, comme on l'a vu, bien que mettant dans l'origine à
contribution une pile, ne déterminait les affaiblissements et les
renforcements électriques nécessaires à l'articulation des mots, qu'au
moyen de courants d'induction provoqués par les mouvements d'une
armature de fer doux, courants dont l'intensité était, par conséquent,
fonction de l'amplitude et des inflexions de ces mouvements. La pile
n'intervenait que pour communiquer à l'inducteur une forte
aimantation. Or cet emploi des courants induits dans les transmissions
téléphoniques était déjà d'une grande importance, car les diverses
expériences faites depuis ont montré leur supériorité sur les courants
voltaïques dans cette application. Mais l'expérience lui montra
bientôt que non-seulement il n'était pas besoin pour faire agir cet
instrument d'un appareil d'induction puissant animé par une pile, mais
qu'un aimant permanent très-faible et très-petit pouvait à lui seul
fournir des courants suffisants. Cette découverte à laquelle avait
contribué M. Peirce, ainsi qu'on l'a vu, était d'une extrême
importance, car elle permettait de réduire considérablement les
dimensions de l'appareil, elle le rendait portatif et susceptible de
se prêter à la transmission et à la réception, et elle montrait que le
téléphone était le plus sensible de tous les appareils révélateurs de
l'action des courants. Si donc M. Bell n'a pas employé le premier les
moyens efficaces pour transmettre les mots articulés, on peut dire
qu'il a cherché comme M. Gray à résoudre le problème par des _courants
ondulatoires_, et qu'il a obtenu ces courants au moyen des effets
d'induction, système qui, étant perfectionné, devait conduire aux
résultats importants que tout le monde connaît. N'y eût-il que la
connaissance qu'il a donnée au monde étonné d'un instrument capable de
reproduire télégraphiquement la parole, qu'une grande gloire lui
serait acquise, car ce problème avait été regardé jusque-là comme
insoluble.

En résumé, les prétentions de M. Gray à l'invention du téléphone ont
été résumées par lui de la manière suivante, dans un travail
très-intéressant intitulé: _Experimental researches on electro-harmonic
telegraphy and telephony._

1º J'ai trouvé le premier les moyens pratiques de transmettre à
travers un circuit fermé les sons composés et d'inflexions variables
par la superposition de deux ou de plusieurs ondes électriques.

2º Je prétends avoir découvert et utilisé le premier le moyen de
reproduire les vibrations par l'emploi d'un aimant récepteur
constamment animé par une action électrique.

3º Je prétends encore être le premier à avoir construit un instrument
ayant un aimant avec un diaphragme circulaire en matière magnétique,
soutenu par ses bords à une petite distance en face des pôles de
l'aimant, et susceptible d'être appliqué à la transmission et à la
réception des sons articulés.

4º Je soutiens avoir décrit le premier le téléphone à sons articulés,
et cela d'une manière assez exacte et assez complète pour qu'un
téléphone exécuté d'après cette description ait pu transmettre et
reproduire fidèlement la parole.




EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE DE
BELL.


Bien que l'historique qui précède soit suffisant pour faire comprendre
aux personnes initiées dans la science électrique le principe du
téléphone de Bell, il pourrait bien ne pas en être de même pour la
plupart des personnes auxquelles notre livre s'adresse, et nous
croyons en conséquence devoir entrer dans quelques détails physiques
sur l'origine des courants électriques qui sont en jeu dans les
transmissions téléphoniques. Ces détails nous paraissent d'autant
plus nécessaires qu'il est beaucoup de personnes qui croient encore
que les téléphones de Bell ne sont pas électriques, parce qu'ils ne
mettent pas une pile à contribution, et le plus souvent elles les
confondent avec les téléphones à ficelle, s'étonnant de la différence
de prix qui existe entre les appareils que l'on vend dans les rues et
ceux que l'on vend chez les constructeurs.

Sans définir ici ce que c'est qu'un courant électrique, ce qui serait
par trop élémentaire, nous pourrons dire que les courants électriques
peuvent provenir de beaucoup d'effets divers, et qu'en dehors de ceux
qui résultent des piles, il en est d'aussi énergiques qui peuvent
provenir d'une action exercée par des aimants sur un circuit
conducteur convenablement combiné. Ces courants sont alors appelés
_courants d'induction_, et ce sont eux qui sont en jeu dans les
téléphones de Bell. Pour qu'on puisse comprendre comment ils se
développent dans ces conditions, il sera nécessaire que nous
examinions d'abord ce qui arrive quand, devant un circuit fermé, on
avance ou l'on retire le pôle d'un aimant, et pour cela nous
supposerons qu'un fil de cuivre sur lequel est interposé un
galvanomètre est enroulé en cercle, et qu'on dirige vers le centre de
ce cercle l'un des pôles d'un aimant permanent. Or voici ce que l'on
observera:

1º Au moment où l'on approchera l'aimant, un courant électrique
prendra naissance et fera dévier le galvanomètre d'un certain côté.
Cette déviation sera d'autant plus grande que le mouvement accompli
sera plus étendu, et la tension de ce courant sera d'autant plus
grande que le mouvement sera plus brusquement effectué. Ce courant
toutefois ne sera jamais qu'instantané.

2º Au moment où l'on éloignera l'aimant, un nouveau courant du même
genre prendra naissance, mais il se manifestera en sens inverse du
premier. Il sera ce que l'on appelle un _courant direct_, parce qu'il
est de même sens que le courant magnétique de l'aimant qui lui donne
naissance, tandis que l'autre courant sera dit _inverse_.

3º Si au lieu d'avancer ou de retirer l'aimant par l'effet d'un seul
mouvement, on le fait avancer par saccades, on reconnaît qu'il se
détermine une succession de courants dans le même sens dont la
présence peut être constatée sur le galvanomètre quand les mouvements
sont suffisamment espacés, mais qui se confondent en se superposant
quand ces espacements sont très-faibles, et comme des effets inverses
résultent des mouvements de l'aimant effectués dans un sens contraire,
il arrive que l'aiguille du galvanomètre suit les mouvements de
l'aimant et les stéréotype en quelque sorte.

4º Naturellement si, au lieu de réagir sur un simple circuit fermé,
l'aimant exerce son action sur un nombre considérable de
circonvolutions de ce circuit, c'est-à-dire sur une bobine de fil
enroulé, les effets seront considérablement augmentés, et ils le
seront encore plus si, à l'intérieur de cette bobine, se trouve un
noyau magnétique, car l'action inductive s'effectuera alors de plus
près et sur toutes les parties de la bobine. Comme le noyau magnétique
en s'aimantant ou en se désaimantant plus ou moins sous l'influence
du rapprochement ou de l'éloignement de l'aimant inducteur subit le
contre-coup de tous les accidents qui peuvent se manifester pendant le
mouvement de cet aimant, les courants induits qui en résultent les
accusent parfaitement.

5º Au lieu d'admettre que l'aimant inducteur est mobile, on peut le
supposer fixe au centre de la bobine, et l'on peut dès lors déterminer
les courants induits dont nous avons parlé en modifiant son énergie.
Il suffit pour cela de réagir sur ses pôles au moyen d'une armature de
fer. Quand cette armature est approchée de l'un de ces pôles ou de
tous les deux en même temps, il acquiert de l'énergie et produit un
courant inverse, c'est-à-dire un courant dans le sens qui aurait
correspondu à un rapprochement de l'aimant du circuit fermé. Quand
elle s'éloigne, l'effet inverse se produit; mais dans les deux cas,
les courants induits sont en rapport avec l'étendue et le sens des
mouvements accomplis par l'armature, et par conséquent, ils peuvent
reproduire par leurs effets les mouvements de cette armature. Or si
cette armature est une lame de fer et que cette lame vibre sous
l'influence d'un son quelconque devant un système électro-magnétique
disposé comme il vient d'être dit plus haut, les allées et venues de
cette lame se traduiront par des courants induits, plus ou moins
forts, plus ou moins accidentés, suivant l'amplitude et la complexité
des vibrations, mais qui seront _ondulatoires_, puisqu'ils résulteront
toujours de mouvements successifs et continus et seront, par
conséquent, dans les conditions voulues pour transmettre la parole
ainsi qu'on l'a vu précédemment.

Quant à l'action déterminée sur le récepteur, c'est-à-dire sur
l'appareil qui reproduit la parole, elle est assez complexe, et nous
aurons occasion de la discuter plus tard; mais, au premier abord, on
peut la concevoir si l'on considère que les effets produits par ces
courants induits d'intensité variable qui traversent la bobine du
système électro-magnétique, doivent déterminer par les magnétisations
et démagnétisations qui en résultent, des vibrations plus ou moins
amplifiées, plus ou moins accidentées de la lame armature, lesquelles
représentent exactement celles de la lame devant laquelle on a parlé,
mais qui n'en peuvent être qu'une réduction. Toutefois les effets sont
par le fait plus compliqués, quoique se produisant dans des conditions
analogues, et ce sont eux que nous discuterons plus tard quand nous en
serons aux expériences faites avec le téléphone. Nous ferons observer
néanmoins, dès maintenant, que pour ces reproductions de la parole, il
n'est pas nécessaire que le noyau magnétique soit en fer doux, car les
effets vibratoires peuvent résulter aussi bien d'aimantations
différentielles que d'aimantations directes.




DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.


La disposition la plus généralement employée pour les téléphones est
celle que nous avons représentée fig. 20. C'est une sorte de petite
boîte circulaire en bois adaptée à l'extrémité d'un manche M,
également de bois, qui renferme dans son intérieur le barreau aimanté
NS. Ce barreau est fixé au moyen d'une vis _t_ et est disposé de
manière à pouvoir être avancé ou reculé quand on serre ou l'on
desserre la vis, condition nécessaire pour le réglage de l'appareil. À
l'extrémité libre du barreau est fixée la bobine magnétique B qui,
d'après MM. Pollard et Garnier, doit, pour fournir le maximum d'effet,
être construite avec du fil nº. 42 et présenter un grand nombre de
spires. Les bouts du fil de cette bobine aboutissent le plus
généralement à l'extrémité inférieure du manche par deux tiges de
cuivre _f_, _f_, qui traversent celui-ci dans sa longueur et viennent
se relier à deux boutons d'attache I, I' où l'on fixe les fils C, C du
circuit. Cependant dans les appareils construits par M. Bréguet il n'y
a pas de boutons d'attache, et c'est une petite torsade de deux fils
flexibles recouverts de gutta-percha et de soie qui est fixée aux deux
tiges; un capuchon en bois se visse alors à l'extrémité du manche, et
la torsade passe par un trou pratiqué dans ce capuchon; de sorte que
l'on n'est nullement gêné dans la manipulation de l'appareil. Des
serre-fils adaptés aux extrémités des fils de la torsade, permettent
d'ailleurs de les réunir à ceux du circuit. La figure 21 représente
cet appareil.

Dans une autre disposition, les fils de la bobine aboutissent
directement à des boutons d'attache placés au-dessous de la boîte de
bois; mais cette disposition est incommode.

Au-dessus de l'extrémité polaire du barreau aimanté est placée la lame
vibrante en fer LL qui est recouverte soit de vernis noir ou jaune,
soit d'étain, soit d'un oxyde bleu, mais qui doit toujours être
très-mince. Cette lame a la forme d'un disque, et c'est par les bords
de ce disque, appuyés sur une bague en caoutchouc, qu'elle est fixée
fortement sur les bords circulaires de la boîte de bois qui est à cet
effet composée de deux parties. Ces parties s'ajustent l'une sur
l'autre soit au moyen de vis, soit au moyen d'un pas de vis, ménagé à
mi-épaisseur de bois. Cette lame doit être le plus rapprochée possible
de l'extrémité polaire de l'aimant, mais pas assez pour que les
vibrations de la voix déterminent le contact de ces deux pièces. Enfin
l'embouchure RR', fig. 20, par laquelle on parle et qui a la forme
d'un entonnoir très-évasé, termine la partie supérieure de la boîte et
doit être disposée de manière à laisser un certain vide entre la lame
et les bords du trou V qui est ouvert à son centre. La capacité
intérieure de la boîte doit être calculée de manière à pouvoir jouer
le rôle de caisse sonore, sans cependant provoquer d'échos et
d'interférences de sons.

Quand l'appareil est bien exécuté, il peut produire des effets
très-accentués, et voici ce que m'écrivait à ce sujet M. Pollard, qui
est un des premiers qui se soient occupés en France de téléphone.

«L'appareil que j'ai confectionné donne des résultats réellement
étonnants: D'abord, au point de vue de la résistance, 5 ou 6 personnes
introduites dans le circuit n'affaiblissent pas sensiblement
l'intensité des sons. Quand on met un appareil sur chaque oreille on a
absolument la même sensation que si le correspondant parlait derrière
à quelques mètres. L'intensité, la netteté, la pureté du timbre sont
irréprochables.

«Je puis parler à mon collègue à voix complétement basse, avec le
souffle pour ainsi dire, et causer avec lui sans que des personnes
placées à deux mètres de moi puissent saisir un seul mot de notre
conversation.

«Au point de vue de la réception, lorsqu'on m'appelle en élevant la
voix, j'entends cet appel de tous les points de mon bureau, du moins
quand le silence y règne; dans tous les cas, lorsque je suis assis à
ma table et que l'instrument est à quelques mètres de moi, je
m'entends toujours appeler. Pour augmenter l'intensité des sons,
j'adapte à l'embouchure un cornet en cuivre de forme conique, et dans
ces conditions, on entend, au bout de la ligne, parler dans mon bureau
à 2 ou 3 mètres de l'embouchure; de ma place, à 1 mètre environ du
cornet, je puis entendre et parler sans effort à mon collègue.»

Pour se servir du téléphone ordinaire de Bell, il faut parler
nettement devant l'embouchure du téléphone qu'on tient à la main,
pendant que l'auditeur placé à la station correspondante tient contre
son oreille l'embouchure du téléphone récepteur. Ces deux appareils
composent un circuit fermé avec les deux fils qui les relient, mais un
seul suffit pour réaliser complétement la transmission, si l'on a soin
de mettre en communication les deux appareils avec la terre qui, de
cette manière, tient lieu du second fil. M. Bourbouze prétend qu'en
employant ce moyen l'intensité des sons dans le téléphone est
grandement augmentée; mais nous croyons que cette augmentation dépend
des conditions du circuit, quoiqu'il prétende qu'on puisse la
constater sur un circuit ne dépassant pas 70 mètres.

Dans la pratique, il convient d'avoir à sa disposition deux téléphones
à chaque station, afin d'en avoir un à l'oreille pendant qu'on parle
dans l'autre, comme on le voit fig. 22. On entend aussi beaucoup mieux
quand on applique un téléphone contre chaque oreille. On tient alors
les deux téléphones comme on le voit fig. 23. Afin d'éviter la fatigue
des bras, on a disposé un modèle qui les tient suspendus devant les
oreilles au moyen d'une sangle à ressort qui entoure la tête.

Il y a du reste des différences considérables dans le pouvoir de
transmission téléphonique des différentes voix. Suivant M. Preece,
crier ne sert à rien: il faut pour obtenir de bons résultats, que
l'intonation soit claire, que l'articulation soit distincte, et que
les sons émis se rapprochent le plus possible des sons musicaux.

«J'ai entendu, dit-il, M. Willmot, l'un des électriciens de
l'administration des postes, sur des circuits à travers lesquels
aucunes autres voix n'auraient pu se faire entendre. Les sons des
voyelles viennent toujours le mieux, et parmi les autres lettres, _e_,
_g_, _j_, _k_, _q_ sont toujours les plus mal répétées. L'oreille
aussi demande à être exercée, et les facultés auditives varient d'une
manière surprenante suivant les personnes. Le chant est toujours
entendu avec une grande netteté ainsi que les sons des instruments à
vent et surtout ceux du cornet à piston qui, de Londres, pourraient
être entendus par des milliers de personnes à la fois à travers le
large Corn Exchange de Basingstoke.»

Suivant M. Rollo Russel, le circuit d'un téléphone n'aurait pas besoin
d'isolation sur une longueur relativement petite; ainsi avec un
circuit de 418 mètres on a pu employer un fil de cuivre nu déposé sur
un gazon sans que les transmissions téléphoniques résultant d'une
petite boîte à musique fussent annulées, mais à la condition que les
deux fils ne fussent pas en contact. On a pu même obtenir des
transmissions quand ce circuit était enterré dans de la terre mouillée
sur une longueur de 30 mètres, ou immergé dans un puits sur une
longueur de 40 mètres. La parole transmise dans ces conditions ne
semblait même pas différente de ce qu'elle était quand le circuit
était isolé.

Le téléphone peut se faire entendre simultanément à plusieurs
auditeurs, soit en prenant sur les deux fils réunissant les deux
téléphones en correspondance (près du téléphone récepteur) des
dérivations aboutissant à différents téléphones, qui peuvent
facilement être au nombre de 5 ou 6, sur les courts circuits, soit au
moyen d'une petite caisse sonore fermée par deux membranes légères
dont l'une est fixée sur la lame vibrante. En faisant aboutir à cette
caisse un certain nombre de tubes acoustiques, plusieurs personnes
pourraient, suivant M. Mc. Kendrick, entendre très-distinctement.

On peut obtenir encore des auditions simultanées du téléphone en les
interposant dans un même circuit, et les expériences faites à New-York
ont montré qu'on pouvait ainsi en faire parler cinq échelonnés en
différents points d'une ligne télégraphique. Dans des essais
téléphoniques faits sur les lignes des écluses du département de
l'Yonne, on a constaté que sur un fil de 12 kilomètres où l'on avait
placé à des distances différentes plusieurs téléphones, trois ou
quatre personnes ont pu causer entres elles à travers ces téléphones,
chacune entendant ce que disaient les autres. Les réponses et les
demandes tout en se croisant restaient perceptibles. On a pu même, en
plaçant un téléphone sur un second fil de dix kilomètres éloigné du
premier de cinquante centimètres, et le suivant sur une longueur de
deux kilomètres seulement, saisir la conversation échangée sur l'autre
fil. On pouvait même distinguer très-bien les timbres des voix des
deux interlocuteurs.

Depuis l'apparition du téléphone en Europe, beaucoup d'inventeurs
prétendent être parvenus à faire parler un téléphone de manière qu'il
soit entendu des différents points d'une vaste salle. Nous avons vu
que M. Bell avait déjà obtenu ce résultat, et sous ce rapport nous ne
voyons pas que ceux qui ont perfectionné le téléphone soient arrivés à
des résultats beaucoup plus importants. Mais ce qui est certain, c'est
qu'un téléphone ordinaire peut parfaitement émettre des sons musicaux
susceptibles d'être entendus dans une pièce assez grande et tout en
étant attaché à la muraille. On doit se rappeler les résultats obtenus
par MM. Pollard et Garnier lors des essais qu'ils firent à Cherbourg
pour relier la digue à la préfecture maritime de cette ville.

La digue de Cherbourg est, comme on le sait, une sorte d'île factice
créée de main d'homme devant cette ville pour constituer une rade. Les
forts établis sur cette digue sont reliés par des câbles sous-marins
au port militaire et à la préfecture maritime. Un jour qu'après des
expériences faites dans le cabinet du préfet sur l'un de ces câbles,
au moyen de téléphones, plusieurs des personnes présentes causaient
ensemble dans la pièce, elles furent très-étonnées d'entendre le
clairon sonner la retraite, et les sons semblaient venir de l'un des
points de la pièce. On cherche, et l'on reconnaît bientôt que c'est le
téléphone pendu à la muraille qui se livrait à cet exercice. On
s'informe et l'on apprend que c'était un des expérimentateurs de la
station de la digue qui avait fait la plaisanterie de sonner du
clairon devant le téléphone de cette station. Or la digue est éloignée
de Cherbourg de plus d'une lieue, et la préfecture maritime est au
milieu de la ville. Les téléphones étaient pourtant construits
grossièrement dans les ateliers du port de Cherbourg, ce qui prouve
une fois de plus combien ces appareils exigent peu de précision pour
fonctionner.

Les téléphones du modèle de Bell les plus variés dans leurs
dispositions se trouvent chez M. C. Roosevelt, représentant de M. Bell
à Paris, 1, rue de la Bourse. Ils sont généralement construits par M.
Bréguet, et les modèles les plus recherchés sont, indépendamment de
celui que nous avons décrit, le grand modèle carré dont l'aimant est
en fer à cheval et qui est renfermé dans une boîte plate, portant sur
sa face antérieure un cornet qui sert en même temps d'embouchure. Nous
représentons (fig. 24), ce système, qui a du reste été construit tout
récemment à Boston dans de meilleures conditions. Dans ce nouveau
modèle, établi par M. Gower, l'aimant est composé de plusieurs lames
terminées par un noyau magnétique en fer sur lequel est fixée la
bobine, et le tout est recouvert d'une épaisse couche de paraffine.
Les sons reproduits sont alors beaucoup plus nets et plus forts. Il y
a aussi un modèle en forme de tabatière dans lequel l'aimant est
contourné en spirale afin de conserver sa longueur sous une forme
ronde. Le pôle qui occupe la partie centrale de cette spirale est
alors muni d'un noyau de fer sur lequel est fixée la bobine
d'induction, et le couvercle de la tabatière porte la lame vibrante
ainsi que l'embouchure; nous représentons ce modèle fig. 25. Dans un
autre modèle, dit _téléphone miroir_, le dispositif précédent est
adapté sur un manche comme la glace d'un miroir portatif, et
l'embouchure se présentant sur l'une des faces latérales, on parle
avec cet instrument comme si l'on parlait devant un écran de cheminée.

On trouve d'un autre côté chez M. Bailey les divers modèles de
téléphones à pile et à charbon d'Edison dont nous parlerons bientôt
et qui ont donné les meilleurs résultats sur les longues lignes, ainsi
que les téléphones de MM. Gray et Phelps.




DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.


Les résultats si prodigieux obtenus avec le téléphone Bell et dont
l'authenticité avait été mise en doute par la plupart des savants,
devaient naturellement, étant une fois démontrés, provoquer une foule
de recherches de la part des inventeurs et même de ceux qui avaient
été dans l'origine les plus incrédules. Il en est résulté une foule de
perfectionnements et de modifications qui ont évidemment leur intérêt,
et dont nous allons maintenant nous occuper.




TÉLÉPHONES À PILE.


=Téléphone de M. Edison.=--L'un des premiers et des plus intéressants
perfectionnements apportés au téléphone de Bell, est celui qui a été
combiné dans la première moitié de l'année 1876 par M. Edison. Ce
système est, à la vérité, plus compliqué que celui que nous avons
étudié précédemment, car il met à contribution une pile, et l'appareil
transmetteur est différent de l'appareil récepteur; mais il est moins
susceptible d'être influencé par les causes extérieures et permet des
transmissions à plus grande distance.

Le téléphone de M. Edison, comme celui de M. Gray, dont nous avons
déjà eu occasion de parler, est fondé sur l'action de courants
ondulatoires déterminés par des variations de résistance d'un médiocre
conducteur interposé dans le circuit, et sur lequel réagissent les
vibrations d'un diaphragme devant lequel on parle. Seulement, au lieu
d'employer un conducteur liquide qui ne peut jamais être utilisé
pratiquement, M. Edison a cherché à mettre à contribution les corps
solides semi-conducteurs. Ceux qui lui offrirent le plus d'avantages,
à ce point de vue, furent le graphite et le charbon, surtout le
charbon résultant du noir de fumée comprimé. Ces substances, en effet,
étant introduites dans un circuit entre deux lames conductrices dont
l'une est mobile, sont susceptibles de modifier la résistance de ce
circuit dans le même rapport à peu près que la pression qui est
exercée sur elles par la lame mobile[12], et l'on conçoit que pour
obtenir avec ce système les courants ondulatoires nécessaires à la
reproduction des sons articulés, il suffisait d'introduire un disque
de plombagine ou de noir de fumée entre la lame vibrante d'un
téléphone et une lame de platine mise en rapport avec la pile. La lame
du téléphone étant mise en communication avec le fil du circuit, il
devait résulter des vibrations de cette lame devant le disque de
charbon, une série de pressions croissantes et décroissantes, donnant
lieu à des effets correspondants dans l'intensité du courant transmis,
et ces effets devaient réagir d'une manière analogue aux courants
ondulatoires déterminés par l'induction dans le système de Bell.
Toutefois, pour obtenir de très-bons résultats, plusieurs dispositions
accessoires étaient nécessaires, et nous représentons (fig. 26) l'une
des dispositions qui ont été données à cette partie du système
téléphonique de M. Edison.

         [Note 12: Cette propriété était connue depuis longtemps,
         mais non appliquée. Je l'avais indiquée dès 1856 dans le tome
         I de mon _Exposé des applications de l'électricité_, page 240
         (2e édition), à propos des interrupteurs de circuit. J'en ai
         parlé encore dans un Mémoire sur les électro-aimants à fil nu
         (publié en 1865 dans les _Annales télégraphiques_) et dans
         plusieurs notes présentées à l'Académie des sciences en 1872
         et 1875 sur la conductibilité des limailles et poussières
         conductrices. M. Clérac, de son côté, en 1865, la mettait à
         contribution pour obtenir des résistances variables.]

Dans cette figure, l'appareil est vu en coupe, et il se rapproche
beaucoup, quant à la forme, du téléphone de Bell. L L est la lame
vibrante, O O, l'embouchure, M le trou de cette embouchure, N N N la
cage de l'appareil qui est construite ainsi que l'embouchure en
ébonite et qui présente au-dessous de la lame une cavité assez
spacieuse et un trou tubulaire qui est creusé dans le manche. À sa
partie supérieure, ce tube est continué par un rebord cylindrique muni
d'un pas de vis sur lequel est vissée une petite bague présentant une
saillie intérieurement, et c'est à l'intérieur de ce tube que se
trouve disposé le système rhéostatique. Celui-ci se compose d'abord
d'un piston E, adapté à l'extrémité d'une longue vis E F, dont le
bouton F en tournant permet de faire avancer ou reculer le piston
d'une certaine quantité. Au-dessus de ce piston, se trouve adaptée une
lame de platine très mince A reliée par une lamelle flexible et un fil
à un bouton d'attache P'. Une autre lame B, exactement semblable, est
reliée avec le bouton d'attache P, et c'est entre ces deux lames
qu'est placé le disque de charbon C. Ce disque est constitué avec du
noir de fumée de pétrole comprimé, et sa résistance est d'un _ohm_ ou
de 100 mètres de fil télégraphique. Enfin un disque d'ébonite est
appliqué sur la lame de platine supérieure B, et un tampon élastique
composé d'un morceau de tube de caoutchouc G et d'un disque de liège
H, est interposé entre la lame vibrante L L et le disque B, afin que
les vibrations de cette lame ne soient pas arrêtées par l'obstacle
rigide constitué par l'ensemble du système rhéostatique. Quand ces
différentes pièces sont en place, on règle l'appareil au moyen de la
vis F, et ce réglage est facile puisqu'il suffit de la serrer ou de la
desserrer jusqu'à ce que le téléphone récepteur donne son maximum de
son.

Dans un nouveau modèle représenté (fig. 27), et qui a fourni les
meilleurs résultats pour la netteté des transmissions, la lame
vibrante L L est maintenue et appuyée contre les disques du conducteur
secondaire en charbon C, par l'intermédiaire d'un petit cylindre de
fer A au lieu d'un tampon en caoutchouc, et la pression est réglée par
une vis placée au-dessous de _e_. L'embouchure E de l'appareil est
plus saillante, et le trou plus large. Enfin il n'y a plus de manche à
l'appareil dont l'enveloppe est en fonte nickelée. Le disque rigide
_b_ qui appuie sur la première lame de platine _p_ est, d'un autre
côté, en _aluminium_ au lieu d'être en ébonite.

Le téléphone récepteur ressemble assez à celui de M. Bell. Il
présente néanmoins quelques différences que l'on peut reconnaître par
l'inspection de la fig. 28. Ainsi l'aimant N S est recourbé en fer à
cheval, et la bobine magnétisante E recouvre seulement un des pôles N;
ce pôle occupe précisément le centre de la lame vibrante L L, tandis
que le second pôle est près du bord de cette lame. Les dimensions
elles-mêmes de la lame sont considérablement réduites; sa surface est
à peu près celle d'une pièce de cinq francs, et elle est enclavée dans
une espèce de rainure circulaire qui la maintient dans une position
parfaitement déterminée. En raison de cette disposition, le manche de
l'instrument est en bois plein, et l'espace vide où se trouve le
système électro-magnétique est un peu plus développé que dans le
modèle de Bell; mais l'on s'est arrangé de manière à éviter les échos
et à en faire une sorte de caisse sonore apte à amplifier les sons. La
disposition du système électro-magnétique par rapport à la lame
vibrante doit évidemment augmenter aussi la sensibilité de
l'appareil, car le pôle S étant en contact intime avec la lame L L,
celle-ci se trouve polarisée et peut recevoir beaucoup plus
énergiquement les influences magnétiques du second pôle N, qui en est
distant de l'épaisseur d'une forte feuille de papier. Dans les deux
appareils de M. Edison (récepteur et transmetteur) la partie
supérieure CC correspondante à la lame vibrante, au lieu d'être fixée
par des vis sur la partie attenante au manche, est vissée sur cette
partie elle-même, ce qui permet de démonter beaucoup plus facilement
l'instrument.

M. Edison a, du reste, beaucoup varié la forme de ses appareils, et
aujourd'hui leur enveloppe est en métal avec une embouchure d'ébonite
en forme d'entonnoir.

Ayant constaté, comme du reste l'avait fait avant lui M. Elisha Gray,
que les courants induits sont plus favorables aux transmissions
téléphoniques que les courants voltaïques, M. Edison transforma les
courants de pile passant par son transmetteur en courants induits, et
cela en leur faisant traverser le circuit primaire d'une bobine
d'induction bien isolée; le fil de ligne était alors mis en
communication avec le fil secondaire de la bobine. Nous rapporterons
plus tard des expériences qui montreront les avantages de cette
combinaison; pour le moment, nous ne faisons que la signaler, car elle
fait aujourd'hui partie intégrante de presque tous les systèmes de
téléphones à pile.


=Téléphone musical d'Edison.=--Les effets curieux et réellement
très-avantageux que M. Edison avait obtenus avec son _électro-motographe_,
lui donnèrent l'idée, dès le commencement de l'année 1877, d'appliquer
le principe de cet appareil au téléphone pour la reproduction des sons
transmis, et il a obtenu des résultats tellement intéressants que
l'auteur d'un article sur les téléphones, publié dans le _Telegraphic
Journal_ du 15 août 1877, présente cette invention comme l'une des plus
belles du dix-neuvième siècle. Ce qui est certain, c'est qu'elle semble
avoir donné naissance au phonographe qui, dans ces derniers temps, a
fait tant de bruit et a tant étonné les savants.

Pour qu'on puisse comprendre le principe de ce téléphone, nous devrons
entrer dans quelques détails sur l'électro-motographe de M. Edison,
découvert en 1872. Cet appareil est fondé sur ce principe: que si une
feuille de papier, préparée avec une solution d'hydrate de potasse,
est appliquée sur une plaque métallique réunie au pôle positif d'une
pile, et qu'une pointe de plomb ou de platine reliée au pôle négatif
soit promenée sur le papier, le frottement que cette pointe rencontre
cesse dès que le courant passe, et elle peut dès lors glisser comme
sur une glace jusqu'à ce que le courant soit interrompu. Or, comme
cette réaction peut être effectuée instantanément sous l'influence de
courants excessivement faibles, les effets mécaniques produits par ces
alternatives d'arrêt et de glissement, peuvent, pour une disposition
convenable de l'appareil, déterminer des vibrations en rapport avec
les interruptions de courant produites par le transmetteur.

Dans ce système, le récepteur téléphonique se compose d'un résonnateur
et d'un tambour monté sur un axe que fait tourner une manivelle. Une
bande de papier en provision sur un rouleau, passe sur le tambour dont
la surface est rugueuse, et sur cette bande appuie fortement une
pointe émoussée de platine qui est adaptée à l'extrémité d'un ressort
fixé au centre du résonnateur. Le courant de la pile dirigé d'abord
sur le ressort, passe par la pointe de platine à travers le papier
chimique, et retourne par le tambour à la pile. Quand on tourne la
manivelle, le papier avance, et le frottement normal qui se produit
entre le papier et la pointe de platine, pousse en avant cette
dernière, en provoquant par l'intermédiaire du ressort une traction
sur un des côtés du résonnateur; mais au moment de chaque passage du
courant à travers le papier, tout frottement cessant, le ressort n'est
plus entraîné, et le résonnateur revient à sa position normale. Or,
comme à chaque vibration effectuée au transmetteur ce double effet se
manifeste, il en résulte une série de vibrations du résonnateur qui
sont la répétition de celles du transmetteur et, par conséquent, la
reproduction plus ou moins réduite des sons musicaux qui ont affecté
le transmetteur. Suivant les journaux américains, cet appareil aurait
fourni des résultats surprenants; les courants les plus faibles, qui
n'exerceraient aucune action sur un électro-aimant, produisent de
cette manière des effets complets. L'appareil peut même reproduire,
avec une grande intensité, les notes les plus élevées de la voix
humaine, notes que l'on peut à peine distinguer lorsque l'on emploie
des électro-aimants.

Le transmetteur est à peu près le même que celui que nous avons
décrit précédemment; seulement, au lieu du disque de charbon, c'est
une pointe de platine qui est employée, et elle ne doit pas être en
contact continuel avec la lame vibrante. Voici du reste comment il est
décrit dans le _Telegraphic Journal_: «Il consiste simplement dans un
long tube de deux pouces de diamètre, ayant un de ses bouts recouvert
d'un diaphragme constitué par une mince feuille de cuivre et maintenu
serré au moyen d'une bague élastique. Au centre du diaphragme de
cuivre se trouve rivé un petit disque de platine, et devant ce disque,
est ajustée une pointe du même métal adaptée à un support fixe. Quand
on chante devant le diaphragme, celui-ci en vibrant rencontre la
pointe de platine et lui fait produire le nombre de fermetures de
courant en rapport avec les vibrations des notes chantées.»

D'après de nouvelles expériences faites en Amérique pour juger du
mérite des différents systèmes de téléphones, ce serait celui de M.
Edison qui aurait fourni les meilleurs résultats. Voici ce que nous
lisons, en effet, dans le _Telegraphic Journal_ du 1er mai 1878 (p.
187): «Le 2 avril dernier, on expérimenta le téléphone à charbon de M.
Edison entre New-York et Philadelphie, sur une des lignes si
nombreuses de la compagnie de l'_Ouest Union_. La ligne avait une
longueur de cent six milles, et dans presque tout son parcours elle
longeait les autres fils. Or les effets d'induction déterminés par les
transmissions télégraphiques à travers les fils voisins, et qui
étaient suffisants pour empêcher l'audition de la parole dans tous les
téléphones essayés, furent sans influence quand on employa le
téléphone d'Edison avec deux éléments de pile et une petite bobine
d'induction, et MM. Batchelor, Phelps et Edison purent échanger
facilement une conversation. Le téléphone magnétique de M. Phelps
regardé comme le plus puissant de son espèce, donna même de moins bons
résultats.»

Dans des expériences faites entre le palais de l'Exposition de Paris
et Versailles, la commission du jury a pu constater les mêmes
résultats avantageux.


=Téléphones du colonel Navez.=--Le colonel d'artillerie belge Navez,
l'auteur du chronographe balistique bien connu, a cherché à
perfectionner le téléphone d'Edison en employant plusieurs disques de
charbon au lieu d'un seul. Suivant lui, les variations de résistance
électrique produites par les disques de charbon, sous l'influence de
pressions inégales, dépendent surtout de leur surface de contact, et
il croit en conséquence que plus ces surfaces sont multipliées, plus
les différences en question sont considérables, comme cela a lieu
quand on polarise la lumière avec une pile de glaces. Les meilleurs
résultats ont été obtenus par lui avec une pile de douze rondelles de
charbon. «Ces rondelles, dit-il, agissent bien par leurs surfaces de
contact, car il suffit de les séparer par des rondelles d'étain
interposées, pour détruire toute articulation de la parole
reproduite[13].»

         [Note 13: J'ai pu, dès l'année 1865, m'assurer de la
         vérité de cette observation, en provoquant le serrage des
         spires d'un électro-aimant à fil nu. Plus le nombre des
         spires était considérable dans le sens de la pression, plus
         les différences de résistance de l'hélice magnétisante
         étaient accentuées.]

Pour éteindre les vibrations musicales nuisibles qui accompagnent les
transmissions téléphoniques, M. Navez emploie, comme lame vibrante du
transmetteur, une lame de cuivre recouverte d'argent, et pour lame
vibrante du récepteur, une lame de fer doublée d'une plaque de laiton,
le tout soudé ensemble. Il emploie d'ailleurs des tubes de caoutchouc
munis d'embouchures et de conduits auriculaires, pour la transmission
et la réception des sons, et les appareils sont disposés à plat, sur
une table. À cet effet, le barreau aimanté du téléphone récepteur est
alors remplacé par deux aimants horizontaux agissant par un pôle de
même nom sur un petit noyau de fer qui porte la bobine et qui se
trouve placé verticalement entre les deux aimants. Il emploie
naturellement une petite bobine de Ruhmkorff, pour transformer
l'électricité de la pile en électricité d'induction.

Les figures 29 et 30 représentent les deux parties de ce système
téléphonique. La pile de charbon est en C, fig. 29; la lame vibrante
en LL, et l'embouchure E, adaptée à un tube en caoutchouc TE,
correspond par le dessous à la lame vibrante. La pile de charbons est
réunie métalliquement au circuit par une tige de platine EC, et la
lame vibrante communique également au circuit par l'intermédiaire d'un
bouton d'attache. Dans le téléphone récepteur, fig. 30, la partie
supérieure est disposée à peu près comme dans les téléphones
ordinaires; seulement, au lieu d'une embouchure, on a adapté à
l'appareil un conduit auriculaire TO. Les deux aimants qui
communiquent une polarité uniforme au noyau de fer N portant la bobine
d'induction B, sont en A, A' et ont la forme de fers à cheval; on en
voit un en coupe en D du côté droit, et l'autre ne montre en C que la
courbe du fer à cheval. Les deux boutons d'attache de ce récepteur
correspondent aux deux extrémités du fil induit de la bobine
d'induction supplémentaire, et les deux boutons d'attache du
transmetteur correspondent aux deux bouts du fil primaire de cette
bobine et à la pile qui est interposée dans le circuit près de cet
appareil.


=Téléphones de MM. Pollard et Garnier.=--Le téléphone à pile construit
par MM. Pollard et Garnier est différent de ceux qui précèdent, en ce
qu'il met simplement à contribution deux pointes de mine de plomb
portées par des porte-crayons métalliques, et que ces pointes sont
appliquées directement contre la lame vibrante avec une pression qui
doit être réglée. La fig. 31 représente la disposition qu'ils ont
adoptée, et qui du reste peut être variée d'une infinité de manières.

LL est la lame vibrante en fer-blanc au-dessus de laquelle se trouve
l'embouchure E, et P, P' sont les deux pointes de graphite munies de
leur porte-crayons. Ces porte-crayons portent à leur partie inférieure
un pas de vis qui, étant engagé dans un trou fileté pratiqué dans une
plaque métallique CC, permet de serrer plus ou moins les crayons
contre la lame LL. Cette plaque métallique CC est composée de deux
parties juxtaposées qui, étant isolées l'une de l'autre, peuvent être
mises en rapport avec un commutateur cylindrique au moyen duquel on
peut disposer le circuit de diverses manières. Ce commutateur étant
pourvu de cinq lames, permet de passer presque instantanément d'une
combinaison à l'autre, et ces combinaisons sont les suivantes:

1º Le courant entre par le crayon P, passe dans la plaque et de là
dans la ligne;

2º Le courant arrive par le crayon P', passe dans la plaque et de là
dans la ligne;

3º Le courant arrive à la fois par les crayons P et P', se rend dans
la plaque et de là à la ligne;

4º Le courant arrive par le crayon P, va de là à la plaque, puis dans
le crayon P', et de là à la ligne.

On a donc de cette manière deux éléments de combinaison que l'on peut
utiliser séparément ou en les associant en tension ou en quantité.

Lorsque les crayons sont bien réglés et donnent une transmission bien
régulière et de même intensité, on peut étudier facilement les effets
produits quand on passe de l'une des combinaisons à l'autre, et l'on
constate: 1º que pour un circuit court, il n'y a pas de changement
appréciable, quelle que soit la combinaison employée; 2º que quand le
circuit est long ou présente une grande résistance, c'est la
combinaison en tension qui a l'avantage, et cela d'autant plus que la
ligne est plus longue.

Ce système téléphonique, comme du reste les deux précédents, met à
contribution une machine d'induction pour transformer les courants
voltaïques en courants induits; nous parlerons plus tard de cet
accessoire important de ces sortes d'appareils.

Quant au téléphone récepteur, la disposition adoptée par MM. Pollard
et Garnier est à peu près celle de Bell. Seulement ils emploient des
lames de fer-blanc et des hélices beaucoup plus résistantes. Cette
résistance est, en effet, de cent cinquante à deux cents kilomètres.
«Nous avons toujours reconnu, disent ces messieurs, que quelle que
soit la résistance du circuit extérieur, on a avantage à augmenter le
nombre des tours de spires, même en faisant usage du fil nº 42, qui
est celui que nous avons employé de préférence.»


=Téléphone à réaction de M. Hellesen.=--M. Hellesen pensant que les
vibrations produites par la voix sur un transmetteur téléphonique à
charbon, devaient se trouver amplifiées si la pièce mobile du rhéotome
était soumise à une action électro-magnétique résultant de ces
vibrations elles-mêmes, a combiné un transmetteur fondé sur ce
principe que nous représentons fig. 32, et qui a l'avantage de
constituer lui-même l'appareil d'induction destiné à transformer les
courants voltaïques employés. Cet appareil se compose d'un tube de fer
vertical appuyé sur une masse magnétique NS et entouré d'une bobine
magnétisante BB au-dessus de laquelle est adaptée une hélice
d'induction en fil fin II, mise en communication avec le circuit. À
l'intérieur du tube, se trouve un crayon de plombagine C, disposé dans
un porte-crayon qui peut être élevé ou abaissé au moyen d'une vis de
rappel V adaptée au dessous de la masse magnétique. Enfin, au-dessus
de ce crayon, est fixée une lame vibrante en fer LL, qui est munie à
son centre d'un contact de platine communiquant à la pile; le circuit
local est alors mis en rapport avec le crayon par l'intermédiaire de
l'hélice magnétisante B, dont un bout est à cet effet soudé sur le
tube de fer.

Il résulte de cette disposition que les vibrations de la lame LL, au
moment de leur plus grande amplitude du côté du crayon, tendent à
s'amplifier par suite de l'action attractive exercée sur la plaque,
et la pression sur le graphite devenant plus forte, accroît les
différences de résistance qui en résultent et, par suite, détermine
des variations plus grandes dans l'intensité des courants transmis.


=Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston.=--La disposition
téléphonique que nous venons de décrire a été reprise dernièrement par
MM. Elihu Thomson et Edwin. J. Houston qui, dans l'_English mechanic
and World of science_ du 21 juin 1878, c'est-à-dire deux mois après
que M. Hellesen m'a indiqué son système[14], ont publié un article sur
un appareil à peu près semblable au précédent.

         [Note 14: M. Hellesen m'a communiqué le dessin de son
         appareil le 3 mai 1878. Or les expériences faites à
         Copenhague dataient de plus de six semaines.]

Dans cet appareil, en effet, le courant qui passe à travers le corps
médiocrement conducteur, anime un électro-aimant muni d'une bobine
d'induction, et cet électro-aimant réagit sur le diaphragme pour
augmenter l'amplitude de ses vibrations et créer en même temps deux
actions électriques agissant dans le même sens; seulement la
disposition du contact du mauvais conducteur avec la lame vibrante est
un peu différente. Au lieu d'un simple contact par pression effectué
entre cette lame et un crayon de charbon, c'est un petit fragment de
cette matière, taillé en pointe, qui est fixé sur la lame vibrante et
qui plonge dans une gouttelette de mercure versée au fond d'une cavité
pratiquée à l'extrémité supérieure du fer de l'électro-aimant. La
disposition de l'appareil est d'ailleurs la même que celle d'un
téléphone ordinaire, et c'est la tige de fer de l'électro-aimant qui
représente le barreau aimanté du téléphone Bell. Suivant les auteurs,
cet appareil peut être employé comme transmetteur et comme récepteur,
et voici comment les effets se produisent dans les deux cas.

Quand l'appareil transmet, le fragment de charbon plonge plus ou moins
dans le mercure, et par suite des différences qui se produisent dans
les surfaces de contact suivant l'amplitude des vibrations de la lame,
le courant subit des variations d'intensité en rapport avec ces
amplitudes, et de ces variations résultent, dans la bobine
d'induction, des courants induits, qui réagissent sur le téléphone
récepteur comme dans l'appareil Bell, et qui sont encore renforcés de
ceux qui sont produits magnéto-électriquement par le mouvement du
diaphragme devant la bobine d'induction et le fer de l'électro-aimant.

Quand l'appareil est employé comme récepteur, les effets ordinaires se
manifestent, car le fer de l'électro-aimant étant aimanté par le
courant, se trouve exactement dans les conditions des téléphones Bell
ordinaires, et les courants induits lui arrivent de la même manière,
seulement plus intenses. MM. Thomson et Houston prétendent que ce
système a fourni des résultats excellents et que le son de la voix y
est beaucoup moins altéré que dans les autres téléphones.


=Téléphones à piles et à transmetteurs liquides.=--On a vu que M.
Gray, dès l'année 1876, avait imaginé un système téléphonique basé
sur les variations de résistance qu'éprouve un circuit complété par un
liquide, lorsque la couche liquide interposée entre les électrodes
varie d'épaisseur sous l'influence des vibrations de la lame
téléphonique mise en rapport avec l'une de ces électrodes. Ce système
a été étudié depuis par plusieurs inventeurs, entre autres par MM.
Richemond et Salet, et voici les quelques renseignements qui ont été
publiés relativement à leurs recherches.

«Un autre téléphone reproduisant les sons articulés, et appelé par M.
Richemond _électro-hydro-téléphone_, a été breveté récemment aux
États-Unis. Il est sous certains rapports semblable à celui de M.
Edison, mais au lieu de mettre à contribution des disques de charbon
pour modifier la résistance du circuit, c'est l'eau qui est employée,
et cette eau est mise en rapport avec le circuit et la pile par
l'intermédiaire de deux pointes de platine, dont une est fixée sur le
diaphragme métallique qui vibre sous l'influence de la voix. Les
vibrations de ce diaphragme en transportant la pointe qui lui est
adhérente en des points différents de la couche liquide interpolaire,
diminuent ou augmentent la résistance électrique de cette couche, et
déterminent des variations correspondantes dans l'intensité du courant
traversant le circuit. Le téléphone récepteur a d'ailleurs la
disposition ordinaire.» (Voir le _Telegraphic Journal_ du 15 sept.
1877, p. 222).

«Il m'a paru intéressant, dit M. Salet, de construire un téléphone
dans lequel le mouvement de deux membranes soient absolument
solidaires, et pour cela j'ai mis à profit la grande résistance des
liquides. M. Bell avait déjà obtenu quelques résultats en attachant à
la membrane vibrante un fil de platine communiquant avec une pile, et
plongeant plus ou moins dans de l'eau acidulée contenue dans un vase
métallique relié lui-même par la ligne au téléphone receveur. J'ai
substitué au fil de platine un petit levier d'aluminium portant une
lame de platine; à une très-faible distance de celle-ci s'en trouvait
une seconde en relation avec la ligne. Les vibrations de la membrane,
triplées ou quadruplées dans leur amplitude, ne sont pas altérées dans
leurs formes, grâce à la petitesse et à la légèreté du levier; elles
déterminent dans l'épaisseur de la couche liquide traversée par le
courant, et par suite dans l'intensité de celui-ci, des variations,
lesquelles en occasionnent de semblables dans la force attractive de
l'électro-aimant récepteur. Sous son influence, la membrane recevante
exécute des mouvements solidaires de ceux de la membrane expéditrice.
Le son transmis est très-net et, résultat auquel on pouvait
s'attendre, le timbre est parfaitement conservé. Les consonnes
cependant n'ont pas tout le mordant de celles transmises par
l'instrument de M. Bell. C'est un inconvénient qui apparaît surtout
quand le levier est un peu lourd; on pourrait facilement le faire
disparaître. L'électrolyse produit en outre un bruissement continu qui
ne nuit guère à la netteté du son.

«Comme dans ce système on ne demande pas à la voix de _produire_, mais
seulement de _diriger_ le courant électrique engendré par une pile, on
peut théoriquement augmenter à volonté l'intensité du son reçu. En
réalité j'ai pu faire rendre au récepteur des sons très-forts, et il
me semble que cet avantage compense largement la nécessité d'employer
une pile et un appareil expéditeur assez délicat. Malheureusement la
transmission ne peut se faire à des distances un peu considérables.
Supposons qu'un certain déplacement de la membrane expéditrice
détermine dans la résistance le même accroissement que cinq à six
cents mètres de fil: si la ligne a cinq cents mètres, l'intensité du
courant se trouvera réduite de moitié et la membrane recevante prendra
une nouvelle position notablement différente de la première; mais si
la ligne a cinq cents kilomètres, l'intensité du courant ne sera
modifiée que de un millième. Il faudrait donc employer une pile énorme
pour que cette variation se traduisît par un changement sensible dans
la position de la membrane recevante.»

(Voir _Comptes rendus de l'Académie des sciences_ du 18 février 1878,
p. 471.)

M. J. Luvini, dans un article inséré dans _les Mondes_, du 7 mars
1878, a indiqué un système de rhéotome de courant pour les téléphones
à pile qui, malgré sa complication, pourrait peut-être présenter
quelques avantages, en ce sens qu'il fournirait des courants
alternativement _renversés_. Dans ce système, la lame vibrante
transmettrice qui doit être placée verticalement, réagit sur un fil
mobile horizontal replié rectangulairement et portant sur chacune de
ses branches deux pointes de platine plongeant dans deux godets
remplis d'un liquide médiocrement conducteur; les deux branches de ce
fil, isolées l'une de l'autre, sont mises en rapport avec les deux
pôles de la pile, et les quatre godets dans lesquels plongent les
fils de platine, communiquent d'une manière inverse à la ligne et à la
terre par l'intermédiaire de fils de platine immobiles fixés dans les
godets. Il résulte de cette disposition que, pour un réglage
convenable des distances entre les fils fixes et mobiles, deux
courants égaux se trouveront opposés à travers le circuit de la ligne
quand le diaphragme sera immobile; mais aussitôt que celui-ci vibrera,
les distances respectives des fils varieront, et il en résultera, un
courant différentiel dont l'intensité sera en rapport avec l'étendue
du déplacement du système ou l'amplitude de la vibration, et dont le
sens variera pour les mouvements en dessus et en dessous de la ligne
des noeuds de vibration. On aurait donc de cette manière les effets
avantageux des courants induits.


=Téléphones à pile et à arcs voltaïques.=--Pour obtenir des variations
de résistance encore plus sensibles qu'avec les liquides et les corps
pulvérulents, on a eu l'idée d'avoir recours aux conducteurs gazeux
échauffés, et on a combiné plusieurs dispositifs de téléphones à pile
dans lesquels le circuit était complété par une couche d'air séparant
la lame vibrante d'une pointe de platine servant d'excitateur à une
décharge électrique de haute tension. Dans ces conditions, cette
couche d'air devient conductrice, et l'intensité du courant qui la
traverse est en rapport avec son épaisseur. Ce problème a été résolu
soit au moyen de courants voltaïques d'une grande tension, soit au
moyen d'une bobine de Ruhmkorff.

Le premier système a été combiné par M. Trouvé, et voici ce qu'il en
dit dans le journal _la Nature_ du 6 avril 1878. «Une membrane
métallique vibrante constitue l'un des pôles d'une pile à haute
tension; l'autre pôle est assujetti devant la plaque par une vis
micrométrique qui permet de faire varier, suivant la tension de la
pile, la distance à la plaque, sans pourtant jamais être en contact
avec elle. Cette distance, toutefois, ne doit pas dépasser celle que
pourrait franchir la décharge de la pile. Dans ces conditions, la
membrane vibrant sous l'influence des ondes sonores a pour effet de
modifier constamment la distance entre les deux pôles et de faire
ainsi varier sans cesse l'intensité du courant; par conséquent
l'appareil récepteur (téléphone Bell ou à électro-aimant) subit des
variations magnétiques en rapport avec les variations du courant qui
l'influence, ce qui a pour effet de faire vibrer synchroniquement la
membrane réceptrice. C'est donc sur la possibilité de faire varier
entre des limites très-étendues la résistance du circuit extérieur
d'une pile ou batterie à haute tension dont les pôles ne sont pas en
contact, que repose le nouvel appareil téléphonique. On pourra aussi,
pour faire varier les conditions de cette résistance, faire intervenir
une vapeur quelconque ou bien des milieux différents, tels que l'air
ou les gaz plus ou moins raréfiés.»

M. Trouvé pense obtenir de bons résultats avec sa pile à rondelles
humectées de sulfate de cuivre et de sulfate de zinc, en en disposant
les éléments, au nombre de quatre ou cinq cents, dans des tubes de
verre de petit diamètre. Pour obtenir des courants de tension, il
n'est pas besoin, comme on le sait, que ces éléments soient de grandes
dimensions.

M. de Lalagade a proposé un moyen analogue en employant, pour la
formation de l'arc, un courant dont la tension est augmentée par
l'interposition dans le circuit d'un fort électro-aimant. Cet
électro-aimant réagit d'ailleurs sur un électro-aimant Hughes pour lui
faire fournir des courants d'induction susceptibles de faire
fonctionner le récepteur. Suivant M. de Lalagade, une pile de Bunsen
ou à bichromate de potasse de 6 éléments, suffirait pour obtenir un
arc voltaïque continu entre la lame vibrante d'un téléphone et une
pointe de platine éloignée suffisamment pour ne donner lieu à aucun
contact. Il faudrait cependant en déterminer un en commençant, pour
provoquer la formation de cet arc. Dans le système de M. de Lalagade,
la lame vibrante doit être munie à son centre d'une petite lame de
platine pour éviter les effets d'oxydation de l'étincelle. Suivant
l'auteur, les sons ainsi transmis et reproduits dans un téléphone dont
le système électro-magnétique serait monté sur une caisse sonore,
auraient une intensité plus grande qu'avec les téléphones ordinaires,
et il semblerait qu'on vous parlerait dans l'oreille.


=Téléphones à mercure.=--Ces systèmes sont fondés sur ce phénomène
physique découvert par M. Lippmann, que si une couche d'eau acidulée
est superposée à du mercure et réunie au moyen d'une électrode et d'un
fil avec celui-ci, de manière à constituer un circuit, toute action
mécanique qui aura pour effet de presser sur la surface du mercure et
de faire varier la forme de son ménisque, déterminera une réaction
électrique capable de donner lieu à un courant dont la force sera en
rapport avec l'action mécanique exercée. Par réciproque, toute action
électrique qui sera produite sur le circuit d'un pareil système,
donnera lieu à une déformation du ménisque et par suite à un mouvement
de celui-ci, qui sera d'autant plus caractérisé que le tube où se
trouve le mercure sera plus petit et l'action électrique plus grande.
Cette action électrique pourra d'ailleurs résulter d'une différence de
potentiel dans l'état électrique des deux extrémités du circuit mis en
rapport avec la source électrique employée ou d'un générateur
électrique quelconque[15].

         [Note 15: M. J. M. Page avait déjà reconnu que si un
         téléphone est placé dans le circuit de l'hélice primaire
         d'une bobine d'induction alors que l'hélice secondaire de cet
         appareil est placée dans le circuit d'un électromètre
         capillaire de M. Lippmann, il se produit à chaque mot
         prononcé dans le téléphone un mouvement de la colonne
         mercurielle de l'électromètre, lequel mouvement s'effectue
         vers le bout capillaire du tube et quelle que soit la
         direction du courant envoyé par le téléphone. On reconnut que
         cet effet était dû à ce que le mercure tend toujours à se
         mouvoir plus rapidement du côté du bout capillaire que du
         côté opposé.]

On comprend facilement, d'après ces effets, que si on plonge dans deux
vases VV{1} (fig. 33), remplis d'eau acidulée et de mercure, deux
tubes TT{1} à bout effilé contenant du mercure M, et qu'on réunisse
entre elles, par des fils métalliques PP{1}, QQ{1} d'abord, les deux
colonnes de mercure remplissant les tubes et, en second lieu, les
couches de mercure qui occuperont le fond des deux vases, on aura, si
on a soin de placer les tubes à une certaine distance de la surface du
mercure dans les vases, un circuit métallique complété par deux
électrolytes, dont l'un pourra accuser les effets mécaniques ou
électriques produits au sein de l'autre. Si donc on adapte au-dessus
des tubes deux lames vibrantes B, B{1}, et qu'on fasse vibrer l'une
d'elles, l'autre devra reproduire ces vibrations sous l'influence des
mouvements vibratoires communiqués par la colonne de mercure
correspondante. Ces vibrations seront en rapport elles-mêmes avec les
émissions électriques résultant des mouvements de la colonne de
mercure du premier tube, et qui sont déterminés mécaniquement. Si un
générateur électrique est introduit dans le circuit, l'effet que nous
venons d'analyser s'effectuera sous l'influence des modifications dans
le potentiel de ce générateur sous l'influence des effets
électro-capillaires. Mais si on n'emploie aucun générateur, l'action
résultera des courants électriques déterminés par l'action
électro-capillaire elle-même. Dans ce dernier cas, cependant,
l'appareil doit être construit d'une manière un peu plus délicate,
pour obtenir des réactions électriques plus sensibles, et voici
comment M. A. Bréguet décrit son appareil.

«L'appareil consiste dans un tube de verre fin, de quelques
centimètres de longueur, contenant des gouttes alternées de mercure et
d'eau acidulée, de façon à constituer autant d'éléments
électro-capillaires associés en tension. Les deux extrémités du tube
sont fermées à la lampe, mais laissent pourtant un fil de platine
prendre contact de chaque côté sur la goutte de mercure la plus
voisine. Une rondelle de sapin mince est fixée normalement au tube par
son centre, et permet ainsi d'avoir une surface de quelque étendue à
s'appliquer sur la coquille de l'oreille quand l'appareil est
récepteur, et de fournir au tube une plus grande quantité de mouvement
sous l'influence de la voix, quand l'appareil est transmetteur. Voici
les avantages que présentent ces sortes d'appareils:

«1º Ils ne nécessitent l'usage d'aucune pile;

«2º L'influence perturbatrice de la résistance d'une longue ligne est
presque nulle pour ces instruments alors qu'elle est encore
appréciable avec le téléphone Bell;

«3º Deux appareils à mercure accouplés comme il a été dit plus haut,
sont absolument corrélatifs, en ce sens que, même des positions
_différentes_ d'équilibre de la surface du mercure dans l'un d'eux,
produisent des positions différentes d'équilibre dans l'appareil
opposé. On peut donc reproduire à distance, sans pile, non-seulement
des indications fidèles de mouvements pendulaires, comme le fait le
téléphone de Bell, mais encore l'image exacte des mouvements les plus
généraux.»

Nous croyons devoir faire toutefois nos réserves à l'égard de cette
assertion: que la résistance du circuit serait sans influence sur ces
téléphones. Nous ne le pensons pas et voici pourquoi.

Si j'ai bien compris l'idée de M. A. Bréguet, cette indépendance
tiendrait à ce que les effets produits ne sont seulement fonction que
des différences de potentiel déterminées dans les conditions
d'équilibre électrique du système. Si l'on considère que les courants
résultant de l'action électrique de l'eau acidulée sur le mercure, se
trouvent annulés à travers le circuit par l'opposition des deux
systèmes l'un à l'autre, on comprend aisément que les forces
électro-motrices développées se trouvent maintenues sur les deux
appareils à peu près dans les mêmes conditions que sur les pôles de
deux éléments de pile réunis par leurs pôles de même nom, et pour
qu'un courant se manifeste il suffit que la tension électrique de
l'une des sources soit affaiblie ou augmentée; mais alors le courant
différentiel qui en résulte et qui est seul à agir, est soumis à
toutes les lois qui régissent la transmission des courants sur les
circuits et, par conséquent, doit être aussi bien affecté par la
résistance du circuit que tout autre courant.




MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES BELL.


Les modifications que nous avons étudiées précédemment se rapportent
au principe même de l'appareil; celles qui nous restent à étudier ne
sont que des modifications dans la forme et la disposition des
différents organes qui constituent le téléphone Bell lui-même, et qui
ont été combinées en vue d'augmenter l'intensité et la netteté des
sons produits.


=Téléphones à diaphragmes multiples.=--Si l'on considère que les
courants induits déterminés dans un téléphone, résultent des
mouvements vibratoires du diaphragme, et que ceux-ci sont provoqués
par les vibrations de la couche d'air interposée entre ce diaphragme
et l'organe vocal, on en déduit naturellement que si ces vibrations de
la couche d'air réagissaient sur plusieurs diaphragmes accompagnés
isolément de leur organe électro-magnétique, on pourrait déterminer
simultanément plusieurs courants induits qui, étant associés
convenablement, pourraient fournir des effets d'autant plus intenses
sur le récepteur, que les sons qui seraient engendrés résulteraient de
plusieurs sources sonores combinées. Plusieurs inventeurs, en partant
de ce raisonnement, ont combiné des appareils plus ou moins ingénieux
que nous allons maintenant passer en revue, sans pouvoir cependant
indiquer celui qui le premier a réalisé cette idée. Elle est, en
effet, tellement simple, qu'elle est venue vraisemblablement à
l'esprit de plusieurs inventeurs au même moment, et nous voyons que
tandis que M. Trouvé indiquait en France, au mois de novembre 1877, ce
perfectionnement, on le mettait en essai en Amérique et on le
discutait en Angleterre, et même on ne le regardait pas, dans ce
dernier pays, comme appelé à donner des résultats favorables; voici,
en effet, ce que dit M. Preece à cet égard, dans un mémoire publié par
lui le 4 avril 1878, et intitulé: _On some physical points connected
with the telephone._ «Tous ceux qui se sont occupés de perfectionner
le téléphone n'ont éprouvé que des désappointements et des insuccès
désespérants. Un des premiers essais de ce genre fut entrepris par M.
Willmot qui pensait obtenir un bon résultat en augmentant le nombre
des diaphragmes, des hélices et des aimants, en réunissant les hélices
en séries et en les faisant agir simultanément afin d'augmenter
l'énergie des courants développés sous l'influence de la voix; mais
l'expérience montra que quand l'appareil agissait directement, l'effet
vibratoire de chacun des diaphragmes décroissait proportionnellement à
leur nombre, et l'effet général restait le même qu'avec un seul
diaphragme. L'instrument de M. Willmot a été construit au commencement
d'octobre 1877, et celui de M. Trouvé n'en est qu'une dérivation.»

D'un autre côté, nous voyons que si, en Angleterre, les téléphones à
membranes multiples n'ont pas produit de bons résultats, il n'en a pas
été de même en Amérique, car les téléphones aujourd'hui les plus en
usage dans ce pays sont précisément ceux de MM. Elisha Gray et Phelps,
qui sont à plusieurs diaphragmes. Il y a évidemment dans la
disposition de ces appareils des détails de construction qui peuvent
paraître insignifiants, théoriquement, et qui ont pourtant une grande
importance au point de vue pratique, et nous croyons que c'est surtout
à cette circonstance que les appareils de ce genre doivent leur
réussite ou leur non réussite. Ainsi, par exemple, il paraît que les
vibrations de l'air, déterminées dans l'embouchure, doivent être
dirigées sur les diaphragmes normalement à leur surface et par
l'intermédiaire de canaux distincts; il faut que les espaces vides
autour des diaphragmes, soient assez étroits afin d'éviter les échos
et les interférences, à moins que la caisse ne soit assez grande pour
que ces effets ne soient pas à craindre. Il faut surtout que les
matières employées pour la fixation des organes ne soient pas
susceptibles de jouer, et c'est pour cela qu'on emploie de préférence
le fer ou l'ébonite. Ce qui paraît certain, c'est que quand l'appareil
est bien construit, il donne des effets supérieurs aux téléphones
Bell, et, s'il faut croire le _Telegraphic Journal_, un appareil de ce
genre expérimenté devant la Société royale de Londres le 1er mai 1878,
aurait déterminé des effets d'une intensité proportionnelle au nombre
des diaphragmes. Cet appareil avait été combiné par M. Cox Walker de
New-York, et possédait huit diaphragmes. C'est d'après lui, la
disposition qui donne les meilleurs résultats.


_Système de M. Elisha Gray._--Le dernier système de M. Elisha Gray,
que nous représentons fig. 34, est un de ceux qui ont donné les
meilleurs effets. Il est constitué, comme on le voit, par deux
téléphones juxtaposés auxquels correspondent deux tuyaux V, issus
d'une embouchure commune E. L'un de ces téléphones est vu en coupe sur
la figure, l'autre en élévation, et ils correspondent aux deux
branches d'un aimant en fer à cheval nickelisé NUS, qui peut servir
d'anneau pour le suspendre. Dans le côté de la figure qui montre la
coupe, on peut voir en B la bobine d'induction et en A le noyau
magnétique qui est en fer doux et vissé sur l'extrémité polaire S de
l'aimant; la lame vibrante est en LL, et, comme on le voit, le tuyau
de l'embouchure y aboutit normalement à sa surface.

Dans un autre modèle, il existe quatre téléphones juxtaposés au lieu
de deux, et il donne des effets encore plus marqués.


_Système de M. Phelps._--Ce système n'est qu'une dérivation du
précédent, mais il y a deux modèles; dans le grand, qui permet
d'entendre comme si la personne avec laquelle vous entrez en
correspondance parlait à haute voix et de très-près, les deux
téléphones sont placés parallèlement l'un devant l'autre et de manière
à présenter verticalement leur diaphragme. L'intervalle compris entre
ces deux lames est occupé par un tuyau vertical terminé inférieurement
par un tuyau horizontal correspondant aux centres des deux
diaphragmes, et c'est sur ce tuyau qu'est adaptée l'embouchure qui
ressort extérieurement de la boîte carrée où est renfermé l'appareil.
Les bobines d'induction et les noyaux magnétiques qui les traversent
sont placés suivant l'axe du système, et semblent constituer une sorte
d'axe de roue qui se trouve polarisé par les pôles d'un aimant en fer
à cheval dont on peut régler la position par rapport à la surface des
diaphragmes au moyen d'écrous mobiles. On dirait en voyant l'appareil,
une sorte de tore de gyroscope soutenu par un axe horizontal sur deux
piliers issus d'un aimant en fer à cheval aplati.

Au-dessus de ce système, se trouve l'appareil magnéto-électrique de la
sonnerie d'appel, qui n'a d'ailleurs rien de particulier et qui se
rapproche des avertisseurs allemands dont nous parlerons à la fin de
cette notice. Cet appareil est remarquable par la force et la netteté
de ses sons et surtout par l'absence de cette voix de polichinelle si
désagréable dans les autres téléphones.

Le petit modèle de M. Phelps a la forme d'une tabatière oblongue ou en
ellipse dont les deux centres sont occupés par deux systèmes
téléphoniques actionnés par un même aimant. Celui-ci est placé
horizontalement au-dessous de la tabatière, et ses pôles correspondent
aux noyaux magnétiques des bobines. Ces noyaux sont constitués par des
tubes de fer fendus longitudinalement pour faire disparaître les
réactions d'induction insolites, et les diaphragmes de fer sont
appuyés sur cinq ressorts à boudin qui tendent à les soulever
au-dessus du système magnétique. Du côté opposé, ces diaphragmes sont
munis de bagues en matière demi-élastique, qui empêchent les
vibrations centrales des lames de se compliquer de celles des bords.
Sur ces lames est ensuite appliqué le couvercle qui est creusé de
cavités très-évasées et peu profondes, avec couloirs de communication
qui constituent la caisse sonore. L'embouchure correspond à l'une des
cavités, et l'autre est fermée par un petit bouchon métallique que
l'on retire pour régler l'appareil quand besoin en est. Les vibrations
de l'air se trouvant transmises par les couloirs aux deux cavités, les
deux téléphones fonctionnent simultanément quoique, à première vue, un
seul des téléphones semble être appelé à produire l'effet.

Suivant M. Pope, la perfection de cet appareil tient à la
simultanéité des effets produits sur les deux appareils, à la petite
bague semi-élastique qui circonscrit les contours de chaque lame
vibrante et qui joue le rôle du marteau de l'oreille, c'est-à-dire
celui d'étouffoir, aux fentes longitudinales du noyau tubulaire
magnétique et à la petitesse des cavités laissées au-dessus des lames
vibrantes. L'appareil est d'ailleurs en ébonite et strié sur sa
surface pour lui donner plus de fixité dans la main.


_Système de M. Cox Walker._--Ce système, dont nous avons dit
précédemment quelques mots, a exactement la disposition de celui de M.
Elisha Gray. Les aimants qui agissent sur les diaphragmes sont en fer
à cheval, et des conduits séparés, issus d'une embouchure commune,
dirigent les vibrations de l'air sur les diaphragmes. Ceux-ci, par
exemple, ne sont que des parties circonscrites d'un même diaphragme,
limitées circulairement par des embouchures correspondantes aux
conduits d'air, et qui sont assez comprimées sur leurs bords pour
limiter le champ de la vibration.


_Système de M. Trouvé._--M. Trouvé a rendu très-simple la disposition
des téléphones à double diaphragme en combinant son appareil de
manière à faire réagir sur plusieurs lames l'aimant droit de Bell par
ses deux pôles à la fois. À cet effet, il emploie un aimant tubulaire
et enroule l'hélice sur toute sa longueur, comme on le voit fig. 35.
Cet aimant est maintenu dans une position fixe au centre d'une petite
boîte cylindrique dont les bases sont taillées de manière à former
légèrement entonnoir, et ce sont elles qui servent d'embouchure et de
cornet acoustique. Elles sont en conséquence percées d'un trou central
plus large en _a_, du côté où l'on parle, que du côté opposé _b_.
Entre ces bases et les pôles de l'aimant sont disposées deux lames
vibrantes en fer M, M' dont l'une, M, est percée d'un trou _a_, de
même diamètre que la partie creuse de l'aimant et plus petit par
conséquent que celui de l'embouchure. Enfin entre ces deux lames se
trouve échelonnée une série d'autres lames _n_, _n_, _n_ disposées
parallèlement de manière à laisser passer, au travers, l'aimant et son
hélice.

Quand on parle devant l'embouchure _a_, les ondes sonores, en
rencontrant les bords de la lame M, la mettent en vibration, et
continuant leur route dans l'intérieur du tube aimant, viennent faire
vibrer la lame pleine M' qui vibre alors synchroniquement avec la lame
M. Il en résulte sur l'aimant tubulaire une double action inductrice
qui se traduit par des courants induits développés dans l'hélice, et
qui sont d'autant plus énergiques, que chacune des lames renforce les
effets magnétiques produits au pôle opposé à celui qu'elles
actionnent, comme cela a toujours lieu avec les aimants droits dont le
pôle inactif est garni d'une armature. Cet avantage peut même être
constaté avec les téléphones ordinaires quand on met seulement en
contact la vis qui tient l'aimant avec une masse de fer doux.

Avec la disposition de M. Trouvé, les courants induits déterminés sont
donc plus énergiques; mais suivant l'auteur, les sons reproduits
seraient aussi plus forts par la multiplicité des effets vibratoires
et par l'amplification des effets magnétiques résultant de la
disposition plus avantageuse des pièces magnétiques.

«L'oreille placée en _a_, dit M. Trouvé, perçoit directement les sons
produits par la première lame M, et ceux de la seconde lui arrivent
par l'intérieur du tube aimant. Cette nouvelle disposition est des
plus heureuses pour comparer expérimentalement les résultats fournis
par un téléphone à membrane unique (téléphone Bell), et ceux fournis
par un téléphone à membranes multiples. En effet, il suffit d'écouter
alternativement aux deux faces de ce téléphone, pour s'apercevoir
immédiatement de la différence d'intensité des sons perçus. Ceux
recueillis en _a_, du côté de la membrane percée, paraissent
sensiblement doubles en intensité de ceux recueillis en _b_ du côté de
la membrane pleine qui constitue le téléphone ordinaire.

«La différence est encore plus frappante si, en transmettant ou
recevant un son invariable d'intensité à travers un téléphone
multiple, on empêche à plusieurs reprises la membrane pleine M' de
vibrer.»

Avant cette disposition, M. Trouvé en avait imaginé une autre qu'il
présenta à l'Académie des sciences, le 26 novembre 1877 et qui est
celle à laquelle nous avons fait allusion au commencement de ce
chapitre. Il la décrit en ces termes:

«Pour augmenter l'intensité des effets produits dans le téléphone
Bell, j'ai substitué à la membrane unique de ce téléphone, une chambre
cubique dont chaque face, à l'exception d'une, est constituée par une
membrane vibrante. Chacune de ces membranes, mise en vibration par le
même son, influence un aimant fixe également muni d'un circuit
électrique. De cette sorte, en associant tous les courants engendrés
par ces aimants, on obtient une intensité unique qui croît
proportionnellement au nombre des aimants influencés. On peut
remplacer le cube par un polyèdre dont les faces seraient formées d'un
nombre indéfini de membranes vibrantes afin d'obtenir l'intensité
voulue.»


_Système de M. Demoget._--Plusieurs autres systèmes de téléphones à
membranes multiples ont encore été proposés:

L'un d'eux, imaginé par M. Demoget, consiste à placer en avant et à un
millimètre de la plaque vibrante du téléphone ordinaire de Bell, une
ou deux plaques vibrantes semblables, en ayant soin de percer dans la
première et au centre, un orifice circulaire d'un diamètre égal à
celui du barreau aimanté, et dans la seconde un orifice d'un diamètre
plus grand.

Suivant l'auteur, on augmente ainsi non-seulement l'intensité des sons
transmis, mais encore leur netteté.

«Par cette disposition, dit M. Demoget, la masse vibrante magnétique
en regard de l'aimant étant plus grande, la force électro-motrice des
courants engendrés est augmentée, et par conséquent les vibrations des
plaques du deuxième téléphone sont plus perceptibles.»


=Modifications dans la disposition des organes téléphoniques.=--Les
formes que l'on a données au téléphone Bell ont été, comme on l'a déjà
vu, très-diversifiées, mais celles que l'on a adoptées pour ses
organes constituants l'ont été encore plus, sans amener de notables
améliorations. Voici ce que dit à cet égard M. Preece dans le travail
intéressant dont nous avons parlé plus haut: «En augmentant ou en
variant les dimensions et la force des aimants, on n'a obtenu que peu
ou point d'améliorations, et le plus grand effet obtenu a été réalisé
par l'emploi d'aimants en fer à cheval disposés comme l'a indiqué Bell
lui-même. Le téléphone a certainement été introduit en Europe avec sa
disposition théorique la plus parfaite, quoique Bell travaille encore
à l'améliorer.» Cet avis est aussi celui de M. Hellesen qui a fait
comme M. Preece beaucoup d'expériences à cet égard, ce qui n'empêche
pas beaucoup de personnes d'annoncer qu'ils ont découvert le moyen de
faire parler un téléphone devant toute une assemblée. De ce nombre
nous citerons M. Righi de Milan, qui prétend avoir obtenu de
merveilleux résultats; mais nous avons vu que M. Bell y était
également parvenu. Si ce n'est le microphone de M. Hughes, nous ne
voyons pas de progrès bien marqués réalisés dans ces nouvelles
inventions.

Néanmoins nous croyons utile d'indiquer les dispositions nouvelles qui
ont été proposées, et parmi elles nous en citerons une dans laquelle,
au lieu d'un aimant droit, on emploie un aimant en fer à cheval, entre
les pôles duquel est placée la lame vibrante. Ces pôles sont, à cet
effet, munis de semelles de fer, et l'une d'elles est percée d'un
trou, qui correspond à l'embouchure de l'appareil. Les deux branches
de l'aimant sont d'ailleurs munies d'hélices magnétisantes. Quand on
parle à travers le trou, la lame en vibrant détermine dans les deux
hélices des courants induits qui seraient de sens contraire si les
deux pôles étaient de même nom, mais qui se trouvent être de même
sens, en raison de la nature contraire des pôles magnétiques. La lame
vibrante joue alors le même rôle que les deux lames de l'appareil de
M. Trouvé, que nous avons décrit précédemment.

D'un autre côté, un inventeur anonyme, dans une petite note insérée
dans les _Mondes_, du 7 février 1878, écrit ce qui suit: «L'intensité
des courants produits dans le téléphone, étant proportionnelle à la
masse de fer doux qui vibre devant le pôle de l'aimant, et d'autre
part, la plaque étant d'autant plus sensible qu'elle est plus mince,
j'emploie, au lieu de la plaque ordinaire, une plaque réduite par
l'acide azotique à la plus faible épaisseur, et je la fixe à un cercle
de fer doux qui la tient tendue et fait corps avec elle. Ce cercle se
trouve logé dans une ouverture circulaire ménagée à l'intérieur du
pavillon. Pour un même téléphone, l'intensité est très-sensiblement
augmentée quand on ajuste un système semblable à la place de la plaque
ordinaire, ne fut-ce qu'à une des extrémités de la ligne.»

Afin de permettre d'employer des lames vibrantes d'une épaisseur
extrêmement faible, M. E. Duchemin a imaginé de mettre à contribution
des lames de mica très-minces, saupoudrées de fer porphyrisé qu'il
fixe au moyen d'une couche de silicate de potasse. On pourrait,
d'après l'auteur, correspondre à voix basse avec ce système, mais on
aurait l'inconvénient de crever la lame en parlant trop haut.

M. le professeur Jorgensen, de Copenhague, a construit aussi un
téléphone Bell produisant des sons très-intenses et qui lui a permis
de constater des effets très-curieux. Dans cet appareil, l'aimant est
constitué d'une manière analogue aux électro-aimants tubulaires de
Nicklès. C'est d'abord un aimant cylindrique muni à sa partie
supérieure d'un noyau de fer doux sur lequel est adaptée la bobine;
puis un tube aimanté constitué par une bague d'acier qui enveloppe le
premier système magnétique et qui est relié avec celui-ci par une
culasse de fer. Enfin, au-dessus des extrémités polaires de ce
système, se trouve la lame vibrante qui est disposée comme dans les
téléphones ordinaires, et qui présente une grande surface. Quand cette
lame n'avait qu'un millimètre d'épaisseur, on pouvait entendre la
parole dans toute une chambre; mais quand on mettait l'oreille près de
la lame vibrante, les sons n'avaient plus aucune netteté; la parole
était confuse et semblait répercutée comme quand on parle dans un
espace trop sonore et sujet à produire beaucoup d'échos; on était en
un mot étourdi par les sons produits. En prenant une plaque plus
épaisse de 3 ou 4 millimètres, par exemple, le téléphone ne produisait
plus que les effets des téléphones ordinaires, et il fallait mettre
l'oreille contre l'instrument.

M. Marin Maillet, de Lyon, a de son côté imaginé, pour augmenter les
sons reproduits par le téléphone, de les faire réfléchir par un
certain nombre de réflecteurs qui, en les concentrant à leur foyer sur
un résonnateur pouvaient les amplifier considérablement. Cette idée
n'ayant pas été accompagnée d'expériences ne présente à la vérité rien
de sérieux.




EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.


Depuis les expériences de M. Bell rapportées dans la première partie
de ce travail, bien des essais ont été entrepris par divers savants et
divers inventeurs pour étudier les effets produits dans ce curieux
instrument, en bien préciser la théorie et en déduire des
perfectionnements pour sa construction. Nous allons passer
successivement en revue ces différentes recherches.


=Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques et
les courants induits.=--L'une des premières et des plus importantes a
été l'étude comparative des effets produits dans le téléphone par les
courants voltaïques et les courants induits. Dès l'année 1873, M.
Elisha Gray avait, comme on l'a vu, transformé les courants voltaïques
qu'il employait pour faire vibrer les lames de son transmetteur, en
courants induits, par l'intermédiaire d'une bobine d'induction
analogue à celle de Ruhmkorff. Les courants voltaïques traversaient
alors l'hélice primaire de la bobine, et c'étaient les courants
induits qui réagissaient sur l'appareil récepteur en déterminant sur
les systèmes électro-magnétiques qui le composaient les vibrations
provoquées au poste de transmission. Quand M. Edison combina son
système de téléphone à pile, il eut recours au même moyen pour
actionner son téléphone récepteur, parce qu'il avait reconnu lui-même
que les courants induits étaient plus avantageux que les courants
voltaïques. Mais cette particularité du dispositif de M. Edison
n'avait pas été bien comprise d'après les descriptions parvenues en
Europe; de sorte que plusieurs personnes ont cru avoir imaginé cette
disposition avantageuse, et parmi elles nous citerons le colonel Navez
et MM. Pollard et Garnier.

Le colonel Navez, dans une note intéressante sur un système nouveau de
téléphone présenté à l'Académie royale de Belgique le 2 février 1878,
ne fait qu'indiquer cette disposition comme moyen de reproduire la
parole à de longues distances; mais il ne cite aucune expérience qui
montre nettement les avantages de cette combinaison. MM. Pollard et
Garnier vingt jours après M. Navez, et sans avoir eu connaissance du
travail de ce dernier, m'ont envoyé les résultats qu'ils avaient
obtenus par un moyen semblable, et ces résultats m'ont paru si
intéressants que j'en ai fait l'objet d'une communication à
l'Académie des sciences, le 25 février 1878. Pour qu'on puisse être
bien fixé sur l'importance de ces résultats, je vais rapporter
textuellement ce qu'en dit M. Pollard dans la lettre qu'il m'a écrite
le 20 février 1878.

«Dans le but d'accroître les variations de l'intensité électrique dans
le système d'Edison, nous faisons passer le courant dans le circuit
inducteur d'une petite bobine de Ruhmkorff, et nous adaptons le
téléphone récepteur aux extrémités du fil induit. Le courant reçu a
alors pour intensité la dérivée de celle du courant inducteur, et par
suite, les variations produites dans le courant actionnant le
téléphone ont beaucoup plus d'amplitude. L'intensité des sons transmis
est fortement augmentée, et la valeur de cette augmentation dépend du
rapport entre les nombres des tours de spires des circuits inducteurs
et induits. Les essais que nous faisons pour déterminer les meilleures
proportions sont pénibles, puisqu'il faut faire autant de bobines que
d'expériences; jusqu'ici nous avons obtenu d'excellents résultats avec
une petite bobine de Ruhmkorff réduite à sa plus simple expression,
c'est-à-dire sans condensateur ni interrupteur. Le fil inducteur est
du nº 16 et forme 5 couches; le fil induit est du nº 32 et forme 20
couches. La longueur de la bobine est de 10 centimètres.

«L'expérience la plus remarquable et la plus saisissante est la
suivante: en faisant fonctionner le transmetteur avec un seul élément
Daniell, on n'obtient rien d'appréciable à la réception, du moins dans
le téléphone que j'ai construit, quand il est adapté directement au
circuit. En intercalant la petite bobine d'induction, on perçoit alors
les sons avec une grande netteté et une intensité égale à celle des
bons téléphones ordinaires. L'amplification est alors considérable et
très nettement accusée. Comme le courant de pile est alors peu
intense, les pointes de plombagine ne s'usent pas, et le réglage
persiste longtemps. En employant une pile plus énergique, six éléments
au bichromate de potasse (en tension) ou douze éléments Leclanché, on
obtient, par l'action directe, une intensité suffisante pour percevoir
les sons un peu plus faiblement qu'avec les téléphones ordinaires;
mais en intercalant la bobine d'induction, on a alors des sons bien
plus intenses et qui peuvent être entendus à 50 ou 60 centimètres de
l'embouchure. Des chants peuvent, dans ces mêmes circonstances, être
entendus à plusieurs mètres; mais le rapport d'amplification ne paraît
pas jusqu'ici être aussi grand que pour le cas d'un seul élément
Daniell.»

D'un autre côté, on voit dans les _Mondes_ du 7 mars 1878, la
description d'une série d'expériences faites par M. Luvini, professeur
de physique à l'académie militaire de Turin qui montrent que
l'introduction d'électro-aimants dans le circuit réunissant deux
téléphones augmente assez sensiblement l'intensité du son. En en
plaçant un près du téléphone transmetteur, l'autre près du téléphone
récepteur, on obtient le maximum d'effet, et l'introduction d'un plus
grand nombre de ces organes ne produit rien d'utile. Le fil inducteur
d'une bobine de Ruhmkorff introduit dans le circuit dont il vient
d'être question, n'a provoqué aucun effet d'induction sensible dans le
circuit induit, et par conséquent n'a pu faire fonctionner le
téléphone correspondant à ce circuit. En revanche, le courant d'une
machine de Clarke détermine des sons prononcés qui ressemblent assez à
des coups de caisse et sont assourdissants quand l'oreille est
appliquée contre l'instrument; mais ils deviennent très-faibles à un
mètre de distance. Les courants d'une machine de Ruhmkorff donnent des
effets encore plus énergiques: le son remplit toute une chambre. En
modifiant la position du marteau de la bobine, le son passe par des
tons différents qui sont toujours à l'unisson des interruptions du
courant, du moins jusqu'à une certaine hauteur de ton.

Cette propriété des courants induits de la bobine de Ruhmkorff a
permis à M. Gaiffe d'obtenir, par leur intermédiaire, un moyen
très-facile de réglage pour les téléphones afin de les placer dans
leurs conditions de maximum de sensibilité. Il met pour cela à
contribution un de ses appareils d'induction à hélices mobiles et à
intensités graduées dans le circuit duquel il interpose le téléphone à
régler. Les sons résultant du vibrateur se trouvent alors répercutés
par le téléphone, et s'entendant à distance de l'instrument, on peut
au moyen d'un tournevis, réagir sur la vis à laquelle est fixée
l'extrémité libre du barreau aimanté de l'appareil. En la serrant ou
en la desserrant, on rapproche ou on éloigne l'autre extrémité de ce
barreau de la lame vibrante du téléphone, et on répète ces essais
jusqu'à ce qu'on soit arrivé à obtenir le maximum de l'intensité du
son.

D'un autre côté, comme les sons rendus par les deux téléphones en
correspondance sont d'autant plus intenses que les vibrations produites
par eux se rapprochent plus de l'unisson, il est nécessaire de les
choisir de manière à émettre les mêmes sons pour une même note donnée,
et le moyen indiqué précédemment peut être très-avantageusement employé;
car il suffit de noter ceux de ces appareils qui, pour un même réglage
de la machine d'induction, donnent la même note dans les conditions de
maximum de sensibilité. Un bon accouplement des deux téléphones en
correspondance est non-seulement très-important au point de vue de la
netteté des transmissions, mais il doit être encore considéré par
rapport à la hauteur de la voix de ceux qui sont destinés à en faire
usage. Plus cette hauteur est en rapport avec celle des sons produits
par les appareils, mieux les sons sont perçus; c'est pourquoi il est des
téléphones qui résonnent beaucoup mieux avec la voix des enfants et des
femmes qu'avec la voix des hommes, tandis que l'inverse a lieu pour
d'autres.

Les vibrations des téléphones sont très-différentes d'un appareil à
l'autre, et les moyens que nous venons d'indiquer permettent
facilement de s'en rendre compte.

Si on place dans le circuit induit d'une bobine d'induction reliée à
un téléphone, un condensateur de grande surface et que l'on éloigne
assez le contact de plombagine de la lame vibrante pour ne la toucher
que momentanément à chaque vibration, on ne reçoit plus naturellement
les articulations des sons, mais seulement les notes d'un air que l'on
chante devant la plaque du transmetteur; seulement le courant
inducteur ayant des interruptions brusques, engendre des courants
induits très-intenses, et suivant MM. Pollard et Garnier, on entend
dans tout un appartement l'air chanté, mais avec un timbre particulier
qui dépend de la construction du téléphone et du condensateur.

Les avantages des courants induits dans les transmissions
téléphoniques se comprennent aisément, si l'on réfléchit que les
variations de résistance du circuit qui résultent de la plus ou moins
grande amplitude des vibrations de la lame transmettrice étant des
valeurs constantes, ne peuvent manifester distinctement leurs effets
que sur des circuits courts; par conséquent les articulations des sons
qui en résultent, doivent ne plus être très-appréciables sur des
circuits très-résistants. Toutefois, si on considère que d'après les
expériences de M. Warren de la Rue (voir le _Telegraphic journal_ du
1er mars 1878, p. 97), les courants produits par les vibrations de la
voix dans un téléphone ordinaire, représentent en intensité ceux d'un
élément Daniell traversant 100 megohms de résistance (soit 10 000 000
de kilomètres de fil télégraphique), on peut comprendre qu'il y a
autre chose à considérer dans les effets avantageux des courants
induits que la simple question d'intensité plus ou moins grande des
courants agissant sur le téléphone récepteur. Avec une pile énergique,
il est évident, en effet, que les courants différentiels qui agiront
seront toujours plus intenses que les courants induits déterminés par
le jeu de l'instrument. Je ne serais pas, quant à moi, éloigné de
croire que c'est surtout à leurs inversions successives et à leur
faible durée, que les courants induits doivent les avantages qu'ils
présentent. Ces courants en effet dont la durée ne dépasse guère,
suivant M. Blaserna, 1/200 de seconde, se prêtent beaucoup mieux que
les courants voltaïques aux vibrations multipliées qui sont le propre
des vibrations phonétiques, et cela d'autant mieux que les inversions
successives qui se produisent, déchargent la ligne, renversent les
effets magnétiques et contribuent à rendre les actions plus nettes et
plus promptes. On ne doit donc pas s'étonner si les courants induits
de la bobine d'induction, qui peuvent se produire dans des conditions
excellentes au poste de transmission, puisque le circuit du courant
voltaïque est alors très-court, soient capables de fournir des
résultats non-seulement plus avantageux que les courants voltaïques
qui leur donnent naissance, mais même que les courants induits
résultant du jeu des téléphones Bell, puisqu'ils sont infiniment plus
énergiques.

Quant aux effets relativement considérables produits par les courants
si minimes des téléphones Bell, ils s'expliquent facilement par cette
considération que, prenant naissance sous l'influence même des
vibrations de la lame téléphonique, leurs variations d'intensité
conservent toujours le même rapport, quelle que soit la résistance du
circuit, et ne sont pas, en conséquence, effacées par la distance
séparant les deux téléphones.


=Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone dans la
transmission de la parole.=--Pour pouvoir apporter au téléphone tous
les perfectionnements dont il est susceptible, le point important
était d'être bien fixé sur la nature des effets déterminés dans les
différentes parties qui le composent et sur le rôle joué par les
différents organes qui s'y trouvent mis en jeu. C'est pour être fixé à
cet égard qu'un certain nombre de savants et de constructeurs ont
entrepris une série d'expériences qui ont fourni de très-intéressantes
indications.

L'un des points les plus intéressants à élucider était celui de savoir
si la lame vibrante dont MM. Bell et Gray ont muni leur récepteur
téléphonique, détermine à elle seule les vibrations complexes qui
reproduisent la parole, ou bien si les différentes parties du système
électro-magnétique de l'appareil concourent toutes à cet effet. Les
expériences faites dès l'année 1837 par M. Page sur les sons produits
par les tiges électro-magnétiques résonnantes, et les recherches
entreprises en 1846 par MM. de la Rive, Wertheim, Matteucci, etc. sur
ce phénomène curieux, permettaient certainement de poser la question,
et nous verrons à l'instant qu'elle est beaucoup plus complexe qu'on
ne pourrait le croire à première vue.

Pour avoir un point de départ fixe, il fallait avant tout reconnaître
si un téléphone dépourvu de lame vibrante peut reproduire la parole.
Les expériences faites dès le mois de novembre 1877 par M. Edison[16]
avec des téléphones munis d'un diaphragme en cuivre, téléphones qui
avaient pu cependant fournir des sons, pouvaient le faire croire, et
ces expériences confirmées par M. Preece et surtout par M. Blyth,
donnaient plus de poids à cette hypothèse; mais, quand M. Spottiswoode
eut assuré, (voir le _Telegraphic-Journal_ du 1er mars 1878, p. 95)
que l'on pouvait supprimer entièrement la lame vibrante d'un téléphone
sans empêcher la transmission de la parole, pourvu que l'extrémité
polaire de l'aimant fût placée très-près de l'oreille, le doute ne fut
plus permis, et c'est alors que je présentai à l'Académie des sciences
ma note sur la théorie du téléphone qui provoqua bientôt de la part de
MM. Navez et Luvini une discussion intéressante dont je parlerai à
l'instant. On voulut d'abord nier l'authenticité de ces résultats,
puis on chercha à expliquer les sons entendus par M. Spottiswoode par
une transmission mécanique des vibrations effectuée de la même manière
que dans les téléphones à ficelle; mais de nombreuses expériences
entreprises depuis par MM. Warwich, Rossetti, Hughes et beaucoup
d'autres ont montré qu'il n'en était pas ainsi, et qu'un téléphone
sans diaphragme pouvait transmettre électriquement la parole.

         [Note 16: Voici un extrait d'une lettre de M. Edison
         relative à ces expériences et qui est datée du 25 novembre
         1877.

         «J'ai construit, dit-il, un couple de téléphones fonctionnant
         avec des diaphragmes de cuivre et qui est basé sur les effets
         du magnétisme de rotation d'Arago. J'ai reconnu qu'un
         diaphragme de cuivre peut remplacer la lame de fer, dans
         l'appareil de Bell, si le cuivre a seulement 1/32 de pouce
         d'épaisseur. L'effet produit est très-petit quand le
         diaphragme de cuivre existe dans les deux appareils en
         correspondance, mais quand l'un de ces appareils, le
         récepteur, conserve la disposition ordinaire et que le
         téléphone transmetteur seul est muni de la lame de cuivre, on
         peut parler des deux côtés avec facilité.»

         M. Preece a répété ces expériences, mais il n'a obtenu que
         des effets extrêmement faibles et à peine distincts; il
         croit, en conséquence, qu'ils ne peuvent être d'aucune
         utilité pour la pratique, mais qu'ils sont très-intéressants
         au point de vue théorique.]

M. Navez lui-même qui, dans l'origine, avait nié le fait, convient
aujourd'hui qu'un téléphone sans diaphragme peut émettre des sons, et,
même dans certaines conditions exceptionnelles de phonation et
d'audition téléphonique, reproduire la voix humaine; mais il croit
toujours que l'on ne peut reconnaître s'il y a ou non articulation des
mots.

Cette incertitude dans les résultats obtenus par les différents
physiciens qui se sont occupés de cette question prouve, toutefois,
que les sons ainsi reproduits ne sont pas très-accentués et que, dans
des phénomènes physiques appréciables seulement à nos sens, la
constatation d'un effet peu accentué dépend surtout de la perfection
de nos organes. Nous verrons à l'instant comment cet effet si faible
peut se développer dans de grandes proportions par suite de la
disposition adoptée par MM. Bell et Gray.

Un second point était encore à éclaircir. Il s'agissait de savoir si
le diaphragme d'un téléphone vibre réellement, ou du moins si ses
vibrations peuvent entraîner son déplacement, comme cela a lieu dans
un trembleur électrique ou un instrument à anches que l'on fait vibrer
par un courant d'air. M. Antoine Bréguet a fait à cet égard des
expériences intéressantes qui ont montré que ce mouvement n'était pas
admissible, car il a pu faire parler très-distinctement des téléphones
avec des lames vibrantes de toutes les épaisseurs, et il a poussé les
expériences jusqu'à employer des lames de 15 centimètres d'épaisseur.
La superposition sur ces lames épaisses de morceaux de bois, de
caoutchouc et en général de substances quelconques n'empêchait pas
l'effet de se produire. Or on ne peut admettre dans ce cas que les
lames puissent être animées d'un mouvement de va-et-vient. J'ai
d'ailleurs constaté en superposant une couche d'eau ou de mercure sur
ces lames et même sur des diaphragmes minces, qu'aucun mouvement
sensible ne les animait, du moins en n'employant, comme source
électrique, que les courants induits déterminés par l'action de la
parole. Aucunes rides ne se distinguaient à la surface de la couche
liquide, même quand pour les apercevoir on employait des appareils à
réflexion lumineuse. Comment d'ailleurs pourrait-on admettre qu'un
courant qui n'est pas plus intense que celui d'un élément de Daniell
ayant traversé dix millions de kilomètres de fil télégraphique,
courant qui ne peut fournir de déviation que sur un galvanomètre
Thomson, et encore en admettant que le courant a été provoqué en
appuyant le doigt sur le diaphragme, ait une énergie suffisante pour
faire vibrer mécaniquement par attraction une lame de fer aussi tendue
que l'est celle d'un téléphone!!!

Il résulte toutefois d'expériences photographiques très-précises, que
des vibrations sont produites par le diaphragme d'un téléphone
récepteur; elles sont infiniment petites, si l'on veut, mais elles
sont, suivant M. Blake, suffisantes pour qu'un index très-léger, porté
par ce diaphragme, puisse fournir quelques petites inflexions sur une
ligne décrite par lui sur un enregistreur. Toutefois, de ce qu'un
petit mouvement de vibration existe sur ce diaphragme, il ne s'ensuit
pas qu'il doive être rapporté à un effet d'attraction, car il peut
résulter d'une vibration déterminée par l'action même de la
magnétisation au sein du diaphragme[17].

         [Note 17: Suivant M. J. Bosscha, qui a publié dans les
         _Archives néerlandaises_, T. XIII, un mémoire
         très-intéressant sur l'intensité des courants électriques du
         téléphone, l'intensité minima de courant nécessaire pour
         fournir un son dans un téléphone par la vibration de son
         diaphragme, pourrait être au-dessous de un cent millième de
         celle d'un élément Daniell, et le déplacement du centre du
         diaphragme pourrait être alors invisible, car il ne serait
         guère que de 2,5 millionièmes de millimètre pour une
         intensité de courant n'étant que un dix-millième de
         l'intensité du même élément Daniell. Quant à l'amplitude des
         mouvements produits par le diaphragme sous l'influence de la
         voix, il n'a pu la mesurer exactement, mais il la croit
         inférieure à un millième de millimètre, et il en résulterait
         que, pour un son de 880 vibrations, l'intensité des courants
         induits développés serait 0,0000792 de l'unité d'intensité
         électro-magnétique.]

Voici, du reste, une expérience très-intéressante de M. Hughes,
répétée d'ailleurs dans d'autres conditions par M. Millar, qui prouve
bien en faveur de notre opinion.

Si l'aimant d'un téléphone récepteur est constitué par deux barreaux
aimantés parfaitement égaux, séparés l'un de l'autre par un isolant
magnétique, et qu'on les place dans la bobine de manière à présenter
en face du diaphragme tantôt des pôles de même nom, tantôt des pôles
contraires, on reconnaît que le téléphone reproduit mieux la parole
dans ce dernier cas que dans le premier. Or, si les effets étaient
attractifs il n'en serait pas ainsi, car les actions sont en
discordance quand des pôles de noms contraires sont soumis à une même
action électrique, tandis qu'elles sont conspirantes dans un même sens
quand ces pôles sont de même nom.

D'un autre côté, on reconnaît que si on emploie plusieurs lames de
fer superposées pour constituer le diaphragme d'un téléphone
récepteur, la transmission des sons est beaucoup plus forte que quand
le diaphragme est simple, et pourtant l'attraction, si tant est
qu'elle pût se faire, ne pourrait se produire que sur l'un des
diaphragmes.

Une expérience très-intéressante de M. A. Bréguet a montré encore que
les différentes parties constituantes d'un téléphone, aussi bien le
manche, les bornes de cuivre, la coquille que la plaque et le barreau
aimanté, peuvent transmettre les sons; et pour arriver à constater ce
résultat, M. Bréguet a employé des téléphones à ficelle dont il
attachait le fil en différents points du téléphone expérimenté. Il a
pu de cette manière non-seulement établir une correspondance entre une
personne faisant agir le téléphone électrique et une autre écoutant
dans le téléphone à ficelle, mais encore faire parler plusieurs
téléphones à ficelle, reliés en plusieurs points du téléphone
électrique.

Ces deux séries d'expériences montrent que des sons peuvent être
obtenus des diverses parties d'un téléphone sans mouvements
vibratoires très-appréciables; mais M. J. Luvini a voulu s'en assurer
d'une manière plus nette encore, en examinant si définitivement
l'aimantation d'un corps magnétique suivie de sa désaimantation
entraînerait une variation dans la forme et les dimensions de ce
corps. Il a en conséquence fait construire un grand électro-aimant
tubulaire qu'il remplissait d'une assez grande quantité d'eau pour
que, ses deux extrémités étant bouchées, le liquide pût apparaître
dans un tube capillaire adapté à l'un des bouchons. De cette manière,
les plus petites variations dans la capacité de la partie creuse de
l'électro-aimant étaient accusées par une ascension ou une descente de
la colonne liquide. Or, en faisant traverser l'électro-aimant par un
courant électrique de différente intensité, il n'a jamais observé
aucun changement dans le niveau de l'eau dans le tube. Avec cette
disposition il pouvait mesurer pourtant un changement de volume de
1/30 de millimètre cube. Donc, il résulte de ces effets, que les
vibrations produites dans un corps magnétique sous l'influence
d'aimantations et de désaimantations successives, sont _tout à fait
moléculaires_. Nous examinerons à l'instant comment ces différentes
déductions peuvent être interprétées pour que l'on puisse comprendre
la véritable théorie du téléphone; mais avant d'entamer cette étude
nous devrons indiquer encore quelques autres expériences qui ont aussi
leur intérêt.

Nous avons vu que MM. Edison, Blyth et Preece avaient fait des
expériences qui ont montré que des sons pouvaient être reproduits par
un téléphone dont le diaphragme était constitué avec une matière non
magnétique, mais ils ont fait voir aussi, chose plus curieuse encore,
que ces sons pouvaient être transmis sous l'influence de courants
induits provoqués par ces diaphragmes mis en vibration devant
l'aimant. Déjà MM. Edison et Blyth avaient avancé ce fait, mais M.
B.-W. Warwich, dans un article publié dans l'_English-mecanic_ (voir
les _Mondes_ du 2 mai 1878), l'a confirmé malgré l'incrédulité qui
avait accueilli cette nouvelle; «Il semblerait, dit-il, que pour agir
sur l'aimant de manière à produire des courants induits, quelque chose
doit d'abord vibrer d'une manière quelconque et être en possession de
plus de force vive qu'un gaz; mais il n'est pas nécessaire que la
substance soit magnétique, car les corps diamagnétiques agissent
très-bien[18].» M. Preece en avait recherché la cause dans les
courants induits développés dans un corps conducteur quelconque quand
on fait mouvoir devant lui un aimant, courants qui donnent lieu au
phénomène découvert par Arago et connu sous le nom de _magnétisme de
rotation_. Ces faits toutefois ne nous paraissent pas encore assez
bien établis pour qu'on puisse s'occuper sérieusement de leur théorie,
et il pourrait se faire que les effets observés fussent la conséquence
de simples transmissions mécaniques.

         [Note 18: Voici comment ces expériences sont décrites par
         l'auteur: les aimants employés avaient à peu près les
         dimensions ordinaires, 1 pouce 1/2 de diamètre, et une
         longueur environ huit fois aussi grande. On s'est servi
         d'abord de plaques de fer; mais elles n'étaient nullement
         nécessaires. Mettant de côté ces plaques, j'ai essayé
         naturellement un certain nombre de substances: d'abord une
         plaque mince d'étain qui convenait parfaitement et pour
         transmetteur et pour récepteur. Une plaque de tôle de 1/10
         d'épaisseur environ n'opérait pas aussi bien, mais tout ce
         qu'on disait était parfaitement compris. En faisant les
         expériences avec ces plaques, on les mettait simplement au
         haut de l'instrument sans qu'elles y fussent fixées en aucune
         manière; le pavillon en bois du sommet et la cavité conique a
         été aussi mis de côté, parce que la transmission et la
         réception se faisaient également sans elles. Cette partie de
         l'instrument semble superflue, car le son, lorsque la simple
         plaque est appuyée à plat contre l'oreille, paraît plus fort
         à cause de sa plus grande proximité. Maintenant, les plaques
         de fer ne paraissent pas être absolument nécessaires, quoique
         le fer agisse mieux qu'aucune autre chose, et que les
         substances diamagnétiques agissent aussi très-bien. Désirant
         que mon assistant qui était à une certaine distance et ne
         pouvait en aucune manière percevoir un son direct, continuât
         de compter pendant quelque temps, j'ai enlevé la plaque de
         fer et mis en travers de l'instrument un large barreau de
         fer, de 1/1 de pouce d'épaisseur. En plaçant mon oreille
         contre lui, j'ai entendu chaque nombre distinctement, mais un
         peu affaibli. Un morceau carré de cuivre, de 3/3 de pouce, a
         été mis en place; le son quoique distinct, n'était pas aussi
         fort que précédemment. Des morceaux épais de plomb, de zinc
         et d'acier ont été tour à tour essayés. L'acier agit à peu
         près comme le fer, et, comme dans les autres cas, chaque mot
         prononcé était faiblement et distinctement entendu.
         Quelques-uns de ces métaux étaient diamagnétiques, et
         cependant l'action se produisait. Des substances non
         métalliques ont été ensuite essayées; d'abord un morceau de
         verre de vitre; il opérait vraiment très-bien. Avec du bois,
         un morceau d'une boîte à allumettes, l'action était faible;
         mais en plaçant des morceaux d'une épaisseur graduellement
         croissante, le son augmentait sensiblement, et avec un
         morceau grossier de bois de 1 pouce 1/2 d'épaisseur, le son
         était parfaitement distinct. J'ai mis ensuite en place une
         boîte vide en bois; elle agissait très-bien. Un morceau de
         liège épais de 1/2 pouce agissait, mais un peu faiblement. Un
         bloc de pierre à rasoir, épais de 2 pouces, a été placé sur
         l'instrument, et en appliquant l'oreille contre lui, on
         pouvait suivre facilement celui qui parlait. Alors j'ai
         essayé sans qu'il y eût rien d'interposé, et j'ai placé mon
         oreille tout contre l'aimant et la bobine, et, ce qui est
         vraiment très-curieux, sans aucune plaque vibrante, j'ai pu
         entendre faiblement, et en écoutant attentivement j'ai pu
         comprendre tout ce qu'on disait. La chose a été répétée
         plusieurs fois: la transmission mécanique du son était
         impossible, car beaucoup de mètres de fil étaient couchés sur
         le sol, et cependant sans qu'il y eût rien d'interposé
         (excepté de l'air) entre mon oreille et l'extrémité de
         l'aimant, j'ai pu comprendre ce qui était dit. Dans toutes
         ces expériences, les sons ont été perçus, mais les sons
         transmis ou essayés agissaient un peu différemment. Un
         diapason, qu'on faisait sonner et qu'on plaçait sur la plaque
         même de fer ou sur le bois de l'instrument était entendu
         clairement; pour la parole, les plaques minces de fer
         agissaient mieux. Avec d'autres corps, la pierre, le bois
         épais, le verre, le zinc, etc., le son du diapason était
         entendu, soit qu'il reposât sur eux, soit qu'on tînt sur eux
         la branche vibrante. Ces corps épais ne convenaient pas pour
         transmettre le son de la voix. Tous ont été mis de côté, et
         l'instrument sonore a été tenu directement sur le pôle de
         l'aimant; le son a été clairement entendu, quoiqu'il n'y eût
         rien d'interposé, excepté l'air, entre le diapason et
         l'extrémité de l'aimant. L'intensité du son n'était peut-être
         pas aussi grande quand le diapason posait directement sur le
         pôle que quand il était tenu sur l'extrémité de l'aimant.
         J'ai ensuite essayé si ma voix serait entendue avec cet
         arrangement. Le résultat a été un peu douteux, mais je pense
         que quelque action a dû se produire, car le diapason était
         entendu lorsqu'il vibrait simplement dans le voisinage du
         pôle; l'effet produit par la voix doit avoir différé
         seulement par le degré d'intensité; il était trop faible pour
         être entendu à l'autre extrémité. J'ai répété ces résultats,
         je les ai rendus tout à fait certains, et j'ai réussi à
         transmettre les sons très-distinctement sans plaque sur le
         pôle, et j'ai entendu en retour distinctement tout ce qui
         était dit en plaçant mon oreille contre l'instrument, sans
         qu'il y eût aucune plaque.]

S'il faut en croire M. Preece, il paraîtrait qu'on pourrait
transmettre avec un téléphone dont on remplacerait l'aimant par un
simple noyau de fer doux, et il attribue ce résultat au magnétisme
rémanent du fer et à l'action magnétique exercée sur ce barreau par le
magnétisme terrestre. M. Blake de Boston a constaté aussi le même
phénomène, mais il ne l'observait d'une manière marquée que quand le
noyau de fer doux était placé dans une direction inclinée par rapport
à la terre.

Suivant M. Navez, l'intensité du son reproduit dans un téléphone
dépend, non-seulement de l'amplitude des vibrations, mais aussi de la
surface vibrante par suite de l'action qu'elle exerce sur la couche
d'air qui doit transmettre les sons. (Voir le mémoire de M. Navez dans
le _Bulletin de l'Académie de Belgique_, du 7 juillet 1878).


=Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques communiqués
à différentes parties d'un téléphone.=--Si dans un téléphone ordinaire
on adapte une pièce de fer contre la vis qui tient l'aimant, on
reconnaît que les sons transmis sont un peu plus accentués, ce qui
tient au renforcement du pôle actif de l'aimant; mais on entend au
moment où l'on applique la pièce de fer contre la vis, un bruit assez
prononcé qui semble être dû aux vibrations mécaniques déterminées dans
le barreau au moment du choc. M. le lieutenant de vaisseau des Portes
a fait dernièrement sur ce genre de phénomènes des expériences
intéressantes. Ainsi il a reconnu que, si sur un circuit téléphonique
de 100 mètres complété par le sol, le téléphone transmetteur est
réduit au simple aimant muni de sa bobine qui constitue son organe
électro-magnétique, et que cet aimant soit suspendu verticalement par
un fil de soie, la bobine en haut, un coup frappé sur cet aimant, soit
au moyen d'un morceau de bois, soit au moyen d'une tige de cuivre,
pourra déterminer dans le téléphone récepteur, des sons distincts qui
augmenteront d'autant plus d'intensité que le coup sera frappé plus
près de la bobine, et qui deviendront plus forts encore, mais moins
nets, quand on mettra en contact avec le pôle supérieur de l'aimant
une lame vibrante de fer doux.

Quand le corps avec lequel on frappe est en fer, les sons dont il
vient d'être question sont plus accentués qu'avec le morceau de bois,
et quand l'aimant est muni de sa lame vibrante appliquée sur son pôle
actif, on saisit en même temps que le bruit du choc une vibration de
la plaque.

Si le corps percuteur est un aimant, les bruits produits sont
semblables à ceux que l'on obtient avec un percuteur en fer, quand
l'effet est produit entre pôles de même nom, mais si ce sont des pôles
de noms contraires, on entend après chaque coup un second bruit
produit par l'arrachement de l'aimant et qui paraît être un coup
frappé beaucoup moins fort. Naturellement ces bruits augmentent si
l'aimant est muni de sa lame vibrante.

Si on parle sur la plaque vibrante du téléphone transmetteur quand
elle est appliquée sur le pôle de l'aimant, on entend sur le téléphone
récepteur des sons variés assez semblables à ceux produits par les
vibrations d'une corde à violon, et le bruit que fait la plaque quand
on la retire du contact de l'aimant est parfaitement entendu au
récepteur.

Quand on parle au récepteur, la personne qui a l'oreille appliquée sur
la plaque vibrante du transmetteur, disposé comme ci-dessus, entend
très-bien, mais ne distingue pas les paroles, ce qui tient sans doute
au magnétisme condensé au point de contact de l'aimant et de la lame
vibrante, et qui rend les variations magnétiques plus lentes et plus
difficiles à s'effectuer.

Pour percevoir les coups frappés sur l'aimant avec une tige de fer
doux, la présence de la bobine n'est pas nécessaire. En enroulant
trois tours seulement du fil conducteur dénudé, servant de fil de
ligne, sur une extrémité de l'aimant, on peut percevoir les sons, et
ces sons cessent, comme dans les autres expériences, quand le circuit
est interrompu, ce qui montre bien qu'on ne peut les attribuer à une
transmission mécanique. Mais ce qui est le plus curieux, c'est que si
l'aimant est interposé dans le circuit de manière à en faire partie
intégrante, et que les deux extrémités du fil conducteur soient
enroulées autour des bouts de l'aimant, les coups frappés sur celui-ci
avec le fer doux, sont perçus dans le téléphone aussitôt que l'un des
pôles de l'aimant est muni de la plaque vibrante.

J'ai répété moi-même les expériences de M. des Portes en frappant
simplement sur la vis qui, dans les téléphones ordinaires fixe
l'aimant à l'appareil, et j'ai constaté que, toutes les fois que le
circuit était complet, les coups frappés avec un couteau d'ivoire
étaient répétés par le téléphone; ils étaient très-faibles, il est
vrai, quand la lame vibrante était enlevée, mais très-marqués avec
l'addition de cette lame. Au contraire, toutes les fois que le circuit
était interrompu, aucun bruit n'était perçu. Ces bruits étaient du
reste plus forts quand les coups étaient frappés sur la vis que quand
ils étaient frappés sur le pôle même de l'aimant au-dessus de la
bobine, ce qui tenait à ce que, dans le premier cas, le barreau
pouvait vibrer librement, tandis que dans le second, les vibrations se
trouvaient étouffées par suite de la fixation du barreau.

On pourrait, jusqu'à un certain point, expliquer ces effets en disant
que les vibrations déterminées sur l'aimant par le choc, ont pour
résultat de déterminer _des déplacements ondulatoires des particules
magnétiques_ dans toute l'étendue du barreau, et que de ces
déplacements doivent résulter, dans l'hélice, d'après la loi de Lenz,
des courants induits dont la force augmente quand la puissance de
l'aimant est surexcitée par la réaction de son diaphragme, lequel joue
le rôle d'armature, et par celle du corps percuteur quand il est
magnétique. Toutefois, les dernières expériences de M. des Portes sont
plus difficiles à expliquer, et il pourrait bien y avoir autre chose
que des courants induits ordinaires.

Ces expériences ne sont pas les seules qui montrent les effets
déterminés sous l'influence d'ébranlements moléculaires de diverses
natures.--Ainsi, M. Thomson de Bristol a reconnu que si on introduit
dans le circuit d'un téléphone ordinaire, une pièce de fer et une tige
de laiton placée perpendiculairement sur le fer, il suffira de donner
un coup sur la tige de laiton pour déterminer un son énergique dans le
téléphone. D'un autre côté, il a montré aussi que si on entoure les
deux extrémités polaires d'un aimant droit de deux bobines
d'induction, mises en rapport avec le circuit d'un téléphone, et qu'on
promène au-dessous de l'aimant, dans l'intervalle séparant les deux
bobines, la flamme d'une lampe à alcool, on entend un bruit
très-marqué aussitôt que la flamme exerce son action sur le barreau
aimanté. Cet effet provient sans doute de l'affaiblissement du
magnétisme du barreau déterminé par l'effet calorifique alors produit.
Enfin j'ai reconnu moi-même que des grattements effectués sur l'un des
fils qui réunissent deux téléphones entre eux, sont perçus dans ces
téléphones, quel que soit d'ailleurs le point du circuit où ces
grattements sont produits. Les sons ainsi provoqués sont, à la vérité,
très-faibles, mais ils se distinguent nettement, et acquièrent une
plus grande intensité quand le grattement est effectué sur les bornes
d'attache des fils des téléphones. Tous ces sons, d'ailleurs, ne
peuvent pas être la conséquence d'une transmission mécanique de
vibrations, car quand le circuit est interrompu, on ne peut en
percevoir aucun. D'après ces expériences, on pourrait croire que
certains bruits que l'on constate dans les téléphones expérimentés sur
les lignes télégraphiques, pourraient bien provenir des frictions des
fils sur les supports, frictions qui donnent lieu à ces sons souvent
très-intenses que l'on entend quelquefois sur certaines lignes
télégraphiques.


=Théorie du téléphone.=--Il semblerait résulter des diverses
expériences que nous avons rapportées précédemment, que l'explication
qu'on donne généralement des effets produits dans le téléphone, serait
très-incomplète, et que la transmission de la parole, au lieu de
résulter de la répétition par la membrane du téléphone récepteur (sous
l'influence des effets électro-magnétiques produits) des vibrations
déterminées par la voix sur la membrane du téléphone transmetteur,
devrait provenir des vibrations moléculaires déterminées dans le
système électro-magnétique tout entier et particulièrement sur le
noyau magnétique enveloppé par l'hélice. Ces vibrations seraient dès
lors de la même nature que celles qui ont été étudiées dans les tiges
électro-magnétiques résonnantes par MM. Page, de la Rive, Wertheim,
Matteucci, etc., et ce sont elles qui ont été mises à contribution
dans les téléphones de Reiss, de Cécil et Léonard Wray, et de
Vander-Weyde. Dans cette hypothèse, la lame vibrante aurait pour
principal rôle à remplir, de réagir pour la production des courants
induits quand elle serait mise en vibration par la voix, et de
renforcer par sa réaction sur l'extrémité polaire du barreau aimanté,
les effets magnétiques déterminés au sein de celui-ci, quand elle
vibrerait sous l'influence électro-magnétique, ou du moins, quand elle
serait actionnée par l'aimant. Or comme ces vibrations sont d'autant
plus amplifiées pour une même note, que la lame est plus flexible, et
comme, d'un autre côté, les variations dans l'état magnétique d'une
lame s'effectuent d'autant plus rapidement qu'elle présente moins de
masse, on comprend immédiatement pourquoi il convient d'employer des
lames vibrantes très-minces et relativement petites, comme l'a fait M.
Edison. Dans le cas de la transmission, la plus grande amplitude des
vibrations augmente l'intensité des courants induits transmis. Dans le
cas de la réception, les variations d'aimantation déterminant les
sons, sont rendues plus accentuées et plus nettes, aussi bien dans la
membrane armature que dans le barreau aimanté; il y a donc avantage
dans les deux cas. Cette hypothèse n'exclut d'ailleurs en rien l'effet
phonétique des vibrations mécaniques et physiques qui pourraient se
produire dans la lame armature sous l'influence des magnétisations et
démagnétisations qu'elle subit, et qui viendraient ajouter leur action
à celle des noyaux magnétiques.

Quelle est la nature des vibrations transmises dans le téléphone
récepteur? C'est une question encore obscure, et ceux qui s'en sont
occupés sont loin d'être d'accord; elle a même été l'objet d'une
discussion intéressante en 1846 entre MM. Wertheim et De la Rive, et
les découvertes nouvelles la rendent encore plus compliquée. Suivant
M. Wertheim, ces vibrations seraient à la fois longitudinales et
transversales et proviendraient d'attractions échangées entre les
spires de l'hélice magnétisante et les particules magnétiques du
noyau; suivant M. De la Rive elles seraient, dans le cas qui nous
occupe, uniquement longitudinales et résulteraient de contractions et
dilatations moléculaires déterminées par des arrangements différents
pris par les molécules magnétiques, sous l'influence des aimantations
et des désaimantations. C'est cette explication qui nous paraît la
plus rationnelle, et une expérience faite en 1846 par M. Guillemin
semblerait la confirmer. M. Guillemin avait en effet reconnu que si
une tige flexible de fer entourée d'une hélice magnétisante est pincée
dans un étau à l'une de ses extrémités et recourbée sous l'influence
d'un poids adapté à l'autre extrémité, on peut la faire redresser
instantanément par le passage d'un courant à travers l'hélice
magnétisante. Or ce redressement ne peut, dans ce cas, provenir que de
la contraction déterminée par les molécules magnétiques qui, sous
l'influence de leur aimantation, tendent à provoquer des attractions
intermoléculaires et à modifier les conditions d'élasticité du métal.
On sait en effet que du fer ainsi aimanté acquiert la dureté de
l'acier et qu'il ne peut plus être attaqué par la lime.

Quoi qu'il en soit, il est impossible de ne pas admettre que des sons
soient produits dans le noyau magnétique aussi bien que dans
l'armature, sous l'influence d'effets électriques intermittents. Ces
sons pourront d'ailleurs être musicaux ou articulés; car du moment où
le transmetteur aura provoqué l'action électrique convenable, nous ne
voyons pas de raison pour que des vibrations effectuées
transversalement ou longitudinalement transmettent les uns plutôt que
les autres. Ces vibrations, du reste, sont, comme on l'a vu, pour
ainsi dire microscopiques[19].

         [Note 19: Voir les Mémoires de MM. de la Rive et
         Guillemin aux _Comptes rendus de l'Académie des sciences_, t.
         XXII.]

M. J. Luvini, qui partage nos idées sur la théorie qui précède, croit
cependant qu'elle ne peut satisfaire complétement l'esprit, que si
l'on fait entrer en ligne de compte la réaction déterminée par le
barreau magnétique sur l'hélice qui l'entoure. «Il ne peut y avoir,
dit-il, _action_ sans _réaction_, et en conséquence les changements
moléculaires déterminés dans le barreau doivent provoquer des
variations correspondantes dans l'hélice, et les deux effets doivent
contribuer à la production des sons.» Il cite à l'appui de son dire
l'expérience suivante du professeur Rossetti, qui est réellement
curieuse.

Dans une suite de recherches qu'il avait entreprises sur les
téléphones sans lame vibrante, ce savant avait employé sans le savoir
un téléphone dont la bobine n'était pas bien fixée sur le noyau
magnétique, et il remarqua à son grand étonnement que cette bobine
oscillait le long du noyau magnétique, au passage des courants
discontinus, et qu'elle produisait des sons. Or ce mouvement était une
réaction déterminée par les effets magnétiques produits.

La difficulté d'expliquer la production des sons dans un organe
électro-magnétique dépourvu d'armature, avait fait nier dans l'origine
l'authenticité des expériences que nous avons rapportées précédemment,
et M. Navez avait entamé avec nous une discussion qui ne sera pas sans
doute terminée de sitôt; mais il est résulté de cette discussion, que
ce savant a été obligé de convenir que _le son de la voix humaine
pouvait être reproduit par un récepteur téléphonique privé de sa
plaque_. Toutefois, il croit encore que cette reproduction est trop
faible pour qu'on puisse reconnaître s'il y a ou s'il n'y a pas
articulation, et soutient toujours que les vibrations transversales de
la plaque résultant d'effets attractifs, sont les seules qui
reproduisent la parole articulée avec une intensité suffisante pour
être utile.

Il est certain que l'articulation de la parole exige une certaine
puissance de vibration qu'un téléphone sans diaphragme ne peut pas
facilement fournir, car il faut considérer que, dans un appareil ainsi
disposé, les effets magnétiques sont réduits dans un rapport
considérable qui est celui de la force magnétique développée dans le
barreau à cette force multipliée par elle-même, et qu'une action,
aussi faible que l'est celle accusée dans un téléphone, devient pour
ainsi dire nulle, quand par suite de la suppression de l'armature,
elle n'est plus représentée que par la racine carrée de la force qui
l'a déterminée. Il peut donc se faire que des sons à peine
perceptibles dans un téléphone sans diaphragme, le deviennent quand,
par suite de la présence de ce diaphragme, la cause qui les provoque
est multipliée par elle-même et qu'il s'y ajoute encore les vibrations
déterminées au sein de l'armature elle-même sous l'influence des
magnétisations et démagnétisations qu'elle subit.

Pour montrer que l'action du diaphragme n'est pas aussi indispensable
que M. Navez semble le supposer, et que les vibrations de ce
diaphragme ne sont pas le résultat d'attractions électro-magnétiques,
il suffit de se reporter aux expériences de M. Hughes que nous avons
exposées p. 129. Il est certain que si cet effet était en jeu, on
entendrait mieux quand les deux barreaux aimantés présenteraient des
pôles de même nom devant le diaphragme, que quand ils présenteraient
des pôles de noms contraires, puisque toutes les actions seraient
alors conspirantes dans le même sens. D'un autre côté les plus grands
effets que l'on obtient avec des diaphragmes multiples juxtaposés
éloignent complétement cette hypothèse. Néanmoins, il pourrait se
faire que dans les téléphones électro-magnétiques, le diaphragme de
fer, en raison des variations faciles de son état magnétique, pût
contribuer beaucoup à rendre les sons articulés plus nets et plus
distincts; il pourrait alors réagir à la manière de la langue; mais
nous croyons que c'est surtout à l'amplitude des vibrations
déterminées sur le transmetteur, qu'on doit rapporter la plus ou moins
grande netteté des sons articulés. Ainsi M. Hughes a démontré que les
charbons de bois métallisés employés dans ses parleurs microphoniques
étaient préférables aux charbons de cornue pour transmettre la parole,
précisément parce que, étant moins conducteurs, les différences de
résistance qui résultent des différences de pression, sont plus
accentuées et permettent par conséquent de mieux faire saisir les
différentes nuances des sons vocaux qui constituent l'articulation de
la parole.

Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'une discussion d'effets
magnétiques; la science a marché depuis que M. Navez a ouvert la
discussion, et nous lui demanderons maintenant comment, avec sa
théorie des mouvements attractifs du diaphragme des téléphones, il
peut expliquer la reproduction de la parole par un microphone
récepteur _dépourvu de tout organe électro-magnétique_, et je puis lui
certifier que dans les expériences que j'ai faites, la transmission
des vibrations ne pouvait se faire mécaniquement, car quand le circuit
était coupé ou la pile retirée du circuit, aucun son n'était entendu.
Il faut décidément que M. Navez compte avec les _vibrations
moléculaires_. Certainement, c'est un terrain nouveau à étudier; mais
c'est parce que nous nous acharnons en Europe à vouloir rester dans
les limites de théories incomplètes que nous avons laissé aux
américains, qui ne s'en inquiètent guère, la gloire de faire les
grandes découvertes qui nous étonnent depuis quelques mois. Que M.
Navez lise avec soin les notes de MM. Luvini, des Portes, Trève,
Hughes, Rossetti, et nous sommes certain que ses idées se modifieront.

En résumé, la théorie du téléphone et du microphone considérés comme
organes reproducteurs de la parole est encore loin d'être élucidée
complétement, et dans des questions aussi neuves, il serait imprudent
d'être trop affirmatif.

La transmission électrique des sons, dans les téléphones
magnéto-électriques, ne laisse pas que de présenter quelques
complications théoriques. On a vu en effet qu'on pouvait les obtenir
avec des diaphragmes en matière non magnétique et même par l'effet de
simples vibrations mécaniques déterminées par des chocs. Est-ce à des
réactions d'induction de l'aimant sur la lame vibrante mise en action
qu'il faut les attribuer dans le premier cas, et aux mouvements des
particules magnétiques devant les spires de l'hélice qu'il faut les
rapporter dans le second?.... la question est encore bien obscure;
néanmoins on peut concevoir que les modifications de l'action
inductrice de l'aimant sur le diaphragme mis en vibration puissent
entraîner des variations de l'intensité magnétique, de même qu'on peut
admettre une action de la même nature par suite de l'éloignement, et
du rapprochement des particules magnétiques des spires de l'hélice;
toutefois M. Trève croit, dans ce dernier cas, à une action
particulière qu'il a déjà eu occasion d'étudier dans d'autres
circonstances, et voit dans le courant ainsi produit l'effet d'une
transformation du travail mécanique déterminé au sein des molécules
magnétiques. Ce qui complique encore la question, c'est que souvent
ces effets sont produits par des transmissions simplement mécaniques.

Il était encore un point intéressant à étudier et sur lequel M. Navez
a donné quelques indications intéressantes; c'était de savoir si les
effets étaient plus énergiques, pour la réception, avec des aimants
permanents, qu'avec des aimants temporaires. Dans le premier modèle de
téléphone exposé à Philadelphie par M. Bell, le récepteur était, comme
on l'a vu, constitué par un électro-aimant tubulaire dont le pôle
cylindrique était muni de la lame vibrante; mais M. Bell n'a pas
maintenu cette disposition, et s'il faut en croire ce qu'il dit à cet
égard dans son mémoire, ce serait afin de rendre son appareil à la
fois récepteur et transmetteur[20]. Toutefois M. Navez prétend que le
rôle de l'aimant est plus important, et même qu'il est indispensable
dans les conditions actuelles de sa construction. «On peut, dit-il,
dans certaines circonstances, et en construisant l'instrument d'une
manière spéciale, faire parler un Bell récepteur sans aimant
permanent; cependant, l'instrument tel qu'il est construit
généralement, _reste muet_ si on retire l'aimant pour le remplacer par
un cylindre de fer doux fixé dans la bobine. Néanmoins il suffit
d'approcher le pôle d'un aimant permanent d'un cylindre en fer doux,
pour rendre la voix au téléphone: il résulte de nos expériences que
pour qu'un téléphone Bell fonctionne bien, il est indispensable que la
plaque soit soumise à une _tension magnétique initiale_, obtenue au
moyen d'un aimant permanent. Cette assertion est d'ailleurs facile à
déduire de considérations théoriques.»

         [Note 20: Voici ses propres paroles: «The articulation
         produced from the instrument (le récepteur à électro-aimant
         tubulaire) was remarkably distinct, but its great defect
         consisted in the fact that it could not be used as a
         transmitting instrument, and thus two telephones were
         required at each station, one for transmitting and one for
         receiving spoken messages.»]

Quant à l'action des courants envoyés à travers l'hélice d'un
téléphone, elle s'explique aisément. Quelles que soient les conditions
magnétiques du barreau, les courants induits de différente intensité
qui agissent sur lui, provoquent des modifications dans son état
magnétique, d'où résultent des vibrations moléculaires par contraction
et dilatation. Ces vibrations se produisant également dans l'armature
sous l'influence des aimantations et désaimantations qui y sont
déterminées par l'action magnétique du noyau, renforcent celles de ce
noyau, en même temps que les modifications dans l'état magnétique du
système se trouvent amplifiées par suite de la réaction des deux
pièces magnétiques l'une sur l'autre. Quand le barreau est en fer
doux, les courants induits agissent en créant des aimantations plus ou
moins énergiques auxquelles succèdent des désaimantations qui sont
d'autant plus promptes que des courants inverses succèdent toujours à
ceux qui ont été actifs, ce qui rend les alternatives d'aimantation et
de désaimantation plus nettes et plus rapides. Quand le barreau est
aimanté, l'action est différentielle, et peut s'exercer dans un sens
ou dans un autre, suivant que les courants induits correspondant aux
vibrations effectives, passent à travers la bobine réceptrice dans le
même sens ou en sens contraire du courant magnétique du barreau. Si
ces courants sont de même sens, l'action est renforçante, et les
modifications sont effectuées comme si c'était une aimantation qui
était déterminée. Si ces courants sont de sens contraire, l'effet
inverse se produit; mais quels que soient ces effets, les vibrations
moléculaires conservent les mêmes rapports réciproques et la même
hauteur dans l'échelle des sons musicaux. Si on étudie la question au
point de vue mathématique, on trouve la présence d'une constante en
rapport avec l'intensité du courant qui n'existe pas dans les
vibrations mécaniques et d'où résulterait peut-être le timbre
particulier que présente la parole reproduite dans le téléphone,
timbre qui l'a fait comparer à la voix de polichinelle. M. Dubois
Raymond a du reste publié sur cette théorie un mémoire intéressant
qui est rapporté dans les _Mondes_ du 21 février 1878 (p. 314), mais
que nous ne reproduisons pas ici, parce que les considérations qu'il
émet sont trop scientifiques pour les lecteurs auxquels s'adresse
notre ouvrage. Nous ajouterons seulement que d'après M. C. W.
Cuningham, les vibrations produites dans un téléphone ne peuvent se
manifester exactement dans les mêmes conditions que celles qui
affectent le tympan de l'oreille, parce que celui-ci a une forme
particulière en entonnoir qui exclut toute note fondamentale qui lui
soit spécialement propre, tandis qu'il n'en est pas de même pour les
barreaux et lames magnétiques qui possèdent des notes fondamentales
capables de masquer beaucoup des demi-tons de la voix. C'est suivant
lui à ces notes fondamentales qu'il faut attribuer l'altération de la
voix observée dans le téléphone.




EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.


Nous allons nous occuper maintenant d'une série d'expériences qui,
tout en faisant ressortir les merveilleuses propriétés du téléphone
peuvent encore donner quelques indications sur l'importance des
actions qui sont susceptibles de l'affecter.


=Expériences de M. d'Arsonval.=--On a vu que le téléphone était un
instrument d'une extrême sensibilité, mais cette sensibilité n'avait
pu être appréciée d'une manière bien nette par les moyens ordinaires.
Pour la mesurer en quelque sorte, M. d'Arsonval a eu l'idée de la
comparer à celle du nerf d'une grenouille, appareil qui, comme on le
sait, avait été regardé jusqu'ici comme le plus parfait de tous les
galvanoscopes, et le résultat de ses expériences a été que le
téléphone est deux cents fois plus sensible que ce nerf. Voici du
reste comment M. d'Arsonval rend compte de ses recherches à cet égard
dans les comptes rendus de l'Académie des sciences du 1er avril 1878.

«Je prépare une grenouille à la manière de Galvani. Je prends
l'appareil d'induction de Siemens usité en physiologie sous le nom
d'_appareil à chariot_; j'excite avec la pince ordinaire le nerf
sciatique, et j'éloigne la bobine induite jusqu'à ce que le nerf ne
réponde plus à l'excitation électrique. Je remplace alors le nerf par
le téléphone, et le courant induit qui n'excitait plus le nerf fait
vibrer avec force cet appareil. J'éloigne la bobine induite et le
téléphone vibre toujours.

«Dans le silence de la nuit, j'ai pu entendre vibrer le téléphone en
éloignant la bobine induite à une distance quinze fois plus grande que
celle du minimum d'excitation du nerf; par conséquent, si l'on admet
pour l'induction comme pour les actions à distance la loi des carrés
inverses, on voit que, dans cette circonstance, le téléphone est au
moins deux cents fois plus sensible que le nerf.

«Nous possédons dans le téléphone un instrument d'une sensibilité
exquise. Il est, comme on le voit, beaucoup plus sensible que la patte
galvanoscopique, et j'ai songé à en faire un galvanoscope. On n'étudie
que très-difficilement les courants musculaires et nerveux avec un
galvanomètre de 30000 tours, parce que l'appareil manque
d'instantanéité et que l'aiguille, à cause de son inertie, ne peut
manifester de variations électriques se succédant rapidement, comme
celles qui ont lieu par exemple dans le muscle lorsqu'on le tétanise.
Cet inconvénient n'existe plus avec le téléphone qui répond toujours
par une vibration à un changement électrique, quelque rapide qu'il
soit. C'est donc un excellent instrument pour étudier le tétanos
électrique du muscle. On peut être sûr d'avance que le courant
musculaire excitera le téléphone puisque ce courant excite le nerf qui
est moins sensible que cet appareil. L'instrument nécessite pour cela
quelques dispositions spéciales.

«Le téléphone ne peut servir qu'à constater les variations d'un
courant électrique, quelque faibles qu'elles soient, il est vrai; mais
j'ai trouvé le moyen par son intermédiaire de constater la présence
d'un courant continu, quelque faible qu'il puisse être. J'y ai réussi
en employant un artifice très-simple. Je lance dans le téléphone le
courant supposé, et, pour obtenir des variations, j'interromps
mécaniquement ce courant par le diapason. Si aucun courant ne traverse
le téléphone, l'instrument reste muet. Si, au contraire, le plus
faible courant existe, le téléphone vibre à l'unisson du diapason.»

M. le professeur Eick, de Wurtzbourg, a aussi employé le téléphone
pour des recherches physiologiques, mais en suivant une voie
précisément contraire à celle explorée par M. d'Arsonval. Il a reconnu
qu'en mettant les nerfs d'une grenouille en rapport avec un
téléphone, on les contractait d'une manière énergique aussitôt qu'on
parlait dans l'appareil, et l'énergie des contractions dépendait
surtout de la nature des mots prononcés; ainsi, il a constaté que les
voyelles _a_, _e_, _i_ ne produisaient presque pas d'effet, tandis que
l'_o_ et surtout l'_u_ en déterminaient un très-énergique. Les mots
_liege-still_ prononcés à haute voix ne produisent qu'une très-faible
action, tandis que le mot _tucker_, même prononcé à voix basse,
agitait fortement la grenouille. Ces expériences, qui rappellent
celles de Galvani, étaient naturellement basées sur les effets
produits par les courants induits développés dans le téléphone, et
prouvent que si cet instrument est un galvanoscope plus sensible que
le nerf d'une grenouille, celui-ci est plus impressionnable que nos
galvanomètres les plus perfectionnés.


=Expériences de M. Demoget.=--Pour comparer l'intensité des sons
transmis par le téléphone avec l'intensité du son primitif, M. Demoget
a disposé dans une plaine découverte deux téléphones. Il tenait à
l'oreille le premier, tandis qu'un aide s'éloignait de lui, en
répétant sans cesse la même syllabe avec la même intensité de voix
dans le deuxième instrument. Il entendait d'abord le son transmis par
le téléphone, puis ensuite le son qui arrivait directement, en sorte
que rien n'était plus facile que de comparer. Or, voici les résultats
qu'il a obtenus.

«À quatre-vingt-dix mètres, les intensités perçues étaient égales, la
plaque vibrante étant éloignée du tympan d'environ cinq centimètres. À
ce moment, le rapport des intensités était donc de 25 à 81.000.000.
En d'autres termes, le son transmis par le téléphone n'était que
1/3.000.000 du son émis. «Mais comme les stations dans lesquelles on
opérait ne pouvaient être considérées comme deux points vibrant
librement dans l'espace, il y avait lieu, dit M. Demoget, de réduire
ce rapport de moitié, à cause de l'influence du sol, et d'admettre que
le son transmis par le téléphone était 1.500.000 fois plus faible que
celui émis par la voix.

«Comme, d'autre part, on sait que l'intensité de deux sons est
proportionnelle au carré de l'amplitude des vibrations, on peut en
conclure que les vibrations des deux plaques des téléphones étaient
directement proportionnelles aux distances, c'est-à-dire, comme 5 est
à 9.000, ou que les vibrations du téléphone transmetteur étaient
dix-huit cents fois plus grandes que celles du téléphone récepteur. On
peut donc comparer celles-ci à des vibrations moléculaires, car celles
du téléphone transmetteur ont déjà une amplitude très-petite.

«Sans diminuer en rien le mérite de la remarquable invention de Bell,
continue M. Demoget, on peut conclure de ce qui précède que le
téléphone, au point de vue du rendement, est une machine qui laisse
bien à désirer, puisqu'elle ne transmet que la dix-huit centième
partie du travail primitif, et que si cet instrument a donné des
résultats si inattendus, cela tient bien plus à la perfection de
l'organe de l'ouïe qu'à la perfection de l'instrument lui-même.»

M. Demoget attribue cette déperdition du travail produit dans le
téléphone, surtout aux huit transformations successives que subit le
son avant d'arriver à l'oreille, sans parler de celle qui est due à la
résistance électrique de la ligne et qui, à elle seule, peut absorber
toute l'énergie.

Pour se rendre compte de la force des courants induits qui actionnent
un téléphone, M. Demoget a cherché à les comparer à des courants d'une
intensité connue, produisant des vibrations de même nature et de même
force, et pour cela il a mis à contribution deux téléphones A et B en
communication au moyen d'une ligne de 20 mètres de longueur. Près de
la plaque vibrante du téléphone A, il a appuyé légèrement une petite
lime sur laquelle on frottait avec une lame métallique; le bruit ainsi
produit, était naturellement transmis par le téléphone B avec une
certaine intensité qu'on pouvait apprécier. Il a ensuite remplacé le
téléphone A par une pile, et la lime était introduite dans le circuit
en la reliant à l'un des pôles. Le courant ne pouvait être fermé qu'en
frottant la lime au moyen de la lame de ressort mise en communication
avec l'autre extrémité du circuit. Mais on pouvait obtenir ainsi des
courants interrompus qui, en faisant vibrer le téléphone B,
produisaient un bruit dont l'intensité variait avec la force du
courant de la pile. En cherchant l'intensité électrique capable de
fournir de cette manière un son équivalant à celui produit par le
téléphone A, M. Demoget a reconnu qu'elle correspondait à celle que
fournit une petite pile thermo-électrique constituée par un fil de fer
et un fil de cuivre de deux millimètres de diamètre, aplatis à leur
extrémité et soudés à l'étain; le faible courant résultant de cette
pile ne faisait dévier que de deux degrés un galvanomètre à fil court.

Cette estimation ne nous paraît pas toutefois réunir assez de
conditions d'exactitude pour qu'on puisse en déduire le degré de
sensibilité du téléphone, sensibilité qui, d'après les expériences de
MM. Warren de la Rue, Brough, Peirce, est infiniment plus grande. M.
Warren de la Rue, en effet, comme on l'a déjà vu, a reconnu au moyen
du galvanomètre de Thomson, et en ramenant à la déviation fournie sur
l'échelle de ce galvanomètre celle déterminée par un élément Daniell
traversant un circuit complété par un Rhéostat, que les courants émis
par un téléphone ordinaire de Bell sont équivalents à celui d'un
élément Daniell traversant 100 megohms de résistance, c'est-à-dire dix
millions de kilomètres de fil télégraphique. Suivant M. Brough, le
directeur des télégraphes de l'Inde, le plus fort courant qui, à un
moment donné, fait fonctionner le téléphone Bell, n'excède pas
1/1.000.000.000 de l'unité de courant, c'est-à-dire, de un Weber, et
le courant qui fait agir les relais dans l'Inde a 400 000 fois cette
force. Enfin, le professeur Peirce, de Boston, compare les effets du
courant téléphonique à ceux qui seraient produits par une source
électrique dont la force électro-motrice serait la 1/200.000 partie
d'un volt, ou de celle d'un élément Daniell. Du reste, comme l'observe
M. Peirce, il est difficile de fixer un chiffre exact pour estimer la
valeur réelle de ces sortes de courants, car elle est essentiellement
variable suivant l'intensité des sons produits sur le téléphone
transmetteur; mais on peut affirmer qu'elle est moindre que la
1/1.000.000 partie du courant employé ordinairement pour faire
fonctionner les appareils télégraphiques sur les lignes.


=Expériences de M. Hellesen, de Copenhague.=--Pour se rendre compte
des effets réciproques produits par les différentes parties d'un
téléphone, M. Hellesen a construit des téléphones de mêmes dimensions
avec trois dispositions différentes et inverses les unes des autres.
Il en a d'abord établi une dans les conditions ordinaires, puis une
autre dans les conditions du premier système de Bell, c'est-à-dire, en
employant pour lame vibrante une membrane portant à son centre une
petite armature de fer, et enfin la troisième disposition mettait à
contribution un aimant cylindrique creux, à l'un des pôles duquel
était fixée la lame vibrante, laquelle pouvait se mouvoir devant une
spirale plate en limaçon, présentant le même nombre de spires que les
deux autres hélices. Dans cette dernière disposition, les courants
induits résultant des vibrations de la voix pouvaient être assimilés à
ceux qui seraient la conséquence du rapprochement et de l'éloignement
de deux spirales parallèles, dont une serait parcourue par un courant.
Or, de ces trois dispositions, c'est celle qui a été adoptée par Bell,
qui a fourni les meilleurs effets, et c'est un résultat réellement
bien rare dans l'histoire des découvertes, qu'un inventeur soit arrivé
du premier coup à la meilleure disposition à donner à son instrument.


=Expériences de M. Zetzche.= Il est toujours un certain noyau
d'esprits de travers qui veulent nier l'évidence, le plus souvent pour
faire acte de contradiction, et qui croient ainsi diminuer
l'importance d'une découverte dont le retentissement les exaspère. Le
téléphone et le phonographe ont été l'objet de ces critiques de
mauvais aloi. Ne s'est-on pas avisé de dire que l'action électrique
n'entrait pour rien dans les effets produits par le téléphone, et
qu'il fonctionnait toujours sous l'influence de vibrations mécaniques
transmises par le fil conducteur, absolument comme cela a lieu dans
les téléphones à ficelle!!.. On a eu beau démontrer à ces esprits
avisés que quand l'un des fils du circuit était interrompu, aucun son
n'était produit, cette démonstration ne leur a pas suffi, et pour
détruire toute objection de leur part, M. Zetzche a fait des
expériences dans lesquelles il a démontré, par le mode même de la
propagation du son, que l'idée d'attribuer le son produit dans un
téléphone à une vibration mécanique est tout simplement absurde. Voici
en effet ce qu'il dit à cet égard dans un article inséré dans le
_Journal télégraphique_ de Berne du 25 janvier 1878.

«La correspondance par téléphone entre Leipzig et Dresde a fourni une
nouvelle preuve que c'est bien par les courants électriques et non par
la propagation purement mécanique des sons que se reproduisent les
mots à la station de réception. La vitesse de propagation du son dans
le fer (pour les ondulations longitudinales), pouvant être évaluée à 5
kilomètres par seconde, le son devrait parcourir la distance de
Leipzig à Dresde en 115/5 c'est-à-dire en 23 secondes. Jusqu'à
l'arrivée de la réponse il devrait s'écouler au moins autant de
secondes. Par conséquent, dans chaque changement de direction de la
correspondance, il devrait donc intervenir un intervalle de plus de
3/4 de minute, ce qui n'est point du tout le cas.»


=Expérience que tout le monde peut faire.=--Nous terminerons ce
chapitre consacré à l'exposé des diverses expériences faites avec le
téléphone, par l'indication d'une expérience curieuse qui, bien que
très-facile à répéter, n'a été signalée qu'il y a quelques mois par
les journaux de Pennsylvanie. Il s'agit de la transmission de la
parole par un téléphone simplement appliqué sur l'une des parties du
corps humain voisines de la poitrine. On a même prétendu que toutes
les parties du corps pouvaient produire ce résultat; mais dans les
expériences que j'ai faites je n'ai pu réussir que quand le téléphone
était fortement appliqué sur ma poitrine. Dans ces conditions, et à
travers même mes vêtements, j'ai pu me faire entendre, mais en parlant
à voix très-haute, ce qui ferait supposer que le corps de l'homme
participe tout entier aux vibrations provoquées par la voix. Dans ce
cas, les vibrations sont transmises mécaniquement au diaphragme du
téléphone transmetteur, non plus par l'air mais par le corps lui-même
agissant sur la coque du téléphone.




LE MICROPHONE.


Le microphone n'est en réalité qu'un transmetteur de téléphone à pile,
mais avec des caractères tellement particuliers qu'il constitue par le
fait une invention originale qui méritait bien d'être désignée sous un
nom particulier. Dans ces derniers temps il s'est élevé, à l'occasion
de cette invention, entre M. Hughes, son auteur, et M. Edison,
l'inventeur du téléphone à charbon et du phonographe, une contestation
regrettable que les journaux ont envenimée et qui n'avait pas
réellement sa raison d'être; car, en définitive si le principe
physique du microphone peut paraître le même que celui du transmetteur
téléphonique à charbon de M. Edison, sa disposition est tout à fait
différente, la manière d'agir sur lui n'est pas la même, et les effets
qu'on lui demande généralement sont d'une toute autre nature. C'est
plus qu'il n'en faut pour constituer une invention nouvelle.
D'ailleurs si on voulait bien examiner à fond le principe même de
l'instrument, on pourrait s'étonner des prétentions que M. Edison a
élevées. En effet M. Edison ne peut pas réclamer comme lui appartenant
la découverte de la propriété que possèdent certains corps
médiocrement conducteurs d'avoir leur conductibilité modifiée par la
pression. J'ai fait dès l'année 1856 et à diverses autres époques, par
exemple en 1864, 1872, 1875, de nombreuses expériences à cet égard,
qui sont consignées dans le tome I de la seconde édition de mon exposé
des applications de l'électricité, p. 246[21] et dans plusieurs notes
présentées à l'Académie des sciences et insérées aux comptes rendus.
D'un autre côté, M. Clérac s'était servi en 1865 d'un tube muni de
plombagine avec une électrode mobile pour produire des résistances
variables dans un circuit télégraphique. D'ailleurs, dans le
transmetteur téléphonique de M. Edison, le disque de charbon doit
être, comme on l'a vu, soumis à une certaine pression initiale afin
que le courant ne soit pas interrompu par suite des vibrations de la
lame contre laquelle il appuie, et il en résulte que les modifications
de résistance du circuit qui donnent lieu aux sons articulés, ne sont
produites que par des augmentations ou des diminutions plus ou moins
grandes de pression, c'est-à-dire par des actions différentielles. Or
nous allons voir à l'instant qu'il n'en est pas de même pour le
microphone. D'abord, dans ce dernier appareil, le contact du charbon
s'effectue sur d'autres charbons et non avec des disques de platine,
et ces contacts sont multiples; en second lieu, la pression exercée
sur tous les points de contact est excessivement légère, ce qui fait
qu'on peut faire varier les résistances dans un rapport infiniment
plus grand que dans le système de M. Edison, et c'est précisément ce
qui permet d'amplifier les sons; en troisième lieu on peut employer
d'autres corps que le charbon pour constituer un microphone; enfin
pour faire agir le microphone, il n'est pas besoin de lame vibrante;
le simple intermédiaire de l'air suffit, et c'est ce qui permet de
faire fonctionner cet appareil à une distance assez grande de lui.
Nous ne voyons donc pas de raisons qui aient pu motiver la réclamation
de M. Edison et surtout les termes dont il s'est servi à l'égard de
MM. Preece et Hughes qui sont des hommes considérables dans la science
et très-respectables sous tous les rapports. Nous regrettons, je le
répète encore, cette triste sortie de M. Edison qui ne peut que lui
faire du tort, et qui n'est pas digne d'un inventeur de sa taille. Si
maintenant envisageant la question sous un autre aspect, nous
demandions à M. Edison pourquoi, puisqu'il a inventé le microphone,
n'en a-t-il pas fait connaître les propriétés et les résultats?...
Quelle réponse pourrait-il faire? Il fallait pourtant que ces
résultats fussent bien saisissants puisque le microphone est devenu en
peu de jours l'objet de la préoccupation du monde entier; or il est
évident pour nous qu'avec le génie perspicace du célèbre inventeur
Américain il aurait fait valoir cette découverte s'il l'eût faite
réellement, et il en aurait évidemment tiré parti. Ce qui peut
justifier la réclamation de M. Edison, c'est que, n'étant pas au
courant des découvertes purement scientifiques faites en Europe, il a
cru que son invention résidait toute entière dans le principe sur
lequel elle repose et qu'il croyait avoir découvert.

         [Note 21: Voici textuellement ce que j'en dis dans cet
         ouvrage: «Une chose curieuse à constater et qui paraît être,
         au premier abord, en contradiction avec la théorie que l'on
         s'est faite de l'électricité, c'est que la plus ou moins
         grande pression exercée entre les pièces de contact des
         interrupteurs influe considérablement sur l'intensité des
         courants qui les traverse. Cela tient souvent à ce que les
         métaux ne sont pas toujours dans un état parfait de décapage
         au point de contact, mais peut-être aussi à une cause
         physique encore mal appréciée. Ce qui est certain, c'est que
         dans les interrupteurs où la pièce mobile de contact est
         sollicitée par une force extrêmement minime, le courant
         éprouve souvent des affaiblissements assez notables pour
         faire manquer la réaction électrique qu'on attend d'eux.»]

Dans l'appareil de M. Hughes, que nous étudions en ce moment, les
sons, au lieu d'arriver très-affaiblis à la station de réception,
comme cela a lieu avec les téléphones ordinaires, même avec celui de
M. Edison, y sont comme je l'ai déjà dit, le plus souvent reproduits
avec une amplification notable, et de là le nom de _microphone_ que M.
Hughes a donné à ce système téléphonique; on peut par conséquent
l'employer à révéler des sons très-faibles. Cependant nous devons le
dire dès à présent, cette amplification n'existe réellement que quand
ces sons résultent de vibrations transmises mécaniquement à l'appareil
transmetteur par des corps solides. Les sons propagés par l'air sont
sans doute un peu plus intenses qu'avec le système ordinaire, mais ils
le sont moins que ceux qui leur donnent naissance, et, en conséquence,
on ne peut pas dire dans ce cas que le microphone agit par rapport aux
sons comme le microscope le fait par rapport aux objets éclairés par
la lumière. Il est vrai qu'avec ce système on peut parler de loin dans
l'appareil, et j'ai pu même transmettre de cette manière une
conversation à voix élevée étant placé à huit mètres du microphone.
J'ai pu encore parler à voix basse près de ce dernier et me faire
entendre parfaitement dans l'appareil récepteur, et même faire arriver
les sons à une distance de dix à quinze centimètres de l'embouchure du
téléphone récepteur, en élevant un peu la voix; mais l'amplification
du son n'est réellement bien manifeste que quand celui-ci résulte
d'une action mécanique transmise au support de l'appareil. Ainsi les
pas d'une mouche marchant sur ce support s'entendent parfaitement et
vous donnent la sensation du piétinement d'un cheval, le cri même de
la mouche, surtout son cri de mort devient, suivant M. Hughes,
perceptible; le frôlement d'une barbe de plume ou d'une étoffe sur la
planche de l'appareil, bruits complétement imperceptibles à l'audition
directe, s'entendent d'une manière marquée dans le téléphone. Il en
est de même des battements d'une montre posée sur le support de
l'appareil, que l'on entend même à dix ou quinze centimètres du
récepteur. Une petite boîte à musique placée sur l'instrument donne
des sons tellement forts par suite des trépidations qui l'agitent,
qu'il est impossible de distinguer les sons, et pour les percevoir, il
faut disposer la boîte près de l'appareil sans qu'elle soit en contact
avec aucune de ses parties constituantes. C'est alors par les
vibrations de l'air que l'appareil est impressionné, et les sons
transmis sont plus faibles que ceux que l'on entend près de la boîte.
En revanche les vibrations déterminées par le balancier d'une pendule
mise en communication par une tige métallique avec le support de
l'appareil, s'entendent admirablement, et on peut même les distinguer
quand cette liaison est effectuée par l'intermédiaire d'un fil de
cuivre. Un courant d'air projeté sur le système donne la sensation
d'un écoulement liquide perçu dans le lointain. Enfin les trépidations
causées par le passage d'une voiture dans la rue se traduisent par des
bruits crépitants très-intenses qui se combinent à ceux d'une montre
que l'on écoute et qui souvent prédominent.


=Différents systèmes de microphones.=--Le microphone a été combiné de
plusieurs manières, mais la disposition qui a donné à l'instrument le
plus de sensibilité est celle que nous représentons fig. 36. Dans ce
système, on adapte l'un au-dessus de l'autre sur un prisme vertical de
bois M, deux petits cubes de charbon A, B, dans lesquels sont percés
deux trous servant de crapaudines à un crayon de charbon C en forme de
fusée, c'est-à-dire avec des pointes émoussées par les deux bouts, et
d'une longueur d'environ quatre centimètres; il ne faut pas qu'il soit
trop grand afin d'avoir peu d'inertie. Ce crayon appuie par une de ses
extrémités dans le trou du charbon inférieur et doit ballotter dans le
trou supérieur qui ne fait que le maintenir dans une position plus ou
moins rapprochée de celle de l'équilibre instable, c'est-à-dire de la
verticale. En imprégnant ces charbons de mercure par leur immersion à
la température rouge dans un bain de mercure, les effets, suivant M.
Hughes, sont meilleurs, mais ils peuvent très-bien se produire sans
cela. Les deux cubes de charbon sont d'ailleurs munis de contacts
métalliques qui permettent de les mettre en rapport avec le circuit
d'un téléphone ordinaire, dans lequel est interposée une pile
Leclanché de 1 ou 2 éléments ou mieux de 3 éléments Daniell avec une
résistance additionnelle intercalée dans le circuit.

Pour faire usage de l'appareil, on le place avec la planche qui lui
sert de support sur une table en ayant soin d'interposer entre cette
planche et la table, pour amortir les vibrations étrangères, plusieurs
doubles d'étoffe disposés de manière à former coussin ou, ce qui est
mieux, une bande de ouate ou deux tubes de caoutchouc; alors il suffit
de parler devant le système, pour qu'aussitôt la parole soit
reproduite dans le téléphone, et si l'on place sur la planche support
la montre dont il a été question ou une boîte dans laquelle est
renfermée une mouche, tous ses mouvements sont entendus. L'appareil
est si sensible que c'est à voix peu élevée que la parole s'entend le
mieux, et on peut, comme je l'ai déjà dit, l'entendre en parlant à
une distance de huit mètres du microphone. Toutefois, quelques
précautions doivent être prises pour obtenir les meilleurs résultats
avec ce système, et, en outre des coussins que l'on place sous
l'appareil, pour le soustraire aux vibrations étrangères qui
pourraient résulter de mouvements insolites communiqués à la table, il
faut encore régler la position du crayon de charbon. Celui-ci doit en
effet toujours appuyer en un point du rebord du trou supérieur, mais
comme le contact peut être plus ou moins bon, l'expérience seule peut
indiquer la meilleure position à lui donner, et pour la trouver on
peut employer avantageusement le moyen de la montre. On met alors le
téléphone à l'oreille et on place le crayon dans diverses positions
jusqu'à ce qu'on ait trouvé celle donnant les effets maxima. Pour
éviter ce réglage, qui, avec la disposition précédente, doit être
souvent répété, MM. Chardin et Berjot, qui construisent habilement ce
modèle de téléphone, lui ont ajouté une petite lame de ressort dont la
pression peut être réglée et qui appuie contre le charbon vertical
lui-même. Ce système est très-bon.

M. Gaiffe de son côté a donné une forme plus élégante à l'appareil en
le construisant comme un appareil de physique. La figure 37 représente
l'un des deux modèles qu'il a combinés. Dans ce modèle, les cubes ou
dés de charbon A et B sont soutenus par des porte-charbons
métalliques, dont l'un, E, le supérieur, est mobile sur une colonne de
cuivre G et peut être placé dans telle position qu'il convient à
l'aide d'une vis de pression V. On peut de cette manière incliner plus
ou moins le crayon de charbon et augmenter à volonté la pression
qu'il exerce sur le charbon supérieur. Quand le crayon est vertical,
l'appareil transmet difficilement les sons articulés, en raison de
l'instabilité du point de contact, et des bruissements de toute nature
se font entendre; quand il est trop incliné, les sons sont plus purs
et plus distincts, mais l'appareil est moins sensible. Il est un degré
d'inclinaison qui doit être recherché, et l'expérience l'indique
facilement. Dans un autre modèle, M. Gaiffe substitue au crayon de
charbon une lame carrée et très-mince de la même matière, taillée en
biseau sur ses côtés inférieur et supérieur et pivotant dans une
rainure pratiquée dans le charbon inférieur. Cette lame ne fait
qu'appuyer contre le charbon supérieur sous une légère inclinaison, et
dans ces conditions il transmet beaucoup plus fortement et plus
distinctement la parole.

Je dois encore parler d'une autre disposition combinée par le
capitaine du génie Carette qui a donné pour les sons non articulés
d'excellents résultats. Le charbon vertical a alors la forme d'une
poire et repose par son bout le plus gros dans un large trou fait dans
le charbon inférieur; son bout supérieur qui est pointu, vient
s'engager dans un petit trou pratiqué dans le charbon supérieur, mais
de manière à ne le toucher qu'à peine, et une vis de réglage permet de
rapprocher plus ou moins ces deux charbons. Dans ces conditions, les
contacts sont si instables qu'un rien peut les supprimer, et alors les
variations dans l'intensité du courant transmis sont si fortes que
les sons produits par le téléphone peuvent s'entendre à plusieurs
mètres.

La figure 38 représente une autre disposition combinée par M.
Ducretet. Les deux dés de charbon sont en D, D', le charbon mobile en
C, le téléphone en T et les boutons d'attache du circuit en B, B'. Un
détail du dispositif des charbons se voit à gauche de l'appareil. Le
bras qui porte le charbon supérieur D est adapté à une tige munie d'un
plateau P' à surface rugueuse, et une petite cage C' en toile
métallique que l'on pose sur ce plateau permet d'étudier les
mouvements d'insectes vivants.

Quand il s'agit de transmettre la parole assez fortement pour qu'un
téléphone puisse se faire entendre dans toute une salle, le microphone
doit avoir une disposition particulière, et la figure 39 représente
celle qui a donné à M. Hughes les meilleurs résultats; il donne alors
à l'appareil le nom de _parleur_.

Sous cette nouvelle forme le charbon mobile appelé à produire les
contacts variables est adapté en C, à l'extrémité d'une bascule
horizontale BA pivotant en son point milieu et convenablement
équilibrée. Le support sur lequel cette bascule oscille est adapté à
l'extrémité d'une lame de ressort pour rendre l'appareil plus
susceptible de vibrer, et le charbon inférieur est placé en D
au-dessous du premier. Il est constitué par deux fragments superposés
afin d'augmenter la sensibilité de l'appareil, et nous avons
représenté en E le fragment supérieur qui est soulevé pour montrer
qu'on peut employer à volonté un seul des deux charbons. Ce charbon E,
se trouve, à cet effet collé à une petite lame de papier fixée à la
planchette et qui sert d'articulation. Un ressort antagoniste R, dont
on peut régler la tension au moyen d'une vis _t_, permet de régler la
pression des deux charbons. M. Hughes recommande l'emploi de charbons
en sapin métallisé[22]. Le tout est ensuite recouvert d'une enveloppe
semi-cylindrique HIG en bois blanc, dont les parois sont très-minces
surtout les deux bases, et on fixe le système accompagné d'un autre
semblable dans une boîte plate MJLI qui présente du côté MI une
ouverture devant laquelle on parle, en ayant soin de placer la lèvre
inférieure à deux centimètre du fond de la boîte. Si les deux
microphones sont réunis en quantité et si la pile employée se compose
de deux éléments à bichromate de potasse, on agit assez fortement sur
le courant, pour que, passant à travers une bobine d'induction de six
centimètres seulement de longueur, il puisse faire parler un téléphone
du modèle carré de Bell, de manière à être entendu de tous les points
d'une salle. Il faut par exemple lui adapter un porte-voix de près
d'un mètre de longueur. M. Hughes prétend que les sons produits dans
ces conditions sont à peu près aussi élevés que ceux du phonographe,
et M. W. Thomson m'a confirmé ce fait.

         [Note 22: On obtient ces charbons en chauffant pendant 20
         minutes à une température qu'on élève successivement jusqu'au
         rouge blanc, des fragments de bois de sapin à fibres serrées
         que l'on enferme dans une boîte ou un tube de fer
         hermétiquement fermée.]

Le microphone peut être aussi constitué par des fragments de charbon
entassés dans une boîte entre deux électrodes métalliques, ou enfermés
dans un tube avec deux électrodes représentées par deux fragments de
charbon allongés. Dans ce dernier cas, les charbons doivent autant que
possible être cylindriques, et ceux que construit M. Carré pour les
bougies Jablochkoff sont très-bons pour cela. Nous représentons fig.
40 un appareil de ce genre que j'ai fait disposer en instrument par M.
Gaiffe, et qui peut, comme nous le verrons à l'instant, servir de
thermoscope. Cet instrument est représenté fig. 41 et se compose d'un
tuyau de plume rempli de fragments de charbon, dont ceux qui occupent
les deux bouts sont montés dans des garnitures métalliques. L'une de
ces garnitures se termine par une vis à large tête qui permet, au
moyen des supports A, B, de pousser plus ou moins les charbons dans le
tube et, par conséquent, d'établir un contact plus ou moins intime
entre les divers fragments de charbon. Quand cet appareil est
convenablement réglé, il suffit de parler au-dessus du tube pour que
la parole soit reproduite. C'est donc un microphone aussi bien qu'un
thermoscope. Une chose réellement curieuse que M. Hughes a remarquée,
c'est que si on prononce séparément les différentes lettres de
l'alphabet devant cette sorte de microphone, on constate qu'il en est
qui se font beaucoup mieux entendre que d'autres, et ce sont
précisément celles qui correspondent aux aspirations de la voix.

On peut encore obtenir un microphone de ce genre en remplaçant les
fragments de charbon par des poussières plus ou moins conductrices,
des limailles métalliques même. J'ai démontré, en effet, dans mon
mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement conducteurs, que
le pouvoir conducteur de ces poussières varie d'une manière
considérable avec la pression et avec la température, et comme le
microphone est fondé sur les différences de conductibilité résultant
des différences de pression, on comprend facilement que ce moyen
puisse être employé comme organe de transmission téléphonique. Dans
une disposition récente de ce système, M. Hughes a aggloméré ces
poussières avec une sorte de gomme, et il en a formé un crayon
cylindrique qui, étant relié à deux électrodes bonnes conductrices, a
pu fournir des effets analogues à ceux dont nous avons parlé
précédemment. Comme on l'a vu, toutes les limailles métalliques
peuvent être employées, mais M. Hughes donne la préférence à la
poussière de charbon.

D'après M. Blyth, une boîte plate d'environ quinze pouces sur neuf,
remplie de ces charbons échappés à la combustion que l'on appelle en
Angleterre _cinders gas_, et aux deux extrémités de laquelle sont
fixées deux électrodes de fer-blanc, est une des meilleures
dispositions de microphones. Suivant lui, trois de ces appareils
suspendus comme des tableaux contre les murs d'une chambre auraient
suffi, sous l'influence d'un seul élément Leclanché, pour faire
entendre dans le téléphone tous les bruits produits dans la chambre,
et surtout les airs chantés. M. Blyth prétend même qu'on peut
construire un microphone capable de transmettre la parole avec un
simple charbon relié au fil du circuit par ses deux bouts, mais il
faut que ce charbon soit un cinder gas; un charbon de cornue pourvu de
pinces d'attache à ses deux extrémités, ne pourrait produire cet
effet.

L'un des effets les plus intéressants de ces sortes de microphones,
c'est qu'ils peuvent fonctionner sans pile, du moins, si on les
dispose de manière à former eux-mêmes l'élément voltaïque, et pour
cela, il suffit de verser de l'eau sur les charbons. M. Blyth qui a
parlé le premier de ce système, n'indique pas nettement sa
disposition, et on peut supposer que son appareil n'était autre que
celui que nous avons décrit précédemment, auquel il aurait ajouté de
l'eau. J'ai répété cette expérience en employant des électrodes _zinc_
et _cuivre_ et des fragments un peu gros de charbon de cornue, et j'ai
parfaitement réussi. J'ai, en effet, pu transmettre de cette manière,
non-seulement tous les sons de la montre et de la boîte à musique,
mais encore la parole qui se trouvait même souvent plus nettement
exprimée qu'avec un microphone ordinaire, car on n'entendait pas les
crachements qui accompagnent souvent les transmissions téléphoniques
de ce dernier. M. Blyth prétend aussi que l'on peut obtenir de cette
manière la transmission des sons sans que l'appareil soit pourvu
d'eau; mais il croit que c'est à l'humidité de l'haleine de celui qui
parle qu'il faut attribuer ce résultat. Il est certain qu'il ne faut
pas beaucoup d'humidité pour mettre en action un couple voltaïque,
surtout quand on a pour appareil révélateur un téléphone. Du reste le
microphone ordinaire peut être lui-même employé sans pile, si le
circuit dans lequel il est interposé est en communication avec le sol
par l'intermédiaire de plaques de terre; les courants telluriques qui
traversent alors le circuit sont suffisants pour que les battements
d'une montre posée sur le microphone soient parfaitement perceptibles.
M. Cauderay, de Lausanne, dans une note envoyée à l'Académie des
sciences, le 8 juillet 1878, annonce qu'il a fait cette expérience sur
un fil télégraphique réunissant l'hôtel des Alpes à Montreux, à un
chalet situé à 500 mètres de là, sur la colline.


=Le microphone employé comme organe parlant.=--Le microphone peut
non-seulement transmettre la parole, mais il peut encore dans
certaines conditions la reproduire et être substitué par conséquent au
téléphone récepteur. Cette fois c'est à n'y rien comprendre, car c'est
seulement dans des variations d'intensité de courant qu'il faut
chercher une cause du mouvement vibratoire produit dans l'une des
parties du circuit lui-même, et il n'y a plus alors à invoquer des
effets d'attraction et d'aimantation. Est-ce aux répulsions
qu'exercent entre eux les éléments contigus d'un même courant qu'il
faut rapporter cette action? Ou bien faut-il la considérer comme étant
de la même nature que celle qui fait émettre des sons à un fil de fer
lorsqu'il est traversé par un courant interrompu? un courant
électrique est-il lui-même un mouvement vibratoire, comme l'admet M.
Hughes? Voilà des questions auxquelles il est bien difficile de
répondre dans l'état actuel de la science; toujours est-il que le fait
existe, et ce sont MM. Hughes, Blyth et Robert, H. Courtenay et même
M. Edison, qui, chacun de leur côté, viennent de le faire connaître;
moi-même j'ai pu le vérifier dans les conditions expérimentales
indiquées par M. Hughes, mais je n'ai pas été aussi heureux quand j'ai
voulu répéter les expériences de M. Blyth. Suivant ce savant il
suffirait, pour entendre la parole dans le microphone, d'employer le
modèle à fragments de charbon dont nous avons parlé précédemment, d'y
joindre comme appareil transmetteur un second microphone du même
genre, et d'introduire dans le circuit une pile de deux éléments de
Grove. Alors si on parle au-dessus des charbons de l'un des
microphones, on devrait entendre distinctement la parole en approchant
l'oreille du second, et l'importance des sons ainsi reproduits serait
en rapport avec l'intensité de la source électrique employée.
Toutefois, comme je le disais, je n'ai pu, en m'y prenant de cette
manière, entendre aucun son et encore moins la parole, et si d'autres
expériences ne m'avaient pas convaincu, j'aurais douté de
l'authenticité du fait annoncé. Mais cette expérience négative ne
prouve en définitif rien, car il est possible que je me sois placé
dans de mauvaises conditions, et que les _escarbilles_ que j'employais
ne fussent pas dans les mêmes conditions que les _cinders gas_ de M.
Blyth.

Quant aux expériences de M. Hughes, je les ai répétées avec le
microphone de MM. Chardin et Berjot, relié avec celui de M. Gaiffe
employé comme transmetteur, et j'ai reconnu qu'avec une pile de quatre
éléments Leclanché, seulement, tous les grattements effectués sur le
microphone de M. Gaiffe et même les trépidations et les airs résultant
du jeu d'une petite boîte à musique placée sur cet appareil, étaient
reproduits, très-faiblement il est vrai, dans le second microphone;
pour les percevoir il suffisait de coller l'oreille contre la
planchette verticale. La parole n'était pas reproduite il est vrai,
mais M. Hughes m'en avait prévenu; l'appareil ainsi disposé n'était
pas évidemment assez sensible.

Pour reproduire la parole par ce système et pour la transmettre, il
faut une autre disposition du microphone, et celle qui a donné les
meilleurs résultats à M. Hughes est représentée, vue en coupe, figure
42. C'est un peu le microphone parleur de M. Hughes, disposé
verticalement et dont le charbon fixe est collé au centre de la
membrane tendue d'un téléphone à ficelle. Le cornet de ce téléphone
est représenté en A, la membrane en DD, et le charbon en question en
C; ce charbon est en sapin carbonisé et métallisé ainsi que le double
charbon E qui est en contact avec lui et qui est adapté à l'extrémité
supérieure de la bascule GI. Le tout est renfermé dans une petite
boîte, et on règle la pression exercée au contact des deux charbons au
moyen d'un ressort antagoniste R et d'une vis H. C'est alors le cornet
du téléphone qui sert de cornet acoustique, et c'est le parleur de M.
Hughes décrit page 169 qui sert de transmetteur pour entendre. Inutile
de dire que deux appareils de ce genre sont placés aux deux bouts du
circuit, que les charbons sont reliés aux deux pôles d'une pile de
deux éléments à bichromate de potasse ou de Bunsen ou de six éléments
de Leclanché, et que les deux appareils sont reliés par le fil de
ligne.

Dans ces conditions, une conversation peut être échangée, mais les
sons sont toujours beaucoup moins accentués que dans le téléphone.

J'ai pu constater ce fait avec un appareil grossier apporté
d'Angleterre par M. Hughes. MM. Berjot, Chardin et de Méritens qui
étaient présents aux expériences, ont pu comme moi parfaitement
entendre la parole, et j'ai depuis répété moi-même l'expérience avec
succès; mais elle ne réussit pas toujours et, dans ses conditions
actuelles, l'appareil ne présente d'importance qu'au point de vue
scientifique. On le construit chez MM. Chardin et Berjot.

On comprend facilement que l'appareil peut se passer de support, et la
petite boîte forme alors le manche de l'instrument; les deux boutons
d'attache sont disposés dans ce cas au bout de ce manche, comme dans
un téléphone.

Les effets du microphone récepteur expliquent les sons souvent
très-intenses déterminés par les bougies Jablochkoff quand elles sont
actionnées par des machines magnéto-électriques. Ces sons vibrent
toujours à l'unisson de ceux émis par la machine elle-même, et ceux-ci
proviennent, comme je l'ai déjà démontré, des aimantations et des
désaimantations rapides des organes magnétiques qui sont mis en jeu
par cette machine. Ces effets, remarqués par M. Marcel Deprez,
étaient particulièrement caractérisés avec les premières machines de
M. de Méritens.


=Autres dispositions de microphones.=--Une disposition du genre de
celle que nous venons de décrire a été employée par M. Carette pour
constituer un parleur microphone extrêmement énergique; seulement au
lieu d'une membrane tendue, il emploie une plaque métallique mince; il
colle l'un des charbons au centre de cette plaque et adapte devant lui
l'autre charbon qui est taillé en pointe et porté par un système de
porte-charbon à vis de réglage au moyen duquel on peut régler comme on
le veut la pression exercée entre les deux charbons. Avec cette
disposition, la parole peut être entendue à distance du téléphone
récepteur. Elle est, du reste, analogue à celle du transmetteur
téléphonique de M. Edison.

En exécutant dans de grandes dimensions le système représenté, fig.
42, et formant le cornet AB avec un grand entonnoir en zinc de près de
un mètre de longueur, M. de Méritens a pu parvenir à amplifier assez
les sons de la parole pour qu'une conversation faite à voix basse à
trois ou quatre mètres de cet instrument, ait été reproduite dans un
téléphone d'une manière plus sonore et plus distincte. L'appareil
était placé sur le plancher de l'appartement, l'ouverture de
l'entonnoir en haut, et le téléphone était dans les caves de la
maison.

On a du reste varié de mille manières la forme du microphone suivant
les applications auxquelles on veut l'appliquer. C'est ainsi que nous
voyons dans l'_English Mechanic and World of Science_, du 28 juin
1878, les dessins de plusieurs dispositions dont l'une est
spécialement applicable à l'audition des pas d'une mouche; c'est une
boîte à la partie supérieure de laquelle est tendue une feuille de
papier végétal; deux charbons séparés par un petit morceau de bois et
mis en rapport avec les deux fils du circuit y sont collés, et un
troisième charbon allongé, placé en croix sur les deux autres, se
trouve maintenu dans cette position par une rainure pratiquée dans
ceux-ci. Une pile très-faible suffit pour faire fonctionner cet
appareil, et la mouche se promenant sur la feuille de papier détermine
des vibrations assez fortes pour faire réagir énergiquement un
téléphone ordinaire. Il faut alors recouvrir l'appareil d'un globe de
verre. En plaçant une montre sur la membrane et en ayant soin
d'appuyer son bouton sur le morceau de bois séparant les deux
charbons, le bruit de ses battements peut être entendu dans toute une
salle. On peut encore, au lieu de l'arrangement de charbons décrit
plus haut, employer deux cubes de charbon juxtaposés et séparés
seulement par une carte à jouer. Une cavité semi-sphérique pratiquée à
la partie supérieure de cette masse entre les deux charbons et dans
laquelle on place quelques petites boules de charbon d'une grosseur
intermédiaire entre celle d'un pois et celle d'une graine de moutarde,
permet d'obtenir des contacts multiples excessivement mobiles et
éminemment propres à des transmissions téléphoniques. Ces dispositions
ont été combinées par M. T. Cuttriss.

Il est encore beaucoup d'autres dispositions de microphones imaginées
par différents constructeurs et inventeurs qui donnent des résultats
plus ou moins satisfaisants, telles sont celles de MM. Varey, Trouvé,
Vercker, de Combettes, Loiseau, etc., etc., mais comme elles se
rapprochent plus ou moins des types que nous avons déjà décrits, nous
n'en parlerons pas davantage.


=Expériences faites avec le microphone.=--Il me reste maintenant à
indiquer les expériences intéressantes qui ont conduit M. Hughes à
l'instrument remarquable dont nous venons de parler, et celles qui ont
été entreprises par d'autres savants, soit au point de vue
scientifique, soit au point de vue pratique.

Considérant que la lumière et la chaleur peuvent modifier la
conductibilité électrique des corps, M. Hughes s'est demandé si des
vibrations sonores transmises à un conducteur traversé par un courant
ne modifieraient pas aussi cette conductibilité en provoquant des
contractions et des dilatations des molécules conductrices, qui
équivaudraient à des raccourcissements ou à des allongements du
conducteur ainsi impressionné. Si cette propriété existait réellement,
elle devrait permettre de transmettre les sons à distance, car de ces
variations de conductibilité devaient résulter des variations
proportionnelles de l'intensité d'un courant agissant sur un
téléphone. L'expérience qu'il fit sur un fil métallique tendu n'a pas
répondu toutefois à son attente, et ce n'est que quand le fil dut
vibrer assez fortement pour se rompre, qu'il entendit un son au
moment de la rupture. En rejoignant les deux bouts du fil, un son se
produisit encore, et il reconnut bientôt que pour en obtenir, il
suffisait d'un contact imparfait entre les deux bouts disjoints du
fil. Il devint dès lors manifeste, pour M. Hughes, que les effets
qu'il prévoyait ne pouvaient se produire qu'avec un conducteur divisé,
et par suite de contacts imparfaits.

Il rechercha alors quel était le degré de pression le plus convenable
à exercer entre les deux bouts rapprochés du fil pour obtenir le
maximum d'effet, et pour cela il effectua cette pression à l'aide de
poids. Il reconnut que, quand elle était légère et qu'elle ne
dépassait pas celle d'une once par pouce carré, au point de jonction,
les sons étaient reproduits distinctement, mais d'une manière un peu
imparfaite; en modifiant les conditions de l'expérience, il put
s'assurer bientôt qu'il n'était pas nécessaire, pour obtenir ce
résultat, que les fils fussent réunis bout à bout, et qu'ils pouvaient
être placés côte à côte sur une planche ou même séparés (mais avec
addition d'un conducteur posé en croix sur eux), pourvu que les métaux
en contact fussent du fer et qu'une pression légère et constante pût
les réunir métalliquement. L'expérience fut faite avec trois pointes
de Paris disposées comme on le voit fig. 43, et elle a été répétée
depuis, dans de meilleures conditions par M. Willoughby-Smith, avec
trois limes dites queues-de-rat qui permirent de transmettre le bruit
d'une faible respiration[23].

         [Note 23: M. Willoughby-Smith a varié encore cette
         expérience en plaçant sur les bouts disjoints du circuit
         qu'il disposait angulairement l'un par rapport à l'autre, un
         paquet de fils de soie cuivrés. Dans ces conditions,
         l'appareil devenait tellement sensible, que le courant d'air
         résultant d'une lampe placée au-dessous du système,
         déterminait un crépitement très-accentué dans le téléphone.]

Il essaya ensuite différentes combinaisons de ce genre présentant
plusieurs solutions de continuité, et une chaîne d'acier lui fournit
d'assez bons résultats; mais les légères inflexions, c'est-à-dire le
timbre de la voix, manquaient, et il dut chercher d'autres
dispositions. Il essaya d'abord d'introduire aux points de contacts
des poudres métalliques; la poudre de zinc et d'étain connue dans le
commerce sous le nom de _bronze blanc_, améliora beaucoup les effets
obtenus; mais ils n'étaient pas stables à cause de l'oxydation des
contacts, et c'est en essayant de résoudre cette difficulté, ainsi
qu'en cherchant la disposition la plus simple pour obtenir une
pression légère et constante sur ces contacts, que M. Hughes fut
conduit à la disposition des charbons mercurisés décrite
précédemment[24], laquelle donna les effets maxima.

         [Note 24: Voici ce que dit M. Hughes, relativement à
         cette disposition: «Le charbon, en raison de son
         inoxydabilité, est un corps précieux pour ce genre
         d'applications. En y alliant le mercure, les effets sont
         beaucoup meilleurs. Je prends pour cela le charbon employé
         par les artistes pour leurs dessins, je le chauffe
         graduellement au blanc, et le plongeant ensuite tout d'un
         coup dans le mercure, ce métal s'introduit instantanément en
         globules dans les pores du charbon et le métallise pour ainsi
         dire. J'ai essayé aussi du charbon recouvert d'un dépôt de
         platine ou imprégné de chlorure de platine, mais je n'ai pas
         eu un effet supérieur à celui que j'obtenais par le moyen
         précédent. Le charbon de sapin chauffé à blanc dans un tube
         de fer contenant de l'étain et du zinc ou tout autre métal
         s'évaporant facilement, se trouve également métallisé, et il
         est dans de bonnes conditions si le métal est à l'état de
         grande division dans les pores de ce corps, ou s'il n'entre
         pas en combinaison avec lui. Le fer, introduit de cette
         manière dans le charbon, est un des métaux qui m'a donné les
         meilleurs effets. Le charbon de sapin, quoique mauvais
         conducteur, acquiert de cette manière un grand pouvoir
         conducteur.»]

L'importance de l'effet obtenu dans le microphone dépend du reste,
d'après M. Hughes, du nombre et de la perfection des contacts, et
c'est sans doute pour cela que certaines positions du crayon, dans
l'appareil qui a été décrit plus haut, sont plus favorables que
d'autres.

Pour concilier les résultats de ses expériences avec les idées qu'il
s'était faites, M. Hughes pensa que si les différences de résistance
provenant des vibrations du conducteur n'étaient pas produites quand
ce conducteur était entier, c'est que les mouvements moléculaires se
trouvaient arrêtés par des résistances latérales égales et contraires,
mais qu'il suffisait qu'une de ces résistances n'existât pas pour que
le mouvement moléculaire put se développer librement. Or un mauvais
contact équivalait, selon lui, à la suppression de l'une de ces
résistances, et du moment où ce mouvement pouvait se produire, les
dilatations et contractions moléculaires qui étaient la conséquence
des vibrations, devaient correspondre à des accroissements ou à des
affaiblissements de résistance du circuit. Nous ne suivrons pas
davantage M. Hughes dans cette théorie, qui serait assez longue à
développer, et nous allons continuer notre examen des différentes
propriétés du microphone[25].

         [Note 25: Suivant M. Hughes, les vibrations qui affectent
         le microphone, même quand on parle à distance de
         l'instrument, ne proviendraient pas de l'action directe des
         ondes sonores sur les contacts du microphone, mais des
         vibrations moléculaires déterminées par elles sur la planche
         servant de support à l'appareil; il montre, en effet, que
         plus cette planche présente de surface, plus les sons
         produits par le microphone sont intenses, et qu'en enfermant
         le microphone de son parleur dans une enveloppe cylindrique,
         il ne diminue pas beaucoup la sensibilité, si la boîte qui
         renferme le tout présente une certaine surface. C'est pour
         augmenter encore, à ce point de vue, la sensibilité de ses
         appareils, qu'il adapte la monture sur laquelle pivote la
         pièce mobile du parleur et du récepteur microphonique sur une
         lame de ressort.]

Le charbon, comme nous l'avons déjà dit, n'est pas la seule substance
qu'on peut employer à composer l'organe sensible de ce système de
transmetteur, M. Hughes a essayé d'autres substances et même des corps
très-conducteurs, tels que les métaux. Le fer lui a donné d'assez bons
résultats, et l'effet produit par des surfaces de platine dans un
grand état de division a été égal, sinon supérieur, à celui fourni par
le charbon mercurisé. Toutefois, comme avec ce métal on rencontre plus
de difficultés dans la construction des appareils, il donne la
préférence au charbon qui, comme lui, jouit de l'avantage de
l'inoxydabilité.

Nous avons dit en commençant que le microphone pouvait être employé
comme thermoscope: mais il doit avoir alors la disposition
particulière que nous avons représentée fig. 40. Dans ces conditions,
la chaleur, en réagissant sur la conductibilité de ces contacts, peut
faire varier dans de si grandes proportions la résistance du circuit,
qu'en approchant la main du tube, on peut annuler le courant de trois
éléments Daniell. Il suffit, pour apprécier l'intensité relative de
différentes sources de chaleur, exposées devant l'appareil,
d'introduire dans le circuit des deux électrodes A et B, fig. 40, une
pile P de un ou deux éléments Daniell et un galvanomètre un peu
sensible G. Un galvanomètre de cent vingt tours est suffisant pour
cela. Quand la déviation diminue, c'est que la source calorifique est
supérieure à la température ambiante; quand elle augmente c'est
qu'elle est inférieure. «Les effets résultant de l'intervention du
soleil et de l'ombre se traduisent sur cet appareil, dit M. Hughes,
par des variations considérables dans les déviations du galvanomètre.
Il est même impossible de le tenir en repos, tant il est sensible aux
moindres variations de la température.»

J'ai répété avec un seul élément Leclanché, les expériences de M.
Hughes et j'ai pour cela, employé un tuyau de plume rempli de cinq
fragments de charbon, provenant d'un des charbons cylindriques de
petit diamètre que fabrique M. Carré pour la lumière électrique. J'ai
bien obtenu les résultats qu'il indique; mais je dois dire que
l'expérience est assez délicate. En effet, quand les fragments de
charbon sont trop serrés les uns contre les autres, le courant passe
avec trop de force pour que les effets calorifiques puissent faire
varier la déviation galvanométrique; quand ils sont trop peu serrés,
le courant ne passe pas. Il est donc un degré moyen de serrage qui
doit être effectué pour que les expériences réussissent, et quand il
est obtenu, on observe en approchant la main du tube, qu'une déviation
qui était de 90° diminue au bout de quelques secondes et semble être
en rapport avec le rapprochement plus ou moins grand de la main. Mais
c'est l'haleine qui produit les effets les plus marqués, et je ne
serais pas éloigné de croire que les déviations plus ou moins grandes
que provoquent les émissions des sons articulés quand on prononce
séparément les différentes lettres de l'alphabet, proviendraient d'une
émission plus ou moins grande et plus ou moins directe des gaz
échauffés sortant de la poitrine. Ce qui est certain, c'est que ce
sont les lettres qui provoquent les sons les plus accentués telles
que, A, F, H, I, K, L, M, N, O, P, R, S, W, Y, Z, qui déterminent les
plus fortes déviations de l'aiguille galvanométrique.

Dans mon mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement
conducteurs, j'avais déjà signalé cet effet de la chaleur sur les
corps divisés, et j'avais de plus montré que, après une certaine
déviation rétrograde qui se produisait toujours au premier moment, il
se manifestait un mouvement en sens inverse de l'aiguille
galvanométrique qui accusait, au bout de quelques instants de
chauffage, une déviation bien supérieure à celle indiquée
primitivement.

Dans une note publiée dans le _Scientific American_ du 22 juin 1878,
M. Edison donne quelques détails intéressants sur l'application de
son système de transmetteur téléphonique à la mesure des pressions,
des dilatations et autres forces capables de faire varier la
résistance du disque de charbon de cet appareil par suite d'une
compression plus ou moins forte. Comme les expériences qu'il fit à ce
sujet remontent au mois de décembre 1877, il en conclut encore qu'il a
la priorité de l'invention du microphone employé comme thermoscope;
mais nous devons lui faire observer que, d'après la manière dont M.
Hughes a disposé son appareil, l'effet produit par la chaleur est
précisément inverse de celui qu'il signale. En effet, dans le
dispositif adopté par M. Edison, la chaleur agit par une augmentation
de conductibilité qu'acquiert le charbon sous l'influence d'une
augmentation de pression déterminée par la dilatation d'un corps
sensible à la chaleur; dans le système de M. Hughes, la chaleur
provoque un effet diamétralement opposé, parce qu'elle n'agit alors
que sur des contacts et non par effet de pression. Aussi la résistance
du microphone thermoscope se trouve augmentée sous l'influence de la
chaleur au lieu d'être diminuée. Cet effet différent tient à la
division du corps médiocrement conducteur, et j'ai démontré que, dans
ces conditions, ces corps, quand ils ne sont chauffés que faiblement,
déterminent toujours un affaiblissement dans l'intensité du courant
qu'ils transmettent. Je crois du reste, que la disposition de M.
Edison est meilleure comme appareil thermoscopique et permet de
mesurer des sources calorifiques beaucoup moins intenses. S'il faut
l'en croire, on pourrait avec son appareil non-seulement mesurer la
chaleur du rayonnement lumineux des étoiles, de la lune et du soleil,
mais encore les variations de l'humidité de l'air et de la pression
barométrique.

Cet appareil, que nous représentons figure 44 avec ses différents
détails et la disposition rhéostatique employée pour les mesures, se
compose d'une pièce métallique A fixée sur une planchette C et sur
l'un des côtés de laquelle est adapté le système de disques de platine
et de charbon D décrit page 77. Une pièce rigide G munie d'une
crapaudine soutient extérieurement ce système, et on introduit dans
cette crapaudine l'une des extrémités effilées d'un corps susceptible
d'être impressionné par la chaleur, l'humidité ou la pression
barométrique. L'autre extrémité est soutenue par une seconde
crapaudine I adaptée à un écrou H susceptible d'être plus ou moins
serré par une vis de réglage. Si on introduit ce système dans un
circuit galvanométrique _a_ _b_ _c_ _i_ _g_ muni de tous les
instruments de mesure électrique, les variations de longueur du corps
interposé se traduisent par des déviations de l'aiguille
galvanométrique plus ou moins grandes, qui sont la conséquence des
différences de pression résultant de l'allongement ou du
raccourcissement du corps dilatable interposé dans le circuit sur
l'appareil.

Les expériences du microphone faites à la séance de la Société des
ingénieurs télégraphistes de Londres, le 23 mai dernier, ont
admirablement réussi et ont été l'occasion d'un article intéressant
dans l'_Engineering_ du 31 mai, dans lequel on constate que toute
l'assemblée a pu entendre parler le téléphone, dont la voix se
rapprochait beaucoup de celle du phonographe. Quand on annonça que ces
paroles avaient été prononcées à une distance assez grande du
microphone, le duc d'Argyle, présent à la séance, tout en admirant
l'importance de la découverte, ne put s'empêcher de s'écrier que
cette invention pourrait avoir des conséquences terribles, «ainsi, par
exemple, dit-il, nous sommes à Downing-street, et je ne puis
m'empêcher de penser que si un des appareils du professeur Hughes
était placé dans la pièce où les ministres de Sa Majesté sont en
conférence, nous pourrions entendre d'ici tous les secrets de cabinet.
Si un de ces petits appareils pouvait être mis dans la poche de mon
ami Schouvaloff ou bien dans celle de lord Salisbury, nous serions
tout à coup en possession de ces grands secrets que tout ce pays et
toute l'Europe attendent avec une si grande anxiété. Si l'assurance
qu'on donne que ces appareils sont susceptibles de répéter toutes les
conversations qui peuvent se faire dans une pièce où ils sont placés,
cela pourrait constituer un véritable danger, et je pense que le
professeur Hughes qui a inventé ce magnifique et en même temps si
dangereux instrument, devrait rechercher maintenant un antidote à sa
découverte.» D'un autre côté, le docteur Lyon-Playfair pense que le
microphone devrait être appliqué à l'aérophone, pour qu'en plaçant ces
instruments dans les deux chambres du parlement, les discours des
grands orateurs puissent être entendus par toute une population sur
une étendue de quatre à cinq milles carrés.

Les essais du microphone faits récemment à Harlifax et qui ont été
rapportés dans les journaux anglais, montrent que les prévisions du
duc d'Argyle étaient parfaitement justifiées. Il paraîtrait en effet
qu'un dimanche un microphone ayant été placé sur la devanture de la
chaire d'un prédicateur à l'église d'Harlifax, et cet instrument étant
relié par un fil de 3 kilomètres à un téléphone placé près du lit
d'un malade, habitant un château voisin, ce malade a pu entendre
toutes les prières, les cantiques et le sermon. M. Hughes, qui m'avait
communiqué cette nouvelle, m'assurait qu'elle lui avait été donnée par
des personnes dignes de foi, et nous apprenons maintenant qu'il y a
sept abonnés pour jouir de l'avantage d'écouter les offices
d'Harlifax, sans se déranger.

Le microphone a été aussi appliqué dernièrement à la répétition à
distance d'un opéra tout entier, et voici ce que dit à cet égard le
_Journal télégraphique_ de Berne du 25 juillet:

     «Le 19 juin dernier a eu lieu à Billenzona (Suisse) une curieuse
     expérience micro-téléphonique. Une troupe italienne de passage
     devait donner ce jour-là, au théâtre de cette ville, l'opéra de
     Donizetti, _Don Pasquale_. M. Patocchi, inspecteur-adjoint du VIe
     arrondissement télégraphique de la Suisse, a eu l'idée de
     profiter de cette occasion, pour expérimenter les effets combinés
     du microphone à charbon de Hughes comme appareil transmetteur et
     du téléphone de Bell comme appareil récepteur. À cet effet, il
     installa dans une loge de premier rang, à côté du proscenium, un
     microphone Hughes qu'il relia au moyen de deux fils de 1.1/2
     millimètres de diamètre à quatre récepteurs Bell disposés dans
     une salle de billard, au-dessus du vestibule du théâtre même,
     salle où ne parvient aucun des bruits de l'intérieur du théâtre.
     Dans le circuit, et près du microphone de Hughes, était
     intercalée une petite pile de deux éléments du modèle ordinaire
     de l'administration suisse.

     «Les résultats ont été aussi heureux et aussi complets que
     possible. Les téléphones reproduisaient exactement, avec une
     clarté et une netteté merveilleuse, aussi bien les sons de
     l'orchestre que le chant des artistes. Plusieurs spectateurs ont
     constaté, avec M. Patocchi, que l'on ne perdait pas une note des
     instruments ou des voix, qu'on distinguait parfaitement les mots
     prononcés, que les airs étaient reproduits dans leur ton naturel,
     avec toutes leurs nuances, les _piano_ comme les _forte_, les
     motifs doux comme les passage de force, et plusieurs _dilettanti_
     amateurs ont même assuré à M. Patocchi que, par cette seule
     audition au moyen des téléphones, l'on pouvait apprécier les
     beautés musicales, les qualités des voix des artistes et
     généralement juger de la pièce elle-même, comme pouvaient le
     faire les spectateurs à l'intérieur du théâtre.

     «Les résultats ont été les mêmes en introduisant dans le circuit
     des résistances jusqu'à 10 kilomètres sans augmenter le nombre
     des éléments de la pile. C'est, croyons-nous la première
     expérience de ce genre qui ait été faite, en Europe du moins,
     dans un théâtre et sur un opéra complet; et ceux qui connaissent
     toute la légèreté et la grâce des mélodies de _Don Pasquale_,
     apprécieront à quelle sensibilité doit atteindre la combinaison
     du microphone de Hughes et du téléphone de Bell, pour ne rien
     laisser perdre des délicatesses de cette musique.»

Les expériences avec le microphone, quoique à leur début, ont été
cependant très-variées, et nous voyons dans les journaux anglais,
entre autres expériences curieuses, qu'on a voulu établir sur le même
principe un appareil sensible téléphoniquement aux variations d'une
source lumineuse. On sait que certains corps et particulièrement le
sélénium sont impressionnables électriquement à la lumière,
c'est-à-dire que leur conductibilité peut varier dans d'assez grandes
proportions suivant la quantité plus ou moins grande de lumière qui
les éclaire. Or si on fait passer brusquement un circuit dans lequel
est interposé un corps de cette nature, de l'obscurité à un
éclairement un peu intense, il doit résulter de l'augmentation subite
de résistance qui en est la conséquence, un son énergique dans un
téléphone interposé dans le circuit. C'est en effet ce que
l'expérience a démontré, et M. Willoughby-Smith en tire la conséquence
que, conformément à ce que nous avons dit plus haut, les effets
produits dans le microphone sont la conséquence de variations de
résistance dans le circuit par suite de contacts plus ou moins intimes
entre conducteurs imparfaits.

Pour obtenir l'effet précédent dans ses meilleures conditions, M.
Siemens emploie deux électrodes composées par des réseaux de fils de
platine très-fins enchevêtrés les uns dans les autres, à la manière de
deux fourchettes dont les dents seraient intercalées dans leurs
intervalles réciproques. Ces électrodes sont introduites entre deux
lames de verre, et une goutte de sélénium versée au centre de ces
réseaux, les réunit sur une surface circulaire assez étendue pour
établir une conductibilité suffisante dans le circuit. Or c'est sur
cette goutte ainsi étendue qu'on doit projeter le rayon de lumière.

Une jolie expérience que l'on peut faire encore avec le microphone est
celle-ci: vous placez sur une planche en bois un peu grande, une
planchette à dessin par exemple, un microphone à charbon vertical dont
les extrémités sont bien pointues et qui est placé tout à fait
verticalement. On dispose dans le circuit un ou plusieurs téléphones,
et si on les renverse sur la planche de manière que leur membrane soit
en regard de celle-ci, on entend un roulement continu qui ressemble
tantôt à un son musical, tantôt au bruissement de l'eau bouillant dans
une chaudière, et ce bruit qui peut être entendu à distance, dure
indéfiniment tant que la source électrique est en activité. M. Hughes
explique ce phénomène de la manière suivante.

La moindre secousse qui mettra le microphone en action, aura pour
effet d'envoyer des courants plus ou moins interrompus à travers les
téléphones qui les transformeront en vibrations sonores, et celles-ci
étant transmises mécaniquement par la planche au microphone,
entretiendront son mouvement qui sera même amplifié et provoquera de
nouvelles vibrations sur les téléphones; d'où il résultera une
nouvelle action sur le microphone et ainsi de suite indéfiniment. D'un
autre côté, en plaçant sur la même planche un second microphone
correspondant à un autre circuit téléphonique, on peut en faire un
appareil réagissant comme _un relais télégraphique_, c'est-à-dire
répétant à distance les bruits transmis à la planche, et ces bruits
répétés peuvent constituer soit un appel, soit les éléments d'une
dépêche dans le langage Morse, si l'on place dans le circuit du
premier microphone un manipulateur Morse. «J'ai fait, dit M. Hughes,
avec cette disposition d'appareils, plusieurs expériences qui ont
produit beaucoup d'effet, quoique n'ayant employé qu'une pile de
Daniell de six éléments sans bobine d'induction. En adaptant au
téléphone récepteur un cornet en carton de 40 centimètres de longueur,
on a pu entendre dans toute une grande salle le bruit continu du
relais, les battements d'une pendule et le bruit fait par la plume en
écrivant. Je n'ai pas essayé de transmettre la parole parce que, dans
ces conditions, elle n'aurait pas été reproduite avec netteté.»

L'idée d'employer le microphone comme relais était, du reste, venue à
l'esprit de plusieurs personnes et entre autres de M. Latimer-Clark
qui proposait pour cela de faire réagir l'armature d'un électro-aimant
introduit dans le circuit du microphone, sur un tube disposé comme on
l'a vu fig. 40 et réagissant lui-même sur le second circuit,
c'est-à-dire sur le circuit du téléphone. MM. Houston et Thomson en
ont fait également un dernièrement.

D'un autre côté lord Lindsay a imaginé d'adapter au microphone une
membrane résonnante, et il a obtenu par ce moyen une reproduction
excellente des sons musicaux produits par un piano; mais lorsque les
vibrations de cet instrument concordaient avec les vibrations
fondamentales de la membrane, un bruit très-fort se faisait entendre
dans le téléphone, et dans ce bruit, on distinguait non-seulement la
note fondamentale de cette membrane, mais encore toutes les vibrations
sympathiques déterminées par les cordes du piano réagissant les unes
sur les autres.

En raison de son extrême sensibilité, cet appareil pourrait permettre de
constater les bruits produits à l'intérieur du corps humain et servir
par conséquent de _stéthoscope_ pour l'auscultation des poumons et des
battements du coeur. Le Dr Richardson en Angleterre, conjointement avec
M. Hughes, s'occupe en ce moment de rendre pratique cette importante
application; mais jusqu'à présent les résultats obtenus n'ont pas été
très-satisfaisants. On espère toutefois y parvenir. En attendant M.
Ducretet a construit un microphone stéthoscopique que nous représentons
fig. 45 et qui est d'une extrême sensibilité. C'est un microphone à
charbon CP, à simple contact, dont le charbon inférieur P est adapté à
un tambour à membrane vibrante de M. Marais T. Ce tambour est relié par
un tube de caoutchouc CC' à un autre tambour T' qui est destiné à être
appliqué sur les différentes parties du corps à ausculter, et que l'on
appelle en conséquence _tambour explorateur_; la sensibilité de
l'appareil est réglée au moyen d'un contrepoids PO, qui se visse sur le
bras d'un levier bascule LL, auquel est fixé le second charbon C. Tout
le monde connaît la grande sensibilité des tambours de M. Marais pour la
transmission des vibrations, et cette sensibilité étant encore augmentée
par le microphone, l'appareil acquiert une impressionnabilité extrême,
peut-être même une trop grande, car il révèle tout espèce de bruits
qu'il est très-difficile de distinguer les uns des autres. Du reste, cet
appareil ne peut donner de bons résultats que confié à des mains
expérimentées, et il faudra évidemment une éducation auditive
particulière pour qu'on puisse en tirer parti.

Comme application de ce genre, la plus importante est celle que vient
d'en faire, conjointement avec M. Hughes, M. Henry Thompson célèbre
chirurgien anglais, pour l'exploration de la vessie dans la maladie de
la pierre. Au moyen de cet appareil, on peut en effet constater la
présence et préciser le siège des calculs pierreux qui peuvent s'y
trouver, quelques petits qu'ils soient d'ailleurs. On emploie pour
cela une sonde exploratrice composée d'une tige de Maillechort un peu
recourbée par le bout et qui est mise en communication avec un
microphone sensible à charbon. Quand, en promenant cette sonde dans la
vessie, la tige en question rencontre des particules pierreuses,
fussent-elles de la grosseur d'une tête d'épingle, le frottement qui
en résulte détermine des vibrations qui se distinguent parfaitement,
dans le téléphone, de celles qui se produisent par la simple friction
de la tige sur les tissus mous des parois de la vessie. Toutefois, M.
Thompson prétend que pour obtenir de bons résultats de cette méthode,
il faut prendre certaines précautions. Il faut que l'instrument ne
soit pas trop sensible afin que la nature des bruits soit bien
distincte, la pile ne doit pas être trop forte, pour éviter les sons
qui pourraient résulter des bruits extérieurs. L'appareil est du reste
disposé comme on le voit fig. 46. Le microphone est placé dans le
manche qui porte la sonde et n'est autre que celui que nous avons
représenté fig. 39, mais avec de plus petites dimensions, et les deux
fils conducteurs _e_ allant au téléphone, ressortent du manche par le
bout _a_ opposé à celui _bb_ où la sonde _dd_ est vissée. Comme cet
appareil n'est pas destiné à reproduire la parole, on emploie des
charbons de cornue au lieu de charbons de bois.

On a pu encore par un moyen basé sur le principe du microphone, faire
entendre certains sourds dont l'oreille n'était pas encore tout à fait
insensibilisée. Pour obtenir ce résultat, on adapte devant les deux
oreilles du malade deux téléphones, reliés entre eux par une couronne
métallique appuyée sur l'os frontal, et on met les deux téléphones en
rapport avec un microphone muni de sa pile, lequel pend à l'extrémité
d'un double fil conducteur. Le malade conserve dans sa poche ce
microphone, et il le présente comme un cornet acoustique à son
interlocuteur quand il veut converser avec lui. Le microphone est
alors constitué par le parleur de M. Hughes représenté fig. 39.

Le microphone peut avoir encore beaucoup d'autres applications, et
voici ce que nous lisons à cet égard dans l'_English Mechanic_ du 21
Juin 1878: «Au moyen de cet instrument, les ingénieurs pourront
apprécier les effets des vibrations occasionnées sur les édifices
anciens et nouveaux par le passage de lourdes charges; un soldat
pourra reconnaître l'approche de l'ennemi à plusieurs milles de
distance et distinguer même s'il aura affaire avec de l'artillerie ou
de la cavalerie; la marche des navires dans le voisinage des torpilles
pourra même être annoncée à la côte, et on pourra dès lors, à coup
sûr, en déterminer l'explosion.»

On a aussi proposé d'appliquer le microphone comme un avertisseur des
fuites de gaz dans les mines à charbon. Le gaz s'échappant des
crevasses de charbon, produit un son sifflant qui par le moyen du
microphone et du téléphone pourrait être entendu au haut des puits.
D'un autre côté, on a eu l'idée que le microphone pourrait être
utilement employé comme Séismographe pour signaler les bruits
souterrains qui précèdent généralement les tremblements de terre et
les éruptions volcaniques, et qui se trouveraient de cette manière
notablement amplifiés. Cet appareil pourrait même être d'un usage
utile à M. Palmieri pour ses études à l'observatoire du Vésuve.

Comme on devait s'y attendre, des réclamations de priorité devaient
être la conséquence de la grande faveur qui a accueilli l'invention de
M. Hughes, et même en dehors de la réclamation de M. Edison sur
laquelle nous avons exprimé notre opinion[26], nous en trouvons
plusieurs autres qui montrent que, si quelques effets du microphone
ont été découverts à différentes époques avant M. Hughes, on n'y avait
prêté qu'une très-médiocre attention puisqu'ils n'ont même pas été
publiés. De ce nombre sont celles de M. Wentwork Lacelles-Scott
enregistrées dans l'_Electrician_ du 25 mai 1878, et celle de M.
Weyher présentée à la Société de Physique de Paris au mois de juin
dernier; mais elles n'ont guère d'importance, attendu que les dates
auxquelles remontent les expériences de ces savants sont encore
postérieures à celles des premières expériences de M. Hughes;
celles-ci datent, en effet, du commencement de décembre 1877, et ont
même été montrées en janvier 1878 aux fonctionnaires de la _Submarine
Telegraph Company_, ainsi que le publie M. Preece dans une lettre
adressée aux différents savants.

         [Note 26: Nous reproduisons ci-dessous une lettre que sir
         William Thomson a publiée au sujet de cette discussion:

         «Monsieur,

         «Au plaisir que le public a éprouvé en prenant connaissance
         de ces magnifiques découvertes qui, sous le nom de téléphone,
         de microphone et de phonographe, ont tant étonné le monde
         savant, est venu se mêler dernièrement, très-inutilement,
         j'ai besoin de le dire, un des incidents les plus
         regrettables qui puissent se produire. Il s'agit d'une
         réclamation de priorité accompagnée d'accusation de mauvaise
         foi, qui a été lancée par M. Edison contre une personne dont
         le nom et la réputation sont depuis longtemps respectés dans
         l'opinion publique.

         «Avant de faire intervenir le public dans une semblable
         affaire, M. Edison aurait dû évidemment discuter sa
         réclamation avec M. Preece qui était, depuis l'origine de
         toutes ses inventions, en correspondance avec lui; ou bien
         encore, il aurait pu, en s'adressant directement aux journaux
         publics, établir sa réclamation, en montrant avec calme la
         grande similitude qui pouvait exister entre son téléphone à
         charbon et le microphone de M. Hughes qui l'avait suivi. Le
         monde scientifique aurait alors pu juger le débat avec calme,
         il aurait pu s'y intéresser et examiner sainement ce qu'il
         pouvait y avoir de commun entre les deux inventions. Mais,
         par son attaque violente dans les journaux contre MM. Preece
         et Hughes, et en les accusant de _piraterie_, de _plagiat_ et
         d'_abus de confiance_, il a ôté tout crédit à sa réclamation
         aux yeux des personnes compétentes. Rien d'ailleurs n'était
         moins fondé que ces accusations. M. Preece fit lui-même la
         description détaillée du téléphone à charbon de M. Edison à
         la réunion de l'Association britannique qui eut lieu à
         Plymouth, en août dernier; il en fit ressortir le mérite, et
         les journaux publics en rendirent compte d'après sa
         communication. Les magnifiques résultats présentés, au
         commencement de l'année, par M. Hughes avec son microphone,
         ont été décrits par lui-même sous une forme telle, qu'il est
         impossible de mettre en doute qu'il n'ait travaillé sur son
         propre fonds et en dehors de toutes les recherches de M.
         Edison qu'il n'avait pas le plus petit intérêt à
         s'approprier.

         «Il est vrai que le principe physique appliqué par M. Edison
         dans son téléphone à charbon et par M. Hughes dans son
         microphone est le même; mais il est également le même que
         celui employé par M. Clérac, fonctionnaire de
         l'administration des lignes télégraphiques françaises, dans
         son tube à résistance variable qu'il avait donné à M. Hughes
         et à d'autres en 1866 pour des usages pratiques importants,
         appareil qui, du reste dérive entièrement de ce fait signalé
         il y a longtemps par M. du Moncel, que _l'augmentation de
         pression entre deux conducteurs en contact produit une
         diminution dans leur résistance électrique_.»]

Avant de terminer avec le microphone, je crois devoir rappeler ici
deux expériences intéressantes de M. Hughes, qui tout en montrant que
l'attraction magnétique n'entre pour rien dans la reproduction de la
parole, prouve que les effets électro-magnétiques peuvent se combiner
aux effets microphoniques.

1º Si une armature de fer doux est appliquée sur les pôles d'un
électro-aimant à deux branches solidement fixé sur une planche, et
qu'on interpose entre cette armature et les pôles magnétiques des
morceaux de papier afin d'éviter les effets de magnétisme condensé, on
peut, en reliant cet électro-aimant à un microphone parleur du modèle
de la fig. 39, entendre sur la planche servant de support à
l'électro-aimant les mots prononcés dans le parleur.

2º Si on oppose par leurs pôles de noms contraires deux
électro-aimants mis en rapport avec un microphone, en ayant soin de
séparer ces pôles par des morceaux de papier, on obtiendra clairement
la reproduction de la parole, sans qu'il y ait besoin d'armature ni de
diaphragme. Ces deux faits peuvent encore être opposés à la théorie
soutenue par M. Navez.

3º Si au lieu de faire passer le courant actionné par un microphone à
travers l'hélice d'un téléphone servant de récepteur, on lui fait
traverser directement le barreau aimanté de ce téléphone dans le sens
de son axe, c'est-à-dire d'un pôle à l'autre, on peut entendre
distinctement les paroles prononcées dans le microphone. Cette
expérience, qui est de M. Paul Roy, indiquerait, si elle est exacte,
que les ondulations électriques qui parcoureraient longitudinalement
un aimant, en modifieraient l'intensité magnétique. Cette expérience
est toutefois à vérifier.




EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.


Les obstacles qu'on rencontre dans les transmissions téléphoniques
proviennent de trois causes; 1º de l'affaiblissement des sons par
suite des pertes de courant sur les lignes, pertes beaucoup plus
grandes avec les courants d'induction qu'avec les courants de pile; 2º
des mélanges produits par les dérivations des courants voisins; 3º de
l'induction des fils les uns sur les autres. Cette dernière influence
est beaucoup plus grande qu'on ne se le figure ordinairement. Placez
côte à côte deux fils parfaitement isolés, l'un en correspondance avec
un circuit de sonnerie trembleuse, l'autre avec un circuit de
téléphone: ce dernier répétera les bruits de la sonnerie avec une
intensité souvent assez grande pour fournir lui-même un appel sans
qu'on ait l'appareil à l'oreille. MM. Pollard et Garnier, dans leurs
intéressantes expériences avec les courants induits de la bobine de
Ruhmkorff, ont reconnu qu'on pouvait obtenir de cette manière,
non-seulement les sons en rapport avec les courants induits résultant
de l'action du courant traversant l'hélice primaire, mais encore ceux
qui résultent de l'action des courants secondaires sur d'autres
hélices et qu'on a désignés sous le nom de courants de second ordre.
Ce sont ces différentes réactions qui font que les transmissions
téléphoniques faites sur les lignes télégraphiques se trouvent souvent
troublées par des bruits insolites qui viennent des transmissions
électriques sur les fils voisins; mais elles paraissent subir ces
influences sans s'éteindre, et il arrive que l'on peut entendre à la
fois une conversation parlée en langage ordinaire et une dépêche
transmise dans le langage Morse.

À l'école d'artillerie de Clermont, on a établi à titre d'expériences
une communication téléphonique entre cette école et le champ de tir
qui est à une distance de 14 kilomètres. Une autre communication du
même genre est établie entre l'Observatoire de Clermont et celui du
Puy-de-Dôme à 15 kilomètres de distance. Ces deux lignes sont portées
par les mêmes poteaux sur un parcours de 10 kilomètres, et dans ce
trajet sur ces poteaux, se trouve un fil télégraphique ordinaire;
enfin dans cet espace, les poteaux pendant 300 mètres portent aussi
sept autres fils télégraphiques. Les deux fils téléphoniques sont
d'ailleurs éloignés de 0m,85 l'un de l'autre. Dans ces conditions on a
constaté:

1º Que le téléphone de l'école lit très-bien, par le son, les dépêches
Morse qui passent dans le télégraphe sur les deux fils qui
l'avoisinent, mais que le tic-tac de l'appareil ne gêne en rien le
passage ni l'audition de la communication verbale du téléphone;

2º Que les deux lignes téléphoniques voisines, quoique ne se touchant
pas, et sans communication entre elles, mélangent cependant leurs
dépêches, et il est arrivé qu'on a pu entendre à l'école par le fil
venant du champ de tir, des dépêches du Puy-de-Dôme, et qu'on a pu y
répondre, sans que nulle part la distance entre les fils des deux
lignes fut moindre que 85 centimètres.

On a pu remédier un peu à ces inconvénients en interposant dans le
circuit de fortes résistances, ou en établissant des dérivations à la
terre à une certaine distance des postes téléphoniques.

Suivant M. Izarn, professeur de physique au lycée de Clermont, les
courants électriques téléphoniques pourraient très-bien se dériver par
la terre, surtout quand ils rencontreraient sur leur passage des
conducteurs métalliques comme des conduites d'eau ou de gaz. Voici ce
qu'il dit dans une note adressée à l'académie des sciences le 13 mai
1878. «J'ai installé au lycée de Clermont un téléphone sur un fil
unique d'une cinquantaine de mètres, qui, traversant la grande cour
du lycée, va du laboratoire de physique où il s'accroche à un bec de
gaz, à une pièce placée près de la loge du concierge où il s'accroche
à un autre bec de gaz. En appliquant l'oreille au téléphone, j'entends
très-nettement les signaux télégraphiques Morse ou autres qui
proviennent soit du bureau télégraphique de Clermont, soit du bureau
téléphonique fonctionnant entre l'école d'artillerie de Clermont et le
polygone de tir, établi à 14 kilomètres de la ville au pied du
Puy-de-Dôme. J'entends même des paroles et surtout des commandements
militaires émis dans le téléphone du polygone et destinés à être
entendus à l'école. Or mon fil est absolument indépendant de ceux où
circulent ces signaux; il en est même très-éloigné; mais comme les
prises de terre du bureau télégraphique et de l'école d'artillerie se
font à une petite distance des tuyaux de gaz, il n'est pas douteux que
le phénomène ne soit dû à une dérivation du courant produite à travers
mon fil par l'intermédiaire du sol et du réseau métallique des
tuyaux.»

Cette remarque avait été déjà faite par M. Preece dans sa notice: _Sur
quelques points physiques en rapport avec le téléphone._ D'un autre
côté, nous lisons dans le _Telegraphic journal_ du 15 juin 1878, que
dans un concert téléphonique, transmis de Buffalo à New-York, les
chanteurs de Buffalo ont été entendus dans un bureau particulier placé
en dehors du circuit télégraphique sur lequel s'opérait la
transmission. Après informations, on reconnut que le fil à travers
lequel la transmission téléphonique s'effectuait dans ce bureau, se
rapprochait en un point de son parcours de celui qui transmettait
directement les sons musicaux; mais la distance entre les deux fils
n'était pas moindre de dix pieds.

Avec les circuits entièrement métalliques, les effets des mélanges
sont beaucoup moins à craindre, et suivant M. Zetzche, on n'entend que
très-peu et seulement par instants, les sons provenant d'autres fils;
on entend donc beaucoup mieux et plus aisément avec cette disposition
qu'avec la disposition ordinaire. «Ce ne sont pas d'ailleurs, dit-il,
les résistances des fils, mais bien plutôt les dérivations de courant
près des poteaux qui présentent des obstacles pour les correspondances
téléphoniques échangées sur de longues lignes aériennes. J'ai pu en
avoir la preuve dans les expériences suivantes: Ayant relié la ligne
télégraphique de Dresde à Chemnitz à l'une des lignes de Chemnitz à
Leipzig (87 kil.), ce qui fournissait un circuit de 167 kilomètres
communiquant à la terre à ses deux extrémités, Dresde et Leipzig n'ont
pu s'entretenir, tandis que Dresde et Chemnitz le pouvaient très-bien
malgré la plus grande étendue de la ligne. Ayant fait supprimer la
communication à la terre, d'abord à Leipzig, puis à Leipzig et à
Dresde simultanément, j'ai constaté les effets suivants: Avec
l'isolation effectuée à Leipzig seulement, les stations de Dresde, de
Riesa, Wurzen purent bien s'entendre au moyen du téléphone; mais avec
l'isolation de la ligne aux deux extrémités, les deux dernières
stations communiquèrent bien entre elles, mais la station
intermédiaire fit remarquer qu'elle entendait mieux les mots prononcés
à Wurzen que l'on n'entendait à Wurzen les paroles dites à Riesa.
Dans les deux cas, le téléphone reproduisait distinctement les
signaux télégraphiques émis sur les fils parallèles à celui de la
ligne d'essai. Or, comme Wurzen, n'est qu'à 26,6 kilomètres de
Leipzig, tandis que Riesa se trouve à une distance de 49 kilomètres de
Dresde, et qu'il y a, par conséquent, sur ce dernier parcours à peu
près une fois autant de poteaux offrant aux courants des dérivations à
la terre, j'ai cru pouvoir en conclure que c'était par les dérivations
qu'on pouvait expliquer la possibilité de correspondre sur une ligne
isolée et la perception plus distincte des sons à la station de Riesa,
laquelle provenait de la plus grande intensité de courant restant
encore sur la ligne.»

Il est aussi certaines vibrations résultant de l'action des courants
d'air sur les fils télégraphiques et qui leur font émettre ces
bourdonnements bien connus sur certaines lignes, qui peuvent encore
réagir sur le téléphone; mais elles sont alors le plus souvent
propagées mécaniquement, et on peut les distinguer des autres, quand
les sons qui en résultent sont entendus après qu'on a exclu le
téléphone du circuit par une fermeture à court circuit, et après avoir
supprimé la communication à la terre établie en arrière du téléphone.

Les réactions d'induction exercées par les fils de ligne les uns sur
les autres ne sont pas les seules qui puissent être accusées sur un
circuit téléphonique: toute manifestation électrique produite dans le
voisinage d'un téléphone peut déterminer des sons plus ou moins forts.
Nous en avons déjà eu la preuve dans les expériences de M. d'Arsonval,
et voici quelques expériences de M. Demoget qui le démontrent de la
manière la plus notoire. En effet si devant l'un des téléphones d'un
circuit téléphonique, on place un petit électro-aimant droit muni d'un
trembleur, et que, pour écarter l'influence du son produit par le
trembleur, on enlève la lame vibrante du téléphone, on entend
parfaitement sur le second téléphone du circuit le bourdonnement du
trembleur, qui atteint son maximum quand les deux extrémités de
l'électro-aimant sont le plus rapprochées possible du téléphone sans
diaphragme, et son minimum quand cet électro-aimant lui est présenté
suivant sa ligne neutre. D'après M. Demoget, l'action exercée dans
cette circonstance pourrait être considérée comme celle d'un aimant
exerçant deux actions inductrices opposées et symétriques, dont le
champ serait limité par un double paraboloïde, ayant pour grand axe,
dans ses expériences, 0m,55 de longueur au delà du noyau magnétique,
et pour grand diamètre perpendiculaire, 60 centimètres. Il croit que
par ce moyen on pourrait aisément télégraphier dans le système Morse,
et qu'il suffirait pour cela d'adapter une clef à l'électro-aimant
inducteur.

Pour surmonter les difficultés que présentent les réactions
d'induction des fils les uns sur les autres dans les transmissions
téléphoniques, M. Preece indique trois moyens:

1º Augmenter l'intensité des courants transmis de manière à les faire
prédominer notablement sur les courants induits, et réduire la
sensibilité du téléphone de réception;

2º Mettre le fil téléphonique à l'abri de l'induction.

3º Neutraliser les effets d'induction.

Le premier moyen peut être réalisé par le système à pile d'Edison, et
nous avons vu qu'il a fourni des résultats avantageux.

Pour mettre à exécution le second moyen, M. Preece considère qu'il y a
lieu de se préoccuper des deux sortes d'inductions qui se développent
sur les lignes télégraphiques: de l'induction électro-statique,
analogue à celle qui se produit sur les câbles immergés, et en second
lieu de l'induction électro-dynamique résultant de l'électricité en
mouvement. Dans le premier cas, M. Preece propose d'interposer entre
le fil téléphonique et les autres fils, un corps conducteur en
communication avec la terre, et susceptible de former écran à
l'induction en absorbant lui-même les effets électro-statiques
produits. Ce problème pourrait être résolu, suivant lui, en entourant
les fils télégraphiques avoisinant le fil téléphonique, d'une
enveloppe métallique, ou en les immergeant dans l'eau. «Bien que par
ce dernier moyen, dit-il, on n'élimine pas complétement les effets
d'induction statique, en raison de la mauvaise conductibilité de ce
corps, on peut les réduire considérablement, ainsi que mes expériences
entre Dublin, Holyhead, Manchester et Liverpool l'ont démontré.» Dans
le second cas, M. Preece admet qu'une enveloppe de fer est susceptible
de paralyser les effets électro-dynamiques déterminés, en les
absorbant; de sorte qu'en employant des fils isolés recouverts d'une
garniture de fer mise en communication avec le sol, on annulerait les
deux réactions d'induction. Nous ne suivrons pas M. Preece dans la
théorie qu'il donne de ces effets, théorie qui nous paraît tout au
moins discutable, et nous nous contenterons de l'indication du moyen
d'atténuation qu'il propose.

Pour mettre à exécution le troisième moyen, on pourrait croire qu'il
suffirait de supprimer les communications avec la terre et d'employer
un fil de retour, car dans ces conditions, les courants d'induction
déterminés sur l'un des fils devraient se trouver neutralisés par ceux
qui résulteraient de la même induction sur le second fil, et qui se
trouveraient alors agir dans un sens opposé; mais ce moyen ne peut
être efficace qu'autant que la distance entre les deux fils
téléphoniques est très-petite et que leur éloignement des autres fils
est considérable. Quand il n'en est pas ainsi et qu'ils se trouvent
tous très-rapprochés, comme cela a lieu dans les câbles sous-marins ou
souterrains à plusieurs fils, ce moyen est tout à fait insuffisant. En
prenant comme ligne aérienne un petit câble renfermant deux
conducteurs isolés avec de la gutta-percha, on peut obtenir de
très-bons résultats.

L'emploi de deux conducteurs a encore l'avantage d'éviter les
inconvénients des dérivations sur la ligne et à travers le sol qui,
quand les communications à la terre ne sont pas parfaites, permettent
au courant d'une ligne de passer plus ou moins facilement à travers la
ligne téléphonique.

En outre des causes de perturbation que nous venons d'énumérer, il en
est d'autres qui sont également très-appréciables dans les
transmissions téléphoniques, et, parmi elles, nous devrons citer les
courants accidentels qui se produisent constamment sur les lignes
télégraphiques. Ces courants peuvent provenir de bien des causes,
tantôt de l'électricité atmosphérique, tantôt du magnétisme terrestre,
tantôt d'effets thermo-électriques produits sur les lignes, tantôt de
réactions hydro-électriques déterminées sur les fils et les plaques de
communication avec le sol. Ces courants sont toujours très-instables,
et ils doivent, par conséquent, en réagissant sur les courants
transmis, les altérer plus ou moins et déterminer par cela même des
sons sur le téléphone. Suivant M. Preece, le bruit provenant des
courants telluriques se rapproche un peu de celui d'une cascade. Les
décharges d'électricité atmosphérique, même quand l'orage est éloigné,
déterminent un son plus ou moins sec suivant la nature de la décharge.
Quand elle est diffuse et qu'elle éclate à peu de distance, le bruit
produit ressemble, d'après le docteur Channing de La Providence, à
celui que produit une goutte de métal en fusion quand elle tombe dans
de l'eau, ou bien encore à celui d'une fusée volante tirée à distance;
dans ce cas, il paraîtrait que le son serait perçu avant l'apparition
de l'éclair, ce qui démontre bien que les décharges électriques
atmosphériques ne se produisent qu'à la suite d'un mouvement
électrique déterminé dans l'air. «Quelquefois, dit M. Preece, on
entend un son lamentable, un son que l'on a comparé au cri d'un oiseau
naissant, et qui doit provenir des courants induits que le magnétisme
terrestre doit déterminer dans les fils télégraphiques quand ils sont
mis en mouvement vibratoire par les courants d'air.»

Dernièrement M. Gressier, dans une communication faite à l'Académie
des sciences le 6 mai 1878, a mentionné quelques-uns de ces bruits,
mais il s'est tout à fait trompé sur l'origine qu'il leur a supposée.

«Indépendamment du grésillement dû aux appareils télégraphiques mis en
action sur les lignes voisines, dit-il, il se produit dans le
téléphone un bruissement très-confus, un froissement assez intense
parfois pour faire croire que la plaque vibrante va se déchirer. C'est
plutôt le soir que le jour qu'on entend ce bruissement qui devient
même insupportable et empêche de se comprendre au téléphone, alors
qu'on n'est plus troublé par le travail des bureaux. On entend ce
bruit quand on ne fait usage que d'un seul téléphone. Un bon
galvanomètre interposé dans le circuit a montré la présence de
courants assez sensibles, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre.»

Ces courants que j'ai étudiés pendant longtemps avec le galvanomètre
et qui ont été l'objet de quatre mémoires présentés par moi à
l'académie des sciences en 1872, n'ont généralement aucun rapport avec
l'électricité atmosphérique, comme le croit M. Gressier, et
proviennent soit d'actions thermo-électriques, soit d'actions
hydro-électriques. Ils se manifestent toujours et en tous temps sur
les lignes télégraphiques, qu'elles soient isolées à l'une de leurs
extrémités ou en contact avec la terre par les deux bouts. Dans le
premier cas, les électrodes polaires du couple sont constituées par le
fil télégraphique et la plaque de terre, ordinairement de la même
nature, et le milieu conducteur intermédiaire est représenté par les
poteaux souteneurs du fil et le sol qui complètent le circuit. Dans le
second cas, le couple est constitué à peu près de la même manière,
mais la différence de composition chimique des terrains aux deux
points où les plaques de terre sont enterrées, et souvent leur
différence de température, exercent un effet prédominant. Si l'on ne
considère que le premier cas, il arrive le plus souvent, par les beaux
jours de l'été, que les courants produits pendant la journée sont
inverses de ceux qui sont produits pendant la nuit, et varient avec la
température ambiante dans l'un et l'autre sens. La présence ou
l'absence du soleil, le passage des nuages, les courants d'air,
entraînent même des variations très-brusques et très-caractérisées que
l'on peut suivre facilement sur le galvanomètre et qui engendrent des
sons plus ou moins accentués dans le téléphone.

Pendant le jour, ces courants sont dirigés de la ligne télégraphique à
la plaque de terre, parce que le fil est plus échauffé que la plaque,
et _ces courants sont alors thermo-électriques_. Pendant la nuit, le
contraire a lieu parce que le serein, en tombant, provoque sur le fil
un refroidissement et y détermine une oxydation plus grande que celle
qui est effectuée sur la plaque de terre, et _les courants sont alors
surtout hydro-électriques_.

J'ai insisté un peu sur ces courants parce que, par suite d'une fausse
interprétation de leur origine, on a cru que le téléphone pourrait
servir à l'étude des variations de l'électricité atmosphérique
répandue normalement dans l'air; or, cette application du téléphone
serait dans ces conditions, non-seulement inutile, mais encore
pourrait égarer les observateurs en leur faisant faire des recherches
sur des phénomènes très-compliqués, dont l'étude ne conduirait à rien
de plus que ce que j'ai dit dans mes différents mémoires sur cette
question.

Il est aussi certaines actions locales qui peuvent déterminer des sons
sur le téléphone. Ainsi la distension du diaphragme sous l'influence
de la chaleur humide de la respiration, quand on porte l'appareil
devant la bouche pour parler, détermine un bruissement qui est facile
à percevoir.

En raison des réactions électro-statiques si énergiques déterminées
sur les câbles sous-marins par suite des transmissions électriques, on
pouvait craindre que l'on ne pût correspondre facilement à travers ces
sortes de conducteurs au moyen du téléphone, et pour s'en assurer, on
fit une expérience entre Guernesey et Darmouth à travers un câble de
soixante milles de longueur. On reconnut avec surprise et satisfaction
que les articulations de la parole étaient parfaitement effectuées,
seulement un peu voilées. D'autres expériences entreprises par MM.
Preece et Willmot sur un câble sous-marin artificiel placé dans des
conditions analogues à celui des États-Unis, démontrèrent que sur une
longueur de cent milles, on pouvait facilement entretenir une
correspondance téléphonique, bien que les effets d'induction fussent
manifestes. Sur une longueur de cent cinquante milles, il devint assez
difficile de s'entendre, et les sons étaient considérablement
affaiblis; il semblait qu'on parlait à travers une épaisse cloison.
Les sons diminuèrent rapidement jusqu'à deux cents milles, et à partir
de là, la parole devint complétement indistincte, quoique le chant pût
être encore perçu. On put même l'entendre sur toute la longueur du
câble, c'est-à-dire sur une longueur de trois mille milles; mais cela
tenait, suivant M. Preece, à l'induction du condensateur sur lui-même;
néanmoins M. Preece croit que le chant peut être entendu à une bien
plus grande distance que la parole, en raison de la plus grande
régularité dans la succession des ondes électriques.

«J'ai expérimenté aussi, dit M. Preece, des câbles souterrains entre
Manchester et Liverpool sur une longueur de trente milles, et je n'ai
rencontré aucune difficulté dans la correspondance que j'ai échangée;
il en a été de même sur le câble de Dublin à Holyhead ayant
soixante-sept milles de longueur. Celui-ci avait 7 fils conducteurs,
et quand le téléphone était réuni à l'un des fils, on pouvait entendre
la répétition des sons à travers tous les autres, mais à un degré plus
faible. Quand les fils fonctionnaient avec les courants des appareils
télégraphiques, l'induction était manifeste, mais elle ne suffisait
pas pour empêcher les communications téléphoniques.»




INSTALLATION D'UN POSTE-TÉLÉPHONIQUE.


Bien que le système télégraphique par le téléphone soit très-simple,
il exige pourtant, pour le service qu'on peut demander à cet
instrument, certaines dispositions accessoires qui sont
indispensables. Ainsi, par exemple, il est nécessaire que l'on soit
appelé au moyen d'un appareil d'alarme pour qu'on puisse savoir quand
l'échange des correspondances doit avoir lieu, et il faut également
que l'on soit prévenu si l'appel a été entendu. Une sonnerie
électrique est donc le complément indispensable du téléphone, et comme
le même circuit peut être employé pour les deux systèmes d'appareils à
la condition de se servir d'un commutateur, on dut, pour conserver au
système sa simplicité de manipulation qui en faisait le principal
mérite, rechercher un moyen de faire réagir ce commutateur
automatiquement et, pour ainsi dire, à l'insu de ceux appelés à faire
usage de l'appareil.


=Système de MM. Pollard et Garnier.=--Dès le mois de mars dernier, MM.
Pollard et Garnier avaient imaginé dans ce but un dispositif qui leur
a parfaitement réussi et qui utilisait le poids de l'instrument comme
moyen d'action sur le commutateur.

À cet effet, ils suspendaient l'instrument à l'extrémité d'une lame de
ressort fixée entre les deux contacts du commutateur. Le fil du
circuit correspondait à cette lame, et les deux contacts
correspondaient l'un avec le téléphone, l'autre avec la sonnerie.
Quand le téléphone pendait au-dessous du ressort-support, c'est-à-dire
quand il n'était pas mis en action, son poids faisait abaisser la lame
de ressort sur le contact inférieur, et la communication de la ligne
avec la sonnerie était établie; quand, au contraire, le téléphone
était soulevé pour s'en servir, la lame de ressort venait toucher le
contact supérieur, et la communication était établie entre la ligne et
le téléphone. Pour faire fonctionner la sonnerie, il ne s'agissait
donc que d'établir sur le fil de liaison de la ligne avec le contact
de sonnerie du commutateur, un interrupteur de courant à la fois
conjoncteur et disjoncteur, mis en rapport d'un côté avec le contact
de sonnerie, de l'autre avec la pile de cette sonnerie. Un simple
bouton de sonnerie électrique ordinaire pouvait suffire pour cela en y
adaptant un second contact; mais MM. Pollard et Garnier ont préféré
que cette action se fît aussi automatiquement, et ils ont en
conséquence combiné le dispositif que nous représentons fig. 47.

Dans ce système, comme du reste dans ceux qui ont été combinés depuis,
on met à contribution deux téléphones: l'un que l'on applique
constamment contre l'oreille, l'autre que l'on tient devant la bouche
pour être en mesure de parler tout en écoutant. Ces téléphones sont
soutenus par trois fils dont deux contiennent des conducteurs
souples; le troisième ne joue d'autre rôle que celui de soutien.

Des quatre fils des deux téléphones, deux sont réunis l'un à l'autre,
et les deux autres sont reliés à deux boutons d'attache du commutateur
_t_, _t'_; les cordons sans conducteurs sont suspendus aux extrémités
des deux lames flexibles _l_, _l'_ qui correspondent à la terre et à
la ligne.

Au repos, le poids des téléphones fait appuyer les deux lames _l_,
_l'_ sur les contacts inférieurs S, S'; mais lorsqu'on prend à la main
ces appareils, ces lames appuient contre les contacts supérieurs.

Les deux fils de la sonnerie aboutissent aux contacts inférieurs, ceux
des téléphones aux contacts supérieurs, et les pôles de la pile sont
reliés, l'un au contact inférieur de gauche S', l'autre au contact
supérieur de droite T.

Au repos, le système est sur sonnerie, et le courant envoyé de la
station opposée, suivrait le circuit L_l_SS'S'_l'_T'; on pourrait donc
être appelé; mais si on prend les deux téléphones à la main, le
circuit est coupé à travers la sonnerie et établi à travers les
téléphones; de sorte que le courant suit le trajet L_l_T_tt'_T'_l'_T.
Si on ne soulève qu'un téléphone à la fois, le courant est envoyé à la
sonnerie du poste opposé, et suit la route +P_t_LT_tl'_S'P-. On fait
donc ainsi, sans s'en douter, les trois manoeuvres nécessaires pour
appeler, correspondre et mettre l'appareil en position de fournir un
appel.


=Système de MM. Bréguet et Roosevelt.=--Dans le système établi par la
compagnie Bell à Paris, le dispositif est à peu près semblable au
précédent, seulement il n'y a qu'un commutateur à ressort, et c'est
avec un bouton de sonnerie ordinaire qu'on provoque les appels. Sur
une planchette d'acajou suspendue à la muraille, sont disposées
d'abord une sonnerie trembleuse ordinaire au-dessous de laquelle est
fixé un bouton transmetteur, et en second lieu deux fourches servant
de support aux deux téléphones et dont une est adaptée à la bascule
d'un commutateur disposé comme une clef de Morse. Les deux téléphones
sont reliés, par deux fils conducteurs disposés de manière à être
extensibles, à quatre boutons d'attache dont deux sont reliés
directement l'un à l'autre et les deux autres à la ligne, à la terre
et à la pile par l'intermédiaire du commutateur, du bouton
transmetteur et de la sonnerie. La figure 48 montre ce dispositif.

Le commutateur A se compose d'une bascule métallique ac portant
au-dessus de son point d'articulation, la fourche de suspension F' de
l'un des téléphones; elle se termine par deux taquets _a_ et _c_
au-dessous desquels sont fixés les deux contacts du commutateur, et un
ressort presse le bras inférieur de la bascule de manière à faire
appuyer constamment l'autre bras contre le contact supérieur. Pour
plus de sûreté, une languette d'acier _ab_ adaptée à l'extrémité
inférieure de la bascule, frotte contre une colonnette _b_ munie de
deux contacts isolés qui correspondent à ceux de la planchette. La
bascule est en communication avec le fil de ligne par l'intermédiaire
du bouton d'appel, et les deux contacts dont nous venons de parler,
correspondent l'un, le supérieur, avec l'un des fils des téléphones
qui sont intercalés dans le même circuit, l'autre avec la sonnerie S,
qui elle-même communique à la terre. Il résulte de cette disposition,
que quand le téléphone de droite appuie de tout son poids sur son
support, la bascule du commutateur est inclinée sur le contact
inférieur, et, par conséquent, la ligne est mise directement en
rapport avec la sonnerie, ce qui permet d'appeler la station. Quand,
au contraire, le téléphone est enlevé de son support, la bascule est
sur le contact supérieur, et les téléphones sont reliés à la ligne.

Pour appeler la station en correspondance, il suffit d'appuyer sur le
bouton transmetteur; alors la liaison de la ligne avec les téléphones
est brisée et établie avec la pile du poste, laquelle envoie un
courant à travers la sonnerie du poste correspondant. Pour obtenir ce
double effet, le ressort de contact du bouton transmetteur appuie en
temps ordinaire contre un contact adapté à une équerre qui l'enveloppe
par sa partie antérieure, et, au-dessous de ce ressort, se trouve un
second contact qui communique avec le pôle positif de la pile du
poste. L'autre contact correspond au fil de ligne, et une liaison est
établie entre le fil de terre et le pôle négatif de la pile du poste,
ce qui fait que ce fil de terre est commun à trois circuits:

  1º Au circuit des téléphones;
  2º Au circuit de la sonnerie;
  3º Au circuit de la pile locale.

La seconde fourche qui sert de support au téléphone de droite est
fixée sur la planchette et n'a aucun rôle électrique à remplir.

Il est facile de comprendre que ce dispositif peut être varié de
mille façons différentes, mais nous nous bornerons au modèle que nous
venons de décrire qui est le plus pratique.


=Système de M. Edison.=--Avec les téléphones à pile, le problème est
plus complexe, à cause de l'emploi d'une pile qui doit être commune à
deux systèmes d'appareils, et de la bobine d'induction qui doit être
intercalée dans deux circuits distincts. La figure 49 représente le
modèle qui a été adopté pour le téléphone de M. Edison. Dans ce
dispositif, la planchette d'acajou porte au milieu une petite étagère
C pour y poser les deux téléphones par leur partie plate. La sonnerie
S est mise en action par un parleur électro-magnétique P qui peut
servir, par l'adjonction d'une clef Morse M au système, à l'échange
d'une correspondance en langage Morse, si les téléphones faisaient
défaut, ou pour l'organisation de ces téléphones eux-mêmes.

Au-dessous de ce parleur, est disposé un commutateur à bouchon D pour
mettre la ligne en transmission ou en réception, avec ou sans
sonnerie, et enfin au-dessous de la planchette étagère C, est
disposée, dans une petite boîte fermée E, la bobine d'induction
destinée à transformer les courants voltaïques en courants induits.

Quand le commutateur est placé sur réception, la ligne correspond
directement soit au parleur, soit au téléphone récepteur, suivant le
trou dans lequel le bouchon est introduit; quand, au contraire, il est
placé sur transmission, la ligne correspond au circuit secondaire de
la bobine d'induction. Dans ces conditions, la manoeuvre ne peut plus
être automatique; mais comme ce genre de téléphone ne peut être
appliqué avec avantage que pour la télégraphie et que ce sont alors
des personnes habituées aux appareils électriques qui en font usage,
cette complication ne peut présenter d'inconvénients.




SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.


Les sonneries d'appel appliquées aux services téléphoniques ont été
combinées de diverses manières. Quand on emploie les sonneries
trembleuses, comme dans les cas dont il a été question précédemment,
il devient nécessaire d'employer une pile, et le grand avantage que
présente le téléphone à courants induits se trouve ainsi notablement
amoindri. On a donc cherché à se passer de pile et on a imaginé
d'employer des sonneries magnéto-électriques.

Ce sont généralement deux timbres entre lesquels oscille un marteau,
dont le support est constitué par l'armature polarisée d'un
électro-aimant. Au-dessous de ce système, est disposé l'appareil
magnéto-électrique qui, étant tourné à l'aide d'une manivelle, envoie
les courants alternativement renversés, nécessaires pour communiquer
au marteau un mouvement vibratoire, et ce mouvement est suffisant pour
faire carillonner les deux timbres. Au-dessous de la manivelle de ce
système magnéto-électrique, se trouve un commutateur à deux contacts
qui dispose l'appareil pour la réception ou la transmission.

Dans un autre système imaginé en Allemagne, on utilise le téléphone
lui-même pour l'avertissement, et voici comment.

À l'état de repos, le téléphone transmetteur est remplacé par un
système semblable qui est terminé par un cornet allongé en forme de
porte-voix. Au poste opposé se trouve un timbre en acier de 12
centimètres environ de diamètre, qui peut être frappé aisément par un
marteau en bois dur monté sur un ressort. Perpendiculairement à la
direction du choc et un peu au-dessous du timbre, est placé, en face
de son ouverture, un barreau aimanté qui est en communication avec la
ligne téléphonique par des bobines d'induction. Lorsque le timbre
frappé par le marteau entre en vibration en rendant un son strident,
le barreau aimanté est influencé, et transmet à l'autre station ce son
qui a une intensité beaucoup plus grande que la voix humaine, et le
pavillon du porte-voix concentrant les vibrations aériennes
résultantes, fait entendre ce son dans toute l'étendue de
l'appartement où est l'expérimentateur; on est ainsi dispensé de
l'emploi de la sonnerie électrique et de sa pile qui sont étrangères
au téléphone.

La Compagnie du téléphone Bell à Paris a disposé encore un petit
système d'appel, qui est bien suffisant et qui a l'avantage de servir
de téléphone eu même temps. C'est un modèle analogue à celui que nous
avons désigné sous le nom de téléphone à tabatière, et qui possède un
commutateur à bouton au moyen duquel la ligne est mise en rapport avec
le système électro-magnétique de l'appareil, ou avec une pile capable
de faire vibrer assez énergiquement ce genre de téléphone. Quand on
appelle, on presse le bouton, et le courant de la pile est envoyé à
travers l'appareil correspondant qui se met à vibrer sous l'influence
d'un cri que l'on émet, et quand on est prévenu que le signal est
reçu, on abandonne le bouton, ce qui permet de parler et de recevoir
comme avec des téléphones ordinaires.


=Système de M. de Weinhold.=--M. Zetzche parle avec éloge d'un
avertisseur, combiné par le professeur A. de Weinhold qui est, du
reste, analogue à celui de M. Lorenz que nous représentons fig. 50, et
dont l'organe sonore est un timbre d'acier T de 13 à 14 centimètres
de diamètre accordé à environ 420 doubles vibrations par seconde. «Ce
diamètre et cet accordement, dit-il, ne semblent pas sans quelque
importance, et l'on ne peut s'en éloigner beaucoup sans nuire à
l'effet. Le timbre a son orifice tourné en bas, et est fixé par son
milieu sur un support. Ce dernier est traversé par une barre aimantée
recourbée légèrement, pourvue à ses deux extrémités d'appendices en
fer entourés de bobines d'induction N, S. Le barreau aimanté du
téléphone se termine également par un appendice en fer renfermé dans
une bobine. Dans les deux cas, les changements qui se produisent dans
l'état magnétique, paraissent être plus intenses que dans les aimants
dépourvus d'appendices. La barre aimantée est placée à l'intérieur de
la cloche dans le sens d'un de ses diamètres, de sorte que les
appendices en touchent presque la paroi.

«Lors donc que le timbre vient à être frappé à un endroit distant
d'environ 90° de ce diamètre, au moyen d'un battant en bois M, mu par
un ressort et que la main ramène en arrière en tendant le ressort
(comme avec les timbres de table) pour le relâcher ensuite, les
vibrations qui lui sont communiquées envoient des courants dans les
bobines, et ces courants produisent dans la plaque de fer du téléphone
des vibrations identiques, qu'un résonnateur conique adapté au
téléphone renforce suffisamment, pour qu'on puisse encore les entendre
facilement à quelques pas de distance. Pour les usages ordinaires, la
bobine du timbre est fermée à court circuit au moyen d'un ressort
métallique R, et par conséquent, lorsqu'on frappe le timbre, ce
ressort doit être baissé pour faire cesser cette fermeture à court
circuit. Un appareil du même genre a encore été combiné par M. W. E.
Fein à Stuttgart.»


=Système de MM. Dutertre et Gouhault.=--Une des plus jolies solutions
du problème de l'avertissement téléphonique, est celle qu'ont
présentée récemment MM. Dutertre et Gouhault et que nous représentons
fig. 51 et 52, l'appareil étant vu sur ses deux faces opposées. C'est
une sorte de téléphone en tabatière analogue à celui que nous avons
représenté fig. 25 et qui est disposé de manière à transmettre ou à
recevoir l'avertissement, suivant la manière dont il est posé sur son
support, lequel n'est autre qu'une petite console ordinaire pendue à
la muraille. Quand il est posé sur cette console de manière à
présenter extérieurement l'embouchure téléphonique, il est dans la
position de réception, et alors il peut fournir l'appel. Quand, au
contraire, il est renversé sur son support de bas en haut, il fournit
l'appel à l'autre station en déterminant, sous l'influence d'une
pile, les vibrations d'un trembleur, et ces vibrations se trouvent
assez fortement répercutées dans l'appareil en correspondance pour
fournir l'appel. En appuyant alors le doigt sur un petit bouton à
ressort, et en le prenant à la main, on peut s'en servir comme d'un
téléphone ordinaire.

Dans cet appareil, l'aimant NS, fig. 51, est disposé en forme de
limaçon, comme ceux dont il a déjà été question, mais le noyau de fer
doux S sur lequel est adaptée la bobine E peut déterminer à ses deux
extrémités deux effets différents. D'un côté, il réagit sur la lame
vibrante LL de l'appareil téléphonique, comme dans les appareils
ordinaires, de l'autre, il réagit sur une petite armature adaptée à
l'extrémité d'une lame vibrante C, fig. 52, qui, étant tendue contre
un contact fixé au pont B, constitue un trembleur électro-magnétique.
À cet effet, ce pont communique métalliquement avec le fil de la
bobine dont l'autre bout correspond au fil de ligne, et le ressort C
est monté sur une pièce A qui porte en même temps un autre ressort DG
agissant sur deux contacts, l'un situé en G et qui correspond au fil
de terre, l'autre situé en H et qui est réuni au pôle positif de la
pile. Un petit bouton mobile qui dépasse le couvercle de la boîte en
passant à travers un trou, est fixé en G, et toute cette partie de
l'appareil fait face au fond de la boîte. La lame vibrante et son
embouchure constituent la partie supérieure, de sorte que tout les
mécanismes que nous venons de décrire sont montés sur une cloison
intermédiaire entre les deux fonds de la boîte.

Quand cette boîte est appuyée sur son fond, du côté de la fig. 52, le
petit bouton adapté en G appuie sur le ressort DG et en le soulevant
rompt la communication avec la pile; la bobine de l'appareil est alors
simplement réunie au circuit, et elle peut en conséquence recevoir les
courants transmis qui suivent le chemin suivant: le fil de ligne,
bobine E, pont B, ressort C, ressort DG, contact de terre. Si ces
courants sont transmis par un trembleur, ils sont assez forts pour
déterminer un bruit capable d'être entendu de tous les points d'une
pièce, et en conséquence l'avertissement peut être donné de cette
manière. Si ces courants résultent d'une transmission téléphonique, on
place l'appareil à l'oreille en ayant soin de pousser avec le doigt le
bouton en G, et l'échange des correspondances se fait comme avec les
appareils ordinaires; mais il est plus simple d'avoir pour cet usage
un second téléphone intercalé dans le circuit et qui est plus
maniable. Quand la boîte est renversée sur son embouchure, le bouton G
ne pressant plus le ressort DG, le courant de la pile réagit sur le
trembleur de l'appareil et transmet l'appel à la station
correspondante en suivant la route: I D A C B E, ligne, terre et pile,
et cet appel subsiste jusqu'à ce que le correspondant ait coupé le
courant en prenant lui-même son appareil, ce qui prévient l'autre
qu'on est prêt à entendre.


=Système de M. Puluj.=--Voici encore un système avertisseur proposé
par le docteur Puluj. Il se compose de deux téléphones sans
embouchure, reliés entre eux et dont les bobines sont placées en face
des branches de deux diapasons, accordés le plus exactement possible
sur le même ton. Une sonnette en métal est adaptée à la face opposée
de chacun des diapasons, et un fil suspendu à leur portée, est munie
d'une petite boule en contact avec leurs branches. Dès que, à la
station de départ on fait vibrer le diapason en le frappant avec un
marteau de fer recouvert de peau, le diapason de l'autre station se
trouve mis en vibration, et sa boule fait retentir la sonnette. Dès
que la première station a reçu le même signal de la seconde, on adapte
aux téléphones des embouchures à membranes de fer, et l'on entame la
correspondance. On peut, paraît-il, en se servant d'un résonnateur,
renforcer le son parvenu à la station de réception au point de le
rendre perceptible dans une grande salle, et le signal par la sonnerie
peut être entendu dans une pièce attenante, même à travers une porte
fermée.




APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.


Les applications du téléphone sont beaucoup plus nombreuses qu'on
l'aurait pensé à première vue. Au point de vue du service
télégraphique, son usage ne peut être évidemment qu'assez restreint,
puisqu'il ne laisse pas de traces des dépêches transmises, et que sa
vitesse de transmission est moins grande que celle des télégraphes
perfectionnés; mais il est une foule de cas où son emploi peut être
précieux, même comme système télégraphique, car pour le faire
fonctionner il n'est pas besoin d'une éducation télégraphique
spéciale. Le premier venu peut transmettre et recevoir avec le
téléphone, ce qu'on ne pourrait certainement pas faire avec les
appareils télégraphiques, même les plus simples. Aussi ce système
est-il employé maintenant pour le service des établissements publics
et industriels, pour les services des mines, pour les travaux
sous-marins, pour la marine militaire, surtout lorsque plusieurs
vaisseaux marchent de conserve dans les mêmes eaux et à la remorque
les uns des autres, enfin, pour les opérations militaires, soit pour
les transmissions d'ordres à divers corps d'armée, soit pour les
correspondances à échanger dans les écoles de tir. En Amérique, le
service des télégraphes municipaux et des télégraphes privés à
l'intérieur des villes est effectué de cette manière, et il est
probable que ce système sera prochainement adopté en Europe. Déjà en
Allemagne un service de cette nature est établi depuis l'automne
dernier aux bureaux télégraphiques de certaines villes, et le
Post-office de Londres s'occupe en ce moment de l'établir en
Angleterre. Il est à supposer que le réseau municipal de notre
administration française sera un jour ou l'autre desservi ainsi. Mais
indépendamment des services qu'il peut rendre comme appareil de
correspondance, le téléphone peut être d'un grand secours aux services
télégraphiques eux-mêmes en fournissant un moyen des plus simples
d'obtenir un grand nombre de transmissions télégraphiques simultanées
à travers un même fil et même d'être associés en _Duplex_ avec des
télégraphes Morse. Ses applications sous la forme de microphone sont
incalculables, et le proverbe qui dit que _les murs ont des oreilles_
pourra devenir de cette manière matériellement vrai. On est effrayé
des conséquences que pourrait avoir un organe aussi indiscret. MM. les
diplomates devront évidemment redoubler de réserve, et les tendres
confidences ne pourront plus se faire avec le même abandon. Y
gagnera-t-on? nous n'osons le croire, mais en revanche le médecin
pourra vraisemblablement un jour en tirer parti pour étudier avec une
plus grande facilité tout ce qui se passe dans notre corps.




APPLICATION DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.


L'une des plus curieuses et des plus importantes applications du
téléphone est celle qu'on peut en faire aux appareils télégraphiques
pour transmettre simultanément plusieurs dépêches à travers le même
fil, et nous avons vu que c'était cette application qui avait conduit
MM. Gray et Bell à leurs téléphones parlants que nous admirons tant
aujourd'hui, et qui ont fait perdre un peu de vue les conceptions
primitives, bien qu'elles aient peut-être une plus grande importance
pratique. Ce sont de ces systèmes dont nous allons maintenant nous
occuper.

Pour obtenir la transmission simultanée, il n'est pas besoin d'un
téléphone articulant; les téléphones musicaux imaginés par MM.
Pétrina, Elisha Gray, Froment, etc., peuvent parfaitement suffire, et
pour qu'on puisse le comprendre, il me suffira d'en exposer
brièvement le principe: Qu'on imagine aux deux stations en
correspondance sept vibrateurs électro-magnétiques accordés sur les
différentes notes de la gamme et d'après un même diapason, et
admettons qu'une touche analogue à une clef de télégraphe Morse
permette, par son abaissement, de faire réagir électriquement chaque
vibrateur; on comprendra aisément que ces vibrateurs pourront faire
réagir par le même moyen les vibrateurs correspondants de la station
opposée, mais il faudra qu'ils soient accordés sur la même note, et la
durée des sons émis sera en rapport avec la durée de l'abaissement des
touches. On pourra donc, au moyen d'un abaissement court ou prolongé,
obtenir des sons longs et brefs qui pourront constituer les éléments
du langage télégraphique usité dans le système Morse, et, par
conséquent, se prêter à une transmission télégraphique auditive.
Admettons maintenant que, devant chacun des vibrateurs dont nous avons
parlé, soit placé un employé télégraphiste façonné à ce genre de
transmission, et que ces employés transmettent en même temps par ce
moyen des dépêches différentes: le fil télégraphique se trouvera
instantanément traversé par sept courants interrompus et superposés
qui, à la station d'arrivée, sembleraient ne devoir fournir sur tous
les vibrateurs qu'un mélange de bruits confus, mais qui, en raison de
l'accord existant entre les vibrateurs en correspondance,
n'influenceront d'une manière sensible que ceux de ces vibrateurs
auxquels ils sont destinés. La prédominance des sons ainsi reproduits,
pourra d'ailleurs être accentuée davantage en adaptant à chaque
vibrateur un _résonnateur d'Helmholtz_[27], c'est-à-dire un appareil
acoustique susceptible de ne vibrer que sous l'influence d'une seule
note sur laquelle il aura été accordé. Par ce moyen, il deviendra donc
possible de _trier_ les sons transmis et de ne faire arriver aux
oreilles de chaque employé que les sons qui lui sont destinés.
Conséquemment, que les sons soient mêlés ou non sur les vibrateurs
d'arrivée, l'employé du _do_ ne recevra que des _do_, l'employé du
_sol_ ne recevra que des _sol_, etc., de sorte que tous les employés
pourront correspondre entre eux comme s'ils avaient chacun un fil
spécial.

         [Note 27: Le résonnateur d'Helmholtz repose sur ce
         principe qu'un volume d'air contenu dans un vase ouvert émet
         une certaine noie quand il est mis en vibration, et que la
         hauteur de cette note dépend de la dimension du vase et de
         celle de l'ouverture découverte. La forme employée par
         Helmholtz est celle d'un globe, avec ouverture large sur un
         côté et petite sur l'autre; c'est cette dernière qu'on
         approche de l'oreille. S'il y a dans l'air une série de sons
         musicaux, c'est celui qui est d'accord avec la note
         fondamentale du globe qui est renforcé et qui est perçu parmi
         tous les autres. C'est du reste le même effet qui se produit
         quand en chantant dans un piano, on entend certaines cordes
         qui vibrent plus fortement que les autres. Ce sont
         précisément celles qui vibrent à l'unisson des sons émis. On
         a donné aux résonnateurs des formes bien différentes; les
         plus employées sont des caisses plus ou moins longues qui
         servent en même temps de boîtes sonores.]

Tel qu'il vient d'être exposé, ce système télégraphique ne permettrait
que des transmissions auditives, et l'on ne pourrait pas, par
conséquent, obtenir aucune trace des dépêches envoyées. Pour obvier à
cet inconvénient, on a imaginé de faire réagir les vibrateurs du poste
de réception sur des enregistreurs, en disposant ceux-ci de manière
que leur organe électrique présentât assez d'inertie magnétique pour
que, étant mis en action sous l'influence des vibrations sonores, il
put maintenir l'effet produit tout le temps de la vibration.
L'expérience a montré qu'un récepteur Morse, animé par le courant
d'une pile locale, suffisait parfaitement pour cela; de sorte qu'en
faisant réagir le vibrateur musical comme relais, c'est-à-dire sur un
contact en rapport avec la pile locale et le récepteur, on pouvait
obtenir sur celui-ci les traces longues et courtes qui sont les
éléments constituants du langage Morse.

D'après ces principes, et en considérant les espaces musicaux séparant
les différentes notes de la gamme comme suffisants pour être
facilement distingués par le résonnateur, on pourrait donc obtenir
sept transmissions simultanées à travers le même fil; mais
l'expérience a montré qu'il fallait se contenter d'un moins grand
nombre. Toutefois, comme on peut appliquer à ce système les moyens de
transmission en sens contraire, on peut doubler ce nombre facilement.

Suivant M. G. Bell, l'idée de l'application du téléphone aux
transmissions électriques multiples serait venue simultanément à MM.
Paul Lacour de Copenhague, à M. Elisha Gray de Chicago, à M. C. Varley
de Londres et à M. Edison de New-Marck; mais nous croyons qu'il a fait
confusion, car nous voyons déjà, les brevets en mains, que le système
de M. Varley date de 1870, que celui de M. Paul Lacour date de
septembre 1874, que celui de M. Elisha Gray date de février 1875, et
que ceux de MM. Bell et Edison sont postérieurs; mais si on se reporte
aux caveats de M. Elisha Gray, on voit que c'est lui qui, le premier,
a conçu et exécuté des appareils de ce genre. En effet, dans un caveat
rédigé le 6 août 1874, il exposait nettement le système que nous
avons décrit précédemment et qui fut la base de ceux dont nous
parlerons plus loin. Ce caveat n'était d'ailleurs lui-même qu'un
complément de deux autres remplis en avril et en juin 1874. Quant au
système de M. Varley, il ne se rapportait que très-indirectement à
celui que nous avons exposé. Du reste, M. Bell lui-même semble avoir
abandonné maintenant toute prétention à cette invention. Voici,
toutefois, ce qu'il disait à cet égard dans son mémoire lu à la
Société des ingénieurs télégraphistes de Londres:

«Ayant été frappé de l'idée que la durée plus ou moins grande d'un son
musical pouvait représenter le point et la barre de l'alphabet
télégraphique, je pensai qu'au moyen d'un clavier de diapasons
(analogue à celui d'Helmholtz) adapté à l'une des extrémités d'une
ligne télégraphique et disposé de manière à réagir électriquement à
l'autre bout de la ligne sur des appareils électro-magnétiques
frappant sur des cordes de piano, on pourrait obtenir, par des
combinaisons convenables de sons longs et courts, des transmissions
télégraphiques simultanées, dont le nombre ne pourrait être limité que
par la délicatesse de l'ouïe. Il ne s'agissait pour cela que
d'affecter au service de la transmission un employé pour chaque touche
du clavier, et de faire en sorte que son correspondant ne put
distinguer, au milieu de tous les sons transmis, que celui qui lui
était propre. Cette idée envahit tellement mon esprit que je ne
m'occupai plus que de résoudre le problème ainsi posé, et c'est ce qui
m'a conduit à mes recherches sur la téléphonie.

«Pendant plusieurs années, je cherchai le meilleur moyen de
reproduire, à distance, les sons musicaux au moyen de Rhéotomes à
trembleur; celui qui m'a donné les meilleurs résultats était une lame
d'acier vibrant entre deux contacts et dont les vibrations étaient
provoquées et entretenues électriquement au moyen d'un électro-aimant
et d'une batterie locale. Par suite de sa vibration, les deux contacts
se trouvaient alternativement touchés, et il en résultait des
fermetures alternatives de deux circuits, l'un local qui entretenait
le mouvement de la lame, l'autre en rapport avec la ligne, et qui
réagissait à distance sur le récepteur de manière à lui faire
accomplir des vibrations isochrones. Une clef Morse était adaptée dans
ce dernier circuit près de l'appareil transmetteur, et quand elle
était abaissée, les vibrations étaient transmises à travers la ligne;
quand elle était relevée, ces vibrations cessaient, et l'on comprend
aisément qu'en abaissant plus ou moins longtemps la clef, on pouvait
obtenir les sons brefs et longs nécessaires aux différentes
combinaisons du langage télégraphique. De plus, si la lame vibrante de
l'appareil récepteur avait été réglée de manière à vibrer à l'unisson
de celle de l'appareil transmetteur correspondant, elle devait vibrer
beaucoup mieux avec ce transmetteur qu'avec un autre qui n'aurait pas
eu sa lame ainsi accordée.

«Il est facile de comprendre, d'après cette disposition
d'interrupteur, comment on peut obtenir avec plusieurs lames de sons
différents des transmissions simultanées, et comment, au poste de
réception, il est possible de distinguer les sons qui sont destinés à
chaque employé, puisque c'est celui qui se rapporte au son
fondamental de chaque lame vibrante qui est reproduit le plus
fortement par cette lame. Conséquemment, les sons provoqués par la
lame vibrante du _do_, par exemple, ne seront bien perceptibles à la
station d'arrivée que sur l'appareil dont la lame aura été accordée
sur le _do_, et il en sera de même pour les autres lames; de sorte que
les sons arriveront à destination, sinon sans confusion, du moins
suffisamment clairement pour être distingués par les employés.

«Sans entrer dans les détails de cette disposition, je dirai seulement
qu'il existait dans ce système plusieurs défauts qui peuvent se
résumer ainsi:

«1º L'employé qui devait recevoir les dépêches devait avoir une bonne
oreille musicale afin de bien distinguer la valeur des sons.

«2º Les signaux ne pouvant être produits qu'autant que les courants
transmis sont dans la même direction, il fallait employer deux fils
pour échanger les dépêches dans les deux directions.

«Je surmontai la première difficulté en adaptant au récepteur un
appareil auquel je donnai le nom d'interrupteur de circuit vibratoire
et qui permettait d'enregistrer automatiquement les sons produits. Cet
interrupteur était disposé dans le circuit d'une pile locale qui
pouvait actionner un appareil Morse sous certaines conditions. Quand
les sons émis par l'appareil ne correspondaient pas à ceux pour
lesquels il avait été accordé, l'interrupteur restait sans action sur
l'appareil télégraphique; au contraire il agissait sur lui quand les
sons émis étaient ceux qui devaient être interprétés, et naturellement
cette action durait plus ou moins, suivant que ces sons étaient brefs
ou longs. Dès lors, on obtenait sur l'appareil télégraphique les
points et les traits qui correspondaient aux signaux transmis.»

M. Bell dit encore qu'il a appliqué ce système aux télégraphes
électro-chimiques, mais nous n'insisterons pas davantage sur cette
partie de l'invention, puisque, ainsi que nous l'avons dit, il semble
l'avoir abandonnée.


=Système de M. Paul Lacour de Copenhague.=--Le système de M. Paul
Lacour a été breveté le 2 septembre 1874, mais les premières
expériences ont été faites dès le 5 juin de la même année. À cette
époque, comme M. Lacour craignait que les vibrations ne fussent pas
perceptibles sur de longues lignes, les essais ne furent entrepris que
sur une ligne assez courte; mais au mois de novembre 1874, de
nouvelles expériences furent entreprises entre Frédériccia et
Copenhague, sur une ligne dont la longueur était de 390 kilomètres, et
on put constater que les effets vibratoires pouvaient être transmis
facilement, même sous l'influence d'une pile assez faible.

Dans le système de M. P. Lacour, l'appareil transmetteur est un simple
diapason soutenu horizontalement et dont l'un des bras réagit sur un
interrupteur de courant qui peut produire à travers la ligne un nombre
d'émissions de courants exactement égal à celui des vibrations du
diapason. Si un manipulateur Morse est interposé dans le circuit, on
comprend aisément qu'en le manoeuvrant de manière à produire les
traits et les points de l'alphabet Morse, on pourra reproduire ces
sortes de signaux à la station opposée, et ces signaux s'y
manifesteront par des sons longs et courts, si un récepteur
électro-magnétique est disposé en conséquence. Ce transmetteur est
indiqué fig. 53.

La fig. 54 représente le récepteur de M. Lacour. C'est un diapason F non
plus en acier comme le diapason transmetteur, mais en fer doux et dont
chacune des branches est introduite dans le tube d'une bobine
électro-magnétique CC; deux électro-aimants particuliers M, M réagissent
très-près de l'extrémité antérieure de ces branches et de telle manière
que les polarités développées sur ces branches sous l'influence des
bobines CC, se trouvent être de noms contraires à celles des
électro-aimants M, M. Si ce double système électro-magnétique est
interposé dans un circuit de ligne, il arrivera que, pour chaque
émission de courant qui sera transmise, il se produira une attraction
correspondante des branches du diapason, d'où naîtra une vibration, et
par suite un son si ces émissions sont nombreuses. Ce son sera
naturellement bref ou long, suivant la durée d'action du transmetteur,
et il sera le même que celui du diapason de cet appareil. De plus, si
l'une des branches du diapason réagit sur un contact P introduit dans le
circuit d'une pile locale correspondant à un récepteur Morse, il pourra
se produire sur ce récepteur des traces qui seront longues ou courtes
suivant la durée des sons reproduits, car l'électro-aimant du Morse se
trouvera, si promptement actionné par ces fermetures successives de
courant, qu'il ne changera pas de place pendant toute la durée de chaque
vibration. «Je n'ai pu encore, dit M. Lacour, à l'Académie des sciences
de Danemark, en 1875, calculer le temps nécessaire pour produire dans le
diapason du récepteur des vibrations d'un ordre déterminé. Ce temps est
fonction de divers facteurs, mais l'expérience a montré que le temps qui
s'écoule avant la fermeture du circuit local est une fraction de
seconde si petite, qu'elle est presque inappréciable, même quand le
courant est très-faible.

«Comme les courants intermittents n'agissent sur un diapason qu'à la
condition que ce diapason vibre à l'unisson de celui qui produit ces
courants, il en résulte que, si on dispose à l'une des extrémités d'un
circuit une série de diapasons transmetteurs accordés sur différentes
notes de l'échelle musicale, et que l'on dispose à l'autre extrémité
une série semblable de diapasons électro-magnétiques accordés
exactement sur les autres, les courants intermittents qui seront
transmis par les diapasons transmetteurs, se superposeront sans se
confondre, et chacun des diapasons récepteurs électro-magnétiques ne
sera impressionnable qu'aux courants lancés par le diapason vibrant à
son unisson. De cette façon, les combinaisons de signaux élémentaires
représentant un mot, pourront être télégraphiées au même instant.»

M. Lacour énumère de la manière suivante les applications que l'on
peut faire de ce système: «si les clefs reliées aux diapasons
transmetteurs sont placées les unes à côté des autres et abaissées
successivement ou simultanément en nombre plus ou moins grand, il
suffira de jouer de ces clefs comme on joue de celles d'un instrument
de musique pour jouer un air à distance, ou bien encore les signaux
transmis simultanément pourront appartenir chacun à une dépêche
différente. Ce système permettra donc à la station extrême d'une ligne
de communiquer avec une ou plusieurs stations intermédiaires et
vice-versâ, sans troubler en rien l'installation des autres postes.
Ainsi deux des stations pourront s'envoyer des signaux sans que les
autres s'en aperçoivent. Cette faculté de transmettre beaucoup de
signaux à la fois donne un moyen avantageux de perfectionner le
télégraphe autographique. Dans les appareils qui existent
actuellement, tels que ceux de Caselli, de d'Arlincourt et autres, il
n'y a qu'un seul style traceur, et, pour obtenir la copie d'un
télégramme, il faut que ce style passe sur toute sa surface; mais avec
le téléphone, on peut placer un certain nombre de styles à côté les
uns des autres de manière à figurer un peigne, et il suffit de tirer
ce peigne dans un sens pour qu'il parcoure la surface du télégramme.
On obtiendra ainsi en moins de temps une copie plus fidèle.»

M. Lacour fait remarquer également que son système offre cet avantage
déjà signalé par M. Varley, que ses appareils laissent passer les
courants ordinaires sans en accuser la présence, d'où il résulterait
que les courants accidentels qui troublent généralement les
transmissions télégraphiques, seraient sans action sur les systèmes
télégraphiques dont il vient d'être question.

Dans l'origine, M. Lacour n'avait pas adapté au transmetteur de son
appareil un système électro-magnétique pour entretenir le mouvement du
diapason; mais il n'a pas tardé à reconnaître que cet accessoire était
indispensable, et il a dû faire de ses diapasons des électro-diapasons.
D'un autre côté, il a pensé à transformer les courants transmis en
courants ondulatoires en interposant dans le circuit, comme l'avait fait
du reste M. Elisha Gray, une bobine d'induction. Enfin, pour obtenir la
mise en action immédiate des diapasons et la cessation également
immédiate de leur action, il les construisit de manière à rendre leur
inertie aussi petite que possible. Le moyen qui lui a le mieux réussi a
été d'introduire d'abord les deux branches du diapason dans une même
bobine, et de prolonger en arrière le pied du diapason de manière
qu'après s'être recourbé, il passât à travers une seconde bobine, se
divisant en deux branches et embrassant sans les toucher les deux
branches vibrantes. Lorsqu'un courant traverse les deux bobines, il
produit dans ces deux systèmes qui constituent une sorte
d'électro-aimant en fer à cheval, des polarités contraires qui
provoquent une double réaction sur les branches vibrantes, réaction par
répulsion exercée par ces deux branches en raison de leur même polarité,
réaction par attraction par les deux autres branches en raison de leurs
polarités contraires, et cette action est renouvelée par le jeu d'un
interrupteur de courant adapté à l'une des branches vibrantes du
diapason.


=Système de M. Elisha Gray.=--Dans le système breveté primitivement,
chacun des transmetteurs dont nous représentons fig. 55 la
disposition, se compose d'un électro-aimant M M soutenu au-dessous
d'une petite tablette de cuivre BS, de manière que ses pôles
traversant cette tablette viennent affleurer la surface supérieure de
celle-ci. Au dessus de ces pôles se trouve fixée une lame d'acier AS
qui peut être tendue plus ou moins au moyen d'une vis S, et contre
laquelle vient appuyer une autre vis _c_, mise en rapport électrique
avec une pile locale R' par l'intermédiaire d'une clef Morse.
Au-dessous de cette lame AS se trouve un contact _d_ relié au fil de
ligne L, lequel contact, étant rencontré par la lame au moment de son
attraction par l'électro-aimant, forme le courant d'une pile de ligne
P qui agit sur le récepteur de la station opposée. Enfin des
communications électriques établies entre la pile locale R' et
l'électro-aimant, comme on le voit sur la figure, permettent de
déterminer à chaque abaissement de la clef, et à la manière des
trembleurs ordinaires, des vibrations de la part de la lame d'acier
AS, vibrations qui, par une tension convenable de cette lame et une
intensité donnée de la pile R', peuvent fournir une note musicale
déterminée. De plus, comme à chaque vibration, cette lame AS rencontre
le contact _d_, des émissions du courant de ligne sont produites à
travers la ligne L et peuvent réagir sur l'appareil récepteur en lui
faisant reproduire exactement les mêmes vibrations que sur l'appareil
transmetteur.

L'appareil récepteur que nous représentons fig. 56 est exactement
semblable à celui que nous venons de décrire, seulement le contact _d_
manque au-dessous de la lame vibrante AS, et le contact _c_, au lieu
de correspondre au fil de ligne, est relié électriquement à un
enregistreur E et à une pile locale P. Or il résulte de cette
disposition que quand la lame AS vibre sous l'influence des courants
interrompus traversant l'électro-aimant MM, des vibrations semblables
sont transmises à travers l'enregistreur; mais si l'organe
électro-magnétique de cet enregistreur est convenablement réglé, ces
vibrations ne pourront produire que l'effet d'un courant continu, et
dès lors les traces laissées sur l'appareil seront plus ou moins
longues suivant la durée des sons produits; on aura donc de cette
manière l'enregistration des traits et des points qui composent les
signaux du vocabulaire Morse.

Si l'on considère maintenant que la lame AS peut vibrer d'autant plus
facilement, sous l'influence des attractions électro-magnétiques, que
le nombre de ces attractions se rapproche davantage de celui des
vibrations correspondantes au son fondamental qu'elle peut émettre,
on comprend immédiatement qu'en accordant cette lame sur celle de
l'appareil transmetteur correspondant de manière à lui faire produire
le même son, elle deviendra particulièrement impressionnable aux
vibrations transmises par le transmetteur, et les autres vibrations
qui pourraient l'affecter n'agiront que faiblement. De plus, un
résonnateur placé au-dessus de cette lame pourra encore augmenter dans
une grande proportion cette prédisposition; de sorte que si plusieurs
systèmes de ce genre, accordés sur des tons différents, fournissent
des transmissions simultanées, les sons en rapport avec les
différentes vibrations transmises, se trouveront en quelque sorte
triés et distribués, malgré leur mélange, sur les récepteurs qui leur
sont spécialement appropriés, et chacun d'eux pourra conserver les
traces des sons émis, par l'adjonction de l'enregistreur qui pourra
être d'ailleurs un récepteur Morse ordinaire convenablement disposé.
Suivant M. Elisha Gray, il peut y avoir autant d'appareils
transmetteurs et de circuits locaux indépendants qu'il y a de tons et
de demi-tons dans deux octaves, ou plus, pourvu que chaque lame
vibrante soit accordée sur une note différente de l'échelle musicale.
Les instruments pourront être placés les uns à côté des autres, et
leurs clefs locales respectives, disposées comme les touches d'un
piano, permettront de jouer facilement un air composé de notes et
d'accords; on pourra encore espacer les appareils et même les éloigner
assez les uns des autres pour que chaque employé ne soit pas importuné
par des sons autres que ceux qui sont propres à l'appareil dont il
est chargé.

Dans une nouvelle disposition qui a figuré à l'Exposition universelle
de 1878, M. Elisha Gray a modifié assez notablement le mode de
fonctionnement des divers organes électro-magnétiques que nous venons
de décrire; cette fois les lames sont constituées par de véritables
diapasons à une branche qui vibrent continuellement aux deux stations,
et les signaux ne sont perçus que par des renforcements dans
l'intensité des sons produits. Cette disposition a été la conséquence
de la nécessité dans laquelle on se trouve, pour des transmissions
multiples de ce genre, de maintenir le circuit de ligne toujours
fermé, afin de réagir avec des courants ondulatoires, les seuls qui,
ainsi qu'on l'a vu page 39, peuvent conserver à plusieurs sons
transmis simultanément leur caractère individuel.

Dans ces conditions, le transmetteur se compose, comme on le voit fig.
57, d'une branche de diapason _a_ munie d'une rainure dans laquelle
peut courir un curseur pesant afin d'accorder le diapason sur la note
voulue, et qui oscille entre deux électro-aimants _e_ et _f_ et deux
contacts I et G. Ces électro-aimants ont une résistance
très-différente; celle de l'un _f_ est de 3 kilomètres de fil
télégraphique, et celle de l'autre ne dépasse pas 400 mètres. Les
communications électriques étant établies ainsi qu'on le voit sur la
figure, voici ce qui se passe: le courant de la pile locale BL étant
fermé à travers les deux électro-aimants _e_ et _f_ par le contact de
repos de la clef Morse H, la lame _a_ se trouve sollicitée par deux
actions contraires; mais comme l'électro-aimant _f_ a plus de spires
que l'électro-aimant _e_, son action est prépondérante, et la lame _a_
se trouve attirée du côté de _f_, déterminant avec le ressort G un
contact qui ouvre une issue moins résistante au courant; celui-ci
passant alors presqu'entièrement par G, _b_, 1, 2, B, permet à
l'électro-aimant _e_ d'exercer à son tour son action; la lame _a_ se
trouve alors attirée vers _e_ et, déterminant un contact sur le
ressort I, peut transmettre à travers la ligne télégraphique le
courant de ligne BP, si la clef H est en ce moment abaissée sur le
contact de transmission; si elle ne l'est pas, aucun effet n'a lieu
de ce côté, mais comme la lame _a_ a abandonné le ressort G, le
premier effet attractif de l'électro-aimant _f_ se renouvelle et tend
à attirer de nouveau la lame vers _f_, et les choses se renouvelant
ainsi indéfiniment, la vibration de la lame _a_ se trouve entretenue,
déterminant des émissions de courants de ligne en rapport avec ces
vibrations, toutes les fois que la clef H se trouve abaissée. Ces
vibrations sont d'ailleurs facilitées par l'élasticité de la lame qui
doit d'ailleurs être mise en vibration mécaniquement au début.

Le récepteur que nous représentons fig. 58, consiste dans un
électro-aimant M, monté sur une caisse sonore C et dont l'armature est
constituée par une lame de diapason LL solidement fixée sur la caisse
avec arqueboutement par une traverse T. Cette armature porte un
curseur P, mobile dans une rainure, qui permet d'accorder ses
vibrations propres sur la note fondamentale de la caisse sonore C,
laquelle doit vibrer à l'unisson avec elle et est disposée en
conséquence. Par conséquent, quand la lame LL vibre, l'intensité de la
note fondamentale est amplifiée suivant les lois bien connues des
résonnateurs, et un son ne pourra être reproduit par elle qu'à la
condition de vibrer à l'unisson avec elle. Dans ces conditions, la
caisse aussi bien que le diapason agira donc comme un analyseur des
vibrations transmises par les courants, et pourra faire fonctionner
l'enregistreur en réagissant elle-même sur un interrupteur de courant
local. Pour obtenir ce résultat, il suffit de tendre devant
l'ouverture de la caisse une membrane de baudruche ou de parchemin et
d'y adapter un contact de platine disposé de manière à rencontrer,
quand la membrane entre en vibration, un ressort métallique relié à un
enregistreur quelconque, soit un appareil Morse. Toutefois, comme en
Amérique les dépêches sont généralement reçues au son, on n'emploie
pas ce complément du système.

On règle l'appareil non-seulement au moyen du curseur P mais encore
d'une vis de réglage V qui permet de placer l'électro-aimant M dans
une position convenable; ce réglage est assuré au moyen de la petite
vis _v_, et l'appareil est relié à la ligne par le bouton d'attache B.
Ce double dispositif est naturellement établi pour chacun des systèmes
de transmission.

Comme je le disais, on pourrait à la rigueur transmettre simultanément
de cette manière sept dépêches différentes à la fois, mais jusqu'à
présent M. Elisha Gray n'a disposé ses appareils que pour quatre; il
leur a appliqué toutefois la combinaison en _duplex_, ce qui lui a
permis de doubler le nombre des transmissions; de sorte que huit
dépêches peuvent être transmises en même temps, quatre dans le même
sens, quatre en sens contraire.

D'après l'_Engineering_ et du reste d'après ce que m'a affirmé M.
Haskins, ce système aurait fonctionné avec le succès le plus complet
sur les lignes de la Western-Union Telegraph Company, de Boston à
New-York et de Chicago à Milwaukee. Mais depuis ces expériences, de
nouveaux perfectionnements ont permis de transmettre un beaucoup plus
grand nombre de dépêches.

M. Elisha Gray a combiné encore, conjointement avec M. Haskins, un
système dans lequel il peut effectuer des transmissions téléphoniques
sur un fil déjà desservi par des appareils Morse. C'est un problème
qu'avait résolu avant lui M. Varley; mais le système de M. Elisha Gray
paraît avoir fourni des résultats très-importants, et à ce titre il
mérite de fixer l'attention. Nous ne le décrirons pas toutefois ici,
car nous sortirions du cadre que nous nous sommes tracé, et nous nous
réservons d'en parler dans les appendices que nous ajouterons à notre
exposé des applications de l'électricité. En attendant, ceux que cette
question pourra intéresser trouveront tous les détails nécessaires
dans un travail inséré dans le journal de la Société des ingénieurs
télégraphistes de Londres, tome VI, p. 506.


=Système de M. Varley.=--Ce système est évidemment le premier en date,
puisqu'il a été breveté en 1870 et que ce brevet indique en principe
la plupart des dispositifs adoptés depuis par MM. Paul Lacour, Elisha
Gray et G. Bell. Il est basé sur l'emploi du téléphone musical du même
auteur que nous avons décrit p. 25 et dont il a, du reste, varié la
disposition de plusieurs manières qu'il indique, en le rapportant plus
ou moins au système de Reiss.

En fait, le but que s'était proposé M. Varley était de faire
fonctionner son appareil téléphonique concurremment avec des
instruments à courants ordinaires, par la superposition d'ondes
électriques rapides, incapables d'altérer pratiquement le pouvoir
mécanique ou chimique des courants formant les signaux ordinaires,
mais susceptibles de produire des signaux distincts perceptibles à
l'oreille et même à l'oeil. «Un électro-aimant, dit-il, offre au
premier moment une grande résistance au passage d'un courant
électrique, et, par suite, peut être regardé comme un corps
partiellement opaque eu égard à la transmission de courants inverses
très-rapides ou d'ondes électriques. En conséquence, si on place à la
station de transmission un diapason ou un instrument à lame vibrante
accordé sur une note déterminée et disposé de manière à avoir son
mouvement sans cesse entretenu par des moyens électriques, on pourra,
en faisant passer le courant qui l'anime à travers deux hélices
superposées constituant l'hélice primaire d'une bobine d'induction,
obtenir dans deux circuits distincts deux séries de courants
rapidement interrompus qui correspondront aux deux sens de la
vibration du diapason, et l'on aura encore les courants induits
déterminés dans l'hélice secondaire par ces courants, qui pourront
animer un troisième circuit. Ce troisième circuit pourra d'ailleurs
être mis en rapport avec une ligne télégraphique déjà desservie par un
système télégraphique ordinaire, si on y adapte un condensateur, et
l'on pourra obtenir deux transmissions simultanées différentes[28].»

         [Note 28: J'avais décrit dans le tome III de mon exposé
         des applications de l'électricité, p. 466, un système de ce
         genre, que M. Varley avait expérimenté au moment de la pose
         du câble transatlantique français.]

La figure 59 représente le dispositif de ce système, D est la lame
vibrante du diapason appelée à fournir les contacts électriques pour
l'entretien de son mouvement. Ces contacts sont en S et S', et les
électro-aimants qui l'actionnent sont en M et M'; la bobine
d'induction est en I, et les trois hélices qui la composent sont
indiquées par les lignes circulaires qui l'entourent. En A se trouve
un manipulateur Morse; un autre est en A', et en P et P' se trouvent
les deux piles destinées à animer le système. Le condensateur est en
C et le téléphone T à l'extrémité de la ligne L.

Quand la vibration de la lame D se porte à droite et que le contact
électrique est effectué en S', le courant de la pile P', après avoir
traversé la première hélice, arrive aux électro-aimants M, M' qui
l'actionnent en lui donnant une impulsion en sens contraire. Quand au
contraire elle se porte vers la gauche, le courant est envoyé à
travers le second circuit primaire qui sera équilibré avec le premier.
Il en résultera donc dans le circuit induit correspondant à la clef
A', une série de courants renversés qui chargeront et déchargeront
alternativement le condensateur C, envoyant ainsi sur la ligne une
série correspondante d'ondulations électriques qui réagiront sur
l'appareil téléphonique placé à l'extrémité de la ligne, et comme ces
courants peuvent être transmis avec des durées plus ou moins longues
suivant le temps d'abaissement de la clef A', on pourra obtenir sur
cet appareil téléphonique une correspondance en langage Morse en même
temps qu'une autre correspondance sera échangée avec la clef A et les
récepteurs Morse ordinaires.

Pour rendre sensibles à la vue les signaux vibratoires, M. Varley
propose d'employer, pour la reproduction des vibrations, un fil
d'acier fin, tendu à travers une hélice, en regard d'une fente
très-étroite. On place derrière la fente une lumière qui est
interceptée par le fil. Mais aussitôt qu'un courant passe, le fil
vibre et une lumière apparaît. Une lentille placée en avant projette
une image agrandie de la fente lumineuse sur un écran blanc tant que
le fil est en vibration.




APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.


=Applications aux usages domestiques.=--Nous avons vu que le téléphone
pouvait être employé avec beaucoup d'avantages aux services des
établissements publics et privés; ils sont en effet d'une installation
beaucoup moins dispendieuse que les tubes acoustiques, et peuvent
s'appliquer dans des cas où ceux-ci ne pourraient jamais être
employés. Grâce aux avertisseurs dont nous avons parlé, ils présentent
les mêmes avantages, et la liaison des appareils entre eux peut être
beaucoup mieux dissimulée. La différence du prix d'installation est
d'ailleurs environ dans le rapport de 1 à 7.

Pour ce genre d'application, les téléphones magnéto-électriques sont
évidemment ceux auxquels on doit donner la préférence, car ils ne
nécessitent pas de pile, et sont toujours prêts à fonctionner. On les
emploie déjà dans la plupart des bureaux des ministères, et il est
probable que d'ici à peu de temps, ils seront l'accompagnement des
sonneries électriques pour le service des hôtels et des grands
établissement publics et privés; on pourra même les employer dans les
maisons particulières pour donner des ordres aux domestiques éloignés
ou aux concierges qui, par leur intermédiaire, pourront éviter aux
visiteurs la fatigue de monter inutilement plusieurs étages. Dans ce
cas, ces appareils devront être accompagnés de commutateurs et de
boutons d'appel dont la disposition se devine du reste aisément.

Dans les établissements industriels, les téléphones remplaceront
évidemment prochainement les systèmes télégraphiques déjà installés
dans beaucoup d'entre eux. Ils pourront alors servir non-seulement à
la transmission des ordres ordinaires, mais encore aux services de
secours en cas d'incendie, et ils feront partie intégrante des divers
systèmes déjà établis dans ce but.

Dans les pays qui ont la liberté de communication télégraphique, le
téléphone a déjà remplacé en grande partie les appareils de
télégraphie privée jusque-là en usage, et si nous jouissons un jour de
ce privilége, il est évident qu'on n'emploiera pas d'autre moyen de
correspondance. Espérons que d'ici à peu de temps ce desiderata
exprimé depuis si longtemps aux divers gouvernements qui se sont
succédé, sera enfin accompli, et le téléphone sera venu juste à point
pour inaugurer cette ère nouvelle.


=Application aux services télégraphiques.=--Les avantages que le
téléphone peut rendre aux services télégraphiques est assez restreint,
car au point de vue de la célérité de la transmission des dépêches, il
aurait évidemment une moindre valeur que beaucoup de nos appareils
télégraphiques actuellement en usage, et les dépêches qu'ils
fourniraient ne seraient pas susceptibles d'être contrôlées. Néanmoins
dans les bureaux municipaux peu chargés de dépêches, ils pourraient
présenter des avantages en ce sens que l'on n'aurait pas besoin de
former des employés. Mais sur les lignes un peu longues, leur emploi
serait évidemment moins avantageux. Le _Journal télégraphique_ de
Berne a publié à cet égard des considérations d'un grand intérêt sur
lesquelles nous appellerons l'attention du lecteur et qu'il résume
ainsi:

     «1º Pour transmettre une dépêche avec tous les avantages que
     comporte le système, il faudrait que l'expéditeur pût parler
     directement au destinataire sans l'intermédiaire d'employés. Et
     tous ceux qui connaissent l'organisation des réseaux savent que
     cela n'est pas possible, qu'il faut nécessairement des bureaux
     intermédiaires de dépôt, et que le public ne peut être admis dans
     les bureaux de transmission et de réception; par conséquent
     l'expéditeur devra remettre sa dépêche écrite.

     «2º L'employé une fois chargé de ce soin, l'appareil a déjà perdu
     un de ses principaux avantages, car cet employé va lire la
     dépêche et devra la prononcer à son correspondant; mais si cette
     dépêche est écrite dans une langue étrangère, cela devient
     évidemment impossible.

     «3º Enfin, aujourd'hui les administrations possèdent des
     instruments qui permettent d'expédier les dépêches avec une
     vitesse plus grande que celle qu'on obtiendrait en les expédiant
     par la voix.»

Cependant on a installé en Allemagne dans différents bureaux
télégraphiques un service téléphonique, et pour qu'on puisse
comprendre les avantages qu'on peut y trouver, il suffira de se
reporter à la circulaire administrative qui a créé l'établissement de
ces services. Voici cette circulaire:

     Les bureaux qui seront ouverts au public pour le service des
     dépêches téléphoniques en Allemagne, seront considérés comme des
     établissements indépendants; mais ils seront en même temps
     rattachés aux bureaux télégraphiques ordinaires, lesquels se
     chargeront de la transmission, sur leurs fils, des télégrammes
     envoyés au moyen du téléphone.

     «La transmission aura lieu de la manière suivante: le bureau qui
     aura un télégramme à expédier invitera le bureau de destination à
     mettre l'appareil en place. Dès que les cornets auront été
     ajustés, le bureau de transmission donnera le signal de l'envoi
     de la dépêche verbale.

     «L'expéditeur devra parler lentement d'une manière claire et sans
     forcer la voix; les syllabes seules seront nettement séparées
     dans la prononciation, on aura soin surtout de bien articuler les
     syllabes finales et d'observer une pause après chaque mot, afin
     de donner à l'employé récepteur le temps nécessaire à la
     transcription.

     «Lorsque le télégramme a été reçu et transmis, l'employé du
     bureau de destination vérifie le nombre de mots envoyés; puis il
     répète, à l'aide du téléphone, le télégramme entier rapidement et
     sans pause, afin de constater qu'aucune erreur n'a été commise.

     «Pour assurer le secret des correspondances, les instruments
     téléphoniques sont installés dans des locaux particuliers, où les
     personnes étrangères au service ne peuvent entendre celui qui
     envoie la dépêche verbale, et il est interdit aux employés de
     communiquer à qui que ce soit le nom de l'expéditeur ou celui du
     destinataire.

     «Les taxes à percevoir pour les dépêches téléphoniques sont
     calculées à tant par mot, comme sur les lignes télégraphiques
     ordinaires.»


=Application aux arts militaires.=--Depuis la découverte du téléphone,
de nombreuses expériences ont été entreprises dans les différents
pays, pour reconnaître les avantages que pourrait fournir son emploi à
l'armée pour les opérations militaires. Jusqu'à présent ces
expériences n'ont été que médiocrement satisfaisantes à cause des
bruits qui existent toujours dans une armée et qui empêchent le plus
souvent d'entendre; et on recherche avec empressement tous les moyens
de rendre les bruits du téléphone plus accentués. Au moment de la
découverte du microphone, on avait cru un instant le problème résolu,
et plusieurs écoles militaires m'avaient demandé des renseignements à
cet égard; mais je ne vois pas jusqu'ici que la question ait bien
avancé sous ce rapport. Quoi qu'il en soit, le téléphone a été un
instrument excessivement utile dans les écoles de tir et sur les
polygones d'artillerie. Avec la grande portée qu'ont aujourd'hui les
armes à feu, il devenait nécessaire pour juger de la justesse du tir
d'être prévenu télégraphiquement de la position des points frappés des
cibles, et on avait même imaginé pour cela, des cibles télégraphiques;
mais le téléphone est bien préférable, et on l'emploie aujourd'hui
avec un grand succès.

Si le téléphone présente des inconvénients pour le service de la
télégraphie volante en campagne, en revanche il peut être d'un grand
secours pour la défense des places, pour la transmission des ordres du
commandant aux différentes batteries et même pour l'échange des
correspondances avec des ballons captifs lancés au-dessus des champs
de bataille.

Malgré les difficultés de son emploi à l'armée, des essais ont été
tentés par les Russes à la dernière guerre; le câble des fils de
communication était assez léger pour être posé par un seul homme et
avait de quatre cents à cinq cents mètres. «Le mauvais temps, dit le
_Telegraphic Journal_ du 15 mars 1878, ne troubla pas le
fonctionnement des appareils, mais le bruit empêchait d'entendre, et
on était obligé de se couvrir la tête avec le capuchon d'un grand
manteau pour intercepter les sons extérieurs.» Les résultats n'ont
donc pas été très-satisfaisants. Toutefois le téléphone peut rendre à
l'armée de grands services, en permettant d'intercepter au passage les
dépêches de l'ennemi; ainsi un homme résolu muni d'un téléphone de
poche pourra, en se plaçant dans un endroit écarté, établir des
dérivations entre le fil télégraphique de l'ennemi et son téléphone et
saisir parfaitement, ainsi qu'on l'a vu, toutes les dépêches
transmises. Il pourra même obtenir ce résultat en prenant ses
dérivations à la terre ou sur un rail de chemin de fer. Bien des
recherches sont du reste encore à tenter dans cet ordre d'idées et il
est probable que l'on arrivera quelque jour à des combinaisons tout à
fait pratiques.


=Applications à la marine.=--L'un des plus grands avantages du
téléphone est celui qu'il peut rendre à la marine pour le service des
électro-sémaphores, des forts en mer, et des navires mouillés en rade.
«Les essais faits entre la préfecture maritime de Cherbourg, les
sémaphores et les forts de la digue, dit M. Pollard, ont fait
ressortir les avantages qu'il y aurait à munir ces postes de
téléphones, ce qui assurerait une communication facile entre les
bâtiments d'une escadre et la terre ou entre ces navires eux-mêmes. En
mouillant de petits câbles qui viendraient à la surface de la mer le
long des chaînes des corps-morts et aboutiraient aux bouées ou coffres
disposés en permanence dans la rade, les navires de guerre en
s'amarrant se mettraient de cette manière en relation avec la
préfecture maritime, et en mouillant temporairement des câbles légers
d'un bâtiment à l'autre, l'amiral entrerait en communication intime
avec les bâtiments de son escadre.»

On a essayé l'application du téléphone à bord des navires pour la
transmission des ordres, mais le bruit qui existe toujours sur un
bâtiment empêche d'entendre, et les résultats ont été négatifs.

C'est surtout pour les torpilles sous-marines que l'usage du téléphone
peut être utile. Nous avons déjà vu le genre de service qu'il peut
rendre quand il est accompagné d'un microphone. Mais il peut encore
être très-utile pour la mise à feu des torpilles, lorsqu'il s'agit de
connaître la position exacte du navire ennemi d'après deux visées
faites en deux points différents de la côte.

D'un autre côté, M. Trève a montré qu'on pouvait encore employer avec
avantage le téléphone pour relier télégraphiquement des navires
marchant à la remorque l'un de l'autre, et M. des Portes en a fait une
très-heureuse application pour les recherches que l'on est souvent
appelé à faire au fond de la mer à l'aide du scaphandre. Dans ce cas,
on remplace une glace du casque par une plaque en cuivre dans laquelle
est enchâssé le téléphone, ce qui fait que le scaphandrier n'a qu'un
léger mouvement de tête à faire soit pour recevoir des communications
de l'extérieur, soit pour en adresser. Avec ce système, on peut
visiter les carènes des navires et rendre compte de tout ce que l'on
voit, sans qu'il soit besoin de ramener les scaphandriers hors de
l'eau, comme on était obligé de le faire jusque-là.


=Applications industrielles.=--L'une des premières et des plus
importantes applications qui ont été faites du téléphone est celle qui
a été tentée des l'automne de 1877 en Angleterre et en Amérique pour
le service des mines. Les galeries de mines sont, comme on le sait,
souvent bien longues, et les transmissions des ordres de services
avaient déjà nécessité l'emploi de télégraphes électriques; mais les
mineurs sont loin d'être exercés à la manoeuvre de ces appareils, et
ce service laissait beaucoup à désirer. Grâce au téléphone qui permet
au premier venu de transmettre et de recevoir, rien ne s'oppose plus
maintenant à un échange facile de communications entre les galeries et
le dehors.

On a pu aussi à l'aide du téléphone surveiller la ventilation dans les
mines. Un téléphone étant placé près d'une roue mise en mouvement par
l'air servant à la ventilation et étant relié à un autre téléphone
placé dans le bureau de l'ingénieur, celui-ci pourra constater par le
bruit qu'il entendra, si la ventilation se fait dans les conditions
convenables et si la machine fonctionne régulièrement.


=Application aux recherches scientifiques.=--Les expériences de M.
d'Arsonval que nous avons rapportées p. 149, nous ont montré qu'on
pouvait employer le téléphone comme un galvanoscope des plus
sensibles; mais comme cet appareil ne peut fournir des sons que sous
l'influence de courants interrompus, il faut que le circuit sur lequel
on expérimente soit coupé à des intervalles plus ou moins rapprochés.
Il n'est même pas nécessaire, comme on l'a vu, que le téléphone soit
interposé dans le circuit; il peut être impressionné à distance, soit
directement, soit par l'induction du courant interrompu sur un autre
circuit placé parallèlement à côté du premier, et on peut augmenter la
puissance de ces effets par la réaction d'un noyau de fer autour
duquel on enroule le circuit inducteur. L'inconvénient de ce système
est que l'on n'obtient pas le sens du courant et qu'il ne peut être
employé comme instrument mesureur; mais, en revanche, il est tellement
sensible, tellement facile à installer et si peu coûteux, qu'employé
comme galvanoscope, il peut rendre les plus grands services.

Lors des essais que l'on a faits du téléphone entre Calais et
Boulogne, on a constaté un résultat qui semblerait indiquer une
application avantageuse de cet appareil à l'étude de la balistique. En
effet, des expériences de tir étant faites sur la plage de Boulogne,
on a placé près de la pièce de canon un téléphone, et l'on a perçu la
détonation à trois kilomètres (point de chute). En mesurant le temps
écoulé entre la sortie du projectile et sa chute, on a pu calculer sa
vitesse. Cette appréciation se fait ordinairement par l'observation
visuelle de la flamme qui accompagne la sortie du projectile; mais
dans certaines circonstances telles que le brouillard ou le tir à
longue portée, le téléphone remplacerait peut-être l'observation
visuelle. Sur le champ de bataille, un observateur muni d'un téléphone
et placé sur une éminence, pourrait, à distance, rectifier le tir de
sa batterie établie généralement dans un endroit abrité et moins
élevé.




LE PHONOGRAPHE


Le phonographe de M. Edison qui a tant préoccupé les esprits depuis
quelques mois, est un appareil qui, non-seulement enregistre les
diverses vibrations déterminées par la parole sur une lame vibrante,
mais qui reproduit encore la parole d'après les traces enregistrées.
La première fonction de cet appareil n'est pas le résultat d'une
découverte nouvelle. Depuis bien longtemps les physiciens avaient
cherché à résoudre le problème de l'enregistration de la parole, et,
en 1856, M. Léon Scott avait combiné un instrument bien connu des
physiciens sous le nom de _phonautographe_ qui résolvait parfaitement
la question; cet appareil est décrit dans tous les traités de physique
un peu complets; mais la seconde fonction de l'appareil d'Edison
n'avait pas été réalisée ni même posée par M. L. Scott, et nous nous
étonnons que cet intelligent inventeur ait vu dans l'invention de M.
Edison un acte de spoliation commis à son préjudice. Nous regrettons
surtout pour lui, à qui, quoiqu'il en dise, tout le monde a rendu
justice, qu'il ait à cette occasion publié, en termes amers, une sorte
de pamphlet qui ne prouve absolument rien, et qui n'apprend que ce que
tous les physiciens savent déjà. Si quelqu'un pouvait élever des
prétentions à l'égard de l'invention du phonographe, du moins dans ce
qu'il a de plus curieux, c'est-à-dire la reproduction de la parole, ce
serait bien certainement M. Ch. Cros; car dans un pli cacheté déposé à
l'Académie des sciences, le 30 avril 1877, il indiquait en principe un
instrument au moyen duquel on pouvait obtenir la reproduction de la
parole d'après les traces fournies par un enregistreur du genre du
phonautographe[29]. Le brevet de M. Edison dans lequel le principe du
phonographe est indiqué pour la première fois, ne date en effet que du
31 juillet 1877, et encore ne s'appliquait-il qu'à la répétition des
signaux Morse. Dans ce brevet, M. Edison ne fait que décrire un moyen
d'enregistrer ces signaux par des dentelures effectuées par un style
traceur sur une feuille de papier enveloppant un cylindre, et ce
cylindre était creusé sur sa surface d'une rainure en spirale. Les
dentelures ou gaufrages ainsi produits devaient être utilisés, d'après
le brevet, pour transmettre automatiquement la même dépêche, en
repassant sous un style capable de réagir sur un interrupteur de
courant. Il n'est donc dans ce brevet nullement question de
l'enregistration de la parole ni de sa reproduction; mais, comme le
fait observer le _Telegraphic journal_ du 1er mai 1878, l'invention
précédente lui donnait les moyens de résoudre ce double problème
aussitôt que l'idée lui en serait venue. S'il faut en croire les
journaux américains, cette idée ne tarda pas à se faire jour, et elle
aurait été le résultat d'un accident. Pendant des expériences qu'il
faisait un jour avec le téléphone, un style attaché au diaphragme lui
piqua le doigt au moment où le diaphragme entrait en vibration sous
l'influence de la voix, et cette piqûre avait été assez forte pour que
le sang en jaillit; il pensa alors que, puisque les vibrations de ce
diaphragme étaient assez fortes pour percer la peau, elles pourraient
bien produire sur une surface flexible des gaufrages assez
caractérisés pour représenter toutes les inflexions des ondes
provoquées par la parole, et il put croire que ces gaufrages
pourraient même reproduire mécaniquement les vibrations qui les
avaient provoquées, en réagissant sur une lame capable de vibrer à la
manière de celle qu'il avait déjà employée pour la reproduction des
signaux Morse. Dès lors le phonographe était découvert, car de cette
idée à sa réalisation, il n'y avait qu'un pas, et, en moins de deux
jours, l'appareil était exécuté et expérimenté.

         [Note 29: Voici le texte du pli cacheté de M. Cros,
         ouvert sur sa demande à l'Académie des sciences le 3 décembre
         1877. (Voir comptes rendus, tome 85, p. 1082). «En général,
         mon procédé consiste à obtenir le tracé de va et vient d'une
         membrane vibrante et à se servir de ce tracé pour reproduire
         le même va et vient, avec ses relations intrinsèques de
         durées et d'intensités, sur la même membrane ou sur une autre
         appropriée à rendre les sons et bruits qui résultent de cette
         série de mouvements.

         «Il s'agit donc de transformer un tracé extrêmement délicat,
         tel que celui qu'on obtient avec des index légers frôlant des
         surfaces noircies à la flamme, de transformer, dis-je, ces
         tracés en relief ou creux résistants capables de conduire un
         mobile qui transmettra ses mouvements à la membrane sonore.

         «Un index léger est solidaire du centre de figure d'une
         membrane vibrante; il se termine par une pointe (fil
         métallique, barbe de plume, etc.), qui repose sur une surface
         noircie à la flamme. Cette surface fait corps avec un disque
         animé d'un double mouvement de rotation et de progression
         rectiligne. Si la membrane est en repos, la pointe tracera
         une spirale simple; si la membrane vibre, la spirale tracée
         sera ondulée et ses ondulations présenteront exactement tous
         les va et vient de la membrane en leur temps et en leurs
         intensités.

         «On traduit, au moyen de procédés photographiques
         actuellement bien connus, cette spirale ondulée et tracée en
         transparence par une ligne de semblables dimensions, tracée
         en creux ou en relief dans une matière résistante (acier
         trempé, par exemple).

         «Cela fait, on met cette surface résistante dans un appareil
         moteur qui la fait tourner et progresser d'une vitesse et
         d'un mouvement pareils à ceux dont avait été animée la
         surface d'enregistrement. Une pointe métallique, si le tracé
         est en creux, ou un doigt à encoche, s'il est en relief, est
         tenue par un ressort sur ce tracé, et, d'autre part, l'index
         qui supporte cette pointe est solidaire du centre de figure
         de la membrane propre à produire des sons. Dans ces
         conditions, cette membrane sera animée, non plus par l'air
         vibrant, mais par le tracé commandant l'index à pointe,
         d'impulsions exactement pareilles en durées et en intensités,
         à celles que la membrane d'enregistrement avait subies.

         «Le tracé spiral représente des temps successifs égaux par
         des longueurs croissantes ou décroissantes. Cela n'a pas
         d'inconvénients si l'on n'utilise que la portion périphérique
         du cercle tournant, les tours de spires étant
         très-rapprochés; mais alors on perd la surface centrale.

         «Dans tous les cas, le tracé de l'hélice sur un cylindre est
         très-préférable et je m'occupe actuellement d'en trouver la
         réalisation pratique.»]

Cette petite histoire est assez ingénieuse et fait bien dans le
tableau, mais nous aimons à croire que cette découverte a été faite un
peu plus sérieusement. En effet, un inventeur comme M. Edison, qui
avait découvert l'_électro-motographe_, et qui l'avait appliqué au
téléphone, se trouvait par cette application même sur la voie du
phonographe, et nous estimons trop M. Edison pour ajouter foi au petit
roman américain. D'ailleurs le phonautographe de M. L. Scott était
parfaitement connu de M. Edison.

Ce n'est qu'au mois de janvier 1877, que le phonographe de M. Edison
a été breveté. Par conséquent, au point de vue du principe de
l'invention, M. Ch. Cros paraît avoir une priorité incontestable; mais
son système tel qu'il est décrit dans son pli cacheté et tel qu'il a
été publié dans la _Semaine du clergé_ du 10 octobre 1877, aurait-il
été susceptible de reproduire la parole?... Nous en doutons fort, et
notre doute pourrait être légitimé par les essais infructueux tentés
par M. l'abbé Leblanc qui avait voulu réaliser l'idée de M. Cros.
Quand il s'agit de vibrations aussi accidentées, aussi complexes que
celles qui sont exigées pour la reproduction des mots articulés, il
faut que leur clichage soit en quelque sorte moulé par elles-mêmes, et
leur reproduction artificielle doit forcément laisser échapper les
nuances qui distinguent les fines liaisons du langage; d'ailleurs, les
mouvements déterminés par une pointe engagée dans une rainure suivant
une _courbe sinusoïde_, ne peuvent s'effectuer avec toute la liberté
nécessaire au développement des sons, et les frottements exercés sur
les deux bords opposés de la rainure, seraient d'ailleurs souvent de
nature à les étouffer. Un membre distingué de la Société de physique
disait avec raison, quand j'ai présenté le phonographe à cette
Société, que toute l'invention de M. Edison résidait dans la feuille
métallique mince sur laquelle les vibrations se trouvent inscrites, et
effectivement, c'est grâce à cette feuille qui a permis de clicher
directement les vibrations d'une lame vibrante, que le problème a pu
être résolu; mais il fallait penser à ce moyen, et c'est M. Edison qui
l'a trouvé; c'est donc lui qui est bien l'inventeur du phonographe.

Après M. Ch. Cros, et encore avant M. Edison, MM. Napoli et Marcel
Deprez avaient cherché à construire un phonographe; mais leurs essais
avaient été si infructueux qu'ils avaient cru un moment le problème
insoluble, et quand on annonça à la Société de physique l'invention de
M. Edison, ils la mirent en doute. Depuis, ils ont repris leurs
travaux et nous font espérer qu'un jour ils pourront nous présenter un
phonographe encore plus perfectionné que celui de M. Edison; c'est ce
que la suite nous dira.

En définitive, c'est M. Edison qui le premier a reproduit,
mécaniquement la parole, et a réalisé par ce fait, une des plus
curieuses et des plus importantes découvertes de notre époque; car
elle a pu nous montrer que cette reproduction est beaucoup moins
compliquée qu'on pouvait le supposer. Cependant il ne faut pas
s'exagérer les conséquences théoriques de cette découverte qui n'a pas
du tout démontré, suivant moi, que nos théories sur la voix fussent
inexactes. Il faut, en effet, établir une grande différence entre la
reproduction d'un son émis et la manière de déterminer ce son. La
reproduction pourra être effectuée d'une manière très-simple, comme le
disait M. Bourseul, du moment où l'on aura trouvé un moyen de
transmettre les vibrations de l'air, quelque compliquées qu'elles
puissent être; mais pour produire par la voix les vibrations
compliquées de la parole, il faudra la mise en action de plusieurs
organes particuliers, d'abord des cordes du larynx, en second lieu, de
la langue, des lèvres, du nez, des dents mêmes, et c'est pourquoi une
machine réellement parlante est forcément très-compliquée.

On s'est étonné que la machine parlante qui nous est venue, il y a
deux ans d'Allemagne, et qui a été exhibée au Grand-Hôtel, fut d'une
extrême complication, alors que le phonographe résolvait le problème
d'une manière si simple: c'est que l'une de ces machines ne faisait
que reproduire la parole, tandis que l'autre l'émettait, et
l'inventeur de cette dernière machine avait dû, dans son mécanisme,
mettre à contribution tous les organes qui dans notre organisme
concourent à la production de la parole. Le problème était infiniment
plus complexe, et on n'a pas accordé à cette invention tout l'intérêt
qu'elle méritait.

Il est temps de décrire le phonographe et les diverses applications
qu'on en a faites et qu'on pourra en faire dans l'avenir.


=Description du phonographe.--Manière de s'en servir.=--Le premier
modèle de cet appareil, celui qui est le plus connu et que nous
représentons fig. 60, se compose simplement d'un cylindre enregistreur
R, mis en mouvement au moyen d'une manivelle M tournée à la main, et
devant lequel est fixée une lame vibrante munie antérieurement d'une
embouchure de téléphone E et, sur sa face postérieure, d'une pointe
traçante; cette pointe traçante que l'on voit en _s_ dans la fig. 62
qui représente la coupe de l'appareil, n'est pas fixée directement sur
la lame; elle est portée par un ressort _r_, et entre elle et la lame
vibrante est adapté un tampon de caoutchouc _c_, constitué par un bout
de tube, lequel a pour mission de transmettre à la pointe s les
vibrations de la lame sans les étouffer; un autre tampon _r_, placé
entre la lame LL et le support rigide de la pointe, tend à atténuer un
peu ces vibrations qui seraient presque toujours trop fortes sans
cette précaution.

Le cylindre, dont l'axe AA, fig. 60, est muni d'un pas de vis pour lui
faire accomplir un mouvement de translation horizontal à mesure que
s'effectue son mouvement de rotation sur lui-même, présente à sa
surface une petite rainure hélicoïdale dont le pas est exactement
celui de la vis qui le fait avancer, et la pointe traçante s'y
trouvant une fois engagée, peut la parcourir sur une plus ou moins
grande partie de sa longueur, suivant le temps plus ou moins long
qu'on tourne le cylindre. Une feuille de papier d'étain ou de cuivre
très-mince est appliquée exactement sur cette surface cylindrique, et
doit y être un peu déprimée afin d'y marquer légèrement la trace de la
rainure et de placer convenablement la pointe de la lame vibrante.
Celle-ci, d'ailleurs, appuie sur cette feuille sous une pression qui
doit être réglée, et, c'est à cet effet, aussi bien que pour dégager
le cylindre quand on doit placer ou retirer la feuille d'étain, qu'a
été adapté le système articulé SN qui soutient le support S de la lame
vibrante. Ce système, comme on le voit, se compose d'un levier
articulé qui porte une rainure dans laquelle s'engage la vis R. Un
manche N qui termine ce levier, permet, quand la vis R est desserrée,
de faire pivoter le système traçant. Conséquemment, pour régler la
pression de la pointe traçante sur la feuille de papier d'étain, il
suffit d'engager plus ou moins la vis R dans la rainure, et de la
serrer fortement quand le degré convenable de pression est obtenu.

Telle est la planche sur laquelle la parole viendra tout à l'heure se
graver en caractères durables, et voici comment fonctionne ce système
si peu compliqué.

On parle dans l'embouchure E de l'appareil, comme on le fait dans un
téléphone ou dans un tube acoustique, mais avec une voix forte et
accentuée et les lèvres appuyées contre les parois de l'embouchure,
comme on le voit fig. 61; on tourne en même temps le cylindre qui,
pour avoir un mouvement régulier, est muni d'un lourd volant, V. fig.
60. Sous l'influence de la voix, la lame LL entre en vibration et fait
manoeuvrer la pointe traçante, qui, à chaque vibration, déprime la
feuille d'étain et détermine un gaufrage plus ou moins creux, plus ou
moins accidenté, suivant l'amplitude de la vibration et ses
inflexions. Le cylindre qui marche pendant ce temps, présente
successivement à la pointe traçante les différents points de la
rainure dont il a été question plus haut; de sorte que, quand on est
arrivé au bout de la phrase prononcée, le dessin pointillé, composé de
creux et de reliefs successifs que l'on a obtenus, représente
l'enregistration de la phrase elle-même. En ce qui concerne
l'enregistrement, l'opération est donc terminée, et en détachant la
feuille de l'appareil, la parole pourrait être mise en portefeuille.
Voyons maintenant comment l'appareil arrive à répéter ce qu'il a si
facilement inscrit.

Pour cela, il s'agit de recommencer tout simplement la même
manoeuvre, et le même effet se reproduit identiquement en sens
inverse. On replace le style traçant à l'extrémité de la rainure qu'il
a déjà parcourue, et on remet le cylindre en marche; les traces
gaufrées en repassant sous la pointe tendent à la soulever et à lui
communiquer un mouvement qui ne peut être que la répétition de celui
qui les avait primitivement provoquées, et la lame vibrante obéissant
à ce mouvement, entre en vibration, reproduisant ainsi les mêmes sons
et par suite les mêmes paroles; toutefois, comme il y a nécessairement
perte de force dans cette double transformation des effets
mécaniques, on est obligé, pour obtenir des sons plus forts, d'adapter
à l'embouchure E le cornet C qui est une sorte de porte-voix. Dans ces
conditions, la parole reproduite par l'appareil peut être entendue de
tous les points d'une salle, et rien n'est plus saisissant que
d'entendre cette voix, un peu grêle il est vrai, qui semble venir
d'outre-tombe pour formuler ses sentences. Si cette invention eût été
faite au moyen âge, on en aurait bien certainement fait
l'accompagnement des fantômes, et elle aurait donné beau jeu aux
faiseurs de miracles.

Comme la hauteur des sons dans l'échelle musicale dépend du nombre des
vibrations effectuées par un corps vibrant dans un temps donné, la
parole peut être reproduite par le phonographe sur un ton plus ou
moins élevé suivant la vitesse de rotation que l'on donne au cylindre
qui porte la feuille impressionnée. Si cette vitesse est la même que
celle qui a servi à l'enregistration, le ton des paroles reproduites
est le même que celui des paroles prononcées. Si elle est plus grande,
le ton est plus élevé, et si elle est moins grande, le ton est plus
bas; mais on reconnaît toujours l'accent de celui qui a parlé; cette
particularité fait qu'avec les appareils tournés à la main, la
reproduction des chants est le plus souvent défectueuse, et l'appareil
chante faux; il n'en est plus de même quand l'appareil se meut sous
l'influence d'un mouvement d'horlogerie parfaitement régularisé, et
l'on a pu obtenir de cette manière des reproductions satisfaisantes de
duos chantés.

La parole, enregistrée sur une feuille d'étain, peut se reproduire
plusieurs fois; mais à chaque fois les sons deviennent plus faibles et
moins distincts, parce que les reliefs s'affaissent de plus en plus.
Avec une lame de cuivre, ces reproductions sont meilleures, mais pour
les obtenir indéfiniment, il faut faire clicher ces lames, et dans ce
cas, la disposition de l'appareil doit être différente.

On a essayé de faire parler le phonographe en prenant les
enregistrations à rebours de leur véritable sens; on a obtenu
naturellement des sons n'ayant aucune ressemblance avec les mots émis;
cependant MM. Fleeming Jenkin et Ewing ont remarqué que non seulement
les voyelles ne sont pas altérées par cette action inverse, mais
encore que les consonnes, les syllabes et des mots tout entiers
peuvent être reproduits avec l'accentuation que leur donnerait leur
lecture si elle était faite à rebours.

Les sons produits par le phonographe, quoique plus faibles que ceux de
la voix qui a déterminé les traces enregistrées, sont néanmoins assez
forts pour réagir sur des téléphones à ficelle et même sur des
téléphones Bell, et comme dans ce cas les sons sont éteints sur
l'appareil et qu'il n'y a que celui qui est en rapport avec le
téléphone qui les perçoit, on peut être assuré qu'aucune supercherie
n'a pu être employée pour les produire.

Quand je présentai le 11 mars 1878 le phonographe à l'Académie des
Sciences de la part de M. Edison, et que M. Puskas, son représentant,
eût fait parler ce merveilleux instrument, un murmure d'admiration se
fit entendre de tous les points de la salle, et ce murmure se changea
bientôt en applaudissements répétés. «Jamais, écrivait à un journal
une des personnes présentes à la séance, on n'avait vu la docte
Académie, ordinairement si froide, se livrer à un épanchement si
enthousiaste. Pourtant quelques membres incrédules par nature, au lieu
d'examiner le fait physique, voulurent le déduire de considérations
morales et d'analogies, et bientôt on entendit dans la salle une
rumeur qui semblait accuser l'Académie de s'être laissée mystifier par
un habile _ventriloque_. Décidément l'esprit gaulois se retrouve
toujours chez les Français et même chez les académiciens. Les sons
émis par l'instrument sont exactement ceux des ventriloques, disait
l'un. Avez-vous remarqué les mouvements des lèvres et de la figure de
M. Puskas quand il tourne l'appareil?... disait l'autre; ne sont-ce
pas les grimaces des ventriloques?... Il peut se faire que l'appareil
émette des sons, disait encore un autre, mais l'appareil est
considérablement aidé par celui qui le manoeuvre! Bref, le bureau de
l'Académie demanda à M. du Moncel de faire lui-même l'expérience, et
comme il n'avait pas l'habitude de parler dans cet appareil,
l'expérience fut négative, à la grande joie des incrédules. Toutefois,
quelques académiciens désirant fixer leurs idées sur ce qu'il y avait
de vrai dans ces effets, prièrent M. Puskas de répéter devant eux les
expériences dans le cabinet du secrétaire perpétuel et dans les
conditions qu'ils lui indiqueraient. M. Puskas se prêta à ce désir, et
ils revinrent de là parfaitement convaincus. Néanmoins, les incrédules
ne se tinrent pas pour battus, et il fallut qu'ils fîssent eux-mêmes
les expériences pour accepter définitivement ce fait, que la parole
pouvait être reproduite dans des conditions excessivement simples.»

Cette petite anecdote que je viens de raconter ne peut certes pas être
interprétée en défaveur de l'Académie des Sciences; car son rôle est
avant tout de conserver intactes les vrais principes de la Science et
de n'accueillir les faits qui peuvent provoquer l'étonnement, qu'après
un examen scrupuleux. C'est grâce à cette attitude qu'elle a pu donner
un crédit absolu à tout ce qui émane d'elle, et nous ne saurions trop
l'approuver de se maintenir ainsi sur la réserve et en dehors d'un
premier moment d'enthousiasme et d'engouement.

Le peu de réussite de l'expérience que j'avais tentée à l'Académie
provenait uniquement de ce que je n'avais pas parlé assez près de la
lame vibrante et que mes lèvres ne touchaient pas les parois de
l'embouchure. Quelques jours après, sur l'invitation de plusieurs de
mes confrères, je fis des expériences répétées avec l'appareil, et je
parvins bientôt à le faire parler aussi bien que celui qu'on accusait
de ventriloquie; mais je reconnus en même temps qu'il fallait une
certaine habitude pour être sûr des résultats produits. Il y a aussi
des mots qui sont reproduits beaucoup mieux que d'autres. Ceux qui
renferment beaucoup de voyelles et beaucoup d'R viennent bien mieux
que ceux où les consonnes dominent et surtout que ceux où il y a
beaucoup d'S. On ne doit donc pas s'étonner, comme l'ont fait
plusieurs personnes, que même avec la grande habitude que possède le
représentant de M. Edison, certaines phrases prononcées par lui
s'entendaient mieux que d'autres.

Un des résultats les plus étonnants que le phonographe a produits a
été la répétition simultanée de plusieurs phrases en langues
différentes dont l'enregistration avait été superposée. On a pu
obtenir jusqu'à trois de ces phrases; mais pour pouvoir les distinguer
au milieu du bruit confus résultant de leur superposition, il fallait
que des personnes différentes, en faisant une attention spéciale à
chacune des phrases inscrites, pussent les séparer et en comprendre le
sens. On a pu même superposer des airs chantés aux phrases prononcées,
et la séparation devenait même dans ce cas plus facile.

Il y a plusieurs modèles de phonographes. Celui que nous avons
représenté fig. 60, est le modèle qui a servi pour les expériences
publiques; mais il est un modèle plus petit que l'on vend
principalement aux amateurs, et dans lequel le cylindre, beaucoup
moins long, sert à la fois d'enregistreur et de volant. Cet appareil
donne de très-bons résultats, mais il ne peut enregistrer que des
phrases courtes. Dans ce modèle, comme du reste dans l'autre, on peut
rendre l'enregistration de la parole beaucoup plus facile en adaptant
dans l'embouchure un petit cornet en forme de porte-voix allongé; les
vibrations de l'air sont alors plus concentrées sur la lame vibrante
et agissent plus vigoureusement. Il paraît aussi que l'appareil gagne
à avoir une lame vibrante un peu épaisse, et on a reconnu qu'on
pouvait adapter directement la pointe traçante sur la lame.

Je ne parlerai pas d'une manière spéciale du phonographe à mouvement
d'horlogerie. C'est un appareil exactement semblable à celui de la
fig. 60, seulement il est monté sur une table spéciale un peu haute de
pieds pour donner au poids du mouvement d'horlogerie une course
suffisante; le mécanisme est adapté directement sur l'axe du cylindre
au lieu et place de la manivelle, et il est régularisé par un volant à
ailettes. Celui qu'on a adopté est un volant d'un système anglais;
mais nous croyons que le régulateur à ailettes de M. Villarceau serait
préférable.

Comme le raccordement des feuilles d'étain sur un cylindre est
toujours délicat à effectuer, M. Edison a cherché à obtenir les traces
de la feuille d'étain sur une surface plane, et il a obtenu ce
résultat de la manière la plus heureuse, au moyen de la disposition
que nous représentons fig. 63. Dans ce nouveau modèle, la plaque sur
laquelle doit être appliquée la feuille d'étain ou de cuivre est
creusée d'une rainure hélicoïdale en limaçon, dont un bout correspond
au centre de la plaque et l'autre bout aux côtés extérieurs, et cette
plaque est mise en mouvement par un fort mécanisme d'horlogerie dont
la vitesse est régularisée proportionnellement à l'allongement des
spires de l'hélice. Au-dessus de cette plaque est placée la lame
vibrante qui est d'ailleurs disposée comme dans le premier appareil,
et dont la pointe traçante peut, par suite d'un mouvement de
translation communiqué au système, suivre la rainure en limaçon depuis
le centre de la plaque jusqu'à sa circonférence. Enfin quatre points
de repère permettent déplacer toujours et sans tâtonnements la feuille
d'étain dans la véritable position qu'elle doit avoir. La figure 64
montre comment cette feuille peut être retirée de l'appareil.

Il ne faudrait pas croire que toutes les feuilles d'étain employées
pour les enregistrations phonographiques soient également bonnes, il
faut que ces feuilles contiennent une certaine quantité de plomb et
présentent une certaine épaisseur. Les feuilles d'étain qui
enveloppent le chocolat, et même toutes celles que l'on trouve en
France, sont trop riches en étain et trop minces pour donner de bons
résultats, et M. Puskas a été obligé d'en faire venir d'Amérique pour
continuer à Paris ses expériences. Jusqu'ici les proportions de plomb
et d'étain n'ont pas encore été bien définies, et c'est l'expérience
qui permet de décider le choix des feuilles; mais quand le phonographe
sera plus répandu, il faudra évidemment que ce travail soit effectué,
et cela sera facile en analysant la composition des feuilles qui
auront fourni les meilleurs résultats.

La disposition de la pointe traçante est aussi une question
très-importante pour le bon fonctionnement d'un phonographe. Elle doit
être très-tenue et très-courte (un millimètre de longueur tout au
plus), afin qu'elle puisse enregistrer nettement les vibrations les
plus minimes de la lame vibrante sans se courber et vibrer dans un
autre sens que le sens normal au cylindre, ce qui pourrait arriver si
elle était longue, en raison des frottements inégaux exercés sur la
feuille d'étain. Il a fallu aussi la construire avec un métal ne
pouvant facilement provoquer des déchirures sur la feuille métallique.
Le fer a paru réunir le mieux les conditions voulues.

Le phonographe n'est du reste qu'à son début, et il est probable que
d'ici à peu de temps, il pourra être dans des conditions convenables
pour enregistrer la parole sans qu'on ait besoin de parler dans une
embouchure. S'il faut en croire les journaux, M. Edison aurait déjà
trouvé le moyen de recueillir sans le secours d'un tuyau acoustique,
les sons émis à une distance de 3 à 4 pieds de l'appareil et de les
imprimer sur une feuille métallique. De là à inscrire sur l'appareil
un discours prononcé dans une grande salle, à une distance quelconque
du phonographe, il n'y a qu'un pas, et si ce pas est fait, ce qui est
probable, la phonographie pourra avantageusement remplacer la
sténographie.

Nous publions dans la note ci-dessous les instructions que M.
Roosevelt le vendeur de ces machines, donne aux acquéreurs pour les
initier à la manoeuvre de l'appareil[30].

         [Note 30: Ne jamais établir le contact entre le stylet et
         le cylindre avant que celui-ci soit recouvert de la feuille
         d'étain.

         Ne commencer à tourner le cylindre qu'après s'être assuré que
         tout est en place. Avoir toujours soin, en faisant revenir le
         stylet au point de départ, de ramener l'embouchure en avant.

         Laisser toujours une marge de 5 à 10 millimètres à la gauche
         et au commencement de la feuille d'étain, car si le stylet
         décrivait la courbe sur le bord extrême du cylindre, il
         pourrait déchirer le papier ou sortir de la rainure.

         Avoir soin de ne pas détacher le ressort du coussin en
         caoutchouc.

         Pour placer la feuille d'étain sur le cylindre, enduire
         l'extrémité de la feuille avec du vernis au moyen d'un
         pinceau, prendre cette extrémité entre le pouce et l'index de
         la main gauche, le côté gommé vers le cylindre, la relever
         avec la main droite et la tendre fortement en l'appliquant
         contre le cylindre de façon à bien lisser le papier,
         appliquer alors le bout gommé sur l'autre extrémité et les
         réunir fortement.

         Pour ajuster le stylet et le placer au centre de la rainure,
         ramener le cylindre vers la droite afin de mettre le stylet
         en face de l'extrémité gauche de la feuille de métal, faire
         avancer doucement et peu à peu le cylindre jusqu'à ce que le
         stylet touche la feuille d'étain avec assez de force pour y
         laisser une trace.

         Observer si cette trace est bien au centre de la rainure
         (pour cela avec l'ongle rayer en travers le cylindre), si non
         ajuster le stylet à gauche ou à droite au moyen de la petite
         vis placée au haut de l'embouchure.

         La meilleure profondeur à donner à la trace du stylet est de
         1/3 de millimètre, c'est-à-dire juste assez pour que le
         stylet, quelle que soit l'ampleur des vibrations de la
         plaque, laisse toujours une légère trace sur la feuille.

         Pour reproduire les mots, faire en sorte de tourner la
         manivelle avec la même vitesse que lors de l'inscription; la
         vitesse moyenne doit être de 80 tours par minute.

         Pour parler dans l'appareil, appuyer la bouche contre
         l'embouchure; les sons gutturaux ou la voix de poitrine se
         gravent mieux que la voix de fausset.

         Pour reproduire les sons, desserrer la vis de pression et
         ramener en avant l'embouchure; faire revenir le cylindre au
         point de départ, rétablir le contact entre la pointe du
         stylet et la feuille, faire tourner de nouveau le cylindre
         dans le même sens que lorsque la phrase a été prononcée.

         Pour augmenter le volume de son restitué: appliquer sur
         l'embouchure un cornet en carton, en bois ou en corne, de
         forme conique dont l'extrémité inférieure sera un peu plus
         large que l'ouverture placée devant la plaque vibrante.

         Le stylet est fait d'une aiguille nº 9 un peu aplatie sur les
         deux côtés par frottement sur une pierre huilée: il est
         facile de construire un stylet, d'ailleurs la maison en a de
         rechange à la disposition de ses clients.

         Le coussin de caoutchouc qui réunit la plaque au ressort sert
         à atténuer les vibrations de la plaque.

         Dans le cas où ce coussin viendrait à se détacher: chauffer
         la tête d'un petit clou, l'appuyer sur la cire qui colle le
         coussin à la plaque ou au ressort jusqu'à ce que cette cire
         soit amollie, et alors après avoir retiré le clou, presser
         légèrement le caoutchouc sur la partie décollée jusqu'à ce
         que, étant refroidie, la cire fasse adhérer le coussin à la
         plaque ou au ressort.

         Avoir soin de renouveler de temps à autre ces coussins qui,
         par l'usage, perdent de leur élasticité.

         En les remplaçant: faire attention à ne pas abîmer la plaque
         vibrante, soit par une pression trop forte, soit par une
         éraflure avec l'instrument qui servira à maintenir le
         coussin.

         Commencer les expériences par des mots isolés ou par des
         phrases très-courtes: les augmenter au fur et à mesure que
         l'oreille s'habitue au timbre particulier de l'appareil.

         Varier les intonations et faire reproduire les phrases ou les
         airs sur des tons différents en accélérant ou en ralentissant
         le mouvement de rotation du cylindre.

         Imiter les cris d'animaux (coq, poule, chien, chat, etc.)

         Faire jouer dans l'embouchure devant laquelle on aura au
         préalable placé un cornet en carton, des instruments en
         cuivre.

         Autant que possible jouer des airs sur mesure rapide, leur
         reproduction parfaite, sans mouvement d'horlogerie, étant
         plus facile à obtenir que celle des airs lents.]


=Considérations théoriques.=--Bien que les explications que nous avons
données précédemment soient suffisantes pour faire comprendre les
effets du phonographe, il est une question curieuse qui ne laisse pas
que d'étonner beaucoup les physiciens, c'est celle-ci: Comment se
fait-il que des gaufrages effectués sur une surface aussi peu
résistante que l'étain, puissent en repassant sous la pointe traçante
qui présente une rigidité relativement grande, déterminer de sa part
un mouvement vibratoire sans se trouver complètement écrasés? À cela
nous répondrons qu'en raison de l'extrême rapidité du passage de ces
traces devant la pointe, il se développe des effets de force vive qui
n'agissent que localement, et que, dans ces conditions, les corps mous
peuvent exercer des effets mécaniques aussi énergiques que les corps
durs. Qui ne se rappelle cette curieuse expérience relatée tant de
fois dans les traités de physique, d'une planche percée par une
chandelle servant de balle à un fusil. Qui ne se rappelle les
accidents produits à diverses reprises par des bourres de papier
projetées par les armes à feu? Dans ces conditions, le mouvement
communiqué aux molécules qui reçoivent le choc n'ayant pas le temps
d'être transmis à toute la masse du corps auquel elles appartiennent,
elles sont obligées de s'en séparer ou tout au moins de déterminer,
quand le corps est susceptible de vibrer, un centre de vibration qui,
propageant ensuite des ondes sur toute sa surface, détermine les sons.

Plusieurs savants, entre autres MM. Preece et Mayer ont cherché à
étudier avec soin la forme des gaufrages laissés par la voix sur la
lame d'étain du phonographe, et ont reconnu que ces formes
ressemblaient beaucoup à celles des flammes chantantes si bien
dessinées avec les appareils de M. Koenig. Voici ce que dit à cet
égard M. Mayer dans le _Popular Science Monthly_ d'avril 1878.

«Par la méthode suivante, j'ai pu parvenir à reproduire sur du verre
enfumé, de magnifiques traces montrant le profil des vibrations
sonores enregistrées sur la feuille d'étain avec leurs différentes
sinuosités. J'adapte pour cela au ressort supportant la pointe
traçante du phonographe, une tige longue et légère terminée par une
pointe qui appuie de côté sur la lame de verre enfumée, et qui peut,
par suite de la position verticale de celle-ci et d'un mouvement qui
lui est communiqué, déterminer des traces sinusoïdes. Par cette
disposition, on obtient donc simultanément, quand le phonographe est
mis en action, deux systèmes de traces dont les unes sont le profil
des autres.

«L'instrument a été en ma possession pendant si peu de temps, que je
n'ai pu faire autant d'expériences que je l'aurais voulu; mais j'ai
néanmoins pu étudier quelques-unes de ces courbes, et il m'a semblé
que les contours enregistrés avaient, pour un même son, une grande
ressemblance avec ceux des flammes chantantes de Koenig.

«La fig. 65 représente les traces correspondantes au son de la lettre
A prononcé _bat_ dans les trois systèmes d'enregistration. Celles qui
correspondent à la ligne A sont la reproduction agrandie des traces
laissées sur la feuille d'étain; celles qui correspondent à la ligne
B, en représentent les profils sur la feuille de verre noirci. Enfin
celles qui correspondent à la ligne C montrent les contours des
flammes chantantes de Koenig, quand le même son est produit
_très-près_ de la membrane de l'enregistreur. Je dis _très-près_ avec
intention, car la forme des traces produites par une pointe attachée à
une membrane vibrante sous l'influence de sons composés, dépend de la
distance séparant la membrane de la source du son, et l'on peut
obtenir une infinité de traces de forme différente en variant cette
distance. Il arrive, en effet, qu'en augmentant cette distance, les
ondes sonores résultant de sons composés réagissent sur la membrane à
différentes époques de leur émission. Par exemple, si le son composé
est formé de six harmoniques, le déplacement de la source des
vibrations de 1/4 de longueur d'onde de la première harmonique,
éloignera la seconde, la troisième, la quatrième, la cinquième et la
sixième harmonique de 1/2, 3/4, 1, 1-1/4, 1-1/2 de longueur d'onde, et
par conséquent les contours résultant de la combinaison de ces ondes,
ne pourront plus être les mêmes qu'avant le déplacement de la source
sonore, quoique la sensation des sons reste le même, dans les deux
cas. Ce principe a été parfaitement démontré au moyen de l'appareil de
Koenig, en allongeant et en raccourcissant un tube extensible
interposé entre le résonnateur et la membrane vibrante placée prés de
la flamme, et il explique le désaccord qui s'est produit entre
différents physiciens sur la composition des sons vocaux, quand ils
les ont analysés au moyen des flammes chantantes.

«Ces faits nous démontrent d'un autre côté, qu'il n'y a pas lieu
d'espérer que l'on puisse _lire_ les impressions et les traces du
phonographe, car ces traces varient non-seulement avec la nature des
voix, mais encore avec les moments différents d'émission des
harmoniques de ces voix et avec les différences relatives des
intensités de ces harmoniques.»

Nous reproduisons néanmoins, fig. 66, des traces extrêmement curieuses
que nous a communiquées M. Blake, et qui représentent les vibrations
déterminées par les mots: _Brown university; how do you do._ Elles ont
été photographiées sous l'influence d'un index adapté à une lame
vibrante et illuminé par un pinceau de lumière. Le mot how est surtout
remarquable par les formes combinées des inflexions des vibrations.

Des expériences récentes semblent montrer que plus la membrane
vibrante d'un phonographe se rapproche comme construction de celle de
l'oreille humaine, et mieux elle répète et enregistre les vibrations
sonores; elle devrait, en quelque sorte, être tendue à la manière de
la membrane tympanique par l'os du marteau et surtout en avoir la
forme, car les vibrations aériennes s'effectueraient alors beaucoup
mieux.

Suivant M. Edison, la grandeur du trou de l'embouchure influe beaucoup
sur la netteté de l'articulation de la parole. Quand les mots sont
prononcés devant toute la surface du diaphragme, le sifflement de
certains sons est perdu. Au contraire, il est renforcé quand les sons
n'arrivent à ce diaphragme qu'à travers un orifice étroit et dont les
bords sont aigus. Si ce trou est pourvu de dentelures sur ses bords
aplatis, les consonnes sifflantes sont rendues plus clairement. La
meilleure reproduction de la parole est obtenue quand l'embouchure est
recouverte avec des enveloppes plus ou moins épaisses disposées de
manière à éteindre les sons provenant de la friction de la pointe
traçante sur l'étain.

M. Hardy a, du reste, rendu l'enregistration des traces du phonographe
plus facile en adaptant dans le trou de l'embouchure de l'appareil un
petit cornet d'ébonite formant comme une embouchure d'instrument à
vent.




APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.


M. Edison vient de publier dans le _North American Review_, de
mai-juin 1878, un article très-intéressant sur l'avenir du
phonographe, dans lequel il discute lui-même les différentes
applications qui pourront être faites de cet instrument et dont nous
allons reproduire ici les conclusions.

Afin de fournir au lecteur une base sur laquelle il puisse asseoir son
jugement, il commence par poser sous forme de questions auxquelles il
répond, les différents principes de son invention. Voici ces
questions:

1º Une plaque ou un disque vibrant peut-il recevoir un mouvement
complexe qui représentera exactement les propriétés particulières de
chaque vibration et de toutes les ondes sonores résultant des
émissions des sons complexes si variés de la voix?

R. Le téléphone répond affirmativement à cette question.

2º Un mouvement si complexe peut-il être transmis à une pointe adaptée
à une plaque de cette nature, de manière à lui faire imprimer sur une
matière plastique des traces gaufrées capables de le représenter
exactement dans toutes ses conditions? et si cela est, cette pointe
traçante pourra-t-elle, en repassant à travers ces traces, les suivre
assez fidèlement pour transmettre de nouveau au disque les mouvements
complexes dont il avait été primitivement animé lorsqu'il avait
produit ces traces, lesquels mouvements doivent nécessairement
reproduire à l'oreille les sons vocaux aussi bien que tout les autres
bruits qui auraient pu les accompagner?

R. Les expériences faites avec le phonographe, quand il est placé dans
de bonnes conditions d'exécution et d'expérimentation, répondent
affirmativement à cette question, et les effets obtenus sont
aujourd'hui si parfaits, qu'avec un peu d'habitude on peut même, en
quelque sorte, lire les sons enregistrés, sans en connaître
l'origine[31].

         [Note 31: M. Edison dit que son préparateur a pu lire,
         sans en perdre un mot, plusieurs colonnes d'un article de
         journal qui lui était inconnu et qui avait été enregistré sur
         l'appareil en son absence. La seule chose qu'il ne put pas
         distinguer fut la nature de la prononciation de celui qui
         avait provoqué cette enregistration, et suivant M. Edison, ce
         ne serait pas un défaut, car souvent la prononciation de
         l'instrument est meilleure que celle de certains individus
         qui, par suite d'un défaut de langue ou de lèvres, ne parlent
         pas distinctement. «Le mécanisme du phonographe, dit M.
         Edison, diminue ou supprime ce défaut.» Nous devons toutefois
         avouer que nous avons peine à croire à cette vertu du
         phonographe qui nous a toujours fait entendre une voix de
         polichinelle enroué dont nous l'aurions dispensé avec
         plaisir.]

3º La feuille tracée peut-elle être enlevée de l'appareil sur lequel
elle a été impressionnée, et replacée sur un autre sans annuler ou
amoindrir son pouvoir reproducteur de la parole?

R. Ceci est question de précision de mécanisme et d'ajustement qui ne
présente pas plus de difficultés que la disposition de l'appareil
lui-même, et le problème est certainement moins difficile à résoudre
que celui de l'ajustement des différentes pièces d'une montre.

4º Une feuille contenant ainsi l'enregistration de la parole peut-elle
être facilement déplacée et expédiée par la poste?

R. Dix ou quinze secondes suffisent pour placer ou déplacer la feuille
enregistrée, mais comme il faut pour son expédition une enveloppe
spéciale, le poids de la dépêche pourra dépasser un peu celui de la
taxe postale; mais l'augmentation ne sera que très-minime.

5º Quelle est la durée d'une dépêche ainsi reproduite?

R. Des expériences répétées ont prouvé que les gaufrages ont un grand
pouvoir de résistance, même quand la reproduction a été effectuée par
une plaque vibrante relativement rigide; mais on pense pouvoir
substituer aux lames d'étain des lames d'un métal plus dur et
extrêmement mince, sur lesquelles réagiraient des pointes très-dures,
telles que des pointes de diamant ou de saphir, et alors ces feuilles
pourraient répéter les dépêches cinquante ou cent fois.

6º Peut-on avoir un duplicata d'une feuille enregistrée, et quelle
serait sa durée?

R. Un grand nombre d'expériences ont été entreprises avec plus ou
moins de succès dans le but d'obtenir des enregistrations
électrotypiques, et d'après les renseignements qui ont été donnés, il
paraîtrait qu'on aurait pu obtenir ce résultat d'une manière
satisfaisante. Il ne paraît pas, du reste, que la solution du problème
présente de difficulté sérieuse, pas plus que celle d'obtenir des
épreuves inaltérables.

7º Quelle peut être la force des ondes sonores et la distance à
laquelle elles doivent agir sur le diaphragme pour produire une bonne
enregistration?

R. Ceci dépend essentiellement de l'intensité des sons que l'on
demande à l'instrument pour leur reproduction. Si cette reproduction
doit être faite de manière à être entendue d'une assistance nombreuse,
les ondes sonores qui doivent fournir l'enregistration doivent être
déterminées d'une manière très-énergique; mais si on se contente d'une
reproduction à l'oreille, la parole prononcée à voix ordinaire ou même
à voix presque basse est susceptible d'être entendue. Dans les deux
cas, les paroles doivent être prononcées devant l'embouchure de
l'instrument. Cependant on a pu, dans certaines conditions, obtenir
une reproduction de la parole en parlant à voix très-haute à deux ou
trois pieds de l'instrument. L'application à l'appareil d'un tube
ouvert ou d'un entonnoir pour concentrer les ondes sonores, le bon
établissement d'un diaphragme délicat et d'une pointe traçante bien
établie, étaient les conditions nécessaires pour obtenir ce résultat.
Il ne peut y avoir, du reste, de grande difficulté pratique à réunir
et à faire converger les ondes sonores à partir d'une source de
vibration placée dans un rayon de trois pieds, rayon qui est assez
étendu pour ne pas embarrasser une personne qui parle ou qui chante.
Les différents essais tentés dans cette voie ont démontré du reste que
l'on peut obtenir de cette manière:

1º L'emmagasinement, d'une manière permanente, de toutes les espèces
d'ondes sonores regardées comme _fugitives_.

2º Leur reproduction avec tous leurs caractères primitifs, que la
source de la vibration soit ou non présente, et quelque soit le laps
de temps écoulé entre le moment de l'enregistration et celui de la
reproduction.

3º Le moyen de transmettre matériellement la parole ainsi emmagasinée
par les voies ordinaires ouvertes aux transactions commerciales, et de
pouvoir remplacer ainsi une dépêche écrite.

4º La multiplication indéfinie de ces sortes de dépêches et leur
conservation, sans avoir à se préoccuper de la source primitive.

5º Le moyen d'enregistrer la parole ou les chants avec ou sans le
consentement de la personne qui les a émis, et même à son insu.

M. Edison entame ensuite le chapitre des applications du phonographe
qu'il énumère de la manière suivante:

«Parmi les plus importantes applications du phonographe on peut citer,
dit-il, son application à l'écriture des lettres, à l'éducation, à la
lecture, à la musique, aux enregistrations de famille, aux
compositions électrotypiques pour les boîtes à musique, les joujoux,
les horloges, les appareils avertisseurs ou les appareils à signaux,
la sténographie des discours, etc.


«=Écriture des lettres.=--L'appareil étant perfectionné au point de
vue des détails mécaniques de sa construction, pourrait être employé
pour tous les usages domestiques (excepté ceux qui exigent une
disposition particulière) qui demanderont la répétition indéfinie d'un
même ordre ou d'un même avis; mais, comme le principal rôle du
phonographe est d'enregistrer la parole et des sons, sa disposition a
dû être combinée en conséquence.

«La disposition la plus générale consiste dans une plaque plate ou un
disque à la surface duquel est évidée une rainure fine en spirale et à
pas serré qui peut fournir par son développement une grande longueur.
Cette plaque est mise en mouvement par un mécanisme d'horlogerie placé
au-dessous, et la rainure est combinée de manière à permettre
l'enregistration de 40000 mots. Le débit de l'appareil peut être
effectué dans des conditions telles, que sur une surface d'étain de
10 pouces carrés, on peut enregistrer 100 mots. Reste à savoir si un
débit moins grand par pouce carré ne serait pas d'un meilleur effet.
Il est certain que pour les lettres cela vaudrait mieux, mais comme on
ne peut pas multiplier indéfiniment les types de machines, et que les
messages étendus sont enregistrés plus économiquement sur une seule
feuille que sur deux, il vaut mieux que l'appareil puisse fournir le
plus de travail possible sur la surface la moins grande possible.
Cette question devra, du reste, être étudiée avant de créer le type
définitif.

«Le fonctionnement du phonographe ainsi disposé pour l'application que
nous traitons en ce moment, est très-simple. On place la feuille
d'étain sur le phonographe et on met en action le mécanisme
d'horlogerie; on parle devant l'embouchure comme si l'on dictait sa
lettre à un secrétaire, et, quand on a terminé, on ôte la feuille de
l'appareil, on la met dans une enveloppe, et on l'expédie par la voie
ordinaire à celui auquel elle est destinée. Celui-ci la place alors
sur son phonographe, met en action l'appareil et entend bientôt la
parole de son correspondant comme s'il lui parlait réellement; il peut
même lui faire répéter sa missive s'il ne l'a pas bien comprise. On
comprend quel avantage un pareil système peut présenter pour les
relations qui peuvent exister entre les aveugles. Comme deux feuilles
d'étain peuvent être aussi facilement marquées par la pointe traçante
de l'appareil qu'une seule, on peut expédier un message en double, ou
bien en garder un comme copie ou contrôle de la lettre envoyée. De
cette manière les commerçants peuvent faire leur correspondance en
secret et sans qu'elles passent par des tiers.

«Comme au moyen de la parole on peut transmettre et entendre avec une
vitesse de 150 à 200 mots par minute, l'expédition des dépêches pourra
être effectuée beaucoup plus promptement que par les moyens
ordinaires, et quand on en prendra connaissance, on pourra continuer
ses occupations, en accompagnant même l'audition de la dépêche de
commentaires, d'exclamations et de réflexions, comme cela a lieu dans
une conversation échangée directement entre deux personnes.

«Le phonographe permet encore à une personne ne sachant ni lire ni
écrire de correspondre avec une autre placée dans le même cas, ou même
avec les autres personnes qui ne pourront pas, de cette manière,
s'apercevoir de son ignorance.

«Les avantages de ce nouveau système de correspondance sont si
nombreux qu'il est inutile de les faire ressortir davantage; ils
viennent d'ailleurs immédiatement à l'esprit quand on considère la
lenteur qu'entraîne l'inscription de la parole avec les procédés
ordinaires.


«=Dictées.=--Il est aussi facile de faire dicter la parole à un
phonographe que de la dicter soi-même au phonographe en parlant devant
son embouchure, et souvent cette dictée pourra être faite dans des
conditions avantageuses. Ainsi, par exemple, si un imprimeur possédait
un appareil de ce genre, il lui serait plus facile de composer en
entendant directement les mots sortir de l'appareil, que de les lire
sur des manuscrits souvent illisibles et de détourner ses yeux de son
travail manuel. Il serait même bon qu'il pût, pour la vérification et
le contrôle, parler directement dans l'instrument.

«Mais l'application la plus importante du phonographe au point de vue
qui nous occupe en ce moment, est celle qui pourra en être faite, en
justice, pour l'enregistration des dépositions des témoins, des
plaidoiries des avocats, et des paroles des juges, et dans d'autres
cas, à la reproduction des discours publics des orateurs. Il est vrai
que le phonographe, dans son état actuel, ne peut pas encore résoudre
ce problème; mais il sera bientôt assez perfectionné pour atteindre ce
résultat.


«=Livres.=--La lecture des livres étant effectuée dans de bonnes
conditions par des personnes dont c'est la profession, on pourra en
reproduire l'enregistrement phonographique, et en composer des
recueils qui pourront être lus par le phonographe aux aveugles, aux
malades ou aux personnes qui voudraient pendant ce temps occuper leurs
yeux et leurs doigts à faire autre chose. Comme les feuilles
enregistrées auraient été le résultat d'une bonne lecture, les
auditeurs du phonographe auraient l'avantage d'entendre un bon
lecteur, ce qui n'est pas toujours possible d'obtenir. Le prix d'un
livre, dont la lecture pourrait être répétée 50 ou 100 fois et même
plus, serait sans doute plus élevé qu'un livre ordinaire, mais cette
élévation de prix serait bien compensée par les avantages qu'on
aurait de n'être plus obligé de lire le livre à haute voix.


«=Besoins de l'éducation.=--Comme professeur d'élocution ou comme
premier maître de lecture pour les enfants, le phonographe pourrait
être d'un grand secours. Par son intermédiaire les passages difficiles
pourraient être rendus correctement par l'élève, et celui-ci n'aurait
plus qu'à avoir recours à son phonographe pour continuer à
s'instruire. L'enfant pourrait ainsi s'exercer à épeler et à apprendre
par coeur une leçon récitée par le phonographe.


«=Musique.=--Le phonographe, nous n'en doutons pas, pourra être
appliqué avec avantage à la musique, car on pourra arriver, je le
crois, à reproduire par son action un chant avec une grande force et
une grande clarté. Un ami pourra donc nous envoyer avec son bonjour du
matin un chant qui fera le soir le bonheur d'une réunion entière. On
pourra même employer le phonographe comme maître de musique, car il
pourra vous seriner un air et apprendre à l'enfant son premier chant.
Il pourra même, comme une nourrice, endormir celui-ci dans une
chanson.


«=Impressions de famille.=--Les dernières paroles prononcées par un
mourant à son lit de mort sont pour sa famille des souvenirs sacrés
qu'on voudrait conserver, et ces souvenirs acquièrent une valeur plus
grande encore quand ce mourant est un grand homme. Le phonographe
permet de satisfaire à ce désir, et la répétition de ses paroles
devient alors d'autant plus émotionnante, qu'elles sont empreintes de
cet accent solennel que la voix acquiert au moment suprême. C'est en
quelque sorte la photographie de la parole, et comme par les procédés
électrotypiques on peut multiplier les reproductions des paroles ainsi
enregistrées, tous les membres d'une famille peuvent avoir un spécimen
des dernières volontés et des dernières paroles d'un membre qui lui
est cher.


«=Livres phonographiques.=--Le peu de place que nécessite
l'inscription de la parole par les moyens phonographiques permettrait
d'obtenir sous un petit volume des livres phonographiques qui, entre
autres avantages qu'ils pourraient présenter, auraient celui
très-important de conserver aux générations futures l'intonation et la
prononciation des différents mots de notre langage. Si on avait eu
dans l'antiquité le phonographe, nous saurions aujourd'hui comment les
Grecs et les Romains prononçaient les différentes lettres de leur
alphabet, et nous pourrions avoir une idée du ton déclamatoire des
Démosthènes et des Cicéron dans leurs discours. D'un autre côté, une
lecture faite d'une manière aussi facile rendrait les ouvrages plus
populaires, et beaucoup d'entre eux qui ne sont pas lus le seraient
quand il ne s'agirait plus que d'écouter.


«=Boîtes à musique, joujoux, etc.=--La seule difficulté qu'on ait
jusqu'ici rencontrée dans la reproduction du chant par le phonographe,
difficulté qui, du reste, pourra être aplanie un jour, ce sont les
sons étrangers et nasillards qui accompagnent cette reproduction et
qui font qu'il est en ce moment impossible d'obtenir avec toute leur
pureté et toute leur suavité les sons émis par la voix d'un habile
chanteur. Si on pouvait se donner à volonté la reproduction d'un
concert de la célèbre Adelina Patti, combien le phonographe
deviendrait-il un instrument précieux!! Dans tous les cas, on pourra
toujours obtenir de cette manière des effets bien supérieurs à ceux
des boîtes à musique, puisqu'on pourra alors reproduire le chant de la
voix humaine.

Les poupées pourront maintenant parler, chanter, rire et crier, et les
animaux eux-mêmes, reproduits en joujoux, pourront pousser les cris
qui leur sont propres; il n'est pas jusqu'à un modèle de locomotive
qui ne puisse faire entendre les bruits qui accompagnent sa marche.
Dans certains cabinets de curiosités, les figures de cire représentant
les grands hommes de l'époque, pourront non-seulement donner une image
fidèle de leurs traits, mais encore les faire parler, et l'illusion
sera complète. D'un autre côté, une horloge phonographique au lieu de
sonner ses coups monotones, vous dira poliment l'heure qu'il est; elle
vous invitera au lunch et vous indiquera l'heure du réveil ou l'heure
du coucher, l'heure d'une affaire ou l'heure du plaisir.


«=Applications à la télégraphie.=--Le phonographe perfectionnera le
téléphone et révolutionnera le système actuel de la télégraphie. En ce
moment, le téléphone a nécessairement un rôle restreint parce que les
messages échangés, n'étant pas enregistrés, se réduisent à une simple
conversation qui ne présente pas les garanties voulues; mais du jour
où les appareils seront assez perfectionnés pour enregistrer les
messages, la question changera complètement d'aspect, et ce mode
d'enregistration sera bien préférable à l'écriture ordinaire. En
effet, lorsque nous inscrivons nos conventions commerciales, nous
résumons brièvement notre pensée, et nous pouvons employer des
expressions qui peuvent laisser certains doutes dans l'esprit; or, ces
doutes peuvent donner lieu à des discussions, souvent même à des
malentendus regrettables. Avec le téléphone combiné au phonographe, il
n'en serait pas de même, car les discussions préliminaires des
affaires se trouveraient enregistrées, et l'on aurait la reproduction
textuelle de tout ce qui aurait été convenu. Chaque mot pourrait alors
éclairer la discussion en cas de contestation, et dans ces conditions,
on pourrait avoir avantage à traiter les affaires à distance plutôt
que verbalement, car on ne pourrait pas alors chercher une forme de
langage capable d'embrouiller les questions et de créer des sujets de
chicane. S'il en est déjà ainsi pour des personnes habitant un même
lieu, il devra, à plus forte raison, en être de même pour les
personnes éloignées les unes des autres, et surtout pour celles qui
usent fréquemment du télégraphe et de la poste.

«Comment est-il possible d'arriver à un pareil résultat?... telle est
la question qui doit naturellement nous être faite, et pour y répondre
il suffira de dire que, puisque le téléphone et le phonographe mettent
tous les deux à contribution une lame vibrante impressionnable aux
ondes sonores de l'air, on peut disposer cette lame de façon à
fonctionner à la fois comme téléphone et comme phonographe, et de
cette manière, celui qui parle enregistre lui-même la parole, il la
conserve, et comme son correspondant peut en faire autant, on a ainsi
tous les éléments d'une discussion sérieuse. On économise donc de
cette manière beaucoup de temps et même souvent beaucoup d'argent.

«Pour obtenir la solution de ce problème, il suffit de disposer
l'appareil de manière à le rendre très-sensible à l'enregistration, et
ce résultat peut être produit en augmentant l'amplitude des vibrations
sur le téléphone transmetteur. Déjà le téléphone à charbon que j'ai
imaginé peut être employé dans ce but, car il peut, tel qu'il est
déjà, fournir quelques indications sur le phonographe, et comme je
travaille toujours à le perfectionner à ce point de vue, on peut dès
maintenant considérer cette application comme à peu près certaine.

«Dans l'avenir, les Compagnies télégraphiques ne seront donc que des
administrations possédant des réseaux de fils télégraphiques, des
stations centrales et des stations de second ordre, dont les employés
n'auront d'autres fonctions à remplir que de surveiller les lignes et
les maintenir en bon état, de fournir les communications de fils
nécessaires pour mettre en rapport tel abonné avec tel autre, et de
noter le temps employé par chacun d'eux pour sa correspondance.

«Les difficultés que peut présenter ce mode d'organisation
télégraphiques aux yeux des personnes habituées aux anciens usages,
sont très-minimes, et disparaîtront fatalement devant les besoins
croissants de l'humanité; car il n'est rien de tel pour faire
disparaître les préjugés ou les partis pris, que les exigences du
public. Or ces exigences naîtront du moment où l'on saura que, par un
nouveau système de correspondance télégraphique, les intéressés
peuvent être mis directement en présence et avoir leur correspondance
enregistrée d'une manière infiniment plus exacte qu'avec le meilleure
secrétaire possible.»

Ici se termine le mémoire de M. Edison; mais depuis l'époque où il a
paru, c'est-à-dire depuis le mois de juin 1878, plusieurs autres
applications ont été encore combinées par lui, et parmi elles nous
citerons celle qu'il en a faite à l'enregistration de la force des
sons produits sur les chemins de fer, et notamment sur le chemin de
fer métropolitain et aérien de New-York. L'appareil qu'il a construit
dans ce but est d'ailleurs tout-à-fait analogue à celui de M. Léon
Scott, et il lui adonné le même nom. Il est décrit et représenté d'une
manière complète dans le _Daily Graphic_, du 19 juillet 1878, ainsi
que l'aérophone, le mégaphone et le micro-tasimètre disposé pour les
observations astronomiques. Nous sortirions du cadre que nous nous
sommes tracé dans ce volume, si nous entrions dans de plus grands
détails sur ces inventions; mais peut-être qu'un jour nous publierons
un second volume dans lequel nous pourrons donner à ce sujet tous les
développements qu'il comporte.

Dernièrement, M. Lambrigot, fonctionnaire de l'administration des
lignes télégraphiques, l'auteur de divers perfectionnements apportés
au télégraphe Caselli, m'a montré un système de phonographe combiné
par lui et qui a été réduit à sa plus simple expression[32].

         [Note 32: Voici la description du procédé de M. Lambrigot
         telle qu'il vient de me l'envoyer:

         «L'appareil se compose d'un plateau de bois dressé
         verticalement sur un socle et fixé solidement. Au milieu de
         ce plateau se trouve une ouverture ronde recouverte d'une
         feuille de parchemin bien tendue, sur laquelle appuie un
         couteau d'acier qui doit, comme la pointe du phonographe,
         tracer les vibrations. Un bâtis solide s'élève depuis le
         socle jusqu'au milieu du plateau, et supporte une glissière
         qui permet à un chariot de circuler devant ce plateau. Sur ce
         chariot se trouve une baguette de verre dont l'une des faces
         est recouverte de stéarine. En rapprochant le chariot et en
         le faisant aller et venir, la stéarine se trouve en contact
         avec le couteau, et prend régulièrement sa forme qui est
         hémi-cylindrique sur toute sa longueur.

         «Lorsqu'un bruit se fait entendre, la feuille de parchemin se
         met en vibration et communique son mouvement au couteau, qui
         pénètre dans la stéarine et trace des stries variées.

         «La reproduction ainsi obtenue sur la baguette de verre est
         soumise aux procédés ordinaires de métallisation. Par la
         galvanisation, on obtient un dépôt de cuivre qui reproduit
         les stries en sens inverse. Lorsqu'on veut faire parler la
         lame métallique, il suffit de passer légèrement sur les
         signaux une pointe de bois, d'ivoire ou de corne, et en la
         promenant plus ou moins vite, on peut faire entendre des
         intonations diverses sans altérer la prononciation.

         «En raison de la dureté du cuivre par rapport au plomb, la
         lame de cuivre qui contient les traces des vibrations, peut
         donner sur ce dernier métal un nombre illimité de
         reproductions. Pour obtenir ce résultat, il suffit
         d'appliquer sur la lame en question un fil de plomb, et
         d'opérer sur ce fil une pression convenable. Le fil s'aplatit
         et prend l'empreinte de toutes les traces qui apparaissent
         alors en relief. En passant à travers ces traces la tranche
         d'une carte à jouer, on provoque les mêmes sons que ceux que
         l'on obtient avec la lame de cuivre.»

         Suivant M. Lambrigot, les lames parlantes peuvent être
         utilisées dans bien des cas; pour l'étude des langues
         étrangères, par exemple, elles permettront d'apprendre
         facilement la prononciation, car on pourra, en les réunissant
         en assez grand nombre, en former une sorte de vocabulaire qui
         donnera l'intonation des mots les plus usités dans telle ou
         telle langue.]

Il a trouvé moyen, par un procédé extrêmement simple, d'imprimer
fortement, à l'intérieur d'une petite rigole de cuivre, les vibrations
déterminées par la voix, et elles sont assez nettement gravées pour
qu'en passant au travers la pointe émoussée d'une allumette, on puisse
entendre des phrases entières. Il est vrai que cette reproduction de
la parole est encore très-imparfaite, et qu'on ne distingue les mots
que parce qu'on les connaît d'avance, mais il est possible qu'on
puisse obtenir de meilleurs résultats en perfectionnant le système;
toujours est-il que cette impression si nette des vibrations de la
voix sur un métal dur est une invention réellement intéressante.




APPENDICES


Pour terminer, nous devons encore mentionner quelques travaux récents
qui nous ont été communiqués trop tard pour occuper la place qui leur
conviendrait.

Le plus important est de M. A. Righi et se rapporte à un système de
téléphone qui permet d'entendre à plusieurs mètres de l'instrument.
Pour obtenir ce résultat, on emploie un transmetteur à pile et un
récepteur Bell à membrane de parchemin très-analogue au modèle que
nous avons représenté (fig. 13). Seulement à l'électro-aimant à deux
branches de ce dernier modèle, est substitué le système ordinaire à
barreau droit qui est beaucoup plus développé. Le transmetteur est à
peu près le même que celui de la figure 18, sauf qu'au lieu de
liquide, M. Righi emploie de la plombagine mêlée à de la poudre
argentée, et que l'aiguille de platine est remplacée par un disque. Le
récipient où est la poudre tassée est porté par un ressort que peut
pousser plus ou moins une vis de réglage. Enfin on emploie comme
générateur électrique le courant de deux éléments de Bunsen.

Quand la distance séparant les deux instruments est grande, on
introduit dans le circuit, à chaque station, une bobine d'induction
dont le fil primaire est traversé par le courant de la pile locale,
ainsi que le transmetteur, et qui est relié d'autre part avec le
récepteur par un commutateur. Le circuit secondaire de ces bobines est
ensuite complété par la terre et le fil de ligne. Il résulte de cette
disposition que le courant induit qui actionne le récepteur en
correspondance, ne produit son effet qu'après une seconde induction
déterminée sur le fil primaire de la bobine locale, et il paraît que
cet effet est bien suffisant; mais l'on a l'avantage, avec cette
disposition, de pouvoir transmettre et recevoir sans autre manoeuvre à
faire que celle du commutateur.

Un autre travail intéressant nous a été aussi communiqué par MM. Ed.
Houston et El. Thomson sur un relais téléphonique basé sur l'emploi du
microphone. Dès le mois de février 1878, j'avais songé à ce problème,
et voici ce que je disais dans ma communication à l'Académie du 25
février: «Si les vibrations de la lame du téléphone récepteur étaient
semblables à celles du téléphone transmetteur, il est facile de
concevoir qu'en substituant au téléphone récepteur un téléphone à la
fois récepteur et transmetteur ayant sa pile locale, ce dernier
pourrait réagir comme un relais, grâce à l'intermédiaire de la bobine
d'induction, et pourrait ainsi non-seulement amplifier les sons, mais
encore les transmettre à toute distance; mais il n'est pas prouvé que
les vibrations des deux lames en correspondance soient de la même
nature, et si les sons résultent de rétractions et dilatations
moléculaires, le problème serait beaucoup plus difficile à résoudre.
Ce sont des expériences à tenter.» Eh bien! ces expériences ont été
tentées avec succès par M. Hughes, qui, ainsi qu'on l'a vu page 194,
est parvenu, grâce à la combinaison du microphone au téléphone, à
faire un relais téléphonique. Le relais de MM. Houston et Thomson ne
diffère de celui de M. Hughes qu'en ce que le microphone, au lieu
d'être placé sur une planche de bois à côté du téléphone, est fixé sur
le diaphragme lui-même du téléphone et se compose de trois microphones
à charbons verticaux que l'on peut associer en tension ou en quantité,
suivant les conditions de l'application. Le modèle de cet appareil est
reproduit dans la _Telegraphic Journal_ du 15 août 1878, et nous y
renvoyons le lecteur qui voudrait avoir plus de renseignements à ce
sujet.

D'un autre côté M. Hughes est parvenu à obtenir un relais téléphonique
par l'intermédiaire de deux microphones à charbon vertical. En plaçant
sur une planchette deux microphones de ce genre, et reliant l'un de
ces microphones à un troisième servant de transmetteur, alors que le
second est mis en rapport avec un téléphone et une seconde pile, on
entend dans le téléphone les paroles prononcées devant le microphone
transmetteur sans que le relais téléphonique mette à contribution
aucun organe électro-magnétique.

On peut encore obtenir la reproduction de la parole au moyen d'un
microphone, en fixant sur la même planche que ce microphone un aimant en
fer à cheval entre les pôles duquel est adapté un noyau de fer doux
recouvert de la bobine magnétisante. C'est encore un système de _relais
téléphonique_ qui fonctionne sans diaphragme électro-magnétique.

Enfin, on peut faire parler distinctement un téléphone sans noyau
magnétique. Une simple lame de fer et un tube de cuivre évasé sur
lequel est enroulée la bobine, tels sont les éléments constituants de
ce nouvel instrument qui, suivant l'auteur, _parlerait plus
distinctement qu'un Bell ordinaire_ sous l'influence d'un microphone
transmetteur et d'une pile de six éléments Leclanché.

M. Ader, de son côté, vient d'exécuter un modèle de téléphone qui a
aussi son mérite. Le récepteur n'est autre chose qu'un électro-aimant
ordinaire à deux branches, dont l'armature est soutenue à deux
millimètres environ de ses pôles, par une lame de verre à laquelle
elle est collée, et qui elle-même est fixée à deux supports rigides.
Pour entendre, il suffit de l'appliquer contre l'oreille. Le
transmetteur est une tige mobile de fer ou de charbon qui appuie sur
un morceau de charbon fixe, sans autre pression que son poids, et qui
porte une plaque concave devant laquelle on parle. Ces deux pièces
sont disposées de manière à se mouvoir horizontalement, de sorte que,
quand l'appareil est suspendu, le circuit est forcément disjoint par
ce seul fait, alors qu'il se trouve fermé au moment où on prend
l'appareil pour parler. La parole est très-bien reproduite avec ce
système qui, exécuté dans de plus grandes dimensions, peut transmettre
la parole à une certaine distance.

En fait de microphones, nous devons encore signaler de nouveaux
modèles combinés par M. Trouvé, dont un est représenté fig. 67. Ils
sont d'une simplicité réellement remarquable et peuvent se prêter à
beaucoup d'expériences différentes; ils se composent généralement
d'une petite boîte cylindrique verticale, dont les deux bases sont
constituées par deux disques de charbon dont les centres sont réunis
soit par une tige de charbon, soit par une tige métallique. Ces boîtes
peuvent s'ouvrir, et servent en même temps de caisse pour renfermer
des insectes dont on veut étudier les bruits; elles peuvent être
suspendues à une potence par les deux fils de communication pour
éviter les coussins, et en s'appliquant sur le cadran d'une montre,
elles en révèlent les battements avec une certaine intensité.

Au moment où nous terminons l'impression de notre volume, nous
recevons de M. Edison la communication suivante, signée de MM. Edison,
Batchelor et J. Adams, qui semblerait indiquer que le récepteur
téléphonique sans organe électro-magnétique aurait été découvert par
lui dès le 24 septembre 1877. Cette communication est une copie
extraite du registre d'expériences de M. Edison et qui est ainsi
conçue:

                                             «Sept. 24 1877.

     Télégraphe parlant.

     Ce soir, en essayant des parleurs, nous avons remarqué que les
     sons ordinaires étaient reproduits très-haut. Quand j'ai fait
     éloigner le receveur de M. Batchelor, celui-ci remarqua ou crut
     entendre M. Adams parler dans le transmetteur. Cherchant à se
     rendre compte de cet effet, il répéta l'expérience et reconnut
     qu'il ne s'était pas trompé, et il continua la conversation avec
     M. Adams pendant plusieurs minutes, _en n'employant que deux
     transmetteurs_. La pile se composait de 12 éléments, et le
     circuit était de 1200 Ohms (120 kilomètres de fil télégraphique);
     mais avec 100, on pouvait fonctionner sur une ligne. Toutefois,
     comme les sons transmis étaient un peu bas, les sons reproduits
     l'étaient également, et même n'étaient pas toujours entendus. Je
     me propose d'entreprendre une série d'expériences avec un
     récepteur basé sur le principe de l'expansion et avec différentes
     compositions.

                          MM. A. EDISON, MAC. BATCHELOR, JAMES ADAMS.

Une seconde communication de M. Edison, qu'il m'a également envoyée,
se rapporte à un appareil auquel il a donné le nom de _gouverneur
électrique_. C'est un électro-aimant dont l'armature, soulevée par un
ressort antagoniste, appuie contre un disque de charbon placé
au-dessus d'elle et du côté opposé au pôle électro-magnétique. Le
courant qui passe à travers l'électro-aimant continue sa marche à
travers le disque de charbon, et suivant que la pression exercée par
l'armature sur le charbon est plus ou moins grande, son intensité est
plus ou moins marquée. Or cette pression dépend de l'excès de force du
ressort antagoniste sur l'attraction électro-magnétique. Quand
celle-ci s'affaiblit, la pression sur le charbon augmente, et
l'intensité du courant, devenant plus forte, fait réagir
l'électro-aimant plus fortement. Quand, au contraire, celui-ci agit
trop fortement, la pression sur le charbon diminuant, affaiblit le
courant et, par suite, l'action électro-magnétique se trouve forcée de
rester constante entre les limites qui ont été réglées. On comprend
qu'en ajoutant au-dessus du charbon dont il vient d'être question un
second charbon isolé du premier, on pourrait faire réagir l'appareil
sur un second circuit qui se trouverait régularisé en même temps.

Un régulateur d'une disposition analogue, mais fondé sur un autre
principe, avait été déjà appliqué par MM. Lacassagne et Thiers pour un
régulateur de lumière électrique.




TABLE DES MATIÈRES


  Un coup d'oeil historique......................................... 1


TÉLÉPHONES MUSICAUX.

  Téléphone de M. Reiss............................................ 11

  Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray........................... 15

  Harmonica électrique............................................. 18

  Téléphone de M. Elisha Gray...................................... 21

  Téléphone de M. Varley........................................... 25


TÉLÉPHONES PARLANTS.

  Téléphones à ficelle............................................. 27

  Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle.............. 29

  Téléphone électrique de M. Graham Bell........................... 32

  Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone............. 56


EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE BELL.

  Exposition de ces principes...................................... 60


DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.

  Description et étude............................................. 64


DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.

  Exposé de la question............................................ 75


TÉLÉPHONES À PILE.

  Téléphone de M. Edison........................................... 76

  Téléphone musical d'Edison....................................... 81

  Téléphones du colonel Navez...................................... 85

  Téléphones de MM. Pollard et Garnier............................. 88

  Téléphone à réaction de M. Hellesen.............................. 90

  Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston................... 92

  Téléphones à piles et à transmetteurs liquides................... 93

  Téléphones à pile et à arcs voltaïques........................... 97

  Téléphones à mercure............................................. 99


MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES BELL.

  Téléphones à diaphragmes multiples.............................. 104

  Système de M. Elisha Gray....................................... 106

  Système de M. Phelps............................................ 108

  Système de M. Cox-Walker........................................ 110

  Systèmes de M. Trouvé........................................... 110

  Système de M. Demoget........................................... 113

  Modifications dans la disposition des organes téléphoniques..... 114


EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.

  Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques
  et les courants induits......................................... 117

  Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone
  dans la transmission de la parole............................... 124

  Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques
  communiqués à différentes parties d'un téléphone................ 134

  Théorie du téléphone............................................ 139


EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.

  Expériences de M. d'Arsonval.................................... 149

  Expériences de M. Demoget....................................... 152

  Expériences de M. Hellesen...................................... 156

  Expériences de M. Zetzche....................................... 157

  Expériences que tout le monde peut faire........................ 158


LE MICROPHONE.

  Historique de la question....................................... 159

  Différents systèmes de microphones.............................. 164

  Le microphone employé comme organe parlant...................... 175

  Autres dispositions de microphones.............................. 179

  Expériences faites avec le microphone........................... 181


EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.

  Exposé de la question........................................... 203


INSTALLATION D'UN POSTE TÉLÉPHONIQUE.

  Système de MM. Pollard et Garnier............................... 216

  Système de MM. Bréguet et Roosevelt............................. 219

  Système de M. Edison............................................ 223


SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.

  Exposé de la question........................................... 225

  Système de M. de Weinhold....................................... 227

  Système de MM. Dutertre et Gouhault............................. 229

  Système de M. Puluj............................................. 231


APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.

  Exposé général.................................................. 232


APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.

  Historique de la question....................................... 234

  Système de Bell................................................. 237

  Système de M. Paul Lacour....................................... 241

  Système de M. Elisha Gray....................................... 246

  Système de M. Varley............................................ 255


APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.

  Application aux usages domestiques.............................. 258

  Application aux services télégraphiques......................... 259

  Application aux arts militaires................................. 261

  Application à la marine......................................... 263

  Applications industrielles...................................... 265

  Application aux recherches scientifiques........................ 265


LE PHONOGRAPHE.

  Historique de cette découverte.................................. 267

  Description du phonographe et manière de s'en servir............ 273

  Considérations théoriques....................................... 287


APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.

  Mémoire de M. Edison sur cette question......................... 293

  Écriture des lettres............................................ 298

  Dictées......................................................... 300

  Livres.......................................................... 301

  Besoins de l'éducation.......................................... 302

  Musique......................................................... 302

  Impressions de famille.......................................... 302

  Livres phonographiques.......................................... 303

  Boîtes à musique, joujoux, etc.................................. 303

  Applications à la télégraphie................................... 304

  Phonautographe.................................................. 307

  Disposition de M. Lambrigot..................................... 307

  Appendices...................................................... 310

  Table des matières.............................................. 317


FIN.


21 651.--Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris





End of the Project Gutenberg EBook of Le Téléphone, le Microphone et le
Phonographe, by Théodore du Moncel

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***

***** This file should be named 27574-8.txt or 27574-8.zip *****
This and all associated files of various formats will be found in:
        https://www.gutenberg.org/2/7/5/7/27574/

Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net
(This file was produced from images generously made
available by the Bibliothèque nationale de France
(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)


Updated editions will replace the previous one--the old editions
will be renamed.

Creating the works from public domain print editions means that no
one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
(and you!) can copy and distribute it in the United States without
permission and without paying copyright royalties.  Special rules,
set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark.  Project
Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
charge for the eBooks, unless you receive specific permission.  If you
do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
rules is very easy.  You may use this eBook for nearly any purpose
such as creation of derivative works, reports, performances and
research.  They may be modified and printed and given away--you may do
practically ANYTHING with public domain eBooks.  Redistribution is
subject to the trademark license, especially commercial
redistribution.



*** START: FULL LICENSE ***

THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK

To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
distribution of electronic works, by using or distributing this work
(or any other work associated in any way with the phrase "Project
Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
Gutenberg-tm License (available with this file or online at
https://gutenberg.org/license).


Section 1.  General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
electronic works

1.A.  By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
and accept all the terms of this license and intellectual property
(trademark/copyright) agreement.  If you do not agree to abide by all
the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.

1.B.  "Project Gutenberg" is a registered trademark.  It may only be
used on or associated in any way with an electronic work by people who
agree to be bound by the terms of this agreement.  There are a few
things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
even without complying with the full terms of this agreement.  See
paragraph 1.C below.  There are a lot of things you can do with Project
Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
works.  See paragraph 1.E below.

1.C.  The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
Gutenberg-tm electronic works.  Nearly all the individual works in the
collection are in the public domain in the United States.  If an
individual work is in the public domain in the United States and you are
located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
are removed.  Of course, we hope that you will support the Project
Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
the work.  You can easily comply with the terms of this agreement by
keeping this work in the same format with its attached full Project
Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.

1.D.  The copyright laws of the place where you are located also govern
what you can do with this work.  Copyright laws in most countries are in
a constant state of change.  If you are outside the United States, check
the laws of your country in addition to the terms of this agreement
before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
creating derivative works based on this work or any other Project
Gutenberg-tm work.  The Foundation makes no representations concerning
the copyright status of any work in any country outside the United
States.

1.E.  Unless you have removed all references to Project Gutenberg:

1.E.1.  The following sentence, with active links to, or other immediate
access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
copied or distributed:

This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever.  You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.org

1.E.2.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
and distributed to anyone in the United States without paying any fees
or charges.  If you are redistributing or providing access to a work
with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
1.E.9.

1.E.3.  If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
with the permission of the copyright holder, your use and distribution
must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
terms imposed by the copyright holder.  Additional terms will be linked
to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
permission of the copyright holder found at the beginning of this work.

1.E.4.  Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
License terms from this work, or any files containing a part of this
work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.

1.E.5.  Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
electronic work, or any part of this electronic work, without
prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
active links or immediate access to the full terms of the Project
Gutenberg-tm License.

1.E.6.  You may convert to and distribute this work in any binary,
compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
word processing or hypertext form.  However, if you provide access to or
distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
form.  Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
License as specified in paragraph 1.E.1.

1.E.7.  Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.

1.E.8.  You may charge a reasonable fee for copies of or providing
access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
that

- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
     the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
     you already use to calculate your applicable taxes.  The fee is
     owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
     has agreed to donate royalties under this paragraph to the
     Project Gutenberg Literary Archive Foundation.  Royalty payments
     must be paid within 60 days following each date on which you
     prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
     returns.  Royalty payments should be clearly marked as such and
     sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
     address specified in Section 4, "Information about donations to
     the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."

- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
     you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
     does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
     License.  You must require such a user to return or
     destroy all copies of the works possessed in a physical medium
     and discontinue all use of and all access to other copies of
     Project Gutenberg-tm works.

- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
     money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
     electronic work is discovered and reported to you within 90 days
     of receipt of the work.

- You comply with all other terms of this agreement for free
     distribution of Project Gutenberg-tm works.

1.E.9.  If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
electronic work or group of works on different terms than are set
forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark.  Contact the
Foundation as set forth in Section 3 below.

1.F.

1.F.1.  Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
collection.  Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
works, and the medium on which they may be stored, may contain
"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
your equipment.

1.F.2.  LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
liability to you for damages, costs and expenses, including legal
fees.  YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
PROVIDED IN PARAGRAPH F3.  YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
DAMAGE.

1.F.3.  LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
written explanation to the person you received the work from.  If you
received the work on a physical medium, you must return the medium with
your written explanation.  The person or entity that provided you with
the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
refund.  If you received the work electronically, the person or entity
providing it to you may choose to give you a second opportunity to
receive the work electronically in lieu of a refund.  If the second copy
is also defective, you may demand a refund in writing without further
opportunities to fix the problem.

1.F.4.  Except for the limited right of replacement or refund set forth
in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.

1.F.5.  Some states do not allow disclaimers of certain implied
warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
the applicable state law.  The invalidity or unenforceability of any
provision of this agreement shall not void the remaining provisions.

1.F.6.  INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
with this agreement, and any volunteers associated with the production,
promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
that arise directly or indirectly from any of the following which you do
or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.


Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at https://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     [email protected]


Section 4.  Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment.  Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States.  Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements.  We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance.  To
SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
particular state visit https://pglaf.org

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States.  U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses.  Donations are accepted in a number of other
ways including including checks, online payments and credit card
donations.  To donate, please visit: https://pglaf.org/donate


Section 5.  General Information About Project Gutenberg-tm electronic
works.

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
concept of a library of electronic works that could be freely shared
with anyone.  For thirty years, he produced and distributed Project
Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.


Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
unless a copyright notice is included.  Thus, we do not necessarily
keep eBooks in compliance with any particular paper edition.


Most people start at our Web site which has the main PG search facility:

     https://www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.