Jeux et exercices des jeunes filles

By active 19th century Marguerite Du Parquet

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Marguerite Du Parquet

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Title: Jeux et exercices des jeunes filles

Author: Marguerite Du Parquet

Illustrator: Georges Fath

Release Date: May 13, 2009 [EBook #28788]

Language: French


*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JEUX ET EXERCICES--JEUNES FILLES ***




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       BIBLIOTHÈQUE ROSE ILLUSTRÉE

       JEUX
       ET EXERCICES
       DES JEUNES FILLES

       PAR

       MME DE CHABREUL

       OUVRAGE ILLUSTRÉ DE 55 VIGNETTES

       PAR FATH

       PARIS
       LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
       79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79.

       1890


       Imprimerie P. Brodard et Gallois.



       SIXIÈME ÉDITION




AVANT-PROPOS.


Dans ce recueil, que nous dédions aux jeunes filles, nous avons cherché
à réunir les jeux les plus agréables, propres à tous les âges et à
toutes les conditions. Nous en avons présenté une explication simple et
rapide, en y ajoutant quelques détails qui nous ont paru intéressants,
ou quelques conseils donnés avec discrétion.

Dans cette longue série de jeux variés, que nous avons retrouvés dans
notre mémoire ou dans divers auteurs, il y en a beaucoup assurément qui
peuvent convenir à tous les caractères, aux plus légers comme aux plus
sérieux; aussi venons-nous demander avec instance à nos jeunes lectrices
de préférer les jeux, quels qu'ils soient, à des causeries frivoles qui
seraient moins profitables que ces simples amusements dédaignés par
elles trop souvent.

Ajoutons que les jeux qui paraissent dénués d'intérêt, si on les juge à
première vue, renferment souvent une idée ou une tradition, et souvent
se rattachent à une coutume ancienne ou à un fait historique. Nous avons
cherché, à l'aide de la science d'autrui, les origines des jeux dont la
naissance n'était pas enveloppée d'obscurité, ce qui arrive pour ceux
que la fantaisie seule a produits. Puisque les jeunes filles deviennent
sérieuses, on le prétend du moins, nous espérons, par ces courtes
digressions, leur faire accueillir nos jeux avec plus d'intérêt. Si nous
avons réussi, nous nous applaudirons d'avoir perpétué le goût de ces
honnêtes passe-temps qui ont amusé tant de générations et traversé des
siècles pour venir jusqu'à nous.

Avant de mettre ce petit traité entre les mains des jeunes filles, nous
supplions les mères d'accepter pour elles-mêmes un conseil que nous nous
permettons de leur adresser avec la hardiesse que donnent les bonnes
intentions.

On ne peut se dissimuler que des liens étroits rattachent toutes les
parties de l'éducation, et, en examinant ce sujet, bien sérieux au fond,
il est nécessaire d'admettre l'influence des jeux et des amusements,
soit comme une sorte de gymnastique agissant sur le corps seulement,
soit comme un exercice de l'intelligence. De ceux-là, une femme d'un
esprit supérieur[1] a dit: «S'ils sont en général peu propres à
instruire, ils peuvent l'être à développer. Quelques-uns demandent de la
présence d'esprit et de la rapidité de repartie; d'autres, une analyse
des idées pareille à celle qu'on emploie dans les sciences
d'investigation, d'autres des efforts de mémoire.»

[Note 1: Mme Necker de Saussure, _Éducation progressive_, t. II, p.
288.]

Sans donner aux jeux une trop grande place dans l'éducation, nous ne
pouvons donc leur refuser d'en faire partie, et nous conseillons à la
mère attentive de s'en servir quelquefois comme d'auxiliaires pour la
grande et difficile mission qu'elle a reçue de la Providence. Considérés
sous ce rapport, les jeux n'ont plus rien d'inutile ou de trop puéril.
C'est pourquoi nous engageons les mères à y assister et même à les
diriger le plus souvent qu'elles le pourront. Nous nous servirons, pour
appuyer notre sentiment, de l'autorité d'un pieux écrivain[2]: «Jouez et
chantez avec vos enfants, dit-il, ou du moins voyez leurs jeux avec
complaisance, et écoutez leurs chants d'un air satisfait, pourvu que
rien n'y blesse la modestie.»

[Note 2: Le P. Antoine de Lombez, _Traité de la joie de l'âme
chrétienne_.]

Cette _complaisance_ de la mère n'ôtera rien à la gaieté des jeux;
peut-être même que sa présence les rendra encore plus agréables, si elle
les dirige de manière à prévenir les contestations et les froissements
d'amour-propre qui ont lieu si souvent dans les réunions d'enfants. De
leur côté les enfants doivent être touchés et reconnaissants de voir un
père ou une mère s'associer à ces jeux par pur dévouement.

Voici la division que nous avons donnée à notre recueil:

Première partie: _Jeux d'action_, utiles surtout dans les récréations,
pour délasser d'un travail sédentaire par le mouvement et l'exercice.

Deuxième partie: _Jeux avec jouets_. Nous décrivons la forme et l'usage
des jouets le plus fréquemment employés par les jeunes filles.

Troisième partie: _Les Rondes_, qui, comme jeux d'action, ont un rapport
marqué avec les jeux de la première partie, mais qui en diffèrent parce
qu'elles sont accompagnées de chants dont nous donnons les airs notés.

Quatrième partie: Jeux que l'on appelle _Jeux d'esprit_, qui se jouent
entre plusieurs personnes sans employer d'objets matériels. Ils ont lieu
ordinairement par demandes et par réponses. Il s'en trouve parmi ceux-là
un certain nombre qui paraîtront peut-être trop simples, mais ils auront
leur emploi quand il s'agira d'amuser les tout petits enfants, que leur
âge exclut des jeux plus compliqués.

Un appendice placé à la fin de l'ouvrage expliquera les principes et les
figures de la danse.

[Illustration: deco]

[Illustration: Le loup ou la Queue leuleu.]




JEUX ET EXERCICES
DES JEUNES FILLES.




PREMIÈRE PARTIE.

JEUX D'ACTION.



LE LOUP OU LA QUEUE LEULEU[3].

[Note 3: Nous n'avons pas placé ce jeu parmi les rondes, parce qu'il
n'est accompagné que d'une très-courte phrase de chant qui se rattache à
l'action, mais sans la diriger, tandis que les rondes dont se compose la
troisième partie de notre livre sont pour la plupart de petites scènes
qui se jouent et se dansent à l'aide d'un chant presque continuel, qui
en détermine les différentes parties.]

Plusieurs enfants, en se tenant par la robe, figurent un troupeau de
moutons, ayant la bergère à leur tête. Celle-ci chante, et les autres
répètent après elle ces vers dont la rime n'est pas riche:

       Promenons-nous dans les bois,
       Pendant que le loup n'y est pas.

Une de leurs compagnes, qui est cachée, figure le loup. Quand elles ont
fait plusieurs tours, elles s'écrient: _Loup, y es-tu?_ Le loup ne
répond rien, et la promenade recommence aussi longtemps qu'il plaît au
loup de ne pas accourir. Quand approche le dénoûment, l'émotion
augmente, parce qu'il vient un moment où le loup s'écrie à son tour:
_Oui!_ en s'élançant hors de sa retraite. Alors les moutons fuient dans
toutes les directions, et la bergère, qui ne peut pas être prise, se met
autant qu'elle le peut devant le loup, afin de protéger son troupeau.
Quand le loup s'empare enfin d'un des moutons, le jeu recommence, car le
mouton devient loup à son tour; ou bien on peut convenir que le loup se
saisira successivement de tous les moutons, et que ce ne sera que le
dernier mouton qui prendra sa place[4].

[Note 4: Souvent, pour indiquer la personne qui dirigera le jeu, ou qui
y remplira un certain rôle, on tire au sort, par le _doigt mouillé_, par
_pile_ ou _face_, ou par la _courte paille_. On sait assez ce que
signifient ces différentes manières de tirer au sort, pour qu'il soit
superflu d'en donner ici l'explication.]

Ce jeu, si simple en lui-même, peut être varié par l'imagination des
enfants. A la place du mouton poursuivi par le loup, quelquefois ils
supposent une biche, si l'action se passe dans les bois, et aux
différentes interpellations de l'animal féroce, la victime répond selon
son courage ou sa frayeur.--_Le loup_: Je te mangerai! _La Biche_: Je me
défendrai, ou, je me sauverai; etc.

Ce jeu, assez ancien, ainsi que nous le verrons plus tard, s'appelle
_Queue leuleu_, parce que les enfants marchent à la suite les uns des
autres, comme marchent les loups, qu'en vieux français on nommait
_leux_. Cette terreur du loup date du temps où les forêts étaient plus
nombreuses et peuplées d'un grand nombre de ces féroces animaux.
Aujourd'hui, à l'exception de quelques départements très-boisés ou
montagneux qui servent encore de retraite aux loups, les enfants sont
rarement exposés à en rencontrer ailleurs qu'au Jardin des plantes;
cependant leur imagination, qui se figure si facilement les objets, agit
quelquefois d'une manière très-vive dans ce jeu, et va jusqu'à la
terreur au moment où le loup s'élance avec des hurlements à la poursuite
des brebis fugitives.

Les enfants ne savent pas que des jeux qu'ils répètent, par imitation,
leur viennent des temps les plus reculés, presque sans altération. Bien
avant eux, bien avant leurs grands-pères, en remontant les siècles, on
retrouve dans de vieux livres les mêmes jeux, sous les mêmes noms, ou
sous des noms plus modernes qui n'en ont pas changé le caractère. Le
chroniqueur Froissart, vers la première moitié du quatorzième siècle,
racontant son enfance, nous dit naïvement qu'il jouait à la _Queue
leleu_, à _Prime-Mérine_, sorte de _Main Chaude_, aux _Pierrettes_, au
_Pince-Sans-Rire_, au _Cheval de bois_, aux _Barres_, à _l'Avoine_, à
_Cache-Cache_, au _Deviner_, à _Saute-Mulet_, à la _Cligne-Musette_, à
la _Toupie_, etc. Nous donnons cette nomenclature pour montrer avec
quelle fidélité se conservent les traditions enfantines.



CACHE-CACHE OU CLIGNE-MUSETTE.

Ce jeu est un des exercices les plus usités parmi les jeunes filles.
Pendant que l'une d'elles se cache, toutes les autres ferment les yeux.
Si la première est trop longtemps à chercher sa cachette, on a le droit
de dire: _Est-ce fait?_ et il n'est permis de se mettre à sa recherche
que quand elle dit: _Oui_, ou bien: _C'est fait_. On peut aussi convenir
à l'avance que quand celle qui se cache ne répondra pas, cela indiquera
que l'on peut la chercher. Cet arrangement est préférable, parce que le
son de la voix, quand on répond, peut faire facilement découvrir la
jeune fille cachée.

[Illustration]

On joue également à cache cache d'une autre manière. Une seule jeune
fille cherche toutes les autres qui sont cachées, et c'est la première
que l'on découvre qui aura la peine de chercher les autres, à moins
qu'elle ne puisse échapper à celle qui l'a trouvée en touchant un but
qu'elle atteint en courant.



CACHE-TAMPON.

Une des jeunes filles sort de la chambre ou se tient à l'écart, et ferme
consciencieusement les yeux, tandis que les autres cachent un petit
objet, par exemple un mouchoir plié en boule, d'où vient le nom de
_tampon_. Lorsque celle qui doit le trouver est rappelée, elle cherche
dans tous les endroits où peut être l'objet caché, et selon qu'elle s'en
rapproche ou qu'elle s'en éloigne, les autres lui disent: _Tu brûles_
ou: _Tu as froid_. Souvent on prend une pincette sur laquelle on frappe
avec une clef, lentement, lorsque la chercheuse s'écarte du lieu où est
l'objet caché, très vite quand elle en est près, et ainsi graduellement.
On peut également indiquer cette direction en agitant une sonnette à
main, ou en frappant une note sur le piano.

[Illustration]

Le même moyen d'indication est encore employé dans un autre jeu, où il
faut que la personne qui a été désignée pour deviner fasse une action
que l'on a décidée en son absence, comme de souffler la bougie, de se
regarder dans une glace, de balayer la chambre avec le petit balai du
foyer, enfin quelque chose qui soit facile à exécuter et à deviner.
Quand elle revient, elle fait successivement tout ce qui lui vient à
l'esprit, et, si elle est sur le point de rencontrer juste, la pincette
ou le piano l'en avertit par un son continu et de plus en plus animé.



LE CHAT ET LA SOURIS.

Il y a deux manières de jouer à ce jeu:

On choisit deux personnes pour représenter deux chats, et une pour faire
la souris. On place la souris au milieu du cercle des défenseurs, et les
deux chats font un assaut pour essayer de l'attraper. C'est une
véritable lutte de chats contre toute la masse des défenseurs. Ce jeu, à
cause des dangers qu'il présente, est plutôt fait pour les garçons que
pour les jeunes filles.

[Illustration]

Une autre manière, mais qui n'est praticable que dans un jardin,
consiste à choisir un but, asile inviolable contre le chat. Dès qu'on a
touché le but, on est hors des atteintes du chat, qui partout ailleurs a
le droit de vous saisir. Joué dans un jardin, en nombreuse société, le
soir, quand il ne fait plus bien clair, ce jeu est animé et amusant. Il
est bon que le chat s'attache quelque signe pour se faire reconnaître.



LE CHAT PERCHÉ.

[Illustration]

Un des enfants, désigné par le sort, doit poursuivre les autres; mais
ceux-ci peuvent se mettre hors de ses atteintes, en se plaçant sur un
tabouret ou sur une chaise, n'importe où, pourvu que les pieds ne
touchent pas la terre. Si c'est dans un jardin que se fait le jeu, on
désigne les objets sur lesquels il sera permis de monter. Lorsqu'un des
joueurs est saisi avant d'avoir pris sa place, il doit à son tour
poursuivre les autres.



PETIT BONHOMME VIT ENCORE.

Nous n'osons pas affirmer que ce jeu offre un grand intérêt, et nous
commençons par avertir qu'il est un peu dangereux. On allume l'extrémité
d'une petite baguette de bois vert, ou d'un papier roulé un peu long, ou
simplement d'une allumette. On en souffle la flamme de manière qu'il ne
reste au bout qu'une lueur vive, puis on se la passe de main en main, en
disant: _Petit bonhomme vit encore_, ou pour allonger la phrase: _Petit
bonhomme vit encore, car il n'est pas mort_, jusqu'à ce que la dernière
lueur s'éteigne, et celle qui le tient en sa main à ce moment fatal doit
donner un gage.

[Illustration]

En Angleterre, où ce jeu s'appelle _Robin alive_, chaque joueur doit
dire une phrase plus longue, dont voici la traduction: _Le petit Robin
vit encore. S'il meurt entre mes mains, que je sois bridée, que je sois
sellée, que je sois menée aux écuries de la reine._ Au moment où
s'éteint le feu, celle qui a la baguette entre les mains dit: _Robin est
mort; que je sois bridée_, etc. Alors on lui bande les yeux, et elle se
met sur un canapé, ou sur le tapis, le visage tourné vers la terre.
Chacune des autres pose sur ses épaules quelque chose de léger, qu'elle
doit deviner, par exemple un journal, un ruban, un gant, etc. Si elle
devine juste, elle est relevée de la punition; on rallume la baguette et
le jeu recommence. Toutefois, c'est un jeu que nous ne conseillons pas
aux jeunes filles, qui peuvent, sans s'en apercevoir, mettre le feu à
leurs vêtements.



LE FURET.

Le furet est figuré par une bague que l'on passe dans un long cordon
noué par les deux bouts. Les joueurs se mettent en cercle, tenant le
cordon qui forme un cercle également, et le faisant constamment tourner.
L'anneau est caché dans la main d'un des joueurs. On se le passe en
chantant sur différents tons:

       Il court, il court, le furet,
       Le furet du bois, mesdames;
       Il court, il court, le furet,
       Le furet du bois joli.

Ou bien:

       Il a passé par ici,
       Le furet du bois, mesdames,
       Il a passé par ici,
       Le furet du bois joli!

La personne qui est au milieu du cercle doit deviner dans quelle main se
trouve l'anneau.

On peut jouer encore sans cordon, en se passant de main en main une
pièce de monnaie. La personne qui cherche a le droit de demander à voir
les mains ouvertes, quand elle croit y trouver la pièce.

[Illustration]

Quelquefois le furet sera un sifflet; alors on ne se sert pas du cordon,
mais on se passe le sifflet de main en main, en sifflant du côté opposé
où regarde le patient qui cherche. Une des ruses du jeu est de le lui
attacher par derrière avec un long fil, et de siffler pour le faire
retourner, et chercher à deviner dans quelles mains est le sifflet,
qu'il porte sans s'en douter; mais il faut qu'il n'ait aucune
connaissance de cette _attrape_ qui ne peut pas se répéter dès quelle
est connue, et qui ne doit jamais dégénérer en mystification.

Nous recommandons ici, une fois pour toutes d'apporter dans tous les
jeux la loyauté et la vérité que l'on met à des actions plus sérieuses,
et surtout de ne pas dévouer une des personnes qui composent les
réunions d'enfants à un rôle qui peut être humiliant ou désagréable. Il
arrive souvent que l'on se croit permis de choisir ainsi une victime,
soit parce qu'on lui suppose quelque infériorité relative, soit parce
qu'elle s'offense facilement des petites taquineries de ses compagnes.
Nous engageons celles-ci à ne pas persister. Elles ne corrigeront pas et
elles blesseront l'objet de leurs plaisanteries. Qu'elles ne fassent pas
dire, ce qui malheureusement est assez vrai:

       Cet âge est sans pitié!

Mais qu'elles n'oublient jamais que la _charité_ est d'une bonne
application partout; leurs jeux mêmes y gagneront en gaieté, parce qu'il
est impossible de s'amuser franchement, lorsque c'est aux dépens d'une
personne que l'on fait souffrir.



JEU DE LA SAVATE.

Voici comme un livre _savant_ explique le jeu de la savate: «La
compagnie s'assied à terre en rond, excepté une personne qui reste
debout au milieu, et dont la tâche est d'attraper un soulier, que la
compagnie se passe de main en main, par-dessous les genoux, à peu près
comme une navette de tisserand. Comme il est impossible à celui qui est
debout de voir en face tout le cercle, le beau du jeu est de frapper la
terre avec le talon du soulier du côté qui est hors de défense.»

[Illustration]

Pour nous justifier d'avoir présenté ici un jeu qui peut choquer les
personnes délicates, nous rappellerons le souvenir d'une scène que nos
jeunes lectrices liront peut-être un jour dans le charmant roman de
Goldsmith, _le Vicaire de Wakefield_; ce passage met complètement le jeu
en action. Plusieurs jeunes filles sont réunies le soir d'un jour de
fête chez un fermier du voisinage. Après avoir joué à plusieurs jeux,
elles proposent celui de la _savate_. En conséquence, elles forment un
rond en s'asseyant par terre, et en rassemblant la jupe de leurs robes
un peu serrée contre elles. Puis on prend une pantoufle que l'on fait
circuler sous l'arc que forment les genoux. Une certaine jeune miss,
Olivia Primrose, est debout au milieu du cercle, essoufflée, rouge,
agitée et criant, dit l'auteur, comme un chanteur de ballades. Au moment
où le jeu est le plus animé, entrent, ô confusion! deux belles dames de
Londres, dont on redoute beaucoup l'opinion, et les joueuses s'arrêtent
interdites et consternées d'avoir été surprises dans ce vulgaire
exercice.



LA MAIN CHAUDE.

Une jeune fille désignée par le sort pose sa tête sur les genoux d'une
personne assise. Elle place sa main ouverte sur son dos, à la hauteur de
la ceinture, et chacune tour à tour lui donne un coup _léger_ avec ses
doigts. Il faut qu'elle devine qui a frappé, et c'est celle qui est
devinée qui prend la place à son tour. On ne doit ni frapper trop fort,
ni piquer la main, ni se permettre toute autre plaisanterie de mauvais
goût; là comme ailleurs les jeunes filles bien élevées se feront
toujours reconnaître. Elles éviteront aussi de crier quand elles seront
surprises: le bruit n'est pas de la gaieté. Cette recommandation que
nous venons de donner a été développée sous forme d'apologue. Nous
demandons la permission d'en citer quelques fragments, dans lesquels
notre jeu de la _main chaude_ est heureusement décrit.

[Illustration]

       Des singes dans un bois jouaient à la main chaude,
             Certaine guenon mauricaude
       Assise gravement, tenait sur ses genoux
       La tête de celui qui, courbant son échine,
             Sur sa main recevait les coups.
             On frappait fort, et puis devine!
       Il ne devinait point; c'étaient alors des ris,
             Des sauts, des gambades, des cris.
       Attiré par le bruit, du fond de sa tanière,

       Un jeune léopard, prince assez débonnaire,
       Se présente au milieu de nos singes joyeux.
       Tout tremble à son aspect, «Continuez vos jeux,
       Leur dit le léopard, je n'en veux à personne;
             Rassurez-vous, j'ai l'âme bonne,
       Et je viens même ici comme particulier,
             A vos plaisirs m'associer.
             Jouons! Je suis de la partie.
             --Ah! monseigneur! quelle bonté!».
             .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
             Toute la troupe joviale
       Se remet à jouer; l'un d'entre eux tend la main,
             Le léopard frappe, et soudain
       On voit couler du sang sous sa griffe royale.
       Le singe cette fois devina qui frappait.
       .  .  .  .  .  .  .   .  .  .  .  .  .  .



COLIN-MAILLARD.

             Près d'un bois, le soir à l'écart,
             Dans une superbe prairie,
       Des lapins s'amusaient sur l'herbette fleurie
             A jouer au colin-maillard.
       Des lapins! direz-vous; la chose est impossible!
       Rien n'est plus vrai pourtant: une feuille flexible
       Sur les yeux de l'un d'eux en bandeau s'appliquait,
             Et puis sous le cou se nouait;
             Un instant en faisait l'affaire.
       Celui que le bandeau privait de la lumière
       Se plaçait au milieu; les autres alentour
             Riaient, sautaient, faisaient merveilles,
             S'éloignaient, venaient tour à tour
             Tirer sa queue ou ses oreilles.
       Le pauvre aveugle alors, se retournant soudain,
       Sans craindre pot au noir jette au hasard la patte
             Mais la troupe échappe à la hâte,
       Il ne prend que du vent: il se tourmente en vain;
             Il y sera jusqu'à demain.
             .  .  .  .  .  .  . . . .

A cette gracieuse description que nous empruntons encore à Florian,
ajoutons quelques détails qui manquent à son récit.

Au moment où l'on a bandé les yeux du _colin-maillard_, on le fait
tourner deux ou trois fois sur lui-même, afin de le désorienter.
L'exclamation _gare au pot au noir!_ est un avertissement que l'on donne
à l'aveugle quand il risque de se heurter contre quelque chose. On peut
également crier _casse-cou!_

Voici l'origine de ce jeu. Jean-Colin (ou Nicolas) Maillard était un
guerrier fameux du pays de Liége. Il avait pris le nom de Maillard,
parce que dans les combats il s'armait habituellement d'un maillet dont
il se servait en fort et vigoureux champion. Ses exploits lui méritèrent
l'honneur d'être fait chevalier en 999 par Robert, roi de France. Dans
la dernière bataille qu'il livra à un comte de Louvain, il eut les yeux
crevés; mais, guidé par ses écuyers, il ne cessa pas de se battre tant
que dura l'affaire qui était engagée. On assure que c'est à la suite de
cet événement que nos aïeux, il y a plus de huit siècles, inventèrent le
jeu de _colin-maillard_.

Colin-maillard assis à la baguette. Il y a deux manières de le jouer.
Dans l'une, la jeune fille qui a les yeux bandés est assise au milieu de
la chambre, et elle tient le bout d'un bâton que chacune des autres
vient saisir par l'autre bout en faisant quelque bruit, soit un petit
cri, soit un éclat de rire ou un miaulement, en déguisant sa voix pour
n'être pas reconnue. Le _colin-maillard_ nomme chaque fois une personne,
et, s'il a deviné, il cède la place à celle qui s'est trahie. L'autre
manière ne diffère qu'en ce que le _colin-maillard_ seul est debout; les
autres sont assis. Il tient également un bâton ou un mouchoir et en
dirige le bout vers les joueurs assis en inventant de petits cris
bizarres. Celui qu'il touche est obligé de saisir le bâton et de répéter
les bruits comme nous l'avons expliqué plus haut. On joue un autre
colin-maillard, où celui qui a les yeux bandés doit s'asseoir sur un des
joueurs, et le nommer sans le toucher; mais, outre que ce jeu est assez
peu convenable, il n'offre aussi que peu d'intérêt.

Colin-maillard à la silhouette. On ne peut y jouer qu'à la lumière. On
place quelqu'un dans l'enfoncement d'une fenêtre. On tire le rideau
devant lui, et on le tend comme si on voulait faire voir la lanterne
magique. A une certaine distance du rideau, on met une table et toutes
les lumières dessus. Chacun passe à son tour entre le rideau et la
table, en faisant des gestes ou des grimaces qui le rendent
méconnaissable. On s'affuble aussi de vêtements d'emprunt, de manière à
changer toute son apparence, et il faut que la personne qui est derrière
le rideau devine quelle est celle qui a passé[5].

[Note 5: On appelle _silhouette_ ces figures que l'on découpe en papier,
en copiant le profil de l'ombre d'une personne, et qui furent très à la
mode sous le règne de Louis XV. Ce talent de découper s'est à peu près
perdu; mais nos jeunes filles peuvent essayer de le retrouver, si elles
ont un peu l'habitude du dessin. Ce procédé reçut son nom de M.
Silhouette, contrôleur général, non parce qu'il en fut l'inventeur, mais
parce qu'une sorte de célébrité s'était attachée à lui pour avoir créé
un système financier qui eut d'abord des résultats avantageux pour le
pays, et plus tard, des conséquences funestes.]



LE SAC D'ÉTRENNES.

[Illustration]

On remplit de bonbons un grand sac de papier mince et on l'attache
solidement par le haut en travers d'une porte ouverte. Chacune des
jeunes filles tour à tour a les yeux bandés, et tient un long bâton. On
conduit l'aveugle en face du sac à une petite distance, et elle doit le
frapper avec son bâton. Elle peut essayer jusqu'à trois fois. Si elle ne
réussit pas, elle cède la place à une autre. Le jeu ne cesse que quand
l'une d'elles parvient à faire un trou dans le sac, et alors toutes les
autres ont le droit de ramasser ce qui en tombe. Quelquefois le sac est
rempli de petits objets que l'on donne à celles qui les ramassent. On
peut aussi, sans en avertir personne, substituer un sac de farine à
celui de bonbons; mais ce sont des plaisanteries qu'il ne faut se
permettre qu'avec mesure et entre compagnes qui se connaissent assez
pour ne pas s'en fâcher.



LES CISEAUX.

[Illustration]

Ce jeu, à peu près semblable au précédent, consiste à suspendre un gros
anneau ou quelque chose qui pèse au bout d'un long fil, et aller, les
yeux bandés, couper le fil avec de grands ciseaux. Mais nous
recommandons beaucoup de précautions pour ne pas se blesser avec les
ciseaux que l'on tient les pointes en avant. Il sera toujours mieux de
se servir de ciseaux arrondis par le bout.



LA MER AGITÉE.

[Illustration]

On range des chaises de manière qu'il s'en trouve une de moins que le
nombre de joueurs. Chaque jeune fille prend le nom d'un poisson, et
celle qui dirige le jeu marche autour du cercle en appelant tour à tour
ses compagnes par le nom qu'elles ont choisi. Elles doivent se lever et
la suivre. Lorsqu'il n'y en a plus d'assises, celle qui est en tête
court en répétant plusieurs fois: «La mer agitée! la mer agitée!» Puis
elle s'assied tout à coup, et toutes doivent s'asseoir au même moment.
Celle qui est la moins prompte, ne trouvant pas de chaise, reste debout
et conduit le jeu à son tour.



LA TOILETTE DE MADAME.

[Illustration]

Les jeunes filles prennent chacune le nom d'un objet de toilette: l'une
sera le peigne, l'autre le savon, l'autre le miroir, l'autre la brosse.
Celle qui conduit le jeu est au milieu du cercle, debout, tandis que les
autres sont assises comme dans le jeu précédent. Elle dit: _Madame
demande sa brosse à cheveux_. Celle qui porte ce nom doit aussitôt se
lever. L'autre s'assied à sa place. Celle qui est debout dit: _Madame
demande sa pelote_. Celle qui est pelote se lève en répondant
immédiatement à l'appel de son nom; et ainsi de suite. Si on se fait
attendre, on donne un gage, puis on dit: _Madame demande toute sa
toilette_. Tout le monde se lève et change de place. La dernière qui
reste paye un gage, et appelle un des objets de la toilette, qui en
appelle un autre, jusqu'à ce qu'on soit fatigué du jeu. Si, au lieu de
la toilette, on veut en nommer d'autres, on est libre de le faire, et le
jeu que l'on compose ainsi prendra un autre nom, quoiqu'il soit au fond
le même. Ainsi, on peut prendre les noms de tous les objets qui
composent la table à thé, par exemple, le sucrier, la tasse, le plateau,
etc.



LE VOYAGEUR ET L'HÔTELLERIE.

Ce jeu n'est guère qu'une variété du jeu précédent, avec quelques
légères différences dans la manière de le jouer. Une jeune fille
représente le voyageur, et les autres représentent l'hôte ou l'hôtesse,
la fille d'auberge, le garçon d'écurie, le cheval, la selle, la bride,
l'avoine, les bottes, les pantoufles, le souper, la lumière, le feu, le
lit, etc. Tous ces noms se rapportent soit au bagage d'un voyageur, soit
aux choses dont il peut avoir besoin dans une auberge.

[Illustration]

Quand toutes les personnes nommées sont assises, le voyageur entre et
dit: «L'hôte, puis-je avoir ce soir un bon lit?» L'hôte et le lit se
lèvent aussitôt. Ensuite le voyageur dit: «L'hôte, je voudrais avoir une
bouteille de vin et de la lumière.» Enfin il a soin de demander tour à
tour les objets dont les noms ont été donnés aux jeunes filles qui
doivent se lever sans se le faire dire deux fois, sinon elles doivent un
gage, et le voyageur en donne un aussi quand il demande quelque chose
qui ne se trouve pas représenté par un des joueurs. Il faut que celle
qui fait le rôle du voyageur mette beaucoup d'entrain et de mouvement
dans le jeu qu'elle dirige.



LES QUATRE COINS.

Il faut être au nombre de cinq pour ce jeu bien connu. Chacune des
jeunes filles prend une place à l'angle d'un carré. Celle qui reste au
milieu s'appelle le _nigaud_. Les quatre autres changent de place, et le
nigaud doit s'efforcer de prendre une des places restées vides. S'il
réussit, c'est la personne dont la place se trouve prise et occupée qui
devient _nigaud_ à son tour.



LES VOISINS.

[Illustration]

On s'assied en rond à une certaine distance les unes des autres. Il y a
une personne au milieu, qui vient demander si l'on est content de ses
voisins. A la réponse affirmative de la personne interrogée, tout le
monde change de place comme dans la _Toilette de madame_, et la personne
qui est au milieu tâche de se mettre à une place restée libre dans ce
mouvement général. Si la réponse est négative, on désigne ceux qu'on
désire avoir pour voisins, et les personnes désignées sont obligées
d'aller prendre les places des voisins exclus. Dans cette permutation,
qui se fait le plus rapidement possible, la personne du milieu tâche de
s'asseoir quelque part.



LE TIERS OU LES PETITS PAQUETS.

[Illustration]

On se place en rond, debout, par _paquets_ de deux. Il y a deux joueurs
en dehors, qui courent l'un après l'autre, celui après qui l'on court se
place en dedans du cercle, devant un des paquets; là il ne peut plus
être poursuivi. En prenant cette place, il dit: _Trois, c'est trop_.
Alors, celui du paquet qui se trouve être le troisième, dit: _Deux,
c'est assez_, et court se placer devant un autre paquet, sans se laisser
prendre; s'il était pris, il serait obligé de courir après le premier,
qui alors se placerait. Toutes les fois qu'il y a trois personnes à un
paquet, la troisième est de bonne prise, si elle ne se place
promptement. On peut faire durer ce jeu longtemps, en étant
très-attentif au moment où le joueur est sur le point de perdre sa
place.

Ce jeu est aussi désigné sous le nom de _Deux, c'est assez, trois, c'est
trop_, et cette dénomination fait assez bien connaître en quoi il
consiste principalement.


LE LOUP ET LA BERGERIE.

[Illustration]

Toutes les petites filles, moins deux, se donnent la main comme pour une
ronde, et forment ainsi la _bergerie_, au milieu de laquelle elles
placent l'_agneau_, que tous leurs efforts doivent tendre à protéger. Le
_loup_ est resté en dehors du cercle, et s'élance sur les mains jointes
qu'il essaye de séparer plus encore par la surprise que par la violence.
Lorsque le loup est parvenu à forcer le cercle, la bergerie doit
s'ouvrir rapidement du côté opposé pour laisser sortir l'agneau et se
refermer aussitôt, afin de retenir le loup prisonnier, et de l'empêcher
de poursuivre l'agneau. Si le loup réussit encore à sortir, on fait
rentrer de même l'agneau, et ainsi de suite jusqu'à ce que celui-ci soit
pris et devienne loup à son tour. Une autre joueuse ou l'ancien loup
prend le rôle de l'agneau.



LE LABYRINTHE OU LA DENTELLE.

[Illustration]

Plusieurs jeunes filles forment le rond, en se tenant par la main et en
élevant leurs bras. Deux autres qui s'appellent, l'une la _navette_ et
l'autre le _tisserand_, courent en se poursuivant. La première passe
sous les bras de celles qui forment la chaîne, pénètre dans le rond et
en sort de la même manière. Le tisserand qui poursuit doit suivre le
même chemin; mais, s'il arrive qu'il se trompe, les bras se baissent, il
est retenu dans le cercle, dont il est condamné à faire partie, tandis
qu'une autre prend sa place.



LES BARRES.

[Illustration]

Ce jeu est plus particulièrement un jeu de garçons; mais si des jeunes
filles sont rassemblées en grand nombre à la campagne, elles peuvent
s'en amuser sans inconvénients, et nous leur en devons l'explication. On
se sépare en deux groupes, pour former deux camps, à une cinquantaine de
pas de distance. On tire deux lignes de démarcation pour fixer les
limites de chaque camp, et deux autres plus en avant marquent le lieu de
la _sauvegarde_, pour celles qui viennent y demander _barres_. Une des
jeunes filles se détache, va au camp opposé demander barres sur
quelqu'une de ses adversaires. Celle sur qui on a demandé barres court
sur la première, et tâche de la toucher pour la faire prisonnière. Si
deux jeunes filles sortent du camp pour courir sur celle qui a demandé
barres, celle-ci a le droit de se retourner, et, si elle en touche une,
de la faire prisonnière. Quand l'engagement commence, celle sur laquelle
on court doit être défendue par une jeune fille de son camp. Une seconde
sort alors du camp ennemi pour soutenir la première combattante, de
sorte qu'une partie des deux camps peut être sortie, courant l'une sur
l'autre, jusqu'à ce qu'il y ait une prisonnière de faite. Alors, on
crie: _prise_, et tout le monde s'arrête. On met les prisonnières à la
tête du camp, se tenant par la main. Il faut, pour les délivrer, que ce
soit une de leurs alliées qui vienne les toucher. Tout le camp a le
droit de courir sur celle qui vient délivrer les prisonnières. Si elle
est prise, elle passe dans le camp ennemi sans pouvoir être délivrée, et
la partie se termine quand il ne reste plus personne dans l'un des deux
camps. On peut aussi faire des échanges de prisonnières.



LE CONCERT.

[Illustration]

Chacune des jeunes filles est censée avoir un instrument dont elle joue.
L'une fait le geste de jouer du violon sur son bras; une autre agite ses
doigts comme si elle avait une flûte; une autre joue du piano sur ses
genoux; une autre de la harpe ou de la guitare. Tous ces gestes doivent
être faits en silence, mais avec précision et sans s'arrêter. Celle qui
est le _chef d'orchestre_ doit tour à tour imiter l'instrument d'une des
musiciennes, en chantant la chanson suivante sur un air qu'elle compose,
si elle ne sait pas le véritable:

       Quand Madelon va seulette
         Elle ne m'aime plus,
             Turlututu (_bis_);
         La petite follette
       Se rit de ma chansonnette,
       Tous mes soins sont superflus,
             Turlututu (_bis_).

Au moment où le chef d'orchestre imite un instrument, celle qui en
jouait doit s'arrêter immédiatement. Si elle n'est pas attentive aux
gestes de son chef d'orchestre, qui mène le concert très-vivement et
qu'elle soit si occupée de sa partie qu'elle ne pense pas à cesser tout
à coup, elle paye un gage. Ce jeu doit être conduit avec beaucoup
d'entrain.

Il est encore une manière de le jouer, mais que nous trouvons moins
animée que celle que nous venons d'indiquer. Les musiciens restent en
repos jusqu'au moment où le chef d'orchestre imite l'instrument de l'un
d'eux, qui doit à l'instant même en jouer, et s'arrêter aussitôt qu'un
autre commence, au signal du chef d'orchestre.

L'explication que nous venons de donner de ce jeu, où un chef
d'orchestre improvisé dirige un ensemble d'instruments chimériques, nous
fait penser à un divertissement musical que nous a transmis un grand
génie. De tels exemples rehaussent notre modeste ouvrage, en prouvant,
comme nous l'avons déjà dit, que souvent les grands hommes ont daigné se
faire enfants sans croire déroger. Haydn, le musicien illustre, était en
Hongrie, chez les princes Esterhazy, et déjà il avait composé plusieurs
petits _opéras_, chantés sur un théâtre de marionnettes, que l'on avait
dressé dans le château pour l'amusement des jeunes princes. Un jour, dit
l'auteur[6] à qui nous empruntons ces détails, il se rendit seul à la
foire d'un village des environs. Là, il fit provision et rapporta un
plein panier de mirlitons, de sifflets, de coucous, de tambourins, de
petites trompettes, bref tout un assortiment de ces instruments plus
bruyants qu'harmonieux qui font le bonheur de l'enfance. Il prit la
peine d'étudier leur timbre et leur portée, et composa, avec ces
périlleux éléments harmoniques, une symphonie de l'originalité la plus
bouffonne et la plus savante. Cette symphonie est intitulée: _Fiera dei
Fanciulli_, la fête des enfants. O enfants! n'est-ce pas un grand
honneur pour vous?

[Note 6: M. Ch. Magnin.]



LE PIED DE BOEUF.

[Illustration]

Après les jeux plus ou moins ingénieux que nous venons de mentionner,
nous hésitons à parler de quelques simples enfantillages, qui ne savent
dans quelle catégorie se placer. Cependant, il faut bien au moins en
donner l'indication. On sait que, pour le pied de boeuf, deux personnes
placent leurs mains à poings fermés l'une sur l'autre, et qu'en comptant
depuis un jusqu'à neuf, la main la plus agile saisit la plus lente, en
disant: «Je tiens mon pied de boeuf.»



LA SCIE.

[Illustration]

On a une ficelle dont les deux extrémités sont nouées. Une personne la
tend en _ovale_ sur ses deux mains ouvertes, en lui faisant faire un
tour à chacun des doigts du milieu. La main gauche saisit l'anneau fait
au doigt de la main droite, qui reprend également celui qui est fait à
la main gauche, de manière que le fil représente entre les mains la
figure ci-dessous, puis elle saisit entre les dents le côté du fil qui
est près d'elle. Une autre personne saisit l'autre côté, et par un jeu
habile des deux mains, on produit un mouvement analogue à celui d'une
scie. Nous craignons que notre description ne soit pas assez claire;
mais le jeu est tellement connu, qu'il suffit de le rappeler.



LES FROMAGES.

[Illustration]

En tournant rapidement sur elles-mêmes, et s'abaissant tout à coup, les
petites filles font bouffer leurs robes; elles appellent cela _faire des
fromages_. C'est à qui fera le plus beau, c'est-à-dire le plus
volumineux.



CLOCHE-PIED.

[Illustration]

C'est un jeu où celle qui peut aller le plus loin sur un seul pied, et
franchir le plus grand espace, gagne le prix. On peut encore se
poursuivre et s'attraper de cette manière.



LE COTON EN L'AIR.

[Illustration]

Les enfants se mettent en cercle, se tenant par la main, et après avoir
jeté en l'air soit un petit flocon de coton, soit une plume bien légère,
elles soufflent de manière que l'objet se soutienne toujours sans
retomber. Si le souffle est trop fort, le coton s'éloigne et il est
quelquefois difficile de le diriger; si le souffle est trop faible, le
coton est inerte et le jeu finit bientôt; mais tout l'intérêt consiste à
le diriger, s'il est possible, vers une des personnes, qui paye un gage
si le coton retombe sur elle. Il faut que toutes ces évolutions se
fassent sans se quitter les mains. On peut encore jouer assis autour
d'une table et souffler le coton sans bouger.



LE SINGE.

[Illustration]

Pour jouer au singe, il suffit que la personne qui dirige le jeu fasse
une multitude de gestes, qu'elle rendra aussi plaisants que possible, en
copiant ceux de l'animal dont elle porte le nom. Les autres, placées
devant elles, imiteront avec vivacité les gestes qu'elles lui verront
faire. Ce jeu a quelques rapports avec celui que nous allons décrire,
mais il est plus simple encore.



L'EXERCICE A LA PRUSSIENNE.

[Illustration]

Toutes les jeunes filles se mettent à genoux sur une seule ligne, à
l'exception de celle qui représente le capitaine, et qui doit être bien
au fait du jeu. La première en tête de la ligne fait les fonctions de
caporal, et elle doit être prompte à exécuter les ordres du capitaine.
Celui-ci commande l'exercice à sa manière; par exemple, il ordonne de se
moucher, de tousser, de se tirer les chevaux, de se pincer le nez; et il
faut que ces ordres soient immédiatement exécutés, le caporal étant la
_première_ à obéir au commandement avec une rigueur militaire.

Enfin, le capitaine crie: «En joue!» Chaque soldat tend les bras en
avant. Quand il dit: «Feu!» le caporal pousse sa proche voisine, qui
tombe sur la suivante, et ainsi jusqu'au bout de la ligne. Ce jeu peut
être très-amusant, mais il faut avoir la précaution de ne le jouer que
sur des tapis ou sur le gazon, et de placer à l'extrémité opposée au
caporal un coussin pour amortir la chute de la dernière jeune fille, la
seule qui soit exposée à se faire mal. Ce jeu paraît convenir plutôt à
des garçons qu'à des jeunes filles; mais les jeunes Anglaises se le
permettent, et nous n'avons pas cru devoir l'exclure.



L'ASSIETTE TOURNANTE

Ce jeu, qui demande une certaine adresse, a quelques rapports éloignés
avec le _Petit bonhomme vit encore_. Au lieu d'une baguette allumée, les
jeunes filles ont une assiette qu'elles font tourner par terre sur le
tranchant. Chacune est désignée par un numéro. Si le n° 1 commence, elle
doit appeler un autre numéro à son choix, et celle qu'elle désigne ainsi
doit arriver assez promptement pour donner une impulsion à l'assiette
pendant qu'elle tourne encore, et se faire remplacer de la même manière.
Si le numéro appelé ne se présente pas assez vite, et que l'assiette ait
eu le temps de retomber, il faut donner un gage.

[Illustration]




DEUXIÈME PARTIE.

JEUX AVEC JOUETS.



LES BAGUES.

C'est pour remplir notre devoir de nomenclateur, que nous insérons ici
le jeu de bagues, qui ne peut être facilement joué qu'avec un attirail
considérable, comme celui qui se dresse dans les grandes fêtes de
village. Si l'on n'a pas vu un jeu de bagues ainsi disposé, on ne pourra
en avoir qu'une idée imparfaite. Celui que l'on fabriquera soi-même sera
composé de quelques anneaux suspendus à des fils très-minces, qui seront
attachés le long d'un bâton court. En fixant ce bâton à un arbre ou à un
poteau, de manière qu'il s'avance, le jeu consistera à enfiler ces
bagues, en courant, dans une baguette que l'on tiendra à la main.

Le jeu de bagues fut en grand honneur dans les siècles derniers,
principalement sous le règne de Louis XIV. Le grand roi, suivi de tous
les seigneurs de sa cour, revêtus de costumes de caractère, _courait la
bague_, ainsi que l'on disait, à cheval et avec un appareil magnifique.
On appelait ces divertissements _carrousels_, et l'une de ces fêtes
s'étant donnée près du palais des Tuileries avec un éclat
extraordinaire, le lieu en prit le nom de place du Carrousel. Quelques
régiments de cavalerie pratiquent encore cet exercice dans les jours de
fête, et il est difficile de rien voir de plus gracieux que les
évolutions qui se font à cheval pour saisir les bagues.



LA BALANÇOIRE OU ESCARPOLETTE.

[Illustration]

Ce jeu n'est praticable que dans un jardin ou dans une grande salle
destinée à la gymnastique. Les extrémités d'une grosse corde sont
attachées à deux arbres. Au milieu est fixée une petite planche sur
laquelle s'assied la personne qui veut se balancer. On peut, à la place
de la planche, mettre un petit fauteuil sur lequel on sera plus
solidement assis, parce qu'un des dangers de ce jeu est de tomber, si on
ne se tient pas bien, ou si on est pris d'étourdissement, ce qui arrive
fréquemment. La balançoire est mise en mouvement à l'aide d'une petite
corde que tient une autre personne, ou bien on se balance soi-même, si
l'appareil est placé assez bas pour que les pieds puissent toucher le
sol.

[Illustration: Balançoire.]



LA BALLE.

On sait que, pour jouer à la balle, il suffit de la lancer à terre ou
contre un mur pour qu'elle rebondisse, et on la reçoit dans la main.
Nous pouvons indiquer aux jeunes filles un moyen de faire des balles
assez jolies, qu'elles pourront donner en cadeau. On en forme le centre
avec un corps dur ou élastique comme une boule de caoutchouc. Pour
évider la rudesse du coup, on enveloppe ce noyau avec de la mousse sèche
si on est à la campagne, ou du coton; mais la mousse est préférable. On
coupe de petits morceaux de toile s'élargissant au milieu et se
rétrécissant aux extrémités, comme les degrés de _latitude_ d'un globe
terrestre. Ces morceaux doivent être au nombre de six ou sept, plus ou
moins grands. Les morceaux étant réunis autour de la boule, on tend sur
chacune des coutures un fort brin de laine à tapisserie, se réunissant
aux _pôles_. Puis on passe en travers une aiguillée de laine enfilée;
chaque tour, serré contre le précédent, s'assujettit par un point fait
avec l'aiguille aux brins de laine tendus dans l'autre sens. Quand la
balle est entièrement couverte de cette manière, pour la rendre plus
solide et plus jolie, on fait une sorte de filet avec une aiguillée de
laine d'une autre couleur qui enveloppe le tout. Ce filet se fait comme
un feston très-lâche, que l'aiguille reprend dans chaque maille.

[Illustration]



LE BALLON.

Le ballon, plus gros que la balle, se lance entre plusieurs personnes
qui le reçoivent avec le pied ou avec la main. Il est creux, gonflé
d'air, et ordinairement recouvert en peau de daim.

[Illustration]

Dans l'_Odyssée_, poëme d'Homère, composé il y a environ trois mille
ans, la jeune princesse Nausicaa, après avoir rempli des devoirs de
bonne ménagère que ne dédaignaient pas dans ce temps les filles des
rois, c'est-à-dire après avoir été laver ses vêtements avec ses
compagnes, se divertit à jouer au ballon quand sa tâche est finie.

Une très-jolie invention moderne est celle de ces légers ballons en
caoutchouc peints, dorés, ou recouverts d'un mince réseau et qu'un
souffle suffit pour soutenir en l'air. Ils ne sont pas beaucoup plus
durables que les bulles de savon que nous allons maintenant décrire.



LES BULLES DE SAVON.

On trempe dans une eau de savon épaisse l'extrémité d'un brin de paille
fendu en croix, et, en soufflant avec ménagement, la goutte d'eau qu'on
a recueillie se gonfle et produit un globe qui se teint souvent des
couleurs les plus admirables. Quand la bulle est parvenue à une certaine
grosseur, on la détache du tuyau de paille, et on la soutient en l'air à
l'aide du souffle.

       Mais, comme elle a l'éclat du verre,
       Elle en a la fragilité.

Ces bulles légères et brillantes ont souvent inspiré les poëtes, qui en
ont tiré des comparaisons sur le peu de durée des choses humaines et sur
le néant des vains projets. La science s'en est aussi servie, puisque
c'est, dit-on, en essayant les effets de la réfraction de la lumière à
travers cette enveloppe transparente, que le grand Newton a découvert
les propriétés du prisme et est parvenu à décomposer les rayons du
soleil. Cette admirable découverte est ainsi rappelée dans des vers de
Voltaire:

       Il découvre à nos yeux par une main savante,
       De l'astre du matin la robe étincelante;
       L'émeraude, l'azur, la pourpre et le rubis
       Sont l'immortel tissu dont brillent ses habits.
       Chacun de ses rayons, dans sa substance pure,
       Porte en soi les couleurs dont se peint la nature,
       Et confondus ensemble ils éclairent nos yeux.

[Illustration: Les Bulles de savon.]



LE BILBOQUET.

[Illustration]

C'est un jouet de bois ou d'ivoire, formé d'un petit bâton tourné, dont
un bout est pointu et l'autre terminé par une espèce de petite coupe, et
auquel est suspendu par un fort cordon une boule percée d'un trou. On
met cette boule en mouvement de manière qu'elle retombe et reste dans la
coupe ou qu'elle entre et se fixe dans le bout pointu. Il est bon, avant
de lui donner l'impulsion qui la lance en l'air, de tordre le fil de
manière à lui imprimer un mouvement très-vif de rotation. La boule en
tournant, et par l'effet de la loi physique de la pesanteur, se
dérangera moins de la direction perpendiculaire.

Ce jeu est d'une origine ancienne, et il a été fort en faveur à
plusieurs époques. Il était autrefois formé d'une bille en fer qui
n'était pas attachée à la tige que l'on nommait _boquet_. François Ier,
y jouant avec Montgommery, fut atteint à la tête par cette bille; ce fut
alors qu'on substitua une bille de bois à la bille de fer, pour rendre
le jeu moins dangereux. Henri III et les seigneurs de sa cour jouaient
au bilboquet avec passion. Ce jeu eut encore une grande vogue sous le
règne de Louis XV, et Jean-Jacques Rousseau veut que les hommes y jouent
en société, plutôt que de rester inoccupés.



LE CERCEAU.

Le cerceau est un cercle de bois léger que l'on guide avec une baguette,
et dont on ralentit ou dont on accélère la marche à volonté, en
s'appliquant à ne pas le laisser tomber. C'est un exercice
très-salutaire, qui donne de la souplesse aux jambes et aux bras, et
développe la poitrine; il a, en outre, le privilége d'amuser les enfants
même lorsqu'ils jouent seuls. Ils prennent grand plaisir à pousser le
cerceau tantôt à droite, tantôt à gauche, en avant, en arrière, en
cercle, en zigzag, puis à l'arrêter brusquement, et l'habitude leur
donne bientôt une grande adresse. Ils peuvent aussi organiser des
parties, et lutter entre eux à qui conduira le cerceau le plus vite et
le plus habilement à un but déterminé.



LA CORDE.

[Illustration]

On saute avec une corde que l'on tient soi-même aux deux extrémités par
une petite poignée, ou bien on la fait tenir par deux personnes. Les
jeunes filles ont inventé une quantité de _passes_ différentes
auxquelles elles donnent des noms assez arbitraires. Les passes les plus
usitées sont de faire tourner la corde très-vite, deux ou trois fois,
sans retomber sur les pieds. Elles ont appelé cela des _doubles_ et des
_triples tours_. Ou bien elles croisent les bras sur la poitrine et
passent dans la large boucle que fait la corde: ceci est une _croix de
Malte_ ou _de chevalier_. On peut encore sauter à reculons. Pour jouer à
la _corde en long_ ou _grande corde_, deux personnes font tourner la
corde, tandis qu'une troisième saute au milieu. Il faut être très-sûr
d'une bonne entrée, afin que la corde ne s'embarrasse pas dans les pieds
au premier tour. On doit saisir, pour s'élancer, le moment où la corde
vient de toucher la terre et commence à s'élever en l'air.



LES DAMES

Nous ne pouvons mieux faire que d'extraire d'un bon ouvrage spécial[7]
les règles du jeu de dames, dont on trouvera ici presque toutes les
combinaisons.

[Note 7: _Almanach des Jeux_.]

Il y a deux sortes de jeux de dames: le jeu de dames à la française et
le jeu de dames à la polonaise. Le premier n'est plus en usage: il se
joue sur un damier qui a soixante-quatre cases, et l'on n'y emploie que
vingt-quatre pions, douze noirs et douze blancs; les dames ne font qu'un
pas à la fois, mais elles peuvent prendre en avant et en arrière. Ce que
nous allons dire du jeu de dames à la polonaise est, du reste,
applicable au jeu de dames à la française.

[Illustration]

Le jeu de dames à la polonaise se joue à deux sur un damier composé de
cent cases, cinquante noires et cinquante blanches. Chaque joueur a
vingt pions de couleur différente; l'un a vingt pions blancs et l'autre
vingt pions noirs.

Le damier se place entre les deux joueurs, de manière que chaque joueur
ait le commencement de la grande ligne à sa gauche. La grande ligne est
la ligne du milieu, qui coupe diagonalement le damier en deux parties.
Elle est composée de dix cases blanches.

Les pions noirs se placent d'un côté et les pions blancs de l'autre.
Toutes les lignes se trouvent remplies, moins les deux lignes du milieu,
formant dix cases, puisqu'il n'y a que quarante pions, et qu'il y a
cinquante cases.

On pousse toujours son pion en avant, jamais en arrière, dans la case
droite ou dans la case gauche, et on ne peut lui faire faire qu'un seul
pas.

En commençant le jeu, on tire au sort pour savoir qui jouera le premier;
mais pour les parties suivantes, on joue premier et dernier,
alternativement.

Le joueur prend le pion de son adversaire toutes les fois que, ce pion
étant contigu au sien, il se trouve après, et sur la même ligne, à
droite ou à gauche, une case vide, et que c'est à son tour de jouer.
Alors on saute par-dessus, on place son pion sur la case vide, et l'on
enlève le pion de son adversaire.

On peut prendre en avant et en arrière, et tant que l'on trouve de pions
contigus au sien et de cases vides après. Ce que nous venons de dire du
pion, lorsqu'il a à prendre, est applicable à la _dame damée_, qui a, en
outre, d'autres prérogatives dont nous parlerons.

On appelle _dame damée_, ou simplement _dame_, le pion qui est parvenu à
se fixer sur la première ligne horizontale du jeu de l'adversaire; je
dis _se fixer_, parce qu'il serait possible qu'un pion, ayant à prendre
plusieurs fois, se fût posé sur une des cases de cette ligne en prenant,
et eût été forcé d'aller se fixer sur une case d'une autre ligne, parce
qu'il aurait eu à prendre encore un ou plusieurs des autres pions. Pour
distinguer la dame du pion, on couvre le pion d'un autre pion de même
couleur.

Une dame a de grandes prérogatives, et contribue beaucoup au gain de la
partie. Elle ne marche pas, comme le pion, d'une case à une autre case,
et en avant seulement. Elle parcourt en avant et en arrière, à droite et
à gauche, une ou plusieurs cases à sa volonté, pourvu qu'elles soient
vides, et enlève tous les pions ou dames qui se trouvent sur les lignes
qu'elle parcourt, lorsque ces pions et ces dames se trouvent entre elle
et une ou plusieurs cases vides.

Un joueur qui prend plusieurs pions ou dames ne peut pas les enlever au
fur et à mesure qu'il saute par-dessus, mais seulement quand le coup est
terminé, et que, n'ayant plus à prendre, il a placé son pion ou sa dame
sur une case vide.

Le pion ou la dame qui prend peut passer plusieurs fois sur la même case
vide, mais pas deux fois sur le même pion ou sur la même dame.

_Dame touchée, dame jouée._ On entend par cet axiome qu'il faut jouer la
pièce qu'on a touchée. Tant qu'on tient le pion ou la dame, les eût-on
posés sur une case vide, si on ne les a pas lâchés, on peut les poser
ailleurs; mais dès qu'on les a lâchés, ils sont joués irrévocablement.

Celui dont c'est le tour de jouer, doit, lorsqu'il touche un ou
plusieurs pions pour les arranger, dire: _J'adoube_; autrement
l'adversaire pourrait lui faire jouer un des pions qu'il aurait touchés.

Toute faute est faute, de quelque nature qu'elle soit. Si donc un joueur
fait une fausse marche, c'est-à-dire place son pion ou sa dame sur une
case autre que celle sur laquelle ils devaient être placés, l'adversaire
fait redresser l'erreur, ou la laisse subsister s'il juge qu'elle lui
soit avantageuse. De même, si un joueur lève son propre pion ou sa dame,
il ne peut les replacer. Si on n'enlève point tous les pions ou dames
qu'on avait à prendre, quand même on aurait figuré qu'on aurait à les
prendre, on est tenu de les laisser sur le damier. Il n'y a pas de faute
à jouer un pion qui n'est pas jouable; il n'y a pas non plus de faute à
jouer un pion ou une dame de son adversaire.

_Souffler_, c'est enlever le pion ou la dame qui n'a pas pris tout ce
qu'il avait à prendre; après avoir soufflé, on doit jouer son coup comme
à l'ordinaire. C'est ce qui est établi par cet axiome: _Souffler n'est
pas jouer_.

Le joueur qui a le droit de souffler, est libre de le faire ou de ne pas
le faire. Il peut donc, à son gré, ou enlever le pion qui n'a pas pris
tout ce qu'il devait prendre et jouer, ou ne pas l'enlever et jouer, ou
enfin forcer le joueur à prendre avec son pion tout ce qu'il avait à
prendre. Mais si la pièce soufflable a été touchée par le joueur qui a
le droit de souffler, ce joueur est obligé de jouer, par la raison que
_dame touchée est dame jouée_, et qu'en touchant le pion soufflable, il
a touché un pion qui lui appartient par la loi du jeu.

Si le joueur qui avait à souffler a touché un de ses pions avant d'avoir
soufflé, il ne peut plus revenir sur le coup. Néanmoins, si le joueur
soufflable jouait plusieurs coups sans s'apercevoir qu'il a à prendre,
l'autre joueur peut toujours le souffler au coup suivant, quoiqu'il ait
oublié de le faire la première fois.

Celui qui a à prendre de plusieurs côtés doit prendre du côté le plus
fort, sinon il est soufflable. On appelle le côté le plus fort le côté
où il y a le plus à prendre. Une dame ne compte, en cas de prise, que
pour un pion.

Lorsque deux joueurs égaux en force restent, l'un avec une dame damée,
et l'autre avec une dame damée et deux pions, deux dames et un pion, et
même trois dames, la partie ne se joue plus, et l'on en recommence une
autre, à moins que le joueur qui a la supériorité n'ait gagné forcément
sur le coup.

_Qui quitte la partie la perd._ On perd la partie quand on la quitte,
quand on refuse de prendre, quand on n'a ni pions ni dames, ou quand on
ne peut plus jouer celles qui restent.

L'usage du jeu de dames enseignera maintenant les marches et
contre-marches. Nous n'avons pu donner que les règles qui doivent y être
observées.

Il existe encore deux jeux plus enfantins qui ont quelques ressemblances
avec le jeu de dames. On les trouvera dans leur ordre à l'article
_Marelle_, et à celui intitulé: _Le renard et les poules_.



LES DÉS.

Le _Dictionnaire de l'Académie_ définit ainsi le dé à jouer: «Petit
morceau d'os ou d'ivoire, de figure cubique ou à six faces, dont chacune
est marquée d'un différent nombre de points, depuis 1 jusqu'à 6, et qui
sert à jouer.» L'origine des dés se perd dans la nuit des temps, et nous
ne pouvons savoir à qui en rapporter l'invention. Il en est fait mention
dans tous les écrivains de l'antiquité. On les retrouve parmi les jouets
dont les Grecs et les Romains faisaient le plus d'usage.

Le _dé_ personnifie, en quelque sorte, le _jeu_, c'est-à-dire la passion
de demander au hasard des chances heureuses ou funestes. Comme son usage
le plus simple amène un résultat rapide, on comprend que le besoin
d'émotions l'ait fait inventer avant les jeux qui exigent de plus
longues combinaisons. Il suffit d'amener tel ou tel coup de dé pour
déterminer une chance. Les Grecs, pour éviter toute supercherie,
faisaient passer les dés de la main du joueur dans un long tube où ils
glissaient d'eux-mêmes. On y a substitué le _cornet_, que l'on tient
dans la main, et dans lequel on agite les dés avant de les lancer sur la
table. Les dés forment donc eux-mêmes un jeu qui présente assez
d'intérêt pour avoir été en usage chez les peuples modernes; de plus,
ils servent d'instruments pour déterminer les coups dans d'autres jeux
dont nous ne donnerons ici que les noms, comme le trictrac, le passe
dix, pair ou impair, quinquenore, etc. Les joueurs qui ont fait de
profondes études sur les chances des dés ont calculé qu'il y avait des
probabilités pour ramener plus souvent tel point que tel autre. Cela
augmente encore les dangers d'un jeu où une observation attentive peut,
jusqu'à un certain point, prévoir les coups de hasard: aussi les
moralistes se sont-ils souvent élevés contre ces habitudes funestes, et
les législateurs ont-ils tenté de les détruire par des ordonnances
sévères. En 1319, Charles le Bel défend de jouer aux dés et à d'autres
jeux qui détournent des exercices militaires. Charles VIII défend aussi
ce jeu dans les prisons. Charles IX publie un édit dans le même sens.

Nous croyons avoir suffisamment prémuni nos jeunes lectrices contre
l'entraînement de ce jeu ou de tel autre jeu de hasard. Nous ne pouvons
maintenant nous refuser à leur faire connaître une de ces combinaisons
des coups de dés qui nous paraît des plus innocentes. Ce jeu s'appelle
l'_Espérance_, et voici en quoi il consiste:

On peut jouer entre plusieurs personnes, avec deux dés. On distribue à
chaque joueur un certain nombre de jetons qui ont une valeur convenue.
On fait ensuite indiquer par le sort le joueur qui doit avoir le dé. Si
celui-ci amène un _as_ avec un autre point, il donne un jeton au joueur
qu'il a à sa gauche; s'il amène un six, il met un jeton à la poule: la
_poule_, c'est la masse des jetons réunis. Si les deux dés jetés
présentent un as ou un six, et qu'il reste au joueur plus d'un jeton, il
en donne un au joueur qui est à sa gauche, et il en met un autre à la
poule. S'il n'a plus qu'un jeton, il le met à la poule.

Le joueur qui n'amène ni un as ni un six n'a rien à payer; il quitte
seulement le dé, et passe le cornet au joueur qui est à sa droite:
celui-ci en fait autant dans la même circonstance; mais quand un joueur
amène un _doublet_, c'est-à-dire le même nombre de points sur les deux
faces des dés, il conserve le cornet pour jouer un second coup; et s'il
amène encore un doublet, il joue un troisième coup, dans la vue d'amener
un troisième doublet: s'il vient à réussir, il gagne la partie ou la
poule.

Un joueur gagne aussi la poule, lorsqu'il a encore un ou plusieurs
jetons quand il n'en reste plus aux autres joueurs.

Bien qu'un joueur qui a perdu tous ses jetons ne puisse plus avoir le
cornet à son tour, il est néanmoins possible qu'il ressuscite,
c'est-à-dire qu'il rentre au jeu. Cela a lieu quand le joueur qu'il a à
sa droite amène un as, parce qu'alors ce dernier est obligé de lui payer
un jeton.



LE DIABLE.

Le diable a joui d'une grande vogue pendant quelques années, mais
aujourd'hui il est tristement relégué au fond de la boutique des
marchands, et il est bien rare qu'on voie ce jouet entre les mains des
jeunes filles ou des jeunes garçons. Nous dirons cependant en quoi
consiste cet exercice, qui demande un assez grand espace, et qui est
plus facilement praticable dans un lieu découvert que dans un
appartement.

Le diable est formé de deux boules de bois creuses, percées d'un trou
pour laisser entrer l'air et réunies par une tige. Le joueur prend deux
baguettes longues environ d'un pied, à l'extrémité desquelles est
attachée une corde d'environ deux pieds de longueur qui tient à ces deux
baguettes. Il les écarte un peu, place le milieu du diable, c'est-à-dire
la partie la plus creuse, en équilibre sur le milieu de la corde, puis
il lève alternativement les mains pour lui imprimer le mouvement. La
main droite s'élève un peu plus que l'autre, et donne de temps en temps
une petite impulsion.

[Illustration]

En augmentant le mouvement, l'air qui pénètre par le trou des boules
creuses produit un bruit assez harmonieux. Lorsque le diable va de biais
sur le cordon, il faut se prêter à son mouvement et le suivre en
marchant de manière qu'il se trouve toujours droit vis-à-vis du joueur.
On le fait quelquefois glisser sur les baguettes et revenir sur la corde
tendue, sans qu'il ait cessé son mouvement de rotation.



LES DOMINOS.

Nous empruntons à l'ouvrage qui nous a déjà servi[8] l'explication des
règles principales du jeu de dominos.

[Note 8: _Almanach des Jeux_.]

Ce jeu tire son nom des objets dont on se sert pour le jouer. Ces objets
sont des _dominos_, sorte de dés allongés et aplatis, en os ou en
ivoire, sur l'une des faces desquels sont gravés des points noirs
indiquant des nombres déterminés. Ces dominos sont au nombre de
_vingt-huit_.

[Illustration]

Le jeu de dominos se joue habituellement entre deux personnes, et c'est
là la partie ordinaire ou la plus commune; on peut, par suite de
conventions spéciales arrêtées à l'avance, le jouer à trois, quatre,
cinq et même six personnes; mais ce sont là des exceptions qui ne
changent rien au fond du jeu et qui peuvent toujours être ramenées à la
règle générale. Nous donnons donc ici seulement la marche et les règles
du jeu, tel qu'il se joue généralement aujourd'hui.

[Illustration]

La partie ordinaire se joue, soit à qui fera _domino_ le premier, soit à
qui fera le _point_, soit à qui fera le plus tôt _cent_ ou _cent
cinquante_ points, ou davantage, selon les conventions.

_Faire domino_, c'est arriver le premier à placer tous les dominos qu'on
a dans son jeu; _faire le point_, c'est, chaque coup terminé, avoir en
main le moindre nombre de points marqués sur les _dominos_.

Cette partie se joue avec six dominos au moins pour chaque joueur.

On peut jouer avec sept, huit, neuf, dix, douze ou même quatorze dés
chacun, si cela convient aux joueurs.

On tire d'abord à qui aura la pose. Cela se fait en mêlant le jeu, dont
on extrait deux dominos. Celui qui n'a pas mêlé en prend un qu'il
découvre: l'autre en fait autant. Le joueur qui a découvert le plus gros
domino a la pose.

Chacun prend le nombre de dominos qui, avant de commencer la partie, a
été convenu. Si les joueurs ne prennent pas tous les dominos, ceux
qu'ils laissent en réserve peuvent leur servir, d'après de certaines
conventions que nous indiquerons plus loin.

Celui qui doit jouer le second a le droit de prendre ses dominos le
premier.

Celui qui a la pose le premier pose un dé à son choix. Son but doit être
de gagner le plus de points possible, soit en fermant le jeu, soit en
faisant domino.

La règle, sauf quelques rares exceptions, veut qu'il commence par poser
le plus gros des doubles qu'il a dans son jeu.

Supposons qu'il ait le double-six; son adversaire pose le six-cinq, sur
lequel lui pose le cinq-quatre; son adversaire pose le double-quatre: si
le poseur a le six-quatre, il peut à son gré faire six partout ou quatre
partout, en posant son six-quatre à l'un ou à l'autre bout. Les dominos
se posent à la suite l'un de l'autre, les doubles en travers, en formant
des lignes dans tous les sens.

Si l'on n'a plus dans l'un et dans l'autre jeu les derniers points
placés aux deux extrémités de la ligne, alors le jeu se trouve fermé, et
l'avantage reste à celui qui a moins de points dans son jeu que son
adversaire.

Quelquefois, mais rarement, le jeu est fermé du premier coup.

Pour ne pas fermer le jeu, on peut convenir de prendre les dominos mis
de côté, dans ce qu'on appelle la _réserve_ ou le _talon_, lorsqu'on ne
possède pas le point qu'il faudrait placer. Au lieu de dire: _Je
boude_[9], comme dans la partie précédente, et de voir son adversaire
continuer le jeu, le joueur dit: _Je pêche_, et prend un à un les
dominos de la réserve, jusqu'à ce qu'il en ait trouvé un qu'il puisse
placer.

[Note 9: _Bouder_ veut dire n'avoir pas dans son jeu le point qu'il
faudrait poser; ce qui fait que l'adversaire continue jusqu'à ce que
l'on puisse placer un domino.]

On compte les points de chaque jeu, et celui qui a le moins de points
gagne la partie.

Si la partie est en cent, cent cinquante ou plus, le gagnant marque tous
les points qui restent à son adversaire, sans aucune réduction, et le
jeu continue.

On gagne encore le coup ainsi qu'on l'a vu, en faisant domino,
c'est-à-dire en posant tous les dés avant que l'adversaire ait placé les
siens.

On peut juger, d'après cela, combien est grand l'avantage d'avoir la
pose. En effet, si aucun des joueurs ne boude, le poseur place son
dernier domino, tandis qu'il en reste nécessairement un dans les mains
de son adversaire.

       Et ce n'est point un homme à faire un quiproquo,
       Celui qui, juste à point, sait faire domino.



L'ÉMIGRANT.

L'émigrant est formé de deux disques en bois, réunis au milieu par une
petite traverse percée d'un trou dans lequel passe un cordon. Il faut
d'abord rouler ce cordon autour de la traverse, en soutenant le bout
opposé par une boucle que l'on met à son doigt. Ensuite on donne une
impulsion qui déroule le cordon, et l'effet de la rotation suffit pour
l'enrouler complétement de nouveau. Ce mouvement se répète autant de
fois qu'on le juge à propos. Lorsqu'on a acquis une certaine habitude de
ce jeu paisible, on parvient à faire remonter l'émigrant autour de son
cordon, sans l'avoir préalablement roulé, par le moyen de petites
secousses successives, qui le roulent d'abord en un tour, puis en deux,
et enfin jusqu'à l'extrémité que tient la main.



LES GRACES.

[Illustration]

On joue avec un ou deux cerceaux légers que les jeunes filles, placées
en face l'une de l'autre à une vingtaine de pas, reçoivent sur deux
baguettes. Il faut un peu croiser les baguettes pour donner le mouvement
d'impulsion. Ce jeu, qui peut être joué à deux ou plusieurs personnes,
participe à la fois des _bagues_ et du _volant_.



LES JONCHETS.

[Illustration]

Autrefois, on avait l'habitude de répandre sur le sol des appartements
des feuillages, de la paille ou des brins de jonc, d'où vient
l'expression de _joncher._ Nous pensons que c'est aussi l'origine du nom
de _jonchets_ que l'on donne à de petits brins d'ivoire, et c'est
pourquoi nous le préférons à celui d'_onchets_, que les enfants
connaissent mieux. On joue à deux, mais il n'est pas impossible d'être
trois ou quatre. Le paquet de jonchets en contient un certain nombre
parmi lesquels il s'en trouve qui ont des figures taillées à une de
leurs extrémités, représentant le roi, la reine, un cheval, etc. Quand
il a été réuni en faisceau dans la main, on le laisse tomber
naturellement, et le hasard mêle ces petites pièces et les enchevêtre
l'une dans l'autre, de manière à ce qu'il soit très-difficile de ne pas
remuer le jeu, lorsqu'on essaye avec un crochet d'enlever un des brins
d'ivoire. Au plus léger mouvement des jonchets, il faut céder son tour à
l'adversaire. On doit arriver à enlever toutes les pièces, et celui qui
a réuni le plus grand nombre de points a gagné la partie. Pour calculer
le nombre des points, on peut compter le roi pour cinquante, la reine
pour quarante, le valet pour trente, le cheval pour vingt et chacun des
simples pions pour dix.



LE KALÉIDOSCOPE.

Le kaléidoscope est un tube en carton, dont l'intérieur est partagé par
des lames de verre noirci, qui reflètent sur leurs parois les petits
objets de différentes couleurs que renferme un des compartiments, et en
les multipliant produisent un dessin régulier. En regardant à l'une des
extrémités du tube comme dans une lorgnette, et en le faisant tourner
doucement, on y verra les dessins les plus brillants, qui varieront à
l'infini, et dont les jeunes filles pourront s'inspirer pour leurs
travaux de broderie et de tapisserie.



LA LANTERNE MAGIQUE.

La lanterne magique, pour les enfants qui n'ont pas l'idée de son
mécanisme, semble quelque chose qui touche au merveilleux. C'est une
sorte de grande boîte, ordinairement en fer-blanc, qui porte à l'une de
ses extrémités une grosse lentille de verre très-épaisse. Dans une
coulisse pratiquée derrière cette lentille, on fait passer de longues
plaques de verre, sur lesquelles des figures peintes représentent des
sujets variés. On tend un grand drap ou un rideau blanc contre les
parois d'une chambre obscure, et les figures s'y reflètent, en
grossissant beaucoup. La personne qui fait glisser les verres doit, à
mesure que les scènes passent devant les spectateurs, leur en donner des
explications divertissantes.

Par un phénomène d'optique assez singulier, si on place les personnages
dans leur position naturelle, ils se trouveront la tête en bas; mais en
les mettant d'une manière contraire, ils seront sur leurs pieds.

Nous allions oublier l'essentiel, mais il nous semble que l'intelligence
de nos enfants y eût suppléé. Nous allons voir s'ils comprennent ce que
nous voulons dire en leur récitant la fable suivante; s'ils ne nous
comprennent pas, il en résultera ce qui est arrivé à certain singe:

       Un jour qu'au cabaret son maître était resté
           (C'était, je pense, un jour de fête),
             Notre singe en liberté
             Veut faire un coup de sa tête:
       Il s'en va rassembler les divers animaux
           Qu'il peut rencontrer dans la ville;
           Chiens, chats, dindons, pourceaux,
           Arrivent bientôt à la file.
       «Entrez, entrez, messieurs! criait notre Jacqueau,
       C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau
       Vous charmera gratis: oui, messieurs, à la porte
       On ne prend pas d'argent; je fais tout pour l'honneur.»
             A ces mots, chaque spectateur
             Va se placer, et l'on apporte
       La lanterne magique: on ferme les volets,
             Et par un discours fait exprès
             Jacqueau prépare l'auditoire.
             Ce morceau, vraiment oratoire,
             Fit bâiller, mais on applaudit.
       Content de son succès, notre singe saisit
           Un verre peint qu'il met dans sa lanterne.
             Il sait comment on le gouverne
       Et crie en le poussant: «Est-il rien de pareil?
             Messieurs, vous voyez le soleil,
             Ses rayons et toute sa gloire!
       Voici présentement la lune; et puis l'histoire
             D'Adam, d'Ève et des animaux....
             Voyez, messieurs; comme ils sont beaux!
             Voyez la naissance du monde!
       Voyez...» Les spectateurs, dans une nuit profonde,
       Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir;
           L'appartement, le mur, tout était noir.
       «Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles
             Dont il éblouit nos oreilles
             Le fait est que je ne vois rien.
       --Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose;
             Mais je ne sais pour quelle cause
             Je ne distingue pas très-bien.»
       Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne
       Parlait éloquemment et ne se lassait point.
             Il n'avait oublié qu'un point:
             _C'était d'éclairer sa lanterne._



LE LOTO

[Illustration]

Le loto se compose de petits cartons sur lesquels sont placés des
numéros dans des cases, au nombre de cinq par ligne, entremêlées de
cases vides. On tire d'un sac des petites boules demi-sphériques avec
des numéros correspondant à ceux des cartons. Lorsqu'on parvient à
couvrir tous les numéros d'une ligne, on dit _quine_, et on a gagné.
Comme les boules à numéros ne suffiraient pas pour tous les joueurs, on
les laisse à celui qui les tire du sac, et les autres joueurs se servent
pour eux-mêmes de petits jetons de verre ou d'ivoire. Lorsqu'on a rempli
quatre numéros sur la même case, on a un quaterne; trois numéros donnent
un terne; mais ces nombres ne font pas gagner. Ces termes sont ceux de
la loterie, à cause de la ressemblance des chances.



LE LOUP.

Ce jeu est composé d'un plateau ou d'un carton sur lequel sont trente et
une cases, où l'on pose vingt brebis et deux loups.

[Illustration]

Les vingt brebis se placent au haut du carton, sur les vingt cases
opposées à la bergerie, composée de neuf cases, qui est en bas du
carton, c'est-à-dire qu'elles se placent dans la prairie. De l'autre
côté, à l'entrée de la bergerie, on place les deux loups, en laissant
encore une case entre eux; ils semblent garder l'entrée de la bergerie.
Ce jeu ne peut se jouer qu'entre deux personnes. Celle qui a les brebis
joue la première, et va toujours en avant, comme au jeu de dames; elle
ne peut pas reculer, mais elle peut aller de côté.

Les loups vont au contraire en avant et en arrière, et cherchent à se
placer de façon à ce qu'ils puissent passer par-dessus la brebis et la
prendre, s'ils trouvent une case vide derrière elle.

Si celui qui a les loups oublie de prendre quand il en trouve
l'occasion, celui qui a les brebis prend le loup (ce qui s'appelle
_souffler_), et il joue. Il est bien rare alors qu'avec un seul loup on
puisse gagner.

Le joueur qui a les brebis peut gagner sans prendre les loups, pourvu
qu'il parvienne à remplir les neuf cases de la bergerie. En lisant
l'article intitulé _le renard et les poules_, on comprendra mieux la
configuration du damier sur lequel on fait manoeuvrer les pièces, qui
peuvent être les pions d'un échiquier, ou des dames, une couleur
représentant les brebis et l'autre les loups.



LA MARELLE.

Ce jeu, très-simple, doit être joué sur un carton avec des lignes
disposées comme sur la figure que nous donnons à la page suivante.

On a dix-huit pions, neuf de chaque couleur, que l'on ne pose que
successivement sur un des petits ronds qui se trouvent à la jonction des
lignes. Chaque joueur doit essayer de faire avec ses neuf pions une
rangée de trois de front, et c'est à quoi son adversaire tâche de
s'opposer. Pour cela, il faut essayer de placer un de ses propres pions
entre les deux de son adversaire, ou à la suite, de manière à ce qu'il
ne puisse pas arriver à en placer trois de front. S'il y parvient
toutefois, il a le droit d'enlever un de vos pions à son choix,
c'est-à-dire celui qui pourrait lui causer le plus de préjudice.

[Illustration]

Les pions ne peuvent aller qu'en droite ligne, et ne peuvent sauter
par-dessus les autres que lorsque celui qui joue n'en a plus que trois.
Dans ce dernier cas, il a la faculté de poser un de ses pions où bon lui
semble, et il arrive alors plus facilement à les mettre trois de front
et quelquefois à gagner, malgré l'avantage du nombre qui est du côté
opposé. Le jeu finit quand on n'a plus que deux pions.



L'OIE.

       J'aime ces jeux galants où l'esprit se déploie;
       C'est, monsieur, par exemple, un bien beau jeu que l'oie!

Le poëte comique met ces vers dans la bouche d'un valet naïf, pour se
moquer de la simplicité du jeu; mais, n'en déplaise à Regnard, nous
aimons assez le jeu de l'oie renouvelé des Grecs.

Il nous est bien difficile de l'expliquer, faute des figures nombreuses
qui en déterminent la marche, mais nous essayerons d'en donner une idée.
Soixante-trois cases, remplies par des dessins différents, produisent
des coups plus ou moins heureux. Les dés, jetés d'un cornet, indiquent
les nombres auxquels se rapportent les numéros des cases. Chaque joueur
tire à son tour et pose sur la case correspondante au nombre qu'il amène
un petit objet qui lui appartient; il doit toujours occuper la place où
l'envoie le sort. Ainsi, par exemple, de neuf en neuf cases est la
figure d'une oie. Si l'on y arrive après avoir compté le nombre donné
par les dés, on continue sa marche, toujours comptant le même nombre.
Quelquefois on arrive à un obstacle appelé _le puits_, _le labyrinthe_,
_l'hôtellerie_, _la prison_, _la mort_, etc. Chacun de ces obstacles
entraîne une pénitence différente. Pour _la mort_, il faut recommencer
soi-même tout le jeu, tandis que l'adversaire ou les adversaires le
continuent. Nous répétons que nous ne pouvons donner de ce jeu qu'une
idée imparfaite, mais que le tableau du jeu, qu'on peut se procurer, en
contient toutes les règles détaillées. On a souvent varié les figures
classiques du jeu d'oie, en y substituant des figures qui se
rapportaient à quelque idée en vogue dans le moment. L'innovation la
plus moderne a pris le titre de jeu du _Steeple-Chase_. De petits
cavaliers en carton servent à marquer la marche du jeu.



LES OMBRES CHINOISES.

Nous empruntons à un auteur érudit[10] quelques renseignements
intéressants sur ce jeu, que les enfants pourront aisément fabriquer
eux-mêmes et qui leur rappellera d'heureux moments passés dans la salle
de Séraphin, nom magique qui a souvent fait battre leurs jeunes coeurs.

[Note 10: M. Ch. Magnin, _Histoire des Marionnettes_.]

Ce divertissement, dont on rapporte généralement l'origine aux Chinois
et aux Javanais, est du moins, sans aucun doute, un des spectacles
favoris des Orientaux. Il est depuis assez longtemps connu en Italie et
en Allemagne. Le procédé mécanique est bien simple: On met, à la place
du rideau d'un petit théâtre, une toile blanche ou un papier huilé bien
tendu. A sept ou huit pieds derrière cette tenture, on pose des
lumières. Si l'on fait glisser alors entre la lumière et la toile tendue
des figures mobiles et plates, taillées dans des feuilles de carton ou
de cuir, l'ombre de ces découpures se projette sur la toile ou sur le
transparent de papier et apparaît aux spectateurs. Un main cachée dirige
ces petits acteurs au moyen de tiges légères, et fait mouvoir à volonté
leurs membres par des fils disposés comme ceux de nos pantins de carte.
«Je ne connais pas, dit Grimm, de spectacle plus intéressant pour les
enfants; il se prête aux enchantements, au merveilleux et aux
catastrophes les plus terribles. Si vous voulez, par exemple, que le
diable emporte quelqu'un, l'acteur qui fait le diable n'a qu'à sauter
par-dessus la chandelle placée en arrière, et, sur la toile, il aura
l'air de s'envoler avec lui par les airs.»

Les enfants qui reviennent émerveillés des scènes ingénieuses qu'ils ont
vu représenter sur le théâtre de Séraphin apprendront avec intérêt
qu'ils ont assisté à un spectacle, sans doute toujours nouveau, mais
dont les premières représentations eurent lieu en 1776. Nous citons
encore:

«On voyait, entre autres tableaux: 1° une tempête: le tonnerre, la grêle
assaillant la mer, plusieurs vaisseaux faisant naufrage; 2° un pont dont
une arche est démolie et des ouvriers qui la réparent: un voyageur leur
demande si la rivière est guéable; les ouvriers se moquent de lui et
répondent par le fameux couplet: _les canards l'ont bien passée_[11]; le
voyageur découvre un petit bateau, passe la rivière et châtie les
ouvriers. C'est déjà, comme on voit, le fameux _Pont cassé_, la pièce
classique des _Ombres chinoises_, vieux fabliau qui se trouve en germe
dans une ancienne facétie, le _Dict de l'herberie_, qu'on peut lire à la
suite des poésies de Ruteboeuf[12], et que Cyrano de Bergerac n'a pas
dédaigné d'insérer à peu près textuellement dans sa comédie du _Pédant
joué_; 3° un canal sur lequel on aperçoit une troupe de canards:
quelques chasseurs dans un bateau les tirent à coups de fusil, etc.»

[Note 11: On trouve ce couplet dans une très-ancienne chanson intitulée
_Dialogue du Prince et du Berger_:

       LE PRINCE.

       Passe-t-on la rivière à gué?

       LE BERGER.

       Les canards l'ont bien passé,
       O lirenda, lirondé.

(Voy. _Cahier de Chansons_, veuve Oudot, 1718.)]

[Note 12: _Oeuvres complètes de Ruteboeuf_, trouvère du treizième
siècle. (Notes de M. Ch. Magnin.)]



LES OSSELETS.

Nous sommes encore en pleine antiquité. Les osselets sont, avec les dés,
un des plus anciens jouets connus. Les Grecs s'en servaient comme de
dés, pour indiquer les coups de hasard, par des points marqués sur les
différentes faces, et les faisaient également glisser dans un tube. On
trouve des osselets au nombre des jouets renfermés dans les tombeaux des
petits enfants, et une des plus jolies statues antiques représente une
jeune fille assise à terre et jouant avec des osselets.

Les osselets modernes sont de petits os ou de petits morceaux d'ivoire
façonnés en forme d'os, que l'on essaye de faire tenir sur le revers de
la main, que l'on jette en l'air et que l'on reçoit ensuite. On s'en
sert aussi pour divers tours d'adresse. On prend cinq osselets dans la
main; on en jette un en l'air, et l'on pose les autres sur la table. On
en reprend un avant que le premier soit tombé, et ainsi de suite
jusqu'au dernier. Comme toutes les manières de jouer sont nommées,
celle-ci s'appelle les _premières_. Voici les _secondes_: On prend deux
osselets à la fois pendant que les premières retombent; aux _troisièmes_
on en prend trois, et quatre aux _quatrièmes_. Ensuite on se sert de
l'osselet qui est en main, on le baise, on passe la main derrière le
dos, pendant que celui qu'on va recevoir est en l'air. Viennent ensuite
les _passes-passes_. Il faut, pendant que l'un des osselets est lancé,
et avant qu'il revienne dans la main, faire passer avec la main droite
tous ceux qui sont restés sur la table, sous le pouce et l'index de la
main gauche disposés comme une arche de pont. On fait des _échanges_ en
mettant un osselet à la place d'un autre; des _rafles_, en ramassant
tous les osselets ensemble; des _creux_, des _dos_ ou des _plats_ en les
retournant tous les uns après les autres, pendant qu'il y en a un en
l'air, sur le côté que ce nom indique suffisamment.



LE PANTIN.

Ce jouet, en apparence plus puéril que tous ceux dont nous nous sommes
occupés jusqu'à présent, a cependant aussi des souvenirs historiques qui
nous forcent de nous y arrêter.

Les pantins sont définis ainsi dans un vieux livre: «Petites figures
peintes sur du carton, qui, par le moyen de petits fils que l'on tire,
font de petites contorsions propres à amuser les enfants.»

[Illustration]

Quelquefois on nomme aussi du nom de _pantins_ des poupées de bois ou
d'autres matières, qui se meuvent également avec des fils. De tels
jouets ont été trouvés dans les tombeaux de Thèbes et de Memphis. Une
barque en bois, qui se voit au musée du Louvre, est montée par de petits
rameurs qui devaient se mouvoir. Dans les tombeaux de Rome ancienne, on
a également trouvé des pantins de différentes matières, en os, en
ivoire, en bois, en terre cuite; mais sous cette forme le pantin se
rapproche plutôt des marionnettes, comme celles que nos enfants font
agir dans les petits théâtres de carton, ou comme celles qu'ils vont
admirer aux théâtres de Polichinelle et de Séraphin. Nous n'avons en
France que ces marionnettes traditionnelles. Dans les pays étrangers,
comme en Allemagne, et surtout en Italie, elles ont plus de variétés,
sont beaucoup plus répandues et sont appréciées de tous les âges. Les
théâtres de marionnettes, en Italie, représentent des pièces satiriques,
souvent très-spirituelles, et dont le peuple fait ses délices, comme
autrefois les Athéniens. On trouve dans Platon des comparaisons tirées
de cet amusement favori: il représente les hommes comme des marionnettes
que des fils font mouvoir; les fils des passions tirent l'homme de tous
côtés; un seul lui donne une bonne direction: c'est le fil d'or de la
raison.

Pour revenir au simple pantin de carton, nous dirons qu'il eut dans le
siècle dernier une vogue incroyable. On en trouvait partout. Les plus
grandes dames s'en amusaient comme des enfants et les portaient même à
la promenade. On en fabriquait de simples et de compliqués, à tous les
prix. C'est alors que l'on composa cette chanson sur laquelle encore
aujourd'hui on fait danser les pantins:

       Que Pantin serait content
       S'il avait l'heur de vous plaire!
       Que Pantin serait content
       S'il vous plaisait en dansant!

Si les enfants aujourd'hui veulent essayer de s'en amuser encore, ils
peuvent fabriquer des pantins eux-mêmes avec du carton blanc ou peint,
en rattachant les membres avec des bouts de fil, de manière qu'ils aient
de la flexibilité, et leur donnant le mouvement avec d'autres longs
bouts de fil ou de soie _noire_. Si on les fait mouvoir en se tenant un
peu dans l'ombre et en ayant devant soi un vêtements de couleur foncée,
il semblera que les petites figures s'agitent toutes seules, surtout si
on rattache tous ces longs fils à une canne que l'on tient dans une
position horizontale au-dessus du pantin et sur laquelle on promène ses
doigts d'une manière presque invisible. Avec un peu d'habileté,
l'illusion sera complète.



LE PARACHUTE.

[Illustration]

Les jolis objets qu'on appelle parachutes sont une invention moderne, et
ils ont eu l'heureux privilége d'être aussitôt adoptés par tous les
enfants, petits et grands, jeunes filles et jeunes garçons. On sait
qu'ils sont formés d'un grand papier de soie coupé en rond, plié comme
les feuilles d'un éventail et auquel sont attachés de distance en
distance de longs brins de fil qui se réunissent en un noeud que l'on
tient dans la main. On lance ce léger parachute plié, en le retenant par
les brins de fil. Il se développe en l'air et retombe sous forme d'un
parapluie ouvert, avec la molle lenteur des flocons de neige.



LA POUPÉE.

Nous n'avons rien à enseigner aux petites filles sur l'usage de la
poupée. Elles le connaissent mieux que nous, dont les souvenirs sont
déjà lointains; elles le pratiquent avec une conscience, une
persévérance, une foi, si nous osons parler ainsi, qui renferme bien des
mystères. C'est que la poupée est aussi un être mystérieux, un symbole,
dont on comprend le sens mieux qu'on ne le définit. Il y a eu une
_poupée_ dès qu'il a existé une petite fille, et cette tradition s'est
perpétuée avec la force des choses vraies et nécessaires. Elle a
traversé les révolutions des peuples et des empires. Elle a résisté au
temps aussi bien qu'une pyramide. A Thèbes, dans le tombeau d'une petite
enfant morte il y a des milliers d'années, on a retrouvé une poupée
faite en chiffons, comme celles que l'ont elles-mêmes les petites filles
d'aujourd'hui.

La poupée n'est pas seulement un jouet, un amusement; elle est un
besoin, elle est la réalisation des instincts féminins. La petite fille
essaye sa vocation quand elle est en face de ce petit être passif, dans
lequel elle reconnaît un enfant comme elle; enfant quelquefois méchant,
quelquefois malade, souvent capricieux et envers lequel l'enfant
véritable a des devoirs sérieux. Ses rapports avec cet être sont ceux
d'un être supérieur qui a une tâche immense à remplir et les droits les
plus illimités pour l'accomplir, en un mot, la tâche de la mère envers
son enfant.

[Illustration]

Si la petite fille entre bien dans l'esprit du rôle qu'elle crée à son
insu et qui lui est inspiré par des événements dont elle est l'auteur,
par une sorte de convention tacite avec elle-même, elle supposera à
cette poupée, devenue son enfant, tous les sentiments qu'elle éprouve,
ou ceux qu'elle a pu observer chez ses compagnes. Cette petite figure
inerte, qui gisait dans un coin, est relevée par un être intelligent, et
à l'instant commence une scène animée par le jeu des passions. La poupée
est volontaire; sa mère de dix ans lui enseigne que l'opiniâtreté et les
caprices sont des défauts devant lesquels l'autorité maternelle ne doit
pas plier, et moitié par le raisonnement, moitié par la sévérité,
quelquefois par des corrections dont elle n'a pourtant pas reçu
l'exemple, elle finit par dompter un caractère rebelle. La poupée est
sage et raisonnable, on lui prouve par des caresses et des récompenses
qu'elle doit n'avoir rien plus à coeur que la satisfaction de sa mère.
La poupée est dolente; sa mère s'émeut; elle l'interroge avec
inquiétude; elle s'aperçoit que son enfant souffre. Alors commence pour
elle la pratique des devoirs les plus tendres, des soins les plus
dévoués, et quand l'enfant s'endort d'un doux sommeil, la mère se repose
aussi, demande du silence autour d'elle et conserve longtemps la trace
des pensées sérieuses qui viennent d'occuper son esprit.

A côté de tous ces devoirs importants, il en est un surtout que la mère
affectionne: c'est de revêtir cet enfant de tout ce qu'elle peut
rassembler de plus beau. Elle va même jusqu'à l'extravagance dans ce
besoin qu'elle a de parer cette chère créature, et elle lui donne des
vêtements qui ne sont pas de son âge. Elle en fait une _belle dame_.
Alors elle s'admire dans son oeuvre, mais elle n'en jouit pas de la même
manière que lorsqu'elle retrouvait en elle son enfant.

Faut-il attribuer ce soin pour la parure des poupées à des instincts de
coquetterie et de vanité? Faut-il y voir ce sentiment plus doux et plus
tendre qui fait désirer à une mère que son enfant surpasse tous les
autres, même en beauté et en élégance? Hélas! nous croyons qu'il y a là,
comme dans la nature humaine, un mélange des bons et des mauvais
sentiments; mais du moins celui qui est le plus pur ennoblit l'autre et
le fait pardonner.

La puissance de la poupée est telle, que quand elle devient vieille,
malpropre, estropiée, la petite fille vraiment aimante s'y attache
encore davantage. C'est un lien, c'est une habitude, c'est aussi quelque
chose de ce sentiment si touchant qui fait préférer à la mère l'enfant
difforme et rebuté des autres. Peut-être ce sentiment s'explique-t-il
par celui de la responsabilité; peut être est-ce par la pitié infinie
qui est dans le coeur de la femme; peut-être enfin est-ce par la pensée
que les êtres que le monde dédaigne appartiennent d'autant plus à ceux
qui leur accordent l'intérêt et l'affection qu'ils ne trouvent pas
ailleurs. Quel que soit le mobile secret, le sentiment est en germe chez
la petite fille qui préfère la poupée que personne ne regarde. Il se
retrouve encore chez la pauvre enfant du peuple, qui aime cet objet
informe qu'elle appelle sa poupée, autant qu'elle aimerait ces
splendides figures sur lesquelles elle ose à peine jeter un regard
d'envie; qui la revêt avec amour des misérables chiffons dont elle peut
disposer, et qui la berce dans ses bras avec cette tendre sollicitude
qu'elle aurait pour les membres délicats d'un nouveau-né.

Peut-être que dans notre préoccupation des sentiments que nous paraît
personnifier la poupée, nous avons retracé trop sérieusement les
différents emplois que fait la petite fille de ce jouet. Il nous a paru
presque inutile de lui enseigner ce que son instinct lui révèle à coup
sûr, et de parler de tous les jeux dans lesquels figure ce petit être.
On l'habille; on le déshabille à des heures réglées, en se servant des
petits vêtements et des petits meubles à son usage; on feint de le faire
manger des mets fictifs ou réels dans des repas qu'on lui prépare, ce
que les enfants, dans leur langage de convention, appellent _faire la
dînette_. Ces soins deviennent pour quelques petites filles une
véritable passion. Pour quelques-unes, ils ont un côté utile en leur
créant des occupations sédentaires, en leur donnant des habitudes
d'ordre et du goût pour le travail à l'aiguille. D'autres enfants, mais
le nombre en est plus rare, ont une espèce d'indifférence pour les
poupées, ou bien en perdent le goût de bonne heure. Enfin il vient un
âge où ce goût cesse pour toutes également.

La religion païenne exprimait le changement qui s'opère habituellement
dans les idées de la jeune fille par le sacrifice qu'elle devait faire
de sa poupée à Vénus au moment de son mariage. Cette cérémonie
signifiait que la jeune fille renonçait aux jeux de l'enfance et allait
se consacrer à de nouveaux devoirs. Quand le christianisme remplaça le
culte des faux dieux, quelques coutumes subsistèrent et entre autres
celle de renfermer dans les tombeaux des enfants ou des jeunes filles
les petits objets ou les jouets qui avaient été à leur usage. C'est ce
qui explique le grand nombre de ces naïfs débris que l'on a recueillis
dans les sarcophages des catacombes où reposaient les chrétiens. Cette
coutume touchante nous a transmis le modèle de ces jouets semblables à
ceux de nos enfants. On voit dans les musées de Rome les osselets, les
petites clochettes, les dés, les petites boules d'or et d'argent, et
enfin les poupées qui ont fait le bonheur des enfants durant le peu de
jours qu'ils ont passés sur la terre, et qui les ont suivis dans la paix
du tombeau. Une jeune princesse, Marie, fille de Stilicon, femme
d'Honorius, a été trouvée dans son cercueil, en 1544, dans le cimetière
du Vatican; à ses côtés, une cassette d'argent renfermait des objets de
toilette qui lui avaient appartenu, et plusieurs petites poupées
d'ivoire étaient couchées près d'elle.



LE RENARD ET LES POULES.

Ce jeu ressemble à celui de la marelle, que nous avons donné plus haut,
ou au jeu de dames moins compliqué. Il est encore nécessaire que nous
donnions ici la figure du carton sur lequel on le joue.

[Illustration]

[Illustration]

Le renard est représenté par un pion d'une couleur, et les poules par
treize pions d'une autre couleur, rangés à un bout de cette sorte de
damier. Quelquefois on peut se servir de deux renards, qui sont placés à
l'autre extrémité du damier. Le renard va en avant, en arrière et de
côté. Les poules ne peuvent aller qu'en arrière et de côté. Le but du
jeu est de poursuivre le renard et de l'enfermer de telle sorte qu'il ne
puisse s'en aller. Le renard a le droit de prendre toutes les poules qui
ont une case vide derrière elles.



LE SOLITAIRE.

[Illustration]

Le solitaire est le plus paisible et le plus silencieux de tous les
jeux, il est composé d'une petite planche de forme octogone, percée de
trente-sept trous. Dans ces trous on place trente-six petits pions
d'ivoire, et le jeu consiste à faire passer un pion par-dessus un autre,
en enlevant celui-ci. Il faut ne jamais franchir un espace vide, ne
jamais franchir deux pions à la fois, et enfin n'aller jamais en biais.
A la fin du jeu, il ne doit rester qu'un pion _solitaire_, ce qui est
assez difficile à obtenir.



LE SPHINX.

[Illustration]

Ce jeu prend son nom d'un animal fabuleux, qui dévorait, dit-on, ceux
qui ne pouvaient deviner une énigme. Il se compose de petites plaques de
carton ou d'ivoire, portant chacune une lettre de l'alphabet et avec
lesquelles on forme des mots que l'on donne à deviner aux autres joueurs
après les avoir brouillés d'abord. Ce jeu amuse les grandes personnes,
et il peut encore servir à enseigner la lecture aux petits enfants.



LE TOTON.

[Illustration]

Nous voudrions bien dire _tonton_, comme les enfants, mais l'étymologie
du mot s'y refuse. On sait que le véritable _toton_ est une sorte de
petit dé qui a des lettres gravées sur quatre faces et qui est traversé
par un pivot sur lequel on le fait tourner aussi longtemps que possible.
Les chances du jeu sont déterminées par la lettre qu'il présente au
moment où il se couche sur le côté. Nous allons donner l'explication de
chacune de ces lettres, qui est l'initiale d'un mot latin. La lettre P
est l'initiale de _pone_, qui signifie _mettez_. Il faut mettre un jeton
au jeu. La lettre A veut dire _accipe_, en français _recevez_. On reçoit
un jeton. La lettre D, en latin _da_, en français _donnez_, a le même
effet que _pone_. Enfin la lettre T, qui est le mot latin _totum_, en
français _tout_, gagne les jetons. C'est celle qui donne son nom à ce
jeu très-simple.

Il y a des _totons_ qui ont un plus grand nombre de faces, ce qui varie
les hasards du gain et de la perte. Le toton à douze faces a presque la
forme d'une boule; aussi le fait-on rouler avec la main. Les faces sont
numérotées de 1 à 12. Celui qui amène le plus haut point gagne la
partie.



LE VOLANT.

[Illustration]

Il nous semble inutile de donner la description de ce jeu, qui ne paraît
pas remonter au delà du quinzième siècle. Le volant et la raquette sont
d'un usage si général qu'il doit suffire de les indiquer. C'est un
exercice très-salutaire à la santé, très-amusant et où l'on peut, avec
de la pratique devenir d'une grande habileté.

Si l'espace manque pour jouer avec une raquette, on peut se servir de
cornets de bois et de volants légers. Deux joueurs d'égale force peuvent
faire des parties si longues qu'elles ne cesseront que par leur volonté
et non par la chute du volant.

On raconte que Nicole et Arnault, ces deux grands solitaires de
Port-Royal, se délassaient de leurs travaux sérieux par d'éternelles
parties de volant, comptant au delà de mille coups sans s'arrêter. On
cite beaucoup de célèbres personnages qui n'ont pas dédaigné cet
amusement.

[Illustration: deco.]




TROISIÈME PARTIE.

LES RONDES.


Les rondes sont ou de petits poëmes mis en action et chantés sur un air
simple, ou des chansons répétées en choeur, tandis que les enfants, se
tenant par la main, dansent _en rond_.

Cette manière de danser en se tenant par la main doit remonter à la plus
haute antiquité. Les Grecs avaient des danses semblables. Dans l'une de
celles que l'on cite le plus souvent, et dont ils ont conservé la
tradition jusqu'à nos jours, ils étaient censés représenter les détours
du labyrinthe de Crète et la chasse donnée au Minotaure. Les mêmes
inspirations se retrouvent dans un grand nombre de ces antiques rondes
que nos enfants chantent et dansent, sans se douter qu'ils perpétuent le
souvenir d'un fait historique ou une coutume locale maintenant oubliée.
Nous rappellerons ces origines lorsqu'elles se présenteront à nous avec
quelque circonstance digne d'être mentionnée, et nous ne pouvons mieux
faire que de placer ici quelques lignes extraites d'une nouvelle de M.
Ch. Nodier, qui seront une introduction à ce petit recueil de naïves
poésies.

«Comme il faisait très-beau, les jeunes filles ne manquèrent pas
d'arriver à leur rendez-vous du soir, et de former autour du vieil orme
où j'étais assis par hasard leurs danses accoutumées, en chantant en
choeur des airs de ronde qui m'étonnaient par leur simplicité et leur
grâce, parce que l'exil et la guerre m'avaient privé de trop bonne heure
de ces innocentes joies de l'enfance.............. Je ne me rappelle pas
bien l'air et les paroles de ces chansons-là, mais il me semble qu'elles
ne vibreraient jamais à mon oreille sans que mon coeur en tressaillît,
tant elles me révélaient de choses charmantes. Cependant, ce n'était
rien en soi, ou plutôt cela serait impossible à exprimer à ceux qui
n'ont pas senti la même chose. C'était, si je m'en souviens, une belle
qui s'était endormie au bord d'une fontaine, et que son père et son
fiancé cherchaient sans la trouver. C'étaient des filles de roi,
chassées de leurs palais, qui se réveillaient dans la forêt un jour de
bataille.... C'étaient les regrets des bergères qui s'affligent de ne
plus aller au bois, parce que les lauriers sont coupés, et qui aspirent
après la saison qui doit ramener leurs danses.»



NOUS N'IRONS PLUS AU BOIS.

Ce qui précède nous engage à commencer par cette ronde, composée,
dit-on, par la marquise de Pompadour, qui la faisait danser sous les
ombrages de Choisy-le-Roi ou de Bellevue, aux courtisans de Louis XV.

[Musique:

Nous n'irons plus au bois, Les lauriers sont cou-pés;
La bel-le que voi-là Vien-dra les ra-mas-ser.
Entrez dans la dan-se, Voyez comme on dan-se;
Sau-tez, Dan-sez, Embrassez cell' que vous aimez. ]

       Nous n'irons plus au bois,
       Les lauriers sont coupés.

       La belle que voilà
       La lairons-nous danser?
       Entrez dans la danse,
       Voyez comme on danse.
             Sautez,
             Dansez,
       Embrassez cell' que vous aimez.

       La belle que voilà
       La lairons-nous danser?
       Mais les lauriers du bois
       Les lairons-nous faner?
         Entrez dans la danse, etc.

       Mais les lauriers du bois
       Les lairons-nous faner?
       Non, chacune à son tour,
       Ira les ramasser.
         Entrez, etc.

       Non, chacune à son tour,
       Ira les ramasser.
       Si la cigale y dort,
       Ne faut pas la blesser.
         Entrez, etc.

       Si la cigale y dort,
       Ne faut pas la blesser
       Le chant du rossignol
       La viendra réveiller.
         Entrez, etc.

       Le chant du rossignol
       La viendra réveiller.
       Et aussi la fauvette
       Avec son doux gosier
         Entrez, etc.

       Et aussi la fauvette
       Avec son doux gosier.
       Et Jeanne la bergère
       Avec son blanc panier.
         Entrez, etc.

       Et Jeanne la bergère
       Avec son blanc panier.
       Allant cueillir la fraise
       Et la fleur d'églantier.
         Entrez, etc.

       Allant cueillir la fraise
       Et la fleur d'églantier.
       Cigale, ma cigale,
       Allons, il faut chanter.
         Entrez, etc.

       Cigale, ma cigale,
       Allons, il faut chanter,
       Car les lauriers du bois
       Sont déjà repoussés.
         Entrez, etc.

Cette fraîche pastorale est une simple ronde, dont une jeune fille se
détache; et après avoir, du milieu du cercle, fait un choix parmi une de
ses compagnes, qu'elle embrasse, reprend la place de celle-ci, qui va
prendre la sienne, tandis qu'on tourne autour d'elle, et de même à
chaque couplet.

[Illustration: deco]



LA BOULANGÈRE.

[Musique:

La bou-lan-gère a des é-cus Qui ne lui cou-tent guè-re,
La bou-lan-gère a des é-cus Qui ne lui cou-tent guè-re,
Oui, elle en a, je les ai vus, J'ai vu la bou-lan-gè-re,
j'ai vu, J'ai vu la bou-lan-gè-re. La bou-lan]

On continue le refrain en quittant la ronde générale pour tourner deux
par deux, jusqu'à ce que chacune ait tourné successivement; puis on
reprend la chaîne, en recommençant le couplet.

[Illustration: deco.]



LE LAURIER DE FRANCE.

[Musique:

J'ai un beau lau-rier de Fran-ce;
Mon jo-li lau-rier dan-se, Mon jo-li lau--rier.]

       J'ai un beau laurier de France.
         Mon joli laurier danse,
           Mon joli laurier.

       Mademoiselle, entrez en danse,
         Mon joli laurier danse,
           Mon joli laurier.

       Faites-nous trois révérences;
         Mon joli laurier danse,
           Mon joli laurier.

       Maint'nant le tour de la danse
         Mon joli laurier danse,
           Mon joli laurier.

       Embrassez vot' ressemblance;
         Mon joli laurier danse,
           Mon joli laurier.

Le dénoûment de presque toutes ces rondes est le même. Les jeunes filles
s'embrassent ou se poursuivent.

[Illustration: deco.]



IL ÉTAIT UNE BERGÈRE.

[Musique:

Il é-tait un' ber-gè-re, Et ron, ron, ron, pe-tit pa-ta-pon;
Il é-tait un' ber-gè-re Qui gardait ses mou-tons, ron, ron,
Qui gardait ses mou-tons. ]

         Il était un' bergère,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Il était un' bergère,
         Qui gardait ses moutons,
               Ron, ron,
         Qui gardait ses moutons.

         Elle fit un fromage,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Elle fit un fromage,
         Du lait de ses moutons,
               Ron, ron,
         Du lait de ses moutons.

         Le chat qui la regarde,
       Et ron, ron, ron, petit patapon
         Le chat qui la regarde,
         D'un petit air fripon,
               Ron, ron,
         D'un petit air fripon.

         «Si tu y mets la patte,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Si tu y mets la patte,
         Tu auras du bâton,
               Ron, ron,
         Tu auras du bâton.»

         Il n'y mit pas la patte,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Il n'y mit pas la patte,
         Il y mit le menton,
               Ron, ron,
         Il y mit le menton.

         La bergère en colère,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         La bergère en colère,
         Tua son p'tit chaton,
               Ron, ron,
         Tua son p'tit chaton.

         Elle fut à son père,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Elle fut à son père,
         Lui demander pardon,
               Ron, ron,
         Lui demander pardon.

         «Mon père je m'accuse,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Mon père je m'accuse,
         D'avoir tué mon chaton,
               Ron, ron,
         D'avoir tué mon chaton.

         --Ma fill', pour pénitence.
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         Ma fill', pour pénitence,
         Nous nous embrasserons,
               Ron, ron,
         Nous nous embrasserons.

         --La pénitence est douce,
       Et ron, ron, ron, petit patapon;
         La pénitence est douce,
         Nous recommencerons,
               Ron, ron,
         Nous recommencerons.»

[Illustration: deco.]



GIROFLÉ, GIROFLA.

[Musique:

Que t'as de bel-les fil-les! Gi-ro-flé, gi-ro-fla;
Que t'as de bel-les fil-les! L'amour m'y compt'ra.]

       Que t'as de belles filles!
       Giroflé, girofla;
       Que t'as de belles filles!
       L'amour m'y compt'ra (_ou_ m'y prendra).

       Ell's sont bell's et gentilles,
       Giroflé, girofla,
       Ell's sont bell's et gentilles,
       L'amour m'y compt'ra.

       Donnez-moi-z'en donc une,
       Giroflé, girofla,
       Donnez-moi-z'en donc une,
       L'amour m'y compt'ra.

       Pas seul'ment la queue d'une,
       Giroflé, girofla
       Pas seul'ment la queue d'une,
       L'amour m'y compt'ra.

       J'irai au bois seulette,
       Giroflé, girofla;
       J'irai au bois seulette,
       L'amour m'y compt'ra.

       Quoi faire au bois seulette?
       Giroflé, girofla;
       Quoi faire au bois seulette
       L'amour m'y compt'ra.

       Cueillir la violette,
       Giroflé, girofla;
       Cueillir la violette,
       L'amour m'y compt'ra.

       Quoi faire de la violette?
       Giroflé, girofla;
       Quoi faire de la violette?
       L'amour m'y compt'ra.

       Pour mettre à ma coll'rette
       Giroflé, girofla;
       Pour mettre à ma coll'rette,
       L'amour m'y prendra.

       Si le roi t'y rencontre?
       Giroflé, girofla;
       Si le roi t'y rencontre?
       L'amour m'y compt'ra.

       J'lui ferai trois r'vérences,
       Giroflé, girofla;
       J'lui ferai trois r'vérences,
       L'amour m'y compt'ra.

       Si la reine t'y rencontre?
       Giroflé, girofla;
       Si la reine t'y rencontre?
       L'amour m'y compt'ra.

       J'lui ferai six r'vérences,
       Giroflé, girofla;
       J'lui ferai six r'vérences,
       L'amour m'y compt'ra.

       Si le diable t'y rencontre?
       Giroflé, girofla;
       Si le diable t'y rencontre?
       L'amour m'y compt'ra.

       Je lui ferai les cornes!
       Giroflé, girofla;
       Je lui ferai les cornes!
       L'amour m'y compt'ra.

Une des jeunes filles est seule, et les autres s'avancent vers elle, en
se tenant par la main, puis se reculent. Celle qui est seule fait de
même; en commençant elle dit le premier couplet; les autres répondent
par le suivant, et dans l'intervalle où la jeune fille qui est seule ne
chante pas, elle doit figurer l'action dont elle a parlé dans son
couplet, cueillir la violette, faire les révérences, etc. Au dernier
couplet, elle fait avec ses doigts les cornes à ses compagnes, qui
s'enfuient à ce geste menaçant.



LE CIEL ET L'ENFER.

Les jeunes filles se tenant par la robe, à la suite l'une de l'autre,
passent sous l'arc que forment les bras de deux de leurs compagnes.
Celles-ci chantent: _Trois fois passera, la dernière y restera_, pendant
que les premières défilent, et, au troisième tour, elles abaissent leurs
bras et retiennent celle qui se trouve prise ainsi. Alors, elles lui
demandent tout bas avec laquelle des deux elle veut rester. Quand elle a
fait son choix, elle va se placer derrière celle qu'elle a désignée.
L'une des deux représente le ciel, l'autre l'enfer, et celles qui ont
fait un bon choix, quand le jeu est fini, poursuivent les autres en leur
faisant les cornes, comme dans la ronde précédente. Ce geste, qui n'est
ni gracieux ni bienveillant, se retrouve dans certains jeux d'enfants,
et doit tirer son origine de quelque légende du moyen âge, époque où le
diable avait toujours un rôle actif. Cette action de montrer les cornes
avec les doigts est particulière à l'Italie, où les gens du peuple
croient détourner un maléfice, qu'ils appellent le _mauvais oeil_
(_jettatura_), soit en présentant ainsi les doigts de la main, soit en
portant sur eux quelque petit objet de métal ou de corail, tel qu'une
épingle, façonnée en forme de main, dont deux doigts sont tendus en
avant comme deux cornes menaçantes.

[Illustration: deco.]



LA TOUR, PRENDS GARDE!

La marquise de Prie, pour amuser les Condé, avait composé le chant de:
_la Tour prends garde!_ petit drame entre le duc de Bourbon, son fils,
le capitaine et les gardes de Son Altesse.

[Musique:

La tour, prends gar-de, La tour, prends gar-de
De te lais-ser a-bat-tre.]

       LE CAPITAINE ET LE COLONEL.

             La tour, prends garde (_bis_)
         De te laisser abattre.

       LA TOUR.

             Nous n'avons garde (_bis_)
         De nous laisser abattre.

       LE COLONEL.

             J'irai me plaindre (_bis_)
         Au duc de Bourbon.

       LA TOUR.

             Eh! va te plaindre (_bis_)
         Au duc de Bourbon.

       LE COLONEL ET LE CAPITAINE.

             Mon duc, mon prince (_bis_),
         Je viens à vos genoux.

       LE DUC.

             Mon capitaine, mon colonel (_bis_),
         Que me demandez-vous?

       LE COLONEL ET LE CAPITAINE.

             Un de vos gardes (_bis_)
         Pour abattre la tour.

       LE DUC.

             Allez, mon garde (_bis_),
         Pour abattre la tour.

       LE COLONEL ET LE CAPITAINE AVEC LE GARDE.

             La tour, prends garde (_bis_)
         De te laisser abattre.

       LA TOUR.

             Nous n'avons garde (_bis_)
         De nous laisser abattre.

       LES OFFICIERS (_au duc_).

             Mon duc, mon prince (_bis_),
         Je viens à vos genoux.

       LE DUC.

             Mon capitaine, mon colonel (_bis_),
         Que me demandez-vous?

       LES OFFICIERS.

             Deux de vos gardes (_bis_)
         Pour abattre la tour.

       LE DUC.

             Allez, mon garde (_bis_),
         Pour abattre la tour.

       LES OFFICIERS (_à la tour_).

             La tour prends garde (_bis_)
         De te laisser abattre.

       LA TOUR.

             Nous n'avons garde (_bis_)
         De nous laisser abattre.

       LES OFFICIERS (_au duc_).

             Mon duc, mon prince (_bis_),
         Je viens à vos genoux.

       LE DUC.

       Mon capitaine, mon colonel (_bis_),
         Que me demandez-vous?

       LES OFFICIERS.

             Votre cher fils (_bis_)
         Pour abattre la tour.

       LE DUC.

             Allez, mon fils (_bis_),
         Pour abattre la tour.

       LE FILS ET LES OFFICIERS.

             La tour, prends garde (_bis_)
         De te laisser abattre.

       LA TOUR.

             Nous n'avons garde (_bis_)
         De nous laisser abattre.

       LES OFFICIERS (_au duc_)

             Votre présence (_bis_)
         Pour abattre la tour.

       LE DUC.

             Je vais moi-même (_bis_)
         Pour abattre la tour.

L'action de cette ronde est facile à comprendre. Deux jeunes filles, qui
se tiennent les mains, représentent la tour; une autre est assise, qui
représente le duc de Bourbon avec son fils, et entouré de ses gardes. On
voit que les officiers défient la tour, qui répond avec mépris à ce
défi. Elle ne succombe que quand le duc arrive lui-même.

[Illustration: deco.]



AH! MON BEAU CHATEAU

[Musique:

Ah! mon beau châ-teau, Ma tant' ti-re, li-re, li-re.
Ah! mon beau châ-teau, Ma tant' ti-re, li-re, lo.
Le nôtre est plus beau. Ma tant' ti-re, li-re, li-re
Le nôtre est plus beau, Ma tant' ti-re, li-re, lo.]

           Ah! mon beau château,
       Ma tant'tire, lire, lire.
           Ah! mon beau château,
       Ma tant'tire, lire, lo.

           Le nôtre est plus beau.
       Ma tant'tire, lire, lire.
           Le nôtre est plus beau,
       Ma tant'tire, lire, lo.

           Nous le détruirons,
       Ma tant' tire, lire, lire.
           Nous le détruirons,
       Ma tant' tire, lire, lo.

           Laquell' prendrez-vous?
       Ma tant' tire, lire, lire.
           Laquell' prendrez-vous?
       Ma tant' tire, lire, lo.

           Celle que voici,
       Ma tant' tire, lire, lire.
           Celle que voici,
       Ma tant' tire, lire, lo.

           Que lui donn'rez-vous?
       Ma tant' tire, lire, lire.
           Que lui donn'rez-vous?
       Ma tant' tire, lire, lo.

           De jolis bijoux,
       Ma tant' tire, lire, lire.
           De jolis bijoux,
       Ma tant' lire, lire, lo.

           Nous en voulons bien,
       Ma tant' tire, lire, lire.
           Nous en voulons bien,
       Ma tant' tire, lire, lo.

Les jeunes filles, en nombre égal, forment deux rondes qui chantent
alternativement un des couplets. A ce vers: _Celle que voici_, le groupe
qui chante en désigne une qui se détache quand on chante:

_Nous en voulons bien_, et l'on recommence le tout, jusqu'à ce qu'il ne
reste plus qu'une jeune fille qui vient se mettre au milieu du cercle
agrandi.

Il nous semble que ce refrain: _tire, lire, lire_, veut imiter le chant
de l'alouette, comme dans ces poésies du seizième siècle:

       La gentille alouette, avec son tire, lire,
       Tire, lire, lirant, etc.

[Illustration: deco.]



GENTIL COQUELICOT.

[Musique:

J'ai descen-du dans mon jar-din, J'ai des-cen-du dans
mon jar-din Pour y cueil-lir du ro-ma-rin. Gen-til
coqu'li-cot, Mesdames, Gentil coqu'li-cot Nouveau.]

       J'ai descendu dans mon jardin (_bis_)
       Pour y cueillir du romarin,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Pour y cueillir du romarin (_bis_).
       J' n'en avais pas cueilli trois brins
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       J' n'en avais pas cueilli trois brins (_bis_),
       Qu'un rossignol vient sur ma main,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Qu'un rossignol vient sur ma main (_bis_);
       Il me dit trois mots en latin,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Il me dit trois mots en latin (_bis_),
       Que les hommes ne valent rien,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Que les hommes ne valent rien (_bis_),
       Et les garçons encor bien moins,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Et les garçons encor bien moins (_bis_);
       Des dames il ne me dit rien,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

       Des dames il ne me dit rien (_bis_),
       Mais des d'moisell's beaucoup de bien,
         Gentil coqu'licot,
             Mesdames,
         Gentil coqu'licot
             Nouveau.

Cette ronde se chante seulement.

[Illustration: deco.]



LA MÈRE BONTEMPS.

[Musique:

La mè-re Bon-temps Di-sait aux jeu-nes fillet-tes:
Dan-sez, mes en-fants, Tan-dis que vous ê-tes jeunet-tes;
La fleur de gaî-té, Passe a-vec l'été. Au prin-temps,
com-me la ro-se, Cueil-lez-la dès qu'elle est é-clo-se.
Dan-sez à quinze ans, Dan-sez à quinze ans; Plus tard,
il n'est plus temps.]

           La mère Bontemps
       Disait aux jeunes fillettes:
           «Dansez, mes enfants,
       Tandis que vous êtes jeunettes.
           La fleur de gaîté
           Passe avec l'été.
         Au printemps, comme la rose,
       Cueillez-la dès qu'elle est éclose.
           Dansez à quinze ans;
         Plus tard il n'est plus temps.

           «Les jeux et les ris
       Dansèrent à mon mariage;
           Mais bientôt j'appris
       Les soins qu'il faut en ménage.
           Mon mari grondait,
           Mon enfant criait,
         Ne sachant auquel entendre,
       Sous l'ormeau je courais me rendre.
           Dansez à quinze ans;
         Plus tard, il n'est plus temps.

           «L'instant arriva
       Où ma fille me fit grand'mère;
           Quand on en est là,
         Danser n'intéresse guère.
           On tousse en parlant,
           On marche en tremblant.
       Au lieu de sauter la gavotte,
       Dans un grand fauteuil on radote.
           Dansez à quinze ans;
         Plus tard, il n'est plus temps.

           «Voyez les amours
         Danser auprès de Louise;
           Elle plaît toujours,
         Au bal elle est admise.
           Comme moi souvent,
           Sans cesse on l'entend
       Redire à toutes les fillettes
       Si jolies et si gentillettes:
            «Dansez à quinze ans;
          «Plus tard, il n'est plus temps.»

On peut simplement danser cette ronde, ou bien ajouter une petite
pantomime à quelques passages, en imitant le mari qui gronde, l'enfant
qui crie, la grand'mère qui tousse, etc. Il y a, sur le même air, une
petite chanson très-connue, dont nous ne savons qu'un couplet que voici:

           Je n'peux pas danser,
         Ma pantoufle est trop étroite;
           Je n'peux pas danser,
       Parce que j'ai trop mal au pied.

[Illustration: deco.]



GUILLERI.

[Musique:

Il é-tait un p'tit hom-me Qui s'app'lait Guil-le-ri,
Ca-ra-bi; Il s'en fut à la chas-se, A la chasse aux per-drix,
Ca-ra-bi; Ti-ti ca-ra-bi, To-to ca-ra-bo. Com-pè-re
Guil-le-ri, Te lair-ras-tu, Te lair-ras-tu, Te lair-ras-tu mou-ri?]

       Il était un p'tit homme
       Qui s'app'lait Guilleri,
           Carabi;
       Il s'en fut à la chasse,
       A la chasse aux perdrix,
           Carabi,
         Titi carabi,
         Toto carabo,
       Compère Guilleri,
       Te lairras-tu (_ter_) mouri?

[Illustration: Guilleri.]

       Il s'en fut à la chasse,
       A la chasse aux perdrix,
           Carabi;
       Il monta sur un arbre
       Pour voir ses chiens couri,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       Il monta sur un arbre
       Pour voir ses chiens couri,
           Carabi;
       La branche vint à rompre
       Et Guilleri tombi,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       La branche vint à rompre
       Et Guilleri tombi,
           Carabi;
       Il se cassa la jambe,
       Et le bras se démi,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       Il se cassa la jambe,
       Et le bras se démi,
           Carabi;
       Les dam's de l'hôpital
       Sont arrivé's au brui,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       Les dam's de l'hôpital
       Sont arrivé's au brui,
           Carabi;
       L'une apporte un emplâtre,
       L'autre de la charpi,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       L'une apporte un emplâtre,
       L'autre de la charpi,
           Carabi;
       On lui banda la jambe,
       Et le bras lui remi,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

       On lui banda la jambe,
       Et le bras lui remi,
           Carabi;
       Pour remercier ces dames,
       Guill'ri les embrassi,
           Carabi,
         Titi carabi, etc.

[Illustration: deco.]



LE CHEVALIER DU GUET.

[Musique:

Qu'est-c' qui passe i-ci si tard? Compagnons de
la Mar-jo-lai-ne. Qu'est-c' qui passe i-ci si tard?
Des-sus le Quelquefois on finit ainsi:
quai? Tard, gai, gai, des-sus le quai.]

         Qu'est-c' qui passe ici si tard,
       Compagnons de la marjolaine?
         Qu'est-c' qui passe, ici si tard,
             Dessus le quai?

         C'est le chevalier du guet,
       Compagnons de la marjolaine.
         C'est le chevalier du guet,
             Dessus le quai.

         Que d'mande le chevalier,
       Compagnons de la marjolaine?
         Que d'mande le chevalier,
             Dessus le quai?

         Une fille à marier,
       Compagnons de la marjolaine.
         Une fille à marier,
             Dessus le quai.

         N'y a pas de fille à marier,
       Compagnons de la marjolaine.
         N'y a pas de fille à marier,
             Dessus le quai.

         On m'a dit qu'vous en aviez,
       Compagnons de la marjolaine.
         On m'a dit qu'vous en aviez,
             Dessus le quai.

         Ceux qui l'ont dit s'sont trompés,
       Compagnons de la marjolaine.
         Ceux qui l'ont dit s'sont trompés,
             Dessus le quai.

         Je veux que vous m'en donniez,
       Compagnons de la marjolaine.
         Je veux que vous m'en donniez,
             Dessus le quai.

         Sur les onze heur's repassez,
       Compagnons de la marjolaine.
         Sur les onze heur's repassez,
             Dessus le quai.

         Les onze heur's sont bien passées,
       Compagnons de la marjolaine.
         Les onze heur's sont bien passées,
             Dessus le quai.

         Sur les minuit revenez,
       Compagnons de la marjolaine.
         Sur les minuit revenez,
             Dessus le quai.

         Les minuit sont bien sonnés,
       Compagnons de la marjolaine.
         Les minuit sont bien sonnés,
             Dessus le quai.

         Mais nos filles sont couchées,
       Compagnons de la marjolaine.
         Mais nos filles sont couchées,
             Dessus le quai.

         En est-il un' d'éveillée,
       Compagnons de la marjolaine.
         En est-il un' d'éveillée,
             Dessus le quai.

         Qu'est-c' que vous lui donnerez,
       Compagnons de la marjolaine.
         Qu'est-ce que vous lui donnerez,
             Dessus le quai.

         De l'or, des bijoux assez,
       Compagnons de la marjolaine.
         De l'or, des bijoux assez,
             Dessus le quai.

         Ell' n'est pas intéressée,
       Compagnons de la marjolaine,
         Ell' n'est pas intéressée,
             Dessus le quai.

         Mon coeur je lui donnerai,
       Compagnons de la marjolaine.
         Mon coeur je lui donnerai,
             Dessus le quai.

         En ce cas-là, choisissez,
       Compagnons de la marjolaine,
         En ce cas-là choisissez,
             Dessus le quai.

Un groupe de jeunes filles s'avance vers une de leurs compagnes qui est
seule, et demande: _Qu'est c'qui passe ici si tard?_ l'autre répond par
le second couplet, et ainsi jusqu'à la fin, où la jeune fille qui
représente le _chevalier du guet_ désigne une de ses compagnes du
groupe. Celle-ci se sépare des autres, et elle s'enfuit avec celle qui
était seule; toutes les deux sont alors poursuivies par les autres.

Le _chevalier du guet_ était l'officier qui commandait la garde chargée
de la police de nuit à Paris, dès les premiers temps de la monarchie.

[Illustration: deco.]



LE PONT D'AVIGNON.

[Musique:

Sur le pont D'A-vi-gnon, L'on y dan-se, l'on y dan-se,
Sur le pont D'A-vi-gnon. L'on y dan-se tous en rond.
 Les beaux messieurs font comm'
ça, Et puis encor comme ça. Sur le ]

           Sur le pont
           D'Avignon,
       L'on y danse, l'on y danse,
           Sur le pont
           D'Avignon,
       Tout le monde y danse en rond.
       Les beaux messieurs font comm' ça (_bis_).

           Sur le pont
           D'Avignon, etc.

       Les blanchisseuses font comm' ça (_bis_).

           Sur le pont, etc.

On dit en dansant le premier couplet de cette ronde. On s'interrompt
pour faire le métier que l'on veut imiter; puis on reprend la danse avec
ce couplet: _Sur le pont d'Avignon._ Les enfants pourront choisir les
métiers qui leur plairont le mieux.

[Illustration: deco.]



L'AVOINE.

[Musique:

A-voine, a-voine, a-voi-ne, Que le bon Dieu t'a-mè-ne.
A-voine, avoine, a-voi-ne, Que le bon Dieu t'a-mè-ne.
Qui veut sa-voir Et qui veut voir Comment on sè-me
l'a-voi-ne? Mon pèr' la se-mait ain-si, Puis il se
re-po-sait ain-si. A-]

               EN CHOEUR:

       Avoine, avoine, avoine,
       Que le bon Dieu t'amène.
           Qui veut savoir
           Et qui veut voir
       Comment on sème l'avoine?
       Mon pèr' la semait ainsi.

Une des jeunes filles de la ronde fait le geste de semer, que les autres
imitent: ensuite elle se croise les bras en ajoutant:

         Puis il se reposait ainsi.

                      CHOEUR.

           Avoine, avoine, avoine,
           Que le bon Dieu t'amène.

               Qui veut savoir
               Et qui veut voir
         Comment on coupe l'avoine?
         Mon pèr' la coupait ainsi,
       Puis il se reposait ainsi.

                      CHOEUR.

           Avoine, avoine, avoine,
           Que le bon Dieu t'amène.

               Qui veut savoir
               Et qui veut voir
         Comment on doit battre l'avoine?
         Mon pèr' la battait ainsi,
       Puis il se reposait ainsi.

                      CHOEUR.

           Avoine, avoine, avoine,
           Que le bon Dieu t'amène.

               Qui veut savoir
               Et qui veut voir
         Comment on vanne l'avoine!
         Mon père la vannait ainsi,
       Puis il se reposait ainsi.

                     CHOEUR.

           Avoine, avoine, avoine,
           Que le bon Dieu t'amène.

On imite ainsi toutes les opérations de la moisson; puis on termine en
disant: «Mon père la mangeait ainsi.»

On prononçait autrefois _aveine_, ce qui rendait la rime plus exacte.

[Illustration: deco.]



SAVEZ-VOUS PLANTER DES CHOUX?

[Musique:

Sa-vez-vous plan-ter des choux, A la mo-de, à la mo-de,
Sa-vez-vous plan-ter des choux, A la mo-de de chez nous? ]

       Savez-vous planter des choux,
       A la mode, à la mode,
       Savez-vous planter des choux,
       A la mode de chez nous?

       On les plante avec le pied,
       A la mode, à la mode,
       On les plante avec le pied,
       A la mode de chez nous.

       Savez-vous planter des choux, etc.

       On les plante avec la main,
       A la mode, à la mode,
       On les plante avec la main,
       A la mode de chez nous.

       Savez-vous planter des choux, etc.

       On les plante avec le doigt,
       A la mode, à la mode,
       On les plante avec le doigt,
       A la mode de chez nous.

       Savez-vous planter des choux, etc.

       On les plante avec le nez,
       A la mode, à la mode,
       On les plante avec le nez,
       A la mode de chez nous.

       Savez-vous planter des choux, etc.

On peut nommer ainsi l'oreille, le coude, les cheveux, le front, les
genoux, etc., et il faut faire l'action de planter avec la partie
désignée, à mesure que l'on chante.

[Illustration: deco:]



LA MISTENLAIRE.

[Musique:

Di-tes nous, mes-sieurs, que sa-vez-vous fai-re?
Savez-vous jou-er de la misten-lai-re, Lai-re,
lai-re, lai-re, De la mis-ten-lai-re? Ah! Ah! Ah!
que sa-vez-vous fai-re? ]

       P'tit bonhomm' que sais-tu donc faire?
       Sais-tu jouer d'la mistenlaire?
              Laire, laire, laire,
              Laire, laire, laire.
       Ah! ah! ah! que sais-tu donc faire?

       P'tit bonhomm' que sais-tu donc faire?
       Sais-tu jouer d'la mistenflûte,
              Flûte, flûte, flûte,
              Flûte, flûte, flûte,
              De la mistenlaire,
              Laire, laire, laire,
       Ah! ah! ah! que sais-tu donc faire?

       P'tit bonhomm' que sais-tu donc faire?
       Sais-tu jouer d'la mistenviole?
              Viole, viole, viole,
              De la mistenflûte,
              Flûte, flûte, flûte,
              De la mistenlaire,
              Laire, laire, laire.
       Ah! ah! ah! que sais-tu donc faire?

       P'tit bonhomm' que sais-tu donc faire
       Sais-tu jouer de la mistentrompe?
              Trompe, trompe, trompe,
              De la mistenflûte,
              Flûte, flûte, flûte,
              De la mistenviole,
              Viole, viole, viole,
              De la mistenlaire,
              Laire, laire, laire.
       Ah! ah! ah! que sais-tu donc faire?

On peut continuer en ajoutant au mot _misten_ tous les noms
d'instruments de musique que l'on veut.

Quand on dit _mistenlaire_, on agite en l'air les deux mains: pour
_mistenflûte_, _mistenviole_, on imite la manière de jouer de ces
différents instruments; enfin en disant: «Ah! ah! ah!» on tourne sur
soi-même en frappant trois fois dans ses mains.

[Illustration: deco]



BIRON[13].

[Musique:

Quand Bi-ron vou-lut dan-ser, Quand Bi-ron vou-lut dan-ser,
Sa per-ruqu' fit ap-por-ter, Sa perruqu' fit ap-por-ter,
Sa per-ru-que à la turque, Ses souliers tout ronds. Vous
danse-rez, Bi-ron.

(On répète ces deux mesures autant de fois qu'il est nécessaire.)]

[Note 13: On prétend que cette ronde a été composée à l'occasion du
supplice du maréchal de Biron, condamné, sous Henri IV, pour crime de
haute trahison.]

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Ses souliers fit apporter (_bis_),
           Ses souliers tout ronds.
       Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Sa perruqu' fit apporter (_bis_),
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds.
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Son habit fit apporter (_bis_),
               Son habit
               De p'tit-gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds,
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Sa veste fit apporter (_bis_),
               Sa bell' veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds,
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Sa culott' fit apporter (_bis_),
               Sa culotte
               A la mode,
               Sa bell' veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds,
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Ses manchett's fit apporter (_bis_),
               Ses manchettes
               Fort bien faites,
               Sa culotte
               A la mode,
               Sa belle veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds,
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_).
       Son chapeau fit apporter (_bis_),
               Son chapeau
               En clabot,
               Ses manchettes
               Fort bien faites,
               Sa culotte,
               A la mode,
               Sa bell' veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds.
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Son épé' fit apporter (_bis_),
               Son épée
               Affilée,
               Son chapeau
               En clabot,
               Ses manchettes
               Fort bien faites,
               Sa culotte
               A la mode,
               Sa bell' veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds.
         Vous danserez, Biron.

       Quand Biron voulut danser (_bis_),
       Son violon fit apporter (_bis_),
               Son violon,
               Son basson,
               Son épée,
               Affilée,
               Son chapeau
               En clabot,
               Ses manchettes
               Fort bien faites,
               Sa culotte
               A la mode,
               Sa bell' veste
               A paillettes,
               Son habit
               De p'tit gris,
               Sa perruque
               A la turque,
           Ses souliers tout ronds.
         Vous danserez, Biron.

[Illustration: deco.]



RAMÈNE TES MOUTONS, BERGÈRE.

[Musique:

La plus ai-mable à mon gré. Je vais vous la pré-sen-ter.
Nous lui f'rons pas-ser bar-riè-re. Ra-mèn' tes mou-tons,
ber-gè-re, Ra-mèn', ra-mèn', ra-mèn' donc Tes mou-tons à la mai-son.]

       La plus aimable à mon gré (_bis_),
       Je vais vous la présenter (_bis_).
       Nous lui f'rons passer barrière.
       Ramèn' tes moutons, bergère.
       Ramèn', ramèn', ramèn' donc
       Tes moutons à la maison (_bis_).

La jeune fille qui dirige la ronde chante seule les deux premiers vers;
puis elle quitte la main de sa voisine (alors la ronde doit s'arrêter),
et s'adressant à la compagne qu'elle a quittée, elle se place vis-à-vis
d'elle, et l'engage à passer sous l'arc qu'elle forme avec son autre
voisine, en élevant le bras. La jeune fille à qui l'on s'adresse doit
passer suivie de toutes les autres, qui reviennent former le rond, en
chantant le refrain: _Ramèn' tes moutons_, etc.

[Illustration: deco.]



J'AIMERAI QUI M'AIME.

[Musique:

Met-tez-vous à ge-noux, Met-tez-vous à ge-noux,
Met-tez-vous y en-core un coup, A-fin que l'on vous ai-me.
Ah! j'aime-rai, j'aime-rai,
j'ai-me-rai Ah! j'ai-me-rai qui m'ai-me! ]

           Mam'selle, entrez chez nous (_bis_),
         Mam'selle, entrez encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

           Une ami' choisissez vous (_bis_),
         Choisissez-la encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

           Mettez-vous à genoux (bis),
         Mettez-vous y encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

           Faites-nous les yeux doux (_bis_),
         Faites-nous-les encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

           Et puis embrassez-nous (_bis_),
         Embrassez-nous encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

           Revenez parmi nous (bis),
         Revenez-y encore un coup,
           Afin que l'on vous aime;
       Ah! j'aimerai, j'aimerai, j'aimerai,
           Ah! j'aimerai qui m'aime.

Une jeune fille, placée au milieu du cercle, fait ce que lui indiquent
les paroles de la ronde.

[Illustration: deco.]



FAUT QUE LE MAL CÈDE.

Sur l'air de _la Boulangère_.

[Musique:

Donn'-moi ton bras que j'te gué-risse, Car tu m'as l'air ma-la-de,
Donn'-moi ton bras que j'te gué-risse. Car tu m'as l'air ma-la-de,
Car tu m'as l'air ma-la-de. Lon la, Car tu m'as l'air ma-la-de,
Lon la. Car tu m'as l'air ma-la-de.]

       Donn' moi ton bras que j' te guérisse,
           Car tu m'as l'air malade,
                 Lon la,
           Car tu m'as l'air malade.

       Cueille la plante que voilà,
           C'est un fort bon remède,
           C'est un fort bon remède,
                 Lon la,
           Il faut que le mal cède.

       Danse sur le pied que voilà,
           C'est un fort bon remède,
           C'est un fort bon remède,
                 Lon la,
           Il faut que le mal cède.

       Frotte bien l'oeil que voilà,
           C'est un fort bon remède,
           C'est un fort bon remède,
                 Lon la,
           Il faut que le mal cède.

       Mon baiser te redressera,
           C'est un fort bon remède,
           C'est un fort bon remède,
                 Lon la,
           Il faut que le mal cède.

Dans cette ronde, chacune des jeunes filles simule une infirmité, et
celle qui dirige la ronde, en chantant, doit trouver un remède à cette
infirmité, jusqu'au couplet de la _Bossue_, qui termine la ronde.

[Illustration: deco.]



LA BONNE AVENTURE.

[Musique:

Je suis un pe-tit pou-pon De bel-le fi-gu-re,
Qui ai-me bien les bon-bons Et les con-fi-tu-res;
Si vous voulez m'en don-ner, Je sau-rai
bien les man-ger. La bonne aventure, oh! gai! La bonne aventu-re. ]

       Je suis un petit poupon
           De belle figure,
       Qui aime bien les bonbons
           Et les confitures;
       Si vous voulez m'en donner,
       Je saurai bien les manger.
           La bonne aventure,
               Oh! gai!
           La bonne aventure.

       Lorsque les petits garçons
           Sont gentils et sages,
       On leur donne des bonbons,
           De joli's images;
       Mais quand ils se font gronder,
       C'est le fouet qu'il faut donner.
           La triste aventure,
               Oh! gai!
           La triste aventure.

       Je serai sage et bien bon,
           Pour plaire à ma mère;
       Je saurai bien ma leçon,
           Pour plaire à mon père,
       Je veux bien les contenter,
       Et s'ils veulent m'embrasser,
           La bonne aventure,
               Oh! gai!
           La bonne aventure.

Nous n'aurions peut-être pas donné une place à cette ronde
très-enfantine, si elle ne rappelait un vieil air sur lequel on a
composé diverses chansons. Il paraît que la plus ancienne de ces
chansons fut chantée par Antoine de Navarre, duc de Vendôme, qui
résidait au château de la Bonnaventure, près le Gué-du-Loir; d'après
cela, le refrain devrait être ainsi écrit: _La bonne aventure au gué_,
et non _Oh! gai!_ comme on le trouve souvent.

[Illustration: deco.]



LA MARGUERITE.

[Musique:

Où est la Margue-ri-te? Oh! gai! oh! gai! oh! gai!
Où est la Margue-ri-te? Oh! gai! franc ca-va-lier]

       Où est la Marguerite?
       Oh! gai! oh! gai! oh! gai!
       Où est la Marguerite?
       Oh! gai! franc cavalier.

       Elle est dans son château,
       Oh! gai! etc.
       Elle est dans son château,
       Oh! gai! franc cavalier.

       Ne peut-on pas la voir?
       Oh! gai! etc.
       Ne peut-on pas la voir?
       Oh! gai! franc cavalier.

       Les murs en sont trop hauts,
       Oh! gai! etc.
       Les murs en sont trop hauts,
       Oh! gai! franc cavalier.

       J'en abattrai un' pierre,
       Oh! gai! etc.
       J'en abattrai un' pierre.
       Oh! gai! franc cavalier.

       Un' pierr' ne suffit pas,
       Oh! gai! etc.
       Un' pierr' ne suffit pas,
       Oh! gai! franc cavalier.

       J'en abattrai deux pierres,
       Oh! gai! etc.
       J'en abattrai deux pierres,
       Oh! gai! franc cavalier.

       Deux pierr's ne suffisent pas,
       Oh! gai! etc.
       Deux pierr's ne suffisent pas,
       Oh! gai! franc cavalier.

       J'en abattrai trois pierres,
       Oh! gai! etc.
       J'en abattrai trois pierres,
       Oh! gai! franc cavalier.

       Trois pierr's ne suffisent pas,
       Oh! gai! etc.
       Trois pierr's ne suffisent pas,
       Oh! gai! franc cavalier.

On continue ainsi autant qu'il y a de jeunes filles. Toutes les jeunes
filles, à l'exception d'une, forment un groupe. Elles ont au milieu
d'elles une de leurs compagnes dont elles tiennent la robe relevée,
comme une cloche renversée. _Le franc cavalier_ s'avance en chantant le
premier couplet. Les autres répondent par le suivant, et ainsi jusqu'au
cinquième: _J'en abattrai un' pierre_. Il emmène alors une des jeunes
filles, et autant qu'il y en a autour de la Marguerite, autant de fois
il enlève une pierre. Quand il n'y en a plus qu'une, qui tient à elle
seule la robe de la Marguerite, le franc cavalier s'avance sans chanter
et dit: _Qu'y a-t-il là dedans?_ On répond: _Un petit paquet de linge à
blanchir_. Il reprend: _Je vais chercher mon couteau pour le couper_.
Alors on lâche la robe, la Marguerite s'enfuit et toutes courent après
elle.

Cette ronde naïve est évidemment issue de celle qui célébrait _Ogier le
Danois_:

       Qui est dans ce château?
       Ogier! Ogier! Ogier!
       Qui est dans ce château?
           Beau chevalier.

Pendant la disgrâce et la captivité d'Ogier le Danois, Charlemagne avait
menacé d'une mort honteuse quiconque prononcerait devant lui le nom
d'Ogier. Trois cents cavaliers se donnent alors le mot; ils viennent
devant le palais de Charlemagne crier, comme d'une seule voix: _Ogier!_
_Ogier!_ _Ogier!_ et Charlemagne, n'osant punir la fleur de la
chevalerie, aime mieux céder et pardonner à Ogier.

[Illustration: deco.]



MEUNIER, TU DORS.

[Musique:

Meu-nier, tu dors! Ton mou-lin va trop vi-te.
Meu-nier, tu dors! Ton mou-lin va trop fort.]

             Meunier, tu dors!
       Ton moulin (_bis_) va trop vite.
             Meunier, tu dors!
       Ton moulin (_ter_) va trop fort.

Les jeunes filles se divisent en deux bandes, formant un cercle. Les
deux premières jeunes filles en tête de chaque bande se regardent et
sont suivies chacune d'un nombre égal de leurs compagnes. Ces deux
premières se donnent d'abord la main droite, puis se quittent en
avançant en sens contraire, et prennent de la main gauche la main gauche
de celle qui suit, et ainsi de suite la main droite et la main gauche
alternativement, mouvement qui est successivement exécuté par chacune
d'elles sur les paroles de la ronde, dont on accélère peu à peu le
mouvement.

[Illustration: deco.]



LA VIEILLE.

[Musique:

A Pa-ris, dans u-ne ron-de Com-po-sée de jeu-nes gens.
Il se trou-va u-ne vieil-le Qui a-vait qua-tre-vingts ans.
Oh! la vieille, la vieille, la vieil-le, Qui croy-ait
a-voir quinze ans. Qui croy-ait a-voir quinze ans.]

           A Paris, dans une ronde
           Composée de jeunes gens,
           Il se trouva une vieille,
           Qui avait quatre-vingts ans,

       Oh! la vieille, la vieille, la vieille,
           Qui croyait avoir quinze ans.

           Il se trouva une vieille,
           Qui avait quatre-vingts ans.
           Elle choisit le plus jeune,
           Qui était le plus galant.

       Oh! la vieille, etc.

           Elle choisit le plus jeune,
           Qui était le plus galant.
           Va-t'en, va-t'en bonne vieille,
           Tu n'as pas assez d'argent.

       Oh! la vieille, etc.

           Va-t'en, va-t'en, bonne vieille,
           Tu n'as pas assez d'argent.
           Si vous saviez c' qu'a la vieille,
           Vous n'en diriez pas autant.

       Oh! la vieille, etc.

           Si vous saviez c' qu'a la vieille,
           Vous n'en diriez pas autant.
           Dis-nous donc ce qu'a la vieille?
           Elle a cent tonneaux d'argent.

       Oh! la vieille, etc.

           Dis-nous donc ce qu'a la vieille?
           Elle a cent tonneaux d'argent.
           Reviens, reviens, bonne vieille,
           Reviens ici promptement.

       Oh! la vieille, etc.

           Reviens, reviens, bonne vieille,
           Reviens ici promptement.
           On alla chez le notaire:
           Mariez-nous cette enfant.

       Oh! la vieille, etc.

           On alla chez le notaire:
           Mariez-nous cette enfant.
           Cette enfant, dit le notaire,
           Elle a bien quatre-vingts ans.

       Oh! la vieille, etc.

           Cette enfant, dit le notaire,
           Elle a bien quatre-vingts ans.
           Aujourd'hui le mariage,
           Et demain l'enterrement.

       Oh! la vieille, etc.

           Aujourd'hui le mariage,
           Et demain l'enterrement.
           On fit tant sauter la vieille,
           Qu'elle est morte en sautillant.

       Oh! la vieille, etc.

           On fit tant sauter la vieille,
           Qu'elle est morte en sautillant.
           On regarde dans sa bouche,
           Ell' n'avait plus que trois dents.

       Oh! la vieille, etc.

           On regarde dans sa bouche,
           Ell' n'avait plus que trois dents:
           Une qui branle, un' qui hoche,
           Une qui s'envole au vent.

       Oh! la vieille, etc.

           Une qui branle, un' qui hoche,
           Une qui s'envole au vent.
           On regarde dans sa poche,
           Ell' n'avait qu'trois liards d'argent.

       Oh! la vieille, etc.

           On regarde dans sa poche,
           Ell' n'avait qu'trois liards d'argent.
       Oh! la vieille, la vieille, la vieille,
           Qui avait trompé l' galant.

[Illustration: deco.]



MON PÈRE M'A DONNÉ UN MARI.

[Musique:

Mon pèr' m'a don-né un ma-ri, Mon Dieu! quel homm' quel pe-tit hom-me!
Mon pèr' m'a don-né un ma-ri, Mon Dieu! quel homm', qu'il est pe-tit!]

       Mon pèr' m'a donné un mari,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme
       Mon pèr' m'a donné un mari,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Je le perdis dans mon grand lit,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Je le perdis dans mon grand lit,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       J'pris la chandelle et le cherchis,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       J'pris la chandelle et le cherchis,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       A la paillasse le feu prit,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       A la paillasse le feu prit,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Je trouvai mon mari rôti,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Je trouvai mon mari rôti,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Sur une assiette je le mis,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Sur une assiette je le mis,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Le chat l'a pris pour une souris,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Le chat l'a pris pour un' souris,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Au chat! au chat! C'est mon mari,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Au chat! au chat! C'est mon mari,
       Mon Dieu! quel homm'! qu'il est petit!

       Fillettes qui prenez mari,
       Mon Dieu! quel homm'! quel petit homme!
       Fillettes qui prenez mari,
       Ne le prenez pas si petit.

[Illustration: deco.]



RICHE ET PAUVRE.

[Musique:

Ri-che, ri-che que je suis. Se-rai-je tou-jours ri-che?
Je ma-rie-rai mes fil-les, A-vec-que cinq cents li-vres;
Et mes pau-vres gar-çons, A-vec cent coups d'bâton.
Pauvre, pau-vre que je suis, Se-rai-je
toujours pau-vre? Mam-zell' se-ra des nô-tres. ]

       Riche, riche que je suis,
       Serai-je toujours riche?

       Je marierai mes filles,
       Avecque cinq cents livres;
       Et mes pauvres garçons,
       Avec cent coups d' bâton.

       Pauvre, pauvre que je suis,
       Serai-je toujours pauvre?
       Mamzell' sera des nôtres.

Dans cette ronde plus que naïve, les jeunes filles se mettent toutes
d'un côté, à l'exception d'une seule, qui représente le pauvre. Les
premières s'avancent en disant le premier couplet. Lorsque c'est au tour
du pauvre à parler, celle qui est seule s'avance en portant son mouchoir
ou sa robe à ses yeux comme pour essuyer ses larmes, et elle va prendre
une de celles du groupe, ainsi de suite jusqu'à la dernière qui, restée
seule, chante le couplet du pauvre, pendant que le groupe nouvellement
formé reprend celui du riche.

[Illustration: deco.]



LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.

[Musique:

Au-tre-fois le rat de vil-le In-vi-ta le rat des champs,
D'u-ne fa-çon fort ci-vi-le, A des re-liefs d'or-to-lans.
Sur un ta-pis de Turqui-e Le cou-vert se trou-va mis:
Je laisse à pen-ser la vi-e Que fi-rent les deux a-mis.]

Nous avons vu danser en rond par des jeunes filles la fable de la
Fontaine, «le Rat de ville et le Rat des champs.» Elles peuvent la
mettre en action selon les paroles, que nous rapportons ici, pour celles
qui ne s'en souviendraient pas.

       Autrefois le rat de ville
       Invita le rat des champs,
       D'une façon fort civile,
       A des reliefs d'ortolans.

       Sur un tapis de Turquie
       Le couvert se trouva mis.
       Je laisse à penser la vie
       Que firent les deux amis.

       Le régal fut fort honnête,
       Rien ne manquait au festin:
       Mais quelqu'un troubla la fête
       Pendant qu'ils étaient en train.

       A la porte de la salle
       Ils entendirent du bruit;
       Le rat de ville détale;
       Son camarade le suit.

       Le bruit cesse, on se retire;
       Rats en campagne aussitôt;
       Et le citadin de dire:
       «Achevons tout notre rôt.

       «--C'est assez, dit le rustique;
       Demain vous viendrez chez moi,
       Ce n'est pas que je me pique
       De tous vos festins de roi.

       «Mais rien ne vient m'interrompre,
       Je mange tout à loisir.
       Adieu donc. Fi du plaisir
       Que la crainte peut corrompre!»

[Illustration: deco]



CHANSON DE LA MARIÉE.

[Musique:

Nous som-mes v'nus ce soir. Du fond de nos bo-ca-ges,
Vous fai-re com-pli-ment De vo-tre ma-ri-a-ge; A mon-sieur
votre é-poux Aus-si bien comme à vous. ]

       Nous sommes v'nus ce soir,
       Du fond de nos bocages,
       Vous faire compliment,
       De votre mariage,
       A monsieur votre époux,
       Aussi bien comme à vous.

       Vous voilà donc liée
       Madame la mariée (_bis_),
       Avec un lien d'or
       Qui ne déli' qu'à la mort.

       Avez-vous bien compris
       C' que vous a dit le prêtre?
       A dit la vérité,
       Ce qu'il vous fallait être;
       Fidèle à votre époux
       Et l'aimer comme vous.

       Quand on dit son époux,
       Souvent on dit son maître;
       Ils ne sont pas toujours
       Doux comme ont promis d'être:
       Car doux ils ont promis
       D'être toute leur vie.

       Vous n'irez plus au bal,
       Madame la mariée:
       Vous n'irez plus au bal,
       A nos jeux d'assemblées;
       Vous gard'rez la maison.
       Tandis que nous irons.

       Quand vous aurez chez vous
       Des boeufs, aussi des vaches,
       Des brebis, des moutons,
       Du lait et du fromage,
       Il faut, soir et matin,
       Veiller à tout ce train.

       Quand vous aurez chez vous
       Des enfants à conduire,
       Il faut leur bien montrer
       Et bien souvent leur dire
       Car vous seriez tous deux
       Coupables devant Dieu.

       Si vous avez chez vous
       Quelques gens à conduire,
       Vous veillerez sur eux;
       Qu'ils aillent à confesse,
       Car un jour devant Dieu,
       Vous répondrez pour eux.

       Recevez ce gâteau
       Que ma main vous présente.
       Il est fait de façon
       A vous faire comprendre
       Qu'il faut pour se nourrir,
       Travailler et souffrir.

       Recevez ce bouquet
       Que ma main vous présente.
       Il est fait de façon
       A vous faire comprendre
       Que tous les vains honneurs
       Passent comme les fleurs.

La chanson de la mariée est un exemple de ces rondes qui se rattachent à
une coutume locale avec toute la grâce naïve des anciennes traditions.
Celle-ci se chante aux noces bretonnes et n'a subi aucun changement
depuis le temps de Mme de Sévigné, qui l'écoutait avec plaisir. Les
jeunes filles viennent offrir un gâteau et des bouquets à la mariée, en
lui donnant les conseils sérieux qui s'appliquent à son nouvel état.
Nous croyons que cette ronde pourrait encore s'ajouter à celles que
dansent habituellement nos enfants.

[Illustration: deco.]




QUATRIÈME PARTIE.

JEUX D'ESPRIT.


PIGEON VOLE.

Nous nous adressons d'abord au plus petit enfant, «à tout seigneur tout
honneur,» pour lui expliquer le plus simple de tous les jeux d'esprit.
Approchez, petite fille, si vous savez marcher; mettez le bout de votre
doigt à côté du mien, sur mon genou, et levez-le quand je lève le mien
et que je dis: _Pigeon vole_.

Faites bien attention, car je compte vous attraper. Il ne faut lever
votre doigt que quand je nomme un oiseau, tandis que moi je lève
toujours le mien. Si votre doigt suit l'impulsion que je lui ai
transmise, et se lève quand je dis: _Mouton vole_, vous devez un gage.
C'est plus difficile qu'on ne pense. Il y a quelquefois de grands débats
sur l'espèce de certains animaux. Nous décidons ici, pour éviter toute
contestation, qu'on peut ranger parmi les oiseaux les hippogriffes, les
poissons volants, les insectes qui ont des ailes, etc., la
chauve-souris, également, malgré son double caractère qui lui fait dire
alternativement:

       Je suis oiseau; voyez mes ailes.
       . . . . . . . . . . . . . . . . .
       Je suis souris; vive les rats!



LE CORBILLON.

Ce jeu est un de ceux qui plaisaient à nos aïeux, et il a un air de
bonhomie et de simplicité qui doit nous toucher. Le mot _corbillon_, qui
signifiait une petite corbeille, n'est plus d'usage dans la langue
moderne; mais il peut faire supposer que dans l'origine les joueurs se
passaient le corbillon de main en main. A présent, on prend n'importe
quel objet, et on le donne à son voisin en disant: _Je vous vends mon
corbillon_. Le voisin demande: _Qu'y met-on?_ On doit répondre en rimant
en _on_ par un mot qu'il faut tenir tout prêt, comme _un bonbon_, _une
chanson_, etc., puis le corbillon passe à un autre jusqu'à ce qu'il ait
fait le tour du cercle. Si on préfère une rime en _ette_, on peut dire:
_Je vous vends ma cassette_, demander _Que voulez-vous qu'on y mette?_
répondre un mot comme _une allumette_, _une pincette_, etc.; mais c'est
une variété qui ajoute peu d'intérêt à ce jeu. On donne un gage si on
oublie la rime, ce qui nous paraît assez difficile, et cette méprise
serait assurément l'excès de la naïveté, comme dans ces vers si connus
de Molière:

[Illustration: Pigeon vole.]

       .... S'il faut qu'avec elle on joue au corbillon,
       Et qu'on vienne à son tour lui dire: «Qu'y met-on?»
       Je veux qu'elle réponde: «Une tarte à la crème.»



COMMENT L'AIMEZ-VOUS?

Sans être bien compliqué, ce jeu peut commencer la série des amusements
dans lesquels l'esprit est appelé à jouer déjà un certain rôle. Il se
rattache à certaines connaissances de grammaire qui ne sont sans doute
pas chose nouvelle pour la plupart de nos jeunes lectrices, et qu'il
nous suffira, dans tous les cas, de rappeler par quelques courtes
explications.

On choisit un mot parmi les _homonymes_, c'est-à-dire parmi les mots qui
sonnent de même quoiqu'ayant un sens différent. On peut choisir soit un
homonyme qui a plusieurs acceptions, mais dont l'orthographe ne varie
pas comme _fraise_, _son_, _voile_, _livre_, _glace_, soit des homonymes
qui se prononcent à peu près de la même manière, mais dont l'orthographe
est différente, tels que _mer_, _mère_, _maire_; ou _vert_, _verre_,
_ver_, _vers_; ou bien encore _chant_, _champ_. Les premiers homonymes
doivent être préférés dans le jeu dont il est ici question. Prenons pour
exemple le mot _voile_, qui a plusieurs significations.

Une des jeunes filles, qui doit deviner, et par conséquent ignorer le
mot qui a été choisi par ses compagnes, se présente au milieu d'elles,
et leur adresse successivement la question suivante: _Comment
l'aimez-vous?_ Il faut que chacune, dans sa réponse, fasse allusion à
une des propriétés du mot qui a été choisi. Par exemple, si c'est le mot
_voile_, l'une dira: «Je l'aime _en dentelle_;» une autre répondra: «Je
l'aime _sur un navire_, etc.»

Le jeu se jouera de la même manière avec les homonymes de la seconde
espèce. Ainsi, en prenant pour exemple les mots _vert_, _verre_, _ver_,
_vers_, les jeunes personnes interrogées peuvent faire les réponses
suivantes à la première question: «Je l'aime _transparent_, _en
cristal_, _à pied_ (en parlant d'un verre à boire); je l'aime en _rubans
de chapeau_ (en parlant de la couleur verte); je l'aime _à la façon de
Racine_ (en parlant des vers, poésies, etc.)» Ces exemples, que nous
choisissons très simples, peuvent être plus ingénieux, de manière à
embarrasser la personne qui questionne, en lui représentant un emploi
toujours différent, mais toujours juste du même mot. Il nous souvient
qu'en jouant ce jeu, on avait choisi le mot _toit_, _toi_. On adressa la
question d'usage à une personne qui répondit: «Je l'aime mieux que
_vous_.» Il y avait là une équivoque assez délicate et qui peut donner
une idée de la manière dont on peut quelquefois rendre le jeu plus
intéressant.

Au deuxième tour, si le mot n'est pas deviné, la question change, et la
jeune fille qui est chargée de deviner dit, en s'adressant à chacune de
ses compagnes: _Qu'en faites-vous?_ Chacune d'elles donne sa réponse, et
si la questionneuse ne réussit pas mieux que la première fois, on passe
à un troisième tour par la question suivante: _Où le mettez-vous?_ Il
faut, autant que possible, que chacune des personnes conserve, en
répondant, l'acception qu'elle a donnée au mot dans ses précédentes
réponses. Celle qui a laissé deviner se retire à son tour pour venir
ensuite dans le cercle interroger et chercher à deviner lorsque la
société a fait choix d'un nouveau mot. On peut donner des gages, soit
lorsque, de l'avis général, on a fait une mauvaise réponse, soit
lorsqu'on a fait les trois tours sans deviner le mot. On dit alors
vulgairement: _Je jette_ ou _je donne ma langue aux chiens_, vieille
expression consacrée par l'usage, et que de bons écrivains n'ont pas
dédaigné d'employer familièrement. Nous croyons qu'on sera bien aise de
trouver ici quelques homonymes dont on pourra se servir.

Homonymes de la première espèce.

       _Air._
       _Carreau._
       _Dé._
       _Fraise._
       _Glace._
       _Livre._
       _Mousse._
        _Mule._
       _Soufflet._
       _Son._
       _Souris._
       _Voile._
       _Livre._

Homonymes de la seconde espèce.

       _Alêne._     Haleine.
       _Amande._    Amende.
       _Ancre._     Encre.
       _Bal._       Balle.
       _Balai._     Ballet.
       _Chant._     Champ.
       _Cane._      Canne.
       _Canot._     Canaux.
       _Chaire._    Chair. Chère. Cher.
       _Cellier._   Sellier.
       _Cerf._      Serre. Serf.
       _Chaîne._    Chêne.
       _Cire._      Sire.
       _Coeur._     Choeur.
       _Compte._    Comte. Conte.
       _Cygne._     Signe.
       _Écot._      Écho.
       _Faîte._     Fête.
       _Fard._      Phare.
       _Foi._       Foie.
       _Gaz._       Gaze.
       _Héraut._    Héros.
       _Lait._      Laie. Laid. Lai.
       _Luth._      Lutte.
       _Maire._     Mer. Mère.
       _Maître._    Mètre.
       _Mante._     Menthe.
       _Pan._       Paon.
       _Palais._    Palet.
       _Peau._      Pot. Pau (ville).
       _Pain._      Pin.
       _Poids._     Pois. Poix.
       _Reine._     Rêne. Renne.
       _Saut._      Sceau. Seau. Sot.
       _Tan._       Temps.
       _Tante._     Tente.
       _Thon._      Ton. Taon.
       _Toi._       Toit.
       _Van._       Vent.
       _Vin._       Vingt.



J'AIME MON AMI PAR A.

Ce jeu est le premier d'une série de jeux dans lesquels toutes les
lettres de l'alphabet jouent un rôle à leur tour. Il n'y a rien à
deviner. Chaque jeune fille dit successivement la formule dont nous
allons donner un exemple, et si elle fait quelque erreur, ou qu'elle ne
puisse trouver un mot qui s'applique bien, elle paye un gage. Elle en
paye également un si elle répète un mot qui ait déjà été dit.

Voici l'exemple que l'on peut varier à l'infini: «J'aime mon ami par A,
parce qu'il est amusant; je le nourris d'amandes; je l'envoie à Alençon,
je lui donne un agneau et je lui fais un bouquet d'anémones.»

On voit que chaque mot exprimant une qualité, un présent, etc., doit
commencer par la lettre A. Lorsque cette lettre paraît épuisée, on peut
passer à la lettre B, et ainsi de suite: en supprimant toutefois les
lettres K, X, Y, et Z, comme trop difficiles.



L'AMOUR.

La jeune fille qui dirige ce jeu s'assied seule en face de ses compagnes
assises toutes sur une même ligne. Elle les appelle l'une après l'autre.
Celle qui est appelée s'arrête devant la maîtresse du jeu, qui lui dicte
le rôle qu'elle devra figurer en lui disant:

       Viens, amour, et sois affable,
       Viens, amour, et sois boudeur,
       Viens, amour, et sois colère, etc.

Elle indiquera à chacune son caractère, en suivant l'ordre des lettres
de l'alphabet. L'amour doit en entendant cet ordre, figurer par ses
gestes et son attitude le rôle qui lui est indiqué; ensuite il va se
placer à côté de celle qui préside et devient spectateur des autres
petites scènes, à moins qu'il ne soit convenu que l'on recommencera
plusieurs tours, ce qui a lieu lorsque la compagnie n'est pas nombreuse,
ou que le jeu amuse assez pour le continuer jusqu'à Z.



LE LOGEMENT.

Chaque jeune fille prend une lettre de l'alphabet et là-dessus on forme
tous les mots nécessaires au récit d'un voyage. Quand cela est fait, la
maîtresse du jeu demande à celle qui a choisi l'A: _Comment vous
appelez-vous?_ Il faut qu'elle réponde _Annette_, ou _Aline_, ou bien un
nom d'homme commençant par la lettre choisie, si c'est ainsi convenu, et
ensuite un surnom à son choix qui commence par la même lettre. On lui
demande ensuite: _D'où venez-vous?_ Elle répond: _d'Amiens_ ou
_d'Arras_, etc. Il faut répondre de la même manière pour dire l'enseigne
de l'auberge où on a logé, le nom de l'hôte, celui de l'hôtesse, celui
de la servante, les mets qu'on a mangés; on peut multiplier les
questions pour rendre le jeu plus difficile, en demandant au voyageur le
nom des arbres qui étaient dans le lieu d'où il vient, les médicaments
qu'on a donnés à un malade; les armes dont on s'est servi dans une
bataille, le vêtement que l'on portait, etc. Les réponses doivent être
faites, autant que possible, dans le sens de la question, et il faut
tâcher d'y mettre un peu d'intérêt.



PROVERBES, SENTENCES OU DEVISES.

On a inventé un jeu qui rentre dans la classe des précédents, en
récitant un proverbe ou telle autre petite phrase courte et connue, qui
soit d'un usage assez répandu pour qu'il ne soit pas possible d'y
substituer une phrase improvisée. Chacune des jeunes filles prend une
lettre de l'alphabet, et doit, quand celle qui dirige le jeu
l'interpelle, répondre par une sentence commençant par la lettre qu'elle
a choisie. Par exemple, pour la lettre A, on peut dire: _A bon chat bon
rat_; _à l'oeuvre on connaît l'ouvrier_; _a beau mentir qui vient de
loin_, etc. Pour la lettre B, on dira: _Bon sang ne peut mentir_; _bonne
renommée vaut mieux que ceinture dorée_, etc. Nous ne multiplions pas
les exemples, parce qu'il vaut mieux que chacun se donne la peine de
chercher ce qu'il dira. Ce jeu est assez difficile, mais il exerce la
mémoire.

Un autre jeu _des proverbes_ se joue de cette manière: On choisit, pour
le faire deviner, un proverbe dont chacun prend un mot, qu'il doit
placer dans sa réponse à la personne qui l'interroge. Ainsi, par
exemple, si l'on prend le proverbe; _Chat échaudé craint l'eau froide_,
la première personne prend le mot chat; la seconde, le mot _échaudé_; la
troisième, _craint_, et ainsi de suite. Si le proverbe est trop long
pour le nombre des personnes qui forment le jeu, chacun prend deux mots,
en ayant soin d'en prévenir le patient qui devine. Il faut, dans la
réponse que l'on fait, placer le mot avec assez d'art pour qu'il ne
puisse être facilement deviné.



LE MOT CACHÉ.

La jeune fille qui doit deviner sort de la chambre; les autres
choisissent un mot simple et d'un emploi fréquent; par exemple: _comme_,
_si_, _un_, _pas_. Ce mot doit se trouver renfermé dans les réponses que
l'on fera aux questions de celle qui devine. Quand elle revient et
qu'elle a fait sa question, elle doit bien observer le retour du même
mot dans chacune des réponses qui lui sont faites. Celle qui fait
deviner, en employant le mot maladroitement ou en le faisant trop
remarquer, ira deviner à son tour.

Nous avons pensé que, pour faciliter l'intelligence de certains jeux un
peu compliqués, il serait à propos de les présenter sous forme de
dialogues, et nous aurons recours à cet expédient toutes les fois que
nous le jugerons nécessaire. Nous supposons sept jeunes filles réunies
pour ce jeu. Elles se nomment Émilie, Henriette, Louise, Marie,
Mathilde, Héloïse et Juliette. C'est Émilie qui sort pendant que les
autres vont chercher un mot.

MARIE. Quel mot choisissons-nous?

LOUISE. Le mot _amitié_, ou bien _crainte_.

HÉLÈNE. Non, non; il serait trop facile à deviner. Prenons le mot
_bien_.

TOUTES. Oui, _bien_. Viens, Émilie. (_Émilie rentre._)

ÉMILIE. Marie, as-tu été te promener ce matin?

MARIE. Oui, et la promenade était bien agréable.

ÉMILIE. Louise, aimes-tu les pêches?

LOUISE. Oui, j'aime bien les pêches, mais je préfère les groseilles.

ÉMILIE. Mathilde, quel livre lis-tu en ce moment?

MATHILDE. Je lis _Hélène_, par miss Edgeworth, et j'aime bien le
caractère d'Hélène.

ÉMILIE. Henriette, est-ce toi qui as brodé ce col?

HENRIETTE. Non, ce n'est pas moi, parce que je ne brode pas assez bien.

ÉMILIE. Je n'irai pas plus loin, le mot est _bien_. C'est Henriette qui
m'a fait deviner. (_Henriette sort_.)

Nous ne continuons pas, parce que le jeu nous paraît suffisamment
expliqué. Nous allons le remplacer par un autre qui lui ressemble
beaucoup, mais qui est un peu plus difficile et plus amusant.



RÉPONSE EN UNE PHRASE.

Nous nous servons encore du même procédé pour rendre notre explication
plus claire. Une jeune fille va deviner. Cette fois, c'est Louise.
Chacune donne un mot à sa compagne, qui est obligée de faire entrer ce
mot dans sa réponse, quelle que soit la question qu'on lui adresse.

ÉMILIE. Juliette, je te donne le mot _crocodile_.

JULIETTE. Et moi je donne à Marie le mot _enchanteur_.

MARIE. Je donne à Hélène le mot _baromètre_.

HÉLÈNE. Je te donne, Mathilde, le mot _jardin_.

MATHILDE. Je donne à Henriette le mot _chanson_.

HENRIETTE. Et toi, Émilie, je te donne _bateau_. (_Louise rentre._)
Émilie, as-tu reçu des nouvelles de ta maman?

ÉMILIE. Oui, et elle m'écrit qu'étant sur le bateau qui descend la Saône
elle a eu un grand orage, avec beaucoup de tonnerre et d'éclairs.

LOUISE. C'est _tonnerre_.

TOUTES. Non, non; c'est bateau.

LOUISE. Juliette, comptes-tu te lever de bonne heure demain?

JULIETTE. Je me lèverai le plus tôt que je pourrai; car, quand je dors
trop, je fais des rêves affreux, et je vois en rêvant des loups, des
serpents, des crocodiles, des tigres, des rhinocéros et des ours.

LOUISE. En voilà assez. Comment veux-tu que je me retrouve dans toutes
ces vilaines bêtes? C'est cro.... non, c'est rhinocéros.

JULIETTE. Pas du tout; tu avais bien commencé, c'est _crocodile_.

LOUISE. Allons, à une autre. Marie, as-tu fini ton dessin?

MARIE. Pas encore. J'aurais besoin pour le finir de la baguette d'un
enchanteur ou de celle d'une fée qui viendrait dans un petit char traîné
par des colombes ou des papillons.

LOUISE. Je suis bien embarrassée, mais je crois que c'est _papillon_.

MARIE. Non, c'est _enchanteur_.

LOUISE. Je ne devinerai donc pas? Dis-moi, Hélène, aimes-tu les fraises?

HÉLÈNE. Que faut-il donc que je réponde? Quand le baromètre... Non;
j'aime bien les fraises, mais j'aime à m'aller promener quand le
baromètre annonce du beau temps.

LOUISE. Ce mot-là n'est pas difficile à deviner. C'est _baromètre_.

MATHILDE. Quel dommage! je préparais une si jolie histoire!

LOUISE. Il n'est pas toujours possible de se servir de l'histoire que
l'on a préparée.

On voit que, pour rendre ce jeu plus difficile, il faut faire entrer
dans sa réponse des mots qui puissent détourner l'attention du mot
véritable. Il y a encore une autre manière de le jouer. On peut se
donner les mots tout bas, afin que les joueurs aient aussi le plaisir de
chercher le mot avec celui qui fait les questions. Au reste, cela fait
peu de différence pour l'intérêt du jeu. L'essentiel est de ne pas
varier sa voix dans la réponse, quand on prononce le mot donné, parce
qu'alors cette inflexion de voix le fait aisément deviner.



PLUSIEURS MOTS POUR UN.

Voici un autre jeu où il est si facile de deviner, que nous hésiterions
à le mettre sur notre liste, s'il n'y avait pas moyen de lui donner
quelque intérêt: c'est lorsqu'il n'est pas su de plusieurs de celles qui
le jouent. Elles ne sont pas dans le secret, et c'est la personne qui
est censée devoir deviner qui s'entend avec celle qui dirige le jeu.
Celle-ci choisit un mot dans lequel il entre autant de lettres qu'il y a
de personnes présentes. Elle indique à celles qui ne savent pas le jeu
le mot qu'elles auront à répondre. Si on est quatre, on choisira, par
exemple, le mot _pain_. Quand celle qui doit deviner rentre, chacune lui
dit un mot commençant par une des lettres composant le mot _pain_, dans
leur ordre. Ainsi, la première dira _pommes_, la seconde _amandes_, la
troisième _image_, et la quatrième _nid_. Il faut que celle qui est
censée deviner se souvienne de chacune de ces premières lettres, et elle
reforme aussitôt le mot, ce qui étonne celles à qui on n'a pas dit le
secret du jeu.



LE MOT INDICATEUR.

Ce jeu est de la même famille que le précédent et n'a aussi que le même
genre d'intérêt, qui est de donner à penser à celles qui le jouent et
qui ne sont pas dans le secret. Celle qui dirige le jeu convient avec
les autres que l'on touchera un objet en l'absence de celle qui feint de
deviner. Quand elle rentre, sa complice lui demande, en touchant
beaucoup de choses dans la chambre: «Est-ce ceci?» ou: «Est-ce cela?»
Précédemment elles étaient d'accord pour que le mot _ceci_ ou le mot
_cela_ fût employé pour désigner l'objet qui a été touché. Au moment où
elle prononce le mot _indicateur_, l'autre répond: «Oui» à la grande
surprise des jeunes filles qui ne connaissent pas le jeu, mais on
apprend bientôt le secret, et alors il n'est plus possible de le jouer.



LES CINQ VOYELLES.

Puisque nous nous occupons à décomposer la langue pour en composer
certains jeux, nous placerons ici tout ce qui paraîtra se rattacher à
ces différents exercices sur les lettres, les voyelles, les syllabes ou
les mots difficiles à prononcer; et quand nous en aurons épuisé la
liste, nous passerons à des jeux plus animés.

Pour ce jeu des voyelles, il faut encore chercher à surprendre
quelques-unes des jeunes filles qui font partie du jeu, et qui en
ignorent cependant le procédé. Beaucoup de personnes le jouent en se
servant de cette formule: «M. le curé n'aime pas les O; que lui
donnerons-nous?» Nous ne tenons pas compte de cette phrase, qui est
fréquemment employée, parce que nous trouvons qu'il n'est pas convenable
de prendre en plaisantant le nom des personnes dont le caractère doit
être respecté. Nous demandons, en conséquence, que l'on y substitue,
soit un nom imaginaire, soit celui d'une des personnes présentes, si
elle y consent. Nous disons donc: «Mme *** n'aime pas les O; que lui
donnerons-nous?» et l'équivoque porte sur la lettre O, que les personnes
qui ignorent le jeu prennent pour des _os_, ce qui les oblige à chercher
des mets dans lesquels il ne s'en trouve pas.

[Illustration: Les cinq voyelles.]

Toutes les fois que l'on fait cette méprise, on paye un gage. Ce jeu est
amusant, et les personnes qui le connaissent en tirent un bon parti en
faisant de longues nomenclatures qui étonnent celles qui ne l'ont pas
encore joué. On peut faire une ordonnance pour une personne malade qui
n'aime pas les O, en lui traçant un régime où on lui recommande, d'une
part, ce qu'elle doit faire, et, de l'autre, ce qu'elle doit éviter. La
malade prendra des bains avec de l'eau de rivière, mais surtout pas
d'eau de fontaine. Elle prendra des panades; mais surtout ni consommés,
ni bouillons, ni sirops, ni compotes. Elle pourra manger des fèves et
des lentilles, mais ni pois, ni haricots, ni pommes de terre; des
fruits, comme pêches, fraises, cerises, mais ni poires, ni melons; des
perdrix, et pas de poulet, etc.

Pour les autres voyelles: on change un mot dans la phrase, et l'on dit:
«Mme *** n'aime pas les _ânes_, et vous, les aimez-vous?» La personne à
qui on s'adresse doit vanter les qualités de l'une, ou parler de ses
défauts, sans employer la voyelle A.

Pour la voyelle E, il est très-difficile de répondre, et c'est à peine
si l'on trouve quelques mots dans la langue où cette voyelle ne soit pas
employée; mais, avec des efforts cependant, on peut trouver une ou deux
phrases, et il faut s'en contenter.

Pour I, on adresse la question que l'on veut, et dans celle-là, comme
dans les autres, la personne qui interroge doit placer la lettre omise,
et dire, par exemple: «Répondez-moi sans I: Aimez-vous la compagnie?»
Cette manière oblige à faire des périphrases pour répondre, et multiplie
les difficultés du jeu. On peut se souvenir de cette jolie réponse, qui
a un double sens:

       Aimer sauf I serait bien _amer_.

Même observation pour la voyelle U. Et puis répétons avec M. Jourdain:
«A, E, I, O, U; que n'ai-je étudié plus tôt pour savoir tout cela!»

On a essayé ce jeu par écrit, et on est parvenu à composer des lettres
entières avec suppression de telle ou telle voyelle. Nous donnons ici un
exemple où ne se rencontre pas la voyelle A, une des plus usitées, sans
que l'effort y paraisse trop à découvert:

«Voici une nouvelle invention, mon coeur, pour exciter votre curiosité.
Nous voulons juger de l'inutilité de telle ou telle voyelle. L'écriture
seroit très-bonne si l'on pouvoit se réduire et n'en conserver que deux
ou trois. Tout homme qui invente mérite que le peuple lui décerne le
triomphe. Mon invention est une misère qui donne bien des peines pour
dire des bêtises, ou ne rien dire; ne vous en servez point si vous m'en
croyez.»



LA LEÇON DE LECTURE.

Maintenant passons à la leçon de lecture, par laquelle nous aurions
peut-être dû commencer, pour suivre un ordre logique. On s'assied et
l'on épelle un mot que l'on choisit parmi les plus longs, en prenant
soit un adverbe, soit un nom propre. Celui de _Nabuchodonosor_ est trop
fréquemment employé pour que nous ne le choisissions pas comme exemple.
La première personne du cercle dit, et les autres répètent après elle:
«N, A, na.» Au deuxième tour elle dit: «N, A, na, B, U, bu.» Au
troisième tour, elle reprend: «N, A, na, B, U, bu, C, H, O, cho (que
l'on prononce co),» et ainsi de suite, jusqu'à ce que le mot soit
entier. Il ne faut pas mettre le plus petit intervalle en se succédant
les uns aux autres. Cela produit un petit gazouillement comme celui de
mille oiseaux bavards qui se retirent dans un gros arbre quand le jour
baisse, mais sans être tout à fait aussi harmonieux.



LES DOUZE QUESTIONS OU LES TROIS RÈGNES.

Il faut dans ce jeu qu'une des jeunes filles devine un mot, sans pouvoir
faire plus de douze questions. On lui donne aussi le nom de jeu des
_trois règnes_, parce que tout ce qui existe dans la nature est classé
en trois règnes, le règne animal, le règne végétal et le règne minéral.
Les êtres animés composent le règne animal. Le règne végétal comprend
tout ce qui a la vie sans mouvement, et le règne minéral comprend ce qui
n'a ni vie ni mouvement, comme les métaux et les pierres. En mettant ce
jeu en action, on le comprendra assez facilement. Nous supposons que le
mot choisi est _chat_, et que Marie est chargée de le deviner.

MARIE. Je vais faire ma première question. De quel règne est l'objet que
vous avez choisi?

HÉLÈNE. Du règne animal seulement.

MARIE. Est-il vivant?

LOUISE. Il est vivant.

MARIE. Est-il sauvage ou domestique?

HENRIETTE. Il est sauvage.

JULIETTE. Non, il est domestique.

MARIE. Ce doit être un chat, car c'est le plus sauvage des animaux
domestiques.

HENRIETTE. Oui, c'est un chat; c'est Juliette qui a fait deviner
(Juliette sort.)

HÉLÈNE. Choisissons le mot _parapluie_. Elle aura bien de la peine à
deviner. Viens, Juliette.

JULIETTE. De quel règne est l'objet pensé?

HENRIETTE. Il est composé de trois règnes.

JULIETTE. Est-il animé?

LOUISE. Non, tu vois bien que tu fais une question inutile; un objet
composé de trois règnes ne peut être animé.

JULIETTE. Sert-il plus aux hommes qu'aux femmes?

MARIE. Également.

JULIETTE. Sert-il plus à la ville qu'à la campagne?

LOUISE. On s'en sert souvent à la campagne, mais encore plus souvent à
la ville.

JULIETTE. Est ce un meuble?

MATHILDE. Oui, on peut dire que c'est un meuble.

JULIETTE. Y a-t-il de ces sortes de meubles dans cette chambre?

MARIE. Je ne crois pas.

HÉLÈNE. Mais oui, il y en a. Marie, il faut répondre juste. Juliette a
déjà fait six questions et elle n'a pas encore deviné.

JULIETTE. N'est-ce pas un fauteuil? Il est des trois règnes puisqu'il a
des clous, du bois et de la soie.

HÉLÈNE. Non, ce n'est pas un fauteuil.

JULIETTE. Ah! je vois à présent, c'est un parapluie. Il y en a un dans
le coin de la chambre.

HÉLÈNE. Oui, tu vois bien qu'il est aussi des trois règnes; la soie, du
règne animal, les ferrements du règne minéral, et le bâton, du règne
végétal.

ÉMILIE. Et s'il était en coton?

HÉLÈNE. Il y aurait encore les baleines, qui sont du règne animal. Si le
bâton était en fer, il y aurait encore le fil pour le coudre, qui serait
du règne végétal.



OUI OU NON.

Il existe encore un jeu du même genre, qui intéresse ordinairement les
jeunes filles qui étudient l'histoire. Il consiste à choisir un mot
qu'une des jeunes filles doit deviner en faisant toutes les questions
qu'elle voudra, mais auxquelles on ne peut répondre que _oui_ ou _non_.
Quoique l'on puisse prendre le mot que l'on veut, on choisit presque
toujours un nom historique.

EXEMPLE. Le nom choisi est Auguste, empereur romain.

QUESTION. Est-ce un homme?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Est-ce un prince?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Vit-il de nos jours?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Vivait-il avant Jésus-Christ?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Longtemps avant?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. A-t-il vécu en même temps?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Est-ce Hérode?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Est-ce un empereur romain?

RÉPONSE. Oui.

C'est Auguste.

AUTRE EXEMPLE. Marie Stuart est le nom choisi.

QUESTION. Est-ce un homme?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Est-ce une femme?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Est-ce une reine?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Vivait-elle avant Jésus-Christ?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Vivait-elle avant l'an 1000?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Aux XIIe, XIIIe, XIVe, XVe, XVIe siècles.

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Est-ce une Allemande?

RÉPONSE. Non.

QUESTION. Une Espagnole, une Anglaise, une Italienne?

RÉPONSE. Non.

Question. A-t-elle été reine de France?

RÉPONSE. Oui.

QUESTION. Est-ce une Écossaise?

RÉPONSE. Oui.

C'est donc Marie Stuart.



LA CLEF DU JARDIN.

On dit que le grand orateur grec, Démosthène, s'étudiait à prononcer
distinctement en remplissant sa bouche de petits cailloux, trouvant
ensuite plus facile de parler quand il les avait ôtés. Il aurait pu
essayer également un de ces exercices où l'on multiplie certaines
difficultés de prononciation pour délier la langue. En Angleterre, on a
ainsi une foule de petits récits, composés de quelques phrases qu'il
faut répéter distinctement, quelque pénibles qu'elles paraissent à dire
de suite. Le plus connu s'appelle: «La maison que Jacques a bâtie,» que
nous croyons n'être que la traduction de notre jeu intitulé: _La Clef du
Jardin_. Nous allons le présenter cette fois en dialogue, pour donner
une idée de la vivacité qu'il faut mettre à le jouer. Nous retrouvons
les jeunes filles que nous avons vues ailleurs:

ÉMILIE. Si vous voulez jouer ce jeu, vous n'avez qu'à répéter après moi:
«Je vous vends la clef du jardin.»

Toutes les jeunes filles répètent en disant: «Mais c'est bien aisé.»

ÉMILIE. Vous allez voir si c'est bien aisé: je vous vends la corde qui
tient à la clef du jardin. (_Toutes répètent de même._)

ÉMILIE. Je vous vends le rat qui a rongé la corde qui tient la clef du
jardin. (_Toutes répètent_).

LOUISE. Je parie que je ne donnerai pas de gage.

ÉMILIE. Je vous vends le chat qui a mangé le rat qui a rongé la corde
qui tient à la clef du jardin.

MARIE. Je vous vends le chat qui a mangé la corde qui tient à la clef du
jardin.

ÉMILIE. Bon! un gage. Tu as passé le rat. Je continue. Je vous vends le
chien qui a mangé le chat qui a mangé le rat qui a rongé la corde qui
tient à la clef du jardin.

HÉLÈNE. _A son tour_. Je vous vends le chien qui a mangé le rat qui a
mangé le chat....

ÉMILIE. Un gage, Hélène. Depuis quand les rats mangent-ils les chats?
Fais attention cette fois: je vous vends le bâton qui a tué le chien qui
a mangé le chat qui a mangé le rat qui a rongé la corde qui tient à la
clef du jardin. (_Toutes répètent exactement_).

ÉMILIE. Je vous vends le feu qui a brûlé le bâton qui a tué le chien qui
a mangé le chat qui a mangé le rat qui a rongé la corde qui tient à la
clef du jardin. (_Toutes répètent sans se tromper_).

ÉMILIE. Je vous vends l'eau qui a éteint le feu qui a brûlé le bâton qui
a tué le chien qui a mangé le chat qui a mangé le rat qui a rongé la
corde qui tient la clef du jardin.

JULIETTE, _très-vite_. Je vous vends l'eau qui a brûlé le chien qui a
mangé le jardin.

ÉMILIE. C'est plus tôt fait; tu ne dois que sept gages cette fois-ci.

JULIETTE. Les voilà tous.

ÉMILIE. Je vous vends le seau qui a apporté l'eau qui a éteint le feu
qui a brûlé le bâton qui a tué le chien qui a mangé le chat qui a mangé
le rat qui a rongé la corde qui tient à la clef du jardin.

Nous ne suivrons pas ce jeu plus loin. On peut cependant y ajouter
encore quelques _longueurs_, mais nous donnons cet exemple, qui est un
des plus fréquemment employés, et ensuite chacun peut fournir le sien,
car il ne manque pas de petites bagatelles de ce genre. On peut dire
aussi sans grasseyer cette petite phrase qui n'a pas le sens commun:
«Gros gras grain d'orge, quand te dégrogragrain d'orgeriseras-tu?» à
quoi l'on répond: «Je me dégrogragrain d'orgeriserai quand tous les
autres gros gras grains d'orge se dégrogragrain d'orgeriseront.»

Ou bien on peut répéter avec volubilité:

       Quatre plats plats dans quatre plats creux,
       Quatre plats creux dans quatre plats plats.

Ou: «Quatre plats de carpe,» vite et longtemps, et cela, sans se
tromper, si l'on peut, une douzaine de fois.

Ou bien encore cette chanson:

       Celui-là n'est point ivre (_bis_),
         Qui trois fois peut dire (_bis_):
       Blanc, blond, bois, barbe grise, bois,
       Blond, bois, blanc, barbe grise, bois,
       Bois, blond, blanc, barbe grise, bois.

Mais nous nous arrêtons, parce que, si nous indiquions un trop grand
nombre de ces exercices propres à délier la langue, des gens de mauvais
goût nous diraient que les petites filles n'en ont pas besoin.

Ce jeu _en prose_ rappelle un chant fort ancien, qui se retrouve dans
diverses parties de la France, et que nous mettons ici comme un curieux
exemple de cette croyance populaire qui faisait apparaître _l'esprit du
mal_ dans presque toutes les compositions de ce genre. Cette chanson,
qui date du moyen âge, est intitulée le _Conjurateur et le loup_.

I.

       L'y a un loup dedans un bois,
       Le loup n'veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.
       Ha, j' te promets compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.

II.

       Le loup n' veut pas sortir du bois,
       Il faut aller chercher le chien.
       Ha, j' te promets, compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.
       Ha, j' te promets, etc.

III.

       Il faut aller chercher le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup.
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.
       Ha, j' te promets, etc.

IV.

       Il faut aller chercher l' bâton,
       L' bâton n' veut pas battre le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup,
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets, etc.

V.

       Il faut aller chercher le feu,
       Le feu n' veut pas brûler l' bâton,
       L' bâton n' veut pas battre le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup,
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets, etc.

VI.

       Il faut aller chercher de l'eau,
       L'eau n' veut pas éteindre le feu,
       Le feu n' veut pas brûler l' bâton,
       L' bâton n' veut pas battre le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup,
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets, etc.

VII.

       Il faut aller chercher le veau,
       Le veau ne veut pas boire l'eau,
       L'eau n' veut pas éteindre le feu,
       Le feu n' veut pas brûler l' bâton,
       L' bâton n' veut pas battre le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup,
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets, etc.

VIII.

       Il faut aller chercher l' boucher,
       L' boucher n' veut pas tuer le veau,
       Le veau ne veut pas boire l'eau,
       L'eau n' veut pas éteindre le feu.
       Le feu n' veut pas brûler l' bâton,
       L' bâton n' veut pas battre le chien,
       Le chien n' veut pas japper au loup,
       Le loup n' veut pas sortir du bois.
       Ha, j' te promets compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là,
       Ha, j' te promets, Broquin Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.

IX.

       Il faut aller chercher le diable,
       Et le diable veut bien venir,
       L' boucher veut bien tuer le veau
       Et le veau veut bien boire l'eau,
       L'eau veut bien éteindre le feu,
       Le feu veut bien brûler l' bâton,
       L' bâton veut bien battre le chien,
       Le chien veut bien japper au loup,
       Le loup veut bien sortir du bois.
       Ha, j' te promets, compèr' Brocard,
       Tu sortiras de ce lieu-là.



LA PREMIÈRE SYLLABE.

Pendant que nos jeunes filles sont assises, elles peuvent commencer un
autre jeu qui demande encore de la rapidité dans l'exécution. Celle qui
est en tête jette à sa voisine un mouchoir roulé en boule, et lui dit la
première syllabe d'un mot à son choix. Il faut que l'autre réponde par
une seconde syllabe pouvant s'ajouter à la première pour former un mot.
Par exemple on dit: «ba,» elle répond «teau,» et elle jette la balle à
celle qui suit, en disant «dé;» l'autre répond «mon;» et on continue
jusqu'à la dernière du cercle; ensuite on recommence sans s'arrêter, si
on trouve que le jeu soit assez amusant. Lorsqu'on répète un mot déjà
dit, on donne un gage, comme pour tous les jeux de la même espèce.



LA SYLLABE DEVINÉE.

[Illustration: La syllabe devinée.]

Pour ce jeu, il faut qu'une jeune fille sorte de la chambre, et en son
absence, on fait choix d'une syllabe. Lorsqu'elle rentre, elle adresse
une question à la première du rang, qui doit répondre par une phrase
dont le dernier mot puisse s'ajouter après la syllabe choisie et former
avec elle un mot. Il n'est pas nécessaire que l'orthographe soit juste.
Pour rendre notre explication plus intelligible, nous reprenons la forme
de dialogue. (_Henriette sort_).

MARIE. Si vous voulez, nous prendrons la syllabe _ra_.

TOUTES. Oui, c'est convenu. Viens, Henriette.

HENRIETTE, _en rentrant_. Pourquoi, Marie, es-tu venue si tard
aujourd'hui?

MARIE. Parce que j'ai pris beaucoup de leçons qui m'ont occupée toute la
journée; mais une autre fois je tâcherai de venir plus _tôt_
(_ra-teau_).

HENRIETTE. Et toi, Mathilde, as-tu bien travaillé?

MATHILDE. Oui, mais je suis sortie de bonne heure et dans ma promenade
j'ai rencontré une mendiante qui m'a fait bien de la peine; elle
traînait par la main deux petits enfants, et elle en avait un troisième
sur son _dos_ (_ra-deau_).

HENRIETTE. Ton histoire est un peu longue, mais elle ne me fait pas
deviner encore. Et toi, Émilie, commences-tu à bien jouer tes études?

ÉMILIE. Il y en a une que je joue encore mal parce qu'elle est difficile
à cause des changements de _tons_ (_ra-ton_).

HENRIETTE. Je ne devine pas encore. Louise, tu as une grande tache à ta
robe.

LOUISE. Je le sais bien. C'est une robe qui a du malheur; je ne puis la
mettre sans la _tacher_ (_rat-tacher_).

HENRIETTE. Je ne devine pas. Ce sera toi, Hélène, qui me feras deviner.
As-tu de jolis oiseaux dans ta volière?

HÉLÈNE. Oui, très-jolis, et j'en ai beaucoup aussi; j'en ai plus de
_vingt_.

HENRIETTE. Ravin! C'est _ra_.

Nous ne donnons qu'un aperçu de ce jeu, qui est assez joli. Il faut
souvent inventer une histoire très-longue pour pouvoir placer un mot à
la fin.



L'APPRENTI.

La personne qui commence le jeu dit qu'elle a mis son fils en
apprentissage chez un tailleur, ou chez un cordonnier, ou chez un
épicier, soit enfin dans toute autre profession qui puisse fournir les
noms d'un grand nombre d'objets propres à être vendus. Elle dit la
lettre initiale de la première chose que l'apprenti a fabriquée ou
vendue. Les autres jeunes filles doivent deviner le mot dont elles ne
savent que la première lettre. Si aucune d'elles ne dit juste, elle
payent un gage, et on cherche un autre mot. On peut encore, à ce jeu,
n'être que deux personnes, quoiqu'il soit plus animé si les joueurs sont
en plus grand nombre. Nous allons en donner un court exemple dialogué:

ÉMILIE. J'ai mis mon fils en apprentissage chez un épicier. La première
chose qu'il a vendue commençait par un _c_.

LOUISE. Du café.

ÉMILIE. Non: un gage.

MATHILDE. Du chocolat.

ÉMILIE. Oui. A ton tour.

MATHILDE. J'ai mis mon fils en apprentissage chez un confiseur. La
première chose qu'il a vendue commençait par un _p_.

HENRIETTE. Des pralines.

MATHILDE. Non.

MARIE. Des pruneaux.

TOUTES. Non, non; un gage. Ce sont les épiciers qui vendent les
pruneaux.

MARIE. Eh bien! des prunes confites.

MATHILDE. Non, ce n'est pas cela.

LOUISE. Des pistaches.

MATHILDE. Oui.

MARIE. Comment n'y ai-je pas pensé, moi qui les aime tant!



LES MOTS PROHIBÉS.

Ce jeu est, dit-on, d'origine italienne. On convient d'adresser des
questions auxquelles il faut répondre sans dire ni _oui_, ni _non_, ni
_pourquoi_; ou bien ni _monsieur_, ni _madame_, ni _mademoiselle_. Le
talent de celle qui dirige le jeu consiste à faire des questions
embarrassantes qui obligent la personne qui répond à se servir de
circonlocutions pour éviter l'emploi des mots défendus.



LES COULEURS PROHIBÉES

Si le jeu précédent nous vient d'Italie, celui-ci arrive d'Angleterre.
On décide d'abord qu'on ne nommera pas certaines couleurs. L'une des
jeunes filles dit: «Comment madame sera-t-elle habillée pour le bal?»
Chacune à son tour propose un article de toilette, et si elle nomme la
couleur que l'on est convenu d'omettre, elle donne un gage. Pour rendre
le jeu plus difficile, on peut supprimer deux couleurs.



LA PENSÉE, OU A QUOI RESSEMBLE CE QUE JE PENSE?

Les jeunes filles ayant pris leurs places, la première pense à quelque
objet bien déterminé; par exemple, au soleil, à une montre, à un
chapeau, etc. Et elle dit à chacune successivement: «A quoi ressemble ce
que je pense?» Chacune donne sa réponse, faite au hasard, puisqu'elle
ignore la pensée. Elle répond donc: «A un gant, à une épingle, à quelque
objet matériel enfin à son choix. Celle qui a interrogé doit dire
ensuite quelle a été sa pensée et demander aux autres les rapports qu'il
peut y avoir entre cet objet et ceux qui ont figuré dans les différentes
réponses. Celle qui est incapable de trouver un rapport donne un gage.
Nous mettons ce jeu en action pour le rendre plus intelligible:

MARIE. Hélène, à quoi ressemble ma pensée?

HÉLÈNE. A la pluie.

MARIE. Henriette, réponds.

HENRIETTE. A une fleur.

MARIE. A toi, Louise.

LOUISE. A une cloche.

MARIE. Émilie, à quoi ressemble ce que je pense?

ÉMILIE. A une chouette.

MARIE. Mathilde, que répondras-tu?

MATHILDE. A une étoile.

MARIE. A la pluie, à une fleur, à une cloche, à une chouette, à une
étoile.

HÉLÈNE. Je ne vois pas comment ta pensée pourra ressembler à des choses
si différentes.

MARIE. Ma pensée, c'est la lune. Hélène, quel rapport y a-t-il entre la
lune et la pluie?

HÉLÈNE. Toutes les deux causent des inondations. Vous savez que la lune
influe sur les marées, qui peuvent être très considérables, et la pluie
fait grossir les fleuves et les rivières, et les fait, par conséquent
déborder.

MARIE. Ton explication est très-savante. Maintenant, Henriette, dis-moi
quelle ressemblance il y a entre la lune et une fleur?

HENRIETTE. C'est qu'elles changent de forme tous les jours.

MARIE. Pourquoi la lune est-elle comme une cloche?

LOUISE. Comme une cloche? Je ne sais pas; j'ai beau chercher, je ne
trouve rien. Voilà mon gage.

MARIE. Émilie, pourquoi la lune est-elle comme une chouette?

ÉMILIE. Oh! c'est bien facile à trouver. C'est parce qu'elles paraissent
toutes les deux la nuit.

MARIE. Mathilde, quel rapport y a-t-il entre la lune et une étoile?

MATHILDE. La lune est un astre et l'étoile aussi.

Voilà un aperçu de la manière dont on peut jouer ce jeu, qui nous paraît
assez ingénieux.



LES COMPARAISONS.

C'est à peu près le même jeu que le précédent; mais l'explication qui en
sera donnée montrera suffisamment sous quel rapport il en diffère et en
quoi ils se ressemblent l'un et l'autre.

On compare quelqu'un à un objet quelconque; et comme il n'y a point de
comparaison qui soit exactement parfaite, on dit en quoi est la
ressemblance et en quoi est la différence. Par exemple, on dira: «Je
compare Mlle *** à une rose. Elle en a la fraîcheur et l'éclat: voilà la
ressemblance; mais la rose est environnée d'épines et blesse ceux qui
l'approchent: voilà la différence.» Nous laissons aux jeunes filles qui
choisiront ce jeu le soin de trouver des comparaisons plus neuves et
plus ingénieuses que celle-ci, nous avons seulement voulu leur donner un
exemple.



LES PROPOS INTERROMPUS.

C'est encore une des variétés de ces jeux dans lesquels les demandes et
les réponses s'entre-croisent d'une manière bizarre pour produire au
hasard, soit des réponses qui surprennent par leur justesse, soit des
contre-sens qui amusent encore davantage. Nous le mettons en action pour
le rendre plus intelligible.

HENRIETTE. Je vais faire une question tout bas à Marie, qui est à ma
droite, et elle me répondra aussi tout bas. Elle fera une question à
celle qui vient après elle, qui lui répondra. Lorsque le tour du cercle
sera fini, je reprendrai tout haut la question de ma voisine de gauche,
qui est la dernière, et j'y répondrai par la réponse que ma voisine de
droite m'a faite en commençant; ensuite celle-ci dira ma question et
dira la réponse de celle qui est à sa droite, et ainsi de suite jusqu'à
la fin. Ayez bien soin de vous souvenir des questions et des réponses
qui vous sont faites. Marie, à quoi sert un soufflet?

MARIE. A souffler le feu. (_A Émilie_). A quoi servent les pompes des
pompiers?

ÉMILIE. A éteindre le feu. (_A Juliette_). A quoi sert une charrue?

JULIETTE. A labourer la terre. (_A Hélène_). A quoi sert un bonnet?

HÉLÈNE. A couvrir la tête. (_A Mathilde_). A quoi sert un soulier?

MATHILDE. A chausser le pied. (_A Louise_). A quoi sert une épingle
noire?

LOUISE. A attacher les cheveux. (_A Henriette_). A quoi sert un
baromètre?

HENRIETTE. A marquer la pesanteur de l'air. (_Haut_) Nous allons voir
maintenant si les réponses s'accordent bien. Louise m'a demandé à quoi
servait un baromètre, et Marie m'a répondu: à souffler le feu.

MARIE. Henriette m'a demandé à quoi servait un soufflet, et Émilie m'a
répondu à éteindre le feu.

ÉMILIE. Marie m'a demandé à quoi servent les pompes des pompiers, et
Juliette m'a répondu: à labourer la terre.

JULIETTE. Émilie m'a demandé à quoi servait une charrue, et Hélène a
répondu: à couvrir la tête.

HÉLÈNE. Juliette m'a demandé à quoi servait un bonnet, et Mathilde m'a
répondu: à chausser le pied.

MATHILDE. Hélène m'a demandé à quoi servait un soulier, et Louise m'a
répondu: à attacher les cheveux.

LOUISE. Mathilde m'a demandé à quoi servait une épingle noire, et
Henriette m'a répondu: à mesurer la pesanteur de l'air.

Ce jeu, qui produit ce qu'on appelle des _coq-à-l'âne_[14] demande un
certain effort de la mémoire pour ne pas oublier les demandes et les
réponses. Nous allons encore citer quelques jeux qui rentrent dans la
même catégorie.

[Note 14: On appelle ainsi des discours sans suite et sans raison, dont
les parties n'ont pas plus de rapport entre elles, qu'un _coq_ n'en a
avec un _âne_.]



LES PROPOS INTERROMPUS PAR ÉCRIT.

Les jeunes filles qui prennent part à ce jeu écrivent chacune sur un
petit carré de papier une question, la plus bizarre possible. On mêle
les petits papiers dans une boîte ou dans une corbeille. Chaque joueuse
tire un de ces billets et y répond sur un autre papier, puis elle met sa
réponse dans une seconde corbeille et remet la demande dans la première.
On tire ensuite alternativement une demande et une réponse, mais la
réponse ne sort presque jamais en même temps que la demande pour
laquelle on l'avait faite.

Une variété de ce jeu consiste à mettre la réponse sur le même papier
que la question. Tout l'intérêt repose alors sur l'esprit ou sur la
bizarrerie de l'une ou de l'autre, ou sur l'anonyme que gardent les
auteurs et que l'on s'efforce de pénétrer. Pour cette seconde manière de
jouer, les questions sont tirées de même, et la réponse y est faite par
une personne autre que celle qui a fait la question.

Au reste, nous renvoyons au jeu du _secrétaire_, qui a quelque analogie
avec celui-là, et pour lequel nous donnons de plus grands
développements.



LES POURQUOI ET LES PARCE QUE.

Ce jeu diffère du précédent en ce que la réponse n'est pas donnée
directement, mais passe par un tiers, c'est-à-dire qu'une personne fait
une question tout bas à sa voisine; celle-ci lui demande _pourquoi_, et
l'autre voisine de la personne du milieu fait la réponse, en sorte que
celle qui est au milieu ne sert que d'intermédiaire entre les deux
autres, pour adresser la question «pourquoi?» et pour retenir ce que
l'autre lui a dit à l'oreille. Cette manière de jouer aux propos
interrompus produit des effets plus bizarres encore que la précédente,
mais elle est moins animée.



LA NARRATION.

Pour ce jeu, il est d'usage d'avoir de longs rubans que chaque joueuse
tient par un bout, tandis que tous les autres bouts sont réunis dans la
main de celle qui dirige le jeu. Celle-ci commence une histoire ou
narration, et s'arrêtant après deux ou trois phrases, elle donne une
secousse à un des rubans. Celle à qui s'adresse ce signal doit continuer
_immédiatement_ la narration, en tâchant de bien lier ce qu'elle dit
avec ce qui se disait au moment où elle a repris. Ce jeu demande une
certaine invention pour trouver des détails qui soient un peu
intéressants. On en jugera mieux par l'exemple que nous allons donner.
Celle qui tient les rubans commence ainsi (les points marquent les
interruptions et les reprises):

«La neige tombait par flocons épais quand Alice se leva le matin. Elle
pensa qu'elle ne pourrait pas monter à cheval ce jour-là, à cause du
mauvais temps, et descendit à la salle à manger, où elle trouva.....

«Une dame qu'il lui sembla avoir déjà rencontrée quelque part, et un
petit garçon de sept ou huit ans qui avait de beaux yeux noirs et
d'abondants cheveux bouclés. «Vous ne me reconnaissez pas, Alice, lui
dit cette personne; je suis....

«La femme de chambre de votre cousine Jeanne, que vous n'avez pas vue
depuis six ans, et voilà son petit garçon que je vous amène. Il lui est
arrivé, il y a quelques jours, une aventure bien extraordinaire. Il
était allé au bois de Boulogne avec un domestique. Là....

«Le domestique l'ayant perdu de vue un moment, il se trouva seul, et,
comme il le cherchait avec inquiétude, son air effaré attira auprès de
lui....

«Une troupe de petits gamins assez déguenillés qui commencèrent à le
tourmenter. Comme il est très-vif, il ne put supporter leurs mauvais
propos et donna un soufflet à l'un d'eux, qui....

«Se jeta sur lui et commençait à le battre, lorsqu'ils virent paraître
tout à coup un monsieur qui se trouvait être, etc....»

Nous ne donnerons pas la suite de l'histoire, et nous engageons nos
jeunes lectrices à la terminer elles-mêmes, ou à en inventer de
meilleures dont elles sauront faire «le modèle des narrations
agréables,» comme le dit Mme de Sévigné avec raison, de sa lettre que
l'on appelle _la lettre de la prairie_.

Si l'on veut au contraire faire une narration absurde, le jeu sera
peut-être moins difficile, mais nous préférons une narration suivie et
un peu élégante. Toutefois, nous allons donner un exemple de ce que peut
être un discours dont les idées n'ont aucune liaison entre elles.

[Illustration: La narration.]

«C'était par une belle nuit d'été, alors que le soleil, prêt à se
plonger dans la mer, comme un charbon rougi aux feux de la forge, jetait
encore un dernier éclat....

«Vraiment, s'écria Hippolyte, il fait noir comme dans un four. Que
demanderons-nous ce matin pour notre déjeuner? J'ai envie d'oeufs à la
coque...

«A ces mots, ils poursuivirent leur course, renversant tout sur leur
passage; leurs chevaux excités refusaient de s'arrêter malgré tous leurs
efforts....

«La vague grossissait toujours et menaçait de les engloutir; déjà
plusieurs lames avaient pénétré dans leur frêle embarcation. Tout
faisait pressentir un prochain désastre....

«Lorsque la voix d'un chien se fit entendre; c'était celui du portier de
leur maison, rue Neuve-Saint-Roch. Ces aboiements réitérés annonçaient
leur arrivée....

«Chacun s'empressa d'accourir. La vue de ce fidèle animal rappelait des
jours qui n'étaient plus; mais l'ardente chaleur de cette après-midi....

«Les accablait et semblait faite pour les inviter au repos. Ils
s'assirent donc en cercle auprès d'un rocher qui leur prêtait son
ombre....

«L'endroit leur paraissant convenable, chacun s'empressa de faire un
grand feu. L'intensité du froid rendait cette précaution plus nécessaire
que jamais.»

Nous sommes obligés d'avertir, en donnant ce modèle de contre-sens,
qu'il ne nous est pas venu à la pensée d'imiter la forme de quelques
romans modernes.



LE JOURNAL.

Ce jeu, moins difficile que le précédent, lui ressemble sous quelques
rapports. La jeune fille qui le dirige doit avoir un livre ou un journal
contenant un récit sérieux. Chacune des autres choisit un métier, comme
confiseur, épicier, marchand de joujoux, marchande de modes, etc. Elles
se placent vis-à-vis de la lectrice. Celle-ci, en lisant, s'arrête quand
elle rencontre un substantif et quelque fois un verbe, et regarde celle
qui doit parler, ou bien tire un ruban, comme nous l'avons indiqué plus
haut. La jeune fille à qui s'adresse ce langage muet doit à l'instant
placer un mot qui se rapporte au métier qu'elle a choisi. La lectrice
alors finit la phrase, et continue, s'arrêtant de nouveau aux endroits
que nous avons déjà indiqués, et regardant tantôt l'une, tantôt l'autre
de ses compagnes. Celle qui ne répond pas, ou qui fait une erreur, paye
un gage. L'exemple que nous allons donner suffira pour notre
explication.

MARIE. Asseyez-vous toutes en face de moi; voici mon journal. Quels
métiers choisissez-vous?

HÉLÈNE. Je suis épicier.

HENRIETTE. Moi, quincailler.

LOUISE. Moi, fruitière.

MATHILDE. Moi, je serai lingère.

ÉMILIE. Moi, marchande de nouveautés.

JULIETTE. Moi, je serai herboriste.

MARIE. Je commence: _Une grande_....

HÉLÈNE. Bougie.

MARIE. _Se fait sentir dans notre_....

HENRIETTE. Arrosoir.

MARIE. _A plusieurs reprises cette semaine des_....

LOUISE. Carottes.

MARIE. _Ont proféré des cris séditieux. Des_....

MATHILDE. Bonnets.

MARIE. _Considérables, se sont formés en cherchant à séduire les_....

ÉMILIE. Gros de Naples.

MARIE. _Honnêtes de notre_....

JULIETTE. Graine de lin.

«Une grande agitation se fait sentir dans notre ville. A plusieurs
reprises, cette semaine, des groupes ont proféré des cris séditieux. Des
attroupements considérables se sont formés en cherchant à séduire les
habitants honnêtes de notre ville.»

On continue ainsi jusqu'à la fin de l'article, si le jeu amuse.



L'AVOCAT.

Toutes les jeunes filles se placent en rond, ou sur deux lignes, en
nombre égal. Au milieu se tient celle qui fait les questions. Quand elle
s'adresse à une des compagnes, il faut que ce soit sa voisine qui
réponde pour elle, en parlant à la première personne, comme l'avocat qui
prend fait et cause pour son client. Cette complication amène des
erreurs fréquentes, qui obligent à donner des gages. Nous allons
développer le jeu à l'aide du dialogue. Henriette fait les questions;
elle s'adresse à Marie, qui a Mathilde à sa droite.

HENRIETTE. Marie, aimes-tu bien Mathilde?

MATHILDE. Oui, elle l'aime beaucoup.

HENRIETTE. Un gage, Mathilde; il fallait répondre: «Oui, _je_ l'aime
beaucoup.»

MATHILDE. Mais je ne pouvais pas répondre cela de moi-même.

HENRIETTE. C'est le jeu. Tu sais que les avocats parlent souvent comme
s'ils étaient la partie intéressée. Ne disent-ils pas: «Comment, j'ai
passé dans votre pré avec mon âne! Vous osez dire que mes poules ont
mangé votre grain; et je prends à témoins tous mes voisins que je les
renferme dans mon poulailler!» Allons, continuons, Émilie, chante avec
ta voisine: «Au clair de la lune,» à deux parties. (_Émilie et Hélène
chantent_.)

HENRIETTE. C'est Hélène qui devait chanter la première partie, et Émilie
la seconde, parce que je m'adressais à Émilie. Et toi, Louise,
saurais-tu chanter aussi?

LOUISE. Que faut-il que je chante?

HENRIETTE. Allons, encore un gage. C'était à Juliette à répondre.

JULIETTE. C'est vrai, je n'y ai pas pensé.

HENRIETTE. Juliette, n'est-ce pas qu'Hélène a un bon caractère?

HÉLÈNE. Non, il y a des moments où je ne suis pas aimable.

HENRIETTE. Hélène, ta petite soeur Julia ne serait-elle pas en état de
jouer avec nous?

MARIE. Oui, je trouve que nous pourrions amener ma petite soeur et
choisir pour elle des jeux simples.

Nous conseillons ce jeu, qui n'est pas très-difficile et qui peut amener
des réponses inattendues, si on veut se donner la peine de le bien
jouer.



LA SELLETTE.

Nous ne quitterons pas le _tribunal_ sans expliquer le jeu de la
sellette, qui est un de ceux que l'on aime le mieux quand la compagnie
est un peu nombreuse. On sait que la _sellette_ est le siége sur lequel
se place un accusé. On prend un petit tabouret, qui en tient lieu; on le
place au milieu de la chambre, et la personne coupable s'assied. Une
autre fait le tour du cercle et demande tout bas à chaque juge quelle
est son accusation. Quand on a pris l'opinion de chaque personne, on la
dit tout haut à l'accusé, qui doit deviner qui a parlé contre lui. Nous
supposons qu'Henriette est sur la sellette. Elle peut faire, si elle
veut, un petit discours pour attendrir ses juges, pendant qu'on
recueille les opinions. Cela n'est pas hors du jeu, qu'il faut animer
autant que possible.

MARIE _interroge tout bas les juges, puis elle dit_: Henriette, tu es
sur la sellette, parce qu'on t'accuse de chanter faux. De qui vient ce
reproche?

HENRIETTE. C'est Louise qui me fait ce reproche. Parce qu'elle a la voix
très-juste, elle est très-difficile pour les autres.

MARIE. Non, c'est Hélène. Donne un gage. On t'accuse d'être paresseuse.

HENRIETTE. C'est toi, Marie, parce que j'ai mieux aimé me promener
aujourd'hui que de travailler avec toi au jardin.

MARIE. Non, c'est Juliette. La cour exige que tu donnes encore un gage.
On t'accuse de n'avoir pas l'air de te repentir.

HENRIETTE. Oh! c'est Mathilde qui a dit cela.

MARIE. Oui, c'est Mathilde. A ton tour, sur la sellette.... Mathilde, on
t'accuse d'être gourmande.

MATHILDE. Je reconnais Henriette, parce que j'ai voulu manger la moitié
de ses cerises.

MARIE. Non, ce n'est pas elle.

MATHILDE. Qui est-ce donc?

MARIE. On n'est pas obligé de nommer quand on n'a pas deviné juste. Il
suffit qu'on dise: «Non, ce n'est pas telle personne.» On t'accuse
d'être étourdie.

MATHILDE. Oh! si ma gouvernante était ici, je serais bien certaine que
c'est elle; mais je sais qu'elle l'a dit ce matin à Hélène, et c'est
Hélène qui répète l'accusation.

HÉLÈNE. Va donc me juger à ton tour.



LES CONSÉQUENCES.

On coupe de petits morceaux de papier ou des cartes d'égale grandeur. On
en peut faire environ quatre douzaines. Sur la moitié, on écrit le nom
de personnes que l'on connaît. Sur le troisième quart on écrit le nom
d'un endroit comme: _A la campagne_, _en voiture_, _au spectacle_.
Enfin, sur le dernier quart, on écrit _les conséquences_ ou ce qui est
arrivé aux personnes dont les noms ont été écrits d'abord. Par exemple,
on écrit: _Ont déchiré leurs gants, ont perdu leurs souliers, se sont
querellées_. Quand tout est prêt, on fait trois parts: l'une de tous les
noms réunis, l'autre des endroits, la troisième _des conséquences._ On
tire deux noms, et enfin en suivant une carte de chacune des autres
parts. En les lisant, on peut faire de singulières rencontres ou
produire de bizarres assemblages. Par exemple: _Caroline et Marie ont
été dans la rivière, et se sont brûlées_.



LE SECRÉTAIRE.

Ce jeu n'est que le perfectionnement du précédent. Les grandes personnes
même peuvent s'en amuser en y mettant toutes les ressources de leur
esprit. On a également des cartes, mais assez grandes pour écrire
beaucoup de choses. On écrit en tête le nom de chacune des personnes de
la compagnie. On les met dans une corbeille que l'on couvre. Chacun tire
au hasard et écrit sur la carte qui lui échoit une phrase. On les remet
dans la corbeille; on les tire une seconde fois; sur celle que l'on a
prise, on met encore une phrase, et ainsi de suite jusqu'à ce que les
cartes soient remplies. Il faut bien cacher à ses voisins ce que l'on
écrit, dissimuler son écriture, et, chaque fois que l'on a fini sa
phrase, qui doit être courte, mettre quelques points pour la distinguer
de celle d'une autre personne. Nous allons supposer que nos jeunes
filles sont encore réunies, qu'elles ont rempli les cartes par le
procédé que l'on a indiqué plus haut, et qu'elles vont y lire des
compliments ou des vérités.

[Illustration: Le secrétaire.]

HENRIETTE. Ah! voilà la carte de Marie. Voyons ce qu'on y a écrit.

MARIE. Elle a beaucoup de raison pour son âge... Aussi ne fait-elle pas
grande attention aux jeux.... C'est pourquoi elle donne tant de gages...

JULIETTE. Est-ce que ce sont des vers? voilà deux rimes.

HENRIETTE. Il ne faut pas interrompre la lecture ni faire de réflexions.
Je continue: Elle devrait bien relever ses cheveux....

JULIETTE. Encore une rime!

HENRIETTE. Tu es terrible, Juliette, avec tes interruptions.... Elle ne
se fâche jamais.... Pourquoi se fâcherait-elle contre ses amies? Il y en
a tant d'autres qui le font...

MARIE. J'avais peur d'entendre de dures vérités, mais je vois qu'on m'a
bien ménagée. C'est à moi de lire une carte maintenant. Ah! c'est celle
de Juliette. On dit que les petites filles sont bavardes.... Ce n'est
pas Juliette qui fera dire le contraire.... Il faut bien que chacun ait
un petit défaut.... Celui-là n'est pas le plus grave de tous.... Non, si
elle n'était pas aussi un peu indiscrète.... Vous êtes trop sévères pour
la pauvre Juliette... Cela ne nous empêche pas de l'aimer de tout notre
coeur.

JULIETTE. Je ne suis pas fâchée contre celles qui ont écrit tout ce mal
de moi, parcequ'elles me le disent toute la journée; ainsi je dois y
être habituée. C'est à mon tour de tirer ma carte. C'est celle de
Louise.

Nous ne multiplions pas ces exemples, qui n'auraient que peu d'intérêt,
et nous pensons que le jeu est suffisamment compris, mais nous ne
pouvons trop recommander aux jeunes filles qui auront à écrire sur les
cartes de leurs compagnes, de se souvenir que ceci n'est qu'un jeu, et
que si elles veulent s'en servir pour donner quelques avis, il faut
qu'elles y mettent de grands ménagements. Il en est de même pour le jeu
de la sellette, pour celui des contre-vérités, etc. On peut plaisanter
des légers travers de ses amis, mais les défauts véritables sont choses
trop sérieuses pour qu'il en soit question au milieu d'innocents
amusements.



LES DEVISES.

Chacune des jeunes filles choisit une fleur. On la lie avec un lien
analogue à l'idée que représente la fleur que l'on a choisie, on la
place dans un vase qui répond aussi à l'idée primitive, et enfin on y
ajoute une devise toujours en rapport avec cette même idée. Pour faire
comprendre ce joli jeu, qui est assez difficile, nous revenons à nos
petites scènes dialoguées. Nous n'aurons plus beaucoup d'occasions d'y
recourir.

HÉLÈNE. Je prends des immortelles.

MARIE. Moi des violettes.

HENRIETTE. Moi, une rose.

LOUISE. Moi, un bouquet de houx.

JULIETTE. Je prends un beau pavot.

MATHILDE. Moi, des soucis.

ÉMILIE. Et moi, un lis.

HÉLÈNE. Je lie mes immortelles avec un cordon de soie verte.

MARIE. Moi, mes violettes avec un brin d'herbe.

HENRIETTE. J'attache la rose avec un ruban d'or.

LOUISE. Je lie mon bouquet de houx avec une chaîne d'acier.

JULIETTE. Je lie mon beau pavot avec un ruban de velours rouge.

MATHILDE. Je lie mes soucis avec une des cordes de mon piano.

ÉMILIE. J'attache mon lis superbe avec un ruban blanc.

HÉLÈNE. Je place mes immortelles dans un vase de porphyre.

MARIE. Mes violettes, je les mets dans un petit pot de terre.

HENRIETTE. Je mets ma rose dans un vase de cristal.

LOUISE. Mon bouquet de houx, dans un vase de fer.

JULIETTE. Je mets mon pavot dans un vase de Chine.

MATHILDE. Mes soucis, je les mets dans un vase de marbre noir.

ÉMILIE. Et moi, mon lis, dans un vase d'albâtre.

HÉLÈNE. Sur mes immortelles liées avec un ruban de soie verte, symbole
d'espérance, et mises dans un vase de porphyre, le plus durable des
marbres, je grave cette devise: _ne cherchez que la vraie gloire_.

MARIE. A mes violettes, dans leur humble vase, liées avec un brin
d'herbe, je mets cette devise: _Leur parfum les fait découvrir_.

HENRIETTE. La rose, liée avec un ruban d'or, et placée dans un beau vase
de cristal, aura pour devise: _Elle ne vivra que l'espace d'un matin_.

LOUISE. Mon bouquet de houx, lié avec une chaîne d'acier, mis dans un
vase de fer, aura cette devise: _Qui s'y frotte s'y pique_.

JULIETTE. Mon pavot, qui est lié avec un ruban de velours rouge, et mis
dans un vase de Chine, aura cette devise: _Plus d'éclat que de vrai
mérite_.

MATHILDE. J'ai mis mes soucis dans un vase de marbre noir; je les ai
liés avec les cordes de mon piano, et j'écris dessus: _On les retrouve
partout_.

ÉMILIE. Sur le vase d'albâtre qui contient mon lis, lié avec un ruban
blanc, je fais graver cette devise que je viens de lire: _Ex candore
decus_, et dont voici la traduction: _Sa beauté vient de sa blancheur_.



LES MÉTAMORPHOSES.

Il est encore question de fleurs dans ce jeu: mais elles doivent
représenter des personnes présentes ou absentes. On forme un bouquet
composé de trois, quatre ou cinq fleurs au plus, en l'absence d'une des
jeunes filles, qui doit faire un emploi quelconque des fleurs que l'on a
choisies, et qui ne sait pas quelles sont les personnes ainsi
métamorphosées. On ne le lui dit qu'après, et le seul intérêt du jeu est
de faire un choix de fleurs qui induise en erreur la personne à qui on
les offre. Donnons-en un court exemple:

Émilie sort, et on décide de choisir trois fleurs: une pensée, un pied
d'alouette et une jacinthe.

Lorsque Émilie rentre on lui demande ce qu'elle en fait. Elle répond
qu'elle met la pensée sur son coeur; qu'elle jette loin le pied
d'alouette qu'elle n'aime pas, et qu'elle met la jacinthe sur sa
fenêtre, parce que l'odeur en est trop forte. Alors on lui apprend
qu'elle a mis sur son coeur une vieille femme du village, qu'elle a
rejeté son amie Marie, représentée par le pied d'alouette, et qu'elle a
mis sur sa fenêtre sa petite soeur qui vient de naître.

Ce jeu est encore employé comme une des pénitences quand on tire des
gages, ainsi que nous le verrons à la fin de cette quatrième partie.



LA VOLIÈRE.

Chacune des jeunes filles prend le nom d'un oiseau. Celle qui dirige le
jeu, après avoir reçu tout bas les noms d'oiseaux, dit tout haut: «J'ai
dans ma volière un serin, un hibou, un colibri, etc.,» mais en
brouillant l'ordre pour qu'on ne sache pas quel est l'oiseau que chacune
a choisi. La première jeune fille dit alors tout haut: «Je donne mon
coeur à tel oiseau, je confie mon secret à tel oiseau, j'arrache une
plume à tel oiseau.» Ensuite, celle qui dirige le jeu, en se souvenant
bien de ce que chacune a dit à son tour, ou l'écrivant si elle craint de
ne pas s'en souvenir, déclare que l'oiseau auquel l'une a donné son
coeur, est telle de ses compagnes, et qu'elle doit l'embrasser; qu'elle
doit aller faire une confidence à celle à qui elle a confié son secret,
et demander un gage à celle à qui elle a arraché une plume.

Ce jeu ressemble un peu à celui des métamorphoses; on devient oiseau, au
lieu de se changer en fleur. Il n'y faut faire figurer que les personnes
présentes.

LE PAPILLON ET LES FLEURS.

Chacune des jeunes filles prend le nom d'une fleur, et celle qui dirige
le jeu fait le rôle de papillon. Si quelques jeunes garçons étaient
admis parmi les jeunes filles, ils pourraient représenter les insectes;
sinon, il faut, pour éviter toute confusion, que les jeunes filles
chargées de ce rôle se mettent toutes d'un côté et les fleurs de
l'autre, en forme de demi-cercle. Le papillon se place en face d'elles.

Il y a dans ce jeu huit règles qui doivent être soigneusement observées:

1º Les insectes sont représentés par des garçons, s'il est possible, et
les fleurs par des jeunes filles.

2º On ne doit appeler que les insectes ou les fleurs qu'on a désignés.
Par exemple, s'il y a six jeunes filles, on conviendra que l'une est le
lis, une autre la balsamine, une autre la violette, la quatrième sera
l'oeillet, la cinquième sera la marguerite, et la sixième sera le
muguet. Si on appelle la rose, qui ne s'y trouve pas, on devra un gage.
De l'autre côté, les six autres prennent les noms de chenille, de
cerf-volant, d'abeille, de ver à soie, de fourmi et de guêpe. Si on
appelle la mouche, on donne un gage.

3º On ne devra pas appeler deux fois le même insecte ou la même fleur.

4º Quand on nommera le _jardinier_, toutes les jeunes filles
représentant les fleurs étendront les bras comme pour montrer avec quel
plaisir les fleurs déploient leur feuillage lorsque le jardinier vient
les arroser. Tous ceux qui portent le nom d'insectes, au contraire,
devront faire un petit saut en arrière comme pour fuir le jardinier.

5° Au mot _arrosoir_, les fleurs devront relever leur tête, et les
insectes baisser la leur en se mettant à genoux, par crainte d'être
mouillés.

6° Au mot _soleil_, les fleurs et les insectes se lèveront tous, aimant
également le soleil.

7° Chacune doit parler quand elle entend son nom.

8° Après avoir pris les positions indiquées dans les articles 4, 5 et 6,
chacun restera comme il est, jusqu'à ce qu'on appelle quelque fleur ou
quelque insecte. (Voy. plus bas à l'exemple de la guêpe.) Quand on
manque à une de ces règles, on donne un gage.

Il n'y a pas de règle établie pour ce qui doit être dit par les
personnes qui jouent. Cela dépend d'elles et de la vivacité de leur
esprit. L'intérêt du jeu consiste à bien dire ce qui est dans le
caractère du rôle que l'on a choisi, soit en improvisant, soit en
récitant quelque morceau de littérature que l'on se rappellerait à
propos. Nous allons donner quelques exemples pour nous faire comprendre.
Nos jeunes lectrices trouveront sans doute des choses meilleures à dire
que tout ce que nous pourrions leur indiquer. Après que tout a été
disposé selon l'ordre indiqué, le papillon commence.

LE PAPILLON. O belle fleur! comment pourrai-je te louer? On dit que je
suis inconstant, que je vais de fleur en fleur, mais je veux prouver ma
constance en me reposant longtemps sur les feuilles de ce beau lis.

LE LIS. Votre flatterie prouve votre inconstance. Les amis fidèles ne se
vantent pas de leur amitié. De quelle valeur sont vos compliments pour
une fleur qui ne veut entr'ouvrir son calice que pour les purs rayons du
_soleil_ (tous se lèvent)? Votre flatterie me déplaît presque autant que
les piqûres de la _guêpe_. (Ici la guêpe qui est restée debout avec les
autres, jusqu'à ce qu'un nom fût prononcé, se rassied et dit:)

LA GUÊPE. Quoi qu'en disent les fleurs, elles ne sont jamais si
contentes que quand on leur fait des compliments. Même quand la
sécheresse leur fait baisser la tête, elles sont fâchées de voir venir
le _jardinier_ (voy. art. 4), de peur que son _arrosoir_ (voy. art. 5)
ne dissipe et n'éloigne la foule des insectes qui voltigent autour
d'elles, surtout autour de la _balsamine_.

Nous avons donné des exemples qui suffiront à faire comprendre le jeu,
et nous laisserons maintenant l'abeille répondre seule.



LES SIGNES.

Chaque jeune fille, dans ce jeu, représente un animal dont elle imite le
cri, le grognement ou le chant, et s'il est possible quelques-uns des
mouvements. L'intérêt consiste à changer rapidement de rôle entre les
divers acteurs. On n'est pas obligé de prendre le rôle de l'animal qui
vient de prendre le vôtre; on peut choisir celui de tel autre personnage
de la ménagerie, lequel peut à son tour contrefaire tel animal qui lui
convient.



LES MAGOTS.

La jeune fille qui commence dit à sa voisine à droite: _Mon vaisseau est
revenu de la Chine_. L'autre demande: _Qu'a-t-il apporté?_ La première
répond: _Un éventail_, et elle fait avec sa main droite le geste de
s'éventer. Toutes les personnes présentes font le même geste. La seconde
à son tour dit à la troisième: _Mon vaisseau_, etc., et, sur sa
question, répond: _Deux éventails_, en ajoutant le geste de la main
gauche, qui est imité par tous les autres. A la troisième, on dit:
_trois éventails_, et on fait agir le pied droit sans cesser d'agiter
les deux mains. Au _quatrième éventail_, on remue le pied gauche; au
cinquième, la paupière de l'oeil droit; au sixième, celle de l'oeil
gauche; au septième éventail, la bouche; au huitième enfin la tête. Ces
mouvements exécutés tous à la fois par toutes les jeunes filles qui
jouent, leur donnent une complète ressemblance avec des pantins à
ressorts ou de petits magots de la Chine.



LE BÂTIMENT.

Celle qui dirige le jeu fait prendre aux autres les noms des matériaux,
des outils ou des parties qui composent un bâtiment, comme le plâtre, la
chaux, la pierre, la truelle, le balcon, l'escalier, etc.; ensuite elle
fait un discours où elle parle d'un édifice qu'elle a entrepris, nommant
toutes les choses l'une après l'autre, et celle qui en porte le nom doit
aussitôt répéter ce nom deux fois, ou payer un _gage_.



LE JARDINAGE.

C'est le même jeu que le précédent: seulement on change les noms, et on
y prend ceux des outils qui servent au jardinage et des objets qui se
voient dans un jardin, comme râteau, bêche, arrosoir, bosquets, allées,
bassin, fontaine, cerisiers, orangers, etc.



LE CAPUCIN.

C'est encore un jeu qui a une grande analogie avec les précédents.
Chacune prend le nom d'une partie de l'habillement d'un capucin. L'une
sera le manteau, l'autre la robe, l'autre les sandales, l'autre la
barbe, l'autre le capuchon, etc. Une aussi fait le rôle de capucin, et
enfin celle qui dirige le jeu s'appelle l'_historien_. Elle doit
inventer une histoire où figure un capucin, et, chaque fois que dans
cette histoire revient un des noms donnés, il faut que celle qui le
porte le répète deux fois si l'historien le dit une, et une fois si
l'historien le dit deux. Ce jeu, qui est assez animé s'il est bien
conduit, et qui fait donner beaucoup de gages, ressemble un peu à celui
de la toilette de madame, que nous avons décrit plus haut; mais il
demande quelques efforts d'imagination, parce qu'il y a un récit qu'il
faut inventer en y faisant entrer souvent les mêmes mots.



COMBIEN VAUT L'ORGE?

A ce jeu, il y a une des jeunes filles qui représente le _maître_, et
dont le rôle est le plus difficile, parce qu'elle fait les questions.
Les autres s'appellent Pierrot, Combien, Comment, Oh, oh!, Vingt sous,
Trente sous, Quarante sous, etc. On invente tous les noms qu'on veut.
Dès qu'on s'entend appeler, il faut répondre: «Plaît-il, maître?» et
alors le maître vous demande combien vaut l'orge, et on répond le prix
qu'on veut. Nous allons mettre ce jeu en action, et distribuer ainsi les
rôles:

_Le maître._ Henriette.

_Pierrot._ Hélène.

_Combien._ Louise.

_Comment._ Marie.

_Oh, oh!_ Émilie.

_Vingt sous._ Juliette.

_Trente sous._ Mathilde.

HENRIETTE. Je commence, soyez bien attentives. Pierrot?

HÉLÈNE. Plaît-il, maître?

HENRIETTE. Combien vaut l'orge?

HÉLÈNE. Trente sous.

HENRIETTE. Oh, oh!... c'est bien cher... Un gage, Émilie. Dès que j'ai
prononcé: «Oh, oh!» il fallait répondre: «Plaît-il, maître?»

ÉMILIE. Plaît-il, maître?

HENRIETTE. Combien vaut l'orge?

ÉMILIE. Vingt sous.

HENRIETTE. Ce n'est pas trop cher, vingt sous!

JULIETTE. Plaît-il, maître?

HENRIETTE. Bon! c'est cela; combien vaut l'orge?

JULIETTE. Trente sous.

HENRIETTE. Oh, oh!... Combien?... Comment?... Eh bien! personne ne
répond?

LOUISE. Je pensais à la distraction d'Émilie.

HENRIETTE. C'est ce qui arrive souvent à ce jeu-là.

Il est assez rare de pouvoir retrouver l'origine d'un de ces jeux
d'esprit, qui n'a pas ordinairement assez d'importance pour que l'on se
soit occupé de la conserver et de la transmettre aux races futures; mais
ici, il paraît qu'un fait historique a donné lieu à une coutume qui a
longtemps existé, et qui ne se retrouve plus que dans le jeu dont nous
venons de tracer l'esquisse. Le fameux duc de Lorges, faisant le siége
de la petite ville de Lagny, dit, en parlant des habitants: «Ils me
résistent, mais je leur ferai voir combien vaut _l'orge_.» Depuis cette
époque, les habitants de Lagny se croyaient insultés quand on leur
adressait cette question; ils se saisissaient du malencontreux
questionneur, et le plongeaient dans une fontaine sur la place.
Quelquefois, on faisait la très-mauvaise plaisanterie de faire dire à
quelqu'un qui ignorait les conséquences de cette phrase innocente:
«Combien vaut l'orge?» et il l'apprenait à ses dépens.



LES CRIS DE PARIS.

Chacune des jeunes filles prend le nom d'un de ces marchands qui
parcourent les rues de Paris en annonçant à haute voix leur marchandise.
Un grand nombre de ces cris est de tradition, et conserve sans doute
depuis des siècles les mêmes formules et les mêmes inflexions de voix.
Nous allons indiquer ceux que l'on entend le plus fréquemment:

_Le marchand d'habits._ Habits, habits, galons!

_La marchande de chiffons._ Chapeaux à vendre! Voilà la marchande de
chiffons!

_La marchande de plaisirs._ Voilà l'plaisir, mesdames, voilà l'plaisir!

_Le marchand de cerises._ A la douce, cerises, à la douce!

_Le marchand de groseilles._ Groseille à confire, à confire!

_Le marchand d'huîtres._ A la barque, à la barque, à la barque!

_La marchande de poissons._ Harengs qui glacent, qui glacent, limandes à
frire, à frire!

_Le marchand d'oeufs._ A la coque, tous les gros oeufs, à la coque!

_La lanterne magique._ Voilà la lanterne magique! (très-lentement et
avec accompagnement d'orgue de Barbarie)!

_La marchande de cerneaux._ Des gros cerneaux!

_Le marchand de fromages._ Bon fromage de Marolles!

_Le marchand de légumes._ Des choux, des poireaux, des carottes, des
navets, navets!

_Le marchand de jouets._ V'là les petits moulins à vent! V'là
l'amusement des p'tits enfants!

_Le marchand de coco._ A la fraîche, qui veut boire? etc.

Maintenant, pour jouer le jeu, chacune des jeunes filles ayant pris un
métier, elles se promènent lentement. La première qui commence appelle
l'une d'elles par le nom de son métier. Celle-ci, à l'instant, doit
imiter le cri qui convient à ce métier. Alors l'autre lui demande une
des choses qu'elle doit vendre. Il faut qu'elle réponde: «Je n'en ai
pas, demandez à tel autre marchand.» Celle qu'elle désigne commence à
imiter le cri du rôle qu'elle a pris. On lui fait la même question; elle
renvoie aussi à une autre, et ce jeu, qui n'a pas d'autre mérite que
l'imitation fidèle des cris bien connus, n'est pas assez compliqué pour
avoir besoin d'une plus longue explication. On donne des gages quand on
manque à l'appel de son nom, ou quand on demande à un marchand un objet
qu'il ne doit pas vendre.



LES ÉLÉMENTS[15].

[Note 15: On a cru, pendant des siècles, que les corps n'étaient
composés que d'eau, de terre, d'air et de feu, et on a appelé les quatre
substances des _éléments_, c'est-à-dire des corps qui ne pouvaient être
décomposés. Aujourd'hui que la physique et la chimie ont découvert
soixante-quatre ou soixante-cinq éléments, tels que l'oxygène,
l'hydrogène, l'iode, le potassium, etc., on a reconnu que l'air, l'eau,
la terre et le feu étaient formés de plusieurs principes, et pouvaient,
par conséquent, se décomposer. Le mot élément, dans ce sens, ne doit
donc être pris que comme acception générale ou figurée.]

[Illustration: Les éléments.]

Dans ce jeu, on emploie un mouchoir roulé comme une balle. Les jeunes
filles sont assises en cercle. Celle qui dirige le jeu jette la balle à
une de ses compagnes, en disant: _Terre_, _air_ ou _eau_. On omet le
_feu_ parce qu'il ne contient pas d'habitants. La jeune fille à qui la
balle est adressée doit, en la recevant, répondre par le nom d'un animal
vivant dans l'élément nommé. Si on lui dit: «Air,» sa réponse sera:
«Aigle» ou «Vautour,» ou quelque autre oiseau. Si le mot est: «Eau,»
elle répond par le nom d'un poisson; par le nom d'un quadrupède, si on
lui dit: «Terre.» Il faut répondre promptement et sans se tromper. Si,
au lieu de jeter une balle, on préfère se servir de rubans, comme dans
le jeu de _la narration_, que nous avons expliqué plus haut, c'est un
moyen qu'on peut employer. Nous allons, à l'occasion de ces rubans,
indiquer un petit jeu simple, dont ils font tous les frais.



LES RUBANS.

On tient les rubans de la manière que nous avons indiquée précédemment.
Lorsque celle qui en a tous les bouts réunis dans sa main, dit: «Tirez,»
il faut lâcher le ruban qu'on tient, sans l'abandonner tout à fait.
Quand elle dit: «Lâchez,» il faut au contraire tirer à soi, et il en
résulte des méprises fréquentes, et par conséquent une moisson de gages
plus ou moins considérable.



L'ORATEUR.

Deux personnes seulement agissent dans ce jeu, tandis que les autres
restent spectatrices. L'une doit parler sans faire de gestes, l'autre
doit faire des gestes sans parler. Celle qui représente l'orateur est au
milieu de la chambre, enveloppée dans un grand manteau. L'autre se place
derrière elle, cachée entièrement par le grand manteau, à genoux si elle
est trop grande, et passant ses bras par les ouvertures des manches,
tandis que les bras de l'orateur ne doivent pas bouger. Quand tout est
prêt, celle qui représente l'_orateur_ récite un long monologue en vers
ou en prose, qu'elle sait par coeur, à moins qu'elle ne préfère
l'improviser. Elle doit être immobile, tandis que celle qui est cachée
doit faire beaucoup de gestes qui non-seulement seront mal appropriés au
discours, mais encore seront aussi exagérés et aussi ridicules que
possible. On peut déclamer une longue tirade, comme le récit de
Théramène ou le songe d'Athalie; mais nous indiquons à regret ces beaux
morceaux, que nous n'aimons pas à voir parodier.



CHARADES EN ACTION.

Les enfants doivent savoir qu'une _charade_ est un mot qui peut se
séparer, et dont chaque syllabe forme également un mot. On divise le mot
entier en commençant à définir la première syllabe, ensuite la seconde
et ainsi de suite, et on définit encore le tout. On les donne alors à
deviner. Nous ne présentons ici que l'exemple le plus connu, pour nous
faire comprendre.

       Mon premier est un métal précieux,
       Mon second un habitant des cieux,
       Et mon tout est un fruit délicieux.

Le mot est _or-ange_.

Les charades en action, dont nous allons parler, sont très-amusantes à
jouer et à voir jouer. On choisit un mot, dont on formera une action,
comme les différentes scènes d'une comédie. Pour se costumer, on
emprunte tout ce que des amis complaisants veulent bien prêter de leur
garde-robe: écharpes, manteaux, fourrures, plumes, armes, etc. On
s'affuble du mieux qu'on peut, et on tâche de mettre le plus d'esprit
possible dans l'arrangement des petites scènes que l'on présente au
public. Il faut que le mot ait bien son emploi dans toute l'action, mais
que les spectateurs aient quelque peine à le deviner. Il faut aussi leur
demander de ne le révéler, s'ils l'ont découvert, que lorsque toute la
_pièce_ est jouée; car il arrive souvent que, pour faire preuve de
perspicacité, on détruit tout l'effet d'une scène bien arrangée. On
comprend que, quand le mot est trop tôt deviné, les acteurs se sentent
refroidis pour achever leur rôle; cependant nous leur conseillons encore
d'aller jusqu'au bout.

Nous allons donner l'esquisse d'une charade très-simple, dont le mot est
_cordon_.

Dans la première partie, il s'agit de mettre en action le mot _cor_, et
l'idée de la chasse se présente naturellement. Les acteurs figurent, les
uns des piqueurs, les autres des chasseurs, les autres des chiens.
Quelques-uns _chevauchent_ sur une chaise. Le malheureux cerf se
distingue par un bois élevé, formé de petits fagots branchus. Les
fanfares se font entendre, et c'est dans cette partie de l'action que se
retrouve le mot _cor_, qu'il faut démêler à travers tout le mouvement de
la chasse:

       Du cor bruyant j'entends déjà les sons.
       . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
       Le cerf frémit, s'étonne et balance longtemps.
       Doit-il, loin des chasseurs, prendre son vol rapide?
       Doit-il leur opposer son audace intrépide?
       Il hésite longtemps; la peur enfin remporte,
       Il fuit, il court, il vole. . . . . . . . .

On suit avec intérêt les manoeuvres du pauvre cerf.

       Du son lointain du cor, bientôt épouvanté,
       Il part, rase la terre; ou, vieilli dans la feinte,
       De ses pas, en sautant, il interrompt l'empreinte;
       Ou tremblant et tapi loin des chemins frayés,
       Veille et promène au loin ses regards effrayés,
       S'éloigne, redescend, croise et confond sa route.
       Quelquefois il s'arrête, il regarde, il écoute;
       Et des chiens, des chasseurs, de l'écho des forêts,
       Déjà l'affreux concert le frappe de plus près.

Les piqueurs ont peine à retenir leurs chiens pleins d'ardeur. Ils les
ont découplés à la poursuite du cerf haletant.

       Sur lui seul, à la fois, tous ses ennemis fondent[16]

et le cor sonne enfin l'hallali.

[Note 16: Delille.]

Le second tableau est plus paisible. Une jeune princesse, qui vient de
naître, est dans un petit berceau entouré des dames de la cour. Des fées
se présentent pour lui faire chacune un _don_. «La plus jeune lui donna
pour don qu'elle serait la plus belle personne du monde; celle d'après,
qu'elle aurait de l'esprit comme un ange; la troisième, qu'elle aurait
une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait; la quatrième, qu'elle
danserait parfaitement bien; la cinquième, qu'elle chanterait comme un
rossignol; la sixième, qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments
dans la dernière perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle
dit, en branlant la tête avec plus de dépit que de vieillesse, que la
princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait. Ce
terrible don fit frémir la compagnie, et il n'y eut personne qui ne
pleurât. Dans ce moment, une jeune fée sortit de derrière la tapisserie,
et dit tout haut ces paroles: «Rassurez-vous, roi et reine, votre fille
n'en mourra pas; je n'ai pas assez de puissance pour détruire ce que mon
ancienne a fait. La princesse se percera la main d'un fuseau; mais, au
lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui
durera cent ans, au bout desquels le fils d'un roi viendra
l'éveiller[17].»

[Note 17: Contes de Perrault, la _Belle au bois dormant_.]

Pour le mot cordon, qui est le _tout_ de la charade, on peut chercher
une scène chez les Orientaux et représenter un vizir tombé en disgrâce,
qui reçoit avec respect le fatal _cordon_ que son maître lui envoie, et
qui découvre son cou, avec assez de regret, pour se soumettre à la
volonté du sultan.

Pour bien jouer les charades, il faut que quelqu'un les dirige avec
intelligence et autorité; car si chacun veut suivre sa propre idée,
l'effet général sera manqué.

Nous allons donner maintenant quelques mots qui peuvent être mis en
action.

Il faut, autant que possible, choisir des mots dans lesquels
l'orthographe n'est point défigurée quand on les décompose en syllabes.

Chardon (char, don).--Charpente (char, pente).--Orange (or,
ange).--Drapeau (dra, peau.)--Mercure (mer, cure).--Merveille (mer,
veille).--Famine (fa, mine).--Assaut (as, saut).--Poisson (pois,
son).--Chiendent (chien, dent).--Chèvrefeuille (chèvre,
feuille).--Cornemuse (corne, muse).--Charpie (char, pie).--Passage (pas,
sage).--Verjus (ver, jus).--Vertige (ver, tige).--Verveine (ver,
veine).--Orage (or, âge).--Corbeau (cor, beau).

Il serait convenable d'avertir les spectateurs chargés de deviner le mot
d'une charade, dans le cas où l'on aurait choisi des mots dont
l'orthographe ne serait pas exactement conservée, tels que ceux-ci:
chapeau (chat, peau); champion (chant, pion); dédain (dé, daim); armure
(art, mûre ou mur), etc.



BOUTS-RIMÉS.

Voici un genre d'amusement qui demande une certaine habitude de la
versification et qui exerce l'esprit plus qu'aucun de ceux que nous
avons vus jusqu'à présent. On donne à quelqu'un des mots bizarres,
rimant ensemble, et il faut que chacun de ces mots s'ajuste au bout d'un
vers sans que le sens soit trop tourmenté. Quelques exemples vaudront
mieux que notre définition, et nous allons les prendre chez des auteurs
du dix-septième siècle, temps où les bouts-rimés étaient fort à la mode.
Celui-ci, qui est de Molière, fut composé à la demande du prince de
Conti, qui en avait sans doute donné les mots difficiles:

       Que vous m'embarrassez avec votre               _grenouille_,
       Qui traîne à ses talons le doux nom d'          _hypocras_!
       Je hais des bouts-rimés le puéril               _fatras_,
       Et tiens qu'il vaudrait mieux filer une         _quenouille_.

       La gloire du bel air n'a rien qui me            _chatouille_;
       Vous m'assommez l'esprit, avec un gros          _plâtras_,
       Et je tiens heureux ceux qui sont morts à       _Coutras_,
       Voyant tout le papier qu'en sonnets on          _barbouille_.

       M'accable de rechef la haine du                 _cagot_,
       Plus méchant mille fois que n'est un vieux      _magot_,
       Plutôt qu'un bout-rimé me fasse entrer en       _danse_.

       Je vous le chante clair, comme un               _chardonneret_.
       Au bout de l'univers je fuis dans une           _manse_;
       Adieu, grand prince, adieu; tenez-vous          _guilleret_.

Si on relit les mots donnés, on verra qu'il était difficile de remplir
des bouts-rimés avec plus de bonheur; mais il semble que Molière
lui-même ait trouvé sa tâche pénible, et il est vrai qu'il faut
s'exercer assez longtemps pour parvenir à bien y réussir. Parmi ces
curiosités littéraires, nous pouvons encore donner un sonnet que cite
Ménage et qui est peut-être le chef-d'oeuvre du genre.

«En 1683, une jeune demoiselle qui sera ici nommée Iris, pleurait à
chaudes larmes un beau chat qu'on lui avait dérobé. Pour l'en consoler,
on s'avisa de lui adresser un sonnet dont les rimes n'étaient composées
que de noms de villes et de provinces.» L'invention était nouvelle; mais
quoique la difficulté fût, ce semble, capable de faire quitter la plume
aux plus hardis, il parut néanmoins que l'auteur du sonnet qui suit
l'avait heureusement ou surmontée ou éludée:

       Iris, aimable Iris, honneur de la              _Bourgogne_,
       Vous pleurez votre chat plus que nous          _Philipsbourg_[18].
       Et fussiez-vous, je pense, au fond de la       _Gascogne_.
       On entendrait de là vos cris jusqu'à           _Fribourg_.

       La peau fut à vos yeux fourrure de             _Pologne_[19];
       On eût chassé pour lui Titi[20] de             _Luxembourg_[21].
       Il faisait l'ornement d'un couvent de          _Cologne_.
       Mais quoi, l'on vous l'a pris? On a bien pris  _Strasbourg_[22].

       D'aller pour une perte, Iris, comme la         _Sienne_[23],
       Se percer fortement la gorge d'une             _Vienne_[24],
       Il faudrait que l'on eût la cervelle à l'      _Anvers_[25],

       Chez moi le plus beau chat, je vous le dis, ma _Bonne_[26],
       Vaut moins que ne vaudrait une orange à        _Narbonne_,
       Et qu'un verre commun ne se vend à             _Nevers_.

Voilà bien des connaissances dépensées en bouts-rimés. On rapporte
l'origine de ce jeu d'esprit à Dulot, poëte médiocre, qui vivait au
dix-septième siècle. Ce poëte s'était plaint d'avoir perdu 300 sonnets,
dont il avait par avance fait les rimes; cette manière de procéder parut
si singulière, qu'on imagina d'en faire l'essai par forme de
passe-temps. C'est aussi comme simple passe-temps que nous conseillons
ce jeu d'esprit à nos jeunes filles.

[Note 18: Place importante que nous perdîmes en 1676.]

[Note 19: La Pologne fournit des fourrures.]

[Note 20: Titi est le nom d'un chien de Mademoiselle d'Orléans, sur la
mort duquel l'abbé Cotin fit un madrigal.]

[Note 21: Luxembourg ici est le palais qu'habitait Mademoiselle
d'Orléans.]

[Note 22: Strasbourg s'était rendu au roi (Louis XIV) en septembre
1681.]

[Note 23: Pronom féminin mis à la place de Sienne, ville de Toscane.]

[Note 24: Lame d'épée ainsi nommée, de Vienne en Dauphiné, où elles
étaient excellentes.]

[Note 25: Allusion d'Anvers à envers.]

[Note 26: Allusion de bonne, adjectif féminin, à Bonne, non commun à
plusieurs villes.]



LES GAGES.

On sait qu'un gage est le prix donné par une personne qui a fait quelque
erreur dans un jeu. Ce prix est représenté par n'importe quel petit
objet: un dé, une bague, un ruban, etc. Lorsque le jeu est fini, et que
les gages ont été rassemblés, on les tire au hasard, et, l'on décide,
avant tout, quelle sera la pénitence imposée au possesseur du gage. Si,
dans les jeux, il y a des jeunes filles et des jeunes garçons, on en
fait la distinction. Il faut que les gages soient renfermés dans une
corbeille recouverte ou sur les genoux couverts d'un tablier, et que la
personne qui est chargée de les _tirer_ mette une bonne foi rigoureuse à
ne pas choisir, parce que la main peut discerner la forme des objets. Le
mieux, pour éviter toute tentation de ce genre, est de charger la
personne qui dirige le jeu d'imposer la pénitence, sans qu'elle puisse
voir le gage qu'une autre vient de tirer.

Nous allons indiquer quelques-unes des pénitences les plus usitées.
Comme on en invente sans cesse de nouvelles, nous nous bornerons à
donner ce qui est de tradition.

La formule est: «Le premier gage touché fera telle pénitence.»

Voici les différentes pénitences:

Il faut danser.

Chanter une chanson.

Réciter quelques vers.

Faire la statue. Pour cela, il faut que la jeune fille à qui appartient
le gage se mette au milieu de la chambre. Chacune des autres vient tour
à tour lui donner une pose différente.

Annoncer la mort du roi de Maroc. Cela se fait en tirant deux gages à la
fois. La pénitence pour les deux personnes est de se rencontrer en
faisant semblant de pleurer et de se dire: «Le roi de Maroc est mort.»
On se sépare et l'on se rencontre de nouveau en disant: «Hélas! hélas!»
On se sépare et on se rencontre encore en disant: «Il m'aimait beaucoup,
parce que je suis gai, très-gai, excessivement gai.» Tout cela avec la
figure la plus triste.

Une pénitence du même genre consiste à tenir une bougie allumée de
chaque main, à se placer devant une glace, et à chanter sans rire:

       Ah! que je suis drôle!
       Ah! que je suis plaisant!

sur l'air de _Vive Henri IV!_ en répétant assez de fois pour chanter
l'air entier.

Rire en faisant la gamme ascendante et descendante sur _ah!_

Garder son sérieux pendant cinq minutes, quelles que soient les mines
que l'on vous fait.

Rire dans un coin de la chambre, pleurer dans un autre, bâiller dans le
troisième et sauter dans le quatrième.

On fait, derrière la personne qui doit accomplir la pénitence, trois
actions qu'elle ne doit pas voir, et on lui demande ce qu'elle choisit
pour elle. Ces actions sont de figurer un baiser, un petit soufflet et
une chiquenaude. On lui donne ensuite ce qu'elle a choisi.

Il faut imiter le cri de l'animal qu'on vous indique.

Baiser une boîte _en dedans_ et _en dehors_, sans l'ouvrir. La personne
à qui on donne cette pénitence en ignore le secret, qui est de baiser la
boîte en dehors _de la chambre_ et dans la chambre.

On remarquera que l'on impose souvent des pénitences dont il est
difficile de s'acquitter parce que l'on n'en sait pas le vrai sens;
ainsi celle qui suit:

Passer à travers le trou de la serrure. Pour cela, il faut écrire son
nom sur un papier que l'on fait passer par cette étroite ouverture.

Baiser le dessous du chandelier. Pour cela, on pose le flambeau sur la
tête d'une de ses amies que l'on embrasse.

Oter une pièce de vingt sous de son front sans y toucher. On applique
une pièce de monnaie un peu mouillée sur le front de la jeune fille qui
a la pénitence, et on a soin de la retirer et de la cacher ensuite dans
la main; mais l'impression du froid qui reste après que la pièce est
ôtée fait croire à celle à qui on l'a appliquée qu'elle tient encore, et
elle fait divers mouvements pour l'ôter, sans y porter les mains.

Faire le tour de la chambre à cloche-pied.

Compter vingt à rebours. Il y a aussi une foule de petites phrases,
difficiles à prononcer, que l'on donne pour pénitence. On en trouvera
quelques-unes plus haut, dans l'article intitulé la _Clef du jardin_. On
trouvera aussi différents jeux qui sont employés au même usage, comme
celui des _Métamorphoses_, quand on vous donne pour pénitence de dire ce
que vous faites d'un _bouquet_.

Tirer au blanc. On attache une feuille de papier à la tenture. Le milieu
est marqué par un petit rond tracé, et il faut que l'on s'avance du bout
de la chambre avec le bras tendu et que l'on place le bout de son doigt
juste au milieu du rond. Il vaut mieux que le bout du doigt soit
légèrement noirci pour qu'il laisse une trace. Si l'on a encore une
quantité de gages à tirer et que l'on veuille aller plus vite, on peut
les tirer tous à la fois, en y procédant de cette manière. Une des
jeunes filles dit à sa compagne: «Madame Trois-Étoiles vient de
s'évanouir.» L'autre répond: «Comment?» La première prend une pose
bizarre. La seconde adresse la même phrase à celle qui suit, qui la
questionne de même, et elle prend à son tour une pose. Ainsi de suite
jusqu'à la dernière; ce qui forme des attitudes variées.

On peut encore faire un concert de chats. Chacune chante une chanson
différente, toutes à la fois.

Nous n'en donnons pas davantage, parce qu'il nous semble que cette série
doit suffire. On en pourra inventer d'autres du même genre.

[Illustration: deco.]



LA DANSE.

Il semble, au premier moment, que rien n'est plus simple que de danser,
et la plupart des jeunes filles, en suivant leur propre instinct,
pensent qu'elles n'ont pas besoin des leçons d'un maître. Cependant la
danse est un _art_, qui a ses lois, ses règles, ses principes arrêtés;
et, quand on veut véritablement la cultiver, il ne faut pas moins qu'une
étude continuelle et souvent très-pénible. Ce n'est pas à ce degré de
perfection que nous voulons amener nos jeunes lectrices; mais nous
croyons qu'elles aimeront à trouver ici quelques explications que nous
rendrons aussi claires que possible.

La danse, si on l'analyse, se compose d'_exercices_, de _pas_, et enfin
de _figures_ dans lesquelles ces pas, enchaînés les uns aux autres,
forment un ensemble dont le plan est tracé à l'avance. Aujourd'hui on se
contente d'exécuter en marchant les figures, dont il est très-facile de
retenir les différentes combinaisons, et il serait même ridicule d'y
faire entrer les _pas_ que l'on enseigne à la leçon. Mais ces mêmes pas,
supprimés dans une contredanse, doivent être connus et étudiés, parce
qu'ils servent à donner le sentiment de la mesure, et qu'ils ont
également de l'influence sur le _maintien_. Nous croyons à l'utilité des
leçons de danse pour corriger les mouvements gauches et disgracieux, et
nous pensons que, pour les jeunes filles, ces leçons ont un avantage
réel sur la gymnastique, en contribuant de même à leur développement
physique, sans excéder la mesure de leurs forces.

Habituellement le maître de danse fait étudier les pas au son d'un
instrument. C'est quelquefois un violon ordinaire, mais le plus souvent
c'est une _pochette_, sorte de violon très-aigre, assez petit pour ne
pas gêner les mouvements du professeur lorsqu'il en joue lui-même tout
en répétant les pas en même temps que l'élève. Lorsqu'on n'a aucun
instrument, il faut au moins chanter pour bien régler la mesure.

Les positions. Ce sont les différentes manières dont les pieds se
placent, en conservant facilement l'équilibre du corps. Ces positions,
au nombre de cinq, se retrouvent dans la formation des pas, et comme on
les désigne souvent en enseignant les exercices, il est bon de s'en
souvenir. Nous désirons que l'élève s'accoutume également à mettre ses
pieds _en dehors_, c'est-à-dire à les tourner de manière que, les deux
talons étant joints, les pieds se trouvent sur une même ligne. On arrive
par degrés à ce point assez difficile, qui a l'avantage de donner de la
souplesse aux articulations, et il faut le maintenir dans tous les
exercices de la leçon.

_La première position_, que nous venons de décrire, se fait en plaçant
les talons l'un contre l'autre, les pieds étant sur une ligne
horizontale.

_La deuxième_, de la même manière, en écartant les talons à peu près à
la distance de la longueur du pied.

_La troisième_, en croisant les pieds à la moitié de leur longueur,
c'est-à-dire que les chevilles se touchent.

_La quatrième_ comme la troisième, mais en mettant entre les pieds, qui
sont en face l'un de l'autre, la distance d'à peu près la largeur du
pied.

_La cinquième_, en croisant exactement les deux pieds, de manière que le
bout de l'un corresponde au talon de l'autre.

Ce n'est qu'aux danseurs de profession que l'on enseigne différentes
positions des bras; cependant nous engageons l'élève, pendant les
exercices, à les tenir quelquefois étendus horizontalement, et comme
servant de balancier, la main un peu abaissée en ployant le poignet et
le pouce touchant le doigt du milieu. Habituellement les bras doivent
retomber naturellement sans se coller au corps. La tête doit être droite
ou un peu tournée, les épaules abaissées, le buste bien _d'aplomb_ sur
le corps, et enfin l'attitude de la personne doit être naturelle,
c'est-à-dire sans affectation et sans roideur.

Exercices. En se mettant à la troisième position, l'élève exécutera les
exercices suivants:

Les _battements_, qui consistent dans le mouvement d'une jambe, tandis
que l'autre supporte le corps. Il y a deux sortes de battements: les
_grands battements_ et _les petits battements_. Pour les premiers, on
élève la jambe à une certaine hauteur, et on la replace alternativement
à la troisième position, devant et derrière le pied qui est resté à
terre. Pour les _petits battements_, le pied qui agit a la pointe
tournée en bas et le cou-de-pied très en dehors, et il vient se croiser,
presque sans quitter la terre, sur le pied resté immobile, en s'appuyant
sur la cheville, derrière et devant alternativement. Les petits
battements doivent s'exécuter avec plus de rapidité que les grands
battements.

Les _ronds de jambe_ s'exécutent en se plaçant à la première position et
en décrivant un cercle complet en dehors, avec le pied posé à plat quand
les deux talons se rapprochent, tandis qu'il est sur la pointe, le
cou-de-pied tendu, à l'endroit du cercle où il y a le plus d'écartement.
Le cercle se fait soit en dedans, soit en dehors.

Dans ces différents exercices, qui sont les plus usités, il est permis
de s'appuyer pour conserver l'équilibre.

Les _pliés_, qui donnent une grande souplesse, doivent se faire en se
mettant dans chacune des cinq positions successivement, et en se
baissant presque jusqu'à terre et se relevant sur la pointe des pieds.

Il y a encore quelques exercices qui rentrent dans la série des pas, et
que nous devons placer sous ce titre:

Pas. Les _assemblés_ se font en plaçant les pieds à la troisième
position, et les déplaçant alternativement, c'est-à-dire que le pied
droit, étant d'abord devant le pied gauche, s'y met à son tour par une
sorte de glissade de côté pendant laquelle l'élève ploie légèrement les
genoux afin que son pas soit flexible, puis se relève en sautant un peu,
mais sans secousse. On comprend que les pas se font en changeant de
place, puisque chaque pied les exécute alternativement. Dans les
_assemblés_, on avance progressivement de la _largeur_ du pied.

Les _jetés_ se font de la même manière; mais le pied doit se retrouver
un peu relevé sur la cheville de l'autre pied, la pointe en bas, comme
dans les petits battements.

Les _glissades_ se font comme les assemblés, mais en glissant de côté,
et en rapprochant de la jambe qui agit celle qui soutenait le corps.

Les _temps levés_ se font en mettant un pied de la troisième à la
quatrième position avec le même mouvement du corps que dans les
assemblés.

Les _chassés_, comme les _temps levés_, mais en redoublant, c'est-à-dire
en faisant deux pas de suite ou davantage, le pied qui est devant étant
chassé par celui qui est derrière quand il s'agit d'avancer, et le même
mouvement s'exécutant en arrière quand il s'agit de reculer.

Tous ces pas, que nous venons de décrire, se faisaient autrefois pendant
une contredanse. On les a remplacés par une sorte de marche cadencée,
entremêlée de quelques glissades, pour laquelle on ne s'inquiète pas de
mettre les pieds _en dehors_. Cependant, comme il y a encore quelques
avis à donner, c'est ici que nous répétons ce que nous avons dit plus
haut sur le maintien, dont une des premières conditions est le naturel,
non pas ce que l'on prend très-souvent pour le naturel, et qui n'est
qu'une certaine manière d'être _sans façon_ et aussi sans grâces, mais
une simplicité pleine de charme, qui est comprise par tous, et peut à
peine se définir. Nous avouons qu'on ne l'acquiert pas par des leçons;
mais les leçons peuvent corriger les défauts contraires. Nous ne
donnerons pas, comme on le faisait autrefois, des règles pour la manière
de marcher, d'entrer dans la chambre, de saluer, etc.; et cependant,
sans insister sur ces détails, nous devons dire qu'il est bon de
s'exercer à faire des révérences plus ou moins profondes, selon le degré
de respect que l'on doit à la personne que l'on salue, et en conservant
le _centre de gravité_, c'est-à-dire l'équilibre. Pour y parvenir
sûrement, il faut encore une certaine habitude.

M. JOURDAIN. A propos! apprenez-moi comme il faut faire une révérence
pour saluer une marquise; j'en aurai besoin bientôt.

LE MAÎTRE A DANSER. Une révérence pour saluer une marquise?

M. JOURDAIN. Oui, une marquise qui s'appelle Dorimène.

LE MAÎTRE A DANSER. Donnez-moi la main.

M. JOURDAIN. Vous n'avez qu'à faire, je le retiendrai bien.

LE MAÎTRE A DANSER. Si vous voulez la saluer avec beaucoup de respect,
il faut faire d'abord une révérence en arrière, puis marcher vers elle
avec trois révérences en avant, et à la dernière vous baisser jusqu'à
ses genoux.

M. Jourdain n'oublie pas la leçon, mais il a commencé à saluer de trop
près la marquise Dorimène, et il est obligé de lui demander de se
reculer un peu pour la _troisième_, afin que son salut soit fait d'après
toutes les règles.

Du temps de M. Jourdain, la révérence et le salut avaient une
très-grande importance, et formaient les principaux éléments du
_menuet_, qui était à peu près la seule danse en usage alors. On
comprend qu'il fallait des danses graves et lentes en rapport avec les
costumes de l'époque, dont la riche ampleur n'aurait pu s'accommoder à
des mouvements vifs et légers. Aussi les danses anciennes, comme la
_pavane_, la _sarabande_, la _chaconne_, le _menuet_, n'étaient guère
que des attitudes qui permettaient aux danseurs de montrer leurs grâces
étudiées. Nous croyons qu'il y a quelque chose à regretter dans ces
danses d'un caractère sérieux, plus agréables à regarder que le galop ou
la valse à deux temps; mais nous ne pouvons qu'en rappeler le souvenir,
et, puisque l'art moderne a adopté de nouvelles formes, ce sont
celles-là que nous allons tenter d'enseigner à nos enfants.


LE QUADRILLE OU LA CONTREDANSE.

Pour former un quadrille, il ne faut pas être moins de quatre personnes,
deux _dames_ et deux _cavaliers_, en face les uns des autres, le
cavalier, ou la jeune fille qui le remplace, à la gauche de sa danseuse.
Lorsqu'on est huit, on forme un carré, et enfin, on peut multiplier le
nombre des danseurs d'un quadrille toujours en augmentant de quatre,
afin que chacun ait son vis-à-vis. Si on n'est que quatre, la musique
cesse lorsque la figure est terminée; mais elle recommence pour les
danseurs placés dans l'autre sens, jusqu'à ce qu'ils aient dansé la
figure entière. Le quadrille, ou la contre-danse, se compose de cinq
figures, placées dans l'ordre suivant: le _pantalon_ ou _chaîne
anglaise_, l'_été_, la _poule_, la _pastourelle_ et la _finale_.

Le pantalon. Les danseurs qui se font vis-à-vis partent tous à la fois
en commençant la figure. On traverse pour changer de place et on revient
à sa place, pendant l'espace de huit mesures. Autrefois, on _balançait_
et on faisait un _tour de main_ avec son danseur, pendant huit mesures
encore; mais maintenant on reste en place pendant que la musique
continue. Puis les dames seules font la _chaîne des dames_ en se donnant
la main droite et donnant ensuite la main gauche au cavalier qui fait
vis-à-vis, avec qui elles font un demi-tour. Elles reviennent à leur
place de la même manière. On retraverse encore une fois et l'on revient
à sa place, comme au commencement de la figure. Dans tous les moments où
la danseuse ne donne pas la main, elle doit tenir sa robe, à peu près à
la hauteur des genoux, en la relevant très-peu, et sans affectation.

L'été. Un cavalier et une dame vis-à-vis marchent en avant et en
arrière, ou en _avant-deux_, pendant quatre mesures; puis de la même
manière, mais un peu en biais. Ils traversent ensuite pour changer de
place, avancent et reculent un peu en biais deux fois, et retraversent
pour gagner leur place. Quand ils s'en rapprochent, ils doivent faire
une sorte de _balancé_ avec le cavalier ou la dame qui les attendent;
mais le _balancé_, autrefois très-marqué et suivi d'un _tour de main_,
se fait à présent d'une manière presque inaperçue. Le cavalier et la
dame qui n'ont pas dansé vont en avant-deux à leur tour. Les autres
danseurs, placés sur les côtés, exécutent après eux la même figure.

La poule. A la poule, le cavalier et la dame vis-à-vis traversent en se
donnant la main droite, puis la main gauche, qu'ils gardent en offrant
la main droite au cavalier et à la dame restés à leurs places. On
balance sans se quitter et on reprend sa place pour aller en avant-d'eux
deux fois; on donne la main à sa dame ou à son cavalier, on va deux fois
_en avant quatre_, et l'on traverse en retournant ensuite à sa place, ou
bien, plus ordinairement, après avoir été en avant-quatre, on reste en
place pendant les huit mesures qui terminent la figure.

La pastourelle. Le cavalier conduit sa danseuse au cavalier de
vis-à-vis, qui lui donne la main gauche, et la droite à sa dame. Il les
conduit ainsi en avant et en arrière, puis en avant, et les remet au
cavalier resté seul, qui recommence à son tour en faisant de même. Après
s'être avancés deux fois, les deux dames et leur cavalier, sans se
quitter, reprennent la main du cavalier seul, et l'on fait un tour
entier en rond, puis l'on se sépare pour regagner sa place.

Le finale. Cette cinquième figure est semblable en tout à la seconde,
excepté que, dans les premières mesures qui précèdent l'_avant-deux_,
tous les danseurs du quadrille font une sorte de balancé général qui se
nomme _chassé-croisé_; ce balancé est répété encore au milieu et à la
fin de la figure.

Le quadrille, tel que nous venons de le décrire, peut se danser encore
en _quadrille croisé_, c'est-à-dire que tous les danseurs à la fois, des
quatre côtés du carré, dansent sans interruption, et s'entre-croisent
avec une certaine habileté qui consiste à prendre bien son temps pour ne
pas se rencontrer exactement au même point. On ne peut danser les
quadrilles croisés qu'entre quatre couples de danseurs. Dans la poule,
lors du _balancé-quatre_, les danseurs se tiennent les mains de manière
à former la croix. Dans la pastourelle, ceux qui partent les seconds,
passent constamment derrière le dos des premiers, et, au moment du
_rond_, tous ceux du quadrille se prennent la main pour former un rond
général.


LA VALSE.

La position est la même pour la valse et pour toutes les danses
allemandes qui sont de la même famille, comme la polka, la mazurka,
etc., dont nous parlerons plus tard. Le cavalier doit se trouver presque
en face de sa danseuse. Il doit la soutenir avec sa main droite, placée
à peu près à la hauteur de la taille. La danseuse aura sa main droite
dans la main gauche de son danseur, et l'autre main appuyée sur son
épaule. Il faut qu'elle se laisse entièrement guider par lui. C'est le
cavalier qui doit seul déterminer tous les mouvements pour éviter la
rencontre des autres couples; et quand la valseuse désire se reposer,
elle doit avertir son valseur, sans s'arrêter d'elle-même, afin qu'il
choisisse la place convenable.

On valse à deux temps et à trois temps, c'est-à-dire que le rhythme de
la musique reste le même, mais que dans la valse à deux temps on fait
seulement deux pas et trois tours; la valse à trois temps est moins
usitée aujourd'hui. Pour la valse à deux temps, l'orchestre doit presser
un peu le mouvement et l'accentuer avec un soin particulier.

Valse à trois temps[27]. Le cavalier doit se placer bien en face de sa
dame, et se tenir droit sans roideur, ni trop courbé ni trop cambré. Le
bras gauche doit être arrondi avec celui de la dame, de manière à former
un arc de cercle souple et moelleux.

[Note 27: Nous empruntons quelques-unes de ces explications à l'ouvrage
intitulé _la Danse des salons_, par M. Cellarius, professeur de danse.
Nous y puiserons aussi pour indiquer les figures du _cotillon_.]

Le cavalier part du pied gauche, et la dame du pied droit.

Le pas du cavalier se fait en passant le pied gauche devant sa dame.
Voilà pour le premier temps.

Il reporte le pied droit, un peu croisé, derrière le gauche, le talon
levé et la pointe en l'air. Voilà pour le deuxième.

Ensuite il pivote sur ses deux pieds, en montant sur les pointes, pour
se retrouver le pied droit devant, à la troisième position, allonge le
pied droit de côté, glisse le pied gauche de côté en pivotant sur le
pied droit, puis rapproche le pied droit devant à la troisième position.
Voilà pour les troisième, quatrième, cinquième et sixième temps.

La dame part au même instant que le cavalier, par le quatrième temps,
exécute le cinquième et le sixième, et continue par le premier, le
deuxième et le troisième, et ainsi de suite.

La préparation se fait par le cavalier: il pose le pied droit un peu en
avant sur le premier temps de la mesure, laisse passer le deuxième, et
saute sur le pied droit en levant la jambe gauche pour se trouver au
troisième temps et emboîter le premier pas de la valse. Cette
préparation donne à la dame le signal du départ.

Avec les six premiers pas, on doit accomplir un tour entier et employer
deux mesures. Les trois premiers pas doivent se tourner également dans
le premier demi-tour; il n'en est pas de même des trois derniers. Au
quatrième pas, le cavalier doit, sans tourner, placer son pied entre
ceux de sa dame, accomplir son demi-cour en passant devant la dame avec
le cinquième pas, et rapprocher le pied droit au sixième temps.

Le pied de la valseuse, comme celui du valseur, doit conserver sa
position ordinaire. On ne doit ni chercher à se placer sur les pointes,
ni rester non plus cloué sur les talons; la moitié du pied seule doit
porter sur le parquet, de manière à conserver le plus de solidité
possible, sans toutefois nuire à la légèreté.

Valse à deux temps. Le pas est fort simple, et n'est autre que celui du
galop exécuté d'une jambe et de l'autre en tournant; seulement, au lieu
de sauter ce pas, il faut s'attacher à le bien glisser, en évitant les
soubresauts et les saccades. J'ai indiqué déjà, à l'article de la valse
à trois temps, quelle doit être la position du pied. Le valseur doit
tenir les genoux légèrement pliés. Le fléchissement des jambes doit être
très-peu marqué et presque imperceptible à la vue. Il faut sur chaque
mesure faire un pas, c'est-à-dire glisser un pied et chasser de l'autre.
La valse à deux temps, différente en cela de la valse à trois, qui
décrit un cercle, se valse carrément et ne se tourne que sur le glissé.
Il est essentiel de noter cette différence de mouvement, afin
d'apprécier le caractère des deux valses.

La position du cavalier n'est pas la même pour la valse à deux temps que
pour celle à trois. Il ne doit pas se tenir en face de sa dame, mais un
peu à sa droite; s'incliner légèrement sur son épaule droite, ce qui lui
permet de bien s'élancer en entraînant sa dame. Le cavalier, dans la
valse à deux temps, part du pied gauche, et la dame du droit. La
valseuse doit s'abstenir de s'appuyer avec force sur l'épaule ou la main
de son valseur, ce que l'on appelle, en terme de valse, se _cramponner_.

Pour bien valser, il ne suffit pas de conduire toujours sa dame dans le
même sens, ce qui ramènerait bientôt l'uniformité de l'ancienne valse:
il faut savoir tantôt la faire reculer en faisant le pas de valse, non
plus obliquement, mais en droite ligne, tantôt la faire avancer sur soi
en faisant le même pas à reculons. Certains valseurs font même le pas de
_redowa_ de côté, qui n'est pas sans grâce, lorsqu'il s'exécute bien
d'accord avec la dame, et que l'on peut reprendre de côté sans perdre la
mesure. A-t-on de l'espace devant soi, on doit aussitôt étendre son pas
et prendre cette course impétueuse que les Allemands exécutent si bien,
et qui est un des plus heureux caractères de la valse à deux temps.

C'est ici qu'il convient de dire quelques mots de la valse dite _à
l'envers_, qui fait partie de la valse à deux temps. Le cavalier, au
lieu de s'élancer du côté gauche, ainsi qu'il est dit plus haut, peut
s'élancer du côté droit et continuer dans ce sens, en entraînant sa dame
avec lui.


LA POLKA.

La position du cavalier et de la dame est à peu près la même dans la
polka que dans la valse ordinaire. La polka se danse sur une mesure à
deux-quatre, mouvement d'une marche militaire un peu lent.

Le pas de la polka se divise en trois temps.

Dans le premier, le talon gauche doit être levé à côté de la jambe
droite sans la dépasser derrière et de manière à effleurer le mollet.
Dans cette position, on saute sur le pied droit, afin de donner l'élan
au pied gauche, qui forme une glissade en avant, à la quatrième
position.

Le deuxième et le troisième temps se composent de deux petits pas sautés
de chaque pied avec légèreté, en ayant soin que les deux pieds se
trouvent à peu près sur la même ligne. Au deuxième petit pas, on relève
la jambe droite, le talon près du bas du mollet gauche, et on laisse
passer le quatrième temps de la mesure, ce qui fait que trois temps
seulement se trouvent marqués. On recommence de l'autre pied et ainsi de
suite.

Le cavalier doit toujours partir du pied gauche, et la dame du droit,
comme à la valse ordinaire.

La polka offre dans son exécution plusieurs évolutions particulières: le
danseur devra faire tourner sa dame dans tous les sens, tantôt à droite,
tantôt à gauche, la faire reculer ou avancer sur lui, ou avancer en
droite ligne, à l'aide de ce mouvement connu, en terme de valse, sous le
nom de _redowa_; il devra même quelquefois faire pivoter la dame sur
place en rapetissant le pas, de manière à le former entièrement sous
lui.

Dans les premiers temps de la polka, on exécutait d'autres figures
auxquelles on a renoncé maintenant.

La polka-mazurka. La polka-mazurka a remplacé la mazurka, danse
nationale polonaise, dont les figures, très-compliquées, exigeaient
beaucoup d'étude. Il en est resté seulement un pas qui s'exécute sur un
mouvement de valse à trois temps, en sautant légèrement sur le pied
droit, laissant glisser le pied gauche à la quatrième devant, ce qui
emploie deux temps de la mesure. On recommence de l'autre jambe, et
ainsi de suite.

La position du pied est la même pour la polka-mazurka que pour la valse
à deux temps; on ne doit chercher ni à le cambrer, ni à le tourner en
dehors, mais le laisser dans sa position naturelle.

La marche est celle d'une valse.


LA REDOWA.

Cette danse, d'origine bohémienne, s'exécute par couples, ainsi que
toutes les valses. La mesure est à trois temps, et doit être jouée sur
un rhythme beaucoup plus lent que celui de la valse ordinaire.

La position du cavalier est la même que pour la valse à trois temps; le
cavalier part du pied gauche et la dame du droit. Le pas de la redowa,
en tournant, peut se décomposer ainsi pour le cavalier:

Jeté du pied gauche en passant devant la dame, comme dans la valse à
trois temps; glissé du pied droit derrière à la quatrième position de
côté; on ramène le pied gauche à la troisième position derrière, puis on
exécute un _pas de basque_ du pied droit, en rapportant le pied droit
devant, et on recommence du pied gauche.

Le _pas de basque_ s'exécute en trois temps, afin de marquer la mesure.
Pour le premier temps, on saute en changeant de jambe et en portant la
jambe changée en l'air à la quatrième position devant. Pour le deuxième
temps, on pose cette jambe à terre en la glissant un peu, et pour le
troisième, on chasse avec l'autre pied le pied qui est devant.

Pour valser à deux temps sur la mesure de la redowa, on doit faire
chaque pas sur chaque temps de la mesure et se retrouver, toutes les
deux mesures, le cavalier du pied gauche, et la dame du pied droit,
c'est-à-dire que l'on fait un pas entier et un demi-pas sur chaque
mesure.


LA SCHOTTISCH.

La schottisch se danse sur la même mesure que la polka. Pour les deux
premières mesures le pas est celui de la polka, excepté au quatrième
temps, où, le pied restant en l'air, on saute légèrement sur le pied qui
est posé. La première mesure se fait du pied droit, et la seconde du
pied gauche. Pour les deux mesures suivantes, au premier temps, on passe
le pied droit devant; au second temps, on saute légèrement en levant le
pied gauche derrière; le troisième temps et le quatrième se font de la
même manière avec le pied gauche. Ensuite on recommence le pas, qui se
fait en tournant, comme la polka.


LE GALOP

Le galop, qui se danse quelquefois à la fin d'un bal ou dans une figure
de cotillon, est de la plus grande simplicité. La position est la même
que pour la polka, et le pas consiste seulement à chasser un pied par
l'autre, en les changeant alternativement, pour franchir, devant soi, le
plus grand espace possible. Le galop se danse sur un mouvement animé,
que l'on presse vers la fin.


LE COTILLON.

Le cotillon est le finale presque obligé de toute réunion dansante.

Pour former un cotillon, on doit s'asseoir autour du salon en
demi-cercle ou en cercle complet, suivant le nombre des valseurs. On se
dispose couples par couples, le cavalier ayant toujours sa dame à sa
droite, et sans laisser d'intervalles entre les siéges.

Le cavalier qui se lève le premier pour partir prend le titre _de
cavalier conducteur_; la place qu'il occupe avec sa dame représente ce
qu'on appelle _la tête du cotillon_.

Le cotillon peut se composer de valse seule, de polka ou de mazurka; il
arrive souvent que l'on mêle ces trois valses ensemble, et que l'on
passe de l'une à l'autre pour plus de diversité.

Lorsque l'on commence par la valse, le couple conducteur part le premier
et fait le tour du salon, suivi des autres couples, qui reviennent
successivement à leur place. Le premier couple se lève de nouveau et
exécute une figure de son choix, que les autres couples doivent exécuter
à tour de rôle jusqu'à l'extrémité du cercle.

Celui qui conduit le cotillon donne à l'orchestre le signal du départ,
l'arrête lorsqu'il faut changer d'air dans les cotillons mêlés de valses
et de polka. L'orchestre doit jouer pendant toute la durée d'un cotillon
sans jamais s'arrêter, et ne cesser que lorsqu'il en a reçu l'ordre du
cavalier conducteur.

Le devoir du cavalier conducteur est de ne jamais perdre de vue les
autres couples, d'avertir en frappant des mains, les cavaliers
retardataires, ou ceux qui prolongeraient trop leur valse.

Nous donnerons maintenant l'explication de quelques-unes des figures du
cotillon les plus faciles à décrire et à comprendre.

La course. Le premier cavalier quitte sa dame après avoir valsé, et va
choisir deux autres dames dans le cercle; sa dame, de son côté, choisit
deux cavaliers. Ils se placent vis-à-vis l'un de l'autre à une certaine
distance, puis se lancent et font quelques tours de valse ou de polka,
chaque cavalier avec la dame qui se trouve devant lui.

Les fleurs. Le conducteur choisit deux dames et les invite à lui
indiquer à voix basse chacune une fleur. Il va présenter les deux dames
à un autre cavalier, et lui nomme les deux fleurs pour qu'il ait à en
choisir une. Le second cavalier valse avec la dame représentée par la
fleur qu'il a nommée, et le cavalier conducteur valse avec l'autre dame.
La dame du premier cavalier exécute la même figure avec les deux
cavaliers choisis par elle. Les _fleurs_ peuvent se faire à un, deux et
trois couples.

Les colonnes. Le cavalier conducteur valse avec sa dame, qu'il laisse au
milieu du salon. Il prend un cavalier qu'il place dos à dos avec sa
dame; il amène une autre dame qu'il place vis-à-vis du cavalier qu'il
vient de choisir, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il ait formé une
colonne de quatre ou cinq couples qu'il a le soin de terminer par une
dame. Au signal qu'il donne, en frappant dans les mains, chacun se
retourne et valse ou danse avec son vis-à-vis jusqu'à sa place. On peut
former une colonne double en partant deux couples à la fois.

Le coussin. Le premier cavalier part en tenant de la main gauche un
coussin. Il fait le tour du salon avec sa dame, qu'il fait asseoir au
milieu du salon, et lui laisse le coussin, que celle-ci doit présenter à
plusieurs cavaliers en les invitant à placer un genou dessus. La dame
doit le retirer avec vivacité devant les cavaliers qu'elle refuse, et le
laisser tomber devant celui qu'elle choisit pour valser.

La trompeuse. Deux ou trois couples partent en valsant et se séparent.
Chaque cavalier va choisir un cavalier, et chaque dame une dame. Le
cavalier conducteur choisit seul deux cavaliers. Les cavaliers forment
une ligne, et se placent dos à dos avec les dames, qui forment une ligne
parallèle. Le cavalier conducteur se tient hors des rangs, et se place
devant la ligne des dames. Il frappe dans ses mains et choisit une dame.
A ce signal, tous les cavaliers se retournent et prennent pour valser
les dames qui se trouvent derrière eux. Le cavalier qui se trouve sans
dame, par suite du choix du cavalier conducteur, retourne seul à sa
place.

Le serpent. Le premier couple part en valsant. Le cavalier laisse sa
dame dans un des angles du salon, le visage tourné vers la muraille, et
va chercher ensuite trois ou quatre dames qu'il place derrière la
sienne, en laissant entre chacune d'elles une certaine distance. Il va
choisir autant de cavaliers, lui compris, qu'il se trouve de dames. Il
forme une chaîne libre avec les cavaliers qu'il a choisis, et, après
avoir promené cette chaîne avec rapidité, il passe derrière la dernière
dame, puis entre chaque dame, jusqu'à ce qu'il ait repris la sienne. Il
frappe alors dans les mains, et chaque cavalier valse avec son
vis-à-vis.

Le changement de dames. Deux couples partent en valsant. Après avoir
décrit plusieurs circuits, ils doivent se rapprocher: les cavaliers
changent de dames sans perdre le pas ni la mesure: après avoir valsé
avec la dame l'un de l'autre, chacun reprend la sienne et regagne sa
place.

Le chapeau. Le chevalier laisse sa dame au milieu du salon, et lui remet
un chapeau. Tous les cavaliers viennent former un rond autour de la dame
en lui tournant le dos et marchant très-vite du côté gauche. La dame
place le chapeau sur la tête de l'un des cavaliers avec lequel elle fait
un tour de valse. Les autres cavaliers retournent à leur place.

L'écharpe. Cette figure est le pendant de celle du _chapeau_. Un
cavalier tient une écharpe à la main, au milieu d'un rond que les dames
forment autour de lui, et doit déposer l'écharpe sur les épaules de
l'une d'elles qu'il choisit pour valser. Chaque cavalier doit aller
rejoindre sa dame pour la reconduire à sa place.

Les dames assises. On place deux chaises dos à dos au milieu du salon.
Les deux premiers couples partent en valsant. Les deux cavaliers font
asseoir leurs dames sur les chaises, et vont ensuite choisir deux dames
avec lesquelles ils font le tour du cercle. Ils viennent ensuite
reprendre leurs dames pour les reconduire à leur place en valsant.
Pendant que les deux dames qu'ils viennent de quitter s'assoient à leur
tour, les deux cavaliers suivants exécutent la même figure, et ainsi de
suite. Quand tous les cavaliers ont fait la figure, il reste sur les
chaises deux dames que leurs cavaliers viennent délivrer. On peut faire
cette figure à trois ou quatre couples, en plaçant trois ou quatre
chaises au milieu du cercle.

Le chapeau magique. Le premier couple part en valsant. Le cavalier remet
à sa dame un chapeau qu'elle va présenter à plusieurs dames en les
engageant à y déposer un objet quelconque. Elle offre ensuite le chapeau
à plusieurs cavaliers qui prennent un des objets, et vont chercher la
dame à laquelle il appartient pour lui faire faire un tour de valse.
Cette figure peut être exécutée par plusieurs couples à la fois.

La phalange. Départ des deux premiers couples. Chaque cavalier va
choisir deux dames, et chaque dame deux cavaliers. Le premier cavalier
donne la main droite à la dame de droite et la main gauche à celle de
gauche; les deux dames se donnent la main derrière lui, de manière à
former une figure connue anciennement sons le nom des _Grâces_. La dame
du cavalier conducteur se place de même avec les deux cavaliers qu'elle
a choisis; les autres groupes se rangent à la suite dans la même
disposition, et se tiennent rapprochés de manière à former une phalange
qui part en exécutant le pas de polka, valse sans tourner, ou de
mazurka. Au signal donné, les cavaliers qui se trouvent entre deux dames
se retournent avec elles, et chacun valse avec son vis-à-vis jusqu'à sa
place.

Le cavalier trompé. Les cinq ou six premiers couples partent ensemble,
et vont se placer en rang deux par deux. Le premier cavalier tient sa
dame de la main droite, et ne doit pas regarder le couple qui se trouve
derrière lui. Sa dame le quitte, et va choisir un cavalier parmi les
autres couples. Ce cavalier et cette dame se séparent et avancent de
chaque côté de la colonne en marchant sur la pointe du pied, afin de
tromper le premier cavalier qui se trouve en tête, et s'efforcent de le
rejoindre pour valser ensemble. Si le cavalier qui est aux aguets peut
ressaisir sa dame, il la reconduit en valsant, et le cavalier suivant le
remplacera. Dans le cas contraire, il doit demeurer à son poste jusqu'à
ce qu'il ait pu prendre une dame. Le dernier cavalier restant valse avec
la dernière dame.

Le grand rond. Quatre couples partent à la fois. Chaque cavalier va
choisir un cavalier, et chaque dame une dame. On forme un rond général,
les cavaliers se tenant par la main du même côté, et les dames de
l'autre. On commence par tourner à gauche; puis le cavalier conducteur,
qui doit avoir sa dame de la main droite, s'avance sans la quitter, et
coupe le rond par le milieu, c'est-à-dire entre la dernière dame et le
dernier cavalier. Il tourne à gauche avec tous les cavaliers, tandis que
la dame tourne à droite avec toutes les dames. Le cavalier conducteur et
sa dame, après avoir décrit un demi-cercle renversé, se retournent et
valsent ensemble; le second cavalier prend la seconde dame, et ainsi de
suite, jusqu'à ce que la chaîne soit épuisée. Cette figure peut se faire
à cinq, six, sept, huit couples, et plus encore.

Les cercles jumeaux. Quatre couples partent ensemble. Chaque cavalier
choisit un cavalier, et chaque dame une dame. Les cavaliers forment un
rond, et les dames un autre à l'opposé. Le cavalier conducteur se place
dans le rond des dames, et la dame dans celui des cavaliers. Les deux
ronds tournent à gauche avec rapidité: à un signal donné, le cavalier
choisit une dame pour valser avec elle; sa dame en fait autant avec un
cavalier: pendant ce temps, les cavaliers se développent sur une ligne,
et les dames sur une autre. Les deux lignes avancent l'une vers l'autre,
et chacun valse avec son vis-à-vis. Cette figure, de même que la
précédente, peut être exécutée par autant de couples que l'on veut.

Le rond trompeur. Départ du premier couple. Le cavalier conducteur va
choisir trois dames qu'il place avec la sienne à une certaine distance
les unes des autres, et comme pour le jeu des quatre coins. Il choisit
ensuite quatre cavaliers, et forme avec eux un rond qui se trouve inséré
dans le carré que forment les quatre dames. Les cinq cavaliers doivent
tourner avec une très-grande vitesse, et à un signal donné, se retourner
et prendre la dame qui se trouve derrière eux pour valser. Il y a
nécessairement un cavalier qui est condamné à retourner seul à sa place.

La chasse aux mouchoirs. Les trois ou quatre premiers couples partent
ensemble. Les cavaliers laissent au milieu du salon leurs dames, qui
doivent toutes avoir un mouchoir à la main. Les cavaliers du cotillon
viennent former un rond autour des dames en leur tournant le dos, et
tournent rapidement à gauche. Les dames lancent leurs mouchoirs en
l'air, et valsent avec ceux des cavaliers qui s'en saisissent.

La mer agitée. On place deux rangs de chaises adossées les unes aux
autres, comme pour le jeu dont le nom a servi à désigner cette figure.
Départ du premier couple. Le cavalier conducteur, s'il a placé douze
chaises au milieu du salon, choisit six dames, y compris la sienne, et
les fait asseoir de deux en deux chaises. Il va chercher ensuite six
cavaliers avec lesquels il forme une chaîne qu'il dirige lui-même. Après
avoir décrit une course rapide dans les diverses parties du salon, et
qu'il peut prolonger ou varier à son gré, il finit par envelopper les
rangs de chaises où se trouvent les dames. Quand il s'assoit, tous les
cavaliers doivent s'asseoir au même instant, et chacun valse avec la
dame qui est à sa droite. Dans cette figure, comme dans celle du _rond
trompeur_, il se trouve nécessairement un cavalier de trop, qui doit
retourner seul à sa place.

Les quatre coins. On place quatre chaises au milieu du salon, à des
intervalles marqués, pour figurer les quatre coins. Le premier cavalier,
après avoir fait faire à sa dame un tour de valse, la fait asseoir sur
une des chaises, et prend les trois dames suivantes pour occuper les
trois autres chaises. Il se place debout au milieu, comme pour le jeu
des quatre coins: les dames, en restant assises, exécutent les
changements du jeu, qui se font, non plus en courant, mais en se tenant
par les mains pour changer de chaises. Quand le cavalier peut s'emparer
d'une des chaises laissée vacante par une des dames qui cherchait à
changer de place avec sa voisine, il valse avec celle qu'il a déplacée.
Un autre cavalier vient aussitôt se placer au milieu du rond, et une
autre dame vient occuper la chaise vacante. Quand le dernier cavalier a
pris la place de l'une des quatre dernières dames, les cavaliers des
trois dames qui restent doivent venir les prendre pour les reconduire à
leur place en valsant.

Le berceau. Quatre couples partent ensemble et vont former un rond
général au milieu du salon. Quand le rond est formé, les dames et les
cavaliers se retournent, et se trouvent dos à dos sans se quitter les
mains. Quatre autres couples partent et vont former un rond autour du
premier, mais sans se retourner. Dans cette position, et quand on est
vis-à-vis les uns des autres, les cavaliers se donnent les mains en
dessus, et les dames en dessous. Les cavaliers lèvent les bras assez
haut pour former une issue circulaire que les dames parcourent
rapidement et à gauche sans se quitter les mains. Au signal donné, les
bras des cavaliers s'abaissent à la fois pour arrêter les dames qui
valsent avec les cavaliers devant lesquels elles se trouvent. Cette
figure peut être exécutée par un grand nombre de couples.

La poursuite. Départ des trois ou quatre premiers couples. Chaque
cavalier du cotillon a le droit d'aller derrière chaque couple et de
s'emparer de la dame pour valser avec elle. Il doit frapper dans les
mains pour annoncer qu'il est dans l'intention de se substituer au
cavalier. Cette figure se continue jusqu'à ce que chaque cavalier ait
retrouvé sa dame pour la reconduire à sa place. Pour que cette figure
soit exécutée avec toute l'animation voulue, il faut qu'à mesure qu'un
cavalier s'empare d'une dame, un autre le remplace aussitôt. La
poursuite est une des figures finales du cotillon.

Le rond final. Toutes les personnes du cotillon forment un rond général.
Le cavalier conducteur s'en sépare avec sa dame, et il exécute une valse
au milieu du rond, qui s'est reformé autour d'eux. Il s'arrête à un
signal donné, et sa dame sort du cercle. Lui, choisit une dame avec
laquelle il valse dans le cercle. Il sort du cercle à son tour, et la
dame qu'il a choisie prend un autre cavalier, et ainsi de suite. Quand
il ne reste plus que deux ou trois couples, on exécute une valse
générale. Le _rond final_ s'exécute, ainsi que la _poursuite_, surtout à
la fin des cotillons.

Les quatre chaises. On place au milieu du salon quatre chaises que l'on
dispose comme pour les quatre coins. Quatre couples partent en valsant,
et se placent, chaque couple derrière une des quatre chaises. A un
signal donné, chacun valse autour de la chaise devant laquelle il se
trouve, puis passe à la suivante; et ainsi de suite en allant toujours à
droite. Cette figure doit être faite avec ensemble pour éviter de
s'entre-choquer. Pour finir, chacun regagne sa place en valsant.

La contredanse. Quatre couples vont se placer au milieu du salon, comme
pour la contredanse. Le premier couple part en valsant autour du couple
qui est à sa droite, et fait de la même manière le tour des trois autres
couples, qui répètent à leur tour la même figure. Quand tous les quatre
ont achevé, on retourne à sa place en valsant comme pour _les chaises_.

L'éventail. On place trois chaises au milieu du salon sur une même
ligne. Les deux chaises des extrémités doivent être tournées dans le
sens contraire de celle du milieu. Le premier couple part en valsant: le
cavalier fait asseoir sa dame sur la chaise du milieu et lui remet un
éventail. Il va chercher deux autres cavaliers qu'il fait asseoir sur
les deux autres chaises. La dame offre l'éventail à l'un des deux
cavaliers assis à son côté et valse avec l'autre. Le cavalier qui a reçu
l'éventail doit suivre le couple valsant en l'éventant et en sautant à
cloche-pied autour du cercle.

Le chapeau fuyant. Départ des deux premiers couples. Le cavalier
conducteur tient derrière lui, de la main gauche, un chapeau dont il a
soin de présenter l'ouverture. Le deuxième cavalier tient de la main
gauche une paire de gants roulée qu'il doit chercher à lancer dans le
chapeau sans cesser de valser. Quand il a réussi, il prend le chapeau,
et remet les gants à l'autre cavalier, qui recommence le même jeu.

Les petits ronds. Départ des trois ou quatre premiers couples. Chaque
cavalier choisit un cavalier, et chaque dame une dame. Les cavaliers se
placent deux par deux, et les dames aussi deux par deux devant les
cavaliers. Les deux premiers cavaliers et les deux premières dames font
en rond un tour entier à gauche; quand le tour est achevé, les deux
cavaliers, sans s'arrêter, lèvent les bras pour faire passer les deux
dames en dessous, et exécutent un autre tour avec les deux dames
suivantes. Les deux premières dames tournent de même avec les deux
cavaliers qui se présentent; chacun suit jusqu'à ce que les deux
premiers cavaliers soient arrivés aux dernières dames. Quand les deux
premiers cavaliers ont fait passer toutes les dames, ils se placent en
ligne, et les deux cavaliers suivants se rangent de chaque côté, de
manière à former, tous les cavaliers ensemble, une seule et même ligne
opposée à celle que les dames ont dû former de leur côté. Les deux
lignes avancent l'une vers l'autre par quatre mesures, puis se
rejoignent, et chaque cavalier prend la dame qui se trouve devant lui.
Polka ou mazurka générale pour finir.

Les génuflexions. Départ des deux premiers couples. Les deux cavaliers
mettent un genou en terre à une certaine distance l'un de l'autre. Dans
cette position, ils font tourner leurs dames deux fois autour d'eux sans
leur quitter la main. Après ces deux tours, les deux dames traversent la
main droite, et vont donner la main gauche à la droite de l'autre
cavalier pour faire également deux tours. Elles traversent une deuxième
fois de la main droite pour retrouver leurs cavaliers, qui se relèvent
et les reconduisent en valsant.

La corbeille. Départ du premier couple. Le cavalier choisit deux dames,
au milieu desquelles il se place; sa dame choisit deux cavaliers, et se
place aussi entre eux. On avance pendant quatre mesures, on recule
pendant quatre autres, on avance pendant quatre mesures, on recule
pendant quatre autres, on avance une dernière fois. Le cavalier qui
tient les deux dames lève les bras, et fait passer en dessous les deux
cavaliers, qui passent sans quitter les mains de la dame du premier
cavalier, et se donnent les mains derrière ce dernier. Les deux dames
choisies par le premier cavalier se donnent les mains derrière la dame
du cavalier conducteur, ce qui forme la corbeille. Dans cette position
on décrit un tour à gauche, et à un signal donné, sans que personne ne
quitte les mains, le cavalier du milieu passe sous les bras des deux
autres cavaliers, et la dame sous les bras des deux autres dames. Les
six personnes se trouvent alors avoir les bras enlacés. A un autre
signal, on sépare les bras, et on forme un rond ordinaire; on décrit un
tour, et le cavalier qui se trouve à la gauche de la première dame
commence une chaîne plate par la main droite, qui se continue jusqu'à ce
que le premier cavalier ait retrouvé sa dame. On termine par une valse.

La dame à gauche. Toutes les personnes du cotillon forment un rond
général; on tourne à gauche pendant quatre mesures; chaque cavalier fait
le tour sur place en avant, pendant quatre autres mesures, en ayant
soin, à la fin du tour, de laisser sa dame à gauche. On recommence le
rond sur quatre mesures, et chaque cavalier prend la dame qui se trouve
à sa droite, qu'il transporte à gauche, à l'aide d'un nouveau tour sur
place. On continue jusqu'à ce qu'on ait retrouvé sa dame. La dame à
gauche est une des figures finales du cotillon.

Pour terminer un cotillon, il est d'un usage assez général que chaque
couple, après la dernière figure, passe devant la maîtresse du cotillon
et s'incline devant elle successivement. Quelquefois, celui qui conduit
le cotillon a été la chercher à sa place, et l'a fait asseoir sur une
chaise placée au milieu du salon. Ce salut, qui a lieu dans quelques
réunions, n'est cependant pas obligatoire, et nous devons l'indiquer
seulement pour les circonstances où il paraît à propos de terminer ainsi
la soirée.

[Illustration]




TABLE DES MATIÈRES.


AVANT-PROPOS

PREMIÈRE PARTIE.
JEUX D'ACTION.

       Le loup ou la queue leuleu
       Cache-cache ou cligne-musette
       Cache tampon
       Le chat et la souris
       Le chat perché
       Petit bonhomme vit encore
       Le furet
       Jeu de la savate
       La main chaude
       Colin-Maillard
       Colin-Maillard assis et à la baguette
       Colin-Maillard à la silhouette
       Le sac d'étrennes
       Les ciseaux
       La mer agitée
       La toilette de madame
       Le voyageur et l'hôtellerie
       Les quatre coins
       Les voisins
       Le tiers ou les petits paquets
       Le loup et la bergerie
       Le labyrinthe ou la dentelle
       Les barres
       Le concert
       Le pied de boeuf
       La scie
       Les fromages
       Cloche-pied
       Le coton en l'air
       Le singe
       L'exercice à la prussienne
       L'assiette tournante      44

DEUXIÈME PARTIE.
JEUX AVEC JOUETS.

       Les bagues
       La balançoire ou escarpolette
       La balle
       Le ballon
       Les bulles de savon
       Le bilboquet
       Le cerceau
       La corde
       Les dames
       Les dés
       Le diable
       Les dominos
       L'émigrant
       Les grâces
       Les jonchets
       Le kaléidoscope
       La lanterne magique
       Le loto
       Le loup
       La marelle
       L'oie
       Les ombres chinoises
       Les osselets
       Le pantin
       Le parachute
       La poupée
       Le renard et les poules
       Le solitaire
       Le sphinx
       Le toton
       Le volant

TROISIÈME PARTIE
LES RONDES

       Nous n'irons plus au bois
       La boulangère
       Le laurier de France
       Il était une bergère
       Giroflé, girofla
       Le ciel et l'enfer
       La tour, prends garde!
       Ah! mon beau château
       Gentil coquelicot
       La mère Bontemps
       Guilleri
       Le chevalier du Guet
       Le pont d'Avignon
       L'avoine
       Savez-vous planter des choux?
       La mistenlaire
       Biron
       Ramène tes moutons
       J'aimerai qui m'aime
       Il faut que le mal cède
       La bonne aventure
       La marguerite
       Meunier, tu dors!
       La vieille
       Mon père m'a donné un mari
       Riche et pauvre
       Le rat de ville et le rat des champs
       Chanson de la mariée

QUATRIÈME PARTIE
JEUX D'ESPRIT

       Pigeon vole
       Le corbillon
       Comment l'aimez-vous?
       J'aime mon ami par A
       L'amour
       Le logement
       Proverbes, sentences ou devises
       Le mot caché
       Réponse en une phrase
       Plusieurs mots pour un
       Le mot indicateur
       Les cinq voyelles
       La leçon de lecture
       Les douze questions ou les trois règnes
       Oui ou non
       La clef du jardin
       La première syllabe
       La syllabe devinée
       L'apprenti
       Les mots prohibés
       Les couleurs prohibées
       La pensée, ou A quoi ressemble ce que je pense?
       Les comparaisons
       Les propos interrompus
       Les propos interrompus par écrit
       Les pourquoi et les parce que
       La narration
       Le journal
       L'avocat
       La sellette
       Les conséquences
       Le secrétaire
       Les devises
       Les métamorphoses
       La volière
       Le papillon et les fleurs
       Les signes
       Les magots
       Le bâtiment
       Le jardinage
       Le capucin
       Combien vaut l'orge?
       Les cris de Paris
       Les éléments
       Les rubans
       L'orateur
       Charades en action
       Bouts-rimés
       Les gages
       La Danse
       Les positions
       Les exercices
       Les pas
       Le quadrille ou la contre-danse
       Le pantalon
       L'été
       La poule
       La pastourelle
       Le finale
       La valse
       Valse à trois temps
       Valse à deux temps
       La polka
       La polka-mazurka
       La redowa
       La schottisch
       Le galop
       Le cotillon
       La course
       Les fleurs
       Les colonnes
       Le coussin
       La trompeuse
       Le serpent
       Le changement de dames
       Le chapeau
       L'écharpe
       Les dames assises
       Le chapeau magique
       La phalange
       Le cavalier trompé
       Le grand rond
       Les cercles jumeaux
       Le rond trompeur
       La chasse aux mouchoirs
       La mer agitée
       Les quatre coins
       Le berceau
       La poursuite
       Le rond final
       Les quatre chaises
       La contredanse
       L'éventail
       Le chapeau fuyant
       Les petits ronds
       Les génuflexions
       La corbeille
       La dame à gauche

FIN DE LA TABLE.






End of the Project Gutenberg EBook of Jeux et exercices des jeunes filles, by 
Marguerite Du Parquet

*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JEUX ET EXERCICES--JEUNES FILLES ***

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Section  2.  Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of computers
including obsolete, old, middle-aged and new computers.  It exists
because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come.  In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.


Section 3.  Information about the Project Gutenberg Literary Archive
Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service.  The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541.  Its 501(c)(3) letter is posted at
https://pglaf.org/fundraising.  Contributions to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
permitted by U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
throughout numerous locations.  Its business office is located at
809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
[email protected].  Email contact links and up to date contact
information can be found at the Foundation's web site and official
page at https://pglaf.org

For additional contact information:
     Dr. Gregory B. Newby
     Chief Executive and Director
     [email protected]


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